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Séance 7
La justification de l’entrave
1
Document 1 : CJCE, 17 juin 1981, Commission/Irlande, aff. 113/80 (souvenirs
d'Irlande)
mots clés
sommaire
1 . l ' article 36 du traite cee , en tant que derogation a la regle fondamentale de l '
elimination de tous les obstacles a la libre circulation des marchandises entre les etats
membres , est d ' interpretation stricte ; les exceptions qu ' il enumere ne peuvent etre
etendues a des cas autres que ceux limitativement prevus . or , ni la defense des
consommateurs , ni la loyaute des transactions commerciales n ' etant mentionnees
parmi les exceptions figurant a l ' article 36 , il apparait que ces raisons ne peuvent etre
invoquees - en tant que telles - dans le cadre dudit article .
2 . constitue une mesure d ' effet equivalent , au sens de l ' article 30 du traite cee , une
reglementation nationale exigeant que tous les ' souvenirs ' et articles de bijouterie
importes des autres etats membres portent une indication d ' origine ou soient revetus du
terme ' foreign ' .
parties
partie requerante ,
2
contre
irlande , representee par m . louis j . dockery , chief state solicitor , en qualite d ' agent ,
ayant elu domicile a luxembourg , au siege de son ambassade , 28 , route d ' arlon ,
partie defenderesse ,
objet du litige
ayant pour objet le manquement resultant du maintien en vigueur par l ' irlande des
arretes statutory instrument ( si ) n 306 de 1971 , relatif aux marques de fabrique -
restriction des ventes d ' articles de bijouterie importes ( iris oifigiuil du 21 . 11 . 1971 )
et si n 307 de 1971 , relatif aux marques de fabrique - restrictions a l ' importation d '
articles de bijouterie ( iris oifigiuil du 21 . 11 . 1971 ) qui seraient contraires a l ' article
30 du traite cee ,
motifs de l'arrêt
2 selon leur notice explicative , ces deux arretes interdisent , le premier , la vente ou l '
exposition en vue de la vente d ' articles de bijouterie importes portant des motifs ou des
caracteristiques suggerant qu ' ils sont des souvenirs d ' irlande , par exemple un
personnage irlandais , un evenement ou un paysage irlandais , un levrier irlandais , une
tour ronde , un trefle irlandais , etc ., et le second , l ' importation de ces memes articles ,
a moins qu ' ils ne comportent , dans les deux cas , l ' indication de leur pays d ' origine
ou qu ' ils soient revetus du terme ' foreign ' .
3 ces objets sont enumeres en annexe de chaque arrete ; toutefois , pour entrer dans le
champ d ' application desdits arretes , ils doivent etre constitues , soit d ' un metal
precieux ou d ' un metal precieux plaque , soit d ' un metal vil y compris les articles
polis ou plaques se pretant au sertissage .
4 la commission est d ' avis que les restrictions a la libre circulation des marchandises
figurant dans les deux arretes constituent des mesures d ' effet equivalant a des
restrictions quantitatives a l ' importation contraires aux dispositions de l ' article 30 du
3
traite et elle precise que , selon l ' article 2 , paragraphe 3 , point f ), de la directive 70/50
, du 22 decembre 1969 , fondee sur les dispositions de l ' article 33 , paragraphe 7 ,
portant suppression des mesures d ' effet equivalant a des restrictions quantitatives a l '
importation non visees par d ' autres dispositions prises en vertu du traite cee ( jo 1970 ,
l 13 , p . 29 ), il faut considerer comme mesures d ' effet equivalent contraires a l ' article
30 du traite cee ' les mesures qui deprecient un produit importe , notamment en
provoquant une diminution de sa valeur intrinseque ou son rencherissement ' .
5 le gouvernement irlandais ne conteste pas que ces arretes ont des effets restrictifs sur
la libre circulation des marchandises , il soutient toutefois que ces mesures litigieuses se
justifieraient par l ' interet de la defense des consommateurs et celui de la loyaute dans
les transactions commerciales entre les producteurs . a cet effet , il s ' appuie sur l '
article 36 du traite qui dispose que les articles 30 a 34 ne font pas obstacle aux
interdictions ou restrictions d ' importation justifiees par des raisons notamment d ' ordre
public ou de protection de la propriete industrielle et commerciale .
6 mais c ' est toutefois a tort que la defenderesse invoque l ' article 36 du traite comme
base legale au soutien de son moyen .
7 en effet , la cour ayant precise dans l ' arret du 25 janvier 1977 ( bauhuis , affaire
46/76 , recueil , p . 5 ) que l ' article 36 du traite , ' en tant que derogation a la regle
fondamentale de l ' elimination de tous les obstacles a la libre circulation des
marchandises entre les etats membres , est d ' interpretation stricte ' , les exceptions qu '
il enumere ne peuvent etre etendues a des cas autres que ceux limitativement prevus .
9 cependant , le recours a ces notions ayant ete qualifie par le gouvernement irlandais de
' point fondamental dans cette affaire ' , il y a lieu d ' apprecier cet argument dans le
cadre de l ' article 30 et d ' examiner si ces notions permettent de nier l ' existence de
mesures d ' effet equivalant aux restrictions quantitatives a l ' importation au sens de cet
article , compte tenu de ce que , selon la jurisprudence constante de la cour , celles-ci
englobent ' toute reglementation commerciale des etats membres susceptible d ' entraver
directement ou indirectement , actuellement ou potentiellement le commerce
intracommunautaire ' ( arret du 11 juillet 1974 , dassonville , affaire 8/74 , recueil , p .
837 ).
10 a cet egard , la cour a iterativement affirme ( arret du 20 fevrier 1979 , rewe , affaire
120/78 , recueil , p . 649 ; arret du 26 juin 1980 , gilli , affaire 788/79 , recueil , p .
2071 ; arret du 19 fevrier 1981 , kelderman , affaire 130/80 , non encore publie ) qu ' ' en
l ' absence de reglementation commune de la production et de la commercialisation d '
un produit , il appartient aux etats membres de regler , chacun sur son territoire , tout ce
qui concerne la production , la distribution et la consommation de celui-ci , a la
condition toutefois que ces reglementations ne fassent pas obstacle . . . au commerce
4
intracommunautaire ' et que ' ce ne serait que lorsqu ' une reglementation nationale
indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importes , pourrait
etre justifiee comme etant necessaire pour satisfaire a des exigences imperatives tenant
en particulier a . . . la defense des consommateurs et a la loyaute des transactions
commerciales qu ' elle pourrait deroger aux exigences decoulant de l ' article 30 ' .
11 or , en l ' espece , il ne s ' agit pas d ' une reglementation applicable indistinctement
aux produits nationaux et aux produits importes , mais d ' un ensemble de regles qui ne
visent que les seuls produits importes , et qui a , de ce fait , un caractere discriminatoire
excluant l ' application aux mesures en cause de la jurisprudence susvisee , qui ne
concerne que les dispositions des legislations regissant d ' une maniere uniforme la
commercialisation des produits nationaux et des produits importes .
13 la commission rejette cette argumentation . s ' appuyant sur l ' arret du 20 fevrier
1975 ( commission/republique federale d ' allemagne , affaire 12/74 , recueil , p . 191 ),
elle releve qu ' il n ' est pas necessaire pour l ' acheteur de savoir si un produit a ou non
une origine precise , a moins que cette origine n ' implique une certaine qualite , des
matieres de base particulieres ou un procede de fabrication determine ou encore un
certain role dans le folklore ou la tradition de la region en question ; or , aucun des
articles vises dans les arretes ne repondant a ces caracteristiques , les mesures en cause
ne seraient pas justifiees et auraient par consequent ' manifestement un caractere
discriminatoire ' .
14 il convient donc d ' examiner si les mesures litigieuses ont effectivement un caractere
discriminatoire ou si elles ne constituent qu ' une discrimination apparente .
15 il apparait que le ' souvenir ' - tel qu ' il est decrit dans les arretes n 306 et 307 - est
constitue en general par un objet d ' ornement de faible valeur marchande representant
ou comportant un motif ou un embleme rappelant un lieu , une chose , un personnage ,
un evenement historique evoquant un symbole irlandais , tenant sa valeur du fait que l '
acheteur , le plus souvent un touriste , l ' acquiert sur place ; il a en l ' espece une qualite
substantielle : la remi niscence imagee du lieu visite , qualite qui n ' impose pas par elle-
5
meme qu ' un ' souvenir ' tel que defini par les arretes irlandais soit fabrique dans le pays
d ' origine .
17 ainsi , en subordonnant l ' acces au marche national de ces ' souvenirs ' importes des
autres etats membres a la condition de l ' apposition d ' une mention d ' origine qui n ' est
pas exigee pour les produits nationaux , il apparait de maniere non contestable que les
dispositions prevues aux arretes 306 et 307 constituent une mesure discriminatoire .
18 il convient donc de conclure que , en exigeant que tous les ' souvenirs ' et articles de
bijouterie importes des autres etats membres , relevant des arretes 306 et 307 , doivent
porter une indication d ' origine ou etre revetus du terme ' foreign ' , la reglementation
irlandaise constitue une mesure d ' effet equivalent au sens de l ' article 30 du traite cee .
l ' irlande a , par consequent , manque aux obligations qui lui incombent en vertu dudit
article .
dispositif
la cour
declare et arrete :
1 ) en exigeant que tous les articles importes des autres etats membres , relevant des
arretes n 306 et 307 de 1971 , portent une indication d ' origine ou soient revetus du
6
terme ' foreign ' , l ' irlande a manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l '
article 30 du traite cee .
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE,
introduites par le Verwaltungsgericht des Saarlandes (Allemagne), par décisions
respectivement des 20 mars et 21 mars 2007, parvenues à la Cour le 30 mars 2007, dans
les procédures
Marion Schneider,
Michael Holzapfel,
Fritz Trennheuser,
contre
Saarland,
en présence de:
DocMorris NV,
7
P. Kūris, E. Juhász, G. Arestis, J. Malenovský (rapporteur), L. Bay Larsen et Mme P.
Lindh, juges,
8
– pour le gouvernement finlandais, par Mmes J. Himmanen et A. Guimaraes-
Purokoski, en qualité d’agents,
rend le présent
Arrêt
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une
part, l’Apothekerkammer des Saarlandes, Mme Schneider, M. Holzapfel, M.
Trennheuser et le Deutscher Apothekerverband eV (C-171/07) ainsi que, d’autre part,
Mme Neumann-Seiwert (C-172/07) au Saarland (Land de Sarre) et au Ministerium für
Justiz, Gesundheit und Soziales (ministère de la Justice, de la Santé et des Affaires
sociales, ci-après le «Ministerium») au sujet d’une réglementation nationale réservant la
détention et l’exploitation des pharmacies aux seules personnes ayant la qualité de
pharmaciens.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
«La présente directive n’assure pas la coordination de toutes les conditions d’accès aux
activités du domaine de la pharmacie et de leur exercice. La répartition géographique
des officines, notamment, et le monopole de dispense de médicaments devraient
continuer de relever de la compétence des États membres. La présente directive
n’affecte pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États
membres qui interdisent aux sociétés l’exercice de certaines activités de pharmacien ou
soumettent cet exercice à certaines conditions.»
9
l’exercice effectif du droit d’établissement pour certaines activités du domaine de la
pharmacie (JO L 253, p. 37), ces directives ayant été abrogées avec effet à compter du
20 octobre 2007 et remplacées par la directive 2005/36.
La réglementation nationale
5 Aux termes de l’article 1er de la loi sur les pharmacies (Gesetz über das
Apothekenwesen), dans sa version publiée au BGBl. 1980 I, p. 1993, telle que modifiée
par le règlement du 31 octobre 2006 (BGBl. 2006 I, p. 2407, ci-après l’«ApoG»):
(2) Toute personne souhaitant exploiter une pharmacie, et jusqu’à trois succursales,
doit obtenir l’autorisation de l’autorité compétente.
(3) L’autorisation vaut pour le seul pharmacien auquel elle a été accordée et pour les
seuls locaux désignés dans le document d’autorisation.»
«(1) L’autorisation est octroyée sur demande dès lors que le demandeur:
[…]
[…]
(4) Sur demande, l’autorisation pour l’exploitation de plusieurs officines est accordée
si
10
2. la pharmacie et les succursales envisagées se situent à l’intérieur du même
arrondissement [«Kreis»], à l’intérieur de la même ville, ou dans les arrondissements ou
villes voisins.
2. pour chaque succursale, l’exploitant est tenu de désigner par écrit un pharmacien
responsable qui doit garantir le respect des obligations imposées par la présente loi et
par le règlement relatif aux pharmaciens gérants en ce qui concerne la gestion de la
pharmacie.
[…]»
«Plusieurs personnes ensemble peuvent gérer une pharmacie uniquement sous la forme
d’une société de droit civil ou d’une société en nom collectif, tous les associés devant
dans ce cas obtenir l’autorisation. […]»
11 DocMorris NV (ci-après «DocMorris») est une société anonyme établie aux Pays-
Bas qui exerce, notamment, une activité de vente de médicaments par correspondance.
Par décision du 29 juin 2006, le Ministerium lui a accordé, avec effet au 1er juillet 2006,
l’autorisation d’exploiter en tant que succursale une pharmacie à Sarrebruck
11
(Allemagne), sous réserve de l’engagement par cette société d’un pharmacien chargé de
diriger personnellement et sous sa propre responsabilité la pharmacie en question (ci-
après la «décision du 29 juin 2006»).
12 Les 2 et 18 août 2006, les requérants au principal ont introduit des recours devant
le Verwaltungsgericht des Saarlandes ayant pour objet l’annulation de la décision du 29
juin 2006.
13 Dans ces recours, ils soutenaient que cette décision est contraire à l’ApoG, car
elle méconnaît le principe dit du «Fremdbesitzverbot», c’est-à-dire le principe qui
réserve aux seuls pharmaciens le droit d’être propriétaires et d’exploiter une pharmacie,
tel qu’il ressort des dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, point 3, ainsi
que 7 et 8 de l’ApoG (ci-après la «règle d’exclusion des non-pharmaciens»).
16 Par ordonnance du président de la Cour du 1er juin 2007, les affaires C-171/07 et
C-172/07 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt.
12
Sur la première question
Observations liminaires
19 Dans l’appréciation du respect de cette obligation, il doit être tenu compte du fait
que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et intérêts
protégés par le traité et qu’il appartient aux États membres de décider du niveau auquel
ils entendent assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit
être atteint. Ce niveau pouvant varier d’un État membre à l’autre, il convient de
reconnaître aux États membres une marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 11
décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C-322/01, Rec. p. I-14887, point 103; du
11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C-141/07, non encore publié au Recueil,
point 51, et Hartlauer, précité, point 30).
13
Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement
14
29 Il convient d’examiner, en troisième lieu, si la règle d’exclusion des non-
pharmaciens est propre à garantir un tel objectif.
30 À cet égard, il importe que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence
ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, l’État membre puisse prendre
des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soient
pleinement démontrée. En outre, l’État membre peut prendre les mesures qui réduisent,
autant que possible, un risque pour la santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin
2007, Rosengren e.a., C-170/04, Rec. p. I-4071, point 49), y compris, plus précisément,
un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.
32 Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si les médicaments sont
consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la
santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur
administration.
34 Au regard de ces risques pour la santé publique et pour l’équilibre financier des
systèmes de sécurité sociale, les États membres peuvent soumettre les personnes
chargées de la distribution des médicaments au détail à des exigences strictes, s’agissant
notamment des modalités de commercialisation de ceux-ci et de la recherche de
bénéfices. En particulier, ils peuvent réserver la vente de médicaments au détail, en
principe, aux seuls pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent
présenter et des informations qu’ils doivent être en mesure de donner au consommateur
(voir, en ce sens, arrêt Delattre, précité, point 56).
35 À cet égard, compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du
niveau de protection de la santé publique, il y a lieu d’admettre que ces derniers peuvent
exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une
indépendance professionnelle réelle. Ils peuvent également prendre des mesures
15
susceptibles d’éliminer ou de réduire un risque d’atteinte à cette indépendance dès lors
qu’une telle atteinte serait de nature à affecter le niveau de la sûreté et de la qualité de
l’approvisionnement en médicaments de la population.
40 Il est ainsi notamment loisible à un État membre d’évaluer, dans le cadre de ladite
marge d’appréciation, si un tel risque existe s’agissant des fabricants et des grossistes de
produits pharmaceutiques au motif que ceux-ci pourraient porter atteinte à
l’indépendance des pharmaciens salariés en les incitant à promouvoir les médicaments
qu’ils produisent ou commercialisent eux-mêmes. De même, un État membre peut
apprécier si les exploitants n’ayant pas la qualité de pharmaciens risquent de porter
atteinte à l’indépendance des pharmaciens salariés en les incitant à écouler des
médicaments dont le stockage n’est plus rentable ou si ces exploitants risquent de
procéder à des réductions de frais de fonctionnement qui sont susceptibles d’affecter les
modalités selon lesquelles les médicaments sont distribués au détail.
16
41 Dans leurs observations déposées devant la Cour, DocMorris ainsi que la
Commission des Communautés européennes ont également fait valoir que, dans les
affaires au principal, la règle d’exclusion des non-pharmaciens ne saurait être justifiée
par l’intérêt général, car la manière dont cet objectif est poursuivi est dépourvue de
cohérence.
46 En outre, il convient de relever que ladite exception n’a que des effets temporaires
dès lors que les héritiers doivent effectuer le transfert des droits d’exploitation de la
pharmacie à un pharmacien dans un délai de douze mois.
47 Cette exception vise ainsi à permettre aux ayants droit de céder la pharmacie à un
pharmacien dans un délai qui ne s’avère pas déraisonnable et elle peut être ainsi
considérée comme ne présentant pas un risque pour la sûreté et la qualité de
l’approvisionnement en médicaments de la population.
48 Ensuite, un tel risque ne saurait davantage découler du fait que les hôpitaux
peuvent exploiter des pharmacies internes. En effet, ces dernières sont destinées non pas
à assurer l’approvisionnement en médicaments de personnes extérieures à ces hôpitaux,
mais à procurer des médicaments aux établissements dans lesquels elles sont établies.
Ainsi, les hôpitaux qui exploitent de telles pharmacies ne sont pas, en principe,
17
susceptibles d’influer sur le niveau général de sûreté et de qualité de
l’approvisionnement en médicaments de l’ensemble de la population. En outre, compte
tenu du fait que ces établissements hospitaliers sont des prestataires de soins médicaux,
aucun élément ne permet de présumer qu’ils auraient un intérêt à la réalisation de
bénéfices au détriment des patients auxquels les médicaments des pharmacies qu’ils
abritent sont destinés.
50 Dès lors que l’exploitation desdites succursales est assortie de ces conditions, la
réglementation en cause au principal ne peut être considérée comme incohérente.
53 À cet égard, DocMorris et la Commission ont fait valoir devant la Cour que ledit
objectif pourrait être atteint par des mesures moins restrictives, telles que l’obligation de
présence d’un pharmacien dans l’officine, l’obligation de contracter une assurance ou
un système de contrôles adéquats et de sanctions efficaces.
54 Toutefois, eu égard à la marge d’appréciation laissée aux États membres, telle que
rappelée au point 19 du présent arrêt, un État membre peut estimer qu’il existe un risque
que les règles législatives visant à assurer l’indépendance professionnelle des
pharmaciens soient méconnues dans la pratique, étant donné que l’intérêt d’un non-
pharmacien à la réalisation de bénéfices ne serait pas modéré d’une manière équivalente
à celui des pharmaciens indépendants et que la subordination de pharmaciens, en tant
18
que salariés, à un exploitant pourrait rendre difficile pour ceux-ci de s’opposer aux
instructions données par cet exploitant.
57 Dans ces conditions, il n’est pas établi qu’une mesure moins restrictive de la
liberté garantie par l’article 43 CE, autre que la règle d’exclusion des non-pharmaciens,
permettrait d’assurer, de manière aussi efficace, le niveau de sûreté et de qualité
d’approvisionnement en médicaments de la population qui résulte de l’application de
cette règle.
59 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’arrêt du 21 avril 2005,
Commission/Grèce (C-140/03, Rec. p. I-3177), invoqué par le Saarland, le
Ministerium, DocMorris et la Commission, dans lequel la Cour a dit pour droit que la
République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles
43 CE et 48 CE en adoptant et en maintenant en vigueur des dispositions nationales qui
subordonnent la possibilité pour une personne morale d’ouvrir un magasin d’optique
notamment à la condition que l’autorisation de créer et d’exploiter ce magasin soit
délivrée au nom d’un opticien personne physique agréé et que la personne qui possède
l’autorisation d’exploiter le magasin participe à raison de 50 % au moins au capital de la
société ainsi qu’à ses bénéfices et pertes.
60 Compte tenu du caractère particulier des médicaments ainsi que de leur marché et
en l’état actuel du droit communautaire, les constatations de la Cour dans l’arrêt
Commission/Grèce, précité, ne sont pas transposables dans le domaine de la distribution
de médicaments au détail. En effet, à la différence des produits d’optique, les
médicaments prescrits ou utilisés pour des raisons thérapeutiques peuvent malgré tout se
révéler gravement nuisibles à la santé s’ils sont consommés sans nécessité ou de
19
manière incorrecte, sans que le consommateur soit en mesure d’en prendre conscience
lors de leur administration. En outre, une vente médicalement injustifiée de
médicaments entraîne un gaspillage des ressources financières publiques qui n’est pas
comparable à celui résultant de ventes injustifiées de produits d’optique.
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE,
introduite par la Cour constitutionnelle (Belgique), par décision du 14 février 2008,
parvenue à la Cour le 22 février 2008, dans la procédure
20
Céline Chaverot e.a.
contre
– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent,
assistée de Me M. Nihoul, avocat,
rend le présent
Arrêt
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Bressol e.a.
et Mme Chaverot e.a. au gouvernement de la Communauté française, aux fins
21
d’apprécier la constitutionnalité du décret de la Communauté française du 16 juin 2006
régulant le nombre d’étudiants dans certains cursus de premier cycle de l’enseignement
supérieur (Moniteur belge du 6 juillet 2006, p. 34055, ci-après le «décret du 16 juin
2006»).
Le cadre juridique
Le droit international
«Les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont
énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur […] l’origine nationale
[…]»
«Les États parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice
[du droit de toute personne à l’éducation]:
[…]
Le droit de l’Union
[…]
22
(3) La citoyenneté de l’Union devrait constituer le statut de base des ressortissants
des États membres lorsqu’ils exercent leur droit de circuler et de séjourner librement. Il
est par conséquent nécessaire de codifier et de revoir les instruments communautaires
existants qui visent séparément les travailleurs salariés, les non-salariés, les étudiants et
autres personnes sans emploi en vue de simplifier et de renforcer le droit à la liberté de
circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union.
[…]
«La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans
un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa
famille […]»
«Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit
dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil
en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les
ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice
de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État
membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.»
Le droit national
«Par étudiant résident au sens du présent décret, il y a lieu d’entendre l’étudiant qui, au
moment de son inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, apporte la
23
preuve qu’il a sa résidence principale en Belgique et qu’il remplit une des conditions
suivantes:
3° Être autorisé à séjourner pour une durée illimitée sur la base [de la législation
belge];
6° Avoir pour père, mère, tuteur légal ou conjoint une personne qui remplit une des
conditions visées ci-dessus;
Par ‘droit de séjourner de manière permanente’ au sens de l’alinéa 1er, 1°, il y a lieu
d’entendre pour les ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne, le
droit reconnu en vertu des articles 16 et 17 de la [directive 2004/38] […]»
«Les autorités académiques limitent le nombre des étudiants qui s’inscrivent pour la
première fois auprès d’une université de la Communauté française dans un des cursus
visés à l’article 3, de la manière visée à l’article 4.
[…]»
24
«Les dispositions du [chapitre II] sont applicables aux cursus menant aux grades
académiques suivants:
«Pour chaque institution universitaire et pour chacun des cursus visés à l’article 3, il est
établi un nombre T égal au nombre total d’étudiants qui s’inscrivent pour la première
fois dans le cursus concerné et qui sont pris en compte pour le financement, ainsi qu’un
nombre NR égal au nombre des étudiants qui s’inscrivent pour la première fois dans le
cursus concerné et qui ne sont pas considérés comme étudiants résidents au sens de
l’article 1er.
Le P visé à l’alinéa précédent est fixé à 30 pour cent. Toutefois, lorsque pour une année
académique, la part des étudiants qui poursuivent leurs études ailleurs que dans le pays
où ils ont obtenu leur diplôme d’études secondaires dépasse dix pour cent en moyenne
dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur de l’Union européenne, le
P est égal, pour l’année académique suivante, à ce pourcentage multiplié par trois.»
«[…] les étudiants qui ne sont pas considérés comme étudiants résidents au sens de
l’article 1er introduisent leur demande d’inscription dans un des cursus visés à l’article 3
au plus tôt le troisième jour ouvrable qui précède le 2 septembre précédant l’année
académique concernée. […]
[…]
Par dérogation à l’alinéa 1er, pour les étudiants non résidents qui se présentent pour
introduire une demande d’inscription dans un des cursus visés à l’article 3 au plus tard
le dernier jour ouvrable précédant le 2 septembre précédant l’année académique, si le
nombre de ces étudiants qui se sont ainsi présentés excède le nombre NR visé à l’article
4, alinéa 2, l’ordre de priorité entre ces étudiants est déterminé par un tirage au sort. […]
[…]»
25
15 Le chapitre III du décret du 16 juin 2006, composé des articles 6 à 9, contient des
dispositions relatives aux hautes écoles. Les articles 6, premier alinéa, 8 et 9 de ce
décret contiennent des dispositions analogues à celles des articles 2, premier alinéa, 4 et
5 du même décret.
16 Aux termes de l’article 7 dudit décret, ces dispositions sont applicables aux cursus
menant aux grades académiques suivants:
«1° Accoucheuse-bachelier;
2° Bachelier en ergothérapie;
3° Bachelier en logopédie;
4° Bachelier en podologie-podothérapie;
5° Bachelier en kinésithérapie;
6° Bachelier en audiologie;
19 Considérant que le nombre de ces étudiants a atteint un niveau trop élevé dans
lesdits cursus, la Communauté française a adopté le décret du 16 juin 2006.
20 Les 9 août et 13 décembre 2006, les requérants au principal ont déposé devant la
Cour constitutionnelle un recours en annulation contre ce décret.
26
d’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur de la Communauté
française, afin d’y suivre l’un des cursus visés par ce décret.
22 Le nombre d’étudiants non-résidents ayant excédé le seuil fixé par ledit décret, les
établissements concernés ont organisé un tirage au sort entre ces étudiants qui s’est
révélé défavorable pour les requérants au principal. Par conséquent, les établissements
concernés ont refusé d’accéder à leur demande d’inscription.
23 Une autre partie des requérants au principal est constituée d’enseignants des
universités et des hautes écoles visées par le décret du 16 juin 2006, qui estiment que
l’application de ce décret menace directement et immédiatement leur emploi, car il
provoquera, à terme, une diminution du nombre d’étudiants inscrits auprès de leurs
établissements d’enseignement.
24 À l’appui de leur recours, les requérants au principal ont notamment fait valoir
que le décret du 16 juin 2006 viole le principe de non-discrimination, car ses
dispositions traiteraient, sans aucune justification valable, de manière différente les
étudiants résidents et non-résidents. En effet, alors que les étudiants résidents
continueraient à jouir d’un accès libre aux cursus visés par ce décret, l’accès des
étudiants non-résidents à ces cursus serait limité de telle manière que le nombre
d’étudiants de cette catégorie, inscrit dans lesdits cursus, ne pourrait dépasser le seuil de
30 %.
«1) Les articles 12, premier alinéa, [CE] et 18, paragraphe l, [CE], lus en
combinaison avec l’article 149, paragraphes 1 et 2, deuxième tiret, [CE] et avec l’article
150, paragraphe 2, troisième tiret, [CE] doivent-ils être interprétés en ce sens que ces
dispositions s’opposent à ce qu’une communauté autonome d’un État membre
compétente pour l’enseignement supérieur, qui est confrontée à un afflux d’étudiants
d’un État membre voisin dans plusieurs formations à caractère médical financées
principalement par des deniers publics, à la suite d’une politique restrictive menée dans
cet État voisin, prenne des mesures telles que celles inscrites dans le [décret du 16 juin
2006], lorsque cette Communauté invoque des raisons valables pour affirmer que cette
situation risque de peser excessivement sur les finances publiques et d’hypothéquer la
qualité de l’enseignement dispensé?
27
Communauté obtiennent leur diplôme pour qu’il y ait durablement en suffisance du
personnel médical qualifié afin de garantir la qualité du régime de santé publique au
sein de cette Communauté?
29 Les États membres sont ainsi libres d’opter soit pour un système d’enseignement
fondé sur un accès libre à la formation – sans limitation d’inscription du nombre
d’étudiants –, soit pour un système fondé sur un accès régulé qui sélectionne les
étudiants. Cependant, dès lors qu’ils optent pour l’un de ces systèmes ou pour une
combinaison de ceux-ci, les modalités du système choisi doivent respecter le droit de
l’Union, et, en particulier, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.
30 L’article 21, paragraphe 1, TFUE dispose que tout citoyen de l’Union a le droit de
circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des
28
limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur
application.
32 Par ailleurs, il ressort de cette même jurisprudence que ladite interdiction couvre
également les situations concernant les conditions d’accès à la formation
professionnelle, étant entendu que tant l’enseignement supérieur que l’enseignement
universitaire constituent une formation professionnelle (arrêt du 7 juillet 2005,
Commission/Autriche, C-147/03, Rec. p. I-5969, points 32 et 33 ainsi que
jurisprudence citée).
29
est constant que les étudiants en cause au principal ont introduit une demande
d’inscription auprès des établissements d’enseignement supérieur concernés pour
l’année académique 2006-2007, et que cette inscription leur a été refusée sur la base de
ce décret. Le refus de satisfaire à leur demande a ainsi nécessairement eu lieu
postérieurement au 30 avril 2006.
39 Cependant, comme la Cour ne dispose pas de tous les éléments qui lui
permettraient de constater que la situation des requérants au principal relève également
de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38, il appartient à la juridiction de
renvoi d’apprécier si cette disposition est effectivement applicable aux litiges au
principal.
42 Dans les affaires au principal, le décret du 16 juin 2006 prévoit que l’accès des
étudiants aux cursus médicaux et paramédicaux visés par ce décret n’est ouvert sans
restriction qu’aux étudiants résidents, à savoir ceux qui remplissent à la fois la condition
de résidence principale en Belgique et l’une des huit autres conditions alternatives
énumérées aux points 1° à 8° de l’article 1er, premier alinéa, dudit décret.
45 Or, une condition de résidence, telle que celle exigée par cette réglementation, est
plus aisément remplie par les ressortissants nationaux, qui ont leur résidence le plus
30
souvent en Belgique, que par les ressortissants d’autres États membres, dont la
résidence est en revanche située, en règle générale, dans un autre État membre que la
Belgique (voir, par analogie, arrêts du 8 juin 1999, Meeusen, C-337/97, Rec. p. I-3289,
points 23 et 24, ainsi que Hartmann, précité, point 31).
47 Ainsi qu’il a été constaté au point 41 du présent arrêt, une inégalité de traitement,
telle que celle instaurée par le décret du 16 juin 2006, constitue une discrimination
indirecte sur la base de la nationalité qui est prohibée, à moins qu’elle ne soit
objectivement justifiée.
48 En outre, pour être justifiée, la mesure concernée doit être propre à garantir la
réalisation de l’objectif légitime qu’elle poursuit et ne saurait aller au-delà de ce qui est
nécessaire pour l’atteindre (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2008, Renneberg, C-
527/06, Rec. p. I-7735, point 81, ainsi que du 19 mai 2009, Apothekerkammer des
Saarlandes e.a., C-171/07 et C-172/07, non encore publié au Recueil, point 25).
31
Sur la justification tirée d’une sauvegarde de l’homogénéité du système de
l’enseignement supérieur
53 Certes, il ne saurait être d’emblée exclu que la prévention d’un risque pour
l’existence d’un système national d’enseignement et pour son homogénéité puisse
justifier une inégalité de traitement entre certains étudiants (voir, en ce sens, arrêt
Commission/Autriche, précité, point 66).
32
cycle d’études supérieures. Cependant, en raison d’un afflux d’étudiants non-résidents,
le nombre total d’étudiants répartis sur les six années d’études serait passé de 1233 à
2343 entre les années académiques 1995-1996 et 2002-2003.
58 La situation serait similaire pour les autres cursus visés par le décret du 16 juin
2006.
60 Les requérants au principal font valoir, en particulier, que, même si ces éléments
de justification étaient admissibles, le gouvernement belge n’a pas démontré la réalité
des circonstances susmentionnées.
61 La Commission affirme qu’elle prend très au sérieux les risques invoqués par le
gouvernement belge. Elle estime cependant ne pas avoir, à l’heure actuelle, tous les
éléments qui lui permettraient de se prononcer sur le bien-fondé de la justification.
– Réponse de la Cour
64 À cet égard, il appartient en dernier ressort au juge national, qui est seul
compétent pour apprécier les faits du litige au principal et pour interpréter la législation
nationale, de déterminer si et dans quelle mesure une telle réglementation satisfait à ces
exigences (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1989, Rinner-Kühn, 171/88, Rec. p.
2743, point 15, ainsi que du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker, C-4/02 et C-5/02,
Rec. p. I-12575, point 82).
65 Toutefois, la Cour, appelée à fournir au juge national une réponse utile, est
compétente pour lui donner des indications tirées du dossier de l’affaire au principal
ainsi que des observations écrites et orales qui lui ont été soumises, de nature à
33
permettre à la juridiction nationale de statuer (arrêts du 20 mars 2003, Kutz-Bauer,
C-187/00, Rec. p. I-2741, point 52, ainsi que Schönheit et Becker, précité, point 83).
68 Il ne saurait être non plus exclu qu’une éventuelle limitation du nombre total
d’étudiants dans les cursus concernés – notamment en vue de garantir la qualité de la
formation – soit susceptible de diminuer, proportionnellement, le nombre de diplômés
qui sont disposés à assurer, à terme, la disponibilité du service de santé sur le territoire
concerné, ce qui pourrait ensuite avoir une incidence sur le niveau de protection de la
santé publique. Sur ce point, il convient de reconnaître qu’une pénurie de professionnels
de la santé poserait de graves problèmes pour la protection de la santé publique et que la
prévention de ce risque exige qu’un nombre suffisant de diplômés s’installent sur ledit
territoire pour y exercer l’une des professions médicales ou paramédicales concernées
par le décret en cause au principal.
34
Saarlandes e.a., précité, point 39). Selon une jurisprudence constante, il appartient en
effet auxdites autorités, lorsqu’elles adoptent une mesure dérogatoire à un principe
consacré par le droit de l’Union, de prouver, dans chaque cas d’espèce, que ladite
mesure est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué et ne va pas au-delà de
ce qui est nécessaire pour l’atteindre. Les raisons justificatives susceptibles d’être
invoquées par un État membre doivent donc être accompagnées d’une analyse de
l’aptitude et de la proportionnalité de la mesure adoptée par cet État, ainsi que des
éléments précis permettant d’étayer son argumentation (voir, en ce sens, arrêts du 18
mars 2004, Leichtle, C-8/02, Rec. p. I-2641, point 45, et Commission/Autriche, précité,
point 63). Il importe qu’une telle analyse objective, circonstanciée et chiffrée soit en
mesure de démontrer, à l’aide de données sérieuses, convergentes et de nature probante,
qu’il existe effectivement des risques pour la santé publique.
72 Dans les affaires au principal, cette analyse doit notamment permettre d’évaluer,
pour chacun des neuf cursus visés par le décret du 16 juin 2006, le nombre maximal
d’étudiants qui peut être formé en respectant les normes souhaitées de qualité de la
formation. Elle doit, en outre, indiquer le nombre requis de diplômés qui doivent
s’installer au sein de la Communauté française pour y exercer une profession médicale
ou paramédicale afin d’assurer une disponibilité suffisante du service de santé publique.
35
77 Dans un troisième temps, il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si la
réglementation en cause au principal ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour
atteindre l’objectif invoqué, c’est-à-dire s’il n’existe pas de mesures moins restrictives
qui permettraient de l’atteindre.
80 À cet égard, il ressort du dossier que les étudiants non-résidents qui sont
intéressés par l’enseignement supérieur se voient sélectionnés, en vue de leur
inscription, par un tirage au sort qui, en soi, ne tient pas compte de leurs connaissances
et de leurs expériences.
36
qui s’imposent aux États membres en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous c), du
pacte.
86 En effet, il ressort du libellé de l’article 13, paragraphe 2, sous c), du pacte que
celui-ci poursuit en substance le même but que les articles 18 et 21 TFUE, à savoir
garantir le principe de non-discrimination dans l’accès à l’enseignement supérieur. Ceci
est confirmé par l’article 2, paragraphe 2, du pacte, selon lequel les États parties au
pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés soient exercés sans
discrimination aucune fondée, notamment, sur l’origine nationale.
87 En revanche, l’article 13, paragraphe 2, sous c), du pacte n’exige pas d’un État
partie, ni d’ailleurs n’autorise celui-ci, à garantir un accès large à un enseignement
supérieur de qualité à ses seuls ressortissants.
37
être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt
statuant sur la demande d’interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de
porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle
se trouvent réunies (voir arrêts du 2 février 1988, Blaizot e.a., 24/86, Rec. p. 379, point
27, ainsi que du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 141).
91 Ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe
général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à
limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée
en vue de remettre en cause des rapports juridiques établis de bonne foi. Pour qu’une
telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient
réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (voir,
notamment, arrêts du 28 septembre 1994, Vroege, C-57/93, Rec. p. I-4541, point 21,
ainsi que du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402/03, Rec. p. I-199, point 51).
93 En effet, la Cour n’a eu recours à cette solution que dans des circonstances bien
précises, lorsque, d’une part, il existait un risque de répercussions économiques graves
dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la
base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur et que, d’autre
part, il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à un
comportement non conforme à la réglementation de l’Union en raison d’une incertitude
objective et importante quant à la portée des dispositions de l’Union, incertitude à
laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par
d’autres États membres ou par la Commission (voir arrêt Grzelczyk, précité, point 53).
95 De même, ce gouvernement n’a aucunement étayé, par des éléments concrets, son
argumentation selon laquelle le présent arrêt risquerait, si les effets de celui-ci n’étaient
pas limités dans le temps, d’entraîner des conséquences financières graves.
96 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent
arrêt.
38
97 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident
soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites
parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 21
janvier 2009,
partie requérante,
soutenue par:
39
République italienne, représentée initialement par Mme I. Bruni, puis par Mme G.
Palmieri, en qualité d’agents, assistées de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato, ayant
élu domicile à Luxembourg,
parties intervenantes,
contre
partie défenderesse,
rend le présent
Arrêt
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
40
concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO L 296, p. 55), et
de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs
limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les
particules et le plomb dans l’air ambiant (JO L 163, p. 41), telle que modifiée par la
décision 2001/744/CE de la Commission, du 17 octobre 2001 (JO L 278, p. 35, ci-après
la «directive 1999/30»). Ces deux directives visent, aux termes de leurs considérants, à
protéger l’environnement, ainsi que la santé des personnes.
3 Ces directives sont abrogées depuis le 11 juin 2010 par la directive 2008/50/CE
du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air
ambiant et un air pur pour l’Europe (JO L 152, p. 1), sans préjudice des obligations des
États membres concernant les délais de transposition ou d’application desdites
directives. Néanmoins, compte tenu de la date des faits, celles-ci demeurent applicables
au présent litige.
– maintenir la qualité de l’air ambiant, lorsqu’elle est bonne, et l’améliorer dans les
autres cas.
«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer le respect des
valeurs limites.
[…]
3. Les États membres établissent des plans d’action indiquant les mesures à prendre à
court terme en cas de risque de dépassement des valeurs limites et/ou des seuils d’alerte,
41
afin de réduire le risque de dépassement et d’en limiter la durée. Ces plans peuvent
prévoir, selon le cas, des mesures de contrôle et, lorsque cela est nécessaire, de
suspension des activités, y compris le trafic automobile, qui concourent au dépassement
des valeurs limites.»
«Dans les zones et les agglomérations [où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants
dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement], les États membres
prennent des mesures pour assurer l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou
programme permettant d’atteindre la valeur limite dans le délai fixé.
Ledit plan ou programme, auquel la population doit avoir accès, contient au moins les
informations énumérées à l’annexe IV.»
9 Des valeurs limites pour le dioxyde d’azote sont fixées dans la directive 1999/30.
Selon le quatrième considérant de celle-ci, ces valeurs constituent des exigences
minimales et les États membres peuvent, conformément à l’article 130 T du traité CE
(devenu, après modification, article 176 CE), maintenir ou établir des mesures de
protection renforcées.
«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations
de dioxyde d’azote et, le cas échéant, d’oxydes d’azote, dans l’air ambiant, évaluées
conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de
l’annexe II, à partir des dates y spécifiées.
2. Le seuil d’alerte de concentration de dioxyde d’azote dans l’air ambiant est fixé au
point II de l’annexe II.»
– la valeur limite horaire pour la protection de la santé humaine est fixée à 200
μg/m3 «à ne pas dépasser plus de 18 fois par année civile», majorée d’un pourcentage
de dépassement dégressif jusqu’au 1er janvier 2010;
42
– la valeur limite annuelle pour la protection de la santé humaine est fixée à 40
μg/m3, également majorée du même pourcentage de dépassement dégressif jusqu’au 1er
janvier 2010, soit à 48 μg/m3 pour l’année 2006, à 46 μg/m3 pour l’année 2007, à 44
μg/ m3 pour l’année 2008 et à 42 μg/m3 pour l’année 2009.
Le droit national
43
17 Ledit règlement vise, aux termes de son article 1er, à réduire les émissions de
polluants liées aux activités humaines et à améliorer ainsi la qualité de l’air pour assurer
la protection durable de la santé de l’homme ainsi que de la faune et de la flore.
«La circulation sur l’autoroute A 12 de la vallée de l’Inn est interdite dans les deux sens
entre le kilomètre 6,350, sur le territoire de la commune de Langkampfen, et le
kilomètre 90,00, sur le territoire de la commune de Zirl, aux véhicules suivants:
poids lourds ou semi-remorques dont la masse maximale autorisée est supérieure à 7,5
tonnes et aux poids lourds avec remorques, dont les masses maximales autorisées
additionnées dépassent 7,5 tonnes, en transportant les marchandises suivantes:
1. tous les déchets repris dans la liste européenne des déchets figurant dans la
décision 2000/532/CE de la Commission [, du 3 mai 2000, remplaçant la décision
94/3/CE établissant une liste de déchets en application de l’article 1er, point a), de la
directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94/904/CE du
Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l’article 1er,
paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux (JO
L 226, p. 3)], telle que modifiée par la décision 2001/573/CE du Conseil [, du 23 juillet
2001 (JO L 203, p. 18)],
5. le marbre et le travertin,
44
6. les carreaux en céramique.»
22 Ce même article renvoie également aux dérogations prévues par l’IG-L. Ainsi,
sont exclues de l’interdiction sectorielle de circuler certaines catégories de véhicules
automobiles, au nombre desquels figurent les véhicules d’entretien de la voirie,
d’enlèvement des ordures ainsi que les véhicules agricoles et forestiers. Elle prévoit
qu’une dérogation particulière peut, en outre, être sollicitée pour d’autres véhicules pour
cause d’intérêt public ou d’un intérêt privé important.
23 Après l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir le 8 juin 2008,
plusieurs modifications ont été apportées au règlement litigieux.
26 Enfin, diverses exceptions ont été inscrites dans un décret. Celles-ci concernaient
notamment les convois d’aide d’organisations reconnues, ainsi que les transports
militaires.
45
Les antécédents du recours
28 Afin d’assurer le respect des valeurs limites pour le dioxyde d’azote, les autorités
autrichiennes ont arrêté plusieurs mesures visant à réduire les émissions spécifiques des
véhicules automobiles à moteur et la densité du trafic routier.
29 Le 1er octobre 2002, ces autorités ont imposé une interdiction temporaire de
circulation nocturne visant les poids lourds, applicable sur un tronçon de l’autoroute A
12. Par la suite, cette mesure a été prolongée, puis remplacée, à compter du 1er juin
2003, par une interdiction permanente de circulation nocturne frappant le transport de
marchandises par des poids lourds de plus de 7,5 tonnes, une telle interdiction étant
valable toute l’année.
46
31 Considérant que l’interdiction édictée par ce règlement constituait une restriction
à la libre circulation des marchandises au sens des articles 28 CE et 29 CE, la
Commission a introduit, le 24 juillet 2003, un recours en manquement au titre de
l’article 226 CE contre la République d’Autriche.
34 Ainsi, du 1er novembre 2006 au 30 avril 2007, une limitation de vitesse à 100
km/h a été imposée sur l’autoroute A 12 entre, d’une part, la frontière entre l’Autriche et
l’Allemagne et, d’autre part, la commune de Zirl. Au cours du mois de novembre de
l’année 2007, cette mesure temporaire a été remplacée par une limitation de vitesse
variant selon le niveau général d’immission effectivement mesuré et les facteurs
météorologiques (ci-après la «limitation de vitesse variable»).
35 En outre, une interdiction de circuler pour les semi-remorques et les poids lourds
avec remorque, de plus de 7,5 tonnes, non conformes à la norme Euro II a été mise en
place entre les communes de Zirl et de Kufstein, avec effet au 1er janvier 2007. Depuis
le 1er novembre 2008, cette mesure s’applique également à ce type de véhicules
automobiles lorsqu’ils ne respectent pas la norme Euro III. À compter du 1er novembre
2009, une interdiction générale de circuler s’applique aux poids lourds de plus de 7,5
tonnes dont les émissions sont non conformes à la norme Euro II, dans leur ensemble.
37 L’interdiction sectorielle de circuler ainsi que les autres mesures énumérées aux
points 34 à 36 du présent arrêt font partie d’un plan, élaboré par les autorités
autrichiennes, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 96/62, pour assurer
dans le Land du Tyrol le respect de la valeur limite pour le dioxyde d’azote, fixée à
l’annexe II, point I, de la directive 1999/30.
47
La procédure précontentieuse
43 La République d’Autriche a répondu audit avis motivé, par une lettre du 9 juin
2008, en maintenant sa position antérieure. Dans une lettre complémentaire du 2
décembre 2008, elle a porté à la connaissance de la Commission que, pour le secteur
situé à l’ouest de la ville d’Innsbruck, l’interdiction sectorielle de circuler n’entrerait en
vigueur que le 1er janvier 2011.
48
45 Par ordonnance du président de la Cour du 19 juin 2009, la République italienne
ainsi que le Royaume des Pays-Bas ont été admis à intervenir au soutien des
conclusions de la Commission.
Sur la recevabilité
Appréciation de la Cour
49
51 Il convient de constater que l’allégation du Royaume des Pays-Bas concerne le
grief de la Commission tiré du caractère discriminatoire de l’interdiction sectorielle de
circuler. Celle émanant de la République italienne se rapporte au caractère
prétendument disproportionné de ladite interdiction et, plus particulièrement, au grief
selon lequel la République d’Autriche n’aurait pas examiné attentivement la possibilité
de recourir à des mesures moins restrictives de la libre circulation des marchandises.
52 S’il est vrai que ces allégations comportent des arguments différents de ceux de la
Commission, il n’en demeure pas moins qu’elles portent sur des griefs invoqués par
cette dernière et visent à soutenir les conclusions de celle-ci. Elles tendent à contribuer
au succès du recours en manquement, en apportant au litige un éclairage
complémentaire (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2003, Commission/Finlande,
C-185/00, Rec. p. I-14189, point 92).
Sur le fond
56 À cet égard, la circonstance que le règlement litigieux fait partie d’un ensemble
de mesures adoptées par les autorités autrichiennes serait sans incidence sur l’existence
ou non d’une restriction à l’exercice de cette liberté, toute mesure nationale devant être
appréciée de manière individualisée afin d’établir sa conformité auxdits articles.
50
de circuler, soit à partir du 2 mai 2008, 35 000 trajets effectués par des poids lourds par
an auraient dû être affectés. À partir de la mise en œuvre de la deuxième phase, soit le
1er janvier 2009, la mesure en cause aurait dû toucher 200 000 trajets par an, ce qui
représenterait 7,3 % de l’ensemble des trajets effectués par des poids lourds sur
l’autoroute A 12. Les effets de cette mesure s’étendraient sur environ 300 kilomètres du
réseau autrichien de voies rapides.
51
polluants lorsqu’ils transportent des marchandises ne relevant pas du champ
d’application de ladite interdiction, alors que la circulation des poids lourds moins
polluants serait interdite lorsqu’ils transportent par exemple des carreaux en céramique.
65 En outre, le choix d’orienter les marchandises ayant une «affinité avec le rail»
vers ce dernier mode de transport ferait abstraction du fait que la possibilité de recourir
au mode de transport ferroviaire dépend souvent de différents paramètres logistiques de
la mission de transport, tels que le volume à transporter. Par ailleurs, ce critère serait
trop vague et il ne saurait être exclu que les marchandises devant être concernées par
une telle interdiction soient sélectionnées de manière arbitraire ou discriminatoire et que
ce choix soit ensuite étendu à d’autres catégories de produits.
52
Euro IV émettraient souvent plus de dioxyde d’azote que ceux correspondant à la norme
Euro III. Même si cette allégation devait être avérée, il n’en demeurerait pas moins
qu’une interdiction de circuler portant sur les poids lourds relevant de la classe Euro III
inciterait de nombreuses entreprises à passer de manière anticipée à la classe Euro V.
53
permettre raisonnablement aux opérateurs concernés par cette mesure de s’adapter aux
nouvelles circonstances.
77 En tout état de cause, le fait que le règlement litigieux ait été modifié à plusieurs
reprises après l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé démontrerait que la
République d’Autriche n’a pas analysé correctement le caractère proportionné de
l’interdiction sectorielle de circuler.
80 En outre, les États intervenants font état des problèmes résultant de la mise en
œuvre de l’interdiction sectorielle de circuler. Les alternatives offertes par le transport
ferroviaire et par les itinéraires de remplacement ne permettraient pas de satisfaire aux
besoins des opérateurs concernés. La République italienne insiste notamment sur la
charge administrative et financière supplémentaire que générerait un transport de
marchandises par la Suisse.
82 Pour ce qui est du cadre factuel, cet État membre fait valoir que, en dépit des
mesures visant à améliorer la qualité de l’air ambiant dans le Land du Tyrol, la
concentration en dioxyde d’azote sur l’autoroute A 12 dépasse nettement les valeurs
54
limites annuelles fixées à l’annexe II, point I, de la directive 1999/30, augmentées de la
marge de dépassement. La situation s’aggraverait en raison de l’évolution dégressive de
cette marge. Environ 60 % des émissions de dioxyde d’azote sur cette autoroute seraient
imputables aux poids lourds. Ainsi, le transport routier de marchandises constituerait la
principale source d’émissions de ce polluant atmosphérique dans la zone concernée.
55
entraver le commerce entre les États membres. En pratique, aucune entrave aux
échanges des marchandises n’aurait été constatée depuis la mise en œuvre de la
première phase de ladite interdiction, à savoir le 2 mai 2008.
90 Par ailleurs, la République d’Autriche précise que, pour certains transports, des
dérogations à l’interdiction sectorielle de circuler pourraient être accordées, au cas par
cas, sur présentation d’une demande en ce sens. Ces dispositions dérogatoires
permettraient d’organiser des transports routiers de marchandises dont il est établi qu’ils
ne peuvent pas être transférés vers le rail, en raison de circonstances particulières. Les
dispositions en cause seraient appliquées de manière souple par les autorités
compétentes.
56
94 Pour ce qui est de la décision des autorités autrichiennes d’étendre le champ
d’application de l’interdiction sectorielle de circuler au secteur situé à l’ouest de la ville
d’Innsbruck, cette mesure serait nécessaire en raison du niveau de pollution de l’air
ambiant dans la zone concernée. Par ailleurs, ce secteur ne représentant qu’une faible
proportion du trafic de poids lourds dans le couloir du Brenner, à savoir environ 1,8 %,
les effets de ladite extension sur le trafic transfrontalier de tels véhicules seraient
modestes.
96 Pour ce qui est de la possibilité de mettre en place une mesure limitant de manière
permanente la vitesse à 100 km/h, la Commission soutiendrait, à tort, qu’une telle
mesure pourrait permettre une réduction d’environ 7,5 % des émissions de dioxyde
d’azote dans la zone concernée et que cette limitation réduirait davantage la
concentration annuelle de ce polluant atmosphérique dans ladite zone que l’interdiction
sectorielle de circuler. Selon la République d’Autriche, l’étude IFEU, invoquée par la
Commission pour démontrer le bien-fondé de ces assertions, serait fondée sur des
données et des hypothèses non vérifiables.
57
permanente à 100 km/h, cette vitesse n’aurait baissé que jusqu’à 103 km/h. La baisse
effective de la vitesse moyenne aurait donc été non pas de 30 km/h, mais seulement de
13 km/h.
100 Les autorités autrichiennes auraient étudié les effets sur la pollution de l’air des
mesures de suivi du trafic, des mesures relatives aux péages et d’autres mesures de
pilotage. Celles-ci auraient, en partie, été écartées en raison de leurs inconvénients et
seraient, en partie, en cours d’application.
102 Pour ce qui est de la possibilité d’assurer le transport des marchandises visées par
le règlement litigieux, la République d’Autriche opère une distinction entre les
transports de marchandises dont le trajet sur l’autoroute A 12 est le plus court
(«itinéraire privilégié»), ceux ayant un trajet alternatif au moins équivalent («itinéraire
alternatif») et ceux disposant d’un trajet alternatif de meilleure qualité («itinéraire de
contournement»). Parmi les transports concernés par l’interdiction sectorielle de
circuler, 45 % d’entre eux devraient être classés dans la catégorie des transports
bénéficiant d’itinéraires privilégiés, 25 % dans la catégorie des transports pouvant
recourir aux itinéraires alternatifs et 30 % dans celle correspondant à un itinéraire de
contournement.
103 Lorsque les transports de marchandises sont effectués dans le cadre d’un trafic de
transit, ils devraient, selon la République d’Autriche, être réalisés en recourant au mode
de transport ferroviaire s’ils correspondent à un «itinéraire privilégié» ou à un
«itinéraire alternatif». Dans ce contexte, il conviendrait de prendre en compte
l’ensemble des capacités résultant de toutes les formes de transport ferroviaire
disponibles.
58
104 Les capacités disponibles de l’autoroute ferroviaire, du transport conventionnel
par wagons isolés et du transport combiné non accompagné seraient plus que suffisantes
pour prendre en charge toutes les marchandises visées par le règlement litigieux. Pour
ce qui concerne, plus particulièrement, l’utilisation de l’autoroute ferroviaire, celle-ci ne
nécessiterait pas une restructuration logistique.
107 Enfin, les délais prévus pour la mise en œuvre de l’interdiction sectorielle de
circuler auraient permis aux opérateurs concernés de s’adapter aux nouvelles
circonstances. L’échelonnement des différentes mesures renforcerait la proportionnalité
du plan d’ensemble. La Commission n’aurait pas pu démontrer l’existence de problèmes
imputables à la mise en œuvre prétendument trop rapide de ladite interdiction.
Appréciation de la Cour
59
devait assurer, compte tenu des termes de l’article 8, paragraphe 3, de la directive 96/62,
l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou programme permettant de respecter la
valeur limite. Or, il n’est pas contesté que, du point de vue formel, le règlement litigieux
fasse partie d’un tel plan.
110 Conformément à cette même disposition, un tel plan doit comporter les
informations énumérées à l’annexe IV de la directive 96/62, telles que des informations
concernant le lieu du dépassement, les principales sources d’émissions responsables de
la pollution ou les mesures existantes et envisagées. Ladite directive ne contient
cependant pas d’indications précises quant à la portée et au contenu des mesures devant
être prises par les États membres.
111 Dans de telles circonstances, il appartient auxdits États membres de prendre des
mesures appropriées et cohérentes destinées à respecter la valeur limite, compte tenu de
l’ensemble des circonstances du moment et des intérêts en présence (voir, en ce sens,
arrêts Commission/Autriche, précité, point 81, et du 25 juillet 2008, Janecek, C-237/07,
Rec. p. I-6221, points 45 et 46). S’ils jouissent d’un pouvoir d’appréciation à cet égard,
il n’en demeure pas moins qu’ils doivent l’exercer dans le respect des dispositions du
traité CE, y compris le principe fondamental de la libre circulation des marchandises.
112 Dès lors, il convient d’apprécier le règlement litigieux au regard des articles 28
CE à 30 CE.
113 À cet égard, il importe de rappeler que la libre circulation des marchandises
constitue l’un des principes fondamentaux du traité. Cette liberté a pour conséquence
l’existence d’un principe général de liberté du transit des marchandises à l’intérieur de
l’Union européenne (voir, notamment, arrêts du 16 mars 1983, SIOT, 266/81, Rec. p.
731, point 16; du 4 octobre 1991, Richardt et «Les Accessoires Scientifiques»,
C-367/89, Rec. p. I-4621, point 14, ainsi que Commission/Autriche, précité, points 63
et 65).
114 En l’occurrence, le règlement litigieux interdit aux poids lourds de plus de 7,5
tonnes transportant certaines marchandises qui, selon les autorités autrichiennes, ont une
«affinité avec le rail», de circuler sur un tronçon de l’autoroute A 12. Il fait ainsi
obstacle à l’utilisation, dans ce couloir de transit transalpin, d’un mode de transport pour
ces produits.
60
rechercher des solutions de remplacement rentables pour le transport des marchandises
visées par le règlement litigieux, l’interdiction sectorielle de circuler est susceptible
d’affecter de manière substantielle le transit des marchandises entre l’Europe
septentrionale et le nord de l’Italie (voir, en ce sens, arrêt Commission/Autriche, précité,
points 66 et 68).
117 Dans de telles conditions, l’interdiction sectorielle de circuler doit être considérée
comme constituant une mesure d’effet équivalant à des restrictions quantitatives, en
principe incompatible avec les obligations résultant des articles 28 CE et 29 CE, à moins
que cette mesure ne puisse être justifiée.
119 Selon une jurisprudence constante, des mesures nationales susceptibles d’entraver
le commerce intracommunautaire peuvent être justifiées par l’une des raisons d’intérêt
général énumérées à l’article 30 CE, telles que la protection de la santé et de la vie des
personnes, ou par l’une des exigences impératives tendant, entre autres, à la protection
de l’environnement, pourvu que les mesures en question soient proportionnées à l’objet
recherché (voir, notamment, arrêts du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de
Dijon», 120/78, Rec. p. 649; du 20 septembre 1988, Commission/Danemark, 302/86,
Rec. p. 4607, point 9; du 5 février 2004, Commission/Italie, C-270/02, Rec. p. I-1559,
point 21; du 14 décembre 2004, Commission/Allemagne, C-463/01, Rec. p. I-11705,
point 75, ainsi que Commission/Autriche, précité, point 70).
121 En outre, aux termes des articles 6 CE et 152, paragraphe 1, CE, les exigences de
protection de l’environnement et de la santé publique doivent être prises en compte dans
la définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de la Communauté (voir,
en ce sens, arrêt du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, C-440/05, Rec. p. I-9097,
point 60). Le caractère transversal et fondamental desdits objectifs est, par ailleurs,
réaffirmé respectivement aux articles 37 et 35 de la charte.
61
122 Quant au rapport entre les objectifs de protection de l’environnement et de
protection de la santé, il ressort de l’article 174, paragraphe 1, CE que la protection de la
santé des personnes relève des objectifs de la politique de la Communauté dans le
domaine de l’environnement (voir, notamment, arrêts du 8 juillet 2010, Afton Chemical,
C-343/09, non encore publié au Recueil, point 32, et du 22 décembre 2010, Gowan
Comércio Internacional e Serviços, C-77/09, non encore publié au Recueil, point 71).
Ces objectifs sont intimement liés l’un à l’autre, notamment dans le cadre de la lutte
contre la pollution de l’air qui a pour finalité de limiter les dangers pour la santé liés à
une dégradation de l’environnement. L’objectif de la protection de la santé se trouve
ainsi déjà, en principe, englobé dans l’objectif de protection de l’environnement (voir,
en ce sens, arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Autriche, C-524/07, point 56).
123 Dans de telles conditions, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments de la
République d’Autriche relatifs à la protection de la santé séparément de ceux portant sur
la protection de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2008,
Commission/Autriche, précité, point 56).
126 Or, une mesure restrictive ne saurait être considérée comme propre à garantir la
réalisation de l’objectif recherché que si elle répond véritablement au souci d’atteindre
celui-ci d’une manière cohérente et systématique (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars
2009, Hartlauer, C-169/07, Rec. p. I-1721, point 55; du 19 mai 2009,
Apothekerkammer des Saarlandes e.a., C-171/07 et C-172/07, Rec. p. I-4171, point 42,
ainsi que du 16 décembre 2010, Josemans, C-137/09, non encore publié au Recueil,
point 70).
127 Tout d’abord, pour ce qui est du caractère approprié du règlement litigieux, la
Commission considère que le choix opéré par les autorités autrichiennes d’adopter une
mesure portant sur le transport routier de marchandises est inadéquat. La République
d’Autriche viserait à réduire non pas les émissions des véhicules automobiles à moteur,
mais la densité du trafic routier. La Commission soutient également que le règlement
litigieux ne répond pas véritablement au souci d’atteindre l’objectif poursuivi d’une
manière cohérente et systématique.
62
128 D’emblée, il y a lieu de relever que, afin d’améliorer la qualité de l’air dans la
zone concernée, les autorités autrichiennes ont adopté différentes mesures pour réduire
les émissions des véhicules automobiles à moteur, à savoir une limitation de vitesse à
100 km/h sur un tronçon de l’autoroute A 12, remplacée par la suite par une limitation
de vitesse variable, ainsi que l’interdiction sous certaines conditions sur cette même
autoroute, d’une part, de la circulation nocturne pour les poids lourds et, d’autre part, de
la circulation des poids lourds relevant de certaines classes Euro. Estimant ces mesures
insuffisantes, la République d’Autriche a également adopté une mesure visant à réduire
le nombre total des transports par des poids lourds, à savoir l’interdiction sectorielle de
circuler. Par l’adoption de ces mesures, la concentration annuelle moyenne de dioxyde
d’azote dans la zone concernée aurait dû être, au cours de l’année 2010, d’environ 55
µg/m3.
129 Il est constant que la mise en œuvre des mesures visant à limiter la circulation
routière, telles que l’interdiction sectorielle de circuler, entraîne une réduction des
émissions de polluants atmosphériques et contribue ainsi à l’amélioration de la qualité
de l’air. En l’occurrence, il n’est pas contesté que cette dernière mesure permet de
réduire d’environ 1,5 % les émissions de ce polluant atmosphérique sur l’année dans la
zone concernée.
131 Pour ce qui est du critère de l’«affinité avec le rail», retenu par les autorités
autrichiennes pour désigner les marchandises devant relever du champ d’application de
l’interdiction sectorielle de circuler, il est constant que certaines marchandises sont
particulièrement adaptées au transport ferroviaire.
63
point 41, et du 6 octobre 2009, Commission/Finlande, C-335/07, Rec. p. I-9459, point
46).
135 Par ailleurs, dans la mesure où la dérogation porte sur des poids lourds qui sont
chargés et déchargés dans la «zone élargie», il importe de rappeler que cette zone
comprend également des circonscriptions administratives situées en dehors du territoire
autrichien.
64
objectif, la Commission soutient que des mesures telles que l’extension de l’interdiction
de circuler frappant les poids lourds relevant de certaines classes Euro à ceux relevant
d’autres classes, ou encore le remplacement de la limitation de vitesse variable par une
limitation de vitesse permanente à 100 km/h, tout en étant susceptibles d’affecter la libre
circulation des marchandises, auraient permis d’atteindre l’objectif recherché en
restreignant, dans une moindre mesure, l’exercice de cette liberté.
140 Ainsi que la Cour l’a souligné, au point 87 de son arrêt du 15 novembre 2005,
Commission/Autriche, précité, avant l’adoption d’une mesure aussi radicale qu’une
interdiction de circuler sur un tronçon d’autoroute constituant une voie de
communication vitale entre certains États membres, il incombait aux autorités
autrichiennes d’examiner attentivement la possibilité de recourir à des mesures moins
restrictives de la liberté de circulation et de ne les écarter que si leur caractère inadéquat,
au regard de l’objectif poursuivi, était clairement établi.
142 La République d’Autriche est cependant d’avis que les poids lourds
correspondant à la classe Euro IV émettraient souvent plus de dioxyde d’azote que ceux
correspondant à la norme Euro III. Pour cette raison, elle considère qu’il conviendrait,
avant d’étendre l’interdiction de circuler frappant les poids lourds à ceux relevant de la
classe Euro III, d’étudier de manière plus approfondie l’impact sur l’environnement des
émissions de dioxyde d’azote.
143 Or, compte tenu du fait que les différentes classes Euro successives comportent
incontestablement une réduction à chaque fois substantielle des émissions des oxydes
d’azote, il n’est pas établi que l’extension de l’interdiction de circuler frappant les poids
lourds relevant de certaines classes Euro à ceux relevant d’autres classes n’aurait pas pu
contribuer à l’objectif recherché de manière aussi efficace que la mise en œuvre de
l’interdiction sectorielle de circuler.
144 Pour ce qui concerne, en second lieu, la solution proposée par la Commission
consistant à remplacer la limitation de vitesse variable par une limitation de vitesse
permanente à 100 km/h, la République d’Autriche soutient, en s’appuyant sur les
données contenues dans l’étude Ökoscience, qu’un tel remplacement n’aboutirait qu’à
une réduction annuelle supplémentaire de 1,1 % des émissions de dioxyde d’azote dans
la zone concernée, tandis que pour l’interdiction sectorielle de circuler une réduction de
1,5 % desdites émissions est avancée.
145 À cet égard, il importe de relever que les données contenues dans l’étude
Ökoscience concernent notamment les vitesses effectivement pratiquées par les usagers
de la route dans cette zone entre le mois de novembre de l’année 2007 et celui d’octobre
65
de l’année 2008. Ainsi, une partie substantielle de celles-ci portent sur la situation de la
République d’Autriche telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis
motivé, à savoir le 8 juin 2008. Ces données peuvent être utilement prises en compte
pour apprécier le bien-fondé du présent recours.
146 Selon cette étude, à l’époque où une limitation de vitesse à 130 km/h était
appliquée à Vomp, la vitesse moyenne des voitures particulières aurait été d’environ
116 km/h, tandis que pendant la période d’enquête, impliquant l’introduction d’une
limitation de vitesse permanente à 100 km/h, la vitesse moyenne de ces voitures aurait
été de 103 km/h. Ainsi, l’instauration de cette dernière mesure n’aurait entraîné qu’une
réduction de 13 km/h par rapport aux périodes de limitation de vitesse à 130 km/h.
147 S’il est vrai que l’effet d’une limitation de vitesse sur la vitesse effectivement
pratiquée par les usagers de la route peut être influencé par la manière dont ceux-ci
acceptent la mesure, il n’en demeure pas moins qu’il incombe à l’État membre concerné
d’assurer le respect effectif d’une telle mesure par l’adoption de mesures contraignantes
assorties, le cas échéant, de sanctions. Ainsi, la République d’Autriche ne saurait se
fonder sur la vitesse moyenne mesurée sur la zone concernée, à savoir 103 km/h, pour
apprécier les effets de la mise en œuvre d’une limitation de vitesse permanente à 100
km/h.
148 Dès lors, il apparaît que le remplacement de la limitation de vitesse variable par
une limitation de vitesse permanente à 100 km/h présente un potentiel de réduction des
émissions de dioxyde d’azote qui n’a pas été suffisamment pris en compte par la
République d’Autriche. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 67 du présent arrêt,
l’existence d’un tel potentiel est corroborée par l’étude IFEU.
149 En outre, il importe de relever que les effets restrictifs sur la libre circulation des
marchandises d’un remplacement de la limitation de vitesse variable par une limitation
de vitesse permanente à 100 km/h sont moindres que ceux de la mise en œuvre de
l’interdiction sectorielle de circuler. En effet, un tel remplacement n’est pas de nature à
affecter la circulation des poids lourds pour lesquels la vitesse maximale autorisée est,
en tout état de cause, limitée.
66
Sur les dépens
152 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission
ayant conclu à la condamnation de la République d’Autriche et celle-ci ayant succombé
en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE,
introduites par le rechtbank van eerste aanleg te Brussel (Belgique), par décisions du 16
avril 2012, parvenues à la Cour le 30 avril 2012, dans les procédures
Essent Belgium NV
contre
67
Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en Gasmarkt,
en présence de:
Vlaams Gewest,
rend le présent
Arrêt
68
l’article 3 de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin
2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et
abrogeant la directive 96/92/CE (JO L 176, p. 37).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant Essent Belgium
NV (ci-après «Essent») à la Vlaamse Reguleringsinstantie voor de Elektriciteits- en
Gasmarkt (Autorité de régulation du marché du gaz et de l’électricité, ci-après la
«VREG»), au Vlaams Gewest (Région flamande) et à la Vlaamse Gemeenschap
(Communauté flamande), au sujet d’amendes administratives infligées par la VREG à
Essent pour défaut de présentation de certificats établissant que la quantité d’électricité
y figurant a été produite à partir de sources d’énergie renouvelables (ci-après les
«certificats verts»).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2001/77
3 La directive 2001/77 a été abrogée, à compter du 1er janvier 2012, par la directive
2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la
promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et
modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO L 140, p. 16).
Néanmoins, compte tenu de la date des faits relatifs aux litiges au principal, il y a lieu
d’avoir égard aux dispositions de la directive 2001/77.
69
changements climatiques et de tout train de mesures destiné à respecter des
engagements ultérieurs.
[...]
(10) En vertu de la présente directive, les États membres ne sont pas tenus de
reconnaître que l’acquisition d’une garantie d’origine auprès d’autres États membres ou
l’achat correspondant d’électricité constitue une contribution au respect d’un quota
national obligatoire. Toutefois, pour faciliter les échanges d’électricité produite à partir
de sources d’énergie renouvelables et pour accroître la transparence pour le choix du
consommateur entre l’électricité produite à partir de sources d’énergie non
renouvelables et l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, la
garantie d’origine de cette électricité est requise. Les régimes prévus pour la garantie
d’origine n’entraînent pas par nature le droit de bénéficier des mécanismes de soutien
nationaux instaurés dans différents États membres. Il importe que toutes les formes
d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables soient couvertes par de
telles garanties d’origine.
(11) Il importe de bien distinguer les garanties d’origine des certificats verts
échangeables.
[...]
(14) Les États membres appliquent différents mécanismes de soutien des sources
d’énergie renouvelables au niveau national, notamment des certificats verts, une aide à
l’investissement, des exonérations ou réductions fiscales, des remboursements d’impôt
ou des régimes de soutien direct des prix. Un moyen important pour réaliser l’objectif
de la présente directive est de garantir le bon fonctionnement de ces mécanismes,
jusqu’à ce qu’un cadre communautaire soit mis en œuvre, de façon à conserver la
confiance des investisseurs.
«La présente directive a pour objet de favoriser une augmentation de la contribution des
sources d’énergie renouvelables dans la production d’électricité sur le marché intérieur
de l’électricité et de jeter les bases d’un futur cadre communautaire en la matière.»
70
[...]
[...]»
«1. Les États membres prennent des mesures appropriées pour promouvoir
l’accroissement de la consommation d’électricité produite à partir de sources d’énergie
renouvelables conformément aux objectifs indicatifs nationaux visés au paragraphe 2.
Ces mesures doivent être proportionnées à l’objectif à atteindre.
2. Au plus tard le 27 octobre 2002, et par la suite tous les cinq ans, les États membres
adoptent et publient un rapport fixant, pour les dix années suivantes, les objectifs
indicatifs nationaux de consommation future d’électricité produite à partir de sources
d’énergie renouvelables en pourcentage de la consommation d’électricité. [...] Pour fixer
ces objectifs jusqu’en 2010, les États membres:
– veillent à ce que ces objectifs soient compatibles avec tout engagement national
pris dans le cadre des engagements relatifs au changement climatique acceptés par la
Communauté au titre du protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur
les changements climatiques.»
71
communautaire relatif aux régimes de soutien de l’électricité produite à partir de sources
renouvelables.
[...]»
«1. Au plus tard le 27 octobre 2003, les États membres font en sorte que l’origine de
l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables puisse être garantie
comme telle au sens de la présente directive, selon des critères objectifs, transparents et
non discriminatoires définis par chaque État membre. Ils veillent à ce que des garanties
d’origine soient délivrées à cet effet en réponse à une demande.
[...]
– ont pour but de permettre aux producteurs d’électricité utilisant des sources
d’énergie renouvelables d’établir que l’électricité qu’ils vendent est produite à partir de
sources d’énergie renouvelables.
[...]»
10 Ainsi qu’il ressort de son premier alinéa, l’annexe à la directive 2001/77 fournit
des valeurs de référence pour la fixation des objectifs indicatifs nationaux concernant
l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables, tels que visés à l’article
3, paragraphe 2, de cette directive. Il ressort du tableau figurant à cette annexe et des
explications afférents à celui-ci que lesdites valeurs de référence tiennent, pour chaque
État membre, d’une part, dans la «production intérieure» d’électricité produite à partir
de sources d’énergie renouvelables en 1997 et, d’autre part, dans la part, en
pourcentage, respectivement pour les années 1997 et 2010, de l’électricité produite à
partir de sources d’énergie renouvelables dans la consommation d’électricité, cette part
72
étant «calculée à partir de la production intérieure d’[électricité produite à partir de
sources d’énergie renouvelables] divisée par la consommation intérieure brute
d’électricité».
11 La directive 2001/77 a été intégrée dans l’accord EEE par la décision du Comité
mixte de l’EEE no 102/2005, du 8 juillet 2005, modifiant l’annexe IV (Énergie) de
l’accord EEE (JO L 306, p. 34). Ladite décision est entrée en vigueur le 1er septembre
2006.
La directive 2003/54
«Les États membres, sur la base de leur organisation institutionnelle et dans le respect
du principe de subsidiarité, veillent à ce que les entreprises d’électricité, sans préjudice
du paragraphe 2, soient exploitées conformément aux principes de la présente directive,
en vue de réaliser un marché de l’électricité concurrentiel, sûr et durable sur le plan
environnemental, et s’abstiennent de toute discrimination pour ce qui est des droits et
des obligations de ces entreprises.»
14 La directive 2003/54 a été intégrée dans l’accord EEE par la décision du Comité
mixte de l’EEE no 146/2005, du 2 décembre 2005, modifiant l’annexe IV (Énergie) de
l’accord EEE (JO 2006, L 53, p. 43). Cette décision est entrée en vigueur le 1er juin
2007.
Le droit belge
73
au cours d’une année déterminée, une quantité déterminée d’électricité verte, exprimée
en kWh».
18 L’article 23, paragraphe 1, dudit décret disposait que «[c]haque fournisseur qui
fournit de l’électricité aux clients finals raccordés au réseau de distribution ou au réseau
de transport est tenu de soumettre à l’autorité de régulation chaque année avant le 31
mars le nombre de certificats verts déterminé en application du § 2».
22 L’article 37, paragraphe 2, dudit décret disposait que, à partir du 31 mars 2005,
l’amende administrative encourue pour une infraction à l’article 23, paragraphe 1, du
même décret était fixée à 125 euros par certificat manquant.
74
5 mars 2004 comportait notamment un article 15, paragraphe 1, qui énumérait les
sources d’énergie à partir desquelles l’électricité produite pouvait donner lieu à
l’émission d’un certificat vert accepté par la VREG.
«§ 1er. Les données portant sur les certificats verts attribués sont enregistrées dans
une base de données centralisée par la VREG. [...]
[...]
[...]
1° ‘acceptable’, dans le cas où le certificat vert répond aux conditions de l’article 15,
§ 1er [...]
2° ‘non acceptable’, dans le cas où le certificat vert ne répond pas aux conditions de
l’article 15, § 1er [...]
[...]»
«Les certificats verts qui ont été utilisés comme garanties d’origine conformément aux
dispositions de la sous-section III peuvent encore être utilisés dans le cadre de
l’obligation de certificats, à condition que la mention, visée à l’article 13, § 2, 6°, soit
‘acceptable’ [...]»
75
29 Les articles 15 bis et 15 quater dudit arrêté figuraient sous la sous-section III de
celui-ci, intitulée «[l]’usage de certificats verts comme garantie d’origine». Ces articles
prévoyaient:
«Article 15 bis. § 1. Les certificats verts sont utilisés comme garantie d’origine
lorsqu’ils sont présentés dans le cadre de la vente d’électricité à des clients finals
comme de l’électricité [verte].
[...]
[...]
§2 Lorsque la garantie d’origine est importée d’une autre région ou d’un autre pays,
les données sont enregistrées dans la banque de données centrale sous forme d’un
certificat vert portant les mentions suivantes:
[...]
Les certificats verts provenant d’une autre région ou d’un autre pays peuvent être
enregistrés avec la mention ‘acceptable’ au cas où le gouvernement flamand décide
d’accepter les certificats concernés en application de l’article 25 [du décret relatif à
l’électricité].
[...]»
76
32 Considérant que, en l’absence de toutes mesures d’exécution de l’article 25 du
décret relatif à l’électricité adoptées par le vlaamse regering, seuls les certificats verts
délivrés en vertu de ce décret à des producteurs d’électricité verte établis en Région
flamande pouvaient être acceptés aux fins de satisfaire à ladite obligation de quota, la
VREG a, par une décision du 24 mai 2005 adoptée en application de l’article 37,
paragraphe 2, dudit décret, infligé à Essent une amende administrative d’un montant de
125 euros par certificat vert manquant soit, au total, 542 125 euros.
34 Durant les années suivantes, la VREG a, pour des motifs analogues, infligé à
Essent des amendes s’élevant respectivement à 234 750 euros, par décision du 13 juillet
2006, à 166 125 euros, par décision du 4 juillet 2007, ainsi qu’à 281 250 euros et à 302
375 euros par deux décisions du 18 mai 2009 afférentes, la première, à l’année 2008 et,
la seconde, à l’année 2009.
35 Les décisions des 13 juillet 2006 et 4 juillet 2007 faisaient suite au refus de prise
en compte par la VREG de garanties d’origine attestant de la production d’électricité
verte respectivement au Danemark (et/ou en Suède) ainsi qu’en Norvège, et celles du 18
mai 2009 au refus de prise en compte de garanties d’origine attestant de la production
d’électricité verte en Norvège.
38 À cet égard, le rechtbank van eerste aanleg te Brussel tend à considérer que, dans
la mesure où les fournisseurs d’électricité sont tenus d’acheter des certificats verts
délivrés par la VREG, ils sont empêchés de couvrir une partie de leurs besoins en
certificats en s’adressant à des opérateurs situés à l’étranger, de sorte qu’il paraît, à
première vue, en résulter une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à
l’importation de tels certificats, au sens des articles 34 TFUE et 11 de l’accord EEE.
39 Ladite juridiction relève, par ailleurs, que, pour sa défense, la VREG a fait valoir
que les garanties d’origine en cause dans les affaires dont elle est saisie ne constituent
pas des certificats verts et qu’il découle de l’article 5 de la directive 2001/77, lu à la
lumière du considérant 10 de celle-ci, que de telles garanties n’emportent notamment
aucun droit à bénéficier des mécanismes de soutien nationaux aux énergies vertes.
77
40 Le second moyen avancé par Essent à l’appui de ses recours est tiré de la
violation du principe de non-discrimination consacré aux articles 18 TFUE, 4 de
l’accord EEE, 5 de la directive 2001/77 et 3 de la directive 2003/54. S’agissant de
l’article 3 de la directive 2003/54, la juridiction de renvoi précise que, dans ses recours,
Essent se prévaut de ce qu’il ressortirait du paragraphe 1 de ladite disposition que les
États membres doivent s’abstenir d’opérer des discriminations dans l’organisation
institutionnelle du marché de l’électricité.
42 C’est dans ce contexte que le rechtbank van eerste aanleg te Brussel a décidé de
surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, rédigées en
termes substantiellement similaires dans chacune des cinq affaires dont il se trouve
saisi:
«1) Un régime national, tel que celui figurant dans le décret [relatif à l’électricité],
mis en œuvre par l’arrêté [du 5 mars 2004], tel que modifié par l’arrêté [du 25 février
2005] et par [l’arrêté du 8 juillet 2005] [(la référence à l’arrêté du 8 juillet 2005 ne
figure pas dans la question posée dans l’affaire C-204/12)], régime dans lequel:
– il est expressément précisé que les garanties d’origine provenant d’autres pays
peuvent être acceptées à certaines conditions pour répondre au quota obligatoire (article
15 quater, paragraphe 2, de l’arrêté [du 5 mars 2004 tel que modifié par l’arrêté du 8
juillet 2005]) [(le présent tiret ne figure pas dans la question posée dans l’affaire
C-204/12)];
– la [VREG] ne peut pas ou ne veut pas prendre en compte des garanties d’origine
de Norvège [et des Pays-Bas (précision propre à la question posée dans l’affaire
C-204/12)] [et du Danemark (précision propre à la question posée dans l’affaire
C-205/12)] [et du Danemark/de la Suède (précision propre à la question dans l’affaire
C-206/12)] faute de mesures d’application adoptées par le vlaams regering
78
reconnaissant que la remise de ces certificats est égale ou équivalente (article 25 du
décret [relatif à l’électricité] et [i) s’agissant de l’affaire C-204/12] article 15,
paragraphe 1, de l’arrêté [du 5 mars 2004, tel que modifié par l’arrêté du 25 février
2005], [ii) s’agissant des affaires C-205/12 à C-108/12], article 15 quater, paragraphe 2,
de l’arrêté [du 5 mars 2004, tel que modifié par l’arrêté du 8 juillet 2005]), sans que [la
VREG] ait examiné concrètement cette égalité ou cette équivalence;
est-il conforme à l’article 34 TFUE ainsi qu’à l’article 11 de l’accord EEE et/ou à
l’article 36 TFUE et à l’article 13 de l’accord EEE [(dans les affaires C-207/12 et
C-208/12, la question posée vise uniquement les articles 11 et 13 de l’accord EEE)]?
79
réglementation telle que celle en cause au principal, de limiter les effets dans le temps
de l’arrêt à intervenir.
49 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale
de la procédure.
50 Selon VREG e.a., les questions préjudicielles sont irrecevables à deux titres. En
premier lieu, la Cour serait sans compétence pour se prononcer sur la compatibilité du
droit national avec le droit de l’Union. En second lieu, ces questions seraient
dépourvues de pertinence aux fins de trancher les litiges au principal en ce qu’elles
reposent sur une interprétation erronée du droit interne. En effet, la juridiction de renvoi
aurait considéré à tort que l’article 25 du décret relatif à l’électricité et l’article 15
quater, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’arrêté du 5 mars 2004 envisagent la prise en
compte éventuelle non seulement des certificats verts provenant d’autres pays, mais
également des garanties d’origine ayant une telle provenance.
80
51 À cet égard, il convient toutefois de rappeler, d’une part, que si la Cour n’est pas
compétente, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, pour statuer sur la compatibilité
d’une mesure nationale avec le droit de l’Union, elle est toutefois compétente pour
fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de
l’Union qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité en vue du jugement de
l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêt Azienda Agro-Zootecnica Franchini
et Eolica di Altamura, C-2/10, EU:C:2011:502, point 35 et jurisprudence citée).
54 Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction
nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation
du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au
principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne
dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux
questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Carmen Media Group,
EU:C:2010:505, point 76 et jurisprudence citée).
55 Or, force est de constater, à cet égard, que les interprétations des dispositions du
droit de l’Union sollicitées par la juridiction de renvoi présentent d’évidents rapports
avec l’objet des litiges au principal puisqu’elles visent en substance à savoir si lesdites
dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à l’application qui a
en l’occurrence été faite des dispositions internes en cause au principal à l’endroit
d’Essent et que de telles interprétations sont ainsi susceptibles d’exercer un effet sur la
solution desdits litiges.
56 Il découle des considérations qui précèdent que les objections formulées par
VREG e.a. doivent être écartées et que les demandes de décisions préjudicielles sont
recevables.
81
Sur la deuxième question
60 Pour leur part, les régimes de soutien nationaux par lesquels des producteurs
d’électricité verte bénéficient d’aides directes ou indirectes et qui, ainsi qu’il ressort du
considérant 14 de la directive 2001/77, peuvent, comme c’est le cas du régime de
soutien en cause au principal, recourir au mécanisme des certificats verts font l’objet
d’une disposition distincte de ladite directive, à savoir l’article 4 de celle-ci.
61 Or, rien dans le texte desdits articles 4 et 5 ou dans les considérants de la directive
2001/77 ne suggère que le législateur de l’Union aurait entendu instaurer un lien entre
les garanties d’origine et les régimes de soutien nationaux à la production d’énergie
verte.
62 Tout d’abord, il convient de tenir compte, à cet égard, de ce que, ainsi qu’il
ressort des considérants 14 et 15 ainsi que de l’article 4 de la directive 2001/77, celle-ci
n’a pas pour objet d’arrêter un cadre communautaire concernant les régimes de soutien
nationaux, mais vise plutôt à garantir le bon fonctionnement des régimes existants, de
82
façon à conserver la confiance des investisseurs, et ce jusqu’à ce qu’un tel cadre
communautaire soit, le cas échéant, mis en œuvre.
65 Par ailleurs, aux termes du paragraphe 4 dudit article 5, les garanties d’origine
devraient être mutuellement reconnues par les États membres exclusivement à titre de
preuve des éléments visés au paragraphe 3 de ce même article.
66 Or, les précisions ainsi reproduites aux points 63 à 65 du présent arrêt indiquent
que le législateur de l’Union n’a pas entendu imposer aux États membres ayant opté
pour un régime de soutien utilisant des certificats verts d’étendre le bénéfice de celui-ci
à l’électricité verte produite sur le territoire d’un autre État membre (voir, par analogie,
arrêt Ålands Vindkraft, C-573/12, EU:C:2014:2037, points 53 et 54).
67 Enfin, il y a également lieu de tenir compte, à cet égard, de ce que, ainsi qu’il
résulte de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/77, lu en combinaison avec
l’annexe de celle-ci, les États membres doivent notamment fixer des objectifs indicatifs
nationaux de consommation future d’électricité verte en prenant en compte, comme
valeurs de référence, d’une part, la «production intérieure» d’électricité verte en 1997 et,
d’autre part, la part, en pourcentage, respectivement pour les années 1997 et 2010, de
l’électricité verte dans la consommation brute d’électricité, cette part étant calculée à
partir de la «production intérieure» d’électricité verte divisée par la consommation
intérieure brute d’électricité.
83
auprès d’autres États membres ou l’achat correspondant d’électricité constitue une
contribution au respect d’un quota national.
71 Ainsi doit-il être considéré que, par sa première question, ladite juridiction
demande, en substance, si les articles 28 CE et 30 CE ainsi que les articles 11 et 13 de
l’accord EEE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un régime de
soutien national, tel que celui en cause au principal, qui prévoit l’allocation, par
l’autorité de régulation régionale compétente, de certificats négociables en considération
de l’électricité verte produite sur le territoire de la région concernée et qui soumet les
fournisseurs d’électricité à une obligation de remettre, annuellement, à ladite autorité,
sous peine d’une amende administrative, une certaine quantité de tels certificats
correspondant à une quote-part du total de leurs livraisons d’électricité dans cette
région, sans que ces fournisseurs soient autorisés à satisfaire à ladite obligation en
utilisant des garanties d’origine provenant d’autres États membres de l’Union ou d’États
tiers membres de l’EEE.
72 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les articles 11 et 13 de l’accord EEE sont
libellés en termes quasi identiques à ceux des articles 28 CE et 30 CE, de sorte que,
ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, ces règles doivent être
interprétées d’une manière uniforme (voir en ce sens, notamment, arrêts Bellio F.lli,
C-286/02, EU:C:2004:212, points 34 et 35, et Commission/Portugal, C-265/06,
EU:C:2008:210, point 30). Les considérations qui suivent consacrées aux articles 28 CE
84
et 30 CE doivent dès lors être entendues comme s’appliquant également mutatis
mutandis aux articles 11 et 13 de l’accord EEE.
73 D’une part, VREG e.a. et la Commission font valoir que les garanties d’origine ne
constituent pas des marchandises au sens des articles 28 CE et 30 CE. La Commission
soutient, à cet égard, que lesdites garanties ont pour seule fonction d’attester le caractère
«vert» de l’électricité à laquelle elles se rapportent, de sorte qu’elles ne constituent que
l’accessoire de celle-ci et non une marchandise distincte.
74 Selon VREG e.a., la circonstance que, dans la pratique, de telles garanties fassent
parfois l’objet de transactions commerciales autonomes distinctes de celles portant sur
l’électricité ne remet pas en cause ce caractère accessoire. Même en pareil cas, ces
garanties auraient en effet pour seule fonction de permettre de vendre une certaine
quantité d’électricité à un client en tant qu’électricité verte. En outre, le caractère
immatériel des garanties d’origine empêcherait également que celles-ci puissent être
qualifiées de «marchandises», au sens de l’article 28 CE.
75 En revanche, Essent est d’avis que, dans la mesure où les garanties d’origine font
ainsi en pratique l’objet de cessions à titre onéreux, elles doivent être considérées
comme de telles marchandises.
– Appréciation de la Cour
85
79 À cet égard, il ressort des points 63 à 65 du présent arrêt que, en vertu de cette
directive, de tels instruments ont pour objectifs de permettre aux producteurs
d’électricité d’établir que l’électricité qu’ils vendent est produite à partir de sources
d’énergie renouvelables, de faciliter les échanges d’une telle électricité et d’accroître la
transparence pour le choix du consommateur entre une telle électricité et celle qui est
produite à partir de sources d’énergie non renouvelables. Cependant, ils n’entraînent
pas, par nature, le droit de bénéficier des mécanismes de soutien nationaux instaurés
dans les différents États membres, lesdites garanties d’origine devant à cet égard
notamment être distinguées des certificats verts échangeables utilisés dans le cadre de
tels mécanismes.
80 Il apparaît ainsi, d’une part, que les garanties d’origine sont conçues comme un
accessoire, d’abord, de l’électricité verte produite par un producteur et, ensuite, de
l’électricité qu’un fournisseur vend aux consommateurs. D’autre part, la libre
circulation de tels instruments entre les États membres, au moins aux fins qui leur sont
ainsi consubstantiellement attachées en vertu de la directive 2001/77, ne paraît pas
pouvoir se trouver entravée du fait qu’un régime de soutien national à la production
d’énergie verte recourant aux certificats verts ne prévoit pas la prise en compte desdits
instruments.
83 Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’une réglementation telle que celle
en cause au principal est effectivement susceptible d’entraver, à tout le moins
indirectement et potentiellement, les importations d’électricité, en particulier verte, en
provenance des autres États membres, et ce à divers titres (voir, en ce sens, arrêt Ålands
Vindkraft, EU:C:2014:2037, points 67 à 75).
86
certaine quantité de certificats verts, aux fins de satisfaire à l’obligation de quota qui
pèse sur eux et qui est fonction de la quantité totale d’électricité qu’ils livrent.
85 Or, seuls les certificats verts attribués en vertu de ladite réglementation peuvent
être utilisés pour satisfaire à cette obligation. Ainsi, lesdits fournisseurs sont-ils, en règle
générale, tenus, à raison de l’électricité qu’ils importent, d’acheter de tels certificats
sous peine de devoir s’acquitter d’une amende administrative. Une telle réglementation
est ainsi de nature à pouvoir entraver les importations d’électricité en provenance
d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêt Ålands Vindkraft, EU:C:2014:2037,
points 69 et 70 et jurisprudence citée).
87 Il s’ensuit que, dans cette mesure également, un régime de soutien tel que celui en
cause au principal a pour effet, à tout le moins potentiel, de freiner les importations
d’électricité en provenance d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêt Ålands
Vindkraft, EU:C:2014:2037, points 72 et 73 et jurisprudence citée).
87
90 Selon une jurisprudence bien établie de la Cour, des mesures nationales
susceptibles d’entraver le commerce intracommunautaire peuvent notamment être
justifiées par des exigences impératives relevant de la protection de l’environnement
(voir, notamment, arrêt Ålands Vindkraft, EU:C:2014:2037, point 77 et jurisprudence
citée).
93 Comme l’a déjà relevé la Cour, une telle augmentation vise également la
protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ainsi que la préservation
des végétaux, raisons d’intérêt général énumérées à l’article 30 CE (voir arrêt Ålands
Vindkraft, EU:C:2014:2037, point 80 et jurisprudence citée).
– Sur la proportionnalité
96 Ainsi qu’il a été rappelé au point 89 du présent arrêt, pour que ladite
réglementation puisse se trouver justifiée, il convient néanmoins qu’elle satisfasse aux
exigences découlant du principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle soit apte à
atteindre l’objectif légitime qu’elle poursuit et nécessaire à cet effet.
88
produite sur le territoire régional concerné et non des garanties d’origine afférentes à de
l’électricité verte produite dans d’autres États membres peuvent être utilisés aux fins de
satisfaire à l’obligation de quota, il convient d’admettre que, dès lors, notamment, que le
droit de l’Union n’a pas procédé à une harmonisation des régimes de soutien nationaux
à l’électricité verte, une telle exclusion peut, en soi, être considérée comme étant
nécessaire aux fins d’atteindre l’objectif légitime en l’occurrence poursuivi, visant à
promouvoir une augmentation du recours à l’utilisation des sources d’énergie
renouvelables dans la production d’électricité (voir, en ce sens, arrêt Ålands Vindkraft,
EU:C:2014:2037, points 92 à 94).
99 Il importe par ailleurs de rappeler que, contrairement à ce que soutient Essent et,
ainsi qu’il a été relevé aux points 67 et 68 du présent arrêt, il découle à cet égard de
l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/77, lu en combinaison avec l’annexe
de celle-ci, que le législateur de l’Union a imparti aux différents États membres de fixer
des objectifs indicatifs nationaux en considération de la production intérieure
d’électricité verte.
101 Par ailleurs, et ainsi que l’a relevé le législateur de l’Union au considérant 14 de
la directive 2001/77, un moyen important pour réaliser l’objectif de ladite directive est
de garantir le bon fonctionnement des mécanismes de soutien des sources d’énergie
renouvelables au niveau national (voir, en ce sens, arrêt IBV & Cie, EU:C:2013:598,
point 57).
102 Or, il importe à cette fin que les États membres puissent contrôler les effets et les
coûts de ces régimes en fonction de leur potentiel, tout en conservant la confiance des
investisseurs (voir, en ce sens, arrêt Ålands Vindkraft, EU:C:2014:2037, point 99).
103 Eu égard à ce qui précède, il n’apparaît pas que le simple fait de limiter le
bénéfice d’un régime de soutien utilisant des certificats verts, tel que celui en cause au
principal, à la seule électricité verte produite sur le territoire régional et de refuser de
89
prendre en considération les garanties d’origine afférentes à de l’électricité produite
dans d’autres États membres aux fins de satisfaire à l’obligation de quota puisse être de
nature à méconnaître le principe de proportionnalité (voir, par analogie, arrêt Ålands
Vindkraft, EU:C:2014:2037, point 104).
104 Il importe toutefois d’examiner, en second lieu, si, envisagées ensemble avec la
restriction dont il vient d’être question, les autres caractéristiques de la réglementation
en cause au principal dont fait état la juridiction de renvoi permettent de conclure que,
considérée dans sa globalité, cette réglementation satisfait bien aux exigences découlant
du principe de proportionnalité.
105 À cet égard, il convient, en effet, de rappeler qu’il ressort de la décision de renvoi
que cette réglementation est notamment caractérisée par une obligation s’imposant
annuellement aux fournisseurs de détenir et de restituer à l’autorité de régulation
compétente une certaine quantité de certificats verts correspondant à une quote-part de
leurs livraisons, cela sous peine de devoir s’acquitter d’une amende administrative.
107 À ces divers égards, il importe de relever, premièrement, qu’un régime de soutien
utilisant, à l’instar de celui en cause au principal, des certificats verts vise notamment à
faire supporter le surcoût lié à la production d’électricité verte directement par le
marché, à savoir par les fournisseurs d’électricité qui sont astreints à l’obligation de
quota et, in fine, par les consommateurs.
108 En opérant un tel choix, un État membre n’excède pas la marge d’appréciation qui
demeure la sienne dans la poursuite de l’objectif légitime visant à accroître la
production d’électricité verte (voir, en ce sens, arrêt Ålands Vindkraft,
EU:C:2014:2037, points 109 et 110).
110 L’effet incitatif qu’exerce un tel régime sur les producteurs d’électricité en
général, dont, notamment, ceux qui cumuleraient les qualités de producteur, d’une part,
et de fournisseur, d’autre part, en vue de les amener à accroître leur production
d’électricité verte ne paraît ainsi pas pouvoir être mis en doute, ni, partant, l’aptitude de
90
celui-ci à atteindre l’objectif légitime poursuivi en l’occurrence (voir, en ce sens, arrêt
Ålands Vindkraft, EU:C:2014:2037, points 111 et 112).
112 Il importe, ainsi, que soient institués des mécanismes qui assurent la mise en place
d’un véritable marché des certificats verts où l’offre et la demande puissent
effectivement se rencontrer et tendre vers l’équilibre, de sorte qu’il soit effectivement
possible aux fournisseurs intéressés de s’y approvisionner en de tels certificats dans des
conditions équitables (voir, en ce sens, arrêt Ålands Vindkraft, EU:C:2014:2037, point
114).
113 Quant à la circonstance que les fournisseurs qui ne respectent pas l’obligation de
quota à laquelle ils se trouvent soumis sont astreints, à l’instar d’Essent dans les affaires
au principal, au paiement d’une amende administrative, il y a lieu d’indiquer ce qui suit.
114 Si l’imposition d’une telle amende peut, certes, être considérée comme étant
nécessaire afin d’inciter, d’une part, les producteurs à accroître leur production
d’électricité verte et, d’autre part, les opérateurs soumis à une obligation de quota à
procéder à l’acquisition effective des certificats verts requis, encore convient-il,
toutefois, que les modalités de détermination et le montant de cette amende n’aillent pas
au-delà de ce qui est nécessaire à de telles fins incitatives, en évitant notamment, à cet
égard, de pénaliser les opérateurs concernés d’une manière qui s’avérerait excessive
(voir, en ce sens, arrêt Ålands Vindkraft, EU:C:2014:2037, point 116). Il appartient, le
cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas en ce qui concerne les
amendes administratives en cause dans les affaires au principal.
91
116 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à
la première question que les articles 28 CE et 30 CE ainsi que les articles 11 et 13 de
l’accord EEE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à un régime de
soutien national, tel que celui en cause au principal, qui prévoit l’allocation, par
l’autorité de régulation régionale compétente, de certificats négociables en considération
de l’électricité verte produite sur le territoire de la région concernée et qui soumet les
fournisseurs d’électricité à une obligation de remettre, annuellement, à ladite autorité,
sous peine d’une amende administrative, une certaine quantité de tels certificats
correspondant à une quote-part du total de leurs livraisons d’électricité dans cette
région, sans que ces fournisseurs soient autorisés à satisfaire à ladite obligation en
utilisant des garanties d’origine provenant d’autres États membres de l’Union ou d’États
tiers membres de l’EEE, pour autant que:
– sont institués des mécanismes qui assurent la mise en place d’un véritable marché
des certificats où l’offre et la demande puissent se rencontrer et tendre vers l’équilibre,
de sorte qu’il soit possible aux fournisseurs intéressés de s’y approvisionner en
certificats de manière effective et dans des conditions équitables;
118 S’agissant, tout d’abord, de l’article 18 TFUE, celui-ci dispose que, dans le
domaine d’application des traités et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils
prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.
92
serait susceptible d’engendrer une différence de traitement constitutive d’une
discrimination en raison de la nationalité ni en quoi une telle différence de traitement
serait, le cas échéant, à distinguer de celle ayant trait aux garanties d’origine et à
l’électricité importée en provenance d’autres États membres constituant déjà l’objet de
la première question préjudicielle.
120 S’agissant des affaires au principal, il convient de rappeler, par ailleurs, qu’Essent
conteste le fait de ne pas être en mesure, en sa qualité de fournisseur d’électricité,
d’utiliser des garanties d’origine provenant d’autres États membres de l’Union et de
l’EEE aux fins de s’acquitter de l’obligation de quota qui pèse sur elle en vertu de la
réglementation nationale en cause au principal.
121 Or, force est de constater, à cet égard, que l’obligation de quota en cause au
principal s’applique à tous les fournisseurs d’électricité opérant dans la Région
flamande, quelle que soit par ailleurs leur nationalité. De même, la circonstance que
lesdits fournisseurs ne peuvent utiliser des garanties d’origine en lieu et place des
certificats verts concerne-t-elle l’ensemble de ceux-ci indépendamment de leur
nationalité.
122 Quant aux producteurs d’électricité, outre le fait qu’ils ne sont pas destinataires de
l’obligation de quota, il y a lieu de rappeler que la circonstance que l’électricité que
produisent ceux qui sont établis dans d’autres États membres peut éventuellement faire
l’objet d’une différence de traitement et se trouver entravée lorsqu’elle est importée en
Région flamande relève du champ de l’article 34 TFUE et a, à ce titre, déjà été
pleinement appréhendée sous l’angle de ladite disposition, dans le cadre de l’examen de
la première question.
123 Ensuite, et s’agissant de l’article 4 de l’accord EEE dont le libellé est quasi
identique à celui de l’article 18 TFUE, il découle de la jurisprudence rappelée au point
72 du présent arrêt qu’une analyse identique à celle venant d’être menée à propos de cet
article 18 doit prévaloir, de telle sorte qu’il n’apparaît pas davantage en quoi ledit article
4 serait susceptible de s’appliquer en présence de situations telles que celles en cause
dans les litiges au principal.
93
125 En deuxième lieu, il convient de relever que bien que la question posée par la
juridiction de renvoi se réfère à l’article 3 de la directive 2003/54, il ressort de la
précision que comporte la décision de renvoi telle que reproduite à la seconde phrase du
point 40 du présent arrêt que cette question doit être comprise comme portant sur le
paragraphe 1 de ladite disposition.
128 Il convient pourtant de rappeler, à cet égard, que, aux termes d’une jurisprudence
constante de la Cour, il importe que les juridictions de renvoi indiquent les raisons
précises qui les ont conduites à s’interroger sur l’interprétation de certaines disposition
du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser une question préjudicielle à la Cour
(voir, notamment, ordonnance BVBA De Backer, C-234/05, EU:C:2005:662, point 9 et
jurisprudence citée).
129 Dans ces conditions, la Cour n’est pas en mesure de donner à la juridiction de
renvoi des indications qui iraient au-delà de ce qui ressort déjà des points 120 et 121 du
présent arrêt, à savoir qu’il n’apparaît pas en quoi Essent aurait, dans le cadre des
affaires au principal, fait l’objet d’une discrimination en ce qui concerne ses droits ou
obligations en qualité de fournisseur sur le marché de l’électricité.
131 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident
soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
94
Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites
parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
– sont institués des mécanismes qui assurent la mise en place d’un véritable marché
des certificats où l’offre et la demande puissent se rencontrer et tendre vers l’équilibre,
de sorte qu’il soit possible aux fournisseurs intéressés de s’y approvisionner en
certificats de manière effective et dans des conditions équitables;
95
Document 6 : CJUE, 21 décembre 2016, AGET Iraklis, C-201/15
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE,
introduite par le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), par décision du 7
avril 2015, parvenue à la Cour le 29 avril 2015, dans la procédure
contre
en présence de :
– pour Anonymi Geniki Etairia Tsimenton Iraklis (AGET Iraklis), par Mes C.
Theodorou, A. Vagias, C. Synodinos, S. Staes Polet, A. Papastavrou, dikigoroi, ainsi
que par Me F. Montag, Rechtsanwalt, et Me F. Hoseinian, avocat,
96
– pour le gouvernement hellénique, par M. K. Georgiadis et Mme A.
Dimitrakopoulou, en qualité d’agents,
rend le présent
Arrêt
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Anonymi Geniki
Etairia Tsimenton Iraklis (AGET Iraklis) à l’Ypourgos Ergasias, Koinonikis Asfalisis
kai Koinonikis Allilengyis (ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Solidarité
sociale, ci-après le « ministre ») au sujet d’une décision par laquelle ce dernier a décidé
de ne pas autoriser AGET Iraklis à procéder à un licenciement collectif.
Le cadre juridique
La directive 98/59
(3) considérant que, malgré une évolution convergente, des différences subsistent
entre les dispositions en vigueur dans les États membres en ce qui concerne les
modalités et la procédure des licenciements collectifs ainsi que les mesures susceptibles
d’atténuer les conséquences de ces licenciements pour les travailleurs ;
97
(4) considérant que ces différences peuvent avoir une incidence directe sur le
fonctionnement du marché intérieur ;
[...]
2. Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les
licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par
le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au
reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés.
[...]
v) les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier dans la mesure où
les législations et/ou pratiques nationales en attribuent la compétence à l’employeur ;
98
L’employeur est tenu de transmettre à l’autorité publique compétente au moins une
copie des éléments de la communication écrite prévus au premier alinéa, points b) i) à
v).
[...] »
« 1. L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à
l’autorité publique compétente.
[...]
99
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente des facultés de
prolongation plus larges.
« La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer
ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus
favorables aux travailleurs ou de permettre ou de favoriser l’application de dispositions
conventionnelles plus favorables aux travailleurs. »
Le droit grec
« 1. Avant tout licenciement collectif, l’employeur doit consulter les représentants des
travailleurs pour examiner la possibilité d’éviter ou d’atténuer les licenciements et leurs
conséquences néfastes.
2. L’employeur doit :
[...]
100
3. Des copies de ces documents sont présentées par l’employeur au préfet et à
l’inspection du travail. Si l’entreprise ou l’exploitation a des établissements dans
plusieurs départements, les documents en question sont remis au [ministre] et à
l’inspection du travail du lieu de l’exploitation ou de l’établissement où les
licenciements, ou la plupart d’entre eux, sont projetés. »
2. Si les parties sont tombées d’accord, les licenciements collectifs sont effectués
conformément à la teneur de l’accord [...]
3. S’il n’y a pas d’accord entre les parties, le préfet ou le [ministre], par décision
motivée prise dans un délai de 10 jours à partir de la date de présentation du compte
rendu précité et après avoir examiné le dossier et évalué les conditions du marché du
travail, la situation de l’entreprise ainsi que l’intérêt de l’économie nationale, peuvent
soit prolonger les consultations de 20 jours supplémentaires, sur demande de l’une des
parties intéressées, soit ne pas autoriser la réalisation de tout ou partie des licenciements
prévus. Avant l’adoption de cette décision, le préfet ou le [ministre] peuvent demander
l’avis de la commission du ministère du Travail qui siège dans chaque préfecture ou du
Conseil supérieur du travail respectivement. Ces organes consultatifs, le préfet ou le
[ministre] peuvent convoquer et entendre tant les représentants des travailleurs au sens
de l’article 4 et l’employeur concerné que les personnes qui ont des connaissances
particulières sur des questions techniques pertinentes.
101
13 Durant la période s’étant écoulée entre le mois de novembre 2011 et le mois de
décembre 2012, AGET Iraklis a, à diverses reprises, invité les travailleurs de son usine
de Chalkida à des réunions afin d’envisager des adaptations des activités au sein de cette
usine eu égard à une chute de la demande de ciment, tout en évitant des licenciements
collectifs.
15 Par courriers des 26 mars et 1er avril 2013, AGET Iraklis a invité l’Enosi
Ergazomenon Tsimenton Chalkidas (syndicat représentant les travailleurs de l’usine de
Chalkida, ci-après le « syndicat ») à des rencontres devant se tenir, respectivement, le 29
mars et le 4 avril 2013, à des fins de communication d’informations sur les motifs ayant
conduit à l’adoption du plan susmentionné et sur les modalités des licenciements
envisagés ainsi que de consultation quant aux possibilités d’éviter ou de réduire ces
licenciements et leurs conséquences néfastes.
16 Le syndicat n’ayant donné suite à aucune de ces deux invitations, AGET Iraklis a,
le 16 avril 2013, soumis au ministre une demande d’approbation du projet de
licenciement collectif en cause.
19 Se fondant sur ledit avis, le ministre a, le 26 avril 2013, décidé de ne pas autoriser
ce projet de licenciement collectif.
102
20 À l’appui du recours tendant à l’annulation de cette décision qu’elle a introduit
devant le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce), AGET Iraklis soutient,
notamment, que l’article 5, paragraphe 3, de la loi n° 1387/1983, sur la base duquel a été
adoptée ladite décision, viole tant la directive 98/59 que les articles 49 et 63 TFUE, lus
en combinaison avec l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne (ci-après la « Charte »).
21 Ladite juridiction est d’avis que, bien qu’un régime d’autorisation administrative
tel que celui qu’institue ladite disposition nationale ne soit pas prévu par la directive
98/59, une telle mesure pourrait, dès lors qu’elle est plus favorable aux travailleurs que
ne le sont celles que prévoit cette directive, trouver un fondement dans l’article 5 de
cette dernière.
22 À supposer que tel soit le cas, cette même juridiction éprouve, toutefois, des
doutes quant au point de savoir s’il est compatible avec les objectifs et l’effet utile de la
directive 98/59 de faire dépendre la délivrance d’une telle autorisation de critères tels
que les conditions du marché du travail et l’intérêt de l’économie nationale, dans la
mesure où de tels critères, même s’ils sont rattachables aux objectifs légitimes d’intérêt
général que sont la lutte contre le chômage et le développement économique national,
seraient susceptibles de conduire, tout à la fois, à des divergences entre les États
membres, à un remplacement des procédures d’information et de consultation prévues
par cette directive par une procédure d’autorisation et à une restriction disproportionnée
de la liberté d’entreprendre de l’employeur.
23 Par ailleurs, la juridiction de renvoi est d’avis que, compte tenu du caractère
transfrontalier de la situation en cause au principal, découlant de la circonstance
qu’AGET Iraklis fait partie d’un groupe multinational français, les articles 49 et 63
TFUE ont également vocation à s’appliquer en l’occurrence. À cet égard, une
disposition nationale telle que celle en cause au principal serait, en raison de
l’importance de la restriction qu’elle comporte à l’endroit de la liberté de gestion des
entreprises, de nature à décourager, de manière potentiellement considérable, l’exercice,
par les opérateurs établis dans d’autres États membres, des libertés garanties par ces
articles. Ladite juridiction relève également que les dispositions de la Charte, et,
notamment, l’article 16 de celle-ci consacrant la liberté d’entreprise, ont vocation à être
appliquées dans toutes les situations régies par le droit de l’Union.
24 La question se poserait toutefois de savoir si, en dépit de cet impact potentiel sur
lesdites libertés et sur la liberté d’entreprise, une telle entrave ne pourrait pas,
singulièrement en présence d’une crise économique aigüe accompagnée d’un taux de
chômage inhabituellement élevé avoisinant, en Grèce, les 27 %, bénéficier de
justifications tirées de raisons impérieuses d’intérêt général, en particulier au titre de la
politique de l’emploi dans laquelle les États membres conserveraient une large marge
d’appréciation.
25 C’est dans ces conditions que le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État) a
décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
103
« 1) Une disposition nationale telle que l’article 5, paragraphe 3, de la loi n°
1387/1983, qui subordonne la mise en œuvre de licenciements collectifs dans une
entreprise à une autorisation que l’administration délivre sur la base de critères tenant a)
aux conditions régnant sur le marché du travail, b) à la situation de l’entreprise et c) à
l’intérêt de l’économie nationale, est-elle compatible, en particulier, avec les
dispositions de la directive 98/59 et, plus généralement, avec les articles 49 et 63
TFUE ?
104
possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales
d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des
travailleurs licenciés. D’autre part, selon l’article 2, paragraphe 3, et l’article 3,
paragraphe 1, de ladite directive, l’employeur doit notifier à l’autorité publique tout
projet de licenciement collectif et lui transmettre les éléments et les renseignements
mentionnés à ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2009, Rodríguez
Mayor e.a., C-323/08, EU:C:2009:770, points 43 et 44).
30 C’est ainsi que ni la directive 98/59 ni, auparavant, la directive 75/129 ne portent
atteinte à la liberté de l’employeur de procéder ou de ne pas procéder à des
licenciements collectifs (voir, à propos de la directive 75/129, arrêts du 12 février 1985,
Dansk Metalarbejderforbund et Specialarbejderforbundet i Danmark, 284/83,
EU:C:1985:61, point 10, ainsi que du 7 septembre 2006, Agorastoudis e.a., C-187/05 à
C-190/05, EU:C:2006:535, point 35).
33 Il découle de tout ce qui précède que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au
point 30 de ses conclusions, les conditions de fond auxquelles se trouve, le cas échéant,
soumise la possibilité pour l’employeur de procéder ou non à des licenciements
collectifs ne relèvent pas, en principe, de l’application de la directive 98/59 et
demeurent, en conséquence, du ressort des États membres.
105
34 Il s’ensuit, de même, que ladite directive ne saurait, en principe, être interprétée
en ce sens qu’elle s’oppose à un régime national conférant à une autorité publique le
pouvoir d’empêcher de tels licenciements par une décision motivée adoptée après un
examen du dossier et la prise en compte de critères de fond prédéterminés.
36 En effet, ainsi que l’a itérativement jugé la Cour, s’il est vrai que la directive
98/59 n’assure qu’une harmonisation partielle des règles de protection des travailleurs
en cas de licenciements collectifs, il n’en demeure pas moins que le caractère limité
d’une telle harmonisation ne saurait avoir pour conséquence de priver d’effet utile les
dispositions de cette directive (voir, en ce sens, s’agissant de la directive 75/129, arrêt
du 8 juin 1994, Commission/Royaume-Uni, C-383/92, EU:C:1994:234, point 25, et,
s’agissant de la directive 98/59, arrêt du 16 juillet 2009, Mono Car Styling, C-12/08,
EU:C:2009:466, point 35).
37 Partant, un État membre ne saurait, notamment, adopter une mesure nationale qui,
bien que de nature à garantir à un niveau renforcé la protection des droits des
travailleurs contre les licenciements collectifs aurait, cependant, pour conséquence de
priver les articles 2 à 4 de ladite directive de leur effet utile.
39 En effet, ainsi que l’a déjà relevé la Cour, l’article 2 de la directive 98/59 impose
une obligation de négociation (arrêt du 27 janvier 2005, Junk, C-188/03, EU:C:2005:59,
point 43). Il ressort des termes de cette disposition que les consultations à mener doivent
avoir lieu en vue d’aboutir à un accord, porter au moins sur les possibilités d’éviter ou
de réduire les licenciements collectifs envisagés ainsi que sur les possibilités d’en
atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement et
permettre aux représentants des travailleurs de formuler des propositions constructives
sur la base d’une série d’informations devant être mises à leur disposition par
l’employeur.
40 Pour leur part, les articles 3 et 4 de la directive 98/59 prévoient que les projets de
licenciements collectifs doivent être notifiés à l’autorité publique compétente et que de
tels licenciements ne peuvent prendre effet qu’au terme d’un certain délai que cette
106
autorité doit mettre à profit pour chercher des solutions aux problèmes posés par les
licenciements collectifs ainsi envisagés.
41 De telles dispositions, qui, ainsi qu’il a été rappelé aux points 27 et 32 du présent
arrêt, visent notamment à renforcer la protection des travailleurs tout en rapprochant les
charges qu’entraînent ces règles de protection pour les entreprises, reposent
manifestement sur le présupposé selon lequel des licenciements collectifs doivent, une
fois épuisées les procédures instituées par ces dispositions, et ce y compris dans
l’hypothèse où les consultations n’ont pas permis d’aboutir à un accord, à tout le moins
demeurer envisageables, fût-ce à la condition qu’il soit par ailleurs satisfait à certaines
exigences objectives qui seraient, le cas échéant, fixées par la réglementation nationale
applicable.
42 À cet égard, AGET Iraklis a notamment soutenu devant la Cour que l’autorité
publique compétente s’est systématiquement opposée aux projets de licenciement
collectif lui ayant été notifiés, ce qui a notamment eu pour conséquence que les
représentants des travailleurs s’abstiennent le plus souvent, ainsi que ce fut le cas dans
le contexte de l’affaire au principal, de participer à des consultations aux fins de tenter
de trouver un accord sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements
envisagés et d’en atténuer les conséquences.
107
Sur les articles 49 et 63 TFUE
47 Tel est le cas dans le cadre de l’affaire au principal, dès lors que, ainsi qu’il
ressort de la décision de renvoi, le groupe multinational Lafarge, dont le siège est en
France, détient dans AGET Iraklis des participations qui en font l’actionnaire principal
de cette dernière et qu’AGET Iraklis a précisé, à cet égard, lors de l’audience, en
réponse à une question de la Cour, que lesdites participations s’élevaient, à l’époque à
laquelle a été formé le projet de licenciement litigieux, à 89 % de son capital.
49 Ladite notion couvre ainsi notamment les mesures prises par un État membre qui,
quoique indistinctement applicables, affectent l’accès au marché pour les entreprises
d’autres États membres et entravent ainsi le commerce intracommunautaire (voir,
108
notamment, arrêt du 28 avril 2009, Commission/Italie, C-518/06, EU:C:2009:270, point
64 et jurisprudence citée).
50 S’agissant de l’accès au marché d’un État membre devant ainsi se trouver garanti,
il convient de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, l’objectif de la
liberté d’établissement garantie à l’article 49 TFUE est de permettre à un ressortissant
d’un État membre ou à une personne morale établie dans celui-ci de créer un
établissement secondaire dans un autre État membre pour y exercer ses activités et de
favoriser ainsi l’interpénétration économique et sociale à l’intérieur de l’Union dans le
domaine des activités non salariées. La liberté d’établissement entend, à cette fin,
permettre à un tel ressortissant ou à une telle personne morale de l’Union de participer,
de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État
membre d’origine et d’en tirer profit en exerçant de manière effective dans l’État
membre d’accueil une activité économique au moyen d’une installation stable et pour
une durée indéterminée (voir, notamment, arrêt du 23 février 2016,
Commission/Hongrie, C-179/14, EU:C:2016:108, point 148 et jurisprudence citée).
109
55 Force est de constater, à cet égard, qu’une telle réglementation nationale constitue
une ingérence importante dans certaines libertés dont jouissent, généralement, les
opérateurs économiques (voir, par analogie, arrêt du 28 avril 2009, Commission/Italie,
C-518/06, EU:C:2009:270, point 66). Il en va de la sorte de la liberté de tels opérateurs
de contracter avec les travailleurs aux fins de pouvoir mener leurs activités ou encore de
celle de mettre fin, pour des raisons qui leur sont propres, à l’activité de leur
établissement, ainsi que de leur liberté de jugement quant à savoir si et quand ils doivent
former un projet de licenciement collectif, en fonction, notamment, de facteurs tels que
la cessation ou la réduction de l’activité de l’entreprise, la baisse de la demande du
produit qu’ils fabriquent ou, encore, à la suite d’une réorganisation de l’entreprise
indépendante du niveau d’activités de cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 12
février 1985, Dansk Metalarbejderforbund et Specialarbejderforbundet i Danmark,
284/83, EU:C:1985:61, point 15, ainsi que du 8 juin 1994, Commission/Royaume-Uni,
C-383/92, EU:C:1994:234, points 29 et 32).
56 Une réglementation nationale telle que celle en cause au principal est ainsi de
nature à rendre moins attrayant un accès au marché grec et, en cas d’accès à ce marché,
à réduire considérablement, voire à supprimer, les possibilités, pour les opérateurs
d’autres États membres ayant ainsi fait le choix de s’installer sur un nouveau marché, de
moduler, par la suite, leur activité sur celui-ci ou d’y renoncer, en se séparant, dans ces
perspectives, des travailleurs précédemment engagés.
110
Commission/Italie, C-326/07, EU:C:2009:193, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que
du 8 novembre 2012, Commission/Grèce, C-244/11, EU:C:2012:694, point 30).
65 Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 54 à 57 du présent arrêt, la réglementation
en cause au principal constitue une restriction à la liberté d’établissement. Dès lors que,
pour justifier cette restriction, sont invoquées, selon les indications de la juridiction de
renvoi mentionnées au point 22 du présent arrêt, des raisons impérieuses d’intérêt
111
général, ladite réglementation ne peut bénéficier d’une telle justification que si elle est
conforme aux droits fondamentaux.
67 La Cour a, en effet, déjà jugé que la protection conférée par cette dernière
disposition comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la
liberté contractuelle et la concurrence libre (arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich,
C-283/11, EU:C:2013:28, point 42).
69 Il ne saurait ainsi être contesté que la mise en place d’un régime d’encadrement
des licenciements collectifs tel que celui en cause au principal est constitutive d’une
ingérence dans l’exercice de la liberté d’entreprise et, en particulier, de la liberté
contractuelle dont disposent en principe les entreprises, notamment à l’égard des
travailleurs qu’elles emploient, puisqu’il est constant que, en vertu de ce régime,
l’opposition de l’autorité nationale à certains projets de licenciement collectif peut
conduire à empêcher la concrétisation de ceux-ci par l’employeur.
112
renvoi, que les objectifs d’intérêt général en l’occurrence poursuivis par cette
réglementation ont trait, tant à la protection des travailleurs et à la lutte contre le
chômage qu’à la sauvegarde de l’intérêt de l’économie nationale.
73 Figure, en revanche, parmi les raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par
la Cour, la protection des travailleurs (voir, notamment, arrêts du 23 novembre 1999,
Arblade e.a., C-369/96 et C-376/96, EU:C:1999:575, point 36 ; du 13 décembre 2005,
SEVIC Systems, C-411/03, EU:C:2005:762, point 28, ainsi que du 11 décembre 2007,
International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union, C-438/05,
EU:C:2007:772, point 77).
75 La Cour a ainsi notamment déjà admis que des considérations tenant au maintien
de l’emploi puissent constituer, dans certaines circonstances et sous certaines
conditions, des justifications acceptables d’une réglementation nationale ayant pour
effet d’entraver la liberté d’établissement (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007,
Geurts et Vogten, C-464/05, EU:C:2007:631, point 26).
77 L’Union ayant dès lors non seulement une finalité économique, mais également
une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives à libre
circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doivent être
mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels
113
figurent, ainsi qu’il ressort de l’article 151, premier alinéa, TFUE, la promotion de
l’emploi, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation
dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement
des ressources humaines permettant un niveau d’emploi élevé et durable et la lutte
contre les exclusions (voir, en ce sens, à propos des dispositions correspondantes du
traité CE, arrêt du 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et
Finnish Seamen’s Union, C-438/05, EU:C:2007:772, point 79).
78 Dans le même esprit, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 147,
paragraphe 1, TFUE, l’Union contribue à la réalisation d’un niveau d’emploi élevé en
encourageant la coopération entre les États membres et en soutenant, et, au besoin, en
complétant leur action, et ce tout en respectant pleinement les compétences des États
membres en la matière. Pour sa part, l’article 147, paragraphe 2, TFUE énonce que
l’objectif consistant à atteindre un niveau d’emploi élevé est pris en compte dans la
définition et la mise en œuvre des politiques et des actions de l’Union. L’article 9
TFUE, enfin, précise que, dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et
actions, l’Union prend notamment en compte les exigences liées à la promotion d’un
niveau d’emploi élevé et à la garantie d’une protection sociale adéquate.
– Sur la proportionnalité
81 À cet égard, il importe également de rappeler que, si, ainsi que l’a itérativement
souligné la Cour, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation lors du
choix des mesures susceptibles de réaliser les objectifs de leur politique sociale, il
demeure, toutefois, que cette marge d’appréciation ne saurait justifier qu’il soit porté
atteinte aux droits que les particuliers tirent des dispositions des traités consacrant leurs
libertés fondamentales (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2007, ITC, C-208/05,
EU:C:2007:16, points 39 et 40 ; du 18 janvier 2007, Confédération générale du travail
e.a., C-385/05, EU:C:2007:37, points 28 et 29, ainsi que du 13 décembre 2012, Caves
Krier Frères, C-379/11, EU:C:2012:798, points 51 et 52).
82 Par ailleurs, et ainsi qu’il a été rappelé au point 70 du présent arrêt, les limitations
apportées au libre exercice des droits et libertés fondamentales garantis par la Charte, et
en l’occurrence à la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de celle-ci, doivent
également respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés.
114
83 À ces divers égards, il convient, en premier lieu, de constater que le simple fait
pour un État membre de prévoir, dans sa législation nationale, que les projets de
licenciement collectif doivent, préalablement à toute mise en œuvre, être notifiés à une
autorité nationale, laquelle se trouve dotée de pouvoirs de contrôle lui permettant, en
certaines circonstances, de s’opposer à un tel projet pour des motifs ayant trait à la
protection des travailleurs et de l’emploi, ne saurait être tenu pour contraire à la liberté
d’établissement garantie par l’article 49 TFUE ni à la liberté d’entreprise consacrée à
l’article 16 de la Charte.
85 Si, ainsi qu’il a été relevé au point 69 du présent arrêt, la mise en place d’un tel
régime d’encadrement est constitutive d’une ingérence dans l’exercice de la liberté
d’entreprise et, en particulier, de la liberté contractuelle dont disposent les entreprises,
notamment à l’égard des travailleurs qu’elles emploient, il convient de rappeler, à cet
égard, que, aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour, la liberté
d’entreprendre n’apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être prise en
considération par rapport à sa fonction dans la société (voir, notamment, arrêt du 22
janvier 2013, Sky Österreich, C-283/11, EU:C:2013:28, point 45 et jurisprudence citée).
88 Toutefois, il suffit de relever, en l’occurrence, qu’un régime tel que celui décrit au
point 83 du présent arrêt n’a, quant à lui, aucunement pour conséquence d’exclure, de
par sa nature même, toute possibilité pour les entreprises de procéder à des
115
licenciements collectifs, dès lors qu’il vise uniquement à encadrer une telle possibilité.
Partant, il ne saurait être considéré qu’un tel régime affecte le contenu essentiel de la
liberté d’entreprise.
90 Ainsi, un régime national d’encadrement tel que visé au point 83 du présent arrêt
doit tendre, dans ce domaine sensible, à une conciliation et à un juste équilibre entre les
intérêts liés à la protection des travailleurs et de l’emploi, notamment contre des
licenciements injustifiés et contre les conséquences des licenciements collectifs pour les
travailleurs, et, ceux ayant trait à la liberté d’établissement et à la liberté d’entreprendre
des opérateurs économiques que consacrent les articles 49 TFUE et 16 de la Charte.
91 Les décisions dont il est question en l’occurrence sont des décisions économiques
et commerciales pouvant avoir des répercussions sur l’emploi d’un nombre important de
travailleurs au sein d’une entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009,
Akavan Erityisalojen Keskusliitto AEK e.a., C-44/08, EU:C:2009:533, point 37).
93 Par ailleurs, eu égard à la marge d’appréciation dont disposent les États membres
dans la poursuite de leur politique sociale, ceux-ci sont, en principe, fondés à estimer
l’existence d’un tel mécanisme d’encadrement comme étant nécessaire afin de garantir
un niveau renforcé de protection des travailleurs et de leur emploi. En particulier, il
n’apparaît pas que des mesures de type moins contraignant assureraient la réalisation
des objectifs ainsi poursuivis d’une manière aussi efficace que celle qui résulte de la
mise en place d’un tel encadrement.
94 Ainsi envisagé dans son principe, un tel encadrement des conditions dans
lesquelles il peut être procédé à des licenciements collectifs est donc susceptible de
116
satisfaire aux exigences découlant du principe de proportionnalité, et, partant, d’être
compatible, sous cet angle, avec les articles 49 TFUE et 16 de la Charte.
99 Toutefois, il y a lieu de constater que de tels critères sont formulés de manière très
générale et imprécise. Or, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, lorsque des
pouvoirs d’intervention d’un État membre ou d’une autorité publique, tels que les
pouvoirs d’opposition dont se trouve en l’occurrence investi le ministre, ne sont soumis
à aucune condition, à l’exception d’une référence à de tels critères formulés de manière
générale, sans que soient précisées les circonstances spécifiques et objectives dans
lesquelles ces pouvoirs seront exercés, il en résulte une atteinte grave à la liberté
concernée qui peut aboutir, s’agissant, comme en l’occurrence, de décisions dont le
caractère fondamental dans la vie d’une entreprise a déjà été souligné au point 54 du
présent arrêt, à l’exclusion de ladite liberté (voir en ce sens, notamment, arrêts du 4 juin
2002, Commission/France, C-483/99, EU:C:2002:327, points 50 et 51, ainsi que du 26
mars 2009, Commission/Italie, C-326/07, EU:C:2009:193, points 51 et 52).
117
circonstances concrètes dans lesquelles le pouvoir en question peut être exercé, les
employeurs concernés ne savent pas dans quelles circonstances spécifiques et objectives
ce pouvoir peut trouver à s’appliquer, les situations permettant d’exercer ce dernier étant
potentiellement nombreuses, indéterminées et indéterminables et laissant à l’autorité
concernée une large marge d’appréciation difficilement contrôlable. De tels critères qui
ne sont pas précis et ne reposent ainsi pas sur des conditions objectives et contrôlables
vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les buts indiqués et ne sauraient dès
lors satisfaire aux exigences du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts du 4
juin 2002, Commission/France, C-483/99, EU:C:2002:327, points 51 et 53 ; du 26 mars
2009, Commission/Italie, C-326/07, EU:C:2009:193, points 66 et 72, ainsi que du 8
novembre 2012, Commission/Grèce, C-244/11, EU:C:2012:694, points 74 à 77 et 86).
102 Il s’ensuit qu’un régime de contrôle et d’opposition tel que celui mis en place par
la réglementation en cause au principal méconnaît, à raison de ses modalités concrètes,
les exigences rappelées au point 61 du présent arrêt et enfreint, dès lors, l’article 49
TFUE.
103 Par identité de motifs, une telle réglementation méconnaît également le principe
de proportionnalité prévu à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte et, partant, l’article
16 de celle-ci.
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105 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si,
à supposer qu’il soit répondu à la première question que la directive 98/59 et/ou l’article
49 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation
nationale telle que celle en cause au principal, une telle réglementation nationale peut
néanmoins être compatible avec ces dispositions pour des raisons sociales sérieuses,
dans un contexte caractérisé par une crise économique aiguë et un taux de chômage
particulièrement élevé.
109 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident
soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites
parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
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nationale, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un employeur ne
peut, en l’absence d’accord avec les représentants des travailleurs sur un projet de
licenciement collectif, procéder à un tel licenciement qu’à la condition que l’autorité
publique nationale compétente à laquelle doit être notifié ce projet n’adopte pas, dans le
délai prévu par ladite réglementation et après examen du dossier et évaluation des
conditions du marché du travail, de la situation de l’entreprise ainsi que de l’intérêt de
l’économie nationale, une décision motivée de ne pas autoriser la réalisation de tout ou
partie des licenciements envisagés. Il en va, toutefois, différemment s’il s’avère, ce qu’il
appartient, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier que, eu égard aux trois
critères d’évaluation auxquels renvoie cette réglementation et à l’application concrète
qu’en fait ladite autorité publique sous le contrôle des juridictions compétentes, ladite
réglementation a pour conséquence de priver les dispositions de cette directive de leur
effet utile.
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose, dans une situation telle
que celle en cause au principal, à une réglementation nationale telle que celle visée à la
première phrase du premier alinéa du présent point.
2) L’existence éventuelle, dans un État membre, d’un contexte caractérisé par une
crise économique aiguë et un taux de chômage particulièrement élevé n’est pas de
nature à affecter les réponses figurant au point 1 du présent dispositif.
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