Vous êtes sur la page 1sur 14

Portrait de Lisa

Gherardini, épouse de
Francesco del Giocondo,
dit La Joconde ou Monna
Lisa
1503 / 1519 (1e quart du XVIe siècle)

Léonard de Vinci (Leonardo di ser


Piero da Vinci, dit Leonardo da Vinci)
Italie, École de

INV 779 ; MR 316

Département des Peintures

© 2018 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado


Actuellement visible
au Louvre

SALLE 711
AILE DENON, NIVEAU 1

Inventory number Numéro principal : INV 779


Autre numéro d'inventaire : MR 316

Collection Département des Peintures

Artist/maker / School / Léonard de Vinci (Leonardo di ser Piero da Vinci, dit Leonardo da Vinci)
Artistic centre (Vinci (Florence), 1452 - Amboise, 1519)
Italie École de

DESCRIPTION

Object name/Title Titre : Portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo, dit La
Joconde ou Monna Lisa
Titre d'usage : La Joconde
Description/Features

PHYSICAL CHARACTERISTICS

Dimensions Hauteur : 0,794 m ; Largeur : 0,534 m

Materials and techniques huile sur bois (peuplier)

PLACES AND DATES

Date 1e quart du XVIe siècle (1503 - 1519)


HISTORY

Object history
Provenance:
Ce tableau fut commencé vers 1503 au moins, sans doute pour Francesco
del Giocondo, gentilhomme florentin (1460-1539), mais fut conservé par
Léonard de Vinci jusqu'à la fin de sa vie pour en pursuivre l'exécution
picturale toujours inachevée à sa mort ; il fut très probablement acquis par
François Ier en 1518.

Commentaire :
Un faux problème d’identité
C’est seulement depuis le XXe siècle que certains historiens, mais plus
souvent des amateurs en mal de reconnaissance, s’évertuent à imaginer
des identités nouvelles et alternatives à ce portrait de femme, alors qu’une
solide tradition née dès le XVIe siècle permet d’assurer qu’il représente Lisa
Gherardini (Florence, 1479 – 1542).
Appartenant à une ancienne famille de seigneurs, propriétaires terriens dans
le Chianti, Lisa Gherardini épousa en 1495 Francesco del Giocondo
(Florence, 1465 – 1538), marchand de soie à Florence, avec lequel elle eut
six enfants. Malgré les remarquables recherches de Giuseppe Pallanti sur
cette famille dans les archives, on sait finalement peu de choses sur leur vie.
Francesco était en contact, au moins depuis 1497, avec le père de Léonard,
Ser Piero da Vinci, qui était notaire. Il avait aussi des contacts avec l’église
de la Santissima Annunziata où Léonard semble avoir logé à son retour à
Florence en 1500. C’est peut-être par ces liens que le marchand de soie
rencontra l’artiste.
Si l’on en croit Giorgio Vasari, dans la biographie de Léonard qu’il publia en
1550 (Vies des plus célèbres peintres, sculpteurs et architectes), c’est
Francesco del Giocondo qui sollicita le maître pour peindre le portrait de son
épouse. Le tableau était déjà commencé au mois d’octobre 1503, comme
l’atteste un document de la bibliothèque de Heidelberg découvert en 2005. Il
s’agit d’une note manuscrite d’Agostino Vespucci, collaborateur de
Machiavel à la chancellerie de Florence. Ce dernier connaissait Léonard,
pour lequel il traduisit un texte latin sur la bataille d’Anghiari. En lisant un
passage des Lettres familières de Cicéron où il est fait allusion au peintre de
l’Antiquité Apelle, qui avait laissé une peinture de Vénus inachevée, Vespucci
nota dans la marge de son livre :
« Ainsi fait Léonard de Vinci dans toutes ses peintures. Comme est la Tête
de Lisa del Giocondo, et celle d’Anne, mère de la Vierge. Nous verrons ce
qu’il fera pour la salle du Grand Conseil dont il est déjà convenu avec le
gonfalonier. Octobre 1503 »
Cette annotation a permis de préciser la chronologie de l’œuvre mais a
surtout confirmé l’identification traditionnelle du modèle due à Giorgio
Vasari dans ses Vies des plus célèbres peintres, sculpteurs et architectes
publiées à Florence en 1550 :
« Lionardo entreprit pour Francesco del Giocondo de faire le portrait de sa
femme Mona Lisa et le laissa inachevé après y avoir peiné quatre années,
lequel ouvrage se trouve aujourd’hui chez le roi de France à Fontainebleau.
En cette tête, qui voulait voir combien l’art peut imiter la nature le pouvait
aisément comprendre, car les plus petits détails que la finesse permet de
peindre y étaient contrefaits. Car les yeux avaient ce lustre et cette eau que
l’on voit toujours chez les vivants, et l’on apercevait autour d’eux tous ces
roses bleutés, ainsi que les cils, qui ne se peuvent faire sans la plus grande
finesse. Les sourcils, pour y avoir fait la manière dont les poils naissent de la
peau, ici plus denses, là plus rares, et celle dont ils se courbent selon les
pores de la peau, ne pouvaient être plus naturels. Le nez, aux belles
ouvertures, roses et tendres, semblait vivant. La bouche avec sa fente, aux
extrémités bien unies par le jeu du rouge de la bouche et de l’incarnat du
visage, ne paraissait point couleurs mais chair véritable. Au creux de la
gorge, qui regardait intensément voyait battre le pouls, et l’on peut dire en
vérité que cette œuvre fut peinte de manière à faire trembler et craindre tout
artiste valeureux, et qui que ce fût. Il usa encore de cet artifice que, Mona
Lisa étant fort belle, pendant qu’il la portraiyait, il faisait jouer ou chanter et
avait continuellement recours à des bouffons qui la fissent demeurer gaie,
afin d’ôter cette mélancolie que la peinture a coutume de donner lorsque l’on
fait des portraits. Et dans celui de Lionardo était un si plaisant sourire, que
c’était œuvre à voir plus divine qu’humaine, et elle était tenue pour merveille
parce que la vie ne se présente pas autrement. » (Traduction de Louis Frank)
Vasari n’a jamais vu le tableau, conservé en France depuis l’installation de
Léonard en 1516, mais il a dû disposer de bons informateurs italiens qui
avaient séjourné à Fontainebleau. Par ailleurs, Vasari réside souvent à
Florence où vit la famille des Giocondo. Il prépare son grand ouvrage des
Vies dans les années 1540, à une époque où Francesco del Giocondo vient
de mourir, peu avant son épouse Lisa qui décède en 1542. En 1550, deux de
leurs enfants sont encore vivants, et il y avait encore d’autres membres de
cette famille bien établie à Florence. L’histoire du portrait de Lisa del
Giocondo était sans aucun doute un fait célèbre et bien connu dans la
bonne société florentine, d’où la grande fiabilité du témoignage de Vasari.
En France, Lisa Gherardini était en revanche inconnue mais on continua à
l’appeler comme en Italie : « Monna Lisa », contraction de « Madonna Lisa »
(Madame Lise), ou « La Joconde », francisation de « La Gioconda »,
féminisation du nom de famille de son époux Giocondo.

Une source contradictoire ?


Des historiens ont parfois contesté la cohérence de ces témoignages, en
utilisant un autre document très important : le journal de voyage du cardinal
d’Aragon, rédigé par Antonio de Beatis. En déplacement en France, le prélat
rendit visite à Léonard de Vinci le 10 octobre 1517 dans le château du Clos-
Lucé, et admira trois tableaux dont celui « d’une certaine dame florentine
faite au naturel sur les instances de feu le Magnifique Julien de Médicis ».
Julien de Médicis était le troisième fils de Laurent le Magnifique et le frère
du pape régnant alors, Léon X, qui l’avait nommé duc de Nemours. Ce prince
fut le dernier mécène italien de Léonard, de 1513 à sa mort en 1516,
l’accueillant à Rome dans le palais du Belvédère.
Selon ce témoignage, l’effigie représente bien une dame florentine, ce qui est
le cas de Lisa Gherardini, mais elle aurait été faite à la demande de Julien de
Médicis, ce qui est étonnant car on ne lui connait pas de lien avec Monna
Lisa et cela semble aller à l’encontre du texte de Vasari affirmant que c’est
son époux qui commanda le tableau.
Comment expliquer cette contradiction ? Quelques historiens ont supposé
que le portrait montré par Léonard n’était tout simplement pas la Joconde,
mais un autre tableau, peut-être « la Joconde nue » connue notamment par
un carton préparatoire (Chantilly, musée Condé). Cela parait peu probable
car cette image n’est pas un portrait mais une image de Vénus. Quant à un
autre portrait perdu et non identifiable, cela parait encore plus incroyable
tant les compositions de Léonard ont été célébrées et copiées dès leur
création.
Des historiens ont donc supposé que la « dame florentine » était bien la
Joconde du Louvre représentant bel et e bien Monna Lisa, et qu’il y avait dû
y avoir une idylle entre elle et Julien, mais sans pouvoir le prouver. D’autres
ont en revanche déclaré que le texte de Beatis prouvait que la Joconde du
Louvre ne représentait pas Lisa del Giocondo, mais plutôt une maîtresse de
Julien de Médicis. De faibles hypothèses ont été développées en faveur
d’une identification à Isabella Gualanda (pourtant napolitaine et dont les
liens avec Julien de Médicis ne sont pas connus) ou à Pacifica Brandani
(mère du fils illégitime de Julien, Hippolyte, morte en 1511 et qui aurait été
peinte à partir de 1513 par Léonard).
Il semble en fait plus pertinent d’interpréter le témoignage de Beatis à l’aune
de l’extraordinaire liberté dont Léonard disposait vis à vis de ses obligations
auprès des commanditaires. Plusieurs de ses œuvres ont été commencées
pour une commande précise, mais furent finalement laissées inachevées
(Adoration des Mages de la galerie des Offices) ou données à quelqu’un
d’autre (première version de la Vierge aux rochers au Louvre). Souvenons-
nous aussi qu’en 1508, le maître écrivait au gouverneur du Milanais, Charles
d’Amboise, qu’il emportait de Florence vers Milan « deux tableaux, où il y a
deux Notre Dame de grandeur différente, lesquelles j’ai commencées pour le
Roi Très Chrétien ou pour qui vous plaira ». Etonnante remarque, en
apparence désinvolte pour une commande royale ! C’est sans doute dans
cet esprit qu’il faut interpréter la discussion entre Léonard et le cardinal
d’Aragon, tous deux italiens et évoquant la mémoire d’une connaissance
commune, le frère du pape régnant. Léonard aura simplement rappelé au
prélat qu’il avait travaillé à la Joconde pour Julien de Médicis, mécène de
l’artiste, qui devait naturellement admirer le tableau et vouloir l’acquérir.
Aussi, dans l’état actuel des connaissances, on peut affirmer que la Joconde
représente Lisa del Giocondo et qu’elle fut peut-être commandée par son
époux Francesco. Comme pour ses autres tableaux, Léonard a dû y travailler
lentement, créant peu à peu un merveilleux chef d’œuvre séduisant ses
mécènes successifs, Louis XII (de 1507 à 1512), Julien de Médicis (de 1513
à 1516) et finalement François Ier qui parvint à l’acquérir.

Une acquisition de François Ier


C’est seulement en 1999 que l’historien Bertrand Jestaz est parvenu à
expliquer le destin des peintures que Léonard avait emportées avec lui en
France en 1516. Il a découvert un document aux Archives nationales à Paris,
attestant d’un paiement considérable de 2604 livres, de François Ier à Salaì,
un des plus fidèles élèves de Léonard, en 1518 « pour quelques tables de
paintures qu’il a bailles au Roy ». Étant donné l’énormité de la somme, ces
tableaux donnés au souverain sont certainement les originaux du maître. Ce
dernier a vraisemblablement commencé à organiser sa succession : pour
Salaì, qui vivait désormais à Milan, le fruit de la vente des tableaux dès 1518,
tandis que l’autre favori, Francesco Melzi qui vivait avec lui au Clos-Lucé,
devait hériter seulement après sa mort de tous ses manuscrits et dessins.
Une œuvre très fragile mais bien conservée
Léonard a peint ce portrait sur une fine planche de bois de peuplier, une
essence assez courante en Italie et notamment à Florence. Il choisit un
support de grande dimension, environ 79,4 cm de haut sur 53,4 de large, afin
de représenter le modèle à échelle naturelle.
Avec le temps, ce panneau s’est altéré : le bois, très sensible aux variations
hygrométriques, est devenu légèrement convexe et s’est même fendu. Sur la
face, une fente de 11 cm part du haut du panneau, traverse le cuir chevelu et
s’arrête, presque miraculeusement, au niveau du front. Au revers, cette
fissure a été anciennement stabilisée par la pose de deux papillons et de
morceaux de toile. Les mouvements du panneau, contraints par un cadre,
ont provoqué différents réseaux de craquelures très visibles aujourd’hui.
Contrairement à ce qui a parfois été écrit, le support n’a jamais été coupé
comme le prouvent les bords nus du panneau et une « barbe », la crête de
matière picturale formée contre le châssis de travail qui entourait le bois afin
de faciliter la manipulation pendant l’exécution picturale.
En 1956, l’œuvre a été vandalisée par un déséquilibré qui lui jeta une pierre,
brisant le verre protecteur et abimant un peu le coude gauche.
La peinture est aujourd’hui recouverte de nombreuses couches de vernis
épaisses, irrégulières et oxydées, qui ont été posées après la mort de
l’artiste au cours de diverses interventions de restauration. Ces couches non
originales ont vieilli et forment désormais un filtre jaune transformant toute
la palette des couleurs (notamment le bleu du ciel en vert) et assombrissant
plusieurs parties de la composition, principalement le bas.
Hormis ces divers problèmes, l’œuvre est dans un bon état de conservation
mais demeure intrinsèquement très fragile.

L’éclairage des examens de laboratoire


Les examens scientifiques, et notamment la réflectographie infrarouge,
permettent heureusement de mieux comprendre la composition du portrait.
Monna Lisa est assise sur un siège au dossier arrondi tenu par des
balustres, que l’on appelle « a pozzetto ». Le siège est disposé presque
perpendiculairement à nous, devant une petite balustrade décorée de
moulurations rectangulaires. Le sol de la pièce est légèrement éclairé par la
lumière provenant de l’extérieur. Aux extrémités de la balustrade, on
distingue deux colonnettes qui encadrent un vaste paysage de chaines de
montagnes bordées de cours d’eau. A gauche, une route sinueuse travers
les monts tandis qu’à droite un pont traverse la rivière.

Un grand voile de soie


Le vêtement de Monna Lisa est aujourd’hui davantage discernable dans
l’image de réflectographie infrarouge. On le comprend également mieux en
observant la copie réalisée dans l’atelier de Léonard, récemment restaurée
et conservée au musée du Prado. La Joconde porte une robe de couleur
probablement vert sombre, avec des manches amovibles jaunes. On voit
une chemise blanche ressortir du crevé au niveau de l’épaule. Sa robe est
recouverte d’un grand voile de soie transparente fixé au niveau de la poitrine
par des fils d’or brodés qui forment des entrelacs géométriques. Ce voile est
légèrement remonté sur son coude droit et largement replié sur son épaule
gauche.
Sa tête est également recouverte d’un voile transparent qui descend sur ses
épaules. Contrairement à ce qui a parfois été écrit, ses cheveux ne sont pas
complètement détachés car seules quelques mèches tombent sur les côtés
du visage, le reste étant maintenu à l’arrière en chignon et retenu par un
bonnet dont le contour est visible dans la réflectographie infrarouge.
L’assombrissement des couleurs du tableau dû aux couches de vernis
oxydés expliquent en partie l’apparente sobriété de l’habit de la Joconde,
parfois interprétée comme une tenue de deuil. En réalité, même si elle
n’arbore pas de bijou, Lisa porte un costume à la mode florentine du temps,
riche et sophistiqué, colorée également, ce qui n’est guère étonnant pour
l’épouse d’un riche marchand de soie.
L’identification du grand voile de soie recouvrant la robe continue de faire
débat. On y a vu un « guarnello » qui pourrait être une tenue caractéristique
des femmes enceintes, comme dans le portrait de Smeralda Bandinelli peint
par Botticelli (Londres, Victoria and Albert Museum). Monna Lisa ne
présente cependant pas de ventre rebondi comme dans ce tableau. Aussi,
d’autres historiens ont supposé que ce voile n’était qu’une invention de
Léonard, fasciné par les jeux de transparence, afin de cacher un peu la tenue
à la mode florentine et donner ainsi au portrait un caractère plus intemporel.

Une habile synthèse d’inventions flamandes


La mise en scène de Lisa del Giocondo s’inspire de portraits flamands très
appréciés dans l’Italie de la Renaissance, notamment la présentation de
trois quarts du modèle au lieu du traditionnel profil, qui avait déjà été retenu
par l’artiste dans ses précédents portraits. La disposition de la figure devant
une balustrade ouverte sur un paysage se retrouve dans plusieurs tableaux
nordiques, tel le portrait de Benedetto Portinari peint par Memling en 1487
(Florence, galerie des Offices). Les mains jointes apparaissent aussi
régulièrement dans les effigies flamandes, souvent posées au premier plan.
Le génie de Léonard est de reprendre ces dispositifs tout en leur donnant
une cohérence naturelle. La pose de trois quarts n’est pas figée mais devient
la conclusion d’un mouvement de torsion du corps vers le spectateur. De
fait, les mains ne sont plus posées artificiellement sur le bord de la
composition, sur une sorte de parapet, mais sont appuyées naturellement
sur l’accoudoir du siège à pozzetto, le main droite venant de rejoindre la
gauche. Si pour le théoricien de l’art Alberti, la peinture doit être une fenêtre
ouverte, Léonard semble vouloir donner ici l’impression d’une porte ouverte :
en découvrant le portrait, le spectateur a l’impression d’être accueilli par Lisa
del Giocondo, représentée à l’échelle naturelle, assise sur la terrasse d’une
villa et qui se tourne vers lui à son arrivée, en lui adressant un aimable
sourire. Cette douce torsion du corps aboutit à une pose pleine de
convenance qui relevait sans doute des codes de maintien dans la bonne
société florentine.

Le plus célèbre sourire


Léonard représente ainsi l’épouse de Francesco del Giocondo en mère de
famille vertueuse, mais sans l’expression distante voire altière des
représentations anciennes et contemporaines. Il veut révéler les sentiments
intérieurs du modèle à travers son sourire.
Cette expression est rare dans les portraits, mais on la trouve avant
Léonard, par exemple chez Antonello da Messina. Le sourire se retrouve
également dans plusieurs œuvres sacrées de l’artiste, la Sainte Anne et le
Saint Jean Baptiste du Louvre qui sont des créations contemporaines de la
Joconde.
Léonard a sans doute choisi cette expression pour donner au visage un
aspect beau et gracieux, mais également pour créer une communication
immédiate et très efficace avec le spectateur. Ce sourire de bienvenue
l’invite dans les pensées de Monna Lisa. Mais Léonard suggère seulement
ses émotions sans en révéler la cause.
Ce sourire pouvait aussi s’interpréter comme un jeu onomastique : «
Giocondo » signifie en italien « heureux ». La Gioconda est donc une femme
heureuse dont l’emblème naturel est le sourire.

La science du sfumato
Pour donner vie au mouvement de la figure et à son subtil sourire, Léonard a
perfectionné à un degré extraordinaire sa technique de peinture à l’huile. La
Joconde est, avec la Sainte Anne et le Saint Jean Baptiste, son œuvre
maîtresse dans ce domaine. Elle a d’ailleurs dû constituer pour lui une sorte
d’expérimentation qu’il a poussée le plus loin possible, laissant son œuvre
en partie inachevée, comme cela est visible dans l’ébauche de terrain en bas
du paysage à droite. Le visage est construit par d’imperceptibles transitions
de l’ombre à la lumière, élaborées par de fines couches de glacis (des
couches huileuses à peine chargées de pigment), qui estompent les
contours, créant ainsi un effet de « sfumato » (estompage).
Le paysage présente des effets tout aussi raffinés de fondu pour créer un
effet saisissant de perspective atmosphérique. Contrairement à ce qui a
parfois été écrit, il n’y a pas de différence de hauteur de ligne d’horizon entre
les parties droite et gauche : la ligne horizontale constituée par le point d’eau
à droite se poursuit à gauche, en partie cachée par les montagnes.

De Monna Lisa à La Joconde


Il est fort probable qu’au cours de sa lente exécution, le tableau soit devenu
plus que le simple portrait de Monna Lisa. L’identité du modèle est devenue
peu à peu secondaire, et l’on a admiré cette image avant tout pour son
extraordinaire restitution de la vie, aussi bien physique et psychologique, le
symbole de la science divine de la peinture (selon le concept développé par
l’artiste) capable de recréer la vie dans toute sa complexité.

Le tableau le plus célèbre du monde


L’œuvre a fasciné les contemporains de Léonard, notamment les artistes qui
s’en sont inspiré pour leur propre portrait, tel le jeune Raphaël qui l’admire
lors de son séjour à Florence entre 1504 et 1508. Des copies en ont été
faites dès le XVIe siècle et l’on en connait aujourd’hui plus d’une centaine.
Le texte de Giorgio Vasari, publié en 1550, en a fait l’un des principaux chefs-
d’œuvre de la peinture italienne, inaugurant ainsi le mythe de la Joconde. A
partir de la seconde moitié du XIXe siècle, des hommes de lettre en ont livré
des descriptions passionnées qui ont forgé l’idée d’une beauté fatale et
énigmatique, à l’origine du mythe saugrenu d’un secret caché dans le
tableau.
Le vol de l’œuvre par Vincenzo Peruggia, ouvrier vitrier au musée du Louvre,
en 1911, lui a donné une célébrité mondiale et surtout plus populaire. La
Joconde est devenue, après sa redécouverte en 1913, le principal chef-
d’œuvre du Louvre, l’œuvre la plus célèbre au monde, source inépuisable de
détournements aussi bien artistiques que publicitaires. Elle fut très
exceptionnellement l’ambassadrice de la France en 1963 aux Etats-Unis
(sous le Général de Gaulle et John Fitzgerald Kennedy), puis au Japon et
dans l’ex-URSS en 1974, mais demeure depuis au Louvre, en raison de son
extrême fragilité.
(Texte de Vincent Delieuvin, juillet 2021)

Collector / Previous owner / François Ier, roi de France


Commissioner / Giocondo, Francesco del
Archaeologist / Dedicatee

Acquisition details ancienne collection royale/de la Couronne

Acquisition date date : 1793

Owned by Etat

Held by Musée du Louvre, Département des Peintures

LOCATION OF OBJECT

Current location Denon, [Peint] Salle 711 - Salle de la Joconde, Salle 711 - (Salle des Etats)

INDEX

Mode d'acquisition ancienne collection royale/de la Couronne

BIBLIOGRAPHY

- La Rochefoucauld, Sabine de, Louvre haute couture : la mode dans les collections de peintures du Louvre,
Montreuil, Gourcuff Gradenigo, 2023, p. 30, 130, ill. coul. p. 31

- Joconde, cat. exp. (Marseille, CCI - Bourse du Commerce, du 10 mars au 21 août 2022), Paris, Éditions de la
Réunion des musées nationaux-Grand Palais / Louvre éditions, 2022,

- Leonardo y la copia de Mona Lisa del Museo del Prado : nuevos planteamientos sobre las practicas del taller
vinciano, cat. exp. (Madrid, Museo Nacional del Prado, 28 septembre 2021-23 janvier 2022), Madrid, Museo
Nacional del Prado, 2021, p. 17-43-67-69, 110-115; 193-205, -p.67, n° 25
- Delieuvin, Vincent ; Franck, Louis (dir.), Léonard de Vinci, cat. exp. (Paris, musée du Louvre, 24 octobre 2019 -
24 février 2020), Paris, Louvre éditions ; Hazan, 2019, p. 57, 79, 142, 144, 154, 224-233, 269, 270, 278, 316, 322,
335-337, 358-369, fig. 74, p. 227, détails p. 214-215, p. 346-347

- Milovanovic, Nicolas, Le Louvre 1h30 Chrono. Le guide de la visite, Paris, Louvre éditions/ Hazan, 2018, p. 30-
31, ill. coul.

- Charles I : King and Collector, cat. exp. (Londres, Royal Academy of Arts, 27 janvier - 15 avril 2018), Londres,
Royal Academy of Arts, 2018, p. 102

- François Ier et l'art des Pays-Bas, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, 18 octobre 2017-15 janvier 2018), Paris,
Somogy / Louvre éditions, 2017, p. 248-249

- Paris Sorbonne Université ; Musée Pouchkine (dir.), Les voix du silence. Le Musée imaginaire d’André Malraux,
cat. exp. (Moscou (Fédération de Russie), Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, du 30 novembre 2016 au 16
février 2017), Moscou, Pareto-Print, 2016, p. 295, ill. coul.

- Ciardi, Roberto Paolo, « Il mito nel mito: la Gioconda di Leonardo, fantasmi e fantasie », dans Leonardo da
Vinci 1452-1519 - Il disegno del mondo, cat. exp. (Milan, Palazzo Reale, du 16 avril au 19 juillet 2015), Milan,
Skira Editore, 2015, p. 490-513, p. 360-361, ill. coul.

- Leonardo da Vinci 1452-1519. Il disegno del mondo, cat. exp. (Milan, Palazzo Reale, 16 avril-19 juillet 2015),
Milan, Skira, 2015, p. 360, ill. coul. p. 360, n° 6

- Bertinet, Arnaud, Les musées de Napoléon III : une institution pour les arts (1849-1872), Paris, mare & martin,
2015, p. 95, 523

- Szanto, Mickaël ; Milovanovic, Nicolas (dir.), Poussin et Dieu, cat. exp. (Paris, musée du Louvre, 30 mars - 29
juin 2015), Paris, Hazan/ Louvre éditions, 2015, p. 255

- Peter John Brownlee (dir.), Samuel F. B. Morse's Gallery of the Louvre and the art of invention, cat. exp.
(exposition itinérante à travers les Etats-Unis, 2015-2018), Chicago, Terra Foundation for American Art/ Yale
University Press, 2014, p. 12, 27, 38, 162, 173, 199, pl. 1

- Pomarède, Vincent, « Le tableau du mois n° 211: De la Jocondoclastie à la Jocondophilie. Une collection de


Jocondes donnée au Louvre par Jean Margat », Tableau du mois, 211, du 7 mai au 2 juin 2014, 2014, p. 1-3

- Brownlee, Peter John, Samuel F. B. Morse's Gallery of the Louvre. A guide to the Painting, Chicago, Terra
Foundation for American Art, 2014, p. 24

- Chefs-d'œuvre des musées nationaux français - Obras Primas da Pintura dos Museus Nacionals de França -
Masterpieces of Painting from French National Museums, cat. exp. (Macao (Chine), Macao Museum of Art, 27
juin - 7 septembre 2014), Macau / Paris, Musée d'Art de Macau / Réunion des musées nationaux-Grand Palais,
2014, p. 47, ill. coul.

- Michelangelo Pistoletto Année 1- Le Paradis sur Terre, cat. exp. (Paris, Musée du Louvre, 25 avril - 2 septembre
2013), Paris, Arles, Musée du Louvre éditions/Actes Sud, 2013, IX, ill. coul.

- Delavaux, Céline ; Vignes, Marie-Hélène, Les procès de l'art. Petites histoires de l'art et grandes affaires de
droit, Paris, Palette, 2013, p. 200-206, 347, repr.

- Shone, Richard, « Editorial: "Leonardo" », The Burlington Magazine, 154, 1306, 2012, p. 3, Disponible sur :
https://www.jstor.org/stable/41418895 , p. 3

- Bétard, Daphné, « Une Joconde-"bis", le génie en moins », Le Journal des Arts - L'actualité de l'art et de son
marché à travers le monde, n° 363, 2012, p. 5, p. 5, ill. coul. p. 8
- Zugaza, Miguel, « Wie das Geheimnis der zweiten 'Mona Lisa' gelüfert wurde », Welkunst, N°3 - März 2012, 82.
Jahrgang, 2012, p. 20, p. 20, repr.

- Zugaza, Miguel, « Den Sturm überstehen. Er présentierte die neue 'Mona Lisa'. (...) Wie das Geheimnis der
zweiten 'Mona Lisa' gelüfert wurde », Welkunst, N°3 März 2012, 82 Jahrgang, 2012, p. 18-19, p. 4, 20

- Staatliche Kunsthalle Karlsruhe (dir.), Camille Corot. Natur und Traum, cat. exp. (Karlsruhe, Staatliche
Kunsthalle, du 29 septembre 2012 au 6 janvier 2013), Heidelberg Berlin, Kehrer Verlag, 2012, p. 239, Abb. I

- Delieuvin, Vincent (dir.), La Sainte Anne, l'ultime chef d'oeuvre de Léonard de Vinci, cat. exp. (Paris, musée du
Louvre, 29 mars - 25 juin 2012), Paris et Milan, Louvre Editions / Officina Libraria, 2012, p. 236, ill. coul. p. 236

- Bétard, Daphné, « Restauration - La 'Sainte Anne' dévoilée. Le Musée du Louvre retrace la genèse et la destinée
du chef-d'oeuvre de Léonard de Vinci dont la restauration ne fait toujours pas l'unanimité », Le Journal des Arts
- Expositions, n° 368, du 27 avril au 10 mai, 2012, p. 8, p. 8, ill. coul.

- Corot. L'Armoire secrète - Eine Lesende im Kontext, cat. exp. (Winterthur (Suisse), Sammlung Oskar Reinhart
"Am Römerholz" (SOR), du 4 février au 15 mai 2011), Munich, Hirmer Verlag Gmbh, 2011, p. 119, Abb. 71

- Hammer-Tugendhat, Daniela, Das Sichtbare und das Unsichtbare. Zur holländischen Malerei des 17.
Jahrhunderts, Cologne, Böhlau Verlag, 2009, p. 184-185, fig. 84

- Habert, Jean ; Scailliérez, Cécile, « XVIe siècle », dans Foucart-Walter, Élisabeth (dir.), Catalogue des peintures
italiennes du musée du Louvre. Catalogue sommaire, [Musée du Louvre, Département des peintures], Paris,
Musée du Louvre Editions / Gallimard, 2007, p. 61-122, p. 81, ill. n&b

- Mohen, Jean-Pierre (dir.), Au coeur de La Joconde. Léonard de Vinci décodé, Paris, Gallimard, Musée du
Louvre éditions, 2006,

- Arminjon, Catherine ; Lavalle, Denis ; Chatenet Monique ; Anthenaise, Claude d' (dir.), De l’Italie à Chambord.
François Ier : la chevauchée des princes français , cat. exp. (Chambord (France), Château de Chambord, 7 juillet
- 7 octobre 2004), Paris, Somogy, 2004, p. 69-71, 81, 82, ill. coul.

- Scailliérez, Cécile, Léonard de Vinci. La Joconde, Paris, Réunion des musées nationaux, 2003,

- Scailliérez, Cécile, Léonard de Vinci. La Joconde, Paris, Louvre éditions / Editions El Viso, (Solo), 2019 (rééd.
2003 avec addendum),

- Marani, Pietro C. ; Villata, Edoardo, Leonardo. Una carriera di pittore, Milan, F. Motta, 1999, p. 27

- Zöllner, Frank, Leonardo da Vinci, Mona Lisa. Das Porträt der Lisa del Giocondo. Legende und Geschichte,
Francfort-sur- Le Main, Fischer, 1994,

- Scailliérez, Cécile, François 1er et ses artistes dans les collections du Louvre, Paris, Réunion des musées
nationaux, 1992, p. 96-97, ill. n&b, n° 33

- Marani, Pietro C., Leonardo. Catalogo completo, Florence, Cantini, 1989, p. 21

- Brejon de Lavergnée, Arnauld, L'inventaire Le Brun de 1683. La collection des tableaux de Louis XIV, Paris,
Réunion des musées nationaux, 1987, p. 87-88, ill. n&b, n° 4

- Brejon de Lavergnée, Arnauld ; Thiébaut, Dominique, Catalogue sommaire illustré des peintures du musée du
Louvre. II. Italie, Espagne, Allemagne, Grande-Bretagne et divers, Paris, R.M.N., 1981, p. 192, ill. n&b

- Ottino della Chiesa, Angela, Tout l'oeuvre peint de Caravage (présentation par André Chastel), Paris,
Flammarion, 1968, p. 31
- Heydenreich, Ludwig H., Leonardo da Vinci, Bâle, Holbein, 1954, p. 6

- Hommage à Léonard de Vinci ; exposition en l’honneur du cinquième centenaire de sa naissance, cat. exp.
(Paris, Musée du Louvre du 13 juin au 7 juillet 1952), Paris, Éditions des musées nationaux, 1952, p. 19-28

- Hautecoeur, Louis, Musée national du Louvre. Catalogue des peintures exposées dans les galeries. II. Ecole
italienne et Ecole espagnole, Paris, Musées nationaux, 1926, n° 1601

- Ricci, Seymour de, Description raisonnée des peintures du Louvre. I. Ecoles étrangères. Italie et Espagne, Paris,
Imprimerie de l'art, 1913, n° 1601

- Müntz, Eugène, « Le château de Fontainebleau au XVIIe siècle d'après des documents inédits », Mémoires de
la société de l'histoire de Paris et de l'Ile de France, 12, 1885, p. 259-278, p. 267-268

- Villot, Frédéric, Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée National du Louvre. 1re partie. Écoles
d'Italie, Paris, Vinchon, 1852, n° 484

- Arasse, Daniel, Histoires de peintures, Paris, Gallimard, Folio, 2006 (1ère éd., 2004), p. 19, 27, 31-43, 229, fig. 4
couleurs

- Shell, Janice ; Sironi, Grazioso, « Salai and Leonardo's Legacy », The Burlington Magazine, 133, 1055, 1991,
février, p. 95-108, Disponible sur : https://www.jstor.org/stable/884580 ,

EXHIBITION HISTORY

- Prêt exceptionnel, Tokyo (Japon), Metropolitan Museum of Art, 16/04/1974 - 11/06/1974, étape d'une
exposition itinérante

- Prêt exceptionnel, Moscou (Fédération de Russie), Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, 15/06/1974 -
28/07/1974, étape d'une exposition itinérante

- Prêt exceptionnel, New York (Etats-Unis), Metropolitan Museum of Art, 07/02/1963 - 04/03/1963, étape d'une
exposition itinérante

- Prêt exceptionnel, Washington (Etats-Unis), National Gallery of Art, 10/01/1963 - 03/02/1963, étape d'une
exposition itinérante

CURATED LIST OF RELATED OBJECTS (2)

Copie

1600 / 1700 Léonard de Vinci


La Joconde MNR 265
(XVIIe siècle) (Leonardo di ser...
La Joconde
1800 / 1900 Ferrier, Gabriel ;
(d'après Léonard RF 2005 8
(XIXe siècle) France
de Vinci)

Last updated on 19.10.2023


The contents of this entry do not necessarily take account of the latest data.

Permalink: https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010062370
JSON Record: https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010062370.json

Vous aimerez peut-être aussi