DIFFÉRENTES FORMES DE PRÉSENCE DE L'EAU DANS LE SOL
L'eau peut se présenter dans le sol sous quatre formes :
• Eau de constitution. Elle fait partie de la composition chimique des minéraux formant les grains du sol. • Eau adsorbée (ou eau liée). Il s'agit d'une pellicule fine visqueuse mi-solide, ayant une épaisseur variant de 10-3 à 10-2 μm, qui entoure le grain argileux. Une partie de la cohésion du sol argileux est due à cette eau. En outre, ce type d'eau intervient dans le caractère visqueux du comportement de l'argile et dans le phénomène de fluage [1]. • Eau capillaire. Dans le sol non saturé, l'eau en contact avec l’air interstitielle occupe une partie des vides entre les grains. Les forces de tension capillaire dues au contact air-eau "soudent" les grains entre eux et contribuent à la pseudocohésion (ou cohésion capillaire) dans le sol pulvérulent, et à la cohésion du sol argileux. Dans les sols argileux, la hauteur de la frange capillaire peut atteindre plusieurs dixaines de mètres au dessus d’une nappe d’eau, alors qu’elle est de quelques centimètres dans les sols sableux. • Eau libre. Elle remplit tous les vides et constitue une nappe qui, sous l'effet d'un gradient hydraulique, circule librement. Cette nappe est composée des phases suivantes (voir figure 4.2) : - phase d'eau libre où le sol est saturé d'eau, - phase d'eau capillaire, dans laquelle le sol est saturé par capillarité à sa base. Le degré de saturation diminue en allant vers le la surface [2]. Introduction à la mécanique des sols 68 uZ g hv w =++ 2. γ 2 - phase de dessiccation dans laquelle la teneur est très faible et varie avec les conditions en surface. Figure 4.2. Schéma d'une nappe d'eau interstitielle Notons qu'une nappe est en général retenue par une couche de sol imperméable, appelée mur de la nappe. La masse d'eau est alors en équilibre hydrostatique et la nappe est dite nappe libre au repos. Si l’eau peut s’écouler, la nappe est dite nappe libre en mouvement. Pour l'étude de cet écoulement, on applique les lois de l'hydrodynamique des milieux poreux. Il arrive aussi que la nappe soit retenue entre deux couches de sols imperméables, on dit alors que la nappe est captive. La nappe phréatique correspond à la première nappe rencontrée à partir de la surface libre du sol. Enfin, le terrain est aquifère si l'eau y circule librement, aquifuge si le terrain est imperméable (Granite non fissuré par exemple), et aquiclude si la perméabilité est faible [8]. On s'intéresse dans ce chapitre à l'écoulement de l'eau dans une nappe libre. 4.3. ETUDE DE L'ECOULEMENT DE L'EAU LIBRE 4.3.1. Ecoulement unidimensionnel de l'eau - Loi de Darcy L'équation de Bernoulli concernant l'écoulement de l'eau, supposée incompressible et non visqueuse, sous l'effet de la pesanteur s'écrit : h est la charge hydraulique, a la dimension d'une longueur et représente l'énergie mécanique totale du liquide. Ce terme est constant si le liquide est au repos, ce qui exprime la conservation de l'énergie. Par contre, si le liquide et soumis à un gradient hydraulique, l'écoulement résultant se traduit par une perte d'énergie (voir figure 4.3). v est la composante de la vitesse linéaire de la particule d'eau dans le sens de Introduction à la mécanique des sols 69 huZ w ≈+ γ l V Ki K h Δ Δ == l'écoulement. La vitesse de l'eau dans le sol est très faible et n'atteint jamais 1 cm/s. Le terme cinétique (ou hauteur cinétrique) V2/2g est négligeable devant le terme potentiel de la charge hydraulique. u est la pression d'écoulement de l'eau (pression hydrodynamique). Il s'agit d'une pression relative, par rapport à la pression atmosphérique, cette dernière étant négligeable devant u [8]. En outre, lorsque la nappe est au repos cette pression appelée pression hydrostatique, est telle que : u = γw.Zw Zw est la cote du point considéré par rapport à la surface libre de la nappe. Le terme u/γw est appelé hauteur piézométrique et Z est appelée hauteur de position, définie par la hauteur de la particule par rapport à la référence sélectionnée. Ainsi, pour l'eau dans les sols, on peut écrire : L'écoulement d'eau dans le sol est décrit par une loi fondamentale établie expérimentalement par Henri Darcy en 1854 [3], postulant que la vitesse d'écoulement de l'eau interstitielle est proportionnelle à la perte de charge par unité de longueur de la conduite d'écoulement. Ce qui peut se formuler comme suit (voir figure 4.3) : La perte de charge par unité de longueur est appelée gradient hydraulique et noté i. Le coefficient de proportionnalité K, ayant la dimension d’une vitesse, est appelé coefficient de perméabilité, caractérisant l’aptitude du sol à faciliter l’écoulement de l’eau. Ce coefficient varie dans des proportions considérables en passant d'un sol fin à un sol grenu, comme le montre le tableau 4.1 [3], [4], [5], [6]. La vitesse v intervenant dans la loi de Darcy, appelée aussi vitesse de décharge, n'est pas la vitesse réelle de l'écoulement de l'eau interstitielle. En réalité, la section de la conduite comprend seulement les pores à travers lesquels l'eau s'écoule. A partir de la figure 4.4, si on appelle vr la valeur moyenne de la vitesse de l'eau dans le sens de l'écoulement, on peut écrire le débit d'écoulement, en notant la surface des vides par Sv, comme suit : Q = vS = VrSv Or, la porosité s’écrit : n= Sv/S, ce qui permet d'écrire : v = nvr. Introduction à la mécanique des sols 70 Figure 4.3. Perte de charge hydraulique due à l'écoulement de l'eau Figure 4.4. Vitesse réelle et vitesse de décharge Une telle précision sur la vitesse d'écoulement n'est cependant pas importante en pratique, puisque la contribution de l'énergie cinétique est à négliger dans l'écoulement de l'eau interstitielle. L'écoulement de l'eau est supposé linéaire dans des tubes de courant (ou lignes de courant). En fait, ceci est une simplification de la trajectoire d'une particule d'eau et le chemin réellement emprunté par la particule d’eau, comme l’illustre la figure 4.5, est en général tortueux et imposé par la disposition des vides entre les grains. Introduction à la mécanique des sols 71 Tableau 4.1. Ordres de grandeur du coefficient de perméabilité Sol Marge de K (cm/s) Gravier 10-1 –102 Sable 10-3 –10-1 Limon et sable argileux 10-7 –10-3 Argile 10-11 –10-7 Roche fissurée 10-10 –10-8 La loi de Darcy est valable pour des écoulements dans des sols ayant une faible porosité, et à faible vitesse (de l'ordre de 0.1 à 1 cm/s pour les sables), sans toutefois descendre en deçà de 0.01 cm/s environ selon Cambefort, à cause de l’adsorption probable des molécules d'eau avec les particules de sol [2]. Les limites de validité de la loi encadrent l'intervalle courant des vitesses d'écoulement dans les sols, notamment dans les sables et les graviers. Dans les sols ultra-argileux et très fins, doués d'une très faible perméabilité, l’application de la loi de Darcy devient grossière.