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La biotech peine à sortir de sa léthargie https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/16/la-biotech-peine-a...

ÉCONOMIE • INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

La biotech peine à sortir de sa léthargie


Investissements au compte-gouttes, licenciements à la chaîne, suspensions des programmes
de recherche et développement… Le secteur, qui souffre depuis deux ans, entrevoit toutefois
les premiers signes d’un rebond.

Par Zeliha Chaffin


Publié hier à 11h00 • Lecture 4 min.

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Dans un laboratoire de production de Takeda Pharmaceutical Belgium, à Lessines, le


28 février 2023. LAURIE DIEFFEMBACQ / AFP

Est-ce le début du dégel ? Dans les allées de la quarante-deuxième conférence sur la santé, la grand-
messe annuelle du secteur de la biotech organisée par la banque d’affaires J.P. Morgan, qui se tenait à
San Francisco (Californie) début janvier, la question était sur toutes les lèvres. « C’est l’événement qui
donne la température de l’année à venir. Tous les banquiers, investisseurs, Big Pharma et sociétés de
biotechnologie s’y pressent. Autant dire qu’on l’attendait avec impatience », confie un participant
français tout juste revenu des Etats-Unis.

Cette édition, dont la première journée a commencé par deux annonces importantes – le rachat de la
biotech Ambrx par J & J pour 2 milliards de dollars (1,83 milliard d’euros), et celui de Harpoon
Therapeutics par le laboratoire MSD pour 680 millions de dollars –, a justement fait grimper le
thermomètre, qui, depuis la fin de 2021, ne cessait de s’enfoncer dans des températures polaires. De
quoi réchauffer l’ambiance, même si les signes d’un rebond restent ténus. La traditionnelle moisson
d’annonces d’acquisitions s’est finalement révélée modeste comparée à ses moments les plus fastes.
Mais, après plus de deux années de disette, peu se risquent à faire la fine bouche.

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De fait, 2023 s’est révélée particulièrement rude pour le secteur, qui a dû faire face à une baisse
drastique des financements. « L’argent s’est fait rare partout. Ça a été une année d’enfer pour le
secteur », résume Bernard Gilly, à la tête des sociétés GenSight Biologics et BrainEver, et cofondateur
de la start-up iBionext. La faute, explique l’entrepreneur, à l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt.
« La particularité de la biotech, c’est qu’on travaille pendant des années sans aucun revenu. Il est donc
vital de se refinancer régulièrement. Face à la frilosité des marchés, certaines sociétés ont opté pour un
refinancement par la dette, mais à des taux démentiels, parfois entre 15 et 20 % », détaille-t-il.

« Secteur en apnée »

A la Bourse, la fuite des investisseurs a ainsi fait chuter les cours des sociétés, au point que certaines
d’entre elles se sont retrouvées à des niveaux de valorisation inférieurs à leurs trésoreries. Quant à
celles qui se sont introduites en Bourse malgré la conjoncture, le constat n’est guère plus glorieux.
Aux Etats-Unis, à peine la moitié des 19 nouveaux arrivants sur le Nasdaq, l’indice de la Bourse de
New York, dont le français Abivax, qui a levé à cette occasion plus de 220 millions d’euros, ont vu leur
cours de Bourse progresser fin 2023.

Lire aussi | Argenx, l’étoile montante de la biotech européenne

Du côté du capital-risque, le bilan est tout aussi sombre. « Les financements dans le secteur des
biotechs aux Etats-Unis et en Europe avoisinent les 24 milliards de dollars en 2023, contre près de
32 milliards un an plus tôt. De façon générale, les opérations ont été moins nombreuses », constate
Raphaël Wisniewski, associé chez Andera Partners. La société d’investissement a malgré tout réussi à
tirer son épingle du jeu. Elle a notamment participé au tour de table du Belge Agomab (100 millions
de dollars) et du Français Amolyt (130 millions de dollars).

Tout comme son concurrent Sofinnova. Le numéro un européen du capital-risque a refinancé près
d’un quart des sociétés de son portefeuille, l’année passée, et signé une dizaine de nouvelles
opérations. « Mais ça n’a pas été une promenade de santé, reconnaît Antoine Papiernik, son président.
Le secteur est globalement en apnée depuis 2022. On utilise nos réserves pour soutenir et protéger les
sociétés de notre portefeuille, mais même un champion d’apnée a besoin de remonter à la surface pour
prendre un bol d’air. »

Soudaine vague de rachats

Pour compléter le tableau, le marché des fusions et acquisitions est, lui aussi, resté longtemps en
retrait en 2023 malgré quelques très grosses opérations, à l’instar du rachat de Seagen par Pfizer pour
43 milliards de dollars. Conséquence de cette crise : les sociétés du secteur ont souffert. Aux Etats-
Unis, cœur mondial de la biotech, la plongée a été spectaculaire. Pas une semaine ne s’est écoulée
sans la révélation de nouveaux licenciements, de liquidations, d’interruptions ou de suspensions de
programmes de recherche et développement en raison de difficultés financières.

« Chacun s’attelle à écoper pour ne pas couler », observe M. Papiernik. Le français Biophytis en
témoigne. « On a réussi à lever une dizaine de millions d’euros en 2023. Ça nous a pris un an. Autrefois,
cela aurait été bouclé en quelques jours, voire quelques semaines », observe Stanislas Veillet, son PDG.
La société, qui développe un candidat médicament prometteur dans la sarcopénie, une maladie
neuromusculaire aujourd’hui sans traitement, a dû, comme beaucoup, revoir ses plans ces derniers
mois. « Dans l’état actuel du marché, financer une phase 3, très coûteuse, est impossible. On explore
désormais d’autres options, comme des partenariats, pour la mener à bien », poursuit-il.

Lire aussi : Transgene, la biotech française à l’assaut des vaccins anticancer

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Dans ces conditions, chacun guette avec attention les signes de reprise. L’annonce, en décembre 2023,
d’une probable baisse des taux d’intérêt en 2024 par la Réserve fédérale américaine a galvanisé les
acteurs du secteur. Méthode Coué ? « D’autres signes, très récents mais bien réels, attestent d’une
amélioration », analyse Raphaël Wisniewski. Au Nasdaq, l’indice NBI, qui suit les sociétés de
biotechnologies, a ainsi grimpé de près de 20 % depuis le début du mois de décembre 2023. Et en fin
d’année, les Big Pharma ont mené une soudaine vague de rachats. En l’espace de trois semaines,
AbbVie a ainsi mis la main sur Cerevel Therapeutics pour 8,7 milliards de dollars, Roche sur Carmot
Therapeutics pour 2,7 milliards de dollars et Bristol-Myers Squibb sur RayzeBio (4,1 milliards de
dollars) et Karuna (14 milliards de dollars).

Et la tendance pourrait bien se poursuivre en 2024. A San Francisco, de nombreuses Big Pharma,
confrontées à des pertes de brevets imminentes et à un assèchement de leurs portefeuilles de
candidats médicaments, ont clairement fait savoir qu’elles comptaient poursuivre leurs emplettes ces
prochains mois. Leur puissance de feu, évaluée récemment par la société EY à 1 370 milliards de
dollars, a de quoi redonner du souffle au secteur.

Zeliha Chaffin

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