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Maîtrise du retrait
Par définition, un retrait est la diminution d’une ou plusieurs dimensions d’un matériau par
suite de solidification, de refroidissement ou de transformation chimique. Ce concept, transposé
au cas des bétons et mortiers, traduirait alors les changements volumiques observés au cours de
l’hydratation de ces matériaux. Il est à noter que ces réductions de volume peuvent intervenir en
absence de toute charge appliquée. Ceci met alors en cause la composante chimique et plus
précisément le départ d’eau en interne (par transformation, diffusion…) et/ou en externe (par
évaporation, séchage…).
Etant donné que le durcissement du béton est un processus continu dans le temps, il sera ainsi
judicieux de suivre ces réductions dimensionnelles au fur et à mesure que les réactions
d’hydratation auront lieu.
Dès que le contact entre le ciment et l’eau s’effectue, des hydrates précipitent et s’organisent en
formant une structure dont la cohésion évolue progressivement. L’action de l’eau pendant cette
phase est fondamentale et son rôle est variable. Dans le même laps de temps, il y a une
superposition de plusieurs phénomènes qui concourent tous vers une réduction du volume
apparent. Ceci nous amène à définir les cinq classes de retrait suivantes, allant du très jeune age
jusqu’au long terme.
• Retrait endogène (Réaction d’hydratation) (sans évaporation);
• Retrait plastique (Évaporation de l’eau de gâchage en cours de prise);
• Retrait thermique dû à l’abaissement de la température succédant soit à l’échauffement
occasionné par la chaleur d’hydratation du ciment (réaction exothermique), soit à la variation
thermique du milieu de conservation;
• Retrait hydraulique par départ d’eau après durcissement (aussi appelé retrait de séchage, retrait
de dessiccation) ;
• Retrait de carbonatation.
Ces retraits provoquent des contraintes internes qui se matérialisent par l’apparition de fissures
micro et macroscopiques à la surface de l'élément de béton ou dans l'ensemble de sa masse, ces
fissures détériorent l’esthétique et endommagent l’élément, tels l’accélération de la corrosion du
béton et des armatures en laissant pénétrer des agents agressifs.
2. L’auto-dessiccation :
Elle se produit dans des conditions isothermes et sans échange hydrique entre l’éprouvette et le
milieu extérieur, la poursuite de l’hydratation dans le matériau une fois rigidifié a pour
conséquence directe le remplissage de la porosité de la pâte par les hydrates et la diminution de la
teneur en eau dans les pores. En raison de l’hétérogénéité de la microstructure, cette diminution
du volume absolu devient incompatible avec les déformations mécaniquement admissibles par le
squelette minéral naissant. Un volume gazeux apparaît alors dans la porosité de la pâte
initialement saturée d’eau. Le réseau gazeux ainsi formé conduit à la création d’interfaces
liquide=gaz qu’on appelle plus communément ménisques, synonymes de tensions capillaires. Il
en résulte la mise en compression du squelette solide qui provoque un retrait. Ce phénomène,
conséquence directe de la contraction Le Chatelier, est appelé auto-dessiccation.
Facteurs influents
Le rapport E/C est un paramètre clé dans la résultante des déformations causées par le retrait
endogène. Plus ce rapport est faible, plus l’amplitude et la cinétique de ce retrait sera importante.
A contrario, les mortiers et bétons à fort rapport E/C ne subissent quasiment pas de déformations
de retrait endogène mais un gonflement dans les premiers instants de l’hydratation. L’hypothèse
généralement avancée pour expliquer une telle différence de comportement est que la diminution
d’humidité relative interne causée par l’autodessiccation est non seulement plus rapide mais plus
intense lorsque la porosité est fine (cas des BHP et BTHP). La théorie de Kelvin Laplace prédit
alors une réduction de la taille des ménisques, donc des d´expressions capillaires plus importantes
qui conduisent à un retrait plus conséquent.
La température a également un effet important sur la cinétique et l’amplitude des déformations
endogènes, notamment sur la contraction Le Chatelier.
Le retrait thermique
Le retrait thermique est du à un gradient thermique important entre le coeur d’une structure, où
règne une température élevée et la peau exposée `a l’air ambiant. Par conséquent, il est d’autant
plus important que la pièce (pile de pont, barrage, bloc de fondation etc.) est massive. La réaction
d’hydratation exothermique est la cause inévitable de montée en température du béton ou du
mortier, mais on peut également invoquer les conditions climatiques ainsi que les traitements
thermiques qui sont parfois effectués sur les ouvrages. Toutefois, la réaction d’hydratation
produit suffisamment de chaleur pour induire des montées en température allant jusqu’`a
80°C au coeur d’une pièce en béton. Des fissures apparaissent lorsque la contraction opérée en
peau et opposée à la dilatation au centre de la pièce, engendre des contraintes dépassant la limite
en traction du béton. Par ailleurs, ce problème se pose d’autant plus dans le cas des reprises de
bétonnage pour lesquelles la contraction est gênée par la rigidité de la pièce déjà coulée et cause
une fissuration localisée plus profonde mais également plus espacée. Pour les structures en
couches minces de mortier, ce type de retrait est négligeable devant ceux présentés par la suite.
Le retrait thermique dépend de plusieurs facteurs comme la composition, la finesse de mouture et
la quantité du ciment, la forme et les dimensions de l'élément, de la température initiale du béton
et la température ambiante, etc...
Selon la nature de la structure mise en jeu, deux types de fissuration thermiques peuvent être
ainsi distinguées :
- la fissuration de peau (surface): (cas des blocs de fondations coulés en continu, segments de
piliers..). Elle est due à la présence aux gradients locaux de température entre la surface et
le reste de l’élément. Ces fissures sont toutefois peu ouvertes vu que la distance séparant
Nous reviendrons plus tard, sur les conséquences des effets thermiques sur les résistances du
béton.
Le retrait de dessiccation:
La diminution de la teneur en eau dans le cas du retrait d’auto-dessiccation était liée à la
consommation interne de l’eau par l’hydratation.
Le retrait de dessiccation ou retrait de séchage est la conséquence directe de l’évaporation de
l’eau vers l’extérieur du matériau. Il est donc entièrement dépendant des conditions en
température, vent et humidité relative extérieure. L’évaporation de l’eau sous forme vapeur et sa
diffusion au travers de la structure va quant à elle, dépendre de la distribution de la taille des
pores et de leur connectivité au sein du matériau, mais également de la dimension de l’échantillon
et de la taille de la surface exposée au séchage.
Différentes forces sont responsables du retrait et il est encore aujourd’hui impossible d’établir
une théorie unifiée pouvant expliquer le phénomène sur toute la plage d’humidité relative. Il
existe trois principales théories qui expliquent les mécanismes du retrait de dessiccation: la
dépression capillaire, la variation de la tension superficielle et la variation de la pression de
disjonction.
L’intensité retrait de dessiccation dépend de la réserve d’eau disponible dans le matériau après
les réactions d’hydratation, et donc directement du rapport E/C et de l’hygrométrie ambiante.
La chaux est le composé dont la réaction de carbonatation est la plus rapide mais gardons à
l’esprit que les C-S-H et les aluminates réagissent également avec le CO2 pour former du
carbonate de calcium et un gel de silice dans le cas des C-S-H et des carboaluminates dans le cas
des aluminates. La réaction de carbonatation des C-S-H peut s’écrire sous cette forme (1.7) :
L’évaporation de l’eau libérée par cette réaction peut causer, par les mêmes mécanismes de
dépressions capillaires, des déformations de retrait. Cette réaction reste toutefois assez lente et
produit un faible retrait pour les humidités relatives extrêmes (à saturation et pour une HR aux
alentours de 50%.
Powers (Powers 1962 [30]) a été le premier à proposer une explication pour ce retrait. Selon
lui, celui-ci serait la conséquence directe d’une augmentation de la compressibilité de la pâte due
à la dissolution de la Portlandite cristalisée dans des régions comprimées.
Cette hypothèse a été maintes fois remise en question, notamment par Swenson et Sereda dont
les résultats montrent que le retrait de carbonatation augmente même si l’on diminue la quantité
de chaux libre dans un échantillon de pâte de ciment. Ils concluent donc que le retrait de
carbonatation devrait être aussi bien la cause de la carbonatation de la Portlandite, que de la
carbonatation de la chaux combinée dans les C-S-H.
Cette approche semble être de plus en plus adoptée puisque certains auteurs (Chen et coll. 2006)
préfèrent le terme de retrait de décalcification à celui de carbonatation car le deuxième ne serait
qu’un cas particulier du premier. En effet, la décalcification et la modification des C-S-H par la
carbonatation (diminution du rapport C/S passant de 1,7 `a 1,3 environ) produirait un retrait de
”polymérisation”. La couche d’ions Ca2+ de l’interfeuillet étant partiellement dissoute, un excès
de charge négative subsisterait et serait compensé par la formation de groupements silanols Si-
OH. Le pontage de groupements siloxanes Si-O-Si résultant aurait tendance à rapprocher les
chaînes et à créer un retrait. La disparition de la couche de calcium entre les feuillets pourrait
également expliquer la réorganisation structurale des C-S-H.
Ce même phénomène peut avoir lieu, en plus du jeune age, après quelques années par la même
réaction décrite ci-haut. Dans ce cas, la source de dioxyde de carbone n’est plus l’eau, mais l’air
qui est en contact avec la surface du béton. Les nouveaux produits ainsi former vont occuper
moins d’espaces que les réactifs de base, ce que peut favoriser le développement des fissures
existantes. Cette forme de retrait est particulièrement présente dans les atmosphères à forte teneur
de gaz carbonique.
Il est à noter qu’en plus des déformations de retrait, la carbonatation diminue considérablement
le pH de la phase aqueuse du béton en passant de 12.6 à moins de 9. Ceci peut entraîner la
corrosion des renforcements en acier dans le cas des bétons armés par dépassivation.
La mesure de la réduction d’eau dans la pipette se fait ponctuellement. En faisant l’hypothèse que
l’eau vient remplir tous les vides, cette réduction correspond au changement de volume absolu de
l’échantillon, c’est à dire au retrait chimique.
2 Méthode gravimétrique
Plusieurs chercheurs ont travaillé à l’amélioration de la méthode dilatométrique, afin d’acquérir
des mesures en continu. La procédure est la même sauf que l’erlenmeyer, non bouché cette fois,
est immergé dans le bain thermorégulé et suspendu à une balance à haute précision. Ainsi, le
poids apparent de l’erlenmeyer correspond à celui de la pâte de ciment moins la contribution de
la force d’Archimède. Le poids augmente durant l’hydratation, correspondant alors à la quantité
d’eau ayant pénétré à l’intérieur de la pâte. D’après Garcia Boivin (1999), la reproductibilité de
cet essai est meilleure que pour la méthode dilatométrique.
Précautions expérimentales
Garcia Boivin (1999) a étudié l’influence de l’épaisseur de l’échantillon et du rapport E/C
(donc de la porosité) du mélange sur les mesures. Elle en conclut qu’il y a une bonne corrélation
entre les deux méthodes qui donnent des résultats identiques, avec toutefois quelques restrictions.
Selon le rapport E/C du mélange considéré, particulièrement pour la méthode dilatométrique, il
existerait une épaisseur critique de la couche de matériau placé dans l’erlenmeyer (de l’ordre de 1
cm) pour laquelle la mesure du retrait chimique serait sous-estimée à partir d’un certain moment.
La Figure 6 présente les résultats trouvés par Boivin, Acker et coll. (1998) en ce qui concerne
l’effet de la hauteur de la couche de pâte dans l’erlenmeyer sur le retrait chimique.
Figure 6 : Effet de la hauteur de la couche de pâte sur les mesures de retrait chimique (adapté de
Boivin, Acker et coll. (1998))
Dans sa thèse, Garcia Boivin (1999) attribue ce phénomène à la chute de perméabilité du milieu.
Cependant, pour les mesures de suivi de la masse immergée, elle n’a constaté aucun effet
d’échelle jusqu’à 2 cm d’épaisseur.
Ainsi, le choix de la méthode se fait en fonction du type de résultats que l’on recherche : si ce
sont des mesures en continu il semblerait plus judicieux d’utiliser la méthode gravimétrique. Par
contre, si l’objectif est d’avoir la valeur maximum de retrait chimique, la méthode dilatométrique
est suffisante.
La méthodologie diffère selon si l’essai de retrait est effectué de manière verticale ou horizontale.
Si l’essai se fait verticalement, les éprouvettes sont démoulées puis scellées à l’aide de papier
aluminium adhésif (afin de prévenir toute évaporation d’humidité) et maintenues à température
constante. Les mesures débutent en général 24h après le coulage et elles sont discontinues. Si
l’essai se fait horizontalement, les mesures de changement de longueur se font directement dans
le moule.