ENJEUX ET IMPACTS

DES « OVER-THE-TOP » (OTT)

SUR LE SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
EN AFRIQUE

L’a r r i vé e d e s O ve r t h e To p (OT T ) c ré e d e n o m b re u x c h a l l e n g e s p o u r
l e s o p é r a t e u r s t é l é c o m e n A f r i q u e e n c a n n i b a l i s a n t l e u r s re ve n u s
voix et SMS tout en accroissant le trafic vidéo sur les réseaux 3G/4G,
à un moment où les opérateurs doivent investir dans les infrastructures.
Dans ce contexte, les acteurs (opérateurs télécom, États, régulateurs et OTT) font face à
plusieurs questions :
AUTEURS // Quelle est l’ampleur de la menace OTT pour les opérateurs télécom africains ?

// Comment les régulateurs abordent-ils la régulation des OTT sur les autres conti-
nents ?

// Quels leviers peuvent activer les opérateurs pour protéger leurs revenus et leurs
marges ?

// Comment les relations OTT / opérateurs devraient-elles évoluer en Afrique ?

// Que doivent faire les États et régulateurs africains pour favoriser l’indispensable
effort d’investissement dans les réseaux 3G/4G et fibre optique ?
PHILIPPE PESTANES
philippe.pestanes@wavestone.fr
VICTOR MARÇAIS
victor.marcais@wavestone.fr
L E S OTT, UN S EGMEN T C ROIS S AN T
QUI B O USC ULE LES OP É RAT E U RS
TÉ L ÉCO M
L’engouement pour les services OTT a donné
naissance à des groupes qui, parfois, sur-
passent les opérateurs télécom historiques.
Les OTT regroupent à la fois des acteurs des
services de communication, (WhatsApp,
Skype ou Viber), de l’audio et de la vidéo
(Netflix, Deezer, YouTube).
Si leur arrivée en Afrique est inéluctable, elle
pose des challenges aux opérateurs télécom
et aux autorités et régulateurs, à l’heure où
les opérateurs africains doivent investir dans
les réseaux 3G/4G et fibre optique et gérer
une transition de leur modèle de revenu, de
la voix vers les services de données.
Si les régulateurs peuvent être tentés de blo-
quer ou de limiter ces services, ces mesures
ne pourront être que transitoires. Les régu-
lateurs devront trouver d’autres mesures
d’accompagnement des opérateurs télécom
(par exemple réduction de certaines taxes,
allègements fiscaux…). Les relations entre
opérateurs et OTT, également investisseurs
en infrastructures, deviendront progressive-
ment moins conflictuelles et plus partena-
riales lorsque les opérateurs auront migré
leurs modèles de revenus vers la data, à
OTT et « Internet players »
INTERNET PLAYERS
PORTAIL INTERNET MARCHAND
Google Jumia
Yahoo! Amazon
Bing Zando
Yandex Konga
Baidu Takealot
Cdiscount
Tisu
Alibaba
l’instar de ce que l’on observe aujourd’hui
dans les pays avancés.
OTT et « Internet players »
Stricto sensu, la plupart des services Internet
sont des services OTT, c’est-à-dire utilisant
les réseaux des opérateurs télécom et
apportant de la valeur aux utilisateurs. Mais
ces opérateurs ne sont pas impliqués dans le
développement, la vente ou la fourniture de
ces services aux clients et par conséquent,
ils ne tirent aucun revenu de ces derniers.
Potentiellement, il s’agit donc de tous les
« Internet Players » tels que présentés sur le
schéma ci-dessous.
Nous retenons une définition plus limitée des
services OTT comme étant ceux qui ont un
impact significatif sur l’économie des opé-
rateurs télécom :
// Les services de communication sur
IP (Internet Protocol) comme la voix
sur IP, les messages instantanés (four-
nis par exemple par Skype, Viber,
WhatsApp, Facebook) ; ces services
viennent directement « concurrencer »
les services des opérateurs télécom de
voix, SMS, MMS, etc.
// Les services audio et vidéo,qui pèsent
fortement sur les volumes de données
transportées sur les réseaux – ce qui
nécessite des investissements en in-
frastructures de la part des opérateurs
INTERMÉDIAIRE AUDIO/VIDÉO
Airbnb Netflix
Tripadvisor YouTube
Uber Vimeo
Freelancer Deezer
Booking Dailymotion
BlaBlaCar Spotify
2
télécom, à hauteur de la spectacu-
laire croissance du trafic de données
(notamment liée à la vidéo).
D ES VO LU M ES D ’ U T I L I SATE UR S
CO LOSSAUX
Les acteurs de ces services OTT sont
les groupes Internet américains appelés
« GAFA » (pour Google, Apple, Facebook et
Amazon), mais aussi des acteurs venus de
tous les continents, comme le chinois Youku,
l’israélien Viber, le français Dailymotion.
S’agissant du paysage audiovisuel, le site
web d’hébergement de vidéos Youtube
(appartenant à Google) peut aujourd’hui
compter sur son milliard d’utilisateurs
(depuis mai 2013) pour garder son statut de
leader indiscutable. Second sur le podium
mondial des OTT audiovisuels, le site Youku
compte plus de 256 millions de visiteurs
(uniques) mensuels, faisant de lui la princi-
pale plateforme de vidéo en ligne chinoise.
WhatsApp arrive, quant à lui, grand gagnant
des OTT communication avec ses 990 mil-
lions d’utilisateurs, suivi par l’application
de sa maison mère, Facebook Messenger
(800 millions d’utilisateurs), ainsi que Viber
(610 millions).
OVER-THE-TOP
COMMUNICATION
Telegram
WhatsApp
KakaoTalk
Viber
Messenger
Wechat
Skype
Tencent
 ENJEUX ET IMPACTS DES OTT

Nombre de visiteurs / utilisateurs / abonnés

*données à mai 2016

OTT Communication
WHATSAPP
(FACEBOOK) (USA) 900 WECHAT
(CHINA) 600
millions millions
FACEBOOK MES.
(USA) 800 LINE
(JAPON) 560
millions millions

VIBER
(ISRAEL)
610 SKYPE
(USA)
300
millions millions

OTT Audiovisuels
services vidéos services audios
YOUTUBE (USA) NETFLIX (USA) SIRIUS XM (USA) APPLE MUSIC (USA)

1 65 23 11
milliard millions millions millions

YOUKU (CHINA) AMAZON (CHINA) SPOTIFY (SWEDEN) DEEZER (FRANCE)

256 15-40 20 6
millions millions millions millions

VINE (USA) HULU (USA)

200 9
millions millions

Les services OTT touchent plus du tiers de la
population mondiale et sont en forte crois-
sance, grâce à plusieurs avantages par rap-
port aux services des opérateurs télécom :
// L’absence de frontières : les OTT
peuvent facilement déployer leurs ser-
vices sur plusieurs pays, alors que, par
construction, les opérateurs télécom
sont définis par le pays dans lequel ils
opèrent.
// Le prix… et des fonctionnalités plus de payer très cher la même conversa-
riches : les services gratuits de commu- tion internationale avec un son presque
nication des OTT concurrencent direc- inaudible et régulièrement coupé sur un
tement les services de voix et SMS des réseau 2G… Le challenge est donc loin
opérateurs, mais offrent également de d’être uniquement tarifaire.
nouvelles fonctionnalités (accessibilité
sur différents terminaux, expérience
client simplifiée, rapidité des échanges
de messages, communication enrichie
intégrant voix, message, photo et vidéo
de façon fluide et simple).

// Le multi-device :les services OTT // Le paradoxe majeur étant que la qua-

peuvent également facilement être
fournis sur ordinateur, smartphone
et tablette via les Apps, alors que
les services des opérateurs mobiles,
comme le SMS et MMS, ont été
« construits » pour fonctionner sur
mobile uniquement.
lité des communications voix est sou-
vent meilleure via un service OTT que
la voix tarifée sur les réseaux 2G des
opérateurs télécom. À la fin des années
2010, il était donc possible d’avoir des
communications voix gratuites en son
haute définition sur Viber ou Skype et

3
Pays d’origine des principaux services OTT

ÉTATS-UNIS
Itunes | YouTube | Netfilx | NowTV | Vine | Spotify | voddier | Rebtel | Trigle | Videomore | Rutube |
TvCatchup | BBC | Iplayer | Blinkbox
Amazon instant vidéo | HBO Now | Jango | Watchever | Maxdome | Moladejj | 6v6 | Now
Dailymotion | OCS | Deezer |
Hulu | Pluto | Vimeo | GooglePlayMusic | Videoload | Simfy
6play | CanalPlay | MYTF1 VOD | VK | Tovgram
Zattod | Pandora AstrePlayer | Infinity | Watchever |
Snapchat | WhatsApp | Skype | Facebook | Maxdome | Videoload | Simfy
Twitter | Instagram | MagicJack | Fring |
Messenger | Tango
Youku | Iqiy | Vqq |
Rviki | Uula | Now Player |
OSN | MyHD | Cinemoz | Clip
Kakao Talk | Line

Viber
Cinépolis Klic | Clarovideo

Vidio | Genflix | Spüul

Spüul Zalo | Momo | We chat |
MTN Play Tencent
Nimbuzz! | HJ | 2Go | Saya! | Howfar App

Net Movies | Vive |

Veo
Myplex | Quickflix |
Stan. | Presto

*données à mai 2016

DE S P ERS PEC TIVES JU GÉ E S Des capitalisations qui dépassent nettement

celles des opérateurs télécom (octobre 2015)
CON VAINC ANTES
PAR LES MARC HÉS
OPÉRATEURS TELECOM (BN$) TECH & INTERNET (BN$)

Croissance dynamique China mobile 250 Apple 630

Verizon 174 Google 440

et capitalisations élevées
AT&T 170 Facebook 260
Les business models des OTT convainquent Amazon 250
NTT DoCoMo 150
les investisseurs : les capitalisations des plus Alibaba 232
Vodafone 85
Priceline 64
grands acteurs Internet dépassent nette-
Deutsche Telekom 77 Netflix 45
ment celles des opérateurs télécom. Alors
America Movil 56 Ebay 31
que les valeurs boursières des deux plus Telefonica 55 Yahoo 29
grands opérateurs mondiaux, China mobile Orange 40 LinkedIn 25
et Verizon, s’établissent respectivement à Telecom Italia 20 Twitter 18

250 et 174 milliards de dollars en octobre

2015, Apple et Google culminent respecti-
vement à 630 et 440 milliards de dollars.

4

UN CO NTEXTE RÉGLEME N TAIRE
FAVORABLE AUX OT T MAIS
CON TRASTÉ S ELO N L E S RÉGION S
Déséquilibre de la régulation entre
OTT et opérateurs télécom
Les OTT se différencient des opérateurs non
seulement par leur business model (investis-
sements limités, peu d’employés, croissance
forte, empreinte mondiale…) mais aussi par
les règles qui leur sont appliquées sur le
plan de la régulation et de la fiscalité. Ils ont
bénéficié jusqu’ici d’une régulation limitée ou
inexistante, alors que les opérateurs télécom
sont, de leur côté, fortement régulés. Par ail-
leurs, ils sont capables de mener des straté-
gies d’optimisations fiscales à l’international
compte tenu de la concurrence à laquelle se
livrent les États sur ce terrain.
Néanmoins, les États et les régulateurs s’inté-
ressent de plus en plus aux OTT et remettent
en cause les conditions avantageuses dont
ils bénéficient : optimisation fiscale, position
dominante sur certains marchés, sécurité des
données, contribution à la sécurité des États
dans le contexte de renforcement du terro-
risme mondial, ou encore libre circulation
des données sur les réseaux des opérateurs
télécom (aussi appelée « neutralité du net »).
Déséquilibre des modèles économiques
INDUSTRIE TÉLÉCOM
• Industrie fortement régulée
• Fiscalité nationale
• Croissance en ralentissement ou limitée
• Industrie fortement capitalistique
• Grand nombre d’emplois
• En conversion vers l’IP
• Business models traditionnels
OTT
• Régulation limitée ou inexistante
• Optimisation fiscale internationale
• Croissance rapide
• Investissements limités
• Nombre d’emplois limité
• Basé sur l’IP
• Business models disruptifs (gratuit,
freemium,etc.)
Le principe de la neutralité
du net, réaffirmé aux États-Unis
et en Europe, est favorable aux OTT
Aux États-Unis, la Federal Communications
Commission (FCC), régulateur des commu-
nications, a récemment réaffirmé des prin-
cipes de neutralité concernant les services,
applications et contenus légaux. Trois obli-
gations s’imposent aux opérateurs télécom
sur le contenu Internet, en ligne avec les prin-
cipes de liberté inscrits dans la Constitution
américaine :
// No blocking : les Fournisseurs d’Accès
Internet ou FAI, ne peuvent interdire
l’accès en ligne à du contenu, des appli-
cations ou des services légaux ; évitant
ainsi toute action de censure ou de dis-
crimination à l’encontre de sites ou de
services précis.
// No throttling : les FAI ne peuvent déli-
bérément proposer des offres diffé-
rentes aux sites ou ralentir (ou accélé-
rer) intentionnellement le chargement
de leurs données. Objectif : éviter l’ins-
tauration et le développement d’un
Internet à deux vitesses.
// No paid prioritization : d  ésormais, il
est interdit aux fournisseurs de ser-
vices Internet de facturer un surplus
aux sites souhaitant accélérer l’accès à
leurs contenus. Puisque le net est perçu
comme un « bien d’utilité publique »,
les FAI américains – Verizon et AT&T-,
sont soumis à une obligation de trans-
parence quant à la gestion du trafic In-
ternet. Le suivi des plaintes utilisateurs
est par ailleurs assuré par la FCC.
En Europe, le Parlement Européen a voté le
27 octobre 2015 une loi établissant des prin-
cipes de neutralité du net similaires à ceux
appliqués aux USA. Le Parlement Européen
autorise cependant certaines exceptions,
considérées plus favorables aux opéra-
teurs télécom. Les pratiques dites de Zero
Rating seraient autorisées. Ces pratiques
consistent à ne pas décompter dans des
offres de volume de données, le trafic réa-
lisé sur certains sites : par exemple, vous dis-
posez d’1 GO de données pendant un mois
pour 10 euros mais vous avez également le
droit d’aller sur Facebook de façon illimitée.
5
ENJEUX ET IMPACTS DES OTT
Des fast lanes seraient autorisées pour per-
mettre certains services qui ne peuvent pas
fonctionner sans cette priorisation, comme
les services de télévision sur IP à très haute
définition ou les services de visioconférence.
L’attitude des régulateurs demeure plus
restrictive dans certains pays d’Afrique,
du Moyen-Orient et d’Asie, où les services
OTT sont parfois interdits. Au Maroc, début
2016, l’Agence Nationale de la Régulation
des Télécom a considéré que les services
de voix sur IP fournis par les OTT relevaient
des services dont l’exploitation est soumise à
des licences. Elle a demandé aux opérateurs
de « bloquer » ces services OTT, déclenchant
une importante réaction du grand public, et
de la jeunesse en particulier.
L ES OT T À LA CO NQ U ÊT E
D E L’A F R I Q U E
Les OTT se développent en Afrique
portés par la pénétration des
smartphones et le déploiement des
réseaux 3G/4G
Le développement en Afrique des OTT
internationaux reste moindre que sur les
autres continents.
L’Afrique restant pour eux le principal gise-
ment de croissance future, ils investissent
l’ensemble du continent africain en direct
(Facebook et Netflix ont ouvert des bureaux
en Afrique du Sud en 2015) ou en partenariat
avec les opérateurs télécom : Naspers avec
Vodacom (Afrique du Sud, 2015), WhatsApp
avec Airtel (Nigeria, 2014).
Si l’ensemble des pays africains est ciblé,
l’Afrique du Sud est le point d’entrée privi-
légié des OTT du fait de sa culture anglo-
saxonne et de sa plus forte maturité (réseaux
télécoms développés et PIB par habitant
plus élevé).
Cependant, des acteurs OTT africains
émergent également et ils se déve-
loppent à travers le continent depuis 2010,
notamment :
Les OTT communication
Les OTT se développent en Afrique portés par la pénétration
• 2go (Afrique du Sud, 2007),
• Saya (Ghana, 2011), des smartphones et le déploiement de la 3G/4G
• HowFar (Nigeria, 2014).

Les OTT audiovisuels

• Veesion TV (Namibie, 2014),
• ShowMax (Naspers, Afrique du Sud 2015),
• FrontRow (MTN, Afrique du Sud 2015),
• AfroStream,
• Iroko (Nigeria, UK).

Les OTT internationaux

Les OTT africains

Pays ayant lancé la 4G

Pays ayant lancé la 4G,

en phase test ou sur zone
restreinte

Pays en 2G / 3G

L E S OPÉRATEURS AF RIC AIN S SON T
PARTI C ULIÈREMENT IMPAC T É S
PAR L ES OTT EN RAISON
opérateurs mobiles africains pesaient encore
pour environ 90% dans leur revenu total en
2015 (contre moins de 50% en Europe).
messages instantanés Viber ou Whats’App.
À l’échelle mondiale, la VoIP OTT repré-
senterait 8700 milliards de minutes et

DE L’ I MPO RTANC E D E S RE V E N U S
DE LA VO IX EN AFRI Q U E
La problématique est aujourd’hui
essentiellement sur la voix.
Les OTT menacent les revenus issus des
produits téléphoniques phares : SMS, roa-
ming, voix sur les appels nationaux et inter-
nationaux. Or, les revenus voix et SMS des
Il y a très peu d’offres forfaitaires illimitées
comme on les trouve en Europe, mais une
majorité d’offres tarifées à la minute ou à la
seconde. Dans ce contexte, les offres « gra-
tuites » des OTT sont non seulement attrac-
tives pour les consommateurs mais direc-
tement impactantes sur le chiffre d’affaires
des opérateurs en Afrique. Par exemple au
Maroc, le trafic SMS a baissé de près de 25%
sur un an, sous l’effet des i-messages et
63 milliards de dollars de revenus estimés en
2018. En Afrique, les opérateurs voient donc
leurs revenus voix très impactés, alors qu’ils
doivent consentir, dans le même temps, de
lourds investissements dans les licences et
fréquences 4G comme dans les infrastruc-
tures réseaux (3G et 4G).

6

Pénétration de l’Internet mobile haut débit
L E DÉ V ELO P P EMENT DE S RÉ S E AUX
3G/4G ET DES S MART P H ON E S
VA ACC ÉLERER L’ARRIV É E DE S OT T
E N AFRIQUE
Le développement des smartphones « low
cost » à moins de 50 dollars US, à l’instar
d’Orange Kliff ou d’Elikia (premier smart-
phone africain créé par le constructeur
congolais VMK) va dynamiser l’usage des
OTT dans les pays où des réseaux 3G/4G sont
installés. Entre 2015 et 2020, la pénétration
de l’Internet mobile haut-débit va accomplir
une ascension fulgurante. Estimée en 2015
à 19% en Afrique (et 81% dans l’OCDE), on
estime que d’ici 2020 ces valeurs atteindront
61% pour le continent africain (contre 93%
pour le vieux continent).
Les investissements dans les câbles sous-
marins ces 10 dernières années ont connecté
l’Afrique au très haut débit mondial. Là
encore, ce mouvement est favorable au
développement des usages OTT en Afrique.
QUE L S LEVIERS
POUR QUELLES RÉPON S E S ?
Les opérateurs disposent de plusieurs leviers
stratégiques pour répondre aux défis portés
par les OTT : des leviers marketing vis-à-vis
de leurs clients, leur capacité à négocier
avec les OTT et des leviers réglementaires
en agissant auprès des pouvoirs publics et
des régulateurs.
Leviers marketing
En relation directe avec le client final, les
opérateurs peuvent profiter de leurs leviers
marketing pour amortir l’impact des OTT sur
leur chiffre d’affaires.
// Offrir de l’abondance sur la voix. Les
opérateurs peuvent agir sur l’abon-
dance voix — “l’illimité voix” — pour
réduire l’avantage tarifaire des OTT
sur la voix. Ces offres sont possibles
en prépayé, mode de fonctionnement
ultra-majoritaire en Afrique.
// Monétiser la data. Les opérateurs
doivent donner un prix à la data et édu-
quer le marché dans ce sens car c’est
bien aujourd’hui la data qui a un coût
pour les opérateurs et non la voix. Ils
peuvent à la fois limiter l’usage de la
data (capping / shaping) pour se pro-
téger contre les usages data excessifs,
et encourager à sa consommation (tie-
ring) via des offres de rechargement.
Ces stratégies tarifaires permettent à
la fois de développer les revenus des
données et d’éviter la saturation des
réseaux.
SOLU T ION S R ÉG L EM ENTA I R ES
En Afrique, les régulateurs et les pou-
voirs publics peuvent mettre en place des
mesures d’accompagnement pour aider
les opérateurs télécom à gérer leur transi-
tion vers la data, par exemple sur le terrain
réglementaire.
7
ENJEUX ET IMPACTS DES OTT
TCAM *
3%
26%
* Taux de Croissance
Annuel Moyen
Par exemple, un blocage ou une limitation
des OTT pourrait être justifié de façon tran-
sitoire, le temps que les opérateurs télé-
com soient moins dépendants de la voix,
mais cela aurait sur le long terme un impact
économique négatif qui ne doit pas être
sous-estimé.
L’impact positif des services Internet dans
le domaine économique et social est sans
équivoque : une hausse de l’accès à la data
de 10% s’accompagne d’une hausse du PIB
mondial de 1,35% (source GSMA). D’un point
de vue social, l’éducation et la culture pour-
raient bénéficier, grâce à la démocratisation
de la data, de gains de productivité estimés
entre 30 à 70 milliards de dollars. Les régula-
teurs et les pouvoirs publics devraient donc
explorer des remèdes d’autres natures, par
exemple sous forme d’incitations fiscales.
« Les investissements
dans les câbles sous-
marins ces 10 dernières
années ont connecté
l’Afrique au très haut débit
mondial.»

STRATÉGIES DE PARTENARIAT
. Cette tendance à la coopération entre OTT et
De plus en plus, les OTT et les acteurs télé-
coms développent des stratégies de parte-
nariats en commun, à l’instar de Netflix Open
Connect (Europe / USA) ou Google Open
Flow Wan (Europe/ USA), qui proposent aux
opérateurs télécom de se raccorder directe-
ment à leurs infrastructures.
Google et Netflix ont en effet investi dans
leurs propres réseaux, dans le but de pro-
poser une qualité de service élevée à leurs
clients. Cela se traduit par une collaboration
avec les opérateurs télécom, en installant
leurs équipements au plus près des réseaux
des opérateurs locaux. Facebook met en
œuvre des projets similaires.
Certains OTT acceptent de payer pour avoir
accès à une qualité de service (QoS), garan-
tie auprès des grands opérateurs télécom.
C’est le cas de Netflix qui, en 2014, a accepté
de payer Comcast pour garantir une qualité
de service optimale à ses clients.
Wavestone est un cabinet de conseil, issu du rapprochement de Solucom et des activités européennes de Kurt Salmon (hors consulting dans
2016 I © WAVESTONE
//
Favoriser le partage d’infrastructures
dans les zones peu denses
opérateurs télécom tend à se renforcer dans
les pays développés et pourrait constituer un // Faciliter l’accès à la bande passante
modèle pour l’Afrique à moyen terme. internationale
Adapter le cadre
LE S IMP L I C AT I O NS
réglementaire et fiscal
P OU R LE S P O U VO I R S P U B L I C S // Accompagner les opérateurs dans la
E T LE S RÉG U LAT EU R S transition vers la data en adaptant la
fiscalité
L’arrivée des OTT en Afrique est inéluctable
// Définir une position commune entre
et doit faire l’objet de mesures d’accompa-
pays africains sur la neutralité du net
gnement afin de continuer à favoriser les
// Définir une position commune sur la
investissements dans les réseaux télécom.
fiscalité des OTT
Pour cela, plusieurs pistes doivent être
approfondies : // Encourager les investissements par
les OTT internationaux en Afrique
(réseaux de diffusion de contenus…)
Encourager le développement
des infrastructures 4G Favoriser l’émergence
// Attribuer des licences et des fré- d’OTT africains
quences 4G en prenant en considé­
// Encourager l’innovation, la formation
ration le nouveau paradigme du mar-
technologique et les start-up afri-
ché (prix des licences, objectifs de
caines
couverture…)
// Créer les conditions (juridiques et
// Faciliter le partage d’infrastructures
fiscales) favorables aux investisseurs
sur la fibre optique longue distance
financiers en Afrique.
www.wavestone-advisors.com
les secteurs retail & consumer goods). Il figure parmi les leaders indépendants du conseil en Europe.
La mission de Wavestone est d’éclairer et guider ses clients dans leurs décisions les plus stratégiques
en s’appuyant sur une triple expertise fonctionnelle, sectorielle et technologique.