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Table des
matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Réponse 225
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
Annuaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
VIII
Introduction
ATELIER du Praticien est un guide auquel vous pourrez vous référer si vous
C
ET
êtes confronté à un patient victime d’un accident ou d’agressions diverses, mais
il est également destiné à vous aider à améliorer vos connaissances et votre
pratique clinique sur un problème de médecine courante qui a des conséquences
médicolégales assez mal connues des soignants. Il peut également vous permettre de valider
un Développement Professionnel Continu non-présentiel1 .
• La première leçon est un inventaire des troubles somatiques et psychologiques
que présentent les victimes d’agressions et/ou d’accidents auxquels le praticien est
constamment confronté souvent sans même le savoir lorsque les conséquences sont
lointaines.
• La deuxième leçon est destinée à améliorer la pratique médico-légale : rédaction du
certificat médical selon ce à quoi et à qui il est destiné (Sécurité sociale, médecine du
travail, compagnie d’assurance, autorité administrative ou judiciaire), signalement des
adultes en danger.
• Les trois leçons suivantes sont consacrées à trois différents types de problèmes particuliers
parmi les plus communément rencontrés en pratique clinique courante : 3) accidents
individuels et collectifs, 4) violences de couple, 5) maltraitances aux enfants.
• Les quatre leçons suivantes sont destinées à aider le praticien à orienter correctement son
patient dans le réseau d’accompagnement socio-judiciaire, différent pour chaque catégorie
de victimes : 6) victime d’accident individuel et collectif, 7) victime d’agression(s), 8)
victimes de violences de couple, 9) enfant maltraité.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Si vous utilisez cet Atelier du Praticien pour valider un Développement Professionnel Continu non-présentiel,
connectez-vous sur le site du Gema (http://www.gema-fm.fr/).
Leçon 1
Fréquence et inventaire
des troubles somatiques
2
et psychotraumatiques
à la suite d’accident
ou d’agression
SOMMAIRE
Ampleur du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Réponses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Inventaire des conséquences cliniques les plus communes . . . . . . . 7
Conséquences somatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Conséquences psychologiques initiales d’un choc traumatique . . . 11
Conséquences psychotraumatiques possibles d’un événement
traumatique unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Conséquences psychotraumatiques possibles après
des événements traumatiques répétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Cette leçon est le préalable nécessaire pour progresser dans la connaissance des troubles
psychotraumatiques que présentent les victimes d’accidents et d’agressions uniques ou
répétées, avant d’envisager de mettre en place une prise en charge qui permette leur
réparation globale, sujette des autres leçons.
Elle a pour objectifs :
• d’approcher l’ampleur du problème ,
• de faire un inventaire des conséquences cliniques les plus communes.
AMPLEUR DU PROBLÈME
Les statistiques officielles, parfois très contestables, dans le sens d’une sous-estimation,
renseignent sur la fréquence des agressions et accidents et par conséquent sur le nombre
de patients qui consultent, quel que soit votre mode d’exercice.
Exercice
Mettez une croix sous la bonne réponse
4 1. À combien estimez-vous le nombre d’ac- ≈ 60 000 ≈ 120 000 ≈ 18 000
cidents de la voie publique ? par an
¨ ¨ ¨
Réponses
1. Nombre d’accidents de la voie publique 67 288 en 2010
2. Nombre de femmes de 18 à 75 ans qui ont déclaré être victimes 154 000 par an
de viols et tentatives de viol (INSEE-ONDPR1,
2012)
3. Pourcentage d’enfants maltraités dans les pays industrialisés 10 %
(Lancet)
4. Nombre de personnes âgées victimes de vol avec violence à 3 000
domicile (OCLDI2, 2011)
Retenir
Nous décrirons brièvement les conséquences somatiques qui sont généralement connues
et correctement prises en charge, quelle que soit leur gravité, par les médecins urgentistes
ou par les médecins généralistes, avec une spécificité pour la médecine de catastrophe.
Nous insisterons davantage sur les conséquences psychotraumatologiques, moins connues,
surtout dans le cadre des violences répétées et durables.
Conséquences somatiques
Testez vos connaissances
Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non
7
J’ai une idée de la fréquence des fractures que présentent les enfants
gravement maltraités
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Les femmes victimes de violences ont tendance à banaliser leur blessure et à innocenter
l’agresseur, il est donc utile de connaître les critères en faveur de blessures accidentelles
ou violentes.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Retenir
Les blessures accidentelles se distinguent des blessures par violence parce qu’elles
siègent en règle sur les zones saillantes : tête, épaules, coudes, genoux, paumes des
mains.
Les zones de défense sont les faces postérieures des avant-bras (protection) ou la
face palmaire des doigts (saisir une lame).
Les hématomes métacarpo-phalangiens et/ou interphalagiens sont évocateurs de
coups de poings de défense.
Lésions cutanées
Les dermabrasions ou excoriations
Superficielles, elles se couvrent d’un exsudat puis d’une croûte et cicatrisent en 8 jours
environ.
Les griffures et les morsures sont des dermabrasions
Écchymoses
Ce sont des infiltrats hémorragiques douloureux, sous-cutanés ou muqueux.
Ils disparaissent en passant par tous les stades de la biligénèse : rouge livide : J1 ; rouge
8
foncé : J2-3 ; bleu : J3-6 ; jaune : J7-11 ; jaune : J12-17 ; guérison J20-30.
Hématomes
Ce sont des collections sanguines qui peuvent migrer sous l’effet de la pesanteur.
Plaies
Les plaies contuses ou lacérations sont consécutives à une déchirure de la peau par
écrasement ou attrition.
Les plaies peuvent être consécutives à une blessure par arme tranchante (couteau, cutter,
etc.) et/ou piquante (aiguille, tournevis, etc.) et/ou contondante (hache), ou par une arme
par destination (clé, tesson de bouteille, pierre, etc.)
Les scarifications sont fréquemment des blessures que s’infligent des sujets fragiles sur le
plan psychologique.
Les plaies par projectile (unique, plombs de chasse, etc.) nécessitent une analyse médico-
légale.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
Brûlures
Mécanisme lésionnel
Accidentel
Infligé dans le cadre des maltraitances à enfants (cigarettes, fer à repasser, bains brulants,
etc.)
Immolation.
Selon la profondeur
Premier degré : érythème (épidermique)
Deuxième degré : phlyctène (atteint plus ou moins profondément le derme).
Troisième degré : détruit l’épiderme et le derme.
Carbonisation : atteint les structures sous cutanées.
Épiderme
1er degré
Derme 2e degré superficiel
2e degré profond
Hypoderme
9
3e degré profond
Source : http://www.mon-partenaire-sante.com
Selon la gravité
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Fractures
Tous les types de fractures sont possibles.
Lorsque le mécanisme lésionnel est évident, agression ou accident, le diagnostic est clair.
Il n’en est pas de même chez l’enfant victime de maltraitance : 50 % des enfants victimes
de sévices présentent des fractures dont 80 % chez l’enfant de moins d’un an : il s’agit
surtout de fractures des membres, du crâne et des cotes.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Lésions intracrâniennes
Hématome extradural à distance d’un traumatisme crânien survenant en règle chez un adulte
jeune après un traumatisme crânien d’intensité moyenne avec brève perte de connaissance
dans un contexte d’accident de la voie publique, de chute, etc.
Hématome sous-dural qui, jusqu’à preuve du contraire, est consécutif à une maltraitance
chez l’enfant.
Le syndrome des enfants secoués associant des hémorragies sous durales (voire sous
arachnoïdiennes) à des hémorragies rétiniennes, constitue une urgence médicale.
Lésions viscérales
10
Épanchement sérolymphatique de Morel-Lavallée survenant après un traumatisme tangentiel,
correspond à une lésion de cisaillement entre de la graisse hypodermique et une aponévrose,
il est fréquent chez les cyclistes et les motards.
Lésions intra abdominales (rate, foie, mésentère) chez l’adulte ou chez l’enfant chez qui
elles constituent la deuxième cause de mortalité après les lésions intracrâniennes.
Lésions thoraciques : hémo ou pneumothorax, en règle après fractures de cotes.
– elles sont également « bouleversées » (4° B) : elles risquent de présenter des troubles
psychotraumatiques, initiaux et différés, qui sont le sujet du prochain paragraphe.
Retenir
Les blessures et autres lésions somatiques sont fréquentes après un accident ou une
ou des agressions.
Devant toutes lésions traumatiques chez l’enfant, il est nécessaire d’évoquer et
d’éliminer d’éventuels sévices.
Elles sont parfois une urgence vitale.
Il ne faut pas négliger les constatations médico-légales lorsque l’on est amené à
rédiger le certificat médical initial en raison de possibles conséquences médico-légales,
notamment en cas d’une procédure d’indemnisation ultérieure (2e leçon).
il ne fait pas le lien avec l’agression. Titubant, il a du mal à regagner son poste et reste, il ne
saurait dire pendant combien de temps, dans un état de flottement dont un prochain client le
tirera difficilement.
Il ne sortira vraiment de cet état second qu’aux urgences hospitalières locales où seront constatés
une fracture du nez avec déplacement des os propres du nez et un choc traumatique.
Il ne sera pas question dans cette leçon des conséquences médico-légales, objet de la
deuxième leçon, mais de la clinique psychotraumatologique.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Oui Non
Madame DEUX présente à l’évidence une dissociation péritraumatique qui lui permet de ne
pas être confrontée au décès de son jeune enfant. Le Docteur Miracle, pompier volontaire,
arrive 10 minutes plus tard sur les lieux de l’accident. Ayant déjà travaillé cet Atelier du
Praticien, il fait le diagnostic de dissociation et s’efforce de faire sortir Madame DEUX de
cet état d’irréalité sous l’œil désapprobateur des pompiers qui le trouvent cruel.
Le Dr Miracle en tentant de faire sortir Mme DEUX de son état second, faussement protecteur
à long terme, cherche à limiter les conséquences de l’événement traumatique.
La dissociation péritraumatique est une réaction neurobiologique bien connue, visible
notamment en imagerie fonctionnelle.
Les amygdales cérébrales et l’hippocampe constituent le cerveau émotionnel (limbique).
Lorsqu’un sujet est confronté à un stimulus stressant, l’hypothalamus active les amygdales
cérébrales qui déclenchent la sécrétion d’adrénaline (réaction d’alarme) et de cortisol
(adaptation à la situation). Les ressources du sujet se mobilisent pour lutter ou fuir mais
dans les millisecondes qui suivent, l’hippocampe informe les cortex préfrontal et cingulaire
qui remettent la situation dans son contexte et annulent la réaction de stress.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Neurobiologie de la dissociation
L’absence de modulation
Évenement par l’hippocampe > absence
Thalamus Amygdale d’extinction de l’amygdale >
traumatique
survoltage > court circuit
des voies afférentes au cortex préfrontal
*N-Méthyl-D-aspartate
Cette réaction est à ce point biologique que des recherches en cours démontrent qu’un
β-bloqueur passant la barrière méningée (le propanolol) prévient l’apparition de troubles
psychotraumatiques ultérieurs en modulant la réaction biologique péritraumatique résumée
14 dans le schéma précédent.
La clinique de la dissociation péritraumatique est résumée dans l’échelle PDEQ1 , un auto-
questionnaire qui décrit de façon exhaustive la clinique de la dissociation péritraumatique,
mais permet surtout d’évaluer son intensité.
1. Traduit et adapté par Alain Brunet et Christiane Routhier (1999) avec l’autorisation des auteurs. Marmar, Charles, R.,
& Weiss, Daniel, S. (1997). « The Peritraumatic Dissociative Experience Scale ». In J.P. Wilson & T.M. Keane, Assessing
Psychological Trauma and PTSD. New York: Guilford Press.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
Pas du
Un peu Plutôt Extrêmement
tout Très vrai
vrai vrai vrai
vrai
Il y a eu des moments où
j’ai perdu le fil de ce qui
se passait – j’étais complète-
ment déconnectée ou, d’une
certaine façon, j’ai senti que 1 2 3 4 5
je ne faisais pas partie de ce
qui se passait.
Je me suis retrouvé-e sur le
"pilote automatique" – je me
suis mis-e à faire des choses
que, je l’ai réalisé plus tard, je 1 2 3 4
n’avais pas activement décidé 5
de faire.
Ma perception du temps a
changé - les choses avaient
l’air de se dérouler au ralenti. 1 2 3 4 5
La détresse péritraumatique
Sous l’effet d’un stress « dépassé » ou pire d’un événement traumatique, le sujet peut
présenter une réaction anxieuse plus ou moins sévère.
Cette « détresse péritraumatique » est, comme la dissociation péritraumatique, positivement
16 corrélée à l’apparition de troubles psychotraumatiques ultérieurs.
La clinique de la détresse péritraumatique est résumée dans l’échelle PDI1 , un auto-
questionnaire essentiellement destiné à en apprécier l’intensité.
Instructions : Complétez s’il vous plaît les énoncés qui suivent en entourant le nombre
qui correspond au mieux à ce que vous avez ressenti pendant et immédiatement
après l’événement critique. Si une proposition ne s’applique pas à votre expérience
de l’événement, alors entourer la réponse « Pas du tout vrai ».
1. Brunet A., Weiss DS., Metzler TJ., Best SR., Neylan TC., Rogers C., Fagan J., Marmar CR. « The Peritraumatic Distress
Inventory: A Proposed measure of PTSD Criterion A2. » Am J Psychiatry 158 : 9, September 2001. Jehel L., Brunet A.,
Guelfi J., Validation de la traduction française de l’Inventaire de Détresse Péritraumatique, in Thèse de l’université
Paris VI, décembre 2002.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
5 Je me sentais coupable
0 1 2 3 4 17
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
☞
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
18
13 Je pensais que j’allais mourir
0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
Retenir
Oui Non
Et même fréquemment
Citez les complications post-traumatiques qui vous paraissent les plus fréquentes
20
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L’étude ESEMeD1 menée sur un échantillon de 21425 habitants de six pays d’Europe a
démontré que la prévalence vie entière de l’ESPT était de 1.9 % (2.9 % chez les femmes
et 0.9 % chez les hommes). Ces chiffres sont comparables à ceux relevés par le Centre
Français de l’OMS qui a mené un travail sur un échantillon de 30416 sujets de plus de 18
ans représentatifs de la population française métropolitaine (Vaiva, 2005). Une autre étude
française réalisée par le Centre Français de l’OMS2 a trouvé des chiffres plus bas : 0,6 %
chez les hommes, 1,1 % chez les femmes.
Toutes les enquêtes objectivent que les femmes présentent deux fois plus
d’ESPT probablement parce qu’elles subissent plus d’agressions sexuelles et de
viols.
Troubles dépressifs 49 % 48 %
Anxiété généralisée 15 % 16 %
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Alonso J., Angermeyer M.-C., Bernert S. et al., « Prevalence of mental disorders in Europe: results from the European
Study of the Epidemiology of Mental Disorders (ESEMeD) project. » Acta Psychiatr Scand Suppl, (420), 2004.
2. Vaiva G., Jehel L., Ducrocq F. et al. A propos de l’enquête SMPG: prévalence des troubles psychotraumatiques dans
un échantillon représentatif des 45 millions de français de plus de 18 ans. Congrès annuel de l’AFERUP. Nantes, 2005.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Monsieur UN se plaint tout d’abord de troubles du sommeil. Avant de s’endormir, il revit l’agression
sous forme de pensées et d’images répétitives et angoissantes. Il se réveille en sueurs parce qu’il
fait presque tous les jours un cauchemar de reviviscence de son agression. Il ajoute qu’il y pense
fréquemment pendant la journée, surtout quand il entend une moto passer sous ses fenêtres ou
lorsqu’il croise un motard. Il ferme la télévision lorsqu’au journal ou pendant une fiction, il est
question de violence. Dans la rue, il est sur le qui-vive, et s’attend constamment à croiser son
agresseur. Il ne peut envisager de retourner travailler par peur panique d’être à nouveau agressé.
D’autre part, il a perdu le goût de vivre, n’a plus de plaisir ni de désir, se dit exténué, envisage
de démissionner de son travail.
Il estime ne pas avoir été à la hauteur, ne pas avoir su réagir efficacement. Il se reproche d’avoir
été lâche et se sent coupable de ne pas retourner au travail, lui qui ne s’arrête jamais !
Auparavant, il se croyait « invulnérable ». Depuis l’agression, il a perdu toute confiance en soi,
dans les autres et le monde devenus dangereux et imprévisibles, ce qui irrite à présent sa femme
et ses enfants, accroissant son sentiment de solitude et d’incompréhension.
Il consomme des anxiolytiques et davantage de cannabis qu’à l’accoutumée.
22
Lister les symptômes de Monsieur UN
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– Monsieur UN a bien été victime d’un événement traumatique et a présenté une réaction
de peur intense (Critère A) avec dissociation péritraumatique. 23
– Il revit constamment l’agression par des pensées, des images, des cauchemars (Critère B).
– Il évite les situations lui rappelant l’agression (bruits de moto, motards) ou la symbolisant
(journal télévisé, film de violence) et surtout il ne peut envisager de retourner au travail
(Critère C).
– Il est constamment sur le qui-vive, inquiet, hypervigilant (Critère D).
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
– Les troubles durent depuis 45 jours, soit plus d’un mois (Critère E).
– Les troubles entraînent une souffrance cliniquement significative (Critère F).
Comprendre
Lors de l’impact traumatique l’événement traumatique est resté piégé dans le cerveau
émotionnel en raison de la « dissociation » des afférences limbiques vers le cortex
cérébral.
De façon métaphorique, le cerveau du psychotraumatisé est devenu une sorte de
magnétoscope qui se déclenche dès que le patient est confronté à une situation qui
☞
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
☞
lui rappelle ou symbolise l’événement traumatique, laquelle situation déclenche la
télécommande hypersensible du magnétoscope cérébral.
Le sujet cherche sans y parvenir à zapper ou même à interrompre la reviviscence.
Cette métaphore est très utile pour que les patients comprennent leurs troubles ; elle
permet parfois de dépasser le « syndrome d’évitement » qui conduit le patient à ne
pas parler de l’événement traumatique.
Il existe divers instruments qui permettent d’évaluer l’intensité de l’ESPT et son évolution
et d’apprécier les effets du traitement (4e leçon). Ces instruments doivent être confrontés à
l’examen clinique.
L’auto-questionnaire « Impact des événements stressants » (voir ci-dessous) dans sa
forme révisée1 notamment, est facile d’emploi. Il permet au lecteur de comprendre de
façon exhaustive la symptomatologie de l’ESPT : syndrome intrusif, syndrome d’évitement,
hyperactivation neurovégétative.
Retenir
Exercice
Monsieur UN estime ne pas avoir été à la hauteur. Il dit ne pas avoir su réagir efficacement. Il
se reproche d’avoir été lâche. Il se sent coupable de ne pas retourner au travail : « Moi qui ne
me suis jamais arrêté » se justifie-t-il.
Nous allons à présent répondre à cette question ; peut-être confirmerons-nous votre analyse.
Cas clinique n° 3
Mme TROIS, 42 ans, a été agressée vers 21h30 par un individu au moment où elle entrait dans
son immeuble. Il l’a menacée avec une arme blanche. Elle a essayé de la raisonner mais il lui
a coupé la parole en l’insultant et en la menaçant de mort. Elle a tenté de lui échapper. Il l’a
attrapée par les cheveux et l’a violemment giflée. Terrifiée, elle a désormais accepté d’ouvrir sa
porte. Il lui a demandé de se déshabiller, ce qu’elle a fait : « Comme un robot » explique-t-elle.
Elle avait le sentiment de flotter au-dessus de la scène et ne se sentait pas concernée. Elle croit
se souvenir qu’il ne parvenait pas à être en érection. Il l’a insultée en lui demandant de lui faire
une fellation qu’elle a pratiquée sans qu’il parvienne à être en érection. Fou de rage, il l’a de
nouveau frappée. Elle pense qu’il lui a introduit un doigt dans le vagin. Elle ne sait plus quand
et comment il a quitté son appartement.
Elle estime qu’il est inconcevable d’être agressée en rentrant d’une réunion de travail à 23 h.
Elle se plaint de l’accueil policier et de la nonchalance du médecin légiste qui paraissait plutôt
indifférent et peu à l’écoute. Elle pense que la police n’enquête pas correctement.
Elle vous déclare qu’elle aurait dû se méfier parce qu’elle s’était rendu-compte que son agresseur
la suivait, mais il lui paraissait bien sous tous les rapports. Elle estime qu’elle était habillée
de façon un peu légère. Elle se reproche de ne pas avoir hurlé : un voisin l’aurait peut-être
entendue et aurait pu intervenir.
Elle vous explique qu’elle ne supporte plus les tracasseries policières et qu’elle est prête à tout
laisser tomber pour oublier et passer à autre chose.
Madame TROIS est légitimement en colère d’avoir subi un crime mais elle se fait des
reproches.
On estime souvent que les victimes sont insupportables parce qu’elles dirigent leur sentiment 27
de colère, non pas contre le coupable ou le ou les responsables, mais contre leurs proches,
leur médecin, leur employeur, les institutions répressives, les organismes payeurs (Sécurité
Sociale, compagnies d’assurance, etc.).
Vous pourriez dire à Mme TROIS : « Chère Madame, je comprends votre colère et votre
déception. Ne pensez-vous pas que vous devriez vous battre pour que le violeur soit
interpelé. Il ne vous a pas écouté. Voulez qu’il parvienne encore à museler votre parole ?
Que sa “victoire” soit totale ? Qu’il continue à vous détruire à distance du viol ? Je suis
votre médecin, je vais tout faire pour vous aider (...) »
Le violeur n’a pas fait la cour à Mme TROIS. Il ne l’a pas écoutée. Il n’y a eu aucun espace
de séduction. Il a agi délibérément en utilisant un stratagème. Il l’a violée, la transformant
en objet. Elle se sent coupable pour se donner l’illusion d’avoir au moins en partie été un
acteur et non pas une « chose » pendant le viol. Elle veut en d’autres termes, s’impliquer
comme sujet dans le crime qu’elle a subi pour ne pas être réduite à néant. Son sentiment de
culpabilité sera donc transitoirement protecteur et il faut le respecter et surtout ne pas lui
dire trop vite qu’elle n’y est pour rien. Cependant, il faudra assez rapidement travailler ce
sentiment de culpabilité pour qu’elle parvienne à attribuer la faute - un crime en l’espèce -
à l’auteur des faits.
Le sentiment de culpabilité peut être compris comme le retournement de la colère contre
soi-même au même titre que les troubles comorbides.
Les troubles dépressifs sont plus fréquents que l’ESPT, atteignant la moitié
des victimes psychotraumatisées avec un risque majeur de suicide.
Les troubles anxieux sont également fréquents, ils ont été étudiés par de nombreux auteurs.
1. Kessler R, Sonnega A, Bromet E et al. « Posttraumatic stress disorder in the National Comorbidity Survey. » Arch
Gen Psychiatry, 1995.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
Les troubles somatoformes, qui ne figurent pas dans le DSM IV, sont une complication
cliniquement fréquente.
Les conduites addictives à risque – toxicomanie et/ou alcoolisme – constituent une
complication habituelle. Elles peuvent s’interpréter comme une tentative d’automédication
contre les symptômes d’intrusion ou d’hyperactivation neurovégétative de l’ESPT.
Les troubles dissociatifs peuvent devenir un mode de défense habituellement utilisé comme
« anesthésiant » pour éviter ou atténuer les phénomènes de reviviscence anxieuse.
LE FUTUR
- absence
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Retenir
Cas clinique n° 4
Monsieur QUATRE, jeune et brillant PDG d’une « start-up », est diplômé de Polytechnique et des
Ponts-et-Chaussées.
Il consulte fréquemment son médecin pour des problèmes digestifs.
Tous les examens complémentaires se sont révélés normaux.
Chaque nouveau traitement symptomatique entraîne une amélioration de courte durée.
Il s’ouvre pour la première fois à son médecin qu’il connaît depuis 10 ans. Il lui demande conseil
parce qu’il se sent totalement incompétent avec les femmes : il est incapable de les aborder,
sauf de façon très autoritaire dans le cadre de ses activités professionnelles.
Il se plaint de ne pas pouvoir satisfaire, faute de temps, son père qui exige qu’il se marie pour
avoir un fils : « Pour perpétrer la tradition familiale » dit-il.
Exercices
Les éléments cliniques fournis par M. QUATRE vous paraissent-ils être possiblement d’origine
psychotraumatique ?
Si oui, pourquoi et comment vous en assurer ?
Si vous pensez avoir une ou des réponses à cette question, veuillez remplir l’encadré suivant.
Sinon, passez au paragraphe suivant.
Quels sont, selon vous, les arguments en faveur de l’origine psychotraumatique
des troubles de M. QUATRE et comment s’en assurer ? 31
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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La façon la plus simple pour vous en assurer consiste à rechercher systématiquement des
antécédents traumatiques comme vous le faites pour les antécédents médicaux, chirurgicaux,
allergiques, gynéco, psychiatriques, addictifs...
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique actuelle
Oui Non
L’expérience clinique démontre que l’on recueille une réponse positive dans environ 30 %
des cas.
Les médecins1 qui ont acquis cette pratique que nous recommandons, reconnaissent que
leur réticence initiale n’était pas justifiée et qu’elle ne déstabilise pas les patients. Ils sont
surpris de constater que la relation thérapeutique se modifie et que de nombreux troubles
fonctionnels s’améliorent ou disparaissent.
Dans sa famille, l’aîné des garçons est polytechnicien depuis la création de l’école par Napoléon.
Il aurait voulu être musicien comme sa mère, mais il a été méthodiquement programmé pour
devenir polytechnicien comme son père, son grand-père, etc., avant lui. Il a passé sa jeunesse
dans son bureau, surveillé par son père, sans avoir le droit de sortir, de fréquenter des copains.
Il ne s’est jamais révolté. Il n’a pas présenté une « crise d’adolescence ».
Si vous reveniez sur sa quête d’une âme sœur et ses difficultés à entrer en relation avec
une femme, il vous expliquerait :
1. Lazimi G, Piet E, Casalis MF, « Violences faites aux femmes en France et rôle des professionnels de santé, tableaux
cliniques et études de repérage systématique », Cahiers de santé publique et de protection sociale, sept. 2011
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
Les sujets élevés dans une famille totalitaire où régnait un gourou domestique tout puissant,
sont précisément celles et ceux qui deviennent les adeptes des sectes totalitaires. Un sujet
qui saurait penser par lui-même, ne resterait pas dans une secte à moins d’être pris dans
un piège diabolique.
Comprendre
Les sujets qui ont été victimes de traumatismes répétés, physiques, psychologiques
(emprise), sexuelles, ont tendance à répéter soit en tant que victime, soit en tant
qu’auteur, les situations qu’ils ont vécues.
C’est ce que nous appelons : « Répétition littérale ».
Monsieur QUATRE, qui fait l’admiration de ses proches, est intolérant avec ses collaborateurs
comme l’était son père. Il est totalement incompétent dans les relations interpersonnelles. Il a
besoin d’un coach pour remplacer son père. Il est passé de l’emprise de son père à celle d’une
secte dans laquelle, faute de temps, il n’est heureusement pas encore totalement impliqué.
33
Cas clinique n° 5
Madame CINQ vous consulte accompagnée par la permanente d’une association d’aide aux victimes.
Elle a enfin réussi à porter plainte contre son mari pour violences aggravées avec incapacité
totale de travail de 5 jours.
Elle est victime de violences psychologiques, physiques et sexuelles depuis la naissance de sa fille
aînée mais a toujours espéré que son mari, charmant après chaque escalade de violence, finirait
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
par se calmer. Elle estime qu’il est un « bon » père. Sa fille aînée âgée de 17 ans l’accompagne.
Ses trois autres enfants sont à l’école. Son mari vit actuellement chez sa mère dans le cadre
d’une mesure d’éviction du conjoint violent, mais il ne cesse de rôder dans le quartier.
Elle explique qu’il la terrorise quand il se fait menaçant. Elle est alors incapable de réagir,
attitude qui le met en rage et prélude à des insultes puis à des coups.
Elle présente des troubles psychotraumatiques complexes et un état dépressif majeur avec des
idées suicidaires récurrentes.
Ces violences conjugales habituelles s’inscrivent dans la littéralité, le père de Mme CINQ,
alcoolique violent, terrorisait sa famille.
L’entretien est difficile, vous ressentez un violent désir de ne pas la prendre en charge. Elle a
découragé une première assistante sociale. Son ancien médecin traitant a pris parti pour le mari
à qui il accorde des excuses. La permanente de l’association explique qu’elle est une usagère
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
particulièrement rétive, c’est pourquoi elle lui a proposé une prise en charge psychiatrique à
laquelle la patiente s’oppose. Depuis le début de la procédure de divorce, elle a changé trois
fois d’avocats, lesquels, lassés par ses demandes incessantes, ses hésitations, son manque total
de confiance, lui ont rendu le dossier.
Oui Non
Il m’est arrivé d’avoir le sentiment de perdre mon temps avec une patiente
victime de violences conjugales
Ce cas clinique, d’une extrême banalité, démontre comment l’état de stupeur dissociative
de Mme CINQ peut décupler la violence de son mari.
34 Il met également en évidence que presque tous ses interlocuteurs – son médecin, les travailleurs
sociaux, ses avocats et même ses enfants qui la soutiennent – présentent des contre-attitudes
de rejet qui sont habituelles lorsque l’on est confronté à une victime de violences répétées.
Retenir
Cas clinique n° 6
Mademoiselle SIX, jeune maghrébine âgée de 19 ans, consulte son médecin de famille parce
qu’elle ne sort plus, ne mange plus, ne parle plus, refuse d’aller au travail et paraît persécutée par
sa famille et son fiancé, un homme beaucoup plus âgé qu’elle a choisi. Il diagnostique un état
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
À ce stade de votre cheminement dans cet Atelier du Praticien, auriez-vous recherché des
antécédents traumatiques ?
Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique
Oui Non
Les psychiatres considèrent que Mademoiselle SIX présente une psychose schizophrénique.
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Mademoiselle SIX sera rapidement remise sur pied, grâce à une prise en charge adaptée,
mais elle poursuivra sa psychothérapie (leçon 10, p. 216) pour définitivement briser le
cycle des répétitions.
La recherche de l’étiologie traumatique de ses troubles pseudo-psychotiques lui évitera
d’être étiquetée et traitée comme une psychotique.
Cas clinique n° 7
Le docteur SEPT, brillante dermatologue spécialisée en médecine esthétique, vous consulte et
déclare être perverse !
Âgée de 37 ans, mariée, mère de deux enfants, elle vous explique être obligée de regarder un film
36 pornographique avant chaque rapport sexuel. Elle en a parlé à des amies, dont une psychologue
qui lui a déclaré qu’elle en avait probablement besoin pour s’exciter sexuellement, hypothèse
confirmée en souriant par sa gynécologue.
Bien qu’elle vous explique n’avoir jamais été très portée sur le sexe, elle estime être une
« salope ».
Elle explique qu’elle consulte parce que son mari ne supporte plus de regarder des films X qui
n’améliorent absolument pas son manque d’initiatives sexuelles.
Oui Non
La dissociation peut se manifester par des conduites à risque qui permettent d’auto-induire
une anesthésie émotionnelle :
– conduites addictives (tabac, alcool, psychotropes, stupéfiants) qui ont pour certaines
d’entre elles, au-delà de toute référence traumatique, le pouvoir de produire des états
dissociatifs ;
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– mises en danger, surtout chez les enfants et les adolescents : on les définit comme étant
des conduites dangereuses délibérées, répétées, le plus souvent associées entre elles, de
nature compulsive (prise de risque sur la route, sport, rodéos, jeux dangereux comme le
jeu du foulard, mises à l’épreuve, binge drinking, bizutages, etc.) ;
– conduites auto-agressives (tentatives de suicides, automutilations, piercings,
tatouages) ;
– conduites sexuelles dangereuses (rapports sexuels non protégés, sexualité violente,
multiplication des partenaires, rapports avec des inconnus, prostitution, pornographie) ;
– troubles des conduites alimentaires : anorexie, boulimie, vomissements provoqués ;
– jeux d’argent ;
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
– achats compulsifs ;
– addiction aux jeux vidéo violents ;
– fugues, vagabondages, absentéismes scolaires, fréquentations dangereuses ;
– participation active à des mouvements violents, sataniques, sectaires ;
– conduites délinquantes récidivantes (vols, destructions de biens, comportements
violents) ;
– soudain désintérêt pour la scolarité (absentéisme, phobies scolaires, exclusion) ;
– fugues qu’il ne faut nommer comme telles lorsque l’adolescent quitte sa famille ou une
institution pour échapper à de graves maltraitances.
– et autres.
Cas clinique n° 8
Mademoiselle HUIT, brillante étudiante à Science Po, âgée de 24 ans, est mise en examen
pour tentative d’assassinat, vol avec violence, séquestration avec libération avant le 7e jour,
infraction à la législation sur les stupéfiants.
Cinq ans auparavant, elle était en complète dérive sociale : usage de cannabis et de cocaïne,
arrêt des études, partenaires multiples, maladie sexuellement transmissible. Jeune fille issue
d’un milieu très favorisée, elle a repris ses études et les termine brillamment.
Elle s’estime guérie grâce à une psychanalyse entamée depuis 3 ans, mais elle présente un état
de stress post-traumatique subsyndromique, porte les vêtements classiques d’une femme de 50
ans, n’a plus d’ami(e)s et ne sort que rarement, toujours accompagnée de ses parents.
L’expert judiciaire repère une évidente rupture biographique que la jeune femme refuse dans
un premier temps d’aborder. Il s’agit d’un viol en réunion subi en terminale lors d’une soirée
destinée à fêter la réussite au baccalauréat. Elle refuse, en vain, que cela figure dans le rapport
d’expertise et n’en a jamais parlé à sa thérapeute.
Comment expliquer autrement la dérive de Mademoiselle HUIT qui aurait pu devenir une
femme prostituée si elle n’avait pas été soutenue par sa famille et certain(e)s de ses
ami(e)s ? 39
1. Felliti V. J., Anda R. F., Nordemberg D. et al., « Relashionship of childhood abuse and household dysfunction to
many of leading causes of death in adults : the Adverse Childhood Experiences (ACE) Study », Am J Prevent Med, 1998.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Facteur
Conséquences somatiques
de risque
Tabagisme x2
Alcoolisme x 7,4
Cancer x 1,9
Hépatite x 2,5
40 État de santé précaire x 2,2
Toxicomanie x 4,7
Coronaropathie x 2,2
Agressions x 2,4
Diabète x 1,6
Fractures x 1,6
Les traumatismes répétés ne peuvent à eux seuls déclencher un trouble ou une maladie. Ils
sont des facteurs de risque capables de déclencher un trouble ou une maladie sur un terrain
génétiquement prédisposé.
L’environnement facilite ou inhibe l’expression des gènes :
– c’est le cas du gène 5-HTT dont un allèle court associé à un événement stressant récent
ou à des antécédents de maltraitance infantile multiplie par deux le risque de survenue
d’états dépressifs majeurs ;
– les violences sexuelles et autres maltraitances augmentent à elles seules la fréquence du
trouble des conduites, mais ce risque est multiplié par trois en présence de l’allèle L du
gène de la monoamine oxydase A (MAOA) ;
– les recherches récentes effectuées à partir de cerveaux de personnes suicidées ont
démontré que les mauvais traitements subis dans l’enfance altèrent de façon durable
certains gènes impliqués dans la réponse au stress.
famille de gendarmes jusqu’à l’âge de 18 ans ; elle aurait été maltraitée par l’accueillante qui l’aurait
constamment humiliée et frappée : « Boniche fait ci. Boniche fait ça. Des bleus partout. Pourtant
tonton gendarme il essayait de me défendre... » dit-elle. Elle a encore été violée à 16 ans par le
nouveau compagnon de sa mère qui a également été condamné. Après la classe de cinquième, elle a
été orientée dans un collège pour enfants en difficulté. Elle n’a aucun diplôme mais sait lire et écrire.
Elle a travaillé dans un ESAT pendant un an. Depuis, elle perçoit l’allocation aux adultes handicapés.
Elle est sous curatelle renforcée. Sur le plan sentimental et sexuel : elle a connu ses premiers flirts et
ses premiers rapports sexuels à dix-neuf ans avec le père de sa fille, lequel a été hospitalisé d’office
après un braquage commis récemment. Elle n’a pas d’antécédent judiciaire. Elle présente une obésité
considérable : elle pèse 100 kg pour 153 cm. Elle est traitée pour un diabète. Elle ne fume plus depuis
quelques mois ; elle ne consomme pas d’alcool ni aucun autre produit psychotoxique. Elle est traitée
au dispensaire de secteur pour une psychose schizophrénique qu’elle qualifie de dépression avec
nombreuses hospitalisations motivées par de multiples tentatives de suicide. Elle explique entendre
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
constamment la voix de l’homme qui l’a violée ; elle fait des cauchemars psychotraumatiques ; elle
revit les faits au cours des rares rapports sexuels qu’elle subit sans y participer.
Oui Non
Malgré une biographie de maltraitance psychologique, physique et sexuelle avec deux viols
dont un subi avec actes de barbarie à 12 ans, une symptomatologie psychotraumatique
typique, des conduites de revictimation, une boulimie, la patiente est étiquetée psychotique,
probablement parce que ses psychiatres confondent hallucinations acoustico-verbales et
intrusions psychotraumatiques (la voix d’un violeur). Ce ne peut plus être votre cas à
présent que vous progressez dans la compréhension des troubles psychotraumatiques.
Les cas cliniques précédents vous ont également démontré que les traumatismes cumulatifs
42 exposaient à la répétition littérale, c’est le cas de M. QUATRE qui se met constamment dans
des situations où il est sous l’emprise d’un coach ou d’un gourou ou de Madame CINQ qui
est maltraitée par tous ses interlocuteurs.
Retenir
L’immense majorité des toxicomanes les plus gravement dépendants ont subi des
traumatismes répétés.
La plupart des délinquants récidivistes également.
Les femmes prostituées ont presque toutes subi des viols dans l’enfance ou dans des
« maisons » de dressage.
une revue1 de diverses études portant sur les conséquences de maltraitances subies dans
l’enfance a identifié huit types de problèmes :
– les comportements agressifs et violents ;
– les comportements criminels non violents ;
– l’abus de toxiques ;
– les comportements auto-agressifs et suicidaires ;
– les problèmes émotionnels ;
– les problèmes relationnels ;
– les difficultés scolaires ;
– les difficultés professionnelles.
Ces troubles sont actuellement répertoriés comme étant des « états de stress post-traumatiques
complexes », « DESNOS (Disorder of Extrem Stress Not Otherwise Specified) » ou « Trouble
de développement traumatique » dont le tableau suivant résume toutes les caractéristiques
cliniques.
Caractéristique clinique du DESNOS
43
1. Altération de la régulation des affects et des pulsions
A. Régulation des affects D. Préoccupation suicidaire
B. Modulation de la colère E. Difficultés à moduler l’engagement sexuel
C. Autodestruction F. Prises de risque excessives
2. Altérations de l’attention ou de la conscience
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Malinosky-Rummel R., Hansen D. J., « Long-term consequences of childhood physical abuse », Psychol Bull, 114,
1993.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Oser la question des violences permet de libérer la parole des victimes afin
qu’elles soient enfin reconnues et accompagnée par le médecin.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques
Résumé
Notions médico-légales
46
SOMMAIRE
Le secret médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Les conditions établies par la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Les dérogations par le fait de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Certificat médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Disposition réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Rédaction du certificat médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
L’ITT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
L’incapacité totale de travail (ITT) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Le signalement des adultes en danger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Le signalement d’un adulte qui n’est pas en mesure de se protéger
en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique 60
Le signalement avec l’accord de la victime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 47
Le signalement d’un porteur d’arme à feu dangereux . . . . . . . . . . . . 61
Réponses aux questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Réponse au questionnaire initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Le certificat médical initial de Monsieur UN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Cette deuxième leçon est destinée à améliorer votre pratique professionnelle lorsque vous
êtes confronté à une victime d’accident ou d’agression en respectant les règles légales et
déontologiques concernant :
• le secret médical,
• la rédaction des certificats médicaux,
• l’évaluation de l’ITT.
Le signalement des enfants en danger ou qui risquent de l’être, est traité dans la neuvième
leçon.
LE SECRET MÉDICAL
En effet : « il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance
sans secret ».
48 Le médecin ne doit rien révéler de ce qu’il a connu ou appris sur son patient.
Mais il existe des atteintes au secret médical ou dérogations définies par la
loi.
2 • Notions médico-légales
Oui Non
Le secret couvre non seulement l’état de santé du patient mais également son nom : le
médecin ne peut faire connaître à des tiers le nom des personnes qui ont (eu) recours à ses
services.
Article 9 C. CIV
Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Le secret médical est institué dans l’intérêt des patients selon l’ar-
ticle 4 C. déont. méd. et non pour protéger le médecin !
2 • Notions médico-légales
La responsabilité médicale
L’article 226-14 du code pénal fixe le cadre des dérogations légales en ces termes :
L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En
outre, il n’est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices,
y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été
infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou
de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République
les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa
profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de
toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en
mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord
n’est pas nécessaire ;
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet
de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et
dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne
peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.
Dopage
Source : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/article-4-secret-professionnel-913
2 • Notions médico-légales
CERTIFICAT MÉDICAL
Oui Non
Je peux être condamné à réparer sur le plan civil le dommage que mon 53
intervention fautive pourrait causer ou favoriser.
Disposition réglementaires
Article 76, al. 1 du code de déontologie médical :
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Ces certificats sont établis à la demande du patient et à lui seul remis en mains propres, ou
au représentant légal du mineur ou du majeur sous tutelle.
Les certificats demandés par un tiers doivent être refusés sauf à la demande de la famille
pour faire valoir un droit si le patient est inconscient ou incapable.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Retenir
Cependant, rien en principe n’interdit de dire prudemment que les troubles présentés par le
patient sont compatibles (ou incompatibles) avec ses allégations...
1. Art. 441-8 C. pén. « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende le fait, par une personne
agissant dans l’exercice de sa profession, de solliciter ou d’agréer, directement ou indirectement, des offres, promesses,
dons, présents ou avantages quelconques pour établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement
inexacts. Est puni des mêmes peines le fait de céder aux sollicitations prévues à l’alinéa précédent ou d’user de voies
de fait ou de menaces, ou de proposer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents
ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne agissant dans l’exercice de sa profession qu’elle établisse
une attestation ou un certificat faisant état de faits inexacts. La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à
75 000 euros d’amende lorsque la personne visée aux deux premiers alinéas exerce une profession médicale
ou de santé et que l’attestation faisant état de faits inexacts dissimule ou certifie faussement l’existence d’une
maladie, d’une infirmité ou d’un état de grossesse, ou fournit des indications mensongères sur l’origine
d’une maladie ou d’une infirmité ou sur la cause d’un décès. »
2 • Notions médico-légales
Avez-vous évalué la durée d’une éventuelle ITT et celle de l’arrêt de travail si vous en avez
délivré un ?
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
☞
– un certificat établi sur réquisition judiciaire, est directement remis à l’autorité
requérante.
Dater et signer.
L’ITT
Oui Non
L’ITT est pour moi une notion familière que je saurais écrire en toutes
lettres 57
Il s’agit de l’interruption temporaire de travail
Mon évaluation de l’ITT est sans valeur pour les services de police ou
pour le procureur qui exigent un examen médico-légal (UMJ)
Une ITT < HUIT jours n’est pas délit passible du tribunal correctionnel
Les violences familiales sont des délits quelle que soit la durée d’ITT (art.
222-13 C. pén.)
L’ITT n’est pas définie dans le code pénal. Elle trouve sa source dans la jurisprudence. Sa
durée varie considérablement d’un médecin à l’autre et d’une juridiction à l’autre. À minima,
58 elle ne prendra en considération que la période durant laquelle toute activité est quasiment
impossible, mais le plus souvent elle correspond à la durée pendant laquelle la victime
éprouve une gêne notable dans les actes de la vie courante.
Analyse fonctionnelle
se lever/se coucher
s’habiller/se
déshabiller
se doucher/se laver
se déplacer/marcher
conduire
prendre ses
médicaments
Certains procureurs réclament à juste titre des certificats médicaux décrivant précisément les
actes de la vie courante entravés par l’accident ou l’agression pour déterminer eux-mêmes
la durée de l’incapacité totale de travail (ITT).
Savoir
L’incapacité totale de travail diffère de l’incapacité temporaire totale (ITT civile) ou Déficit
fonctionnel temporaire total (DFTT) qui, au civil, correspond à la période, indemnisable,
pendant laquelle la victime va se trouver empêchée de jouir de ses pleines capacités
(périodes d’hospitalisation en règle).
L’agresseur de M. DIX ne sera probablement pas sanctionné par la justice pénale, mais il
aura à indemniser 20.000 € par concert... car M. DIX ne pourra pas se produire en concert
avant d’avoir récupéré une parfaite mobilité de son 4° doigt gauche.
Monsieur DIX a éprouvé une gêne notable dans les actes de la vie courante pendant toute la
60 durée de sa séquestration, soit une ITT de CINQ jours malgré l’absence de trouble somatique
ou psychologique.
du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou
psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences
physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.
S’il s’agit d’un incapable majeur sous tutelle, ce signalement ne pose aucun
problème, il est beaucoup plus problématique dans d’autres cas, comme dans
celui d’une femme déprimée, dissociée par des violences de couple répétées
(voir la 3e leçon).
61
Le signalement d’un porteur d’arme à feu dangereux
Toujours selon le même article 226-14 du code pénal le secret médical n’est pas applicable
aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le
préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui
les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
4 Le médecin doit remettre le certificat en mains propres à son patient, libre à lui de
le communiquer à qui bon lui semble
5 L’ITT est une gène notable dans les actes de la vie courante indépendante de la
notion de travail.
6 L’ITT < 8 jours est un délit en cas de circonstances aggravantes, délit familial par
62 exemple.
9 Le médecin doit refuser de donner un certificat à la police (sauf s’il est requis et il
ne doit répondre aux questions posées que si celles-ci sont conformes à la
déontologie)
10 L’article 226-13 C. pén. punit le médecin qui révèle une information médicale sans
l’accord du patient (peine maximale : un an d’emprisonnement et 15 000 €
d’amende)
2 • Notions médico-légales
Si vous avez fait beaucoup d’erreurs, prenez la peine de relire cette leçon
indispensable pour progresser dans votre pratique professionnelle.
Dr Pierre Angulaire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Résumé
1. Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin
dans les conditions établies par la loi.
2. La révélation d’une information à caractère secret est punie d’un an d’emprison-
nement et de 15 000 € d’amende
3. Le code pénal fixe le cadre des dérogations légales
4. L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement de certificats,
attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs
et réglementaires.
5. Le certificat médical engage la responsabilité du médecin à raison de son contenu
tant formel que matériel.
6. La déontologie interdit d’établir un lien de causalité entre des difficultés familiales
ou professionnelles et l’état de santé d’un patient et de citer des dires accusant
un tiers conjoint ou employeur.
7. L’ITT est une notion pénale qui permet la qualification des faits (contravention,
délit).
8. Les violences familiales sont des délits quelle que soit la durée d’ITT.
9. L’ITT correspond à la durée pendant laquelle la victime éprouve une gêne notable
dans les actes de la vie courante.
10. Il est nécessaire de justifier la durée d’ITT en réalisant une analyse fonctionnelle
précise.
64
11. On ne peut signaler une personne majeure qui ne serait pas en mesure de se
protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique sans
son accord.
12. Un soignant peut signaler au procureur qu’un-e patient-e pourrait être menacé-e
de mort par le possesseur d’une arme à feu.
2 • Notions médico-légales
Notes
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 3
La victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Examen clinique d’une victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Le certificat médical avant expertise civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Spécificités du certificat médical avant expertise civile . . . . . . . . . 73
Rédaction du certificat médical de Monsieur TREIZE . . . . . . . . . . . . . 76
La victime d’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Certificat de Mademoiselle quatorze et lettre pour Monsieur treize 81
Certificat pour l’expertise de Monsieur TREIZE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Lettre pour l’expertise de Mademoiselle QUATORZE . . . . . . . . . . . . . . 83
67
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
TANT ENTENDU que vous maîtrisez désormais les connaissances acquises lors de la première
Cette troisième leçon est destinée à consolider les acquis des deux premières leçons en
vous entraînant à faire un bilan clinique pour rédiger un certificat ou une lettre avant
expertise pour deux de vos patients, le premier victime d’une agression, l’autre d’un
accident de la voie publique.
LA VICTIME D’AGRESSION
68
Examen clinique d’une victime d’agression
Vous êtes le médecin traitant de la famille TREIZE, mais vous connaissez surtout Madame qui
consulte tous les 2 mois pour un syndrome métabolique. Elle vous a appris que son mari avait
subi une grave agression trois ans auparavant. L’ex ami de sa fille l’a agressé au couteau. Elle se
plaint régulièrement de lui, disant qu’il est devenu taciturne, un peu caractériel, qu’il s’accuse
d’avoir été un père absent pour sa fille, qu’il se réveille parfois en sursaut, qu’il n’a plus d’appétit
pour rien et surtout qu’elle l’incite sans succès à venir vous consulter. Le directeur de son
administration lui a donné en vain l’adresse d’un psychiatre. Il vous a cependant consulté il
y a 1 an pour vérifier sa tension à la demande expresse de Madame. Il a éludé le sujet quand
vous lui avez demandé de lui parler de cette agression. Il vous a simplement dit qu’il attendait
le procès. Ultérieurement Madame vous a appris que l’agresseur avait été condamné à 2 ans
d’emprisonnement, ce qui n’avait pas vraiment soulagé son mari. Depuis, elle se plaint de la
justice qui a condamné l’agresseur à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts, mais sans
espoir parce qu’il est notoirement insolvable.
Que pensez-vous de la réflexion de votre patiente ?
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
Monsieur TREIZE vous consulte cette fois à la demande de son avocat. Il est convoqué par un
expert judiciaire pour une expertise d’indemnisation : « La cour d’assises l’a condamné à 2 ans
de prison et 10 000 euros d’amendes mais c’est un propre à rien et il ne peut pas payer » vous
dit-il.
Il vous demande de l’accompagner chez l’expert et vous montre sa convocation où il est
noté : « Vous pouvez vous faire accompagner par la personne de votre choix » ou, à défaut,
de lui délivrer un certificat médical qui, selon son avocat, sera très utile.
Mettez une croix sous la bonne réponse
69
Oui Non
J’ai déjà rédigé un certificat pour un patient avant une expertise civile
Cas clinique n° 13
Monsieur TREIZE est très réticent à revenir une fois de plus sur son agression. Il vous raconte
que 3 ans auparavant, le 20 janvier 2011 vers 11 heures, en descendant dans le parking, il a été
agrippé par l’ex-ami de sa fille, un vaurien selon lui. Il l’a traîné dans l’escalier. Il était armé
d’un couteau de boucher. Il a tenté de se défendre, mais il a été pris à la gorge et a reçu un coup
de couteau au niveau du cou et sur sa joue droite, puis un coup-de-poing sur le nez provoquant
une épistaxis.
Un employé, ameuté par le bruit, est descendu et a donné l’alerte.
Il a été transporté par le SAMU à l’hôpital où il n’a pas été admis.
Le certificat médical initial de l’hôpital stipule :
[...] L’examen a révélé les lésions suivantes : plaie malaire droite superficielle. Plaie cervicale
médiane de 4 cm de long, superficielle, suturée.
Ces lésions entraînent la nécessité de poursuivre les soins pendant 8 jours.
Sur le certificat des UMJ, le jour même, est noté :
[...] Se plaignant de « peur du couteau » et a peur pour sa femme. Avoir constaté un traumatisme
facial récent avec plaie récente suturée de la joue droite, un point de suture avec ecchymose
récente au-dessous. Ouverture de la bouche normale. Aucune lésion traumatique intra-buccale.
Plaie récente de la face antérieure du cou, superficielle, trois points de suture. Erosion récente
de la face antérieure du cou, sus-jacente, à la première plaie. Plaies superficielles de la main
droite et gauche, face palmaire de P3 du (illisible) doigt gauche, face dorsale de P2 gauche et
face dorsale de P 1 du 2ème doigt droit.
En conclusion ; lésions traumatiques récentes compatibles avec les dires du plaignant : lésion à
70 bord net compatible avec un objet coupant tel un couteau.
ITT : 6 jours sous réserve du retentissement psychologique.
Le certificat du psychiatre de garde précise :
[...] Personne anxieuse, très marquée par le risque de mort encouru par sa femme et par lui-même.
Son discours apparaît cohérent et bien structuré, son comportement est adapté. Dans l’entretien,
Monsieur est d’humeur stable, préoccupé par la menace constituée par l’agresseur au cas où il
devrait être libéré. Absence d’antécédent psychiatrique.
En conclusion : retentissement psychologique modéré, mais qui nécessite une réévaluation à
distance.
À la suite de cette consultation, votre patient a regagné son domicile.
Il a énormément apprécié le soutien de ces collègues le jour des faits : visites, fleurs, etc.
Il est parti une semaine au repos à la campagne et n’a repris son travail qu’au 11ème jour, sans
modification par rapport à son travail antérieur.
Dans votre dossier médical vous avez noté une seule consultation un an auparavant pour vérifier
sa tension ; vous lui avez proposé une benzodiazépine qu’il a refusée.
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
Compte tenu des connaissances acquises lors de la première leçon, des dires de sa femme
qui vous consulte régulièrement et de la demande du patient, quels troubles pourrait-il
présenter ? Troubles que vous rechercherez pendant l’examen clinique.
Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non
évite bien qu’il y ait installé des éclairages puissants : « C’est sombre. Si je l’avais vu, j’aurais pu
m’échapper. Ça a duré 8 minutes... J’ai joué ma vie. Jeune et fort : 40 ans... » commente-t-il très
troublé.
« Je rumine tout ce qu’il lui a fait endurer à ma fille, j’ai appris ça au procès, elle disait rien. C’est
dur, j’y pense tout le temps » Il s’accuse d’avoir été un mauvais père : « Pas suffisamment occupé
d’elle... Je prends ça sur moi. J’aurais du la sortir plus souvent. Avant j’y pensais pas. » Il craint
le quartier où vit sa fille et veut la rapprocher du centre de la ville, plus sûr selon lui.
À l’examen.
M. TREIZE âgé de 63 ans, se présente correctement. Il mesure 178 cm et pèse 72 kilos.
Il a revécu l’agression pendant le rappel des faits.
Il banalise ses troubles qu’il attribue à son âge.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Après avoir pris bonnes notes des commémoratifs, des doléances et de l’examen clinique,
vous allez rédiger le certificat médical demandé.
Quels sont selon vous les éléments importants qui doivent figurer dans un tel certificat
médical ?
Notez les éléments cliniques importants devant figurer
dans un certificat médical avant expertise civile
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Un certificat médical avant expertise civile obéit aux règles qui ont été définies dans la
2e leçon :
– identité du patient,
– faits ou commémoratifs,
– suites sur le plan médical, soins, évolution,
– doléances actuelles,
– description des troubles physiques et psychologiques actuels,
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
– état antérieur, c’est-à-dire les pathologies antérieures qui pourraient interférer avec les
troubles actuels, lesquelles peuvent être prise en compte pour diminuer les séquelles
directement imputables aux événements traumatiques incriminés,
– l’incapacité totale de travail, notion pénale, n’a aucune raison d’être discutée dans un
certificat qui n’est pas destiné à « punir » un auteur mais à « réparer » une victime, sauf
à démontrer l’importance des lésions immédiates,
– En revanche ce certificat comprend des spécificités utiles pour le bon déroulement de
l’expertise.
L’incapacité totale de travail (ITT) est une notion pénale qui n’a aucune raison
d’être discutée dans un certificat destiné à « réparer » une victime sauf à
démontrer l’importance des lésions immédiates.
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PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Le certificat médical initial des urgences hospitalières, celui des urgences médico-judiciaires et le
certificat du psychiatre de garde suffisent à prouver que M. TREIZE a été victime d’une agression.
Peu après l’agression Monsieur TREIZE a été pris en charge par une association d’aide aux victimes
puis par un psychologue, mais il n’a bénéficié que de 4 séances. Il dispose des documents
l’attestant qu’il doit joindre au dossier.
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
Vous pouvez certifier que vous l’avez consulté 2 ans après les faits, qu’il était tourmenté par le
procès, qu’il vous a paru que vous deviez lui prescrire une benzodiazépine qu’il a refusée comme
tous les soins.
Il a constamment minimisé ses troubles, estimant qu’il va bien contre l’évidence clinique
Il peut être incitatif de dire à un patient qu’il n’est pas concevable de le consolider parce
que des soins pourraient l’améliorer (voir chapitre 10).
État actuel
Il s’agit des données de l’examen pratiqué le jour de la rédaction du certificat.
Ce sont les troubles actuels qui seront indemnisés s’ils sont bien en rapport « direct et
certain » avec l’événement traumatique causal.
État antérieur
L’absence d’un éventuel état pathologique antérieur joue un rôle important pour faire le
lien entre les troubles actuels et l’évènement traumatique.
Il est important de noter les antécédents médicaux qui pourraient interférer avec les troubles
actuels, et eux seuls, mais avec recherche systématique des antécédents traumatiques,
comme cela a été longuement développé dans la première leçon.
75
M. TREIZE ne présente aucun antécédent médical.
Il a été opéré de l’appendicite.
Il n’a jamais été suivi sur le plan médico-psychologique.
Il fume 1 paquet de cigarettes par jour mais ne consomme pas d’alcool et aucun produit
psychoactif.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
M. TREIZE est né en 1950. Il le 18e né d’une fratrie de 20 enfants. Son père était postier ; sa mère
au foyer. Il dit avoir passé une enfance heureuse auprès de parents bienveillants, catholiques,
très religieux.
Il a échoué au certificat d’études, n’étant pas suffisamment soutenu par des parents âgés, selon
lui.
Dès 14 ans il a obtenu différents emplois précaires avant de s’installer comme vendeur de fruits
et légumes sur les marchés. Ensuite il a été gérant d’un garage Renault pendant 2 ans. Il est
rentré dans l’administration où il est actuellement technicien en sécurité après avoir obtenu les
diplômes nécessaires par concours interne.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Il a vécu une vie sentimentale conforme à celle d’un homme de sa génération. Il s’est marié à
23 ans. Il a 2 filles nées en 1969 et 1971. Il mène une vie de couple harmonieuse.
Le rôle d’un éventuel état antérieur qui pourrait interférer avec les troubles actuels doit
être discuté. Quelle est la part de la pathologie antérieure avec les troubles actuels :
– a-t-elle déclenché ou décompensé un trouble ?
– a-t-elle aggravé ou accéléré la pente évolutive d’un trouble ?
– a-t-elle révélé une pathologie latente ?
Même s’il s’agit une discussion d’expert en dommage corporel, le médecin traitant connaît
son patient
LA VICTIME D’ACCIDENT
Ce jour, le 10 novembre 2011, elle vous montre la convocation que lui a envoyée un
médecin-conseil de l’assurance désigné pour évaluer les dommages dont elle a été victime.
Vous lui expliquez que vous ne l’accompagnerez pas mais que vous allez lui remettre un
courrier pour éclairer l’expert sur son cas.
Vous consultez votre dossier médical :
28/8
Céphalées. Asthénie.
Bonne cicatrisation.
10/9
Reprise BEP
Céphalées bitemporales, irritabilité, vertiges.
Paracétamol.
25/9/09
Crises d’angoisses
Céphalées ++ vertiges.
Asthénie.
Paracétamol + Paroxétine 1/J
Avis neuro
10/10
Vu neuro
Poursuite Paroxétine
12/11/09
14/12/09
Crise d’angoisse ++
Paroxétine + Xanax + Mg
78
6/01/10
Paroxétine + Xanax + Mg
10/03
Paroxétine + Xanax + Mg
Nouv avis neuro
15/04
bilan neuropsycho
16/06/2010
Bilan neuropsycho
Echec BEP
Paroxétine + Xanax + Mg
1/09/10
Consolidation
Arrêt traitement
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
En compulsant les pièces du dossier, vous retrouvez le certificat médical initial du 16 août
2009, une lettre du neurologue et le bilan neuropsychologique :
Oui Non
Melle QUATORZE présente un état dépressif
Elle présente un état de stress post-traumatique
Elle présente un état de stress post-traumatique complexe
Elle présente des troubles comorbides
Elle présente une décompensation d’un état antérieur fragile
Vous avez la preuve que votre patiente a subi un accident de la voie publique le 16 août
2009 (certificat médical initial)
Vous l’avez suivie régulièrement (prescription), orientée chez votre correspondant neuro-
logue, lui-même lui a prescrit un bilan neuropsychologique. Vous avez ces documents et
vous les lui remettez par photocopie.
Personne mieux que vous ne connaît son état antérieur : absence d’antécédent médico-
chirurgicaux, traumatiques ou autres, antérieurs ; pas de « rupture biographique ».
Veuillez rédiger la lettre que vous adressez au médecin-conseil de l’assurance
du conducteur responsable pour faciliter l’expertise de Mlle QUATORZE
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3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
Avez-vous discuté le rôle qu’ont pu jouer ses troubles sur son arrêt des études
de comptabilité qui pourrait constituer une perte de chance préjudiciable
pour son avenir ?
Retenir
Dr Pierre Angulaire
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
Dr Pierre Angulaire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
84
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident
Notes
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 4
É
TANT ENTENDU
de la deuxième leçon sans lesquelles vous ne pourriez valablement continuer à
améliorer vos connaissances et votre pratique clinique, quels sont les objectifs de
cette quatrième leçon ?
Cette quatrième leçon est destinée à :
1. décrypter les stratégies des agresseurs,
2. améliorer le repérage des femmes victimes de violences conjugales,
3. améliorer votre pratique clinique.
La prise en charge médicolégale et l’orientation dans le réseau d’accompagnement social
et judiciaire et les soins sont le sujet des 8e et 10e leçon.
Définition
Il existe de multiples définitions des violences faites aux femmes, dont celle adoptée par
l’assemblée générale de l’ONU en novembre 1993 :
88
Définition de l’ONU, 1993
La violence faite aux femmes désigne tout acte de violence fondé sur l’appartenance
au sexe féminin, causant ou susceptible de causer aux femmes des dommages ou
des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, et comprenant la menace de
tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie
publique ou dans la vie privée.
Exercice
Listez les quatre formes de violences que subissent les femmes au sein du couple :
Listez les 4 formes de violences
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En fait, le continuum des multiples formes de violences commises en règle par les hommes
à l’encontre des femmes intra et hors ménage, comprend : l’inceste, les violences dans la 89
relation de couple, le harcèlement sexiste et sexuel au travail, les mutilations sexuelles
féminines, les mariages forcés, la stérilisation forcée, les mutilations « esthétiques »
volontaires, le trafic de femmes, les violences liées aux intégrismes religieux, le proxénétisme
et la prostitution, l’exploitation sexuelle des enfants, la pornographie.
1. Pereda N., Guilera G., Forns M., Gómez-Benito J., « The prevalence of child sexual abuse in community and student
samples: A meta-analysis », Clinical Psychology Review, 29, 328-338, 2009.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
La première leçon vous a permis d’approcher la fréquence des violences de couple. Pour
rappel, selon l’Office national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) : environ
560 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques ou sexuelles
« intra ménage » (2,5 %) ; une femme décède tous les 2 jours et demi sous les coups de
son compagnon. Mais, 130 000 hommes âgés de 18 à 75 ans sont victimes de violences
physiques ou sexuelles par conjoint ou ex-conjoint par an (0,6 %).
Les violences faites aux femmes sont « légitimées » par l’idéologie sexiste de domination
dont les stéréotypes assignent culturellement des rôles différents aux personnes de sexe
féminin et masculin.
Stéréotypes sexistes
Les hommes seraient : forts, protecteurs, Les femmes seraient : faibles, émotives,
responsables, sérieux, intelligents, ration- sensibles, fragiles, belles, tendres, affec-
nels, logiques, maîtres de leurs émotions, tueuses, maternelles, dévouées, aimantes,
décidés, capables, courageux, entrepre- dociles, passives, masochistes, versatiles,
nants, ambitieux, leaders. futiles, coquettes, bavardes, subalternes.
Veuillez à présent regarder la première partie du film « Anna » réalisée pour la Mission
interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la
traite des êtres humains (MIPROF)1 . (N’hésitez pas à prendre des notes.)
90
MÉCANISMES DE LA VIOLENCE
Vous avez repéré le moment de fragilité d’Anna qui a préludé aux violences
qu’elle subit
Avez-vous repéré qu’Anna parle d’escalades de violences et de réconcilia-
tions ?
Vous avez retenu les raisons qui expliquent son sentiment de culpabilité
(1re leçon)
Avez-vous repéré les stratégies d’emprise utilisées par son conjoint pour
l’embrouiller ?
Si vous avez répondu Non à 2 questions, vous devriez approfondir la première leçon.
91
Si vous vous sentez à l’aise avec ces questions, repassez au besoin le film et listez avec un
stylo les stratégies d’embrouille qu’utilise le conjoint d’Anna.
Listez les stratégies d’embrouille
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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rentre en retard : « Il connaît mon emploi du temps par cœur », « Je suis devenue sa
propriété ».
La grossesse, période de grande vulnérabilité, est mal vécue par les hommes immatures qui
ne supportent pas l’idée de devoir partager avec un enfant. Elle marque souvent, comme
dans le cas d’Anna, le début des violences physiques qui se déroulent selon le schéma
classique des escalades de violence : Anna parle de disputes anodines, puis de paroles
humiliantes « pires que les coups », de claques puis d’excuses et de pardon (voir schéma
suivant).
Escalades de violences
D’une façon plus générale, l’homme violent utilise toute une palette de comportements et
un discours qui parvient progressivement à embrouiller sa « proie ».
Le discours paradoxal de l’homme (ou de la femme) violent-e est fait de doubles liens qui
embrouillent progressivement le sujet qui veut sauver son couple :
« Comment peux-tu croire que tu n’es pas libre mon amour ? Tu peux faire tout ce que tu veux ! MAIS
tu ne dois pas fréquenter untel et untel. MAIS tu ne dois pas t’habiller comme ça. MAIS tu es mieux à
la maison qu’au travail. MAIS (...) MAIS (...) MAIS (...) Et je ne fais ça que pour toi. Je t’aime. »
Ces stratégies sont résumées dans le tableau suivant. On a repéré que le conjoint d’Anna en
utilisait un certain nombre.
Stratégie d’emprise psychologique
les alliances ;
– il fait alterner des périodes d’accalmie et de violences psychologiques ou physiques ;
– il ne donne jamais la moindre explication ;
– il ne tient jamais compte des faits ;
– il pratique une surenchère permanente : le moindre répit pourrait stimuler la réflexion,
permettre une prise de conscience ;
– il passe le plus souvent pour la victime de sa victime unanimement considérée comme
responsable de la situation qu’elle endure.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
94
Autres :
Si vous avez répondu OUI à une des questions précédentes, veuillez préciser vos arguments
cliniques :
Quels sont vos arguments cliniques en faveur d’un des diagnostics
posés précédemment
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Elle paraît déprimée, en « petite forme », avec des difficultés de sommeil, une asthénie, un
sentiment d’avenir bouché : « Je n’arrive pas à m’en sortir » dit-elle sur la table d’examen.
Elle présente des éléments cliniques en faveur d’un état de stress post-traumatique : elle
évite de répondre au médecin qui lui demande si elle a subi des violences : « Pourquoi
vous me demandez ça ? » ; elle se sent mise en cause, probablement parce qu’elle a honte,
mais l’évitement est également un symptôme cardinal de l’état de stress post-traumatique ;
elle préfère garder son pull pendant l’examen parce qu’elle serait frileuse, mais peut-être
se méfie-t-elle d’un homme médecin qui va entrer en contact avec son corps ; dans son
monologue intérieur (première partie du film), elle parle de reviviscences anxieuses de
paroles humiliantes « pires que les coups » ; elle est inquiète, sur ses gardes, sur le qui-vive,
en état d’hypervigilance : elle marche sur la pointe des pieds quand elle quitte l’appartement.
Ces éléments cliniques sont les critères diagnostiques d’un état de stress post-traumatique
comme décrit dans la première leçon :
– Anna est victime d’événements traumatisants, répétés dans son cas, et a présenté une
ou des réactions de peur intense (Critère A) ;
– elle revit constamment l’agression par des pensées, des images, des intrusions de paroles
humiliantes (Critère B) ;
– elle évite les situations symbolisant les violences dont elle évite de parler (Critère C) ;
– elle est constamment sur le qui-vive, inquiète, hyper vigilante (Critère D) ;
– ses troubles durent depuis plus d’un mois (Critère E) ;
– ils entraînent une souffrance cliniquement significative (Critère F) ;
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critères auxquels s’ajoute un sentiment de culpabilité dont nous avons vu dans la première
leçon qu’il lui permettait de sauvegarder à ses yeux, une part de responsabilité afin de ne
pas être réduite à n’être que « la chose » de son conjoint. Quand le médecin lui demande des
précisions sur la perte de patience de son conjoint, elle banalise tout d’abord, expliquant
qu’elle est responsable parce qu’elle « a cramé » un plat, mais il a des excuses, il est
« maniaque » et sa mère était « très peu soigneuse ». Il aime que tout soit impeccable et
ne semble pas aider Anna bien qu’il ne travaille pas. Anna ne ressent pas un sentiment
de colère parce que son conjoint est parvenu à l’embrouiller en la manipulant pour qu’elle
s’attribue toute la responsabilité des violences qu’elle subit.
L’état de stress post-traumatique d’Anna s’accompagne d’un cortège d’autres troubles :
– une perte totale de confiance en soi ;
– une perte de confiance en toute aide ;
– un sentiment de totale impuissance : « Je suis paralysée », ce qui pourrait être de nature
dissociative si cette paralysie survenait lors des épisodes de violence, mais nous n’avons
pas d’élément qui permette de trancher dans le film ;
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple
– ces troubles ne sont pas suffisants pour porter le diagnostic d’état de stress post-
traumatique complexe tel qu’il est décrit dans la première leçon, probablement parce
qu’Anna n’a pas d’antécédent de maltraitances antérieures et que la violence conjugale
qu’elle subit ne s’inscrit pas dans la répétition littérale de violences subies dans l’enfance.
On retient également que Louise, sa fille, a des problèmes scolaires et qu’elle a récemment
présenté un épisode d’énurésie secondaire, dont Anna s’attribue la responsabilité : « Je
peux pas l’accompagner à l’école. »
Finalement, Anna dira que son conjoint l’a trainée par les cheveux devant Louise quand le
médecin sera parvenu à établir une relation de confiance.
Après l’examen physique, le médecin interroge Anna sur sa vie sexuelle. Elle lui révèle que
son conjoint lui impose des rapports sexuels qu’il qualifie justement de viols. Elle parle
également de la perte de son autonomie économique.
Retenir
Les conséquences des violences conjugales répétées ne sont pas spécifiques et ont été
décrites dans la première leçon.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
POUR RAPPEL :
Les victimes de traumatismes répétés, physiques, psychologiques (emprise), sexuelles,
ont tendance à répéter littéralement en tant que victime, ou en tant qu’auteur, les
situations qu’elles ont vécues le plus souvent pendant l’enfance, ce qui explique la répétition
transgénérationnelle de la violence.
Ces victimes présentent des états dépressifs dont le risque majeur est le suicide.
Elles présentent des troubles psychotraumatiques qui sont moins des états de stress
post-traumatiques que des troubles psychotraumatiques complexes, surtout si les violences
surviennent sur des personnalités traumatiques complexes telles qu’elles ont été décrites
dans la première leçon à laquelle vous pouvez vous référer si cette explication ne vous
paraît pas claire.
Elles présentent des défenses de type dissociatif qui leur permettent de s’abstraire de
façon automatique de la situation présente en entraînant une anesthésie émotionnelle.
Elles peuvent utiliser des comportements paradoxaux qui les stigmatisent pour se mettre
en état de dissociation traumatique : conduites addictives, mises en danger, conduites
98 auto-agressives (scarification, tentatives de suicide), conduites sexuelles dangereuses
(rapports sexuels non protégés, sexualité violente, multiplication des partenaires, rapports
avec des inconnus, prostitution, pornographie) ; conduites délinquantes récidivantes (vols,
destructions de biens, comportements violents) ; etc.
Elles présentent des troubles comorbides :
– troubles anxieux divers (anxiété généralisée, trouble panique avec ou sans agoraphobie),
– conduites addictives (alcool, automédication, stupéfiants),
– troubles des conduites alimentaires (boulimie, anorexie) ;
– somatisations (troubles somatoformes).
Elles consultent les médecins de toutes spécialités avec des symptômes écrans. Elles ne font
pas le lien avec les événements traumatiques subis parfois longtemps avant la consultation.
Les médecins ne les recherchent pas.
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple
Les victimes de violences de couple entraînent fréquemment des réactions de rejet chez les
praticiens, surtout si elles les consultent fréquemment sans qu’ils en comprennent toujours 99
la raison ou si elles leur paraissent ne rien faire pour sortir de leur situation.
Retenir
La meilleure sinon la seule façon de repérer une victime de violences de couple consiste à
rechercher systématiquement des antécédents de violences en posant la question à tous les
patients.
Comprendre
En 2004, le Dr Lazimi1 , médecin généraliste, a fait cette expérience, pour lui fondatrice,
auprès de 100 patientes âgées de 18 à 92 ans qu’il connaissait depuis de nombreuses
années et qui le consultaient pour toutes sortes de « symptômes écrans. » En fin de
consultation, il posait une de ces trois questions :
– Au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences verbales, propos sexistes,
humiliants, dévalorisants, injures, menaces ?
– Au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences physiques ? Avez-vous
reçu des coups, des gifles ? Avez-vous été battue, bousculée par un homme ?
– Au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences sexuelles : attouchements,
viol, rapports forcés ?
Les résultats l’ont stupéfié :
– 54 % ont déclaré avoir été victimes de violences,
100 – 49 % de violences verbales,
– 31 % de violences physiques,
– 21 % de violences sexuelles,
– 90 % des victimes de violences sexuelles en parlaient pour la première fois,
– 50 % des victimes de violences physiques en parlaient pour la première fois.
1. Lazimi G., Piet E., Casalis M.-F., « Violences faites aux femmes en France et rôle des professionnels de santé,
tableaux cliniques et études de repérage systématique », Cahiers de santé publique et de protection sociale, sept. 2011
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple
Le médecin que consulte Anna lui explique qu’il s’agit pour lui d’une question systématique
de routine qu’il pose lorsqu’il recueille les antécédents de ses patients. Il faut certes
que cette question soit reçue comme étant certes systématique, mais surtout sans que le
médecin manifeste une gène quelconque.
Comprendre
Si vous pensez être embarrassé par une possible réponse positive qui serait une
sorte de « patate chaude » chronophage, sachez que la 8e leçon est destinée à vous
apprendre la conduite à tenir !
Le tableau suivant rassemble les questions que vous poserez si cet Atelier du Praticien vous
convainc.
Types de questions de dépistage systématique
Résumé
Notes
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103
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 5
Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Testez vos connaissances initiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
La fréquence des maltraitances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Le déni de la maltraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Bientraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Protéger l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Pourvoir aux besoins de l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Permettre l’autonomie progressive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Conséquences sociales et médico-psychologiques des
maltraitances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Conséquences sur la santé physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Conséquences sur la santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Conséquences sur le processus d’inadaptation ou d’exclusion 105
sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Conséquences sur la criminalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Coût social des maltraitances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Le repérage de la maltraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Le jeune enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’adolescent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Le dépistage de la maltraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
Réponses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Réponses au questionnaire initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
É
TANT ENTENDU
de la deuxième leçon sans lesquelles vous ne pourriez valablement continuer à
améliorer vos connaissances et votre pratique clinique, quels sont les objectifs de
cette cinquième leçon ?
GÉNÉRALITÉS
106
Exercice
Listez les quatre formes de violences que subissent les enfants maltraités :
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................................................................................
................................................................................
................................................................................
Référez-vous aux différentes définitions ci-dessous pour connaitre les réponses si vous avez
hésité.
5 • Examen d’un enfant maltraité
OUI NON
Un enfant au moins décède tous les 2 jours sous les coups de ses
parents ?
Selon la Bible, il faut honorer son père et sa mère sous peine de mort
Définitions
Il existe de multiples définitions de la maltraitance.
La Convention sur les Droits de l’enfant (ONU, 1989) que la France a signée dès 1990,
la définit comme :
Toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques et mentales, d’abandon et
de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle.
Selon l’OMS (1999) :
La maltraitance de l’enfant comprend toutes les formes de mauvais traitements physiques
et/ou psychoaffectifs, de sévices sexuels, de négligences ou d’exploitation commerciale ou
autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son
développement ou sa dignité dans un contexte de relation de responsabilité, de confiance
ou de pouvoir.
Le mot « abus » que l’on trouve un peu partout est scandaleusement abusif en français pour
désigner des crimes et des délits. Que penseriez-vous si l’on disait : « Un viol incestueux de
temps à autre, oui, mais sans abuser... » Parler de viol, d’agression ou de violence sexuelle.
durées et comment elles s’articulent entre elles en raison de l’hétérogénéité des politiques
publiques départementales de protection de l’enfance.
Une enquête réalisée en 1996 auprès de 1 116 adolescents âgés de 13 à 15 ans, tirés au
sort dans 68 classes de 17 écoles publiques de Genève, elles-mêmes tirées au sort, donne
une idée de la fréquence des violences sexuelles dans une ville policée et non pas dans le
93, mais il est admis qu’elle touche tous les milieux, sans distinction :
Agressions sexuelles subies par des élèves dans les écoles publiques genevoises
(Halpérin, 1996)
AS multiples 33 %
Agresseurs connus 66 %
Une étude publiée dans le Lancet1 en 2008 indique que 10 % des enfants
subissent des maltraitances dans les pays développés. 109
Le déni de la maltraitance
La maltraitance s’inscrit dans un des nombreux systèmes agresseurs qui sont des idéologies
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
où s’entremêlent des éléments culturels et des croyances qui justifient la loi du plus fort.
Le sexisme, le racisme, l’élitisme, le néolibéralisme, et toutes les idéologies totalitaires
légitiment toutes sortes de violences « nécessaires » pour maintenir la domination des plus
forts au détriment des plus faibles : violences à l’encontre des pauvres, des étrangers, des
femmes, et bien entendu des enfants.
La maltraitance infantile est un système de domination qui s’inscrit dans nos traditions,
Torah, évangiles, droit romain qui donnait le droit de vie ou de mort au pater familias, et
même dans notre droit actuel :
1. Gilbert R., Widom C. S., Browne K., Ferguson D., Webb E., Janson S., Child Maltreatment 1. Burden and
consequences in high-income countries, 3 décembre 2008, www.thelancet.com, 2009.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
– « Honore ton père et ta mère afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne
Yahvé ton Dieu (Ex 20,12) », c’est-à-dire sous peine de mort, et quoi qu’ils fassent
surtout !
– Article 371 C. civ. créé en 1970 : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses
père et mère. »
– La loi du 5 mars 2007 est « destinée à prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner
les familles et d’assurer, le cas échéant (...) une prise en charge partielle ou totale des
mineurs (...) », les parents d’abord.
– Article 375 C. civ. : « Il (le juge des enfants) doit toujours s’efforcer de recueillir
l’adhésion de la famille à la mesure envisager (...) » même si l’enfant est victime de
graves maltraitances !
– Article 227.27 C. pén. : « Peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale (...)
les père et mère qui sont condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’une
crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant », mais cette mesure est
exceptionnellement prononcée.
– Article 44 C. déont. méd. : « (...) S’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas
en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, le
médecin doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les
autorités judiciaires, médicales ou administratives. » Comment expliquer cette clause de
conscience ?
110 – Etc.
Comprendre
La résilience alimente le déni en faisant croire à ceux qui ne l’auraient pas correctement
comprise, qu’un malheur pourrait être merveilleux et que les petits canards battus
pourraient devenir des cygnes majestueux plutôt que les canards boiteux que décrit
la recherche scientifique.
En revanche les facteurs de résilience permettent de mieux supporter l’adversité.
BIENTRAITANCE
Comprendre
Les parents suffisamment bons jouent avec l’enfant, même s’ils n’en ont pas le temps et
veulent se détendre, quand ils en ont l’occasion. Ils écoutent, respectent les émotions de
l’enfant qui sont à sa mesure et non pas à celle d’un adulte, ils ne nient pas les émotions
qu’il ressent : « Chez nous on pleure pas » ; « Calme-toi, ne crie pas » ; « T’as pas honte
d’avoir peur pour si peu » ; etc. Ils ne disqualifient pas ses sensations au nom de leur
112
angoisses de parents : « Mange ! Mais si, c’est bon, voyons ! » ce qui peut l’amener à douter
de ses propres sensations.
En clair, le parent doit être au service de l’enfant et non pas l’inverse comme on le
voit souvent et notamment quand, par exemple, un parent fait des confidences sur ses
préoccupations d’adultes voire sur sa vie sexuelle, à un enfant qui n’est pas en capacité de
les comprendre.
Le socle identitaire se construit dans ses interactions précoces qui permettent à l’enfant
de se sentir désiré, accueilli avec joie et bienveillance, un capital narcissique quasiment
indestructible pour un avenir serein où le sujet se sent bien à sa place (et non pas un
« paumé », un dégénéré, quelqu’un qui n’est pas bien dans ses baskets, etc., le langage
populaire n’étant pas avare d’expressions pour qualifier les sujets carencés qui ont des
problèmes identitaires.)
Une parentalité « suffisamment bonne » consiste aussi à éduquer l’enfant, c’est-à-dire à
lui transmettre des valeurs familiales, sociales et spirituelles, plus par l’exemple que par
les paroles, sans trop compter sur l’école dont le rôle serait plutôt d’instruire les enfants
fut-elle une école confessionnelle que les parents n’ont pas choisie par hasard.
5 • Examen d’un enfant maltraité
Retenir
Mieux que les recherches rétrospectives, les études longitudinales, surtout si elles sont
fondées sur les cohortes de naissance, sont les plus pertinentes. Hélas, l’étude Elfe, première
étude longitudinale française (2011) depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte ne prend pas en
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Retenir
Les maltraitances constituent des facteurs de risque de développer des troubles graves
de la personnalité et divers troubles psychiatriques dits comorbides : toxicomanie, état
dépressif et conduites suicidaires, troubles anxieux divers, troubles du comportement.
1. Malinosky-Rummel R., Hansen D. J., « Long-term consequences of childhood physical abuse », Psychol Bull, 114,
1993.
5 • Examen d’un enfant maltraité
Retenir
115
Les enfants victimes de violences sexuelles et de maltraitance ont plus de difficultés
à s’intégrer socialement.
De multiples études qu’il serait fastidieux d’énumérer dans un Atelier du Praticien, tout
comme l’expérience clinique, font le lien entre :
– maltraitance infantile et troubles graves de la personnalité ;
– maltraitance infantile et criminalité ;
– trouble de la personnalité et criminalité.
L’expertise collective de l’Inserm menée en 2005 sus citée a également démontré que les
4 % d’enfants et d’adolescents constamment violents courent le risque de présenter des
parcours délinquants. Ce constat scientifiquement établi devrait avoir des conséquences sur
la prévention développementale de la délinquance qui devrait s’exercer avant l’âge de trois
ans. Il n’en est rien.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Retenir
Retenir
116 De nombreuses études démontrent que les violences sexuelles et autres maltraitances
sur les enfants ont des conséquences redoutables autant sur le plan personnel en
termes de troubles psychotraumatiques, troubles graves de la personnalité, états
dépressifs, conduites addictives, troubles somatiques variés, que sur le plan social en
termes d’exclusion ou inadaptation, chômage, pauvreté, échec scolaire, coût de santé
public, criminalité.
5 • Examen d’un enfant maltraité
LE REPÉRAGE DE LA MALTRAITANCE
Le jeune enfant
Signes d’appel chez l’enfant de moins de 3 ans
Ce sont les parents ou des proches, parfois un travailleur social, qui s’inquiètent et
conduisent un très jeune enfant chez le professionnel de santé.
Ils ont pu s’inquiéter parce qu’il a fait des révélations ou pour un changement de
comportement, une « rupture biographique ».
Parfois le constat d’anomalies ou de lésions périnéales inquiète légitimement les parents.
Le mode de garde de l’enfant peut être mis en cause : nourrice, baby-sitter, professeur,
éducateur.
Il peut s’agir d’une suspicion de violences sexuelles au retour d’une visite après une
séparation plus ou moins conflictuelle.
L’enfant plus âgé qui se confie à un adulte de confiance lui réclame souvent de garder
le dévoilement secret pour épargner un proche estimé fragile par exemple ou pour éviter
l’emprisonnement de l’auteur qui peut avoir fait pression de façon directe ou indirecte dans
ce sens. Le professionnel explique clairement qu’il ne peut pas garder le secret du fait même
de la loi que l’agresseur a bafouée.
D’une façon générale, l’adulte qui recueille le dévoilement doit reconnaître les faits, dire
qu’ils sont interdits, encourager l’enfant, le rassurer en lui disant qu’il n’est pas coupable
ou responsable, lui offrir sa protection en faisant tout pour que cesse la situation.
Parfois l’enfant est examiné parce qu’il présente une blessure des organes génitaux ou pour
une vulvite dont nous verrons les caractéristiques dans le paragraphe concernant l’examen
médico-légal.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Les comorbidités sont souvent au-devant de la scène clinique : état dépressif, trouble
panique, trouble du sommeil, des conduites alimentaires, des fonctions digestives et
urinaires. Ces troubles ne sont pas spécifiques, mais lorsqu’ils sont présents ils constituent
des arguments compatibles avec des violences sexuelles
L’adolescent
Cas clinique n° 11
Magali est convoquée chez la directrice de son établissement scolaire. Elle se fait sermonner
parce qu’elle n’est plus la bonne élève qu’elle a connue. Elle est devenue taciturne, insolente.
Elle fume dans la cour de récréation, manque la classe, ne rend plus ses devoirs. Elle se maquille
et provoque les garçons en cour de récréation. Un surveillant lui a confisqué un joint de
cannabis. Des rumeurs circulent à son sujet : elle serait une « fille facile » et fréquenterait la
« racaille » qui rôde autour du collège. Ses professeurs parlent d’une crise d’adolescence bruyante
et réclament une exclusion temporaire. La directrice tente de lui faire la morale, lui demande de
se ressaisir. Brusquement Magali quitte le bureau en claquant la porte, d’un air buté et décidé.
Elle ne remettra plus les pieds au collège.
Ses parents sont convoqués. Son père, un homme connu pour être charmant et responsable,
demande que l’on soit indulgent avec sa fille. Il explique qu’il tente d’être plus ferme avec elle
mais qu’il n’y parvient pas. Sa mère, apparemment désespérée ne dit mot. La directrice et le père
décident qu’une psychothérapie pourrait lui être bénéfique.
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Son père, convoqué à la brigade de protection de la famille, parle d’une « fugue » par esprit
de vengeance. Il n’accepte pas qu’elle sorte le soir et amène son copain à la maison. Il lui a
interdit d’utiliser l’ordinateur familial et a confisqué son téléphone portable en raison de ses
mauvaises notes depuis 6 mois. Il paraît sincèrement effondré par les accusations de sa fille. Les
policiers le prennent en pitié.
Les agresseurs passent souvent pour les victimes des sujets à qui ils ont fait
subir des traumatismes répétés : il s’agit du classique mécanisme d’inversion
(4e leçon, p. 91).
Une « rupture biographique » est évocatrice et doit faire rechercher l’existence de violences
sexuelles, tout simplement en posant la question comme cela a été largement étudié.
Notez les questions vous auriez posées à Magali
et quelles précautions vous auriez prises 121
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Examen clinique
Le tableau clinique est très différent selon que l’adolescent-e est victime d’actes d’un
traumatisme unique ou de traumatismes multiples comme des agressions sexuelles répétées,
surtout de la part d’un proche.
Notez les complications habituelles d’un traumatisme unique chez un-e adolescent-e bien
structuré-e.
Complications habituelles d’un traumatisme unique
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
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Le dépistage est à différencier du repérage qui est une première approche, généralement
réalisée par des « profanes » contrairement au dépistage qui est le fait de professionnels.
Cet Atelier du Praticien n’est pas destiné aux spécialistes du dépistage de la maltraitance,
lesquels sont des médecins légistes, des pédiatres, des pédopsychiatres ou des psychologues
d’enfants.
Pour examiner un enfant, l’évaluateur, en accord avec les recommandations
de l’Audition publique sur l’expertise psychiatrique pénale (2007), est un
psychologue d’enfants ou un pédopsychiatre confirmé.
Il s’agit avant tout de faire cesser la situation de danger et de bien connaître les règles
de la transmission des « informations préoccupantes » ou du signalement judiciaire des
enfants en danger, sujet de la 9° leçon.
La pire erreur serait de faire une enquête ou de pratiquer un examen incomplet par peur de
se tromper et ainsi de compliquer l’enquête en faisant des suggestions que l’enfant risque
d’intégrer dans ses propos.
5 • Examen d’un enfant maltraité
RÉPONSES
2. D’après un article du Lancet, 10 % des enfants sont maltraités dans les pays
industrialisés
3. Selon la Bible, il faut honorer son père et sa mère sous peine de mort, injonction
reprise dans l’art. 371 C. civ. : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à
ses père et mère » créé en 1970
4. La résilience n’est pas une qualité personnelle ; les facteurs de résilience, c’est-
à-dire tout ce qui améliore les liens sociaux, permettent de mieux supporter les
situations traumatiques.
5. Les douze enfants présents lors du procès en appel d’Outreau ont été reconnus
victimes de viols et d’actes de proxénétisme et indemnisés comme telles.
6. Le dépistage est à différencier du repérage qui est une première approche, 123
généralement réalisée par des « profanes » contrairement au dépistage qui est
le fait de professionnels.
7. Les brigades des mineurs (BM) sont devenues les brigades locales de protection
de la famille (BLPF), quid des enfants ?
en France
10. La loi du 5 mars 2007 est faite pour prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives,
d’accompagner les familles (...)
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Résumé
Notes
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125
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 6
Le réseau
d’accompagnement
126
socio-judiciaire pour
une victime d’accident
SOMMAIRE
Cette sixième leçon est destinée à vous familiariser avec le réseau d’accompagnement qui
vous permettra de vous concentrer sur votre travail en confiant à d’autres professionnels
les tâches indispensables pour lesquelles vous n’êtes pas compétents.
128
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident
Oui Non
1. Le fait que le médecin évaluateur soit missionné par la compagnie
du tiers responsable constitue un conflit d’intérêt
130
La procédure civile
La procédure amiable et contradictoire est conseillée pour éviter les lourdeurs d’une
procédure judiciaire, longue et coûteuse.
En cas d’échec de la procédure amiable la victime, ou son conseil, peut saisir le tribunal
civil selon une procédure d’urgence (le référé) ou directement sur le fond.
L’évaluation des dommages corporels est alors confiée à un expert judiciaire, mais elle se
déroule en respectant le principe du contradictoire, c’est-à-dire, en règle, en présence du
médecin-conseil d’assurance. Il est donc indispensable, là encore, que le blessé soit assisté
par un médecin-conseil de recours.
Les honoraires d’expertise civile (de l’ordre de 600 à 1000 €) sont à la charge du blessé.
Les honoraires d’avocat peuvent être remboursés partiellement ou en totalité par la partie qui
succombe dans ses prétentions – jolie formule juridique – quand le juge estime inéquitable
de laisser à la charge de la victime une partie des sommes exposées (art. 700 C. pr. civ.)
L’assurance de protection juridique peut également prendre en charge les frais de recours
(voir p. 138).
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident
Le justiciable économiquement faible peut faire une demande d’aide juridictionnelle qui
sera totale ou partielle selon ses revenus s’il refuse la procédure amiable ou s’il ne partage
pas les conclusions du médecin évaluateur.
Par l’action soudaine et violente d’une cause exté- La relation de cause à effet entre l’accident et la
rieure provoquant (...) une lésion de l’organisme lésion est appréciée par le médecin-conseil.
humain
131
Caractère professionnel, par le fait ou à l’occasion La preuve est apportée par le Certificat initial.
du travail
La preuve du contraire est à la charge de la caisse La preuve du contraire est à la charge de la caisse
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La consolidation est définie comme étant « le moment où, à la suite de l’état transitoire
que constitue la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent, sinon
définitif, tel qu’un traitement n’est plus, en principe nécessaire si ce n’est pour éviter
une aggravation et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente,
consécutif à l’accident sous réserve de rechute ou de révision possible ».
La guérison n’entraîne pas la fermeture définitive du dossier : une rechute, une aggravation
ou une amélioration, peuvent entraîner la réouverture du dossier.
Des soins d’entretien post consolidation sont possibles après accord entre le médecin
traitant et le médecin-conseil.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Bien que votre lettre rendra de grands services à Mademoiselle QUATORZE, elle est venue vous
consulter parce qu’elle a reçu la convocation vous invitant à l’assister pendant l’expertise.
Vous avez probablement refusé, mais vous êtes vous assuré qu’elle est judicieusement
conseillée et assistée pour être correctement indemnisée ?
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Oui Non
Lorsqu’un accidenté vous consulte, il est impératif de faire une évaluation des conséquences
familiales, sociales, professionnelles du traumatisme subi pour tenter d’y remédier.
Difficultés pécuniaires
Les conséquences de l’accident peuvent mettre en difficultés pécuniaires le blessé qui perd
une partie de ses revenus alors que ces charges restent les mêmes comme ses emprunts
dont certains peuvent être couverts par une assurance. Il doit de surcroit avancer les frais
médicaux et ceux qu’entraîne la procédure : avocat, médecin-conseil.
revenus avec 6 mois de chômage, le tout indemnisable si elle peut apporter des arguments
le prouvant, comme les tests neuropsychologiques que le Dr SYNAPSE lui a fait pratiquer.
La durée de l’arrêt de travail et les séquelles de l’accident peuvent avoir des conséquences
fâcheuses sur le déroulement de la carrière professionnelle d’un blessé.
Au terme de l’évaluation, il convient d’orienter le blessé selon les besoins qui ont été
repérés.
sera nécessaire, comme c’est la règle, de prouver le bien-fondé d’une éventuelle procédure
d’indemnisation.
La sécurité sociale
Les psychotraumatisés présentant des troubles graves du comportement ont la possibilité
d’être exonéré du ticket modérateur à ce titre.
L’assurance maladie prend en charge les soins consécutifs à un accident, mais elle exercera
une action récursoire pour récupérer les frais qu’elle a engagés auprès de la compagnie
d’assurance chargée de l’indemnisation.
139
Les bureaux d’aide aux victimes (BAV)
Dans les palais de justice, des BAV organisent des permanences pour accompagner les
victimes dans leurs démarches judiciaires.
Pour trouver un bureau d’aide aux victimes : consulter <annuaire.justice. gouv.fr>
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. ANADAVI (Association Nationale des Avocats de Victimes de Dommages Corporels). Voir coordonnées en fin
d’ouvrage.
2. INAVEM (Institut national d’aide aux victimes et de médiation). Voir coordonnées en fin d’ouvrage.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Le médecin de recours
Il est conseillé de faire assister son patient par un médecin-conseil de victimes, dit de
recours, lors des expertises.
Ce médecin formé, nécessairement indépendant des compagnies d’assurance, facilite
l’expertise en sécurisant la victime, en mettant en ordre le dossier et en participant
à la discussion médico-légale qui dès lors devient réellement contradictoire.
En cas de désaccord avec le médecin évaluateur missionné par la compagnie d’assurance,
il peut proposer à la victime et à son conseil un arbitrage confié à un médecin réputé
indépendant de la compagnie d’assurance ou directement une procédure judiciaire (voir
ci-dessus).
Les honoraires du médecin de recours peuvent être pris en charge par une assurance de
protection juridique ou par l’assurance à l’issue de la procédure d’indemnisation.
L’ANAMEVA1 est une association nationale qui fédère un grand nombre de médecins de
recours.
Le tableau annexé page X résume les besoins sociaux, judicaires et médico-
psychologiques d’une victime d’accident ou d’agressions et les réponses
possibles qu’offre le réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire.
140
1. ANAMEVA (Association nationale des médecins conseils de victimes d’accidents). Voir coordonnées en fin
d’ouvrage.
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident
RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE
1. Le fait que le médecin évaluateur soit missionné par la compagnie du tiers responsable
constitue un authentique conflit d’intérêt.
2. La règle de l’examen contradictoire est effectivement destinée à limiter les
conséquences de ce conflit d’intérêt.
3. Vous n’êtes pas formé pour assister un blessé lors d’une expertise qui nécessite un
savoir faire que l’on peut acquérir en obtenant un diplôme de réparation du dommage
corporel.
4. Les médecins conseil de victimes, dits de recours, sont qualifiés pour assister les
victimes lors de toutes les expertises civiles.
5. Il est nécessaire de procéder à une évaluation des conséquences familiales, sociales,
professionnelles mais ce travail peut être confié à une association d’aide aux victimes
6. Les patients psychotraumatisés peuvent bénéficier de l’ALD 30 pour « Trouble grave
du comportement ».
7. L’ANAMEVA regroupe bon nombre de médecins de recours.
8. Notez dès à présent les coordonnées de l’INAVEM dans votre carnet d’adresse
9. L’ANADAVI est une association nationale d’avocats spécialisés dans la réparation du
dommage corporel. 141
10. Une bonne assurance de protection juridique couvre les frais que génèrent les
procédures civiles.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Résumé
Notes
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 7
Le réseau
d’accompagnement
144
socio-judiciaire pour
une victime d’agression
SOMMAIRE
Cette septième leçon est destinée à vous familiariser avec le réseau d’accompagnement
socio-judiciaire des victimes d’agressions extrafamiliales.
Le premier paragraphe décrit la procédure pénale pour vous puissiez conseiller utilement
vos patients, mais il est préférable de les orienter dans le réseau d’accompagnement social
et judiciaire qui facilite l’accès au droit pour vous concentrer sur votre travail en confiant
à d’autres des tâches indispensables pour lesquelles vous n’êtes pas suffisamment formé.
146
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression
Oui Non
Une victime d’agression dont l’auteur présumé est inconnu ne peut être
indemnisée
Une victime d’agression dont l’auteur n’est pas solvable doit renoncer à
percevoir ses dommages et intérêts
La procédure pénale
Les règles de la procédure pénale
Ces règles s’appliquent dès que l’origine du préjudice subi par une victime est une infraction.
La procédure pénale commence le plus souvent par un dépôt de plainte auprès d’un officier
de police judiciaire (OPJ), du Procureur de la République ou encore du Doyen des Juges
d’Instruction.
Un OPJ ne peut refuser de prendre une plainte ; il a l’obligation de rappeler ses droits
148 à la victime, dont la possibilité de saisir la Commission d’indemnisation des victimes
d’infractions (CIVI) voir infra (p. 150).
Après un dépôt de plainte, le procureur de la République dispose de l’opportunité des
poursuites : il peut poursuivre le suspect ou procéder à un classement sans suite.
En cas de poursuites, la victime peut choisir d’être présente comme témoin ou se constituer
partie civile pour s’associer aux poursuites engagées par le procureur et devenir acteur de
la procédure.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression
La partie civile peut, c’est fortement conseillé, être assistée par un avocat :
– pendant l’information, l’avocat aura accès au dossier dans les mêmes conditions que le
conseil du mis en examen ; il sera présent aux côtés de la partie civile lors des auditions
et confrontations ;
– à l’audience, il prendra la parole au nom de la partie civile et plaidera en son nom, et il
pourra même la représenter si elle ne souhaite pas se déplacer.
Retenir
La CIVI peut être saisie si l’auteur est inconnu mais elle ne peut statuer qu’en cas d’absolue
certitude sur la réalité des faits. Elle peut tirer arguments du dossier de police et de la
procédure judiciaire en cours. Elle peut surseoir à statuer jusqu’à la clôture définitive de
l’enquête et du procès pénal.
Si l’auteur est déclaré irresponsable sur le plan pénal, la victime peut s’adresser à la CIVI
pour être indemnisée.
La rapidité de l’indemnisation peut être accrue grâce à une sorte de référé organisé devant
le Président de la commission qui peut allouer une provision dans le mois de la requête.
La CIVI n’est pas tenue d’allouer le même montant de dommages intérêts que la juridiction
pénale. Elle tient cependant compte du montant des indemnisations qui auraient déjà été
allouées par d’autres juridictions. Si la victime obtient ultérieurement une indemnisation
ou des prestations, le FGTI peut demander à la CIVI d’ordonner le remboursement total ou
partiel de l’indemnité initialement versée.
La prescription et la faute
Le délai de prescription est de trois ans à compter de la date de l’infraction. Toutefois,
lorsque la justice a été saisie, ce délai expire un an après la décision de la juridiction pénale.
La loi prévoit que l’indemnisation peut être supprimée ou réduite en raison de la faute de
la victime.
151
Les deux régimes d’indemnisation
Il existe deux systèmes d’indemnisation très différents devant la CIVI. Le plus important
concerne les infractions les plus graves : l’action de la victime est alors largement facilitée.
L’autre, plus restrictif, concernant les infractions les moins graves, est réservé aux personnes
ayant des ressources relativement faibles.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La procédure CIVI
Du point de vue pratique, la requête est déposée par la victime ou son représentant.
Les débats ont lieu à huis clos hors la présence de l’auteur ou de son conseil.
L’assistance d’un avocat n’est pas nécessaire mais plus que recommandé pour mettre en
forme la demande et respecter un certain nombre de règles de procédure que la victime ne
peut connaître. Elle peut être aidée par une association d’aide aux victimes.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
La procédure de référé
La procédure de référé permet une indemnisation rapide mais non définitive.
L’expertise
L’évaluation des dommages corporels est confiée à un expert judiciaire. Elle se déroule de
façon contradictoire en présence du conseil de l’agresseur.
Le juge n’est théoriquement pas tenu de retenir les conclusions de l’expert.
Les honoraires d’expertise civile (de l’ordre de 600 à 1000 €) sont à la charge du blessé
mais peuvent lui être intégralement ou partiellement remboursés par le tribunal.
Il est indispensable que la victime soit assistée par un avocat et par un médecin de recours
pour veiller au bon déroulement de l’expertise.
153
En raison de la complexité de la procédure d’indemnisation, l’assistance d’un
avocat et d’une association est indispensable.
Retour sur le certificat médical avant expertise de M. TREIZE. Ce certificat établi sur les
conseils de son avocat lui rendra de grands services
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Vous êtes vous assuré que Monsieur TREIZE est judicieusement conseillé et assisté pour être
correctement indemnisé ?
Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non
Je me serais assuré que M.TREIZE est bien conseillé et assisté.
À défaut, j’aurais pris des initiatives concrètes pour qu’il le soit.
Lorsqu’une victime d’agression vous consulte, il est impératif de faire une évaluation des
conséquences familiales, sociales, professionnelles du traumatisme subi pour tenter d’y
remédier.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression
Difficultés pécuniaires
Les conséquences de l’agression peuvent mettre en difficultés pécuniaires la victime qui
perd une partie de ses revenus alors que ces charges restent les mêmes comme ses emprunts
dont certains peuvent cependant être couverts par une assurance.
La victime doit avancer les frais médicaux et les frais qu’entraîne la procédure : avocat,
frais d’expertise civile, honoraires du médecin-conseil.
Monsieur TREIZE a repris son travail après onze jours d’arrêt de travail, sans modification.
Il est soutenu par ses collègues et par le directeur de son administration qui lui conseille
également des soins. Il n’a subi aucune perte de salaire.
Ce n’est pas toujours le cas. La durée de l’arrêt de travail et les séquelles d’une agression
peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur le déroulement de la carrière professionnelle
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
d’un blessé.
Certains commerçants ne pourront jamais reprendre leur travail, subiront des pertes de
revenus, seront parfois dans l’obligation de vendre leur fond. Ces pertes parfois considérables
devraient en principe être intégralement couvertes par le responsable de l’agression ou à
défaut par le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et autres agressions qui réclame
justement des preuves qu’il faut rassembler avec l’aide d’un conseil avisé.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Au terme de l’évaluation, il convient d’orienter la victime selon les besoins qui ont été
repérés.
156
En cas de difficultés familiales
Il convient de proposer des entretiens individuels ou familiaux à tous les membres de la
famille en souffrance pour leur expliquer la nature des troubles, l’évolution prévisible, le
traitement proposé.
L’entourage familial peut être « victime par ricochet » des difficultés de rencontre la victime
et il lui faudra être bien conseillé pour obtenir une possible réparation dont il sera nécessaire,
comme c’est la règle, de prouver le bien-fondé.
En cas de violences familiales, les thérapies familiales sont unanimement contre indiquées
selon les consensus.
La sécurité sociale
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Les décisions d’ordre médical prises par les médecins conseils peuvent être très simplement
et rapidement contestées en ayant recours à une expertise prévue à l’art. L 141.1 CSS.
Techniquement, le médecin traitant de la victime doit exposer clairement l’objet du litige
sur l’imprimé prévu à cet effet. Il intervient dans le choix de l’expert pris d’un commun
accord avec le médecin-conseil. Il peut récuser les trois experts habituellement proposés
par la caisse et en proposer d’autres. En cas de désaccord persistant, le médecin directeur
de l’ARS nomme l’expert.
Le médecin-conseil et le médecin traitant peuvent assister à l’expertise.
Les conclusions de l’expert s’imposent aux parties, bien qu’elles aient perdu, en théorie
plus qu’en pratique, leur caractère irréfragable du fait de la loi 9086 du 21 janvier 1990 qui
dispose : « Au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une
nouvelle expertise ».
158 Le tribunal du contentieux de l’incapacité (Commission régionale) statue en première
instance. Il est présidé par le Directeur l’ARS (ou son représentant) entouré d’un médecin
expert, d’un médecin-conseil et du médecin désigné par la victime.
Il est possible d’interjeter appel devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification
de l’assurance des accidents de travail qui n’est pas composée de médecins. Elle statue sur
pièces et peut ordonner une expertise qui n’est qu’un avis technique destiné à l’éclairer.
La contestation d’une décision de la Cour nationale passe par le pourvoi en cassation.
Si une procédure devient nécessaire, l’assurance prend en charge le paiement des honoraires
d’avocat et des frais de justice dans les limites prévues par le contrat. Il est donc recommandé
de bien en connaître les clauses (types de litiges couverts, limites de remboursement des
honoraires d’avocat, médecin de recours, etc.)
L’accord de l’assureur est nécessaire avant toute action judiciaire ou avant d’engager certains
frais (huissier, expert, etc.). L’assuré est parfois tenu de prendre l’avocat ou le médecin
de recours recommandé par l’assureur, mais les victimes et les associations contestent
l’indépendance de ces professionnels.
L’avocat spécialisé
L’avocat pénaliste
Un « pénaliste » est indispensable pour assister la victime pendant l’instruction et pendant
le procès, mais il n’est pas toujours compétent pour assister la victime pendant la procédure
d’indemnisation.
C’est probablement un avocat pénaliste qui accompagne Monsieur TREIZE.
d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette
condamnation ».
Les associations favorisent l’accès au droit mais ne se substituent en aucun cas à l’avocat.
Vous avez tout intérêt à travailler avec une telle association dont les coordonnées doivent
figurer dans le carnet d’adresses de vos correspondants.
Ces associations sont qualifiées pour procéder à l’évaluation des besoins des victimes afin
de les orienter de façon conséquente (quand bien même ne seraient-elles pas autorisées à
proposer un avocat qui ne figure pas sur une liste).
L’association généraliste la plus accessible sur tout le territoire français pour les victimes
d’agressions extra familiales est l’INAVEM (Institut national d’aide aux victimes et de
160 médiation).
Le médecin de recours
Il est conseillé de faire assister son patient par un médecin-conseil de victimes, dit de
recours, lors des expertises.
Ce médecin formé, nécessairement indépendant des compagnies d’assurance, facilite
l’expertise en sécurisant la victime, en mettant en ordre le dossier et en participant
à la discussion médico-légale qui dès lors devient réellement contradictoire.
En cas de désaccord avec le médecin évaluateur missionné par la compagnie d’assurance,
il peut proposer à la victime et à son conseil un arbitrage confié à un médecin réputé
indépendant de la compagnie d’assurance ou directement une procédure judiciaire.
Les honoraires du médecin de recours peuvent être pris en charge par une assurance de
protection juridique ou par l’assurance à l’issue de la procédure d’indemnisation.
L’ANAMEVA est une association nationale qui fédère un grand nombre de médecins de
recours.
Le tableau annexé page 167 résume les besoins sociaux, judicaires et médico-
psychologiques d’une victime d’accident ou d’agressions et les réponses
possibles qu’offre le réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire.
161
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE
1. Une victime d’agression dont l’auteur présumé est inconnu peut être indemnisée par
la CIVI.
2. Une victime d’agression dont l’auteur n’est pas solvable peut être indemnisée par la
CIVI.
3. Je n’aurais probablement pas proposé à M. TREIZE de l’accompagner chez l’expert
mais je lui aurais proposé de se faire assister par un médecin de recours.
4. Un officier de police judiciaire ne peut refuser de prendre une plainte.
5. Lorsqu’un patient subit une agression, je me livre à une évaluation des conséquences
familiales, sociales, professionnelles pour tenter d’y remédier
6. Je demande l’ALD 30 pour certains patients psychotraumatisés au titre de « Trouble
grave du comportement ».
7. Je possède l’adresse d’un médecin de recours dans mon carnet d’adresse.
8. Je possède l’adresse d’une association d’aide aux victimes.
9. Je conseille toujours l’aide d’un avocat spécialisé en dommage corporel.
10. Je connais l’importance d’une assurance de protection juridique pour couvrir les
frais que générèrent les procédures civiles d’indemnisation (et autres).
162
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression
Résumé
1. La procédure pénale commence le plus souvent par un dépôt de plainte qu’un OPJ
ne peut refuser de prendre.
2. la victime peut choisir de se constituer partie civile pour s’associer aux poursuites
engagées par le procureur et devenir acteur de la procédure.
3. Une indemnisation provisoire est possible avant la fin de la procédure.
4. La victime peut saisir directement la CIVI sans effectuer la moindre démarche
auprès d’une autre juridiction et sans avoir affaire à l’auteur des faits.
5. La CIVI peut être saisie si l’auteur est inconnu (ou insolvable).
6. La procédure de référé permet une indemnisation rapide mais non définitive.
7. Les associations d’aide aux victimes sont spécialement qualifiées pour faire le
bilan évaluatif des besoins d’une victime et l’orienter utilement.
8. Les associations favorisent l’accès au droit mais ne se substituent en aucun cas à
l’avocat.
9. Les psychotraumatisés présentant des troubles graves du comportement peuvent
être exonérés du ticket modérateur.
10. L’assurance de protection juridique joue un rôle important pour prendre en charge
les dépenses liées à la procédure d’indemnisation.
11. L’aide d’un avocat pénaliste est indispensable pendant la procédure judiciaire.
12. L’aide d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel est indispensable pour
obtenir une juste réparation. 163
13. Le patient doit impérativement signer un protocole d’honoraires très clair avec
l’avocat pour éviter toute contestation ultérieure.
14. Le recours à un médecin-conseil de victimes, dit de recours, est indispensable
pour assister une victime pendant les expertises civiles.
15. Les médecins doivent travailler en réseau et disposer des adresses des
correspondants du réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire dans leur
carnet d’adresses.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
164
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression
ANNEXE
ÉVALUATION DES BESOINS ET ORIENTATION
D’UNE VICTIME D’ACCIDENT OU D’AGRESSION
Le réseau
d’accompagnement
166
socio-judiciaire
des victimes
de violences de couple
SOMMAIRE
que désormais vous maîtrisez les connaissances acquises lors des leçons
É
TANT ENTENDU
précédentes, cette septième leçon vous permettra en améliorant vos connaissances,
de faire en sorte que le dévoilement des violences subies par votre patiente ne
soit pas « une patate chaude » particulièrement chronophage.
Cette huitième leçon est destinée à améliorer notre pratique professionnelle concernant :
– l’attitude à adopter pour qu’une relation de confiance s’établisse avec une femme
victime de violence de couple ;
– la spécificité du travail du médecin ou du psychologue qui reçoit le dévoilement et
notamment l’approche médicolégale ;
– l’orientation dans le réseau d’accompagnement social et judiciaire pour la victime de
violences familiales.
168
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple
Exercice
En vous référant à la deuxième partie du film, quelles sont selon vous les caractéristiques
de la relation thérapeutique qui ont favorisé le dévoilement ?
Citez les qualités de la relation thérapeutique que vous avez repérées
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demande à Anna quels sont ses antécédents et rapidement, si elle a subi des violences,
question qui la décontenance : « Pourquoi me demandez-vous ça ? », « Je demande ça à
tous mes patients » répond-il avant de préciser sa question : violences actuelles ? Subies
pendant l’enfance ? Non ! Anna n’a jamais subi la moindre violence.
Il accepte qu’Anna garde son pull over sans la moindre réticence et l’examine.
Les troubles d’Anna ont débuté à une date précise, mardi dernier, mais sans que rien ne
l’ait contrariée répond-elle. Mardi, que s’est-il passé mardi ? Le Dr VOURC’H lui demande
de parler de sa vie. Elle dit être débordée. Louise sa fille régresse, analyse-t-elle, elle a
présenté un épisode énurétique, peut être parce qu’elle n’a pas le temps de l’accompagner à
l’école. Elle parle d’un déséquilibre dan sa vie de couple parce qu’elle travaille contrairement
à son mari qui n’accompagne pas leur fille à l’école. Le médecin émet l’hypothèse qu’elle
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
est débordée par le travail, les tâches ménagères. Tout cela la fatigue, explique sa petite
tension, son anxiété, sa petite forme. Elle lâche que son mari n’est pas patient. Le Dr
VOURC’H l’encourage à parler de l’impatience de son mari. Elle le protège, il a craqué, mais
elle a « cramé » un plat. Il est maniaque mais sa mère n’était pas soigneuse. Le médecin
approuve, mais se met résolument de son côté.
Mise en confiance, elle lâche subitement qu’il l’a trainée par les cheveux devant Louise, qui
rappelons-le régresse depuis cet épisode.
Les enfants qui vivent dans un contexte de violences familiales ne sont pas
de simples témoins mais des victimes de maltraitance.
Le Dr VOURC’H peut dès lors aborder librement les violences que subit Anna, dire ce qu’il
pense personnellement de son mari, nommer les viols qu’elle subit. L’interroger sur son
autonomie économique.
L’alliance thérapeutique
Dans la mesure où une victime de violences répétées a perdu toute sa confiance en elle
et en toute forme d’aide extérieure possible, il est nécessaire de l’aborder (comme tous
patients) avec empathie, sans émettre un jugement.
170 Si les violences s’inscrivent dans un processus transgénérationnel, l’effondrement « narcis-
sique » complique encore davantage la relation thérapeutique.
Ce ne semble pas être le cas d’Anna mais le Dr VOURC’H n’est pas revenu sur cet aspect des
choses, on apprend simplement qu’elle ne peut pas compter sur sa mère, il ne lui demande
pas de préciser pourquoi.
Les victimes de violences conjugales enclenchent fréquemment des contre attitudes de
rejet qui ne les étonnent pas tant elles sont habituées à être maltraitées. Un des buts
principal de cet Atelier du Praticien est de mettre en garde les soignants contre cette
violence relationnelle qui ne fait que reproduire le vécu ordinaire de ces patients.
Ce ne semble pas être le cas d’Anna. Ce sont surtout les victimes les plus déstructurées par
une lourd passé traumatique remontant à l’enfance qui suscitent ces réactions de rejet.
Pour parvenir à établir une relation de confiance, le praticien leur signifie clairement que
les sévices subis sont inacceptables et punis par la loi. Il peut dire par exemple : « Les
rapports sexuels que votre conjoint vous impose sont des viols ». La victime doit apprendre
qu’elle est en droit de porter plainte, mais le soignant n’exerce aucune pression pour qu’elle
le fasse. Il ne se comporte pas comme l’agresseur qui exerce une emprise sur elle et lui
impose « SA loi ».
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple
La référence à la loi permet également d’attribuer la faute à l’agresseur pour démonter les
mécanismes d’inversion.
Le soignant étant rarement un spécialiste de la psychotraumatologie ou de la victimologie,
il répond à la demande de soins, même s’il s’agit de traiter des symptômes écrans.
Mais c’est la qualité de la relation qui va créer l’alliance thérapeutique qui va progressivement
aider à briser l’emprise du conjoint (voir la 10e leçon).
171
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’évaluation
Le soignant doit faire une évaluation rapide de la situation personnelle, familiale, sociale
et éventuellement judiciaire de la victime :
– sur le plan médical : recherche systématique des antécédents médico-chirurgicaux, gyné-
cologiques (maladies sexuellement transmissibles, avortements), médico-psychologiques
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Mais le soignant peut avantageusement confier cette évaluation à une association spécialisée
avec qui il travaille ou travaillera en réseau après avoir terminé cet Atelier du Praticien.
Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non
172
Je connais un référent à qui je pourrai demander conseil pour une femme
victime de violence
J’ai déjà pris directement contact avec une association d’aide aux victimes
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple
Le recours à une association est d’un grand secours pour le praticien qui ne se débarrasse en
aucun cas de la « patate chaude » parce qu’il l’encourage à venir régulièrement consulter.
Le soignant peut être proactif et prendre lui-même rendez-vous pendant la consultation
avec l’accord de la patiente.
Le certificat initial
Il se peut que la victime réclame un certificat médical.
Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non
Anna ne réclame pas un certificat médical, mais pour vous entraîner, veuillez le rédiger de
façon synthétique dans l’encadré suivant.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
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8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple
Cas clinique
Madame DURAND-DUPONT que vous soutenez depuis 2 ans, accepte désormais de porter plainte
et d’entamer une procédure de divorce, mais elle vous explique : « Vous savez bien que je ne
travaille pas. Et vous connaissez mes enfants. Comment pourrais-je assumer les charges sans
mon mari ? Nous avons des dettes, la voiture, le prêt pour le pavillon. On y arrive à peine... »
Ces arguments vous convainquent-ils ? Doit-elle renoncer à porter plainte ? Que lui répondez-
vous ?
Que répondez-vous à Madame DURAND-DUPONT ?
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Le Juge aux affaires familiales est désormais l’interlocuteur unique pour la délivrance de
l’OP.
L’OP est délivrée en urgence en cas de violences de couple, de menaces de mariage
forcé, ou quand existent de sérieux soupçons de violences et danger encouru (mais c’est
l’instruction qui déterminera la réalité judiciaire des violences.)
L’OP est applicable pendant 4 mois avec renouvellement de 4 mois si requête en divorce
ou séparation de corps.
La saisine se fait par la victime si besoin assistée par le ministère public.
La victime peut être accompagnée par une association qualifiée (et non habilitée)
Les mesures d’urgence les plus importantes sont :
– l’éviction du conjoint violent (couples mariés, Pacsés, concubins),
– la dissimulation de la résidence de la victime,
– la prise en compte de la situation des enfants,
– l’exercice de l’autorité parentale,
– l’attribution du logement familial,
– la contribution aux charges du ménage,
– la fin de l’impossibilité de vol entre époux,
– l’aide juridictionnelle y compris pour les personnes étrangères.
177
La médiation pénale est prohibée en cas d’OP sauf si la victime le demande.
Les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer la victime :
– de la possibilité de bénéficier d’une OP,
– sur les peines encourues par le ou les auteurs
– sur les conditions d’exécution des éventuelles condamnations.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Le juge des enfants peut inscrire un mineur au Fichier des personnes recherchées (pendant
2 ans) pour prévenir une sortie du territoire interdite sans l’autorisation des deux parents,
et cas de menace de mariage forcé ou de mutilation sexuelle.
Le ministère du droit des femmes a déposé un projet de loi pour améliorer l’OP.
Vous n’êtes pas juriste ! Si vous oubliez, ces dispositions favorables à votre
patient-e, l’association qu’elle aura contactée saura la diriger.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Le Collectif féministe contre le viol est destiné aux victimes de viols intra ou
extra familiaux.
L’AVFT aux victimes d’harcèlement sexuel.
Les avocats
Certains barreaux établissent des listes d’avocats spécialisés dans la problématique des
violences faites aux femmes ou dans le droit des mineurs ; ils peuvent diriger les victimes 179
vers la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
Les femmes qui bénéficient d’une Ordonnance de protection bénéficient de l’aide juridic-
tionnelle.
Les assurances de protections juridiques peuvent payer une partie ou la totalité des frais
d’avocat.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Le médecin de « recours »
Le médecin de recours, nécessairement indépendant des compagnies d’assurance, facilite
l’expertise en sécurisant la victime.
Il participe à la discussion médico-légale qui dès lors devient réellement contradictoire.
L’ANAMEVA est une association nationale qui fédère un grand nombre de médecins de
recours.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
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Les principales situations à risque repérées par la littérature internationale sont :
– le mois précédant la séparation ou les 3 mois suivants,
– les moments de révolte où la victime affirme clairement son désir d’échapper à l’emprise
du conjoint,
– l’exacerbation des escalades de violence,
– la jalousie pathologique,
– la surconsommation d’alcool exacerbant les troubles caractériels,
– l’aggravation de la situation financière,
– la présence d’une arme à feu à domicile,
– l’expression de menaces de mort,
– une intentionnalité suicidaire exprimée,
– les antécédents judiciaires du sujet violent (atteintes aux biens, aux personnes,
stupéfiants, délits routiers),
– des tentatives d’homicide antérieures.
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple
Retenir
Les crimes dits « passionnels » sont des crimes d’absence d’amour-propre et non des
crimes d’amour.
Le conjoint, même s’il est victime de violence de couple, compense les failles
narcissiques de son partenaire.
Quand son partenaire décide de le quitter tout s’écroule : il achète une arme et
hésite entre suicide et homicide, actes totalement équivalents pour lui parce qu’il est
incapable de se désolidariser de l’autre.
Quand il se suicide, fait une « grave » tentative de suicide, ou encore quand il tue
son conjoint et se suicide : on parle de « drame familial ».
Quand il tue son conjoint et qu’il ne se suicide pas ou se rate : on parle d’un soi-disant
« crime passionnel » et, de fait, le meurtrier sera longtemps inconsolable.
La justice ne reconnaît pas le « crime passionnel » et n’irresponsabilise pas le meurtrier
qui est jugé et puni.
Mesures préventives
Pouvez-vous en déduire des mesures préventives ?
Connaissez-vous des mesures préventives à la portée d’un soignant ?
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Il est nécessaire :
– d’informer votre patiente et ses proches si vous les connaissez et avec son accord,
– de lui conseiller de quitter le domicile familial avec l’aide d’une association en cas de
danger imminent,
– de rédiger un certificat en pointant la ou les situations à risque pour que les autorités
répressives puissent prendre des mesures préventives prévues dans l’Ordonnance de
protection : dissimulation de la résidence de la victime, surveillance électronique mobile
(bracelet) ; télé protection (téléphone mobile relié à un opérateur qui avertit la police
si le conjoint tente d’entrer en contact avec son (ex) partenaire),
– de faire un signalement au procureur de la République pour révéler la présence d’une
arme à feu signalée par la victime au domicile familial ; il est également autorisé à faire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
LES SOINS
CONCLUSION
Les enfants élevés par un couple violent ne sont pas des témoins mais des
enfants en danger.
Ils doivent bénéficier des dispositions de protection prévues à leur égard.
Reportez-vous à la huitième leçon.
Résumé
1. Il est indispensable d’établir une relation de confiance avec une femme victime
de violences.
2. Le soignant, s’il reçoit le dévoilement, évalue rapidement sa situation personnelle,
familiale, et sociale.
3. La rédaction d’un certificat est utile que la victime le réclame ou non ; le soignant
peut le garder dans son dossier médical.
4. A l’issue de l’examen, il oriente la victime dans le réseau d’accompagnement social
et judiciaire.
5. Les associations d’aide aux femmes victimes soutiennent les femmes et les 183
conseillent dans leurs démarches sociales et judiciaires.
6. L’ordonnance de protection (OP) est délivrée en urgence par le juge aux affaires
familiales (Jaf) en cas de violences de couple, de menaces de mariage forcé, ou
quand existent de sérieux soupçons de danger.
7. L’OP permet toutes sortes de mesures de protection dont l’éviction du conjoint
violent et des dispositions concernant l’autorité parentale, une contribution aux
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
charges du ménage.
8. La victime peut être accompagnée dans ses démarches près le Jaf par une
association qualifiée.
9. L’OP donne droit à l’aide juridictionnelle.
10. Un avocat est indispensable tout au long de la procédure ; il est honoré par l’aide
juridictionnelle en cas d’OP ; il peut être honoré par une assurance de protection
juridique.
11. La CIVI permet d’indemniser de façon intégrale toutes les victimes d’infraction
pénale qui ont porté plainte.
12. L’assistance d’un médecin-conseil dit de recours est indispensable pour assister
la victime lors des expertises d’indemnisation (ANAMEVA).
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
184
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple
Notes
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 9
L’accompagnement
socio-judiciaire
186
d’un enfant maltraité
SOMMAIRE
Cette neuvième leçon est destinée à améliorer votre pratique professionnelle en matière :
– de signalement des enfants en danger ou qui risquent de l’être,
– d’accompagnement de ces enfants et de leur famille soutenante dans le réseau de la
protection de l’enfance, institutionnel et associatif,
– de compréhension des mesures de protection de l’enfant par les institutions compétentes.
Ce travail de réseau est le préalable indispensable sans lequel il serait inutile d’entreprendre
des soins (10e leçon)
188
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité
Oui Non
J’avertis la police après m’être assuré que les propos d’un enfant sont
suffisamment « crédibles » pour ne pas accuser quelqu’un à tort
Cas clinique n° 12
Zoé DOUZE âgée de 7 12 ans vous est amenée par sa mère célibataire, une patiente dont vous être
le médecin traitant. Elle refuse surtout d’aller chez son oncle et sa tante maternelle chez qui
elle passe presque tous les week-ends parce sa mère travaille le samedi et le dimanche matin.
Elle passe toutes les vacances chez sa mère qui s’organise pour qu’elle soit gardée lorsqu’elle
travaille en fin de semaine.
Son oncle, frère ainé de Mme DOUZE, est un homme sympathique, généreux qui a trouvé une
pension d’excellente réputation à quelques kilomètres de son domicile pour sa nièce bien aimée.
Pour Mme DOUZE, il est une sorte de substitut paternel pour sa fille qui ne connaît pas son père
biologique.
Sa mère essaie de la raisonner, mais rien n’y fait ! « Tonton, i’touche ma zigounette quand Tatie
est pas là. I’ veut que je suce sa zétète, pouah... » lâche-t-elle à sa mère qui pense qu’elle
invente cette histoire et la rudoie ; « I’ m’a dit que personne me croira et qu’il me tuera »,
dit-elle en larmes, ce qui inquiète sa mère qui n’a pas d’autre solution que de la reconduire en
pension à 150 kilomètres de son domicile.
Très ennuyée, doutant toujours de sa fille, elle téléphone à sa jeune sœur, une très jeune femme
assez perturbée, et apprend que l’oncle l’a sexuellement agressée dans des conditions similaires
pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’opposer à lui quand elle était en classe
de quatrième.
Elle vient vous demander conseil.
Êtes-vous tenu d’agir pour que Zoé n’aille plus chez son oncle ?
Si oui, comment procédez-vous ?
Décrivez votre démarche pratique
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191
Le soignant n’est pas un enquêteur ou un évaluateur spécialisé. Il ne doit en aucun cas
poser une question fermée dont la réponse pourrait être « oui » ou « non » ou une question
suggestive en parlant d’un acte ou d’une personne que n’aurait pas cité l’enfant comme ce
policier qui aurait demandé à une fillette de 6 ans : « C’est ta maman qui t’a dit de dire que
ton papa... », question à laquelle elle ne pouvait répondre que « oui ».
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Si vous aviez la mauvaise idée de l’interroger, il faudrait lui poser des questions ouvertes,
qui seraient surtout utiles dans le repérage systématique de maltraitance (voir la 5e leçon)
telles que :
– Comment ça se passe à la maison ?
– Est-ce que il y a des gens chez qui tu n’aimes pas aller ?
– Est-ce qu’il y a des choses que tu n’aimes pas ?
– Y a-t-il des choses interdites que tu n’aimes pas ?
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Quand l’enfant livre une information, l’inciter à en dire davantage sur l’acte dont il a parlé
ou en faisant des segmentations de temps :
– Dis-moi plus sur ça.
– Qu’est-ce qui s’est passé entre le moment où tu m’as dit qu’il était entré dans ta chambre
et le moment où il a touché ton « pipi ».
Mais on entre ici dans le domaine de l’évaluation qui n’incombe pas au soignant
192
Le signalement est une dérogation au secret professionnel
L’article 44 du Code de déontologie médicale dispose non sans ambiguïté :
« Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou
de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve
de prudence et de circonspection.
S’il s’agit d’un mineur (de 18 ans !) ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison
de son âge ou de son état physique ou psychique, le médecin doit, sauf circonstances particulières qu’il
apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »
Le Code pénal, beaucoup plus clair, autorise sans restriction sémantique le signalement des
mineurs de moins de 18 ans en son article 226-14 (voir supra).
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité
Le professionnel de santé ne peut pas être inquiété par le Conseil de l’Ordre des médecins
après un signalement fait en bonne et due forme, selon l’article 226-14 C. pén. :
« (...) Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article
ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. »
Retenir
Le professionnel de santé peut faire cesser la situation de danger en faisant hospitaliser
un mineur en danger au besoin avec une ordonnance de placement provisoire.
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance prévoit que toute personne
travaillant au sein de structures sociales et médico-sociales qui avise directement le
procureur de la République d’une situation grave, doit en adresser copie au conseil général.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
L’article 375 C. civ. précise que le procureur de la République, une fois avisé par le président
du conseil général, s’assure que la situation du mineur entre bien dans le champ d’application
de l’article L. 226-4 C. fam. et aide soc.
À l’issue de l’évaluation, le dispositif de l’Aide sociale à l’enfance est chargé des mesures de
protection.
Les AEMO sont des mesures prononcées par le juge des enfants.
Savoir
130 000 mesures d’aide éducative AED et AEMO sont prononcées chaque année.
25 % résultent d’un contrat passé entre l’ASE et les titulaires de l’autorité parentale.
75 % des mesures éducatives à domicile sont prononcées par l’autorité judiciaire.
197
Suite d’un signalement judiciaire
L’enquête, dirigée par le parquet, est réalisée par la brigade de protection de la famille ou
la gendarmerie : convocation des parents, garde à vue possible, enquête de voisinage.
L’enfant est examiné sur réquisition judiciaire dans une unité de médecine légale du vivant
(UMJ) et parfois par un psychologue ou un psychiatre.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
À l’issue de l’enquête, le dossier est transmis au parquet qui décide des suites de l’affaire :
relaxe, absence de poursuite faute d’éléments suffisants, poursuites judiciaires avec saisine
d’un juge d’instruction.
Il transmet le dossier au juge pour enfants si des mesures d’assistance éducative s’imposent.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
198 L’hospitalisation d’un mineur, au besoin par une OPP permet de faire un bilan tout en
faisant cesser la situation de danger, seule obligation légale à laquelle un professionnel
de santé est tenu.
Oui Non
199
Le juge des enfants
Le juge des enfants intervient lorsque des infractions sont commises par un mineur, mais il
est spécialement compétent pour s’occuper des mineurs en danger.
En matière de protection de l’enfance, il est compétent :
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation
sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par le juge
des enfants (article 375 C. civ.)
L’administrateur ad hoc
L’administrateur ad hoc est une institution qui joue un rôle important dans les procédures
civiles et pénales concernant les mineurs :
Lorsque dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux
de ses représentants légaux, le juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 389-3
du Code civil, [à savoir à la demande du ministère public, du mineur lui-même, ou d’office]
ou, à défaut, le juge saisi de l’instance, désigne un administrateur ad hoc chargé de le
représenter (art. 388.2 C. civ).
Le rôle de l’administrateur ad hoc dépasse largement la représentation du mineur, il assure
« la protection des intérêts du mineur » et a un rôle très important de soutien et d’aide.
La mission de l’administrateur ad hoc nécessite des connaissances très importantes. Elle
doit débuter le plus tôt possible et ne se termine qu’une fois l’exécution du jugement
assurée, jusqu’à la CIVI s’il y a lieu.
L’avocat de l’enfant
Le mineur victime doit être défendu par un avocat devant les juridictions pénales ou civiles.
L’avocat et désigné par le parent qui exerce l’autorité parentale ou à défaut par
l’administrateur ad hoc dont c’est le rôle.
200
Certains avocats se spécialisent dans le droit des mineurs et se regroupent selon des
modalités différentes au sein de chaque barreau
Le mineur assisté d’un avocat bénéficie de droit à l’aide juridictionnelle.
Le réseau associatif
Les associations généralistes et le 119
Allô Enfance en Danger (119) créé par la loi a trois missions : 1) accueillir les appels
d’enfants en danger ou en risque de l’être, 2) transmettre les informations préoccupantes
aux autorités compétentes, 3) agir au titre de la prévention des mauvais traitements à
enfant.
Le Centre national d’information sur le droit des femmes et des familles (Cnidff) est plus
spécialisé dans l’accompagnement des familles que l’Institut national d’aide aux victimes et
de médiation (Inavem) association généraliste.
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité
202 6. Je peux faire hospitaliser un enfant en danger si les parents s’y opposent au moyen
d’une ordonnance de placement provisoire (OPP).
7. Je sais désormais que la Crip est la cellule de recueil des informations préoccupantes.
8. Je sais parfaitement si j’ai déjà rédigé des signalements ou des informations
préoccupantes.
9. La brigade de protection de la famille (et non plus des mineurs) n’est pas compétente
pour recevoir un signalement.
10. L’exercice de la médecine comporte la rédaction de certificats, attestations et
documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires
(art. 76 C. déont. méd.)
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité
que tout est dit et font confiance aux adultes à qui ils se sont confiés.
Elle ne présente aucun trouble psychologique ou développemental qui pourrait perturber
ses capacités de jugement ou de raisonnement.
Compte tenu de ce qui précède et conformément à la loi, je vous adresse ce signalement.
Le 5 septembre 201...
Dr Pierre Angulaire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
L’administrateur ad hoc représente le mineur lorsque dans une procédure ses intérêts
apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, mais il l’aide et le
soutient.
L’avocat d’enfant se spécialise après ses études, de même que les magistrats, les policiers...
les médecins qui travaillent cet Atelier du Praticien.
J’aurai désormais recours à une telle association pour aider un enfant maltraité ou un
membre de sa famille qui le soutient et qui rencontre des difficultés avec les institutions.
204
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité
Résumé
206
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité
Notes
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Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Leçon 10
Prise en charge
du psychotraumatisme
208
SOMMAIRE
Réponse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Questionnaire initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Comparaison entre une thérapie classique et une thérapie
relationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
BONUS
Cette dixième leçon est destinée à vous aider à prendre personnellement en charge les victimes
ou, à défaut, à les orienter convenablement.
210
10 • Prise en charge du psychotraumatisme
Oui Non
1. La priorité est de proposer des soins médico-psychologiques à un
patient psychotraumatisé.
2. Je n’ai aucune compétence pour prendre en charge une victime de
psychotraumatisme
3. La prise en charge médico-psychologique d’une victime est l’affaire
de spécialistes en aucun cas de généralistes.
4. La prise en charge médico-psychologique d’une victime relève du
« colloque singulier ».
5. Sans connaissance d’un référentiel particulier (EMDR, TCC, hypnose,
thérapie psychodynamique) il serait illusoire de vouloir traiter un
psychotraumatisé.
6. Les associations d’aide aux victimes organisent des thérapies pour
leur-e-s usager-e-s.
7. Mon correspondant psy est qualifié pour prendre en charge des 211
patients psychotraumatisés.
8. Je propose des thérapies familiales dans le cadre des violences
familiales.
9. Il m’est arrivé de conseiller à une victime de violence sexiste de
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’INTERVENTION THÉRAPEUTIQUE
212
Le cadre thérapeutique
Il a été défini dans le Rapport OVEPE1 déposé en 1997 à la Commission européenne dans le
cadre d’un projet Daphné.
Les grands principes retenus sont :
– tendre vers la gratuité des soins,
– faire appel à la loi telle que nous venons de le définir,
– distinguer radicalement « traitement » et/ou psychothérapie et « aide ou soutien aux
victimes », ces derniers étant dévolus au secteur associatif (INAVEM, Associations
d’entraide aux femmes, etc.),
– intervenir dans un cadre médical ou médico-psychologique identifié comme tel
(dispensaire, hôpital, cabinet privé) pour dispenser des soins,
– recourir à des professionnels légalement autorisés, soumis à un Code de déontologie,
– utiliser des traitements évalués par la recherche scientifique ou recommandés par les
conférences de consensus,
– ne pas créer des centres s’occupant à la fois des victimes et des agresseurs,
– travailler en réseau : réseau associatif d’accompagnement social et judiciaire
– les groupes de parole sont recommandés par la Conférence de consensus française (John
Libbey).
213
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Le Docteur VOURC’H examine Anna en faisant preuve d’empathie, attitude normale pour un
médecin mais indispensable pour une victime de violences répétées, réticente à aborder ce
sujet et qui a perdu confiance en toutes formes d’aide possible.
Le principe consiste à de ne pas reproduire un aspect du scénario traumatique qui se répète parfois
depuis des années selon le principe de répétition littérale qui est typique du fonctionnement
des « personnalités traumatiques complexes » (1re leçon, p. 42 ) et (4e leçon, p. 95).
Le risque majeur serait que la relation avec le soignant reproduise littéralement, de façon
caricaturale, la relation traumatique. On parle de transfert traumatique : le sujet est
directement confronté à un agresseur potentiel qui a les caractéristiques exactes de son
agresseur ou à un parent défaillant selon le sexe du soignant et les caractéristiques du
scénario traumatique. Si par exemple vous êtes un soignant de sexe féminin confrontée à
un homme adulte victime de maltraitance vous représenterez sa mère maltraitante, sa mère
complice ou sa mère non protectrice, selon le scénario traumatique vécu dans l’enfance : il
vous sera par conséquent difficile d’obtenir sa confiance et il tentera pendant longtemps de
vous mettre en échec par totale incrédulité et jusqu’à ce qu’il vous accorde sa confiance.
La relation qui s’établit avec un(e) patient(e) victime de violences répétées
reproduit souvent littéralement le scénario traumatique de façon caricaturale.
Nous avons vu dans la première leçon que les éléments du scénario traumatique sont
pratiquement toujours :
– la loi du silence imposée à la victime par l’agresseur ;
10 • Prise en charge du psychotraumatisme
– la minimisation des violences subies voire le déni pur et simple par l’entourage : « Ton
grand-père ? Es-tu bien sûr... » ;
– l’emprise de l’agresseur ;
– l’isolement de la victime, pour mieux régner ;
– la loi du plus fort, celle de l’agresseur ;
– la honte et la culpabilité de la victime, encore renforcés par le discours social
culpabilisateur ;
– des violences authentiquement vécues comme des abandons successifs (de la position
d’enfant, de partenaire) ;
– des défenses de type dissociatif lorsque la ou le psychotraumatisé est confronté à des
situations rappelant ou symbolisant un aspect des violences vécues ;
– la répétition des violences ;
– des violences sexuelles parfois.
C’est ainsi que peu à peu, une victime parvient à accorder sa confiance à un thérapeute
qui représente un père devenu progressivement bienveillant et respectueux ou une mère
protectrice, de façon souvent caricaturale dans le type de transfert littéral qui caractérisent
les personnalités traumatiques.
Ce cadre relationnel, en soi thérapeutique, sera difficile à mettre en place avec un-e
patient-e en manque total de confiance en soi, confronté-e à un soignant qui représente,
selon son sexe par exemple, un personnage du scénario traumatique initial.
Marquez un temps de réflexion et notez, par opposition à une thérapie classique, les
éléments d’une relation thérapeutique qui ne reproduise pas le scénario traumatique.
Différences entre une thérapie classique et une thérapie relationnelle
« Neutralité bienveillante » et
silenciothérapie.
Colloque singulier
À la demande du soignant, il explique qu’il sort très peu et qu’il fréquente l’Eglise de scientologie
quand il en a le temps.
Rapidement, M. QUATRE explique que la thérapie ne lui convient pas, qu’il va l’arrêter pour
consulter un coach. Le risque de retomber dans le scénario traumatique initial est évident :
passer d’un père gourou à une secte... puis d’une secte à un coach.
Ce n’est qu’en prévenant une rupture et en expliquant simplement à Monsieur QUATRE que
décidément il ne parvient pas à être autonome... que le thérapeute pourra l’aider à réécrire
le scénario traumatique dans son ensemble afin qu’il expérimente un type de relation qui lui
paraissait jusqu’alors inaccessible. C’est pourquoi une victime de viols incestueux tentera un
ultime passage à l’acte sexuel transgressif avec son thérapeute de sexe masculin (prendre la
main, invitation au restaurant, proposition directe, etc.)... La victime de viols incestueux,
si son thérapeute est de même sexe, tentera hors du cadre thérapeutique (transfert latéral)
218 de répéter le scénario traumatique ; le thérapeute, représentant caricaturalement le parent
à présent protecteur, tentera d’éviter ce passage à l’acte.
Mlle SIX au bout de 8 mois de thérapie, quand elle a toute confiance en sa thérapeute, lui
annonce que son chef de service, un homme de 50 ans, lui fait la cour. Sa thérapeute la met en
garde comme le ferait une « mère protectrice » : il a l’âge de son oncle quand elle a été violée,
etc. Rien n’y fait, elle ne se rend plus au rendez-vous.
Sa psychiatre la relance par SMS, ce qui serait une faute thérapeutique dans une thérapie
de névrosé.
Mlle SIX revient penaude 6 mois plus tard : « J’ai hésité... Vous m’aviez mise en garde, je
m’attendais à ce que vous refusiez de me donner un rendez-vous. Mais c’est un menteur, vous
savez ! Il est marié et quand il a voulu me partager avec un ami, alors j’ai dit non ! ».
Ce « non » constitue déjà un progrès.
Ces idéologies sacrificielles et les stéréotypes qui les confortent justifient toutes sortes de
violences légitimées par les plus forts qui disposent de moyens de rétorsion très efficaces
pour maintenir cet état de chose à leur profit. Elles sont partagées par la majeure partie du
corps social qui privilégie de plus en plus bruyamment la performance et l’efficacité comme
norme sociale.
Retenir
La relation prévaut sur toutes les méthodes thérapeutiques qui n’ont été
évaluées que pour l’état de stress post-traumatique.
Les troubles psychotraumatiques complexes nécessitent une thérapie relation-
nelle qui permet de briser le scénario traumatique.
La force des recommandations HAS est définie dans le tableau suivant, elles ne sont valables
que pour les traumatismes uniques (ESPT) :
Recommandations HAS
Technique Indications / contre indications Force des
therapeutique recommandations
TCC ESPT À
De nombreux modèles ont été proposés qui reposent sur les principes que nous avons
étudiés pour les adultes, mais adaptés à l’âge de l’enfant :
– identification des émotions ;
– gestion des émotions ;
– développement des liens sociaux
La ludothérapie
La ludothérapie permet d’adapter aux jeunes enfants les principes recommandés pour le
traitement du psychotraumatisme.
À titre d’exemple :
– pour aider l’enfant à identifier et classifier ses émotions, le thérapeute peut se servir de
supports ludiques comme des cartes ou des émoticônes ;
– l’apprentissage de la gestion des émotions passe par des jeux respiratoires (bulles de
savon par exemple). Le thérapeute peut demander à l’enfant de représenter l’émotion (la
peur, la joie, la colère, la tristesse) avec un support papier ou de la pâte à modeler. Il
peut proposer de garder la représentation de cette émotion dans une boîte. Plus tard, il
sera peut-être temps de jeter cette boîte et son émotion. Le thérapeute peut également 223
demander à l’enfant de confectionner des billes de courage qu’il va garder avec lui à la
fin de la séance pour pouvoir s’y référer en cas de besoin ;
– le thérapeute aide également l’enfant à repérer les personnes soutenantes dans son
environnement familial et amical, lesquels représentent les meilleurs facteurs de résilience.
Il lui demande de les représenter sur un support papier. Chacun l’aide à sa façon : quand
il joue avec un camarade, il ne pense plus à ses problèmes ; quand il fait un câlin avec sa
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
grand-mère ou son grand-père, il ressent de la joie ; quand il est félicité par sa maîtresse
ou son éducatrice, il se sent compris et apprécié.
Marylène Cloitre1 , par exemple, décrit un traitement en trois phases classiques que l’on
retrouve dans la plupart des modèles de traitement :
– alliance thérapeutique, sentiment de sécurité, apprentissage de la gestion des émotions et
des comportements pour que le patient parvienne à mieux tolérer ses états émotionnels ;
– travail sur le trauma pour fixer les images traumatiques dans le passé et parvenir à
secourir l’enfant victime qu’il fut avec ce qu’il est devenu adulte ;
– reprise progressive de la maîtrise de sa vie et développement des compétences sociales
pour éviter de retomber dans la répétition littérale des relations « abusives » dans sa
vie personnelle et professionnelle actuelle.
1. Cloitre M., Cohen L., Koenen K., Treating Survivors of Sexual Abuse, NY, Guilford Press, 2006, traduction par G.-E.
Sarfati, Paris, Dunod, 2014.
10 • Prise en charge du psychotraumatisme
RÉPONSE
Questionnaire initial
1. La priorité est l’orientation dans le réseau d’accompagnement social et judiciaire.
6. Les associations d’aide aux victimes ne font pas des thérapies mais du soutien
avant orientation vers une thérapie.
225
7. Mon correspondant psy est-il qualifié pour prendre en charge des patients
psychotraumatisés ? Il faut m’en assurer.
8. Les thérapies familiales sont contre indiquées dans le cadre des violences familiales.
9. les groupes de parole sont indiqués pour les victimes, de violences sexistes
notamment.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
10. Les différents systèmes agresseurs légitiment la plupart des violences que les plus
forts imposent aux plus faibles.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION
Résumé
1. Une thérapie ne peut débuter qu’après avoir protégé le cadre thérapeutique par
un accompagnement social et judiciaire assuré par un avocat et une association.
2. La reconstruction d’une victime est facilitée par une procédure judiciaire qui la
reconnaît comme telle.
3. Une thérapie s’inscrit nécessairement dans un cadre médico-psychologique bien
identifié.
4. Il ne faut utiliser que les techniques validées par la recherche ou les consensus.
5. Les techniques thérapeutiques (psychodynamique, cognitivo-comportementale,
EMDR, hypnose) ne sont validées que pour l’État de stress post-traumatique.
6. La grande difficulté d’une thérapie consiste à gagner la confiance d’une victime
de traumatismes répétés.
7. Avant toute thérapie il faut aider un psychotraumatisé à contrôler ses émotions
(relaxation, respiration, Chi-Kong, yoga, etc.)
8. Plus que la technique psychothérapeutique et les interprétations, c’est la qualité
de la relation qui est thérapeutique.
9. Le cadre classique des thérapies pour « névrosés » reproduit (plus ou moins
littéralement) le scénario traumatique.
10. Les seules interprétations possibles sur le (non)sens des violences subies
consistent à critiquer les « systèmes agresseurs sacrificiels » qui les légitiment.
11. Les victimes de traumatismes répétés induisent des contre attitudes violentes 227
avec risques de passages à l’acte chez les soignants (violence, autoritarisme,
transgressions sexuelles).
12. La thérapie consiste à réécrire le scénario traumatique en contrôlant et prévenant
les tentatives du patient pour rejouer le scénario traumatique avec son soignant.
Bibliographie
Les sites Internet de l’HAS, de la Sécurité sociale (Ameli), du Conseil de
l’Ordre des médecins, du Ministère de la Justice, contiennent des informations
intéressantes, comme ceux des associations qui figurent dans l’annuaire.
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