QU E S T ION S & R É P ON S E S C L I N IQ U E S

Comment utiliser la technique de la table dissociative

de Fraser pour contacter et travailler avec les parties
émotionnelles de la personnalité ?
Kathleen M. Martin
Rochester, New York, Etats-Unis

Cet article de questions et réponses cliniques répond à une question concernant la technique à utiliser
pour aborder et identifier les états du moi dans le travail sur le trauma complexe. La procédure de mise
en œuvre de la technique de la table de dissociation de Fraser est expliquée et détaillée en 8 étapes
clairement définies. L’auteur s’appuie sur les instructions originales de Fraser et ajoute plusieurs innova-
tions pour une utilisation par les thérapeutes EMDR. Elle apporte des conseils pour la mise en œuvre de
la technique. L’article se termine ensuite sur la transcription d’une séance pour illustrer l’utilisation de
ce puissant outil.

Mots-clé : désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) ; partie émotionnelle
de la personnalité (PE) ; partie apparemment normale de la personnalité (PAN) ; table dissociative ;
lieu de rencontre.

Q
uestion : J’ai lu qu’il était important de tra-
vailler avec les états du moi dans le travail sur le
trauma complexe. Quel est la meilleure technique
d’identification des états du moi ? Et comment s’en sert-on ?
REPONSE :
Identifier et travailler sur les parties émotionnelles de
la personnalité (PE ; van der Hart, Nijenhuis & Steele,
2010) est essentiel quand on travaille sur le trauma
complexe et la dissociation. Les PE de la personnalité
sont comme des réseaux neuronaux isolés portant en
eux les informations stockées de façon inadaptée. Ces
PE vivent dans le “temps du trauma” : lorsqu’elles
sont activées, elles vivent les affects, les cognitions
négatives, les comportements, les processus de pen-
sée, les impulsions à agir, etc., qui sont stockés dans
les traumas non soignés et ne sont en général pas
c­ orrectement orientés dans le temps au début du trait-
ement. Ces PE contribuent à l’instabilité du ­patient
et à la répétition de ses comportements inadaptés
et de ses croyances négatives à son propre égard.
Il est nécessaire d’aborder et d’identifier ces parties,
de communiquer et de travailler avec elles, avant de
­pouvoir retraiter efficacement le trauma.
Une façon simple mais efficace d’identifier ces par-
ties de la personnalité est d’utiliser la table dissociative
de Fraser (Fraser, 1991, 2003). C’est un outil indispens-
able aux cliniciens travaillant sur le trauma complexe.
Il doit être utilisé au sein du cadre plus large d’une
­approche orientée par phases du traitement du trauma
complexe et de la dissociation. L’utilisation de cet outil
implique que le clinicien possède une bonne connais-
sance du traitement des troubles dissociatifs (Fraser,
1991, 2003; Paulsen, 2009). Si vous débutez dans le
travail sur les parties internes de la personnalité et la

This article originally appeared as Martin, K. M. (2012). Clinical Q & A: How to Use Fraser’s Dissociative Table Technique to
Access and Work With Emotional Parts of the Personality. Journal of EMDR Practice and Research, 6(4), 179–186. Translated
by François Mousnier-Lompré.

Journal of EMDR Practice and Research, Volume 7, Number 4, 2013 E87

© 2013 EMDR International Association http://dx.doi.org/10.1891/1933-3196.7.4.E87
dissociation, il est essentiel que vous vous formiez et
suiviez des supervisions avec un clinicien expérimenté
dans l’utilisation de cette technique autant que dans
le diagnostic et le traitement des troubles dissociatifs.
Employer cette technique trop tôt et avec des patients
souffrant de troubles dissociatifs importants, en par-
ticulier le trouble dissociatif de l’identité, peut poser
problème. On ne soulignera jamais assez l’importance
d’être correctement supervisé lorsqu’il s’agit de tra-
vailler avec cette population.
Cette technique se décline en huit étapes. Je vais les
détailler en vous donnant des instructions spécifiques
et des conseils sur leur mise en œuvre.
La phase 2 du protocole EMDR standard est gé-
néralement le moment où un clinicien EMDR pourra
introduire la technique de la table dissociative de
Fraser. Dans cette phase préparatoire de retraitement
du trauma, la table dissociative aide à stabiliser le pa-
tient en organisant et en donnant sens à son expérience
interne. A mesure qu’on aborde et qu’on identifie les
parties de la personnalité, le travail consistant à les
aider à comprendre leurs rôles, leurs fonctions, leurs
interrelations et ainsi de suite, aide la partie adulte de
la personnalité (partie apparemment normale de la
personnalité ou PAN; van der Hart et al., 2006) à avoir
plus de compréhension et de compassion à l’égard des
PE. Des techniques d’orientation dans le temps sont
fréquemment utilisées autour de la table ; elles ren-
forcent encore la stabilisation. Ce travail préparatoire,
autour de la table de dissociation, améliore l’efficacité
de la phase 4 du retraitement du trauma.
Si la table n’est pas introduite en phase 2, elle l’est
parfois quand la phase 4 de retraitement du trauma a
été piratée par une partie émotionnelle qui fait sortir le
patient de sa fenêtre de tolérance. Aucune intégration
de matériel traumatique ne peut avoir lieu lorsque le
patient est hypoactivé ou hyperactivé. Obtenir l’accès
aux parties émotionnelles dans cet état peut aider le
clinicien à évaluer la situation et à travailler directe-
ment avec la ou les parties qui nécessitent un travail
de stabilisation, avant de revenir au retraitement du
trauma.
Une fois la table introduite, elle peut être utilisée
pour faciliter la clôture des séances incomplètes et
pour aider à vérifier l’expérience interne du patient au
début de la séance suivante. La table peut être un lieu
de négociation entre les parties concernant ce qui sera
abordé pendant la séance, quelles parties doivent être
présentes pour ce travail et pour identifier les besoins
de stabilisation. Par exemple, une question souvent
posée autour de la table avant de revenir à la phase 4
de retraitement du trauma, est la suivante : ­“Qu’est-ce
qui pourrait vous aider à garder en mémoire que c’est
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bien sûr un souvenir que nous sommes en train de
travailler et non sur quelque chose qui se produit en
ce moment ?”
La table dissociative est un processus en huit étapes :
Etape 1 : Psychoéducation et introduction
Pour commencer, informez le patient sur le processus.
L’introduction peut normaliser le fait que les gens
aient en eux des “parties”. Ça ne signifie pas que
les gens avec des parties ont un trouble dissociatif
­important. Ne faites pas l’erreur de diagnostiquer
chez quelqu’un un trouble dissociatif important si des
parties sont identifiées au cours de ce processus. Il ne
s’agit pas d’un outil de dépistage de la dissociation,
mais d’un outil d’identification et de communication
avec des fragments non cicatrisés du moi qui sont
­encore enfermés dans le “temps du trauma”.
Voici un script typique permettant d’informer et
d’introduire le patient au processus :
Il nous faut trouver un moyen de communi-
quer avec tous les différents aspects de votre
personne. Tout le monde a des “parties” ou des
“facettes” du moi. Ces parties se disputent la
première place et contribuent aux sentiments
conflictuels et aux luttes chroniques dont vous
souffrez. Vous avez déjà entendu des phrases
comme : “Une partie de moi se sent triste et
une autre est en colère” ou “D’un côté je veux
ceci, mais d’un autre côté je veux cela.” Ça ne
signifie pas que vous avez des personnalités
­multiples. Ça signifie seulement que vous vivez
des expériences internes conflictuelles. Ce serait
utile d’identifier ces différentes factions en vous-
même pour nous aider à résoudre les difficultés
que vous voudriez résoudre. Etes-vous d’accord
pour essayer ?
Etape 2 : vérifiez que votre patient est
capable de visualiser
D’après Fraser, les personnes qui ne savent pas visualiser
ne peuvent pas utiliser cette technique (communi-
cation personnelle, G. A. Fraser, 30 octobre 2009).
La plupart des gens sont capables de visualiser,
mais vous en rencontrerez quelques-uns qui n’y
­arrivent pas. Si vous avez déjà développé et installé
un lieu sûr, vous savez que votre patient est capable
de visualiser et cette étape est donc réglée. Si vous
n’avez pas installé un lieu sûr ou développé d’autres
compétences d’imagerie mentale pour obtenir un
apaisement et une stabilisation, prenez le temps de le
faire. Si votre patient n’est pas capable de visualiser,
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Martin
 il vous faudra modifier le reste de cette technique en
éliminant toutes les instructions de visualisation et
les ­remplacer par des instructions lui demandant de
répertorier les différents aspects du moi.
Etape 3 : installez votre patient dans un
état calme
Dans ses articles, Fraser n’en faisait pas une étape dis-
tincte (Fraser, 1991, 2003). Il ne donnait l’étape
précédente que pour vérifier que votre patient est ca-
pable de visualiser en utilisant son imagination pour
s’apaiser. Si cela a marché, le patient est entré dans
un état calme. Dans la formation EMDR de base, les
cliniciens EMDR sont formés à administrer la tech-
nique du lieu sûr en phase 2 du protocole EMDR
standard (Shapiro, 2001). Ils développent et installent
donc un lieu sûr avec leurs patients en début de trait-
ement. Je recommande de le faire avant d’envisager
la table dissociative avec un patient. Pour pouvoir
évaluer la possibilité d’employer la table dissociative,
les thérapeutes doivent être sûrs que leur patient sait
se calmer et se mettre à l’abri des perturbations. Cela
permet également d’établir que le patient sait visu-
aliser, ce qui complète donc l’étape 2 de la technique
de la table dissociative de Fraser. Donc, lorsque le
moment est venu d’utiliser la table de dissociation,
l’étape 2 a déjà été effectuée. Mais il est encore
nécessaire d’amener votre patient à un état calme,
et j’ai donc ajouté ceci en tant qu’étape distincte.
Demandez simplement à votre patient de se rendre
dans l’image du lieu sûr, de respirer calmement ou
d’utiliser toute autre technique de relaxation qu’il
apprécie. Un état de calme intérieur diminue la ré-
sistance de la partie adulte (PAN) aux PE et accroît
l’accord des PE pour être présentes et participer. Si
le patient est activé et poussé vers du matériel stocké
de façon dysfonctionnelle, la technique sera plus dif-
ficile à mettre en œuvre, car moins de parties seront
disposées à venir à la table. Vous devrez d’abord
travailler à désactiver la détresse avant de pouvoir
revenir à l’identification des parties.
Etape 4 : développez l’imagerie de la
table/du lieu de rencontre
Fraser demande à son patient de développer l’imagerie
d’une table intérieure. Ses instructions sont :
maintenant, j’aimerais que vous quittiez votre
lieu calme et que vous imaginiez une pièce avec
une table. Cette pièce est agréable et vous y êtes
complètement en sécurité. La table, dans cette
pièce, est une table spéciale. Elle peut être aussi
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Comment utiliser la technique de la table dissociative de Fraser pour contacter et travailler avec les parties émotionnelles de la personnalité?
grande ou petite que vous le désirez, avec le nom-
bre exact de chaises qu’il vous faut. Faites-moi
savoir quand vous avez l’image de cette table.
Il se peut que certains patients soient déclenchés par
l’image d’une table. Si cela vous inquiète, donnez des
instructions plus générales et nommez cet espace
“lieu de rencontre”. On s’écarte des instructions de
Fraser, mais cela m’a paru très utile dans certains cas.
Voici une suggestion de script :
maintenant, j’aimerais que vous quittiez votre
endroit calme et que vous imaginiez un lieu de
rencontre où tous les différents aspects de vous-
mêmes peuvent venir se rassembler. Faites de ce
lieu un endroit confortable et agréable. Ce lieu
de rencontre possède exactement le nombre
parfait de places assises. Quand vous avez ce lieu
de rencontre à l’esprit, dites-le moi.
Il est déconseillé de combiner le lieu sûr du patient
avec l’image de la table dissociative/le lieu de ren-
contre. Les patients ayant un trauma complexe
ont généralement besoin de davantage de capaci-
tés d’auto-apaisement et, si la table de dissociation
a habituellement un effet stabilisateur, beaucoup
de questions difficiles seront abordées autour de
la ­table/dans ce lieu de rencontre. Il est important
de ne pas contaminer le lieu sûr afin que le patient
puisse y faire appel en cas de besoin.
Etape 5 : rendez l’imagerie plus vivante
Cette étape est un autre ajout de ma part aux direc-
tives de Fraser. Les cliniciens EMDR sont formés,
lorsqu’ils développent et installent le lieu sûr avec
leurs patients, à en rendre l’imagerie vivante et à
s’assurer qu’elle ne sera pas contaminée par des in-
formations stockées de façon inadaptée. Je me suis
rendu compte que ce processus est extrêmement
précieux lorsque l’on développe la table dissociative
avec les patients. Je demande simplement au patient
de décrire l’image et je lui demande : “Est-ce que
c’est une table/ un lieu de rencontre nouveau pour
vous ?” Je veux m’assurer qu’ils ont bien l’image
et qu’il n’y a pas dans ce lieu d’intrusion d’images
d’une table ou d’un lieu de rencontre associés à des
souvenirs déplaisants. Par exemple, si l’image est
celle d’une salle de réunion, au travail, où la pati-
ente a subi du harcèlement, ou la table de la cuisine
où les violences avaient lieu lorsque le patient était
enfant, demandez-lui de développer une nouvelle
image plus neutre. La même chose s’applique si
l’image du lieu de rencontre englobe l’image du
lieu sûr précédemment installée. Demandez au
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 patient de développer une image séparée, afin que
l’image du lieu sûr reste disponible pour revenir au
calme.
Etape 6 : conviez la partie adulte du moi à
entrer dans l’imagerie et à prendre sa place
Demandez à la partie adulte du moi d’imaginer qu’elle
entre dans la pièce et qu’elle regagne sa place à table.
Voici un script classique :
maintenant, j’aimerais que vous imaginiez que
vous entrez dans cette pièce et que vous prenez
votre place à table. Quand vous êtes installé,
faites-le moi savoir.
Si vous utilisez le concept de lieu de rencontre au lieu
d’une table, voici une autre suggestion de script :
maintenant, j’aimerais que imaginiez que vous
entrez dans ce lieu de rencontre. Trouvez la
place qui vous convient parfaitement. Quand
vous êtes installé, dites-le moi.
Des cliniciens ont demandé pourquoi nous ne faisons
pas s’asseoir le patient en bout de table. Je pense que
c’est trop directif et que cela revient peut-être à im-
poser les idées du thérapeute sur la façon dont cette
table devrait être installée, au lieu de laisser le patient
installer la table de la manière qui reflète le mieux
son expérience intérieure. La simple donnée clinique
de l’endroit où a va s’asseoir la PAN par rapport aux
PE est une information précieuse. Il est donc pré-
férable de ne pas limiter les instructions pour laisser
le patient faire son expérience personnelle.
Etape 7 : invitez les parties émotionnelles
à entrer dans l’imagerie
Voici un script typique :
maintenant, j’aimerais que vous invitiez tous
les divers aspects, les diverses parties de vous-
même, à entrer dans cette pièce/ce lieu de ren-
contre et à s’asseoir. Observez-les pendant qu’ils
entrent. S’ils ne peuvent pas venir à la table,
peut-être se tiennent-ils le long des murs de la
pièce ou dans une salle/un lieu de rencontre
­adjacent. Quand ils sont tous présents, dites-moi
ce que et qui vous voyez.
La phrase “ce que et qui vous voyez” est un ajout de
ma part aux instructions de Fraser. J’ai trouvé cela
très utile parce que, dans les traumas complexes,
il peut y avoir des PE qui ne sont pas humaines.
Il peut y avoir des ombres, des extraterrestres,
des animaux, des monstres, des trous noirs, du
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brouillard, des démons, des couleurs, des éclairs,
etc. L’esprit est créatif face à son besoin de gérer le
matériel qui le submerge. Quand vous demandez
“ce que et qui vous voyez”, cela donne au patient
la permission de dévoiler ces parties du moi qui,
­sinon, pourraient être négligées.
Etape 8 : recueillez les informations
cliniques
Commencez à recueillir les informations cliniques sur
(a) qui est présent ; (b) les noms ; (c) les fonctions ;
(d) les âges ; (e) les alliances et les phobies entre les
parties ; (f ) le degré d’orientation temporelle ; (g) le
degré de conscience mutuelle entre les parties, etc.
Prenez des notes. Il vous faudra vous souvenir des
noms et des âges pour pouvoir vous accorder aux
parties. Certains thérapeutes dessinent la table/le
lieu de rencontre sur leur carnet de notes et placent
les noms et les informations concernant les par-
ties autour de la table dans l’ordre qui représente la
­description donnée par le patient. Certains cliniciens
le dessinent sur un tableau blanc et prennent une
photo qu’ils ajoutent au dossier du patient. D’autres
utilisent des bacs à sable ou d’autres objets théra-
peutiques pour aider le patient à communiquer ces
informations cliniques. On peut comparer cela à une
réunion de famille interne. Utilisez vos compétences
en thérapie familiale.
Fraser avait été formé à la thérapie des états du
moi et à l’hypnose. Il a donné de nombreuses tech-
niques d’hypnose à utiliser autour de la table pour
aider les diverses PE à rester stables. Parmi ces tech-
niques, on trouve l’utilisation de conteneurs, d’écrans
de ­projection, de projecteurs pour faciliter la commu-
nication, etc. Vous pouvez consulter ses articles pour
plus de détails.
Voici quelques conseils supplémentaires que j’ai
appris à travers ma propre mise en œuvre de cette
technique et les supervisions que j’ai données à de
nombreux thérapeutes qui la pratiquaient. D’abord,
dans l’introduction, ne donnez pas à votre patient
d’exemples de parties d’autres personnes ou de ce que
pourraient être leurs parties. Ce n’est pas le ­moment
de leur suggérer qu’ils ont peut-être en eux un ­petit
enfant et un adolescent en colère. Votre objectif
est de permettre à votre patient d’explorer de façon
authentique sa propre expérience intérieure. Ces pa-
tients peuvent avoir l’impression d’être “fous”, et si
vous organisez cette “folie” pour eux, ils peuvent se
sentir soulagés à l’idée de n’être pas “aussi fous que
cela” et se conformer à votre liste de parties plutôt
que d’explorer leur propre paysage interne personnel.
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Martin
 La première fois que vous utiliserez la technique de
la table dissociative avec un patient, il est possible que
vous ne réussissiez pas à identifier les parties émotion-
nelles de sa personnalité. Si cela se produit, évaluez-en
les raisons. Peut-être avez-vous suggéré quelles parties
pourraient être autour de la table au cours de votre
introduction, ce qui aura limité la capacité de votre
patient à se tourner vers l’intérieur et à explorer cette
expérience interne de façon authentique. Une autre
raison peut être la résistance du patient à aborder
ces informations. C’est le plus souvent ce qui arrive.
Si c’est le cas, revenez à d’autres stratégies de stabilisa-
tion et réintroduisez la table lorsque vous sentez que
votre patient y est mieux préparé. Parfois, un patient
est si fermé à ses expériences internes ou si phobique
d’elles que la technique de la table ne sera pas efficace
tant qu’il ne sera pas mieux stabilisé.
Dans les cas de troubles dissociatifs importants
(trouble de dépersonnalisation [DD], trouble disso-
ciatif non spécifié [DDNOS], ou trouble dissociatif de
l’identité [DID]), toutes les PE ne seront pas présentes
lors de la première utilisation de la table. Votre com-
pétence n’est pas en cause. Cela dépend de la force
des résistances et des phobies entre les parties (van
der Hart et al., 2010). Avec les progrès de la stabilité,
davantage de parties seront présentes. Veillez à vous
faire superviser par une personne expérimentée dans
la prise en charge de ces populations cliniques.
L’image de la table peut changer au cours du
temps. De même, les parties présentes à la table
peuvent changer à mesure que se développe la con-
science mutuelle ou que les parties s’intègrent. J’ai des
­patients qui ont progressivement modifié leur ­image
d’une table, et sont passés à des réunions dans un
jardin, à un grand lit tout chaud, ou à une prairie mag-
nifique, à un banc sous un arbre, etc. Les variations et
les changements qui représentent une stabilisation et
une intégration, ou, au contraire, une déstabilisation
et une fragmentation plus grandes, sont importants
sur le plan clinique.
Certains patients apporteront autour de la table
des représentations des êtres qui leur sont chers, en
provenance de leur vie extérieure. Par exemple, des
parents, des grands-parents et/ou des époux, des
épouses et des enfants. Parfois, un patient placera le
thérapeute à la table. Si ces représentations sont sta-
bilisantes, c’est très bien. Toutefois, le clinicien doit se
montrer très attentif aux réactions internes des par-
ties à ces représentations. Parfois, ces représentations
sont des ressources utilisées par le patient pour se sta-
biliser et ne font pas partie de son système d’action de
défense (van der Hart et al., 2010). D’autres fois, ces
représentations sont des introjections de membres de
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 7, Number 4, 2013
Comment utiliser la technique de la table dissociative de Fraser pour contacter et travailler avec les parties émotionnelles de la personnalité?
famille violents ou d’autres agresseurs ; ils provien-
nent par conséquent du système de défense et sont
des PE, parfois appelées parties protectrices, parties
persécutrices ou parties imitant l’agresseur. Toutes
les parties doivent être accueillies, mais les parties-
ressources n’ont pas besoin du traitement dont les PE
ont besoin.
Parfois, un patient n’invitera autour de la table que
des personnes extérieures qui lui sont chères. Si cela se
produit, évaluez-en la raison. Peut-être votre patient
n’a-t-il pas compris l’introduction. Peut-être votre
patient est-il trop phobique pour cette technique à
ce moment. Si vous pensez que la première raison
s’applique, présentez à nouveau la table et demandez-
lui de retourner en lui-même pour voir si des facettes
de son moi interne peuvent apparaître. Encore une
fois, ne donnez pas d’exemple de ce que pourraient
être ces parties. Si le patient ne peut accéder à des
PE internes, alors cessez d’utiliser cette technique et
remettez-la à plus tard, lorsque vous pensez que ce
sera cliniquement approprié.
Les thérapeutes demandent fréquemment si on se
sert des stimulations d’attention double dans ce tra-
vail. Je ne les utilise pas lors du processus d’installation
de la table. Cependant, j’utilise des stimuli d’attention
double après que la table a été installée, pour inté-
grer des ressources et les bénéfices du traitement.
Ces ­bénéfices sont par exemple une plus grande com-
passion envers une partie ; le développement d’une
conscience mutuelle, d’une empathie et d’une coo-
pération supportables entre les parties ; l’établissement
d’une orientation temporelle correcte ; une réduc-
tion de l’activation ; la compréhension qu’une partie
méprisée a été créée par la personnalité tout entière
pour gérer le matériel traumatique ; une prise de con-
science ou une information adaptée qui se connecte,
etc. Dans ces conditions, les stimuli d’attention dou-
ble sont analogues aux séquences plus lentes et moins
fréquentes qu’on utilise dans le développement et
l’installation de ressources. L’objectif est de mettre en
évidence ou d’installer le bénéfice du traitement, non
de commencer à retraiter les informations stockées de
façon inadaptée.
Il se peut que vous vous sentiez mal à l’aise les pre-
mières fois que vous administrerez cette technique, en
particulier si vous n’êtes pas déjà expérimenté dans le
travail avec les PE. Votre niveau de confort augment-
era à mesure que vous l’emploierez. Et souvenez-vous
de vous faire superviser pour tous vos patients,
mais particulièrement avec ceux qui présentent des
troubles dissociatifs importants. Il y a énormément
d’informations à prendre en compte et autant de
possibilités que le traitement aille de travers. Il est
E91
impératif de travailler avec un superviseur spécialisé
dans ces troubles.
Retranscription d’une table de dissociation
Le dialogue qui suit est une retranscription d’une table
dissociative avec un patient masculin. Vous remarqu-
erez que toute la communication avec les PE se fait
entièrement à travers la PAN. Les PE n’ont pas le con-
trôle exécutif, d’où la nécessité de parler par le biais
de la PAN. Les commentaires reflétant les pensées du
thérapeute sont en italique. Vous remarquerez que le
clinicien est toujours attentif à la fenêtre de tolérance
et veille à garder toutes les parties à l’intérieur de cette
fenêtre pour maintenir la stabilité du patient.
Thérapeute : Seriez-vous d’accord pour chercher
une façon de communiquer avec les différentes
parties de vous-même ? Je sais que vous n’avez pas
ce qu’on appelle une personnalité multiple. Mais
nous avons tous plusieurs facettes de nous-mêmes.
Je suis certain que vous connaissez la phrase : “d’un
côté je ressens ceci, mais d’un autre côté je ressens
cela” ou “une partie de moi de moi veut faire ceci;
mais une autre partie de moi crie : Non !” ou “une
partie de moi est triste mais une autre partie de
moi a horreur d’être triste.” Nous avons tous ces
différentes facettes, ces différents fragments. Avoir
la possibilité de discuter et de négocier avec ces
parties peut être d’une grande aide. Voulez-vous
essayer ? (Cela termine l’étape 1.)
Patient : Oui.
Thérapeute : D’accord. Commençons. (Le lieu sûr
avait été installé préalablement, je savais donc que
ce patient était capable de visualiser, ce qui met fin à
l’étape 2.) Je voudrais que vous preniez quelques
grandes respirations, pour revenir à un état plus
calme et plus détendu. (J’observe le calme s’installer
en lui. C’est tout à fait visible. L’étape 3 est maintenant
terminée.) Bien. Maintenant, je voudrais que vous
imaginiez une pièce spéciale. La pièce est agréable
et rien ne peut vous faire de mal dans cette pièce.
Dans cette pièce, il y a une table spéciale. Cette
table peut être aussi grande ou petite que néces-
saire, avec autant de chaises que vous le désirez.
Quand vous avez l’image de cette pièce avec une
table, faites-le moi savoir.
Patient : OK.
Thérapeute : Pouvez-vous me décrire cette image ?
(Je veux m’assurer que le patient a l’image et que c’est
une table qui ne sera pas contaminée par des informa-
tions stockées de façon inadaptée. Etape 5.)
Patient : Oui. C’est une grande salle de conférence.
La table est au milieu. Il y a beaucoup d’espace
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pour circuler autour. Il n’y a pas beaucoup de
chaises.
Thérapeute : Avez-vous déjà vu cette table avant ?
Patient : Non. Je ne l’ai jamais vue avant. C’est
comme une grande salle de conseil.
Thérapeute : Bien. Maintenant, entrez dans cette
pièce et trouvez l’endroit où vous vous sentez le
mieux. Installez-vous. Faites un signe quand vous
y êtes. (Etape 6.)
(Après une vingtaine de secondes, le patient hoche la tête.)
Thérapeute : Bien. Maintenant, je veux que vous
invitiez les différentes parties de vous-même dans
cette pièce spéciale. Invitez-les à prendre place.
Si elles ne peuvent pas s’asseoir à la table, peut-
être peuvent-elles s’asseoir ou se tenir debout le
long d’un mur de la pièce ou dans une pièce adja-
cente. Regardez-les entrer et prendre leur place.
Quand elles sont là, dites-moi qui et ce que vous
voyez. (Etape 7.)
Patient : (Une minute passe ... La suite de cette transcrip-
tion correspond à l’étape 8.) Je suis assis au centre.
A ma droite se trouve l’Etudiant Diplômé, une
expression sombre sur le visage. A ma gauche est
assis l’enfant de dix ans. A côté de lui, il y a un
­enfant plus jeune. Je pense qu’il doit avoir quatre
ans. Oui, quatre ans. C’est ça. Il porte même un
bavoir. A côté de lui se trouve quelqu’un de très
flou. Presque comme s’il était derrière un voile.
Il y a un espace immense entre lui et l’Etudiant
Diplômé. Il a peur de l’étudiant. (Je veux identifier
autant de parties que possible avant de commencer à
aborder leurs phobies mutuelles.)
Thérapeute : Y a-t-il quelqu’un d’autre autour de la
table, ou ailleurs dans la pièce, ou dans les pièces
voisines ?
Patient : Oui. Il y a l’Ado, appuyé contre un comp-
toir. Celui-là ne veut rien avoir à faire avec
personne.
Thérapeute : Quelqu’un d’autre ?
Patient : J’entends pleurnicher un petit quelque part,
mais je ne sais pas où il est. Je ne le vois pas. Il a
l’air lamentable. Thérapeute : Personne d’autre ?
Patient : Non. C’est tout.
Thérapeute : Je voudrais remercier toutes ces parties
de venir nous rencontrer autour de cette table ou
dans cette pièce. S’il y en a d’autres, elles peuvent
nous rejoindre à n’importe quel moment. Elles
aussi sont les bienvenues. (Toujours supposer que, si
certaines parties n’ont pas été identifiées ou ne sont pas
présentes, elles sont quand même à l’écoute. Le thérapeute
doit toujours garder une attitude respectueuse, accueil-
lante et curieuse envers toutes les parties.) Maintenant,
essayons d’en apprendre davantage sur ces parties.
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 7, Number 4, 2013
Martin
 Commençons par l’Etudiant Diplômé. Il vous est
familier ? (J’ai commencé par l’étudiant, parce que c’est
la première partie que le patient a identifiée.)
Patient : Oh oui. C’est lui qui me fait aller au t­ ravail
tous les jours. C’est celui qui pense que si on
s’arrête, les gens vont penser qu’on fait vraiment
n’importe quoi. L’Etudiant Diplômé n’est pas
heureux. Il est sombre. Il fait claquer le fouet.
Personne n’aime l’Etudiant Diplômé. L’Etudiant
Diplômé ne s’amuse jamais. L’Etudiant Diplômé
travaille tout le temps et ne s’amuse jamais.
Thérapeute : L’Etudiant Diplômé a-t-il envie de dire
quelque chose ?
Patient : L’Etudiant Diplômé n’aime pas ce qu’on
fait. Il pense que nous devrions faire quelque
chose de plus productif. L’Etudiant Diplômé est
assis là, les mains repliées sur sa poitrine, avec un
air sombre et dégoûté. Cela rend certaines autres
parties nerveuses.
Thérapeute : (Le patient est à l’intérieur de sa fenêtre
de tolérance, je peux donc continuer. Je veux rencontrer
l’Etudiant Diplômé en reconnaissant l’importance de
son travail avant de passer à la rencontre avec les autres
parties.) OK. Je pense qu’il est très utile que vous
puissiez voir l’Etudiant Diplômé et les autres.
Je veux remercier l’Etudiant Diplômé pour sa
présence ici. Je pense qu’il est ici pour de bonnes
raisons et nous allons découvrir ces raisons au fur
et à mesure. Peut-on passer à celui qui se trouve à
votre gauche – le garçon de dix ans ?
Patient : Celui qui a dix ans pense que tout va bien.
Celui qui a dix ans ne pense qu’à faire des tours
de magie et du vélo. Celui qui a dix ans ne veut
énerver personne. Il veut seulement que les gens
s’entendent.
Thérapeute : D’accord. A-t-il quelque chose à dire ?
Patient : Non.
Thérapeute : OK. Je veux remercier le garçon de dix
ans d’être à cette table. Peut-on passer à celui qui a
quatre ans ?
Patient : C’est un pleurnichard. Celui qui a quatre
ans est toujours sur le point de pleurer. L’Etudiant
Diplômé déteste celui qui a quatre ans et le fusille
du regard.
Thérapeute : Celui qui a quatre ans a-t-il quelque
chose à dire ?
Patient : Non. Celui qui a quatre ans veut que
l’Etudiant Diplômé arrête de le fusiller du regard.
Celui qui a quatre ans pense qu’il a fait quelque
chose de mal.
Thérapeute : (Je veux être prudente et ne pas activer la
phobie entre ces parties pour le moment ; je passe donc
aux autres parties.) Merci. Je tiens aussi à remercier
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 7, Number 4, 2013
Comment utiliser la technique de la table dissociative de Fraser pour contacter et travailler avec les parties émotionnelles de la personnalité?
le petit garçon de quatre ans d’être ici. Peut-on
passer à celui qui se trouve à gauche de celui qui a
quatre ans, celui qui est très flou ?
Patient : (Le patient s’agite et commence à parler,
puis s’arrête, plusieurs fois. Il semble que le patient
est ­toujours dans la fenêtre de tolérance mais qu’il
s’approche du bord.) Non. L’Etudiant Diplômé vient
de se lever et le petit garçon de quatre ans s’est
mis à pleurer.
Thérapeute : L’Etudiant Diplômé va-t-il quelque part ?
Patient : (après quelques secondes) Non. Il est
­simplement debout et il pose sur ce côté de la
table un regard très sombre.
Thérapeute : Savez-vous ce qui a activé l’Etudiant
Diplômé ? Peut-être pouvez-vous le lui demander.
Patient : Oh, je n’ai pas besoin de le lui demander.
L’Etudiant Diplômé ne veut pas voir de morveux
pleurnichard traîner dans les parages. L’Etudiant
Diplômé est très clair là-dessus.
Thérapeute : OK. Votre psyché m’informe que ce
n’est pas le moment d’entrer en contact avec celui
qui est flou. Sommes-nous d’accord pour dire
que celui qui est flou peut être autour de la table
mais que nous n’essaierons pas de communiquer
avec lui tout de suite ? (Mon intention est de main-
tenir l’Etudiant Diplômé à l’intérieur de la fenêtre de
tolérance.)
Patient : Oui. C’est mieux. L’Etudiant Diplômé reste
sur ses gardes mais les choses sont maintenant un
peu moins tendues autour de la table.
Thérapeute : Bien. Celui qui est flou est là pour une
bonne raison et je veux remercier toute la psyché
de tolérer sa présence à la table. Nous compren-
drons au fur et à mesure toutes les raisons pour
lesquelles celui qui est flou doit être autant sur
ses gardes. Comment l’Etudiant Diplômé va-t-il
­maintenant ?
Patient : L’Etudiant Diplômé est toujours debout
mais il n’est plus prêt à bondir.
Thérapeute : Bien. L’Etudiant Diplômé a-t-il
­entendu que je ne suis plus en train de poser de
question concernant celui qui est flou ? (Je veux
développer une alliance avec l’Etudiant Diplômé.)
Patient : (Marque une pause, pendant qu’il travaille
en interne.) L’Etudiant Diplômé veut que vous
soyez prudente.
Thérapeute : Comment l’Etudiant Diplômé veut-il
que je sois prudente ?
Patient : (Fait une pause pendant qu’il est en travail
interne) L’Etudiant Diplômé veut que vous vous
teniez à l’écart de celui-là. L’Etudiant Diplômé a
déjà assez de boulot à essayer de le contrôler et il
ne veut pas que vous lui compliquiez son travail.
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Thérapeute : Merci à l’Etudiant Diplômé pour cette
information. Je serai prudente. Je promets que je
ne chercherai plus à entrer en contact avec celui
qui est flou aujourd’hui. Est-ce que l’Etudiant
Diplômé est d’accord avec ça ?
Patient : (Fait une autre pause, toujours en travail
interne) Oui. Mais vous feriez mieux de tenir
votre parole. L’Etudiant Diplômé se tiendra sur
ses gardes.
Thérapeute : Oui. Je tiendrai parole et j’ai appris
quelque chose de très important sur votre expéri-
ence intérieure. Je tiens à remercier toute votre
psyché pour avoir toléré ce qui vient de se passer.
Comment l’Etudiant Diplômé va-t-il maintenant ?
Patient : L’Etudiant Diplômé se détend encore un peu.
Thérapeute : L’Etudiant Diplômé peut-il se déten-
dre suffisamment pour se rasseoir ? Je tiendrai ma
promesse.
Patient : Oui. C’est mieux.
Thérapeute : Je tiens à faire savoir à l’Etudiant
Diplômé que je pense que ses efforts pour
empêcher les autres de s’activer doit être une
tâche très difficile. Et j’imagine que ce travail a
commencé il y a longtemps et que ça devait être
tout à fait nécessaire. J’aurais besoin d’avoir plus
de conversations avec l’Etudiant Diplômé à propos
de cette tâche difficile à mesure que nous avance-
rons, mais, pour l’instant, je voudrais passer à
l’adolescent. Est-ce possible ?
Patient : (Fait une pause, en travail interne) Oui.
Thérapeute : Dites-m’en davantage sur l’Ado. Y a-t-il
quelque chose que l’Ado aimerait dire ?
Patient : L’Ado n’a pas été dérangé par ce qui vient
de se passer. L’Ado pense qu’on est une bande de
tarés, il veut seulement qu’on en finisse. L’Ado
envoie toujours balader l’Etudiant Diplômé et il
pense que le morveux geignard doit simplement
grandir. L’Ado s’occupe de ses affaires, c’est tout.
Thérapeute : Je veux remercier l’Ado de nous avoir
rejoints. Maintenant, il y a une partie de plus.
Celui que vous n’arriviez pas à voir, mais seule-
ment à entendre.
Patient : (s’agite de nouveau)
Thérapeute : Est-ce que ce que vous êtes en train
de vivre est semblable à ce que vous avez ressenti
avec celui qui est flou ? (Mon hypothèse était que
l’Etudiant Diplômé était activé, mais je voulais en être
certaine.)
Patient : C’est clair ! L’Etudiant Diplômé est de
­nouveau debout, le visage tout rouge.
Thérapeute : Votre psyché vient de me donner des
informations très importantes et je veux tous vous
remercier pour cela. Vous êtes en train de me
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dire que ce n’est pas le moment d’entrer en con-
tact avec cette partie. Mon interprétation est-elle
­correcte ?
Patient : Oui.
Thérapeute : Pouvons-nous faire quelque chose
pour apaiser l’inquiétude que je viens de créer ?
Patient : Vous pouvez promettre à l’Etudiant
Diplômé que vous ne referez plus jamais ça.
Thérapeute : Je peux promettre à l’Etudiant Diplômé
qu’aujourd’hui je ne poserai plus de question sur
cette partie. Est-ce que ça conviendrait à l’Etudiant
Diplômé ? (Aujourd’hui, je vais dans le sens de la pho-
bie de l’Etudiant Diplômé, parce que je tiens à garder
mon patient à l’intérieur de sa fenêtre de tolérance, mais
je ne me créerai pas d’ennui en lui promettant de ne plus
jamais travailler avec cette partie.)
Patient : L’Etudiant Diplômé veut que vous promet-
tiez pour toujours.
Thérapeute : J’apprends à quel point le travail que
fait l’Etudiant Diplômé est important. Je peux
promettre à l’Etudiant Diplômé que si j’entre de
nouveau en contact avec cette partie, j’essaierai
de le faire d’une manière qui soit acceptable pour
l’Etudiant Diplômé. Sommes-nous d’accord pour
dire que je n’entrerai plus en contact avec cette
partie aujourd’hui ?
Patient : L’Etudiant Diplômé est d’accord mais il
se méfie de vous. Il ne sait pas s’il peut vous faire
confiance.
Thérapeute : Ça me paraît juste. Je m’attends à ce
que l’Etudiant Diplômé garde un œil sur moi
et c’est ainsi que cela doit être. Et je veux remer-
cier l’Etudiant Diplômé de travailler avec moi.
Je pense que nous trouverons des moyens de le
faire correctement. Pouvez-vous me dire quelle
est l’humeur générale autour de la table et dans
cette pièce spéciale ?
Patient : L’Ado vient de dire : “Finalement,
l’Etudiant Diplômé a trouvé son égal.” Les autres
sont un peu méfiants et l’Etudiant Diplômé a l’air
d’un petit enfant qu’on a grondé, mais il va sur-
vivre. Il est un peu troublé en ce moment. (C’est
une information clinique importante. Il faut que je
développe encore l’alliance avec l’Etudiant Diplômé, et
si j’explorais le point de vue de l’Ado, cela pourrait ré-
activer l’Etudiant Diplômé. Par ailleurs, nous arrivons
à la fin de la séance et je veux commencer à la clore.)
Thérapeute : L’Etudiant Diplômé a-t-il besoin de
quoi que ce soit en ce moment ?
Patient : Que voulez-vous dire ?
Thérapeute : Y a-t-il quelque chose qui pourrait
aider l’Etudiant Diplômé à se sentir mieux, plus
calme ?
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 7, Number 4, 2013
Martin
Patient : Quand nous serons retournés au travail,
nous irons bien. (Mon patient peut se servir du travail
de façon addictive.)
Thérapeute : Oui. Je sais ça. Mais je me demande si
nous pouvons aider l’Etudiant Diplômé à être un
peu plus calme, avant de retourner travailler.
Patient : Comment ?
Thérapeute : Et si nous utilisions l’image du lieu calme
sur laquelle nous avons travaillé il y a plusieurs
­semaines et que nous invitions l’Etudiant Diplômé
et toutes les autres parties qui le pourront, à se
retrouver dans cette image ? Est-ce que l’Etudiant
Diplômé serait d’accord pour essayer cela ?
Patient : Oui. Mais n’insistez pas pour que les autres
parties soient là.
Thérapeute : OK. Je suis d’accord. Pouvons-nous
nous rendre maintenant dans cette image calme ?
(Le patient acquiesce.) OK. Allez dans la montagne.
Sentez l’air frais, écoutez le calme. Ressentez le
plaisir d’avoir atteint le sommet après tout l’effort
que vos muscles ont accompli. Laissez le calme et
ce plaisir de la montagne pénétrer votre corps et
votre expérience intérieure et voyez si l’Etudiant
Diplômé peut le ressentir aussi. Si une autre par-
tie désire également ressentir cette tranquillité,
il n’y a pas de problème, mais j’aimerais particu-
lièrement que l’Etudiant Diplômé voie s’il en est
­capable. (Je donne au patient le temps de se plonger
dans cette image et j’observe la relaxation grandir dans
son corps et sur son visage.)
Parce que nous avions peu de temps, j’ai mis fin
convenablement à cette séance. Cependant, il est clair
qu’il faudra encore travailler avec l’Etudiant Diplômé
avant de pouvoir travailler avec les autres parties. Il est
évident que l’Etudiant Diplômé est le garant que ce
matériel traumatique ne remonte pas à la conscience.
Développer une alliance de travail avec l’Etudiant
Diplômé est donc la priorité.
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 7, Number 4, 2013
Comment utiliser la technique de la table dissociative de Fraser pour contacter et travailler avec les parties émotionnelles de la personnalité?
Résumé
La technique de la table dissociative en huit étapes est
un moyen simple et efficace d’aborder et d’identifier
les parties internes de la personnalité. La table/le lieu
de rencontre sert de forum pour communiquer et
travailler avec les parties tout au long du traitement.
De façon générale, cette technique est un outil indis-
pensable dans la boîte à outils de tous ceux qui tra-
vaillent avec des traumas complexes. Et n’oubliez pas
de vous faire superviser lorsque vous travaillez avec
des patients présentant des troubles dissociatifs. Cette
technique, simple mais très puissante, doit être utili-
sée au sein d’un traitement orienté par phases pour
produire de bons résultats.
Références
Fraser, G. A. (1991). The dissociative table technique: A strat-
egy for working with ego states and dissociative disorders
and ego-state therapy. Dissociation, 4(4), 205–213.
Fraser, G. A. (2003). Fraser’s “Dissociative table technique”
revisited, revised: A strategy for working with ego states
in dissociative disorders and ego-state therapy. Journal of
Trauma and Dissociation, 4(4), 5–28.
Paulsen, S. (2009). Looking through the eyes of trauma and
dissociation: An illustrated guide for EMDR therapists and
clients. Washington, DC: Bainbridge Institute for Inte-
grative Psychology.
Shapiro, F. (2001). Eye movement desensitization and repro-
cessing: Basic principles, protocols, and procedures (2e éd.).
New York, NY: Guilford Press.
van der Hart, O., Nijenhuis, E., & Steele, K. (2010). Le Soi
hanté : dissociation structurelle et traitement de la trau-
matisation chronique. Bruxelles : De Boeck
Toute correspondance concernant cet article peut être
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