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Qu’est-ce que le squiggle winnicottien?

définition
Le squiggle est un jeu de dessin à deux inventé par le psychanalyste anglais Donald Winnicott. Il
est pratiqué en thérapie d’enfant afin d’établir un lien et une communication entre l’enfant et son
thérapeute à travers un media (une feuille de dessin).
Squiggle et créativité
Comme nous allons le voir, le dessin va servir de support de projection aux fantasmes
inconscients de l’enfant un peu à la manière d’un Rorschach. On pourrait presque dire que le
squiggle est un Rorschach ludique à deux.
Pour D.Winnicott, le squiggle est un moyen « bricolé » par lui-même afin d’aider à explorer
l’imaginaire enfantin de façon simple et ludique. Il insiste bien sur le fait qu’il s’agit d’un outil
qu’il a d’abord pensé pour lui et non comme un outil protocolisé, généralisable. De ce point de
vue, la démarche liée à l’invention du squiggle (qui renvoie à la créativité, à l’échange etc. ) est
sans doute aussi importante que son déroulement en soi.
Le squiggle renvoie à la notion winncottienne de play (jeu sans règle stricte) lié à l’imaginaire
par opposition au game (jeu avec des règles plus strictes, souvent plus associé à une idée de
compétition).
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Dispositif du « squiggle game »
Le déroulement d’un squiggle est de fait assez simple : dans un premier temps, le thérapeute
trace une courbe sur une feuille puis laisse l’enfant compléter ce premier « gribouilli » afin d’en
faire un petit dessin représentatif. Par la suite, l’enfant réalise une autre courbe de son choix et
le thérapeute la complète. Le jeu se répète plusieurs fois, à tour de rôle.
Dans De la pédiatrie à la psychanalyse, Donald Winnicott définit le déroulement d’une partie de
Squiggle : « Je fais un gribouillis et l’enfant le transforme. Il en fait un à son tour et c’est à moi de
le transformer…Quelquefois je tarde à le transformer pour lui donner l’occasion de déployer son
imagination»
De même, Voici comment il la présente à Bob, un enfant qu’il reçoit en consultation, dans son
ouvrage La consultation thérapeutique et l’enfant: « Je ferme les yeux et je laisse courir mon
crayon sur la page. C’est un squiggle. Tu en fais quelque chose d’autre puis c’est à toi de jouer ;
tu fais un squiggle et c’est moi qui le transforme ».
Comme on le voit, Winnicott décrit le Squiggle de manière volontairement simple et laisse une
place importante à l’interprétation de l’enfant (en ce sens il s’agit bien d’un play).
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Traduction
Le terme anglais de Squiggle est un néologisme de Winnicott difficilement traduisible en français.
En effet, en français, le mot « gribouilli » ne correspond pas exactement à l’anglais squiggle, car
gribouillis ou gribouillage se dit scribble.
En français,divers néologismes ont été proposés notamment le griffouillage, par M. Taillandier.
Mais l’usage a conservé le terme anglais (comme pour d’autres concepts winnicotiens: holding,
game/play etc.) et l’on parle donc préférentiellement de « Squiggle ».
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Exemple d’utilisation du squiggle dans « Jeu et
réalité »
Dans Jeu et réalité, Winnicott donne un exemple d’une utilisation du Squiggle lors de
consultations :
« En mars 1955, un garçon de sept ans fut amené par son père et sa mère au Service de
Psychologie du Paddington Green Children’s Hospital. Les deux autres membres de la famille les
accompagnaient : une fille de dix ans, qui allait dans une école spécialisée, et une petite fille de
quatre ans qui paraissait à peu près normale. Ce garçon avait été envoyé par le médecin de
famille en raison d’une série de symptômes indiquant des troubles de caractère. Le test
d’intelligence donna un Q. I. de 108. (Je laisserai de côté tous les détails qui ne concernent pas
directement notre propos.)
J’eus d’abord un long entretien avec les parents qui me décrivirent de façon précise le
développement de leur fils et les distorsions intervenues dans ce développement. Ils omirent
toutefois de me raconter un détail important que j’appris en m’entretenant avec le garçon.
Il était facile de voir que la mère était dépressive. Elle dit qu’elle avait été hospitalisée pour
une dépression. Le récit des parents m’apprit que la mère s’était occupée de son fils jusqu’à la
naissance de la sœur, il avait trois ans et trois mois à l’époque. Ce fut la première séparation
importante ; la seconde eut lieu huit mois plus tard, la mère devant subir une opération. Quand
l’enfant eut quatre ans et neuf mois, la mère passa deux mois dans un hôpital psychiatrique et,
pendant cette période, la sœur de sa mère s’occupa beaucoup de lui. À cette époque, tout le
monde disait qu’il était difficile, tout en ayant de très bons côtés. Il lui arrivait de changer
brusquement d’humeur, terrifiant tout son entourage en disant, par exemple, qu’il allait couper
la sœur de sa mère en petits morceaux. Il manifesta de nombreux symptômes bizarres, entre
autres, une compulsion à lécher choses et gens ; il faisait des bruits de gorge compulsifs. Il
refusait souvent d’aller à la selle et se souillait. Manifestement, la déficience mentale de la sœur
aînée l’angoissait, mais la distorsion dans son développement paraissait être intervenue avant
que ce facteur ne devînt significatif.
Après mon entretien avec les parents, j’en eus un avec le garçon sans eux. Deux travailleurs
sociaux psychiatriques et deux visiteurs assistaient à la consultation. À première vue, rien
d’anormal n’apparaissait chez ce garçon. Rapidement, il se mit à jouer avec moi au squiggle.
(Dans le jeu du squiggle, je fais un tracé libre, et je demande à l’enfant que j’examine d’en faire
quelque chose ; puis, à son tour, l’enfant fait un squiggle et c’est à moi d’en faire quelque chose.)
Dans le cas de ce garçon, le jeu du squiggle eut un curieux résultat. La paresse de l’enfant apparut
immédiatement et tout ce que je faisais, il le traduisait en quelque chose d’associé à la ficelle.
Parmi les dix dessins qu’il fit, il y avait :
un lasso,
un fouet,
un manche de fouet,
la ficelle d’un yo-yo,
un nœud de corde,
un autre manche de fouet,
un autre fouet.
Après l’entretien avec l’enfant, j’en eus un second avec les parents que je questionnai sur l’intérêt
particulier du garçon à l’égard de la ficelle. Ils dirent qu’ils étaient heureux que j’aie abordé ce
sujet ; eux-mêmes ne l’avaient pas mentionné, car ils ne savaient pas si c’était important. Leur
fils était devenu obsédé par tout ce qui avait un rapport quelconque avec une ficelle et, chaque
fois qu’ils entraient dans une pièce, ils pouvaient trouver des chaises et des tables attachées par
une ficelle ou encore un coussin relié à la cheminée par ce même moyen. L’intérêt du garçon pour
la ficelle avait pris depuis peu une direction nouvelle qui commençait à les inquiéter
sérieusement. Il avait récemment attaché une ficelle autour du cou de sa sœur (celle dont la
naissance avait été cause de la première séparation).
Dans ce type d’entretien, mes possibilités d’action sont limitées. Il m’était impossible de voir les
parents ou l’enfant plus que tous les six mois, car ils habitaient la campagne.
J’agis donc de la façon suivante : j’expliquai à la mère que son fils redoutait la séparation qu’il
essayait de nier au moyen du jeu de la ficelle, de même qu’on nie la séparation d’avec un ami en
recourant au téléphone. Elle était sceptique, mais je lui dis que si elle finissait par trouver un sens
à mes paroles, je souhaitais qu’elle aborde le sujet avec son fils au moment opportun et qu’elle
lui rapporte notre conversation. Puis qu’elle développe la question de la séparation en tenant
compte de ce que lui aurait répondu l’enfant.
Je n’entendis plus parler d’eux pendant six mois puis, un jour, ils revinrent me voir. La mère ne
me dit pas ce qu’elle avait fait, mais je la questionnai et elle me raconta ce qui s’était passé peu
après la visite qu’ils m’avaient faite. Ce que je lui avais dit lui avait paru un peu bête mais, un soir,
elle avait abordé la question avec son fils et avait constaté qu’il était très désireux de parler de la
relation qu’il avait avec elle ainsi que de sa peur de ne pas avoir de contact avec elle. Avec son
aide, elle évoqua toutes les séparations auxquelles elle pouvait penser et elle fut bientôt
convaincue par ses réponses que ce que j’avais dit était vrai. De plus, le jeu de la ficelle cessa
immédiatement après cette conversation. L’enfant ne cherchait plus, comme il l’avait fait jusque-
là, à réunir des objets. La mère parla encore fréquemment à son fils du sentiment qu’il avait d’être
séparé d’elle et fit à ce propos une remarque judicieuse. Elle avait perçu que la séparation la plus
importante avait eu lieu au moment de sa dépression, l’enfant avait alors éprouvé le sentiment
de l’avoir perdue. Ce n’était pas simplement le fait qu’elle fût partie, dit-elle, mais parce qu’elle
n’avait pas de contact avec lui, étant entièrement absorbée par quantité d’autres choses. »

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