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RETRAITS

Maîtrise du retrait
Par définition, un retrait est la diminution d’une ou plusieurs dimensions d’un matériau par
suite de solidification, de refroidissement ou de transformation chimique. Ce concept, transposé
au cas des bétons et mortiers, traduirait alors les changements volumiques observés au cours de
l’hydratation de ces matériaux. Il est à noter que ces réductions de volume peuvent intervenir en
absence de toute charge appliquée. Ceci met alors en cause la composante chimique et plus
précisément le départ d’eau en interne (par transformation, diffusion…) et/ou en externe (par
évaporation, séchage…).
Etant donné que le durcissement du béton est un processus continu dans le temps, il sera ainsi
judicieux de suivre ces réductions dimensionnelles au fur et à mesure que les réactions
d’hydratation auront lieu.
Dès que le contact entre le ciment et l’eau s’effectue, des hydrates précipitent et s’organisent en
formant une structure dont la cohésion évolue progressivement. L’action de l’eau pendant cette
phase est fondamentale et son rôle est variable. Dans le même laps de temps, il y a une
superposition de plusieurs phénomènes qui concourent tous vers une réduction du volume
apparent. Ceci nous amène à définir les cinq classes de retrait suivantes, allant du très jeune age
jusqu’au long terme.
• Retrait endogène (Réaction d’hydratation) (sans évaporation);
• Retrait plastique (Évaporation de l’eau de gâchage en cours de prise);
• Retrait thermique dû à l’abaissement de la température succédant soit à l’échauffement
occasionné par la chaleur d’hydratation du ciment (réaction exothermique), soit à la variation
thermique du milieu de conservation;
• Retrait hydraulique par départ d’eau après durcissement (aussi appelé retrait de séchage, retrait
de dessiccation) ;
• Retrait de carbonatation.

Ces retraits provoquent des contraintes internes qui se matérialisent par l’apparition de fissures
micro et macroscopiques à la surface de l'élément de béton ou dans l'ensemble de sa masse, ces
fissures détériorent l’esthétique et endommagent l’élément, tels l’accélération de la corrosion du
béton et des armatures en laissant pénétrer des agents agressifs.

Le retrait endogène ou retrait d’hydratation ou retrait chimique


L’origine du retrait est inévitable puisqu’il s’agit de l’hydratation même du ciment. Les
déformations qui en résultent sont auto-générées par le matériau. La répartition des déformations
se fait alors de façon homogène et isotrope à l’échelle macroscopique dans tout le volume de
l’éprouvette et la seule possibilité de fissure serait liée aux conditions aux limites qui viendraient
bloquer ou empêcher ces déformations.
Le retrait endogène peut avoir deux origines :
1. Une origine chimique : contraction Le Chatelier ou Retrait chimique :
La contraction Le Chatelier : C’est au début du siècle dernier (1900), qu’Henri Le Chatelier mit
en évidence la célèbre contraction qui porte désormais son nom. Lors de la réaction d’hydratation
du ciment, le volume des hydrates formés est inférieur à la somme des volumes de ciment
anhydre et de l’eau consommée. Cette diminution globale est de l’ordre de 8 `a 10 % pour une
pâte de ciment et elle est aussi bien due à des phénomènes entraînant plutôt une contraction

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(hydratation du C3S ou du C2S) qu’un gonflement (C3A et gypse formant de l’ettringite ou du
monosulfoaluminate).
Notons que cette diminution de volume absolu (qui prend seulement en compte les volumes des
phases liquides et solides) ne se traduit pas systématiquement par une diminution de volume
apparent de l’éprouvette, mais par un gonflement parfois comme l’a constaté Le Chatelier. En
effet, si l’échantillon est placé dans l’eau, la diminution de volume absolu peut être compensée
par la pénétration de celle-ci dans les capillaires.

2. L’auto-dessiccation :
Elle se produit dans des conditions isothermes et sans échange hydrique entre l’éprouvette et le
milieu extérieur, la poursuite de l’hydratation dans le matériau une fois rigidifié a pour
conséquence directe le remplissage de la porosité de la pâte par les hydrates et la diminution de la
teneur en eau dans les pores. En raison de l’hétérogénéité de la microstructure, cette diminution
du volume absolu devient incompatible avec les déformations mécaniquement admissibles par le
squelette minéral naissant. Un volume gazeux apparaît alors dans la porosité de la pâte
initialement saturée d’eau. Le réseau gazeux ainsi formé conduit à la création d’interfaces
liquide=gaz qu’on appelle plus communément ménisques, synonymes de tensions capillaires. Il
en résulte la mise en compression du squelette solide qui provoque un retrait. Ce phénomène,
conséquence directe de la contraction Le Chatelier, est appelé auto-dessiccation.

Facteurs influents
Le rapport E/C est un paramètre clé dans la résultante des déformations causées par le retrait
endogène. Plus ce rapport est faible, plus l’amplitude et la cinétique de ce retrait sera importante.
A contrario, les mortiers et bétons à fort rapport E/C ne subissent quasiment pas de déformations
de retrait endogène mais un gonflement dans les premiers instants de l’hydratation. L’hypothèse
généralement avancée pour expliquer une telle différence de comportement est que la diminution
d’humidité relative interne causée par l’autodessiccation est non seulement plus rapide mais plus
intense lorsque la porosité est fine (cas des BHP et BTHP). La théorie de Kelvin Laplace prédit
alors une réduction de la taille des ménisques, donc des d´expressions capillaires plus importantes
qui conduisent à un retrait plus conséquent.
La température a également un effet important sur la cinétique et l’amplitude des déformations
endogènes, notamment sur la contraction Le Chatelier.

Figure 1: Schéma illustrant la contraction Le Chetelier

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Le retrait plastique
Le retrait plastique est le premier à se manifester car il a lieu avant la prise. Il se développe
lorsque la quantité d'eau évaporée à la surface est supérieure à la quantité d'eau de ressuage. Il
est la conséquence d’une différence de flux entre l’eau évaporée à la surface du béton et l’eau
ressuée, particulièrement pendant la période de pré-prise lorsque le matériau est encore
déformable et que le flux d’eau ressuée diminue fortement, l’eau de gâchage n’est pas encore liée
aux constituants du ciment, elle n’est retenue que physiquement et mécaniquement donc elle peut
s’évaporer comme elle peut être absorbée par un coffrage en bois trop sec ou par des granulats
poreux non humidifiés.. La contraction du solide provoque une fissuration très ouverte en surface
et assez fermée en profondeur, à la manière de la fissuration des argiles suite au dessèchement.
De nombreux paramètres influencent la cinétique et l’amplitude de ce retrait, citons par exemple
la contraction Le Chatelier, le ressuage, le taux d’évaporation ou la taille des pores.
Il est à noter que ces déformations plastiques sont directement liées aux cinétiques de
l’hydratation. Ainsi, une réaction plus rapide génère encore plus d’hydrates qui accélèrent la prise
et diminue la quantité d’eau ressuée.
Il dépend de la vitesse de dessiccation qui dépend à son tour de la température de l’air et du
béton, de l’humidité relative et de la vitesse du vent. Ce retrait est moins important pour le béton
par rapport à la pâte de ciment et au mortier, car le squelette de granulats s’oppose aux
contraintes. L’amplitude du retrait plastique est 5 à 10 fois plus élevée que celle du retrait observé
après prise. Ce type de retrait peut être limité par l'utilisation des coffrages étanches non
absorbant ou en fournissant au béton à partir de ses surfaces libres de l'eau, ou en scellant ces
surfaces pour empêcher toute évaporation.

Le retrait thermique
Le retrait thermique est du à un gradient thermique important entre le coeur d’une structure, où
règne une température élevée et la peau exposée `a l’air ambiant. Par conséquent, il est d’autant
plus important que la pièce (pile de pont, barrage, bloc de fondation etc.) est massive. La réaction
d’hydratation exothermique est la cause inévitable de montée en température du béton ou du
mortier, mais on peut également invoquer les conditions climatiques ainsi que les traitements
thermiques qui sont parfois effectués sur les ouvrages. Toutefois, la réaction d’hydratation
produit suffisamment de chaleur pour induire des montées en température allant jusqu’`a
80°C au coeur d’une pièce en béton. Des fissures apparaissent lorsque la contraction opérée en
peau et opposée à la dilatation au centre de la pièce, engendre des contraintes dépassant la limite
en traction du béton. Par ailleurs, ce problème se pose d’autant plus dans le cas des reprises de
bétonnage pour lesquelles la contraction est gênée par la rigidité de la pièce déjà coulée et cause
une fissuration localisée plus profonde mais également plus espacée. Pour les structures en
couches minces de mortier, ce type de retrait est négligeable devant ceux présentés par la suite.
Le retrait thermique dépend de plusieurs facteurs comme la composition, la finesse de mouture et
la quantité du ciment, la forme et les dimensions de l'élément, de la température initiale du béton
et la température ambiante, etc...
Selon la nature de la structure mise en jeu, deux types de fissuration thermiques peuvent être
ainsi distinguées :
- la fissuration de peau (surface): (cas des blocs de fondations coulés en continu, segments de
piliers..). Elle est due à la présence aux gradients locaux de température entre la surface et
le reste de l’élément. Ces fissures sont toutefois peu ouvertes vu que la distance séparant

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deux fissures principales consécutives est de l’ordre de grandeur de la profondeur de la zone
de traction, qui ne peut excéder le quart de l’épaisseur de la structure.
- La fissuration traversante (traversant toute la section de l’élément): causée par le fait que les
variations de volume du bétons sont empêchées par des facteurs extérieurs comme des
fondations, des structures adjacentes, etc. la figure 2 présente un exemple de contraintes
pouvant être générées dans le cas d’un élément dont les déformations sont totalement
empêchées.
Si l’on regarde de plus près le cas présenté à la figure 2, on constate que les principaux
paramètres (autres que les conditions d’empêchement des déformations) qui gouvernent
l’amplitude des contraintes d’origine thermique induites dans le béton sont l’évolution des
caractéristiques thermiques et mécaniques du béton. En effet, les variations « potentielles » de
volume du béton sont conditionnées par son coefficient de dilatation thermique alors que
l’ampleur des contraintes induites sont dépendantes des caractéristiques élastiques et
viscoélastiques du béton.
Durant les premières heures après le coulage (phase 0-I, figure 2), le béton est dans un état
« plastique » et aucune contrainte n’apparaît. A la fin de cette phase « plastique », on assiste à la
prise du béton qui coïncide avec une augmentation très rapide de la résistance à la compression
du béton et, par conséquent, du module élastique (phase I-II). L’augmentation de la température
durant cette période induit des contraintes de compression proportionnelles à l’évolution du
module élastique du béton. Cependant, durant cette même phase (I-II), flue sous la contrainte
appliquée, ce qui se traduit par une relaxation de cette contrainte de compression. L’existence de
fluage dans ce type de problème explique en partie pourquoi le pic de contraintes de compression
ne correspond pas toujours au pic de température. La phase II-III correspond au début de
refroidissement du béton, période pendant laquelle la contrainte de compression diminue jusqu’à
la contrainte zéro. Cette diminution de la contrainte de compression est le résultat des effets
combinés du fluage et de la diminution de température du béton. Toutefois, on constate que l’on
arrive à la contrainte zéro pour une diminution de quelques degrés seulement. Après avoir atteint
le point de contrainte zéro (phase III-IV), le refroidissement du béton provoque des contraintes de
traction au sein de l’élément jusqu’à ce que l’on atteigne la résistance à la traction du béton.
Durant cette dernière phase, le béton flue sous les efforts de tractions qui sont exercés.
Il est important de constater que le fluage qui apparaît lorsque le béton s’échauffe contribue à
augmenter les risques de fissuration du béton alors que le fluage prennent place lors du
refroidissement du béton permet de diminuer les contraintes de traction et par conséquent les
risques de fissuration.
Acker explique que les contraintes de traction qui conduisent à la fissuration du béton sont le
produit de la relaxation des contraintes de compression et de l’évolution du module élastique. En
effet, si l’on soumettait un élément de béton durci (hydratation complétée) au même cycle de
température, les contraintes de traction engendrées seraient alors négligeables.
Lorsque l’on soumet un échantillon aux conditions climatiques externes (température et humidité
relative principalement), des échanges thermiques, hydriques et chimiques se produisent entre
celui-ci et le milieu extérieur. Ces échanges sont la cause de variations volumiques conséquentes
de l’échantillon provoquant parfois la fissuration `a plusieurs échelles (micro ou macro) de
l’élément.

Nous reviendrons plus tard, sur les conséquences des effets thermiques sur les résistances du
béton.

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Figure 2: Représentation schématique des contraintes engendrées à l’intérieure
d’un élément de béton durcissant dont les déformations sont
empêchées et le type de fissuration pouvant être causé.

Le retrait de dessiccation:
La diminution de la teneur en eau dans le cas du retrait d’auto-dessiccation était liée à la
consommation interne de l’eau par l’hydratation.
Le retrait de dessiccation ou retrait de séchage est la conséquence directe de l’évaporation de
l’eau vers l’extérieur du matériau. Il est donc entièrement dépendant des conditions en
température, vent et humidité relative extérieure. L’évaporation de l’eau sous forme vapeur et sa
diffusion au travers de la structure va quant à elle, dépendre de la distribution de la taille des
pores et de leur connectivité au sein du matériau, mais également de la dimension de l’échantillon
et de la taille de la surface exposée au séchage.
Différentes forces sont responsables du retrait et il est encore aujourd’hui impossible d’établir
une théorie unifiée pouvant expliquer le phénomène sur toute la plage d’humidité relative. Il
existe trois principales théories qui expliquent les mécanismes du retrait de dessiccation: la
dépression capillaire, la variation de la tension superficielle et la variation de la pression de
disjonction.
L’intensité retrait de dessiccation dépend de la réserve d’eau disponible dans le matériau après
les réactions d’hydratation, et donc directement du rapport E/C et de l’hygrométrie ambiante.

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Le retrait de carbonatation
Dans des conditions normales de température et d’humidité relative, la Portlandite Ca(OH)2,
réagit avec le dioxyde de carbone de l’air (présent dans l’eau par dissolution) pour former du
carbonate de calcium et de l’eau. La réaction simplifiée est généralement notée comme suit (1.6) :

Ca(OH)2 +CO2 ----- CaCO3 + H2O (1.6)

La chaux est le composé dont la réaction de carbonatation est la plus rapide mais gardons à
l’esprit que les C-S-H et les aluminates réagissent également avec le CO2 pour former du
carbonate de calcium et un gel de silice dans le cas des C-S-H et des carboaluminates dans le cas
des aluminates. La réaction de carbonatation des C-S-H peut s’écrire sous cette forme (1.7) :

CxSyHz + xH2CO3 ------- CaCO3 + ySiO2:tH2O + (x - t + z)H2O (1.7)

L’évaporation de l’eau libérée par cette réaction peut causer, par les mêmes mécanismes de
dépressions capillaires, des déformations de retrait. Cette réaction reste toutefois assez lente et
produit un faible retrait pour les humidités relatives extrêmes (à saturation et pour une HR aux
alentours de 50%.
Powers (Powers 1962 [30]) a été le premier à proposer une explication pour ce retrait. Selon
lui, celui-ci serait la conséquence directe d’une augmentation de la compressibilité de la pâte due
à la dissolution de la Portlandite cristalisée dans des régions comprimées.
Cette hypothèse a été maintes fois remise en question, notamment par Swenson et Sereda dont
les résultats montrent que le retrait de carbonatation augmente même si l’on diminue la quantité
de chaux libre dans un échantillon de pâte de ciment. Ils concluent donc que le retrait de
carbonatation devrait être aussi bien la cause de la carbonatation de la Portlandite, que de la
carbonatation de la chaux combinée dans les C-S-H.
Cette approche semble être de plus en plus adoptée puisque certains auteurs (Chen et coll. 2006)
préfèrent le terme de retrait de décalcification à celui de carbonatation car le deuxième ne serait
qu’un cas particulier du premier. En effet, la décalcification et la modification des C-S-H par la
carbonatation (diminution du rapport C/S passant de 1,7 `a 1,3 environ) produirait un retrait de
”polymérisation”. La couche d’ions Ca2+ de l’interfeuillet étant partiellement dissoute, un excès
de charge négative subsisterait et serait compensé par la formation de groupements silanols Si-
OH. Le pontage de groupements siloxanes Si-O-Si résultant aurait tendance à rapprocher les
chaînes et à créer un retrait. La disparition de la couche de calcium entre les feuillets pourrait
également expliquer la réorganisation structurale des C-S-H.

Ce même phénomène peut avoir lieu, en plus du jeune age, après quelques années par la même
réaction décrite ci-haut. Dans ce cas, la source de dioxyde de carbone n’est plus l’eau, mais l’air
qui est en contact avec la surface du béton. Les nouveaux produits ainsi former vont occuper
moins d’espaces que les réactifs de base, ce que peut favoriser le développement des fissures
existantes. Cette forme de retrait est particulièrement présente dans les atmosphères à forte teneur
de gaz carbonique.
Il est à noter qu’en plus des déformations de retrait, la carbonatation diminue considérablement
le pH de la phase aqueuse du béton en passant de 12.6 à moins de 9. Ceci peut entraîner la
corrosion des renforcements en acier dans le cas des bétons armés par dépassivation.

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Mesure du retrait chimique
Deux types de mesure sont possibles pour évaluer le retrait chimique : la méthode
dilatométrique et la méthode gravimétrique. Elles sont décrites par Boivin, Acker et coll.
(1998) qui ont testé les deux approches.
1 Méthode dilatométrique
Cette méthode correspond à celle développée originellement par Le Chatelier. Elle est présentée à
la Figure 4. Un petit volume de pâte fraîche est inséré dans un erlenmeyer. De l’eau distillée est
introduite pour saturer l’échantillon. Un bouchon de silicone muni d’une pipette graduée referme
l’erlenmeyer afin d’empêcher l’apparition de bulles d’air et de minimiser l’évaporation.
L’ensemble « erlenmeyer + pipette » est alors placé dans un bain thermorégulé. Une goutte
d’huile de paraffine est introduite dans la pipette afin que l’eau ne s’évapore pas.

Figure 4 : mesure du retrait par méthode dilatométrique

La mesure de la réduction d’eau dans la pipette se fait ponctuellement. En faisant l’hypothèse que
l’eau vient remplir tous les vides, cette réduction correspond au changement de volume absolu de
l’échantillon, c’est à dire au retrait chimique.

2 Méthode gravimétrique
Plusieurs chercheurs ont travaillé à l’amélioration de la méthode dilatométrique, afin d’acquérir
des mesures en continu. La procédure est la même sauf que l’erlenmeyer, non bouché cette fois,
est immergé dans le bain thermorégulé et suspendu à une balance à haute précision. Ainsi, le
poids apparent de l’erlenmeyer correspond à celui de la pâte de ciment moins la contribution de
la force d’Archimède. Le poids augmente durant l’hydratation, correspondant alors à la quantité
d’eau ayant pénétré à l’intérieur de la pâte. D’après Garcia Boivin (1999), la reproductibilité de
cet essai est meilleure que pour la méthode dilatométrique.

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Figure 5 : mesure du retrait par méthode gravimétrique.

Précautions expérimentales
Garcia Boivin (1999) a étudié l’influence de l’épaisseur de l’échantillon et du rapport E/C
(donc de la porosité) du mélange sur les mesures. Elle en conclut qu’il y a une bonne corrélation
entre les deux méthodes qui donnent des résultats identiques, avec toutefois quelques restrictions.
Selon le rapport E/C du mélange considéré, particulièrement pour la méthode dilatométrique, il
existerait une épaisseur critique de la couche de matériau placé dans l’erlenmeyer (de l’ordre de 1
cm) pour laquelle la mesure du retrait chimique serait sous-estimée à partir d’un certain moment.
La Figure 6 présente les résultats trouvés par Boivin, Acker et coll. (1998) en ce qui concerne
l’effet de la hauteur de la couche de pâte dans l’erlenmeyer sur le retrait chimique.
Figure 6 : Effet de la hauteur de la couche de pâte sur les mesures de retrait chimique (adapté de
Boivin, Acker et coll. (1998))

Dans sa thèse, Garcia Boivin (1999) attribue ce phénomène à la chute de perméabilité du milieu.
Cependant, pour les mesures de suivi de la masse immergée, elle n’a constaté aucun effet
d’échelle jusqu’à 2 cm d’épaisseur.
Ainsi, le choix de la méthode se fait en fonction du type de résultats que l’on recherche : si ce
sont des mesures en continu il semblerait plus judicieux d’utiliser la méthode gravimétrique. Par
contre, si l’objectif est d’avoir la valeur maximum de retrait chimique, la méthode dilatométrique
est suffisante.

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Mesure du retrait externe
Deux types de méthodes existent pour mesurer le retrait externe : volumétriques ou linéiques.

Méthode d’essai volumétrique


Cette méthode consiste à suivre la masse d’une éprouvette immergée. Environ 300 g de pâte de
ciment est coulée à l’intérieur d’une membrane en latex (Justnes, Reyniers et coll. (1994)).
L’éprouvette est alors placée dans un récipient rempli de mercure, fermé par un bouchon muni
d’un tube capillaire. La mesure des déformations se fait en relevant les variations de mercure
dans le tube capillaire.
Justnes, Reyniers et coll. (1994) ont montré que l’eau de ressuage réabsorbée par l’échantillon
créait un artefact de mesure. Pour une éprouvette statique, la présence de cette eau réduit
considérablement le retrait d’autodessiccation. Il convient de préciser que les mélanges à faible
E/C sont moins susceptibles de ressuer.

Méthode d’essai linéique


Plusieurs méthodes d’essais existent mais elles sont toutes basées sur le même principe : les
éprouvettes sont coulées dans des moules prismatiques et les changements de longueur sont
mesurés à l’aide de capteurs de déplacement (LVDT), cf. Figure .

La méthodologie diffère selon si l’essai de retrait est effectué de manière verticale ou horizontale.
Si l’essai se fait verticalement, les éprouvettes sont démoulées puis scellées à l’aide de papier
aluminium adhésif (afin de prévenir toute évaporation d’humidité) et maintenues à température
constante. Les mesures débutent en général 24h après le coulage et elles sont discontinues. Si
l’essai se fait horizontalement, les mesures de changement de longueur se font directement dans
le moule.

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Origine des différences entre les mesures linéiques et volumétriques
Plusieurs auteurs ont observé des différences entre les mesures de retrait linéique et les mesures
de retrait volumétriques (Barcelo, Boivin et coll. (1999) ; Charron, Marchand et coll. (2001)). À
la Figure 2.19, on constate que l’allure des courbes de retrait pour un même mélange est
différente selon que l’on considère un résultat par méthode volumétrique ou par méthode
linéique. La courbe de retrait volumétrique continue à croître après 24h alors que celle de retrait
linéique reste relativement stable.
Les principaux artefacts recensés pour ces mesures, ainsi que leurs solutions sont :
- Une température de contrôle qui n’est pas précise implique que le système fonctionne comme
un thermomètre. L’eau est un liquide qui réagit en changeant de volume lorsqu’elle est soumise à
des changements de température. Un bon contrôle de la température permet de palier à ce
problème.
- Dans le cas de la méthode volumétrique, la pression exercée sur l’échantillon par la membrane
de latex et le liquide environnant peut affecter la croissance des cristaux en écrasant le matériau.
Ce problème concerne l’échantillon avant la prise, les déformations mesurées pouvant être
surestimées par rapport aux déformations réelles du matériau. Ainsi il faut éviter que la
membrane de latex soit trop étirée.
- La présence d’eau de ressuage peut entraîner une sous-estimation du retrait externe. Le
ressuage, notamment pour les mélanges à hauts E/C, peut entraîner un problème de sédimentation
qui modifie localement la composition. Il y a alors un problème d’homogénéité du matériau.
38
- Pour la méthode linéique, un problème lié au frottement du moule peut restreindre les
déformations mesurées. La solution couramment utilisée consiste à lubrifier les parois du moule.
De plus, dans le cadre de cette maîtrise, il a été observé que l’eau pénétrait à l’intérieur de la
membrane de latex (cf. section 4.5.3). Cet approvisionnement en eau crée alors un artefact de
mesure, mais qu’il est possible de corrigé.
Dans le cas de la méthode linéique, le désavantage majeur est que les mesures ne peuvent pas être
prises au début de l’hydratation :
o Si l’essai est vertical, le temps que l’éprouvette soit conditionnée empêche toute mesure
initiale.
o Pour l’essai horizontal, il y a possibilité de friction entre le moule et l’éprouvette lors du
retrait.
Pour pouvoir comparer les résultats de leur étude, l’hypothèse utilisée est que le comportement
est isotrope, soit alors : ΔV/V = 3×ΔL/L. La comparaison se fait pour plusieurs échelles de temps
(de 0 à 6h, de 5 à 24h et de 24 à 48h). Il en résulte que :

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- Entre 0 et 6h : avant qu’il y ait rigidification, toutes les déformations enregistrées par la
méthode volumétrique correspondent à des déformations verticales. Par la méthode linéique
horizontale, ces déformations ne sont pas mesurables. Ainsi, la méthode volumétrique permet de
définir précisément le seuil de percolation.
- Entre 5 et 24h : les résultats montrent que les mesures relevées par la méthode linéaire sont en
dessous de celles faites par la méthode volumétrique. Cela laisse supposer que la friction entre le
moule utilisé dans le cas de la méthode linéique et l’éprouvette a une importance telle qu’elle
empêche l’éprouvette de se déformer librement. Le retrait mesuré est alors inférieur au retrait
réel.
- Entre 24 et 48h : Les mesures faites linéairement à la vertical ou à l’horizontal sont en accord,
alors que celles de la méthode volumétrique divergent. Barcelo (2001) a trouvé que les mesures
relevées par la méthode volumétrique surestiment d’un facteur 3 à 4 celles relevées par les deux
méthodes linéiques.
La (ou les) cause de la différence de mesures non négligeable entre les méthodes linéiques et la
méthode volumétrique reste(ent) encore mal comprise(s). Les artefacts cités auparavant ne
permettent pas de d’expliquer entièrement ce phénomène. L’explication 39 viendrait peut être du
caractère non isotropique du matériau (Garcia Boivin (1999)

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