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DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

SUJET N°1
LE TAUX D’ÉPARGNE DES MÉNAGES FRANÇAIS EST-IL TROP ÉLEVÉ ?

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DU SUJET

 Nature du sujet
Sujet de type « discussion » où la problématique est explicite. La difficulté de ce type de sujet consiste à
préciser la problématique sans reprendre son intitulé sous une forme déguisée.

 Concepts-clés : le taux d’épargne des ménages


Épargne des ménages : fraction du revenu qui n’est pas consommée immédiatement. L’épargne est
constituée d’une épargne placée (sur les marchés de capitaux et/ou auprès d’intermédiaires financiers) et
d’une épargne thésaurisée. Qualifiée également d’épargne oisive, cette dernière ne contribue pas au
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financement de l’économie.
Taux d’épargne (au sens de l’INSEE) : Montant de l’épargne rapporté au revenu disponible brut (c’est-à-
dire au revenu primaire après redistribution).
NB : L’épargne nationale ne se limite pas à celle des ménages (qui fait l’objet du sujet). Il faut intégrer aussi
celle des entreprises et des administrations publiques :
- l’épargne (brute) des entreprises est constituée des bénéfices non distribués et des amortissements
cumulés destinés à renouveler le capital technique, c’est-à-dire à investir. L’épargne des entreprises
permet leur autofinancement ;
- l’épargne (brute) des administrations publiques est définie comme la différence entre les recettes
totales et les dépenses courantes de fonctionnement et de transfert.

 Cadre spatio-temporel : le cadre spatial est imposé (la France) ; le contexte temporel peut être étendu
nde
de la période de l’après 2 Guerre Mondiale jusqu’à nos jours. Cette période souligne le rôle
progressivement déterminant pris par l’épargne des ménages français dans le financement de
l’économie.

 Pourquoi ce sujet : les ménages français ont un taux d’épargne structurellement élevé. Pour autant, les
entreprises françaises – et notamment les PME qui tirent la croissance et créent des emplois – sont
confrontées à une pénurie d’épargne longue. L’épargne est ainsi au cœur des grands équilibres
macroéconomiques. Rappelons également que le revenu des ménages se décompose en consommation
et épargne, un supplément d’épargne ce faisant au détriment de la consommation. Or, cette dernière est
un moteur déterminant de la croissance française.

 Difficultés du sujet : ne pas réduire le sujet à la question du partage du revenu entre consommation et
épargne. Pour cela, il est important de se rappeler que l’épargne des ménages contribue de façon
déterminante au financement de l’économie.

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DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

PROPOSITION DE TRAITEMENT DU SUJET

Introduction

Accroche La France figure parmi les pays d’Europe qui épargnent le plus : l’épargne représentait plus
de 14% du revenu disponible brut des ménages français en 2017.
Éléments de La dégradation actuelle de la conjoncture économique risque d’accroître le taux d’épargne
contextualisation des ménages français, freinant d’autant la dynamique de la consommation. L’épargne peut
et définitions être définie comme la partie non consommée du revenu. L’INSEE calcule le taux d’épargne
des ménages en rapportant le montant de l’épargne au revenu disponible brut des ménages
(c’est-à-dire le revenu primaire après redistribution).
Problématique Dans le contexte économique actuel marqué par la multiplication des facteurs d’incertitude,
quels sont les risques induits par le niveau élevé – voire une remontée – du taux d’épargne
des ménages français ? A contrario, ne doit-on pas considérer qu’un taux d’épargne élevé
est un facteur permissif d’une croissance durable ?
Annonce des Afin de répondre à cette problématique, nous soulignerons dans une première partie le rôle
parties fondamental de l’épargne dans le financement de la croissance économique. Puis, dans
une seconde partie, nous aborderons les risques associés à un taux d’épargne élevé.
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I. L’épargne, nécessaire au financement de la croissance

A. L’épargne des ménages autorise le financement de la croissance


Il existe différentes formes d’épargne : l’épargne thésaurisée et l’épargne placée. L’épargne thésaurisée est
une épargne conservée sous une forme monétaire. Elle est qualifiée d’oisive car elle ne contribue pas au
financement de l’économie. D’après les classiques, il ne peut pas exister d’épargne thésaurisée car, la
monnaie n’ayant aucune utilité propre (hypothèse de neutralité de la monnaie), les agents accepteront
d’épargner qu’en contrepartie d’une rémunération : le taux d’intérêt. Notons que, d’après Keynes, le taux
d’intérêt détermine non le montant mais la forme prise par l’épargne, qui peut être soit thésaurisée soit
placée.
Le système de financement du pays va permettre de transférer l’épargne des agents à capacité de
financement vers les agents à besoin de financement. Ce transfert d’épargne peut se faire soit directement
via les marchés financiers soit indirectement, l’épargne étant alors déposée auprès d’intermédiaires
financiers tels que les banques.
D’un point de vue historique, le taux d’épargne des ménages français a progressé tout au long de la période
des Trente Glorieuses, accompagnant l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages. Depuis 1995, le taux
d’épargne s’est stabilisé à un niveau élevé, supérieur à 15%, soulignant le rôle progressivement déterminant
de l’épargne des ménages dans le financement de l’économie.

B. L’épargne contribue au financement des entreprises


L’épargne permet de financer l’investissement des entreprises. Comme le souligne l’École néoclassique,
l’ajustement entre l’offre de capitaux (ou épargne) et la demande de capitaux (id est l’investissement) se
réalise sur le marché des capitaux grâce à la parfaite flexibilité du taux d’intérêt. Cette flexibilité assure un
équilibre toujours réalisé entre l’investissement et l’épargne. Dans la perspective néoclassique, l’épargne est
un préalable indispensable à l’investissement. Le développement de l’investissement va permettre aux
entreprises de développer leurs capacités de production et/ou de renforcer leur compétitivité sur des
marchés concurrentiels.
L’épargne des ménages vient ce faisant compléter celle des entreprises. Cette dernière est constituée des
bénéfices non distribués et des amortissements cumulés destinés à renouveler le capital technique, c’est-à-
dire à investir.
Les entreprises font appel à l’épargne publique par émission d’actions et/ou d’obligations sur le marché
financier primaire. Depuis le début des années 1980, ces émissions de titres constituent une source de plus
en plus importante du financement externe des entreprises, les systèmes financiers des pays occidentaux
évoluant progressivement d’une « économie d’endettement » vers une « économie de marchés financiers »
(Hicks). Rappelons enfin que les émissions d’actions permettent aux entreprises de renforcer leurs fonds
propres, garantissant d’autant leur autonomie financière.

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C. L’épargne contribue au financement de l’État


Lorsque l’État a un déficit budgétaire et/ou doit rembourser la dette publique, il peut émettre des obligations
pour récolter l’épargne nationale. L’État peut, à titre d’exemple, faire appel à l’épargne publique afin de
financer un plan de relance. L’émission d’obligations assimilables du Trésor (obligations remboursables à
moyen et long terme) assure un financement de long terme du déficit budgétaire.
L’appel à l’épargne des ménages pour financer des investissements publics (investissement dans le capital
public, investissement en R&D, investissement en capital humain...) peut être d’autant plus justifié que ces
derniers sont générateurs d’externalités positives. Ainsi, comme le souligne les théories de la croissance
endogène, le développement du capital public (défini comme les infrastructures de communication et de
transport, ainsi que les investissements publics dans les secteurs de l’éducation et de la recherche) va
permettre de renforcer le potentiel de croissance du pays. Le surplus de croissance augmentera les recettes
fiscales, facilitant le remboursement des charges d’intérêts associées aux obligations d’État antérieurement
émises.
Enfin, les collectivités territoriales – et notamment les Régions chargées du développement économique
local – peuvent également drainer l’épargne des ménages en émettant des emprunts obligataires.
Rappelons que la dette publique est constituée de l’ensemble des emprunts contractés par l’État central, les
collectivités territoriales et les organismes de Sécurité sociale.

Facteur permissif du développement économique d’une Nation, un niveau trop élevé d’épargne est pour
autant susceptible de freiner la dynamique de la croissance.
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II. Mais trop d’épargne peut constituer un frein à la croissance

A. L’importance de la dynamique de la dépense de consommation des ménages


L’analyse des contributions à la croissance française souligne le rôle déterminant de la dépense de
consommation des ménages depuis plus de 15 ans. Cette dynamique a été particulièrement remarquable au
cours de l’année 2009 : la contribution positive de la dépense de consommation à la croissance a permis
d’éviter une récession trop sévère face à une contribution lourdement négative de l’investissement (qui s’est
fortement replié suite à la crise financière des subprimes). Depuis 2009, cette dynamique se maintient bien
que plus faiblement, le pouvoir d’achat évalué par unité de consommation se repliant entre 2011 et 2013.
L’analyse keynésienne considère que la dépense de consommation des ménages – et non leur épargne –
constitue un moteur déterminant de la croissance. Un niveau trop élevé (un excès ?) d’épargne est analysé
comme une faiblesse de la dépense de consommation, amoindrissant les perspectives de débouchés des
entreprises et donc leurs perspectives de croissance. La contraction de la demande effective conduit les
entreprises à réduire les volumes produits ainsi que leur demande de travail, contribuant à dégrader la
situation sur le marché du travail.
Enfin, l’efficacité des politiques de relance keynésienne est largement basée sur la dynamique de la
consommation. Rappelons que la variation de l’une des composantes autonomes de la demande globale
permet d’enclencher le multiplicateur keynésien. La valeur du multiplicateur est d’autant plus forte que la
propension marginale à épargner des ménages est faible. L’efficacité d’une politique de relance est donc
conditionnée par les choix d’allocation du revenu courant des ménages entre consommation et épargne.

B. L’investissement et l’épargne : des relations complexes


L’existence d’une épargne préalable ne serait pas – pour Keynes – une contrainte pour le financement de
l’investissement : les entreprises peuvent avoir recours au crédit bancaire. L’épargne est alors postérieure à
l’investissement, ce dernier générant l’épargne nécessaire au remboursement du crédit bancaire.
L’analyse de l’économie française souligne par ailleurs un paradoxe : si le taux d’épargne des ménages
français est au plus haut depuis le début des années 1980, ses entreprises – et notamment ses PME – ont
du mal à trouver des financements longs. En effet, les ménages français ont une préférence marquée pour
les placements liquides qu’ils peuvent récupérer à tout moment et qui, surtout, présentent peu de risques.
Ce type de placements n’est pas approprié au financement de l’économie à moyen et long terme, ce qui
correspond pourtant à un besoin crucial de la France. Stimuler « l’épargne longue », c’est-à-dire celle
susceptible de s’investir dans la durée au sein de l’économie française, est devenu un enjeu politique
majeur.
er
Le rapport des députés K. Berger et D. Lefebvre, rendu au 1 ministre en avril 2013 et intitulé Dynamiser
l’épargne financière des ménages pour financer l’investissement et la compétitivité, témoigne des
problématiques étroitement liées de l’épargne des ménages et de la compétitivité de l’économie française.
Parmi dix recommandations principales, ce rapport souligne la nécessité de renforcer les incitations fiscales

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à l’épargne longue et d’orienter massivement cette dernière vers les entreprises et plus spécifiquement les
PME et les ETI.

C. De nombreuses incertitudes dans un contexte récessif au sein de la zone euro.


Dans le contexte actuel de croissance très affaiblie, plus de croissance – portée par la dynamique de la
consommation – permettrait à l’État de récolter plus de recettes fiscales, facilitant le remboursement de la
dette publique et réduisant son appel à l’épargne des ménages.
De nombreux facteurs d’incertitude conduisent toutefois à s’interroger sur le maintien de la dynamique de la
consommation des ménages français, avec une tendance accrue à la constitution d’une épargne de
précaution et de prévoyance. Les principaux facteurs d’incertitude sont les suivants : situation de croissance
économique très faible et taux de chômage élevé, risques déflationnistes conjuguées à des politiques de
déflation salariale au sein de la zone euro, austérité budgétaire, incertitudes relatives au niveau des
pensions de retraite, etc.
De surcroît, un redémarrage de la croissance suppose – dans ce cas – que les dépenses de consommation
des ménages se reportent majoritairement sur des produits fabriqués en France. La question de l’équilibre
entre consommation et épargne rejoint donc directement les débats relatifs à la perte de compétitivité de
l’économie française.
Dans un contexte de très vive concurrence sur le plan mondial, le phénomène de dumping social pèse sur la
progression du pouvoir d’achat et semble accentuer le dualisme du marché du travail (creusement des
écarts de revenu, recours massif aux contrats précaires, augmentation concomitante du nombre de
« travailleurs pauvres » …). Le contexte déflationniste actuel plaide en faveur d’une logique de stimulation
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de la demande, qui soit toutefois compatible avec le renforcement de la compétitivité de l’économie


française. L’épargne des ménages se retrouve ainsi au cœur de l’équilibre macroéconomique.

Conclusion

Synthèse La situation actuelle de l’économie française souligne avec force la complexité des relations qui
s’établissent entre le taux d’épargne des ménages et les grands équilibres macroéconomiques
(croissance, emploi, financement des comptes publics, etc.). Les économistes évoquent
l’existence d’un taux d’épargne optimal qui contribuerait au financement de l’investissement
tout en étant compatible avec des perspectives de débouchés suffisantes pour les entreprises.
Thème Comme précisé supra, la France doit mobiliser les outils nécessaires afin d’orienter l’épargne
d’ouverture des ménages vers des supports « longs » de financement. Le gouvernement dispose, avec la
fiscalité, d’un puissant levier pour orienter les économies des français. Les mesures prises
pourraient faciliter la transition énergétique de la France (via le développement des énergies
renouvelables), nécessaire à la réorientation de notre modèle de croissance dans le sens d’un
développement durable.

THÈMES À APPROFONDIR SUR DES PROBLÉMATIQUES VOISINES

 Les conditions du partage de la valeur ajoutée.


 L’évolution contemporaine des systèmes financiers : passage d’une économie d’endettement à une
économie de marchés financiers.
 La globalisation financière : unification des marchés de capitaux à l’échelle mondiale, dérives
spéculatives et récurrence des crises financières.
 Le rôle des investisseurs de long terme (fonds de pension, fonds souverains, compagnies
d’assurance, Banque Publique d’Investissement).
 La compétitivité des entreprises françaises.
 Les modèles de croissance post-keynésiens et la notion de croissance équilibrée.
 …

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SUJET N°2
CROISSANCE ET INNOVATION

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DU SUJET

 Nature du sujet
Le sujet met en relation directe deux concepts A et B par l’intermédiaire de la conjonction de coordination
« et ». Le « et » impose d’envisager uniquement la nature des relations/liens qui unissent les deux concepts.
La formulation de la problématique suppose de trouver le verbe qui exprime le plus justement possible la
nature des liens qui unissent les 2 concepts.
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 Concepts-clés : la croissance, l’innovation


La croissance : Pour F. Perroux, « la croissance est l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs
périodes longues, d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global en termes réels ».
L’indicateur privilégié de la croissance économique est le PIB évalué à prix constants.
L’innovation : terme popularisé par Schumpeter, l’innovation désigne la transformation d’une invention ou
d’une découverte en processus aboutissant à la mise au point de nouveaux produits ou de nouveaux
procédés de fabrication.
L’aspect multidimensionnel de l’innovation est davantage exploité en Management où l’on distingue
traditionnellement l’innovation de produit (incrémentale ou de rupture), l’innovation organisationnelle,
l’innovation de procédé et l’innovation commerciale.
NB : une catégorie d’innovations de produit relève d’une logique particulière : les innovations portant sur les
produits financiers. Si elles contribuent au financement de l’économie, de nombreuses innovations
financières sont toutefois à l’origine d’une forte instabilité des marchés financiers et donc de la croissance.

 Cadre spatio-temporel : non défini. Le sujet peut être appliqué à l’échelle mondiale, en exploitant les
principaux faits stylisés de la période contemporaine. Une attention particulière sera portée aux
développements récents relatifs à la notion d’« économie de la connaissance ».

 Pourquoi ce sujet ?
Pistes d’analyse : les phénomènes observés de concentration géographique des activités innovantes et la
notion même de connaissance (considérée comme un bien économique à part entière) renouvellent les
approches en termes d’innovation. La concurrence mondiale accentue la nécessité pour les pays
occidentaux de maintenir leur « écart technologique » dans un contexte de rattrapage des pays émergents
(dont la liste s’allonge !).

 Difficultés du sujet
• La notion d’innovation ne se réduit pas au progrès technique (les innovations ne génèrent pas
nécessairement des gains de productivité).
• Il convient de traiter le sujet dans sa dimension internationale et ne pas se limiter au contexte d’une
économie fermée.
• Un sujet sur l’innovation ne se réduit pas aux apports (certes fondamentaux) de J.A. Schumpeter !

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PROPOSITION DE TRAITEMENT DU SUJET

Introduction

Accroche « Les États-Unis ont une croissance plus dynamique que l’Europe ». Ainsi débute le rapport
intitulé Politique économique et croissance en Europe de P. Aghion, E. Cohen et J. Pisani-
Ferry (2006). D’après ces auteurs, ce différentiel de croissance serait largement imputable à
un écart de productivité, ce dernier résultant d’un déficit d’investissement de l’Europe dans
la production de nouveaux savoirs. Ainsi, la croissance américaine serait davantage
schumpétérienne ; celles des pays européens plus smithienne. Ces observations
permettent d’établir une corrélation étroite entre la dynamique de l’innovation et la
croissance économique.
Éléments de Définie comme l’application commerciale ou industrielle d’une invention, l’innovation est un
contextualisation facteur-clé de la croissance économique. Multidimensionnelle, nous nous arrêterons sur
et définitions deux formes particulières de l’innovation, à savoir celles qui affectent les produits et les
procédés de fabrication. Ces dernières permettent de diffuser dans l’économie un nouveau
progrès technique et génèrent d’importants gains de productivité.
Le sujet posé invite à identifier les liens qui existent entre les différentes formes de
l’innovation, leur rythme et la croissance économique que l’on peut définir comme
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l’augmentation durable des richesses matérielles créées par un pays.


Problématique Quels liens peut-on établir entre la dynamique de l’innovation et les performances
macroéconomiques des principaux pays industrialisés ainsi que des pays en voie de
développement ? La diffusion internationale des connaissances, permise par la
mondialisation, profite-t-elle à l’ensemble des pays ?
Annonce des Afin de répondre à cette problématique, nous soulignerons dans une première partie le rôle
parties fondamental de l’innovation dans le processus de croissance. Puis, dans une seconde
partie, nous montrerons que la production de connaissance constitue un enjeu majeur des
e
politiques économiques en ce début de XXI siècle.

I. L’innovation, facteur-clé de la croissance

A. L’identification du rôle de l’innovation comme moteur de la croissance


Les théories de la croissance ainsi que les approches empiriques soulignent le rôle fondamental de
l’innovation. Ainsi, Ricardo et plus tardivement Solow considèrent que la diffusion d’un nouveau progrès
technique permet de retarder l’avènement de l’« état stationnaire ». Dans une perspective plus empirique,
les travaux de Carré, Dubois et Malinvaud (traitant de la croissance française sur la période 1951-1969)
mettent en évidence un résidu de 50% que les auteurs attribuent en partie à l’influence du progrès
technologique.
L’investissement est le support de l’innovation : à court terme, l’investissement technologique permet
d’enclencher le multiplicateur keynésien, générant une augmentation de la production nationale et des
créations d’emplois. A moyen et long terme, l’innovation engendre une dynamique de croissance précisée
notamment par l’analyse de Schumpeter. Ce dernier attribue les cycles longs de croissance (cycles de
Kondratieff) à la diffusion d’innovations génériques, à l’origine des grandes révolutions industrielles.
Le progrès technologique est source de gains de productivité. Dans la mesure où ces derniers sont partagés
de façon équilibrée entre les entreprises et les salariés, une croissance durable peut être obtenue. Le
fordisme en est une illustration. Ce mode de régulation socio-économique a permis d’assurer simultanément
nde
la progression de la production et celle de la demande au lendemain de la 2 Guerre mondiale. A contrario,
une croissance associée à des gains de productivité limités risque de s’essouffler. La faiblesse des gains de
productivité ne permet pas de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, d’où une relative atonie de la
dépense de consommation. La dégradation des perspectives de débouchés conduit les entreprises à réviser
à la baisse les niveaux de production ainsi que leur demande de travail.
Le rôle fondamental de la productivité est également souligné par les trajectoires contemporaines de
croissance des grands pays industrialisés. Ainsi, le creusement de l’écart de croissance entre les États-Unis
nde
et l’Europe – à compter de la 2 moitié des années 1990 – s’expliquerait par un écart de productivité. Celui-
ci serait lui-même imputable à un écart d’investissement dans l’économie du savoir, appréhendé par la
somme des dépenses consacrées à la R&D, l’enseignement supérieur et les logiciels.

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B. Soutenue par la mondialisation, la diffusion des technologies se réalise-t-elle au bénéfice de


l’ensemble des pays ?
La forte augmentation des échanges commerciaux de biens et services et l’activité croissante des firmes
multinationales (FMN) accélèrent la diffusion des innovations à l’échelle mondiale. L’innovation de produit
intensifie les échanges intra-branches entre pays de développement similaire. La participation au commerce
international permet aux entreprises de réaliser des économies d’échelle (Linder) tout en satisfaisant une
demande de variété de la part des consommateurs (Lassudrie-Duchêne). Les flux d’investissements directs
à l’étranger (IDE) participent au transfert de technologie au Nord comme au Sud. Les IDE génèrent un effet
multiplicateur, au même titre que les investissements réalisés par les entreprises nationales. En outre, les
flux d’IDE permettent d’opérer des transferts de compétence et de technologie, d’améliorer la productivité,
d’accroître les exportations et ce faisant de contribuer au développement économique à long terme. Le
redéploiement des activités productives à l’échelle mondiale s’est appuyé sur un vaste mouvement
d’innovations financières. Si ces dernières ont facilité les opérations de financement international, ces
nouveaux produits financiers ont également contribué au développement exponentiel des opérations
spéculatives à l’échelle mondiale, au détriment des pays les plus fragiles.
Conjuguée à la révolution des technologies de l’information et de la communication (TIC), la diffusion des
innovations portée par une mondialisation libérale devait conduire (selon la thèse du « village global » de Mc
Luhan) à une homogénéisation des territoires et une convergence des niveaux de développement à l’échelle
mondiale. Or force est de constater que la mondialisation accentue les phénomènes de concentration
géographique des activités économiques, creusant les écarts de développement économique entre les
grandes régions du monde. Ce phénomène d’agglomération spatiale est très nettement marqué pour les
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activités innovantes.
La compétitivité des entreprises et, au-delà, celle des Nations reposent fondamentalement sur les capacités
à créer et à utiliser les connaissances. Ces capacités conditionnent largement les performances en termes
de croissance, de revenus et de création d’emplois. L’attention portée à la production de savoirs s’explique
également par les caractéristiques particulières de la connaissance. Cette dernière est un bien public, les
principes de rivalité et d’exclusion par les prix ne s’appliquant pas. Le rendement social de la production de
savoirs est de surcroit très élevé, du fait de l’existence de fortes externalités technologiques.

II. La production de connaissance : un enjeu majeur au cœur des politiques économiques

A. Des déséquilibres structurels induits par le progrès technologique


À l’échelle d’un pays, les innovations technologiques modifient l’équilibre des différents secteurs en termes
de valeur ajoutée créée et d’emplois (principe de destruction-créatrice de Schumpeter). L’impact des gains
de productivité sur l’emploi est complexe et mérite une attention particulière. D’après la théorie du
déversement d’A. Sauvy, si le progrès technique détruit des emplois à court terme, il est créateur net
d’emploi à moyen et long terme. En effet, les emplois détruits dans un secteur sont compensés par ceux qui
se créent ailleurs. Les emplois se déversent donc d’un secteur à l’autre. Ainsi, le développement des TIC a
facilité le recentrage des entreprises sur leur cœur de métier, avec la possibilité d’externaliser des fonctions
considérées comme secondaires (entretien, sécurité, comptabilité, etc.). Ces nouvelles technologies ont
conduit à la destruction d’emplois dans le secteur industriel et ont accompagné les créations d’emploi dans
le secteur tertiaire.
La théorie d’A. Sauvy suppose toutefois une adaptation rapide des qualifications des individus. Or, le
progrès technique peut-être source de chômage structurel et se traduire par une obsolescence accélérée
des qualifications des travailleurs. Ainsi, le progrès technique s’accompagne d’une exigence accrue en
termes de qualification de la main d’œuvre. Il est dit « biaisé » en faveur du travail qualifié, ce qui contribue à
la destruction de postes de travail peu qualifiés.
Sur le plan international, la diffusion des technologies contraint les pays occidentaux à maintenir un « écart
technologique » (Posner) à l’égard notamment des grandes puissances émergentes. Bien que son impact
soit difficile à quantifier, la concurrence étrangère a contribué à la baisse de l’emploi industriel en France. Au
cours de ces dernières années, 10 à 15% des destructions d’emploi seraient liées à la concurrence des pays
émergents qui rattrapent leur retard technologique. Cette concurrence mondiale explique non seulement la
progression des délocalisations des sites industriels mais également des choix d’implantation de nouveaux
sites – dont des activités de R&D – dans ces pays à bas coûts. Le phénomène évoqué supra de polarisation
des activités innovantes, sous forme de clusters ou de pôles de compétitivité pour la France, s’observe
également au Brésil, en Inde (on pense ici à Bangalore), à Taïwan ou en Chine.

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B. Le rôle des pouvoirs publics dans le maintien et l’accompagnement de la dynamique de


l’innovation
Pour la France comme pour les pays comparables, la principale source de création de richesses réside
désormais dans les savoirs et les compétences, davantage que dans les ressources matérielles. C’est
désormais sur la capacité à innover, à créer des concepts et à produire des idées que repose l’avantage
comparatif des pays. Dans nos économies dites de la connaissance, le capital immatériel a ainsi succédé au
capital matériel dans les critères essentiels de compétitivité des pays et d’attractivité de leurs territoires.
Contrairement à Solow qui assimile le progrès technologique à une « manne tombée du ciel », les
théoriciens de la croissance endogène analysent celui-ci comme résultant du comportement d’agents
rationnels à la recherche du profit. A l’origine de nombreuses externalités positives, les dépenses de R&D
constituent l’un des moteurs essentiels de la croissance.
Au-delà des activités de R&D, l’accent est mis aujourd’hui sur la production de connaissance. Confrontée à
la faiblesse de sa croissance économique et à un chômage de masse (le taux de chômage européen a
atteint près de 10% en 2013), l’Europe a placé au cœur de ses préoccupations le renforcement de sa
capacité d’innovation. Annoncée dans le contexte récessif de l’année 2010, la stratégie Europe 2020 définit
des objectifs et déploie des actions à l’échelle de l’Union Européenne afin d’encourager la transition vers
une croissance « intelligente, durable et inclusive ». Dotée toutefois de moyens limités, la politique
européenne de R&D trouve des prolongements au niveau des politiques nationales. La France a lancé
depuis 2004 une nouvelle politique industrielle afin de mobiliser les facteurs clefs de la compétitivité, au
premier rang desquels figure la capacité d’innovation. Cette nouvelle politique privilégie trois axes
essentiels : la concentration des aides publiques sur l’innovation dans les secteurs de haute technologie, le
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renforcement des coopérations entre tous les acteurs de l’innovation industrielle (acteurs publics et privés,
au niveau intra ou intersectoriel) et le lancement des pôles de compétitivité. La politique industrielle est
complétée par des mesures « horizontales » telles que la création de la Banque publique d’investissement,
le crédit d’impôt-recherche, le crédit d’impôt compétitivité emploi ou encore le Pacte de responsabilité du
président F. Hollande.

Conclusion
re
Synthèse Depuis la 1 révolution industrielle, l’innovation – par la mise en valeur de nouvelles
connaissances – est analysée comme le moteur essentiel de la croissance économique.
L’intensification de la concurrence mondiale cristallise aujourd’hui les enjeux associés à la
maîtrise des nouvelles technologies. En outre, les caractéristiques particulières des activités de
production de connaissance appellent un renouvellement de l’action publique afin de maintenir
l’attractivité des territoires et la compétitivité de leurs entreprises.
Thème Pour parvenir à une « croissance intelligente », l’Union Européenne doit devenir plus
d’ouverture performante dans les trois domaines suivants : la société numérique, la recherche et
l’innovation, l’éducation. Concernant ce dernier point, il s’agit d’encourager les citoyens à se
former, à poursuivre des études et à améliorer leurs compétences. Le développement de ce
capitalisme cognitif donne ainsi une résonnance nouvelle à la maxime de J. Bodin « Il n’y a de
richesse, ni force que d’hommes ».

THÈMES À APPROFONDIR SUR DES PROBLÉMATIQUES VOISINES

 Économie géographique et polarisation des activités économiques.


 L’investissement en capital humain.
 Analyse méso-économique basée sur la dynamique des systèmes productifs locaux.
 Croissance potentielle.
 Politiques structurelles déployées à l’échelle de l’Union Européenne et de la France (dont la politique
de la concurrence).
 Mondialisation et phénomène de convergence.
 …

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DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

SUJET N°3
LA CROISSANCE EST-ELLE UNE CONDITION NÉCESSAIRE ET
SUFFISANTE DU RETOUR AU PLEIN EMPLOI ?

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DU SUJET

 Nature du sujet
Sujet de type « discussion » où la problématique est explicite. Le sujet est composé de deux concepts-clés
qui imposent un développement basé sur les liens s’établissant entre ces deux derniers. Rappel : la difficulté
de ce type de sujet consiste à préciser la problématique sans reprendre son intitulé sous une forme
déguisée.
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 Concepts-clés : la croissance, le plein emploi


Croissance : se reporter au sujet 2
Plein emploi : caractérise une situation où toute la main d’œuvre désireuse de travailler pour le taux de
salaire en vigueur sur le marché du travail occupe un emploi. La seule forme de chômage qui peut exister
n’est que transitoire, liée aux changements d’emploi des salariés. On évoque à ce propos un chômage
incompressible (ou frictionnel).

NB : L’emploi peut être défini comme un poste de travail permettant de percevoir un revenu au titre de l’activité
effectuée.

 Cadre spatio-temporel : non défini. Le sujet peut être appliqué aux pays de l’OCDE (un éclairage
particulier peut être apporté concernant l’économie française), en proposant une perspective historique
nde
de l’après 2 G.M. jusqu’à nos jours. Cette période permet de couvrir le plein emploi des Trente
Glorieuses, puis la détérioration durable du marché du travail au cours des Trente Piteuses.

 Pourquoi ce sujet ?
Pistes d’analyse : Net ralentissement des créations d’emplois depuis la crise financière des subprimes dans
un contexte de croissance très affaiblie. L’accélération des destructions d’emplois dans le secteur industriel
– notamment en France – interpelle plus particulièrement les pouvoirs publics. Si le sujet a une actualité
immédiate évidente, il ne faut pas oublier que différents pays, dont la France, essaient de lutter contre un
chômage de masse depuis plus de trois décennies.

 Difficultés du sujet : Ne pas confondre emploi et chômage même si ces deux termes sont étroitement
liés. Toute création d’emplois ne se traduit par une réduction équivalente du chômage (du fait notamment
des évolutions de la taille de la population active et de la productivité du travail).

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DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

PROPOSITION DE TRAITEMENT DU SUJET

Introduction

Accroche Le début de la décennie 2010 ouvre une période de croissance quasiment nulle et de très
basse inflation pour les pays membres de la zone euro. Conséquences de la double onde
de choc induite par la crise des subprimes et celle des dettes souveraines, le taux de
chômage de la zone euro franchissait la barre des 12% en 2013. Depuis 2015, la
croissance redémarre, atteignant 2,2% en 2017 avec un taux de chômage moyen de 8,7%.
Pour autant, la question de l’emploi est cœur des préoccupations gouvernementales depuis
le début des années 1980.
Éléments de Qualifiée de Trente Piteuses par P. Baverez, la période qui s’ouvre à l’aune des années
contextualisation quatre-vingts caractérise plus de trois décennies de chômage de masse, de précarité et
et définitions d’inégalités grandissantes. Activer les leviers de la création d’emplois devient une « ardente
obligation » pour les gouvernements confrontés à un chômage de masse devenu
endémique. Appréhendée par le taux de variation du PIB évalué à prix constants, la
croissance économique est étroitement corrélée à la création d’emplois. L’économie sera
dans une situation de plein emploi si toute la main d’œuvre, désireuse de travailler pour le
taux de salaire en vigueur sur le marché du travail, trouve un emploi. Seul un taux de
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chômage qualifié d’incompressible persiste.


Problématique Confrontés à une forte dégradation des comptes publics et à la faiblesse de la croissance,
quelles sont aujourd’hui les marges de manœuvre réelles des gouvernements afin de
résorber une situation de sous-emploi qui menace la cohésion sociale ?
Annonce des Afin de répondre à cette problématique, nous montrerons dans une première partie que le
parties redémarrage de la croissance est une condition nécessaire à la convergence vers une
situation de plein emploi. La seconde partie nous permettra de souligner la nécessité
d’actions plus ciblées afin d’activer plus largement les leviers de la création d’emplois. Le
traitement de ce sujet portera sur la période contemporaine, sachant qu’une attention
particulière sera portée au cas de l’économie française.

I. La croissance : une condition nécessaire à la convergence vers le plein emploi

Si la période des Trentes Glorieuses souligne avec force la corrélation positive entre la croissance
économique et les créations d’emploi, le marasme économique et la dégradation induite du marché du
travail en sont une illustration actuelle.

A. La croissance crée des emplois


Fragilisés par deux crises financières consécutives, la zone euro entre avec la décennie 2010 dans une
période de croissance très affaiblie et de risques déflationnistes élevés. Ce contexte macroéconomique s’est
traduit par une nette dégradation de la situation de l’emploi, le taux de chômage de la zone euro ayant
franchi la barre des 10% en 2010 pour atteindre 11,6% en 2014. Dans une perspective keynésienne, le
sous-emploi de la main d’œuvre résulte d’une insuffisance de la demande effective. Confrontées à la
faiblesse de leurs perspectives de débouchés, les entreprises révisent à la baisse les volumes produits ainsi
que leur demande de travail. Dès lors, toute insuffisance de la demande effective engendre un chômage
involontaire qui peut se révéler durable. Seule l’intervention de l’État, par des mesures de relance de la
demande, est susceptible de provoquer une hausse du niveau de la production et ainsi de créer des
emplois. L’État dispose de deux instruments de régulation conjoncturelle : la politique budgétaire et la
politique monétaire. La mise en place d’une politique budgétaire expansive va se traduire par une
augmentation du niveau des dépenses publiques et/ou une diminution des impôts, permettant d’enclencher
le multiplicateur. Une politique monétaire expansive visera quant à elle une baisse des taux d’intérêt
permettant de stimuler l’investissement des entreprises. Cette logique de stimulation à court terme de la
demande globale est toutefois contredite par l’approche libérale qui souligne les effets pervers de
l’interventionnisme étatique. Si une politique monétaire expansive est sans impact sur la sphère réelle, elle
est à contrario source d’inflation conformément à la théorie quantitative de la monnaie. S’agissant de la
relance budgétaire, le financement du déficit public génère des effets d’éviction qui pénalisent le secteur
privé. Contrepartie de l’État-providence, la protection de l’emploi et le haut niveau de prélèvements

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DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

obligatoires découragent l’activité productive, grèvent la compétitivité des entreprises et réduisent la


flexibilité du marché du travail dans un contexte de concurrence mondiale accrue.

B. Des marges de manœuvre contraintes dans le contexte actuel


Pour de nombreux pays industrialisés, la crise des années soixante-dix ouvre une période de ralentissement
durable de la croissance et de sous-emploi endémique dans le contexte d’une concurrence mondiale
accrue. À l’heure actuelle, une croissance de +1% est nécessaire afin que l’économie française crée des
1
emplois (compte tenu des gains de productivité réalisés par les entreprises ), et au moins de 1,5% pour
commencer à faire baisser le chômage (étant donné l’accroissement de la population active). Si la
croissance française a atteint ce niveau en 2011, la politique de rigueur budgétaire a eu un impact récessif
sur la croissance dès 2012. Dans le sillage des effets récessifs de la crise des subprimes, la gestion
gouvernementale de la crise des dettes souveraines de la zone euro souligne l’étroitesse des marges de
manœuvre conjoncturelle de nombreux gouvernements. Au policy mix expansif de l’année 2009, a succédé
des politiques de rigueur budgétaire visant à rétablir l’équilibre des comptes publics. Les pays de la zone
euro sont en effet contraints de respecter des critères rigoureux de limitation des déficits budgétaires et de
leurs dettes publiques. Cet encadrement budgétaire est renforcé dans le cadre du nouveau Pacte budgétaire
européen. L’austérité généralisée au sein de la zone euro bride les possibilités de croissance et contribue à
la détérioration du marché du travail. Si la hausse du chômage est relativement contenue en France, des
pays tels que l’Espagne sont particulièrement fragilisés (son taux de chômage était de 24,5% en 2014). Le
multiplicateur lié à l’austérité budgétaire s’est révélé particulièrement pénalisant. L’ensemble des pays de la
zone euro ayant adopté des mesures de restrictions budgétaires, l’effet dépressif sur les débouchés
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extérieurs a été particulièrement important pour la France mais également pour toute la zone euro. La
contraction de la demande européenne se traduit par une inflation très basse qui alourdit la charge réelle de
l’endettement des entreprises et de l’État. La politique monétaire ultra expansive de la BCE depuis 2014
semble impuissante face à des risques déflationnistes élevés.

Le retour de la croissance est une condition nécessaire à l’amélioration de la situation sur le marché du
travail. Pour autant, ce n’est pas une condition suffisante. Des leviers de nature structurelle méritent d’être
actionnés afin de converger vers une situation de plein emploi.

II. La nécessité d’activer les leviers structurels de la création d’emplois

A. L’« activation » des politiques de l’emploi


Au début des années 1990, les politiques de l’emploi ont connu un tournant majeur par le renforcement de
ses mesures actives, définies par opposition aux mesures passives qui consistent en un traitement social du
chômage. Les principaux pays de l’OCDE ont privilégié des mesures axées sur la flexibilité, la modération
salariale et l’aide au retour à l’emploi. En France, les leviers activés en faveur de l’emploi portent
essentiellement sur la baisse du coût de travail, le développement des emplois aidés (partiellement financés
par l’État), la flexibilisation du marché du travail et une aide au retour à l’emploi (suivi personnalisé des
demandeurs d’emploi dans le cadre de Pôle emploi). L’Allemagne est l’un des pays de la zone euro qui a
très largement réformé son marché du travail dans le sens d’une plus grande flexibilité et d’une forte
modération salariale. Dès le début des années 1990, des mesures de stagnation salariale ont été couplées à
une baisse et une réforme des prélèvements socio-fiscaux au bénéfice des exportateurs allemands. Ces
mesures ont permis à ce pays de gagner en compétitivité-prix notamment par rapport à ses partenaires
européens. L’Allemagne a connu en outre une réforme majeure de son marché du travail, connue sous le
nom des lois Hartz, entre 2003 et 2005. Ces lois ont permis de développer le recours aux contrats précaires
et ont réduit le chômage volontaire en supprimant les « trappes à inactivité » (refonte du système
d’indemnisation du chômage). Le recours massif aux mécanismes de flexibilité externe et interne
(modulation de la masse salariale, polyvalence...) a permis à l’Allemagne de conserver ses emplois
industriels, au prix cependant d’une stagnation du pouvoir d’achat des ménages depuis dix ans et d’une forte
augmentation des inégalités de revenu.
Notons par ailleurs que le lien entre flexibilité du travail et recul du chômage est loin d’être nettement établi.
À titre d’exemple, la flexibilité est à l’origine de coûts cachés pour l’entreprise (problèmes d’adaptation des
qualifications, faible motivation individuelle...). A contrario, la protection de l’emploi sécurise les flux de
revenus futurs ce qui favorise la consommation et donc la résorption de la composante conjoncturelle du
chômage. La nécessité de concilier plus de flexibilité et de sécuriser les parcours professionnels a conduit
au développement de la « flexisécurité », concept qui caractérise en premier lieu le modèle danois.

1
Se reporter sur ce point à la relation d’Okun.

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B. Retenir des emplois sur le territoire français


Portée par la diffusion de l’idéologie libérale à l’échelle mondiale, la mondialisation met en concurrence les
systèmes productifs nationaux. Le renforcement de l’attractivité du territoire français et de la compétitivité de
ses entreprises est une condition indispensable à la création nette d’emplois. Rappelons qu’en France, les
entreprises étrangères contribuent à 20% des dépenses nationales de R&D et emploient près de 2 millions
de salariés, les nouveaux investissements étrangers générant chaque année près de 30 000 emplois
nouveaux.
En France, l’accélération des destructions d’emplois industriels a été concomitante d’une perte de
compétitivité de notre économie. Entre le début de la crise (2008) et la mi-2012, l’industrie a perdu 11% de
ses effectifs. La France est aujourd’hui le pays le plus désindustrialisé de la zone euro. La production
industrielle ne s’est pas remise de la forte contraction observée en 2009 (année de récession), laissant
craindre une réduction importante des capacités industrielles du pays dans de nombreux secteurs d’activité.
Instauré en 2013, le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi – dont l’objectif est de renforcer la compétitivité des
entreprises françaises en réduisant le coût de la masse salariale – est l’une des mesures adoptées par le
gouvernement français afin de lutter contre l’hémorragie des emplois industriels. Le Crédit d’impôt
recherche, la constitution des pôles de compétitivité, la création de la Banque Publique d’Investissement
mais également la réforme des universités françaises constituent d’autres mesures phares, prises en faveur
du renforcement de la compétitivité. Il s’agit pour l’État d’activer les leviers structurels de la croissance,
conformément aux préconisations du courant de la croissance endogène. À l’origine de nombreuses
externalités positives, la stimulation des dépenses de R&D (Romer), les investissements en capital humain
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(Lucas) et dans le capital public (Barro) contribuent à renforcer notre potentiel de croissance.
e
Enfin, la mondialisation libérale de ce début de XXI siècle induit une précarisation des relations de travail
(Rodrick), associée à l’accentuation du dualisme du marché du travail (Doeringer et Piore) ainsi qu’à une
fragilisation des systèmes de protection sociale. C’est dans ce contexte que se pose la question du recours
au protectionnisme. D’après P.-N. Giraud (2011), il est légitime d’instaurer non pas la protection des
industries naissantes (List) ou celles des industries vieillissantes (Kaldor), mais la « protection des morceaux
de chaînes de valeur à fort investissement en capital humain ».

Conclusion

Synthèse Dans un contexte de croissance nulle et d’austérité budgétaire, la France est plus que jamais
confrontée à une obligation de création d’emplois. C’est plus largement une obligation pour la
zone euro, et plus encore pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Depuis 2014, le
taux de chômage recule au sein de l’Union Européenne. Il atteignait, fin 2017, 7,3%. La
situation demeure toutefois préoccupante avec la persistance d’un taux de chômage de longue
durée représentant 46,8% du total des chômeurs de l’Union Européenne.
Thème La croissance verte peut être une arme efficace de lutte contre le chômage sous condition
d’ouverture d’une évolution de qualification de la main-d’œuvre. En réduisant sa dépendance énergétique
(par la substitution des énergies renouvelables aux énergies fossiles importées et
l’amélioration de l’efficacité énergétique), l’Union Européenne pourrait relocaliser sur son
territoire des emplois qui existent pour le moment dans d’autres pays du monde. C’est dans
cette perspective que s’inscrit la Stratégie Europe 2020 qui vise à faire évoluer l’Union
Européenne vers une croissance verte.

THÈMES À APPROFONDIR SUR DES PROBLÉMATIQUES VOISINES

 Mesures actives et mesures passives des politiques de l’emploi.


 Les théories contemporaines du fonctionnement du marché du travail.
 L’efficacité des politiques conjoncturelles en économie ouverte.
 Les spécificités du policy mix au sein de la zone euro.
 Déterminants empiriques et théoriques de la croissance.
 …

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SUJET N°4
L’EFFICACITÉ DE LA REDISTRIBUTION DES REVENUS

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DU SUJET

 Nature du sujet :
Sujet de type « analyse » où la problématique est explicite. Une attention particulière doit être portée au
terme d’efficacité afin de bien cerner la nature de la question posée par le sujet.

 Concepts-clés : la redistribution des revenus, l’efficacité


Redistribution des revenus : mécanisme conduisant à la modification des revenus primaires par le jeu des
prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations sociales) dans le but de réduire les inégalités et
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d’assurer la couverture des risques sociaux.


Efficacité : qualité des actions qui permettent d’atteindre les objectifs fixés. L’efficacité doit être différenciée
de l’efficience qui suppose que les actions engagées permettent d’atteindre les objectifs sans gaspillage de
ressources.
NB : la redistribution des revenus affecte les revenus primaires. Ces derniers correspondent aux revenus perçus
par les agents économiques en contrepartie de leur contribution à l’activité productive. Les revenus
primaires des ménages sont constitués des revenus d’activité et des revenus issus de la propriété.

 Cadre spatio-temporel : non défini. Le sujet sera appliqué aux pays occidentaux qui ont fait l’objet
d’études statistiques approfondies sur la thématique traitée. Une attention particulière sera portée aux
trois dernières décennies marquées par une très forte augmentation des inégalités de revenu dans la
grande majorité des pays occidentaux.

 Pourquoi ce sujet ?
Actualité forte portée par de nombreux ouvrages tels que La prospérité du vice (2009) de Daniel Cohen, Le
e
prix de l’inégalité (2012) de Joseph Stiglitz ou Le capital au XXI siècle (2013) de Thomas Piketty.

 Difficultés du sujet
• Bien connaître les différents circuits et les finalités de la redistribution des revenus.
• Se rappeler que dans les revenus primaires, on distingue les revenus issus de l’activité et ceux résultant
de la propriété (revenus du patrimoine).
• Inscrire le traitement du sujet dans les problématiques d’aujourd’hui (explosion des très hauts revenus,
remise en cause théorique de la justification libérale des inégalités, propositions de réforme des
systèmes fiscaux, réflexion en termes d’inégalités d’opportunités en reprenant la perspective du
développement humain, …).

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PROPOSITION DE TRAITEMENT DU SUJET

Introduction

Accroche Pour chaque euro produit par un agent économique au cours de l’année 2017, 44 centimes
ont été prélevés par les administrations publiques françaises afin d’être redistribués ou
consacrés au financement des biens et services publics. La masse des prélèvements
obligatoires représentent dans les pays européens entre 40% et 50% du Produit intérieur
brut. Parmi les 28 pays de l’Union européenne, on constate que les pays les plus riches ont
les plus hauts niveaux de prélèvements obligatoires et inversement pour les pays les moins
développés. Autorisant la redistribution des richesses créées, les prélèvements obligatoires
ne sont donc pas contradictoires avec le développement économique.
Éléments de Les politiques de redistribution ont pour objectif de réduire les inégalités issues de la
contextualisation répartition primaire des revenus. Ces derniers sont composés des revenus d’activité (les
et définitions salaires notamment) et des revenus issus du capital et/ou du patrimoine (tels que les loyers,
les intérêts ou les dividendes). En dépit de l’ampleur de la redistribution dans la majorité des
sociétés occidentales, les inégalités ont très fortement augmenté dans ces pays depuis plus
de trois décennies.
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Problématique La question qui se pose dès lors est celle de l’efficacité et, ce faisant, de la légitimité de ces
politiques de redistribution eu égard aux objectifs socio-économiques de justice sociale et
d’allocation des ressources. Cette problématique sera appliquée au cas des pays
occidentaux, dans le contexte contemporain de ces trois dernières décennies.
Annonce des Afin de répondre à cette problématique, nous montrerons que les politiques de redistribution
parties des revenus sont à l’origine d’inefficacités économiques qui se traduisent par un gaspillage
nde
de ressources. Dans une 2 partie, il sera démontré que les politiques de redistribution
font face à des enjeux sociétaux auxquels elles peuvent répondre avec efficacité.

I. Parce qu’elles modifient les prix relatifs, les politiques de redistribution des revenus sont
à l’origine d’inefficacités économiques

A. La redistribution des revenus peut être à l’origine d’un gaspillage de ressources


Après une réduction ou une stabilisation durant plusieurs décennies, les inégalités de revenus primaires ont
augmenté dans l’ensemble des pays de l’OCDE à partir des années 1980. Si l’effet final en termes
d’inégalités de revenu disponible reste très variable d’un pays à l’autre suivant l’ampleur des corrections
dues aux revenus de transfert, la tendance reste toutefois au creusement des inégalités. Aux États-Unis,
suite à la réforme fiscale initiée par Ronald Reagan au début des années 1980, les impôts ont fortement
diminué et parallèlement les inégalités ont connu un développement spectaculaire : les 10% des américains
qui ont les revenus les plus élevés reçoivent aujourd’hui 50% du revenu total. Sachant que ce pourcentage
était de 30% à 35% à la fin des années 1990, cela signifie qu’au cours des vingt dernières années, ce décile
supérieur a drainé entre deux tiers et trois quarts des fruits de la croissance. En réalité, c’est le 1% des
revenus les plus élevés qui en a capté la plus grande part, tandis que le revenu de 80% des américains a
stagné depuis le début des années 1980.
Ces inégalités de revenu sont-elles pour autant à corriger ? Dans une perspective libérale, l’existence même
de marchés parfaitement concurrentiels permet de concilier l’efficacité dans l’allocation des ressources et
l’objectif de justice sociale. Les marchés de concurrence pure et parfaite garantissent l’obtention d’un
optimum de Pareto, situation dans laquelle le bien-être collectif est maximisé conformément à la philosophie
utilitariste. En outre, d’après l’économiste Clark, l’équilibre concurrentiel est compatible avec l’objectif de
justice sociale dans la mesure où chaque facteur est rémunéré à hauteur de sa productivité marginale, c’est-
à-dire en fonction de sa contribution à la création de richesse. Les marchés sont conformes au principe de la
justice commutative, basée sur la notion de méritocratie (et résumée par l’adage « à chacun selon ses
mérites »).
A contrario, la redistribution ex-post des revenus est source de gaspillage économique parce qu’elle modifie
le système de prix relatifs auquel sont confrontés les agents et donc leurs décisions. Rappelons que la

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DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

er
redistribution – qui a pour contrepartie les prélèvements obligatoires – s’opère en 1 lieu par le biais de la
protection sociale qui répond à une double logique d’assurance et d’assistance. S’y ajoute la fourniture par
l’État de biens et services financés par la collectivité par le biais de l’impôt (telle que l’éducation publique) ou
l’octroi de subventions visant à diminuer le prix payé par les utilisateurs de certains services (telles que les
subventions accordées à l’enseignement privé). Par extension, il est possible d’associer également
l’ensemble des mesures réglementaires qui agit sur la répartition primaire des revenus en modifiant le
fonctionnement des marchés (exemple : fixation d’un salaire minimum). Les distorsions conséquentes dans
les prix relatifs ne permettent plus à ces derniers de jouer leurs rôles essentiels à savoir l’information,
l’incitation et l’équilibre.

B. Des politiques inefficaces et potentiellement dangereuses


La question de l’efficacité suppose de revenir en premier lieu sur les objectifs traditionnels assignés aux
politiques de redistribution de revenu. Ces derniers sont au nombre de trois : la justice sociale, la protection
sociale et l’efficacité économique. L’objectif de justice sociale est basé sur la réduction des écarts de
revenus et la fourniture de services collectifs (éducation, justice, etc.) Il repose sur l’idée selon laquelle, dans
une société prospère, démocratique et fondée sur l’État de droit, tout individu doit bénéficier d’un revenu
suffisant et de structures publiques lui garantissant l’exercice de ses droits. La protection sociale permet
d’assurer la couverture des individus face aux risques sociaux sans considération de revenu. On parle à ce
propos de redistribution horizontale. Enfin, l’objectif d’efficacité économique se justifie dans la mesure où les
dépenses de transfert contribuent à soutenir la demande globale et ainsi la croissance économique et
l’emploi (optique keynésienne). La redistribution est, dans cette optique, d’autant plus efficace qu’elle permet
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d’accroître les ressources des ménages les plus modestes c’est-à-dire ceux dont la propension marginale à
consommer est la plus élevée. Les libéraux contestent quant à eux l’efficacité des politiques de redistribution
et en soulignent les effets nocifs pour la croissance. Les économistes de l’offre vont notamment dénoncer
l’excès de pression fiscale et de transferts. D’après ces auteurs, les dépenses de transfert (telles que les
minima sociaux) créent des situations de « trappe à inactivité », tandis que l’excès de pression fiscale – en
vertu de la courbe de Laffer – décourage l’activité productive et l’épargne.
Les prélèvements obligatoires grèvent la compétitivité des entreprises (en élevant notamment le coût du
travail) et réduisent l’attractivité des territoires. Une fiscalité élevée (sur les entreprises, l’épargne et/ou les
revenus du travail) freine les flux d’IDE entrants, incite à l’évasion fiscale et peut contribuer à l’émigration des
travailleurs hautement qualifiés.
Les ultra-libéraux contemporains vont plus loin en prônant le retour d’un État minimal. D’après Nozick, la
justice sociale est indissociable de la liberté des échanges. Le principe même d’interventions économiques
ou sociales de l’État ayant une vocation de redistribution est une injustice. La seule intervention légitime de
l’État est celle qui permet le bon fonctionnement des mécanismes du marché.
Pour Hayek, le marché est une forme d’organisation sociale supérieure à toute autre car il est le seul à
garantir la liberté et la justice. A contrario, le recours à l’État pour organiser la société et lutter contre les
inégalités présente un risque constant de dérive vers le totalitarisme.

II. Les politiques de redistribution sont justifiées et peuvent être efficaces

Les inégalités économiques fragilisent la cohésion sociale et freinent la croissance


D’après Stiglitz et Krugman, les inégalités de revenu créées depuis quinze ans par le capitalisme occidental
sont étroitement liées à la mondialisation. Cette dernière expliquerait l’aggravation du chômage, la
stagnation du revenu des classes moyennes associée à des politiques de désinflation salariale, la
multiplication des emplois précaires et la baisse des revenus les plus modestes. Parallèlement, pour une
petite minorité de dirigeants et de rentiers, les revenus ont connu une hausse exponentielle. Dans son
ouvrage Le prix de l’inégalité (2012), J. Stiglitz fait remarquer qu’au cours de ces trente dernières années les
salaires de 90% des américains ont augmenté de 15%, tandis que les salaires du 1% supérieur ont bondi de
150%, et ceux du 0,1% supérieur de 300%. Le cinquième supérieur de la population détient près de 85% de
la fortune des États-Unis.
D’après T. Piketty, l’explosion des très hauts revenus ne serait pas le résultat de la mondialisation. La thèse
e
défendue dans son ouvrage Le capital au XXI siècle (2013) est que la moitié de la progression des
inégalités en faveur des très hauts revenus s’expliquerait par le boom des rémunérations dans la finance.
Les taux de rendement du capital tendent à être durablement supérieurs (du fait de la concurrence fiscale
croissante entre les pays) aux taux de croissance économique, ce qui conduit à des inégalités de patrimoine
mécaniquement croissantes.
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30 COLLECTION TOUT-EN-TÊTE

DISSERTATION ÉCONOMIQUE AUX CONCOURS

Les inégalités de revenu d’activité et de patrimoine ont atteint une telle ampleur qu’elles constituent
aujourd’hui une source majeure d’inefficacité économique, fragilisent la cohésion sociale et constituent une
menace qui pèse sur nos démocraties. D’après J. Stiglitz, trop d’inégalités freinent la croissance, conduisent
à une moindre efficacité économique et une plus grande instabilité. Lorsque la société est profondément
divisée, il est très difficile de parvenir à un consensus politique. Les personnes les plus riches – qui n’ont
guère besoin de services publics et craignent qu’un gouvernement fort ne redistribue les richesses - usent
de leur influence politique pour réduire les impôts et restreindre les dépenses publiques. Cela se traduit par
un manque d’investissement dans les infrastructures, la technologie et l’éducation. Ce déficit
d’investissement public bride la croissance (comme le souligne les théoriciens de la croissance endogène) et
accentue les inégalités en termes d’opportunités. Si les jeunes des familles les plus modestes n’ont
quasiment plus aucune chance d’atteindre leurs potentiels, l’économie gâche l’une des plus importantes de
ses ressources productives. La marginalisation économique d’une frange de la population se double
également d’une marginalisation politique qui mine les systèmes démocratiques. Enfin, il est démontré que
les sociétés très inégalitaires ont une préférence plus forte pour le présent, ce qui constitue un frein
additionnel en termes de durabilité des modèles de croissance.

B. Réorienter les politiques de redistribution des revenus


Nos sociétés européennes ont fait le choix de mettre en commun la moitié des richesses produites chaque
année sous forme d’impôts, de taxes et de cotisations diverses. Étant donné l’ampleur de cette redistribution
des revenus, il est légitime que cette masse de prélèvements soit soumis régulièrement au débat
démocratique. Face au caractère peu redistributif de la fiscalité, de nombreux économistes plaident en
www.scholarvox.com:MDI Alger:859250431:88863979:105.235.139.72:1581253004

faveur d’une refonte du système fiscal. Afin que la démocratie ne soit pas capturée par des petits groupes
détenant une part disproportionnée des revenus et des richesses issues du patrimoine, T. Piketty plaide en
faveur d’un impôt progressif sur le patrimoine privé. L’augmentation des taux marginaux d’imposition sur les
plus hauts patrimoines ne constituerait pas une mesure inédite : à titre d’exemple, les États-Unis avaient
instauré un impôt fédéral sur le capital, avec une tranche marginale d’imposition supérieure qui s’est élevée
en moyenne à plus de 80% de 1930 à 1980.
La pensée libérale a longtemps justifié les inégalités de revenu en s’appuyant sur le principe de la
méritocratie. Cette conception de la justice sociale ne tiendrait plus à l’heure actuelle. La richesse d’une
personne ne dépendrait plus de sa contribution à la société mais de sa capacité à s’accaparer les revenus
des autres, sur le principe de la captation de rente. D’après X. Timbeau et G. Allègre, le développement
d’une économie de rente constituerait l’explication principale du creusement des inégalités de revenu.
D’après ces chercheurs de l’OFCE, les individus les plus riches vont maintenir un niveau élevé de
rendement de leur patrimoine du fait de la multiplication des rentes. Ils notent un renouveau de la rente
foncière liée à une bulle immobilière robuste, mais également des rentes liées aux brevets, aux positions de
monopole (Microsoft, Google, Intel, Facebook…) et à la rareté croissante des matières premières. Sur la
base de ce constat, la réduction des inégalités ne peut s’appuyer uniquement sur un impôt sur le capital,
mais doit s’attaquer aux causes mêmes du rendement excessif du capital telles que construire des
logements ou accroître la contestabilité des situations de monopoles.
Les travaux d’A. Sen vont renouveler les approches en termes de justice sociale et d’efficacité économique
dans la redistribution des ressources. Considérant que « les personnes sont la vraie richesse des nations »,
ce prix Nobel (1998) issu du tiers monde considère que, ce qu’il convient de distribuer de façon équitable, ce
ne sont pas seulement des libertés formelles, des revenus et des ressources, mais des capacités
(capabilities) à choisir un mode de vie qui réponde aux aspirations de l’individu. Ces « capabilités »
correspondent aux possibilités effectives, offertes à un individu, de transformer des ressources en
opportunités pour améliorer ses conditions de vie. Ces possibilités dépendent de nombreux éléments qui
comprennent aussi bien les caractéristiques personnelles de l’individu que l’organisation sociale. L’état de la
santé publique, l’accès à l’instruction sont des éléments fondamentaux de politique publique qui permettent
de promouvoir les « capabilités » humaines. Cette approche en termes de développement humain réhabilite
le rôle de l’État qui – par ses politiques de redistribution des revenus – réduit les inégalités d’opportunités.

Conclusion

Synthèse La problématique de l’efficacité des politiques de redistribution est une question majeure posée
par le développement des systèmes redistributifs dans les pays occidentaux. Les inégalités de
revenu d’activité et de patrimoine ont enregistré une très forte augmentation dans les grands
pays industrialisés. D’après T. Piketty, ces inégalités pourraient revenir vers les niveaux du
e
capitalisme sauvage de la fin du XIX siècle. C’est dans ce contexte que se pose la double
question liée de la légitimité et de l’efficacité des politiques de redistribution des revenus. Une
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