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Conceptions Avancées de

Ponts
Par M. KILARDJ
Chapitre 3

Les ponts à câbles

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Introduction
Les structures les plus adaptées pour franchir de grandes portées sont les
arcs et les structures à câbles. Les arcs ne sont envisageables que s'ils
peuvent prendre appui sur un rocher capable de résister aux poussées
qu'ils engendrent. Si ce n'est pas le cas, on ne peut franchir de grandes
portées que par des structures souples, susceptibles de se déformer
suffisamment pour reporter les efforts qui leur sont appliqués à des parties
possédant une meilleure aptitude à leur résister et, en définitive, à les
transmettre au sol. Ce sont ces ponts qui font l’objet du présent chapitre.
Dans les ponts à câbles, le tablier joue principalement le rôle d'un plancher
plus ou moins souple, transmettant les efforts qu'il reçoit à des structures
d'appui par un système de câbles d'acier. Les deux grandes familles de
ponts à câbles sont les ponts suspendus et les ponts à haubans.

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Généralités

1. Description et comparaison des deux procédés de construction

Dans la famille des ponts suspendus, les ponts symétriques à trois travées
avec câbles porteurs paraboliques continus et ancrés dans des massifs
indépendants sont les plus courants.
Le tablier est accroché, de façon quasiment continue, par des suspentes à
une paire de câbles porteurs paraboliques. Les charges qui lui sont
directement appliquées tendent à l’abaisser, ce qui met en tension les
suspentes et ces dernières reportent les charges aux câbles porteurs en les
tendant à leur tour. La portée 𝑙 des travées de rive est fréquemment voisine
du tiers de celle, 𝐿, de la travée centrale (𝑙 = 𝐿/3) et, dans cette dernière, la
flèche 𝑓 du câble a pour valeur approximative le neuvième de sa portée (𝑓 =
𝐿/9).

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Généralités

Le coût des ponts suspendus est lié à celui des massifs d'ancrage des câbles
porteurs qui doivent être relativement énormes si le sol naturel n'est pas un
rocher résistant. [1]

Figure. 1. Composantes d’un pont suspendu [1]

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Généralités
Les ponts à haubans ne fonctionnent pas comme les ponts suspendus, grâce à deux
câbles principaux ancrés sur les rives, mais grâce à de nombreux câbles obliques,
les haubans, attachés aux piliers du pont qui supportent la totalité du poids de ce
dernier.
Depuis le milieu du vingtième siècle, les ponts à haubans font un retour triomphal
dans le paysage. Et ce n’est pas un hasard. Les techniques de calcul et les matériaux
ayant évolué, les ponts haubanés offrent aujourd’hui de multiples possibilités
architecturales, ils peuvent offrir de grandes portées même quand les conditions
géologiques ne sont pas optimales, puisque, contrairement aux ponts suspendus, ils
ne nécessitent pas de solides points d’ancrage aux berges, ils sont plus résistants
aux déformations et enfin, ils présentent l’énorme avantage d’une facilité relative
de mise en œuvre et d’entretien (inutile d’arrêter la circulation pour effectuer la
maintenance des câbles) et un coût beaucoup plus modéré que celui des ponts
suspendus.
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Généralités
Pylône 1 Pylône 2

Haubans

Figure. 2. Composantes d’un pont à haubans

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Généralités
Actuellement, les ponts à haubans font reculer le domaine d’emploi des
ponts suspendus. Des comparaisons ont été faites entre ponts à haubans et
ponts suspendus pour de très grandes portées. Elles ont montré que les
ponts à haubans sont techniquement très supérieurs aux ponts suspendus
vis-à-vis des problèmes de déformations et de comportement dynamique.
Ils sont également nettement moins chers dans la mesure où l’on évite la
construction d'énormes massifs d'ancrage, même si, dans le cas de ponts à
haubans à tablier métallique, ils consomment un peu plus d'acier au niveau
du tablier et environ 25% de béton supplémentaire pour les pylônes. [1]

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Conception générale
1. Différents types de ponts suspendus

Le principe de fonctionnement d'un pont suspendu peut être schématisé de la façon


suivante (figure 3) :

• Un tablier assure la continuité de la voie portée et la répartition des charges,


• Des suspentes supportent le tablier et transmettent les efforts aux câbles,
• Les câbles, d'allure parabolique, assurent la fonction porteuse ; les efforts sont
décomposés en une réaction verticale absorbée par des pylônes, et un effort de
tension transmis par des câbles de retenue amarrés sur des massifs d'ancrage. [2]

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Conception générale

Figure. 3. Principe de fonctionnement d’un pont suspendu [2]

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Conception générale
1.1. Ponts suspendus à une seule travée

Dans le cas général, les câbles de retenue, situés entre les ancrages et les pylônes, ne
supportent pas de charge verticale . Dans certains cas, les suspentes verticales sont
complétées par des haubans inclinés, afin de réduire les déformations du tablier
(figure 4). C'est selon ce schéma que sont construits la plupart des ponts suspendus
de moyenne portée, à une seule travée. [2]
Le passage des charges sur l'ouvrage, du fait de l'augmentation des efforts, entraîne
un allongement élastique des câbles porteurs et de retenue ; il est donc nécessaire de
permettre le déplacement du point d'application de la réaction verticale en tête de
pylône . Le plus fréquemment, les pylônes, en maçonnerie ou en béton, sont
encastrés à leur base et le câble prend appui par l'intermédiaire de selles (ou
chariots) munies de galets de roulement autorisant ces déplacements en réduisant au
maximum les efforts horizontaux (figure 5).
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Conception générale

Figure. 4. Pont suspendu à une seule travée [2]

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Conception générale

Figure. 5. Chariot sur pylône [2]

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Conception générale

1.2. Ponts suspendus à câbles de tête

Lorsque les brèches à franchir sont importantes, des ponts suspendus à travées
multiples sont construits (figure 6) où les déplacements posent un problème
particulier . En effet, si les câbles paraboliques reposent sur les pylônes par
l'intermédiaire de chariots mobiles indépendants, une charge appliquée sur une
travée provoque une descente de cette travée et une montée des travées adjacentes,
ainsi qu'un important déplacement des chariots . Pour limiter ce phénomène, ces
derniers seront reliés entre eux par des câbles de tète.

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Conception générale

Figure. 6. Pont suspendu à câbles de tête [2]

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Conception générale

1.3. Ponts suspendus à câbles de briquet

Dans un certain nombre de cas, des ouvrages à deux travées ou plus ont été
construits sans câble de tête (figure 7). Les câbles paraboliques se croisent au
sommet du pylône central et redescendent verticalement pour venir s'ancrer sur une
pièce, appelée briquet, fixée dans le corps de pile, sa partie verticale étant appelée
câble de briquet . Dans ce cas, le pylône est mis en flexion sous l'effet des
surcharges dissymétriques ; il y résiste grâce aux câbles qui apportent une
précontrainte extérieure.

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Conception générale

Briquet

Figure. 7. Pont suspendu à câbles de briquet [2]

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Conception générale

1.4. Ponts à trois travées suspendus

La dernière grande famille est la plus moderne. L'ouvrage, qui est schématisé par la
figure 8, comporte trois travées suspendues, les travées de rives étant soit
indépendantes, soit solidaires de la travée centrale . Dans les ponts de ce type, les
pylônes sont encastrés à leur base et les câbles sont reliés à la tête des pylônes, les
déplacements dus aux variations de tension dans les câbles étant possibles grâce à la
flexibilité des pylônes.

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Conception générale

Figure. 8. Pont suspendu à trois travées [2]

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Conception générale

2. Différents types de ponts à haubans

Selon les données particulières d'un projet, la conception du franchissement d'un


obstacle incluant une structure haubanée peut être très variable. A titre de
simplification, nous distinguerons :
• Les ponts symétriques à trois travées (deux pylônes),
• Les ponts à pylône unique,
• Les ponts à travées haubanées multiples.

2.1. Les ponts symétriques à trois travées

Les ponts symétriques à trois travées constituent la famille de ponts haubanés la


plus nombreuse. Dans de tels ponts, le groupe des haubans les plus proches des

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Conception générale

culées (ou des piles culées) jouent un rôle particulier et essentiel : en effet, dans ces
zones, le tablier ne peut se déplacer verticalement (dans la mesure où la réaction sur
culée ou pile-culée reste positive) et les haubans qui y sont ancrés limitent les
déplacements horizontaux de la tête des pylônes. C'est pourquoi on les appelle
haubans de retenue : ils donnent à l’ouvrage l’essentiel de sa rigidité.
Le rapport entre la portée des travées de rive, L1, et de la travée centrale, L, a une
influence non négligeable sur les variations des contraintes dans les haubans, et
plus particulièrement dans les haubans de retenue. Le rapport L1/L a également une
influence sur l'intensité totale de la composante verticale de la force d'ancrage des
câbles de retenue.

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Conception générale

Figure. 9. Pont à haubans symétrique à trois travées

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Conception générale

2.2. Les ponts à pylône unique

Il existe plusieurs types de ponts à pylône unique. Quelques ouvrages ont été
construits avec un pylône central encadré par deux travées d'égale longueur.
L’équilibrage de la structure sous charges dissymétriques résulte du tablier lui-
même. En général, les réactions d'appui sur culées sont faibles et des ancrages sont
nécessaires pour maintenir un contact entre la culée ou la pile-culée et le tablier.
Plus fréquemment, les contraintes du site (fonctionnelles ou esthétiques)
imposent le franchissement d'un obstacle au moyen d'une seule portée de
grande longueur. Le recours à un ouvrage haubané, mécaniquement dissymétrique,
doté d'un seul pylône peut constituer une solution intéressante.

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Conception générale

Figure. 10. Pont à haubans symétrique à pylône unique

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Conception générale

Figure. 11. Pont à haubans dissymétrique à pylône unique


Pont sur le Rio Ebro en Espagne [1]

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Conception générale

2.3. Les structures haubanées à travées multiples

Lorsque l'on veut franchir de grandes brèches et que le sol de fondation est de
qualité médiocre, diverses solutions doivent être examinées. Parmi ces solutions,
celle d'une structure haubanée à travées multiples peut être intéressante.
Les structures haubanées à travées multiples permettent de limiter, par rapport
à une solution plus classique, le nombre des fondations qui seront, en tout état
de cause, onéreuses. Dans un tel cas, il convient de prévoir des travées d'égales
portées. Mais le problème consiste à limiter les déplacements en tête des
pylônes. Pour cela, les câbles de retenue doivent pouvoir s'ancrer au
voisinage des piles voisines. Le tablier peut être continu sur une longueur de
deux travées : il faut alors placer les joints de dilatation au milieu des travées.

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Conception générale

Figure. 12. Pont à haubans à travées multiples


Viaduc de Millau (France)
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Conception et étude des ponts à haubans
1. Etude des câbles

Il existe essentiellement trois types de câbles [1] :


• Les câbles à fils parallèles,
• Les câbles formés de torons parallèles,
• Les câbles clos.

1.1. Les câbles à fils parallèles

Les câbles à fils parallèles sont constitués par un ensemble de fils tréfilés dans
des aciers à haute résistance et disposés dans des conduits métalliques ou en
polyéthylène à haute densité résistant aux rayons ultra-violets. L'espace vide
entre les fils et le conduit est injecté par un coulis de ciment ou par une résine
époxy après mise en tension.
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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 13. Section d’un câble à fils parallèles [1]

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Conception et étude des ponts à haubans

Les fils, dont le nombre varie couramment de 50 à 350 (les plus gros câbles
actuels comportent 499 fils en fournissant une tension à rupture de 32,1 MN),
ont un diamètre de 7 mm. Les fils peuvent résister à une contrainte de traction
à rupture de l'ordre de 1700 à 1800 MPa. Le module d’élasticité des câbles
ainsi constitués est de l'ordre de 205 000 MPa. Dans certains cas, les fils
peuvent être galvanisés ; le module d'élasticité est alors un peu inférieur, de
l’ordre de 200 000 MPa.

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Conception et étude des ponts à haubans
1.2. Les torons

Très répandus dans les différents procédés de précontrainte, les torons ont
naturellement trouvé des applications importantes dans la fabrication des
haubans. Les plus gros câbles actuels comportent 109 torons et admettent une
tension à rupture de 24.5 MN. Chaque toron est constitué par sept brins
torsadés dont le diamètre le plus courant est de 15,7 mm (toron T15). plusieurs
procédés sont disponibles sur le marché. une mention spéciale doit être faite aux
câbles Freyssinet qui disposent d'une double barrière contre la corrosion. Les
haubans sont alors composés par un faisceau de torons disposés à l’intérieur
d'un conduit métallique ou en polyéthilène haute densité très résistant vis-à-vis
des rayons ultra-violets. L’ensemble est injecté, après mise en tension, à l'aide
de cire. La contrainte à rupture garantie de l'acier est de 1770 MPa. Le module
d'élasticité est compris entre 190 000 er 200 000 Mpa.
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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 14. Section d’un câble à torons parallèles [1]

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Conception et étude des ponts à haubans

1.3. Les câbles clos

Les câbles clos furent les premiers à être employés pour confectionner des
haubans. Ils sont constitués par un faisceau de fils parallèles à section circulaire
de 5 mm de diamètre environ entourés par des couronnes de fils à section
trapézoïdale et de fils à section en forme de Z. La mise en tension provoque le
serrage des couches externes de fils Z, ce qui empêche, en principe, la fuite des
produits visqueux de remplissage entre les fils et la pénétration de l'eau. Les
câbles clos sont plus flexibles que les autres types de haubans, et peuvent donc
passer sur des selles à faible rayon de courbure dans les pylônes. par contre, ils
présentent l’inconvénient d’avoir une résistance à la rupture (de l’ordre de 1500
MPa), un module d'élasticité (de l'ordre de 160000 à 165000 MPa), et une résistance
à la fatigue plus faibles que les autres types de haubans.

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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 15. Section d’un câble clos [1]

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Conception et étude des ponts à haubans

2. Conception des pylônes

En règle générale, les pylônes de ponts à haubans sont de direction verticale.


Quelques ponts ont été construits avec des pylônes inclinés vers l'arrière de la
travée centrale. Cette conception donne une élégance particulière aux ouvrages,
mais ne présente guère d'intérêt sur le plan économique. L’inclinaison des
pylônes vers « l'avant » peut, dans certaines circonstances spéciales présenter un
intérêt technique ou économique, mais conduit généralement à une esthétique
très controversée.

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Conception et étude des ponts à haubans

2.1. Forme des pylônes

De nos jours, la plupart des pylônes sont construits en béton, à l'aide de


coffrages grimpants, car ils sont nettement plus économiques que les pylônes en
acier.

Hauteur des pylônes

La hauteur H des pylônes, comptée à partir du hourdis supérieur du tablier, est


variable d’un projet à l’autre. Elle a une influence sur la quantité nécessaire de
câbles et sur l’effort de compression induit dans le tablier par leur inclinaison.
Dans une certaine gamme de hauteurs, la quantité d'acier de haubanage et
l'effort de compression dans le tablier sont des fonctions décroissantes de H.

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Conception et étude des ponts à haubans

cependant, l'augmentation de hauteur des pylônes se traduit par une


augmentation significative de leur coût. c'est pourquoi, la plupart des projets
font apparaître un ratio H/L relativement constant. Sur la base de données
statistiques, on peut prédimensionner les pylônes de la façon suivante, L étant la
portée déterminante :

• H/L = 0,2 à 0,22 pour les pylônes en H ou les mâts simples,


• H/L = 0,22 à 0,25 pour les pylônes en A.

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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 16. Pylône en H (à gauche) et en A (à droite)

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Conception et étude des ponts à haubans
Conception de la suspension en élévation

Comme nous l'avons déjà dit, les ponts modernes comportent un grand nombre de
haubans. L’espacement de leurs ancrages, au niveau du tablier, est couramment
compris entre 8 et l5 m, ce qui permet une construction en encorbellement sans
appuis provisoires. En élévation, on rencontre essentiellement trois types de
répartition des haubans (figure 17) :

• Le haubanage en harpe,
• Le haubanage en éventail,
• Le haubanage en semi-éventail.

Le choix du type de haubanage dépend à la fois de considérations esthétiques et


de considérations techniques.
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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 17. Différentes formes de suspensions [1]

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Conception et étude des ponts à haubans

Dans le cas de ponts de portée modérée et dont le tablier dégage un tirant


d'air de faible hauteur, une suspension bilatérale en forme de harpe, associée à
des pylônes constitués de deux mâts verticaux, semble pouvoir être
recommandée. Pour des portées moyennes, une répartition en éventail peut être
agréable à regarder si les haubans sont suffisamment nombreux et s'ils sont
peints de couleur claire. Dans le cas de ponts de grande portée, le nombre de
haubans est tel que leurs ancrages sur les pylônes sont forcément répartis sur
une certaine hauteur ; une disposition en éventail pure ne peut être envisagée,
mais l'impact visuel d'une disposition en semi-éventail est tout-à-fait acceptable.
Le choix de la distance entre les premiers haubans et la base des pylônes est
dicté, quel que soit le type de haubanage adopté, à la fois par des
considérations esthétiques et constructives.

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Conception et étude des ponts à haubans

Conception de la suspension transversalement

Les deux types de suspension à considérer sont la suspension axiale (une seule
nappe) et la suspension bilatérale (deux nappes). Dans le cas des ponts de
portée moyenne à tablier de largeur modérée (< l5m), la conception la plus
courante consiste à suspendre le tablier par ses bords latéraux, les pylônes étant
alors deux mâts verticaux. La suspension est constituée par deux nappes de
haubans. Si la portée devient importante, ou si le tirant d'air dégagé par le
tablier conduit à des mâts de grande hauteur, sur lesquels les effets du vent
peuvent ne pas être négligeables, les mâts associés à une suspension bilatérale
sont reliés par une poutre de contreventement transversale ou se rejoignent à leur
partie supérieure pour conférer au pylône une forme de A, de V renversé ou de Y
renversé (Figure 18).
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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 18. Suspension bilatérale (à gauche) et axiale (à droite)

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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 19. Forme des pylônes pour une double nappe de haubans

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Conception et étude des ponts à haubans

En cas de suspension axiale, le tablier doit posséder lui-même une rigidité de torsion
suffisante de façon à reprendre les efforts dus à un chargement dissymétrique. Ceci
conditionne la conception du tablier dont la section doit être en forme de caisson.
Le choix entre une suspension latérale et une suspension axiale n'obéit à aucune règle
mathématique. Mais la suspension axiale présente des avantages incontestables. Sur le
plan esthétique, la présence d'une seule nappe de haubans permet d'éviter tout
croisement optique disgracieux des câbles. De plus, la présence d'un mât central
élancé confère à l'ouvrage une intéressante impression de légèreté. Sur le plan
mécanique, un tablier rigide conduit à des sollicitations à la fatigue des câbles plus
faibles que dans le cas d'un tablier souple à suspension latérale.
En résumé, on peut dire qu'une suspension axiale peut être étudiée dans le cas de
ponts d'assez grande portée (mais non exceptionnelle) et à tablier de largeur
modéré (inférieure à 20 m).

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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 20. Forme des pylônes pour une simple nappe de haubans

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Conception et étude des ponts à haubans
3. Conception du tablier

Le dimensionnement des tabliers de ponts à haubans est dicté par les sollicitations
de flexion transversale, par la reprise des efforts ponctuels dans la zone d'ancrage
des haubans et, dans le cas des tabliers à suspension axiale, par la limitation de la
déformation en torsion sous l'effet de charges d'exploitation excentrées.
Le choix des matériaux constitutifs du tablier constitue l'une des principales
options du projet ; mais il ne peut être fait indépendamment de la méthode
de construction envisagée. Le poids propre conditionne directement le
dimensionnement des câbles, des pylônes et des fondations. A titre indicatif, le
poids moyen par mètre carré de tablier (hors équipements) est de l'ordre de :
• 2,5 à 3,5 kN/m2 pour un tablier en acier à dalle orthotrope,
• 6,5 à 8,5 kN/m2 pour un tablier en ossature mixte,
• 10 à 15 kN/m2 pour un tablier en béton.
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Conception et étude des ponts à haubans
Il semble actuellement que le domaine d'emploi des tabliers en béton
précontraint puisse s'étendre jusqu'à des portées déterminantes de l'ordre de
500 m. Au-delà, les tabliers en acier à dalle orthotrope deviennent rentables.
Les tabliers en ossature mixte peuvent apporter une solution intéressante dans
une gamme de portées assez large, allant, pour fixer les idées, de 300 à
600m.

3.1. Les tabliers en béton

Le développement du haubanage multiple a rendu économique la conception


de tabliers en béton coulés en place ou, plus rarement, à voussoirs
préfabriqués. En effet, la construction en encorbellement est possible, les
voussoirs étant directement soutenus par des haubans définitifs. La
morphologie des tabliers en béton dépend de la nature de la suspension.
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Conception et étude des ponts à haubans

Tabliers à suspension latérale

La section droite du tablier peut être très simple si sa largeur n'est pas trop
importante. Par exemple, pour une largeur ne dépassant pas une quinzaine de
mètres, une simple dalle en béton pleine ou élégie, éventuellement dotée de
nervures longitudinales continues sur ses bords ou, plus simplement, de
bossages robustes permettant un ancrage correct des haubans, constitue une
bonne solution. Pour de plus grandes largeurs, une structure dotée de
raidisseurs transversaux est nécessaire. Ces raidisseurs sont disposés tous les 3
à 5 m (figure 21).

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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 21. Sections schématiques de tabliers en béton à suspension latérale [1]

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Conception et étude des ponts à haubans

Tabliers à suspension axiale

La plupart des tabliers associés à une suspension axiale ont généralement la


forme classique d'une poutre-caisson unicellulaire. Il s'agit de caissons
unicellulaires dotés d'une triangulation interne en béton permettant de
reprendre correctement les efforts concentrés dus aux haubans. De tels tabliers
se construisent assez facilement par la méthode des encorbellements successifs
(figure 22).

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Conception et étude des ponts à haubans

Figure. 22. Section transversale d’un tablier en béton à suspension axiale (Pont de Brotonne) [1]

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Conception et étude des ponts à haubans
3.2. Les tabliers métalliques

Les tabliers métalliques à dalle orthotrope sont intéressants pour des ponts de grande
ou très grande portée principale. En effet, ils permettent de limiter le poids
propre à des valeurs qui correspondent à un cinquième environ de celles
d'une section en béton. Ainsi, la plupart des tabliers métalliques de ponts à
haubans ont une épaisseur équivalente de l'ordre de 3,5 à 4cm. Ce gain de poids
compense le supplément de coût de l'acier à partir de 500 m de portée déterminante.

3.3. Les tabliers en ossature mixte

Les tabliers en ossature mixte offrent de nombreux avantages dans une gamme de
portées assez étendue. En effet, les ossatures mixtes sont plus économiques que les
caissons à dalle orthotrope et sont plus légères que les tabliers en béton. Par ailleurs,
leur montage est relativement simple. Page 52
Conception et étude des ponts à haubans
En général, le tablier, dont la conception est normalement associée à une
suspension bilatérale, comporte deux poutres métalliques longitudinales reliées par
des pièces de pont. L'ensemble est couvert par une dalle en béton armé dont
l'épaisseur est comprise entre 20 et 25cm selon l'espacement des pièces de pont
(entre 4 et 6 m).

Figure. 23. Section transversale d’un tablier mixte à suspension bilatérale (Pont de Seyssel) [1]

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Justification des haubans
1. Actions et combinaisons d’actions

Outres les actions communes à tous les types de structures, il convient de prêter
attention aux actions particulières suivantes sur les haubans [3] :

• Écart de température entre la structure et les haubans,


• Remplacement d'un hauban,
• Rupture accidentelle d'un hauban.

Les combinaisons d'actions sont regroupées en états limites de services


(combinaisons quasi-permanentes, fréquentes et rares des ELS) et en états limites
ultimes (combinaisons fondamentales et accidentelles des ELU). On distingue les
situations en service et en construction.

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Justification des haubans

Phase 1

Phase 2

Phase 3

Figure. 24. Exemple de cinématique de construction d’un pont à tablier en béton [1]
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Justification des haubans

Phase 4

Figure. 24. Exemple de cinématique de construction d’un pont à tablier en béton [1]

Page 56
Justification des haubans
1.1. Actions thermiques

L'inertie thermique des câbles étant beaucoup plus faible que celle du reste de la
structure (pylône et tablier notamment), la température des haubans peut différer de
celle de la structure. C'est pourquoi il convient de considérer un écart de température
entre l'ensemble des haubans et le reste de la structure. La valeur caractéristique de
cet écart dépend de la couleur de la gaine extérieure des haubans [3].
Des valeurs caractéristiques de cet écart de température de 5°C et 12°C ont été
employées respectivement pour des haubans de couleur claire et de couleur noire .

1.2. Remplacement des haubans

La structure et les haubans doivent être dimensionnés pour permettre le


remplacement d'un hauban quelconque dans des conditions de service définies par le
maître de l'ouvrage. Page 57
Justification des haubans

Pour des raisons pratiques et de sécurité des ouvriers, les restrictions de circulation
ci-dessous sont généralement nécessaires en cours de remplacement :

• Sur les ponts haubanés avec deux nappes latérales de haubans, les voies de
circulation le long des haubans en cours de remplacement sont fermées, sauf si
l'on dispose de bandes d'arrêt d'urgence de largeur suffisante (3métres),
• Sur les ponts haubanés ne comportant qu'une nappe centrale de haubans, les voies
rapides sont fermées des deux côtés de la nappe en cours de remplacement.

La structure privée du hauban en cours de remplacement, ou de la paire de haubans


si le remplacement se fait par paires, doit être capable de supporter toutes les
charges d'exploitation s'appliquant aux voies qui ne sont pas fermées à la
circulation, cumulées aux charges de chantier sur la zone fermée à la circulation [3].

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Justification des haubans
1.3. Rupture accidentelle d’un hauban

Il convient de prendre en compte l'action accidentelle de la rupture d'un hauban


quelconque, à raison d'un seul hauban à la fois. Cette rupture est représentée par une
force opposée à la tension du hauban, exercée à ses deux ancrages, et pondérée d'un
facteur d'amplification dynamique à justifier, compris entre 1,5 et 2,0.
Le coefficient d'amplification dynamique dépend de la nature de la rupture (choc de
véhicule, corrosion des armatures, etc.) ainsi que de la réponse dynamique de la
structure. Un coefficient dynamique de 2,0 est une valeur enveloppante
particulièrement sévère, correspondant au cas improbable de la rupture brutale de
l'intégralité du câble. Pour des haubans à armatures parallèles indépendantes, la
rupture simultanée de toutes les armatures étant peu vraisemblable, le facteur
d'amplification peut être ramené à 1,5.
Les justifications locales et globales concernant la rupture du hauban sont effectuées
aux ELU [3]. Page 59
Actions dynamiques sur les haubans

1. Action du vent sur les haubans

Les haubans peuvent être mis en mouvement sous l'effet des actions du vent.
Ces mouvements peuvent entraîner la fatigue de l'acier s'ils ne sont pas maîtrisés.
Les actions dues au vent sur une structure souple sont très complexes et
nécessitent des études expérimentales très poussées. Au niveau d'un avant-
projet, et avant d'engager des études aérodynamiques élaborées, il convient de
s'assurer que les fréquences propres d'oscillation en flexion et en torsion sont
suffisamment différentes l'une de l'autre pour éviter le couplage de ces deux
modes, conduisant à une instabilité dangereuse (résonnance).
Les modes propres étant classés par ordre de fréquence croissante, le vent
excite principalement les premiers, c'est-à-dire les modes de fréquence faible
(périodes supérieures à 1 s).

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Actions dynamiques sur les haubans
En règle générale, il convient de calculer la fréquence correspondant à une
vingtaine de modes propres. Par comparaison, il faut déterminer un plus grand
nombre de modes pour l'étude des effets d'un séisme car ce type de
sollicitation excite plutôt les modes de fréquences plus élevées (périodes
comprises entre 0,1 et 0,6 s). La détermination des modes propres par un
programme de calcul approprié résultant d'un calcul itératif, il est préférable de
demander m modes pour accéder à la convergence des n premiers, avec m >
Min{2n, n+8}.

Pont de Tacoma (résonnance mécanique)

Le pont du détroit de Tacoma est un pont suspendu aux États-Unis. Inauguré


le 1er juillet 1940, il s'effondre le 7 novembre 1940, lors d'un des plus
célèbres accidents de génie civil.
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Lors de la rupture de l'ouvrage, la vitesse du vent était d'environ 65 km/h.


Des oscillations de grande amplitude en torsion sont apparues à 10 h, menant à
l'effondrement du pont à 11 h 10. Le pont avait été dimensionné pour résister
au vent, mais en ne tenant compte que des effets statiques .
L’explication la plus répandue de l’accident consiste à incriminer un phénomène
de résonance entre le pont et des tourbillons d’air formés dans le sillage du
tablier. Lorsque la fréquence de la force aérodynamique produite par ces
tourbillons correspond à l’une des fréquences de vibration naturelle du pont,
un phénomène de résonance peut se déclencher, au cours duquel les
mouvements de la structure s'amplifient.
Des vidéos impressionnantes montrant l’oscillation du pont jusqu’à la rupture existe
sur le net.

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Actions dynamiques sur les haubans

2. Action sismique sur les haubans

Une action sismique est une action dynamique dont les composantes sont
caractérisées par un accélérogramme, c'est-à-dire la courbe de variation de
l’accélération en fonction du temps. Les accélérogrammes de mouvement sismique
sont des courbes qui fluctuent rapidement et irrégulièrement autour de la valeur
nulle ; leur durée est variable, de l’ordre de quelques secondes à quelques dizaines
de secondes.
Le calcul sismique d’une construction s'effectue le plus souvent en séparant les
effets des trois composantes de l'excitation, ce que permet la linéarité des
équations du mouvement. Mais cette méthode ne constitue qu'une approximation
de la réalité.

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Actions dynamiques sur les haubans

Le déplacement d'un point dans une direction donnée comportera donc, en


général, trois termes 𝑈𝑥 , 𝑈𝑦 et 𝑈𝑧 qui sont les valeurs maximales du déplacement
relatives aux excitations suivant les directions 𝑥, 𝑦 et 𝑧 respectivement. Le
problème de la combinaison des directions consiste à rechercher le maximum
𝑈𝑚𝑎𝑥 de 𝑈 lorsque les trois excitations sismiques sont appliquées simultanément. La
règle la plus communément admise, consiste à écrire [1] :

𝑈𝑚𝑎𝑥 = 𝑈𝑥2 + 𝑈𝑦2 + 𝑈𝑧2

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Actions dynamiques sur les haubans

3. Dispositions constructives

Pour la reprise des effets du vent au droit des pylônes, un blocage transversal est
nécessaire. Pour les tabliers en suspension totale, il est souvent assuré par des
barres. Dans les zones sismiques, des dispositifs et des butées (barres ou câbles) sont
prévus pour absorber l'énergie.

Sur certains ouvrages l'énergie générée par le vent ou les séismes est absorbée non
plus par blocage, mais par des amortisseurs visqueux horizontaux (ou verticaux) au
niveau des appuis [4].

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Conclusion
Le parc des ponts à haubans se singularise par son hétérogénéité (ponts en béton,
métalliques, mixtes). Les ouvrages haubanés se caractérisent aussi par la
spécificité de la technologie employée et la complexité de leur fonctionnement
(construction par encorbellement, par poussage, etc...). Dès l’apparition de
désordres ou d’anomalies, la consultation de spécialistes ou d’experts est
nécessaire.

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Références

[1] : Bernard-Gely et Jean-Armand Calgaro, Conception des ponts – Presse de


l’école nationale des ponts et chaussées (ENPC), Août 1994.
[2] : Guide SETRA : Les ponts suspendus en France, Décembre 1989.
[3] : Guide SETRA : Recommandations de la commission interministérielle de la
précontrainte, Novembre 2001.
[4] : Guide SETRA : Surveillance et entretien des ouvrages d’art, 2ème partie :
Fascicule 34-2 : Ponts à haubans.

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