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Les FICHES de LECTURE COMPLETES

de la CARDIE de la Réunion

Ethiques et pratiques enseignantes


Les gestes pro dans la classe : éthiques et pratiques pour les temps qui viennent.
Conférence de Dominique Bucheton du 18 mai 2021
https://urlz.fr/gwJY

D. Bucheton est intervenue à la suite de la parution de son livre intitulé : Les gestes pro dans la classe : éthiques
et pratiques pour les temps qui viennent. (2ème édition actualisée)

Dominique Bucheton est une ancienne enseignante (20 ans de collège), devenue chercheuse sur les questions
de l’éducation. Elle s’est spécialisée sur la question des gestes professionnels.
Selon D. Bucheton, les gestes professionnels sont des techniques mais aussi des éthiques et des valeurs.
Son idée est de comprendre les raisons de l’échec scolaire. Il est en effet urgent, nous dit-elle, de questionner
le métier d’enseignant.

Pourquoi ce livre ?
Dominique Bucheton affirme, dans un premier temps, que le métier d’enseignant va mal, l’école va mal.
Cela n’est pas, selon elle, une question franco-française, mais cela est bien un constat partagé au niveau
international. Le métier est, en effet, peu reconnu, peu valorisé et mal formé.
Ce métier n’attire plus : c’est une question grave, nous dit Dominique Bucheton dans son préambule.

Elle ajoute que les enseignants en France ne vont pas très bien. De nombreux enseignants ressentent un malaise,
du désespoir. Beaucoup ont perdu leur boussole. Les enseignants ne s’y retrouvent plus dans les valeurs de la
république (Fraternité / compétition/ évaluation/Bachotage/ capitalisation des savoirs…).

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Il est donc nécessaire de s’interroger sur l’éthique du métier : cela est de notre responsabilité.
Dominique Bucheton insiste : il faut comprendre à quel niveau, dans le petit espace qui est le nôtre (50 minutes),
se loge notre responsabilité, il faut chercher où se trouve notre responsabilité dans les micro-gestes que nous
avons dans notre classe. C’est une question de fond.
D. Bucheton constate que nous savons comment construire la responsabilité, la solidarité, la créativité, nous avons
le capital pour émanciper, ouvrir la culture, développer des dispositifs, des manières de faire, développer
l’intelligence collective, développer l’esprit critique…
Cependant, tout est, selon elle, en train de passer sous une chape de plomb. C’est inquiétant, précise-t-elle pour
la conception de ce qu’est une culture éducative. Il faut alerter mais aussi donner des outils pour comprendre ce
qu’il s’est passé.

La spécificité du travail et des méthodes


D. Bucheton explicite sa méthode travail. Elle a souhaité voir s’il y avait des choses communes entre deux
enseignants faisant la même leçon, dans le même ordre, avec le même manuel, avec des élèves de mêmes origines
sociales. Pour cela elle utilise les vidéos.
D. Bucheton préconise, en effet, l’utilisation des vidéos pour observer, analyser, comprendre.
Les vidéos permettent d’identifier les gestes professionnels, les paroles, mais aussi les déplacements.
Chaque geste correspond à une préoccupation. L’enseignant dans sa classe a de multiples préoccupations.
Dominique Bucheton essaie de construire des catégorisations de grands ensembles de ces préoccupations, et de
les décrire d’une nouvelle façon en prenant en compte la dimension éthique. Ce qui différencie un enseignant
d’un autre.
Tissage/ étayage/ pilotage/ atmosphère/choix des objets de savoir : tous ces gestes sont en permanence dans la
tête de l’enseignant. Il va bricoler avec ses préoccupations.

Dominique Bucheton a observé que pendant 50 minutes, l’enseignant a entre 500 et 1300 interactions avec ses
élèves. Les gestes professionnels sont donc des réponses et des questions, une action constante qui se déroule.

Cette action de tissage : en quoi répond-elle à des finalités éthiques ?

Selon D. Bucheton, on ne peut pas commencer une nouvelle leçon sans se préoccuper de ce que l’élève sait,
connait déjà. Il est nécessaire de respecter le savoir et l’expérience des élèves, les prendre en compte, les
écouter.
Dans les classes académiques, Dominique Bucheton nous dit que ces préoccupations occupaient 7 % des
interactions entre maitres et élèves, alors qu’en lycée professionnel, cela représentait 50 % des interactions.
Prendre en compte le vécu le savoir, ce que sont les élèves dans leur singularité ; c’est les respecter.

Le concept d’atmosphère

Dominique nous explique l’importance de ce concept. L’espace de la classe doit, en effet, être un espace de
sécurité morale, affective, intellectuelle qui permet de construire une pensée collective.
On ne peut pas se parler dans une classe, penser dans une classe s’il n’y a pas un échange de paroles, de
pensées, pas de respect, d’écoute…
Il suffit d’écouter la manière dont l’enseignant pose des questions et répond pour voir si l’enseignant est à
l’écoute. Les effets sont immédiats sur les élèves.

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Définitions
Les gestes professionnels : ce sont des gestes langagiers et corporels, propres à chaque enseignant. Ils sont
l’actualisation et l’ajustement en contexte des préoccupations complexes de chaque enseignant. Ils nécessitent la
compréhension rapide des avancées ou difficultés des élèves.

Les postures : une posture est une schème-réponse disponible et flexible pour résoudre une tâche. Les postures
sont langagières cognitives et corporelles. Elles se sont construites dans l’histoire et l’expérience des élèves et
des enseignants et sont devenues plus ou moins automatiques ou inconscientes. Elles sont relatives au contexte
et aux objets travaillés.

Dominique Bucheton apporte des précisions quant à ces deux notions. Les réactions des élèves ne sont pas
sensibles à un seul geste : heureux ou malheureux. Ils sont sensibles à des postures.
Une posture c’est une concaténation de plusieurs gestes, c’est un ensemble de gestes qui fonctionnent ensemble
pour intervenir dans une situation (exemple : cour magistral, bcp de bruits… je change de posture).
Les élèves sont sensibles aux postures des enseignants plus qu’à des gestes spécifiques.

Le poids des Doxas : les « allant de soi » partagés dans les salles de prof, dans les couloirs, les repas de famille
sur des sujets variés relatifs à l’enseignement. Ce sont des choses que nous n’interrogeons pas.
Considérées comme des évidences, elles ne sont pas questionnées alors que nombre d’entre elles dysfonctionnent.
Ces doxas sont parfois très pesantes (exemple : la capabilité des élèves).
Il est possible de les travailler en formation devant des vidéos, en discussion collective. Cela permet une prise de
conscience qui permet une remise en question des représentations que nous avons.
C’est de la discussion que jaillit le progrès de notre pensée. Les élèves eux aussi ont des doxas, des représentations
toutes faites. Les moments de discussion sont essentiels pour faire sortir ces représentations fausses.

Logiques d’arrière-plan : Les conduites des élèves et des enseignants obéissent à des raisons, des
représentations que les uns et les autres se sont forgées dans leur expérience d’élèves ou d’enseignants. Chez les
enseignants ; ce sont les discours communs ordinaires, parfois polémiques qu’on entend lors de conseils de
classe par exemple.

Modèle du multi agenda (MMA ) : modèle d’analyse de l’agir enseignant


Ce modèle apporte des outils pour les enseignants, pour les formateurs pour comprendre ce qu’il se passe.
Il décrit, en effet, 70 % de ce qui se passe dans la classe et permet de se questionner seul ou en groupe.
Ce sont des outils d’observations, d’analyse pour observer le co-ajustement entre les postures des enseignants et
des élèves. Quand des enseignants ont un panel de postures larges ouvertes, on observe que les élèves ont de
nombreuses postures. A l’inverse, quand les enseignants ont un panel de postures fermées, les élèves sont passifs
et développent peu de postures.
Dominique Bucheton nous précise que lorsque les enseignants sont dans des postures d’étayage de contrôle, qu’il
n’y a notamment pas de lâcher-prise, ou trop de parole, et peu d’accompagnement, les effets de décrochage sur
les élèves sont importants.

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Elle ajoute qu’elle a pu observer des transformations impressionnantes chez certains enseignants s’intéressant à
ce modèle.
Enfin, elle rappelle l’objectif de ce modèle : faire réussir beaucoup mieux les élèves.

Des questions
Comment amener un enseignant débutant à avoir une démarche éthique et s’interroger sur ses
postures ?
C’est une question fondamentale en lien avec la formation. Les postures sont peu travaillées lors de la formation
initiale. Il est donc important d’amener les stagiaires à observer attentivement les élèves (observer trois élèves :
ce qu’ils disent, font pendant une dizaine de minutes…). Cela va permettre de découvrir les élèves, de les
respecter, les comprendre.
D. Bucheton nous invite à ne pas déposer un regard préconstruit sur les élèves mais un regard singulier pour
chercher à comprendre leur fonctionnement, leur représentation.
Il est nécessaire de s’interroger : dans quelle logique les élèves sont ?
Le meilleur outil pour répondre à ces préoccupations est, selon D. Bucheton, l’observation singulière, et précise.
La compétence première d’un enseignant, c’est sa capacité d’observer, qui va lui permettre de comprendre.

L’éthique : une dimension personnelle ou institutionnelle ?


Dominique Bucheton nous incite à sortir des mots et des formules pour regarder à l’intérieur des programmes et
préconisations pour voir comment tout cela est mis en œuvre.
Quelles sont les finalités de l’école aujourd’hui ? Comment l’école prépare les élèves à affronter la société de
demain ?
Il est nécessaire de développer des pensées singulières et des pensées collectives.
Soyons dans une responsabilité citoyenne (l’école est l’avenir d’une nation) mais aussi une responsabilité
professionnelle. Défendons notre métier pour le repenser. Pensons à des projets éthiques.
Ce métier nécessite aussi, selon D. Bucheton, une éthique personnelle : c’est un engagement et une responsabilité.
Il est nécessaire de partager ces responsabilités avec nos collègues qui vivent les mêmes problématiques.
C’est un projet de vie, un engagement, une relation humaine. C’est un grand métier.

L’aménagement de la classe : climat scolaire serein ?


L’aménagement de la classe (ilots/ table d’aide/ plusieurs tableaux…) est très symbolique de la manière dont
l’enseignant conçoit son métier, travaille, et de la manière dont les enfants pensent et travaillent.
La disposition des classes a beaucoup évolué dans le premier degré mais peu dans le second degré.

On parle de « gestes professionnels de l’enseignant » ? Sont-ils différents entre ceux du premier degré et
du second degré ?
Ce modèle s’est construit de l’école primaire, à l’université en passant par le collège, le lycée général, et le lycée
professionnel. Ce sont des fondamentaux : tissage étayage, pilotage, mais qui s’expriment, chaque fois, selon le
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contexte didactique de manière différente. En effet, le tissage en sport et en mathématiques ne peuvent pas être
les mêmes. Le tissage en début de CP ou fin de CP n’est pas non plus le même.
Les préoccupations des enseignants sont identiques mais elles évoluent, et s’adaptent au contexte disciplinaire.
Dominique Bucheton, nous précise qu’il y a quelque chose d’universelle dans la relation éducative. Elle nous
invite à construire des espaces de pensées pour les élèves, leur permettre de s’émanciper, de penser par eux-
mêmes avec les autres, le collectif, la culture, d’apprendre le doute.

Comment un prof peut se préserver et ne pas être submergé par toutes ces préoccupations ?
Quels outils un formateur peut-il donner aux stagiaires qu’il encadre ?
Dominique Bucheton nous recommande de travailler en équipe.
Une classe est une communauté éducative, ce n’est pas un professeur devant ses élèves, et ceci même en
primaire. Il y a vraiment besoin d’accompagnement.

Dominique Bucheton nous informe que dans cet ouvrage, un nouveau chapitre fait place au numérique.

Rappel : Les postures de D. Bucheton


Source : Institut français de l’éducation
http://neo.ens-lyon.fr/neo/formation/analyse/les-postures-enseignantes

Une posture est une structure pré-construite (schème) du « penser-dire-faire », qu’un sujet convoque en réponse
à une situation ou à une tâche scolaire donnée. Les sujets peuvent changer de posture au cours de la tâche selon
le sens nouveau qu’ils lui attribuent. La posture est donc à la fois du côté du sujet dans un contexte donné, mais
aussi de l’objet et de la situation, ce qui rend la saisie difficile et interdit tout étiquetage des sujets.

Les « postures d’étayage » permettent de rendre compte de la diversité des conduites de l’activité des élèves
par les maîtres pendant la classe :

 Une posture de contrôle : elle vise à mettre en place un certain cadrage de la situation : par un pilotage
serré de l’avancée des tâches, l’enseignant cherche à faire avancer tout le groupe en synchronie.
 Une posture d’accompagnement : le maître apporte, de manière latérale, une aide ponctuelle, en partie
individuelle en partie collective, en fonction de l’avancée de la tâche et des obstacles à surmonter.
 Une posture de lâcher-prise : l’enseignant assigne aux élèves la responsabilité de leur travail et
l’autorisation à expérimenter les chemins qu’ils choisissent.
 Une posture de sur-étayage ou contre-étayage : variante de la posture de contrôle, le maître pour
avancer plus vite, si la nécessité s’impose, peut aller jusqu’à faire à la place de l’élève.
 Une posture d’enseignement : l’enseignant formule, structure les savoirs, les normes, en fait
éventuellement la démonstration.
 Une posture dite du « magicien » : par des jeux, des gestes théâtraux, des récits frappants, l’enseignant
capte momentanément l’attention des élèves.

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Bibliographie

Bucheton (D.), Les postures enseignantes, Eduscol 2016


Bucheton (D.), Refonder l'enseignement de l'écriture, Retz, 2014
Bucheton (D.), L'agir enseignant : des gestes professionnels ajustés, Collectif, 2009
Bucheton (D.), Le développement des gestes professionnels dans l'enseignement du français:
Un défi pour la recherche et la formation (2008)
Bucheton (D.), Chabanne (J.-C.), Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire : l'écrit
et l'oral réflexifs. PUF, 2002.
Soulé (Y.), Bucheton (D.), « Gestes professionnels, posture d'évaluation et rapport à la norme
dans un atelier d'écriture au cours préparatoire »
Soulé (Y.), Bucheton (D.), L'atelier dirigé d'écriture au CP: Une réponse à l'hétérogénéité des
élèves (2009)

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