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Analyse organisationnelle de l'hôpital à travers le modèle

de Mintzberg : cas de l'Hôpital Universitaire Cheikh Zaid


Imane Makhloufi, Janad Saadi, Lahcen El Hiki, Amine El Hassani
Dans Santé Publique 2012/6 (Vol. 24), pages 573 à 585
Éditions S.F.S.P.
ISSN 0995-3914
DOI 10.3917/spub.126.0573
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Analyse organisationnelle de l’hôpital
à travers le modèle de Mintzberg :
cas de l’Hôpital Universitaire Cheikh Zaid
Hospital organizational analysis based on the Mintzberg
model: the case of Sheikh Zayed Hospital, Rabat
Imane Makhloufi (1), Janad Saadi, Lahcen El Hiki, Amine El Hassani

Résumé : Aujourd’hui, le nouveau mode de gouvernance des institutions hospitalières exige


des établissements de santé de développer, en dehors de leurs missions de service public,
des nouvelles compétences managériales, financières et sociétales.
S’inscrivant dans cette nouvelle vision, l’Hôpital Universitaire International Cheikh Zaid au
Maroc (HUICZ) a mené un projet dédié à la modernisation de sa gouvernance organisa-
tionnelle à travers l’intégration progressive des bonnes pratiques managériales. Toutefois en
raison des particularités de l’établissement, piloter ce type de transition requiert une mise
en exergue des grandes spécificités configurationnelles existantes. Spécificités qui justifient
la nécessité, de concevoir des solutions personnalisées, loin des ordonnances généralisées,
dont le taux d’échec lors de la mise en place demeure significatif.
Dans cette perspective, le présent article relate la première phase (diagnostic), de notre
expérience d'intervention, de cinq années, au sein de l’HUICZ, relative à la conception et à
la mise en place d’un projet de restructuration. Initiée depuis 2008, cette opération, articulée
autour de trois grands axes : diagnostic – conduite du changement – informatisation, a
permis aujourd’hui, à l’HUICZ de retrouver la croissance, de développer son activité, et de

ARTICLES
réaliser son extension géographique. À travers la présente étude, nous allons alors, nous
intéresser à la première phase du projet ayant porté sur l’analyse fonctionnelle à la lumière
du modèle de Mintzberg, donnant lieu à une nouvelle vision organisationnelle axée sur le
décloisonnement des départements, la formalisation des modes de coordination et la
sécurisation de l’information.
Mots-clés : Théorie Mintzberg - organisation hospitalière - management hospitalier.

Summary: The new system of hospital governance requires health institutions to develop new
managerial, financial and social skills beyond their public service duties.
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As part of this new approach, the organizational modernization of hospitals involves intro-
ducing good management practices. However, managing the transition requires taking into
account the specificities of existing organizational systems. Organizational systems are gene-
rally difficult to model and involve diverse and sometimes competing interests, concerns,
habits, languages, cultures, tools and representations. This explains the high failure rate
observed in hospital development projects at an organizational level.
Santé publique 2012, volume 24, n° 6, pp. 573-585

A number of organizational theories from a range of disciplines (sociology, biology, history,


etc.) have examined the question of organization in hospitals. The many theories developed
in this area are not incompatible. Rather, they form a set of useful tools for the analysis of
organizational management. The purpose of this study was to conduct an organizational
analysis of Sheikh Zayed Hospital (Rabat) based on the Mintzberg model as a prerequisite for
the development and implementation of a restructuring plan.
Keywords: Mintzberg model - hospital organization - hospital management.

(1) ENSEM - Route Al Jadida - 20000 Casablanca - Maroc.

Correspondance : I. Makhloufi Réception : 17/01/2012 – Acceptation : 30/09/2012


574 I. MAKHLOUFI, J. SAADI, L. EL HIKI, A. EL HASSANI

Introduction
Depuis plusieurs années, l’organisation hospitalière se trouve confrontée à
des enjeux et défis majeurs. De la maîtrise des risques et de la qualité de ses
prestations, à la réduction des coûts de fonctionnement, en passant par les
exigences pressantes des partenaires politico-socio-économiques. L’organi-
sation hospitalière est plus que jamais appelée à s’inscrire dans la logique
d’innovation organisationnelle basée sur la maîtrise intégrée de son système
de gestion [1]. Il s’agit d’une nouvelle perspective, évolutive et porteuse
de changements d’envergure dans la culture managériale hospitalière.
D’ailleurs, sur le plan de la recherche scientifique, la problématique
de l’organisation hospitalière a occupé, durant les dernières décennies, une
place majeure dans les différents travaux ayant trait à la gestion et à l’ingé-
nierie des systèmes hospitaliers.
Par ailleurs, force est de constater que les établissements de santé
s’adaptant aux nouvelles contraintes, sont de plus en plus diversifiés compte
tenu de leurs choix organisationnels internes [2-7]. En effet, l’intégration de
nouveaux modèles de gestion basés, souvent, sur une informatisation
brutale des processus, a transformé la vision classique de l’Hôpital. D’après
El Hiki [1], la coexistence de plusieurs configurations organisationnelles
résulte entre autres, de cette course asynchrone vers l’informatisation des
processus et des équipements. La dimension organisationnelle a été souvent
négligée au détriment d’acquisition de nouvelles technologies. C’est ainsi
qu’au Maroc, les établissements de santé souffrent aujourd’hui, du non-
parallélisme entre une configuration organisationnelle déficitaire et une
obligation de modernisation imposée par l’évolution métier. Ce décalage
s’accroît alors que la qualité de l’organisation devient la clé de la
pérennisation de la relation Acteurs-Structure et l’outil indispensable pour
une gouvernance optimale.
Compte tenu de l’évolution socioéconomique et afin de s’y adapter, le Top
management de l’Hôpital Cheikh Zaid, a décidé d’optimiser les modes de
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gestion internes, et ce, en tentant d'adapter de nouveaux modèles mana-
gériaux au contexte de la structure. Faut-il rappeler que cette nécessité de
réorganisation émane d’une problématique classique, qui fait que, malgré le
renforcement de l’équipe médicale de l’HUICZ par les meilleurs compétences
nationales, et la dotation des installations techniques par les technologies
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les plus pointues, la réalité organisationnelle de l’hôpital, a été souvent jugée


moins pertinente que la renommée de la structure.
C’est ainsi que depuis 2008, l’Hôpital a lancé un projet de restructuration et
de mise à niveau organisationnelle de ses processus. S’étalant sur trois
phases (cinq années) : diagnostic (2008) – conduite du changement (2009-
2010) – informatisation (2010-2012), ce projet a permis aujourd’hui (après
restructuration et implantation du nouveau SIH) à l’HUICZ de se différencier
au niveau national par plusieurs acquis : (1) les compétences internationa-
lement reconnues de ses praticiens issus des différentes spécialités, (2) son
programme intégré de qualité et d’hygiène hospitalière, (3), la transparence
de son management, (4) la coordination et l’efficience administrative-finan-
cière et la qualité de maintenance technique, associées à un système de
gestion entièrement informatisé. À travers la présente étude, nous allons
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nous intéresser à la première phase du projet, relative à l’analyse organisa-


tionnelle sur base des apports via l’adoption du modèle de Mintzberg.

Méthode
L’objectif du présent travail serait l’application d’une méthodologie de
diagnostic organisationnel au cas de l’HUICZ, dans une approche intégrale de
conception de solution personnalisée, dédiée à la restructuration. L’hypo-
thèse initiale, étant que les problèmes opérationnels constatés par les
décideurs au sein de l’HUICZ (conflits interdépartementaux, réclamations de
la patientèle, etc.), pourraient être les symptômes de défaillances organisa-
tionnelles plus profondes, affectant les différents processus. Notre objectif
vise alors, la compréhension des mécanismes de l’organisation actuelle,
associé à l’identification de ses limites, pour élaborer un portefeuille
d’actions de modernisation de la gouvernance organisationnelle de l’HUICZ.
La référence théorique adoptée s’inscrit dans le cadre de la sociologie des
organisations. Elle permet une analyse fine de l’organisation hospitalière, en
abordant ses caractéristiques propres, ses objectifs, son fonctionnement, ses
acteurs et ses interactions avec l’environnement. Dans ce sens, l’HUICZ est
alors modélisé comme une forme d’organisation, « ayant des frontières
identifiables » constituant une unité de décision élémentaire, dotée de
ressources et moyens qui lui permettent d’atteindre des objectifs, fonc-
tionnant de façon relativement continue dans un environnement socioécono-
mique instable et loin de toute dimension institutionnelle [8].
Dans ce contexte, en appuyant notre réflexion sur une analyse de la
littérature autour de l’analyse organisationnelle ainsi que sur les éléments
issus de notre expérience sur le terrain au sein de l’HCZ (rapports, focus
groupe, accès aux Bases de Données, entretiens avec les acteurs, etc.), nous
nous proposons de diagnostiquer non seulement l’aspect statique de
l’organisation mais aussi sa facette dynamique recouvrant diverses notions
(division du travail, coordination, objectifs et pouvoirs des acteurs). Nous
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avons alors jugé particulièrement pertinent d’intégrer les travaux de
Mintzberg ayant trait au management des structures [9]. Dans ce cadre,
l’approche initié par H. Mintzberg, et découlant de divers travaux analysant
les structures [10-15], propose quatre grandes variables permettant
d'analyser l’organisation (la structure/mode de coordination ; l’état de
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l'environnement de l'organisation ; les buts et le pouvoir des acteurs).


Description et analyse de l’organisation à l’HUICZ
Présentation de l’Hôpital
Du point de vue médical, l’HUICZ s’affiche comme l’une des plus impor-
tantes structures hospitalières du Maroc. Il est situé au cœur du quartier
universitaire de Rabat. C’est un établissement hospitalier Privé à But non
Lucratif, gouverné par un Conseil d’Administration et géré par un Directeur
Général médecin. L’établissement disposerait après extension d’une capacité
litière totale de 300 lits dont une capacité litière fonctionnelle de 280 lits :
– 230 lits pour les longs séjours recouvrant toutes les spécialités ;
– 15 lits pour l’hôpital de jour ;
– 35 lits pour réanimation et soins intensifs.
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En plus de cette capacité d’hospitalisation, l’hôpital Cheikh Zaid offre un


plateau technique très avancé notamment un bloc opératoire composé de
9 salles équipées de matériel de pointe et répondant aux normes inter-
nationales pour les différentes spécialités. La chirurgie mini-invasive est
pratiquée dans les champs suivants : Chirurgie endoscopique, urologique,
Cœlio-chirurgie, neurochirurgie stéréotaxique, arthroscopie, ophtalmologie
et chirurgie endoscopiques digestive.
L’hôpital comporte un effectif de 1 213 employés dont 423 médecins et
645 infirmiers et aides-soignants. Le chiffre d’affaires annuel est d’environ
22 millions d’euros, dont 20 % provient d’une patientèle étrangère.
La structure et le mode de coordination
L’Hôpital Cheikh Zaid est un établissement hospitalier Privé à But non
Lucratif, gouverné par la Fondation Cheikh Zaid. À ce niveau, nous avons
constaté la présence d’organes de décision (Conseil d’administration,
instance délibérative de la Fondation aux compétences importantes, et la
Direction, dont la compétence est générale mais limitativement énumérée)
au détriment des organes consultatifs (absence totale).
Par ailleurs au niveau opérationnel, l’Hôpital a adopté une organisation
orientée métier (Médical, Paramédical, Financier, Administratif, Technique,
etc.), et dont la Direction est assistée par des instances d’exécution (Direction
chirurgicale, Direction Médicale, Direction Administrative et Financière,
Direction Technique, etc.).
Cette organisation basée sur une départementalisation selon les spécialités
des professionnels, a joué en faveur d’un cloisonnement entre les différents
services, en créant au sein de chaque département (Direction) une certaine
forme de concentration des pouvoirs donnant lieu à « une forme hiérarchique
dans laquelle toutes les informations convergent vers les échelons
supérieurs » pour une prise de décision centralisée [16]. Les Directions, étant
hétérogènes de part leurs métiers, leurs logiques et leurs intérêts, ont favo-
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risé par conséquent, le cloisonnement des départements qui ont tendance à
poursuivre des buts spécifiques au détriment des objectifs organisationnels
globaux. Vont ainsi coexister au sein de l’hôpital, des objectifs forts différents
voire antagonistes, ce qui conduit à différencier l’administratif (avec des
préoccupations quantitatives liées aux coûts et aux rationalisations des
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ressources) et le médical (avec des objectifs qualitatifs relatifs à la qualité des


soins apportés au patient). Toute initiative d’introduction de logiques écono-
miques auprès du personnel soignant est vécue comme une remise en cause
de leur mission « assurer le bien-être du patient quel qu’en soit le coût » [17].
Situation qui a mené souvent à des conflits et des remises en cause de
certains maillons de la chaîne par d’autres [18].
Dans cette configuration, la division et la répartition des tâches telle que
constatée à notre arrivée, demeurent hétérogènes au sein des métiers et
tributaires du périmètre fonctionnel.
Cette hétérogénéité de la division des tâches a renforcé en soi, le cloison-
nement de la configuration organisationnelle de L’HCZ, et ce par la non
optimisation de la répartition des responsabilités et des attributions, en
particulier au niveau des interfaçages entre métiers. La fracture résultante a
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Tableau I : Répartition des tâches à l’HCZ

Métier Répartition horizontale Répartition verticale Observation


Médical Forte Forte Imposé par le métier
Pharmacie Forte Forte Imposé par la certification
Administratif et Financier Faible Faible Choix organisationnel
Gestion Ressources Faible Faible Choix organisationnel
Humaines
Logistique Faible Faible Choix organisationnel
Technique Forte Faible Choix organisationnel

Système d’Information Non formalisé Non formalisé Non formalisé


Organisation et Qualité Inexistant Inexistant Inexistant
Contrôle Inexistant Inexistant Inexistant

été d’autant plus forte, en l’absence d’un projet d’établissement cadrant les
objectifs et les moyens et renforçant ainsi, la création de synergie entre les
acteurs. Situation encore aggravée, par la non présence de structures trans-
verses (Qualité, SSIO, Comités Multidisciplinaires, etc.), le manque d’effi-
cience du système de contrôle interne, et à l’adoption d’un système
d’information cloisonné.
Dans une telle situation de cloisonnement intra-métiers et de diversifi-
cation des choix organisationnels à l’intérieur des périmètres fonctionnels,
les modes de coordination en relation interindividuelles informelles se sont
renforcés, en fonction des individus et de leurs pouvoirs. En exemple, à notre
intervention à l’Hôpital, le mode de coordination par ajustement mutuel, a
été le mode de coordination régnant au sein du niveau opérationnel. Ce
constat a été essentiellement lié à l’absence de procédures écrites et au
manque de traçabilité associé à l’activité. Souvent les opérateurs sont
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appelés à prendre des décisions (opérationnelles) via la communication
informelle. Aussi, la supervision directe a été souvent constatée, entre la
ligne hiérarchique et le niveau opérationnel. Ainsi, et par manque d’informa-
tisation et de formalisation, ce mode de coordination verticale s’est implanté
progressivement au sein de la structure entre les opérateurs et leurs
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hiérarchies.
Par ailleurs, la standardisation par les qualifications comme mode de
coordination, a été relevé exclusivement au sein des départements spécia-
lisés de l’Hôpital Cheikh. Concernant l’activité médicale et paramédicale, ce
mode de coordination a été imposé, vu que les postes sont définis par quali-
fication du personnel (médecins spécialistes, infirmiers, aide-soignante, etc.),
et de même, au sein de l’activité technique, où la standardisation par quali-
fication demeurait le mode de coordination adopté.
Quant à la coordination par standardisation des procédés ou des normes,
elle est globalement inexistante au sein de l’HCZ (excepté le Service
Pharmacie), du fait que ce type de mécanisme s’appuie sur la transcription
des pratiques. Or à notre arrivée, cette démarche n’a pas été courante au sein
de la structure. De même pour la standardisation des résultats, qui, par
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définition des objectifs, est directement liée à l’élaboration de référentiel.


Toutefois, par manque de fiabilité et d’exhaustivité des données, associées à
une faible standardisation des pratiques, il a été difficile de mettre en place
au sein de l’Hôpital Cheikh Zaid un système basé sur les résultats.
La configuration et les acteurs
Selon Mintzberg, l'hôpital constitue une bureaucratie professionnelle au
même titre que les universités, les cabinets d'expertise-comptable, les
organismes d’action sociale, les sociétés d’engineering, etc. La partie-clé de
l’organisation, est le centre opérationnel dont les opérateurs disposent
du pouvoir central. Dans ce type de configuration, où la spécialisation
horizontale est importante et où le regroupement en unités se fait par
fonction, la planification et le contrôle sont faibles et les seuls mécanismes
de liaison observables se trouvent dans sa partie administrative. Lors de
notre intervention à l’Hôpital Cheikh Zaid, nous avons noté que le présent
constat décrit grossièrement la réalité organisationnelle.
En effet, les opérationnels médicaux disposaient d’une certaine forme
d’autonomie de décision et d’un pouvoir d’influence sur les stratégies de
l’établissement. Toutefois, il serait important de noter la présence d’hétéro-
généité au sein de ce même corps opérationnel, de par les fonctions (méde-
cins, infirmiers, aide Soignant), mais aussi en raison des statuts (personnel
de l’Hôpital, vacataires, mis à disposition, etc.) et surtout du point de vue
du mode de rémunération (à l’acte ou salaire mensuel). Cette diversité fait
que la ligne opérationnelle est loin d’être un bloc homogène ayant les mêmes
intérêts, objectifs et contraintes.
Associée à cette situation, la pérennité financière imposée à la structure,
du fait de son statut privée, crée l’émergence d’une volonté chez le Top
management, d’équilibrer le positionnement entre les gestionnaires garants
de la pérennité financière, et le corps médical producteur de l’activité. Dans
cette configuration, ont été initiées plusieurs tentatives de création d’un
corps fort de gestionnaires, et en conséquence une ligne hiérarchique non
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contrôlée exclusivement par les praticiens, qui met l’accent autant sur
l’activité métier que l’efficience financière.
Dans cette quête d’équilibre Gestion-Métier, l’Hôpital Cheikh Zaid a été
souvent le terrain de tensions fortes entre ses composantes. Une première
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tension est la propension des professionnels à obtenir, en plus du contrôle


sur leur propre travail, le contrôle collectif sur les questions technico-
administratives qui les concernent. C’est la raison pour laquelle Mintzberg
considère que, dans les bureaucraties professionnelles, les technico-
administratifs ne conservent leur pouvoir qu’à condition que leur action serve
efficacement les intérêts des professionnels, et que les questions stratégi-
ques soient sous le contrôle de ces derniers. À notre arrivée à l’Hôpital
Cheikh Zaid, cette volonté des praticiens de dominer d’autres périmètres
fonctionnelles que les leurs, a bien réussi sur certains segments (Direction
Technique, Direction Pharmacie, Direction qualité des soins), mais a été
fortement bloquée aux frontières administratives et financières. Ce position-
nement des financiers est fortement lié d’une part à la texture de la gouver-
nance de l’Hôpital (Conseil d’administration), composée essentiellement de
gestionnaires confirmés, et d’autre part, à l’importance de l’enjeu financier
LE MODÈLE MINTZBERG À L’HÔPITAL 579

pour la survie et la croissance de la structure. L’autre source de tensions à


mettre en évidence vient du positionnement d’appartenance particulier des
praticiens au sein de l’Hôpital Cheikh Zaid, comme l’a rappelé Mintzberg [9]
« Le professionnel tend à s’identifier plus avec sa profession qu’avec l’orga-
nisation où il la pratique ». Nous avons ici l’un des clivages les plus impor-
tants à mettre en lumière dans cette structure : l’opposition entre l’identité
professionnelle (Médecin), qui est plus concernée par les contraintes du
métier que par les contraintes de la structure, et l’identité institutionnelle
(HCZ), cette dernière caractérisant ceux qui se reconnaissent davantage dans
l’organisation où ils travaillent que dans leur métier ou leur profession. Dans
cette configuration de tension, la structuration de l’activité à l’Hôpital Cheikh
Zaid a été caractérisée par une séparation tranchée (fracture) entre pro-
fessionnels (médecins, ingénieurs, pharmaciens, paramédicaux) et non
professionnels (administratifs et financiers), qui disposaient d’une vision
radicalement différente de l’organisation où ils travaillent.

Facteurs de contingences

a. L’environnement
De manière générale, aujourd’hui le système privé de santé marocain est
confronté à une multitude de problèmes liés essentiellement à l'iniquité dans
le financement des soins, à la tarification jugée faible, et au statut d’une
bonne partie de ses ressources médicales.
• Cadre social
Aujourd’hui seuls 5 millions de Marocains (une population d’environ
32 millions) bénéficient d'une couverture médicale, alors que le reste de la
population prend individuellement en charge ses prestations médicales. Il en
a résulté que les établissements de soins de santé privés au Maroc, se sont
trouvés souvent obligés de s’adapter aux contraintes émanant de la
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diversités de leurs interlocuteurs (particuliers au lieu des structures), et
surtout de gérer les risques financiers associés.
• Cadre financier et réglementaire
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Actuellement, le système tarifaire appliqué par le secteur de santé génère


une tension permanente entre les structures privées et l’organisme respon-
sable de l’élaboration (l’ANAM Agence Nationale des Assurances Maladie).
Ce système (Tarification Nationale de Référence) basé sur une nomenclature
reprise du système français « NGAP », a été mis en place en 2006 dans le
cadre d’une convention entre les divers prestataires de soins privé et l’ANAM.
Cette convention, servant de base de remboursement des dossiers de
maladie, devait alors faire l’objet d’un ajustement au cours des trois années
après le démarrage. Cependant à ce jour, aucune revalorisation des tarifs n’a
été accordée. Par conséquent, plusieurs prestataires de soins se sont rabattus
sur des pratiques peu transparentes, de surfacturation, essentiellement rela-
tives aux honoraires de médecins, ne figurant pas sur la facture présentée
par la clinique, et donc non compris dans la prise en charge des organismes
gestionnaires.
580 I. MAKHLOUFI, J. SAADI, L. EL HIKI, A. EL HASSANI

• Cadre d’exercice des praticiens


Par ailleurs, comme dans de nombreux pays, le Maroc a accordé en 1996 aux
professeurs en médecine, le droit d’exercer à titre privé et lucratif, dans le
cadre d’un plein-temps aménagé (TPA). Les conditions de l'exercice de la
médecine dans ce cadre a été exclusivement prévu, dans des cliniques univer-
sitaires. Or, les cliniques universitaires n’existaient pas au moment de la paru-
tion de cette loi, et dans l’attente de leur création, la loi prévoyait une période
transitoire d’un maximum de 5 (cinq) années. Par cette dérogation, la loi
consacre la situation d’exercice du TPA en « extra-muros » dans les cliniques
privées et ce, jusqu’en l’an 2001, dépassée cette date la pratique du TPA ne
trouve plus ses fondements juridiques. Or à ce jour, l’exercice des médecins-
professeurs et autres catégories (non prévu par la circulaire) s’est vu continuer
de manière quasi-anarchique et incontrôlée dans les cliniques privées. Une
réalité qui a entraîné les cliniques de santé privée au Maroc, d’abord à ouvrir
leurs structures, puis à être dépendantes de médecins pratiquant en toute
irrégularité et dont l’esprit d’appartenance est difficilement clair.
• Le cas de l’Hôpital Cheikh Zaid
Pour le cas de l’HUICZ, il est à signaler que pour ses initiateurs, le concept
de base pour la création de son statut particulier d’hôpital privé à but non
lucratif, résident dans cette volonté d’amener une réponse concrète et pra-
tique, aux différents problèmes précités (praticiens en irrégularité, surfactu-
ration, paiement au noir, non-respect de la tarification nationale, prise en
charge des cas d’indigènes, etc.). Partant de ce concept, les décideurs
successifs de la structure se sont vus alors, contraints de penser, concevoir
et mettre en place des modèles et des stratégies qui visent le compromis
entre l’efficience médicale et financière dans un cadre transparent et
respectant la réglementation en vigueur.
De manière générale, nous avons pu constater que toutes ces politiques
convergeaient jusqu’à notre intervention vers le même concept de base, celui
d’assurer le plus de liberté et de souplesse à la ligne opérationnelle médicale
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dans l’exercice de sa fonction, et le transfert du centre de décisions, même
pour les problématiques techniques et financières, vers le périmètre médical.
Cette vision avait l’avantage d’assurer un environnement motivant pour les
praticiens, du fait que la majorité des décisions prises partaient dans le sens
de leurs intérêts personnels et professionnelles (mode de rémunération,
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effectifs paramédicales, politiques d’investissement, achats pharmacie, etc.),


mais présentait un risque majeur pour la structure. En effet, avec une tarifi-
cation aussi faible que l’hôpital est obligé d’appliquer (tarification NGAP),
associé à un niveau de rémunération de praticiens élevé (30 % du montant de
l’acte), et un effectif en paramédical dépassant même ceux prévus par
les normes (des charges personnel lourdes), ajoutés à des programmes
d’investissement conçus selon une vision purement médicale loin de toute
contrainte de rentabilité, et en l’absence de toute forme de subvention,
l’équilibre financier de l’HUICZ a été difficilement tenable, et en conséquence
la réflexion sur des modèles plus sécurisé et pérenne s’est imposée.
b. La taille et l’âge
De manière générale, la taille de la structure est considérée comme un des fac-
teurs les plus déterminants de la forme d'organisation. Selon Mintzberg [10],
LE MODÈLE MINTZBERG À L’HÔPITAL 581

plus la taille d'une organisation augmente, plus sa structure est élaborée, plus
les tâches y sont spécialisées, plus ses unités sont différenciées et plus sa
composante administrative est développée. De manière générale, plus l'organi-
sation est grande, plus elle tend à se formaliser. Pour le cas de l’HCZ, effective-
ment, nous avons constaté à notre arrivée, que l’importance de la taille
(1 000 employés, 280 lits, et 15 millions d’euros/an) a fait émerger ce besoin de
la formalisation, constamment réclamé par le top management. Toutefois,
par manque d’équilibre décisionnel (lié à la domination de la logique médicale)
et des raisons d’insuffisance de moyens humains, les actions opérationnelles
ont toujours primé sur l’initiation d’un projet de standardisation des pratiques
de la structure.
Par ailleurs et dans le même contexte, avec le temps, les organisations ont,
d’une manière générale, tendance à se formaliser davantage du fait de
l'expérience dont elles peuvent bénéficier pour formaliser les comportements
et prescrire des règles et des procédures à suivre face à un problème récur-
rent. L’organisation « apprend » à travers la répétition des tâches. Une orga-
nisation qui vieillit tend à répéter son travail et donc à devenir plus prévisible
et plus facile à formaliser. Or, pour le cas de l’HCZ (13 ans d’existence), ce
concept se présente contraire à la réalité organisationnelle. En effet, le man-
que de formalisation au sein de l’HCZ, est intiment lié à la dominance de la
vision médicale, et au caractère non-conformiste des patriciens. Cette situa-
tion fait que les choix organisationnels de la structure bloquent toute forme
de formalisme ou bureaucratie, et privilégient l’initiative des opérationnels.

Discussion
Au Maroc, l’organisation hospitalière publique et privée traverse une phase
décisive de son existence. Elle est actuellement au centre des débats sur la
santé et sur le système national de santé. Tous les acteurs du secteur – déci-
deurs, professionnels, financeurs et utilisateurs – déplorent le malaise qui
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pèse sur les structures hospitalières aujourd’hui. Corruption, pénurie de
professionnels, vétusté des équipements, insuffisance des budgets, clienté-
lisme, démotivation du personnel, inefficience, qualité des soins déplorable
et mécontentement des patients sont les maîtres mots dans toutes les
discussions aussi bien dans les hôpitaux eux-mêmes qu’au niveau de l’admi-
Santé publique 2012, volume 24, n° 6, pp. 573-585

nistration centrale. Changer l’organisation des établissements de santé


semble être devenu une nécessité alors que, même avec la succession de lois
et décrets mis en application au cours de la dernière décennie, le chan-
gement « prescrit sur ordonnance » n’a pas été nécessairement un gage
d’efficience, d’efficacité ou même d’effectivité.
Dans ce contexte, l’expérience de changement, adoptée par l’HUICZ
demeure importante en raison de la personnalisation de sa conception et des
résultats obtenus sur la qualité managériale et sur la production de soins. En
effet, l’HUICZ a pensé, conçu et mis en place son propre projet de conduite
de changement basé sur un diagnostic organisationnel de son mode
fonctionnel et des recommandations personnalisées à son contexte.
Dans ce cadre, notre première analyse a montré que l’évolution quasi
anarchique du secteur privé de la santé au Maroc [19], loin d’une réelle
582 I. MAKHLOUFI, J. SAADI, L. EL HIKI, A. EL HASSANI

initiative de régulation et de contrôle, a forcé l’HUICZ à adopter un mode de


management organique. Ce modèle, plus adapté aux environnements
instables, est caractérisé de manière générale, par une définition souple
des tâches (le cas au sein des activités médicales, administratives, para-
médicales, techniques, etc.), une décentralisation des décisions (en exemple
au profit des médecins pour certaines décisions qui relève de la gestion
(investissement, recrutement, etc.), une faible formalisation des procédures
de travail (absence quasi-générale d’une formalisation des procédures), une
hiérarchie peu importante (par exemple au sein du segment administratif et
financier le taux d’encadrement ne dépasse pas 4,6 %) et une coordination
qui se fait plutôt par ajustement mutuel. Or, ce modèle dynamique qui per-
met bien, à la petite clinique, d’éviter la reproduction de l’approche statique
mécaniste de l’hôpital public marocain [20], et de s’adapter à la complexité
et l’instabilité de l’environnement, ne peut être pour le cas de l’HUICZ, qu’une
solution partielle en raison des particularités de la structure et de la
complexité de sa configuration.
En effet, pour qu’un tel système assure une efficience organisationnelle
pérenne à l’HUICZ, la spécialisation du travail et la décentralisation des
décisions (points forts du modèle organique) doivent être accompagnées par
une mise en place de mécanismes de coordination et de contrôle afin
d’instaurer une cohérence de l’ensemble des actions menées. Ceci n’étant
pas le cas de l’HUICZ, où le cloisonnement constaté, lié à l’hétérogénéité des
métiers, les conflits des intérêts entre les détenteurs de pouvoirs déci-
sionnels (Gestionnaires et Praticiens), l’absence de structures transverses et
les insuffisances du système d’information et du système de contrôle, ont
fait que cette décentralisation a généré une forme de balkanisation de la
structure. Les départements dotés d’une certaine forme d’autonomie de
décisions, commençaient alors à créer des territoires, et se sont mis à
s’approprier des fonctions qui ne sont pas les leurs (par exemple les Direc-
tions médicales décident du recrutement des infirmiers et aides soignantes,
la Direction technique crée une unité propre d’achat, autre que le Service
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Achat de l’Hôpital, la pharmacie quant à elle, s’approprie entièrement la
négociation financière avec les laboratoires, etc.). Ce mode de fraction-
nement a renforcé le clivage entre métier, en multipliant les divergences et
les conflits entre les acteurs, mais surtout en faisant émerger une culture de
clanisme. A été alors constatée, la naissance d’attitude clanique, affichée par
Santé publique 2012, volume 24, n° 6, pp. 573-585

la mise à l’écart délibérée et systématique d’un ou plusieurs acteurs, ou


encore la tentative de déstabilisation de responsable qui s’oppose, volontai-
rement ou non, aux intérêts dudit clan. Ce constat traduit bien la dualité
organisationnelle au sein de l’HUICZ, qui influence les décisions, et qui a
souvent déstabilisé l’équilibre de pouvoir entre les professionnels, à travers
leur responsabilité sur les objectifs de soins, et les gestionnaires à travers
leur contrôle des ressources.
À travers le présent diagnostic, partagé avec les décideurs de l’hôpital, il a
été convenu de migrer le mode de gestion des activités non médicales (admi-
nistrative, financière, technique, paramédicale, pharmacie, logistique etc.)
vers des modèles plus formalisés et stables (mécanistes). Cette approche
permettra d’abord de sécuriser les équilibres établis, d’apaiser les tensions
sur les interfaces avec le corps médical, décloisonner les périmètres et
LE MODÈLE MINTZBERG À L’HÔPITAL 583

optimiser les processus. Dans cette vision globale, il a été procédé alors, à
l’élaboration d’une cartographie intégrale des processus et fonctions de
l’hôpital, puis l’affectation précise de chacune des fonctions à son dépar-
tement. Aussi et dans la même logique, il a été décidé d’instaurer et de
renforcer la coordination par standardisation des procédés au lieu du mode
de coordination d’ajustement mutuel prépondérant. C’est ainsi qu’une opé-
ration d’élaboration du manuel de procédures a été initiée, sur la base de la
transcription des pratiques et la formalisation de l’ensemble des opérations
réalisées par la structure. Cette démarche a permis à l’organisation de
clarifier les manières et les pratiques, et de canaliser les informations et
les responsabilités.
Concernant l’organisation médicale à l’HUICZ, les acteurs étant hétérogènes
de par leurs spécialités (médecins de l’Hôpital, mis à disposition, TPA, etc.), de
leurs modes de rémunération (à l’acte ou salarié), et de leurs contraintes
métier, et en l’absence de lien hiérarchique en raison de l’absence d’une
organisation médicale hiérarchique au sein de l’hôpital (organisation en
spécialités sans chefferie), il a été alors indispensable de concevoir un projet
d’établissement, comportant entre autres, une démarche de réorganisation
progressive et moins brutale, dont l’objectif serait d’inculquer progressi-
vement aux praticiens, un esprit d’appartenance et de rigueur organisa-
tionnelle (non opérationnelle), tout en assurant la continuité de la qualité des
prestations déjà acquise. Dans une telle situation, vu l’importance de l’activité
médicale en tant que métier de la structure, et le poids décisionnel du corps
médical, il a été bien clair qu’un tel projet ne peut se concevoir et se mener à
bien sans l’implication des praticiens. Ainsi, a été créé un Comité Médical
d’Etablissement (CME), comité assurant l’interface entre le corps gestionnaire
de l’hôpital et les praticiens. Cette démarche a permis la conception et la réali-
sation de plusieurs projets multidisciplinaires et a créé un noyau porteur du
changement au sein de la communauté médicale de l’HUICZ.
Enfin, et dans un souci de décloisonner les départements de l’HUICZ, de
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renforcer le contrôle interne, de consolider la fiabilité de l’information et de
rééquilibrer les décisions (entre praticiens et gestionnaires), des structures
transverses (quasi inexistantes à notre arrivée) tels que, le Service de
contrôle et de Gestion et Audit (SCGA), le Service Système d’Information
(SSI), le Service Qualité et Organisation (SQO), le Service de Communication
Santé publique 2012, volume 24, n° 6, pp. 573-585

(COM) etc., ont été créées. Ces nouvelles unités ont permis une meilleure
circulation d’informations entre les différents départements, tout en assurant
la traçabilité relative à l’ensemble des opérations établies. À travers cette
traçabilité alimentant de nouvelles bases de données, un ensemble de
reportings, de tableaux de bord, de plans de budgétisation et d’objectifs, a
été élaboré permettant ainsi l’adoption de modèles de standardisation
des résultats.

Conclusion
En 2008, l’Hôpital Universitaire International Cheikh Zaid a lancé un projet
de restructuration organisé en trois grandes phases : l’analyse organisa-
tionnelle avec identification des limites de l’existant, la définition d’une cible
584 I. MAKHLOUFI, J. SAADI, L. EL HIKI, A. EL HASSANI

organisationnelle et la conduite du changement, et enfin l’informatisation


intégrale de la structure.
À travers cet article, nous avons présenté un résumé de la première étape
visant à cerner l’organisation existante à l’HUICZ, tout en identifiant ses
principales limites. Cette analyse a révélé que le diagnostic des composantes
organisationnelles de la structure demeure une étape clé pour la bonne
conduite de tout projet de restructuration. L’ambition de notre étude a été
de mieux comprendre, à partir de la littérature et de notre expérience
personnelle de mise en œuvre d’évolutions organisationnelles au sein de
l’HUICZ, les dynamiques régissant l’organisation au sein des structures
hospitalières et leurs limites, tout en proposant des recommandations
spécifiques au cas de l’HUICZ, pour une mise à niveau organisationnelle.
L’objectif futur de cette étude serait alors de proposer un modèle à desti-
nation des équipes dirigeantes ou en charge de responsabilités organisa-
tionnelles dans les établissements de santé ou participant au service public
hospitalier. Ce modèle doit permettre, en intégrant les spécificités du secteur
d'activité, la construction des projets de changement organisationnel. Ce
modèle doit aussi favoriser la mise en place d’une approche mobilisant
continuellement une double dynamique : substantif et procédural, mais en
considérant aussi différentes dimensions collective et individuelle, struc-
turelle et émotionnelle, capitalisante et innovante.
Aucun conflit d'intérêt déclaré

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