Vous êtes sur la page 1sur 13

Madagascar : consommateurs et qualité du riz

Des consommateurs malgaches


sensibles à la qualité du riz
Marie-Hélène DABAT • CIRAD, URP Systèmes de culture et rizicultures durables, SCRiD,
Antananarivo, Madagascar ; CIRAD, URP SCRiD, Montpellier
Brigitte PONS • CIRAD, UMR Qualisud, Montpellier
Simon RAZAFIMANDIMBY • FOFIFA, URP SCRiD, Antsirabe, Madagascar

Lqueetique
riz est le produit agricole embléma-
de Madagascar : il assure tant bien
mal la sécurité alimentaire nationale ;
l’autosuffisance alimentaire, exporter les
excédents à venir. Le développement de la
riziculture pluviale est une des voies envi-
s’impose comme premier secteur écono- sagées pour augmenter la quantité de riz
mique du pays : contribution au PIB, nombre produite en situation de saturation des
d’emplois ; véhicule fortement les valeurs espaces rizicoles traditionnels et de difficulté
sociales et culturelles malgaches ; soutient à augmenter les rendements en rizière. Pour-
ou met en danger les régimes politiques, tant, le riz pluvial présente un intérêt aussi
des rois merina1 aux dirigeants actuels ; sur le plan de son aptitude à satisfaire les
développe des rapports avec l’environne- exigences des consommateurs.
ment et le territoire : déforestation, érosion Nous constaterons que le riz a un statut à
et fertilité des sols, gestion de l’eau et de part des autres produits alimentaires, au
l’espace rural et même urbain. Pourtant les cœur de l’économie agricole et de la culture
analyses économiques autour de cette malgaches, qui lui confère un pouvoir
céréale d’exception sont souvent indigentes. important pour assurer la sécurité alimentaire
Les études de compétitivité notamment du pays. En nous appuyant sur un cadre
opposent riz national et riz importé en omet- d’analyse emprunté à l’économie de la
tant de tenir compte de la diversité du qualité, nous établirons ensuite une typologie
produit malgache, pourtant tellement impor- des critères de qualité des riz malgaches
tante qu’il est malaisé d’établir une typologie perçus par les consommateurs qui repose sur
des riz proposés à la consommation. des attributs de connaissance et d’expé-
Cet article soulève l’intérêt d’aborder la rience. Enfin nous montrerons que plusieurs
problématique de la différenciation quali- de ces critères se retrouvent dans certaines
tative du riz, produit souvent peu examiné variétés de riz pluvial, appréciées des
sous cet angle-là pour le marché national2, consommateurs. Les données utilisées dans
dans un pays déficitaire en cette céréale, cet article proviennent d’une enquête réalisée
qui fait partie des plus pauvres du monde et auprès de consommateurs à Antsirabe sur les
dont le souci des gouvernants est de nature Hautes Terres, troisième commune du pays
essentiellement quantitative : augmenter la en nombre d’habitants et qui compte cepen-
production nationale, assurer pleinement dant une grande partie de riziculteurs parmi
sa population.

1. Principale ethnie, localisée sur les hautes terres


centrales (encore appelées Hauts Plateaux). Le riz à Madagascar
2. Au Nord et au Sud, la majorité des travaux de Un produit pas comme les autres
recherche appliquée dans le domaine de l’économie Le riz n’est pas un produit alimentaire ordi-
de la qualité alimentaire ont porté sur des produits
naire, les motivations et comportements des
animaux (crises sanitaires), des produits maraîchers
(impact de la pollution urbaine) ou des produits à agents de la filière mais aussi des décideurs
forte valeur ajoutée comme par exemple le vin ou sont influencés par ce particularisme. Le mot
les produits d’exportation. d’ordre actuel est l’augmentation de la produc-

6 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008


RECHERCHES
Marie-Hélène DABAT, Brigitte PONS, Simon RAZAFIMANDIMBY

tion de riz en quantité, à la fois pour atteindre reuse appelée rituellement hasina, offerte
l’autosuffisance nationale, sans que la ques- aux puissants, seuls capables de le rece-
tion de la qualité du produit soit abordée, et voir. C’est une allégeance au pouvoir par le
pour satisfaire les marchés extérieurs. magico-religieux. Ainsi, les rois merina ont
récupéré les images du riz pour renforcer
1. Multifonctionnalité du riz leur pouvoir politique en associant le riz
Les fonctions alimentaire et économique d’une part avec Dieu et d’autre part avec eux
du riz ont été démontrées par plusieurs (Rakotomalala et al., 2001). Les dirigeants
études (le Bourdiec, 1974 ; Roubaud, 1997 ; qui ont succédé aux rois, ont aussi utilisé le
FOFIFA/IFPRI, 1997 ; UPDR/FAO, 2000 ; riz pour consolider leur pouvoir. Ceux qui
Minten et Zeller, 2000 ; Razafindravonona ont voulu mettre le riz au second plan ont
et al., 2001 ; Bockel, 2002 ; Fraslin, 2002 ; pris des risques en Imerina : mécontente-
World Bank, 2003). La population agricole ment populaire quand le président Tsira-
constitue près de 80 % de la population nana, sous la première République, a voulu
active totale et 85 % des exploitants cultivent favoriser les cultures d’exportation, comme
du riz, principale culture en termes d’occu- le café, et de nouvelles cultures, comme le
pation de la superficie agricole pour les trois soja, au détriment du riz ; déception de la
quarts des communes malgaches et princi- capitale quand, sous la deuxième Répu-
pale source de revenu des ménages dans blique, en période de pénurie de produits de
45 % des communes3. La consommation première nécessité, le président Ratsiraka a
de riz par habitant, de l’ordre de 125 kg par proposé le remplacement du riz par d’autres
an, est l’une des premières au monde. Ainsi, produits vivriers ; satisfaction populaire a
les performances de la filière déterminent de contrario quand toujours le même Prési-
manière significative le dynamisme du dent Ratsiraka a favorisé, en 2000, l’im-
secteur agricole et de l’économie nationale. portation de riz étranger à très bas prix en
Sa valeur ajoutée économique directe, période de campagne électorale.
calculée en 1999, contribue à hauteur de
12 % au PIB national et de 43 % au PIB 2. Produire plus de riz
agricole en termes courants (Dabat, 2002)4. Vu son poids dans l’économie malgache, le
En dehors de la sphère économique, le riz secteur rizicole est un objet important des
remplit d’autres fonctions, de natures cultu- politiques publiques. La quasi-totalité des
relle, politique et sociale. Il existe un grand documents-cadres et stratégiques de l’État,
nombre de légendes et de mythes qui expli- à des degrés divers, font référence à la
quent la dimension divine du riz. Cette production rizicole ou à la filière riz comme
céréale tient aussi une place unique dans levier de développement. L’objectif unique
les cérémonies qui retracent les rapports et consensuel est d’accroître la production
sociaux. Le Santa-bary, qui célèbre les pour auto-approvisionner le pays et exporter.
prémisses, est resté le rite le plus célèbre Le débat porte seulement sur la façon d’y
auprès des Merina. Il repose sur la croyance arriver : intensification dans les zones à fort
que le riz précoce dégage une force dange- potentiel qui ont déjà des rendements supé-
rieurs à la moyenne nationale (Lac Alaotra,
3. Le riz est moins important à l’Est du pays où
dominent les cultures de rente et dans le Sud où pour 5. Document de stratégie pour la réduction de la
des raisons climatiques le maïs et le manioc sont pauvreté (DSRP), Politique générale de l’État, Plan
plus répandus. directeur quinquennal pour le développement rural,
4. À titre de comparaison, la filière crevette (baptisée Programme national de développement rural
« l’or rose » de Madagascar pour ses apports en (PNDR), Plan national d’action pour la sécurité
devises étrangères) représente moins de 1 % du alimentaire (PANSA), vision « Madagascar natu-
PIB (Henry et al., 1 998). rellement »...

ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 • 7


Madagascar : consommateurs et qualité du riz

Marovoay, périmètres irrigués de la côte Encadré 1.


ouest...) ou amélioration de la productivité La situation du marché mondial du riz
dans l’ensemble des zones rurales rizicoles ? Au cours de la dernière décennie, la
Soutien de l’agriculture familiale ou exten- faible progression des rendements à
sification de la production de type « agro- l’échelle mondiale et la stagnation des
business » dans de nouvelles zones dispo- superficies, dues à l’urbanisation crois-
nibles (étendues du Moyen-Ouest, collines sante accaparant les terres, à la pénurie de
du Vakinankaratra, Menabe...) ? main-d’œuvre agricole et à la raréfac-
Le document de Politique de développe- tion de l’eau pour la riziculture irriguée,
ment rizicole pour la période 2003-2010 entraînent une pression à la hausse struc-
lui-même, élaboré par le Ministère de l’agri- turelle du prix international du riz, qui
culture, de l’élevage et de la pêche (MAEP), pèse sur les pays déficitaires comme
affiche comme défi principal le renverse- Madagascar. Les inconvénients de la
ment de la tendance à la baisse de la dispo- dépendance au marché mondial sont
nibilité en riz par tête enregistrée au cours aggravés par l’instabilité de ce marché de
des 40 dernières années. Les objectifs pour surplus (le marché international repré-
2010 sont d’augmenter de 114 % la produc- sente seulement moins de 10 % de la
tion de paddy, sans dégrader l’environne- production mondiale) : les grands pays
ment, pour satisfaire une population en rizicoles asiatiques ne sont pas toujours
croissance de 32 % et exporter 1,8 million excédentaires ; quand les récoltes sont
t annuelles6. D’une part, ces objectifs parais- insuffisantes, le poids démographique
sent peu réalistes confrontés aux réalités de de pays comme la Chine ou l’Indonésie
terrain ; d’autre part, nulle part il est envi- induit de fortes importations qui désta-
sagé d’améliorer la qualité du riz pour le bilisent les échanges internationaux et
marché national. La crise de 2004-2005, élèvent conjoncturellement les prix
fortement impulsée de l’extérieur mondiaux. Par contre, en période d’abon-
(encadré 1) 7 , a accentué la course à la dance, ces pays inondent ce marché étroit
productivité, à l’intensification et à l’auto- et les prix temporairement s’effondrent.
suffisance. La préoccupation de produire Madagascar est soumis à ce mouvement
du riz de qualité a été introduite mais limitée de balancier des prix internationaux du
à l’objectif d’exportation : meilleur usinage riz et à leur hausse structurelle ces
pour les marchés régionaux tels la Commu- dernières années, tous deux influençant
nauté pour le Développement de l’Afrique les prix intérieurs.
Australe (SADC) ou le Marché Commun
d’Afrique Orientale et Australe (COMESA),
riz rouge sur les niches internationales de riz
de qualité.
La qualité : une notion complexe
et multiforme
Conforter l’hypothèse que la qualité du riz
puisse être importante pour le consommateur
malgache suppose d’établir des distinctions
6. La production actuelle est de l’ordre de 3 millions a priori notamment pour comparer ex post
t de paddy. la qualité des différents riz, voire construire
7. Hausse sans précédent des prix et pénurie de riz, une typologie a posteriori selon des indi-
dues à la combinaison de plusieurs facteurs externes
cateurs de qualité. Le cadre d’analyse que
et internes : prix mondial du riz élevé, cyclones et
dégâts associés, dépréciation de la monnaie nous avons choisi est issu de différents
malgache, mauvaise gestion de la crise par l’État… travaux en économie de la qualité menés au
(Dabat et Razafimandimby, 2005). cours des quatre dernières décennies, qui

8 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008


RECHERCHES
Marie-Hélène DABAT, Brigitte PONS, Simon RAZAFIMANDIMBY

montrent que la qualité est une notion à l’existence de classifications dépendant


complexe et multiforme. du jugement des agents. Hirschmann (1970)
considère qu’il est possible d’établir un clas-
1. Des classifications objectives aux sement en fonction de la qualité, du prestige
approches subjectives ou de tout autre caractéristique considérée
Plusieurs classifications classiques et objec- comme importante. L’apparente impréci-
tives des riz malgaches cohabitent et reposent sion de la définition de la qualité par l’In-
sur des critères aussi variés que le système de ternational Organization for Standardiza-
culture (irrigué, pluvial), la variété génétique tion (ISO), « ensemble des propriétés et
(traditionnel, amélioré), l’aspect visuel du caractéristiques d’un produit, d’un
grain de riz (couleur, longueur, aspect au processus ou d’un service qui lui confère son
toucher…) ou l’appellation « commerciale » aptitude à satisfaire des besoins implicites
(riz de luxe ou ordinaire, de telle origine et explicites » révèle la complexité et le
géographique, de telle marque…). caractère multiforme de la notion de qualité
Ces classifications sont nécessairement sous-jacente à toute classification des riz
peu fines car le nombre d’éléments à classer reconnaissable par le marché, conformé-
est important. Le FOFIFA, centre national ment à l’idée que la qualité est une construc-
de recherche sur le développement rural, tion sociale, une notion polysémique, arbi-
maintient une collection de plus de 2 600 traire, relative et mouvante (Nicolas et
variétés dans la région du lac Alaotra et Valceschini, 1993). Manifestement, les
plus de 3 700 variétés à Marovoay, deux consommateurs malgaches n’achètent pas
hauts lieux de production rizicole, soit au indifféremment les riz rangés dans plusieurs
total plus de 6 000 variétés issues de la sobika 9, même si les éléments de distinction
recherche (FOFIFA, 1995) : améliorations à la disposition de l’acheteur sont rares.
des variétés locales, introductions de variétés
améliorées en provenance d’autres pays, 2. Évaluation de la qualité d’un produit
créations variétales à partir de deux ou par les consommateurs
plusieurs variétés. Une enquête auprès de Plusieurs travaux en économie de la qualité
l’ensemble des communes de Madagascar, partent de la constatation d’une double dis-
recense 773 dénominations différentes de riz tanciation progressive : d’une part, le déve-
actuellement produits par les riziculteurs8. loppement des villes a favorisé l’éloignement
Cependant, une même variété peut porter des consommateurs de la production agri-
des noms différents selon les régions et les cole (Requier-Desjardins, 1989 ; Hugon,
communes. Précisons que tous ces riz diffé- 1 998 ; Padilla, 1 998 ; Bricas et Seck,
rents ne se retrouvent pas commercialisés sur 2004...) ; d’autre part, un transfert de l’ex-
le marché. pertise en alimentation s’est opéré depuis les
D’autres classifications plus subjectives ménages vers les nouveaux spécialistes de
sont possibles, en liaison avec la percep- la consommation que sont devenues les indus-
tion et l’appréciation des utilisateurs finaux tries agro-alimentaires, les supermarchés et les
que sont les consommateurs malgaches. unités de restauration (Valceschini et Nicolas,
Coestier et Marette (2004) soulignent l’im- 1995 ; Coestier et Marette, op. cit...). Cette dis-
portance des contextes sociaux ou des tanciation soulève la question de la perception
périodes historiques comme facteurs de et de l’évaluation de la qualité des biens ali-
variation des diverses notions que recouvre mentaires par le consommateur urbain. La
le terme de qualité d’un produit et concluent
9. Paniers tressés de formes, tailles et couleurs,
8. Recensement des communes, Programme ILO, variées, contribuant au charme des marchés sur
Cornell University/FOFIFA/INSTAT, 2001. l’Île rouge.

ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 • 9


Madagascar : consommateurs et qualité du riz

littérature montre que la qualité pour les alimentaires (viande en Afrique, vin en
consommateurs est généralement multidi- France, probablement riz à Madagascar10...),
mensionnelle et que les différentes sphères de qui déterminent le choix du consommateur
jugement sont en forte interaction dans la pour tel ou tel produit, sont complexes car
construction des perceptions : dimensions fondées sur des caractéristiques de recherche
nutritionnelles (composition quantitative et ou de connaissance, d’expérience (Nelson,
qualitative en nutriments), sanitaire ou hygié- 1970), comme le goût, la fraîcheur ou la
nique (absence de composants chimiques commodité ; et de confiance ou de croyance
nocifs à la santé, propreté bactériologique...), (Darby et Karni, 1973) ou de réputation
fonctionnelle ou d’« usage » (divers services (Zeithami, 1988), comme la salubrité ou les
inclus dans le produit), organoleptique ou conditions de production.
psychosensorielle, gustative et culturelle,
sociale et symbolique (Sylvander, 1995 ;
Cazes-Valette, 1 998).
Les critères de qualité du riz
Connaissance et expérience
Le prix des biens peut-il être révélateur de
leur qualité perçue par le consommateur ? La connaissance des critères de jugement
Rosen (1974) explique le prix par les valeurs des consommateurs malgaches de riz permet
implicites de chacune des caractéris- d’établir une typologie qualitative des diffé-
tiques objectives (facteurs de production) et rents produits proposés sur le marché. L’uti-
subjectives (préférences des consomma- lité de telles études va depuis l’orientation
teurs) d’un bien, à l’aide de sa fonction des des travaux des généticiens et des sélec-
prix hédoniques, construite en conditions tionneurs pour la mise au point de variétés
de concurrence pure et parfaite. Pour de riz recherchées par les consommateurs
Oczkowski (2001), les attributs du prix jusqu’à l’appui à la négociation des prix du
hédonique pour un produit alimentaire sont riz par les acteurs de la filière et l’organisa-
de quatre types : sensoriels, physico- tion de sous-filières basées sur la qualité.
chimiques, territoriaux et objectifs. Les attri-
buts objectifs (visuels, renseignés sur l’éti- 1. La construction du choix des
quette, validation d’experts…) déterminent consommateurs urbains
fortement le prix car ils sont plus facile- Plusieurs études ont montré que le prix, le
ment identifiables ; tandis que les premiers, plus bas possible, est un facteur d’achat
relevant de la structure cognitive et psycho- essentiel à Madagascar, pays pauvre (Azam
logique des individus et parfois détermi- et Bonjean, 1995 ; Minten, 1997 ; Badiane
nant dans la construction des préférences des et Kherallah, 1997, Randrianarisoa, 1997,
consommateurs, sont beaucoup plus diffi- Hirsch, 2000). Pourtant, les consommateurs,
ciles à identifier, à mesurer et donc à réper- quand ils achètent du riz, sont aussi sensibles
cuter sur le prix (Combris et al., 2000). à une vingtaine d’autres critères ou indica-
L’évaluation de la qualité va donc dépendre teurs de qualité liés à des propriétés et carac-
de signes ou indicateurs de qualité intrin- téristiques du produit, qu’ils utilisent pour
sèques (forme, couleur, apparence, struc- distinguer les riz les uns des autres (Touzard
ture…) et extrinsèques (prix, lieu de vente, et Randrianaivo, 2003).
marque, origine du produit, informations
nutritionnelles, processus de fabrication…) qui 10. Le choix de ces deux derniers exemples n’est pas
caractérisent le produit perçu par les consom- neutre. La subtilité dont fait preuve le connaisseur
mateurs et affectent la décision d’achat de vin français est proche de celle que nous avons
trouvée lors de l’enquête auprès du consommateur
(Cazes-Valette, op. cit. ; Sirieix, 1 998). de riz malgache. A contrario, le consommateur de
L’identification et l’évaluation des critères vin malgache est aussi peu prolixe que le consom-
ou attributs de qualité de plusieurs biens mateur de riz français…

10 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008


RECHERCHES
Marie-Hélène DABAT, Brigitte PONS, Simon RAZAFIMANDIMBY

Tableau 1. Classement des indicateurs de qualité


Att. Groupe Critère Att. Groupe Critère
Propreté du riz Taux de cailloux Comportement Gonflement du riz
Taux de grains noirs à la cuisson Mohaka
Taux de poussière de son Manta mohaka
Taux de paddy Temps de cuisson
Défauts Taux de brisures Caractéristiques Goût sucré
Connaissance

Expérience
du grain Humidité du riz du grain cuit Goût laiteux
Taux de grains verts Goût astringent
Caractéristiques Morphologie du grain Riz sans goût
du grain crû Couleur du grain Éparpillement des grains
Translucidité/opacité du grain Fermeté du grain
Tenue au ventre
Satiété/rassasiement
Facilité à digérer
Source : enquête Antsirabe SCRiD, 2003
Cette observation repose sur deux types les critères de qualité technologique pour les
d’enquêtes réalisées par interview en face à riziers. Les objectifs de l’enquête quantitative
face en 2003 à Antsirabe, troisième ville la étaient de déterminer l’importance relative
plus peuplée de Madagascar 11 : une enquête des différentes préparations à base de riz dans
qualitative semi-directive avec guide d’en- la consommation des foyers, connaître le lien
tretien auprès d’une cinquantaine d’experts et entre critères de qualité et types de préparation
d’agents de la filière riz (chercheurs, rizicul- et évaluer la diffusion et la perception du riz
teurs, riziers, cuisiniers, consommateurs…) ; pluvial par rapport au riz irrigué13.
et une enquête quantitative et directive à l’aide Ces critères de qualité ont été classés en
d’un questionnaire auprès d’un échantillon
cinq groupes (tableau 1), en fonction du
de 240 consommateurs tirés au sort par la
moment, entre l’achat et la consommation
méthode du sondage en grappes à trois degrés
en passant par la préparation, où les caracté-
(fokontany ou quartier, îlot, ménage)12. L’en-
ristiques du produit sont perçues et appré-
quête qualitative visait à identifier les diffé-
rents types de riz présents et consommés dans ciées (op. cit : Nelson ; Darby et Karni). Les
la commune ; connaître les différents types de trois premiers groupes (propreté du riz, défauts
plats à base de riz et les situations d’usage ; du grain, caractéristiques du grain crû) englo-
établir une liste exhaustive des critères de bent les attributs de connaissance c’est-à-dire
qualité du riz tels qu’ils sont perçus par les les critères du riz blanchi visibles et appréciés
agents de la filière, globalement et pour lors de l’acquisition ; les deux autres groupes
chacune des préparations culinaires, ainsi que (comportement à la cuisson, caractéristiques
du grain cuit) concernent les attributs d’ex-
11. Principale ville de la région des Hauts Plateaux périence, c’est-à-dire les critères identifiés au
après la capitale Antananarivo, région la plus cours de l’usage, à la cuisson et à la consom-
peuplée du pays qui représente 36 % de la produc-
tion nationale de riz et 30 % du riz malgache mation des riz.
commercialisé. Antsirabe se situe à 1 400 m d’al-
titude, s’étend sur 180 km2 et compte 200 000 habi- 13. Le questionnaire comprenait quatre pages, une
tants avec une majorité de Merina. majorité de questions fermées et huit rubriques ayant
12. Cet échantillon est représentatif de la population trait à l’éventuelle production de riz par le ménage,
d’Antsirabe ; on trouve 50 % de ménages produc- les modes d’approvisionnement, la fréquence de
teurs de riz (30 % d’entre eux produisant du riz pluvial) consommation des plats, les critères de choix du riz
et 14 % de ménages autosuffisants en riz. Le niveau de à l’achat, la perception du riz pluvial, les aliments
consommation de riz varie entre 111 kg (classes d’accompagnement et l’évaluation du niveau de
pauvres) et 146 kg (classes riches) par personne par an. vie des enquêtés.

ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 • 11


Madagascar : consommateurs et qualité du riz

Pour évaluer la qualité des riz, les consom- au très rouge (grains rouges peu blanchis) ;
mateurs se réfèrent souvent aux plats qu’ils le riz rose est souvent un mélange de riz
confectionnent, les principaux étant le vary blanc et de riz très rouge, mais également du
soasoa et le vary maina14. Les critères sont riz rouge insuffisamment blanchi. Là aussi
définis par les consommateurs de la façon les préférences diffèrent,
suivante : • translucidité/opacité du grain : la plupart
• la présence de cailloux : les paysans y sont des riz présents sur le marché sont opaques.
plus ou moins attentionnés, la provenance Le mot translucide n’existe pas en malgache,
géographique du riz en est parfois le signe : le terme utilisé pour exprimer cette carac-
« le riz de Fianarantsoa contient trop de téristique est « brillant » (manjelatra),
cailloux ; par contre, celui de Betafo n’en • le gonflement du riz : apprécié pour son
contient pas », volume après cuisson ; pour une même
• la présence de grains noirs : issus de quantité de riz crû et pour une même prépa-
« mauvaises herbes » qui poussent dans les ration, un riz qui occupe plus de volume
rizières, il s’agit donc d’un mauvais entretien dans l’assiette est préféré à un riz occupant
des cultures, un volume moindre,
• la présence de poussière de son : les consom- • le « mohaka » : phénomène de prise en masse
mateurs l’évaluent en plongeant la main du grain de riz lors de la cuisson. Le riz est
dans le riz, par expérience ils savent que alors très collant et très mou et ne convient pas
c’est un riz fraîchement récolté (humide), du tout pour le vary maina pour lequel il doit
• la présence de paddy : elle dépend essen- « s’éparpiller » (miparitaka). Pour le vary
tiellement de la dureté des balles, soasoa, le phénomène de mohaka est carac-
• la présence de brisures : induit un problème térisé par des grains trop mous mais non
à la cuisson. D’après les transformateurs, liée collants car l’excès d’eau lors de la cuisson
essentiellement à l’humidité et à la forme du permet de maintenir les grains de riz plus ou
grain, moins dissociés les uns des autres,
• l’humidité du riz : détectée par la présence • le manta mohaka : problème lié à l’hétéro-
de poussière de son. Ces deux caractéris- généité de cuisson des grains de riz (mélange
tiques – humidité et son – signifient un de plusieurs variétés) ou à la présence de
mauvais comportement du riz à la cuisson, grains brisés ou de grains verdâtres,
• la présence de grains de riz verts : grains • le temps de cuisson : peu cité lors des entre-
immatures. On les retrouve dans les riz tiens qualitatifs. La préférence va vers un riz
récoltés précocement. Le riz immature est qui cuit rapidement,
considéré comme difficile à cuire, • le goût sucré : surtout recherchée pour la
• la morphologie du grain : le choix de la forme préparation du vary soasoa, surtout attribué
du grain dépend des préférences du consom- aux riz rouges et aux riz décortiqués au
mateur. Les riz longs, médiums et ronds pilon, mais il est retrouvé pour la plupart des
peuvent être assez indifféremment utilisés riz malgaches et pas pour le riz importé,
pour la préparation des principaux plats, • le goût laiteux : la notion de goût laiteux
• la couleur des grains : elle varie du blanc (ou « gras ») est assez difficile à clarifier
(grains blancs ou grains rouges blanchis) et à définir,
• le goût astringent : cité pour les riz trop
14. Vary maina [ou « riz sec », consommé avec un rouges : « ils sèchent la langue »,
accompagnement le loaka, principalement au • le riz sans goût : riz qui ne présentent ni le
déjeuner et au dîner, proportions d’eau et de riz
goût sucré, ni le goût laiteux,
très proches] et vary soasoa [ou « riz mouillé »,
consommé avec ou sans accompagnement, de préfé- • l’éparpillement des grains : ce critère est
rence le matin, deux fois plus d’eau que de riz, surtout apprécié pour la préparation du vary
aspect visqueux]. maina,

12 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008


RECHERCHES
Marie-Hélène DABAT, Brigitte PONS, Simon RAZAFIMANDIMBY

• la fermeté du grain : exprimée à trois Le riz est préféré - par ordre d’importance
niveaux : ferme, moyen (« ferme mais pas décroissante - avec une bonne tenue au
trop ferme »), mou. Les consommateurs ventre (pour environ 86 % des consomma-
apprécient les riz moyennement fermes, teurs), sans astringence, avec un goût laiteux
• la tenue au ventre : définie par l’expression (85 %), avec un goût sucré (80 %), moyen-
« on n’a pas faim tout de suite ». Notion nement ferme (75 %) et facile à digérer
associée à la fermeté du grain après la (70 %). Il existe une différence cependant
cuisson, c’est-à-dire que plus le riz est ferme, entre les deux types de plat : pour le vary
plus « il tient au ventre », soasoa, les consommateurs sont beaucoup
• la satiété ou le rassasiement : définie par plus nombreux à rechercher des riz goûteux
l’expression « on a vite plus faim », (goûts sucrés et laiteux). En effet, ce plat est
• la facilité à digérer : plus associée à la souvent consommé seul ou avec un accom-
consommation du vary maina. Pour la prépa- pagnement moins appétissant que celui du
ration du vary soasoa, la cuisson dans un vary maina.
surplus d’eau fait que les grains sont plus
cuits que pour un vary maina, le riz est dit
Riz pluvial et atout qualité
plus « facile à digérer ».
Le développement de la riziculture pluviale
2. La qualité recherchée : qu’est-ce qui fait est une voie envisagée pour augmenter la
un bon riz ? production de riz à Madagascar en situation
Les groupes de critères et les critères eux- de saturation des espaces rizicoles tradi-
mêmes ensuite ont été classés par les ména- tionnels et de difficulté à accroître les rende-
gères d’Antsirabe, de façon à déterminer ments en rizière. Le riz pluvial a aussi
l’importance relative de chaque critère l’avantage de plaire aux consommateurs.
recherché, de manière générale et pour la
préparation de chacun des principaux plats. 1. Développer la riziculture pluviale
Les critères considérés comme les plus Dans plusieurs régions de Madagascar, la
importants sont liés à la propreté du riz et aux demande croissante en riz et l’augmentation
défauts du grain. Les critères liés au riz cuit de la pression foncière sur les terres inon-
(comportement du riz à la cuisson et carac- dées, liées à la croissance démographique,
téristiques du grain cuit) viennent ensuite. conduisent au développement de la rizi-
Ces derniers critères de qualité paraissent culture pluviale sur les collines, encore
intéressants à détailler étant donné leurs disponibles. En effet, la culture irriguée
implications en matière d’amélioration peine à améliorer ses performances depuis
variétale par la Recherche. Pour le compor- quelques décennies, elle est confrontée aux
tement à la cuisson et pour les deux prin- lourdes contraintes de gestions technique,
cipaux plats préparés à Madagascar, la financière et sociale de l’eau, qui entra-
préférence va en priorité à des riz qui vent la progression des rendements. Les
gonflent, qui ne présentent pas les phéno- riziculteurs malgaches paraissent peu
mènes de mohaka et de manta mohaka, et réceptifs à l’utilisation plus intensive d’in-
qui sont rapides à cuire. En effet, pour le trants, à contracter un crédit pour mécaniser
vary maina et le vary soasoa, la totalité leur exploitation et à dépasser pour la
des consommateurs apprécie un riz qui plupart d’entre eux le stade de l’autosuffi-
gonfle et plus de 90 % un riz qui ne sance alimentaire. Ainsi, le riz pluvial,
devienne pas mou à la cuisson et qui cuise venant en complément des rizicultures
de manière homogène. Parmi les caracté- aquatiques, conditionne dans plusieurs
ristiques du grain cuit, les critères les plus régions du pays à la fois la sécurité alimen-
importants sont communs aux deux plats. taire et le développement rural.

ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 • 13


Madagascar : consommateurs et qualité du riz

Plusieurs innovations techniques, en cours pluvial et la proportion qui comparative-


de diffusion, permettent aux exploitants de ment l’associe plutôt au riz aquatique (Dzido
concilier les objectifs de production et de et al., 2005), le riz pluvial est plus propre
durabilité (limitation de l’érosion, restaura- (moins de grains noirs, moins de cailloux,
tion de la fertilité des sols) : les variétés de moins de son), a moins de défauts (moins
riz pluvial d’altitude et les systèmes pluviaux humide, moins de grains verts, moins de
à base de semis direct sur couvertures végé- brisures), se comporte mieux à la cuisson et
tales. Les techniques agro-écologiques auto- dans le ventre (tableau 2). Cependant les
risent le développement des cultures consommateurs déplorent la caractéristique
pluviales sans colmater les rizières en bas- de fermeté du riz pluvial qui le rend long à
fond, propres à la culture irriguée. Ces inno- cuire et sa faible disponibilité sur le marché.
vations techniques permettent de développer La majorité des critères pour lesquels le riz
efficacement la riziculture pluviale mais pluvial a un avantage sur le riz irrigué appar-
aussi de s’adapter à des situations de tient aux groupes de critères appréciés :
mauvaise maîtrise de l’eau qui sont très propreté du riz, défauts du grain et compor-
fréquentes dans le pays : variétés de riz tement à la cuisson.
acclimatées à plusieurs régimes hydriques,
itinéraires techniques d’accompagnement, À Antananarivo, les résultats de l’en-
mise en valeur de zones marginales. Le quête équivalente menée en 2006 montrent
mythe de la maîtrise de l’eau laisse la place que le riz pluvial reste apprécié mais à un
à l’adaptation aux situations de grande varia- degré moindre qu’à Antsirabe. Sa faible
bilité climatique. disponibilité en comparaison du riz irrigué
est aussi très remarquée (74 % des enquêtés)
2. Perception du riz pluvial par les mais les avis pour les autres critères sont
consommateurs différents ou apparaissent moins tranchés.
Ces opportunités à la fois spatiale et tech- Contrairement à Antsirabe, le riz pluvial
nique sont en phase avec une perception est perçu comme peu propre et avec un taux
des consommateurs favorable au riz pluvial. d’humidité élevé. Par contre, et outre ses
Pour plusieurs des critères de qualité, le riz caractéristiques physiques, les avis dans les
pluvial se distingue nettement du riz irrigué à deux communes convergent : son temps de
Antsirabe. Sur la base du calcul d’une diffé- cuisson est assez long, il gonfle à la cuisson,
rence supérieure à 20 % entre la propor- son goût est sucré, il rassasie et tient au
tion d’enquêtés qui associe le critère au riz ventre. Dans la capitale, il ne se dégage pas

Tableau 2. Perception du riz pluvial par rapport au riz aquatique


(en % de consommateurs par avis et par critère, RP = riz pluvial, RA = riz aquatique)
Critères RP > RA RP < RA Critères RP > RA RP < RA
Fermeté du grain 84 7 Rassasiement 34 21
Longueur à cuire 79 3 Taux de grains verts 21 54
Translucidité 69 16 Taux de brisures 21 48
Gonflement à la cuisson 65 20 Contenu en paddy 20 36
Couleur blanche du grain 57 32 Contenu en poussière de son 11 47
Forme longue du grain 45 28 Taux de cailloux 10 54
Tenue au ventre 45 19 Humidité 7 67
Cherté 43 28 Fait le mohaka 6 79
Finesse du grain 42 33 Taux de grains noirs 5 86
Goût sucré 41 43 Disponibilité 1 89
Goût laiteux 41 39
Source : enquête Antsirabe SCRiD, 2003

14 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008


RECHERCHES
Marie-Hélène DABAT, Brigitte PONS, Simon RAZAFIMANDIMBY

de tendance marquée pour sa capacité à ne de producteurs et d’agents de la filière riz


pas faire le mohaka et pour son goût laiteux, mettent en œuvre des stratégies de révélation
relevés à Antsirabe. de la qualité à l’aide de signaux et de certi-
fication. Le pays a beaucoup à faire en
3. Comment influencer la qualité du riz ? matière de classification et de normalisa-
La finalité de la recherche est l’approvi- tion de la qualité sur le plan commercial. Il
sionnement du marché en variétés de riz est bien loin de la situation décrite par
appréciées par les consommateurs. exemple par Shapiro et Varian (1999)
Améliorer encore la perception déjà favo- concernant le marché du vin dans les pays
rable par les consommateurs d’un produit développés, où l’abondance d’informations
comme le riz pluvial, voire d’autres types de crée une pénurie d’attention de la part du
riz, suppose de maîtriser les facteurs de consommateur.
qualité. Dans le cas des consommateurs
malgaches, ils sont essentiellement liés aux Conclusion
attributs de connaissance :
Malgré un pouvoir d’achat encore bas, les
• la conduite de la culture du riz : elle influe
consommateurs malgaches sont formels sur
surtout sur la présence de graines étran-
leurs critères de choix du riz, qui ne se limi-
gères (grains noirs) et de grains verts,
tent pas au prix mais s’étendent aux carac-
• la conduite des opérations post-récolte : le
téristiques de qualité du produit.
séchage, le stockage, le nettoyage et l’usi-
Cependant l’identification sans faille du
nage, sont des opérations dont les condi-
produit, préalable à la reconnaissance des
tions jouent sur les caractéristiques rela-
caractéristiques du riz, comprend des biais
tives à la propreté du riz crû d’une part, au
aux différents stades de la filière15. Les dispo-
comportement et à la qualité du riz cuit
sitifs de confiance impersonnelle (normes,
d’autre part,
chartes, labels…) et personnelle (réseaux)
• les facteurs variétaux : ils sont indirecte-
(Karpik, 1989) sont inexistants ou faible-
ment explicités dans l’enquête et influen-
ment opérants à Madagascar, pouvant
cent les caractéristiques du grain crû tels
entraîner la confusion dans les pratiques
que la morphologie, la translucidité, la
des acteurs et les actions des décideurs
couleur et également les propriétés des riz
publics. Pour y remédier, il conviendrait de
cuits tels que le goût, probablement la
créer les conditions de l’émergence de
texture, le comportement en cours de
nouvelles règles pour réguler le marché par
cuisson ; également la dureté des glumes
la qualité afin d’accroître la confiance des
et des glumelles au décorticage.
acheteurs, en particulier en vue de l’exten-
La propreté du riz et les défauts du grain
sion des marchés du riz pluvial. Mais la
crû dépendent essentiellement de la conduite
tâche est immense dans ce pays.
de la culture et des opérations post-récolte
Le développement de l’urbanisation et la
sans lien direct avec les caractéristiques
concentration de la production dans des
intrinsèques des grains. Leur amélioration
zones de croissance rizicoles prioritaires
passe par des recommandations aux acteurs
devraient éloigner à terme un plus grand
de la filière intervenant à ces deux stades.
nombre de consommateurs de la production
L’action des sélectionneurs peut, elle, se
situer dans l’amélioration des caractéris-
tiques telles que la tenue au ventre et la 15. Par exemple, plusieurs grossistes ont des
commandes particulières de riz pluvial de qualité
facilité de digestion, le goût du riz, la forme
provenant des zones côtières. Dans l’impossibilité de
du grain, la rapidité de cuisson… regrouper des quantités suffisantes de riz pluvial en
Mais la maîtrise des facteurs techniques un temps réduit, ils pratiquent souvent le mélange des
de qualité ne suffit pas. À Madagascar, peu variétés pluviales ou quelquefois pluviales et irriguées.

ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 • 15


Madagascar : consommateurs et qualité du riz

et justifier une réflexion sur la définition et objectifs de cette qualité spécifique sont à la
la garantie de qualité de la première source fois des objectifs de sécurisation et de diver-
d’alimentation des Malgaches. En même sification de la production, de différenciation
temps, la question reste posée de l’oppor- des produits et de segmentation des marchés
tunité d’intégrer à la politique rizicole alimentaires, de promotion des revenus agri-
malgache le développement de produits coles, de santé publique et d’identité terri-
avec des signes officiels de qualité si la toriale, de protection de l’environnement
priorité demeure donnée à la production et d’aménagement du territoire (Chazoule et
alimentaire en plus grande quantité et à Lambert, 2003). Dans cette perspective et
bas prix. sous d’autres horizons, le riz pluvial à Mada-
Le concept de qualité est passé progres- gascar se révèle être un objet de recherche-
sivement en France d’une acception « géné- développement en économie de la qualité
rique » à une acception « spécifique ». Les tout à fait pertinent. !

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Azam J.-P., Bonjean C. (1995). La forma- Cazes-Valette G. (1 998). Anthropologie et
tion du prix du riz : théorie et application comportement du consommateur : le cas
au cas d’Antananarivo. Revue écono- de la vache folle. Bourgogne, Actes de
mique, vol 46, n° 4, juillet, p. 1145-1166. Recherche en Marketing, juin, p. 4-22.
Badiane O., Kherallah (1997). Politiques Combris P, Lecocq S., Visser M. (2000).
de libéralisation et ajustement des Estimation of a Hedonic Price Equation
marchés agricoles : l’expérience de Mada- for Burgundy Wine. Applied Economics,
gascar et d’autres pays africains. n° 32, p. 961-967.
IFPRI/FOFIFA, Cahier de la Recherche Dabat M.-H. (2002). Analyse de la filière riz
sur les Politiques Alimentaires n° 4, à Madagascar. Cirad-Gret Ministère des
décembre, 36 p. + annexes. Affaires étrangères, Memento de l’agro-
Bockel L. (2002). Review of Madagascar’s nome, 15 p.
rice sub-sector. Madagascar, Rural and Dabat M.-H., Razafimandimby S. (2005).
Environmental Review, World Bank, Crise hier, opportunités aujourd’hui, défis
Background report. pour demain : le cas de la filière riz à
Le Bourdiec F. (1974). Hommes et paysages Madagascar. Les actes du colloque scien-
du riz à Madagascar. Antananarivo, tifique « Changements induits dans les
FTM, 250 p. campagnes malgaches par l’évolution
Bricas N., Seck P.-A. (2004). L’alimentation des prix des produits agricoles » Anta-
des villes du Sud : les raisons de craindre nanarivo, Madagascar, Fofifa/Ambassade
et d’espérer. Cahiers Agricultures, de France, 06-07 décembre, 9 p.
Volume 13, n° 1, p.10-14. Darby M., Karni E. (1973). Free Competi-
Chazoule C., Lambert R. (2003). Les signes tion and the Optimal Amount of Fraud.
de la qualité en France : du consensus aux Journal of Law and Economics, n° 16,
controverses. Université Laval, Cahiers p. 67-68.
du CREA, Série Recherche, avril, 19 p. Dzido J.-L., Ramanantsoanirina A., Dabat
Coestier B., Marette S. (2004). Économie de M.-H., Razafimandimby S. (2005). Agri-
la qualité. Repères La Découverte, culture sans maîtrise de l’eau : le cas du
n° 390, 122 p. riz pluvial sur les Hauts Plateaux de

16 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008


RECHERCHES
Marie-Hélène DABAT, Brigitte PONS, Simon RAZAFIMANDIMBY

Madagascar. Tamatave, Madagascar, Generation and Environmental Sustai-


MENRS, Forum de la Recherche nability in Rural Madagascar. Aldershot:
« Recherche performante : secteur prio- Ashgate.
ritaire et moteur de développement Nicolas F., Valceschini E. (1993). La négo-
durable », 10-11 mars. ciation de la qualité. Économie Rurale,
FOFIFA. (1995). Bilan de la recherche rizi- n° 217, p 12-17.
cole. Antananarivo, 300 p. Nelson R. (1970). Information and
FOFIFA/IFPRI (1997). Le marché des Consumer Behavior. Journal of Political
intrants, le marché des produits agricoles, Economy, 78, p. 311-329.
le comportement des ménages ruraux. Oczkowoski E. (2001). Hedonic Wine Price
Cahier de la Recherche sur les Poli- Function and Measurement Error. The
tiques Alimentaires, Octobre, 29 p. Economic record, Vol, n° 239, p. 374-
Fraslin J.-H. (2002). Quel avenir pour les 382.
paysans de Madagascar. Afrique contem- Padilla M. (1998). La sécurité alimentaire
poraine, n° 202-203, p. 93-110. des villes africaines : le rôle des systèmes
Henry F., Dabat M.-H., Rakotomanjaka J. d’approvisionnement et de distribution
(1998). La valeur économique de la alimentaires. FAO Aliments dans les
ressource crevettière à Madagascar. In villes, Collection d’ouvrages 1 – Rome :
Kourkouliotis K. et Ranaivoson E. (Eds.), Bulletin des services agricoles de la FAO,
« Aménagement de la pêche crevettière septembre, 132, 40 p.
malgache », Antananarivo, PNUD/FAO,
Rakotomalala M., Blanchy S., Raison-
rapport technique de l’atelier organisé
Jourde F. (2001). Madagascar : les
du 17 au 19 juin, Programme sectoriel
ancêtres au quotidien. Paris, l’Harmattan,
Pêche, p. 127-160.
529 p.
Hirsch R. (2000). La riziculture malgache
revisitée : diagnostic et perspectives Randrianarisoa C. (1997). Revue des poli-
(1993-1999). Rapport AFD, 24 p. + tiques de réforme des marchés à Mada-
annexes. gascar : le marché des intrants, le marché
Hirschmann A.-O. (1995). Défection et prise des produits agricoles. IFPRI/FOFIFA,
de parole. Paris, Fayard, 1re édition, 1970. Cahier de la Recherche sur les Politiques
Alimentaires, Octobre, 29 p.
Hugon P. (1998). Pluralité des filières d’ap-
provisionnement alimentaire dans les Razafindravonona J.-D., Stifel D., Pater-
villes d’Afrique francophone. FAO nostro S., (2001). Dynamique de la
Aliments dans les villes, Collection d’ou- pauvreté : 1993-1999. Antananarivo,
vrages 1 – Rome : Bulletin des services INSTAT.
agricoles de la FAO, septembre, 132, Requier-Desjardins D. (1989). L’alimenta-
29 p. tion en Afrique : manger ce que l’on peut
Karpik L. (1989). L’économie de la qualité. produire. Karthala, Paris, 169 p.
Revue Française de Sociologie, 30(2), Rosen S. (1974). Hedonic Prices and
p. 187-210. Implicit Markets: Product Differencia-
Minten B. (1997). Vivre avec des prix tion in Pure Compétition. Journal of Poli-
alimentaires variables : une analyse du tical Economy, n° 82, p. 34-55.
marché urbain d’Antananarivo. Roubaud F. (1997). La question rizicole à
IFPRI/FOFIFA, Cahier de la Recherche Madagascar : les résultats d’une décennie
sur les Politiques Alimentaires, octobre, de libéralisation. INSTAT, Revue
22 p. Économie de Madagascar « Agriculture :
Minten B., Zeller M., (2000). Beyond enjeux et contraintes de la libéralisa-
Market Liberalization: Welfare, Income tion », n° 2, octobre, p. 37-61.

ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008 • 17


Madagascar : consommateurs et qualité du riz

Shapiro C., Varian H.-R. (1999). Économie Nutrition et alimentation dans les pays en
de l’information. De Boeck, Guide stra- voie de développement, octobre, 66 p.
tégique de l’économie des réseaux, 798 p. UPDR/FAO/CIRAD, (2000). Diagnostic et
Sirieix L. (1998). La consommation alimen- perspectives de la filière riz à Mada-
taire : problématiques, approches et voies gascar. Antananarivo, 89 p.
de recherche. Recherche et Applications Valceschini E., Nicolas F. (1995). Agro-
en Marketing, Vol, n° 3, p. 41-58. alimentaire : une économie de la qualité.
Sylvander B. (1995). Origine géographique Paris, Economica.
et qualité des produits : approche écono- World Bank (2003). Reaching the Rural
mique. Revue de Droit Rural, n° 237, Poor - A Renewed Strategy for Rural
p. 465-473. Development. Washington D.-C.
Touzard S., Randrianaivo H. (2003). La Zeithami V.-A. (1988). Consumer Percep-
consommation et les critères de qualité tions of price, Quality and Value: A
du riz dans la commune d’Antsirabe I Means-End Model and Synthesis of
(Madagascar). Université de Montpellier Evidence. Journal of Marketing, 52, July,
II, Mémoire pour l’obtention du DESS p. 2-22.

18 • ÉCONOMIE RURALE 308/NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

Vous aimerez peut-être aussi