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PROFIL DU
' NE ŒUVRSCE
Collection dirigée par Georges Décote
IENCESHUMAN
IES

LEDEUXIÈME
SEXE
SIMONEDEBEAUVOIR
par Daniel ARMOGATHE,
professeur de lettres,
chargé de cours à l'I. U. T.
d'Aix-en-Provence

HATIER
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© HATIER, Paris 1977

Toute représentation, traduction, adaptation ou repro-
duction, même partielle, par tous procédés, en tous
pays, faite sans autorisation préalable est illicite et
exposerait le contrevenant à des poursuites judiciaires.
Réf. : loi du 11 mars 1957.
ISBN 2 - 2 1 8 -
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Introduction

Le deuxième sexe est un livre sur les femmes écrit par

une femme. Mais il y aplusieurs manières de décrire la
condition féminine. Il yale recueil d'anecdotes, il y ale
plaidoyer élégant et il y a la révolte robuste et
consciente. C'est cette dernière qu'a choisie Simone de
Beauvoir. Son livre est à la fois une analyse et un
procès. Analyse complète et cohérente de la condition
féminine à travers les âges et procès du patriarcat, du
pouvoir mâle. En partant de quelques postulats fonda-
mentaux, Simone de Beauvoir accumule en 1000 pages
les faits les plus divers à l'appui d'une thèse qu'on peut
résumer ainsi : la majorité des femmes a toujours été
tenue à l'écart de la marche du monde, parce que les
hommes, qui se posèrent d'emblée comme les seuls
responsables, leur refusèrent les possibilités d'une exis-
tence autonome.
Ledeuxièmesexeest unessai, unouvrage scientifique
qui s'appuie sur de nombreuses lectures et fait réfé-
rence aux travaux les plus marquants dans le domaine
des sciences naturelles, expérimentales et humaines
(biologie, physiologie, histoire, psychologie, sociolo-
gie, etc...). Simone de Beauvoir dépouille, dès oc-
tobre 1946, tout ce qui a été écrit sur la question. Ce
travail, affirme-t-elle fut grandement facilité par sa
formation universitaire. L'ouvrage lui demanda deux
années de travail ; le premier tome parut en juin 1949,
et le second en novembre de la même année.
Mais, pour scientifique qu'il soit, Le deuxième sexe
n'en porte pas moins la marque d'un engagement, sur
lequel il faut faire toute la lumière, en remontant
jusqu'aux sources : la vie personnelle de Simone de
Beauvoir.
1. La force des choses, 1963, Gallimard, Folio, t. I, p. 258.
2. Un voyage en Amérique (1947) interrompit son travail.
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A première vue, on pourrait refuser l'idée d'un

quelconque rapport entre Le deuxième sexe et la vie de
son auteur. Simone de Beauvoir, en effet, déclare ne
s'être jamais préoccupée de féminisme avant 1946.
Son enfance, bourgeoise et sereine, ne la prédispo-
sait pas à pressentir les difficultés rencontrées par les
autres femmes. Le deuxième sexe, dit-elle, fut conçu
«presque fortuitement» : «Voulant parler de moi, je
m'avisai qu'il fallait décrire la condition féminine »
Etrange coïncidence et curieuse genèse pour un livre qui
fut et reste encore le best-seller du féminisme ! Comme
Montaigne, Simone de Beauvoir prend conscience qu'en
parlant d'elle, c'est aussi les autres qu'elle peint.
Mais, à regarder de plus près, on s'aperçoit bien vite
que la vie intime de l'auteur, ses choix éthiques et
philosophiques expliquent, dans une mesure non négli-
geable, son engagement. La crise violente qu'elle tra-
verse à l'adolescence lui permet de prendre conscience
de sa responsabilité de femme. Quand son père, un
jour, maladroitement, plaisante sur l'apparition de ses
règles, elle éprouve le tourment d'être réduite à une
chose passive, inutile, renvoyée à l'indifférence de la
nature. Elle ne tardera pas à dénier à son père l'autorité,
le prestige qu'hier encore, elle lui accordait. Quand, à
peu près à la même époque, elle perd la foi, elle
comprend qu'elle n'a plus de recours qu'en elle-même,
que l'heure de l'authenticité est venue.
Acette crise d'ordre spirituel, s'ajoutent des revendi-
cations concrètes, déjà révélatrices de cet engagement
qui sera le sien dans Le deuxième sexe. On sait, par
exemple, que l'adolescente juge insupportable les cor-
vées ménagères : «Chaque jour, le déjeuner, le dîner ;
chaque jour, la vaisselle ; ces heures indéfiniment
recommencées et qui ne mènent nulle part : vivrais-je
ainsi?... Non, me dis-je tout en rangeant dans le
placard une pile d'assiettes ; ma vie à moi conduira
quelque part »Par la suite, Simone de Beauvoir saluera
1. Laforcedeschoses, op. cit., p. 258.
2. Mémoiresdu' nejeunefille rangée, 1958, Galimard,p. 105-106.
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cette chance qu'elle a eue de ne pas s'investir dans les

corvées de ce genre. Ainsi, la crise de l'adolescence
amènera peu à peu Simone de Beauvoir sur «les
chemins de la liberté », cette liberté qu'elle revendiquera
dans son essai pour toutes les femmes. On peut
conclure sur cepoint avec Francis Jeanson : «Autant il
serait absurde desoutenir quetoutes les idées exprimées
par Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe étaient
déjà les siennes au niveau mêmede cette crise, autant il
mesemble évident qu'elles ypuisent leur véritable sève,
qu'elles y plongent leurs plus puissantes racines »
«Ce qui me grisa lorsque je rentrai à Paris, en
septembre 1929, ce fut d'abord ma liberté. J'y avais
rêvé dès l'enfance (...); étudiante, j'ai dit avec quelle
passion je l'appelai. Soudain, je l'avais » Simone de
Beauvoir est libérée. Sa volonté de ne rien sacrifier de
soi aux conventions sociales l'a conduite à refuser le
mariage avec son cousin Jacques Laiguillon. En
octobre 1929, à Paris, elle rencontre J.-P. Sartre. Tous
deux préparent l'agrégation de philosophie. Ce qui
étonne dans cet attachement —qui dure depuis 47ans
—c'est que J.-P. Sartre comme Simone de Beauvoir
ont réussi à concilier l'amour avec la liberté. Enga-
gement qui se fixe ses propres limites, amour «néces-
saire» qui admet les aventures «contingentes», bail
reconductible d'année en année pour se libérer, le cas
échéant, de l'erreur ou du doute, lucidité toujours,
compromission jamais, voilà le climat «affectif» dans
lequel l'auteur du Deuxième sexe va évoluer.
Toute savie antérieure l'a préparée àl'existentialisme.
AvecJ.-P. Sartre, elle yentre deplain-pied. Elle choisit
alors de se vouer à l'écriture, et veut témoigner de tout
«jusqu'au gâtisme».
Savie est la meilleure réponse àla question qu'elle se
pose au début de Laforce de l'âge : «Laliberté : pour
quoi faire ?» Etre libre, c'est accorder les possibilités
abstraites qui sont en nous avec les possibilités

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praisred,dFeovlioiv,rep,.S1e5u.il, 1966,p. 131-132.
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COLLECTION PROFIL D'UNE ŒUVRE
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