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INTRODUCTION GÉNÉRALE
REPRÉSENTATIONS
ET RÉALITÉS DU FINANCIER AU XXe SIÈCLE
L’homme apparaît alors à la croisée de multiples pouvoirs, doté d’une capa-
cité d’influence d’autant plus grande qu’elle est réputée discrète, voire occulte,
fruit d’une longue présence aux sommets de l’État, à une époque globalement
marquée par la croissance continue du poids de la puissance publique sur
l’économie et la société. Le grand commis passe ainsi pour avoir exercé,
depuis sa nomination, âgé de vingt-sept ans à peine, à la tête du cabinet de Paul
Reynaud en 1930, un véritable magistère sur les hommes politiques qui
s’étaient depuis succédé au gouvernement du pays, aussi bien à gauche, de
Vincent Auriol à Paul Ramadier, qu’à droite, de Paul Reynaud à Antoine
Pinay. Sans oublier, au centre d’une certaine manière, Edgar Faure, resté
notamment dans les mémoires comme le destinataire malheureux de la lettre
publique de remontrances écrite en 1952 par le gouverneur de la banque
d’émission au chef d’un gouvernement aux abois. Raymond Barre, en 1978
encore, quelques semaines avant la disparition de Baumgartner et au moment
précis où s’amorçait en France le tournant historique de la désinflation, avait
cité au Sénat le passage de cette lettre demeuré fameux : « C’est le sentiment
profond du Conseil général que l’État, comme les particuliers, vivent au-
dessus de leurs moyens »3.
Allié par sa mère, Mathilde Clamageran, au milieu des grands industriels
et portuaires du Havre, devenu par son mariage en 1930 le gendre d’Ernest
Mercier, grand patron de l’électricité et des pétroles, et protestant comme lui,
le brillant technicien des finances publiques et de la monnaie passait pour
entretenir des liens étroits avec le monde des affaires, encore nourris et
renforcés au cours des longues années passées à la direction du Crédit
national et de la Banque de France, institutions situées à l’intersection de la
chose publique et des intérêts privés. Le nom de Wilfrid Baumgartner n’était-
il pas d’ailleurs très souvent associé, comme dans l’article que lui consacra
en 1970 le Dictionnaire du capitalisme, à celui de son frère Richard, poly-
technicien, qui avait épousé la deuxième fille d’Ernest Mercier avant
d’entamer une brillante carrière industrielle qui le conduisit, entre autres, à
la tête du groupe de constructions mécaniques Hispano-Alsacienne puis à la
présidence de Lille-Bonnières et Colombe4 ?
Introduction générale 3
5. Sous la présidence d’Armand Salacrou et aux côtés, entre autres, de Robert Hossein, l’ancien
ministre de l’Économie et des Finances avait cette année-là attribué la palme d’or au Guépard de
Luchino Visonti. Cf. www.festival-cannes.com.
6. Le Figaro du 30 mars 1965.
7. La connaissance de l’histoire financière de la France de l’Ancien Régime demeure largement
fondée sur les très nombreux travaux qui lui furent consacrés tout au long du XIXe siècle. Les vastes
Histoires financières de la France dues par exemple à Jacques Bresson (1829), Augustin Bailly
(1830) ou encore Marcel Marion (1914), plusieurs fois rééditées, ont ainsi servi de base à l’abondante
bibliographie qui tant en France qu’à l’étranger a continué, au cours du XXe siècle et jusqu’à nos
jours, à démontrer la fertilité de ce champ de la recherche. Cf. Félix (Joël), Économie et finances sous
l’Ancien Régime, guide du chercheur, 1523-1789, Paris, CHEFF, 1994. Que Joël Félix, qu’il m’a été
donné de côtoyer durant les quelques précieuses années passées au sein du Comité pour l’histoire éco-
nomique et financière de la France, soit ici remercié pour les échanges que nous avons pu avoir alors
sur l’histoire moderne et contemporaine de la finance et des financiers.
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8. Le Goff (Jacques), « Les mentalités, une histoire ambiguë », Le Goff (Jacques) et Nora (Pierre),
sous la dir., Faire de l’histoire, vol. 3, Nouveaux objets, Paris, Gallimard, 1974, p. 76-94.
9. Cf. par exemple Bouvier (Jean), « Pour une analyse sociale de la monnaie et du crédit (XIXe-
XXe siècles) », Annales ESC, juillet-août 1974, p. 813-826.
10. Cf. Rey (Jean-Michel), Le temps du crédit, Paris, Desclée de Brouwer, 2002.
11. Braudel (Fernand) et Labrousse (Ernest) (dir.), Histoire économique et sociale de la France,
Paris, PUF, 1982, t. IV/3, p. 1678-1679.
12. Piétri (François), Le financier, Paris, Hachette, [1931].
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Introduction générale 5
LA BIOGRAPHIE
D’UN HAUT FONCTIONNAIRE DES FINANCES
La question des hauts fonctionnaires émerge en France après la Seconde Guerre
mondiale. Raymond Aron, au milieu des années 1950, avait ainsi l’un des
premiers posé le problème, au cœur de la « formule de la démocratie moderne »,
du pouvoir des « grands fonctionnaires » qu’il distinguait du pouvoir des hommes
politiques proprement dits : « Les fonctionnaires sont différents, en essence, parce
que, eux, gouvernent selon la rationalité et prétendent représenter l’universalité
de la collectivité [...]. D’où une tension virtuelle entre fonctionnaires et hommes
politiques »17. Avec l’avènement de la Ve République, la question devient l’un des
thèmes de recherche principaux des sciences politiques. Le sujet se cristallise
alors, pour le meilleur et pour le pire, dans le slogan de la « technocratie ». La
notion, on le sait, chemine sans conteste dès l’entre-deux-guerres et tend à prendre
une consistance nouvelle avec l’approche de la guerre et sous l’Occupation18. Ce
n’est qu’après 1945 qu’elle devient un objet d’étude véritable, de plus en plus
étroitement identifié avec la question du pouvoir des hauts fonctionnaires, princi-
palement dans le domaine de la vie économique19. Dans ce sillage, Bernard
17. Aron (Raymond), La lutte des classes, nouvelles leçons sur les sociétés industrielles, Paris,
Gallimard, 1964, p. 167 [publication du cours professé par Aron à la Sorbonne en 1955-1956].
18. Cf. Brun (Gérard), Technocrates et technocratie en France (1914-1945), Paris, Albatros,
1985, p. 7-11 ; Dard (Olivier), Le rendez-vous manqué des relèves des années 1930, Paris, PUF, 2002,
p. 247-263.
19. Cf. Meynaud (Jean), « Les Techniciens et le Pouvoir », Revue française de sciences politiques,
janvier-mars 1957, p. 5-36 ; Meynaud (Jean), La technocratie, mythe ou réalité ?, Paris, Payot, 1964,
p. 29-40. L’assimilation entre les technocrates et les hauts fonctionnaires est également au cœur de toute
une littérature polémique, à vocation plus ou moins satirique qui a connu une notable fortune dans les
années 1960, cf. Elgozy (Georges), Le paradoxe des technocrates, Paris, Denoël, 1966 ou encore, sur
un mode plus névrotique qu’humoristique et dans la veine inépuisable du « complot synarchique »,
Coston (Henry) (dir.), Les Technocrates et la Synarchie, Paris, Lectures françaises, 1962.
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Gournay s’interrogeait ainsi dès 1964 sur l’influence réelle dans l’évolution de
l’économie et de la société du groupe restreint des plus hauts fonctionnaires, soit,
selon lui, quelques centaines d’individus tout au plus, que leurs fonctions au
sommet de l’État mettaient « en relation constante avec le personnel politique »20.
Question importante, cruciale même au regard des exigences et des idéaux de la
vie démocratique moderne. Face à ce défi, le recours à la biographie individuelle
de grands commis pouvait sembler un biais commode. Au début des années 1980
pourtant, on pouvait déplorer que les hauts fonctionnaires, dont la réalité collec-
tive était incontestable, demeuraient individuellement toujours aussi mal connus.
« Les biographies d’hommes politiques sont nombreuses, soulignait alors
Bernard Gournay. Mais la vie et l’action personnelle des grands commis de l’État,
à l’époque contemporaine, n’ont guère tenté les auteurs »21. Et force est de recon-
naître que le renouveau qui a caractérisé le genre biographique depuis une ving-
taine d’années n’a pas infirmé cette apparente désaffection que des motifs
d’opportunité commerciale ne suffisent pas seuls à expliquer.
Sans reprendre les multiples dimensions du riche débat épistémologique
développé en France et à l’étranger dans les années 1980-1990 autour de la
biographie et de ses rapports à l’histoire comme discipline, marquons simple-
ment ici les obstacles qui font de la biographie d’un haut fonctionnaire des
finances une entreprise difficile, voire d’une certaine manière impossible. Le
retour de faveur de la biographie, après le discrédit dont elle avait semblé
frappée durant l’âge d’or de l’école des Annales, a ainsi pu correspondre,
comme l’a bien formulé Jacques Le Goff, à la redécouverte de « l’homme
individuel », du « personnage historique particulier ». « L’historien des struc-
tures, rassasié d’abstrait, était affamé de concret »22. À replacer, en effet, en
plus longue durée le rapport entre la biographie et les formes variables de
20. Gournay (Bernard), « Les grands fonctionnaires », Revue française de sciences politiques,
avril 1964, p. 215.
21. Gournay (Bernard), « L’influence de la haute administration sur l’action gouvernementale »,
De Baecque (Francis) et Quermonne (Jean-Louis) (dir.), Administration et politique sous la
Cinquième République, Paris, Presses de la FNSP, 1981, p. 248. Ce constat énoncé pour le cas fran-
çais vaut largement pour les autres pays. Les grands commis des finances n’ont guère fait à l’étranger
non plus l’objet de biographies véritablement scientifiques. Que l’on songe à Montagu Norman, le
puissant gouverneur de la Banque d’Angleterre de 1920 à 1944 qui attend toujours une biographie
réellement documentée. On peut évoquer aussi le cas de Bonaldo Stringher, haut fonctionnaire du
Trésor puis gouverneur de la Banque d’Italie de 1900 à 1930 dont Franco Bonelli, qui lui a déjà
consacré un petit livre prometteur, travaille à la biographie depuis de nombreuses années, cf. Bonelli
(Franco), Bonaldo Stringher, 1854-1930, Udine, Casamassima, 1985.
22. Le Goff (Jacques), « Comment écrire une biographie historique aujourd’hui ? », Le Débat,
n° 54, mars-avril 1989, p. 48-49.
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l’écriture de l’histoire depuis son invention par les Grecs, il apparaît que c’est
bien la tension entre l’individu et le collectif, le subjectif et l’objectif, l’événe-
mentiel et le structurel, mais aussi entre la liberté et la nécessité en histoire qui
fonde la « biographie comme problème »23.
Cette tension est plus nettement encore à l’origine du problème de la biogra-
phie d’un grand commis de l’État. Comment saisir l’action individuelle du haut
fonctionnaire alors qu’en vertu même de l’idéologie républicaine qui légitime
son action depuis au moins le dernier tiers du XIXe siècle, il se confond avec
l’État qu’il est réputé servir ? L’homme tend par conséquent à s’y effacer au
profit de la figure abstraite de l’administrateur, prétendu interchangeable et par
nature impersonnelle et même anonyme. Bien plus : on peut avancer que l’idée
même de la République en France repose largement sur une conception de
l’État « moderne », c’est-à-dire national, neutre et indivisible, qui par défini-
tion exclut la prise en compte des trajectoires individuelles qui l’incarnent24.
Le haut fonctionnaire, tout imprégné de son « devoir de réserve », doit
s’effacer devant ce qu’il est convenu d’appeler le sens de l’État qui, en France,
est depuis fort longtemps profondément perçu aussi comme le sens de
l’histoire. Cette réalité peut expliquer pourquoi l’histoire de l’État en France
demeure encore largement, comme le souligne Pierre Rosanvallon, « un
continent à explorer », alors même que la notion d’État est depuis longtemps
au centre du débat politique ou philosophique25. Elle permet aussi de
comprendre pourquoi la biographie d’un haut fonctionnaire peut sembler
a priori une entreprise non seulement malaisée mais vaine.
Cette difficulté est aggravée encore par le domaine de compétence du grand
commis des Finances : les réalités financières apparaissent toujours en effet
directement liées à un certain stade de développement des structures écono-
miques et sociales. S’il est un domaine où se pose la question de la valeur de
l’approche biographique face au primat des « forces profondes » qui
concourent à modeler les évolutions en longue durée des économies et des
sociétés, c’est bien celui des faits financiers. Wilfrid Baumgartner lui-même
n’en avait-il pas la plus claire conscience lorsqu’il professait devant ses
étudiants de l’École libre des sciences politiques que « les finances de l’État, ce
23. Cf. Levillain (Philippe), « Les protagonistes : de la biographie », Rémond (René) (dir.), Pour
une histoire politique, Paris, Le Seuil, 1988, p. 121-159 ; Loriga (Sabina), « La biographie comme
problème », Revel (Jacques) (dir.), Jeux d’échelles, la micro-analyse à l’expérience, Paris, Le Seuil/
Gallimard, 1996, p. 209-231.
24. Cf. Nicolet (Claude), L’idée républicaine en France (1789-1924), Paris, Gallimard, 1982,
p. 441-445.
25. Cf. Rosanvallon (Pierre), L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1990, p. 9.
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années 1970, pose ainsi avec une singulière acuité le problème historique de
l’État et du système financier français à l’époque contemporaine.
Ainsi conçue, la biographie du financier vise moins à illustrer une norme,
par conformité ou écart par rapport à celle-ci – ce qui revient toujours à la
confirmer –, qu’à s’interroger sur la norme elle-même : l’État « moderne »,
le « système » financier français, le « haut fonctionnaire » des Finances…
Ce n’est pas l’un des moindres apports du débat sur la biographie au sein des
sciences sociales que d’avoir contribué à mettre en évidence « l’illusion
biographique », si parfaitement explicitée par Pierre Bourdieu, qui gît au
cœur même de toute « histoire de vie »30 : linéarité supposée d’une trajectoire
individuelle, orientée selon un début qui est toujours un peu une cause
première, et progressant par étapes « chronologiques » vers une fin qui est
toujours aussi un but ; rationalité censée présider aux choix successifs d’un
personnage par nature parfaitement informé et propre à donner un sens, c’est-
à-dire une signification, à son existence ; unicité fondamentale du sujet de la
biographie par-delà les transformations successives de son milieu de vie et
de sa réalité biologique, dont le nom propre exprime parfaitement la perma-
nence « nominale ». La critique est radicale. Salutaire mise en garde au seuil
de la biographie du grand commis de l’État. Mais ne vaut-elle pas, avec plus
de pertinence encore, pour toute histoire de l’État lui-même, ce si puissant
personnage qui, au vrai, hante une bonne part de l’histoire de France telle
qu’elle s’écrit depuis Guizot au moins et jusqu’à De Gaulle inclusivement31 ?
C’est assurément l’enjeu principal de la biographie d’un haut fonctionnaire :
interroger du point de vue particulier d’un de ses « représentants », selon
l’expression consacrée, la consistance historique de cet État moderne dont
les sciences sociales ont fait depuis le dernier quart du XXe siècle un objet
d’étude à part entière.
Au sein même de la discipline historique, il est revenu au courant de la micro-
histoire de tracer avec le plus de netteté les grandes lignes d’une approche
nouvelle de l’histoire de l’État et de l’administration. Cette réflexion se présente
en rupture explicite avec le modèle macro-historique de l’État-nation, centra-
lisé, unifié et rationnel. Sa formation par étapes, du Moyen Âge à nos jours, est
ainsi étroitement identifiée, parfois explicitement, mais implicitement le plus
souvent, au processus de « modernisation » censé fonder le cours inexorable de
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32. Cf. Levi (Giovanni), « The Origins of the Modern State and the Microhistorical Perspective »,
Schlumbohm (Jürgen) (dir.), Mikrogeschichte, Makrogeschichte, komplementär oder inkommensurabel ?,
Göttingen, Wallstein, 1998, p. 55-82.
33. Cette voie de la recherche a notamment été explorée avec fruit par Maurizio Gribaudi à partir
d’une histoire de l’administration et des fonctionnaires de la Santé publique en France au XIXe siècle.
Cf. Gribaudi (Maurizio), « Les discontinuités du social. Un modèle configurationnel », in Lepetit
(Bernard) (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, EHESS, 1995, p. 187-
225 ; Gribaudi (Maurizio), « Des micro-mécanismes aux configurations globales : causalités et tem-
poralité historiques dans les formes d’évolution de l’administration française au XIXe siècle », in
Schlumbohm (Jürgen) (dir.), Mikrogeschichte…, op. cit., p. 83-128.
34. Cf. Théret (Bruno), Régimes économiques de l’ordre politique, esquisse d’une théorie régu-
lationniste des limites de l’État, Paris, PUF, 1992. Que Bruno Théret, croisé à l’occasion du séminaire
sur l’histoire du Trésor organisé au CHEFF en 1991-1992 soit ici remercié des pistes de recherche
qu’il me suggéra alors avec beaucoup de finesse et des modèles théoriques « fisco-financiers » qu’il
propose.
35. Bouvier (Jean), Un siècle de banque française, les contraintes de l’État et les incertitudes des
marchés, Paris, Hachette, 1973, p. 135.
36. Cf. Lévy-Leboyer (Maurice) et Casanova (Jean-Claude) (dir.), Entre l’État et le marché,
l’économie française des années 1880 à nos jours, Paris, Gallimard, 1991.
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37. Cf. Thiveaud (Jean-Marie), « Système de finances : la longue marche d’un concept », Revue
d’économie financière, n° 18, automne 1991, p. 13-28.
38. Cf. Bruguière (Michel), « Charles-Louis-Gaston Marquis d’Audiffret, fondateur de la
comptabilité publique française », Bruguière (Michel), Pour une renaissance de l’histoire financière
(XVIIIe-XXe siècles), Paris, CHEFF, 1991 [publié une première fois en 1984 dans le Bulletin de la
Société historique et archéologique de l’Orne], p. 253-262.
39. D’Audiffret (Gaston), Système financier de la France, Paris, P. Dufart, 1840, 2 volumes,
réédité en 1863 chez Paul Dupont en 6 tomes.
40. Ibid., préface, p. VI-IX.
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41. Cf. La Comptabilité publique, continuité et modernité, actes du colloque tenu à Bercy en
novembre 1993, Paris, CHEFF, 1994.
42. D’Audiffret (Gaston), Système financier…, op. cit., p. 434-435.
43. Ibid.
44. Piétri (François), Le financier, op. cit., p. 19-22.
45. Cf. Legendre (Pierre), Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, Paris, 1968 ; Lévy-
Leboyer (Maurice), « Histoire économique et histoire de l’administration », in Histoire de l’Adminis-
tration française depuis 1800, problèmes et méthodes, Genève, Droz, 1975, p. 61-74.
46. Kuisel (Richard F.), Le capitalisme et l’État en France, Modernisation et dirigisme au
XXe siècle, Paris, Gallimard, 1984 [1re éd. en anglais, 1981].
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47. Cf. Zysman (John), Governments, Markets, and Growth, Financial Systems and the Politics
of Industrial Change, Oxford, Martin Robertson, 1983 ; Loriaux (Michael), France after Hegemony,
International Change and Financial Reform, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1991.
48. Cf. Bayard (Françoise), « L’administrateur et le financier en France dans la première moitié
du XVIIe siècle », in Robert Descimon, Jean-Frédéric Schaub et Bernard Vincent, Les figures de
l’administrateur, Institutions, réseaux, pouvoirs en Espagne, en France et au Portugal, 16e-19e siècle,
Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1997, p. 109-120.
49. Cf. en particulier les travaux d’Emmanuel Chadeau et de Nathalie Carré de Malberg sur les
inspecteurs des Finances aux XIXe et XXe siècles dont la liste figure en bibliographie. Que Nathalie
Carré de Malberg soit ici remerciée pour avoir toujours partagé avec une grande libéralité sa parfaite
connaissance des inspecteurs des Finances.
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50. Weber (Max), Économie et société, t. I, Les catégories de la sociologie, Paris, Pocket, 1995,
p. 94 [première édition 1922].
51. Cf. Mertens (Jacques E.), La naissance et le développement de l’étalon-or, 1696-1922. Les Faits
et les théories, essai de synthèse économique et sociologique, Paris, PUF, 1944 ; Polanyi (Karl), La
Grande Transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1972
[1944 pour la première édition en anglais] ; Granovetter (Mark), « Action économique et structure
sociale : le problème de l’encastrement », Le Marché autrement. Les réseaux dans l’économie. Essais,
Paris, Desclée de Brouwer, 2000, p. 75-114 ; Aglietta (Michel) et Orléan (André), La monnaie entre
violence et confiance, Paris, Odile Jacob, 2002 ; Bourdieu (Jérôme), Heilbron (Johan) et Reynaud
(Bénédicte), « Les structures sociales de la finance », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 146-
147, mars 2003, p. 3-7.
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comme une partie intégrante de cette histoire et dont l’étude se suffit à elle seule
sans qu’il soit nécessaire de la justifier par référence au cours supposé plus
majestueux de la grande histoire. Autrement dit : Wilfrid Baumgartner n’éclaire
pas l’État en France au XXe siècle, il est, avec bien d’autres, l’État.
52. Déposées peu après son décès selon la volonté de Wilfrid Baumgartner par Éric Baumgartner,
son fils, au service des archives d’histoire contemporaine de la Fondation nationale des sciences politi-
ques, sous l’égide du Centre d’histoire de l’Europe du vingtième siècle (CHEVS), les Archives Wilfrid
Baumgartner (AWB) ont été remarquablement classées et inventoriées pièce à pièce entre 1982 et 1984
par Marie-Geneviève Chevignard. Nous remercions ici Jean-Noël Jeanneney, à qui Wilfrid Baumgartner
avait souhaité confier la tâche de veiller à l’exploitation scientifique de ses papiers, d’avoir bien voulu
nous en permettre l’accès et le remercions de la confiance qu’il a bien voulu nous témoigner pendant les
longues années qui auront été finalement nécessaires à l’achèvement de ce travail. Que les archivistes et
tout le personnel du CHEVS, particulièrement Odile Gauthier-Voituriez, puis Dominique Parcollet, ainsi
que Carole Gautier, soient également remerciés pour leur accueil et leur obligeance constante durant ces
nombreuses heures passées en leur compagnie rue du Four.
53. AWB, Recueil de doubles de lettre, (janvier 1971-avril 1978), non coté, Lettre de
W. Baumgartner à René Larre du 2 juin 1975.
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incontestables de l’autre : on y trouve ainsi toutes les notes écrites par le jeune
commis du ministère des Finances, puis toutes celles de ses collaborateurs que
collecta le président du Crédit national et plus encore le gouverneur de
l’Institut d’émission et, dans une moindre mesure, le ministre, nombre aussi de
dossiers préparatoires, procès-verbaux de réunions, comptes rendus de négo-
ciations, etc., qui sont autant de sources, parfois précieuses, pour l’histoire
économique et financière de la France entre 1925 et 1962. À partir cependant
de sa nomination comme ministre de l’Économie et des Finances au début de
1960, et plus encore à compter de son arrivée à la présidence de Rhône-Poulenc
à la fin de 1963, les papiers du grand commis changent soudain de nature : les
sources primaires relatives à ses nouvelles fonctions y deviennent très rares et
c’est par exception que l’on y trouve une note ou un document émanant de ses
services et de ses collaborateurs proches. Les coupures de presse et les traces
de ses activités à la ville, aux banquets annuelles de l’inspection des Finances,
comme président de l’Alliance française ou comme membre de l’Académie
des sciences morales et politiques y font désormais l’essentiel du fonds, lais-
sant davantage dans l’ombre son action potentielle aussi bien comme ministre
des Finances que comme président du grand groupe industriel.
Il a ainsi été nécessaire de croiser la source de premier ordre que constituent
les papiers de Wilfrid Baumgartner avec bien d’autres sources d’archives, publi-
ques et privées, en France comme à l’étranger. Les archives du ministère des
Finances, depuis longtemps parfaitement inventoriées et organisées sous l’égide
du SAEF, et celles de la Banque de France dont le classement méthodique a si
heureusement été entrepris depuis 1995 ont fourni les fonds publics complémen-
taires les plus importants pour le sujet. Mais la biographie demandait aussi que
soient consultés d’autres fonds : les papiers de Michel Debré ont ainsi procuré
une source fort éclairante pour la période 1959-1962 ; ce fut le cas également
pour les archives historiques de Rhône-Poulenc pour la période 1963-1973,
auxquelles Pierre Cayez avait eu accès dans les années 1980, dans le cadre de
son histoire générale de l’entreprise54, mais dont il fallut non sans mal retrouver
la trace, à la suite des réorganisations européennes successives de la branche qui
ont abouti à l’intégration du groupe au sein d’Aventis55. À ces fonds principaux
s’est ajoutée la consultation de bien d’autres archives propres à fournir des éclai-
rages sur les cheminements nombreux d’un haut fonctionnaire des finances qui
54. Cayez (Pierre), Rhône-Poulenc, 1895-1975, contribution à l’étude d’un groupe industriel,
Paris, Armand Colin, 1988.
55. Les archives historiques de Rhône-Poulenc sont à ce jour conservées à Besançon, sur l’ancien
site industriel de la Rhodiaceta au lieu-dit Près de Vaux dans une boucle du Doubs.
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semble durant une si longue période avoir revêtu une sorte d’ubiquité. Qu’on en
juge : sa présence est attestée aussi bien dans les archives des commissions des
Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat comme dans celle des organes
de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations ou encore de la Caisse
autonome d’amortissement, au Plan comme à la commission des comptes de la
Nation, au Crédit lyonnais comme à la BRI… L’exploitation de ces sources de
nature inévitablement institutionnelle ou administrative a, en outre, trouvé un
utile contrepoint dans le recours aux archives orales, soit sous la forme de
sources déjà constituées, comme pour le très précieux fonds d’archives orales
du Comité pour l’histoire économique et financière de la France, soit par la réali-
sation d’entretiens ad hoc avec de nombreux acteurs de l’État dans la période
qui, à un titre ou à un autre, pouvaient fournir un témoignage sur Wilfrid
Baumgartner. Face à cette masse documentaire qui est bien l’une des difficultés
majeures de l’histoire contemporaine, particulièrement lorsqu’elle traite de
l’État, la détermination d’une hypothèse de recherche principale s’est avérée un
fil rouge nécessaire, sans lequel l’achèvement de l’entreprise biographique
n’aurait sans doute pas été possible.
L’INSTITUTION D’UNE
ÉCONOMIE D’ENDETTEMENT EN FRANCE AU XXe SIÈCLE
Pour espérer rendre compte de la trajectoire de Wilfrid Baumgartner dans le
siècle, un fil conducteur était nécessaire que la simple motivation de la recons-
titution érudite d’un récit de vie ne pouvait fournir, dans la mesure où le
personnage ne relève évidemment pas de la catégorie des grands hommes. La
notion d’économie d’endettement a semblé pouvoir être ce fil d’Ariane : la
biographie de Baumgartner permettrait de comprendre l’institution par étapes,
flux et reflux, d’une certaine configuration (État, économie, société) du
système financier français des années 1930 aux années 1970 qu’on appellera,
après d’autres et avec d’autres, une économie d’endettement.
Cette hypothèse de recherche n’est toutefois apparue qu’assez tardivement
dans le cours de l’entreprise biographique. Sa nécessité n’a semblé en fait
évidente qu’à l’issue de l’achèvement de notre thèse de doctorat en 1994, consa-
crée pour l’essentiel à la période de la biographie de Baumgartner allant des
années 1930 à la fin de la IVe République en 195856. « Dans la classique querelle
56. Feiertag (Olivier), Wilfrid Baumgartner, les finances de l’État et l’économie de la Nation (1902-
1978), un grand commis à la croisée des pouvoirs, thèse sous la direction d’Alain Plessis, université de
Paris X-Nanterre, 1995, 3 vol., 674 p. dactyl.
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dont « la geste » – l’expression est de Jean Bouvier qui avait pressenti le péril
possible61– se confondrait largement avec la mutation structurelle de
l’économie et de la société française à partir des années 1930 ?
À cette question légitime, la réponse n’était pas aisée. Elle s’est encore trouvée
compliquée quand, rouvrant à partir de 2000 le chantier de la publication de notre
thèse, nous avons tenté de prendre en compte l’itinéraire ultérieur de Wilfrid
Baumgartner sous la Ve République, de la conception et de l’exécution du plan
de redressement financier de décembre 1958 au comité Baumgartner de 1971 sur
la modernisation de la Bourse, en passant par le ministère des Finances et la prési-
dence de Rhône-Poulenc au cours de la décennie 1960 et jusqu’au retournement
de 1973. Dans cette perspective de plus longue durée, où situer Baumgartner ?
Haut fonctionnaire libéral en une période où, globalement, n’a cessé de s’affirmer
l’intervention de l’État dans l’économie et la société. Partisan du libre-échange
en un monde où le protectionnisme est demeuré la norme, et la liberté de circu-
lation, l’exception. Homme du passé, conservateur placé de par ses fonctions
éminentes au cœur des mutations économiques et sociales les plus rapides et
profondes que la France ait jamais connues dans son histoire longue. Tels appa-
raissaient bien finalement les termes fortement contradictoires du problème posé
par Baumgartner, haut fonctionnaire des finances en France au XXe siècle.
Le traitement du cas Baumgartner impliquait donc la mise en œuvre d’appro-
ches nouvelles. Le concept d’économie d’endettement, importé de l’économie
financière, a dès lors semblé propre à fournir un point de vue largement renouvelé
sur les évolutions du système financier français au XXe siècle et sur la place exacte
qu’y avait occupée Wilfrid Baumgartner dans toute la période. « Qu’ils le
veuillent ou non, qu’ils en aient, ou non, plus ou moins conscience, les historiens-
économistes ne peuvent se passer d’outillage conceptuel », écrivait Jean Bouvier
en 196562. Et sans doute l’époque où s’est développé alors le débat passionné sur
les relations entre l’histoire économique et les sciences économiques peut-elle
sembler de nos jours en grande partie dépassée. L’histoire économique et sociale
peut-elle pour autant prétendre continuer à exister sans un effort de sa part pour
expliciter – et donc mettre en discussion – la validité des concepts auxquels elle
recourt le plus souvent de manière sinon masquée du moins implicite ?
61. Bouvier (Jean) et Bloch-Lainé (François), La France restaurée, 1944-1954, Dialogue sur les
choix d’une modernisation, Paris, Fayard, 1986, p. 148 : « Reviendrait-il alors aux historiens d’être
seulement les hérauts d’une geste des temps modernes ? » écrivait ainsi Jean Bouvier à propos de
l’histoire de l’effort de l’investissement public après 1945.
62. Bouvier (Jean), « L’appareil conceptuel dans l’histoire économique contemporaine », Revue
économique, janvier 1965, p. 6.
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63. Hicks (John), The Crisis in Keynesian Economics, Oxford, Basil Blackwell, 1974, p. 50-57.
64. Cf. Feiertag (Olivier), « Greffe économétrique et genèse de l’école de la Banque de France
(1969-1985) », in Feiertag (Olivier) (dir.), Mesurer la monnaie, banques centrales et construction de
l’autorité monétaire, Paris, Albin Michel, 2005, p. 213-245.
65. Loriaux (Michael), France after Hegemony…, op. cit. Nous remercions Patrice Baubeau de
nous avoir communiqué cette précieuse référence bibliographique à l’occasion d’une des fréquentes
discussions que nous avons depuis quelques années déjà sur l’histoire de l’économie d’endettement
et les usages possibles de ce concept pour nos recherches.
66. Straus (André), « Structures financières et performances des entreprises industrielles en
France dans la seconde moitié du XXe siècle », Entreprises et Histoire, n° 2, 1992, p. 19-33.
67. Cf. Feiertag (Olivier), « Finances publiques, “mur d’argent” et genèse de la libéralisation
financière en France de 1981 à 1984 », in Milza (Pierre) et Berstein (Serge) (dir.), Changer la vie, les
débuts du premier septennat de François Mitterrand, Paris, Perrin, 2001, p. 431-455.
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68. Hicks (John), The Crisis in Keynesian Economics, op. cit., p. 51 ; Renversez (Françoise),
« Les facteurs constitutifs d’une économie d’endettement », Les systèmes financiers, Cahiers
français, n° 224, janvier-février 1986, p. 3-13 ; Maarek (Gérard), « Investissement et contrainte
financière », Revue d’économie financière, n° 5 et 6, juin-septembre 1988.
69. Mireaux (Émile), Les miracles du crédit, Paris, Éditions des portiques, 1930.
70. Cf. Renversez (Françoise), op. cit., p. 4.
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antérieures. Elle est plutôt la forme prise historiquement par le rapport des
sociétés au crédit au XXe siècle71.
Ainsi schématisée et conçue, la notion peut sembler seulement technique.
Elle conduit, au contraire, à s’interroger sur bien des aspects de l’histoire écono-
mique et sociale de la France contemporaine. Et d’abord sur le rôle de l’État
financier, de ses motivations et de ses limites : que vaut la distinction entre
l’État et le marché au sein d’un système financier où la dette apparaît comme
liant, de manière contractuelle, ses différentes composantes, créditeurs et
emprunteurs, mais aussi acteurs privés et acteurs publics ? Quelle signification
revêt le libéralisme au sein d’une organisation globale motivée par la recherche
collective de la sécurité financière la plus grande possible ? Comment analyser
les forces qui poussent au libre-échange au sein d’un système financier national
dont le fonctionnement durable implique sinon une fermeture internationale du
moins la mise en œuvre de filtres efficaces entre les marchés intérieurs et les
marchés extérieurs de l’argent ? Cette réalité place dans une perspective
nouvelle l’histoire des relations économiques internationales. Elle conduit à
s’interroger sur les modalités des ajustements qui se sont opérés entre les diffé-
rents systèmes financiers nationaux, plus ou moins marqués par des formes
d’économie d’endettement, donc d’ouverture (et de puissance) internationale72.
Dans quelle mesure, enfin, les formes d’économie d’endettement n’ont-elles
pas correspondu à la modernité, proprement financière, des années 1930 aux
années 1970 ? On pourrait ainsi avancer l’hypothèse que l’économie d’endet-
tement ne serait rien d’autre qu’une appellation commode pour désigner de
manière opératoire la réalité nouvelle que semble bien avoir revêtu, entre État
et marché, le capitalisme au XXe siècle.
Cette transformation du régime économique et social dans tous les pays indus-
trialisés est incontestable, qu’on l’appelle « capitalisme organisé », comme
Rudolf Hilferding déjà à l’époque de la Première Guerre mondiale ou « néo-
libéralisme », expression qui fit florès en France, des années 1930 aux années
1950. Elle désignerait, selon Richard Kuisel, « ce style de management écono-
mique bien gaulois » parfaitement illustré au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, à l’en croire, par la mise en œuvre du premier plan de modernisation
71. Cette perspective doit beaucoup à l’interprétation récemment présentée par Alain Rey de
l’évolution du rapport de la société française au crédit de l’expérience de Law jusqu’au XIXe siècle
in Le temps du crédit, op. cit.
72. Cf. Hicks (John), A Market Theory of Money, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 122-123. Hicks
y établit sa distinction célèbre entre Centralia, l’économie nationale dont la monnaie est acceptée partout
dans le monde, et Penland, le pays dont la monnaie nationale n’est acceptée nulle part.
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TRAJECTOIRE DU PERSONNAGE
ET PLAN DE LA BIOGRAPHIE
Le récit d’une vie commande assurément de respecter la chronologie. Elle est
le fil conducteur par lequel on peut espérer rendre compte des évolutions, indi-
viduelles et plus générales, qui ont pu marquer une carrière déroulée pendant
près de cinquante ans. Pour autant, les repères propres à la biographie, le succès
au concours de l’inspection des Finances en 1925, l’arrestation par la Gestapo
en août 1943, l’installation comme ministre des Finances en 1960, n’ont pas,
seuls, dicté ici les temps de l’exposition. L’histoire générale de la période, on
le sait bien, en propose d’autres, infiniment plus forts et plus marquants. Entre
la chronologie strictement individuelle qui réduirait assurément l’étude aux
horizons d’une simple notice biographique fermée aux enjeux majeurs de la
grande histoire et la reprise du rythme des principales pulsations de l’histoire
du XXe siècle naturellement éloignées des étapes de la carrière de Wilfrid
Baumgartner, il a fallu dégager au coup par coup une voie moyenne. Elle est
apparue progressivement, par le rapprochement à chaque étape de la recherche
des deux échelles chronologiques, l’individuelle et la générale, méthode au vrai
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