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Séance 8 : Les limites au champ de la libre circulation

I/ Les limites du champ d’application de la libre circulation des marchandises

A. Un champ limité aux échanges intracommunautaires

1) Exclusion de principe des échanges dans un cadre purement national


2) Indifférence des discriminations à rebours

B. Un champ d’application étendu

1) Assimilation de la frontière régionale à la frontière nationale : l’arrêt Lancry du 9 août


1994

- « En premier lieu, une taxe perçue à une frontière régionale en raison de l'introduction de
produits dans une région d' un État membre porte atteinte à l'unicité du territoire douanier
communautaire et constitue une entrave au moins aussi grave à la libre circulation des
marchandises qu' une taxe perçue à la frontière nationale en raison de l' introduction des
produits dans l' ensemble du territoire d' un État membre »
- L'atteinte portée à l' unicité du territoire douanier communautaire par l' établissement d' une
frontière régionale douanière est égale, que ce soient des produits nationaux ou des produits en
provenance d' autres États membres qui sont frappés d' une taxe en raison du franchissement
de cette frontière »
- « En second lieu, l' entrave à la libre circulation des marchandises constituée par l' imposition,
sur les produits nationaux, d' une taxe perçue en raison du franchissement de cette frontière n'
est pas moins grave que celle constituée par la perception du même type de taxe sur les
produits en provenance d' un autre État membre, car le principe même de l' union
douanière s' étendant à l' ensemble des échanges de marchandises, telle qu' elle est
prévue par l' article 9 du traité, exige que soit assurée de manière générale la libre
circulation des marchandises à l' intérieur de l' union et non uniquement le commerce
interétatique. Ce n' est que parce que l' absence d' entraves de nature douanière à l' intérieur
des États membres était présupposée que les articles 9 et suivants ne visent expressément que
les échanges entre États membres »

2) Un champ incluant les situations purement internes

a) Une règlementation nationale relative à la dénomination « montagne » à des produits


français pourrait avoir des effets sur les échanges intracommunautaires (CJCE, 7 mai
1997, Pistre)

44 Dès lors, s'il est vrai que l'application d'une mesure nationale n'ayant effectivement aucun
lien avec l'importation des marchandises ne relève pas du domaine de l'article 30 du traité
(arrêt du 15 décembre 1982, Oosthoek's Uitgeversmaatschappij, 286/81, Rec. p. 4575, point
9), cette dernière disposition ne peut toutefois pas être écartée pour la seule raison que, dans
le cas concret soumis à la juridiction nationale, tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur
d'un seul État membre.
45 En effet, dans une telle situation, l'application de la mesure nationale peut également
avoir des effets sur la libre circulation des marchandises entre États membres, notamment
lorsque la mesure en cause favorise la commercialisation des marchandises d'origine
nationale au détriment des marchandises importées. Dans de telles circonstances,
l'application de la mesure, serait-elle limitée aux seuls producteurs nationaux, crée et
maintient par elle-même une différence de traitement entre ces deux catégories de
marchandises entravant, au moins potentiellement, le commerce intracommunautaire.

b) Une réglementation française qui réserve la dénomination « emmenthal » aux seuls


fromages présentant une croûte dure et d'une certaine couleur peut entraver les échanges
de marchandises (CJCE, 5 déc. 2000, Guimont)

« L'article 30 du traité (devenu, après modification, article 28 CE) s'oppose à ce qu'un État membre
applique aux produits importés d'un autre État membre, où ils sont légalement produits et
commercialisés, une réglementation nationale qui prohibe la commercialisation dans cet État membre
d'un fromage dépourvu de croûte sous la dénomination «emmenthal».

En effet, une telle réglementation, dans la mesure où elle est appliquée aux produits importés, est
susceptible de rendre leur commercialisation plus difficile et, par conséquent, d'entraver les
échanges entre les États membres. Certes, les États membres peuvent, dans le but de garantir la
loyauté des transactions commerciales et d'assurer la défense des consommateurs, exiger des
intéressés de modifier la dénomination d'une denrée alimentaire lorsqu'un produit présenté sous une
certaine dénomination est tellement différent, du point de vue de sa composition ou de sa fabrication,
des marchandises généralement connues sous cette même dénomination au sein de la Communauté
qu'il ne saurait être considéré comme relevant de la même catégorie. En revanche, dans le cas d'une
différence de moindre importance, un étiquetage adéquat doit suffire à fournir les renseignements
nécessaires à l'acheteur ou au consommateur. À supposer même que la différence dans la méthode
d'affinage entre un emmenthal comportant une croûte et un emmenthal sans croûte soit susceptible de
constituer un élément de nature à induire le consommateur en erreur, il suffirait, tout en maintenant
la dénomination «emmenthal», d'accompagner cette dénomination d'une information adéquate au
sujet de cette différence. Dans ces conditions, l'absence de croûte ne peut pas être considérée comme
une caractéristique justifiant le refus de l'utilisation de la dénomination «emmenthal».

II/ Les limites du champ d’application de la liberté d’établissement

A. Exigence d'un élément d'extranéité

B. Les situations purement internes

1) Les situations purement internes échappent à la compétence du droit de l’Union

2) L’usage d’une liberté


 . CJCE, 31 mars 1993, aff. C-19/92, Kraus : « Il résulte de ce qui précède que la situation du
ressortissant communautaire, titulaire d'un diplôme universitaire de troisième cycle qui,
obtenu dans un autre État membre, facilite l'accès à une profession ou, à tout le moins,
l'exercice d'une activité économique, est régie par le droit communautaire, même en ce qui
concerne les rapports de ce ressortissant à l'égard de l'État membre dont il est le ressortissant
»).
- De surcroît, en se fondant également sur le devoir de coopération loyale (V. aujourd'hui art. 4,
§ 3, TUE) la Cour a conclu que « les articles 48 et 52 s'opposent à toute mesure nationale,
relative aux conditions d'utilisation d'un titre universitaire complémentaire, acquis dans un
autre État membre, qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est
susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants
communautaires, y compris ceux de l'État membre auteur de la mesure, des libertés
fondamentales garanties par le traité » (CJCE, 31 mars 1993, Kraus)

3) Situation purement internes et interprétation du droit de l’UE potentiellement


applicable : élément de rattachement
Elle affirme ainsi que les règles du traité ne sont pas applicables « à des situations qui ne présentent
aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et
dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre » (CJCE,
CJCE, 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, aff. jtes C-64/96 et C-65/96, point 16 ; ou plus récemment les
arrêts CJCE, gde ch., 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et
Gouvernement wallon, aff. C-212/06, point 33 ; CJUE, 5 mai 2011, Shirley McCarthy, aff. C-
434/09, point 45 ; CJUE, 15 novembre 2011, Murat Dereci, aff. C-256/11)

La Cour de justice accepte néanmoins de répondre parfois aux questions préjudicielles posées par une
juridiction nationale, même en présence d'une situation purement interne (CJUE, 15 nov. 2016, aff.
C-268/15, Fernand Ullens de Schooten, pt 42, 43 et 47 et jurisprudence citée)

2 hypothèse à distinguer :

a) Lorsqu’une réglementation nationale indistinctement applicable peut affecter


potentiellement le commerce intracommunautaire :

Voir Fernand Ullens de Schooten : « Certes, la Cour a considéré comme étant recevables des
demandes de décision préjudicielle portant sur l’interprétation des dispositions des traités relatives aux
libertés fondamentales bien que tous les éléments des litiges au principal fussent cantonnés à
l’intérieur d’un seul État membre, au motif qu’il ne pouvait être exclu que des ressortissants établis
dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage de ces libertés pour exercer
des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et,
partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux
ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas
cantonnés à cet État membre (voir en ce sens, notamment, arrêts du 1er juin 2010, Blanco Pérez et
Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, EU:C:2010:300, point 40 ; du 18 juillet 2013, Citroën Belux,
C-265/12, EU:C:2013:498, point 33, ainsi que du 5 décembre 2013, Venturini e.a., C-159/12 à
C-161/12, EU:C:2013:791, points 25 et 26).

b) Lorsque le droit national fait bénéficier les ressortissants nationaux de mêmes droits que
ceux dont les ressortissants de l’Union tirent du droit de l’Union : condamnation de
discriminations à rebours

Voir Fernand Ullens de Schooten : « Il convient, par ailleurs, de rappeler que l’interprétation des
libertés fondamentales prévues aux articles 49, 56 ou 63 TFUE peut s’avérer pertinente dans une
affaire dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre lorsque le droit
national impose à la juridiction de renvoi de faire bénéficier un ressortissant de l’État membre dont
cette juridiction relève des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un autre État membre
tirerait du droit de l’Union dans la même situation (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2000,
Guimont, C-448/98, EU:C:2000:663, point 23 ; du 21 juin 2012, Susisalo e.a., C-84/11,
EU:C:2012:374, point 20 »

III/ Les limites du champ d’application de la liberté de circulation/séjour des travailleurs et


citoyens

A. Le principe : un travailleur européen qui circule

1. L’usage d’une liberté

- « ne sauraient... être appliquées à des situations purement internes à un État membre, c'est-à-
dire en l'absence de tout facteur de rattachement à l'une quelconque des situations
envisagées par le droit communautaire » (CJCE, 28 mars 1979, aff. 175/78 : Rec. CJCE
1979, I, p. 1129. – Adde, CJCE, 22 sept. 1992, aff. C-153/91 : JOCE n° C 268, 17 oct. 1992,
p. 4)
- Les dispositions de l'article 45 du traité de Rome ne visent point, en effet, « à limiter la
compétence des États membres de prévoir des restrictions, sur leur propre territoire, à la libre
circulation de toutes personnes relevant de leur juridiction, en exécution des lois pénales
nationales » (CJCE, 28 mars 1979, aff. 175/78, préc.).
- Tout ressortissant communautaire, indépendamment de son lieu de résidence et de sa
nationalité, qui a fait usage du droit à la libre circulation et qui a exercé une activité
professionnelle dans un autre État membre relève du champ d’application des
dispositions du traité : (voir notamment, en ce sens, arrêts du 23 février 1994 Scholz, C-
419/92, Rec. p. I-505, point 9; Terhoeve, précité, point 27, ainsi que du 18 juillet 2007,
Hartmann, C-212/05, Rec. p. I-6303, point 17).

2. Les situations purement internes : exclus du champ du droit de l’UE

CJCE, 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et Gouvernement wallon :


discriminations à rebours empêchées par le droit de l’UE ? Malheureusement non

- Argumentation de l’avocat général : « il y a quelque chose de profondément paradoxal dans


l’idée que, en dépit des efforts faits ces 50 dernières années pour abolir les barrières à la
liberté de circulation entre États membres, des autorités décentralisées d’États membres
puissent néanmoins réintroduire des barrières par la petite porte en les instaurant à
l’intérieur des États membres… [I]l se peut que les entités entre lesquelles des barrières
doivent effectivement être abolies ne soient pas nécessairement toujours les États membres,
mais les entités qui ont le pouvoir réglementaire sur ce point (que ce soient des États
membres ou des autorités décentralisées à l’intérieur d’un seul État membre)
- La Cour de justice de l’Union donne toutefois une indication en observant que «
l’interprétation de dispositions du droit communautaire pourrait éventuellement être utile à la
juridiction nationale, y compris au regard de situations qualifiées de purement internes, en
particulier dans l’hypothèse où le droit de l’État membre concerné imposerait de faire
bénéficier tout ressortissant national des mêmes droits que ceux qu’un ressortissant d’un
autre État membre tirerait du droit communautaire dans une situation considérée par ladite
juridiction comme étant comparable ».

B. La citoyenneté européenne et la conception extensive du droit de l’UE : vers la fin des


situations purement internes

Un citoyen européen qui circule ou séjourne sur un autre Etat membre : la conception extensive du
champ d’application du droit de l’Union

1. L’arrêt Garcia Avello du 2 octobre 2003 : des ressortissants de l’Union séjournant sur un
autre Etat membre

2. L’arrêt Zambrano du 8 mars 2011 : le risque de départ d’un ressortissant européen


mineur consécutif au refus de titre de séjour opposé à son père, ressortissant d’un Etat
tiers

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