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Tribunal de grande instance de Paris, 20

décembre 2018, 2016/16392


Synthèse
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro de pourvoi : 2016/16392
Domaine de propriété intellectuelle : BREVET ; MARQUE
Marques : FRAMA
Classification pour les marques : CL07 ; CL09 ; CL16
Numéros d'enregistrement : EP0927104 ; 603522
Parties : FRAMA AG (Suisse) ; FRAMA FRANCE SAS / DOC'UP
Commentaires : 1 commentaire publiée
Président : M. T H en qualité de

Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris Tribunal de grande instance de Paris
2022-10-12 2018-12-20

Texte intégral
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 20 décembre 2018

3 ème chambre, 1 ère section N° RG 16/16392 - N° Portalis 352J-W-B7A-CJF4V

DEMANDERESSES

Société FRAMA AG représentée par M. T H en qualité de Président Dorfstrasse 6 CH 3438


LAUPERSWIL (SUISSE)

S.A.S. FRAMA FRANCE prise en la personne de M. T Hen qualité de Président 37 avenue Ledru Rollin
75012 PARIS

représentées par Me Nathalie HADJADJ CAZIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0419 et Me

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Alexandre BAILLY avocat au barreau de Paris, vestiaire #J11

DÉFENDERESSE

Société DOC'UP 20 rue d'Arras 92000 NANTERRE

représentée par Maître Jean-Philippe CHENARD de la SELEURL CHENARD AVOCAT, avocats au


barreau de PARIS, vestiaire #C1201

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, Première Vice-Présidente Adjointe Gilles BUFFET, Vice-président Karine


THOUATI, Juge

assisté de Maud J, Greffier

DEBATS

A l'audience du 22 octobre 2018 tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2018 prorogé au 20


décembre 2018 Contradictoire

en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société de droit suisse FRAMA AG conçoit, fabrique et distribue notamment des solutions
d'affranchissement de courrier et en particulier des machines à affranchir, leurs composants, ainsi
que leurs consommables tels que des cassettes à ruban.

Cette société est titulaire du brevet européen désignant la France EP 0 927 104 B1, qui protège une «
cassette avec dispositif d'insertion ». La demande de brevet a été déposée le 24 juin 1998 sur la base
d'une priorité suisse (CH 155 397) du 27 juin 1997, publiée le 7 juillet 1999. La délivrance du brevet a
été publiée le 11 décembre 2002 et sa traduction en français, communiquée à l'Institut national de la
propriété industrielle, a été publiée le 8 août 2003. Le brevet a été maintenu en vigueur par le
paiement régulier des redevances annuelles et est dûment inscrit au nom de FRAMA AG.

La société FRAMA AG est également titulaire de la marque verbale internationale FRAMA n°603522,
enregistrée le 16 avril 1993, et dûment renouvelée. Cette marque désigne la France et les produits
des classes 7, 9 et 16 de la classification internationale.

La société Innovacourrier a été créée à l'initiative, notamment, de la société FRAMA AG aux fins de
commercialiser, en France, des matériels de traitement du courrier et les services associés.

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Les statuts constitutifs de la société Innovacourrier, datés du 28 décembre 2002, précisent que la
société FRAMA HOLDING était associée au capital social à hauteur de 10 % du montant total, cette
participation ayant ensuite augmenté à hauteur de 20 %. FRAMA AG a ensuite cédé cette
participation le 31 mai 2012 et au terme d'une assemblée générale du 31 janvier 2014, la société
Innovacourrier a modifié sa dénomination sociale en DOC'UP.

Le 31 mai 2012, les sociétés FRAMA AG et DOC'UP ont conclu un contrat de distribution par lequel la
société FRAMA AG confiait à la société DOC'UP, à titre exclusif, moyennant une obligation de
réalisation d'un chiffre d'affaires minimal, la distribution des produits Frama, notamment des
machines à affranchir, des composants et des consommables, en France.

Alléguant de nombreux manquements au contrat de distribution, la société FRAMA AG a notifié à la


société DOC'UP, par courrier recommandé du 13 mars 2015 qu'elle mettait fin à l'exclusivité dont
bénéficiait DOC'UP, à compter du 1er octobre 2015.

La société FRAMA AG l'a ensuite assignée devant le tribunal régional suisse de Burgdorf, par acte du
28 juillet 2015, pour lui

réclamer l'indemnité contractuelle assortissant l'obligation de réalisation d'un chiffre d'affaires


minimal. Cette procédure est actuellement pendante.

Au cours de l'année 2016, la société FRAMA AG a créé une filiale en France, nommée FRAMA France.

Reprochant à la société FRAMA France des actes de concurrence déloyale résultant d'actes de
démarchage illicite, basés notamment sur une utilisation indue du fichier clients, la société DOC'UP
a, par une assignation du 9 juin 2016, engagé une action en référé à l'encontre de cette société
FRAMA France devant le président du tribunal de commerce de Paris.

Par une ordonnance du 8 juillet 2016, le président du tribunal de commerce de Paris, faisant
partiellement droit aux demandes des parties, a : - fait interdiction à FRAMA France d'utiliser le
"fichier FramaOnline" dans le cadre de ses diffusions commerciales, - fait interdiction à DOC'UP de
porter les mentions « FRAMA devient DOC'UP » ou « FRAMA France devient DOC'UP » sur les
documents qu'elle émet, - et dit n'y avoir lieu à référé pour les autres demandes des parties.

Parallèlement à ces procédures, FRAMA AG a appris que DOC'UP commercialisait des cassettes
présentées comme « recyclées » ou « reconditionnées » compatibles avec les machines à affranchir
ECOMAIL, OFFICEMAIL et POWERMAIL fabriquées par FRAMA AG.

Alléguant un important manque à gagner découlant de ces actes non autorisés de


"reconditionnement", la société FRAMA AG a sollicité auprès du président du tribunal de grande
instance de Paris, par requête en date du 28 septembre 2016, le droit d'effectuer une saisie-
contrefaçon au sein des locaux de DOC'UP afin d'établir l'existence et la portée des atteintes à ses
droits. Par ordonnance du même jour, le président du tribunal a fait droit à cette demande.

Les opérations de saisie ont été diligentées le 14 octobre 2016.

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C'est dans ce contexte que, par exploit d'huissier du 10 novembre 2016, les sociétés FRAMA AG et
FRAMA France ont fait assigner la société DOC'UP aux fins, notamment, de cesser : - les actes de
contrefaçon de brevet en France et notamment tout acte de fabrication et de mise en vente de
cassettes recyclées destinées aux machines ECOMAIL, POWERMAIL et OFFICEMAIL ; - les actes de
contrefaçon de marque en France et notamment tout acte de reproduction de la marque FRAMA
pour désigner et commercialiser des cassettes "recyclées/reconditionnées" destinées aux machines
ECOMAIL, POWERMAIL et OFFICEMAIL ;

- les actes de concurrence déloyale constatés.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 octobre 2018 auxquelles il
sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure
civile, les sociétés FRAMA AG et FRAMA FRANCE demandent au tribunal au visa des articles L.613-3,
L. 615-1, L.615-7 et suivants du code de la propriété intellectuelle, des articles L.713-2, L.713-3 et L.716-
1 du code de la propriété intellectuelle, des articles 1240 (1382 ancien) et 1383 et suivants du code
civil, de :

1. SUR L'UTILISATION, PAR DOC'UP, DE CASSETTES A RUBAN RECONDITIONNEES A titre principal,


sur la contrefaçon de marque et de brevet - DIRE que DOC'UP a contrefait les revendications 1, 2, 3,
4, 5, 6, 8 et 9 du brevet européen EP 0 927 104 B1 ; - DIRE que DOC'UP a contrefait la marque
internationale FRAMA n° 603 522. A titre subsidiaire sur la concurrence déloyale issue de l'utilisation
des cassettes à ruban reconditionnées, - DIRE que DOC'UP a commis des actes de concurrence
déloyale de DOC'UP au préjudice des sociétés FRAMA AG et FRAMA France, liés à l'utilisation de
cassettes à ruban reconditionnées.

2. SUR LES FAITS DISTINCTS DE CONCURRENCE DELOYALE COMMIS PAR DOC'UP (NON LIES AUX
CASSETTES A RUBAN RECONDITIONNEES), CONSTATER l'existence d'actes de concurrence
déloyale de Doc'Up au préjudice des sociétés Frama AG et Frama France.

3. SUR LES MESURES DE REPARATION SOLLICITEES PAR FRAMA AG ET FRAMA FRANCE 3.1 La
cessation des actes illicites 3.1.1 Actes liés au reconditionnement de cassettes à ruban -
CONDAMNER DOC'UP à cesser tout acte de contrefaçon de brevet en France et notamment tout
acte de fabrication et de mise en vente de cassettes recyclées destinées aux machines ECOMAIL,
POWERMAIL et OFFICEMAIL ; - CONDAMNER DOC'UP à cesser tout acte de contrefaçon de marque
en France et notamment tout acte de reproduction de la marque FRAMA pour désigner et
commercialiser des cassettes "recyclées/reconditionnées" destinées aux machines ECOMAIL,
POWERMAIL et OFFICEMAlL ; Subsidiairement, - CONDAMNER DOC'UP à cesser tout acte de
concurrence déloyale lié à la fabrication et à la mise en vente de cassettes
"recyclées/reconditionnées" destinées aux machines ECOMAIL, POWERMAIL et OFFICEMAIL,

- ASSORTIR les condamnations précitées d'une astreinte d'une astreinte de 1.000 euros par cassette
et infraction constatée 48 heures après la signification du jugement à intervenir ; 3.1.2 Actes non liés
au reconditionnement de cassettes à ruban - CONDAMNER DOC'UP à cesser toute autre pratique

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déloyale et notamment (mais non exclusivement) : a. l'utilisation du nom Frama pour désigner des
mises sous pli ; b. l'utilisation du nom Frama sur le panneau d'affichage extérieur au siège de Doc'Up
; c. le dénigrement de Frama France, Frama AG ou leurs salariés (par exemple, Monsieur B d. les
allégations selon lesquelles « Frama (ou Frama France) devient Doc'Up » ; e. l'utilisation du nom
Frama pour désigner des catalogues de Doc'Up ; f. le refus, de Doc'Up, de réparer les machines à
affranchir de marque Frama ; g. la mention des marques « Frama » pour désigner les produits
concurrents Francotyp ; - ASSORTIR la condamnation précitée d'une astreinte de 500 euros : *
S'agissant des agissements a) et b), par jour à compter de 48 heures après la signification du
jugement à intervenir, jusqu'à (i) suppression du nom Frama, sur le site Internet de Doc'Up, pour
désigner les mises sous pli et (ii) suppression du nom Frama du panneau d'affichage situé à
l'extérieur des locaux de Doc'Up au 20 rue d'Arras à Nanterre (92000) ; * S'agissant des agissements
c) à g), par acte illicite constaté 48 heures après la signification du jugement à intervenir ; 3.2
L'indemnisation 3.2.1 Actes liés au "reconditionnement/recyclage" de cassettes à ruban -
CONDAMNER DOC'UP à payer à FRAMA. AG la somme de 346.419 euros et à FRAMA France la
somme de 169.692 euros à titre de dommages-intérêts au regard du préjudice résultant de la
contrefaçon du brevet EP 0 927 104 B1, sauf à parfaire ; - CONDAMNER DOC'UP à payer à Frama AG
la somme de 50.000 au regard du préjudice moral résultant de la contrefaçon du brevet EP 0 927 104
B1, sauf à parfaire ; - CONDAMNER DOC'UP à payer à FRAMA AG la somme de 346.419 euros et à
FRAMA France la somme de 169.692 euros à titre de dommages-intérêts au regard du préjudice
résultant de la contrefaçon de la marque internationale FRAMA 603 522 EP 0 927 104 B1, sauf à
parfaire ; - CONDAMNER DOC'UP à payer à Frama AG la somme de 50.000 euros au regard du
préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque internationale FRAMA 603 522 EP 0 927 104
B1, sauf à parfaire ; Subsidiairement, - CONDAMNER DOC'UP à payer à FRAMA AG la somme de
346.419 euros et à FRAMA France la somme de 169.692 euros à

titre de dommages-intérêts au regard du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.


3.2.2 Actes non liés au "reconditionnement/recyclage" de cassettes à ruban - CONDAMNER DOC'UP
à verser à chacune des sociétés FRAMA France et FRAMA AG une somme de 50.000 euros, en
réparation du préjudice subi ; 3.3 La publication - CONDAMNER DOC'UP à publier le jugement à
intervenir dans cinq journaux et revues, au choix de FRAMA France et FRAMA AG et ce, sans que le
coût global de cette publication n'excède la somme de 30.000 euros HT, augmentée de la TVA au
taux en vigueur au jour de la facturation, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
somme qui devra être consignée par DOC'UP entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre
des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification à intervenir, et dire que
Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la
commande de ces publications, - CONDAMNER DOC'UP à notifier le jugement à intervenir à LA
POSTE, dans un délai de 48 heures à compter de la signification à intervenir et ce sous astreinte de
500 euros par jour de retard, aux personnes et adresses précisées aux conclusions, ainsi qu'à
justifier de ces envois auprès des sociétés Frama dans un délai de 48 heures après envoi. -
CONDAMNER DOC'UP à publier le jugement à intervenir sur la page d'accueil des sites Internet
accessibles aux adresses www.framafrance.com, www.centrale-cartouche.com et www.doc- up.fr,
pendant une durée ininterrompue d'un mois passé un délai de 48 heures à compter de la
signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et selon les
modalités définies aux conclusions ;

4. SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE DOC'UP : - DEBOUTER DOC'UP de l'intégralité

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de ses demandes ; A titre subsidiaire, si le tribunal devait considérer qu'il existe un doute relatif aux
données techniques du litige : - DESIGNER un expert en informatique ayant pour mission de : *
décrire le fonctionnement du système FramaOnline * déterminer par qui il a été créé et par qui il est
opéré au quotidien * déterminer quelles données doivent être renseignées par Doc'Up dans le
Management Center * déterminer si DOC'UP a accès à FramaOnline et est en mesure d'intervenir
dessus * déterminer si FramaOnline est un serveur, une base de données ou tout autre tout autre
objet * déterminer si une base de données de DOC'UP est hébergée sur FramaOnline * faire tout
commentaire destiné à éclairer le Tribunal sur l'existence ou non d'une base de données de DOC'UP
qui serait hébergée sur FramaOnline et qui serait prévue par les accords entre LA POSTE et

DOC'UP * METTRE A LA CHARGE de DOC'UP le coût de l'expertise, et notamment les frais de


consignation ;

5. EN TOUT ETAT DE CAUSE : - DIRE que les astreintes prononcées seront productrices d'intérêts
au taux légal ; - RESERVER expressément au tribunal le pouvoir de liquider les astreintes prononcées
; - ASSORTIR le jugement à intervenir de l'exécution provisoire, nonobstant appel et constitution de
garantie ; - CONDAMNER DOC'UP à payer à chacune des sociétés FRAMA AG et FRAMA France la
somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 14 de la
Directive n° 2004-48 ; - CONDAMNER DOC'UP aux entiers dépens, qui seront directement
recouvrés par Maître N H, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

En réplique, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 octobre 2018
auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de
procédure civile, la société DOC'UP demande au tribunal au visa du contrat de distribution
internationale du 19 avril 2004 et son avenant du 31 mai 2012, des articles L 614-12 et L 613-6 du Code
de la propriété intellectuelle, des articles 54 et 138 de la Convention sur le Brevet européen, des
articles L 541-1 et R 543-172 à R543-176 du code de l'environnement, des articles L713-1, L 713-4, L
713-6 du code de propriété intellectuelle, des articles L 341-1 et suivants du code de la propriété
intellectuelle, de l'article 1240 (nouveau) et 1382 (ancien) du code civil, de l'article 1353 et suivants
(nouveau) du code civil, des articles 1354 et suivants (nouveau) du Code civil, de :

- DEBOUTER les sociétés FRAMA AG et FRAMA France de l'ensemble de leurs demandes, fms et
conclusions, et A TITRE PRINCIPAL, sur le brevet, - DIRE nulle la partie française du brevet européen
EP 927 104 B1 en toutes ses revendications ; A TITRE SUBSIDIAIRE, sur le brevet, - DIRE que les
droits de FRAMA AG sur la partie française du brevet européen EP 927 104 B1 sont épuisés quant aux
cartouches reconditionnées, - DIRE que l'encre des cartouches n'est pas protégée par le brevet, -
DIRE que le remplacement du ruban encreur est une opération d'entretien autorisée, - DIRE que la
réutilisation des cartouches est conforme à la réglementation environnementale, A TITRE
PRINCIPAL, sur la marque,

- DIRE la société FRAMA AG irrecevable en ses demandes, à défaut de production d'un certificat de
marque internationale 603 522, et les cartouches d'encre n'étant pas protégées par la marque
internationale 603 522, A TITRE SUBSIDIAIRE, sur la marque, - DIRE les droits de FRAMA AG sur la
marque, épuisés quant aux cartouches reconditionnées, - DIRE que le remplacement du ruban

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d'encre constitue une opération d'entretien autorisée, - DIRE que le site n'existe plus, et que la
mention du signe FRAMA sur ce site était faite à des fins promotionnelle ainsi qu’à titre de référence
nécessaire, et était licite ; - DEBOUTER les demanderesses de leurs demandes au titre d'une
prétendue concurrence déloyale ; - DEBOUTER les sociétés demanderesses de leur demande de
désignation d'un expert en informatique ayant pour mission de déterminer la nature et le
fonctionnement du serveur FramaOnline, A TITRE RECONVENTIONNEL, sur l'atteinte aux droits de
DOC'UP, producteur de la base de données contenue sur le serveur distant FramaOnline - DIRE que
DOC'UP est producteur de la base de données contenue sur le serveur FramaOnline, - DIRE que les
sociétés FRAMA AG et FRAMA France ont porté atteinte aux droits de DOC'UP sur cette base de
données, en procédant à l'extraction et l'utilisation du contenu de cette base de données, à savoir le
fichier clients de DOC'UP, En conséquence, - INTERDIRE à FRAMA France et FRAMA AG l'extraction
et l'utilisation de tout ou partie du contenu de la base de données hébergée dans le serveur
FramaOnline, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée, consistant en l'utilisation d'une
donnée client contenue sur la base de données FramaOnline à compter de la signification du
jugement à intervenir ; - CONDAMNER in solidum FRAMA France et FRAMA AG à payer à DOC'UP la
somme de 3 752 022 euros au titre de l'indemnisation de l'investissement consenti par Doc'Up, en sa
qualité de producteur de la base de données ; - DIRE nul le contrat de licence d'utilisation de la base
de données entre FRAMA AG et FRAMA France du 1 er août 2016, intervenu en fraude des droits de
DOC'UP, A TITRE RECONVENTIONNEL, sur les actes de concurrence déloyale - DIRE que les
sociétés FRAMA France et FRAMA AG ont commis des actes déloyaux de : * Détournement du fichier
clients de DOC'UP, * Dénigrement de DOC'UP auprès de sa propre clientèle * Entretien de la
confusion entre FRAMA France et Doc'Up auprès de la clientèle Doc'Up, * Démarchage systématique
et violent de la clientèle de Doc'Up, * Entrave au bon fonctionnement du parc de machines FRAMA

utilisées par les clients de Doc'Up, EN CONSEQUENCE, - ORDONNER à FRAMA France et FRAMA AG
de cesser toute utilisation quelle qu'elle soit du fichier clients de DOC'UP, sous astreinte définitive
de 1 000 euros par infraction constatée, à savoir tout nouveau contact avec la clientèle Doc'Up, à
compter de la signification du jugement à intervenir, - CONDAMNER in solidum les sociétés FRAMA
France et FRAMA AG à payer à la société DOC'UP la somme de 1 326 720,98 euros, sauf à parfaire, au
titre du détournement de clientèle au préjudice de DOC'UP, - CONDAMNER in solidum les sociétés
FRAMA France et FRAMA AG à payer à la société DOC'UP les sommes de : * 30 000 euros, au titre du
dénigrement de la société DOC'UP auprès de sa clientèle * 30 000 euros au titre de la confusion
entretenue par FRAMA France auprès de la clientèle DOC'UP * 30 000 euros au titre de la violence
des méthodes commerciales employées pour détourner la clientèle * 30 000 euros au titre du
débauchage des commerciaux DOC'UP, * 60 000 euros au titre du trouble commercial résultant de
l'entrave au bon fonctionnement du serveur FramaOnine auquel les machines FRAMA sont reliées ; -
CONDAMNER in solidum les sociétés FRAMA France et FRAMA AG à payer à la société DOC'UP la
somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi par DOC'UP, - ORDONNER la publication
du jugement à intervenir sur la page d'accueil des sites internet suivants www.framafrance.fr, et
www.doc- up.fr, dans les conditions suivantes : pendant une durée ininterrompue de 3 mois passé
un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte
définitive de 500 euros par jour de retard, à laquelle les sociétés FRAMA France et FRAMA AG sont
solidairement tenues ; en partie supérieure de la page d'accueil de ces trois sites, de façon visible, et
sans mention ajoutée, en police de caractères « times new roman » de taille 12, le texte devant être
immédiatement précédé du titre « communiqué judiciaire ». - SE RESERVER la liquidation de
l'astreinte, - CONDAMNER les sociétés FRAMA France et FRAMA AG à payer in solidum la somme de

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30 000 euros à la société DOC'UP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux
entiers dépens de l'instance ; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2018.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort,
sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - Sur les demandes relatives au brevet

1°) Présentation du brevet EP 0 927 104 B

L'invention concerne une cassette, ou cartouche d'impression, contenant un ruban encreur


(autrement appelé bande d'impression ou bande de transfert dans le cas d'une impression
thermique), pour un groupe d'impression en vue d'imprimer des objets tels que des lettres, des
paquets ou des objets similaires. La cassette est destinée à être insérée dans l'imprimante, entre la
tête d'impression, en l'occurrence thermique, et un contre-appui.

Il est rappelé dans la partie descriptive du brevet que "Lors de l'insertion de la cassette, la bande très
fine ou la section de bande formée entre les bobines est souvent abîmée ou endommagée par la tête
d'impression." et que "Le but de la présente invention consiste à proposer des moyens qui évitent ces
inconvénients", tout en facilitant le changement de bande.

A cette fin, le brevet se compose de dix revendications, toutes opposées (à l'exception de la 7 ème ),
et ainsi libellées :

Revendication 1 : « Cassette pour un groupe d'impression en vue d'imprimer des objets, tels que des
lettres, des paquets et similaires, avec une section de bande (6), formée par une bande d'impression
(4) transportable dans la cassette (1) d'une première bobine (2) à une deuxième bobine (3) adjacente
entraînable, pouvant être insérée entre une tête d'impression (10) et un contre-appui (13) réglable
pouvant être entraîné en convoyage, laquelle section est supportée au moins partiellement par le
contre-appui (13) lors de l'impression des objets et alimentée par la tête d'impression (10), et qui est
mobile dans une position hors fonction éloignée de la tête d'impression (10) et du contre-appui (13)
avant l'insertion entre la tête d'impression (10) et le contre-appui (13) du groupe d'impression,
caractérisée en ce qu'un étrier (8), logé sur un boitier de cassette (5) de manière pivotante autour
d'un axe (9) parallèle aux axes des bobines, est disposé comme moyen pour déplacer la section de
bande (6), étrier qui présente sur l'extrémité saillante ou pivotante une barre de déviation (7)
agissant sur la largeur de la bande de la section de bande (6) lors de l'actionnement de l'étrier (8) sur
le côté intérieur de la bande».

Les revendications suivantes sont dépendantes de la revendication 1.

Revendication 2 : « Cassette selon la revendication 1 caractérisée en ce que la bande (4) passe, lors de
l'impression d'un objet, autour du bord d'angle de la tête d'impression (10) et au-dessus d'un rouleau

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de guidage (12) agissant sur le côté extérieur de la bande (4), placé en aval, vers la deuxième bobine
(3) »

Revendication 3 : « Cassette selon la revendication 2, caractérisée en ce que la barre de déviation (7)


en position d'impression de la section de bande (6) peut être bloquée dans une position de repos
décalée vers l'arrière par rapport à la bande (4)

Revendication 4 : « Cassette selon la revendication 3, caractérisée en ce que la position de repos de


la barre de déviation (7) est définie par une encoche (18) placée sur le boîtier de la cassette (5),
prévue pour bloquer l'étrier (8) ».

Revendication 5 : « Cassette selon la revendication 4, caractérisée en ce que la barre de déviation (7)


peut être bloquée dans une encoche (15) supplémentaire placée de manière décalée sur le boitier de
la cassette (5) lorsque la bande (4) ou la section de bande (6) est en position éloignée de la tête
d'impression (10) ».

Revendication 6 : « Cassette selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisée en ce que l'étrier (8) est
raccordé à une poignée de commande ».

Revendication 8 : « Cassette selon l'une des revendications 1 à 7, caractérisée en ce que l'étrier (8) est
formé de façon déplaçable ou automatiquement déplaçable lorsque la cassette n'est pas insérée (1)
dans la position de repos décalée vers l'arrière de la barre de déviation (7) ».

Revendication 9 : « Cassette selon l'une des revendications 1 à 8, caractérisée en ce que la cassette (1)
présente un élément de sécurité formé par exemple comme un palpeur, lequel empêche une
insertion de la cassette (I) lorsque la barre de déviation (7) est décalée vers l'arrière ».

2°) Sur la validité du brevet EP 0 927 104 B

La défenderesse soutient que la revendication principale n°1 est nulle pour défaut de nouveauté et
d'activité inventive, dès lors que l'étrier pivotant servant de moyen pour déplacer la section de bande
par l'intermédiaire d'une barre de déviation était connu de la technique et en particulier avait été
divulgué par les brevets américains Monarch US5443319A délivré le 22 août 1995, et Shore Sydney US
4352575 délivré le 5 octobre 1982, par le brevet français FR2601626A1 BT Commercial et A1 publié le
22 janvier 1988 et par le brevet japonais FUJI KIKAI KOGIO n°JP01135680A publié le 29 mai 1989.

Elle ajoute que le brevet EP 0 927 104 B ne décrit nullement un étrier en forme de U contrairement
aux allégations des demanderesses, qu'un tel étrier a été divulgué par le brevet US et que l'homme
du métier serait en tout état de cause parvenu sans efforts excessifs à la solution décrite par le
brevet litigieux.

Elle précise qu'il doit en aller de même pour toutes les autres revendications du brevet.

Les demanderesses font quant à elle valoir que l'étrier en forme de U est parfaitement décrit par la
figure 3 et se retrouve sur la cassette d'impression reproduite dans leurs écritures et décrites par un
huissier de justice. Elles soutiennent également que les brevets invoqués en défense comme

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destructeurs de nouveauté divulguent un "étrier" en L.

a - En droit

Sur la nouveauté

Il résulte de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle que la nullité du brevet européen
est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs
visés à l'article 138 paragraphe 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973.

En application du paragraphe 1 de l'article 138 de cette convention, « Sous réserve des dispositions
de l'article,139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que
si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des article 52 à 57 (..) ; ».

L'article 54 de cette convention prévoit en outre que : « (1) Une invention est considérée comme
nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. (2) L'état de la technique est constitué
par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet
européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. (..) ».

Il résulte de ces textes que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de
nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain
avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même
fonctionnement en vue du même résultat technique.

Sur l'activité inventive

Selon l'article 52 de la convention de Munich du 5 octobre 1973, « Les brevets européens sont
délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit
nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle ».

En outre, selon l'article 56 de la convention, « une invention est considérée comme impliquant une
activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une activité évidente de l'état
de la technique ».

Ainsi, pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la
technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner
si l'invention revendiquée, en partant de l'état de la technique le plus proche et du problème
technique objectif, aurait été évidente pour l'homme du métier.

L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du
brevet, se propose de résoudre

(Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi n°11-18.440).

b - En fait

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La société DOC'UP invoque les brevets américains et français de la société MONARCH MARQUING
SYSTEM, qui divulguent tous une imprimante et/ou une cassette d'impression pour imprimante à
tête thermique, le brevet américain Sydney Shore US4352575, ainsi que le brevet japonais de la
société FUJI KIKAI KOGIO, n° JP01135680A.

Le tribunal observe que les brevets US4352575 et JP01135680A sont expressément mentionnés
comme "antériorités" au titre du présent brevet (cf. pièce n°48 des demanderesses, 1 ère page, point "
(56) Entgegenhaltungen").

Le brevet US 4352575 du 5 octobre 1982 divulgue "un adaptateur de chargement d'une cartouche de
ruban pour une utilisation avec une cartouche de ruban présentant une surface supérieure
pratiquement plane, l'adaptateur comprenant : une partie bâti pratiquement pal comportant des
moyens d'être co-actionné avec la surface supérieure de la cartouche de ruban pour que celle-ci
soit montée sur la surface supérieure de la cartouche de ruban pour exercer un mouvement entre
les positions étirées et rétractées et deux bras pratiquement plans espacés vers l'extérieur à partir
de la partie du bâti, parallèles à celui-ci et présentant des moyens dépendants à ramener vers le bas
jusqu'à l'extrémité de celui-ci pour passer le ruban de façon lâche."

Les brevets EP0604142A2, JPS5970597, JPS5798847U et EP0245640AD divulguent tous une cassette
munie de deux guides installés chacun à l'extrémité du bâti et rétractable de manière à pouvoir
mettre hors et en tension le ruban :

Le brevet FUJI KIKAI KOGIO, n° JP01135680A porte sur "une cassette de ruban encreur comprenant
un ruban à transfert thermique (.) Afin d'insérer la cassette de ruban encreur à transfert thermique
(2) dans l'imprimante (10) représentée dans la figure 3, le bras de chargement (21) (figure I) doit être
sorti de l'orifice de verrouillage (26) aménagé dans la partie inférieure du corps de cassette (2) puis
une fois que la section de lecture (1) est sortie en faisant pivoter le bras selon le sens indiqué par la
flèche C, la cassette est insérée dans le corps de l'imprimante (10) de la même manière que présenté
dans la figure 3. Le ruban (1) est enroulé par une bobine (22) dans la cassette qui par sa rotation dans
le sens indiqué par la flèche déplace le ruban à transfert thermique. Lors d'une insertion de la
cassette (2) dans le corps de l'imprimante (10), le panneau de corps (non présenté sur les figures) est
ouvert, le levier (4) est tourné vers la gauche (ou dans le sens horaire), la tête thermique (9) est
libérée, la bobine (23) de la cassette de ruban encreur à transfert thermique (2) est insérée dans la
broche (22) saillante de la paroi arrière du corps de l'imprimante (10). Puis le levier (4) est tourné vers
la droite (rotation horaire), la tête thermique (9) est déplacée, la section de lecture du ruban à
transfert thermique (1) est soudée par pression au rouleau de platine (3).

Les brevets MONARCH MARQUING SYSTEM, et en particulier le brevet français sous priorité
américaine n°2 601 627 du 15 juillet 1987, divulguent une invention qui "a pour objet une cassette
perfectionnée de ruban encreur comportant un plusieurs guides flottants qui provoquent le
déplacement du ruban encreur dans l'alignement d'une tête d'impression. Le guide ou les guides
sont positionnés avec précision grâce à un ou plusieurs axes montés avec précision sur
l'imprimante." Et la

revendication 1 de ce brevet est ainsi libellée : "1. Cassette (50) de ruban encreur, caractérisée en ce
qu'elle comprend un boîtier (150) de cassette délimitant un espace interne, un ruban encreur (IR)

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logé dans cet espace et sortant du boîtier et susceptible de coopérer avec une tête d'impression (127)
d'une imprimante, un dispositif (177, 178)formé sur le boîtier et destiné à positionner celui-ci par
rapport à l'imprimante, au moins un guide (208), et un dispositif (204) de montage du guide sur le
boîtier afin qu'il puisse s'incliner par rapport au boîtier pendant que celui-ci est positionné dans
l'imprimante afin de provoquer le déplacement du ruban encreur dans l'alignement de la tête
d'impression."

Le tribunal observe que les modes de réalisation proposés par les différents brevets décrits par les
figures 2, 3, 1 et 8 ci-dessus reproduites de ces brevets, ne correspondent pas, par leur forme et leur
agencement, notamment, à celui proposé par le brevet EP027104B.

Dès lors, faute de constituer des antériorités de toutes pièces, il ne peut être considérer que le
brevet EP027104B se retrouve tout entier dans les documents MONARCH MARQUING SYSTEM,
SYDNEY SHORE ou encore FUJI KIKAI KOGIO, avec des éléments dans la même forme, le même
agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

Le moyen tiré du défaut de nouveauté de la revendication n° 1 sera en conséquence écarté.

Le tribunal observe en outre que les brevets MONARCH et FUJI, qui constituent l'état antérieur le
plus proche du brevet litigieux, divulguent un "guide" mobile, constitué d'une simple tige, fixée sur
un bras lequel permet d'actionner le "guide", l'ensemble étant destiné à modifier la tension du ruban
afin de faciliter son insertion avec la cassette dans l'imprimante. Ces dispositifs, s'ils poursuivent le
même objectif que le brevet EP027104B de facilitation de l'insertion de la cassette dans l'imprimante,
proposent une réalisation différente, distincte de l' "étrier" décrit par le brevet FRAMA.

Rappelons à cet égard que l'étrier est un terme emprunté à l'équitation qui désigne la pièce
métallique supportant le pied du

cavalier, qui a en principe la forme qui suit, qu'il convient de rapprocher de l'"étrier" du brevet
FRAMA :

L'homme du métier est en l'occurrence un spécialiste de la conception de systèmes d'impression.

Il n'a donc a priori aucune raison de transposer la solution de l'"étrier" à un dispositif de mise en
tension et en repos d'une bande d'impression de cassette d'imprimante. Il n'est en outre produit
aucun document de l'art antérieur, dont aurait dû avoir connaissance cet homme du métier, et qui
pouvait l'amener, en combinant les documents, à remplacer les bras munis d'une tige ou guide, des
brevets MONARCH et FUJI, par l'étrier actionné par une poignée du présent brevet.

Force est donc de constater que les brevets proposent des solutions techniques différentes, dont
l'homme du métier ne pouvait déduire, par de simples actes d'exécution, et sans activité inventive,
l'invention divulguée par le brevet EP 0 927 104 B1.

Le moyen tiré du défaut d'activité inventive de la revendication n°1 sera en conséquence écarté.

Les revendications dépendantes suivantes, qui bénéficient de la validité de la revendication n°1,

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seront de la même manière, déclarées valables.

3°) Sur la contrefaçon de brevet

Il résulte du procès-verbal de constat du 14 octobre 2016 que la société DOC'UP commercialise


auprès de ses clients, ayant loué auprès d'elle des machines à affranchir ECOMAIL OFFICEMAIL et
POWERMAIL de marque FRAMA, des cassettes d'impression "reconditionnées", c'est à dire dans
lesquelles une nouvelle bande d'impression a été insérée après ouverture du boîtier, celui-ci étant
ensuite refermé.

La société DOC'UP soutient qu'aucune contrefaçon ne peut lui être reprochée, dès lors que la
société FRAMA a accepté la mise sur le marché des cassettes litigieuses. Elle invoque à cet égard le
bénéfice des dispositions de l'article L.613-7 du code de la propriété intellectuelle et soutient que les
actes d'entretien des cassettes

qu'elle accomplit sont couverts par ces dispositions. La société DOC'UP invoque encore les
dispositions des articles R.543-172 et suivants du code de l'environnement qui font obligation aux
fabricants de produits électriques et électroniques de concevoir des produits recyclables.

Les sociétés FRAMA AG et FRAMA France exposent quant à elle que l'opération de démontage, de
fixation d'un ruban neuf fourni par une société tierce et de remontage des bobines puis de la
cassette, constituent une importante modification de ses produits, susceptible d'en altérer
l'efficacité, et qu'elle est dès lors en droit de refuser, conformément à ses droits de propriété
industrielle. Les demanderesses ajoutent que les cassettes ne sauraient être considérées comme des
"déchets issus des équipements électriques et électroniques" visés par les textes relatifs à la
protection de l'environnement invoqués par la société DOC'UP, faute de contenir le moindre
élément électrique comme électronique.

Les sociétés FRAMA AG et FRAMA France sollicitent par conséquent qu'il soit fait interdiction à la
société DOC'UP de poursuivre les actes de contrefaçon, ainsi que la publication de la décision à
intervenir et son envoi à différents préposés de LA POSTE.

La société FRAMA AG sollicite également la condamnation de la société DOC'UP à lui payer la


somme de 346.419 euros correspondant au manque à gagner résultant des actes de contrefaçons
commis entre le 1er juin 2014 et le 14 octobre 2016, date de la saisie-contrefaçon, ces actes étant
directement à l'origine de la diminution de la marge réalisée par la société FRAMA AG avec la société
DOC'UP sur les cartouches neuves. La société FRAMA AG sollicite également une somme de 50.000
euros en réparation de son préjudice moral.

La société FRAMA France invoque elle aussi une perte de marge qu'elle évalue à 169.692 euros, et
sollicite la condamnation de la société DOC'UP à lui payer cette somme à titre de dommages intérêts
réparant le préjudice matériel résultant de la contrefaçon.

Sur ce,

Selon l'article L.613-6 du code de la propriété intellectuelle, "Les droits conférés par le brevet ne

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s'étendent pas aux actes concernant le produit couvert par ce brevet, accomplis sur le territoire
français, après que ce produit a été mis dans le commerce en France ou sur le territoire d'un Etat
partie à l'accord sur l'Espace économique européen par le propriétaire du brevet ou avec son
consentement exprès."

Si la mise sur le marché implique l'épuisement des droits au

regard de chaque produit, elle n'a pas pour effet d'épuiser le droit de brevet lui-même (Cass. com.,
25 avril 2006, pourvoi n°04-15.995), de sorte que son titulaire est en droit, en l'occurrence, de
s'opposer au "reconditionnement" des cartouches d'impression qui, par les manipulations du produit
qu'il implique (ouverture du boîtier, retrait des bobines, changement du ruban par un produit neuf
d'une société tierce, remontage des bobines et du boîtier), excède la simple "réparation" autorisée du
produit et doit être assimilée à sa fabrication, peu important que le ruban encreur en lui-même ne
soit l'objet d'aucune revendication dudit brevet.

Selon l'article R.543-176 alinéa 1er du code de l'environnement, "Les équipements relevant du I de
l'article R. 543-172 doivent être conçus et fabriqués de façon à faciliter leur réemploi, leur
réutilisation, leur démantèlement et leur valorisation."

Outre que les cartouches d'impression ne sont pas visées par l'article R.543-172 du code de
l'environnement, force est de constater que les cassettes sont au cas particulier conçues de manière
à faciliter leur réutilisation. Surtout, cette disposition ne saurait faire échec aux droits de propriété
industrielle de la société FRAMA AG, laquelle n'a pas autorisé la commercialisation de cassettes
reconditionnées.

La contrefaçon est donc établie.

Aux termes de l'article L.615-7 du code de la propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et
intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques
négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le
préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris
les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de
la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée,
allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au
montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé
l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de
l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée."

La société FRAMA AG sollicite la condamnation de la société DOC'UP à lui payer une somme
correspondant à la différence entre la marge réalisée entre 2014 et 2016, et celle réalisée au cours de
l'exercice précédent cette période, soit la somme de 346.419 euros.

Or, le lien entre la commercialisation de cassettes

"reconditionnées" et la baisse du chiffre d'affaires réalisé avec DOC' UP sur les cassettes neuves
n'apparaît pas directement établi. Le tribunal observe en outre à cet égard, que la société FRAMA AG

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a, en janvier 2016, créé une société concurrente de DOC'UP, dont les méthodes commerciales seront
discutées ci-après. Il convient également d'observer que la demanderesse sollicite à deux reprises le
paiement d'une somme correspondant à sa perte de marge.

De plus, les éléments chiffrés produits émanent du directeur financier de la société et non d'une
personne tierce telle un expert- comptable, et sont sans commune mesure avec les éléments
chiffrés avancés de son côté par la société DOC'UP.

Aussi, le seul élément fiable en ce qui concerne la réparation du préjudice matériel résulte du
procès-verbal de constat qui constate une masse contrefaisante constituée du stock et de l'état des
ventes de 97 cassettes au prix unitaire de 121,25 euros, d'où il convient de déduire le "coût unitaire
pondéré" des cassettes (28,67 euros), ce qui correspond aux éléments reconnus par la société
DOC'UP à hauteur de 637 cassettes recyclées (cf. ses conclusions page 47), soit un bénéfice réalisé
par le contrefacteur de 58.973,46 euros.

Il sera par conséquent alloué à la société FRAMA AG la somme de 58.973,46 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice matériel étant résulté de la contrefaçon de brevet.

Il sera en outre alloué à la société FRAMA AG une somme de 5.000 euros en réparation de son
préjudice moral.

La société FRAMA France n'étant pas titulaire du brevet, ni distributeur exclusif des cassettes
neuves, ne peut prétendre à la réparation d'aucun préjudice résultant de la contrefaçon de brevet. Sa
demande de ce chef sera par conséquent rejetée.

En outre, le brevet ayant expiré le 24 juin 2018 conformément aux dispositions de l'article L.611-2 du
code de la propriété intellectuelle, la demande des sociétés FRAMA aux fins d'enjoindre à la société
DOC'UP de cesser, sous astreinte, les actes de reconditionnement des cassettes ne peut qu'être
rejetée.

B - Sur les demandes relatives à la marque

1°) Sur la contrefaçon de marque

Les sociétés FRAMA AG et FRAMA France exposent que la marque FRAMA figure sur les cassettes
reconditionnées pour être gravée dans le plastique du boîtier des cassettes et qu'elle est mentionnée
sur les correspondances et sur le site intemet administré jusqu'au mois d'octobre 2017 par la société
DOC'UP pour vendre les cassettes litigieuses, dans des

conditions de nature à entraîner la confusion au sein de la clientèle.

La société DOC'UP soutient en premier lieu que les demandes fondées sur la contrefaçon de marque
sont irrecevables, l'enregistrement ne visant pas les cartouches d'encre. Subsidiairement, cette
société soutient que la société FRAMA AG a autorisé la mise sur le marché des cassettes en cause, de
sorte que ses droits de s'opposer à l'utilisation de sa marque à ce titre sont épuisés conformément à
l'article L.713-4 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle. Elle ajoute que le recyclage des

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"déchets issus d'équipements électriques et électroniques" est obligatoire et enfin, que l'usage de la
marque FRAMA n'est, au cas particulier, qu'une référence nécessaire autorisée par l'article L.713-6 du
code de la propriété intellectuelle.

Sur ce,

La société Frama AG est titulaire de la marque verbale internationale "FRAMA" n°603522, enregistrée
le 16 avril 1993, et dûment renouvelée. Cette marque désigne la France et les produits suivants en
classes 7, 9 et 16 de la classification internationale : 7 - Machines électriques et électroniques à
décacheter les lettres, machines de traitement du courrier, machines de traitement du papier, en
particulier plieuses ; machines de bureau, en particulier machines à décacheter les lettres, plieuses ;
9 - Automates distributeurs de timbres et appareils de guichet postal commandés par
microprocesseur ; balances électriques et électroniques pour lettres et paquets ; logiciels pour les
produits cités dans les classes 7, 9 et 16 ; 16 - Machines d'affranchissement électriques et
électroniques ; appareils de bureau, en particulier machines d'affranchissement.

Il est exact que cette énumération ne comprend pas les cartouches d'encre, étant observé que
l'encre relève de la classe 2, de sorte que la protection conférée par l'article L.713-3 du code de la
propriété intellectuelle, qui vise la reproduction d'une marque sans autorisation du propriétaire pour
des produits "similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", ne s'étendrait pas, selon la
défenderesse, à l'usage de la marque pour les cassettes d'impression.

Dans un arrêt Canon Kabushiki Kaicha du 29 septembre 1998 (C-39/97), la Cour de justice des
communautés européennes a dit pour détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur
origine; "

Si la société DOC'Up appose sur les cassettes recyclées une étiquette mentionnant de manière très
apparente qu'il s'agit d'une cassette "reconditionnée" (cf. procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16
octobre 2016), de sorte que la marque demeurée gravée sur le

boîtier des cassettes pourrait être regardée comme une "référence nécessaire" au sens de l'article
L.713-6, il résulte cependant du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 17 juin
2016, que les cartouches recyclées étaient, jusqu'en octobre 2017, présentées de manière ostensible
sur le site , comme étant de marque FRAMA suivi du ® désignant la marque enregistrée et comme
étant des "cartouches originales FRAMA", donnant ainsi l'impression au client que la société FRAMA
AG avait autorisé le recyclage :

Il en résulte nécessairement une confusion sur l'origine du produit.

Enfin, comme précédemment rappelé, il résulte de l'article R.543-176 alinéa 1" du code de
l'environnement, que "Les équipements relevant du I de l'article R. 543-172 doivent être conçus et
fabriqués de façon à faciliter leur réemploi, leur réutilisation, leur démantèlement et leur
valorisation."

Or, outre que les cartouches d'impression ne sont pas visées par l'article R.543-172 du code de
l'environnement, force est de constater que les cassettes sont au cas particulier conçues de manière

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à faciliter leur réutilisation. Cette disposition ne saurait en outre faire échec aux droits de propriété
industrielle de la société FRAMA AG, laquelle n'a pas autorisé la commercialisation de cassettes
reconditionnées revêtues de sa marque et dont la commercialisation ne pouvait être réalisée au-delà
de la "référence nécessaire pour indiquer la destination du produit en tant qu'accessoire ".

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la contrefaçon de droit que "pour apprécier la similitude
entre les produits ou services en cause, il y a lieu, comme l'ont rappelé les gouvernements français et
du Royaume-Uni ainsi que la Commission, de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui
caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur
nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire." Les
cartouches d'encre sont à l'évidence complémentaires des machines à affranchir. Elles sont
destinées aux mêmes utilisateurs et indispensables à l'impression au moyen des machines de la
classe

16. Il en résulte qu'elles doivent être regardées comme étant similaires à ces machines, seules
expressément visées par l'enregistrement.

Les demandes fondées sur la contrefaçon de marque apparaissent donc recevables.

Aux termes de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, " Sont interdits, sauf
autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La
reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour
des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une
marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux
désignés dans l'enregistrement."

En outre, selon l'article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle, " Le droit conféré par la
marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis
dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique
européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Toutefois, faculté reste alors
ouverte au propriétaire de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs
légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état
des produits."

Ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, les opérations de "reconditionnement" auxquelles se livre la société
DOC'UP constituent une modification de l'état des produits au sens de ce texte, caractérisant un
motif légitime pour la société FRAMA AG de s'opposer à l'utilisation de sa marque.

Selon l'article L.713-6 du code de la propriété industrielle, "L'enregistrement d'une marque ne fait
pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme : (...) b) Référence
nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant
qu'accessoire ou pièce marque est établie.

2°) Sur les conséquences

La société FRAMA AG sollicite la condamnation de la société DOC'UP à lui payer au titre de la

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contrefaçon de marque une somme de 346.419 euros en réparation du préjudice matériel subi, cette
somme correspondant à la perte de marge entre 2014 et 2016 et qui a suivi les actes de contrefaçon.
Elle sollicite également le versement d'une somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice
moral.

La société FRAMA France sollicite quant à elle le versement d'une somme de 169.692 euros qui
correspond également à sa perte de marge qu'elle impute aux actes de contrefaçons de marque.

Les demanderesses sollicitent encore qu'il soit fait injonction à la société DOC'UP de cesser ces
actes de contrefaçon et ce, sous astreinte.

Selon l'article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et intérêts, la
juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la
contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral
causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies
d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de
dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des
redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le
droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice
moral causé à la partie lésée."

Compte tenu de la somme déjà allouée en réparation du préjudice matériel étant résulté de la
contrefaçon de brevet et qui correspond au bénéfice du contrefacteur au titre de la
commercialisation des cartouches recyclées, le préjudice matériel étant résulté de la contrefaçon de
marque sera réparé par une somme qui ne saurait excéder 1.000 euros.

Il sera en outre alloué à la société FRAMA AG une somme de 5.000 euros en réparation de son
préjudice moral du chef de la contrefaçon de marque.

La société FRAMA France n'étant pas titulaire de la marque, ni distributeur exclusif des produits de
marque FRAMA en France, ne peut prétendre à la réparation d'aucun préjudice résultant de la
contrefaçon de marque. Sa demande de ce chef sera par conséquent rejetée.

Il sera également fait droit à la demande d'interdiction selon les modalités visées au dispositif de la
présente décision.

C - Sur les actes de concurrence déloyale distincts des "actes de reconditionnement des cassettes"

Les sociétés FRAMA font grief à la société DOC'UP :

- d' avoir volontairement entretenu une confusion entre la société FRAMA FRANCE et elle-même, -
de s'être livrée à des actes de dénigrement, - d'avoir refusé de réparer et d'entretenir les machines
FRAMA.

Il est en l'occurrence constant que la société FRAMA France a été créée en janvier 2016 et que

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postérieurement à cette date, la société DOC'UP a adressé à ses clients différents courriers (pièces
FRAMA n°11, 17, 18, 29 et 34) dans lesquels elle indique que "FRAMA ou FRAMA France devient
DOC'UP". A l'évidence, une telle phrase, qui n' informe pas loyalement la clientèle mais crée au
contraire une ambiguïté, ne peut qu'être de nature à créer la confusion dans l'esprit de la clientèle et
aboutir à son détournement de la société FRAMA France.

Il est en revanche tout aussi constant qu'avant la création de la société FRAMA France, la société
INNOVACOURRIER devenue DOC'UP exerçait sous l'enseigne "FRAMA" ainsi qu'en atteste le
récépissé de Kbis de 2013 de cette société, versé aux débats. Cet usage, qui ne résultait pas en soi de
la licence exclusive sur la marque, mais ne l'interdisait pas non plus, ne pouvait être ignoré de la
société FRAMA AG, qui était à l'origine de la création de cette société INNOVACOURRIER et lui était
liée par un contrat de distribution exclusive. Cet usage explique la réservation du nom de domaine
par la société DOC'UP, ainsi que l'indication de son siège social. Ces faits (de "redirection" vers
DOC'UP à partir du nom de domaine framafrance.com et panneau à l'adresse du siège social) ont en
outre cessé.

En ce qui concerne les refus de DOC'UP de réparer des machines FRAMA, les quatre courriers de
plainte en deux ans produits aux débats sur ce point ne permettent pas de démontrer l'existence
d'une stratégie de la défenderesse caractérisant une attitude déloyale de sa part.

En ce qui concerne l'allégation de dénigrement, les demanderesses produisent deux pièces, dont
l'une n'émane pas de DOC'UP (pièce n°40), de sorte qu'elle ne peut permettre d'établir un acte de
dénigrement imputable à cette dernière, et l'autre ne contient aucun propos dénigrant (pièce n°41),
l'auteur du courrier adressé à LA POSTE se bornant à interroger cette dernière sur la possibilité
pour FRAMA FRANCE de distribuer le produit Frlink, une telle interrogation n'apparaissant, dans le
contexte ci-dessus décrit et qui n'est d'ailleurs pas rappelé dans le courrier, pas illégitime.

S'agissant de l'utilisation de la marque FRAMA pour désigner des produits concurrents, force est de
constater que la pièce n°68, qui ne fait aucune référence à la marque, ne permet pas d'établir ce
grief.

En définitive seul est établi le procédé fautif consistant à indiquer à la clientèle après la création de
la société du même nom que "FRAMA France devient DOC'UP", cette phrase étant trop ambigüe. Le
préjudice en résultant pour FRAMA France sera réparé par le versement d'une somme de 5.000
euros. La demande de FRAMA AG de ce chef sera rejetée. La somme allouée répare suffisamment le
préjudice subi, de sorte que les demandes de publication et de transmission de la décision à LA
POSTE seront rejetées.

D - Sur les demandes reconventionnelles de la société DOC'UP

La société DOC'UP invoque en premier lieu une atteinte à ses droits de producteur de bases de
données. Subsidiairement, elle reproche aux sociétés FRAMA AG et FRAMA France des actes de
concurrence déloyale sous la forme d'un détournement de son fichier client, d'actes de
dénigrement, ainsi que de tentatives de débauchage de ses salariés.

1°) Sur les droits de producteur de base de données

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Selon l'article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle, une base de données est « un recueil
d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou
méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre ».

La base de données doit par conséquent être composée de deux types d'éléments : - les données qui
constituent le contenu de la base ; - l'architecture de la base, c'est-à-dire la manière dont les
données sont organisées, disposées de façon systématique ou méthodique et individuellement
accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen.

Dans un arrêt du 9 novembre 2004 (C-444/02), la Cour de justice des communautés européennes a
dit pour droit que "30. La qualification d'un recueil comme base de données suppose, ensuite, que
les éléments indépendants constitutifs de ce recueil soient disposés de façon systématique ou
méthodique et individuellement accessibles d'une manière ou d'une autre. Sans exiger que cette
disposition systématique ou méthodique soit physiquement visible, selon le vingt et unième
considérant de la directive, cette condition implique que le recueil figure sur un support fixe, de
quelque nature que ce soit, et comporte un moyen technique tel qu'un procédé électronique,
électromagnétique ou électro-optique, aux termes du treizième considérant de la même directive,
ou un autre moyen, tel qu'un index, une table des matières, un plan ou un mode de classement
particulier, qui permette la localisation de tout élément

indépendant contenu en son sein. 31. Cette seconde condition permet de distinguer la base de
données au sens de la directive, caractérisée par un moyen permettant de retrouver en son sein
chacun de ses éléments constitutifs, d'une collection d'éléments qui fournit des informations mais
est dépourvue de tout moyen de traitement des éléments individuels qui la composent. 32. Il résulte
de l'analyse qui précède que la notion de base de données au sens de l'article 1 re , paragraphe 2, de
la directive vise tout recueil comprenant des œuvres, des données ou d'autres éléments, séparables
les uns des autres sans que la valeur de leur contenu s'en trouve affectée, et comportant une
méthode ou un système, de quelque nature que ce soit, permettant de retrouver chacun de ses
éléments constitutifs."

Il s'en déduit que la société DOC'UP, qui, si elle démontre avoir produit des données, ne démontre
pas en revanche avoir mis en place des moyens, quels qu' ils soient, permettant d'accéder à l'un
quelconque des éléments du fonds, de sorte qu'elle n'est pas éligible à la protection "sui generis" des
producteurs de bases de données.

La demande à ce titre sera par conséquent rejetée.

2°) Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale

Il n'en demeure pas moins que la transmission par FRAMA AG à FRAMA France, dans le cadre d'un
"contrat d'utilisation" , des données clients de la société DOC'UP hébergées sur le serveur
FramaOnline, apparaît tout à la fois contraire aux usages loyaux du commerce et aux dispositions de
l'article 7-1 du contrat de distribution.

Cet article prévoit en effet que "Sauf disposition contraire d'un contrat séparé et subséquent dûment

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signé par les parties aux présentes, chaque partie s'engage à tenir confidentielles et à ne pas
divulguer à une tierce partie, notamment toutes les informations sur les clients fournies pendant la
durée d'application du contrat et également après la résiliation du contrat, toutes informations ou
documentation confidentielle(s) transmise(s) par l'autre partie et n'utilisera pas les informations à
son propre profit ou au profit d'une tierce partie, (..)"

Or, par un contrat du 1er août 2016, postérieur à l'ordonnance du président du tribunal de commerce
qui avait enjoint à la société FRAMA France de cesser d'utiliser le fichier FramaOnline, la société
FRAMA AG a cédé à FRAMA France l'accès aux données clients de la société DOC'UP, cette dernière
étant la seule parmi les différents protagonistes de la présente affaire habilitée par LA POSTE à
distribuer des machines à affranchir, la cession étant libellée en ces termes : "Le concédant est
l'auteur, le producteur et l 'éditeur d'une

base de données appelée FramaOnline et accessible depuis le réseau interne de FRAMA AG depuis
une adresse qui sera communiquée au licencié, permettant d'identifier une partie des clients ayant
acquis ou utilisant un produit FRAMA et incluant notamment les données relatives au nom, à
l'adresse et au numéro Siren du client ainsi que des données relatives à l'appareil FRAMA utilisé par
le client (notamment le numéro de série, le numéro de licence, les données de connexion,
l'historique de connexion, le numéro donné par LA POSTE, le code d'événement LA POSTE, etc.)."

La société FRAMA AG a ainsi divulgué à une société tierce et concurrente des données extrêmement
sensibles appartenant à la société DOC'UP et fruit de son travail exclusif. La volonté de
désorganisation de la société DOC'UP est d'autant plus évidente que ce fichier a été utilisé par la
société FRAMA France pour l'envoi de lettres circulaires.

Ainsi, la lettre du 5 mai 2016 est ainsi libellée : "Vous utilisez actuellement une machine à affranchir
de marque Frama et nous vous en remercions. Vous avez loué cette machine auprès de la société
DOC 'UP avec laquelle nous avons mis fin à la distribution à titre exclusif des produits Frama en
France. Pour vous servir au mieux, la maison mère, Frama Suisse, a créé sa propre filiale en France et
vous propose ses services. Utilisateur de nos systèmes, vous avez le choix, dès à présent, de vous
fournir directement chez nous, constructeur, pour les consommables de votre machine (cartouches
d'encre et étiquettes d'affranchissement). Au-delà de cela, Frama France propose une solution
globale de traitement du courrier et vous apporte une réelle valeur ajoutée : - E-communications
avec une solution d'emails recommandés - Des ouvre-lettres automatiques - Des machines à
affranchir numériques (dans les meilleurs délais) Mes équipes sont à votre disposition pour répondre
efficacement à vos demandes."

Indépendamment du fait que les coordonnées du client ont été obtenue de manière déloyale, ce
courrier commercial simplement informatif n'apparaît pas dénigrant.

En revanche, la société DOC'UP produit des emails de clients relatant des propos dénigrants tenus
par les commerciaux de la société FRAMA France à propos de la société DOC'UP (cf. Pièces n°75, 76
et 118, cette dernière émanant d'une personne se présentant comme data manager de l'agence
Mercedes-Benz & Smart de Lyon et qui relate avoir été prévenue par M. K, commercial de la société
FRAMA France, de ce que la société DOC'UP "a eu

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une perquisition de la police car elle recyclait des cartouches et que c'était donc de la contrefaçon").

La société DOC'UP établit encore que deux de ses commerciaux ont été démarchés par une société
Trigone, qui est une agence de recrutement, pour le compte de la société FRAMA France.

Enfin, de multiples pièces produites de part et d'autre aux débats démontrent la confusion créée par
ces agissements vis à vis de la clientèle.

Les faits de concurrence déloyale imputables tant à la société FRAMA AG qu'à la société FRAMA
France sont établis. Ils justifient la condamnation solidaire de ces sociétés ayant l'une et l'autre
concouru à la réalisation du dommage à payer à la société DOC'UP une somme de 60.000 euros à
titre de dommages-intérêts.

Il sera fait droit à la demande d'interdiction selon les modalités visées au dispositif. En revanche, la
demande d'annulation du contrat liant les société FRAMA sera rejetée comme étant irrecevable à
l'occasion du présent litige.

Ces mesures réparent suffisamment le préjudice subi. Il ne sera donc pas fait droit à la demande de
publication du jugement.

E - Sur les autres mesures

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la présente décision


sera ordonnée.

Les succès et échecs des prétentions respectives des parties commandent de laisser à chacune d'elle
la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles. Les demandes présentées de part et
d'autre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

LE TRIBUNAL,

Dit qu'en "reconditionnant" les cassettes compatibles avec les machines ECOMAIL, POWERMAIL et
OFFICEMAIL, la société DOC'Up a commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 5,
6, 8 et 9 du brevet européen EP0927104B1 dont la société FRAMA AG est titulaire ;

En conséquence,

Condamne la société DOC'UP à payer à la société FRAMA AG la somme de 58.973,46 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice matériel subi ;

Condamne la société DOC'UP à payer à la société FRAMA AG la somme de 5.000 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice moral subi ;

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Rejette les demandes de la société FRAMA FRANCE du chef de la contrefaçon de brevet, ainsi que les
demandes d'interdiction et de publication ;

Dit qu'en faisant usage de la marque FRAMA pour la vente des cassettes "reconditionnées" sans
l'autorisation de la société FRAMA AG, la société DOC'UP a également commis des actes de
contrefaçon de la marque verbale internationale désignant la France FRAMA dont la société FRAMA
AG est titulaire ;

En conséquence,

Fait défense à la société DOC'UP de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte de 150 euros
par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la
présente décision et pendant six mois ;

Condamne la société DOC'UP à payer à la société FRAMA AG la somme de 1.000 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice matériel subi ;

Condamne la société DOC'UP à payer à la société FRAMA AG la somme de 5.000 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice moral subi ;

Dit qu'en adressant à la clientèle des courriers mentionnant "FRAMA ou FRAMA France devient
DOC'UP", la société DOC'UP a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société
FRAMA FRANCE ;

Fait défense à la société DOC'UP de poursuivre ces agissements, et ce, sous astreinte de 300 euros
par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de la
présente décision et pendant six mois ;

Condamne la société DOC'UP à payer à la société FRAMA France la somme de 5.000 euros à titre de
dommages-intérêts réparant le préjudice subi ;

Dit qu'en cédant et en utilisant les données clients de la société

DOC'UP transmises au moyen du serveur FramaOnline, aux fins notamment d'envoi de lettres
circulaires et de démarchage de la clientèle de la société DOC'UP, ainsi qu'en tentant de débaucher
son personnel, les sociétés FRAMA AG et FRAMA France ont commis des actes de concurrence
déloyale à l'égard de la société DOC'UP ;

Fait défense aux sociétés FRAMA AG et FRAMA France de poursuivre ces agissements, et ce, sous
astreinte solidaire de 1.000 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai d'un mois
suivant la signification de la présente décision et pendant six mois ;

Condamne in solidum les sociétés FRAMA AG et FRAMA France à payer à la société DOC'UP la
somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

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Rejette la demande fondée sur l'atteinte aux droits de producteur d'une base de données, ainsi que
la demande aux fins d'annulation du contrat de licence d'utilisation de données du 1 er août 2016 ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le Greffier, Le Président

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