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Mémoire de fin d'études

Présenté pour l'obtention du Diplôme d’Ingénieur


Spécialité Systèmes agricoles et agro-alimentaires durables au sud (SAADS)
Option Développement agricole et rural au Sud (DARS)
Parcours Marchés, Organisations, Qualité, Services (MOQUAS)

L’accompagnement des activités d’agro-


transformation comme levier de développement local ?
Le cas des communautés bushinengue du Haut-Maroni dans
Le Parc amazonien de Guyane

par Adèle VERNOUX

Année de soutenance : 2013

Organisme d'accueil : Parc amazonien de Guyane


Photos en page de couverture (Adèle Vernoux), de gauche à droite :
Tamisage lors de la cuisson du couac ;
Préparation du jus de wassai ;
Séchage du piment ;
Fabrication de la pâte d’arachide.
Mémoire de fin d'études

Présenté pour l'obtention du Diplôme d’Ingénieur


Spécialité Systèmes agricoles et agro-alimentaires durables au sud (SAADS)
Option Développement agricole et rural au Sud (DARS)
Parcours Marchés, Organisations, Qualité, Services (MOQUAS)

L’accompagnement des activités d’agro-


transformation comme levier de développement local ?
Le cas des communautés bushinengue du Haut-Maroni dans
Le Parc amazonien de Guyane

par Adèle VERNOUX

Année de soutenance : 2013

Mémoire préparé sous la direction de : Organisme d'accueil :


Betty WAMPFLER (CIRAD)
Parc amazonien de Guyane
Pierre LE RAY (DEFIS)

Présenté le : 30/10/2013 Maître de stage :

devant le jury : David Le Sourne (PAG)


Betty WAMPFLER (IRC Montpellier
Supagro)
Pierre LE RAY (IRC Montpellier
Supagro)
Dominique PALLET (CIRAD)
Laurent PARROT (CIRAD)
Fanny RIVES (PAG)
RESUME

La Guyane est recouverte à 95% par la forêt amazonienne, massif dense qui ne favorise pas
l’installation humaine. Les politiques économiques, notamment dans le domaine agricole, se sont
focalisées sur le littoral, ce qui a accentué l’isolement de l’intérieur de la Guyane. Cet espace est
pourtant habité par diverses communautés qui vivaient encore en autonomie jusqu’à la fin du 19ème
siècle. C’est notamment le cas des populations Noirs-Marrons (ou bushinengue) qui vivent le long du
fleuve Maroni. Mais les évolutions de ces cinquante dernières années ont profondément bouleversé
leurs modes de vie ce qui a notamment eu pour conséquence d’augmenter leur dépendance vis-à-vis
des transferts sociaux. Face à la nécessité d’améliorer leurs conditions de vie, certains tentent de
développer des activités économiques, comme la transformation des produits agricoles qui résulte de
savoirs locaux et qui tend à se diversifier peu à peu. Mais les producteurs rencontrent diverses
contraintes, principalement techniques et financières, qui freinent la réalisation de leur projet.
Pourtant la demande en produits frais et transformés, fabriqués localement est bien présente. Bien que
les activités d’agro-transformation ne soit pas encore une source de revenus réguliers, elles permettent
de mieux valoriser les produits issus de l’agriculture itinérante et d’améliorer la trésorerie des ménages
notamment dans les périodes où les dépenses sont les plus importantes. L’un des seuls acteurs du
développement local présent aujourd’hui sur le territoire, le Parc amazonien de Guyane, souhaite
trouver des solutions pour accompagner ces acteurs dans leurs projets. Les axes d’accompagnement
doivent être adaptés à chaque type de transformateurs. Les formes d’appui pourront être diverses :
soutien financier, technique, appui à la commercialisation, mise en place de formation etc. Enfin une
brève analyse des dispositifs d’appui sera présentée pour comprendre les difficultés et les moyens à
utiliser pour mettre en œuvre ces propositions d’accompagnement. Les outils mis en œuvre par des
acteurs du territoire pour répondre aux spécificités du sud de la Guyane semblent plus adaptés pour
répondre aux enjeux de cette zone.

Mots clés : agro-transformation, agriculture itinérante, système d’activités, projet, accompagnement,


Parc amazonien de Guyane, populations bushinengue/aluku

4
ABSTRACT

The French Guyana is covered in 95% by the Amazonian rainforest, a landscape that doesn’t favor
human settlement. Economic policies, especially in the agricultural sector, are focused on the Atlantic
coast, situation that has encouraged the isolation of the interior lands. The interior has been inhabited
by various communities that were still living in total isolation as far as the end of the XIX century.
One example is the case of the fugitive slave communities (or bushinengue) who live along the Maroni
River. Although, the last 50 years have seen major changes in the livelihood of the bushinengue,
specially in the increase of the dependence on social transfers. Employment possibilities are limited
and the cost of living is notably high in comparison with the coast. In face of the need of improving
their livelihood, some individuals are trying to develop economic activities, such as the transformation
of agricultural produce using local knowledge and start slowly to diversify. Local producers face
various difficulties, specially technical and financial, that slow down the success of their projects.
Local demand for fresh and transformed products keeps increasing. Even though that food processing
activities cannot allow to have a regular income, they allow to add value to the different products
obtained from the slash and burn agriculture and to increase the households financial security. One of
the development agencies working in the interior, « Le Parc Amazonien de Guyane », makes efforts in
finding solutions to assist side by side the local producers in their projects. The guides for this support
have to be adapted to each type of produce transformer; to the date, not many structures are put to
place to help these activities. The ways of support could be diverse: financial, technical, commercial,
etc. A brief analisis of the support strategies will be presented for better understanding of the
difficulties and to asses the means needed for the start up. The tools put in place by the diferent
development actors present in the territory have been adapted to soth guyanese conditions.

Key words: food processing activities, slash and burn agriculture, activity system, project, support,
Parc Amazonien de Guyane, Bushinengue/Aluku.

5
REMERCIEMENTS

Je souhaiterai d’abord remercier toute l’équipe du Parc amazonien de Guyane pour leur accueil et les
échanges que nous avons pu avoir tout au long de mon séjour ainsi que le soutien qui m’a été apporté
dans les moments difficiles.

Je remercie tout particulièrement mon maître de stage, David Le Sourne et Amandine Soury qui ont su
être à l’écoute, me faire confiance et m’accompagner tout au long de ce stage, toujours avec le
sourire.

Je tiens également à remercier tous les agents de la DTM (ainsi qu’Anabel) pour leur bonne humeur
quotidienne et chaque bon moment partagé avec eux.

Je remercie également Betty Wampfler et Pierre Le Ray pour m’avoir conseillé et guidé dans la
réflexion de mon stage et la réalisation de ce mémoire.

Une pensée particulière pour Alizée, Fanny, Pauline, Magalie, Pascale et Cachiri

Un grand merci à Maël et Christophe mes compagnons de route, de jeux et de cuisine à Maripasoula.

Merci à ma mère et à Sylvie pour leurs longues heures de relecture attentive et leurs encouragements,
ainsi qu’à ma sœur et mon père, qui m’ont permis de mener à bien ce travail.

Merci également à Amélie et à Hugo pour leur soutien qui m’a été précieux et m’a permis d’aller au
bout de ce stage.

Merci à Jody et Djibrila pour m’avoir accompagné pendant cette période de rédaction et bien avant.

Je souhaiterai enfin remercier tous les producteurs qui ont eu la patience répondre à mes questions et
qui m’ont permis de partager leur quotidien.

6
TABLE DES MATIERES

Liste des abréviations .............................................................................................................................. 9


Table des illustrations............................................................................................................................ 10
Introduction ........................................................................................................................................... 12
PARTIE 1 : Contexte et justification du stage ...................................................................................... 13

1.1. La Guyane, un territoire ultrapériphérique au développement inégal ................................... 13


1.2. Une politique agricole longtemps dictée par la métropole privilégiant le littoral ................. 17
1.3. Situation des communautés bushinengue sur le Haut-Maroni : un territoire en crise peu
soutenu par les instances locales ....................................................................................................... 19
1.4. Le PAG : un acteur du développement local ......................................................................... 26

PARTIE 2 : Cadre conceptuel et démarche........................................................................................... 31

2.1. Questions de recherche et hypothèse de travail ..................................................................... 31


2.2. Cadre conceptuel ................................................................................................................... 32
2.3. Démarche et méthodologie .................................................................................................... 36
2.4. Difficultés rencontrées .......................................................................................................... 41

PARTIE 3 : Place des activités d’agro-transformation dans l’organisation des communautés


bushinengue du Haut-Maroni ................................................................................................................ 42

3.1. L’évolution des systèmes d’activité dans la société bushinengue depuis la fin du XIXème
siècle 42
3.2. Une diversification de systèmes de production en réponse aux fortes contraintes du secteur
agricole sur le Haut-Maroni .............................................................................................................. 49
3.3. Des activités de transformation basées sur des productions locales ...................................... 56
3.4. Contraintes et opportunités pour le développement des activités de transformations ........... 69

PARTIE 4 : Perspectives d’accompagnement des activités d’agro-transformation sur le Haut-Maroni


............................................................................................................................................................... 73

4.1. Des axes d’accompagnement adaptés aux spécificités des activités de transformation ........ 73
4.2. Des axes d’accompagnement communs pour les porteurs de projet .................................... 79
4.3. Des projets concrets à accompagner sur le territoire ............................................................. 82
4.4. Dispositifs d’appui au développement possible sur le territoire du Haut-Maroni ................. 84
4.5. Eléments de réflexion pour l’accompagnement des projets d’agro-transformation sur le
Haut-Maroni ...................................................................................................................................... 90

CONCLUSION ..................................................................................................................................... 93
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 94

7
ANNEXES ............................................................................................................................................ 97

8
Liste des abréviations

ADI : Agence Départementale d’Insertion


AMEXA : Assurance Maladie des Exploitants Agricoles
CIRAD : Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement
COM : Collectivité d’Outre-mer
DAF : Direction de l’Agriculture et de la Forêt
DOM : Département d’Outre-mer
DROM : Département et Région d’Outre-mer
FEADER : Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
LEADER : Liaison Entre Actions de Développement de l’Economie Rurale
MFR : Maison Familiale et Rurale
OAT : Ouest Agro-Transformation
ODEADOM : Office de Développement de l’Economie Agricole des Départements d’Outre Mer
ONF : Office National des Forêts
PAC : Politique Agricole Commune
PAG : Parc amazonien de Guyane
PAS : Périmètre d’Attribution Simplifié
PDRG : Programme de Développement Rural de la Guyane
PLU : Plan Local d’Urbanisme
PK : Point kilométrique
POSEI : Programme d’Options Spécifiques à l’Eloignement et à l’Insularité
RMI : Revenu Minimum d’Insertion
RSA : Revenu de Solidarité Active
RUP : Région Ultrapériphériques
SAU : Surface agricole utile
UE : Union Européenne
VAB : Valeur Ajoutée Brute
ZDUC : Zone de droits d’usage collectifs
ZIC : Zone Intercontinentale de Convergence

9
Table des illustrations

Figure 1: Localisation géographique et carte de la Guyane (voir aussi en annexe 1) ......................... 13


Figure 2: Origines des populations guyanaises .................................................................................... 15
Figure 3: Réseaux de transport en Guyane .......................................................................................... 16
Figure 4: Localisation de la zone d'étude ............................................................................................. 19
Figure 5: Délimitation des territoires par villages vers les années 60 ................................................. 21
Figure 6: Comparaison de l'évolution du taux de natalité entre 1982 et 2009, entre la France, Cayenne et
Maripasoula 23

Figure 7: Population de 15 à 64 ans par type d'activité en 2009 ......................................................... 24


Figure 8: Montant du RSA en 2013....................................................................................................... 24
Figure 9: Des abattis de plus en plus éloignés du bourg. Source :PAG ............................................... 25
Figure 10: Carte du Parc amazonien de Guyane, réparti en deux zones ............................................. 27
Figure 11: Système d'organisation du ménage ..................................................................................... 37
Figure 12: Calendrier de travail ........................................................................................................... 40
Figure 13:Evolution des systèmes d'activités dans les communautés bushinengue du Haut-Maroni... 43
Figure 14: Peinture tembe sur la halle du marché. .............................................................................. 45
Figure 15: Récolte du manioc à l'aide d'un sabre................................................................................. 49
Figure 16: Principales contraintes de la production agricole sur le Haut-Maroni.............................. 50
Figure 17: Abattis spécialisé en manioc ............................................................................................... 51
Figure 18: Association de manioc, gombo, bananier et piment............................................................ 52
Figure 19: Culture de "haricots kilomètres" sur billon et en palissage................................................ 52
Figure 20: Oranger en début de production sur un abattis, en parallèle des cultures vivrières .......... 53
Figure 21: une diversité de produits transformés ................................................................................. 56
Figure 22: Etapes de fabrication du couac ........................................................................................... 59
Figure 23: Revenu de l'activité production + transformation de manioc ............................................. 61
Figure 24: Processus de fabrication de la pâte d'arachide .................................................................. 63
Figure 25: préparation de la poudre de piment. Séchage direct sur une tôle et pilage du piment séché.
............................................................................................................................................................... 64
Figure 26: Préparation de jus de gingembre à l'aide d'un mixeur domestique .................................... 65
Figure 27: Typologie de transformateurs ............................................................................................. 67
Figure 28: Revenus obtenus par les principales activités de transformations au cours de l'année...... 68
Figure 29: Contraintes pour le développement des activités de transformation .................................. 69
Figure 30: Piment dans une bouteille de récupération ......................................................................... 70

10
Figure 32: Des opportunités pour l'agro-transformation ..................................................................... 71
Figure 33: Des propositions d'accompagnement adaptées aux spécificités des porteurs de projets.... 73
Figure 34: Platine mécanisée pour la fabrication de couac ................................................................. 74
Figure 35: vente de couac en sachet de 500 g à l'office du tourisme.................................................... 75
Figure 36: Estimation de la VAB/j en fonction du niveau d'équipement .............................................. 76
Figure 37: broyeur à arachide pour la production artisanale (source : site web Electra) .................. 77
Figure 38: Pâte d'arachide et produits à base de piments étiquetés avec le nom des producteurs ...... 80
Figure 39: Vente des produits agricoles et transformés au marché artisanal ...................................... 81
Figure 40: Presse utilisant la force hydraulique (cric)......................................................................... 82
Figure 41: Fabrication de jus de canne avec une presse traditionnelle en bois ................................... 84

Tableau 1: Evolution de la population communale de Maripasoula entre 1967 et 2009. .................... 22


Tableau 2: Prix de vente de quelques productions en 1962 .................................................................. 46
Tableau 3: Evolution de la part d'actifs dans le secteur agricole ......................................................... 48
Tableau 4: Prix des principaux produits transformés sur le Haut-Maroni........................................... 57
Tableau 5:Résultats technico-économiques pour la fabrication de couac............................................ 61
Tableau 6: Calculs économiques pour la préparation de 12 kg de pâte d'arachide (5 jours de travail)
............................................................................................................................................................... 64
Tableau 7 : Estimation de production de pâte d'arachide et de la VAB pour 5 jours en fonction du
niveau d’équipement.............................................................................................................................. 76

11
Introduction
Les communautés bushinengue (ou Noirs-Marrons) se sont installées il y a près de trois siècles le long
du fleuve Maroni suite au révoltes des esclaves des plantations hollandaises au Suriname. Leur mode
de vie était basé sur une utilisation des ressources naturelles autour des activités d’agriculture
itinérante, de chasse, de pêche et de cueillette qui constituaient la quasi-totalité de leurs ressources
alimentaires. La réorganisation administrative de la Guyane à la fin des années 60, avec la création de
la commune de Maripasoula, va entrainer de profonds bouleversements dans l’organisation de ces
populations : concentration des habitants des villages vers les bourgs, déstructuration de
l’organisation sociale, épuisement des ressources, abandon progressif des activités traditionnelles… La
population se retrouve peu à peu dépendante d’un système monétaire calqué sur le modèle de la
métropole. Cependant, de par l’isolement géographique et institutionnel de cette zone, les possibilités
d’emploi sont limitées et le coût de la vie reste élevé dans cet espace enclavé. La majorité des
habitants des bourgs de Maripasoula et Papaïchton dépendent des transferts sociaux. Malgré ces
contraintes, il s’agit d’un espace riche de par sa diversité naturelle et culturelle, à préserver et à
valoriser.

Depuis 2007, le Parc amazonien de Guyane (PAG) est un acteur majeur dans la préservation du milieu
naturel et la prise en compte des intérêts des populations locales et de leurs modes de vie. Un de ses
objectifs est donc de contribuer au développement de ces zones intérieures. Il cherche à renforcer les
capacités des acteurs du territoire afin de soutenir l’émergence et le maintien d’activités économiques.
Sur le Haut-Maroni, la transformation des produits agricoles pour la commercialisation a été identifiée
par le parc comme un moyen possible pour appuyer le développement local. Dans ce contexte, la
demande du PAG pour ce stage était donc d’identifier les contraintes et les opportunités des activités
d’agro-transformation sur le Haut-Maroni mais aussi de repérer des projets concrets à accompagner.

Ce document est le résultat d’un stage de 5 mois au Parc amazonien de Guyane, sur le territoire du
Haut-Maroni. La première partie expliquera le contexte de la zone d’étude afin de justifier la demande
de stage. La seconde partie présentera les concepts clés et la démarche utilisée. Ensuite, la troisième
partie nous montrera, au travers des résultats de ce stage, la place de l’agro-transformation au sein du
système d’activités des communautés locales. Enfin, la dernière partie présentera des propositions
d’accompagnement adaptés aux spécificités de l’agro-transformation dans la zone d’étude.

12
PARTIE 1 : Contexte et justification du stage

1.1. La Guyane, un territoire ultrapériphérique au développement inégal

1.1.1. Une région française sous les tropiques

La Guyane est l’une des neuf régions ultrapériphériques de l’Union Européenne, séparée de la
métropole par l’océan Atlantique sur plus de 7 000 km. C’est aujourd’hui le plus vaste DROM de la
France (Département et Région d’Outre-mer, anciennement Département d’Outre-mer depuis 1946)
avec une superficie de 86 504 km², soit un peu plus d’un dixième du territoire français. La région
partage ses frontières à l’ouest avec le Suriname et au sud-est avec le Brésil. Le sud de la Guyane se
situe sur le « bouclier guyanais » qui constitue les « terres hautes » de la région où le paysage est
composé de collines et de massifs montagneux dépassant les 800 m d’altitude (Cf. figure 1). Au nord,
s’étend une bande côtière, dite « terres basses », de 300 km de long et de près de 20 km de large où
s’alternent des paysages de savane, mangrove et marécage. La partie intérieure du territoire (arrière-
pays) est recouverte par la forêt amazonienne à 95%. Cette forêt équatoriale d’une importante
biodiversité est extrêmement dense ce qui rend les déplacements difficiles. (Dupont-Gonin, 1970 et
Hurault, 1965).

Figure 1: Localisation géographique et carte de la Guyane (voir aussi en annexe 1)

13
Le climat de type équatorial est caractérisé par des températures constantes toute l’année et des
densités de pluie importantes conditionnées par la ZIC (Zone Intertropicale de Convergence, zone à
forte densité nuageuse). Les pluies sont entrecoupées par une saison sèche longue de juillet à octobre
et une saison sèche plus courte en mars (cf. diagramme ombrothermique en annexe 2). Cette forte
pluviométrie combinée à l’imperméabilité des sols, est à l’origine du réseau hydrographique dense qui
traverse la Guyane. Les principaux fleuves du territoire sont le Mana, l’Approuague, le Maroni
(frontière avec le Suriname) et l’Oyapock (frontière avec le Brésil), ces deux derniers représentant les
seules voies d’accès terrestres vers l’arrière-pays dominé par la forêt. Mais la navigation de ces fleuves
est rendue difficile par la présence de sauts1, en particulier pendant la saison sèche où le niveau de
l’eau peut fortement diminuer. Ces caractéristiques du milieu expliquent en partie l’enclavement
auquel sont soumises les populations habitant l’intérieur du territoire.

1.1.2. Histoire du territoire guyanais : origine de la diversité culturelle et du déséquilibre entre


littoral et intérieur des terres

Un territoire caractérisé par des migrations de populations importantes


Après de nombreuses tentatives de colonisation des pays européens (Angleterre, Hollande, France), la
Guyane devient finalement territoire français en 1664. La fin de ce siècle est marquée par la traite
négrière et l’esclavage sur lesquels s’est appuyée l’économie des Caraïbes et de l’Amérique du sud
avec l’exportation de vanille, de cacao, canne à sucre, coton, tabac, caoutchouc… Les amérindiens,
déjà présents sur le territoire, ont d’abord entretenu des échanges commerciaux plus ou moins
importants avec les colons en particulier ceux situés sur le littoral, puis sont soumis à des politiques de
rassemblement organisés par les jésuites. Leur nombre a considérablement diminué au fil des années
principalement dû aux maladies apportées par les européens. A partir du 18ème siècle, les populations
Noirs-Marrons (ou bushinengue), issus des révoltes et de la fuite des esclaves des plantations
hollandaises, sont venus s’installer le long du fleuve Maroni, frontière naturelle actuelle entre la
Guyane et le Suriname. En 1848, l’esclavage est définitivement aboli en France. Les plantations sont
alors abandonnées ce qui entraine l’effondrement de l’économie guyanaise. Les affranchis s’installent
à l’intérieur du territoire. La découverte de gisements aurifères en 1855 déclencha de nouveaux
mouvements de populations venant notamment des Antilles anglaises. A cette époque, près de 30 000
personnes peuplaient l’intérieur de la Guyane à la recherche d’or. Suite à la guerre civile du Suriname
(1986-1992), la Guyane accueille des milliers de réfugiés bushinengue du Suriname installés dans des
camps autour de Saint-Laurent-du-Maroni. Entre 1977 et 1990, le territoire recevra également

1
Rupture de pente sur le fleuve qui nécessite une certaine adresse des piroguiers pour être franchi et oblige
parfois le déchargement/chargement du matériel pour passer ces obstacles.

14
plusieurs groupes de Hmongs, peuple originaire du Laos ayant fui les persécutions du régime
communiste du pays.

Résultat de ces trois derniers siècles d’histoire, la population guyanaise est aujourd’hui caractérisée
par une grande diversité d’origines (figure 2). En 2012, elle comptait près de 230 000 habitants
(Insee). Aujourd’hui la population est constituée majoritairement de créoles (38%) mais aussi de
métropolitains (10%) concentrés sur le littoral. Elle est également composée d’une part importante
d’immigrés surinamiens, brésiliens, haïtiens… Les habitants vivant à l’intérieur du territoire sont
majoritairement d’origine amérindienne de différentes ethnies (Arawak, Palikur, Kaliña, Wayana,
Wayãpi et Emérillons) et bushinengue (des groupes Paramaca, Saramaca, Djuka et Aluku ). Ces deux
groupes réunis représentent près de 10% de la population. La Guyane compte également d’autres
minorités plus récemment installées comprenant les chinois, les Hmongs, antillais… (Sites de la
Région Guyane et du Ministère des Outre-mer). La prise en compte de cette diversité est un réel enjeu
pour un développement adapté aux différentes cultures présentes sur le territoire.

Figure 2: Origines des populations guyanaises

Amérindienne; 5%
Bushinengue; 6%

Métropolitaine;
Immigrée; 32% 10%

Antillaise; 4%
Hmong; 1%

Chinoise; 4%

Créole; 38%

Source : Site de la Région Guyane

D’autre part la population guyanaise est en pleine explosion démographique : entre 1999 et 2006, le
taux de variation annuel de la population est de 3,97% alors qu’il n’est que de 0,69% en métropole. La
densité est très faible (2 habitants/km²) mais en réalité la majorité des habitants est concentrée sur la
côte (principalement dans les villes de Cayenne, Kourou, Saint-Laurent du Maroni) qui représente
seulement 10% du territoire (Localisation de la population en annexe 3).

15
Déséquilibre dans la répartition des infrastructures et des services sur le territoire
Cette hétérogénéité dans la répartition de la population a entrainé un aménagement du territoire à deux
vitesses. Les politiques d’aménagement ainsi que les infrastructures se sont concentrées sur le littoral.
L’intérieur du territoire n’est accessible que par voie fluviale (déplacement lent donc coûteux et
nécessitant une bonne connaissance de la navigation sur le fleuve) ou voie aérienne (compagnie
subventionnée à 80% par la Région, mais le prix des vols reste élevé), comme le montre la figure 3.
Les réseaux de télécommunication sont incertains dans les zones enclavées (coupures régulières sur
les réseaux internet et de téléphonie). L’accès à l’électricité, l’eau courante et aux services postaux est
assuré dans l’essentiel des villages intérieurs mais la gestion des déchets reste encore problématique.
De même les services et instances publiques se trouvent majoritairement sur le littoral et de
nombreuses démarches demandent des déplacements sur Cayenne.

Figure 3: Réseaux de transport en Guyane

Source : PAG, charte, juillet 2012

Avec la départementalisation de 1946, la Guyane passe d’une législation coloniale à une législation
métropolitaine. L’usage de cette dernière, non adapté aux spécificités du territoire, a accentué
l’enclavement de la zone intérieure. En 2010, un référendum a été proposé à la Guyane afin de passer
du statut de DROM à celui de COM (Collectivité d’Outre-mer) pour une plus grande autonomie dans
la gestion de son territoire. Cependant cette proposition a été rejetée. Ainsi depuis plus de 50 ans, les

16
politiques de développement sont focalisées sur le littoral, ce qui engendre des inégalités dans tous les
secteurs économiques de la Guyane, y compris dans l’agriculture.

1.2. Une politique agricole longtemps dictée par la métropole privilégiant


le littoral
En comparaison avec les autres activités économiques du territoire (pêche, activité spatiale,
exploitation des gisements aurifère, exploitation forestière, tourisme...), l'agriculture a peu de poids
dans l'économie formelle guyanaise puisqu’elle ne représentait que 5% du PIB (Gustave Dit Duflo,
2008). La Guyane étant majoritairement recouverte par la forêt équatoriale, la surface agricole en
Guyane est très faible (près de 25 000 ha, soit moins de 3% du territoire). Cependant elle est source
d'emplois et d'alimentation pour une grande partie de la population. En 2010, le recensement agricole
avait permis d’identifier 20 550 personnes participant régulièrement aux activités agricoles dont 8 460
actifs familiaux qui se concentrent majoritairement dans l’Ouest guyanais (près de 78% des
exploitations, annexe 4). Un autre élément caractéristique est la faible surface exploitée par unité
agricole : 90% des exploitations agricoles ont une SAU inférieure à 5 ha (DAF, 2010, voir tableaux en
annexe 4). L’activité agricole se concentre sur le littoral et le long des fleuves Maroni et Oyapock.
Suivant la localisation (littoral ou intérieur des terres), on observe une diversité d'activités agricoles.
Cette différentiation s’explique par la situation géographique, le climat et la végétation vus
précédemment mais également par l’histoire agricole du territoire.

1.2.1. Historique des politiques agricoles

Depuis la colonisation, la France a engagé plusieurs tentatives de mise en valeur agricole de la Guyane
(Jannot, 2008). Les deux dernières politiques agricoles mises en place ont eu un fort impact sur
l’agriculture guyanaise. Le « Plan Vert » (1976-1986) soutenait le développement global (agriculture,
forêt, mines, industries) de la Guyane. L’agriculture, fortement encadrée par l’Etat, est organisée selon
le modèle de la métropole ; mise en place de crédit agricole et aide à l’investissement, spécialisation
des exploitations, adhésion à des coopératives qui conditionne l’accès aux aides publiques… Le
développement agricole est principalement orienté vers l’élevage bovin et l’arboriculture. Face à une
forte dépendance en denrées alimentaires importées, cette réforme du secteur agricole a alors pour
objectif de compléter l’agriculture itinérante déjà présente en Guyane en favorisant l’augmentation des
surfaces et l’intensification des modes de production. Cependant de nombreux producteurs font face à
des problèmes économiques qui entrainent en 1986 la fin de ces mesures.
Depuis, plusieurs politiques, axées sur la structuration des filières, se sont succédées pour tenter
d'améliorer la situation. En 1984 est créé l’ODEADOM, un office de développement agricole et
alimentaire pour les DOM qui devait permettre de tenir compte des spécificités de ces départements.

17
En 1992, l’Etat exige la mise en place de politiques sectorielles afin de soutenir des projets par filière.
L’élevage a été la principale filière concernée par cette nouvelle politique. Cependant ce programme
n’a pas touché l’ensemble des activités agricoles : l’agriculture itinérante reste marginalisée bien
qu’elle représente 90% des exploitations en Guyane.
Pour accompagner les mutations de l’espace rural, l’Union Européenne s’est engagée dans une
politique spécifique pour le développement rural, PDRG en Guyane. La première programmation
2007-2013 est financée sur le fonds européen FEADER (Union Européenne, 2008) et s’oriente suivant
quatre axes :

- L’amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers


- L’amélioration de l’environnement et de l’espace rural par un soutien à la gestion de la
terre
- L’amélioration de la qualité de vie en milieu rural ainsi que la promotion de la
diversification des activités économiques
- L’axe LEADER vise à renforcer ou concevoir des stratégies locales de développement et
sélectionner les actions qui permettront de concrétiser ces stratégies.

Mais là encore ces mesures profitent principalement à l’agriculture du littoral. Le LEADER a


néanmoins permis d’appuyer des projets au sud de la Guyane, notamment la mise en place du
dispositif de professionnalisation de l’EPLEFPA et des études pour le développement de la filière
huile de maripa (palmier) au travers de l’association Gadepam. Cependant l’appui aux projets
agricoles d’ordre privé et/ou individuel est quasi-inexistant.

1.2.2. Une agriculture à plusieurs visages, résultat de l’histoire agricole en Guyane et des
caractéristiques du milieu

Aujourd’hui, on retrouve majoritairement sur la bande côtière de grandes et moyennes exploitations


(cultures de fruits et légumes, vergers, grandes prairies et savanes pour l’élevage, riziculture, élevage
porcins et avicoles hors sol) issues des politiques mises en place depuis 1975 (localisation de ces
différents types d’agriculture présentée en annexe 5). L’arrivée des Hmongs depuis 1975, d’abord
installés à Cacao a permis d’augmenter considérablement les cultures maraîchères et fruitières pour
alimenter le littoral. L’intérieur des terres est dominé par l’agriculture itinérante autour des villages et
le long des fleuves. Elle ne bénéficie pas de l’accès aux aides publiques notamment du fait de la faible
présence des institutions, de la gestion communautaire du foncier (cf. partie 1.3) et de la complexité
des démarches à mettre en œuvre pour les personnes résidant à l’intérieur du territoire (parfois non
francophones et analphabètes).

18
Les pratiques de l’agriculture itinérante (ou agriculture sur abattis-brûlis) consistent à abattre et à
bruler chaque année une petite surface de la forêt pour cultiver une association d’espèces afin de
2
valoriser au mieux la terre . Cet espace est cultivé sur une période assez courte (1 à 2 ans). Après cette
période il est possible de lancer un nouveau cycle de culture à la suite duquel la parcelle est
abandonnée (mise en jachère) et un autre espace de forêt est abattu. La longue durée des jachères et la
fréquence des défrichements sont des caractéristiques qui font de l’agriculture itinérante un système à
faible impact environnemental (Tsayem, Manusset, 2008). Le choix des cultures varie suivant les
savoirs des communautés et de leurs habitudes alimentaires (tubercules, bananiers, patates douces,
ananas, canne à sucre, maïs…). Le manioc, la principale espèce cultivée, joue un rôle dans
l’alimentation des communautés de par la diversité de ses variétés et de ses processus de
transformation : farine de manioc (couac), galette (cassaves), bière (cachiri), soupes, desserts sucrés,
condiments… En plus de son rôle alimentaire, l’abattis a également une fonction socioculturelle
centrale. En effet, le fait de posséder un abattis est un moyen de reconnaissance au sein de la société et
représente un certain savoir-faire.
Malgré son importance dans les communautés isolées de Guyane (amérindienne et bushinengue), et
son poids dans le secteur agricole (90% des exploitations), cette agriculture demeure marginalisée.
Elle représente pourtant des enjeux forts en termes d’emplois, d’autonomie alimentaire de la zone et
de développement durable pour l’intérieur de la Guyane. La région du Haut-Maroni, située dans le
sud-ouest du territoire, fait partie de cet espace intérieur délaissé par les politiques de développement,
et qui offre peu de possibilités aux populations locales pour améliorer leurs conditions de vie.

1.3. Situation des communautés bushinengue sur le Haut-Maroni : un


territoire en crise peu soutenu par les instances locales

1.3.1. Evolution de l’organisation sociale des populations bushinengue

Depuis la deuxième moitié du XXème siècle, les communautés du


Haut-Maroni sont en prises à des changements qui ont marqué
profondément leur société.
Les populations bushinengue ont rejoint les amérindiens wayana
sur le fleuve Maroni entre le XVIIème et XVIIIème siècle suite
aux révoltes des esclaves des plantations hollandaises au
Suriname. Deux ethnies bushinengue sont présentes sur le Haut-
Maroni, les Djuka vers Grand-Santi et les Aluku ou Boni3 autour

2
On utilisera dans la suite de l’étude le terme « abattis » pour qualifier les parcelles cultivées avec ce type de
Figure 4: Localisation de la zone
pratiques.
3d'étude
Les deux dénominations sont utilisées mais nous choisirons aluku pour le reste de l’étude

19
de Papaïchton. Jusque dans les années 50, la société reposait sur des règles traditionnelles. Les unités
familiales sont des groupes de parenté matrilinéaire appelés « Lô » (ou lignage). Un enfant appartient
toujours au groupe de sa mère et il est élevé par les femmes de la famille et les frères de sa mère.
Chaque Lô habite dans un village (plus rarement plusieurs Lô par village). Les différents villages du
Haut-Maroni encore présents aujourd’hui sont présentés en annexe 6 (ceux situés au sud de
Maripasoula sont des habitats amérindiens). Jusqu’à la fin du XXème siècle, le regroupement de
plusieurs lignages dans un même village ne s’était pas produit. Cet élément peut expliquer en partie
qu’aujourd’hui, il est difficile pour des membres n’appartenant pas au même lignage de travailler en
collectif, mais nous reviendrons plus loin sur ce point.

Chez les Aluku, les autorités coutumières sont à deux niveaux. Les hommes d’un même village
choisissent « un capitaine » qui organise le groupe, prend les décisions, règle les discordes au sein de
la famille. Le « Gran-Man » est le chef politique de tous les Aluku, il définit les règles de la société,
met un terme aux conflits entre villages et représente aussi l’autorité religieuse. Les villages restent
fixes et ne sont déplacés qu’en cas d’absolue nécessité. Des habitats itinérants ou « habitations de
cultures » (Hurault, 1965) réunissent un ménage plus restreint du village : une femme âgée,
accompagnée de ses fils non mariés, de ses filles et de leurs enfants. Occasionnellement, les maris des
filles peuvent venir aider mais ils n’y habitent pas de façon permanente. Ces habitations (de simples
campements) sont déplacées en fonction des besoins pour faciliter l’exploitation des terres cultivées
par technique d’abattis-brûlis. Elles peuvent aussi servir de campements de chasse, de pêche ou de
zone de repos. L’accès à la terre est traditionnellement régi par le droit coutumier. Le principe
fondamental est que seul le lignage détient des droits réels sur les terres. A la mort d’une personne, les
terres cultivées peuvent revenir à n’importe quel membre du lignage. Traditionnellement, les terres
sont attribuées aux femmes car ce sont elles qui font la majorité du travail sur l’abattis : de la
plantation à la récolte alors que les hommes coupent et brulent les arbres sur la terre, puis
n’interviennent plus ou presque pas sur l’abattis. La carte (figure 5) présente l’organisation des terres
par lignage aluku. Les flèches montrent les déplacements des populations pour se rendre sur le
territoire de leur groupe. Les terres cultivées étaient réparties de manière dispersée le long du fleuve
Maroni, ce qui permettait de changer d’endroits régulièrement.

Dans les villages, on ne trouvait pas de lieu de stockage, les tubercules (principale source
d’alimentation) sont retirés au fur et à mesure des besoins. Ceci peut expliquer qu’aujourd’hui les
agriculteurs aient des difficultés à se projeter et à organiser leur activité agricole sur un an voire
plusieurs années. On observait également dans les villages des abris sous lesquels étaient installées des
platines (outil de cuisson en acier, autrefois en terre) nécessaires pour la fabrication du couac, aliment
de base dans les repas. Les personnes qui n’en disposaient pas pouvaient utiliser celles de leur parent

20
le plus proche. Désormais les foyers qui ne possèdent pas de platines sont très rares, mais le système
d’entraide avec des voisins ou des membres de la famille existe encore. Outre le travail à l’abattis, les
Aluku pratiquaient quotidiennement de nombreuses autres activités, souvent réservées à l’homme ;
construction des maisons, réalisation de pirogues, chasse, pêche, sculpture, vannerie… Autant de
savoir-faire transmis de génération en génération et nécessaire à la survie des communautés.

Figure 5: Délimitation des territoires par villages vers les années 60

Source : Hurault, 1965

A partir de la fin du XIXème siècle, l’économie des Noirs-Marrons du Haut-Maroni s’est développée
en lien avec l’arrivée des orpailleurs créoles. Ils participaient notamment aux travaux sur les sites,
assuraient le transport et la construction de pirogues, de carbets. Certains commençaient à vendre les
produits de la chasse, de la pêche, de la cueillette et de l’abattis. Cependant, le travail salarié et

21
l’établissement de contrat étaient assez mal acceptés par les populations aluku car ils y voyaient là une
relation hiérarchique qui rappelait les souvenirs pénibles de l’époque esclavagiste. Ils préféraient donc
de courts travaux qui ne les engageaient pas sur le long terme. Pendant près d’un siècle, l’activité
économique se développe grâce à la filière aurifère gérée par les créoles qui se sont installés en
formant le village de Maripasoula.
Mais à partir de 1930, l’affluence des antillais venants travailler dans l’orpaillage diminue. Les
conditions des miniers ne cessent de se dégrader de part des ravitaillements de plus en plus espacés
(conséquence de la succession des guerres mondiales et de la crise économique). La
départementalisation de 1946 concentre ses efforts sur le littoral et l’or commence à se faire de moins
en moins abondant. Ainsi, à la fin des années 60, de nombreux orpailleurs ont quitté le territoire pour
immigrer vers le littoral alors que les habitants du Haut-Maroni avait peu à peu développé leurs
revenus en relation avec les Créoles (Orru, 2001). Cette contraction de l’économie locale entrainera un
exode rural des communautés aluku vers les villes côtières jusqu’à la fin des années 70 comme le
montre le tableau 1 (baisse de la variation annuelle moyenne de la population entre 1974 et 1982).

Tableau 1: Evolution de la population communale de Maripasoula entre 1967 et 2009. source :INSEE

1967 1974 1982 1990 1999 2009


Population (nombre d’habitants) 636 884 1 007 1 748 3 652 7 568

Variation annuelle moyenne de la + 4,8% + 1,8% + 7,1% + 8,5% + 7,6%


population en %

En 1969 est créée la commune de Maripasoula qui était déjà centre administratif depuis 1950. A partir
de cette période, la démographie de la zone a fortement augmenté notamment avec l’accès aux
services publics (école, mairie, dispensaire…) et aux transferts sociaux (qui augmentent avec le
nombre d’enfants). On remarque en effet, que le taux de natalité (figure 6) à Maripasoula a toujours
été plus élevé qu’à Cayenne et en particulier à partir des années 90 où le taux de natalité a atteint les
50 ‰ alors qu’il n’était que de 30 ‰ sur Cayenne

Petit à petit la population se sédentarise dans les bourgs de Maripasoula et Papaïchton. De plus, à
partir des années 80, le regain pour l’activité aurifère (dû à l’augmentation du cours de l’or, cf. annexe
7), a entrainé l’arrivée de nouveaux orpailleurs, principalement brésiliens, qui exploitent illégalement
les ressources de la zone. De nombreux métropolitains sont également venus s’installer dans les
bourgs pour les postes au centre de santé et dans les écoles. Alors que la commune de Maripasoula

22
comptait moins de 700 habitants avant la création de la commune, elle atteint aujourd’hui les 7 600
habitants (tableau 1), soit multipliée par plus de 10 en près de 40 ans.

Figure 6: Comparaison de l'évolution du taux de natalité entre 1982 et 2009, entre la France, Cayenne et
Maripasoula

60

50

40
France
‰ 30 Cayenne
Maripasoula
20

10

0
1982 1990 1999 2009

Source : INSEE

1.3.2. Situation socio-économique actuelle sur le territoire

Désormais, le système institutionnel français coexiste avec la gouvernance traditionnelle locale mais
l’influence des autorités coutumières diminue peu à peu. La création de zone de droits d’usage
collectifs (ZDUC), aux alentours des zones habitées (cf. annexe8), permet aux communautés locales
de toujours pratiquer leurs activités traditionnelles (chasse, pêche…) dans les forêts qui sont désormais
considérées comme territoires domaniaux de l’Etat. Cependant la concentration de la population dans
les bourgs a entrainé une diminution des ressources naturelles dans ces ZDUC. De ce fait, les membres
de la communauté aluku ont été contraints de délaisser peu à peu leurs activités traditionnelles
(Delpech, 1993)).
Quelques postes s’ouvrent dans le public mais ils sont peu nombreux et pas forcément accessibles aux
locaux qui n’ont pas les qualifications requises. Ainsi, de nombreuses personnes vivent aujourd’hui
grâce aux transferts sociaux (Piantoni, 2002). Certains poursuivent une activité agricole, de pêche, de
chasse ou de petits commerces, mais elle reste en général dans l’informel. Le même scénario s’est
dessiné à Papaïchton. La figure 7 montre que comparé à Cayenne, il y a une plus grande part de la
population dans les catégories chômeurs et autres inactifs (souvent femmes au foyer) à Maripasoula,

23
soit 56,3%. Ceci est le résultat des faibles opportunités d’emploi qu’offre la zone et au manque de
qualification des habitants.

Figure 7: Population de 15 à 64 ans par type d'activité en 2009

Ainsi la majorité de la population base son


revenu sur les transferts sociaux qui augmente
avec le nombre d’enfants (figure 8). Les
structures familiales se nucléarisent peu à peu et
le rôle de ses membres évolue. Les femmes
reçoivent désormais les allocations familiales ce
qui leur permet une certaine indépendance vis-à-
vis de leur mari qui était auparavant celui qui

ramenait les revenus monétaires. Les enfants Figure 8: Montant du RSA en 2013
scolarisés ne participent plus ou peu aux
activités familiales. Les faibles perspectives de formation (pas d’établissement scolaire après le
collège) et d’emploi entraînent un mouvement massif des jeunes vers le littoral ou la métropole, ce qui
semble mettre en péril les savoir-faire locaux (agriculture, construction de pirogue, artisant…).
Les villages du Haut-Maroni (Grand Santi, Papaïchton, Maripasoula, Twenké, Taluen, Antecume-
Pata...) ne sont accessibles que par voie aérienne (aéroports à Grand Santi et Maripasoula) ou voie
fluviale. Le prix des transports est élevé ce qui ne facilite pas le transit de la population et des
marchandises. Les échanges avec le littoral sont donc limités. Pourtant de nombreux services ne sont
pas disponibles sur le fleuve et les personnes doivent se déplacer sur Cayenne pour effectuer certaines

24
démarches. La population dépend aujourd’hui des aliments importés du littoral, plus chers. En effet,
l’activité agricole qui était la principale source d’alimentation est aussi fortement touchée par ces
évolutions.

1.3.3. Un système agraire en crise


Les pratiques d’abattis-brûlis exercées depuis près de deux siècles par les communautés aluku du
Haut-Maroni sont aujourd’hui remises en question. L’agriculture rencontre plusieurs freins :

 L’augmentation de la pression foncière autour des bourgs oblige les producteurs à


s’éloigner de plus en plus. Pour se déplacer à l’abattis, il existe des taxis, mais le coût
prohibitif du transport (entre 40 et 80€ l’aller-retour) empêche les producteurs de se rendre
régulièrement à l’abattis.

Figure 9: Des abattis de plus en plus éloignés du bourg. Source :PAG

Ceci à plusieurs conséquences : risque de vols accru sur les parcelles, diminution du temps
passé sur l’abattis ce qui peut engendrer des problèmes d’enherbement et une perte de
récolte. La carte (figure 9) illustre la localisation des abattis autour de Maripasoula. Les
abattis en rouge sont ceux coupés pour l’année 2012, ceux en orange en 2011 et ceux en
jaune en 2010. Les recrus sont concentrés aux alentours du bourg alors que les abattis
s’éloignent de plus en plus (parfois à plus de 10 km)

25
 Alors que les enfants participaient autrefois au travail sur l’abattis, ils sont aujourd’hui
scolarisés. La main d’œuvre familiale a considérablement diminué. Peu à peu les
agriculteurs ont engagé de la main d’œuvre rémunérée, dont le coût n’a cessé
d’augmenter. Une journée de travail est aujourd’hui est payée 35 à 40€.
 Enfin de part l’isolement géographique de la zone, les intrants et les aides sont
difficilement accessibles aux producteurs. Leur statut n’est en général pas régularisé (pas
d’inscription à l’AMEXA, pas de titre foncier…). Les structures normalement en charge
de l’appui agricole ne sont pas présentes sur le territoire (chambre d’agriculture absente,
DAF une journée de permanence tous les deux mois)
Cependant, la fin des années 90 est marquée par la mise en place d’un nouveau programme, le
Programme de Recherche-Action du Haut-Maroni (PRAHM) conduit pas l’ONF, pour le compte de la
chambre (DEFIS 2009). Ce programme a permis d’appuyer l’émergence d’une association
d’agriculteurs (aujourd’hui ADAHM), de mieux structurer le secteur agricole notamment en clarifiant
leur statut à l’AMEXA, de mettre en place un plan d’aménagement foncier… Les subventions reçues
par l’association de producteurs ont permis de financer des équipements de production et de
transformation du manioc, des forages pour permettre l’irrigation en saison sèche, construction de
serres… A la fin du programme en 2002, toutes ces actions devaient être reprises par le PEAFOG
(Programmes d’Encadrement des agricultures familiales dans l’Ouest-Guyanais), mais faute de moyen
humain sur le long terme, le projet a été abandonné. En 2011, le CFPPA de Macouria, une des
structure de l’EPLEFPA de Guyane, a lancé un dispositif de professionnalisation afin d’accompagner
les producteurs dans ces évolutions récentes. Ce programme permet aujourd’hui de suivre près d’une
quarantaine de producteurs entre Maripasoula et Papaïchton.

Au vu des difficultés présentées, l’avenir des populations du Haut-Maroni (bushinengue comme


amérindienne) posent aujourd’hui question. Les habitants sont en forte attente d’appui pour un
développement économique et social de leur territoire qui possède des atouts et des ressources à
valoriser : développement des filières agricoles et forestières, des filières artisanales, de l’écotourisme,
des services de proximité… (Charte PAG, 2012).

1.4. Le PAG : un acteur du développement local


Le Parc amazonien de Guyane est l’une des rares institutions présentes sur l’intérieur de territoire,
disposant des moyens humains et financiers pour contribuer à son développement.

1.4.1. Historique du PAG

26
C’est en 1986 qu’est faite la première proposition pour la création d’un parc en Guyane sur base de
plusieurs critères : une grande surface vierge, un milieu naturel riche et diversifié et favorable au
développement du tourisme, un espace peu habité avec de faibles ressources minières et des difficultés
de mise en valeur (éloignement, moyen de communication…).

Après de nombreuses réticences, en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio, la France s’engage pour la
création d’un parc afin de protéger cet espace. En 1993 est lancée la mission pour la création du Parc
de la Forêt Tropicale Guyanaise, avec la mise en place d’un comité de pilotage. Cependant à sa
création, ce comité n’incluait pas les populations amérindiennes et noir-marrons. Celles-ci voyaient
d’un mauvais œil cette initiative. En effet, elles étaient contre la mise en place d’éventuelles
restrictions qui limiteraient leurs pratiques traditionnelles et contre la fréquentation des villages par les
touristes (Werwilghen, 1998). De même, les élus locaux étaient plutôt réticents à cette proposition en
mettant en avant le risque d’accentuation d’isolement de ces zones déjà très enclavées. Par la suite, la
mission pour la création du Parc de la Guyane a été réorientée pour privilégier le dialogue, la
concertation, l’écoute et la démarche participative en engageant la réflexion sur: le respect des modes
de vie des populations, le champ d’action et les compétences du parc, les activités minières au sein du
parc.

Crée en 2007, le Parc Amazonien


de Guyane (PAG) est un Parc
National qui s’étend sur 40% du
territoire, soit 3,39 millions
d’hectares où vivent 4% de la
population (près de 9 500
habitants). Le parc est frontalier
du Suriname et du le Brésil. Il
couvre les territoires les plus
isolés du département. Depuis
1970, « l’accès au pays
amérindien » est réglementé par
un arrêté préfectoral et une
autorisation est requise pour y
pénétrer pour les non résidents
Figure 10: Carte du Parc amazonien de Guyane, réparti en deux ou usagers coutumiers (Arrêté
zones
préfectoral du 14 septembre
1970). Le parc se divise en deux zones : une zone de cœur et une zone de libre adhésion. La zone de

27
libre adhésion possède un espace forestier de grande qualité et elle abrite toutes les zones habitées de
manières permanentes. Les communes concernées par la zone de libre adhésion seront incluses dans la
zone d’adhésion lorsqu’elles auront signées la charte du parc. La zone de cœur est un espace défini
lors de la création du Parc National réglementé par un décret à des fins de protection de l’espace
naturel, culturel et paysager. Les communautés d’habitants disposent de droits spécifiques pour
pratiquer les activités traditionnelles.

1.4.2. La création d’une charte répondant aux attentes des populations locales

La charte du PAG a été finalisée en 2012 après trois années de travail. Elle tente de concilier à la fois
les attentes des populations locales et les engagements et orientations fixés par l’Etat et les
collectivités locales (Département et Région). En effet, le décret de 2006 sur les parcs nationaux
stipule notamment qu’ « une charte de protection, de mise en valeur des patrimoines et de
développement durable est établie à l’issue d’un processus de concertation ». Ce document dont la
première version a été achevée en 2012 explique la mission et les orientations à venir pour les dix
prochaines années du parc qui s’inscrit au sein des enjeux suivants (Charte PAG, 2012):

 Préservation de l’écosystème forestier amazonien et des interactions entre l’Homme et le


milieu naturel
 Reconnaissance et valorisation de la diversité culturelle et transmission des valeurs, savoirs et
savoir-faire
 Amélioration de la qualité de vie des habitants et développement économique local adapté
Pour la mise en œuvre de ces projets, le PAG suit plusieurs principes :

 Produire et partager des connaissances en s’appuyant sur les communautés locales


 Construire une gouvernance efficace reposant à la fois sur la gouvernance locale et le système
politique et administratif français
 Adapter les politiques publiques et les réglementations aux réalités des territoires
Développer des coopérations avec les aires protégées et les pays de la zone américaine
Intégrer les territoires concernés par le Parc Amazonien de Guyane dans l’ensemble régional.

Ces principes sont les conditions à respecter pour la réussite du projet porté par la charte. Cette charte
doit maintenant se décliner en opérations concrètes sur le terrain. Le PAG participe déjà à la lutte
contre l’orpaillage illégal notamment par la création d’un partenariat entre le parc et l’ONF pour faire
le suivi des sites et la mise en place d’une police de la nature (rapport d’activité PAG, 2011). Le parc a
également mis en place des programmes de recherches pour mieux connaitre le milieu et les pratiques
des habitants (mesure de la qualité de l’eau, étude entomologique, étude sur les pratiques de chasse et

28
la faune sauvage, suivi sur les surfaces agricoles….) pour ainsi établir des mesures de protection
adéquates. Depuis 2009, le parc porte le programme LEADER, pour le territoire du Sud de la Guyane.
Il s’agit d’un programme européen en faveur des territoires défavorisés qui a pour but de « créer un
véritable tissu économique en valorisant les ressources locales dans le respect des modes de vie » (Site
du PAG). A travers ce programme et d’autres outils, le parc doit notamment faciliter la
professionnalisation des agriculteurs, le développement de l’activité économique et de partenariats,
l’émergence de microprojets, la structuration des filières, valorisation du patrimoine… Il soutient
notamment le secteur agricole par la mise en place en 2010, d’un programme de formation des
agriculteurs sur le Maroni avec le CFPPA de Macouria.

Malgré les critiques, le conseil d’administration du PAG a adopté la charte en avril 2013. L’adhésion
libre à cette charte par les cinq communes faisant parties du parc (Saül, Papaïchton, Maripasoula,
Saint-Elie et Camopi) doit maintenant être décidée. Si une commune adhère à la charte, le parc
s’engage, en partenariat avec les acteurs locaux (Etat, commune…), « à mettre en œuvre des projets de
développement durable, de protection et de valorisation des patrimoines naturels et culturels » (PAG,
2012, Adhérer à la charte du Parc amazonien de Guyane). Sinon, la partie du territoire communal
inclue dans les limites actuelles de la zone de libre adhésion sort des limites du PAG; la charte ne
s’applique alors qu’à la zone de cœur. Sur ces territoires, le parc n’agira plus que pour exercer sa
fonction de police ou la mise en œuvre de programme de recherche scientifique.

1.4.3. Place du stage dans ce contexte

Afin de répondre aux attentes de développement local des communautés autochtones, le PAG met en
place des moyens pour appuyer des projets concrets sur le territoire. Elles permettent également de
renforcer son rôle d’acteur du développement et d’améliorer sa visibilité sur le territoire.
C’est dans ce contexte que s’insère la proposition de stage du PAG sur le thème suivant :
« L’émergence et l’accompagnement des projets d’agro-transformation sur Maripasoula et
Papaïchton ». A l’heure actuelle, le PAG soutient financièrement le dispositif de professionnalisation
et appuie les agriculteurs dans leurs démarches administratives. Mais les principales contraintes de
l’activité agricole, pressions foncières, problèmes de transport, coût élevé de la main d’œuvre…
paraissent difficiles à résoudre pour le parc. Ce dernier a cependant identifié l’émergence d’une filière
d’agro-transformation sur le Haut-Maroni qui pouvait potentiellement contribuer au développement de
la zone d’étude. Les produits issus de l’agriculture itinérante sont souvent consommés après
transformation non seulement pour répondre aux besoins familiaux mais aussi pour être
commercialisés (principalement dans le secteur informel). Ce stage devait donc permettre dans un
premier temps d’analyser les activités d’agro-transformation du territoire pour évaluer leurs
contraintes et leurs opportunités. Dans un second temps l’étude réalisée devait aboutir à

29
l’identification de porteurs de projets et à des propositions d’accompagnement concrètes pour les
soutenir dans leurs démarches.

30
PARTIE 2 : Cadre conceptuel et démarche

2.1. Questions de recherche et hypothèse de travail

La filière des produits transformés est de manière générale en Guyane assez peu structurée et doit faire
face à la concurrence des produits importés de métropole ou venus du Suriname et du Brésil. Il n’est
pas rare de trouver sur la côte du couac brésilien (farine de manioc) ou des chips de tubercules en
provenance du Suriname. Cependant on commence à voir émerger sur le littoral de petits producteurs
ou entreprises d’agro-transformation qui proposent leurs produits en jouant sur la qualité et leur
provenance locale : fabrication de jus, production de chips, de confiture, de cassave (galette de
manioc), de rhum arrangé… Cette dynamique commence également à être observée à l’intérieur du
territoire notamment à Maripasoula et Papaïchton avec des produits traditionnels tels que la pâte
d’arachide et la poudre de piment qui commencent à être commercialisés. Les activités de
transformation pourraient ainsi représenter une autre source de revenu pour les ménages en
complément des revenus déjà existants.

Au vu de ces nouvelles dynamiques, le Parc amazonien de Guyane, dans le cadre de sa mission de


soutien au développement socio-économique local qui vient d’être présenté, souhaite apporter son
appui aux producteurs désireux de se lancer dans la commercialisation des produits agro-transformés.
A l’heure actuelle, le territoire dispose de peu de structures d’appui dans le domaine agricole ou pour
la mise en œuvre de projet. De plus, ces activités sont souvent observées dans le secteur informel car
les démarches à mettre en œuvre pour leur régularisation sont complexes dans le contexte guyanais. Le
PAG souhaite donc comprendre les dynamiques actuelles afin d’apporter des solutions adaptées.
Cependant, on peut se demander dans quelles mesures cette filière peut se développer notamment
quant au contexte agricole de la zone que nous avons exposé précédemment. En effet, sur le Haut-
Maroni, comme partout en Guyane, au vu de la démographie croissante, la production agricole est
largement déficitaire par rapport au besoin alimentaire de la population qui dépend des importations
du littoral. Dans ce contexte, on peut donc s’interroger sur la capacité des transformateurs à
s’approvisionner en quantité suffisante en matières premières (par leur abattis ou par achat) pour
répondre à la demande de manière régulière.

31
Les remarques précédentes nous amènent à reformuler la demande initiale sous forme de deux
questions de recherche :

 Les activités de transformation peuvent-elles devenir un levier de développement


local ?
 Comment le parc peut-il contribuer au développement de ces activités et appuyer les
porteurs de projets dans les communautés bushinengues du Haut-Maroni ?

Ainsi le premier objectif de cette étude sera de comprendre l’organisation de la filière encore peu
structurée et d’identifier contraintes et leurs opportunités des transformateurs locaux. A partir de
constats, il s’agira de proposer des axes d’accompagnement pour les personnes souhaitant développer
une telle activité.. Il s’agira donc d’établir un cadre d’intervention pour le PAG répondant le mieux
possible aux préoccupations des transformateurs du territoire désireux de dynamiser leurs activités.
Ces propositions seront également illustrées par des cas concrets de porteurs de projets dans le
domaine de l’agro-transformation.

Pour construire la démarche, nous nous appuierons sur plusieurs hypothèses de travail présentées ci-
dessous :

Hypothèse 1 : Il existe des activités de transformation potentiellement rémunératrices et des


producteurs souhaitant développer l’agro-transformation et commercialiser leurs produits.
Hypothèse 2 : Ceux-ci doivent faire face à des contraintes qui nécessitent un accompagnement pour le
développement de leur projet.
Hypothèse 3 : Le parc dispose de moyens adéquats pour répondre au moins en partie aux attentes de
ces porteurs de projet.

2.2. Cadre conceptuel

2.2.1. Définition et rôles potentiels des activités d’agro-transformation en Guyane

On pourra prendre comme définition d’activités d’agro-transformation dans cette étude « toutes les
activités menées, à l’échelle individuelle ou en groupement, de transformations physiques (à savoir
séparation, séchage, fragmentation, extraction, fermentation, mélanges, traitements thermiques,
conditionnement, etc.) et de commercialisation des produits agricoles, de l’élevage et de la pêche. Y
sont intégrées les activités commerciales de préparation de repas (restauration) et le micro-commerce
de produits bruts, transformés, voir prêt à consommer » (Bricas et Broutin, 2008). Ce dernier point est
effectivement à noter puisque dans cette étude nous nous intéresserons également à la préparation de

32
repas pour la commercialisation, car cette activité devient aussi source de revenu pour de nombreuses
femmes de la zone étudiée.

Un rapport de 2011-2012, sur l’agro-transformation dans l’Ouest Guyanais (région de Saint-Laurent-


du-Maroni), montre que 90% des transformateurs ont une production agricole (Fédération
Départementale des Maisons Familiales et Rurales, 2011-2012). La transformation des produits
agricoles joue un rôle primordial dans la consommation alimentaire des ménages agricoles. D’une part
elle permet de rendre consommable des aliments qui sont toxiques sans transformation (par exemple,
le manioc amer qui doit être fermenté). D’autre part, elle améliore la durée de conservation des
produits et permet donc de diminuer les pertes au champ. Dans l’Ouest Guyanais ces pertes peuvent
atteindre 50% des récoltes pour certaines cultures (ananas, banane « douce », banane plantain…)

De plus, les activités d’agro-transformation peuvent aussi représenter une source de revenu
complémentaire non négligeable pour les ménages. En effet, lorsque ces pratiques domestiques
passent à une échelle commerciale, la transformation peut être un véritable moyen d’améliorer la
valorisation des produits agricoles. Dans la région de Saint-Laurent-du-Maroni, près de 50% des
agriculteurs qui avaient été enquêtés, ont déclaré vendre des produits transformés

Cependant ces activités restent souvent à petites échelles, manuelle ou avec du petit matériel et donc
produisent de petites quantités. De ce fait, elles ont assez difficilement accès aux appuis et demeurent
très marginalisées. Ces activités restent donc en général dans le secteur informel. Plus de la moitié des
personnes commercialisant leurs produits n’étaient pas déclarés dans la région de Saint-Laurent en
2012.

Ces constats sur la région de Saint-Laurent-du-Maroni, nous donnent des pistes de réflexion pour
comprendre la place de la transformation dans l’organisation des activités des producteurs

2.2.2. La notion de projet

Un des objectifs du stage est de proposer des axes d’accompagnement pour les porteurs de projets
dans le domaine de l’agro-transformation

Le mot projet apparait d’abord dans l’univers architectural où il a sens de « mettre en avant dans
l’espace ». Il inclut donc à la fois l’action et la direction (Young et Valash, 2006). Le projet est aussi
dynamique. Il est en construction permanente en fonction des évolutions du milieu. Il s’adapte aux
situations dans lequel se trouve ou va se trouver l’auteur du projet. En ce sens, le projet est aussi

33
anticipation (Boutinet, 1990). Mais il garde un caractère indéterminé car il doit pouvoir s’adapter au
changement. Le projet est donc aussi synonyme d’autonomie pour celui qui le pense car il peut, par
cette capacité d’adaptation, se projeter dans le futur quelles que soient les conditions évolutives de son
milieu. De plus le projet est socialement construit. En effet, il s’intègre à un contexte où d’autres
acteurs (individu ou groupe) agissent directement ou indirectement avec celui qui imagine le projet. Il
s’inscrit donc dans un réseau social (Young et Valash, 2006).

On peut donc retenir du projet qu’il est dynamique, synonyme d’adaptation et anticipation pour celui
qui le conçoit et qu’il s’intègre à un contexte social et à un réseau d’acteurs. Ces éléments qui le
caractérisent vont permettre de définir comment construire le projet. Jean-Pierre Boutinet s’intéresse
plus particulièrement au projet de développement qu’il relie à trois dimensions :

- une dimension sociologique : valorisation des acteurs qui participent au projet et/ou qui en
sont bénéficiaires
- une dimension technologique pour la mise en œuvre des projets
- une dimension économique : plus-value apportée sous forme d’avantages par rapport au coût.

Le projet de développement doit donc être imaginé de manière multidimensionnelle. Il implique


toujours « la collaboration de plusieurs instances » (Boutinet, 1990) : Etat et autres institutions
publiques, organismes privés etc.

Nous retiendrons en particulier dans cette définition du « projet » le fait qu’il s’intègre à un contexte
social/un réseau d’acteurs et qu’il est multidimensionnelle.

2.2.3. De la notion d’accompagnement à l’accompagnement de projet

Nous avons vu précédemment que le projet est synonyme d’autonomie, d’initiative de la part de celui
qui le créé. Pourtant lorsqu’on parle d’accompagnement, ceci évoque pour l’individu concerné une
certaine vulnérabilité (Boutinet, 2006) . Ainsi l’accompagnement de projet peut être vu comme un
paradoxe car il s’agit de venir en aide à un individu qui devrait en principe être autonome. Pour aller
au-delà de cette contradiction, l’accompagnateur doit prendre en compte plusieurs caractéristiques du
projet:

 la personne accompagnée se situe bien en auteur, c’est ce dernier qui élabore et réalise le
projet. L’accompagnateur doit veiller à limiter son emprise sur lui sans pour autant le
laisser seul.
 le projet doit être considéré comme itératif par chacune des personnes. Il s’élabore et se
réalise par ajustements successifs qui doivent être acceptés par les deux parties prenantes

34
 ils doivent aussi accepter de se confronter à une situation d’incertitude. D’une part la
personne qui a un projet ne sait pas toujours où elle va exactement, ce qui doit être
compris par l’accompagnant. D’autre part, il n’est pas possible de prévoir les résultats de
toutes actions qui seront mises en place. Bien qu’il ne soit pas toujours possible de définir
le temps de l’accompagnement, celui-ci doit bien être perçu par les deux acteurs comme
étant transitoire.
 les opportunités doivent être identifiées pour garantir une possible réussite du projet qui
est nécessaire à tous pour espérer avancer dans le projet
 les pratiques d’accompagnement ne sont pas renouvelables et doivent être spécifiques à
chaque auteur de projet

On observe en pratique plusieurs postures dans l’accompagnement qui laisse un degré d’autonomie
plus ou mois important à l’auteur du projet. La posture de l’accompagnateur sera fonction du niveau
de prise en compte des différentes caractéristiques présentées ci-dessus. Plusieurs types de posture
peuvent alors être observés (Paul.M, 2004) :

 L’escorte : l’accompagnement a lieu pour surveiller, protéger, soutenir… Chez Boutinet,


ceci est apparenté à une personne accompagnée mais qui garde son autonomie et
l’accompagnateur interviendra en fonction de la demande de la personne accompagnée,
sans pour autant l’abandonner dans les moments de doute.
 La guidance : l’accompagnement permet de montrer le chemin, de conseiller, orienter…
Pour Boutinet, la personne accompagnée plus fragile que celle du premier cas, nécessite
de faire avec l’accompagnateur, de co-construire, tout en étant confortée dans son
autonomie.
 La conduite : dans ce cas, l’accompagnement permet de mener à son but en étant à la tête
de ce mouvement. Chez Boutinet, cela se rapproche d’un cas où la personne à
accompagner est considérée comme totalement dépendante. L’accompagnateur se
substitue à l’accompagné, ce qui renforce sa situation de dépendance.

Les modalités d’accompagnement qui correspondent à la vision du PAG se situent plutôt dans les deux
premiers registres. L’objectif est bien d’apporter un appui transitoire afin que les porteurs de projet
puissent à terme être indépendant du PAG ou de n’importe qu’elle autre structure. Selon le type et la
maturité du projet (produits traditionnels ou nouveaux produits, technique au point ou à améliorer…)
ainsi que le profil du porteur de projet (histoire, formation, quantité/qualité du produit), l’idée
« d’escorter » ou de « guider » sera plus ou moins utilisée. Ces éléments permettent de situer le cadre
dans lequel doivent s’inscrire les propositions d’accompagnement qui seront faites : l’élaboration des
projets des habitants du territoire doit s’opérer de manière endogène pour assurer leur pérennité.

35
2.3. Démarche et méthodologie
Le stage organisé doit permettre d’aboutir à :

 un diagnostic des activités de transformation à l’échelle du territoire pour comprendre leur


fonctionnement, leurs contraintes et leurs opportunités
 l’identification de porteurs de projet dans le domaine de l’agro-transformation qui
nécessitent un appui pour le développement de leur activité (trois à quatre porteurs de
projets)
 des propositions d’accompagnement à deux niveaux : à une échelle territoriale pour
l’ensemble producteurs/transformateurs et à une échelle individuelle (voire collective)
pour chaque porteur de projet identifié précédemment.

2.3.1. L’approche par système d’activité

La première partie du stage consiste donc en une phase de diagnostic. Celui-ci doit permettre de faire
ressortir les difficultés des agro-transformateurs et ainsi de proposer des axes d’accompagnement
adaptés à leurs besoins. Ce diagnostic doit tenir compte des paramètres sociaux, économiques,
techniques, et permettre d’analyser les acteurs en présence. C’est pourquoi il peut être intéressant
d’avoir une approche systémique, c'est-à-dire qui repose sur différentes disciplines qui permettent de
se rapprocher au plus près de la réalité de l’objet d’étude en s’intéressant aux divers éléments qui le
constituent et qui l’entourent mais aussi aux interactions entre ces éléments (voir la définition INRA-
SAD, 1980).
Pour pouvoir analyser la situation des producteurs de produits agro-transformés, il s’agit donc de
s’intéresser à l’ensemble de leur organisation et de leur environnement. Pour cela, il est possible
d’utiliser le concept de système d’activité qui peut être défini comme un « ensemble structuré
d’activités localisées et en interaction, mises en œuvre par une entité sociale en mobilisant les
ressources disponibles en vue de satisfaire les objectifs de l’entité sociale et de permettre son maintien
en équilibre dynamique dans un environnement écologique, économique et social donné » (Gasselin,
2009). Ce type d’analyse pourra permettre d’établir un diagnostic qui comprendra l’organisation de la
famille dans son ensemble et suivant différentes dimensions (sociale, économique, étude des réseaux
d’acteurs…).
L’analyse des systèmes d’activités commencent par la définition de l’unité sociale ou du ménage au
niveau du territoire, c'est-à-dire des personnes qui participent et bénéficient de ce système d’activité. Il
s’agit de comprendre et caractériser la structure familiale ainsi que son fonctionnement et les modes de

36
décisions existants. Ce ménage est au centre d’un système social et dépend des éléments de ce système
qui sont présentés dans le schéma ci-dessous :

Figure 11: Système d'organisation du ménage

Pour chaque ménage, il s’agira de comprendre chaque activité exercée par la famille, d’une part en
définissant les activités agricoles mais aussi les autres activités comme l’agro-transformation, la
production d’artisanat, le commerce, la chasse… et d’autre part essayer d’en analyser le
fonctionnement (qui participe ? Quand ? Combien de temps ? Pour quel revenu ?...). Il faudra
également essayer de comprendre pourquoi ces activités existent, quelle est la stratégie des ménages.
Enfin un regard sur la trajectoire de la famille dans son environnement et des réseaux d’acteurs en
interaction avec les membres du ménage facilitera la compréhension des choix qui ont été faits.
Ces éléments permettront de définir les difficultés rencontrées pour chaque famille, mais aussi les
contraintes et opportunités plus généralisées chez l’ensemble des producteurs. Même si cette approche
étudie l’ensemble des activités, on centrera tout de même l’analyse sur les activités d’agro-
transformation qui sont le cœur du sujet et sur l’activité agricole car elle est génératrice de
matières premières pour la transformation.
Enfin l’analyse de ces systèmes d’activités permettra d’établir une première ébauche de typologie du
groupe ciblé pour l’étude. Elle doit permettre de déterminer des grands groupes de transformateurs
avec des contraintes proches.

2.3.2. Une méthodologie pour l’accompagnement des porteurs de projet en Guyane

En 2012, le bureau d’expertise DEFIS (Développement, Expertise, Formations, Ingénierie pour le


Sud) pour les domaines du développement agricole et agro-alimentaire avait déjà effectué une mission
pour le Parc amazonien de Guyane. L’objectif était notamment de proposer un dispositif de formations
adaptées aux porteurs de projet présents sur le territoire du parc qui devait reposer sur une approche

37
systémique (Barranger et Lambert, 2012). Par rapport à la méthodologie proposée dans le document,
nous retiendrons plusieurs points:

 La définition d’une typologie des projets susceptibles d’être accompagnés en fonction du


domaine d’activité, des techniques à maitriser, du profil des porteurs de projet, du degré
de maturité du projet, des systèmes d’activités s’articulant autour du projet ;
 L’identification du niveau de connaissance/capacité des porteurs de projets déjà existants
ou à développer en lien avec la création, la mise en œuvre technique et la gestion
d’activités économiques ;
 Une compréhension des interactions entre les différents acteurs intervenant dans les
activités ;
 La mobilisation des savoir-faire locaux et la co-construction de l’offre de formation avec
les bénéficiaires en les impliquant dès le début de l’étude.

Bien que cette mission ait eu pour objectif de proposer un type d’accompagnement (la formation), on
peut s’appuyer sur cette méthode pour compléter l’analyse par système d’activité et affiner la
typologie. Dans le cadre de ce stage, tous les acteurs rencontrés n’avaient pas forcément de projets
dans le domaine de l’agro-transformation mais tous apportaient des informations intéressantes à
exploiter sur leur activité. Il a donc été décidé d’établir une typologie de transformateurs et non de
porteurs de projet (idée initiale). Cette typologie se fondera sur l’analyse des systèmes d’activités,
mais également sur des éléments de contexte, d’histoire, de connaissances/capacités des
transformateurs pour la mise en œuvre de leur projet, du niveau de maturité de leur activité…
Cette typologie devra permettre de définir des axes d’accompagnement par grands groupes de
transformateurs qui pourront être de différentes natures (appui technique, financement, formations…)

Collecte d’informations
Différents acteurs ont été rencontrés pour collecter les informations :

 Des personnes ressources pour comprendre le contexte agricole guyanais et les


opportunités des produits transformés ;
 Des acteurs publics ou privés pouvant avoir un rôle dans les filières agricoles et des
produits agro-transformés (DAF, entreprise locale de produits transformés, organisme de
recherche) ;
 Des consommateurs pour avoir une idée de leur consommation en produits locaux et
comprendre leurs attentes vis-à-vis de ces produits ;
 Des producteurs de produits transformés/agriculteurs ou de personnes ayant abandonné
cette activité.

38
La réalisation d’enquêtes auprès des acteurs du territoire, l’observation et la participation aux activités
ont permis de collecter les informations nécessaires. Deux types d’enquêtes ont été effectués :

 Des entretiens directifs (questions fermées) avec les consommateurs locaux et du littoral
pour avoir une idée de leur consommation en produits locaux et comprendre leurs attentes
vis-à-vis de ces produits.
 Des entretiens semi-directifs avec les autres acteurs enquêtés. En particulier pour les
producteurs, l’entretien reposait sur des questions ouvertes, ainsi l’entretien était semi-
structuré pour guider la discussion tout en laissant place à l’émergence de nouvelles
questions pour s’adapter au cheminement de l’enquêté. Une autre série d’enquêtes a été
réalisée auprès des porteurs de projet pour approfondir avec eux les forces et les faiblesses
des activités qu’ils souhaitaient développer.

Les grilles d’enquêtes sont présentées en annexe 9, 10, 11.

Identification de la population cible, échantillonnage

Le stage devait permettre d’étudier les activités d’agro-transformation et d’identifier des porteurs de
projet dans ce domaine. Le groupe ciblé initialement était l’ensemble de la communauté bushinengue
de Maripasoula et Papaïchton et plus particulièrement les femmes car ce sont elles qui s’occupent
traditionnellement des activités agricoles et de transformation. Cependant on observe également
certains hommes qui gèrent l’activité agricole avec ou sans leurs femmes, alors que celles-ci se
spécialisent dans la transformation. Ces cas ont aussi été étudiés. La zone d’étude devait s’étendre sur
Maripasoula et Papaïchton. Quelques jours de terrain ont été effectués sur Papaïchton (ce qui aura
permis de repérer une porteuse de projet) mais les enquêtes se sont finalement majoritairement
concentrées sur Maripasoula car le nombre de personnes à visiter étaient déjà élevé et les
déplacements entre Maripasoula et Papaïchton n’étaient pas toujours faciles.
L’association de producteurs de Maripasoula, l’ADAHM (Association Des Agriculteurs du Haut-
Maroni) a également été rencontrée afin de savoir si elle pouvait jouer un rôle dans le développement
des activités d’agro-transformation au travers d’un projet collectif.
Pour débuter les enquêtes, il était d’abord prévu de rencontrer des agriculteurs connus par le PAG. Les
personnes ressources enquêtées ou suivant le dispositif de formation du Haut-Maroni (l’entretien
pouvait être effectué en français afin de faciliter la compréhension de l’organisation familiale et des
systèmes d’activités). Ces premiers entretiens devaient aussi permettre de prendre contact avec des
producteurs qui n’appartenaient pas à ces réseaux afin de diversifier les situations des personnes
enquêtées. En effet, le fait d’appartenir à ces réseaux influe notamment sur l’accompagnement reçu au
cours de ces dernières années et donc sur l’état actuel des activités des personnes enquêtées.

39
Les enquêtes auprès des consommateurs sur le littoral ont été faites de manière aléatoire sur le marché
de Cayenne, celles auprès des consommateurs locaux se sont faites dans les écoles, le dispensaire, la
mairie et d’autres structures où sont employées des personnes qui n’ont en général pas d’activité
agricole (ou assez restreinte).

Calendrier de travail
Le travail en Guyane a commencé mi-avril jusqu’à mi septembre. Il était initialement organisé en
plusieurs phases qui sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Figure 12: Calendrier de travail

Etapes Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre


Bibliographie-Pré soutenance
Formulation des objectifs
Rencontres agents du PAG siège-
Biblio
Rencontres personnes ressources
littoral
Reconnaissance terrain
Entretiens personnes ressources
MPA
Enquêtes
producteurs/transformateurs

Entretiens approfondis avec les


porteurs de projets
Formulation des propositions
d’accompagnement par groupe et
individuel
Restitution acteurs locaux et PAG
Rédaction du mémoire
Rédaction du mémoire

Soutenance

Après la première phase de travail sur Montpellier, l’arrivée au siège du PAG a permis de mieux saisir
les enjeux du parc, d’affiner les objectifs de stage et de rencontrer l’équipe. Cette période a également
permis des rencontres avec des acteurs institutionnels (DAF, préfecture…) et d’autres structures
publiques, privées, associations pouvant participer de près ou de loin au développement des filières
des produits agro-transformés. Les entretiens avec les personnes ressources sur le terrain ont permis de
mieux appréhender le territoire et de compléter les informations sur le contexte local. Les phases
d’enquêtes auprès des agriculteurs/producteurs se sont en général faites en plusieurs étapes : entretiens
pour la compréhension de leurs activités, visite sur l’abattis et lors des activités de transformation au
foyer, pour certains des entretiens approfondis par rapport à leur projet. La phase de formulation des

40
propositions d’accompagnement a nécessité une première analyse des entretiens effectués et des
recherches notamment en termes de matériel. Trois restitutions ont été effectuées. La première a été
organisée auprès des producteurs et avait pour objectif de présenter les contraintes identifiées aux
cours des enquêtes pour la validation et pour proposer certaines solutions afin de discuter de leur
intérêt. Une autre restitution a été effectuée sur Maripasoula avec certains agents de la délégation
territoriale du Maroni, les deux ingénieurs responsables du dispositif de formation et un agent de la
collectivité locale. Une dernière restitution a enfin été réalisée au siège du PAG pour les agents du
littoral.

2.4. Difficultés rencontrées


La première difficulté rencontrée concernait la division du temps de travail sur le terrain entre
enquêtes pour l’analyse des activités des producteurs et enquêtes auprès des porteurs de projet pour
comprendre leurs contraintes et leurs objectifs. En effet pour établir une typologie le nombre
d’enquêtes doit être suffisamment important afin de pouvoir caractériser des groupes. Cependant ces
premières discussions ont bien souvent permis d’identifier les porteurs de projet dans le domaine de
transformation et d’aborder en partie les obstacles qui s’opposent au développement de leur activité.
25 enquêtes approfondies avec les producteurs ont été réalisées. Ce nombre n’a pas toujours permis de
bien affiner les typologies de producteurs et de transformateurs qui mériteraient peut être d’être mieux
définies avec d’autres entretiens.
Les productrices n’ont pas pour habitude de noter leurs coûts de production et leurs recettes, les
quantités utilisées, ni le temps passé pour les activités de transformation. Ainsi il est très difficile
d’estimer sur une année entière les récoltes obtenues, les quantités de produits transformés préparés,
les bénéfices etc. Des approximations ont pu cependant être faites notamment par mesure des quantités
utilisées et produites lors des transformations. Mais il restait compliqué d’assister à toutes les phases
de préparation de chaque produit transformé qui s’étalent sur plusieurs jours et temps a manqué pour
effectuer ces mesures au cours des différents types de transformation.
Le travail d’enquête s’est effectué la plupart du temps sans traducteur malgré le fait qu’une grande
partie des enquêtés ne parlait pas français. Cependant en général, les enfants les plus âgés des familles
qui ont été scolarisés ont pu apporter leur aide pour la traduction. Il a donc fallu s’organiser pour
prendre des rendez-vous chez les producteurs lorsque les enfants étaient présents.

41
PARTIE 3 : Place des activités d’agro-transformation dans
l’organisation des communautés bushinengue du Haut-Maroni

Cette partie permettra de décrire la place des activités de transformation au sein des ménages de la
communauté Bushinengue de Maripasoula (majoritairement aluku). L’analyse présentera dans quelles
mesures elles peuvent être un levier pour le développement économique de la zone et un revenu
complémentaire pour les familles.

3.1. L’évolution des systèmes d’activité dans la société bushinengue


depuis la fin du XIXème siècle
Les modes de vie de la communauté Aluku sur le Haut-Maroni se sont profondément modifiés depuis
un peu plus d’un siècle et tout particulièrement depuis la création de la commune de Maripasoula
(1968). Les éléments bibliographiques4 et des enquêtes de terrain nous ont permis de définir 3 phases
d’évolution des systèmes d’activités qui seront présentées pour comprendre les changements auxquels
ont été confrontées les populations (voir figure 13).

3.1.1. De l’installation sur le Maroni jusqu’à la fin du 19ème siècle : une organisation
traditionnelle favorisant l’autonomie des populations

La première période s’étend de l’installation des communautés issues de l’esclavage le long du


Maroni, jusqu’à la fin du 19ème siècle. A cette époque, les coutumes traditionnelles ont été très peu
modifiées. Les groupes Aluku n’avaient que très peu de contacts avec les habitants du littoral déjà
sous forte influence de la métropole. Les journées étaient rythmées par les activités en forêt (chasse,
travail sur l’abattis, cueillette, ramassage du bois…), sur le fleuve (pêche) et au village (préparation du
couac, construction de pirogues, vannerie…). La population trouvait la quasi-totalité des ressources
dont elle avait besoin dans son environnement et était donc indépendante du littoral et de l’économie
monétaire. De par le passé douloureux des communautés bushinengue, les aluku refusaient toutes
actions qui induiraient des relations hiérarchiques entre les membres du groupe. Ceci explique en
partie pourquoi ces populations avaient et ont encore, des difficultés à se regrouper dans but commun.
Ainsi assez peu d’activités sont menées en groupe si ce n’est entre parents ou amis très proches de 4 à
5 personnes (Hurault, 1965). De plus les activités étaient organisées au jour le jour. Disposant de
toutes les ressources nécessaires sur leur territoire, les habitants des villages n’avaient pas besoin de
s’organiser sur de longues périodes. Mais comme nous le verrons par la suite, cette situation évoluera
et obligera les membres de la communauté à se projeter et à s’organiser sur le long terme.

4
Hurault, 1965. Piantoni, 2002. Delpech, 1993. INSEE, Commune de Maripasoula, 2012.

42
Figure 13:Evolution des systèmes d'activités dans les communautés bushinengue du Haut-Maroni

43
Quelques précisions vont être apportées sur les activités pratiquées, notamment la pêche, la chasse, la
construction, l’artisanat… qui ne seront pas redéveloppées dans la suite de l’étude mais dont
l’évolution à un impact sur les modes de vie actuels, notamment en ce qui concerne l’autonomie
alimentaire du territoire.

Activité de transformation : La transformation concernait majoritairement le manioc amer qui est


toxique tant qu’il n’a pas subi de processus de fermentation. La transformation peut nécessiter près
d’une semaine de travail. Ainsi la fabrication de couac à partir du manioc est une activité importante
dans l’emploi du temps des femmes. D’après Hurault (1965), la préparation représentait une semaine
de travail par mois. Cet aliment représentait la base des repas dans les communautés Aluku. D’autres
produits étaient fabriqués à base de manioc comme la cassave (galette) ou encore le domi qui est une
farine non cuite de manioc blanc qui servira à préparer des soupes. D’autres aliments sont préparés à
partir des plantes issues de l’abattis ou de la cueillette :

- des farines de riz ou de maïs principalement pour la préparation de bouillies pour les enfants.
- les fruits des palmiers consommés sous forme de pâtes/jus ou d’huile.
- plus occasionnellement pour les rites sont préparés de la pâte d’arachide et du jus de canne

Ces produits transformés sont donc importants non seulement pour assurer l’alimentation mais ils
jouent aussi un rôle essentiel lors des événements traditionnels (utilisés comme offrande par
exemple). Très peu d’outils sont utilisés pour ces préparations : planche à grager5 pour le manioc,
pilon et mortier, presse manuelle en bois… Ces activités sont effectuées par les femmes.

Chasse et pêche : La pêche était l’une des principales sources d’alimentation des Bushinengue. La
technique la plus utilisée est la nivrée. Elle consiste à empoisonner les rivières en périodes de basses
eaux grâce à des lianes à roténone. Cette pratique, certes efficace, tue cependant de quantités de
poissons bien plus importantes que nécessaires et touchent les gros poissons comme les petits. Les
Noirs-Marrons utilisent également des nasses pour piéger de gros poissons comme les aïmaras ou
pratiquent la pêche à l’hameçon, mais cette dernière pratique est plutôt utilisée par les femmes et les
enfants aux alentours des villages. La chasse, exercée essentiellement par les hommes chaque semaine,
permettait de rapporter du gibier, mais s’est développée d’avantage dans la période suivante. Elle était
synonyme de virilité pour les hommes au sein de la société.

5
Tôle criblée d’impact de pointes pour râper le tubercule, travail qui demandait énormément de temps.

44
Construction et artisanat : Le travail du bois et la construction des maisons et des pirogues par les
hommes à cette époque montre que ceux-ci avaient élaboré des techniques avec peu de matériel. Les
constructions en bois pouvaient être fiables de 20 à
30 ans. Les maisons pouvaient comporter de divers
ornements notamment des sculptures en bois et des
peintures d’art. Les pirogues construites par les
Aluku sont reconnues depuis cette époque comme
d’une grande qualité pour la navigation sur les
rivières où l’on rencontre de nombreux sauts. Les
activités d’artisanat étaient également présentes,

notamment la technique de la vannerie et l’art Figure 14: Peinture tembe sur la halle du
marché. Source : Amandine Soury
« tembe ».

Exploitation des ressources forestières végétales : La cueillette faisait également partie du quotidien
des populations : feuilles de way (palmier) pour la fabrication des toits, graines et fruits à usage
alimentaire ou médicinal… Elle peut à certains moments de l’année compléter largement les récoltes
de l’abattis. Le ramassage du bois de chauffage est également une opération essentielle pour la
préparation des produits transformés et des repas.
Jusqu’au début du 20ème siècle, les modes de vie des Aluku reposent donc sur l’utilisation des
ressources de la forêt et du fleuve sans empêcher leur régénération du fait de la faible densité
d’habitants, de leur répartition (plusieurs villages éloignés les uns des autres) et de leur mouvance sur
le territoire (agriculture itinérante).

3.1.2. Le temps de l’expansion de la filière aurifère : développement des services et du petit


commerce avec les Créoles

La deuxième période débute avec l’arrivée des orpailleurs créoles suite à la découverte de gisements
aurifères sur l’Inini6. Cet événement marque le début d’une association entre Créoles et Aluku qui va
faire évoluer les fonctions de leurs activités traditionnelles.
L’organisation des activités agricoles et de transformation demeure assez stable pendant cette période.
On notera l’introduction de nouvelles cultures apportées par les Créoles, notamment les fruitiers tels
que les manguiers, les citronniers, les orangers… Cependant, à part les manguiers, les Aluku ne
cultivent pas de fruitiers. Ils vont parfois ramasser des oranges et des citrons sur les terrains
abandonnés des Créoles. A cette époque les activités à l’abattis représentent encore la majeure partie
du quotidien des femmes puisque que 1 ha cultivé seule représente près de 210 jours de travail. Si on
ajoute à cela les temps de travaux domestiques (notamment la préparation du couac), il n’est guère

6
Cours d’eau s’écoulant dans le Sud de la Guyane

45
possible pour une femme seule de cultiver plus d’un 1 ha. D’après Hurault, une surface de 0,8 ha
permet de nourrir un ménage de quatre personnes sans période de soudure avec les autres produits
issus de la cueillette, de la pêche et de la chasse. Il n’est pas rare que les foyers soient plus importants.
Cette surface permet également d’obtenir des surplus à certaines périodes de l’année. La présence des
hommes et d’enfants en âge de travailler est donc essentielle pour produire sur d’assez grandes
surfaces afin de subvenir aux besoins du groupe.
Cette évolution des activités agricoles et de transformation prend une fonction importante. En effet,
les Aluku développent la vente des surplus de leurs productions. Ainsi, les excédents de couac, riz,
ignames, maïs, bananes sont vendus aux orpailleurs. Ci-dessous quelques prix des produits proposés à
cette époque :

Tableau 2: Prix de vente de quelques productions en 1962

Produits Prix en ancien Fr/kg Prix en €/kg


Couac 100 1,44
Riz décortiqués 80 1,15
Régimes de bananes/plantain 25 0,36
Ignames 50 0,72
Maïs 60 0,86
D’après Hurault, 1965

Quatre bombes7 de couac vendues 2 400 francs, permettaient de payer le fret d’un baril de 100kg de
marchandises entre Saint-Laurent et Maripasoula. Outre la vente des surplus, certaines femmes
travaillent également dans les abattis créoles, en échange de quoi elles reçoivent une partie de la
production ou sont rémunérées.
Avec le développement de l’orpaillage les hommes sont employés auprès des Créoles pour la
fabrication d’abris et de pirogues. Ils participent parfois aux travaux d’abattage et de préparation des
planches en bois. Cette époque est aussi caractérisée par les migrations temporaires des hommes. En
effet, ceux-ci reconnus pour leur qualité de piroguier sur le fleuve sont employés pour le transport
fluvial de l’or vers le littoral mais aussi l’importation de marchandises sur les sites d’orpaillage. Leur
connaissance de l’exploitation du bois pour la construction leur permet également de trouver des
emplois temporaires sur le littoral dans les exploitations forestières. Les hommes sont de moins en
moins disponibles notamment pour soutenir les femmes dans les travaux sur l’abattis.
Le développement des emplois temporaires et du petit commerce auprès des Créoles insèrent petit à
petit les Aluku dans une économie monétaire. Ces activités ont considérablement augmenté les
possibilités d’achat des Aluku notamment en permettant l’accès à des produits manufacturés

7
Contenant utilisé par les Créoles qui contenait 11 kg de couac

46
(vêtements, instruments de cuisine, sel, huile, sardines…) et à de nouveaux équipements (moteurs
pour les pirogues, carburant, munitions et fusils pour la chasse….).

3.1.3. La réorganisation administrative de la Guyane : bouleversements des modes de vie dans


la communauté aluku

Suite au processus de départementalisation de la Guyane, Maripasoula devient une commune en 1968.


Cette réorganisation administrative, combinée à la baisse du secteur aurifère a entrainé d’importants
changements dans les systèmes d’activités des populations locales.
En effet, depuis une vingtaine d’années, l’extraction d’or sur le territoire n’a cessé de diminuer du fait
des conditions de vie difficiles des orpailleurs et de la diminution des gisements d’or. Beaucoup de
Créoles ont quitté les sites d’orpaillage et les relations qu’ils avaient établies avec les populations
locales ont peu à peu disparu. Ainsi, les emplois (constructions, travaux sur les sites d’orpaillage,
transports) et les possibilités de vente se sont considérablement réduites pour les communautés aluku
qui avaient développé leur économie avec la présence des Créoles. Grâce aux réseaux mis en place
précédemment, certains ont pu continuer leur activité de transport fluvial de marchandises, mais de
nombreuses personnes vont migrer vers le littoral en quête de travail (exode rural de 65 à 80). A partir
de 1970, l’accès aux équipements, aux services (centre de santé, mairie, transferts sociaux…) et aux
biens de consommation moderne incite les familles à se rapprocher des bourgs de Papaïchton et
Maripasoula. Petit à petit la population des villages diminue et ceux-ci tendent à disparaître pour venir
gonfler les bourgs. Ces éléments touchent fortement l’activité agricole. Eloignées du territoire de leur
lignage, les familles commencent à exploiter des parcelles en périphérie des bourgs de Maripasoula et
Papaïchton. Mais l’augmentation rapide de la densité des abattis autour des villages oblige les
producteurs à s’éloigner de plus en plus de leur foyer.
Trois facteurs ont donc considérablement touché l’activité agricole :

- Une modification de l’accès à la terre


- Une réduction du nombre des acheteurs de produits agricoles (départs d’orpailleurs)
- Une diminution de la main d’œuvre familiale (enfants à l’école, hommes émigrés sur le
littoral)

Ainsi, suite à la réorganisation administrative, le nombre d’actifs travaillant dans l’agriculture a


progressivement diminué (tableau 3)

47
Tableau 3: Evolution de la part d'actifs dans le secteur agricole

Commune de Maripasoula 1975 2000 2009


Population totale 803 3700 7568
Population active (15 et plus) 507 2091 5070
Actif agricole 490 280 832
Part de la population active 96,6% 13,4% 16,4%
Source : INSEE, DAF, Robineau

On remarque qu’en 1975, la quasi-totalité de la population active était dans le secteur agricole, alors
que dans les années 2000, elle représente moins de 20%. L’agriculture n’est plus aussi bien rémunérée
qu’auparavant : si la vente de 4 bombes de couac permettait en 1962 de payer le fret de marchandises
de 100 kg entre Saint-Laurent et Maripasoula (soit plus de 300 km de trajet), 4 bombes de couac ne
permettront aujourd’hui que d’effectuer 2 allers-retours pour aller sur un abattis à PK 10 (situés à 10-
15 km de Maripasoula bourg). La mise en place du PRAHM en 1998 (cf. partie 1.3.3) avait pour
objectif de redynamiser un petit groupe d’agriculteurs notamment avec l’accès à la formation (élevage
de volailles, maraîchage) et des équipements comme des broyeurs à manioc pour la fabrication du
couac). Ce programme a également soutenu l’émergence de l’association de producteurs de
Maripasoula (essentiellement composée d’Aluku). Cependant, une fois le programme terminé, elle n’a
pas réussi à poursuivre sa mission d’appui aux activités agricoles, ce qui semble dû à un manque de
suivi et à des problèmes de gouvernance. En effet, il reste assez difficile pour les membres de la
communauté aluku de travailler avec les personnes d’une autre famille.
La majorité des activités traditionnelles se sont peu à peu restreintes (construction de pirogue, chasse,
cueillette) notamment avec la diminution des ressources naturelles et la sédentarisation des
populations. Un certain nombre de personnes ont trouvé des emplois au moins à mi-temps, par
exemple dans les écoles, la mairie, d’autres travaillent dans la construction. Avec l’accès aux biens de
consommation notamment aux aliments venus du littoral, les activités agricoles et de transformation
perdent leur rôle central de source d’alimentation indispensable pour la survie des populations. Une
large partie des revenus de la population repose aujourd’hui sur les transferts sociaux.
Cependant la part de la population active dans l’agriculture en 2009 (16,4%, tableau 3), augmente
légèrement par rapport à 2000 (13,4%). Bien que la part des actifs ait fortement diminué depuis 75, il
semblerait que l’activité agricole se maintienne sur ces dernières années. En 2006, l’INSEE évaluait le
seuil de pauvreté en Guyane à 6 833€/an alors que le RMI permettait de toucher 5 196€/an, non
suffisant pour dépasser ce seuil. Cet élément peut expliquer pourquoi la population malgré les
contraintes exposées précédemment, poursuit une activité agricole et tend même à se diversifier.
Certains producteurs essayent de s’organiser et de s’adapter pour améliorer la valorisation de leur
production.

48
En effet, il existe une demande conséquente en produits locaux sur Maripasoula. Des entretiens auprès
des habitants ayant des revenus assez élevés et réguliers pour la zone (personnes travaillant à la mairie,
dans les écoles, le dispensaire…) ont permis d’évaluer à 300 le nombre de foyers qui pourrait
consommer entre 150 et 300€ de produits frais et transformés par mois. Pourtant il est très difficile, en
particulier pour les métropolitains, de s’approvisionner sur place. Beaucoup d’entre eux se fournissent
sur le littoral et font venir par fret leur alimentation. Pour répondre à cette demande des circuits de
commercialisation commencent à se développer bien que la majorité des ventes demeure informelle.
.

3.2. Une diversification de systèmes de production en réponse aux fortes


contraintes du secteur agricole sur le Haut-Maroni
Bien que l’on observe une diversification des systèmes de production sur ces quinze dernières années,
l’agriculture exercée en pays aluku repose encore sur les pratiques traditionnelles des communautés
aluku. Le manioc, qui représentait la principale source d’alimentation par sa transformation en couac,
reste central dans l’organisation de l’abattis.
Généralement l’abattis est préparé entre juin et octobre en trois
étapes : le défrichage, l’abattage des arbres et le brulis. Cette
dernière opération permet d’éliminer les adventices. La plantation de
manioc débute alors en novembre et peu s’étendre jusqu’à janvier
afin d’étaler la récolte. Sauf en cas d’année difficile, la récolte ne
commencera qu’une année plus tard et pourra s’étendre sur un an. Le
manioc est toujours planté sur un terrain en pente pour limiter le
risque de pourriture des tubercules. On retrouve de nombreuses
autres espèces en association ou non avec le manioc : riz pluvial,
banane, igname, dachine, maïs, piment, patate douce, arachide… La

Figure 15: Récolte du manioc à récolte des tubercules s’étalent sur une année, une parcelle de
l'aide d'un sabre manioc est donc exploitée au minimum pendant 2 ans (voir le
calendrier de culture en annexe 12). Ensuite la parcelle est laissée
en jachère pour deux raisons : éviter un travail trop important de sarclage et s’éloigner des fourmis-
manioc, principaux ravageurs sur les abattis. L’agriculture itinérante repose donc également sur une
période de jachère normalement longue (supérieure à une dizaine d’années). Les périodes de
préparation de l’abattis et de plantation représentent les postes de travail les plus importants. Ces
travaux demandent une certaine force physique et ne peuvent être effectués par les femmes seules. La
main d’œuvre familiale n’étant pas toujours disponible en particulier au moment de la plantation
(enfants scolarisés), elles font de plus en plus appel à des journaliers qu’elles rémunèrent grâce aux
transferts sociaux qu’elles reçoivent.

49
L’ensemble des contraintes à la production agricole, présenté tout au long des parties précédentes est
résumé dans la figure 16.

Figure 16: Principales contraintes de la production agricole sur le Haut-Maroni

Les contraintes observées sont à plusieurs niveaux :

- Une difficulté d’accès au foncier (transport et pression foncière). Un certain nombre de


producteurs songent aujourd’hui à retourner habiter sur les abattis pour faciliter le travail et
limiter les vols mais l’installation sur leur terrain demeure difficile.
- L’augmentation du prix de la main d’œuvre. L’emploi de journaliers pour aider les
producteurs à l’abattis est limité. En une vingtaine d’années, le prix de la main d’œuvre est
passé de 20 à 40 euros/j. De plus cette période est aussi celle de la rentrée des classes qui
représente un poste de dépenses important dans les ménages.
- Des difficultés de commercialisation. La vente des produits en quantité sporadique n’a pas
favorisé l’émergence de points de vente réguliers. De plus en restant dans le secteur informel,
les producteurs n’arrivent pas toujours à vendre la totalité de leur stock (en période de pic de
production).
- Des difficultés d’accès aux intrants et aux aides qui limitent le développement des activités
agricoles et de transformation.
- Une faible capacité d’investissement dans l’activité agricole due aux dépenses des ménages
- Des initiatives collectives dans le domaine agricole pourraient favoriser les intérêts des
producteurs et améliorer la prise en compte de leurs contraintes sur le territoire. Cependant il
existe encore très peu d’actions en groupe actuellement.

Suivant les moyens des producteurs et les difficultés qu’ils rencontrent, différentes dynamiques sont
observées en réponse à ces contraintes. La suite de l’étude présentera cette diversification des systèmes
de production.

50
3.2.1. Spécialisation dans l’élevage bovin (A)

Caractéristiques : Revenu extra-agricole, surface importante en prairie, souvent créoles, réseau


avec les éleveurs du littoral
Cet ensemble d’agriculteurs n’a pas été rencontré lors des entretiens étant donné qu’il représente un
groupe très restreint (3 ou 4 éleveurs) et qu’il ne pratique pas d’activité de transformation végétale. Il
s’agit de personnes souvent pluriactives qui ont les moyens d’acquérir un foncier suffisant et
d’accéder à des intrants (en particulier pour l’alimentation). Souvent issus de familles créoles de
Maripasoula, ils ont développé des réseaux avec des éleveurs du littoral, facilitant l’achat des animaux.

3.2.2. Spécialisation dans la production de manioc, maintien de la jachère longue (B)

Caractéristiques : Revenu extra-agricole, moyen de transport, accès au foncier non limité, MO


rémunérée importante
L’objectif de cette spécialisation est de produire du couac en quantité pour la commercialisation. Le
manioc représente au moins 80% de la surface
cultivée. De plus pour limiter le développement
des adventices et éviter de réduire la fertilité du
sol, les temps de jachère sont longs. Ces
producteurs doivent donc disposer de surfaces
importantes et préfèrent les sols bien drainants et
légers pour limiter la pourriture sur les tubercules.
Ils font appel à des journaliers car la main d’œuvre

familiale n’est pas suffisante. Les ménages Figure 17: Abattis spécialisé en manioc
exploitant ce type d’abattis possèdent souvent des revenus complémentaires (poste à mi-temps,
transferts sociaux élevés…) et ont leur propre moyen de transport pour que l’activité puisse être
rentable. Au final très peu de producteurs réunissent ces conditions (capacité financière, surface
importante, possession d’un moyen de transport) et la spécialisation dans la production de manioc
reste minime.

3.2.3. L’abattis-brûlis à jachère courte (C)

Caractéristiques : Pas de moyen de transport propre, utilisation modérée/occasionnelle


d’insecticides et herbicides Avec l’augmentation de la pression foncière et le coût des transports
élevés, certains producteurs ne peuvent pas s’éloigner plus du bourg de Maripasoula et sont donc
contraints de diminuer leur temps de jachère sur leurs terres. Le système de production reste basé sur
les cultures vivrières (ainsi que quelques nouvelles cultures comme le gombo, la courge, le concombre
piquant). Cependant pour compenser la baisse de la productivité de la terre, l’achat de débroussailleuse

51
ou de désherbants sont parfois une solution pour limiter l’enherbement. Pour venir à bout des fourmis-
manioc certains commencent à utiliser des insecticides venant du Suriname. D’autres achètent de
l’engrais ou fabriquent du compost mais les quantités restent limitées. Ces dépenses se font suivant
l’état de la trésorerie du ménage, souvent avec les revenus du RSA. Pour ces producteurs l’objectif
reste de maximiser la production agricole pour répondre aux besoins alimentaires de la famille afin de
limiter l’utilisation des transferts sociaux aux autres postes de dépenses (vêtements, scolarisation…).

Figure 18: Association de manioc, gombo, bananier et piment

3.2.4. Diversification de l’abattis traditionnel (D)

Caractéristiques : Acquisition de nouveaux savoir-faire (formation/réseaux), sédentarisation des


parcelles
Cette diversification se présente sous trois formes : maraîchage, fruitiers et petit élevage. Selon les
capacités d’investissements des producteurs et de leurs connaissances, certains ne pratiquent qu’une
seule de ces activités, en complément des cultures vivrières, alors que d’autres les combinent. Cette
diversification a le plus souvent pour objectif de développer la commercialisation des productions.

 Depuis un peu plus d’une dizaine


d’années, des agriculteurs s’investissent
dans le maraîchage (D1): haricots,
concombres, aubergines, anthrua
(aubergine amère), sorossi, pastèques,
plus rarement des essais de choux,
tomates, salades… Cette dynamique a
notamment été amorcée avec les

Figure 19: Culture de "haricots kilomètres" sur


billon et en palissage 52
formations proposées dans le cadre du PRAHM. Certains construisent des serres pour les
cultures les plus sensibles, comme les tomates ou les salades, mais ils sont peu nombreux. Plus
récemment, l’irrigation des cultures maraîchères pour allonger la période de production est en
projet pour quelques producteurs. L’un d’entre eux a reçu récemment une cuve à eau. Dans le
contexte agricole de la zone, le maraîchage a deux avantages majeurs : d’une part il peut se
faire sur de petites surfaces (moins de 0,5 ha), d’autre part les légumes sont des cultures bien
valorisées à Maripasoula.

 Après un ou deux cycles de manioc, certains producteurs développent la plantation de


fruitiers (D2): orangers, citronniers, ramboutan,
goyaviers, pruniers de Cythère, cerisier de
Cayenne, corossolier, arbre à chadèque… mais
aussi des palmiers que l’on trouve
habituellement en forêt comme le comou, le
pinot (ou wassaï) ou encore le parépou. Une fois
en production, ces arbres permettent d’assurer un
revenu sur le long terme pour les agriculteurs.
Les surfaces réservées à ces plantations
représentent mois d’1ha. Cependant ces
plantations impliquent d’avoir un accès à la terre
sécurisé. En effet, les producteurs de ce type de
production possèdent presque toujours un titre
foncier suite au plan de régularisation de 2004 ou
Figure 20: Oranger en début de production
à l’acquisition de terrain dans le PAS (Plan sur un abattis, en parallèle des cultures
vivrières
d’Aménagement Simplifié) du PK10 (terres
destinées à un usage agricole par le PLU de 2007). Une partie de ces producteurs avait suivi la
formation sur l’arboriculture du dispositif de professionnalisation qui a eu lieu en 2011. A
l’heure actuelle, on trouve très peu de fruits frais sur Maripasoula mais la demande est très
forte. La plupart des fruitiers ne sont pas encore en production (plantés il y a 2 ou 3 ans le plus
souvent), mais la demande actuelle laisse présager que les producteurs trouveront facilement
des débouchés.

 Appuyé par le dispositif de professionnalisation, des producteurs ont commencé l’élevage de


petits ruminants (D3) (ovins, caprins. 4 exploitants suivis par le dispositif actuellement). Les
animaux demandent une certaine surveillance et sont donc le plus souvent à proximité du
foyer ce qui facilite le travail et permet également d’éviter les vols assez courants à
Maripasoula. D’autres développent l’élevage de volailles (poulets, canards, pintades), moins

53
contraignant que celui des petits ruminants. Il existe également de rares élevages porcins, plus
demandeurs en intrant. Une des principales difficultés restent l’approvisionnement pour les
animaux en particulier en saison sèche. Dans le cadre du dispositif de professionnalisation, des
expérimentations ont été mises en place pour tenter de palier à cette contrainte (préparation
d’ensilage et mise en place de culture fourragère). L’élevage en général demande un minimum
de trésorerie (construction abri, alimentation, soins vétérinaires…) et de suivi, il n’est donc
pas accessible à tous. Cependant cette activité constitue une source d’alimentation
intéressante pour les familles et elle permet aussi de diversifier les revenus. Le fumier issu de
l’élevage peut être valorisé en compost.

L’ensemble de ces nouvelles stratégies entraine des coûts de productions importants par rapport aux
moyens dont disposent les ménages du territoire. Ainsi l’abattis-brûlis à jachère, comprise entre 5 et
10 ans, reste le cas observé chez la majorité des producteurs (près de 80%). L’ensemble des remarques
sur ces différents systèmes de production sont résumés dans le schéma ci-dessous. Dans ce contexte
difficile où le travail des agriculteurs est peu mis en valeur, certains décident d’utiliser la
transformation, autre héritage culturel, comme moyen d’améliorer la valorisation des produits de
l’abattis.

54
A
SPECIALISATION DANS L’ELEVAGE BOVIN
Bovin viande < 20 têtes
Revenus extra- Réseau avec
Mise en place de prairies
agricoles éleveurs du littoral Souvent d’origine Créoles

Revenus extra- Accès foncier


agricoles
B ABATTIS-BRÛLIS, SPECIALISATION
favorisé
MANIOC
Cultures : orientées vers le manioc
Surface : plus de 10 ha
Main d’œuvre : nombreux journaliers
ABATTIS-BRULIS, JACHERE Transport : voiture personnelle
*peu observé, souvent en projet
LONGUE
Cultures : vivrières
D1
Surface : quelques hectares C ABATTIS-BRULIS, MARAICHAGE

MO : familiale JACHERE < 10 ans Sur de petites surfaces


Cultures : vivrières
Transport : à pied Surface : quelques hectares Souvent avec formations
Main d’œuvre : familiale, occasionnellement Construction de serres*
journaliers
Transport : taxi Irrigation*
Difficulté accès Utilisation
foncier d’intrants

D ABATTIS-BRULIS, DIVERSIFICATION D2
Surface : moins de 5 ha FRUITIERS
MO : familiale, journalier pour préparation de Fixation sur les parcelles
l’abattis et nettoyage Titre foncier
Transport : taxi ou voiture personnelle
Sédentarisation Nouveaux
D3 PETIT ELEVAGE
des parcelles savoir-faire
Ovin, caprin (< 15 têtes)
Volailles (<50)
Evolution des systèmes de productions Plus rarement porcin
Proche du foyer
Souvent avec formation
55
3.3. Des activités de transformation basées sur des productions locales
A l’origine la transformation des produits de l’abattis avait des fonctions alimentaires (couac) et
culturelles (pâte d’arachide, jus de canne pour les fêtes, levée de deuil…). Aujourd’hui son rôle évolue
puisque les produits transformés sont aussi commercialisés. Certains aliments qui n’étaient autrefois
préparés que pour des usages culturels, sont aujourd’hui produits en plus grande quantité afin d’être
vendus. De plus, avec l’introduction de fruitiers dans les systèmes de production, de nouveaux
produits font leur apparition. A part de très rares cas, la transformation est une activité exclusivement
effectuée par les femmes (sur toutes les personnes enquêtées, seuls deux hommes effectuaient une
activité de transformation). Le graphique suivant présente la part de producteurs rencontrés lors des
enquêtes (25) fabriquant chaque type de produit. La fabrication de couac et des autres dérivés du
manioc représente avec les jus les produits les plus transformés. En effet, le couac est préparé dans
presque toutes les familles ayant un abattis. Quand le ménage produit un excédent même faible, il est
souvent vendu, ce qui explique cette part importante du couac. Ce graphique mais en réalité seules 4
ou 5 femmes sur Maripasoula en produisent suffisamment pour une vente régulière.

Figure 21: une diversité de produits transformés

cuisine
locale:16% couac:21%

confiture,
glace:3%
autres
produits du
jus manioc:7%
locaux:22%
poudre de
piment:17%

pâte
d'arachide:14
%

Les jus de fruits locaux très appréciés des consommateurs, se vendent un peu partout sur les marchés
de Guyane et se développent rapidement sur Maripasoula et Papaïchton. De plus, cette transformation
demande peu de matériels et d’investissements. Le reste représente essentiellement des produits

56
traditionnels fabriqués en grande quantité pour la commercialisation. Le tableau suivant présente les
prix de vente des principaux produits cités relevés pendant la phase de terrain.

Tableau 4: Prix des principaux produits transformés sur le Haut-Maroni

Unité de mesure Prix Prix/kg ou /L


Couac Touque de 13 kg 40 € 3 €/kg
Tapioca Sac de 1 kg 8€ 8 €/kg
Pâte d’arachide Pot de 460 g 6€ 13 €/kg
Poudre de piment Bouteille de 200 g 7€ 35 €/kg
Jus locaux Bouteille de 33 cl 2€ 6 €/L
Plat local 1 plat Entre 6 et 8 €

Les produits les mieux valorisés au kilo sont la pâte d’arachide et la poudre de piment. Cependant, les
processus de transformation demandent un travail pénible et le matériel utilisé ne permet pas de
produire de grandes quantités, comme nous le verrons dans la suite de l’étude.
On peut distinguer plusieurs groupes d’activités de transformation selon les critères suivant :

- Nature du/des produits transformés


- Type de main d’œuvre et matériel utilisé
- Provenance de la matière première (achetée ou de l’abattis, dans ce cas type de système de
production)
- Matériel utilisé
- Réseau de vente
- Accès à l’information et aux appuis
- Autres sources de revenu

A partir de ces critères, six groupes de transformateurs ont été identifiés et vont être présentés. Notons
que nous avons également retenu les restauratrices bien qu’il s’agisse de transformatrices secondaires.
L’ouverture de points de vente pour la commercialisation de plats locaux à emporter se développe et
représente des opportunités pour améliorer les revenus.
Excepté l’activité de préparation de plats locaux, les autres transformations sont conditionnées par
l’approvisionnement en matières premières et/ou les conditions climatiques et ne peuvent donc être
effectuées de la même manière toute l’année.

57
3.3.1. Spécialistes dans la production de couac

Caractéristiques : Système de production B, capacité d’investissement, équipement pour la


production de couac, main d’œuvre journalière
Grâce aux importantes surfaces de manioc qu’elles cultivent, quelques femmes préparent du couac en
grande quantité pour la commercialisation. Cette activité nécessite d’une part d’avoir le matériel
adéquat pour la préparation du couac et d’embaucher des journaliers afin de participer à certaines
opérations de la production. Pour expliquer ses éléments, il est d’abord nécessaire de s’intéresser à la
méthode de fabrication du couac.
Cette pratique, améliorée au fil des années, permet d’éliminer l’acide cyanhydrique toxique contenu
dans les tubercules. Sans cette étape, le manioc ne serait pas consommable. Cette technique permet
également d’augmenter la durée de conservation des tubercules : en effet, ainsi préparée, cette farine
peut se conserver près d’un an. Les étapes qui vont être présentées sont résumées dans la figure 22.

 L’épluchage : c’est l’opération la plus longue et qui demande le plus de main d’œuvre. Mais il
s’agit aussi d’un moment de discussion et d’échanges entre les femmes qui y participent.
 Lavage et trempage: pour commencer à éliminer les toxines présentes dans les tubercules et
ramollir le manioc afin de faciliter la suite des opérations.
 Broyage : Autrefois manuel, il se fait aujourd’hui avec des broyeurs mécaniques
 Fermentation : la « pâte » de manioc obtenue est placée dans un bac en bois pendant 3 à 5
jours pour la fermentation.
 Pressage (pour évacuer le jus toxique) et tamisage (pour enlever un maximum les fibres du
manioc encore présentes après le broyage et qui ne sont pas appréciées lors de la
consommation)
 Cuisson dans une platine8 pendant près d’une heure trente. Les femmes utilisent des râteaux
triangulaires en bois afin de mélanger continuellement le manioc pour avoir des grains de
bonne taille et empêcher le couac de brûler. Cette technique représente un savoir-faire qui est
transmis aux femmes de génération en génération. Cette étape est particulièrement difficile car
elle est physique et désagréable de part les fumées irritantes (également dangereuses pour la
santé des femmes) qui s’échappent de la platine lors de la cuisson.
 Pour enlever les plus gros grains une fois cuits, le couac est passé au tamis, puis refroidi à l’air
libre. Enfin le produit obtenu est conservé dans des touques9.

8
En acier de plus de 1m de diamètre, cet outil était à l’origine en terre cuite. La cuisson se fait au bois.
9
Il s’agissait de récipients métalliques utilisés par les orpailleurs pour le transport des denrées sur le fleuve. Elle
constituait également l’unité de mesure pour la vente du couac (11kg de couac/touque). Aujourd’hui il en existe
de différentes contenances.

58
Figure 22: Etapes de fabrication du couac

La qualité du couac dépend de sa couleur (jaune) et de la taille de ses grains. La majorité des ménages
fabriquant leur couac ont fait l’acquisition de leur propre platine, mais certains n’ayant pas le matériel
font appel à l’entraide familiale ou à leurs voisins afin d’utiliser leur matériel (généralement gratuit,
mais une partie du couac produit est donné aux personnes qui ont prêté leur ateliers). Pour les

59
personnes qui ne possèdent pas leur propre broyeur, il est possible de louer le matériel entre 8 et
10€/fût de manioc broyé (soit un peu plus de 200kg de manioc).
Pour les productrices qui décident de se spécialiser dans la production de couac, les coûts de
production sont élevés par l’emploi de main d’œuvre non seulement pour entretenir les grandes
surfaces en manioc mais aussi pour la cuisson du couac. En effet, cette phase nécessite au moins 3
personnes : une pour le tamisage/pressage et deux autres pour la cuisson sur la platine. La plus grande
productrice de manioc rencontrée lors des entretiens transformait jusqu’à 25 fûts de manioc en un
mois dans les périodes où la récolte est la plus abondante (soit 5000 kg de manioc ou 1200 kg de
couac). Pour la rentabilité de l’activité, il n’est pas envisageable de louer des équipements ou de
donner une partie de la production pour emprunter du matériel. Les productrices spécialisées dans la
production de couac ont donc investi dans l’achat de matériel. On retrouve dans leur atelier les
équipements suivants :

- Au moins deux platines moyennes (1,7 m à 1200€ l’une). Si elles sont installées sur des socles
solides et donc ne pas subissent pas de déformation, elles peuvent être utilisées plusieurs
dizaines d’années.
- Un broyeur mécanique. Les prix et la qualité varient suivant leur provenance. Ceux achetés au
Suriname valent entre 1000 et 1500€ mais ne durent que quelques années. En revanche ceux
fabriqués sur Cayenne ou en métropole peuvent fonctionner une d’une dizaine d’années mais
sont plus chers (entre 2000 et 3500€).
- Un pressoir, 1000 €

A cela s’ajoute tout le petit matériel : fûts pour le trempage (70€ l’un), les tamis, bassines, touques…
Lors des bonnes années, il arrive que certaines productrices achètent du manioc à d’autres pour
produire de plus grandes quantités. Le couac se vend particulièrement bien à Maripasoula d’autant
plus qu’il se fait de plus en plus rare. Ainsi en 2002, le prix moyen d’une touque de couac était de 200
francs (soit 35€) alors qu’aujourd’hui la touque est vendue 40€ (soit près de 3€/kg de couac). On
trouve également du couac vendu en sachet de 1kg vendu 5€. .A l’heure actuelle, il n’y a pas plus de 3
ou 4 productrices sur Maripasoula produisant du couac en quantité suffisante pour en vendre
régulièrement. Des calculs économiques, présentés ci-dessous, ont été effectués pour essayer d’établir
les revenus générés par une telle activité. Cependant une seule enquête approfondie a pu être réalisée
pour effectuer ces calculs (mais les coûts de production de la transformation et de la production de
manioc varient très peu d’un producteur à l’autre). De plus, la récolte de 2012/2013 a été
particulièrement mauvaise et n’a pas permis d’avoir les résultats présentés ci-dessous, puisque ceux-ci
sont basés sur une année normale.

La personne enquêtée travaille sur près de 14 ha (exploités à 80% en manioc). Elle emploie donc de
nombreux journaliers sur l’abattis pour la transformation du manioc en couac, ce qui représente des

60
postes de dépenses conséquents. Son emploi à mi-temps à la mairie, en plus de la location de deux
habitations, lui permettent d’avoir des revenus suffisants afin de rémunérer les journaliers. Cependant
elle ne reçoit pas le RSA. Son mari possède une voiture ce qui limite les coûts de transport à l’abattis.
Elle vend des touques de couac de 20 kg à 40€. Le résumé des calculs effectués est présenté dans le
tableau ci-dessous (feuille de calcul en annexe 13):

Tableau 5:Résultats technico-économiques pour la fabrication de couac

Surface totale 14,99 ha


SAU 11,99 ha
Nombre d’actif 2
Quantité de travail 1559 hj
Productivité du travail (VAB/hj) 50 €/ hj
Revenu agricole/actif 11 958 €/actif/an

La productivité du travail de 50€/hj10 (soit 6,25€/h) est inférieure à celle du SMIC (7,39€/h) malgré
l’effort fourni pour ce type d’activité. De plus, les coûts de main d’œuvre journalière sont élevés ce
qui diminue considérablement le revenu par actif. Le graphique ci-dessous montre l’évolution du
revenu annuel par actif en fonction de la SAU de l’abattis/actif.

Figure 23: Revenu de l'activité production + transformation de manioc

16000
14000
12000 Revenu
Linéaire de la SP
(Activité
Revenu/actif/an (€)

10000 manioc et
double activité
transformation)
8000 (1)RSA pour une
Linéaire (RSA pour une
6000 personne
personneseule)
seule
4000 (2) Seuil de
2000 Linéaire (RSA pour une
pauvretéseule avec un
personne
0 enfant à charge)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
-2000
SAU de l'abattis/actif (ha)

Deux références sont utilisées pour étudier le revenu/actif annuel en fonction de la SAU/actif. La
courbe (1) représente le RSA reçu pour une personne seule. Dans ce cas, en dessous d’une surface de 7
ha, ce groupe d’activités ne permet pas de gagner plus que le RSA. De plus, la courbe 2 montre que le
seuil de pauvreté n’est pas dépassé en dessous de 8ha. Il est donc peu envisageable pour un ménage
10
Un homme jour (hj) équivaut à une journée de travail de 8h pour une personne.

61
d’effectuer ce type d’activité s’il ne possède pas au minimum 8 ha (voir 10 ha pour s’assurer en cas de
pourriture du manioc). Aujourd’hui, rares sont les femmes qui sont capables de développer ce système
d’activité. Certaines femmes afin de mieux valoriser le couac développent la vente sachet de 250g,
500g et 1kg à 5€/kg (prix du couac sur le marché de Cayenne).

3.3.2. Transformateurs de produits traditionnels pour la commercialisation

Caractéristiques : Majoritairement système de production D1 et D2 (et C en moindre mesure),


transformation au pilon, main d’œuvre familiale, revenu extra-agricole rare, développement des
réseaux de commercialisation.
Les produits transformés fabriqués autrefois pour les jours de fêtes et les cérémonies trouvent
aujourd’hui une nouvelle place puisque certains sont commercialisés. La quasi-totalité d’entre eux se
fabriquent encore par l’utilisation du pilon et du mortier, ce qui rend ces activités difficiles et
couteuses en temps. Cependant les prix de vente au kilo sont élevés et permettent une bonne
rémunération du travail. On peut les classer en deux groupes :

 Les produits solides qui nécessitent une étape de cuisson ou de séchage avant d’être pilés avec
une bonne durée de conservation (pâte d’arachide, poudre de piment, farine de maïs ou
anzowé)
 Les produits liquides qui sont pilés ou pressés avec un temps de conservation plus limité (jus
de canne, de wassaï ou de comou). Les jus à partir de fruits de palmiers sont préalablement
bouillis avant d’être pilés.
 Un autre produit peut représenter un potentiel intéressant : l’huile de maripa, fabriquée à partir
des fruits du palmier maripa. Cette activité semble notamment se développer sur Papaïchton.
Cependant elle a déjà fait l’objet d’études et une démarche d’accompagnement avait déjà été
mise en œuvre pour accompagner une association de productrices.

Ces activités sont là encore majoritairement pratiquées par les femmes mais on observe deux
exceptions : le jus de canne qui est préparé par les hommes à l’aide d’une presse manuelle, et le
wassaï. Après la cueillette des fruits de ce palmier, les jeunes garçons ramènent leur récolte en ville
pour la transformer grâce à une centrifugeuse électrique. Celle-ci appartient à un habitant de
Maripasoula qui la loue aux prix de 10€ l’après-midi. Les jeunes passent ensuite dans le bourg pour
proposer leur jus aux habitants (10€/l). Cependant assez peu d’informations ont pu être récupérées sur
cette fabrication, mais l’apparition de prestataires de services est un élément dont nous reparlerons
dans la dernière partie de l’étude. La suite des observations se concentrera donc sur deux autres
produits, qui peuvent avoir des débouchés intéressants : la pâte d’arachide, la poudre de piment. Ces
activités sont pratiquées majoritairement par les producteurs au système de production diversifiée (D)
et en moindre mesure par le modèle C (abattis-brûlis, jachère courte).

62
Pâte d’arachide : Dans les pratiques aluku, l’arachide est toujours semée sur une parcelle à part des
autres cultures mais représente de très petites surfaces du fait qu’elle ne soit consommée
qu’occasionnellement, notamment dans des plats en sauces. Aujourd’hui, la SAU en culture
d’arachide est en nette diminution autour des bourgs de Maripasoula et Papaïchton. Plusieurs
hypothèses peuvent expliquer ce phénomène : destruction plus régulière par les ravageurs (fourmi-
manioc et agouti), temps de travail important par rapport à l’utilisation qui en est faite, diminution des
rendements par une surexploitation des sols… Les productrices qui se sont lancées dans la fabrication
de pâte d’arachide à vocation commerciale achètent donc souvent leur matière première, soit au
Suriname, soit en pays Djuka plus en aval sur le Maroni, parfois à Maripasoula. La récolte commence
en mars/avril et les gousses peuvent être stockées plusieurs mois dans un sac. Le seau de 5,5 kg
d’arachide est vendu 10€ (soit 1,82 €/kg) en provenance de Grand-Santi. Les différentes étapes de la
préparation sont décrites dans le schéma ci-dessous :

Figure 24: Processus de fabrication de la pâte d'arachide

Cinq jours de travail sont nécessaires pour transformer un sac de 18 kg d’arachide en pâte. L’opération
la plus pénible est le pilage des arachides. Plusieurs femmes doivent être présentes pour se relayer.
Mais l’opération réellement limitante car le décorticage est manuel et nécessite près de 60% du temps
de la transformation. Les arachides commencent à être récoltées en mars/avril et peuvent être

63
transformées toute l’année. Actuellement, la fabrication de pâte d’arachide pour la commercialisation
n’est pas régulière, elle dépend plutôt de la demande et de l’approvisionnement en matières premières.
On peut cependant déterminer la productivité du travail de cette activité avec quelques repères pour la
préparation de 12 kg de pâte d’arachide, mesurée au cours des enquêtes :

Tableau 6: Calculs économiques pour la préparation de 12 kg de pâte d'arachide (5 jours de travail)

Poids des arachides non décortiquées 18,5 kg


Rendement de la transformation 0,65
Quantité de travail 7,5 hj
VAB 82 €
VAB/hj 11 €

Si à cette échelle, la VAB/hj ne semble pas très importante (bien moins élevée que celle du couac à
50€/hj), elle peut constituer un bon complément de revenu pendant certains mois de l’année. De plus,
la pâte d’arachide est très appréciée des Alukus, consommée rapidement dans les plats ou comme
friandises et représente donc un bonne opportunité.

Poudre de piment : Les piments sont produits facilement et en quantité sur les abattis en association
avec les autres cultures vivrières. La récolte des piments peut se faire tout au long de l’année.
Cependant la transformation en poudre ne peut s’effectuer toute l’année. En effet, la transformation
passe par une phase de séchage des piments (souvent mélangés à des oignons) qui se fait sur des tôles
placées directement au soleil. Ainsi la production est limitée à la saison sèche (de juin/juillet à
octobre). La poudre est préparée en plusieurs étapes successives de séchage/pilage (répétées de 3 à 5
fois). Le pilage des piments est particulièrement désagréable car il est irritant pour le nez et les yeux.
Le temps de préparation dépend de la vitesse de séchage et des quantités produites. Les productrices
rencontrées préparaient en moyenne entre 1 à 2 kg de
poudre en 2 à 5 jours.

Figure 25: préparation de la poudre de piment. Séchage


direct sur une tôle et pilage du piment séché.

64
Cette transformation permet une très bonne valorisation des piments puisque ceux-ci sont vendus frais
à 4€/kg (2€ le sachet de 15 piments, soit environ 500 g) alors que la poudre de piment est à 35€/kg.
Elle peut donc constituer des revenus intéressants en particulier à cette période de l’année puisque
deux des postes de dépenses les plus importants des ménages se succèdent (rentrée des classes et
plantation sur l’abattis). Le reste de l’année d’autres produits peuvent être fabriqués à partir des
piments : pâte de piment (mais la durée de conservation est moins importante), préparation de piment
et de jus de manioc fermenté...

3.3.3. Producteurs de jus et autre valorisation de fruits locaux

Caractéristiques : Système de production D2, peu d’investissement nécessaire (jus et confiture),


développement de réseaux de vente
Pour les producteurs qui se sont investis dans la plantation
de fruitiers, on observe le développement d’activités de
transformation pour valoriser les fruits: en particulier jus,
mais aussi confitures, liqueurs, glaces. Un peu plus d’une
dizaine de personnes se sont lancées dans la préparation et la
commercialisation de jus locaux : ananas, mangue, prunes
de Cythère, maracuja, ibiscus, gingembre, citron… La
transformation demande peu de matériels (un mixeur
domestique) et peut être préparée rapidement. Le temps de
fabrication est très variable suivant le type de fruits utilisés
qui vont nécessiter des traitements plus ou moins longs (tri,
épluchage, découpe…). En moyenne on a pu remarquer
Figure 26: Préparation de jus de qu’une demi journée de travail permettait de préparer 6 à 8L
gingembre à l'aide d'un mixeur
de jus vendus 6€/L (ou 2€ la bouteille de 33 cl).
domestique
Certains fruits sont cultivés depuis longtemps sur les abattis
(ananas, maracuja, mangue…) mais la plupart des fruitiers ont été plantés ces trois dernières années,
notamment suite aux formations « arboriculture » organisée par le dispositif de professionnalisation de
Matiti. Il est encore courant pour les transformateurs d’acheter des fruits au Suriname pour la
préparation des jus, ce qui limite considérablement les bénéfices faits sur les jus. Cependant, lorsque
les fruitiers auront atteint leur maturité, les jus seront un bon moyen de valoriser la production. La
conservation des jus est un problème important auquel les producteurs doivent faire face. En effet,
lorsqu’ils sont conservés plus de 4 ou 5 jours au frigo les jus commencent à fermenter. La méthode
utilisée pour l’instant par les producteurs est la congélation des boissons, mais il est possible qu’elle
nuise au goût du produit. La fabrication de confitures, liqueurs et glaces est rencontrée de manière plus
anecdotique mais représente une autre valorisation des fruits (4 ou 5 personnes enquêtées).

65
3.3.4. Restauratrices (plats locaux)

Certaines femmes développent une activité de restauration en préparant des plats locaux à emporter
(6€ le plat). Nous avons décidé d’inclure cette activité à l’étude car elle représente un emploi à temps
plein pour certaines femmes et peut donc participer au développement économique de la zone. Pour
d’autres, la préparation de plats est une activité occasionnelle, notamment lors d’événements culturels
où elles disposent d’un stand pour la vente. Celles qui vendent quotidiennement ont presque toujours
arrêté le travail à l’abattis. Elles préparent les plats à leur domicile puis s’installent dans des cases
souvent proches du fleuve. Les débouchés sont importants car avec le développement des emplois
(mairie, gendarmerie, dispensaire, école…), de nombreuses personnes n’ont pas le temps de préparer
leur repas dans la journée.

La figure 27 synthétise l’ensemble des caractéristiques des différents groupes de transformateurs qui
viennent d’être présentés. Parmi toutes ces transformations, seules la fabrication du couac et des plats
sont des activités régulières. Actuellement la majorité est commercialisée dans le secteur informel.
Cependant, même si elles sont occasionnelles, elles représentent des sources de revenus
11
complémentaires qui renforcent la résilience des ménages . Mais les contraintes rencontrées par les
transformateurs limitent la généralisation et la structuration de ces activités qui restent limitées par les
moyens restreints des producteurs.

11
Pour rappel le RSA est la seule source de revenu stable mais permet à peine de dépasser le seuil de survie
guyanais

66
Production Provenance de la Main Matériel Autre revenu Réseaux de
Matière première d’œuvre vente
Couac Abattis plus Familiale et Platine, Revenu Locaux ne

du
B rarement achat journalière broyeur, complémentaire, produisant pas
ABATTIS-BRÛLIS,
SPECIALISATION pressoir au moins d’un leur propre
autre membre de couac

Spécialistes
MANIOC
la famille

couac
SANS ACTIVITE
AGRICOLE Plats locaux Majoritairement Familiale, Cuisine du Restauration Employés
Restauratrice
hors abattis parfois foyer activité centrale (mairie, école,
salariée dispensaire…)

C ABATTIS-BRULIS,
JACHERE < 10 ans
Pâte Abattis familiale Pilon et Pas d’autre Connaissances
Produits

d’arachide
Transformateurs

Achat pour mortier revenu que les Office du


Poudre de l’arachide transferts sociaux tourisme
D3
traditionnels

piment
PETIT ELEVAGE
Farine de
maïs
de

D1
MARAICHAGE Jus, liqueurs, Abattis et achat Matériel Pas d’autre Connaissances,
valorisation
Producteurs de Jus et

confiture, régulier de fruits Familiale domestique revenu que les commerces


glace transferts sociaux

D2
FRUITIERS
des fruits
autres

Figure 27: Typologie de transformateurs


67
3.3.5. Organisation de ces activités dans le temps et importance dans les revenus des ménages

Suivant les périodes de récoltes et les conditions nécessaires à la transformation (par exemple période
de saison sèche pour la fabrication de la poudre de piment), celles-ci sont délimitées dans le temps
comme le montre la figure 28.

Figure 28: Revenus obtenus par les principales activités de transformations au cours de l'année

Les flèches en bleu présentent les principaux postes de dépenses. Les coûts de production d’un
d’abattis (main d’œuvre et intrants pour la préparation abattis et plantation du manioc sur une parcelle
à cultures vivrières diversifiées) reviennent à environ 1250 €/ha. Il faut ajouter à cela les coûts de
transport et le sarclage du (des) abattis de l’année précédente pour lequel (lesquels) les agriculteurs
font souvent appel à des journaliers. De même, la rentrée des classes est un poste de dépense
important qui se concentre sur quelques semaines: les entretiens ont permis d’estimer que la rentrée de
trois enfants (scolarisés entre la maternelle et le collège) coûtait près de 700 € (fourniture scolaire et
vêtements). Ce montant augmente lorsque les enfants sont scolarisés sur le littoral ou en métropole
(lycée et études supérieures).
Face à ces dépenses, la vente des produits transformés peut être une solution intéressante. La
production de couac permet d’avoir des revenus entre septembre et avril/mai lorsque la récolte de
manioc est la plus importante. Les familles non spécialisés dans la production de manioc arrivent à
gagner entre 1000 et 3000 € par an (VAB). La fabrication de la poudre de piment et la pâte d’arachide
semble particulièrement avantageuse puisqu’elles permettent d’obtenir des recettes au moment des
principaux postes de dépenses. Ainsi la production d’un kilo de poudre de piment par semaine par une
femme pendant deux mois permet de payer la scolarisation d’un enfant ; la vente de pâte d’arachide

68
fabriquée pendant deux mois par un groupe 3 à 4 femmes payera les coûts de production d’un hectare
d’abattis.
Bien que ces activités soient encore irrégulières et en quantités parfois limitées, ces remarques laissent
penser que les transformations des produits de l’abattis représentent des sources de revenus
complémentaires intéressantes pour améliorer la trésorerie des ménages, en particulier dans les
périodes ont les dépenses des familles sont les plus importantes. Ceci permet de valider une partie de
notre première hypothèse « Ils existe des activités de transformation potentiellement rémunératrices ».
Le nombre croissant de producteurs proposant des produits transformés montrent que certains
souhaitent effectivement développer l’agro-transformation (deuxième partie de l’hypothèse 1). En ce
sens ces activités peuvent être considérées comme un levier d’appui au développement de la zone
dans les années à venir si les transformateurs parviennent à lever certaines difficultés.

3.4. Contraintes et opportunités pour le développement des activités de


transformations
Les transformateurs doivent faire face à certaines contraintes qui limitent leurs activités (figure 29).
Comme expliqué précédemment, l’activité agricole sur Maripasoula et Papaïchton ne permet pas de
fournir en quantité les matières premières, en particulier pour le manioc, les fruits et l’arachide,
ce qui impacte notamment sur la régularité de la production. Ainsi il n’est pas rare de voir des
producteurs s’approvisionner dans d’autres villages ou au Suriname. Cependant on peut penser
qu’appuyer l’agro-transformation permettra progressivement de dynamiser l’amont de la filière en
améliorant les capacités d’investissement des producteurs.

Figure 29: Contraintes pour le développement des activités de transformation

69
Une autre difficulté est le faible niveau d’équipements des transformateurs. En effet, une grande
partie des fabrications est encore effectuée au mortier et au pilon, ce qui ne permet pas de répondre à
la demande. En juin dernier, suite au marché artisanal de Maripasoula où les producteurs ont proposés
leurs produits, un groupe de femmes d’une même famille a reçu des commandes pour la confection de
pâte d’arachide (un cinquantaine de commandes de pots de 460g). Elles ont travaillé pendant plus d’un
mois à trois (et plus certaines journées) pour répondre à la demande. De manière générale, les faibles
revenus des producteurs ne leurs permettent pas d’accéder à du matériel plus adapté dans le cadre
d’une activité à but commercial. En ce qui concerne la production du couac, le matériel utilisé est plus
élaboré pour produire de grandes quantités mais le coût de la main d’œuvre pour la cuisson du couac
reste élevé (50€/j contre 35 à 40 € pour une journée de travail à l’abattis).

Pour les produits transformés traditionnels, le conditionnement pose souvent problème pour la
commercialisation des produits. En effet, il est difficile de trouver des contenants adaptés sur
Maripasoula, en particulier en verre. La plupart des pots et bouteilles en plastique sont achetés au
Suriname (0,5€ le pot en plastique pour la pâte d’arachide, 30 € les 100
bouteilles de 33 cl majorés du coût de transport). Ces conditionnements posent
également des problèmes de conservation : par exemple les pots utilisés pour la
pâte d’arachide ne sont pas hermétiques et il arrive que l’huile (extraite lors du
pilage) s’en écoule. Autre exemple, la poudre de piment n’est pas bien
conservée si elle n’est pas conditionnée en bouteilles de verre. Or il est très
difficile de s’en procurer sur place (ou très onéreux). Les transformateurs
récupèrent donc des bouteilles déjà utilisées pour pouvoir conditionner leurs
produits. L’approvisionnement en bouteilles est aléatoire et nécessite un temps
Figure 30: Piment
dans une bouteille de nettoyage. Ceci impacte également sur la présentation du produit qui n’est
de récupération
alors pas toujours attractive pour les consommateurs.
La faible présence des services publics sur tout le territoire ne favorise pas l’émergence d’activités
d’agro-transformation qui aurait besoin d’appui (financier mais aussi administratif, technique…).
L’action collective qui pourrait contribuer à appuyer le développement de ces activités n’a pas non
plus permis d’apporter de solutions à l’heure actuelle. L’association de producteurs avait un projet
d’atelier collectif de couac pour acquérir du matériel efficace, mais ce projet n’a jamais abouti.
L’ensemble de ces éléments valide notre deuxième hypothèse (« les producteurs doivent faire face à
des contraintes qui nécessitent un accompagnement pour le développement de leur projet »).

Malgré ces difficultés, certains éléments encouragent les producteurs . Tout d’abord il existe une forte
demande en produits locaux. Plus de 300 foyers s’approvisionnent en quasi-totalité sur le littoral.
Les seuls fruits et légumes que l’on peut acheter sur Maripasoula et Papaïchton viennent du Suriname

70
et sont vendus à un prix très élevé malgré leur qualité variable (problème de fraicheur, utilisation de
produits phytosanitaires non autorisés en France…). Dans ce contexte, les habitants sont très
demandeurs en produits locaux, frais, de bonne qualité même si le prix est élevé. De plus, la gamme
des produits transformés se diversifie peu à peu (jus frais, glace, condiments, couac…) ce qui permet
d’atteindre un plus grand nombre de consommateurs. Certains commencent à proposer les produits
locaux en petites quantités, notamment couac en sachets de 500g ou 1 kg qui peuvent être intéressants
pour les métropolitains ou touristes de passage.
De plus les produits transformés du Haut-Maroni ont une bonne image du fait de leur fabrication
locale qui repose sur des savoir-faire traditionnels. Le couac de Maripasoula est cité jusque sur le
littoral comme un produit de qualité. Cette qualité est non seulement gustative mais aussi
nutritionnelle. En effet il ne contient pas d’additif et très peu d’autres produits ajoutés (un peu de
sucre pour certains jus acides, sel dans la pâte d’arachide et la poudre piment). Les jus peuvent
notamment être intéressants pour la distribution de boissons aux enfants à la sortie de l’école. A
l’heure actuelle, certaines femmes tiennent des petits stands où elles proposent des plats cuisinés qui
constituent les repas des enfants mais aussi des boissons de type soda, provenant souvent du Suriname.
Pourtant l’excès glucidique dans l’alimentation des jeunes du Haut-Maroni est un fait relevé depuis les
années 90 (Delpech, 1995). Les jus de fruits peuvent aussi trouver un intérêt pour les enfants en
permettant de contribuer à l’équilibre nutritionnel des repas.

Figure 31: Des opportunités pour l'agro-transformation

Bien que le couac produit en grande quantité nécessite des journaliers, les autres activités ne
demandent pas de main d’œuvre rémunérée. En effet, elles font partie du quotidien des ménages et
les enfants participent souvent à la préparation de ces produits transformés. C’est le cas en particulier
des jeunes femmes avec des enfants qui ne peuvent pas participer aux activités de l’abattis mais qui
peuvent en revanche transformer avec leur mère.

71
Enfin, on assiste au développement de nouveaux points de vente pour les produits transformés. Le
marché de Maripasoula qui devrait bientôt ouvrir deux fois par semaine permettra de vendre
régulièrement les produits préparés et d’élargir leur clientèle. Les jus sont aussi très demandés dans les
petits commerces (épiceries, bars) et se vendent très rapidement. Enfin l’office du tourisme de
Maripasoula qui a récemment ouvert ses portes, propose aux producteurs d’acheter des produits
transformés à longue durée de conservation (pâte d’arachide, poudre de piment, couac) afin de les
vendre aux touristes.
Malgré ces possibilités, l’ensemble des produits agro-transformés représente une offre encore très peu
structurée et assez faible voire anecdotique pour certains produits. Cependant, l’émergence de ces
nouvelles opportunités laisse penser que ces filières pourraient se développer rapidement et permettre
d’améliorer les revenus des producteurs. Ceux-ci s’organisent petit à petit pour tenter de mieux
valoriser les produits de l’abattis et de répondre à la demande locale. Mais cet investissement est
souvent coûteux en temps et financièrement. Face au peu d’appui dont ils disposent, il est difficile
pour certains producteurs de s’investir dans ce type d’activité ou de les maintenir, malgré leur
motivation. Afin de promouvoir ces savoir-faire qui peuvent représenter des revenus complémentaires
intéressants pour les producteurs, un accompagnement semble nécessaire. Peu de structures sont
présentes sur place pour apporter un tel appui aux acteurs du territoire. Dans ce contexte, on peut
s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre afin de contribuer au développement des activités
d’agro-transformation.

72
PARTIE 4 : Perspectives d’accompagnement des activités d’agro-
transformation sur le Haut-Maroni

Sur l’ensemble du territoire guyanais, on assiste depuis quelques années à l’émergence de nombreux
projets dans le domaine de l’agro-transformation : préparation de jus frais sur les marchés, fabrication
de chips de manioc ou patate douce, glace à partir de fruits locaux, miel… Cette dynamique s’observe
également sur le Haut-Maroni comme nous venons de le présenter, mais les porteurs de projets sont
bien souvent seuls pour faire face à leurs difficultés. Les activités de transformation peuvent pourtant
contribuer, à leur échelle, à l’amélioration des revenus des ménages et à répondre en partie à la
demande locale en produits frais et locaux. Cette partie de l’étude a pour objectif de présenter les axes
d’accompagnement pour soutenir cette filière et les outils qui peuvent être utilisés pour mettre en
œuvre cet appui.

4.1. Des axes d’accompagnement adaptés aux spécificités des activités de


transformation
Les producteurs doivent faire face à des contraintes différentes en fonction du type de produit
transformé, des quantités produites, de la périodicité de leur activité, du niveau d’équipement. Pour
élaborer les propositions d’accompagnement des projets, il s’agit donc de tenir compte des spécificités
de chaque type d’activité de transformation. Le graphique suivant résume ces propositions en fonction
des différents groupes de transformateurs présentés plus haut.
Figure 32: Des propositions d'accompagnement adaptées aux spécificités des porteurs de projets

Diminuer la pénibilité du travail et améliorer l’efficacité technique


Conditionnement
Sensibilisation à l’action collective

Rechercher de matériel plus performant


Appui à la commercialisation

Recherche de matériel plus performant


Recherche et formation pour la conservation (jus)

Appui dans les démarches administratives


Respect
4.1.1. Appui
desànormes
la filière couac
sanitaires

73
Outre les coûts importants pour l’entretien de Figure 33: Platine mécanisée pour la fabrication de couac
l’abattis de manioc, les productrices de couac ont
souvent soulevé le problème des dépenses liées à
la main d’œuvre pour la cuisson du couac et à la
pénibilité de cette opération. Pour répondre à ces
contraintes aujourd’hui, des platines dites
« automatiques » sur lesquelles sont installés des
râteaux qui tournent en continu pour mélanger la
farine de manioc. Ainsi cet outil permettrait
d’une part de réduire les coûts de production (pas

de main d’œuvre pour la cuisson) et d’autre


Source : MF Rural, Brésil
part d’éviter les risques occasionnés sur la santé avec les fumées toxiques. Cependant cet équipement
représente un investissement considérable pour une personne seule :le prix d’une platine de ce type
construite aux normes européennes est de 9 400€. Il est également possible de se fournir au Brésil
pour 4000 euros, mais le dédouanement des équipements venant du Brésil pour être importé en
Guyane (espace où s’appliquent les normes européennes) complique énormément les démarches.
D’autres améliorations sont possibles au niveau technique notamment l’utilisation de pressoir avec un
bac de récupération du jus de manioc qui une fois traité peut être commercialisé pour être utilisé dans
la cuisine (en particulier consommé par les Brésiliens). Il serait également possible d’améliorer
l’opération d’épluchage qui représente plus de 50% du temps de transformation, en testant des
éplucheuses mécaniques. Ceci permettrait de diminuer la pénibilité du travail mais affecterait les liens
sociaux entres les femmes. En effet, l’épluchage représente un moment où elles se retrouvent et
peuvent échanger. Cette opération n’a donc pas été souvent mentionnée comme l’une des principales
contraintes de la production lors des enquêtes.

Pour faciliter l’accès aux équipements souvent coûteux, l’acquisition en collectif du matériel peut être
une solution. Une gragerie12 communale construite à la demande d’une association de producteurs
amérindiens a récemment été inaugurée à Saint-Georges de l’Oyapock. Cette infrastructure a été
financée à 75% par des fonds européens, soit plus de 200 000 euros. Elle est équipée de broyeurs à
manioc, de pressoirs et de trois platines donc une automatique venant du Brésil et permettra de faciliter
le travail de transformation du manioc en couac Pour les producteurs du Haut-Maroni une structure
aussi importante n’est pas nécessaire car le regroupement entre plusieurs familles n’est pas aisé ; il est
néanmoins possible d’imaginer l’accès à du matériel plus performant au sein des membres d’une
même famille qui souhaiteraient développer la fabrication de couac pour la commercialisation. Une
discussion avec un agent du PAG à Papaïchton (où les familles sont encore assez regroupées

12
Lieu de fabrication du couac

74
géographiquement dans le bourg et travaillent en groupe pour la transformation) avait permis
d’évoquer l’idée de construction de petites grageries par quartier. Ceci permettrait de faciliter l’accès
aux équipements pour un grand nombre de personnes sans impliquer la création de groupements de
producteurs. Mais ce projet nécessiterait d’être approfondi avec les habitants pour mieux définir leurs
attentes et d’évaluer quel pourrait être l’investissement nécessaire pour la construction de ces
infrastructures et l’achat des équipements.

Il est également possible de jouer sur le


conditionnement du couac pour augmenter le prix
de vente. Pour l’instant il est encore
majoritairement vendu en touques à 2,5€/kg.
Cependant conditionné en petits sachets de 1kg,
500 g ou 250g, il est vendu entre 4 et 5 €/kg. Ce
format est particulièrement intéressant pour les
consommateurs occasionnels de couac et semble
très bien se vendre sur Maripasoula actuellement
où la production se fait de plus en plus rare.

Figure 34: vente de couac en sachet de 500 g à l'office du


tourisme

4.1.2. Propositions d’accompagnement des transformateurs de produits traditionnels

Les méthodes de fabrication actuelles des produits traditionnels utilisent encore le pilon et le mortier
qui ne sont pas adaptés pour produire de grandes quantités. Avec ce matériel, les productrices ne
peuvent pas transformer plus de 12 kg de pâte d’arachide par semaine (5 jours de travail) soit une
VAB de 111€/semaine pour deux personnes (soit 11€/hj). A ce stade, la production de pâte d’arachide
ne peut pas constituer l’activité principale d’un ménage car le travail fourni ne peut pas être rémunéré
à sa juste valeur. Certaines productrices ont donc pour projet de s’équiper afin de pouvoir produire
plus de pâte d’arachide : il existe des décortiqueuses et des broyeurs à arachide qui pourraient
effectivement faciliter la transformation. Si certaines productrices se spécialisent dans la production
d’arachide, il n’est pas possible de pratiquer cette activité plus de quatre à cinq jours par semaine, le
reste du temps étant nécessaire pour le travail à l’abattis et les tâches domestiques. Les graphiques ont
été établis à partir de données bibliographiques sur les capacités de broyeurs et de décortiqueuses
utilisés dans le cadre d’une production artisanale.

75
Tableau 7 : Estimation de production de pâte d'arachide et de la VAB pour 5 jours en fonction du niveau
d’équipement

TRANSFORMATION Production/j Production VAB pour 5j


(kg) pour 5j (kg) (€)
manuel 2,4 12 111
broyeur 3,7 18,6 173
Broyeur + décortiqueuse 16,7 83 ,6 983

Le temps maximal qui peut être 250


consacré à l’activité de transformation
200
est fixé à 5 jours par semaine (le reste
étant le temps minimum nécessaire par 150
VAB /j(€)

manuel
semaine pour les tâches ménagères et
100
le travail à l’abattis). Les calculs broyeur
effectués par suite tiendront compte de 50
broyeur+décortiqu
cette contrainte. La figure 36 montre euse
0
que l’utilisation d’un broyeur permet productivité du travail
d’augmenter d’environ 1/3 les
Figure 35: Estimation de la VAB/j en fonction du niveau
quantités produites et donc la VAB/j. d'équipement
Mais c’est avec l’utilisation d’une
décortiqueuse que la transformation semble vraiment plus intéressante. En effet, l’utilisation d’un tel
équipement associé au broyeur permettrait d’obtenir une VAB par jour de 196€ contre 34€ avec un
broyeur seul ou 22€ manuellement. En effet, l’étape de décorticage est la plus longue opération de
fabrication la pâte d’arachide.

La principale difficulté relevée par les productrices est la pénibilité du travail lors du pilage qui avec
un broyeur permettrait déjà d’obtenir une valeur ajoutée brute par jour de 35 à 40€/jour (le décorticage
a été peu mentionné). En ce qui concerne le type de broyeur à utiliser, il est important de tenir compte
de la qualité attendue chez les aluku (il doit rester des éclats d’arachide dans la pâte). Il faut donc
trouver un système qui ne donne pas une pâte trop homogène (possibilité de changer la taille des
grilles du broyeur).

76
Cependant ce type de matériel n’est pas construit en
Guyane et assez peu dans les pays limitrophes
(Suriname et Brésil). Il est possible d’en trouver en
Haïti et dans des entreprises françaises spécialisées
dans la fabrication de matériel pour les pays africains.
Mais le coût du transport ajouté à celui du matériel
(2500 € pour un broyeur et 1000€ pour une
décortiqueuse fabriqués en France) ainsi que la
complexité des démarches à mettre en œuvre pour les
importer limite considérablement les possibilités
d’achat. Un appui administratif et financier serait

nécessaire pour ceux qui souhaitent en faire


Figure 36: broyeur à arachide pour la production
l’acquisition. artisanale (source : site web Electra)

En ce qui concerne la fabrication de poudre de piment, l’étape limitante pour la production est le
temps de séchage qui dépend du taux d’humidité. Le séchage se fait sur des tôles directement
installées au soleil. Cette activité n’est effectuée qu’en saison sèche. En effet les pluies et l’humidité
du reste de l’année empêche le séchage complet des piments et oblige sans cesse à les rentrer pour les
protéger. Des séchoirs solaires simples (produits à sécher protégés par une vitre pour générer un effet
de serre) pourraient faciliter cette étape en augmentant les vitesses de séchage. De plus ces séchoirs
sont assez faciles à construire sur place. Le pilage est également une étape délicate car le piment
écrasé est irritant pour les yeux et le nez. Certaines productrices également souhaitent du matériel afin
de rendre cette phase moins désagréable et plus rapide. Des tests avec des mixeurs ont déjà été
effectués par les transformatrices mais le piment est réduit en bouillie donc impossible à sécher. Des
recherches doivent donc être faites pour trouver du matériel adapté (peut être type moulin à café à
manivelle qui permettrait de découper grossièrement les piments pour le séchage).

Enfin pour les autres produits traditionnels type jus de canne, jus de wassaï et de comou, il existe du
matériel (presse à canne, centrifugeuse) à des prix abordables pour les producteurs qui sont
disponibles au Brésil et au Suriname. Quelques transformateurs en ont déjà fait l’acquisition. Par
exemple, une personne rencontrée sur le terrain loue sa centrifugeuse (10€/utilisation) aux enfants du
village qui cueille les fruits du wassai en forêt. Cette activité est un moyen pour les jeunes de récolter
de petites sommes d’argent en vendant le jus de wassai en ville.

Un appui à la commercialisation est également à envisager, notamment avec une réflexion sur des
conditionnements adaptés aux différents types de consommateurs. Par exemple, la poudre de piment

77
est actuellement vendue 7 € la bouteille de 200g et ne peut être conservée qu’un an. Pour la plupart des
métropolitains vivant à Maripasoula ou des touristes de passage, le piment ne fait pas partie des
habitudes alimentaires mais la consommation peut être occasionnelle. Ainsi de plus petits
conditionnements à des prix attractifs pourraient se commercialiser plus facilement (notamment à
l’office du tourisme).

4.1.3. Accompagnement pour la valorisation des fruits


Actuellement, la principale voie de valorisation des fruits est la fabrication de jus. La technique
utilisée est variable suivant le type de fruits transformés mais globalement la phase qui demande le
plus de travail est celle de tri/nettoyage/épluchage. Il est possible de s’équiper de centrifugeuse qui
limite le temps dédié à cette étape.

La conservation des jus est un aspect qui pose de plus en plus problèmes lorsqu’ils sont
commercialisés dans les petits commerces où ils restent entreposés dans les frigos plusieurs jours
avant d’être vendus. Au bout de quatre à cinq jours, certains jus commencent à fermenter. Il s’agit
donc de trouver une technique afin d’augmenter la durée de conservation des produits. La plupart des
producteurs ayant accès à l’électricité possèdent un congélateur et peuvent donc rapidement congeler
les jus une fois en bouteille. Mais si le commerçant souhaite conserver le jus avec cette méthode, cela
implique une certaine organisation afin de pouvoir proposer de manière continue du jus aux
consommateurs. Il est également possible de pasteuriser les jus, ce qui permet de les garder à
température ambiante ou au frigo. Pour être efficace cette technique doit s’effectuer dans des
bouteilles en verre où le jus aura été préalablement conditionné avant d’être porté à haute température
(75 à 85°C) puis refroidi rapidement. Cependant il est extrêmement difficile et très coûteux de
s’approvisionner en contenants en verre sur le Haut-Maroni. Il est possible de faire bouillir
directement le jus puis de le mettre en bouteille mais ceci ne permet pas une aussi bonne conservation.
L’avantage de la première technique contrairement au chauffage des jus est qu’elle permet de garder
intact les vitamines contenues dans les fruits. Une autre possibilité est de sucrer ou d’acidifier avec du
citron les jus mais ces techniques risquent d’affecter leur qualité organoleptique. Il serait intéressant
pour ces producteurs de pouvoir être formé à ces différentes méthodes afin de choisir la plus adaptée
en fonction du matériel dont ils disposent et des attentes des commerçants qui souhaitent proposer les
jus dans leurs boutiques.

4.1.4. Accompagnement des projets de restauration de plats locaux

Les femmes ayant des projets de restauration doivent faire face à plusieurs difficultés. D’une part, ce
type d’activité nécessite divers documents officiels pour être en conformité (Cf. annexe 15) :
déclaration d’activité, inscription au centre de formalités des entreprises… En effet, la restauration est
beaucoup plus contrôlée que les autres types d’activités, notamment pour les risques d’intoxication

78
alimentaire. Les procédures à suivre sont complexes et une partie de ces démarches ne peut être
effectuée que sur Cayenne et nécessite de maitriser le français. Il est donc souvent difficile d’effectuer
ces formalités pour des personnes résidant à Maripasoula. Ainsi, un accompagnement dans les
démarches administratives faciliterait l’obtention des documents nécessaires à l’ouverture.

D’autre part, il est demandé de respecter un certain nombre de normes : sanitaires, environnementales,
règles de sécurité… Un stage d’hygiène alimentaire est à effectuer pour le respect de ces normes afin
de pouvoir exercer cette activité. Mais là encore, ces formations ne sont disponibles que sur Cayenne.
Il serait donc intéressant de pouvoir organiser ce type de formation sur Maripasoula et Papaïchton.

4.2. Des axes d’accompagnement communs pour les porteurs de projet


S’il est nécessaire de mettre en œuvre un appui adapté aux différents projets, il existe des contraintes
similaires aux différents groupes qui peuvent être soulevées en définissant des modalités
d’accompagnement communes.

4.2.1. Accompagnement dans les démarches administratives

Bien que la régulation des activités ne soit pas aisée, elle peut permettre pour certains de faciliter
l’accès à l’accompagnement en particulier financier. Les fonds européens, comme le programme
LEADER (présenté p 86), ne sont disponibles que sous certaines conditions et notamment dans le
cadre d’une activité agricole ou de transformation : inscription à l’AMEXA, détention d’un titre
fonction, numéro de SIRET… Bien que tous ne nécessitent pas absolument ces formalités, certains
porteurs de projets souhaitent se mettre en règle mais il y a peu de personnes sur le Haut-Maroni pour
les aider : quelques personnes sont présentes, notamment au PAG, mais leur disponibilité n’est pas
suffisante pour l’accompagnement de ces démarches.

4.2.2. Formation à la gestion d’entreprise

On remarque que de nombreux porteurs de projets ont des difficultés à gérer leur activité notamment
d’un point de vue financier. Les coûts de production ne sont pas notés, ni même calculés le plus
souvent, ce qui ne permet pas aux producteurs de déterminer leur marge et de s’organiser
financièrement. Un exemple concret avec la vente de couac : il est indifféremment vendu à 40€ la
touque sans tenir compte de la taille du contenant qui peut varier de 12 à 20 kg, ce qui change
considérablement le prix du couac au kilo. Ceci illustre bien qu’une formation simple à la gestion
d’entreprise, notamment avec des notions de comptabilité, pourrait aider les producteurs à développer
et mieux rentabiliser leurs activités. Cependant ces dispositifs doivent être adaptés au contexte local en

79
tenant compte des capacités et connaissances des habitants. L’ADI propose déjà quelques formations
sur Maripasoula comme celle pour aider à la réalisation d’un projet professionnel.

4.2.3. Appui à la commercialisation : marketing, le conditionnement des produits, la mise en


place d’un signe de qualité

Comme abordé précédemment, le conditionnement est un facteur contraignant pour les


transformateurs. Ils sont peu disponibles sur place (souvent achetés au Suriname) et souvent non
les bouteilles et pots en verre qui sont préférés pour la conservation de la confiture et de la poudre de
piment, il est éventuellement possible d’organiser une collecte de récipients usagés dans les épiceries
des bourgs. Ceci nécessitera un travail supplémentaire de nettoyage de ces conditionnements avant de
pouvoir les utiliser. Ce type d’initiative a déjà été mis en place dans les supermarchés de l’ouest
guyanais pour une association de transformateurs. Cependant ces deux propositions nécessiteront un
minimum d’organisation de la part des producteurs et éventuellement un appui extérieur pour pouvoir
être mis en place.

Figure 37: Pâte d'arachide et produits à base de piments étiquetés avec le nom des producteurs

Un travail sur l’aspect des produits proposés et de leur emballage est également à approfondir. Le
dispositif de professionnalisation a appuyé cette démarche en proposant la création d’étiquettes pour le
marché artisanal annuel de Maripasoula en juin dernier (figure 38). Elles permettent de communiquer
plus facilement avec les consommateurs et de mieux valoriser le producteur et son produit. Cette
action a été très appréciée par les producteurs et reconduite par la suite. Actuellement, ces étiquettes
sont réalisées par les ingénieurs responsables du dispositif de professionnalisation. On pourrait
imaginer mettre en place des formations d’informatiques simples et installer un ordinateur pour les
producteurs afin qu’ils puissent eux même créer leurs propres étiquetages.

Tous ces produits résultent de savoir-faire locaux qui sont à valoriser. Un des moyens serait la mise en
place d’un signe qualité. La création d’une « marque parc » est actuellement en cours afin de
promouvoir les activités existantes au sein des parcs nationaux de France. Un cahier des charges
définit les critères à respecter dans chaque domaine d’activité (tourisme, produits agricoles et

80
artisanaux…). Ceux pour les produits issus de l’agriculture n’ont pas encore été définis mais il semble
qu’ils soient trop exigeants pour les producteurs du Parc amazonien de Guyane. De plus, une
redevance devra être payée pour pouvoir apposer le logo de cette « marque » sur ses produits. Cette
initiative ne semble donc pas adaptée au territoire du PAG. Il serait cependant possible d’imaginer
pour une filière un peu plus structurée et capable d’envoyer ses produits sur le littoral, la mise en place
d’un logo qui permettrait de valoriser les productions en provenance du Haut-Maroni, reconnues dans
le reste de la Guyane.

4.2.4. Favoriser l’émergence de projets innovants au travers des voyages d’études

Bien que la Guyane ne possède pas un secteur de l’agro-transformation très développé, de plus en plus
de projets voient le jour comme dans la région de Mana. Un atelier dédié à soutenir les projets d’agro-
transformation y a été construit, notamment pour appuyer les transformateurs de l’association OAT
(Ouest Agro-Transformation). Ces derniers produisent des chips, des glaces, des confitures, des
condiments, jus à base fruits, légumes et tubercules locaux. L’atelier devrait leur permettre de tester
des équipements et d’élaborer ou améliorer leurs procédés de transformation. Un accompagnement est
déjà réalisé par une ingénieure de la MFR de Mana pour appuyer la structuration de la filière
(formation, commercialisation…). Une personne compétente dans le domaine de l’agro-alimentaire
devrait également être employée pour aider les transformateurs sur le plan technique. Bien qu’une telle
installation soit de trop grande envergure pour le Haut-Maroni, il serait intéressant d’y organiser des
visites pour les transformateurs du Haut-Maroni. Celles-ci permettraient de voir la fabrication de
nouveaux produits transformés, le matériel utilisé, d’échanger avec les acteurs de l’association sur
leurs difficultés… Des voyages d’études ont déjà été organisés dans le cadre du dispositif de
professionnalisation du Haut-Maroni pour rencontrer des agriculteurs d’autres régions de Guyane ou
des pays voisins et échanger sur leurs pratiques. Le même type d’action pourrait être envisagé dans le
domaine de l’agro-transformation.

4.2.5. Création d’événements pour la valorisation de produits transformés

Encore vendus majoritairement dans le


secteur informel il y a peu, les produits
agro-transformés ne sont encore connus
que par certains consommateurs. Mais il
est possible de développer des actions
afin de promouvoir la qualité des produits
et le savoir-faire des transformateurs. La
vente des produits peut être organisée lors
Figure 38: Vente des produits agricoles et transformés au marché
artisanal

81
des fêtes de villages comme le marché artisanal annuel de Maripasoula (organisé par le PAG avec le
soutien de la commune et de l’office du tourisme notamment), ou le marché de Noël. Ils permettent
aux producteurs de faire connaitre leurs produits aux habitants du bourg et éventuellement aux
touristes de passage. Certaines productrices ont par la suite reçu des commandes (pâte d’arachide, jus)
entre autre pour approvisionner les petits commerces. Un salon de l’agriculture récemment organisé
sur le littoral a permis aux transformateurs d’y proposer leurs fabrications. Ces événements permettent
d’une part de faciliter la vente des produits mais aussi de rencontrer divers types de consommateurs
afin de comprendre leurs attentes et d’élaborer des produits adaptés répondant à la diversité de la
demande. Avec l’aide de l’office du tourisme, certains agriculteurs organisent des visites de leurs
exploitations pour présenter leur travail. Il serait possible de mettre en place le même type d’actions
pour valoriser les savoir-faire des transformateurs.

4.3. Des projets concrets à accompagner sur le territoire


Le travail de terrain a également permis d’identifier des transformateurs qui semblaient nécessiter un
appui pour la réalisation de leurs projets et qui souhaitaient être accompagnés. Quatre porteurs de
projets ont été rencontrés afin de comprendre leurs objectifs, les contraintes et de discuter des
solutions envisageables. Trois des projets sont présentés dans cette partie .

4.3.1. Structuration de l’atelier de couac d’une famille (Papaïchton)

Un groupe de femmes d’une même famille souhaitait améliorer leur atelier de production de couac
pour faciliter le travail et produire de plus grandes quantités. Elles sont entre 8 et 9 femmes à
s’entraider (plusieurs ménages) et possèdent chacune un abattis. Le couac produit permet de nourrir la
famille mais il est aussi vendu lorsque les quantités de manioc récoltées le permettent. Le carbet a été
construit il y a plusieurs dizaines d’années et le groupe rencontre aujourd’hui plusieurs difficultés
évoquées ci-dessous :

 L’utilisation de fûts pour le trempage du manioc. Lorsqu’ils


sont remplis ceux-ci sont très lourds et donc difficiles à manier
sans se faire mal au dos et selon les productrices il faut les
changer régulièrement (70€/fûts). Pour remplacer ces fûts, il
est possible de construire des bacs carrelés pour le trempage du
manioc.
 Elles souhaiteraient également des presses plus adaptées que
celles qu’elles possèdent actuellement car l’utilisation du cric
rend le travail difficile et ne permet pas de récupérer le jus du
manioc (figure ci-contre). Il existe notamment des presses à vis Figure 39: Presse utilisant la
force hydraulique (cric)

82
avec des bacs de récupération plus faciles d’utilisation.
 La platine repose sur des bidons métalliques découpés. La chaleur du feu lors de la cuisson
déforme les bidons qui doivent être changés plusieurs fois par an. De plus, ils ne protègent pas
très bien de la chaleur. Un support en brique plus isolant et plus solide pour poser la platine
pourrait être construit pour se substituer aux bidons.

L’appui à apporter est ici principalement d’ordre financier et technique: trouver le matériel et les
techniques de construction adaptées à la demande des productrices.

4.3.2. Création d’une association de femmes pour la fabrication de produits traditionnels


(Maripasoula)

Trois sœurs pratiquant l’abattis-brûlis depuis 40 ans, et avec l’aide de deux de leurs filles, ont pour
projet de développer une activité de fabrication de pâte d’arachide et de poudre de piment, qu’elles ont
appris à produire de génération en génération. Ces savoir-faire familiaux sont le gage de la qualité de
ces aliments. Ceux-ci ont, en effet, beaucoup de succès confirmés par des commandes régulières.
Pour développer cette activité, elles souhaiteraient acquérir du matériel plus adapté (cf. partie 4.1.2),
mais aussi construire un atelier carrelé pour améliorer l’aspect sanitaire et stocker leurs équipements.
De plus, il permettrait de stocker les matières premières (en particulier sacs d’arachides) et les produits
finis.
Une telle structure nécessiterait des investissements importants qu’elles ne sont pas en mesure de
financer en totalité. Elles aimeraient donc créer une association de productrices afin d’accéder plus
facilement à des financements et faciliter la commercialisation. Elles espèrent donc avoir un appui
pour la création de l’association qui demande des démarches complexes et la recherche de matériel
adapté. Par la suite, il serait utile qu’elles puissent disposer d’un suivi pour la gestion de l’association
et de l’atelier (notamment pour la comptabilité).

4.3.3. Valorisation de la canne à sucre en jus (Maripasoula)


La fabrication de jus à partir de canne sucre est une activité traditionnellement effectuée par les
hommes à l’occasion des cérémonies. Ils utilisent une presse en bois (figure 41) La canne est écrasée
entre deux parties de bois pour extraire le jus de la canne. Ce travail de patience permet de produire
15 L de jus en trois heures. Un transformateur de jus de canne souhaite développer cette production
afin de la vendre au marché et dans les commerces de Maripasoula. Pour cela il souhaiterait acquérir
une presse à rouleaux, que l’on peut trouver au Brésil à un prix adapté (maximum 500€ pour une
presse à manivelle). La difficulté réside dans le fait d’importer un outil construit hors UE pour une
activité de transformation.

83
Figure 40: Fabrication de jus de canne avec une presse traditionnelle en bois

L’autre problème rencontré concerne la conservation du jus de canne qui après quelques jours au frais
commence à fermenter. Ce produit fermenté est en fait consommé par les aluku. Mais il est possible de
le proposer à différents consommateurs (notamment métropolitains vivant à Maripasoula) en
améliorant la durée de conservation du jus. Un procédé de stabilisation du jus de canne par
microfiltration a été mis en place par l’INRA Antilles-Guyane afin de préserver ses qualités
organoleptiques et sanitaires. Il semble cependant onéreux et peu adapté pour des acteurs ayant des
capacités d’investissements limitées en milieu rural. Il serait également possible de faire bouillir le jus
de canne avant de le mettre en bouteilles mais la conservation reste de courte durée.

Ces premiers éléments ont permis de présenter les pistes possibles afin de soulever les contraintes
rencontrées par les transformateurs. Pour pouvoir les mettre en œuvre, il faut cependant disposer
d’outils adaptés aux spécificités locales. La suite de l’exposé nous permettra donc de comprendre
quels sont les dispositifs existants sur le territoire pour l’appui aux activités de transformations et dans
quelles mesures ceux-ci peuvent permettre de lever les blocages au niveau du territoire.

4.4. Dispositifs d’appui au développement possible sur le territoire du


Haut-Maroni
Face aux besoins d’accompagnement des porteurs de projets du Haut-Maroni, les dispositifs d’appui
actuels présents sur le territoire vont être étudiés afin de voir dans quelles mesures ils pourraient
contribuer au développement des activités de transformation.

84
4.4.1. Des dispositifs d’appui construits dans le cadre européen

Les dispositifs présentés ci-dessous sont des moyens d’appui financiers au travers du fonds européens
FEADER et s’inscrivent dans le cadre du Programme de développement rural pour la Guyane. La
majorité de ces subventions sont gérés par la DAF

La mesure 121 et 123A

Ces mesures s’inscrivent dans cadre du PDRG (fonds européens FEADER) 2007-2013
(présentées en intégralité en annexe 16 et 17).

L’objectif de la mesure 123A est d’accompagner des projets de commercialisation et


transformation des produits agricoles locaux afin d’accroître leur valeur ajoutée et de diversifier
les débouchés. Cette mesure se décline en subventions qui devront s’inscrire dans les actions
suivantes :

 L’aide au montage de projets innovants (nouveaux produits, procédés, technologies) au


travers d’études de marché, de faisabilité…
 Les investissements liés à la mise en place ou à la rénovation des outils de
transformation
 Les investissements collectifs liés à la structuration des filières afin de faciliter l’accès
au marché (véhicule de collecte, infrastructures collectives de commercialisation…)

Cette mesure permet d’appuyer les industries agro-alimentaires mais aussi les micro-entreprises
de transformation ou de commercialisation, les groupements de producteurs, les maîtres
d’ouvrage publics. Pour la programmation du PDRG 2007-2013, les objectifs de la 123A était de
toucher 50 entreprises avec un budget de 7 895 000 €.

Les exploitants agricoles individuels qui souhaitent faire le même type d’investissement doivent
faire appel à la mesure 121 qui vise à la modernisation des exploitations agricoles dans le respect
des normes communautaires, avec notamment l’appui à la diversification des activités de
l’exploitation comme l’agro-transformation. Ces aides sont particulièrement adaptés :

 Aux jeunes agriculteurs


 Aux projets de première modernisation de l’exploitation
 Aux investissements sur la base d’un projet réfléchi, innovant et planifié sur 3 ou 5 ans
 Aux investissements collectifs.

85
Dans notre zone d’étude la majorité des acteurs souhaitant développés une activité de transformations
sont individuels et pratiquent presque toujours une activité agricole. Ils semblent donc plutôt éligibles
à la mesure 121. Cependant plusieurs conditions sont à respecter, notamment la réalisation d’une étude
technico-économique (état des lieux de l’exploitation et objectifs d’investissement pour les projets où
l’investissement est inférieur à 30 000€). Les producteurs doivent dans ce cas avoir recours à des
acteurs très peu présents sur le territoire intérieur de la Guyane (consultant) et dont les services sont
payants et donc difficiles d’accès pour des ménages dont les revenus sont limitées. De plus le
demandeur doit s’engager à établir et à transmettre une comptabilité pendant 5, ce qui reste difficile
pour les locaux qui n’ont pas accès aux formations adéquates. Ces simples éléments suffisent à
bloquer les porteurs de projets du sud de la Guyane dans leur demande d’accès à ces subventions.

Le LEADER
Il s’agit d’un programme européen de « Liaison Entre des Actions de Développement de
l’Economie Rurale » et du développement économique en faveur des zones rurales défavorisées. Le
LEADER s’inscrit au travers des principes suivants :

 Les projets LEADER doivent se baser sur une stratégie locale de développement
 Un projet LEADER doit être multisectoriel, correspondre à une approche intégrée aux
différents secteurs de l’économie rurale
 Un partenariat local entre des acteurs publics et privés regroupés au sein d’un Groupe
d’Action Locale (GAL), respectant le principe d’une démarche ascendante
 Le programme LEADER soutient de préférence des approches novatrices et des projets de
coopération avec d’autres territoires au niveau national ou international
 La prise en compte du développement durable

Les projets LEADER, sont cofinancés au niveau national par le Conseil Régional, le Conseil
Général, le CNES, l’Etat… En Guyane, la région est divisée en quatre GAL. Le GAL SUD est
porté par le Parc amazonien de Guyane et couvre l’ensemble de son territoire. La priorité ciblée du
GAL SUD est de « Créer un véritable tissu économique en valorisant les ressources locales dans le
respect des modes de vie ».

Les dépenses éligibles sont d’ordre matériel (équipements…) et d’ordre immatériel (étude,
communication…). Ces fonds ont permis de soutenir des projets variés : développement d’une
activité de transport scolaire fluvial, réhabilitation des sentiers de Saül, accompagnement des
agriculteurs du SUD de la Guyane au travers du CFPPA de Matiti, aménagement de la halle au
marché de Maripasoula, soutien à un projet agricole de polyculture à Maripasoula…

86
Les porteurs de projet souhaitant faire appel au programme LEADER sont confrontés à plusieurs
difficultés. Tout d’abord, les structures d’accompagnement pour la construction des dossiers
complexes, sont peu présentes. Ainsi il est difficile voire impossible pour des acteurs du territoire
parfois non francophones de faire une demande (cf. le formulaire de demande d’aide en annexe 18).
D’autre part, la subvention ne s’élève qu’à 75% du montant du budget du projet et les 25% restants
sont financés sur fonds propres. Cette subvention n’est versée qu’après la présentation de factures
acquittées. Ceci implique que le bénéficiaire de la subvention trouve des préfinancements car il
dispose en général d’une trésorerie très faible. En outre, il doit disposer d’un compte bancaire, ce qui
n’est pas toujours aisé, en particulier dans les zones du sud de la Guyane : à Maripasoula et
Papaïchton, la banque postale est la seule à proposer ces services mais l’ouverture d’un compte
professionnel ne peut se faire que sur Cayenne. Enfin les demandeurs d’aide de ces territoires
éprouvent des difficultés à fournir les justificatifs demandés soit parce qu’ils ne sont pas en règle, soit
parce qu’il est compliqué administrativement ou financièrement d’obtenir les documents demandés: n°
SIRET, attestation de régularité fiscale et sociale, titre foncier, bilan financier, note de présentation du
projet, devis etc. L’ensemble de ces éléments explique que l’accès à ces fonds soit contraignant et
limite les possibilités des acteurs du territoire.

4.4.2. Un programme adapté aux territoires ultrapériphériques

Le POSEI DOM
« L’objectif global du Programme Spécifique à l’Eloignement et à l’Insularité (POSEI) est
d’améliorer la compétitivité économique et technique des filières agricoles en tenant compte de
leurs handicaps géographiques et économiques ». Il s’agit d’un programme d’aide financière
qui se veut adapté aux conditions particulières des RUP. Le programme a deux volets :

 d’une part compenser l’éloignement géographique pour certains approvisionnements


(alimentation humaine, animale, industrie agro-alimentaire)
 d’autre part maintenir et soutenir l’agriculture locale et à aider à sa structuration et à sa
diversification.

Parmi les mesures de ce dispositif, l’une d’entre elle est dédiée à l’aide à la transformation et à
la commercialisation des fruits et légumes locaux.

87
« Pour la Guyane, l'aide est octroyée pour :

 le transport local des produits de diversification végétale frais, épluchés, ou congelés


ainsi que les produits issus de leur transformation locale du lieu de production
jusqu’aux clients locaux ou jusqu’à la zone de fret en cas de commercialisation hors
région de production.

 le transport maritime et aérien des produits de diversification végétale frais, épluchés,


ou congelés ainsi que les produits issus de leur transformation locale, de la zone de fret
de départ à la zone de fret d’arrivée » (Union Européenne, 2013).

Bien que ce programme tente de s’adapter à la spécificité des DROM, il requiert toujours des
exigences difficiles à satisfaire. Tout d’abord les bénéficiaires de ces aides ne concernent que ceux qui
achètent leurs matières premières. Il leur est demandé de tenir une comptabilité précise. Ils ont
également pour obligation d’établir un contrat officiel avec le fournisseur de matière première.
L’ensemble de ces conditions restent difficiles à réaliser pour les porteurs de projets locaux. De plus,
bien que cette situation soit en évolution, le POSEI DOM s’est d’abord concentré majoritairement sur
les filières riz, productions animales et canne à sucre/rhum et très peu sur les fruits, légumes et autres
cultures vivrières.

4.4.3. Un dispositif construit sur le territoire permettant la formation et le suivi des acteurs du
territoire

Face à ces outils exogènes, construits pour ou depuis la métropole, le PAG a mis en place un
programme sur fonds propres, « microprojet », pour accompagner les petits porteurs d’idées. En effet,
il existe une réelle motivation sur le territoire pour entreprendre des projets à dimension économique
mais force est de constater que peu d’acteurs locaux parviennent à accéder à ces subventions. Dans ce
cadre, le programme microprojet, effectif depuis le début de l’année 2013, est destiné à des acteurs
individuels ayant des projets à dimension économique. Aucun pré requis administratif n’est demandé.
Il apporte un soutien financier et permet un accès à une formation adaptée et un suivi de l’activité.

88
Le programme MICROPROJET
Le programme microprojet s’intéresse à la professionnalisation des acteurs ou futurs acteurs
du développement économique au travers :

 D’un accompagnement de proximité pour l’adhésion des porteurs de projets au


dispositif
 De formations adaptées au public ciblé
 De créer de l’expérience en mettant à disposition des porteurs de petits matériels
auxquels ils n’ont pas accès par manque de moyens et qui servira de supports
pédagogiques pour les actions de formation (à hauteur de 5 000€)

Cet accompagnement a pour vocation de rendre les porteurs de projets autonomes dans le
fonctionnement de leur activité. L’accompagnement apporte d’abord une aide au porteur afin
de bien définir ses objectifs et comment il compte gérer son activité. Pour cela le programme
se base sur le principe de formation-action et devra assurer un suivi. Les bénéficiaires sont
liés par un contrat d’accompagnement définissant le plan de développement de l’activité, le
plan de formation du bénéficiaire ainsi que les modalités d’appui pour le lancement de
l’activité.

Le bénéficiaire du matériel doit s’engager à le mettre à disposition en cas de formation avec d’autres
porteurs de projets du territoire. Microprojet a déjà permis d’appuyer plusieurs porteurs dans différents
domaines : entretien d’espaces verts à Camopi, réparation et construction de pirogues en bois à
Antecume Pata, épicerie et hébergement à Taluen. Pour 2013, les budgets dédiés à la mise à
disposition de matériel correspondaient à et à la formation dans le cadre de ce programme
correspondait à près de 67 500€ et celui des formations à 60 970€, dont une dizaine de formation
techniques et trois formations entrepreneuriales pour les porteurs de projets du territoire (Jeandot,
2012).

89
4.5. Eléments de réflexion pour l’accompagnement des projets d’agro-
transformation sur le Haut-Maroni
Des outils pour l’accompagnement des projets d’agro-transformation ?
Malgré les contraintes qu’il représente, le programme LEADER est un moyen pour appuyer
financièrement les projets importants ou collectifs. La cellule LEADER du PAG travaille dans
plusieurs domaines pour faciliter l’accès aux subventions :

- Montage de dossiers par les agents du PAG à moyen terme, rencontre avec les structures
compétentes pour les amener à intervenir sur le territoire à plus long terme
- Concertation avec la Banque Postale (seule banque présente sur l’intérieur du territoire) pour
l’ouverture de compte professionnel nécessaire pour recevoir les subventions
- Recherche de dispositifs de préfinancement
- Accompagner les porteurs dans les démarches administratives

Cependant il semble que ce type de financement ne reste utilisable que pour des projets importants ou
à échelle collective, s’inscrivant dans le cadre d’une activité formelle et où le porteur possède des
capacités de gestion financière et administrative. LEADER reste donc peu adapté pour
l’accompagnement des projets d’agro-transformation de petite échelle. En revanche le programme
microprojet peut permettre de soutenir ce type d’activité avec notamment l’acquisition de petits
matériels. Mais ce dispositif n’est pas spécifique aux activités agricoles et de transformation. Il faudra
donc se demander dans quelles mesures il pourra répondre aux moyens financiers et de formations si
l’activité d’agro-transformation se généralise et que de nombreux porteurs de projets souhaitent
s’investir dans ce domaine. Comment seront alors sélectionnés les porteurs de projets ? Seuls les
projets innovants seront-ils accompagnés ? Dans ce cas, cela ne risque-t-il pas de limiter les
possibilités d’accompagnement proposées par le PAG dans le cadre du dispositif microprojet.

Quels moyens humains pour soutenir ces activités ?


Bien que le PAG soit une structure exogène, calquée sur des référentiels de métropole, il s’est engagé
à contribuer au développement socio-économique de son territoire. Cet implication n’est possible
qu’en se rapprochant au maximum des populations locales afin d’appréhender au mieux leurs
contraintes et soutenir des solutions adaptées au contexte. Les délégations territoriales, permettent en
effet, d’accompagner les acteurs de la zone au quotidien. La présence d’agents originaires du territoire
facilite le contact avec les habitants. Cependant les missions du PAG sont extrêmement diverses et
chacune d’entre elle nécessite une attention particulière.

Le soutien aux filières d’agro-transformation ne pourra être efficace que s’il existe un
accompagnement et un suivi régulier des porteurs de projets. La faible capacité des programmes

90
d’appui au développement à mettre en place des actions pérennes sur le Haut-Maroni, en particulier
agricoles, a peu à peu entrainé une perte de confiance des locaux envers ces dispositifs et les services
publics. Si le PAG souhaite soutenir ces activités, il devra mettre en œuvre les moyens humains pour
assurer le suivi des projets d’agro-transformation. Il pourrait nécessiter une personne à temps-plein.

Des possibilités d’export vers le littoral?


Les possibilités d’export sur le littoral ont souvent été évoquées. En effet, la qualité reconnue des
produits issus du savoir-faire des habitants du Haut-Maroni représente une bonne opportunité de vente
dans les villes côtières. Par exemple, l’entreprise Délices de Guyane qui propose des produits
transformés locaux est demandeuse en fruits, légumes, tubercules et autres cultures produites
localement. Elle souhaiterait notamment proposer des sachets de couac à la vente et est donc à la
recherche de fournisseurs réguliers. Cependant la filière n’est aujourd’hui pas assez structurée pour
prétendre à ce type de marché. Ceci demanderait une organisation logistique importante et les coûts de
transport risqueraient d’être très élevés (le couac de Maripasoula est déjà vendu à 5€/kg au même prix
que celui de Cayenne). De plus, la production actuelle en couac n’est pas suffisante pour alimenter
localement les habitants. En effet l’approvisionnement en matière première reste limité tant pour le
manioc, pour la fabrication du couac et pour les autres transformations.

Développement des activités de transformation et augmentation de la production agricole


Bon nombre de transformateurs ont fait remarquer que leur activité était limitée par la quantité de
matière première et certains sont obligés de se fournir à l’extérieur. Mais le transport des marchandises
sur Maripasoula engendre des coûts importants qui se répercutent soit sur le prix aux consommateurs
soit sur la marge des producteurs. Un appui à la filière agricole est donc tout autant nécessaire si l’on
souhaite voir le développement des activités d’agro-transformation sur le territoire.

Bénéfices à l’échelle du territoire ou d’une minorité ?


Les programmes de développement qui se sont déroulés sur le Haut-Maroni (en particulier le
PRAHM), se sont principalement concentrés sur un petit groupe d’agriculteurs. Cette démarche
semble cohérente dans un premier temps ; travailler avec un petit nombre de personnes motivées
permet de bien comprendre les contraintes de chacun et ainsi d’assurer un accompagnement efficace
et adapté. Cependant aujourd’hui le noyau des producteurs bénéficiaire d’ un appui (par le PAG, le
dispositif de professionnalisation, pour l’accès au marché…) reste sensiblement le même (notamment
avec un bon nombre parlant ou comprenant le français). Pourtant si on souhaite un développement
économique à l’échelle territoriale, il serait nécessaire d’élargir les dispositifs d’appui à un plus grand
nombre de bénéficiaires. Il est vrai que développer cet aspect nécessiterait des moyens humains plus
importants sur place. Mais la concentration des moyens sur un nombre restreint de personnes pourrait

91
risquer à terme d’accroître les inégalités dans une zone déjà fortement marginalisée. Dans ce sens, les
ingénieurs du dispositif de professionnalisation ont récemment organisé une semaine agricole qui avait
pour but d’étendre leur champ d’actions aux habitants des villages amérindiens, encore plus isolés que
ceux des communautés aluku. Si le parc souhaite soutenir les activités de transformations afin de
contribuer au développement local du territoire dans son ensemble, il semble important de réfléchir
aux approches à mettre en œuvre pour toucher un plus grand nombre d’acteurs.

Des voies pour faciliter l’accès aux équipements

Appui aux prestataires de services : certains acteurs commencent la location de matériel auprès des
transformateurs (broyeurs à manioc, centrifugeuse). Ainsi les producteurs ne sont pas obligés
d’investir dans des équipements parfois couteux et d’en assurer la maintenance. En effet, une fois en
panne les outils sont difficilement réparés, faute de compétences et des pièces de rechange sur le
Haut-Maroni. Il n’est pas rare de trouver chez les producteurs de couac un ou deux broyeurs hors
d’usage en attente d’une réparation qui n’arrivera jamais. Ces prestataires de services nouveaux
acteurs dans la filière, pourraient faciliter l’accès au matériel pour les ménages n’ayant pas les
capacités d’investir, mais aussi améliorer les réseaux avec les constructeurs de ces équipements afin de
faciliter leur acheminement vers l’intérieur de la Guyane.

Mise en place d’un atelier de transformation collectif pour renforcer les stratégies individuelles :
La création d’un outil collectif est une autre solution pour favoriser l’accès au matériel, comme cas
pour l’atelier construit à Mana. Il pourrait permettre non seulement d’utiliser les équipements mis à
disposition, mais aussi de tester de nouveaux produits, de stocker la matière première et/ou les
produits finis, d’échanger entre transformateurs sur les problèmes et les solutions mises en place… Il
pourrait également faciliter l’achat groupé de conditionnement et la commercialisation des produits en
quantité vers le littoral. La concentration des populations dans le bourg à pour avantage de rapprocher
géographiquement les transformateurs, ce qui permettrait de toucher un grand nombre de bénéficiaires.
Un tel type d’aménagement pourrait être financé par le programme LEADER.
Le principal problème qui se pose est la gestion d’une telle structure. L’association de producteurs ne
semble aujourd’hui pas assez structurée pour porter un tel projet. La commune est peu investie dans le
développement des filières agricoles et de transformations, mais la réalisation d’un aménagement dans
ce cadre ne semble pas en faciliter la gestion, comme le montre la construction de la gragerie de Saint-
Georges de l’Oyapock. Cependant il est possible d’imaginer d’autres types d’acteurs, plus neutres,
pour la conduite d’une telle structure. L’emploi d’un technicien au travers du fonds LEADER porté
par le PAG et/ou de l’EPLEFPA de Macouria propose également un volet transformation agro-
alimentaire de produits fermiers. Un tel partenariat permettrait de faire de cet atelier à la fois un outil

92
de production mais aussi un outil de formation notamment pour les questions sanitaires et de
commercialisation des productions.

CONCLUSION

Alors que seul le couac était concerné auparavant, la transformation des produits de l’abattis pour la
commercialisation tend à se diversifier. Ces nouvelles stratégies correspondent à une adaptation des
populations en réponse aux contraintes du territoire : offre d’emploi limitée, coût de la vie élevé,
difficultés pour maintenir le système d’abattis-brûlis traditionnel…
Bien que la vente des produits transformés reste majoritairement informelle, elle permet néanmoins de
mieux valoriser les produits issus de l’agriculture itinérante. Des recettes qui n’étaient autrefois
réservées qu’aux coutumes des communautés bushinengue sont réalisées et partagées avec les
consommateurs. La vente des produits transformés est donc aussi un moyen de faire découvrir la
richesse de la culture aluku et de mettre en avant les savoir-faire de ces populations marginalisées. De
plus, bien qu’elles soient souvent irrégulières, les activités de transformation permettent d’obtenir des
revenus complémentaires pour les ménages tout au long de l’année. Cette production répond
également à la demande des autres habitants de la commune qui cherchent à s’approvisionner en
produits frais et transformés locaux, de qualité. Même si cette activité représente encore une part faible
des producteurs de Maripasoula, elle se dynamise peu à peu et laisse penser qu’elle pourra avoir une
place non négligeable dans le développement local du territoire.
Afin d’encourager cette dynamique et de renforcer les capacités des transformateurs, la mise en place
d’un accompagnement adapté semble essentiel pour lever les contraintes auxquelles ceux-ci doivent
faire face. Le Parc amazonien de Guyane, acteur du développement socio-économique du sud de la
Guyane, qui dispose d’une bonne connaissance des spécificités des communautés de l’intérieur de la
zone, peut donc avoir un rôle à jouer dans l’accompagnement de ces activités. Les possibilités d’appui
sont multiples : appui technique et financier, soutien à la commercialisation, recherche de processus et
d’équipements adaptés, formations…
Aujourd’hui le développement des filières d’agro-transformation semble être un atout intéressant pour
le territoire. Cependant il ne devra pas se faire au détriment des savoir-faire locaux qui étaient et sont
encore utilisés par les transformateurs. En effet, on assiste aujourd’hui à un abandon progressif de la
culture Aluku, en particulier chez les jeunes. L’utilisation d’équipements mécaniques pour les
transformations pourrait accentuer ce phénomène. Il faudra donc s’interroger sur l’équilibre entre
préservation des savoir-faire et développement local, deux des principaux enjeux du Parc amazonien
de Guyane.

93
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conserver. Disponible sur [http://transfaire.antilles.inra.fr/spip.php?article88]

96
ANNEXES
Annexe 1 : Carte de la Guyane .............................................................................................................. 98
Annexe 2 : Diagramme ombro-thermique de Maripasoula (Source : Météo France) .......................... 99
Annexe 3 : Répartition des principaux groupes ethniques en Guyane ................................................ 100
Annexe 4 :Localisation et SAU des exploitations en Guyane ............................................................. 101
Annexe 5 : Localisation de la diversité agricole en Guyane (Source : Manioc, Bibliothèque numérique
Caraïbe Amazonie Plateau des Guyane) ............................................................................................. 102
Annexe 6 : Carte des villages aluku et djuka sur le Haut-Maroni, unité de vie des lignages .............. 103
Annexe 7 : Evolution du cours de l’or depuis 1970 ............................................................................ 104
Annexe 8 : Zones de droits d’usage collectifs de Guyane, représentés en violet. ............................... 105
Annexe 9 : Grille d’enquête consommateurs sur littoral et consommateurs locaux (Maripasoula) .... 106
Annexe 10 : Grille d’enquête pour les entretiens avec les producteurs............................................... 107
Annexe 11 : entretiens avec les porteurs de projets............................................................................. 110
Annexe 12 : calendrier de travail des principales cultures vivrières ................................................... 111
Annexe 13 : Calculs économiques pour la fabrication de couac ......................................................... 112
Annexe 14 : Etapes de fabrication de la pâte d’arachide ..................................................................... 114
Annexe 15 : Extrait des démarches et pièces à fournir et des normes à respecter pour l’ouverture d’un
restaurant ............................................................................................................................................. 115
Annexe 16 : Mesure 121 présentée dans le programme du PDRG 2007-2013 ................................... 116
............................................................................................................................................................. 116
Annexe 17 : Mesure 123A présentée dans le programme du PDRG 2007-20013 .............................. 119
Annexe 18 : Formulaire pour accéder aux subventions de la mesure 123A au travers de l’axe 4 du
PDRG (approche LEADER) ............................................................................................................... 122

97
Annexe 1 : Carte de la Guyane

98
Annexe 2 : Diagramme ombro-thermique de Maripasoula

400 200

180
350
Hauteur des précipitattions

160
300
mensuelles (en mm)

140
250
120

200 100

80
150
60
100
40
50
20

0 0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Température mensuelle moyenne (°C)

Comparaison des pluviométries mensuelles entre Cayenne et Maripasoula. L’intensité des


pluies diminuent nettement à l’intérieur des terres. (Source : Météo France)

99
Annexe 3 : Répartition des principaux groupes ethniques en Guyane

Source : Schéma d'Aménagement Régional, diagnostic synthétique et objectifs

100
Annexe 4 : Localisation et SAU des exploitations en Guyane

101
Annexe 5 : Localisation de a diversité agricole en Guyane

Source : Manioc, Bibliothèque numérique Caraïbe Amazonie Plateau des Guyane

102
Annexe 6 : Carte des villages aluku et djuka sur le Haut-Maroni, unité de vie des
lignages

Au sud de Maripasoula, les villages sont amérindien.

Source : IRD, 2007

103
Annexe 7 : Evolution du cours de l’or depuis 1970

104
Annexe 8 : Zones de droits d’usage collectifs de Guyane, représentés en violet.

Source : PAG

105
Annexe 9 : Grille d’enquête consommateurs sur littoral et consommateurs locaux
(Maripasoula)

Produits consommés
Quels produits locaux consommez-vous ? (couac, pate de pinda, piment…)
A quelle fréquence ? Y’a-t-il des aliments qui ne sont mangés qu’à certaines occasions ?

Par produit (en premier lieu le couac) :


Combien de fois par semaine est-il consommé ? (tous les jours, plusieurs fois par semaine/par mois)
En quelle quantité (par repas ou par semaine)?
Est-il consommé toute l’année ?
Comment est-il préparé ?
Quelle est la fréquence d’achat ?
Où achetez-vous ce produit ? Avez-vous des difficultés à trouver ces produits ou au contraire avez-
vous un large choix ? Si oui comment le choisissez-vous ? (prix, qualité, provenance…)
A quel prix?
Êtes-vous satisfait de la qualité des produits rencontrés ?
Qu’attendez-vous de la qualité du produit ? (qualité visuel, organoleptique, de préparation, d’origine,
sanitaire…)
Avez-vous une idée sur la provenance du produit ? Pour vous y’a-t-il un lien entre origine du produit
et qualité du produit ?
Pourquoi mangez-vous ce type d’aliments ? (par habitudes culturelles ? pour le goût ? pour la qualité
nutritionnelle ?)

Profil du consommateur
Homme ou femme
Age
Famille (nombre d’enfants/nombre d’adulte)
(sur la Haut-Maroni :Date d’arrivé en ville, activité professionnelle ….)

106
Annexe 10 : Grille d’enquête pour les entretiens avec les producteurs

Trois questions principales étaient posés. Les autres venait au fil de la discussion plus ou moins dans
l’odre proposé ici

1- Peux-tu me décrire tes activités, comment tu fais, comment ça se passe ?

Activité agricole
Nombre d’abattis, taille, enregistré ou non, lieu et éloignement par rapport au foyer, choix, difficulté
de transport.
Espèces cultivés sur l’abattis, choix des espèces, endroits où sont plantées les espèces, éventuellement
rotation et successions culturales, période de jachère
Organisation du travail sur l’abattis : combien de fois par semaine, pendant combien de temps,
personne qui travail sur l’abattis, MO salariée nécessaire ? si oui pour quel opérations et combien est-
elle payer ?Moments de l’année où il y a le plus de travail Quelles opérations ?
Utilisation des produits après récolte : auto consommation, don à une autre partie de la famille,
transformation, vente…)
Eventuellement pour les produits vendus (sur l’année dernière par exemple) : En quelle quantité ? A
quel moment ? A qui ? A quel prix ? combien as-tu gagnais l’année dernière
Quels sont les coûts les plus importants (transport, employés…) ?
Quelles sont les principales contraintes que tu rencontres en agriculture ? Pour la transformation de tes
produits ? Pour les autres activités ? Quelles sont les principales opportunités que tu vois pour le
développement de ton activité agricole ?
Elevage
Espèce et nombre d’animaux, Nourriture et abreuvement, Utilisation des animaux, Difficultés
rencontrés pour cette activité
Activité de transformation
Quels produits/cultures transformes-tu ? En quelle quantité (par exemple sur l’année dernière) ?
Peux-tu me décrire les différentes étapes pour la transformation de ce produit ?
Qu’est ce qui est le plus difficile ?
A quelle moment fais tu la transformation de ces produits ?
Avec qui transformes-tu les produits (famille ou employé ) ?
De quels autres produits ou matériel as-tu besoin pour la transformation ?
Quels équipements as-tu ? As-tu besoin d’eau, d’électricité, de bois, autre ?
Comment est fait le conditionnement des produits ? (sachet, pot….)
Que fais tu des produits transformés ? Auto consommation, don, vente…
Combien en produis-tu par an ? (par exemple sur l’année dernière ou essayer de savoir la quantité
consommée par la famille et la quantité vendue)

107
S’ils sont vendus : a qui ? Quand et où? A quel prix ?
Les produits sont-ils stockés ? Si oui, comment et combien de temps les garde-tu ? Y’a-t-il des pertes
lors du stockage?
Commerce
Organisation de l’activité : produits vendus et provenance, lieu de vente, qui vend, temps de travail et
à quel moment, principaux client
Intérêt et contraintes par rapport aux autres activités ?
Autres activités
Quelles sont les autres activités de la famille?
Qui fait ces activités ? Où ? Quand ? Pendant combien de temps ?
Intérêt et contraintes par rapport aux autres activités ?
Famille
Enfants scolarisés ? non scolarisés ? Qui ont un travail ?
Répartition des tâches entre les différentes personnes de la famille
Principales sources de revenus ? Vos principales dépenses ?
Autres revenus
Activité la plus rémunératrice, aide/subventions pour ces activités, prestations familiales
Entraide avec d’autres membres de la famille

2- Est-ce que tu as toujours fait ces activiés ?

Quand as-tu coupé ton abattis pour la première fois? Comment as-tu choisis cet endroit ? Pourquoi as-
tu décidé d’avoir un abattis (fonction sociale, alimentation famille, vente…) ?
T’es tu lancé dans d’autres activités en même temps ou par la suite? Si oui, lesquelles ? A quel
moment ? Pourquoi ?
Ces activités ont-elles évolués ? Comment ?
As-tu arrêté ou interrompu certaines activités ?
Formation
Expérience professionnelle ou non professionnelle

3- A l’heure actuelle quelles sont tes idées, dans quelles activités voudrais-tu te
lancer ? Comment vois-tu évoluer les activités actuelles ?

D’où vient cette idée ?Comment imagine tu la réalisation du projet ? Quelles difficultés
rencontrez vous pour la réalisation de ce projet ?
Pour les idée/projets d’agro-transformation chercher à comprendre :

- Le niveau de maturité du projet et les objectifs du projet (complément de revenu, activité


centrale…)
- Activité individuelle ou en groupe

108
- Motivation
- Techniques et connaissances à maitriser pour la réalisation du projet
- Niveau de compétences du porteurs d’idée
- Possibilité d’investissement du porteur d’idée
- Volumes de production souhaités et possibilité d’approvisionnement
- Niveau d’équipement nécessaire

109
Annexe 11 : entretiens avec les porteurs de projets

Ci-dessous la grille qui devait être remplie pour le PAG. Les questions étaient orientées suivant
cette grille et des informations déjà obtenues los du premier entreteins

Titre du projet

Identification du (des) porteur(s)


Nombre de personne
Nom, âge et situation (principales activités, langue(s) parlée(s)) de chacun
n° de téléphone
Contexte
Historique/Contexte d’émergence du projet
Etat actuel du projet (approvisionnement en matière première, matériel utilisé, fréquence de
production et quantité même approximative, éléments sur les conditions de vente)
Principales contraintes rencontrées pour le développement de l’activité
Objectifs
Statut envisagé
Fréquence de production et quantité même approximative
Eléments sur les prix et lieux de vente
Actions à mettre en œuvre
Etape du projet
Délai/calendrier
Eléments du budget

110
Annexe 12 : calendrier de travail des principales cultures vivrières

111
Annexe 13 : Calculs économiques pour la fabrication de couac

ESTIMATION PRODUCTION MANIOC SUR L'ABATTIS

surface cultivée 14,99 ha


surface cultivée en manioc 11,99 ha

rendement manioc guyane 5 t/ha

production manioc sur l'abattis 59,97 t

PRODUCTION COUAC

quantité de sac de manioc 600 sacs


poids par sac 0,1 t
quantité de manioc récoltée 59,97 t

nombre de bombes de couac produites 2279


poids d'une bombe de couac 20 kg
quantité de couac produit 45576 kg

prix d'une bombe de couac 40 €


auto-conso + dons 60 bombes
Recette 88751,36 €

prix/kg de couac 2 €/kg

TEMPS de travail transfo couac (sans les temps de trempage et de


fermentation)
épluchage et lavage 503,9 hj
Broyage 69,2 hj
pressage, tamisage, cuisson 336,1 hj
Total hj 909,2 hj

COUT (coûts intermédiaires et MO)

nombre d’hj pour entretien abattis 579,03


prix entretien abattis (total coût MO) 23161,12

nombre d’hj pour le récolte 71 jours


rémunération/hj 40 €
Coût MO abattis 25983,14 €

Coût de transport 7200 €

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dispose de
nombre de fût 0 son broyeur
prix broyage d'un fût 0 €
coût broyage fûts 0 €

nombre de personnes par j de cuisson 3


nombre de personnes rémunérées 2
rémunération/hj 50 €
nombre de hj pour la transfo 336,1 j
coût MO transfo 28010,69 €

Bois pour la cuisson 3000 €

Nourriture et boissons pour les travailleurs € 0

Total coûts (sans MO) 10200 €

VAB (recette - dépenses non MO) 78551,36 €

AMORTISSEMENT

prix platine 1200 €


durée de vie 30 ans
prix broyeur 1500
durée de vie 3 ans
Pressoir 1000 euros
durée de vie 10 ans
Amortissement 640 €

VAN 77911,36 €

VAN/t de manioc transformé 1299,2 €

VAN/ha 5196,9 €/ha


total hj 1558,8 hj
VAB/hj 50,4 €/hj

Nombre d'actif 2
Revenu agricole/actif 11958,76 €

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Annexe 14 : Etapes de fabrication de la pâte d’arachide

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Annexe 15 : Extrait des démarches et pièces à fournir et des normes à respecter pour
l’ouverture d’un restaurant

NORMES HYGIÉNIQUES DANS LA RESTAURATION


Documents à fournir à la DSV :

- Déclaration d’activité
- K bis de l’entreprise
- Attestation de stage d’hygiène alimentaire
- Certificat médical d’aptitude à la manipulation des denrées alimentaires.

Démarches à effectuer :

- Participer à un stage d’hygiène alimentaire. Ces stages sont prodigués par la CCI, la CMA ou
des privés. Il existe des possibilités de stages organisés à l’initiative de collectivités. Ainsi, la
mairie de Sinnamary met en place plusieurs sessions durant l’année ouvertes aux
restaurateurs de la commune et met à disposition une salle pour le déroulement de ce stage de
3 jours.

Obligations
* Information du consommateur :

- Affichage des prix


- Indication de l’origine des viandes bovines
- Remise de note aux clients

* Normes sanitaires (cuisine) :

- Facile à nettoyer et à désinfecter


- Respect marche en avant
- Séparation des secteurs propres et sales
- Espace de travail suffisant
- Capacité de stockage suffisant
- Séparation stockage matières premières/produits finis
- Lave-mains équipés en nombre suffisant
- Vestiaire pour le personnel
- Alimentation en eau potable
- Formation du personnel à l’hygiène et à l’application de la méthode HACCP
- Respect des bonnes pratiques d’hygiène
- Mise en place de la méthode HACCP (analyse et maîtrise des points critiques)
- Traçabilité des denrées

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Annexe 16 : Mesure 121 présentée dans le programme du PDRG 2007-2013

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Annexe 17 : Mesure 123A présentée dans le programme du PDRG 2007-20013

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Annexe 18 : Formulaire pour accéder aux subventions de la mesure 123A au travers de
l’axe 4 du PDRG (approche LEADER)

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