Vous êtes sur la page 1sur 9

La croissance inclusive est fondée sur l'idée selon laquelle la croissance économique est

importante mais pas suffisante pour générer une augmentation durable du bien-être, qui
suppose un partage équitable des dividendes de la croissance entre individus et groupes
sociaux.

Qu’entendez-vous par l’expression « croissance inclusive », notion au centre de vos


derniers podcasts ?
La croissance est inclusive lorsqu’elle permet de réduire les inégalités sociales au sein d’un
pays ou d’un groupe de pays. C’est une approche qui permet de comparer la croissance de
pays développés et émergents. Elle est le résultat d’un modèle qui ne fait pas seulement appel
à une politique de redistribution pour réduire les inégalités sociales, car elle se projette
également dans la durée grâce à un modèle de développement qui associe tous les types de
profils et de compétences. L’inégalité baisse par le biais de la participation à la croissance, à
la création de valeur économique.

Concrètement, comment cela se traduit-il dans les politiques économiques à mener ?


Les politiques économiques doivent viser une croissance sur le long terme suffisamment
importante pour pallier le vieillissement de la population et l’accroissement des frais de santé.
Grâce aux mécanismes de redistribution, la société doit pouvoir aider ceux qui en ont besoin
sur le plan financier, de l’éducation, en proposant des formations en particulier à ceux qui ont
perdu leur emploi. On peut également penser à l’accompagnement de PME, de jeunes
entreprises, de start-ups et au financement de la recherche et le développement pour stimuler
l’innovation. La prise de risques financiers doit être rémunérée parce qu’elle encouragera les
investissements dans des entreprises qui créeront de la valeur et permettront de maintenir les
talents dans le pays pour s’y développer.

Est-ce l’accroissement des inégalités sociales qui fait de la croissance inclusive une
nécessité ?
Au niveau macroéconomique, plusieurs constats indiquent en effet un accroissement des
inégalités sociales. La part des revenus générés allouée au facteur travail, c’est-à-dire aux
salaires, a tendance à baisser depuis des années. Or, une grande partie de la population dépend
de son salaire pour vivre et n’a pas ou peu de revenus financiers, alors qu’en parallèle, la prise
de risques financiers est mieux rémunérée, à en juger par exemple la hausse de Wall Street.
Cette évolution est liée à la mondialisation et au développement technologique. De
nombreuses entreprises ont connu de fortes croissances générant beaucoup de création de
valeur pour les actionnaires, parfois dans des pays lointains (le phénomène de la
mondialisation) ou bien dans de nouveaux types d’activité (le phénomène du développement
technologique). En outre, on a pu observer une pression sur les emplois et salaires
intermédiaires.

Y a-t-il d’autres facteurs de déséquilibre ?


Le changement climatique est aussi un facteur clé qui affecte d’abord les pays émergents,
dans la mesure où le secteur agricole est important dans leur structure économique. Leur
productivité est particulièrement touchée en cas de sécheresses ou d’inondations, réduisant la
capacité d’investissement du pays, avec un impact négatif sur la croissance et la productivité.
Il est essentiel d’intégrer ces disparités entre pays dans la politique d’aide au développement
afin de rendre les pays émergents plus résilients.
Comment les États perçoivent-ils la nécessité d’une croissance économique inclusive ?
De plus en plus de pays prennent en compte le concept d’inclusion. L’on peut notamment
citer l’Australie, l’Italie, les Pays-Bas, l’Écosse, la Suède… En France, la loi du 13 avril 2015
impose au gouvernement de présenter dans son rapport annuel des indicateurs économiques,
sociaux et environnementaux mais aussi des données relevant du bien-être. Les législations
donnent l’impulsion pour provoquer une prise de conscience et faire évoluer les
comportements.

Quels sont les États les plus avancés sur le sujet ?


La Norvège, l’Islande, le Luxembourg, la Suisse, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas,
l’Irlande, l’Australie ou encore l’Autriche arrivent en tête du rapport annuel du Forum
économique mondial de Davos. Ces résultats tiennent compte d’indicateurs de croissance et
de développement – à savoir le PIB/habitant, la productivité, le niveau d’emploi, l’espérance
de vie – et également des critères liés à l’inclusion – comme le revenu médian des ménages,
les inégalités de revenus, le taux de pauvreté ou encore l’endettement du secteur public, qui ne
doit pas peser sur les générations futures.

Par William De Vijlder, Directeur de la Recherche Economique du Groupe BNP


Paribas, défend un modèle inclusif de croissance économique bénéficiant à chacun et
respectant l’environnement. Explications.

Croissance inclusive: un nouveau paradigme sociétal ?

« Une croissance inclusive est essentielle pour restaurer la confiance du public dans la
capacité des institutions démocratiques, des avancées technologiques et de l’intégration
économique internationale de soutenir un renforcement du progrès social et du bien-être pour
tous. »

Introduction

Comme l’ont illustré le vote sur le brexit au Royaume-Uni, l’élection de Donald Trump aux
États-Unis, ou encore le mouvement des « gilets jaunes » en France, le populisme et le
mécontentement populaire ont gagné du terrain dans les économies avancées ces dernières
années. Au rang des divers facteurs régulièrement mis en avant pour expliquer ces évolutions
figure la dégradation de la répartition des revenus et des richesses. En effet, si les inégalités au
niveau mondial ont eu tendance à se réduire au cours des dernières décennies, elles se sont
globalement renforcées à l’intérieur des pays, les revenus des plus nantis s’étant accrus bien
plus rapidement que ceux du reste de la population. L’accentuation des inégalités a ravivé le
débat concernant le rythme, le profil et la répartition de la croissance économique. Dans ce
contexte, le concept de « croissance inclusive » a fait son apparition à la fin des années 2000.
Il désigne, de manière générale, l’idéal selon lequel chacun devrait avoir la possibilité de
contribuer à l’augmentation de la prospérité ainsi que d’en bénéficier.

I.DE LA « RECHERCHE DE CROISSANCE » À LA « CROISSANCE INCLUSIVE »


La croissance économique correspond à la croissance du produit intérieur brut (PIB) en
volume, qui fait partie des indicateurs économiques les plus étroitement surveillés. Il en va
ainsi depuis les années 1950, époque où les systèmes de comptes nationaux ont
progressivement été mis en place. Parallèlement, la croissance économique, en tant
qu’objectif politique, a été de plus en plus critiquée ces dernières années. Des voix se sont
élevées pour demander que l’accent soit mis sur le « bien-être de la population » plutôt que
sur la « production économique » (Stiglitz et al., 2009) et que la croissance devienne plus
inclusive (OCDE, 2019).

Qu’est-ce que le PIB ?

Le PIB est la somme de la valeur monétaire de tous les biens et services finaux produits et
échangés contre de l’argent durant une période donnée, généralement une année. La valeur de
la production dans une économie (fermée) correspondant à la rémunération des facteurs de
production, le PIB mesure également la somme des revenus distribués par une économie. Or,
puisque toute la production doit être achetée par quelqu’un, la valeur de la production doit
être égale aux dépenses totales de la population.

Le PIB est une mesure pertinente de l’activité économique…

Le PIB est une synthèse de l’activité économique d’un pays sur une période donnée et sa
croissance fournit des informations sur la position de l’économie dans son cycle. Combinée à
d’autres indicateurs économiques, tels que l’inflation et les statistiques sur l’emploi, et compte
tenu de paramètres structurels, comme la démographie, la croissance du PIB donne aux
décideurs politiques des signaux quant à la nécessité de brider ou, au contraire, de stimuler
l’activité économique.

…mais il n’est pas approprié pour juger du progrès social

À l’échelle mondiale, le niveau de développement économique d’un pays et le niveau de vie


moyen de sa population sont corrélés, mais la croissance du PIB ne doit pas être assimilée à
un renforcement du bien-être ou du progrès social, et ce pour plusieurs raisons :

(1) Premièrement, toutes les composantes du PIB ne contribuent pas au bien-être : le PIB
enregistre comme des réalisations positives certaines activités économiques néfastes pour le
bien-être et ne tient pas compte des externalités négatives.

(2) Deuxièmement, de nombreux éléments concourant au bien-être ne sont pas inclus dans le
PIB : les loisirs, la qualité de l’air, les niveaux de santé et d’éducation, les activités exercées
en dehors du marché, telles que les tâches ménagères, le bénévolat, etc.

(3) Troisièmement, le PIB ne prend pas en considération les inégalités : le PIB par habitant
correspond au revenu moyen de la population, mais les revenus peuvent être répartis de façon
très inégale entre les citoyens.

Rendre la croissance économique inclusive


Au cours des deux dernières décennies, des initiatives et des évolutions statistiques destinées
à mieux mesurer le bien-être de la population se sont fait jour, aux niveaux tant national
qu’international. Bon nombre d’universitaires, de décideurs politiques, d’organisations sans
but lucratif et d’institutions internationales se sont attelés à relever les défis qui se posent.
Parmi ceux-ci, la répartition des revenus et des richesses a bénéficié d’une attention
particulière ces dernières années. Ce regain d’intérêt pour l’une des plus anciennes
problématiques économiques tient précisément à la hausse des inégalités ces dernières
décennies, de même qu’à l’émergence, dans la littérature, d’un consensus selon lequel les
inégalités tendent à réduire le rythme et la durabilité de la croissance économique. Dans ce
contexte, les appels en faveur d’une croissance plus inclusive ont sensiblement gagné en
importance.
Comment définir le concept de croissance inclusive ?
Compte tenu de la diversité des acteurs qui utilisent ce terme, il n’existe pas de définition
unique d’une « croissance inclusive », mais le concept désigne, de manière générale, l’idéal
selon lequel chacun devrait avoir la possibilité de contribuer à l’augmentation de la prospérité
ainsi que d’en bénéficier. La notion d’inégalité qu’il englobe est multidimensionnelle. Elle
inclut les inégalités d’opportunité, d’accès à l’éducation, à l’emploi, au financement ou au
système judiciaire, ainsi que de résultats, en ce compris les disparités en matière de revenus et
de richesses, mais aussi les différences de niveau d’éducation, d’état de santé et de conditions
d’emploi. Elle couvre les questions environnementales, de même que l’équité
intergénérationnelle.
Ces dernières années, la croissance inclusive s’est retrouvée au cœur du débat politique dans
plusieurs régions du monde. Des institutions de premier plan, telles la Banque mondiale, la
Commission européenne, l’OCDE, le FMI et le Forum Économique Mondial, ont élevé la «
croissance inclusive » au rang de nouvel objectif politique et adopté diverses initiatives visant
à la favoriser.

II.L’INCLUSION DANS LES ÉCONOMIES AVANCÉES : ÉTAT DES LIEUX


La mesure de la croissance inclusive s’étend sur un large spectre d’indicateurs, qui reflètent
son caractère multidimensionnel. En se concentrant sur une sélection de valeurs-clés, l’article
met en lumière plusieurs résultats et tendances majeures pour les économies avancées.
Creusement des inégalités de revenus
Graphique 1 : Indice GINI
(Revenu disponible par équivalent-adulte, 0 = égalité parfaite ; 100 = inégalité parfaite)
Grafiek 1: GINI-index
Source : Standardized World Income Inequality Database

Au cours des dernières décennies, les inégalités de revenus, telles que mesurées par le
coefficient de GINI[1],[2], se sont accrues dans la plupart des économies avancées[3]. Leur
aggravation a toutefois suivi des schémas différents en termes d’ampleur et de rythme selon
les pays. Les inégalités se sont par exemple renforcées bien plus significativement au
Royaume-Uni et aux États-Unis que dans la plupart des autres pays riches. En France, par
contre, elles ont eu tendance se réduire par rapport aux années 1970, tandis que, en
Allemagne, elles se sont surtout amplifiées dans les années 2000. En Belgique, les inégalités
ont progressé entre 1980 et 1995, mais sont demeurées globalement stables et
comparativement basses depuis lors.
Un premier élément pouvant expliquer la hausse des inégalités de revenus est le déclin de la
part des revenus du travail par rapport à celle allouée au capital. La relation entre la part des
revenus du travail et l’inégalité est en effet négative dans de nombreuses économies avancées,
notamment en raison d’une répartition hautement inégale des richesses.
Deux développements majeurs sont susceptibles d’y avoir contribué : premièrement, une
évolution structurelle au profit d’une économie à plus forte intensité capitalistique, et
deuxièmement, une baisse du pouvoir de négociation des travailleurs (OCDE, 2012). Cette
dernière peut être attribuée à différents facteurs, y compris (a) la mondialisation, qui a
renforcé la concurrence entre travailleurs au niveau international, (b) les évolutions
technologiques et le remplacement de la main-d’œuvre par des machines, (c) les politiques sur
le marché du travail, qui ont accru la flexibilité mais ont réduit la protection des travailleurs
ou le salaire minimum, (d) les privatisations dans les industries de réseau depuis les années
1990 et (e) le recul de l’affiliation syndicale, ainsi que de la couverture des conventions
collectives (ibid.).

[1] Le coefficient de Gini est une mesure étendue de l’inégalité reposant sur la comparaison
des proportions cumulatives de la population et des proportions cumulatives de revenus
qu’elles reçoivent. Il varie entre 0, dans le cas d’une égalité parfaite, et 100, dans le cas d’une
inégalité parfaite. Dans le présent article, le coefficient de Gini est basé sur le revenu
disponible des ménages (après impôt et transferts) par équivalent-adulte.
[2] Bien qu’harmonisées, ces statistiques doivent être interprétées avec prudence. La mesure
des revenus (tant du travail que du capital) est en effet particulièrement compliquée et
toujours imparfaite. Ces données proviennent d’enquêtes et peuvent ne pas toujours refléter la
situation exacte des individus.

[3] Il convient de souligner que les inégalités en matière de revenu disponible sont
nettement inférieures aux inégalités de marché. Cela est particulièrement vrai dans l’UE, où
les systèmes de redistribution sociale sont très développés par rapport à d’autres parties du
monde, comme les États-Unis.

Graphique 2 : Part des revenus et part du patrimoine des 10 % les plus aisés1

(2012 ou dernière année disponible)

Grafiek 2: Inkomens- en vermogensaandeel van de rijkste 10 %


Source: OCDE.

1 Le revenu fait référence au revenu disponible des ménages et le patrimoine fait référence
au patrimoine net privé des ménages (corrigé pour tenir compte de la taille du ménage).

Polarisation accrue de l’emploi

Un second élément permettant d’expliquer l’inégalité grandissante au niveau des revenus est
une augmentation plus rapide de la rémunération du travail dans la partie supérieure de la
distribution que dans la partie inférieure. Le recul de la part des revenus du travail est en effet
allé de pair avec une distribution plus polarisée de ceux-ci, combinant une hausse de la part
octroyée aux revenus plus élevés et une baisse de celle octroyée aux revenus plus faibles.
Pareille polarisation des salaires dans les économies avancées reflète un glissement de la
demande de main-d’œuvre vers les travailleurs plus qualifiés et ayant un niveau d’études
supérieur.

Ces développements s’expliquent à la fois par les évolutions technologiques et par la


mondialisation. Le progrès technologique a favorisé la demande de profils hautement
qualifiés, alors que les tâches « de routine », qui étaient généralement effectuées par des
travailleurs moyennement qualifiés, ont été automatisées ou délocalisées vers des pays à plus
faibles salaires (Breemersch et al., 2019). La concurrence accrue de ces pays dans les
industries de basse ou de moyenne technologie a accentué les pressions sur les emplois à
salaire moyen, en particulier depuis que la Chine est devenue membre de l’OMC en 2001.

Outre la mondialisation et les évolutions technologiques, les défaillances en matière de


concurrence, de même que le recul de la capacité redistributive de l’État ont également été
cités comme des facteurs sous-tendant le renforcement des inégalités dans les économies
avancées (OCDE, 2017).

Le risqué de pauvreté a augmenté chez les travailleurs

Une autre évolution frappante observée ces dernières années est la progression du
pourcentage de travailleurs à risque de pauvreté[1]. Cette hausse s’est essentiellement
produite après la crise économique et financière mondiale de 2008-2009. En 2017, à peu près
un dixième (9,5 %) des personnes occupant un emploi âgées de 18 à 64 ans présentaient un
risque de pauvreté après transferts sociaux, alors que la proportion s ’élevait à un douzième
(8%) en 2006. Parmi les facteurs ayant contribué à l’incapacité des travailleurs d’obtenir un
revenu décent, on trouve les réformes sur le marché du travail, en ce compris la baisse du
revenu minimum et un accès plus limité aux allocations de chômage. La pauvreté au travail
est demeurée relativement stable et maîtrisée en Belgique, mais le taux d’emploi y est
également faible par rapport à la plupart des autres États membres de l’UE.

Un écart intergénérationnel croissant

La crise financière mondiale de 2008-2009 et la crise de la zone euro qui s’en est suivie ont
pesé davantage sur les jeunes générations, renforçant ainsi un fossé intergénérationnel déjà
existant en termes tant de pauvreté que d’inégalité. Le risque de pauvreté pour les jeunes de
16 à 24 ans dans l’UE27 est passé de 19,9 % en 2008 à 22,7 % en 2017. En revanche, ce
risque s’est sensiblement réduit pour les personnes âgées, revenant de 18,9 % en 2008 à 14,9
% en 2017. En Belgique, le recul du risque de pauvreté pour ces dernières peut être attribué à
plusieurs facteurs, notamment au relèvement des pensions de retraite les plus basses, à
l’instauration d‘un revenu garanti pour les personnes âgées et à des droits à pension plus
élevés pour les femmes, en raison de leur taux d’activité plus important pour la génération
partant actuellement à la retraite (Frère, 2016). Quant à la progression significative du risque
de pauvreté pour les jeunes générations, elle tient vraisemblablement en partie aux récentes
réformes du régime des allocations de chômage et, plus particulièrement, à la diminution des
allocations d’insertion.
[1] Le taux de pauvreté correspond à la part des personnes occupant un emploi qui vivent
avec moins de 60 % du revenu disponible médian des ménages.

Graphique 3: Le risque de pauvreté a augmenté pour les jeunes, mais s’est réduit pour les
personnes âgées

(part de la population vivant avec moins de 60 % du revenu disponible médian, pourcentages)

Grafiek 3
Source: Eurostat

De manière plus générale, les tendances divergentes au niveau du risque de pauvreté reflètent
un accroissement des inégalités de revenu entre les générations dans l’UE depuis le milieu des
années 2000 (Chen et. Al., 2018). Alors que le revenu disponible médian équivalent de la
population en âge de travailler – après impôts et transferts – a globalement stagné depuis la
crise, il a augmenté d’environ 10 % pour les personnes âgées.

Le reste de l’article met l’accent sur cinq faits majeurs liés à l’inclusion au sein des économies
avancées : (1) le fossé en termes de revenus entre les genres est resté significatif, (2) les
personnes nées à l’étranger et leurs enfants disposent de moins d’opportunités, (3) les
bénéfices en termes de santé ont été remarquables, mais répartis de manière inégale, (4) la
qualité de l’air s’est améliorée mais demeure à des niveaux nocifs, et (5) les disparités entre
les régions de l’UE et, dans une moindre mesure, entre les pays, se sont creusées.

Conclusion

La polarisation a eu tendance à se renforcer dans les économies avancées au cours des


dernières années. Le recul de la part des revenus du travail combiné à une progression des
disparités des revenus du travail se sont traduits par une concentration des revenus au sommet
de la distribution. Dans le même temps, le pourcentage de travailleurs menacés de pauvreté
s’est accru, en particulier parmi les jeunes, qui ont payé le tribut le plus lourd des récentes
crises. Le risque de pauvreté pour les personnes âgées, en revanche, s’est sensiblement réduit
dans la plupart des pays. Des écarts importants subsistent entre les populations en ce qui
concerne les dimensions non monétaires du bien-être, en ce compris en matière d’emploi,
d’éducation et de santé.

Les principaux facteurs à l’origine de ces évolutions incluent la mondialisation et le progrès


technologique, qui ont favorisé la concurrence entre les travailleurs au niveau international et
ont fait glisser la demande de travail au profit des personnes hautement qualifiées dans les
économies avancées. Une diminution de la capacité redistributive de l’État a également été
mentionnée comme moteur du renforcement de l’inégalité.

La Belgique figure parmi les pays où le niveau des inégalités, de même que l’écart salarial
entre hommes et femmes, sont les plus contenus. Le risque de pauvreté pour les travailleurs
est également bas, bien que les taux d’emploi soient comparativement faibles. En revanche, il
ressort qu’en Belgique les immigrés et leurs enfants manquent d’opportunités, que le niveau
d’éducation constitue un déterminant significatif de l’espérance de vie et que la pollution de
l’air est assez élevée.

Les multiples dimensions de l’inégalité sont étroitement liées et tendent à s’alimenter


mutuellement. Il importe, en particulier, de corriger les inégalités en matière d’opportunités,
car celles-ci ont non seulement des conséquences défavorables et potentiellement durable
pour les générations actuelles, mais pèsent également sur les perspectives économiques
futures. L’accessibilité et la qualité de l’enseignement sont essentielles à cet égard.

À plus long terme, la promotion d’une croissance plus inclusive dans les économies avancées
sera confrontée à des défis majeurs, parmi lesquels (1) l’innovation et les évolutions
technologiques, qui sont essentielles pour améliorer le niveau de vie mais qui peuvent
également laisser des personnes à la traîne ; (2) le vieillissement de la population, qui devrait
peser sur la croissance future du revenu par tête et pourrait également renforcer les tensions
distributives ; (3) la poursuite de l’intégration économique mondiale, qui offrira de nouvelles
opportunités mais continuera d’engendrer des coûts pour différents segments de la
population ; et (4) le changement climatique ainsi que les autres préoccupations
environnementales, qui vont inévitablement générer des coûts et des opportunités qu’il
convient de répartir équitablement entre les citoyens.

Ces défis sont très importants et y répondre de manière adéquate nécessitera tant
l’approbation que la coopération de l’ensemble de la population. Les frustrations sociales
actuelles relatives à la répartition des bénéfices de la croissance économique devraient être
prises au sérieux afin de rétablir la confiance du public dans la capacité des institutions
démocratiques, des avancées technologiques et de l’intégration économique internationale de
soutenir un renforcement du progrès social et du bien-être pour tous.

Vous aimerez peut-être aussi