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Désobéissance civile : Le combat pour la démocratie est toujours un risque https://www.printfriendly.

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Désobéissance civile : Le combat pour la démocratie est


toujours un risque
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October 22, 2019

22 octobre 2019 à 9 h 15 min

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Le débat sur la désobéissance civile s’est déplacé sur les réseaux sociaux et il faut bien reconnaître
que la grande majorité des intellectuels algériens s’exprime pour la rejeter et prôner une extrême
prudence, comme Lahouari Addi. La parole sans contradicteurs n’est jamais bonne, cet article tente
d’équilibrer la thèse de la «fausse» prudence par une argumentation contraire.

Le premier de ces arguments concerne la notion de prudence, sage dans son principe, donc
apparemment inattaquable, mais dont il faut rappeler sa mise en œuvre dans la réalité historique
algérienne.

Je n’étais pas plus haut que mes sept ans lorsque des intellectuels nous avaient dit, dans la presse
officielle (il n’y en avait pas d’autres), à peu près en ces termes que je reformule : «La démocratie est
un long chemin, il faut lui laisser le temps de mûrir, le peuple algérien se formera progressivement à
l’accueillir et l’organiser».

Nous étions trop jeunes pour comprendre ce discours, mais comme il avait été répété plus de dix ans
après l’indépendance, nous étions conscients de sa persistance et du sens que l’âge a bien fini par
nous le faire comprendre.

Au final, nous attendons cette démocratie depuis un demi-siècle et d’autres intellectuels, d’une autre
génération, nous recommandent aujourd’hui encore la prudence car le régime militaire risque, disent-
ils, de se retourner avec violence à l’encontre du peuple algérien.

Je ne saisis pas trop ce que serait qu’une autre violence que celle que nous avons subie pendant
des décennies. Plus nous attendons, et plus les dispositions liberticides et le pillage financier sont
commis.

Pour ces intellectuels, il n’est jamais le moment de s’attaquer frontalement au régime des généraux.
Il y a toujours une explication pour nous en dissuader. Elle est toujours pleine de phrases joliment
tournées et de références choisies dans l’histoire.

Ces intellectuels passent leur temps à analyser et décortiquer les faits et gestes des clans militaires,

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comme le ferait une cancanière. Ils sont devenus les spécialistes et chroniqueurs des alliances de
clans.

En revanche, pas une accusation, pas une seule menace, pas un mot de trop. Ils sont dans la haute
analyse intellectuelle et sondent les comportements sociologiques alors que nous, nous serions, à
leurs yeux, dans la vulgarité de l’affrontement brutal. Lorsque j’étais aux côtés de feu Hocine Aït
Ahmed, je ne les voyais que lorsqu’ils s’approchaient prudemment de nous pour renifler nos
potentialités de victoire et paraître, le moment venu, à la lumière.

Passons maintenant au second argument, cette fois-ci de fond. Il y a manifestement une méprise sur
ce qu’est la désobéissance civile, telle que nous la concevons et telle que je la prône. Car la
désobéissance civile n’est absolument pas le soulèvement armé et sanglant qui se dégage de
l’écoute et de la lecture de ces intellectuels. C’est tout simplement une force pacifique qui fait du
nombre sa puissance surmultipliée.

Le hirak a été extraordinaire dans ses débuts, il a soulevé mon âme et réveillé mes espoirs. Il allait
réussir là où nous avions échoué car il avait pris une arme atomique face à ce régime, soit l’humour,
la dérision et la détermination.

Mais nous avions attendu, en vain, des réunions, des débats, des résolutions et des votes de
délégués. Rien de tout cela, les semaines et les mois passent et pas la moindre initiative politique
sérieuse qui émanerait de cette puissante force que constituent le nombre et la conviction d’une belle
jeunesse.

Il est temps d’en venir maintenant à un durcissement du discours, faire face au régime militaire et lui
dire que son chemin d’épouvante et de pillage s’arrête là, maintenant et pour toujours. Les Algériens
doivent définitivement conquérir cette indépendance qu’ils avaient cru acquise, il y a un demi-siècle.
Justement, avec des danses dans les rues, à cette époque déjà.

Chaque innocent incarcéré pour sa liberté, chaque femme inquiétée par les lois liberticides contre les
femmes, chaque jeune qui se fait voler sa jeunesse flamboyante et tout un peuple qui se fait saigner
financièrement, cela suffira à la force immense qui se soulève en menace contre l’oppression.

Qu’est-ce que cette génération de jeunes est prête à payer pour obtenir la démocratie ? En fait, il
suffirait de presque rien, sans aucun danger vital. Voilà pourquoi la désobéissance civile est la route
à prendre pour enfin libérer notre pays et ouvrir les fenêtres à la vie, à la modernité, à la promesse
de l’humanité radieuse.

Refuser d’aller voter est la seule étape de désobéissance civile que je pense être partagée par le
hirak. Mais nous avons vu des milliers de manifestants, nous n’avons pas vu la majorité des
Algériens, cette majorité du silence qui ne s’est pas prononcée.

Ainsi, le hirak doit passer à une proposition au peuple d’une désobéissance civile beaucoup plus

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claire et radicale et tester sa véritable envie de changement, puis de l’accompagner.

Refuser tous les autres actes de la vie publique qui sont décidés par ce régime qui nous étouffe
depuis un demi-siècle, est-ce prendre un lourd risque ? Il m’avait semblé que les débuts du hirak
allaient vers la proposition d’une grève générale, pourquoi n’en est-il plus question ?

On s’était moqué de nous, il y a trente ans, avec la proposition du boycott des élections, trente ans
de perdus !

Et si certains intellectuels algériens estiment qu’il ne faut pas provoquer lourdement ce régime au
risque de le voir se retourner violemment contre la population, alors je les accuse de ne jamais avoir
fait quelque chose pour que ce pays en soit arrivé à ce choix morbide, se taire ou mourir.

Un demi-siècle, il est peut-être temps de rejeter les avertissements de ceux qui continuent à militer
pour la prudence. Car la prudence qui dure autant, elle est coupable et je la condamne.

A ceux qui m’accusent de ne pas venir sur place prouver mon courage, je leur dis que nous sommes
venus il y a trente ans. Lorsque les chars sont sortis dans la rue, vous nous avez laissé nus et vous
nous aviez répondu que vous préfériez les généraux aux islamistes.

Eh bien, vous avez eu les deux, et trois cent cinquante mille morts en prime. Continuez à danser
dans les rues, c’est une spécialité algérienne depuis 1962. Pendant ce temps, les derniers milliards
passent en offshore, au rythme des youyous.

Par Sid Lakhdar Boumédiene

, Enseignant

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