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14 décembre 2023
COP 28 : Un petit effort dans un monde de brut
Libération Si le texte sur lequel les participants se sont entendus comporte en effet des avancées 3
sans précédent, il laisse toujours les coudées franches au secteur des hydrocarbures.
Mercredi 13 décembre au matin ...

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Nom de la source Jeudi 14 décembre 2023
Libération
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visualisation personnelle et temporaire.
Provenance
news·20231214·LI·192754300
France

COP 28 : Un petit effort dans un monde de brut

Par MARGAUX LACROUX Envoyée spéciale à Dubaï

DÉCRYPTAGE

A ce titre, ce texte est «historique»,

S
i le texte sur lequel les partici-
pants se sont entendus com-
porte en effet des avancées sans
précédent, il laisse toujours les coudées
franches au secteur des hydrocarbures.
Mercredi 13 décembre au matin, la COP
28 s'est soudainement terminée sous le
coup de marteau surprise de Sultan al-
Jaber, le président émirati du sommet
climat de Dubaï. Il a ainsi clos deux se-
maines de négociations à 197 pays, au
cours desquelles la question de l'avenir
des énergies fossiles a été centrale. Le
texte de la décision commune porte sur
le premier «Bilan global» de l'action cli-
matique depuis l'Accord de Paris. Celui-
ci reconnaît le retard abyssal pris dans
la lutte contre le changement climatique,
rappelle l'objectif, vital, de contenir la
hausse de la température à 1,5°C (par
rapport aux niveaux préindustriels) et
propose une palette d'actions pour enfin
y parvenir.
Est-ce vraiment un texte historique ? En
vingt-huit ans de COP, jamais la racine
du mal, les énergies fossiles, n'avait été
inscrite noir sur blanc dans un document
approuvé par la communauté interna-
tionale.
comme l'ont déclaré Al-Jaber, la prési-
dente de la Commission européenne,
Ursula von der Leyen, ainsi que
plusieurs associations. Il y a encore
deux ans, nommer «l'éléphant dans la
pièce» était inconcevable. A la COP26
de Glasgow, seule une formulation
faiblarde visant la baisse du charbon
avait été retenue. Les pays pétroliers
s'étaient toujours opposés à l'idée de
pointer du doigt les princi- pales causes
du changement climatique : le gaz, le
pétrole et le charbon. Eux préfèrent par-
ler des conséquences, c'est-à-dire des
«émissions» présentes dans l'atmo-
sphère.
S'agit-il du meilleur accord possible ? Il
était impossible d'espérer un accord plus
ambitieux, actant dès maintenant une
sortie de tous les fossiles à une date pré-
cise, alors que le sommet se tenait dans
une pétromonarchie sous la surveillance
du lobby pétrogazier. Ni les Etats du
Golfe, ni l'Inde, ni la Chine, ni même
les pays d'Afrique n'y étaient d'ailleurs
prêts. «Nous savions que la COP28 al-
lait être difficile mais elle a eu pour
mérite de tenir la discussion sur l'avenir
des fossiles au grand jour», réagit Lau-
rence Tubiana, l'architecte de l'Accord
Le projet de champ pétrolifère de Manifa,
dans le nord de Dammam, en Arabie
Saoudite, en 2018. PHOTO CHRISTOPHE
VISEUX. THE NEW YORK TIMES. REA
.
de Paris, texte historique sur l'objectif de
1,5 °C.
Al-Jaber a tenté de naviguer à travers
les bourrasques successives pour éviter
un échec total. Les ONG et l'Union eu-
ropéenne ont maintenu la pression pour
un compromis sur les énergies fossiles.
Ces forces contraires se retrouvent dans
la prose de la présidence, qui tente de
plaire à tout le monde. Une phrase à ral-
longe «appelle» les pays à «faire une
transition hors de» (ou à «s'éloigner»)
des «énergies fossiles dans les systèmes
énergétiques», et ce pour «atteindre la
neutralité carbone en 2050». Ce passage
signe le «début de la fin» de l'ère des
fossiles, veut croire l'ONU climat. Une
bataille sémantique est peut-être gagnée,
mais il ne s'agit pas du grand soir per-
mettant de régler la crise climatique. Les
COP avancent à petits pas: l'objectif est
surtout d'envoyer un signal clair aux
pays mais surtout au secteur financier
sur le fait que les fossiles n'ont pas
d'avenir, et de les convaincre d'adapter

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leurs politiques publiques. Car l'ex-
ploitation du pétrole, du gaz et du char-
bon se poursuit à un rythme incompati-
ble avec les exigences climatiques.
L'Europe a-t-elle vraiment gagné la
bataille ? Elle a en tout cas réussi à re-
grouper 130 pays pour demander un
texte le plus ambitieux possible, et à
maintenir le rapport de force jusqu'au
bout. Mais malgré ce qu'affirme la
France, la formulation trouvée n'est
cependant pas synonyme de la «sortie»
demandée par l'Union européenne. La
présidence émiratie a dû trouver une ex-
pression alternative, suffisamment floue
pour ne pas braquer les plus récalci-
trants. C'est ainsi que s'est imposée
l'idée de «transition hors» des énergies
fossiles vers les renouvelables, dont les
capacités sont, d'après le compromis
voté mercredi, appelées à tripler d'ici à
2030. Les pays développés y voient une
façon d'insister sur le besoin de sub-
stituer le gaz, le pétrole et le charbon
par le solaire, l'éolien ou l'hydrau- lique.
Or, pour l'heure, les renouvelables s'ad-
ditionnent aux fossiles, qui ne baissent
pas.
La décision de la COP28 ne dit pas
quand pourrait intervenir la fin des fos-
siles. Ce que n'a pas manqué de soulign-
er le secrétaire général de l'ONU, An-
tónio Guterres: «La sortie des com-
bustibles fossiles est inévitable, qu'ils le
veuillent ou non. Espérons qu'elle n'ar-
rive pas trop tard.» Le texte indique
seulement que les efforts doivent être
accélérés dès cette décennie, sans don-
ner d'objectifs chiffrés ni de date. L'idée
de transition «juste, ordonnée et
équitable» chère aux pays du sud est,
elle, bien présente. Elle implique un ry-
thme différencié en fonction des Etats et
de leur responsabilité historique dans le
réchauffement. «Il est fondamental que
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les pays développés prennent les de-
vants sur la transition vers la fin des
combustibles fossiles», résume la min-
istre brésilienne de l'Environnement,
Marina Silva. La Chine, considérée
comme un pays en développement mais
gros émetteur actuel, s'est défaussée en
déclarant que les pays développés de-
vaient ouvrir la voie. Preuve que beau-
coup de points restent à clarifier.
La capture du CO2 et le gaz comme én-
ergie de transition: des enfumages ? La
baisse du charbon, envisagée depuis la
COP26, est toujours mentionnée. Toute-
fois, le mirage d'un recours aux tech-
nologies fumeuses de la capture du CO2
pour y parvenir n'est pas dissipé. Le
reste de la décision comporte une
«litanie de lacunes» du même genre,
comme l'ont souligné les petites nations
insulaires, en première ligne du réchauf-
fement climatique. Un paragraphe inclu-
ant le développement du nucléaire et de
l'hydrogène «bas carbone» comprend
aussi le très controversé captage du
CO2. Une fausse solution, coûteuse et
peu efficace, poussée par les pays pro-
ducteurs de fossiles et qui doit être dé-
ployée «en particulier» dans les secteurs
où les émissions sont difficiles à réduire,
précise le texte.
Le terme «uniquement» aurait été
préférable. De nombreux observateurs
voient aussi dans la consécration des
«énergies de transition», telles que le
gaz fossile, une tentative de greenwash-
ing. «Il faudra se débarrasser des su-
percheries climatiques qui parasitent la
lutte contre le réchauffement, sous la
pression des lobbys fossiles et de
plusieurs pays», commente Arnaud
Gilles, chargé de plaidoyer énergie cli-
mat pour WWF.
Les aides aux pays pauvres lanceront-
Dimanche 17 décembre 2023 à 18 h 11
elles un mouvement collectif vers un
monde sans fossiles? Certainement pas.
«La question de savoir s'il s'agit d'un
tournant qui marque véritablement le
début de la fin de l'ère des combustibles
fossiles dépend des actions à venir et
de la mobilisation des fonds nécessaires
pour les mener à bien», a résumé l'an-
cien vice-président américain Al Gore
sur le réseau social X (ex-Twitter). Le
texte tente de rassurer les pays en
développement pour les embarquer vers
l'ère des renouvelables. Mais «on a vu
un manque flagrant de financement dans
la transition énergétique, l'adaptation ou
les pertes et dommages», regrette Fanny
Petitbon de l'ONG humanitaire Care.
Pour restaurer la confiance entre Nord
et Sud, le document «demande instam-
ment» aux pays développés de doubler
leurs aides à l'adaptation au changement
climatique destinées aux pays en
développement d'ici 2025, alors que
pour l'heure «le déficit de financement
de l'adaptation se creuse». Ce sujet clé,
éclipsé à la COP28, demeure
douloureux et capital.
Enfin, le texte reconnaît le fonds «pertes
et dommages» pour aider les pays vul-
nérables à réparer les dégâts du change-
ment climatique. Mis en place dès le
début du sommet onusien, il est à ce
stade financé à hauteur de 792 millions
de dollars. Mais aucun Etat n'est con-
traint de mettre au pot, alors que des
centaines de milliards de plus seraient
nécessaires pour répondre aux besoins.
Il reste donc un long chemin à faire pour
embarquer la communauté interna-
tionale sur le timide cap tracé à Dubaï.
La prochaine édition, l'an prochain à
Bakou en Azerbaïdjan, sera centrée sur
la finance climat. Après une
pétromonarchie, une dictature pétrogaz-
ière : la vraie fin des fossiles n'est pas
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