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II- La mollesse des réformes entreprises pour une effectivité de la démocratie participative

La participation citoyenne à la gouvernance appelle un volontarisme constamment renouvelé


de la part des autorités publiques. Alors, en dépit même du fait que les réformes entreprises
sont inconsistantes (A), on peut aussi noter une exploitation relativement faible des
potentialités du numérique pour rendre effectif la participation citoyenne à la gouvernance des
affaires publiques (B).

A : L'inconsistance des réformes entreprises pour l'effectivité de la démocratie participative

La démocratie représentative n'est plus le porteur d'une légitimité à même d'emporter le


consentement des populations relativement aux actions publiques prises pour prendre en
charge leurs besoins. D'où cet engouement pour la démocratie participative. Pour cause, elle
est censée être un palliatif aux insuffisances de la démocratie représentative. Cependant, son
effectivité dépend d'abord du volontarisme des autorités publiques à travers les réformes
qu'elles posent. Par suite, l'on constate une certaine inconsistance des réformes entreprises
pour rendre effectif la démocratie participative au Sénégal.
Elle ne se décrète pas la participation citoyenne, elle doit se traduire en actes dans les
différents échelles de la gouvernance publique : de l'épicentre étatique à l'échelle la plus basse.
Cependant, au nombre des entraves à la démocratie participative, la principale, mais la moins
prise en compte, demeure le défaut d'outillage technique des citoyens enfin de les mettre au
diapason des enjeux de l'heure, mais aussi de les permettre d'avoir un minimum de
connaissances en gouvernance publique suivant les différents domaines et modalités de son
déploiement ( finances publiques, économie, santé, environnement, éducation etc. ). Ainsi,
c'est une panoplie d'insuffisances qui retardent la mise en œuvre d'une démocratie
participative effective.

D'abord, relativement à cette entrave liée au défaut d'outillage des citoyens sur les enjeux
de gouvernance, elle doit polariser les premières réformes ou dispositifs inclus dans les
réformes entreprises dans le but de permettre aux citoyens d'avoir des informations sur les
tenants et les aboutissants des thèmes autour desquels s'articulent la consultation citoyenne
dans le processus décisionnel. En effet, pour donner son avis, ses impressions, sa pensée sur
une question donnée, il faut savoir d'abord de quoi il est question. Ce volet constitue le premier
marqueur du volontarisme des autorités publiques pour la mise en œuvre d'une démocratie
participative concrète et pertinente parce que toute décision, quelle qu'elle soit, appelle une
information sincère et complète. Par suite, pour éviter de retomber dans les revers de la
démocratie représentative du fait d'un défaut criard d'information des masses sur les enjeux
politiques que Philippe Converse avait noté dans une de ses enquêtes menées dans le tournant
des années 40, il est impératif de rendre les populations au parfum des politiques
publiques( Cognitions, auto-habilitation et pouvoirs des « citoyens » ,Daniel Gaxie, Dans Revue
française de science politique 2007/6 (Vol. 57) , pages 737 à 757 ) . Cela est plus nécessaire
dans un pays en développement comme le Sénégal où le niveau d'éducation est faible
nonobstant les progrès constatés. Ainsi, pour renchérir, dans un sondage effectué par le
Consortium pour la recherche économique et sociale sur les Impôts et taxes au Sénégal en
2022, " plus de trois quarts (77%) des adultes Sénégalais estiment qu’il est « difficile » ou « très
difficile » de se renseigner sur les impôts et taxes qu’ils sont tenus de payer au gouvernement".
Et ce constat sur le déficit d'information des citoyens est la règle au Sénégal. Alors, même si on
peut remarquer un volontarisme affiché avec le code des collectivités territoriales de 2013 qui
garantit le droit à l'information est avec la possibilité d'avoir communication à ses frais des
procès verbaux des budgets et des comptes, il est à noter que le fait que ce code soit
inaccessible à cause de la barrière linguistique rend le dispositif presque inopérant, ou du
moins, faiblement opérant.

Par ailleurs, même lorsque les citoyens participent au moyen des mécanismes existants
( concertation, négociation ), les avis formulés sont, pour ne pas dire jamais, rarement pris en
compte par les décideurs publics sans parler de la place résiduelle accordée à la participation
citoyenne si l'on sait que "pas plus de cinq (5) articles consacrés à la participation sur trois cent
trente deux (332) ma paraît très peu ( PARTICIPATION CITOYENNE AU SENEGAL. Biram Owen’s
Ndiaye , page 3 ). Ainsi, il paraît nécessaire d'approfondir la participation citoyenne par la mise
en œuvre de nouveaux mécanismes de participation tout en renforçant leur efficacité en
obligeant l'autorité publique de se conformer aux avis formulés à la suite des consultations et
des négociations.

En outre, malgré cette inconstance des réformes, l'exploitation du numérique offre des
perspectives d'avenir qui pourront pourront permettre de faire de la démocratie participative
une réalité au Sénégal .

B : L'exploitation relativement faible des potentialités du numérique pour l'approfondissement


de la démocratie participative

Dans quasiment tous les pays de l'OCDE ( l'organisation de coopération et de


développement économique ), l'inclusion des nouvelles technologies de l'information et de la
communication dans la gouvernance publique fait partie intégrante des réformes ayant permis
la modernisation de l'Etat pour que ce dernier puisse résoudre les problèmes de gouvernance
grâce à l'association des citoyens dans les processus décisionnels. À l'inverse de ce qui se passe
dans ces pays, les pays en développement, à des degrés variables, peinent encore à associer le
citoyen dans la gouvernance publique au moyen du numérique pour à la fois légitimer l'action
publique, mais aussi pour la rendre plus efficace. Ainsi, au Sénégal, en dépit des nombreuses
réformes entreprises en ce sens, il est à noter un retard dans la prise en compte du numérique
dans l'action publique. Ceci est dû à manque de volontarisme des gouvernants et à un défaut
de démocratisation de l'accès au numérique pour les populations, notamment rurales qui en
sont presque totalement exclues. Qu'on se rappelle ces propos du premier ministre français,
Jean-Pierre Raffarin, qui déclarait que les technologies de l'information et de communication
"sont un moyen formidable de faire tomber les murs trop nombreux que comporte encore la
société française, de donner la parole à ceux qui ne l'ont pas; elles contribuent également à
instaurer de nouvelles relations entre le citoyen et l'administration ou les élus " ( Allocution
faite le 12 novembre 2002 lors de la présentation du Plan RE SO 2007 ). Cette phrase met en
exergue toutes les potentialités qu'offrent le numérique aux États pour donner un nouveau
souffle à leurs démocraties : rendre effectif l'accès à l'information, permettre aux citoyens " de
demander compte à tout Agent public de son administration" comme me proclame l'article 15
de la déclaration de 1789, mais plus important encore, associer le citoyen à la prise de décision
pour légitimer l'action publique. Mais pour en arriver à l'e-gouvernance, l'Etat devra sortir de sa
zone de confort pour engager les réformes qu'il faut parce que l'administration est souvent
réfractaire aux changements.

Par ailleurs, en dépit discours discours souvent volontaristes prononcés par les plus hautes
autorités du pays, le Sénégal peine encore à faire du numérique le bras séculier de la
modernisation de l'Etat. En effet, dans une adresse à l'Assemblée générale de l'ONU en
septembre 2002, Abdoulaye Wade faisait part de sa décision à "engager résolument une
politique hardie de développement des NTIC au Sénégal ". Mais plus de 20ans après, on
constate toujours un défaut d'utilisation du numérique au profit des citoyens pour participer à
la gouvernance publique malgré même la mise en place de l'agence de l'informatique de l'Etat
( ADIE ) pour matérialiser l'ensemble des réformes devant être mise en œuvre dans la
modernisation de la gouvernance publique. Ainsi, la priorité é sera de déployer l'informatique
sur l'ensemble du territoire national, d'améliorer le réseau et de garantir un accès peu onéreux.
Et au bout, peut-être qu'on en sera là où en était la démocratie en Athènes avec la participation
directe des citoyens à la gestion des affaires publiques. En effet, si d'aucuns ont pu justifier
l'abandon de la démocratie directe au profit de la démocratie représentative à cause de la
démographie importante des États modernes qui rendrait impossible la participation de tous à
élaboration des lois, avec le numérique, une nouvelle perspective s'offre à nos États numérisés.
Ainsi, le numérique rend caduc l'excuse de la démographie contre la participation citoyenne à la
gouvernance publique : partout où il se trouve, avec un ordinateur ou un téléphone, un citoyen
peut techniquement participer à l'édiction des lois ; ce qui, in fine, ferait du référendum le
principe et la représentativité, l'exception.

Cependant, l'exploitation des potentialités du numérique devront d'abord se faire ressentir


au niveau des collectivités locales. En effet, la démocratie, qu'elle soit représentative ou
participative, sans que l'une n'exclut l'autre, est l'affaire des collectivités de base. D'ailleurs
Alexis de Tocqueville , dans son De la démocratie en Amérique, expliqua que la démocratie aux
États-Unis était possible par la gouvernance à la base, à l'échelle des Comtés du fait de
l'association effective des citoyens à la prise en charge de leurs problèmes. De même, le
numérique devra permettre d'approfondir la participation citoyenne initiée par les différents
codes qui se succédés tout l'affermissant par la mise en œuvre de nouvelles réformes.

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