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BACCALAURÉAT GÉNÉRAL

SESSION 2023 – Classe de 1ère A

FRANÇAIS

ÉPREUVE du Baccalauréat blanc 2

Durée de l’épreuve : 4 heures

L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Dès que ce sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet.

Ce sujet comporte 2 pages

Vous traiterez, au choix, l’un des deux sujets suivants :

1- Dissertation (20 points)

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen-âge au XXIe siècle

Abbé Lescaut, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut / Parcours : Personnages en
marge, plaisirs du romanesque.

Dans quelle mesure peut-on dire que Manon Lescaut est une tragédie qui, outre la crainte et la pitié, suscite
le plaisir du lecteur ?

Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur Manon Lescaut,
sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture personnelle.
2- Commentaire (20 points)

Objet d’étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Scène 8 acte III, Andromaque, Jean Racine, 1667.

Après la prise de Troie, Andromaque, veuve d’Hector, et son fils Astyanax sont échus en partage à Pyrrhus,
roi d’Épire. Celui-ci, déjà fiancé avec Hermione, fille de Ménélas, diffère de jour en jour son mariage parce
qu’il est épris de sa captive. Irrités d’apprendre qu’il songe à épouser Andromaque, les Grecs envoient Oreste
auprès de lui pour le sommer de leur livrer le jeune Astyanax. Oreste, qui aime Hermione malgré les dédains
dont elle a payé son amour, a accepté cette mission dans l’espoir de vaincre sa résistance. Pyrrhus refuse
d’accéder à la demande des Grecs mais, irrité du refus qu’Andromaque oppose à ses vœux, il menace de
livrer Astyanax à ses mortels ennemis. Andromaque se désespère avec sa suivante, Céphise.

Andromaque, Céphise Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants ;
Céphise Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue :
Je vous l’avais prédit, qu’en dépit de la Grèce, Voilà comme Pyrrhus vint s’offrir à ma vue ;
De votre sort encor vous seriez la maîtresse. Voilà par quels exploits il sut se couronner ;
Enfin voilà l’époux que tu me veux donner.
Andromaque Non, je ne serai point complice de ses crimes ;
Hélas ! de quel effet tes discours sont suivis ! Qu’il nous prenne, s’il veut, pour dernières victimes.
Il ne me restait plus qu’à condamner mon fils. Tous mes ressentiments lui seraient asservis.

Céphise Céphise
Madame, à votre époux c’est être assez fidèle : Eh bien, allons donc voir expirer votre fils :
Trop de vertu pourrait vous rendre criminelle ; On n’attend plus que vous… Vous frémissez, Madame ?
Lui-même il porterait votre âme à la douceur.
Andromaque
Andromaque Ah ! de quel souvenir viens-tu frapper mon âme !
Quoi ? je lui donnerais Pyrrhus pour successeur ! Quoi ? Céphise, j’irai voir expirer encor
Ce fils, ma seule joie, et l’image d’Hector ?
Céphise Ce fils, que de sa flamme il me laissa pour gage ?
Ainsi le veut son fils, que les Grecs vous ravissent. Hélas ! je m’en souviens, le jour que son courage
Pensez-vous qu’après tout ses mânes en rougissent ? Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas,
Qu’il méprisât, Madame, un roi victorieux Il demanda son fils, et le prit dans ses bras :
Qui vous fait remonter au rang de vos aïeux, « Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
Qui foule aux pieds pour vous vos vainqueurs en colère, J’ignore quel succès le sort garde à mes armes ;
Qui ne se souvient plus qu’Achille était son père, Je te laisse mon fils pour gage de ma foi :
Qui dément ses exploits et les rend superflus ? S’il me perd, je prétends qu’il me retrouve en toi.
Si d’un heureux hymen la mémoire t’est chère,
Andromaque Montre au fils à quel point tu chérissais le père ».
Dois-je les oublier, s’il ne s’en souvient plus ? Et je puis voir répandre un sang si précieux ?
Dois-je oublier Hector privé de funérailles, Et je laisse avec lui périr tous ses aïeux ?
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ? Roi barbare, faut-il que mon crime l’entraîne ?
Dois-je oublier son père à mes pieds renversé, Si je te hais, est-il coupable de ma haine ?
Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassé ? T’a-t-il de tous les siens reproché le trépas ?
Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle S’est-il plaint à tes yeux des maux qu’il ne sent pas ?
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ; Mais cependant, mon fils, tu meurs si je n’arrête
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants, Le fer que le cruel tient levé sur ta tête.
Entrant à la lueur de nos palais brûlants, Je l’en puis détourner, et je t’y vais offrir ?…
Sur tous mes frères morts se faisant un passage, Non, tu ne mourras point, je ne le puis souffrir !
Et de sang tout couvert échauffant le carnage ;
BACCALAURÉAT GÉNÉRAL

SESSION 2023 – Classes de 1ère B et C

FRANÇAIS

ÉPREUVE du Baccalauréat blanc 2

Durée de l’épreuve : 4 heures

L’usage de la calculatrice et du dictionnaire n’est pas autorisé.

Dès que ce sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet.

Ce sujet comporte 3 pages

Vous traiterez, au choix, l’un des deux sujets suivants :


1- Dissertation (20 points)

Classe de 1eB

Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen-âge au XXIe siècle

• Abbé Lescaut, Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut / Parcours :


Personnages en marge, plaisirs du romanesque.

« Ce qu’il y a de fort dans « Manon Lescaut », c’est le souffle sentimental, la naïveté de la passion qui rend
les deux héros si vrais, si sympathiques, si honorables, quoiqu’ils soient fripons »

Dans quelle mesure cette réflexion de Gustave Flaubert éclaire-t-elle votre lecture de « Manon Lescaut »
? Votre réflexion prendra appui sur l’œuvre de l’abbé Prévost au programme, sur le travail mené dans le
cadre du parcours associé et sur votre culture littéraire.

• Honoré de Balzac, La peau de chagrin / Parcours : les romans de l’énergie : construction


et destruction

« La Peau de chagrin » est-il un roman de l’échec ?

Vous répondrez à cette question en prenant appui sur votre lecture de l’œuvre de Balzac au programme,
sur le travail mené dans le cadre du parcours associé et sur votre culture littéraire.

Classe de 1eC

Objet d’étude : la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle

• Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne / Parcours : Ecrire


et combattre pour l’égalité

« L’écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler c’est changer (…) »

Dans quelle mesure votre lecture de l’œuvre d’Olympe de Gouges au programme fait-elle écho à cette
réflexion de Jean-Paul Sartre ? Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous
appuyant également sur les textes étudiés dans le cadre du parcours associé et sur votre culture
personnelle.
2- Commentaire (20 points)

Objet d’étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Scène 3 acte V, Le mariage de Figaro, Beaumarchais, 1778.

Suzanne, d’accord avec la Comtesse, a fait parvenir au Comte un billet, destiné à l’attirer dans un piège,
« sous les marronniers ». Figaro a vu le Comte lire la lettre, et, grâce à une épingle, a su que c’est Suzanne
qui l’a rédigée. Il se croit trahi, et laisse éclater ses ressentiments…

FIGARO, seul, se promenant dans l’obscurité, dit du ton le plus sombre. Non, monsieur le
comte, vous ne l’aurez pas… vous ne l’aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous
vous croyez un grand génie !…noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier !
Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus :
5 du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a
fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent
ans à gouverner toutes les Espagnes(1) ; et vous voulez jouter(2) !… On vient… c’est elle… ce n’est
personne. — La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari (3), quoique je ne
le sois qu’à moitié ! (Il s’assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! Fils de
10 je ne sais pas qui ; volé par des bandits ; élevé dans leurs mœurs, je m’en dégoûte et veux courir
une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J’apprends la chimie, la pharmacie, la
chirurgie ; et tout le crédit d’un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette (4)
vétérinaire ! — Las d’attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à
corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les
15 mœurs du sérail : auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder(5) Mahomet sans scrupule : à l’instant
un envoyé… de je ne sais où se plaint que j’offense dans mes vers la Sublime Porte, la Perse, une
partie de la presqu’île de l’Inde, toute l’Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d’Alger
et de Maroc ; et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je
crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l’omoplate, en nous disant : Chiens de chrétiens ! (…)
20 Il s’élève une question sur la nature des richesses ; et comme il n’est pas nécessaire de tenir les
choses pour en raisonner, n’ayant pas un sou, j’écris sur la valeur de l’argent, et sur son produit
net : aussitôt je vois, du fond d’un fiacre, baisser pour moi le pont d’un château-fort(6), à l’entrée
duquel je laissai l’espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces
puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé
25 son orgueil ! Je lui dirais… que les sottises imprimées n’ont d’importance qu’aux lieux où l’on en
gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; et qu’il n’y a que les
petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur
pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu’on ne soit plus en
prison, je taille encore ma plume, et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que,
30 pendant ma retraite économique, il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente
des productions, qui s’étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes
écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des
corps(7) en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque
chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter
35 de cette douce liberté, j’annonce un écrit périodique, et, croyant n’aller sur les brisées d’aucun
autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s’élever contre moi mille pauvres diables à la
feuille(8) : on me supprime(9), et me voilà derechef sans emploi !

(1) Les Espagnes : l’Espagne et les territoires conquis depuis Christophe Colomb
(2) Jouter : lutter
(3) Faisant le sot métier de mari : le mari est traditionnellement, dans la farce, cocu et jaloux.
(4) Lancette : instrument de chirurgie qui sert à pratiquer les saignées.
(5) Fronder : se moquer de.
(6) Une prison qui fait songer à la Bastille
(7) Corps : institutions
(8) Pauvres diables à la feuille : écrivains rémunérés à la feuille. Pour la plupart, ils sont dans la misère.
(9) On me supprime : on interdit la publication de mon journal.

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