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I.

1 INTRODUCTION

La protection de l’environnement se veut aujourd’hui une exigence pour tout le monde. En


effet, personne n’ose nier la nécessité d’une conservation de la nature.

Néanmoins, les approches sur les systèmes et moyens à mettre en œuvre ne font pas l’unanimité
de tous. Il en existe ceux qui réfutent et rejettent les modèles de conservation existants et
proposés par les instances officielles.

Sur base des enquêtes effectuées auprès des chefs coutumiers, le professeur Paul Vikanza a
essayé de chercher dans la conception traditionnelle Nande et la considération des endroits et
objets rituels les représentations qui peuvent s’accorder aux notions de conservation de la
nature.
Il est parti des questions suivantes : Y-a-t-il des solutions alternatives à ces modèles de
conservation mis en cause ? Si les populations locales comprennent et reconnaissent une
certaine nécessité de la conservation de la nature, en rejetant les systèmes actuels, que peut-on
alors proposer et fournir localement comme solution alternative ? Concrètement dans la
tradition locale, quelles sont ces représentations qui peuvent s’accorder avec la conservation
de la nature ?
Pour nous imprégner de ses résultats, nous avons résumé le quatrième chapitre de sa thèse
pour en faire notre premier chapitre.

De même, dans la deuxième partie de ce travail, nous avons présenté les résultats des enquêtes
que nous avons effectuées auprès de nos dix personnes enquêtées sur la problématique des
apports des lieux, pratiques et objets sacrés dans la conservation de la nature.

En fin, nous avons terminé ce travail par une brève conclusion.


CHAPITRE I : DES TRADITIONS DE CONSERVATION DE LA NATURE

I.1 Le lieu symbolique dit "mahero"

I.1.1 Définition
Le mahero est tout d’abord un lieu sacré pour le symbolisme qu’il porte. Il est constitué au
départ de quelques arbres symboliques – plantés – qui forment une sorte de monument du chef
du clan. Il est érigé au niveau de la sépulture du chef coutumier le jour de son enterrement.

Le mahero se présente comme une portion de forêt conservée et respectée même en plein milieu
des espaces visiblement colonisés par des installations humaines et par des cultures paysannes.
Physiquement, il s’agit d’un boisement constitué d’espèces végétales spontanées qu’on a laissé
croître autour de la sépulture du chef coutumier.

I.1.2 Le Mahero dans la conservation de la nature

Cette zone, tout autour de la sépulture, est exclue de toute forme d’exploitation ; il serait même
interdit d’y faire paitre des animaux domestiques. Voué à une sorte d’évolution naturelle, au
cours des années, des formations végétales différentes se sont succédées sur ce lieu ; les
herbacées y ont cédé la place à des espèces arborescentes qui ont évolué pour constituer la
formation forestière souvent visible et habituellement associée à cette notion

En règle générale, dans sa constitution première, le mahero est formé de trois arbres spécifiques,
plantés lors de l’enterrement du chef coutumier, par des personnalités bien déterminées. Ces
arbres encadrent le corps du chef déposé dans sa tombe. Il s’agit de trois boutures de plantes
vivaces et pérennes bien connues dans la région. Deux boutures proviennent des faux-figuiers,
mukimba, qui peuvent être soit un Ficus sycomorus – le figuier sycomore ou sycamore, encore
appelé Ficus vallischaudae Delile 1843 – soit, et le plus souvent, un Ficus indica ou Ficus
bengalensis – le Banian –, tous de la famille des Moraceae. La troisième bouture provient du
muhathi, le Dracaena flagrans – ou dragonnier ou encore Lindenii – de la famille des Ruscaceae.

Les deux boutures venues du Ficus – mukimba – ou faux-figuier sont plantés respectivement au
niveau des pieds, par un des frères du chef nommé mulumuna, et au niveau de la tête par son
oncle maternel, appelé nyoko-lume. Tandis que la bouture venue du Dracaena – muhati – est
plantée à son côté droit par son mukama, c’est-à-dire son chef terrien hiérarchique à qui il
donnait sa redevance, pour attester ainsi devant tout le monde de l’appartenance de ces terres au
défunt.

Ces deux espèces pérennes – mukimba et muhati – seraient choisies et plantées en cet endroit
d’abord pour l’immortaliser mais surtout pour constituer des preuves vivantes certifiant que les
terres de ce lieu sont une propriété exclusive de la famille du chef décédé qui devient alors un
ancêtre.

Et plus tard, en cas d’éventuels disputes autour de ces terres, ce sont ces repères qui serviront
d’attestations pour départager les parties en conflits.

I.2 Le "kyaghanda"
I.2.1 Définition

Le kyaghanda dont il est question dans ce travail est en soi une "hutte"– du tout banale dans sa
conception physique – construite à côté du mahero. Il s’agit d’une construction circulaire qui ne
peut se réaliser qu’à l’aide des matériaux uniquement végétaux. Il est complémentaire au
mahero, mais pas toujours. Si tous les vakama ont droit au mahero, ce ne sont tous les mahero
qui sont accompagnés des vyaghanda. La construction du kyaghanda ne serait pas du tout
automatique ; il semble qu’elle serait dictée et se ferait sur demande expresse du monde
spirituel.

I.2.2 Le « Kyahanda » dans la conservation de la nature

Selon les explications données par les coutumiers de la localité de Muramba, le kyaghanda est
en fait l’ensemble composé de la hutte aux deux portes opposées et des deux ficus
supplémentaires plantés devant la maisonnette. Le lieu de son implantation serait dicté par le
monde des esprits. Et sa fréquentation est rare, seulement quand il y a des demandes ou des
sacrifices à faire e’kulimu, au monde des ancêtres. Ainsi ce "temple" peut se situer en plein
milieu du village – le cas de Muramba – comme il peut se retrouver en un endroit éloigné des
habitations. Ce dernier cas est celui du kyaghanda de Kivuli – montré en figure 21 –, en
Groupement de Bukenye, réputé comme étant le plus grand des vyaghanda de toute la chefferie
des Baswagha.

En cas de détérioration et même de disparition de la hutte construite uniquement en matériaux


végétaux, les deux ficus, qui sont des espèces vivaces, indiqueront toujours l’emplacement de ce
lieu aux générations futures. Encore une fois ce n’est pas le bâti de cette maisonnette ou
l’apparence physique – qui compte mais plutôt le symbolisme qu’elle contient. C’est ce haut
lieu de prière, sous les deux ficus, qui constitue l’emblème Nande porté par le Kyahanda.

I.3 Les espaces sacrés du « masingiro »


I.3.1 Définition

Le masingiro est le lieu consacré aux cérémonies complexes d’intronisation du mwami. Ces rites
consistent en une série d’épreuves soumises au candidat Mwami à l’issue desquelles il portera
dignement la couronne, e’mbitha. Ces épreuves étant hautement mystifiées, notamment celles
dites é’migherero, les espaces qui les ont abrité deviennent un « champ moudit » par l’action
dite é’rithakirwa. De cette façon, ces lieux sont devenus des espaces interdits acev tout ce qu’ils
portent comme ressources.
I.3.2 Les espaces sacrés du « masingiro » dans la conservation de la
nature.

Ces espaces constituent une forêt sacrée, intouchable, gardée intacte pour conserver tout le
matériel qui a été utilisé dans les cérémonies d’intronisation. Contrairement au mahero et au
kyahanda, les espaces du masingiro vont occuper une portion de terrain pouvant couvrir jusqu’à
un hectare. Dans ces espaces on est supposé rencontrer dess animaux, particulièrement des
animaux féroces comme des lions, des léopards ou des serpents, etc. qui sont associés au vwami,
le pouvoir du mwami. C’est pourquoi, il est conseilé, et même prudent, de ne pas s’y rendre.
I.4 Le "musaka"
I.4.1 Définition
Le musaka est une construction caractéristique qui, selon la conception traditionnelle Nande,
serait l’habitation d’un esprit* ; dit « Mulimu ». Il s’agit d’une forme de petit édicule, fait een
sticks de bois couverts de chaumes, dont la taille dépasse rarement le niveau du genou d’une
personne adulte. Il est muni d’une entrée, sufisament très basse-a sa taille-, conçue de telle sorte
qu’il y a que des enfants qui peuvent accéder à son inérieur.

I.4.2 Le « musaka » dans la conservation de la nature.

Le musaka n’est pas seulement composé de l’édicule, mais plutôt de l’ensemble de la


construction et du ficus planté juste à côté. C’est encore cet arbre vivace qui caractériserait ce
lieu sacré dans la coutume Nande. Ces maisonnettes sont principalement construites sur les
sommets des montagnes, au fond de certaines vallées et surtout au bord des eaux, étant donné
que ces édicules édifiés au nom des milimu sont localisés justement à des endroits spécifiques
où l’on pense atteindre ces esprits.

I.5 Les "maranga"

I.5.1 Définition

Les coutumiers définissent un riranga – maranga au pluriel – comme étant simplement une
feuille qui a des pouvoirs spécifiques. Au-delà des espèces végétales bien connues et utilisées
dans la pharmacopée traditionnelle locale, il existe d’autres plantes utilisées dans cette tradition
pour des faits rituels, notamment d’invocation ou de communication avec des esprits dits
e’milimu. Selon ces coutumiers, chaque mulimu se révélerait par un riranga spécifique. Ce qui
fait que, dans leurs cérémonies rituelles, pour accéder à un mulimu déterminé, il faut
obligatoirement utiliser son riranga spécifique.

I.5.2 Les « maranga » dans la conservation de la nature.

À la multiplicité annoncée des milimu, on associe une multitude des maranga qui seraient des
"courroies de transmission" obligées pour atteindre ces esprits. Ainsi, à la multitude des mirimu
correspond une infinité des maranga, espèces végétales sacrées qui méritent une protection.
Ces feuilles aux pouvoirs étranges peuvent parfois être des plantes banales connues et
rencontrées au quotidien, cependant, les coutumiers leur attribuent des forces et interprétations
totalement inouïes.

I.6 Le "vuhima" et autres symboles protégés

I.6.1 Notion

C’est aux guérisseurs traditionnels qu’est liée la notion du vuhima. Il s’agit d’une maison,
d’un lieu d’imploration des esprits pour des guérisons diverses. C’est donc une maison
dans laquelle on garde des objets sacrés et où l’on fait des sacrifices en l’honneur des esprits
tutélaires et des ancêtres. C’est un lieu sacré.
I.6.2 Le « Vuhima » dans la conservation de la nature.

A côté du traitement normal des maladies par la pharmacopée traditionnelle, il était associé
directement un deuxième aspect qui a trait à la représentation faite des notions des milimu et
des sacrifices à leur adresser. C’est notamment pour interpréter et traiter les maladies qui
s’annonçaient difficiles à guérir, comme la folie, l’épilepsie, les gangrènes, etc. et le
traitement, par massage, des os fracturés que l’on recourrait aux maranga spécifiques
nécessaires dans la réalisation de cette technique.
En outre, de nombreux autres objets symboliques seraient encore utilisés par la tradition
locale. De même, il existe encore dans la région Nande des lieux qui ont été réservés pour des
rites d’initiation dont la circoncision – « e’lusumba » –. Quoique ces derniers soient devenus
difficiles à identifier, le concept en soi renvoie encore à une certaine notion de conservation
de ces lieux. Il y a aussi des espaces qui ont été consacrés à la chasse. Nombreux parmi les
anciens reconnaissent encore que cette chasse était réglementée par les coutumiers locaux qui
savaient fixer des périodes propices pour ainsi permettre une régénération du gibier.
De la même façon, la pêche sur le lac Édouard ne se pratiquait pas de façon très intensive et
continue comme c’est le cas aujourd’hui. Elle était périodiquement interrompue pour céder la
place à des rites traditionnels sur le lac, lesquels se comprenaient comme des sacrifices faits à
des divinités pour permettre la fertilité du lac et la reproduction de ses poissons.
Enfin, à l’exemple des animaux sacrés – vithambo – protégés dans les espaces dits masingiro,
cette coutume reconnaissait des oiseaux sacrés, tels la bergeronnette dite kasinimbira et l’aigle
dit risamba, comme porte bonheur, ou plutôt dans l’autre sens le hibou dit kivukulu, comme
porte malheur etc. Il y a aussi un rituel, e’rihamula, particulièrement destiné à des actions de
rapprocher et dompter périodiquement des animaux sauvages – même les plus féroces –, etc.

I.7 Conclusion partielle et prise de position de l’auteur

Paul Vikanza considère ces lieux et objets sacrés comme des représentations qui
présagent des préceptes d’une forme de conservation de la nature, des opportunités offertes à
la conservation de l’environnement. Bien qu’ils n’aient pas été conçus expressément comme
des dispositifs de la conservation, certains méritent une attention particulière afin de
constituer la marque des communautés locales dans le processus de conservation de la nature.
Il s’agit du lieu symbolique du mahero et les espaces sacrés du masingiro. Par leurs aspects de
protection des formes de forêts, elles semblent offrir plus d’opportunités aux notions de
protection de biodiversités et d’écosystèmes. Les autres symboles, comme kyaghanda,
musaka, etc., sont liés à ceux-ci.
En conséquence, dans une perspective de consolider la participation citoyenne à la
conservation de l’environnement, ces emblèmes ne peuvent que constituer des objets précieux
de référence, à la manière de la symbolique qu’ils incarnent. Loin de former en soi des outils
de conservation, ces objets rituels constitueraient plutôt de bonnes bases, un gage culturel,
dans un processus d’intégration de la tradition à la conservation de la nature.

En outre, ce chercheur remarque que toutes les régulations liées à la croyance


traditionnelle Nande semblent converger vers un point commun, à savoir : la cohésion sociale
basée sur une exploitation harmonieuse des ressources en place, notamment la ressource
foncière. Toutes ces constructions et reproductions du pouvoir du mwami et de ses frères
vakama, avec qui ils sont des chefs de terres, toutes les cérémonies rituelles dites "e’asili
yavo" (= leurs pratiques coutumières singulières), ne seraient faites qu’autour de la gestion de
la terre, pour la reproduction sociale de toute la communauté. Ainsi, de nombreux us et
coutumes seraient compatibles avec une certaine "conservation de la nature".

Pour ce, la conservation actuelle, en même temps qu’elle devrait accepter


l’intervention des populations pour sa durabilité, ne doit pas non plus se concevoir en niant les
outils traditionnels, en termes d’éléments qui ont permis une certaine prospérité dans la région
et assuré l’ancienne conservation des milieux traditionnels, ou en se confondant simplement
en ces outils. Ainsi, elle devra adopter des nouvelles définitions qui adaptent surtout les
évolutions du moment aux potentialités physiques, sociales, structurelles et organisationnelles
du milieu local.

Les conflits qui surgissent lorsque les mêmes espaces sont revendiqués par différents
acteurs aux logiques diverses, voire même antinomiques peuvent être résolus par cette
intégration de la population autochtone.

Somme toute, l’intégration des traditionnels Nande dans la conservation de la nature


permettrait une conservation durable et pacifique de l’écosystème en milieux de Butembo.
CHAPITRE II : RELATION ENTRE POPULATION, ENVIRONNEMENT ET
DÉVELOPPEMENT EN MILIEUX DE BUTEMBO

II.1. Identité des enquêtés


Tableau n°1 : Répartition des enquêtés par tranche d’âge

Age Nombre Fréquence


[51 - 60] 4 40
[61 -70] 4 40
[71 -80] 2 20
Total 10 100
Source : nos enquêtes

D’après ce tableau, les personnes âgées que nous avons enquêtées ont l’âge variant
entre 51 et 80 ans, dont 60 % d’entre elles sont âgées de plus 60 ans.

Tableau n°2 : Répartition des enquêtés par profession

Profession Nombre Fréquence


Cultivateur 5 50
Agent de l’Etat 1 10
Medecin 2 20
Enseignant 2 20
Total 10 100
Source : Nos enquêtes

De par cette répartition, nous remarquons que 50 % de ces personnes sont cultivateurs.
Une d’entre elles est agent de l’Etat, deux sont médecins et deux autres sont enseignants.
Tableau n°3 : Répartition des enquêtés par genre

Sexe Nombre Fréquence


Homme 6 60
Femme 4 40
Total 10 100
Source : Nos calculs

De ce tableau l’on remarque que les hommes représentent 60 % et les femmes, 40


% de notre échantillon.

Tableau n°4 : Répartition des enquêtés par Commune

Commune Nombre Fréquence


VULAMBA 1 10
BULEMNGERA 4 40
KIMEMI 2 20
MUSUSA 3 30
Total 10 100
Source : Nos calculs

Ce tableau nous montre que notre échantillon a été tiré de toutes les quatre communes
de la ville de Butembo. En effet, la commune Vulamba représente 10%, la commune
Bulengera répresente 40%, la commune Kimemi représente 20% et la commune Mususa
répresente 30%.

Tableau n°5 : Répartition des enquêtés par village d’origine

Village d'origine Nombre Fréquence


Kyondo 1 10
Muhangi 1 10
Vuholu 2 20
Magheria 3 30
Total 10 100
Source : Nos enquêtes
Les villages d’origine de nos enquêtés sont : Kyondo, Vuholu, Mughangi et
Magheria.

II.2. Natalité, mortalité, croissance, fécondité et migration


Tableau n°6 : Répartition des enquêtés selon leurs opinions sur le nombre d’enfants

Opinions Nombre Fréquence


Il est important d’avoir beaucoup d’enfants 4 40
Il n’est pas important d’avoir beaucoup d’enfants 6 60
Total 10 100
Source : nos enquêtes et calculs

Ce tableau nous renseigne que 40 % de nos enquêtés estiment qu’il est important
d’avoir beaucoup d’enfants, alors que les 60 % restants sont d’un avis contraire. Les raisons
avancées par chacune de ces deux parties sont synthétisées de la manière suivante :

 Il est important d’avoir beaucoup d’enfants parce que :

- Beaucoup d’enfants = richesse : avoir beaucoup d’enfants est synonyme de


richesse, puisque les enfants constituent une main d’œuvre importante. Il n’y a
pas de développement sans travail.
- Beaucoup d’enfants représentent un grand débouché.
- Dans le contexte de notre pays, nous avons beaucoup d’espaces vides et des
terres à remplir.
- Enfant = bénédiction divine : en engendrant beaucoup d’enfants, on met en
pratique le commandement divin consistant à remplir la terre.

- Beaucoup d’enfants = compenser les morts dus à la guerre.

 Il n’est pas important d’avoir beaucoup d’enfants parce que :

- Beaucoup d’enfants = une charge : engendrer beaucoup d’enfants est une lourde
charge pour les parents. Beaucoup d’enfants représentent une grande charge pour
les parents en fin d’assurer leur formation scientifique, pour garantir leur
croissance corporelle et spirituelle.

Tableau n°6 : Répartition des enquêtés selon leurs opinions : population élevée comme
source de pression sur l’environnement

Opinion Nombre Fréquence


Oui 7 70
Non 3 30
Total 10 100
Source : Nos calculs

D’après cette répartition, 70 % de nos enquêtés soutiennent que la densité élevée dans
la population est à la base de la pression qu’elle exerce sur l’environnement. En effet, pour
ces personnes, plus la population est élevée, puisque elle pourra surexploiter la nature afin de
satisfaire ses besoins multiples, en allant jusqu’à exploiter les parties qui constituaient une
réserve naturelle.

Par contre, les 30 % restants pensent que la densité élevée de la population ne


constitue aucunement un facteur explicatif de la pression de l’humanité sur la nature. D’après
eux, s’il existe une gestion rationnelle et une répartition équitable des ressources, il est
possible de répondre aux besoins d’une population élevée sans menacer l’environnement.

A l’époque des ancêtres, 70 % de nos enquêtés affirment que, même du temps des
ancêtres, il y avait surexploitation de la terre, bien qu’elle fût moins importante
qu’aujourd’hui. En effet, comme la terre constituait la principale source de survie, elle était
régulièrement surexploitée par les ancêtres pour en tirer les ressources nécessaires pour
satisfaire leurs besoins. Mais comme ils étaient moins nombreux cette surexploitation ne se
faisait pas sentir.

Par ailleurs, 30 % sont d’un avis contraire. Selon eux, à côté de la terre, il y avait
d’autres activités de survie, comme la chasse, la cueillette, la pêche, … Les ancêtres
exploitaient la terre uniquement dans une agriculture de subsistance. Ainsi, cette unique
activité ne pouvait pas constituer une surexploitation de la terre.

En ce qui concerne la gestion des naissances, les ancêtres recouraient aux pratiques
suivantes :

- La séparation du lit conjugal ;


- L’abstinence en période d’ovulation : maîtrise de soi, discipline personnelle ;
- L’usage de quelques produits naturels ;

Quant à l’existence d’un vaccin pour enfants à l’époque de nos ancêtres, seuls 10 %
pensent qu’il pourrait en exister, alors que 90 % de nos enquêtés soutiennent qu’il n’existait
pas de vaccin pour enfants. Ainsi, à la place de ce vaccin, nos ancêtres utilisaient le tatouage,
la purge traditionnelle (o mulivu), des produits comme le kavingande, Kilimya muliro, …

Pour maintenir la santé des enfants, nos ancêtres recouraient aux pratiques suivantes :

- Veiller à la propreté quotidienne de l’enfant ;


- Mettre l’enfant près du nid d’abeilles ;
- Frotter l’enfant contre les éleusines.
- Donner à l’enfant une petite quantité de son eau de bain.

A propose de la mortalité, 100 % de nos enquêtés estiment avoir une idée sur le décès
ou la mortalité dans les villages. D’après leurs estimations, les étaient fréquents dans
l’intervalle : 1 décès/1000 habitants - 2 décès/1000 habitants - 3 décès/1000 habitants. Par
cette estimation, nous comprenons qu’à l’époque de nos ancêtres, les décès étaient rares, nos
ancêtres adultes vivaient longtemps par rapport aux adultes d’aujourd’hui.

Nos enquêtes ont situé l’espérance de vie d'entre 80 ans – 100 ans, avec 40 % qui
prônent pour la tranche d’âge de 80 à 90 ans et 30 % pour 90 à 100 ans. Seuls 20 % ont prôné
pour la tranche d’âge de 70 à 80 ans, et 10 % pour 60 à 70 ans.

Les causes de décès de ces ancêtres sont principalement les suivantes : la sorcellerie à
100 %, la malnutrition à 60 % et les guerres à 20 %. Nous remarquons que la sorcellerie était
la cause principale de la mort de nombreuses personnes. Cela signifie qu’il existait aussi un
nombre important des sorciers.

Pour limiter ou réduire les décès des enfants au village, on pouvait recourir à l’une des
pratiques ci-après :

 Veiller à l’hygiène quotidienne de l’enfant ;


 Veiller quotidiennement à la santé de l’enfant ;
 Recourir aux feuilles traditionnelles comme les maranga pour protéger l’enfant
contre les esprits maléfiques ;
 Consulter un féticheur sur la santé actuelle ou future de l’enfant.
De même, les accouchements à haut risque des femmes pouvaient être sauvés par des
pratiques traditionnelles qui jouaient le rôle de la césarienne d’aujourd’hui. Nos enquêtés ont
cité :

 La plante : eriranga : on mettait cette plante sur le ventre de la femme enceinte


pour lui permettre d’accoucher avec moins de risque ;
 La femme enceinte était soumise à une certaine discipline, notamment
l’interdiction de consommer certains aliments, mais aussi l’interdiction de
pratiques certaines activités ;
 Les femmes sages pouvaient glisser leurs doigts dans l’utérus de la femme
enceinte, lors d’une complication lors de l’accouchement ;
 L’autopsie par le guérisseur

S’agissant de la composition du ménage dans les temps des ancêtres, le minimum


d’enfants par famille était de 8 ou 10 enfants en 80 %. Ce qui expliquait que les enfants soient
plus de trois dans une famille c’est le mariage des jeunes d’avant 18 ans. Cette thèse a été
soutenue par nos enquêtés en 70 %, les 30 % autres estimant que c’est le mariage des jeunes à
partir de 18 ans. En outre, pour la plupart, le mariage était à 60 % polygamique et à 40 %
monogamique.

Les ancêtres travaillaient pour satisfaire leurs besoins. Ils s’adonnaient aux activités
suivantes : l’agriculture acceptée à 100 %, la chasse et la cueillette à 90 % chacune, le
commerce (sous forme de troc) à 30 %, la forge et médecine traditionnelle (guérisseur) à 10 %
chacune. Autrement dit, les activités principales de nos ancêtres étaient l’agriculture, la chasse
et la cueillette. Ils pouvaient se livrer de manière extraordinaire au troc.

Nos enquêtés nous ont révélé à 90 % qu’une personne pouvait facilement quitter son
village pour aller vivre dans un autre village, pour des motifs divers, notamment : la chasse ou
la recherche d’un village où il fait mieux à 70 %, ou pour des raisons de famine ou d’alliance
ou encore d’expulsion puisqu’on a été accusé de sorcier, à 30 %.

Concernant les concepts ci-après, les personnes enquêtées nous ont fournis les
éléments suivants :

• E’riranga ou a’maranga : plante ayant pour rôle de protéger la vie d’une personne,
aide à faire le diagnostic d’une maladie, surtout pour les femmes enceintes, utile
pour le massage des handicapés, aide à éviter la pluie, ….

• Mahero : cimetière des membres de la famille

• Kyaghanda : lieu de rencontre des hommes pour faire passer les communiqués, pour
partager le repas, pour résoudre les conflits (lieu de tribunal traditionnel)

• Masingiro : lieu d’intronisation du mwami.


• Musaka : il servait de musée ou sorte d’exposition des aliments, il servait aussi de lieu
de prière personnelle, enfin, c’est le lieu où on faisait des sacrifices, surtout sanglants
: immolation des chèvres, poules, …

• Muhima : certains ont dit qu’il s’agit d’un esprit, d’autres ont parlé plutôt d’un dieu,
d’autres encore d’une personne dotée d’un don pour la recherche.

A côté de ces plantes, lieux et objets sacrés, il existait d’autres éléments, objets et
pratiques de représentation qui pourraient avoir contribué l’environnement dans la zone de
Butembo-Beni. Nos enquêtés ont cité principalement les viranga vuthala, kathula,
oluthembe, o’mughuma, des endroits sacrés qui inspiraient la peur et la terreur, comme
kyavirimu,….

II.3. Croissance et modernité


Les familles urbaines vivent en recourant à d’autres activités professionnelles
contrairement au village. Il s’agit principalement du commerce, l’enseignement, la médecine,
le métier de juriste, agents de l’Etat, extraction du sable, …. D’après nos enquêtés, le revenu
moyen mensuel d’un ménage de Butembo est de 50 dollars américains pour certaines, soit 50
%, 150 dollars américains pour d’autres, soit 40 %, et 10 % estiment qu’il dépend d’une
famille à une autre.

L’on constate qu’aujourd’hui les familles sont en quête d’augmenter leur revenu pour
vivre de la manière moderne. Malheureusement, ces familles recourent aux activités et
pratiques qui concourent à la destruction de l’environnement et de l’écosystème :

• Pour la chasse, il s’agit de l’élimination de certaines espèces d’animaux ;


• Pour le ramassage : disparition de certaines espèces d’arbres fruitiers ;
• Pour l’agriculture : déforestation, surexploitation du sol, utilisation des engrains
conduisant à l’appauvrissement du sol, agriculture sur brulis ;
• Pour l’élevage : mauvaise gestion des déchets ;
• Autres pratiques modernes : déchets issus de l’industrialisation, pollution
atmosphérique, surexploitation du bois (planches et bois de chauffe), la recherche
des minerais, …

De tout ce qui précède, peut-on affirmer que nos ancêtres vivaient mieux que nous
aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, 90 % de nos enquêtés pensent que la population
de Butembo-Beni vit mieux aujourd’hui qu’à l’époque des ancêtres. Ils avancent comme
motifs : le commerce permet mettre à la disposition des habitants tout ce qui leur est
nécessaire, ce qu’il y a plus de nourriture en ville qu’au village. Ils ajoutent la sécurité et
l’accès facile aux meilleurs soins de santé. Les seuls 10 % qui pensent le contraire, avancent
comme motif la surutilisation en ville des aliments OGM (organismes génétiquement
modifiés).
Quant à la destruction de l’écosystème, ces personnes expérimentées soutiennent à
100
% que c’est la génération actuelle qui détruit l’environnement et l’écosystème. En effet, on
note actuellement des menaces de la nature causées par la pollution issue des produits et
déchets issus des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
(NTIC).

En outre, on remarque qu’aujourd’hui les guerres en armes à feu sont devenues


monnaie courante. Toutes ces armes polluent au quotidien l’environnement et l’écosystème.
De même, avec ces guerres, les nouvelles technologies, le capitalisme et autres pratiques, la
génération actuelle a détruit des espèces végétales et animales qui contribuaient à la
régulation de l’environnement et de l’écosystème.

Ces sages personnes nous recommandent de :

 respecter les normes nationales, internationales de protection de la nature, sans


rejeter les pratiques traditionnelles de protection de l’environnement ;
 éviter l’esprit individualiste afin de revivre les valeurs de la solidarité africaine pour
un développement durable ;
 réduire le nombre d’enfants ;
 éduquer la génération actuelle sur les pratiques de conservation de la nature et le
développement durable ;
 former la génération actuelle sur la gestion des produits et déchets issus des
Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC).

II.4. Conclusion
Dans ce chapitre, il s’est agi d’étudier les pratiques traditionnelles actuelles de
régulation et le lien existant entre ces pratiques et la conservation de la nature. Nous avons
remarqué que nos ancêtres avaient bel et bien des pratiques de conservation de la nature qui
les ont permis à bien gérer la nature que la génération actuelle. Pour continuer à préserver
l’environnement il faudra recourir au développement durable et éduquer la génération
actuelle sur les valeurs du développement durable, les nouvelles technologies de
l’information et la gestion des déchets.

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