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LA FOLLE HISTOIRE

Quand l’art concourait aux Jeux


olympiques
Par Joséphine Bindé • le 15 septembre 2021 à 18h09

Chaque mois, Beaux Arts revient sur une histoire inouïe. Celle-ci reste étonnamment méconnue.
Saviez-vous que la peinture, la sculpture et l’architecture avaient figuré parmi les disciplines
médaillées aux Jeux olympiques ? Retour sur cette curieuse épopée artistico-sportive qui aura
tout de même duré 36 ans !

A"che o"cielle des Jeux olympiques dʼété de Londres 1948 i

Des épreuves olympiques de peinture, de sculpture, de


littérature, de musique et d’architecture ? L’idée semble folle. Et
pourtant, entre 1912 et 1948, 150 médailles ont été décernées dans ces
domaines ! Le baron Pierre de Coubertin (1863–1937), célèbre
réinventeur des JO, n’y voyait rien d’insolite : associer art et sport était
à ses yeux un moyen primordial de garder un lien avec l’esprit des Jeux
tels qu’ils se déroulaient en Grèce antique, où ils naquirent au VIIIe
siècle avant notre ère pour perdurer durant plus de 1000 ans…

Vases, bas-reliefs, statues, fresques,


mosaïques… On ne compte plus le
nombre d’œuvres d’art helléniques
dédiées à la représentation de coureurs,
quadriges, lutteurs, lanceurs de javelot et
autres athlètes nus aux muscles enduits
d’huile. Aux yeux des Grecs, le sport était
lui-même une forme d’art. Et la
perfection physique du sportif, acquise
avec force discipline, le reflet d’une
perfection morale que les artistes se
devaient d’immortaliser et diffuser
allègrement.

Portrait du baron Pierre de Coubertin (1863– i


Mais cette place privilégiée du sport
1937)
dans l’art n’a pas survécu au
développement du christianisme,
accompagné d’un recentrage de l’art sur la religion, qui oppose le divin
au terrestre incarné par le corps. Hormis quelques exceptions comme
les patineurs de Brueghel, ce n’est donc qu’à la toute fin du XIXe siècle
– avec l’avènement du réalisme et de l’impressionnisme – que l’art
s’intéresse de nouveau au sport. Enfin, on représente la vie
quotidienne des hommes… et donc, notamment, leurs loisirs sportifs
en plein essor !

Cette réhabilitation coïncide avec la renaissance des Jeux


olympiques, réinstaurés par Pierre de Coubertin à Athènes en 1896.
Dès 1906, après seulement trois éditions des Jeux, cinq nouvelles
disciplines y sont admises : la peinture, la sculpture, l’architecture, la
musique et la littérature. Une décision du Comité International
Olympique présidé par le baron de Coubertin, qui qualifie l’ensemble
de « pentathlon des muses » !

Jean Jacoby, À gauche, « Rugby », à droite, « Corner », 1928 i

Pour concourir, les artistes doivent envoyer leurs œuvres au


Comité olympique de leur pays, qui fait une première sélection
avant de les adresser au Comité International, qui réunit les œuvres
candidates dans une grande exposition présentée au moment des
Jeux. Le jury désigne ensuite des lauréats qui reçoivent les mêmes
médailles que les sportifs. Mais attention : les œuvres doivent
s’inspirer du sport. En découlent moult maquettes de stades,
symphonies olympiques, statues d’athlètes musclés et peintures de
boxeurs ou de footballeurs en pleine action, toutes à la gloire de
l’esprit olympique.

En 1908, le remplacement in extremis de Rome par Londres ne


laisse pas le temps d’organiser les compétitions d’art. C’est donc
Stockholm qui, sans enthousiasme, prend le relai en 1912. Résultat :
seulement 33 artistes participants. Un poème, Ode au sport, y gagne la
médaille d’or de littérature. Derrière ses deux mystérieux auteurs
allemands se cache en réalité le baron Coubertin, qui a décidé de
concourir incognito…

Après des épreuves discrètes à


Bruxelles en 1920 (la Première Guerre
mondiale a entraîné l’annulation des
Jeux de 1916), Paris, capitale des arts, met
le paquet en 1924. Cette fois, 193 artistes
s’inscrivent à la compétition artistique,
inaugurée au théâtre des Champs-
Élysées en présence des membres du
gouvernement et du corps diplomatique.
C’est le peintre luxembourgeois Jean
Brève parue dans lʼédition du Figaro du 4 Juin i Jacoby [ill. ci-dessus] qui remporte la
1924
médaille d’or pour son œuvre Étude de
Sport comprenant trois tableaux dont
Corner – Football, Départ-Athlétisme et Rugby. En 1928, les épreuves
d’Amsterdam, désormais divisées en sous-catégories précises (bas-
relief et médailles, dessin, arts graphiques…) donnent lieu à une
exposition de plus de 1000 tableaux et sculptures. Mais la vente des
œuvres fait polémique : est-elle bien conforme au principe de
désintéressement des Jeux ? D’autre part, le cadre olympique est-il
bien adapté à la liberté de la création artistique ? D’autant que les
aréopages internationaux ne jurent que par le classique et le néo-grec,
laissant sur la touche les artistes d’avant-garde…

A"che des épreuves dʼathlétisme des Jeux olympiques dʼAmsterdam, 1928 i

Cet aspect atteint son apogée lors des


Jeux de 1936 organisés par l’Allemagne
nazie. Point d’ « art dégénéré » dans
En 1936, point d’« art
l’exposition berlinoise, inaugurée la
dégénéré » dans
veille des Jeux par le ministre de la
l’exposition
propagande Joseph Goebbels : seules
berlinoise : seules
sont mises en avant les œuvres qui
sont mises en avant
servent l’image d’une nation forte et
les œuvres en accord
athlétique, en accord avec l’idéal aryen
avec l’idéal aryen
cher à Hitler. Le jury grouille
cher à Hitler.
d’Allemands, si bien que le Reich
remporte 12 médailles… soit le tiers des
récompenses de cette édition, et la moitié
de celles qu’aura gagnées l’Allemagne dans toute l’histoire des JO
artistiques.

Seul l’art pouvait le permettre : le médaillé olympique le plus âgé au


monde reste l’artiste anglais John Copley, médaille d’argent de gravure
en 1948, 73 ans au compteur ! Quelques oiseaux rares sont même à la
fois champions en sport et en art, tels que l’Américain Walter Winans,
médaillé en sculpture et en tir lors des JO de 1912, ou le Hongrois
Alfred Hajos, couronné en natation en 1896, puis en architecture
28 ans plus tard.

Paul Landowski, Boxeur tombé, 1921 i

Pour autant, la fusion arts-sports tant souhaitée par Coubertin


n’a pas eu lieu. Aux JO, les arts ont toujours constitué une catégorie à
part, peu connue du grand public. Hormis le sculpteur (et boxeur) Paul
Landowski, médaille d’argent à Amsterdam en 1928, peu d’artistes
primés sont restés dans les mémoires. Lors de certains Jeux, le jury a
même renoncé à attribuer des médailles par manque de participants,
ou d’œuvres jugées dignes. Reprochant aux artistes d’aller à l’encontre
du principe de désintéressement des Jeux en vendant leurs œuvres
aux visiteurs, le CIO finit par supprimer les épreuves d’art en 1949.

La créativité continue malgré tout


d’accompagner les Jeux, notamment
lors de la création des affiches officielles
– l’édition de 1984 pour les JO de Los
Angeles, par exemple, était signée Robert
Rauschenberg et celle de 2012 à Londres
imaginée par Rachel Whiteread) – ou lors
La Grande Vague de Kanagawa avec en fond le i
Mont Fuji et lʼacteur de théâtre japonais des cérémonies d’ouverture devenues de
Ukiyoe et Kabuki véritables spectacles concoctés par des
directeurs artistiques, comme à Tokyo en
2021, où se sont succédés pianiste virtuose, performance d’art
contemporain et danseurs en costume de théâtre nô. Sans oublier une
œuvre gigantesque inspirée des estampes d’Hokusai, tracée dans un
champ de riz non loin de la capitale nipponne. Digne d’un exploit
sportif !

À lire aussi : Rio, Tokyo, Paris : formes olympiques

Art moderne Insolite

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