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Béton Armé – M Chemrouk Retrait du Béton

Chapitre III

CHAPITRE III : RETRAIT DU BETON


Par M. CHEMROUK, Professeur –FGC / USTHB-

I. INTRODUCTION
Le béton est une matière en perpétuelle évolution. Il est sensible aux conditions extérieures
physiques et mécaniques et toute intervention laisse une trace permanente qui influence ces
comportements ultérieurs. Le liant hydraulique subit une évolution chimique qui se poursuit
dans le temps. On peut dire que l’âge et l’histoire du béton déterminent ses propriétés et que
l’eau joue un rôle considérable aussi bien physique que chimique dans ces propriétés.
Dés son premier âge, à partir de sa mise en place, le béton évolue. Il se déforme, exsude de
l’eau ou en perd par évaporation, subit l’influence de la température qui accélère ou retarde
sa prise. Il peut ainsi accuser des dégâts irrémédiables comme la fissuration spontanée. Cette
déformation spontanée du béton non encore chargé est un fait très important dans la
conception des structures. Elle se superpose à l’effet de chargement par la suite et peut
modifier les états d’équilibre.

Un béton frais, avant prise, subit donc un changement de volume qui peut être important.
C’est le retrait plastique ou premier retrait causé par les pertes d’eau (par exsudation ou par
évaporation).
Aussitôt le début de prise, le durcissement s’effectue, la structure de la pâte se constitue et la
résistance croit pour devenir appréciable. Il s’agit maintenant d’un béton qui a atteint l’état
solide et dont la déformation autogène (self-produced) suit également le mouvement de l’eau
et son absorption par l’hydratation du ciment, c’est le retrait de durcissement ou retrait du
béton.

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II. RETRAIT PLASTIQUE


Le béton frais, juste après malaxage et mise en place, est un mélange de granulats en
suspension séparés par une matrice de pâte fine constituée de liant hydraulique.
Les particules solides, plus denses que l’eau qui les entoure, vont subir un tassement jusqu’à
atteindre un état d’équilibre. Le tassement du squelette solide tend à chasser l’eau en excédent
qui apparaît en surface. Cette exsudation d’eau ou ressuage (bleeding) est souvent
accompagnée d’une suspension de ciment qui, après durcissement, forme une croûte
superficielle peu résistante.
Dans certaines conditions de température et de ventilation, le ressuage peut ne pas apparaître
si la remontée d’eau est compensée par l’évaporation. Aussi, il peut y avoir une exsudation
interne; c’est à dire l’eau chassée par le tassement des particules lourdes peut rencontrer des
vides existants qu’elle emplit, comme elle peut rencontrer des obstacles tels que les granulats
et les armatures, et se concentrer à la partie inférieure de ceux-ci. Il en résulte des défauts
intérieurs, apparemment cachés, et des fissures préjudiciables à la continuité de la résistance.

Lorsque le béton est mis en place, il exsude donc de l’eau ou de la laitance riche en eau qui
vient se superposer sur les surfaces exposées à l’air. L’évaporation de l’eau et l’assèchement
de ces surfaces commencent, la déshydratation pénètre vers l’intérieur et la pâte de ciment,
qui est encore à l’état plastique (avant prise), subit une contraction de volume. Cette
contraction est appelée retrait plastique du fait qu’elle a lieu pendant que le béton est encore
dans son état plastique. Le départ de l’eau a lieu dans une matière sans structure du fait que
les particules de ciment et les granulats ne sont pas encore liés ; ils peuvent se rapprocher
librement d’où la diminution de volume. L’eau peut être perdue par évaporation où par
succion (absorption) par le béton durci au-dessous (cas de reprise de bétonnage).
Cette diminution de volume ou rétraction a tendance à être empêchée par des obstacles tels
que les supports, la présence d’armatures ou la partie sous-jacente non encore en cours de
séchage ou séchant plus lentement (masse de béton importante). Il en résulte une fissuration
superficielle plus ou moins profonde qui ne peut être éliminée que si la contraction de volume
est empêchée par élimination complète de l’évaporation d’eau immédiatement après mise en
place du béton.

La perte d’eau et le retrait consécutif sont influencés en premier lieu par les conditions
hygrométriques qui règnent à la surface. En atmosphère saturée il ne peut y avoir
d’évaporation. En atmosphère non saturée, l’évaporation est d’autant plus rapide et prononcée

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que le degré d’hygrométrie est plus faible. La vitesse de circulation de l’air accélère
l’assèchement du béton frais et donc favorise le retrait plastique. Il faut noter, toutefois, que le
retrait plastique, avant prise, n’intervient au maximum que pendant quelques heures (tant que
le béton est encore plastique).

Les moyens les plus efficaces pour se prémunir contre la fissuration du béton jeune et donc
contre le retrait plastique d’une manière générale est de réduire le taux d’évaporation de l’eau
à la surface du béton. Il est recommandé que la valeur de 1kg m 2 / h ne doit pas être
dépassée. Il est bon de protéger le béton des rayons du soleil et du vent, de placer le béton et
finir rapidement et commencer aussitôt la cure. Placer le béton sur une surface (stratum) sèche
doit être évité.

III. RETRAIT DE DURCISSEMENT OU RETRAIT


La contraction de volume continue de se produire pendant que le béton durcit dans le temps.
Cette déformation autogène est appelée retrait de durcissement ou simplement retrait.
Certainement, le retrait est lié au départ d’eau contenue dans le béton par évaporation ou par
un autre phénomène comme par exemple la combinaison de cette eau avec le liant
hydraulique qui diminue l’hygromètre de l’air contenu dans les vides de la structure de béton.
Ceci est justifié par une constatation expérimentale, reportée dans la littérature, qui exprime le
retrait en fonction de la perte de poids, tel que ci dessous :

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Dans ce graphe on peut distinguer trois parties :


- Une partie OA où la perte d’eau par évaporation produit un retrait modéré ; il s’agit d’une eau
libre, à peine liée à la structure et qui a donc une influence modérée sur le retrait.

- Une partie AB où le retrait est lié au départ d’eau d’une manière prononcée ; ceci est
exprimé par la pente aigue du tronçon de droite AB. Il s’agit dans ce cas d’une eau
physiquement liée, appelée eau adsorbée.

- Une partie BC où le retrait se poursuit avec un départ d’eau très faible ou nul. Le retrait BC
s’explique par le fait que le ciment hydraté (pâte de ciment) diminue de volume, donc subit
une rétraction sans changer de poids ; le volume résultant est plus faible que la somme des
volumes des deux composants ciment et eau.

- il reste donc une partie d’eau non evaporable B  D qui est fixée chimiquement par
hydratation.

Pour des bétons dont les agrégats sont poreux et dont les cavités (pores capillaires) sont
importantes, une variation importante des courbes retrait- perte d’eau à lieu.
Dans les spécimens de béton, la perte d’eau dans le temps dépend des dimensions du
spécimen. Au même âge, les spécimens plus importants en dimensions perdent nettement
moins d’eau et donc exhibent moins de retrait comme le montre la figure suivante :

Relation perte d’eau avec l’âge – dimensions du spécimen

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Synthèse
A partir d’essais expérimentaux, les conclusions suivantes ont été faites :
- La quantité d’eau libre (évaporable ave retrait modéré, partie OA de la figure précédente) diminue
avec la maturation (durcissement) du béton.

- Le départ de la quantité d’eau adsorbée accentue le retrait. Ce départ augmente lorsque le degré
d’hygrométrie diminue. Dans les conditions les plus défavorables (hygrométrie nulle), toute l’eau
évaporable finit par disparaître.

- La quantité d’eau combinée chimiquement, obtenue par différence, est d’autant plus élevée que la
maturation du béton a été plus longue et que l’hygrométrie du milieu de conservation a été plus élevée.

- Le retrait final diminue lorsque l’hygromètre du milieu augmente. Ce même retrait diminue quand
les dimensions des spécimens augmentent.

IV. FACTEURS INFLUENCANT LE RETRAIT

a-Contenu en Agrégats
L’influence la plus importante est exercée par les agrégats qui limitent le retrait pouvant être
atteint.
Le rapport du retrait de béton εsc, sur le retrait de la pâte de ciment εsp, dépend du contenu
en agrégats a comme le montre la figure ci-dessous :

Rapport
 sc /  sp

Contenu en aggregat (% en volume).

- Le contenu en agrégats détermine le contenu en pâte de ciment qui cause le retrait. Ainsi,
une augmentation du contenu en agrégats entraîne une diminution en pâte de ciment et donc
réduit le retrait.

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- La granulométrie et les dimensions des agrégats n’ont pas des effets directement signifiants
sur le retrait du béton. Leurs effets sont indirects, liés à leur influence sur la quantité d’eau de
gâchage nécessaire pour assurer une certaine maniabilité.

- Les propriétés élastiques des agrégats déterminent leur degré de limitation de retrait. Par
exemple des agrégats en acier conduisent à un retrait réduit de 1 3 pendant que des agrégats

à base de schiste argileux conduisent à un retrait augmenté de 1 3 par rapport à des agrégats
ordinaires. Une corrélation entre le retrait et le module d’élasticité du béton qui dépend de la
compressibilité des agrégats a été établie comme dans la figure ci-dessous :

1000

800

600
Retrait :10-6

400

200

5 10 20 25 30 30 35

Module Secant (GPa)

La présence d’argile dans les agrégats diminue leur capacité de limitation de retrait du béton
et du fait que l’argile est elle même sujet au retrait, les agrégats contenant une enveloppe
d’argile peuvent aggraver le retrait d’une façon appréciable (jusqu’à 70 ).

Les agrégats légers ont tendance à conduire à un retrait élevé, du fait qu’ils ont un module
d’élasticité réduit, ils limitent moins bien le retrait de la pâte de ciment. Les retraits des bétons
faits d’une même composition (mêmes proportions) mais avec différents types d’agrégats sont
illustrés ci-dessous :

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Retrait (déformations relatives

(calcaire)
values)

Effet du type d’agrégats sur le retrait

- Les bétons ayant des retraits faibles sont faits d’agrégats ne subissant pas de retrait tels que
le quartz, le calcaire, le laitier des hauts fourneaux, le granite.
- Les retraits élevés seront causés par l’utilisation d’agrégats exhibitant des changements de
volume appréciables, suite à des cycles de mouillage et séchage, tels que le grès, le schiste
argileux.

Partons des mêmes conditions, le fait d’utiliser des agrégats à fort retrait augmente le retrait
du béton d’une quantité au moins égale au retrait des agrégats. D’une manière générale, le
retrait du béton est réduit en utilisant des agrégats ayant un module d’élasticité élevé (voir
figure précédente) et qui sont durs et denses.

b-Contenus en eau et en ciment


-Le contenu en eau du béton affecte le retrait du fait qu’elle réduit le volume des agrégats
donc réduit les possibilités de limitation du retrait. L’importance du dosage en eau est encore
plus marquée dans les mortiers riches en ciment. Le retrait peut passer de 500  m à 700  m
pour des E C de 0,3 à 0,5 respectivement. Ceci s’explique par le fait que la pâte de ciment
étant la partie génératrice de retrait dans une composition de béton, il est tout à fait normal
que les dosages aussi bien en eau qu’en ciment soient fortement influents.

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-De la même manière, le retrait augmente avec le dosage en ciment ; un béton fortement dosé
en ciment exhibe plus de retrait. Augmenter la surface spécifique d’un ciment ou finesse
(cm2/g) a tendance à augmenter le retrait d’une façon appréciable du fait qu’une surface
spécifique importante a besoin de beaucoup d’eau pour être mouillée. La chaleur
d’hydratation produit le même effet sur le retrait.
Pour des bétons ayant les mêmes proportions mais faits de différents types de ciments, les
retraits relevés sont par ordre croissant sont:
Ciment Portland ordinaire; Ciment Portland à durcissement rapide, Ciment sulfaté, ciment
alumineux.

c-Conclusion
En résumé, le retrait final croit avec :
- La proportion d’éléments très fins (ciment à mouture fine, granulats fins, présence d’argile
dans les granulats)
- Le dosage en ciment
- Le dosage en eau
- La circulation et la sécheresse de l’air
- Les plastifiants (adjuvants)

Pour limiter le retrait final et réduire ses effets néfastes il faut :


- utiliser des agrégats propres et pas trop fins,
- éviter l’utilisation des ciments trop fins,
- adopter le dosage en ciment minimum compatible avec la résistance visée et la durabilité
Souhaitée (300k/m3 ≤ C ≤ 550k/m3)
- utiliser le minimum possible d’eau de gâchage,
- diminuer l’évaporation au maximum, surtout pendant les premières heures, en maintenant
humide la surface du béton jeune (arrosage des coffrages - utilisation de sacs humides),
- éviter les variations brusques d’épaisseur des pièces qui entraîneraient des vitesses de retrait
différentes (effet de dimensions), d’où le risque de fissuration causée par un retrait
différentiel,
- répartir le ferraillage en utilisant des barres de faibles diamètres au lieu des grosses barres,
- prévoir la libre contraction du béton (joints de dilatation).

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V. FISSURATION DU BETON INDUITE PAR LE RETRAIT


L’importance du retrait dans les structures en béton armé est essentiellement rattachée à la
fissuration. La contraction ou l’accourcissement d’une pièce provoque des tensions internes
qui tendent à s’opposer au changement de dimensions. Cette opposition au changement de
dimension est due à des obstacles internes tels que les agrégats, les armatures et le retrait non-
uniforme dans l’élément de béton (plus important près des surfaces que vers l’intérieur où il
peut être négatif, c’est à dire gonflement). Les contraintes de traction qui résultent de ces
obstacles et de ces gradients de déformation peuvent atteindre la résistance du béton à la
traction, et donc causent la fissuration du béton comme montré dans ce qui suit:
4
Prenons en considération une déformation de retrait CS 310 , valeur prise comme étant
celle des bétons courants, et considérons que le béton est armé, donc non librement
3
déformable, avec un module d’élasticité à long terme Ebv 1010 MPa [Ebv=Ebi/(1+Фt)].

Alors la contrainte de traction créée par un tel retrait est égale (à l’E.L.S; c’est à dire en
supposant le béton élastique linéaire et vu que le retrait est un phénomène à long-terme) à :

 cs  3  10 4

   b  Ebv  cs  10  10 3  3  10 4  3MPa
 3
 Ebv  10  10 MPa

Or la résistance du béton courant à la traction est de l’ordre de 2 à 3 MPa ; donc on peut


constater que sous l’effet du retrait seul, la pièce atteint sa capacité de résistance à la traction
et se fissure.
On doit noter, toutefois, que l’importance de la fissuration et l’ouverture minimale à partir de
laquelle une fissure peut être considérée comme signifiante dépendent des conditions
d’exposition du béton dans le milieu environnant (peu agressif, agressif, très agressif).
L’utilisation d’armatures à section plus faible, réparties uniformément sur l’élément de béton,
permet d’augmenter l’extensibilité du béton et donc améliorer son comportement à la traction
en vue d’avoir une fissuration plus fine.

VI. CAS DU BÉTON ARMÉ : COURBURES INDUITES PAR LE RETRAIT

Sous l’action d’un retrait uniforme, un élément en béton non armé subira un raccourcissement
sans courbure, sinon, avec une courbure négligeable.

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Dans une poutre en béton armé les armatures constituent des obstacles et vont pouvoir résister
à l’action du retrait et produire ainsi une courbure.
Considérons la section de poutre suivante :

CS
b
2

h
d  1

As

Unité de longueur

 CS : Représente le retrait du béton. C’est le raccourcissement uniforme qui se produirait sur


une unité de longueur si la poutre n’était pas armée.
 1 : raccourcissement réel sur l’unité de longueur au niveau des armatures pour une poutre
armée.
 2 : raccourcissement réel sur l’unité de longueur au niveau de la fibre supérieure pour une
poutre armée.

Par définition, et acceptons le fait que les déformations sont faibles, une courbure représente
un angle.

Dans le cas général:


1 

r x
1
De ceci, on peut dire que la courbure
rCS
due au retrait est égale à :
1  
 2 1
rCS d

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Après un travail analytique et une série


d’approximations, la courbure d’un élément en
béton armé se présente comme suit :

1  ε S
 e cs
rcs I
Avec :
S = Ases – A’s e’s = moment statique (ou moment de section) des aciers par rapport à l’axe

neutre ; es = d – x ; e’s = x – d’

εcs = retrait du béton, souvent pris égal à 3x10-4 selon le règlement BAEL. D’autres règlements
universels recommandent le graphe ci-dessous où l’on retrouve les paramètres le plus influents sur le
retrait.

Déformation de retrait du béton εcs


αe = coefficient d’équivalence = Es/Eb ; peut être pris égal à 15 quand il ne peut pas être calculé.
I = l’inertie de la section équivalente de béton armé, formée du béton comprimé, des aciers comprimés
et des aciers tendus.

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