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TEXTE INTÉGRAL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
FRANÇAIS
Pôle 5 - Chambre 11
(n° , 8 pages)
2014005773
APPELANTE
Wollgrasweg 27
70599 Suttgart, ALLEMAGNE
assistée de Me Julien LACKER de l'AARPI GOMIS & LACKER AVOCATS, avocat au barreau de
INTIMEE
TSA 72001
59458 LOMME
représentée par Me Samuel ROTHOUX de l'AARPI LHJ avocats, avocat au barreau de PARIS, toque
: A1005
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure
civile.
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées
dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle L.S., Présidente et par Madame Cyrielle BURBAN, Greffière, présente
Faits et procédure,
Le 19 juin 2009, la société HURRA COMMUNICATIONS GMBH (ci après HURRA) a conclu
avec la société CONRAD ELECTRONIC (ci après CONRAD) un contrat de coopération ayant pour
objet l'optimisation de la visibilité des pages internet des produits de cette dernière, notamment via la
création de pages intermédiaires modèles. Ledit contrat prévoyait que la société HURRA serait
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 2011, la société CONRAD a notifié à la
société HURRA la fin de leur relation contractuelle, arguant que l'offre ne correspondait plus à ses
attentes et prévenant qu'une redirection des liens webapps vers les pages natives conrad. fr (redirection
de type 301) serait effectuée. La société CONRAD a également désactivé le logiciel permettant de
Par courrier en date du 31 mai 2011, la société HURRA a informé la société CONRAD que la
redirection effectuée constituait une violation du contrat puisqu'elle lui permettait d'obtenir sans
contrepartie le transfert du travail de référencement réalisé et qu'il en résultait ainsi une confusion
entre leurs URLS respectives. La société HURRA a en outre réclamé le paiement du mois de mai 2011
avril 2011.
Non satisfaite des conclusions de l'expert judiciaire, la société HURRA a communiqué un nouveau
rapport d'expertise et a proposé à la société CONRAD de mettre un terme au litige par le versement
d'une somme de 322.925 à laquelle s'ajouterait la somme de 68.561 euros correspondant aux frais
engagés.
Par courrier du 18 mars 2014, la société CONRAD a confirmé que sa position s'alignait sur le rapport
Par assignation délivrée le 14 mars 2014 à la société CONRAD, la société HURRA a saisi le Tribunal
de commerce de Lille Métropole d'une demande visant à faire condamner la société CONRAD au
paiement de la somme de :
127.182,30 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales
établies.
constaté que la société CONRAD avait toujours reconnu devoir à la société HURRA le règlement du
dit que la société CONRAD acquiesce aux conclusions de l'expertise judiciaire et est redevable de la
constaté que la société CONRAD n'a pas été appelée aux opérations d'expertises diligentées
CONRAD la somme de 127.182,05 euros pour avoir violé le contrat du 19 juin 2009,
l'expert judiciaire,
jugé que la société CONRAD n'engage pas sa responsabilité au titre des dispositions de l'article L. 442-
6 du code de commerce,
condamné la société HURRA au paiement de la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du
Le Tribunal de commerce a relevé que la société CONRAD avait reconnu devoir à la société HURRA
le règlement du mois de mai 2011 au titre de l'application du contrat du 19 juin 2009 ainsi que les frais
d'expertise engagés. Les premiers juges ont également relevé que la société CONRAD avait acquiescé
aux conclusions de l'expert judiciaire et qu'elle acceptait donc de payer à la société HURRA la somme
de 21.345,05 euros. Ils ont ensuite estimé que la société HURRA avait fait les mêmes constats que
l'expert mais sollicitait une condamnation de la société CONRAD à des sommes supérieures en se
basant sur un rapport d'expertise non contradictoire, écarté de ce fait des débats.
Le Tribunal de commerce a constaté que le contrat du 19 juin 2009 était un contrat type prévoyant
une faculté de rompre « tous les mois au moins 7 jours avant la fin du mois suivant ». Les premiers juges
ont également relevé que la société HURRA n'avait jamais évoqué la responsabilité de la société
CONRAD pour rupture brutale dans ses courriers et qu'au vu de la volatilité du marché du
La société HURRA a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 décembre
2016.
Par ses conclusions signifiées par RPVA le 9 janvier 2019 , auxquelles il est fait référence pour plus
amples exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société HURRA sollicite de la
Cour de :
constaté que la société CONRAD avait toujours reconnu devoir à la société HURRA le règlement du
constater que la société CONRAD a désactivé le logiciel de compteur avant l'expiration du contrat,
constater que la société CONRAD a mis en place et utilisé un tableau de concordance contenant
29.700 URLs créées par la société HURRA afin de faire une redirection de type 301 vers les pages
dire que cette violation a permis à la société CONRAD d'obtenir le transfert de la réputation attachée
juger que la rupture brutale des relations commerciales établies par la société CONRAD est fautive et
127.182,30 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture des relations commerciales établies,
Condamner la société CONRAD au paiement de la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700
La société HURRA rappelle que la société CONRAD reconnaît avoir violé le contrat en désactivant le
logiciel décomptant les commandes passées avant le terme. Elle affirme en revanche être en désaccord
avec la société CONRAD quant à l'évaluation du préjudice. Elle critique la méthode de calcul retenu
par l'expert judiciaire en prétendant qu'il s'agit davantage d'un choix arbitraire que d'un choix
mathématique et rationnel. Elle privilégie donc l'évaluation faite par l'expert qu'elle a unilatéralement
mandaté et qui consiste à obtenir une moyenne de chiffre d'affaires sur 12 mois. Elle sollicite par
La société HURRA indique que l'expertise judiciaire a permis d'établir que la société CONRAD a,
avant la fin du contrat, mis en place un tableau de concordance entre les URLs créées par la société
HURRA et les URLs créées par la société CONRAD. Elle explique que cette redirection a eu pour
effet de transférer aux nouvelles pages la notation de réputation acquise avec les anciennes pages sans
aucune contrepartie. Elle affirme que l'expert judiciaire est sorti de sa mission en concluant qu'il était
légitime que la société CONRAD puisse quitter la relation contractuelle sans subir de chute de
réputation et en validant la redirection effectuée. Elle rappelle qu'une telle redirection est contraire à
l'article 9 du contrat de coopération qui stipule que la société CONRAD n'est plus en droit d'utiliser les
prestations effectuées par la société HURRA après la fin de la relation contractuelle et que les URLs ne
devront pas être rendus accessibles au public pendant une période d'un an après la fin du contrat. Elle
évalue son préjudice à la somme de 105.985 euros, soit le prix auquel elle aurait pu vendre à la société
La société HURRA rappelle que le respect du préavis contractuel est insuffisant en cas de relations
commerciales établies. Elle affirme qu'en l'espèce, le respect d'un préavis de 25 jours pour des relations
commerciales ayant duré plus de 7 ans est insuffisant. Elle produit diverses factures attestant que les
relations commerciales qu'elle a entretenu avec la société CONRAD ont débutées en 2003. Elle
sollicite donc un préavis de six mois. Elle calcule son préjudice comme il suit : 6 mois x 21.197,05 euros
de chiffre d'affaires = 127.182,30 euros. Elle soutient en effet que dans le cas de prestations
intellectuelles sans achat de matières premières, la mage brute sur le chiffre d'affaires correspondant au
amples exposé des motifs, de leurs moyens et de leur argumentation, la société CONRAD sollicite de la
Cour de :
constater que la société CONRAD a toujours reconnu devoir à la société HURRA le règlement du
constater que la société CONRAD a entériné les conclusions de l'expertise judiciaire sollicitée par la
constater que la société CONRAD n'a pas été appelée aux opérations d'expertise privée diligentées
constater que la société HURRA est à l'origine de la rédaction du contrat du 19 juin 2009 et a proposé
constater que la société CONRAD a indiqué à la société HURRA prendre en charge la rémunération
de l'expert judiciaire,
constater que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la société HURRA
constater que les procédures devant le Tribunal de commerce de Lille Métropole puis devant la Cour
En conséquence,
confirmer le jugement du 9 juin 2015 du Tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses
dispositions, et en conséquence,
acter que la société CONRAD acquiesce aux conclusions de l'expertise judiciaire et est redevable de la
acter que la société CONRAD prend en charge la rémunération de l'expert judiciaire à hauteur de
5.317,36 euros,
juger que la société CONRAD n'engage pas sa responsabilité au titre des dispositions de l'article L.
Au surplus,
condamner la HURRA au paiement d'une somme complémentaire de 25.000 euros au titre de l'article
A titre préliminaire, la société CONRAD rappelle que les demandes de la société HURRA sont
exclusivement fondées sur un rapport d'expertise non contradictoire. Elle soutient que la société
HURRA ne saurait justifier le recours unilatéral à un expert par le fait qu'elle aurait communiqué à ce
dernier de nouveaux éléments, ces derniers étant des contrats conclus avec d'autres clients datés de
2002 à 2011.
La société CONRAD confirme qu'elle a reconnu devoir à la société HURRA le mois de mai 2011, soit
la somme de 17.660,05 euros. Elle explique que cette somme est obtenue en comparant la moyenne des
4 premiers mois des années 2010 et 2011. Elle soutient que la méthode retenue par l'expert mandaté
par la société HURRA est erronée car elle ne tient pas compte des pics saisonniers entrainant un
surcroît d'activité.
La société CONRAD soutient que la société HURRA n'a jamais démontré que les liens commençant
par www. conrad. fr/webapps et suivis du nom d'un produit CONRAD étaient encore accessibles sur
le réseau internet, postérieurement au 31 mai 2011. Elle explique que les constats d'huissier sur
lesquels se fondent la société HURRA reposent sur la mémoire cache du moteur de recherche
GOOGLE, laquelle conserve les recherches des internautes même si les pages ont été supprimées ou
rendues inaccessibles. Elle soutient donc que les pages modèles générées par la société HURRA
n'étaient pas accessibles au public et que l'article 9 du contrat a donc été respecté.
La société CONRAD explique encore que la redirection de type 301 qu'elle a effectué avait pour but
de rendre inaccessibles au public les pages modèles développées par la société HURRA en les
désindexant. Elle explique que le contrat n'interdit pas les redirection de type 301 mais oblige
seulement à rendre inaccessibles les URLs sous www. conrad. fr/webapps. Elle prétend qu'en l'absence
d'une telle redirection, les internautes auraient été redirigés vers une page « erreur 404 », réduisant à
Elle conclue donc, à l'instar de l'expert, que la redirection ne constitue pas une faute contractuelle.
Elle rappelle que l'expert judiciaire a estimé que la société HURRA avait subi un préjudice, non en
raison de l'accessibilité de ses pages mais compte tenu du temps de désindexation desdites pages. Elle
confirme qu'elle a reconnu ce préjudice et qu'elle a accepté de verser à la société CONRAD la somme
La société CONRAD explique que le contrat en date du 19 juin 2009 est un contrat d'adhésion si bien
que le délai de préavis d'un mois a été proposé par la société HURRA. Elle explique donc que cette
dernière aurait dû anticiper l'éventualité d'une rupture contractuelle, d'autant plus qu'elle exerçait dans
En tout état de cause, elle soutient que la perte de marge brute de la société HURRA ne peut être
SUR CE;
Sur les violations contractuelles et les frais d'expertise ;
Considérant qu' il résulte de l'expertise du 2 octobre 2012 ordonnée le 19 avril 2011 par le tribunal de
commerce de Lille que: « La société CONRAD a rompu intentionnellement le contrat qui la liait à la
société HURRA pour la prestation de maintien d'un bon référencement. Le procédé utilisé par la
société CONRAD à la rupture du contrat ( redirection 301) pour récupérer sa récupération internet est
légitime et n'est pas en contradiction avec les termes du contrat ( clause 9 ( 1) et (2)). Cependant
CONRAD ne respecte pas le contrat lorsqu'elle arrête le logiciel compteur de commandes avant la fin
du contrat ( clause 3 ( 5). L'indemnité légitime que pourrait réclamer HURRA s'élève à 21 345, 05
euros.»
que l'expert explique que la société HURRA ne peut se prévaloir d'aucun préjudice sous réserve que
la société CONRAD a reconnu devoir la redevance du mois de mai 2011 d'un montant de 17 660,05
euros compte tenu que la vente des articles est saisonnière et de l'évolution du chiffre d'affaire entre
2009 et 2001,
que l'expert précise que la société CONRAD a tout mis en oeuvre pour sortir rapidement du contrat
sans utiliser les pages webapps et qu'elle n'avait pas les moyens de les supprimer toutes à la fin du
contrat,
raison respective, le CLIENT ne sera plus en droit d'utiliser les prestations effectuées par HURRA, ni
Les URLs des pages webMODELE, utilisés par HURRA pour le transfert d'utilisateurs, c'est à dire
toutes les URLs rendues disponibles sous www. conrad. fr:webapps/et www. conrad. fr/electonique/
ne devront plus être rendus accessibles au public pendant une période de 1 an après la fin du contrat.
Les logiciels fournis ou traîtés par HURRA ainsi que les données fournies ou traîtées par HURRA
devront être effacées par le CLIENT et il devra retourner tous autres documents à HURRA »,
qu' ainsi le contrat n'interdit pas les redirections de type 301 mais oblige seulement à rendre
que c'est ce qu'a fait la société CONRAD en rendant inacessibles aux internautes les URLs sus visés, (
que les constats d'huissier de justice produits par la société HURRA ne démontrent pas d'accèss ib i l i t
é des in ternatutes d irec tement sous www. conrad. fr :webapps /e t www. conrad. fr/electonique,
les pages " WEBAPPS" relatives au site WWW. CONRAD. FR n'étant plus visibles sur Internet ( note
technique de M. S.),
que la société CONRAD n'a donc pas commis de faute et n'a pas violé l'article 9 du contrat,
que si c'est à juste titre que la société CONRAD soutient que c'est à la société HURRA d' assumer le
rythme de désindexation des pages référencées par GOOGLE, tiers au contrat, il n'en demeure pas
moins qu'elle en a tiré un bénéfice après le 31 mai 2011, les pages modèles pouvant être détectées par
qu' ainsi l'expert a évalué le préjudice à 3 685 euros en fonction d'une méthode fondée sur le revenu et
le nombre de visites,
qu'il ne peut être tenu compte de l'expertise non contradictoire de M. B. et dont la méthode ne tient pas
compte des pics saisonniers, sur laquelle la société HURRA s'appuie pour solliciter des montants plus
élevés,
qu'en outre, la société CONRAD a reconnu être redevable des frais d'expertise judiciaires,
Considérant que l' article L 442-6 I 5° du Code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son
auteur et l' oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou
artisan :
5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit
déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ( ...) »,
que l' application de ces dispositions suppose l' existence d' une relation commerciale, qui s' entend d'
échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et
habituel laissant raisonnablement anticiper pour l' avenir une certaine pérennité dans la continuité du
qu' en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit soit avec un délai de préavis trop
court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par la société CONRAD que la relation commerciale
entre les parties a débuté fin 2003 (factures produites par la société HURRA) et s'est interrompue le 6
mai 2011 par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 mai 2011envoyée par la société
que les relations revêtaient un caractère de continuité et de stabilité qui a pu laisser croire à la société
qu'ainsi, les relations commerciales des parties étaient donc établies au sens de l'article L 442-6 I 5° du
Code de commerce,
que si le contrat du 1er juin 2009 prévoyait dans son article 8 un engagement mensuel par tacite
reconduction et possibilité de rompre le contrat tous les mois, 7 jours avant la fin du mois, il n'en
demeure pas moins qu'un préavis de 25 jours pour une relation commerciale d'environ 8 ans apparaît
que la cour estime le préavis nécessaire, au vu des éléments dont elle dispose, à une durée de 6 mois,
que le préjudice est constitué de la perte de marge brute sur le chiffre d'affaire qui aurait dû être perçue
que la marge brute ne peut être constituée du chiffre d'affaire, même dans le cas de prestations
intellectuelles,
que la Cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer la marge brute dans cette matière à 40% du
chiffre d' affaire de la société HURRA avec la société CONRAD d'un montant de 251 556 euros sur
l'année 2010 soit 20 963 euros mensuels, au montant de 41 926,13 euros, montant que la société
société HURRA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du débouté sur la rupture
Statuant à nouveau,
ELECTRONIC la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
Le greffier Le président