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978-2-10-071859-7

Table des
matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Leçon 1 Fréquence et inventaire des troubles somatiques et


psychotraumatiques à la suite d’accident ou d’agression . . 2
Ampleur du problème 4
Inventaire des conséquences cliniques les plus communes 7

Leçon 2 Notions médico-légales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46


Le secret médical 48
Certificat médical 53
L’ITT 57
Le signalement des adultes en danger 60
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Réponses aux questions 62

Leçon 3 Examen d’une victime d’agression ou d’accident . . . . . . . . . . 66


La victime d’agression 68
La victime d’accident 77
Certificat de Mademoiselle quatorze et lettre pour Monsieur treize 81
TABLE DES MATIÈRES

Leçon 4 Examen d’une femme victime de violences de couple . . . . . 86


Généralités sur les violences de couple 88
Mécanismes de la violence 91
La stratégie des agresseurs 93
Conséquences psychologiques des violences de couple 94
Conséquences somato-psychiques des violences de couple 97
Retour sur le repérage 100

Leçon 5 Examen d’un enfant maltraité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104


Généralités 106
Bientraitance 111
Conséquences sociales et médico-psychologiques des maltraitances 113
Le repérage de la maltraitance 117
Le dépistage de la maltraitance 122
Réponses 123
VI
Leçon 6 Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une
victime d’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Testez vos connaissances préalables 129
Notions sur la procédure d’indemnisation d’une victime d’accident 130
L’évaluation des besoins d’une victime d’accident 133
L’aide aux victimes d’accidents 135
Le réseau d’aide aux victimes d’accidents 137
Réponses au questionnaire 141

Leçon 7 Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une


victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Testez vos connaissances préalables 147
Table des matières

Notions sur la procédure d’indemnisation d’une victime d’agression 148


L’évaluation des besoins d’une victime d’agression 153
L’aide aux victimes d’agressions 156
Le réseau d’aide aux victimes d’agressions 157
Réponses au questionnaire 162
Annexe
Évaluation des besoins et orientation d’une victime d’accident
ou d’agression 165

Leçon 8 Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes


de violences de couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Établir une relation de confiance 169
La spécificité du travail de soignant 171
Évaluation de la dangerosité du conjoint 180
Les soins 182
Conclusion 182
VII
Leçon 9 L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité . 186
Transmission d’une information préoccupante ou d’un signalement 189
Les suites de l’information préoccupante ou du signalement 196
L’accompagnement des enfants maltraités 199
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Réponses aux questions 202

Leçon 10 Prise en charge du psychotraumatisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208


Testez vos connaissances 211
L’intervention thérapeutique 212
La thérapie relationnelle avec un adulte 213
Les méthodes thérapeutiques 221
Thérapie des jeunes enfants 223
TABLE DES MATIÈRES

Réponse 225

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228

Annuaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

VIII
Introduction
ATELIER du Praticien est un guide auquel vous pourrez vous référer si vous

C
ET
êtes confronté à un patient victime d’un accident ou d’agressions diverses, mais
il est également destiné à vous aider à améliorer vos connaissances et votre
pratique clinique sur un problème de médecine courante qui a des conséquences
médicolégales assez mal connues des soignants. Il peut également vous permettre de valider
un Développement Professionnel Continu non-présentiel1 .
• La première leçon est un inventaire des troubles somatiques et psychologiques
que présentent les victimes d’agressions et/ou d’accidents auxquels le praticien est
constamment confronté souvent sans même le savoir lorsque les conséquences sont
lointaines.
• La deuxième leçon est destinée à améliorer la pratique médico-légale : rédaction du
certificat médical selon ce à quoi et à qui il est destiné (Sécurité sociale, médecine du
travail, compagnie d’assurance, autorité administrative ou judiciaire), signalement des
adultes en danger.
• Les trois leçons suivantes sont consacrées à trois différents types de problèmes particuliers
parmi les plus communément rencontrés en pratique clinique courante : 3) accidents
individuels et collectifs, 4) violences de couple, 5) maltraitances aux enfants.
• Les quatre leçons suivantes sont destinées à aider le praticien à orienter correctement son
patient dans le réseau d’accompagnement socio-judiciaire, différent pour chaque catégorie
de victimes : 6) victime d’accident individuel et collectif, 7) victime d’agression(s), 8)
victimes de violences de couple, 9) enfant maltraité.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

• La dernière leçon est consacrée à la prise en charge des patients psychotraumatisés.

Une bibliographie et un annuaire complètent cet Atelier du Praticien.

1. Si vous utilisez cet Atelier du Praticien pour valider un Développement Professionnel Continu non-présentiel,
connectez-vous sur le site du Gema (http://www.gema-fm.fr/).
Leçon 1

Fréquence et inventaire
des troubles somatiques
2
et psychotraumatiques
à la suite d’accident
ou d’agression
SOMMAIRE

Ampleur du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Réponses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Inventaire des conséquences cliniques les plus communes . . . . . . . 7
Conséquences somatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Conséquences psychologiques initiales d’un choc traumatique . . . 11
Conséquences psychotraumatiques possibles d’un événement
traumatique unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
Conséquences psychotraumatiques possibles après
des événements traumatiques répétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cette leçon est le préalable nécessaire pour progresser dans la connaissance des troubles
psychotraumatiques que présentent les victimes d’accidents et d’agressions uniques ou
répétées, avant d’envisager de mettre en place une prise en charge qui permette leur
réparation globale, sujette des autres leçons.
Elle a pour objectifs :
• d’approcher l’ampleur du problème ,
• de faire un inventaire des conséquences cliniques les plus communes.

AMPLEUR DU PROBLÈME

Les statistiques officielles, parfois très contestables, dans le sens d’une sous-estimation,
renseignent sur la fréquence des agressions et accidents et par conséquent sur le nombre
de patients qui consultent, quel que soit votre mode d’exercice.

Exercice
Mettez une croix sous la bonne réponse
4 1. À combien estimez-vous le nombre d’ac- ≈ 60 000 ≈ 120 000 ≈ 18 000
cidents de la voie publique ? par an
¨ ¨ ¨

2. À combien estimez-vous le nombre de ≈ 50 000 ≈ 150 000 ≈ 300 000


femmes âgées de 18 à 75 ans qui se par an
déclarent victimes de viol et tentatives ¨ ¨ ¨
de viol ?
3. À combien estimez-vous le pourcentage ≈1% ≈5% ≈ 10 %
des enfants maltraités dans les pays ¨ ¨ ¨
industrialisés ?
4. D’après vous combien y a-t-il de per- ≈ 3 000 ≈ 5 000 ≈ 10 000
sonnes âgées victimes de vol avec vio- par an
lences à domicile ? ¨ ¨ ¨
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

5. À combien estimez-vous le nombre de ≈ 50 ≈ 150 ≈ 500


femmes tuées par leurs compagnons par par an
an ? ¨ ¨ ¨

6. À combien estimez-vous le nombre d’en- ≈ 50 ≈ 150 ≈ 500


fants tués par leurs parents ? par an
¨ ¨ ¨

7. À combien estimez-vous le nombre de ≈ 10 000 ≈ 20 000 ≈ 50 000


personnes décédées des suites d’acci- par an
dents de la vie courante ? ¨ ¨ ¨

8. À combien estimez-vous le nombre de ≈ 50 000 ≈ 500 000 ≈ 1 000 000


femmes de 18 à 75 ans qui se déclarent par an
victimes de violences physiques ou ¨ ¨ ¨
sexuelles par conjoint ou ex-conjoint ?
9. À combien estimez-vous le nombre ≈ 50 000 ≈ 150 000 ≈ 300 000
d’hommes âgés de 18 à 75 ans qui se par an
déclarent victimes de viols et tentatives ¨ ¨ ¨
de viol ?
10. À combien estimez-vous le nombre ≈ 50 000 ≈ 500 000 ≈ 1 000 000
d’hommes de 14 ans et plus qui se par an 5
déclarent victimes de violences phy- ¨ ¨ ¨
siques hors ménage ?
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Réponses
1. Nombre d’accidents de la voie publique 67 288 en 2010
2. Nombre de femmes de 18 à 75 ans qui ont déclaré être victimes 154 000 par an
de viols et tentatives de viol (INSEE-ONDPR1,
2012)
3. Pourcentage d’enfants maltraités dans les pays industrialisés 10 %
(Lancet)
4. Nombre de personnes âgées victimes de vol avec violence à 3 000
domicile (OCLDI2, 2011)

5. Nombre de femmes tuées par leur compagnon ≈ 150 par an

6. Nombre d’enfants tués par leurs parents ≈ 800 par an


soit 2 à 3/j
(Inserm)
7. Nombre de décès par accidents domestiques ≈ 20 000 par an
dont 230 enfants
8. Nombre de femmes de 18 à 75 ans s’étant déclarées victimes de 404 000 par an
violences physiques ou sexuelles par conjoint ou ex-conjoint (INSEE-ONDPR,
2012)
9. Nombre d’hommes âgés de 18 à 75 ans qui se déclarent victimes 39 000 par an
de viol et tentatives de viol (INSEE-ONDPR,
6 2012)
10. Nombre d’hommes de 14 ans et plus qui se déclarent victimes 360 000 par an
de violences physiques hors ménage (INSEE-ONDPR,
2012)

Retenir

Les médecins sont constamment confrontés à des patient-e-s victimes d’accidents et


agressions diverses, parfois évidentes, parfois cachées (violences à enfants, viols et
agressions sexuelles, violences de couple), comme le laissent supposer les statistiques
rapportées ci-dessus.

1. Office National de la Délinquance et des Réponses Pénales.


2. Office Central de Lutte contre la Délinquance Itinérante.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

INVENTAIRE DES CONSÉQUENCES CLINIQUES


LES PLUS COMMUNES

Nous décrirons brièvement les conséquences somatiques qui sont généralement connues
et correctement prises en charge, quelle que soit leur gravité, par les médecins urgentistes
ou par les médecins généralistes, avec une spécificité pour la médecine de catastrophe.
Nous insisterons davantage sur les conséquences psychotraumatologiques, moins connues,
surtout dans le cadre des violences répétées et durables.

L’incidence médicolégale du certificat médical est l’objet de la 2e leçon.

Conséquences somatiques
 Testez vos connaissances
Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non
7

Je connais les critères classiques d’une lésion accidentelle

J’ai une idée de la fréquence des fractures que présentent les enfants
gravement maltraités
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La découverte radiographique d’appositions périostées chez un enfant


est évocatrice de maltraitance
Il m’est arrivé de mettre un obstacle médico-légal lors d’un certificat de
décès en raison d’une lésion évocatrice de violence

Les femmes victimes de violences ont tendance à banaliser leur blessure et à innocenter
l’agresseur, il est donc utile de connaître les critères en faveur de blessures accidentelles
ou violentes.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Retenir

Les blessures accidentelles se distinguent des blessures par violence parce qu’elles
siègent en règle sur les zones saillantes : tête, épaules, coudes, genoux, paumes des
mains.
Les zones de défense sont les faces postérieures des avant-bras (protection) ou la
face palmaire des doigts (saisir une lame).
Les hématomes métacarpo-phalangiens et/ou interphalagiens sont évocateurs de
coups de poings de défense.

 Lésions cutanées
Les dermabrasions ou excoriations
Superficielles, elles se couvrent d’un exsudat puis d’une croûte et cicatrisent en 8 jours
environ.
Les griffures et les morsures sont des dermabrasions

Écchymoses
Ce sont des infiltrats hémorragiques douloureux, sous-cutanés ou muqueux.
Ils disparaissent en passant par tous les stades de la biligénèse : rouge livide : J1 ; rouge
8
foncé : J2-3 ; bleu : J3-6 ; jaune : J7-11 ; jaune : J12-17 ; guérison J20-30.

Hématomes
Ce sont des collections sanguines qui peuvent migrer sous l’effet de la pesanteur.

Plaies
Les plaies contuses ou lacérations sont consécutives à une déchirure de la peau par
écrasement ou attrition.
Les plaies peuvent être consécutives à une blessure par arme tranchante (couteau, cutter,
etc.) et/ou piquante (aiguille, tournevis, etc.) et/ou contondante (hache), ou par une arme
par destination (clé, tesson de bouteille, pierre, etc.)
Les scarifications sont fréquemment des blessures que s’infligent des sujets fragiles sur le
plan psychologique.
Les plaies par projectile (unique, plombs de chasse, etc.) nécessitent une analyse médico-
légale.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

 Brûlures
Mécanisme lésionnel
Accidentel
Infligé dans le cadre des maltraitances à enfants (cigarettes, fer à repasser, bains brulants,
etc.)
Immolation.

Selon la profondeur
Premier degré : érythème (épidermique)
Deuxième degré : phlyctène (atteint plus ou moins profondément le derme).
Troisième degré : détruit l’épiderme et le derme.
Carbonisation : atteint les structures sous cutanées.

Épiderme

1er degré
Derme 2e degré superficiel

2e degré profond
Hypoderme
9
3e degré profond

Source : http://www.mon-partenaire-sante.com

Selon la gravité
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’étendue ou les dimensions des brûlures sont exprimées en pourcentage de la surface


corporelle totale brûlée au 2e ou au 3e degré, évaluées par la « règle de neuf » de Wallace,
différente chez l’enfant et l’adulte.

 Fractures
Tous les types de fractures sont possibles.
Lorsque le mécanisme lésionnel est évident, agression ou accident, le diagnostic est clair.
Il n’en est pas de même chez l’enfant victime de maltraitance : 50 % des enfants victimes
de sévices présentent des fractures dont 80 % chez l’enfant de moins d’un an : il s’agit
surtout de fractures des membres, du crâne et des cotes.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

On peut distinguer dans ce contexte :


• les fractures très évocatrices de maltraitance : fractures métaphysaires, des arcs
postérieurs de côtes, des apophyses épineuses ou du sternum ;
• les fractures évocatrices : fractures multiples surtout si elles sont bilatérales et d’âges
différents, décollements épiphysaires, luxation des corps vertébraux, fractures des doigts,
fractures complexes du crâne ;
• les fractures d’interprétation plus délicate : appositions périostées, fracture de la clavicule,
fractures diaphysaires des os longs, fractures linéaires du crâne.

 Lésions intracrâniennes
Hématome extradural à distance d’un traumatisme crânien survenant en règle chez un adulte
jeune après un traumatisme crânien d’intensité moyenne avec brève perte de connaissance
dans un contexte d’accident de la voie publique, de chute, etc.
Hématome sous-dural qui, jusqu’à preuve du contraire, est consécutif à une maltraitance
chez l’enfant.
Le syndrome des enfants secoués associant des hémorragies sous durales (voire sous
arachnoïdiennes) à des hémorragies rétiniennes, constitue une urgence médicale.

 Lésions viscérales
10
Épanchement sérolymphatique de Morel-Lavallée survenant après un traumatisme tangentiel,
correspond à une lésion de cisaillement entre de la graisse hypodermique et une aponévrose,
il est fréquent chez les cyclistes et les motards.
Lésions intra abdominales (rate, foie, mésentère) chez l’adulte ou chez l’enfant chez qui
elles constituent la deuxième cause de mortalité après les lésions intracrâniennes.
Lésions thoraciques : hémo ou pneumothorax, en règle après fractures de cotes.

 Un complexe symptomatique caractéristique des accidents


et catastrophes collectives : les 3 B (auxquels s’ajoute un 4° B)
Les victimes de catastrophes industrielles avec explosion ou les victimes d’attentats sont
fréquemment victimes :
– de blessures variées (plaies, fractures, traumatismes crâniens) ;
– de brûlures plus ou moins profondes et étendues ;
– de lésions tympaniques dues au Blast ;
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

– elles sont également « bouleversées » (4° B) : elles risquent de présenter des troubles
psychotraumatiques, initiaux et différés, qui sont le sujet du prochain paragraphe.

Retenir

Les blessures et autres lésions somatiques sont fréquentes après un accident ou une
ou des agressions.
Devant toutes lésions traumatiques chez l’enfant, il est nécessaire d’évoquer et
d’éliminer d’éventuels sévices.
Elles sont parfois une urgence vitale.
Il ne faut pas négliger les constatations médico-légales lorsque l’on est amené à
rédiger le certificat médical initial en raison de possibles conséquences médico-légales,
notamment en cas d’une procédure d’indemnisation ultérieure (2e leçon).

Conséquences psychologiques initiales d’un choc


traumatique
Cas clinique n° 1 : Monsieur UN
Monsieur UN, pompiste, a été agressé vers 22 heures par un motard casqué qui a pris de l’essence,
des chewing-gums et un sandwich. Il ne semble manifestement pas décidé à passer à la caisse. 11
M. UN, est très stressé, et malgré les consignes de la direction qui envisage de faire payer
les clients dans un guichet protégé après 21 heures, il décide en tremblant intérieurement de
réclamer son dû. Il a l’impression de vivre une scène de cinéma. Soudainement, sans réfléchir, il
se précipite en menaçant le motard qui le repousse violemment. S’ensuivent une altercation et
une violente bousculade lors de laquelle le client lui assène un coup-de-poing au visage avant
de quitter la boutique.
M. UN, groggy, constate qu’il présente une hémorragie nasale qui le surprend et pour laquelle
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

il ne fait pas le lien avec l’agression. Titubant, il a du mal à regagner son poste et reste, il ne
saurait dire pendant combien de temps, dans un état de flottement dont un prochain client le
tirera difficilement.
Il ne sortira vraiment de cet état second qu’aux urgences hospitalières locales où seront constatés
une fracture du nez avec déplacement des os propres du nez et un choc traumatique.

Il ne sera pas question dans cette leçon des conséquences médico-légales, objet de la
deuxième leçon, mais de la clinique psychotraumatologique.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

 Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

L’impact psychologique de l’agression de M. UN est habituel

Je sais qualifier l’impact traumatique sur le plan clinique

Le pronostic évolutif de son agression est favorable sur le plan


psychologique

Plus généralement, je connais les éléments cliniques réputés défavorables


sur le plan évolutif après une agression ou un accident ?

 Quel est l’impact psychologique d’une agression ?


La dissociation péritraumatique
12 Sous l’effet d’un stress « dépassé » ou pire d’un événement traumatique, peuvent survenir
des troubles qui pourraient aider à faire supporter l’horreur de la situation vécue.
Un événement traumatique confronte le sujet à ce qui est lui impossible d’élaborer : sa
propre mort (et non pas la mort de l’autre auquel un médecin peut avoir été fréquemment
confronté).
Monsieur UN présente une réaction typique appelée dissociation péritraumatique qui lui
permet, en le mettant dans un état second, auto hypnoïde, de s’abstraire de la situation :
il a l’impression de vivre une scène de cinéma ; complétement groggy, il constate une
hémorragie mais ne fait pas le lien avec l’agression ; titubant, il a du mal à regagner son
poste et reste, dans un état de conscience flottant qu’un prochain client ne parviendra pas
totalement à rompre et dont il ne sortira vraiment qu’aux urgences hospitalières. D’autre
part, ne tenant pas compte des recommandations de la direction, il se précipite menaçant
sur le motard, faisant preuve d’un courage que dans l’après coup il critiquera en disant qu’il
n’a pas consciemment décidé de se comporter en héro : « J’ai disjoncté » dira-t-il, avec
une sorte de préscience de la réaction neurobiologique.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

La recherche scientifique a démontré que la dissociation péritraumatique, réaction physiolo-


gique de protection, est positivement corrélée à l’apparition de troubles psychotraumatiques
durables.
Étant prédictive de troubles psychotraumatiques, il faut tenter de faire sortir le patient de
son trouble dissociatif pour tenter de limiter les conséquences psychologiques.

Cas clinique n° 2 : Madame DEUX


Les pompiers interviennent sur un grave accident de la voie publique parce que la conductrice,
Mme DEUX, totalement désemparée, déambule comme un automate autour de son véhicule en
cherchant son enfant âgé de 3 ans décédé dans son siège bébé.
Elle refuse de monter dans le véhicule des pompiers tant qu’elle ne l’aura pas retrouvé.

Madame DEUX présente à l’évidence une dissociation péritraumatique qui lui permet de ne
pas être confrontée au décès de son jeune enfant. Le Docteur Miracle, pompier volontaire,
arrive 10 minutes plus tard sur les lieux de l’accident. Ayant déjà travaillé cet Atelier du
Praticien, il fait le diagnostic de dissociation et s’efforce de faire sortir Madame DEUX de
cet état d’irréalité sous l’œil désapprobateur des pompiers qui le trouvent cruel.

Le Dr Miracle s’enquiert du nom et du prénom de la blessée et de l’enfant.


Il prépare son intervention en faisant quelques exercices de respiration pour contrôler son propre
stress.
Il se munit d’une seringue contenant un anxiolytique pour faire face à toute éventualité.
13
Il s’approche calmement de Mme DEUX et parvient à arrêter sa déambulation en la prenant
doucement par les épaules.
Il la regarde avec le maximum d’empathie et lui dit : « Mme DEUX, Hélène n’est-ce pas ? Regardez
dans la voiture, Nicolas est décédé sur le coup. Je peux vous assurer qu’il n’a pas souffert. »
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le Dr Miracle en tentant de faire sortir Mme DEUX de son état second, faussement protecteur
à long terme, cherche à limiter les conséquences de l’événement traumatique.
La dissociation péritraumatique est une réaction neurobiologique bien connue, visible
notamment en imagerie fonctionnelle.
Les amygdales cérébrales et l’hippocampe constituent le cerveau émotionnel (limbique).
Lorsqu’un sujet est confronté à un stimulus stressant, l’hypothalamus active les amygdales
cérébrales qui déclenchent la sécrétion d’adrénaline (réaction d’alarme) et de cortisol
(adaptation à la situation). Les ressources du sujet se mobilisent pour lutter ou fuir mais
dans les millisecondes qui suivent, l’hippocampe informe les cortex préfrontal et cingulaire
qui remettent la situation dans son contexte et annulent la réaction de stress.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Lorsqu’il s’agit d’un événement traumatique, l’hyperstimulation des amygdales enclenche


une réaction neurobiologique qui coupe les afférences du cerveau émotionnel vers le cortex
cérébral. Le vécu du sujet reste piégé dans le cerveau émotionnel et va entraîner des
troubles psychotraumatiques. Cette réaction est ci-dessous schématisée.

Neurobiologie de la dissociation

Dissociation entre le cerveau et le cortex préfrontal


avec impossibilité de mettre l’événement traumatique Les endorphines et des kétamine-likes
dans son contexte (antagonistes des récepteurs NMDA*)
coupent les voies efférentes de l’amygdale

L’absence de modulation
Évenement par l’hippocampe > absence
Thalamus Amygdale d’extinction de l’amygdale >
traumatique
survoltage > court circuit
des voies afférentes au cortex préfrontal

Adrénaline Cortisol Dissociation

*N-Méthyl-D-aspartate

Cette réaction est à ce point biologique que des recherches en cours démontrent qu’un
β-bloqueur passant la barrière méningée (le propanolol) prévient l’apparition de troubles
psychotraumatiques ultérieurs en modulant la réaction biologique péritraumatique résumée
14 dans le schéma précédent.
La clinique de la dissociation péritraumatique est résumée dans l’échelle PDEQ1 , un auto-
questionnaire qui décrit de façon exhaustive la clinique de la dissociation péritraumatique,
mais permet surtout d’évaluer son intensité.

Auto-questionnaire : Échelle de dissociation péritraumatique

Réactions dissociatives péritraumatiques (PDEQ)


Instructions : veuillez répondre aux énoncés suivants en encerclant le choix de
réponse qui décrit le mieux vos expériences et réactions durant cet évènement et
immédiatement après.
Si une question ne s’applique pas à votre expérience, encerclé « Pas du tout vrai »

1. Traduit et adapté par Alain Brunet et Christiane Routhier (1999) avec l’autorisation des auteurs. Marmar, Charles, R.,
& Weiss, Daniel, S. (1997). « The Peritraumatic Dissociative Experience Scale ». In J.P. Wilson & T.M. Keane, Assessing
Psychological Trauma and PTSD. New York: Guilford Press.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Pas du
Un peu Plutôt Extrêmement
tout Très vrai
vrai vrai vrai
vrai
Il y a eu des moments où
j’ai perdu le fil de ce qui
se passait – j’étais complète-
ment déconnectée ou, d’une
certaine façon, j’ai senti que 1 2 3 4 5
je ne faisais pas partie de ce
qui se passait.
Je me suis retrouvé-e sur le
"pilote automatique" – je me
suis mis-e à faire des choses
que, je l’ai réalisé plus tard, je 1 2 3 4
n’avais pas activement décidé 5
de faire.
Ma perception du temps a
changé - les choses avaient
l’air de se dérouler au ralenti. 1 2 3 4 5

Ce qui se passait me semblait


irréel, comme si j’étais dans
un rêve, ou au cinéma, ou en 1 2 3 4 5
train de jouer un rôle. 15
C’est comme si j’étais le ou
la spectateur-trice de ce qui
m’arrivait, comme si je flottais
au-dessus de la scène et l’ob- 1 2 3 4 5
servait de l’extérieur.
Il y a eu des moments où la
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

perception que j’avais de mon


corps était distordue ou chan-
gée. Je me sentais déconnecté-
e de mon propre corps, ou bien 1 2 3 4 5
il me semblait plus grand ou
plus petit que d’habitude.
J’avais l’impression que les
choses qui arrivaient aux
autres m’arrivaient à moi aussi
- comme par exemple être en 1 2 3 4 5
danger alors que je ne l’étais
pas.

PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

J’ai été surpris-e de consta-


ter après coup que plusieurs
choses s’étaient produites sans
que je m’en rende compte, des 1 2 3 4 5
choses que j’aurais habituelle-
ment remarquées.
J’étais confus-e ; c’est-à-dire
que par moments j’avais de la
difficulté à comprendre ce qui 1 2 3 4 5
se passait vraiment.
J’étais désorienté-e ; c’est-à-
dire que par moments j’étais
incertain-e de l’endroit où je
me trouvais, ou de l’heure qu’il 1 2 3 4 5
était.

La détresse péritraumatique
Sous l’effet d’un stress « dépassé » ou pire d’un événement traumatique, le sujet peut
présenter une réaction anxieuse plus ou moins sévère.
Cette « détresse péritraumatique » est, comme la dissociation péritraumatique, positivement
16 corrélée à l’apparition de troubles psychotraumatiques ultérieurs.
La clinique de la détresse péritraumatique est résumée dans l’échelle PDI1 , un auto-
questionnaire essentiellement destiné à en apprécier l’intensité.

Auto-questionnaire : Inventaire de Détresse Péritraumatique


(PDI)

Instructions : Complétez s’il vous plaît les énoncés qui suivent en entourant le nombre
qui correspond au mieux à ce que vous avez ressenti pendant et immédiatement
après l’événement critique. Si une proposition ne s’applique pas à votre expérience
de l’événement, alors entourer la réponse « Pas du tout vrai ».

1. Brunet A., Weiss DS., Metzler TJ., Best SR., Neylan TC., Rogers C., Fagan J., Marmar CR. « The Peritraumatic Distress
Inventory: A Proposed measure of PTSD Criterion A2. » Am J Psychiatry 158 : 9, September 2001. Jehel L., Brunet A.,
Guelfi J., Validation de la traduction française de l’Inventaire de Détresse Péritraumatique, in Thèse de l’université
Paris VI, décembre 2002.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

1 Je me sentais totalement incapable de faire quoi que ce soit

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai vrai

2 Je ressentais de la tristesse et du chagrin

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai vrai

3 Je me sentais frustré(e) et en colère car je ne pouvais rien faire de plus

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai vrai

4 J’avais peur pour ma propre sécurité

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

5 Je me sentais coupable

0 1 2 3 4 17
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

6 J’avais honte de mes réactions émotionnelles

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

vrai

7 J’étais inquiet pour la sécurité des autres

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

8 J’avais l’impression que j’allais perdre le contrôle de mes émotions

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai


PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

9 J’avais envie d’uriner et d’aller à la selle

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

10 J’étais horrifié(e) par ce que j’avais vu

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

11 J’avais des réactions physiques comme des sueurs, des tremblements et


des palpitations

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

12 J’étais sur le point de m’évanouir

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai
18
13 Je pensais que j’allais mourir

0 1 2 3 4
Pas du tout Un peu vrai Assez vrai Très vrai Extrêmement vrai
vrai

L’état de stress aigu


Les nomenclatures internationales décrivent un « état de stress aigu » qui risque de survenir
après un événement traumatique.
L’état de stress aigu ne dure par définition qu’un mois au-delà duquel il devient un état de
stress post-traumatique auquel il est sémiologiquement très semblable, c’est pourquoi nous
renvoyons le lecteur au prochain paragraphe.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Retenir

– Sur le plan psychologique, un événement traumatique entraîne le plus souvent un


état de dissociation péritraumatique ou un état de détresse péritraumatique.
– La dissociation péritraumatique est une réaction neurobiologique (visible en
imagerie cérébrale fonctionnelle) qui déconnecte le cerveau limbique (émotionnel)
du cortex préfrontal qui ne peut plus jouer son rôle de régulateur de la réponse
émotionnelle.
– Ces deux réactions, dont on peut apprécier l’intensité sur des auto-questionnaires,
sont prédictives de troubles psychotraumatiques ultérieurs.
– Il faut intervenir cliniquement pour limiter ces réactions péritraumatiques.
– Des recherches scientifiques indiquent qu’il sera bientôt possible de prévenir ou
limiter les complications psychotraumatiques avec des β-bloqueurs.
– Les nomenclatures internationales décrivent un « état de stress aigu » qui perturbe
le sujet pendant 1 mois au-delà duquel il présenterait un trouble psychotraumatique
constitué.

Conséquences psychotraumatiques possibles


d’un événement traumatique unique
Les événements traumatiques uniques sont tellement fréquents (agression et accidents
divers) que le médecin y est constamment confronté. 19

Cas clinique n° 1 (suite)


Monsieur UN, pompiste agressé vers 22 heures par un motard casqué, est en arrêt de travail
dans le cadre d’un accident du travail 45 jours après son agression. La fracture des os propres
du nez a été réduite et il ne s’en plaint plus.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

 Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

Je connais le trouble ou les troubles pour lequel ou lesquels M. UN est


toujours en arrêt de travail

J’ai déjà été confronté à ce genre de situation dans ma pratique clinique

Et même fréquemment

Je connais une stratégie thérapeutique réfléchie et cohérente, en rapport


avec les recommandations issues de la recherche ou des consensus, pour
traiter M. UN

Citez les complications post-traumatiques qui vous paraissent les plus fréquentes
20
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................

 Fréquence des complications psychotraumatiques


après un événement traumatique unique
Les conséquences spécifiques d’un événement traumatique unique sont typiquement un
état de stress post-traumatique (ESPT) qui survient dans environ 30 % des cas.
Les ESPT sont plus graves et plus fréquents quand ils sont consécutifs à des violences
interhumaines (viol, tortures, etc.)
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

L’étude ESEMeD1 menée sur un échantillon de 21425 habitants de six pays d’Europe a
démontré que la prévalence vie entière de l’ESPT était de 1.9 % (2.9 % chez les femmes
et 0.9 % chez les hommes). Ces chiffres sont comparables à ceux relevés par le Centre
Français de l’OMS qui a mené un travail sur un échantillon de 30416 sujets de plus de 18
ans représentatifs de la population française métropolitaine (Vaiva, 2005). Une autre étude
française réalisée par le Centre Français de l’OMS2 a trouvé des chiffres plus bas : 0,6 %
chez les hommes, 1,1 % chez les femmes.

Toutes les enquêtes objectivent que les femmes présentent deux fois plus
d’ESPT probablement parce qu’elles subissent plus d’agressions sexuelles et de
viols.

Les troubles comorbides post-traumatiques sont extrêmement fréquents :


– états dépressifs, plus fréquents que l’ESPT, ils touchent environ 50 % des hommes et des
femmes ;
– troubles anxieux ;
– conduites addictives ;
– des troubles des conduites alimentaires (boulimie, anorexie) ;
– somatisations (troubles somatoformes).

Troubles comorbides post-traumatiques 21


Femmes Hommes

Troubles dépressifs 49 % 48 %

Anxiété généralisée 15 % 16 %
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Panique 12,6 % 7,3 %

Agoraphobie 22,5 % 16,1 %

1. Alonso J., Angermeyer M.-C., Bernert S. et al., « Prevalence of mental disorders in Europe: results from the European
Study of the Epidemiology of Mental Disorders (ESEMeD) project. » Acta Psychiatr Scand Suppl, (420), 2004.
2. Vaiva G., Jehel L., Ducrocq F. et al. A propos de l’enquête SMPG: prévalence des troubles psychotraumatiques dans
un échantillon représentatif des 45 millions de français de plus de 18 ans. Congrès annuel de l’AFERUP. Nantes, 2005.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

 Cas clinique n° 1 (suite)

Monsieur UN se plaint tout d’abord de troubles du sommeil. Avant de s’endormir, il revit l’agression
sous forme de pensées et d’images répétitives et angoissantes. Il se réveille en sueurs parce qu’il
fait presque tous les jours un cauchemar de reviviscence de son agression. Il ajoute qu’il y pense
fréquemment pendant la journée, surtout quand il entend une moto passer sous ses fenêtres ou
lorsqu’il croise un motard. Il ferme la télévision lorsqu’au journal ou pendant une fiction, il est
question de violence. Dans la rue, il est sur le qui-vive, et s’attend constamment à croiser son
agresseur. Il ne peut envisager de retourner travailler par peur panique d’être à nouveau agressé.
D’autre part, il a perdu le goût de vivre, n’a plus de plaisir ni de désir, se dit exténué, envisage
de démissionner de son travail.
Il estime ne pas avoir été à la hauteur, ne pas avoir su réagir efficacement. Il se reproche d’avoir
été lâche et se sent coupable de ne pas retourner au travail, lui qui ne s’arrête jamais !
Auparavant, il se croyait « invulnérable ». Depuis l’agression, il a perdu toute confiance en soi,
dans les autres et le monde devenus dangereux et imprévisibles, ce qui irrite à présent sa femme
et ses enfants, accroissant son sentiment de solitude et d’incompréhension.
Il consomme des anxiolytiques et davantage de cannabis qu’à l’accoutumée.

Pouvez-vous ordonner et lister les symptômes de M. UN ?

Si cela vous paraît irréalisable à ce stade de votre Cahier du Praticien, passez


directement au paragraphe suivant.

22
Lister les symptômes de Monsieur UN
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................

 Sémiologie de l’état de stress post-traumatique (ESPT)


L’ESPT est un trouble reconnu par la communauté scientifique internationale, OMS et
Association Américaine de Psychiatrie notamment, dont nous résumons les critères
diagnostiques dans le tableau suivant :
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

ESPT : synthèse des critères diagnostiques du DSM-IV

Le sujet doit avoir été victime ou témoin d’un événement potentiellement


Critère A
traumatisant et sa réaction s’est traduite par une peur intense.

Il correspond à ce que nous avons pour habitude de nommer le syndrome de


répétition ou syndrome intrusif : « L’événement traumatique est constamment
Critère B
revécu » de l’une ou de plusieurs des cinq façons, qui sont décrites dans le
DSM (souvenirs répétitifs, cauchemars ...).

Il correspond au classique syndrome d’évitement :


Critère C « Evitement persistant des stimuli associés au traumatisme » (avec présence
d’au moins trois des sept manifestations proposées par le DSM).

Présence de symptômes neurovégétatifs avec au moins deux des cinq


Critère D
symptômes proposés par le DSM

Critère E B, C et D durent depuis plus d’un mois

Critère F La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative.

– Monsieur UN a bien été victime d’un événement traumatique et a présenté une réaction
de peur intense (Critère A) avec dissociation péritraumatique. 23
– Il revit constamment l’agression par des pensées, des images, des cauchemars (Critère B).
– Il évite les situations lui rappelant l’agression (bruits de moto, motards) ou la symbolisant
(journal télévisé, film de violence) et surtout il ne peut envisager de retourner au travail
(Critère C).
– Il est constamment sur le qui-vive, inquiet, hypervigilant (Critère D).
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– Les troubles durent depuis 45 jours, soit plus d’un mois (Critère E).
– Les troubles entraînent une souffrance cliniquement significative (Critère F).

Comprendre

Lors de l’impact traumatique l’événement traumatique est resté piégé dans le cerveau
émotionnel en raison de la « dissociation » des afférences limbiques vers le cortex
cérébral.
De façon métaphorique, le cerveau du psychotraumatisé est devenu une sorte de
magnétoscope qui se déclenche dès que le patient est confronté à une situation qui

PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION


lui rappelle ou symbolise l’événement traumatique, laquelle situation déclenche la
télécommande hypersensible du magnétoscope cérébral.
Le sujet cherche sans y parvenir à zapper ou même à interrompre la reviviscence.
Cette métaphore est très utile pour que les patients comprennent leurs troubles ; elle
permet parfois de dépasser le « syndrome d’évitement » qui conduit le patient à ne
pas parler de l’événement traumatique.

Ne jamais proposer à un psychotraumatisé d’aller chez le psy pour... parler, ce


qu’il évite pour ne pas revivre l’événement, lui dire que le psy saura régler le
magnétoscope et la télécommande.

Il existe divers instruments qui permettent d’évaluer l’intensité de l’ESPT et son évolution
et d’apprécier les effets du traitement (4e leçon). Ces instruments doivent être confrontés à
l’examen clinique.
L’auto-questionnaire « Impact des événements stressants » (voir ci-dessous) dans sa
forme révisée1 notamment, est facile d’emploi. Il permet au lecteur de comprendre de
façon exhaustive la symptomatologie de l’ESPT : syndrome intrusif, syndrome d’évitement,
hyperactivation neurovégétative.

Auto-questionnaire : Retentissement de l’impact d’un événement


24
Impact of events scale – revised
Instructions : Voici une liste de difficultés que les gens éprouvent parfois à la suite
d’un évènement stressant. Veuillez lire chaque item et indiquer à quel point vous avez
été bouleversé par chacune de ces difficultés au cours des 7 derniers jours.
Dans quelle mesure avez-vous été affecté ou bouleversé par ces difficultés ?
Au cours des 7 derniers jours... 0 = Pas du tout
1 = Un peu
2 = Moyennement
3 = Passablement
4 = Extrêmement

Tout rappel de l’évènement ravivait mes sentiments en 01234


rapport avec celui-ci.
Je me réveillais la nuit. 01234

1. Brunet A., Jehel L, Weiss D-S. (2002). Version mai 2005.


1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Différentes choses m’y faisaient penser. 01234


Je me sentais irritable et en colère. 01234
Quand j’y repensais ou qu’on me le rappelait, j’évitais de me 01234
laisser bouleverser.
Sans le vouloir, j’y repensais. 01234
J’avais l’impression que rien n’était vraiment arrivé ou que 01234
ce n’était pas réel.
Je me suis tenu loin de ce qui m’y faisait penser. 01234
Des images de l’évènement surgissaient dans ma tête. 01234
J’étais nerveux et je sursautais facilement. 01234
J’essayais de ne pas y penser. 01234
J’étais conscient d’avoir encore beaucoup d’émotions à 01234
propos de l’évènement, mais je n’y ai pas fait face.
Mes sentiments à propos de l’évènement étaient comme 01234
engourdis, anesthésiés
Je me sentais et je réagissais comme si j’étais encore dans 01234
l’évènement.
J’avais du mal à m’endormir. 01234
J’ai ressenti des bouffées de sentiments intenses à propos 01234
25
de l’évènement.
J’ai essayé de l’effacer de ma mémoire. 01234
J’avais du mal à me concentrer. 01234
Ce qui me rappelait l’évènement me causait des réactions 01234
physiques telles que des sueurs, des difficultés à respirer,
des nausées ou des palpitations.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

J’ai rêvé à l’évènement. 01234


J’étais aux aguets et sur mes gardes. 01234
J’ai essayé de ne pas en parler. 01234

Intrusions : 1-2-3-6-9-14-16-20 / Évitements : 5-7-8-11-12-13-17-22 / Hyperactiva-


tion : 4-10-15-18-19-21
N < 36
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Retenir

Au bout de trois mois l’ESPT est dit chronique.


Certains ESPT sont dits différés lorsqu’ils surviennent au moins 6 mois après
l’événement traumatique causal.

 Exercice

Monsieur UN estime ne pas avoir été à la hauteur. Il dit ne pas avoir su réagir efficacement. Il
se reproche d’avoir été lâche. Il se sent coupable de ne pas retourner au travail : « Moi qui ne
me suis jamais arrêté » se justifie-t-il.

Comment expliquez-vous cette réaction habituelle chez toutes les victimes ?


Si vous avez une explication justifiant le sentiment de culpabilité de M. UN, veuillez
l’expliciter dans l’encadré suivant. Sinon, passez au paragraphe suivant.
Quelle est votre analyse du sentiment de culpabilité des victimes ?
................................................................................
................................................................................
................................................................................
26 ................................................................................
................................................................................
................................................................................

Nous allons à présent répondre à cette question ; peut-être confirmerons-nous votre analyse.

 Sémiologie de la colère et du sentiment de culpabilité associés


à l’ESPT.
La colère est un sentiment habituel que ressentent les victimes d’un événement traumatique
unique.
Comment une victime de vol avec violence subi dans les transports en commun ou une
victime de viol pourrait-elle ne pas être furieuse ?
De nombreuses victimes de catastrophe naturelle expriment leur colère contre le Ciel ou la
comprennent comme une punition divine ou écologique due à l’inconscience des hommes,
etc.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Cas clinique n° 3
Mme TROIS, 42 ans, a été agressée vers 21h30 par un individu au moment où elle entrait dans
son immeuble. Il l’a menacée avec une arme blanche. Elle a essayé de la raisonner mais il lui
a coupé la parole en l’insultant et en la menaçant de mort. Elle a tenté de lui échapper. Il l’a
attrapée par les cheveux et l’a violemment giflée. Terrifiée, elle a désormais accepté d’ouvrir sa
porte. Il lui a demandé de se déshabiller, ce qu’elle a fait : « Comme un robot » explique-t-elle.
Elle avait le sentiment de flotter au-dessus de la scène et ne se sentait pas concernée. Elle croit
se souvenir qu’il ne parvenait pas à être en érection. Il l’a insultée en lui demandant de lui faire
une fellation qu’elle a pratiquée sans qu’il parvienne à être en érection. Fou de rage, il l’a de
nouveau frappée. Elle pense qu’il lui a introduit un doigt dans le vagin. Elle ne sait plus quand
et comment il a quitté son appartement.
Elle estime qu’il est inconcevable d’être agressée en rentrant d’une réunion de travail à 23 h.
Elle se plaint de l’accueil policier et de la nonchalance du médecin légiste qui paraissait plutôt
indifférent et peu à l’écoute. Elle pense que la police n’enquête pas correctement.
Elle vous déclare qu’elle aurait dû se méfier parce qu’elle s’était rendu-compte que son agresseur
la suivait, mais il lui paraissait bien sous tous les rapports. Elle estime qu’elle était habillée
de façon un peu légère. Elle se reproche de ne pas avoir hurlé : un voisin l’aurait peut-être
entendue et aurait pu intervenir.
Elle vous explique qu’elle ne supporte plus les tracasseries policières et qu’elle est prête à tout
laisser tomber pour oublier et passer à autre chose.

Madame TROIS est légitimement en colère d’avoir subi un crime mais elle se fait des
reproches.
On estime souvent que les victimes sont insupportables parce qu’elles dirigent leur sentiment 27
de colère, non pas contre le coupable ou le ou les responsables, mais contre leurs proches,
leur médecin, leur employeur, les institutions répressives, les organismes payeurs (Sécurité
Sociale, compagnies d’assurance, etc.).

Vous devez utiliser cette saine colère dans le sens de la reconstruction :


procédure judiciaire (6e , 7e et 8e leçon), soins (10e leçon).
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Vous pourriez dire à Mme TROIS : « Chère Madame, je comprends votre colère et votre
déception. Ne pensez-vous pas que vous devriez vous battre pour que le violeur soit
interpelé. Il ne vous a pas écouté. Voulez qu’il parvienne encore à museler votre parole ?
Que sa “victoire” soit totale ? Qu’il continue à vous détruire à distance du viol ? Je suis
votre médecin, je vais tout faire pour vous aider (...) »

L’orientation de Mme TROIS dans le réseau d’accompagnement social et


judiciaire est l’objet de la 7e leçon
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Le violeur n’a pas fait la cour à Mme TROIS. Il ne l’a pas écoutée. Il n’y a eu aucun espace
de séduction. Il a agi délibérément en utilisant un stratagème. Il l’a violée, la transformant
en objet. Elle se sent coupable pour se donner l’illusion d’avoir au moins en partie été un
acteur et non pas une « chose » pendant le viol. Elle veut en d’autres termes, s’impliquer
comme sujet dans le crime qu’elle a subi pour ne pas être réduite à néant. Son sentiment de
culpabilité sera donc transitoirement protecteur et il faut le respecter et surtout ne pas lui
dire trop vite qu’elle n’y est pour rien. Cependant, il faudra assez rapidement travailler ce
sentiment de culpabilité pour qu’elle parvienne à attribuer la faute - un crime en l’espèce -
à l’auteur des faits.
Le sentiment de culpabilité peut être compris comme le retournement de la colère contre
soi-même au même titre que les troubles comorbides.

 Sémiologie des troubles psychotraumatiques comorbides


L’ESPT n’est pas la seule conséquence psychopathologique des traumatismes uniques. Les
psychotraumatisés se voient en général poser plusieurs diagnostics psychiatriques :
Comorbidité psychiatrique générale d’après Kessler1
Femmes Odds ratio Hommes Odds ratio

Absence 21 % 0,2 % 12 % 0,2 %


1 diagnostic 17 % 2,2 % 15 % 2,4 %
28 2 diagnostics 18 % 4,0 % 14 % 3,8 %
3 et plus 44 % 7,9 % 59 % 14,5 %

Les troubles dépressifs sont plus fréquents que l’ESPT, atteignant la moitié
des victimes psychotraumatisées avec un risque majeur de suicide.

Les troubles anxieux sont également fréquents, ils ont été étudiés par de nombreux auteurs.

1. Kessler R, Sonnega A, Bromet E et al. « Posttraumatic stress disorder in the National Comorbidity Survey. » Arch
Gen Psychiatry, 1995.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Troubles anxieux comorbides d’après Kessler


Femmes Odds ratio Hommes Odds ratio
Anxiété généralisée 15 % 5,9 % 16,8 % 2,8 %
Trouble panique 12,6 % 4,1 % 7,3 % 3,2 %
Phobie simple 29,0 % 7,1 % 31,4 % 2,4 %
Phobie sociale 28,4 % 3,0 % 27,6 % 2,4 %
Agoraphobie 22,4 % 4,5 % 16,1 % 3,4 %

Les troubles somatoformes, qui ne figurent pas dans le DSM IV, sont une complication
cliniquement fréquente.
Les conduites addictives à risque – toxicomanie et/ou alcoolisme – constituent une
complication habituelle. Elles peuvent s’interpréter comme une tentative d’automédication
contre les symptômes d’intrusion ou d’hyperactivation neurovégétative de l’ESPT.
Les troubles dissociatifs peuvent devenir un mode de défense habituellement utilisé comme
« anesthésiant » pour éviter ou atténuer les phénomènes de reviviscence anxieuse.

 Le bouleversement des croyances fondamentales antérieures


Les agressions et les accidents entraînent fréquemment un effondrement des croyances
fondamentales du psychotraumatisé, résumé dans le schéma ci-dessous.
29
LE MONDE
- dangereux
- injuste
- incontrôlable
LES AUTRES JE
- dangereux - coupable
- non fiables - vulnérable
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

LE FUTUR
- absence
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Retenir

Le trouble psychotraumatique spécifique après une agression ou un accident est l’état


de stress post-traumatique qui survient 1 mois après l’événement causal dans environ
30 % des cas.
La prévalence vie entière de l’ESPT est de 2 % environ : 3 % chez les femmes et 1 %
chez les hommes.
L’ESPT survient 1 mois après l’évènement causal ; il est chronique au bout de 3 mois.
L’ESPT associe 3 types de troubles : un syndrome intrusif de reviviscence ; un syndrome
d’évitement, un syndrome d’hyperactivation neurovégétative auxquels s’associent un
sentiment de colère et une perturbation des croyances fondamentales antérieures.
Dans 50 % des cas, les psychotraumatisés présentent un état dépressif avec risque de
suicide.
Les autres troubles comorbides sont les troubles anxieux, les troubles somatoformes,
les conduites addictives à risque (toxicomanie et/ou alcoolisme), les troubles
dissociatifs durables.

Conséquences psychotraumatiques possibles après


des événements traumatiques répétés
Les événements traumatiques répétés sont extrêmement nombreux : maltraitances diverses
30 (envers les enfants, les membres d’un couple, les personnes âgées), violences au travail,
violences sectaires, violences d’État, etc.
Il ne faut pas confondre les violences accidentelles consécutives à un conflit familial
(dispute, scène de ménage, gifle donnée à un enfant sous l’effet de la colère ou du
stress) ou extrafamilial, avec les violences qui s’inscrivent dans une relation de domination
asymétrique (violences de couple, harcèlement durable, emprise sectaire) qui ont pour but
de nier l’autre en tant que personne. La loi pénale prend en compte cette dimension dans
la définition du harcèlement moral, sexuel, ou dans la violence psychologique :
« Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un Pacs ou son concubin par des agissements
répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une
altération de sa santé physique ou mentale est puni (...). »

Les traumatismes psychologiques répétés s’inscrivent typiquement dans une relation


d’emprise psychologique.
Les patients qui furent ou sont encore victimes de traumatismes répétés consultent les
médecins de toutes spécialités avec des symptômes écrans. Ils ne font pas le lien avec les
événements traumatiques subis, parfois longtemps avant la consultation. Les médecins ne
les recherchent pas.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Cas clinique n° 4
Monsieur QUATRE, jeune et brillant PDG d’une « start-up », est diplômé de Polytechnique et des
Ponts-et-Chaussées.
Il consulte fréquemment son médecin pour des problèmes digestifs.
Tous les examens complémentaires se sont révélés normaux.
Chaque nouveau traitement symptomatique entraîne une amélioration de courte durée.
Il s’ouvre pour la première fois à son médecin qu’il connaît depuis 10 ans. Il lui demande conseil
parce qu’il se sent totalement incompétent avec les femmes : il est incapable de les aborder,
sauf de façon très autoritaire dans le cadre de ses activités professionnelles.
Il se plaint de ne pas pouvoir satisfaire, faute de temps, son père qui exige qu’il se marie pour
avoir un fils : « Pour perpétrer la tradition familiale » dit-il.

 Exercices
Les éléments cliniques fournis par M. QUATRE vous paraissent-ils être possiblement d’origine
psychotraumatique ?
Si oui, pourquoi et comment vous en assurer ?
Si vous pensez avoir une ou des réponses à cette question, veuillez remplir l’encadré suivant.
Sinon, passez au paragraphe suivant.
Quels sont, selon vous, les arguments en faveur de l’origine psychotraumatique
des troubles de M. QUATRE et comment s’en assurer ? 31
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

................................................................................

La façon la plus simple pour vous en assurer consiste à rechercher systématiquement des
antécédents traumatiques comme vous le faites pour les antécédents médicaux, chirurgicaux,
allergiques, gynéco, psychiatriques, addictifs...
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique actuelle

Oui Non

Il m’arrive de demander à un patient s’il a subi des sévices psychologiques,


physiques, sexuels ou de graves carences au cours de sa vie :

Cette question me paraît difficile à poser :

Je ne saurais pas gérer une réponse positive :

Je pose systématiquement cette question :

L’expérience clinique démontre que l’on recueille une réponse positive dans environ 30 %
des cas.
Les médecins1 qui ont acquis cette pratique que nous recommandons, reconnaissent que
leur réticence initiale n’était pas justifiée et qu’elle ne déstabilise pas les patients. Ils sont
surpris de constater que la relation thérapeutique se modifie et que de nombreux troubles
fonctionnels s’améliorent ou disparaissent.

 Retour sur le cas clinique n° 4


32
Les médecins n’ont pas pour habitude de s’enquérir, même succinctement, de la biographie
de leurs patients comme le font les psychologues et les psychiatres. Si vous interrogiez
Monsieur QUATRE, il vous dirait qu’il a été élevé dans une famille unie et soutenante par
une mère effacée mais aimante, dominée par un mari autoritaire mais qui n’a jamais été
violent envers elle ou envers lui. Si vous rebondissiez sur ce qu’est la tradition familiale
qu’il faut « perpétrer », vous apprendriez que :

Dans sa famille, l’aîné des garçons est polytechnicien depuis la création de l’école par Napoléon.
Il aurait voulu être musicien comme sa mère, mais il a été méthodiquement programmé pour
devenir polytechnicien comme son père, son grand-père, etc., avant lui. Il a passé sa jeunesse
dans son bureau, surveillé par son père, sans avoir le droit de sortir, de fréquenter des copains.
Il ne s’est jamais révolté. Il n’a pas présenté une « crise d’adolescence ».

Si vous reveniez sur sa quête d’une âme sœur et ses difficultés à entrer en relation avec
une femme, il vous expliquerait :

1. Lazimi G, Piet E, Casalis MF, « Violences faites aux femmes en France et rôle des professionnels de santé, tableaux
cliniques et études de repérage systématique », Cahiers de santé publique et de protection sociale, sept. 2011
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Qu’il est surbooké.


Qu’il a un coach.
Qu’il sort très peu si ce n’est pour aller à des réunions de la secte de Scientologie quand il en a
le temps.

Les sujets élevés dans une famille totalitaire où régnait un gourou domestique tout puissant,
sont précisément celles et ceux qui deviennent les adeptes des sectes totalitaires. Un sujet
qui saurait penser par lui-même, ne resterait pas dans une secte à moins d’être pris dans
un piège diabolique.

Comprendre

Les sujets qui ont été victimes de traumatismes répétés, physiques, psychologiques
(emprise), sexuelles, ont tendance à répéter soit en tant que victime, soit en tant
qu’auteur, les situations qu’ils ont vécues.
C’est ce que nous appelons : « Répétition littérale ».

Monsieur QUATRE, qui fait l’admiration de ses proches, est intolérant avec ses collaborateurs
comme l’était son père. Il est totalement incompétent dans les relations interpersonnelles. Il a
besoin d’un coach pour remplacer son père. Il est passé de l’emprise de son père à celle d’une
secte dans laquelle, faute de temps, il n’est heureusement pas encore totalement impliqué.
33
Cas clinique n° 5
Madame CINQ vous consulte accompagnée par la permanente d’une association d’aide aux victimes.
Elle a enfin réussi à porter plainte contre son mari pour violences aggravées avec incapacité
totale de travail de 5 jours.
Elle est victime de violences psychologiques, physiques et sexuelles depuis la naissance de sa fille
aînée mais a toujours espéré que son mari, charmant après chaque escalade de violence, finirait
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

par se calmer. Elle estime qu’il est un « bon » père. Sa fille aînée âgée de 17 ans l’accompagne.
Ses trois autres enfants sont à l’école. Son mari vit actuellement chez sa mère dans le cadre
d’une mesure d’éviction du conjoint violent, mais il ne cesse de rôder dans le quartier.
Elle explique qu’il la terrorise quand il se fait menaçant. Elle est alors incapable de réagir,
attitude qui le met en rage et prélude à des insultes puis à des coups.
Elle présente des troubles psychotraumatiques complexes et un état dépressif majeur avec des
idées suicidaires récurrentes.
Ces violences conjugales habituelles s’inscrivent dans la littéralité, le père de Mme CINQ,
alcoolique violent, terrorisait sa famille.
L’entretien est difficile, vous ressentez un violent désir de ne pas la prendre en charge. Elle a
découragé une première assistante sociale. Son ancien médecin traitant a pris parti pour le mari
à qui il accorde des excuses. La permanente de l’association explique qu’elle est une usagère
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

particulièrement rétive, c’est pourquoi elle lui a proposé une prise en charge psychiatrique à
laquelle la patiente s’oppose. Depuis le début de la procédure de divorce, elle a changé trois
fois d’avocats, lesquels, lassés par ses demandes incessantes, ses hésitations, son manque total
de confiance, lui ont rendu le dossier.

Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique

Oui Non

Il m’arrive de manquer d’empathie pour une patiente victime de violences


conjugales

J’ai déjà rejeté violemment une patiente victime de violences conjugales

J’ai déjà ressenti de la sympathie pour le conjoint d’une patiente victime


de violences conjugales

Il m’est arrivé d’avoir le sentiment de perdre mon temps avec une patiente
victime de violences conjugales

Ce cas clinique, d’une extrême banalité, démontre comment l’état de stupeur dissociative
de Mme CINQ peut décupler la violence de son mari.
34 Il met également en évidence que presque tous ses interlocuteurs – son médecin, les travailleurs
sociaux, ses avocats et même ses enfants qui la soutiennent – présentent des contre-attitudes
de rejet qui sont habituelles lorsque l’on est confronté à une victime de violences répétées.

Retenir

Le patient victime de violences répétées enclenche des contre-attitudes de rejet de la


part de tous ses interlocuteurs et notamment des personnels de santé.
C’est comme s’il recherchait inconsciemment à être maltraité.
C’est une manifestation de la littéralité qu’il faut apprendre à reconnaître et dominer.
D’une façon plus générale, lorsque vous ressentez de l’agressivité envers un patient,
pensez qu’il s’agit probablement d’un patient traumatisé.

Cas clinique n° 6
Mademoiselle SIX, jeune maghrébine âgée de 19 ans, consulte son médecin de famille parce
qu’elle ne sort plus, ne mange plus, ne parle plus, refuse d’aller au travail et paraît persécutée par
sa famille et son fiancé, un homme beaucoup plus âgé qu’elle a choisi. Il diagnostique un état
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

dépressif, mais devant l’aggravation du tableau clinique résistant au traitement antidépresseur


IRS, il l’oriente vers le centre médico-psychologique du secteur en faisant pression sur un
collègue pour qu’il l’examine en urgence.

À ce stade de votre cheminement dans cet Atelier du Praticien, auriez-vous recherché des
antécédents traumatiques ?
Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique

Oui Non

J’aurais posé la question parce que je l’ai intégrée dans ma pratique


médicale

Des éléments cliniques m’auraient orienté vers une étiologie possiblement


traumatique, sexuelle notamment compte tenu de l’anamnèse

J’aurais explicitement recherché l’existence d’idéations suicidaires

Je me serais orienté vers un autre diagnostic compte tenu de l’âge de ma


patiente, de son désinvestissement total (apragmatisme), de son vécu
persécutif

Après trois consultations, votre ami psychiatre la fait hospitaliser.


35
Dans sa lettre d’admission, il explique que ses troubles psychotiques ont débuté après un
rapport sexuel sur lequel elle reste discrète. Elle refuse le mariage promis malgré la sollicitude
de son fiancé. Dès son entrée à l’hôpital, un traitement neuroleptique est mis en place. Elle est
opposante vis-à-vis de l’équipe soignante et refuse les visites de sa famille et de son fiancé.

Les psychiatres considèrent que Mademoiselle SIX présente une psychose schizophrénique.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Lors du staff, une psychiatre du service s’interroge sur le facteur déclenchant.


On lui propose de rencontrer la patiente.
Elle parvient assez rapidement à établir une relation de confiance.
Elle apprend que Mlle SIX a été agressée puis violée par sodomie par son oncle maternel pendant
deux ans, de 13 à 15 ans. Viols restés secrets qu’elle refuse de révéler à sa famille.
Les troubles actuels ont débuté après que son fiancé a tenté de la sodomiser, avec son accord,
pour préserver intact son hymen.
Ce dévoilement entraîne une crise d’angoisse massive et une aggravation transitoire de ses
troubles qui disqualifient la thérapeute aux yeux de l’équipe.
Elle pose le diagnostic d’un trouble dissociatif qu’elle conforte en utilisant des outils diagnostics
pour convaincre ses collègues qui sont sceptiques et trouvent imprudent d’arrêter le traitement
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

neuroleptique. Elle leur explique que la tentative de sodomie a probablement déclenché un


trouble dissociatif durable en la confrontant aux viols subis cinq ans auparavant. Elle ajoute
qu’elle présente des troubles psychotraumatiques qui renforcent son hypothèse : intrusions
de pensées et d’images de ces viols, cauchemars de répétition ; tentatives infructueuses pour
éviter ces intrusions, évitement de son fiancé dont la présence fait flamber les reviviscences ;
culpabilité massive.

Mademoiselle SIX sera rapidement remise sur pied, grâce à une prise en charge adaptée,
mais elle poursuivra sa psychothérapie (leçon 10, p. 216) pour définitivement briser le
cycle des répétitions.
La recherche de l’étiologie traumatique de ses troubles pseudo-psychotiques lui évitera
d’être étiquetée et traitée comme une psychotique.

 Les troubles dissociatifs


Mademoiselle SIX présente en effet un état dissociatif durable qui conduit fréquemment à
poser de faux diagnostics.

Cas clinique n° 7
Le docteur SEPT, brillante dermatologue spécialisée en médecine esthétique, vous consulte et
déclare être perverse !
Âgée de 37 ans, mariée, mère de deux enfants, elle vous explique être obligée de regarder un film
36 pornographique avant chaque rapport sexuel. Elle en a parlé à des amies, dont une psychologue
qui lui a déclaré qu’elle en avait probablement besoin pour s’exciter sexuellement, hypothèse
confirmée en souriant par sa gynécologue.
Bien qu’elle vous explique n’avoir jamais été très portée sur le sexe, elle estime être une
« salope ».
Elle explique qu’elle consulte parce que son mari ne supporte plus de regarder des films X qui
n’améliorent absolument pas son manque d’initiatives sexuelles.

À ce stade de vos connaissances acquises :


Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique

Oui Non

J’aurais soupçonné que ma patiente utilise inconsciemment une stratégie


qui la plonge dans un état d’anesthésie émotionnelle pour « subir » un
rapport sexuel

J’aurais interrogé ma patiente sur son rapport avec la sexualité


1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

J’aurais tenté de faire un lien avec des traumatismes, notamment sexuels,


subis antérieurement

J’aurais systématiquement posé la question de l’existence de traumatisme


sexuel lors de la recherche des antécédents généraux de ma patiente

Cas clinique n° 7, suite


« Quel effet émotionnel vous produisent ces films ? » interroge le clinicien.
« C’est comme si j’avais bu plusieurs coupes de champagne, qui me permettent d’ailleurs d’avoir
un rapport sexuel sans regarder un film » répond-elle.
La recherche d’une anesthésie émotionnelle dissociative par le visionnage d’images pornogra-
phiques violentes est l’élément clinique essentiel.
L’hypothèse d’un voyeurisme ne tient pas, parce que, s’il existe indiscutablement un scénario
obligé de type « pervers », elle ne ressent aucun plaisir, mais un état de déconnexion psychique
pendant le rapport sexuel qu’elle subit, sans ressentir le moindre plaisir ou déplaisir.
La patiente acceptera sans difficulté de dévoiler avoir été victime de son oncle maternel qui l’a
violée de douze à seize ans en lui répétant à l’envie qu’elle était « une jolie petite salope » sur
un ton enjôleur qui la ravissait lorsqu’elle était sous son emprise.
Il convient dès lors de lui faire comprendre qu’elle n’est pas une salope mais que son oncle,
qui a commis des actes criminels, mérite ce qualificatif. Dans son cas, cela sera possible après
plusieurs séances de relaxation : en début de traitement, elle se dissocie instantanément lorsque
l’on aborde directement la question des viols subis. 37

La dissociation peut se manifester par des conduites à risque qui permettent d’auto-induire
une anesthésie émotionnelle :
– conduites addictives (tabac, alcool, psychotropes, stupéfiants) qui ont pour certaines
d’entre elles, au-delà de toute référence traumatique, le pouvoir de produire des états
dissociatifs ;
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– mises en danger, surtout chez les enfants et les adolescents : on les définit comme étant
des conduites dangereuses délibérées, répétées, le plus souvent associées entre elles, de
nature compulsive (prise de risque sur la route, sport, rodéos, jeux dangereux comme le
jeu du foulard, mises à l’épreuve, binge drinking, bizutages, etc.) ;
– conduites auto-agressives (tentatives de suicides, automutilations, piercings,
tatouages) ;
– conduites sexuelles dangereuses (rapports sexuels non protégés, sexualité violente,
multiplication des partenaires, rapports avec des inconnus, prostitution, pornographie) ;
– troubles des conduites alimentaires : anorexie, boulimie, vomissements provoqués ;
– jeux d’argent ;
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

– achats compulsifs ;
– addiction aux jeux vidéo violents ;
– fugues, vagabondages, absentéismes scolaires, fréquentations dangereuses ;
– participation active à des mouvements violents, sataniques, sectaires ;
– conduites délinquantes récidivantes (vols, destructions de biens, comportements
violents) ;
– soudain désintérêt pour la scolarité (absentéisme, phobies scolaires, exclusion) ;
– fugues qu’il ne faut nommer comme telles lorsque l’adolescent quitte sa famille ou une
institution pour échapper à de graves maltraitances.
– et autres.

L’anesthésie émotionnelle induite permet certains passages à l’acte, parfois catastrophiques,


qui aggravent les troubles psychologiques dans une sorte de spirale infernale, comme c’est
par exemple le cas pour le Docteur SEPT qui s’estime perverse.
Il serait cependant exagéré de considérer que toutes les conduites à risque sont liées à la
recherche d’une anesthésie émotionnelle. De nombreux adolescents ou jeunes adultes
s’automutilent (coupures, brûlures), portent des piercings, consomment des produits
psychotoxiques, commettent des actes dangereux, pour imiter leurs pairs, s’agréger à un
groupe (tribu), se démarquer du plus grand nombre. Ces pratiques peuvent tout simplement
avoir valeur de pseudo-rites d’initiation et d’intégration, de marqueurs identitaires, de
signes de séduction. En revanche, certaines mutilations dites atypiques, survenant avant la
38 puberté ou après 16 ans, associant plusieurs types de lésions, affectant la face, le cou, le
thorax, l’abdomen, les cuisses, les organes génitaux, surtout chez les garçons, doivent faire
rechercher des maltraitances anciennes ou récentes, sexuelles notamment.
Les conduites à risque, fréquentes à l’adolescence, peuvent affecter la santé physique
et psychique, constituer un risque pour l’avenir social, scolaire, professionnel et affectif,
continuer à l’âge adulte. Elles semblent être une cause majeure de mortalité chez les
adolescents.
Si la dissociation n’est pas l’unique cause de ces conduites à risque, la dépister
est d’une grande importance parce que cela peut éviter la stigmatisation
sociale de ces sujets et surtout leur permettre de bénéficier d’un traitement
spécifique (10e leçon).
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

 Les ruptures biographiques


Lorsque vous connaissez bien votre patient, parfois depuis des années ou lorsque vous vous
intéressez à la biographie d’un patient, certains éléments peuvent vous orienter vers une
étiologie psychotraumatiques :

Cas clinique n° 8
Mademoiselle HUIT, brillante étudiante à Science Po, âgée de 24 ans, est mise en examen
pour tentative d’assassinat, vol avec violence, séquestration avec libération avant le 7e jour,
infraction à la législation sur les stupéfiants.
Cinq ans auparavant, elle était en complète dérive sociale : usage de cannabis et de cocaïne,
arrêt des études, partenaires multiples, maladie sexuellement transmissible. Jeune fille issue
d’un milieu très favorisée, elle a repris ses études et les termine brillamment.
Elle s’estime guérie grâce à une psychanalyse entamée depuis 3 ans, mais elle présente un état
de stress post-traumatique subsyndromique, porte les vêtements classiques d’une femme de 50
ans, n’a plus d’ami(e)s et ne sort que rarement, toujours accompagnée de ses parents.
L’expert judiciaire repère une évidente rupture biographique que la jeune femme refuse dans
un premier temps d’aborder. Il s’agit d’un viol en réunion subi en terminale lors d’une soirée
destinée à fêter la réussite au baccalauréat. Elle refuse, en vain, que cela figure dans le rapport
d’expertise et n’en a jamais parlé à sa thérapeute.

Comment expliquer autrement la dérive de Mademoiselle HUIT qui aurait pu devenir une
femme prostituée si elle n’avait pas été soutenue par sa famille et certain(e)s de ses
ami(e)s ? 39

 Les troubles « somatoformes » consécutifs aux événements


traumatiques répétés
Les victimes de traumatismes cumulatifs risquent de présenter des plaintes somatiques
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

diverses mais aussi de graves « maladies psychosomatiques ».


Il s’agit fréquemment de symptômes écrans qui épuisent le médecin quand il ne fait pas le
lien avec les événements causaux.
Un auteur américain1 a étudié les relations entre l’exposition aux traumatismes infantiles
(agressions sexuelles et maltraitance) et certains troubles sur un échantillon de 9 508
répondants soit 70,5 % des 13 494 personnes ayant bénéficié d’un bilan médical récent au
cours duquel ils ont accepté de répondre à une enquête concernant 68 questions recensant
sept catégories d’actes de maltraitance. Les adultes qui avaient été maltraités pendant

1. Felliti V. J., Anda R. F., Nordemberg D. et al., « Relashionship of childhood abuse and household dysfunction to
many of leading causes of death in adults : the Adverse Childhood Experiences (ACE) Study », Am J Prevent Med, 1998.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

l’enfance présentaient significativement davantage de pathologies, comme le résume le


tableau suivant.
Conséquences de l’exposition à quatre événements de vie pendant l’enfance
(n = 9 508 sur 13 494)

Facteur
Conséquences somatiques
de risque

Tabagisme x2

Dépression durant plus de 2 semaines x 4,6

Tentatives de suicide x 12,2

Alcoolisme x 7,4

Maladie sexuellement transmissible x 2,5

Cancer x 1,9

Broncho-pneumopathie chronique obstructive x 3,9

Hépatite x 2,5
40 État de santé précaire x 2,2

Obésité sévère x 1,6

Absence d’activités physiques de loisir x 1,3

Toxicomanie x 4,7

Coronaropathie x 2,2

Agressions x 2,4

Diabète x 1,6

Fractures x 1,6

> 50 partenaires sexuels x 3,2

Source : Felliti, 1998


1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Les traumatismes répétés ne peuvent à eux seuls déclencher un trouble ou une maladie. Ils
sont des facteurs de risque capables de déclencher un trouble ou une maladie sur un terrain
génétiquement prédisposé.
L’environnement facilite ou inhibe l’expression des gènes :
– c’est le cas du gène 5-HTT dont un allèle court associé à un événement stressant récent
ou à des antécédents de maltraitance infantile multiplie par deux le risque de survenue
d’états dépressifs majeurs ;
– les violences sexuelles et autres maltraitances augmentent à elles seules la fréquence du
trouble des conduites, mais ce risque est multiplié par trois en présence de l’allèle L du
gène de la monoamine oxydase A (MAOA) ;
– les recherches récentes effectuées à partir de cerveaux de personnes suicidées ont
démontré que les mauvais traitements subis dans l’enfance altèrent de façon durable
certains gènes impliqués dans la réponse au stress.

Ce constat, amplement confirmé par de nombreuses études scientifiques, démontre que la


maltraitance infantile est un problème majeur de santé publique qui mériterait d’être pris
en compte par les professionnels de santé et les pouvoirs publics.

 Les troubles du comportement, consécutifs aux événements


traumatiques répétés
41
Cas clinique n° 9
Mademoiselle NEUF est âgée de 23 ans. Elle a un demi-frère âgé de 19 ans dont elle n’a aucune
nouvelle. Elle explique avoir été maltraitée par sa mère dès son plus jeune âge. Elle a subi un viol
à 12 ans, commis par le père de son demi-frère, avec délabrement périnéal majeur. Son agresseur
a été condamné à une longue peine de réclusion criminelle. Elle a été placée en famille d’accueil
avec son frère jusqu’à l’âge de 14 ans : « Super-sympa » dit-elle. Ensuite, elle a été placée dans une
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

famille de gendarmes jusqu’à l’âge de 18 ans ; elle aurait été maltraitée par l’accueillante qui l’aurait
constamment humiliée et frappée : « Boniche fait ci. Boniche fait ça. Des bleus partout. Pourtant
tonton gendarme il essayait de me défendre... » dit-elle. Elle a encore été violée à 16 ans par le
nouveau compagnon de sa mère qui a également été condamné. Après la classe de cinquième, elle a
été orientée dans un collège pour enfants en difficulté. Elle n’a aucun diplôme mais sait lire et écrire.
Elle a travaillé dans un ESAT pendant un an. Depuis, elle perçoit l’allocation aux adultes handicapés.
Elle est sous curatelle renforcée. Sur le plan sentimental et sexuel : elle a connu ses premiers flirts et
ses premiers rapports sexuels à dix-neuf ans avec le père de sa fille, lequel a été hospitalisé d’office
après un braquage commis récemment. Elle n’a pas d’antécédent judiciaire. Elle présente une obésité
considérable : elle pèse 100 kg pour 153 cm. Elle est traitée pour un diabète. Elle ne fume plus depuis
quelques mois ; elle ne consomme pas d’alcool ni aucun autre produit psychotoxique. Elle est traitée
au dispensaire de secteur pour une psychose schizophrénique qu’elle qualifie de dépression avec
nombreuses hospitalisations motivées par de multiples tentatives de suicide. Elle explique entendre
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

constamment la voix de l’homme qui l’a violée ; elle fait des cauchemars psychotraumatiques ; elle
revit les faits au cours des rares rapports sexuels qu’elle subit sans y participer.

Presqu’à la fin de cette première leçon de votre Atelier du Praticien :


Mettez une croix sous la réponse qui correspond à votre pratique

Oui Non

Mlle NEUF présente une psychose

Ses troubles sont d’origine psychotraumatique

J’ai des arguments cliniques pour convaincre mon correspondant psy-


chiatre qu’il doit changer de stratégie thérapeutique

Malgré une biographie de maltraitance psychologique, physique et sexuelle avec deux viols
dont un subi avec actes de barbarie à 12 ans, une symptomatologie psychotraumatique
typique, des conduites de revictimation, une boulimie, la patiente est étiquetée psychotique,
probablement parce que ses psychiatres confondent hallucinations acoustico-verbales et
intrusions psychotraumatiques (la voix d’un violeur). Ce ne peut plus être votre cas à
présent que vous progressez dans la compréhension des troubles psychotraumatiques.
Les cas cliniques précédents vous ont également démontré que les traumatismes cumulatifs
42 exposaient à la répétition littérale, c’est le cas de M. QUATRE qui se met constamment dans
des situations où il est sous l’emprise d’un coach ou d’un gourou ou de Madame CINQ qui
est maltraitée par tous ses interlocuteurs.

Retenir

L’immense majorité des toxicomanes les plus gravement dépendants ont subi des
traumatismes répétés.
La plupart des délinquants récidivistes également.
Les femmes prostituées ont presque toutes subi des viols dans l’enfance ou dans des
« maisons » de dressage.

 Les troubles de la personnalité, consécutifs aux événements


traumatiques répétés
Les cas cliniques étudiés et la recherche scientifique confirment que les victimes de
traumatismes répétés présentent des troubles graves de la personnalité. À titre d’exemple,
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

une revue1 de diverses études portant sur les conséquences de maltraitances subies dans
l’enfance a identifié huit types de problèmes :
– les comportements agressifs et violents ;
– les comportements criminels non violents ;
– l’abus de toxiques ;
– les comportements auto-agressifs et suicidaires ;
– les problèmes émotionnels ;
– les problèmes relationnels ;
– les difficultés scolaires ;
– les difficultés professionnelles.

Ces patient(e)s ne parviennent pas à gérer leurs émotions. Quand ils ne se


mettent pas inconsciemment de façon automatique dans un état d’indifférence
dissociative, ils sont au contraire impulsifs, coléreux, violents.

Ces troubles sont actuellement répertoriés comme étant des « états de stress post-traumatiques
complexes », « DESNOS (Disorder of Extrem Stress Not Otherwise Specified) » ou « Trouble
de développement traumatique » dont le tableau suivant résume toutes les caractéristiques
cliniques.
Caractéristique clinique du DESNOS
43
1. Altération de la régulation des affects et des pulsions
A. Régulation des affects D. Préoccupation suicidaire
B. Modulation de la colère E. Difficultés à moduler l’engagement sexuel
C. Autodestruction F. Prises de risque excessives
2. Altérations de l’attention ou de la conscience
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

A. Amnésie B. Épisodes dissociatifs transitoires et


dépersonnalisation
3. Somatisations

1. Malinosky-Rummel R., Hansen D. J., « Long-term consequences of childhood physical abuse », Psychol Bull, 114,
1993.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

A. Système digestif D. Symptômes de conversion


B. Douleur chronique E. Symptômes sexuels
C. Symptômes cardio-pulmonaires
4. Altérations dans la perception de soi
A. Inefficacité/Impuissance D. Honte
B. Dégâts permanents E. Sentiment d’incompréhension
C. Culpabilité et Responsabilité F. Minimisation de la gravité des sévices subis
5. Altérations dans la perception de l’agresseur
A. Adoption de croyances déformées C. Préoccupations concernant le fait de faire
B. Idéalisation de l’agresseur mal à l’agresseur

6. Altérations dans les relations avec les autres


A. Incapacité à faire confiance C. Agresser autrui
B. Revictimation
7. Altérations du système de croyances
A. Désespoir B. Perte de croyances autrefois soutenantes
44
Source : Kédia, 2012
Les études portant sur les femmes victimes de violences conjugales, la toxicomanie, la
délinquance, démontrent que l’origine de nombreux troubles graves de la personnalité est
la maltraitance infantile que ces sujets répètent littéralement tout au cours de leur vie, si...
vous ne les aidiez pas à briser la répétition littérale (10e leçon).

Oser la question des violences permet de libérer la parole des victimes afin
qu’elles soient enfin reconnues et accompagnée par le médecin.
1 • Fréquence et inventaire des troubles somatiques et psychotraumatiques

Résumé

1. Les maltraitances s’inscrivent dans une relation de domination asymétrique : ce


ne sont pas des violences accidentelles.
2. Il faut rechercher systématiquement des antécédents traumatiques chez tous les
patients pour ne pas traiter inefficacement des symptômes écrans dont on ignore
l’étiologie.
3. Les violences répétées sont un facteur de risque de décompensation de nombreuses
maladies.
4. Ces patients présentent un risque élevé de conduites suicidaires.
5. Ils ne parviennent pas à gérer leurs émotions : ils sont impulsifs, coléreux, violents
à moins qu’ils ne se mettent inconsciemment dans un état de dissociation.
6. La dissociation traumatique est une défense habituelle qui leur permet de se
mettre en état d’anesthésie émotionnelle.
7. Les violences répétées induisent des troubles graves de la personnalité qui
induisent parfois des erreurs de diagnostics tragiques s’ils ne sont pas rattachés à
leur étiologie traumatique.
8. Ces patients ont tendance à répéter littéralement, en tant que victime ou auteur,
les situations traumatiques qu’ils ont vécues.
9. Ils enclenchent des contre attitudes de rejet de la part de tous leurs interlocuteurs
et notamment des personnels de santé.
10. La maltraitance infantile est la cause la plus fréquente du trouble psychotrau- 45
matique complexe avec son cortège de conséquences sociales (désocialisation,
violences, accidents répétés, addictions, délinquance, etc.)
Leçon 2

Notions médico-légales

46
SOMMAIRE

Le secret médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Les conditions établies par la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Les dérogations par le fait de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Certificat médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Disposition réglementaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Rédaction du certificat médical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
L’ITT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
L’incapacité totale de travail (ITT) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Le signalement des adultes en danger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
Le signalement d’un adulte qui n’est pas en mesure de se protéger
en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique 60
Le signalement avec l’accord de la victime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 47
Le signalement d’un porteur d’arme à feu dangereux . . . . . . . . . . . . 61
Réponses aux questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Réponse au questionnaire initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Le certificat médical initial de Monsieur UN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cette deuxième leçon est destinée à améliorer votre pratique professionnelle lorsque vous
êtes confronté à une victime d’accident ou d’agression en respectant les règles légales et
déontologiques concernant :
• le secret médical,
• la rédaction des certificats médicaux,
• l’évaluation de l’ITT.

Le signalement des enfants en danger ou qui risquent de l’être, est traité dans la neuvième
leçon.

LE SECRET MÉDICAL

Les médecins prêtent le serment d’Hippocrate :


« Tout ce que je verrai ou entendrai autour de moi, dans l’exercice de mon art ou hors de mon ministère,
et qui ne devra pas être divulgué, je le tairai et le considérerai comme un secret... »

En effet : « il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance
sans secret ».
48 Le médecin ne doit rien révéler de ce qu’il a connu ou appris sur son patient.
Mais il existe des atteintes au secret médical ou dérogations définies par la
loi.
2 • Notions médico-légales

Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

Un faux certificat est un délit.

Un certificat mal rédigé peut engendrer une sanction.

Il est interdit au médecin de s’immiscer dans les affaires de famille.

Il est possible de remettre directement un certificat médical à l’avocat


qui défend les intérêts du patient

Il n’est pas possible d’établir un taux d’ITT pour un retraité puisqu’il ne


travaille pas.

Si l’ITT est inférieure à 8 jours, l’auteur des violences relève toujours du 49


simple tribunal de police.

Lors de la rédaction d’un arrêt de travail, le médecin est tenu de


mentionner les éléments d’ordre médical justifiant cet arrêt de travail.

Le médecin peut refuser un certificat médical.


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Si la police ou la gendarmerie vous demande de leur envoyer un certificat,


pouvez-vous le refuser ?

La révélation d’une information médicale sans l’accord du patient peut


être punie d’une peine de prison.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Les conditions établies par la loi


 Les textes de loi définissent les obligations des soignants.
Article 226-13 du code pénal donne un support légal au secret :
La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par
état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an
d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Article 4 du code de déontologie médicale


Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions
établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession,
c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.

Le secret couvre non seulement l’état de santé du patient mais également son nom : le
médecin ne peut faire connaître à des tiers le nom des personnes qui ont (eu) recours à ses
services.
Article 9 C. CIV
Chacun a droit au respect de sa vie privée.

50  Le soignant s’expose à différentes sanctions en cas


de révélation d’une information à caractère secret
La responsabilité du médecin est pénale, civile, disciplinaire et bien entendu éthique et
morale.

Le secret médical est institué dans l’intérêt des patients selon l’ar-
ticle 4 C. déont. méd. et non pour protéger le médecin !
2 • Notions médico-légales

La responsabilité médicale

Responsabilité Texte de référence Sanctions

Pénale Code pénal Un an prison – 15 000 €


d’amende

Civile Code civil Réparation du dommage

Disciplinaire Code de déontologie Avertissement – Blâme


–Interdiction d’exercer
temporaire- radiation

Morale Serment d’Hippocrate

Les dérogations par le fait de la loi


Les dérogations au secret médical sont l’objet de nombreux débats, la jurisprudence admet
que :
– le patient ne peut délier le médecin de son obligation de secret ;
– cette obligation ne cesse pas après la mort du patient ;
51
– le secret s’impose même devant le juge ;
– le secret s’impose à l’égard d’autres médecins dès lors qu’ils ne concourent pas à un acte
de soins ;
– le secret s’impose à l’égard de personnes elles-mêmes tenues au secret professionnel
(agents des services fiscaux).
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’article 226-14 du code pénal fixe le cadre des dérogations légales en ces termes :
L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En
outre, il n’est pas applicable :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices,
y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été
infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou
de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République
les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa
profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de
toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en
mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord
n’est pas nécessaire ;
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet
de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et
dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne
peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.

Les dérogations au secret professionnel sont résumées dans le tableau suivant :

Déclarations obligatoires Permissions de la loi

Sévices ou privations infligés à un mineur ou


Naissances
à une personne incapable de se protéger

Sévices permettant de présumer de violences


Décès
sexuelles etc.

Maladies contagieuses Recherches dans le domaine de la santé

Soins psychiatriques : sur demande d’un Évaluation de l’activité des établissements


tiers, du représentant de l’État de santé

Dangerosité d’un patient détenteur d’une


Sauvegarde de justice
52 arme à feu

Accidents du travail et maladies profes-


sionnelles

Pensions civiles et militaires de retraite

indemnisation de personnes victimes d’un


dommage, VIH, amiante

Dopage

Sécurité, veille, alertes sanitaires

Source : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/article-4-secret-professionnel-913
2 • Notions médico-légales

CERTIFICAT MÉDICAL

Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

L’exercice de la médecine comporte l’établissement de certificats confor-


mément aux constatations médicales.

Il m’est arrivé de citer un auteur présumé dans un certificat

La déontologie médicale interdit d’établir un lien de causalité entre des


difficultés familiales ou professionnelles et l’état de santé d’un patient.

Je ne peux affirmer que si je suis certain de mes dires

Je peux être condamné à réparer sur le plan civil le dommage que mon 53
intervention fautive pourrait causer ou favoriser.

Disposition réglementaires
Article 76, al. 1 du code de déontologie médical :
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux


constatations médicales qu’il est en mesure de faire des certificats, attestations et documents dont la
production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires.

Ces certificats sont établis à la demande du patient et à lui seul remis en mains propres, ou
au représentant légal du mineur ou du majeur sous tutelle.
Les certificats demandés par un tiers doivent être refusés sauf à la demande de la famille
pour faire valoir un droit si le patient est inconscient ou incapable.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Le certificat médical engage la responsabilité du médecin à raison de son contenu tant


formel que matériel. Le médecin s’expose à des sanctions pénales1 (art. 441-8 C. pén.)
et disciplinaires et peut être condamné à réparer sur le plan civil le dommage que son
intervention fautive a causé ou favorisé.

Retenir

La déontologie médicale interdit d’établir un lien de causalité entre des difficultés


familiales ou professionnelles et l’état de santé d’un patient.
Elle interdit également de noter les dires d’un patient accusant un tiers : conjoint ou
employeur.

Cependant, rien en principe n’interdit de dire prudemment que les troubles présentés par le
patient sont compatibles (ou incompatibles) avec ses allégations...

Rédaction du certificat médical


Cas clinique n° 10
Monsieur DIX est un grand soliste. Il s’est disputé avec un automobiliste pour une place de parking
devant laquelle il est arrivé avant son agresseur. L’automobiliste l’a bousculé. M. DIX a heurté le
54 capot d’une voiture. Il souffre d’une luxation de la deuxième phalange du 4° doigt gauche. Il a
porté plainte. Il a été examiné sur réquisition judiciaire aux Urgences Médico-Judiciaires locales.

1. Art. 441-8 C. pén. « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende le fait, par une personne
agissant dans l’exercice de sa profession, de solliciter ou d’agréer, directement ou indirectement, des offres, promesses,
dons, présents ou avantages quelconques pour établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement
inexacts. Est puni des mêmes peines le fait de céder aux sollicitations prévues à l’alinéa précédent ou d’user de voies
de fait ou de menaces, ou de proposer, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents
ou des avantages quelconques pour obtenir d’une personne agissant dans l’exercice de sa profession qu’elle établisse
une attestation ou un certificat faisant état de faits inexacts. La peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à
75 000 euros d’amende lorsque la personne visée aux deux premiers alinéas exerce une profession médicale
ou de santé et que l’attestation faisant état de faits inexacts dissimule ou certifie faussement l’existence d’une
maladie, d’une infirmité ou d’un état de grossesse, ou fournit des indications mensongères sur l’origine
d’une maladie ou d’une infirmité ou sur la cause d’un décès. »
2 • Notions médico-légales

Veuillez rédiger le certificat médical de M. DIX


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............................................................................... 55
...............................................................................
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Avez-vous évalué la durée d’une éventuelle ITT et celle de l’arrêt de travail si vous en avez
délivré un ?
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Comparez votre certificat avec les règles édictées ci-dessous.

Un modèle de certificat figure à la fin de cette leçon.

 La rédaction du certificat médical


Le certificat médical obéit à des règles de rédaction consensuellement admises :
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

• Identité du patient si le rédacteur la connaît ou en écrivant : une personne qui


dit s’appeler ...
• Faits ou commémoratifs (selon les dires, entre guillemets et/ou au condition-
nel) :
– date, lieu ; circonstances de survenue, types de violence.
– (Le Conseil de l’Ordre recommande de ne pas citer un auteur présumé. On
pourrait écrire : « Le patient désigne nommément l’auteur des faits allégués »),
• Doléances notées de façon exhaustive en utilisant les mots du patient : selon ses
dires et/ou le conditionnel,
• Description des lésions physiques :

– préciser : ecchymoses, plaie franche, plaie contuse, fracture..), taille, couleur,


localisation (les lésions accidentelles siègent en général sur des zones
saillantes : coudes, genoux, paume des mains, fesses ;
– mentionner des éléments cliniques négatifs si cela est utile ;
– il peut être utile de prendre des photos ou de réaliser un schéma anatomique
car les certificats de coups et blessures sont destinés aux autorités judicaires
qui n’ont pas une grande connaissance de l’anatomie et des termes médicaux ;
– prescrire des examens complémentaires si nécessaire : radiographie et autres.
• Mentionner un éventuel retentissement psychologique.
• État antérieur :

– antécédents qui pourraient interférer avec les lésions traumatiques ;


56
– préciser la possibilité d’une éventuelle décompensation d’un état pathologique
préexistant.
• Compatibilité ou incompatibilité des lésions avec les allégations, prudemment sans
établir un lien de causalité direct et certain.
• ITT, en toutes lettres, en la justifiant par une description précise des troubles
fonctionnels.
(Lorsqu’il s’agit de violences psychologiques à l’origine de symptômes psycho-
logiques mais qui n’entraînent pas de gênes fonctionnelles dans les actes de la
vie quotidienne, il peut être utile de préciser néanmoins, en quoi ils altèrent
les conditions et la qualité de vie de la personne.).
• Préciser : « Sous réserve de complications ultérieures ».
• Le secret professionnel : « certificat fait à la demande de l’intéressé et remis en
mains propres pour servir et faire valoir ce que de droit » quand il s’agit d’un
certificat effectué par le médecin des urgences ou le médecin traitant ;
– si le certificat est établi pour une autorité, précisez laquelle : Certificat établi
pour être produit en justice, par exemple ;

2 • Notions médico-légales


– un certificat établi sur réquisition judiciaire, est directement remis à l’autorité
requérante.

Dater et signer.

Garder un double du certificat dans le dossier médical pour éviter toutes


contestations ultérieures.

L’ITT

Testez vos connaissances


Lorsque je rédige un certificat de coups et blessures :
Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

L’ITT est pour moi une notion familière que je saurais écrire en toutes
lettres 57
Il s’agit de l’interruption temporaire de travail

Il s’agit de l’incapacité temporaire de travail personnel

L’ITT est déterminée par la durée de l’arrêt de travail


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mon évaluation de l’ITT est sans valeur pour les services de police ou
pour le procureur qui exigent un examen médico-légal (UMJ)

Une ITT < HUIT jours n’est pas délit passible du tribunal correctionnel

La durée de l’ITT pénale est importante pour la procédure d’indemnisation


future

Il existe un consensus médical concernant l’ITT


PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

L’incapacité totale de travail (ITT)


L’ITT est une notion pénale qui, même si elle n’est pas le seul critère que les parquets
prennent en compte, permet de qualifier pénalement les faits (contravention ou délit),
l’orientation de la procédure et la peine encourue.
Contravention Délit Crime
Tribunal de police Tribunal correctionnel Cour d’assises
ITT < à HUIT jours ITT > à HUIT jours Les crimes sont définis
ITT < HUIT jours avec par le code pénal.
circonstances aggravantes : Le viol est un crime
mineur de 15 ans, violences quelle que soit l’ITT
intrafamiliales, personne
« particulièrement »
vulnérable, etc.

Les violences familiales sont des délits quelle que soit la durée d’ITT (art.
222-13 C. pén.)

L’ITT n’est pas définie dans le code pénal. Elle trouve sa source dans la jurisprudence. Sa
durée varie considérablement d’un médecin à l’autre et d’une juridiction à l’autre. À minima,
58 elle ne prendra en considération que la période durant laquelle toute activité est quasiment
impossible, mais le plus souvent elle correspond à la durée pendant laquelle la victime
éprouve une gêne notable dans les actes de la vie courante.
Analyse fonctionnelle

Action Sans difficulté Difficile Impossible seul

se lever/se coucher

s’habiller/se
déshabiller

se doucher/se laver

préparer les repas

prendre ses repas

sortir de chez soi


2 • Notions médico-légales

faire ses courses

se déplacer/marcher

conduire

faire son ménage

prendre ses
médicaments

avoir une vie sociale

Certains procureurs réclament à juste titre des certificats médicaux décrivant précisément les
actes de la vie courante entravés par l’accident ou l’agression pour déterminer eux-mêmes
la durée de l’incapacité totale de travail (ITT).

Savoir

Certains médecins légistes considèrent que Lazare a été en ITT de sa mort à


sa résurrection, ils estiment qu’un homme présentant une fracture du nez avec
déplacement ne justifie jamais une ITT supérieure à HUIT jours. D’autres, estimant
que ce même blessé sera gêné pendant son sommeil du fait de difficultés respiratoires, 59
qu’il ne supportera pas ses lunettes et qu’il sera gêné par des douleurs, lui accordent
une ITT toujours supérieure à HUIT jours.
Il est donc essentiel de motiver la durée d’ITT, laquelle ne s’impose pas au procureur
qui décidera lui-même au vu de la description précise des troubles fonctionnels.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’incapacité totale de travail (ITT) se distingue de la durée de l’arrêt de travail.

Cas clinique n° 10 (suite)


Monsieur DIX, le grand soliste qui a présenté une luxation de la deuxième phalange du 4° doigt
gauche après une dispute avec un automobiliste a dû annuler quinze concerts.

Pouvez-vous évaluer l’ITT et la durée de l’arrêt de travail de M. DIX ?


................................................................................
................................................................................
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

L’incapacité totale de travail diffère de l’incapacité temporaire totale (ITT civile) ou Déficit
fonctionnel temporaire total (DFTT) qui, au civil, correspond à la période, indemnisable,
pendant laquelle la victime va se trouver empêchée de jouir de ses pleines capacités
(périodes d’hospitalisation en règle).
L’agresseur de M. DIX ne sera probablement pas sanctionné par la justice pénale, mais il
aura à indemniser 20.000 € par concert... car M. DIX ne pourra pas se produire en concert
avant d’avoir récupéré une parfaite mobilité de son 4° doigt gauche.

Cas clinique n° 10 (suite)


Décidément peu chanceux, Monsieur DIX, est pris en otage par deux individus qui exigent une
forte rançon pour sa libération.
Il est détenu dans un hôtel de luxe où tous ses désirs sont exaucés, mais il est surveillé 24
heures sur 24 et ne peut évidemment sortir. Il accepte son sort avec « philosophie » et est
subitement libéré 5 jours plus tard.

Quelle durée d’ITT pour cette prise d’otage avec séquestration


et libération avant le 7° jour ?
................................................................................
................................................................................

Monsieur DIX a éprouvé une gêne notable dans les actes de la vie courante pendant toute la
60 durée de sa séquestration, soit une ITT de CINQ jours malgré l’absence de trouble somatique
ou psychologique.

LE SIGNALEMENT DES ADULTES EN DANGER

Le signalement d’un adulte qui n’est pas en mesure de se


protéger en raison de son âge ou de son incapacité
physique ou psychique
Le signalement d’un adulte en danger est encadré par l’article 226-14 du code pénal qui dispose
que le secret médical n’est pas applicable au soignant qui informe les autorités judiciaires,
médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes
ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à
une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité
physique ou psychique, ou au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance
2 • Notions médico-légales

du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou
psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences
physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises.

S’il s’agit d’un incapable majeur sous tutelle, ce signalement ne pose aucun
problème, il est beaucoup plus problématique dans d’autres cas, comme dans
celui d’une femme déprimée, dissociée par des violences de couple répétées
(voir la 3e leçon).

Le signalement avec l’accord de la victime


Selon le même article 226-14 du code pénal le secret médical n’est pas applicable au médecin
qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les
sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice
de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles
ou psychiques de toute nature ont été commises.

Cette modalité est rarement appliquée...


Il est prudent que le patient signe son accord sur le certificat de signalement.

61
Le signalement d’un porteur d’arme à feu dangereux
Toujours selon le même article 226-14 du code pénal le secret médical n’est pas applicable
aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le
préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui
les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

leur intention d’en acquérir une.

En pratique, le soignant peut signaler au procureur et à lui seul qu’un patient


pourrait être menacé de mort par le possesseur d’une arme à feu.
Il peut téléphoner au TGI local avant de lui faxer le signalement.
Au procureur d’intervenir ou non, sans que le soignant puisse être inquiété.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

RÉPONSES AUX QUESTIONS

Réponse au questionnaire initial


Avant de prendre connaissance des réponses, retournez au questionnaire initial

1 L’art. 441-8 C. pén. punit sévèrement la rédaction de faux certificats ou de certificats


de complaisance (jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende).
D’autre part, celui-ci peut être considéré comme une escroquerie ou une complicité
d’escroquerie (art 313-2 CP)

2 Un certificat mal rédigé peut engendrer une faute disciplinaire.

3 L’article 51 C déont. interdit au médecin de s’immiscer dans les affaires de famille.

4 Le médecin doit remettre le certificat en mains propres à son patient, libre à lui de
le communiquer à qui bon lui semble

5 L’ITT est une gène notable dans les actes de la vie courante indépendante de la
notion de travail.

6 L’ITT < 8 jours est un délit en cas de circonstances aggravantes, délit familial par
62 exemple.

7 L’article L162-4-1 du code de la sécurité sociale impose aux médecins la mention


des éléments d’ordre médical justifiant l’interruption du travail sur le volet n°1 du
triptyque d’arrêt de travail

8 Le médecin ne peut refuser d’établir un certificat médical mais il ne doit délivrer


aucun rapport tendancieux ou certificat abusif (art. 28 C. déont.), ni céder à des
demandes abusives (art. 50 C. déont.) ou se livrer à des fraudes ou abus de
cotation (art. 29 C. déont.)

9 Le médecin doit refuser de donner un certificat à la police (sauf s’il est requis et il
ne doit répondre aux questions posées que si celles-ci sont conformes à la
déontologie)

10 L’article 226-13 C. pén. punit le médecin qui révèle une information médicale sans
l’accord du patient (peine maximale : un an d’emprisonnement et 15 000 €
d’amende)
2 • Notions médico-légales

Si vous avez fait beaucoup d’erreurs, prenez la peine de relire cette leçon
indispensable pour progresser dans votre pratique professionnelle.

Le certificat médical initial de Monsieur UN


Je soussigné, Dr Pierre Angulaire, certifie avoir examiné ce jour à sa demande :
M. Rémi DIX, né le 21 juillet 1953 à Roubaix.
M. DIX aurait eu un échange verbal ce jour vers 13 h dans un parking. Un inconnu l’aurait
bousculé.
Il se plaint d’une vive douleur au niveau de la deuxième phalange de l’index gauche.
À l’examen je constate un œdème et une vive douleur au niveau de la deuxième phalange
du 4° doigt gauche pour laquelle je demande une radiographie.
Je constate un retentissement psychologique qu’il met en lien avec le fait que cette lésion
pourrait l’empêcher d’exercer sa profession de pianiste et compromettre une tournée
internationale de concerts.
Il ne présente aucun antécédent qui pourrait interférer avec ses troubles présents qui
sont compatibles avec ses allégations sans que je puisse établir un lien de causalité
direct et exclusif.
63
L’ITT au sens pénal qui en résulte est de UN jour, sous réserve de complications ultérieures,
dans la mesure où, durant une journée, il ne pourra accomplir les actes de sa vie
habituelle : ne pouvant aller répéter parce qu’il est venu me consulter et devant aller
faire une radiographie de la main pour préciser la lésion cliniquement constatée.
M. DIX dit être décidé à porter plainte.
Certificat établi à la demande de l’intéressé et remis en main propre pour servir et faire
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

valoir ce que de droit.


Le 2 janvier 201.....

Dr Pierre Angulaire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Résumé

1. Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin
dans les conditions établies par la loi.
2. La révélation d’une information à caractère secret est punie d’un an d’emprison-
nement et de 15 000 € d’amende
3. Le code pénal fixe le cadre des dérogations légales
4. L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement de certificats,
attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs
et réglementaires.
5. Le certificat médical engage la responsabilité du médecin à raison de son contenu
tant formel que matériel.
6. La déontologie interdit d’établir un lien de causalité entre des difficultés familiales
ou professionnelles et l’état de santé d’un patient et de citer des dires accusant
un tiers conjoint ou employeur.
7. L’ITT est une notion pénale qui permet la qualification des faits (contravention,
délit).
8. Les violences familiales sont des délits quelle que soit la durée d’ITT.
9. L’ITT correspond à la durée pendant laquelle la victime éprouve une gêne notable
dans les actes de la vie courante.
10. Il est nécessaire de justifier la durée d’ITT en réalisant une analyse fonctionnelle
précise.
64
11. On ne peut signaler une personne majeure qui ne serait pas en mesure de se
protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique sans
son accord.
12. Un soignant peut signaler au procureur qu’un-e patient-e pourrait être menacé-e
de mort par le possesseur d’une arme à feu.
2 • Notions médico-légales

 Notes
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Leçon 3

Examen d’une victime


d’agression
66
ou d’accident
SOMMAIRE

La victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Examen clinique d’une victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Le certificat médical avant expertise civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Spécificités du certificat médical avant expertise civile . . . . . . . . . 73
Rédaction du certificat médical de Monsieur TREIZE . . . . . . . . . . . . . 76
La victime d’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Certificat de Mademoiselle quatorze et lettre pour Monsieur treize 81
Certificat pour l’expertise de Monsieur TREIZE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
Lettre pour l’expertise de Mademoiselle QUATORZE . . . . . . . . . . . . . . 83

67
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

TANT ENTENDU que vous maîtrisez désormais les connaissances acquises lors de la première

É et de la deuxième leçon sans lesquelles vous ne pourriez valablement continuer à


améliorer vos connaissances et votre pratique clinique, quels sont les objectifs de cette
troisième leçon ?

Cette troisième leçon est destinée à consolider les acquis des deux premières leçons en
vous entraînant à faire un bilan clinique pour rédiger un certificat ou une lettre avant
expertise pour deux de vos patients, le premier victime d’une agression, l’autre d’un
accident de la voie publique.

Le diagnostic, le suivi médical et la rédaction de lettres ou de certificats font


partie de l’exercice médical courant, mais ils sont notoirement insuffisants
pour aider une victime à se reconstruire.

L’indispensable accompagnement médico-socio-judiciaire sera traité dans les 6e et 7e leçon.

LA VICTIME D’AGRESSION
68
Examen clinique d’une victime d’agression
Vous êtes le médecin traitant de la famille TREIZE, mais vous connaissez surtout Madame qui
consulte tous les 2 mois pour un syndrome métabolique. Elle vous a appris que son mari avait
subi une grave agression trois ans auparavant. L’ex ami de sa fille l’a agressé au couteau. Elle se
plaint régulièrement de lui, disant qu’il est devenu taciturne, un peu caractériel, qu’il s’accuse
d’avoir été un père absent pour sa fille, qu’il se réveille parfois en sursaut, qu’il n’a plus d’appétit
pour rien et surtout qu’elle l’incite sans succès à venir vous consulter. Le directeur de son
administration lui a donné en vain l’adresse d’un psychiatre. Il vous a cependant consulté il
y a 1 an pour vérifier sa tension à la demande expresse de Madame. Il a éludé le sujet quand
vous lui avez demandé de lui parler de cette agression. Il vous a simplement dit qu’il attendait
le procès. Ultérieurement Madame vous a appris que l’agresseur avait été condamné à 2 ans
d’emprisonnement, ce qui n’avait pas vraiment soulagé son mari. Depuis, elle se plaint de la
justice qui a condamné l’agresseur à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts, mais sans
espoir parce qu’il est notoirement insolvable.
Que pensez-vous de la réflexion de votre patiente ?
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

Mettez une croix sous la bonne réponse


Oui Non

Je peux l’aider, lui donner un conseil

J’ai entendu parler du système d’indemnisation des victimes


d’infractions garanti par l’État

La question concernant l’indemnisation des victimes d’infractions pénales est


l’objet de la 7e leçon.

Monsieur TREIZE vous consulte cette fois à la demande de son avocat. Il est convoqué par un
expert judiciaire pour une expertise d’indemnisation : « La cour d’assises l’a condamné à 2 ans
de prison et 10 000 euros d’amendes mais c’est un propre à rien et il ne peut pas payer » vous
dit-il.
Il vous demande de l’accompagner chez l’expert et vous montre sa convocation où il est
noté : « Vous pouvez vous faire accompagner par la personne de votre choix » ou, à défaut,
de lui délivrer un certificat médical qui, selon son avocat, sera très utile.
Mettez une croix sous la bonne réponse
69
Oui Non

J’ai déjà assisté un patient lors d’une expertise civile (d’indemnisation)

Cela ne me semble pas être mon rôle


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Je n’accompagne jamais un patient mais je connais une alternative

J’ai déjà rédigé un certificat pour un patient avant une expertise civile

Il m’est arrivé d’aider un patient à mettre de l’ordre dans son dossier


médical pour faciliter l’expertise
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cas clinique n° 13
Monsieur TREIZE est très réticent à revenir une fois de plus sur son agression. Il vous raconte
que 3 ans auparavant, le 20 janvier 2011 vers 11 heures, en descendant dans le parking, il a été
agrippé par l’ex-ami de sa fille, un vaurien selon lui. Il l’a traîné dans l’escalier. Il était armé
d’un couteau de boucher. Il a tenté de se défendre, mais il a été pris à la gorge et a reçu un coup
de couteau au niveau du cou et sur sa joue droite, puis un coup-de-poing sur le nez provoquant
une épistaxis.
Un employé, ameuté par le bruit, est descendu et a donné l’alerte.
Il a été transporté par le SAMU à l’hôpital où il n’a pas été admis.
Le certificat médical initial de l’hôpital stipule :
[...] L’examen a révélé les lésions suivantes : plaie malaire droite superficielle. Plaie cervicale
médiane de 4 cm de long, superficielle, suturée.
Ces lésions entraînent la nécessité de poursuivre les soins pendant 8 jours.
Sur le certificat des UMJ, le jour même, est noté :
[...] Se plaignant de « peur du couteau » et a peur pour sa femme. Avoir constaté un traumatisme
facial récent avec plaie récente suturée de la joue droite, un point de suture avec ecchymose
récente au-dessous. Ouverture de la bouche normale. Aucune lésion traumatique intra-buccale.
Plaie récente de la face antérieure du cou, superficielle, trois points de suture. Erosion récente
de la face antérieure du cou, sus-jacente, à la première plaie. Plaies superficielles de la main
droite et gauche, face palmaire de P3 du (illisible) doigt gauche, face dorsale de P2 gauche et
face dorsale de P 1 du 2ème doigt droit.
En conclusion ; lésions traumatiques récentes compatibles avec les dires du plaignant : lésion à
70 bord net compatible avec un objet coupant tel un couteau.
ITT : 6 jours sous réserve du retentissement psychologique.
Le certificat du psychiatre de garde précise :
[...] Personne anxieuse, très marquée par le risque de mort encouru par sa femme et par lui-même.
Son discours apparaît cohérent et bien structuré, son comportement est adapté. Dans l’entretien,
Monsieur est d’humeur stable, préoccupé par la menace constituée par l’agresseur au cas où il
devrait être libéré. Absence d’antécédent psychiatrique.
En conclusion : retentissement psychologique modéré, mais qui nécessite une réévaluation à
distance.
À la suite de cette consultation, votre patient a regagné son domicile.
Il a énormément apprécié le soutien de ces collègues le jour des faits : visites, fleurs, etc.
Il est parti une semaine au repos à la campagne et n’a repris son travail qu’au 11ème jour, sans
modification par rapport à son travail antérieur.
Dans votre dossier médical vous avez noté une seule consultation un an auparavant pour vérifier
sa tension ; vous lui avez proposé une benzodiazépine qu’il a refusée.
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

Compte tenu des connaissances acquises lors de la première leçon, des dires de sa femme
qui vous consulte régulièrement et de la demande du patient, quels troubles pourrait-il
présenter ? Troubles que vous rechercherez pendant l’examen clinique.
Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

M. TREIZE présente un état dépressif

Il présente un état de stress post-traumatique

Il présente des troubles ORL

Il présente un état de stress post-traumatique complexe

Il présente des troubles comorbides

Le certificat médical avant expertise civile


Vous examinez M. TREIZE qui accepte de vous relater les faits parce qu’il faut bien, lui
dites-vous, que vous les rapportiez brièvement sur le certificat médical que vous avez 71
accepté de lui remettre pour l’expert qui l’a convoqué.

Cas clinique n° 13 (suite) examen


M. TREIZE, très réticent, explique que son comportement a changé : il n’est plus aussi gai
qu’auparavant.
Il a des intrusions de pensées et d’images surtout lorsqu’il descend dans le parking, ce qu’il
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

évite bien qu’il y ait installé des éclairages puissants : « C’est sombre. Si je l’avais vu, j’aurais pu
m’échapper. Ça a duré 8 minutes... J’ai joué ma vie. Jeune et fort : 40 ans... » commente-t-il très
troublé.
« Je rumine tout ce qu’il lui a fait endurer à ma fille, j’ai appris ça au procès, elle disait rien. C’est
dur, j’y pense tout le temps » Il s’accuse d’avoir été un mauvais père : « Pas suffisamment occupé
d’elle... Je prends ça sur moi. J’aurais du la sortir plus souvent. Avant j’y pensais pas. » Il craint
le quartier où vit sa fille et veut la rapprocher du centre de la ville, plus sûr selon lui.
À l’examen.
M. TREIZE âgé de 63 ans, se présente correctement. Il mesure 178 cm et pèse 72 kilos.
Il a revécu l’agression pendant le rappel des faits.
Il banalise ses troubles qu’il attribue à son âge.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Il présente un état dépressif durable (dysthymique) : tristesse, fatigabilité, culpabilité... « J’étais


un blagueur avant » dit-il.
Il présente des troubles psychotraumatiques spécifiques avec des reviviscences anxieuses : « Je
le revois transpirer... avec des yeux... Il voulait me tuer... » ; « Il voulait nous humilier, ça me
trotte dans la tête... Pourquoi ? » Il évite de descendre au garage et a peur de croiser des
hommes dont le crâne est rasé (comme son agresseur). Il a encore des sursauts. Il minimise
en permanence l’intensité de ses troubles : « Je mets ça sur le compte euh... À mon âge être
attaqué par un couteau... » dit-il.
On ne trouve pas d’éléments cliniques en faveur d’une pathologie psychiatrique antérieure.
Il n’a pas beaucoup d’appétit, a perdu 5 kilos depuis l’agression ; son sommeil est perturbé
par des reviviscences de pensées : « Je me lève à 3 heures pour fumer... » ; il n’a plus de désir
sexuel, ce qu’il met, comme le reste, sur le compte de l’âge.
Il aime son travail et se dit apprécié par ses collègues et sa hiérarchie ; il a beaucoup de
connaissances ; il va fréquemment à la campagne où il bricole, jardine, etc.

Après avoir pris bonnes notes des commémoratifs, des doléances et de l’examen clinique,
vous allez rédiger le certificat médical demandé.
Quels sont selon vous les éléments importants qui doivent figurer dans un tel certificat
médical ?
Notez les éléments cliniques importants devant figurer
dans un certificat médical avant expertise civile
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72
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Un certificat médical avant expertise civile obéit aux règles qui ont été définies dans la
2e leçon :
– identité du patient,
– faits ou commémoratifs,
– suites sur le plan médical, soins, évolution,
– doléances actuelles,
– description des troubles physiques et psychologiques actuels,
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

– état antérieur, c’est-à-dire les pathologies antérieures qui pourraient interférer avec les
troubles actuels, lesquelles peuvent être prise en compte pour diminuer les séquelles
directement imputables aux événements traumatiques incriminés,
– l’incapacité totale de travail, notion pénale, n’a aucune raison d’être discutée dans un
certificat qui n’est pas destiné à « punir » un auteur mais à « réparer » une victime, sauf
à démontrer l’importance des lésions immédiates,
– En revanche ce certificat comprend des spécificités utiles pour le bon déroulement de
l’expertise.

L’incapacité totale de travail (ITT) est une notion pénale qui n’a aucune raison
d’être discutée dans un certificat destiné à « réparer » une victime sauf à
démontrer l’importance des lésions immédiates.

Spécificités du certificat médical avant expertise civile


Certains éléments doivent être mis en exergue dans un certificat établi avant une expertise
d’indemnisation compte tenu que la victime doit faire la preuve que les séquelles - son
dommage – est en rapport avec l’évènement traumatique incriminé.
Quels sont les éléments cliniques en votre possession permettant
d’apporter la preuve que le dommage de M. TREIZE est lié à l’agression
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

En matière d’indemnisation, la victime doit faire la preuve que son dom-


mage est « imputable » au traumatisme initial. Le médecin traitant est le
mieux placé pour décrire l’état antérieur de son patient avant l’agression.

 Éléments devant figurer dans un certificat médical avant


expertise civile
La victime doit apporter des preuves pour faire valoir « ses prétentions » :
– en démontrant que les lésions initiales sont en rapport avec un événement traumatique
particulier,
– en décrivant l’évolution des troubles jusqu’à consolidation,
– en discutant l’absence ou la présence d’un éventuel état pathologique antérieur et le
rôle qu’il pourrait jouer sur les troubles actuels.

La consolidation est la date à partir de laquelle les lésions séquellaires sont


stables, définitives, non susceptibles d’amélioration. Elle n’a aucun rapport
avec la guérison ou la reprise de travail.

74  Compatibilité des séquelles avec le ou les traumatisme(s)


initial (ou initiaux)
D’une façon générale, ce sont divers documents qui apportent la preuve que le patient
a subi une agression : procès verbal de police ou gendarmerie, certificat médical initial,
examens paracliniques, compte rendu d’hospitalisation, etc.

Le certificat médical initial des urgences hospitalières, celui des urgences médico-judiciaires et le
certificat du psychiatre de garde suffisent à prouver que M. TREIZE a été victime d’une agression.

 Évolution des troubles jusqu’à consolidation


Il faut étayer l’évolution des troubles sur l’anamnèse, les certificats des divers soignants
consultés (arrêts de travail, certificats, prescriptions diverses, physiothérapie, etc.) si
possible classés par ordre chronologique.

Peu après l’agression Monsieur TREIZE a été pris en charge par une association d’aide aux victimes
puis par un psychologue, mais il n’a bénéficié que de 4 séances. Il dispose des documents
l’attestant qu’il doit joindre au dossier.
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

Vous pouvez certifier que vous l’avez consulté 2 ans après les faits, qu’il était tourmenté par le
procès, qu’il vous a paru que vous deviez lui prescrire une benzodiazépine qu’il a refusée comme
tous les soins.
Il a constamment minimisé ses troubles, estimant qu’il va bien contre l’évidence clinique

Il peut être incitatif de dire à un patient qu’il n’est pas concevable de le consolider parce
que des soins pourraient l’améliorer (voir chapitre 10).

 État actuel
Il s’agit des données de l’examen pratiqué le jour de la rédaction du certificat.
Ce sont les troubles actuels qui seront indemnisés s’ils sont bien en rapport « direct et
certain » avec l’événement traumatique causal.

 État antérieur
L’absence d’un éventuel état pathologique antérieur joue un rôle important pour faire le
lien entre les troubles actuels et l’évènement traumatique.
Il est important de noter les antécédents médicaux qui pourraient interférer avec les troubles
actuels, et eux seuls, mais avec recherche systématique des antécédents traumatiques,
comme cela a été longuement développé dans la première leçon.
75
M. TREIZE ne présente aucun antécédent médical.
Il a été opéré de l’appendicite.
Il n’a jamais été suivi sur le plan médico-psychologique.
Il fume 1 paquet de cigarettes par jour mais ne consomme pas d’alcool et aucun produit
psychoactif.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Si le patient, comme M. TREIZE, présente des troubles psychotraumatiques, il peut être


important de retracer brièvement sa biographie.

M. TREIZE est né en 1950. Il le 18e né d’une fratrie de 20 enfants. Son père était postier ; sa mère
au foyer. Il dit avoir passé une enfance heureuse auprès de parents bienveillants, catholiques,
très religieux.
Il a échoué au certificat d’études, n’étant pas suffisamment soutenu par des parents âgés, selon
lui.
Dès 14 ans il a obtenu différents emplois précaires avant de s’installer comme vendeur de fruits
et légumes sur les marchés. Ensuite il a été gérant d’un garage Renault pendant 2 ans. Il est
rentré dans l’administration où il est actuellement technicien en sécurité après avoir obtenu les
diplômes nécessaires par concours interne.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Il a vécu une vie sentimentale conforme à celle d’un homme de sa génération. Il s’est marié à
23 ans. Il a 2 filles nées en 1969 et 1971. Il mène une vie de couple harmonieuse.

Le rôle d’un éventuel état antérieur qui pourrait interférer avec les troubles actuels doit
être discuté. Quelle est la part de la pathologie antérieure avec les troubles actuels :
– a-t-elle déclenché ou décompensé un trouble ?
– a-t-elle aggravé ou accéléré la pente évolutive d’un trouble ?
– a-t-elle révélé une pathologie latente ?

Même s’il s’agit une discussion d’expert en dommage corporel, le médecin traitant connaît
son patient

Rédaction du certificat médical de Monsieur TREIZE


Fort de tous ces renseignements, veuillez rédiger le certificat médical que vous allez remettre
à votre patient pour l’expert qui l’a convoqué. Vous pourriez tout aussi bien écrire une lettre
à l’expert.
Veuillez rédiger le certificat médical de M. TREIZE
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La victime d’agression est en règle indemnisée au terme d’une procédure


judiciaire qui nécessite un accompagnement médico-socio-judiciaire qui sera
l’objet de la 7e leçon.
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

LA VICTIME D’ACCIDENT

La victime d’accident est en règle indemnisée au terme d’une procédure dite


amiable et contradictoire avec la compagnie d’assurance du tiers responsable
(6e leçon).
Cependant, les règles médicolégales applicables pour une victime d’accident
sont les mêmes que pour une victime d’agression :
– preuve que les séquelles sont en rapport avec l’événement traumatique
incriminé,
– description des troubles jusqu’à consolidation,
– description des séquelles,
– préciser le rôle d’un éventuel état antérieur qui pourrait interférer avec les
troubles actuels.

Vous suivez Mademoiselle QUATORZE, née en janvier 1992, depuis sa naissance.


Passagère avant d’un véhicule conduit par son ami Fabrice, ils ont été percutés par un
homme conduisant en état d’ébriété en août 2009.
Elle ne se rappelle pas l’impact du choc.
Elle a repris connaissance dans le véhicule des pompiers et a tenté de se lever sans y 77
parvenir.
Elle n’est restée hospitalisée que pendant une journée et est sortie après un bilan rassurant.
À la demande de l’assurance, vous l’avez consolidée 1 an après l’accident, soit le 1 septembre
2010, date de l’arrêt du traitement psychotrope.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ce jour, le 10 novembre 2011, elle vous montre la convocation que lui a envoyée un
médecin-conseil de l’assurance désigné pour évaluer les dommages dont elle a été victime.
Vous lui expliquez que vous ne l’accompagnerez pas mais que vous allez lui remettre un
courrier pour éclairer l’expert sur son cas.
Vous consultez votre dossier médical :

Dossier médical de Mademoiselle QUATORZE


18/8/09
Retour domicile avec 18 points de sutures.
Prescription paracétamol à la demande (6/j max)
Soins infirmiers x 8 jours à domicile.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

28/8
Céphalées. Asthénie.
Bonne cicatrisation.
10/9
Reprise BEP
Céphalées bitemporales, irritabilité, vertiges.
Paracétamol.
25/9/09
Crises d’angoisses
Céphalées ++ vertiges.
Asthénie.
Paracétamol + Paroxétine 1/J
Avis neuro
10/10
Vu neuro
Poursuite Paroxétine
12/11/09
14/12/09
Crise d’angoisse ++
Paroxétine + Xanax + Mg
78
6/01/10
Paroxétine + Xanax + Mg
10/03
Paroxétine + Xanax + Mg
Nouv avis neuro
15/04
bilan neuropsycho
16/06/2010
Bilan neuropsycho
Echec BEP
Paroxétine + Xanax + Mg
1/09/10
Consolidation
Arrêt traitement
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

En compulsant les pièces du dossier, vous retrouvez le certificat médical initial du 16 août
2009, une lettre du neurologue et le bilan neuropsychologique :

Certificat médical initial hospitalier :


[...] à l’entrée elle présentait : traumatisme crânio-facial avec perte de connaissance et hématome
occipital gauche. Plaie du cuir chevelu et du pavillon de l’oreille gauche. Éraflures main gauche.
Scanner cérébral normal. Contusions multiples. ITT de 2 jours sous réserve.
Certificat du neurologue :
Je soussigné, certifie avoir eu en consultation le 02/10/09 puis le 01/04/2010 Mlle QUATORZE née
le 3/01/1992 qui m’a dit avoir été victime d’un AVP avec traumatisme crânien le 12/08/09. Elle
présente des céphalées, des sensations vertigineuses matinales et des troubles du caractère avec
irritabilité et difficultés scolaires depuis cet accident, ce qui justifie un bilan neuropsychologique
spécialisé.
Bilan neuropsychologique :
[...] l’examen neuropsychologique met en évidence des séquelles de type frontal qui ce
caractérisent par :
• des difficultés attentionnelles (attention soutenue, concentration) majorées par une
fatigabilité encore importante
• un défaut d’auto contrôle qui se manifeste tant sur le plan cognitif que comportemental : Melle
QUATORZE se plaint d’une impulsivité plus importante depuis l’accident ; ces changements
sont également signalés par l’entourage et sont compatibles avec les résultats aux tests
(tendance à la précipitation et discret défaut d’inhibition des réponses).
Le niveau de raisonnement est normal et les niveaux d’études d’apprentissage préservés mais les
79
résultats sont fluctuent en raison des difficultés attentionnelles.
À 10 mois du TC les séquelles cognitives et comportementales, ainsi que la fatigabilité importante
de la patiente justifie la mise en place d’une prise en charge éducative et incite à être prudent
quand à une reprise d’activité à temps complet. [...]
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Examen de Mademoiselle QUATORZE avant expertise


10/11/11
Irritabilité – crises caractérielles – « spasmophilie »+++ - céphalées –vertiges.
Examen somatique RAS
Chvostek = 0
Pouls 82 - TA 11/6 - 159 cm – 48 kg –
Réveils fréquents - Anxiété +++
État dépressif (échec BEP) mais travaille depuis 3 semaines - asthénie ++
10 cigarettes /j, alcool = 0 – Stup = 0
Vit en ménage avec Fabrice depuis 1 mois, pilule, RAS.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non
Melle QUATORZE présente un état dépressif
Elle présente un état de stress post-traumatique
Elle présente un état de stress post-traumatique complexe
Elle présente des troubles comorbides
Elle présente une décompensation d’un état antérieur fragile

Vous avez la preuve que votre patiente a subi un accident de la voie publique le 16 août
2009 (certificat médical initial)
Vous l’avez suivie régulièrement (prescription), orientée chez votre correspondant neuro-
logue, lui-même lui a prescrit un bilan neuropsychologique. Vous avez ces documents et
vous les lui remettez par photocopie.
Personne mieux que vous ne connaît son état antérieur : absence d’antécédent médico-
chirurgicaux, traumatiques ou autres, antérieurs ; pas de « rupture biographique ».
Veuillez rédiger la lettre que vous adressez au médecin-conseil de l’assurance
du conducteur responsable pour faciliter l’expertise de Mlle QUATORZE
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3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

Avez-vous discuté le rôle qu’ont pu jouer ses troubles sur son arrêt des études
de comptabilité qui pourrait constituer une perte de chance préjudiciable
pour son avenir ?

Retenir

En matière d’indemnisation, la victime doit faire la preuve de son dommage.


La consolidation est la date à partir de laquelle les lésions séquellaires sont stables,
définitives, non susceptibles d’amélioration.
Un certificat ou une lettre avant expertise doivent démontrer que les lésions initiales
sont en rapport avec l’événement traumatique.
Ils doivent décrire l’évolution des troubles jusqu’à consolidation.
Ils doivent apporter des indications sur l’absence ou la présence d’un état pathologique
antérieur qui pourrait interférer ou non avec les séquelles post-traumatiques.

CERTIFICAT DE MADEMOISELLE QUATORZE ET LETTRE


POUR MONSIEUR TREIZE
81
Ces deux documents peuvent vous aider à comparer votre « prose » à celle donnée ci-dessous,
simplement à titre d’exemple.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Certificat pour l’expertise de Monsieur TREIZE


Le 2 janvier 2014
Je soussigné certifie être le médecin traitant de M. TREIZE, âgé de 63 ans.
le 20 janvier 2011, il a subi une agression à l’arme blanche comme le démontre le certificat
médical initial de l’hôpital, le certificat des UMJ et le certificat du psychiatre de garde.
Il est parti une semaine au repos à la campagne et n’a repris son travail qu’au 11e jour,
sans modification par rapport à son travail antérieur.
Peu après l’agression il a été pris en charge par une association d’aide aux victimes puis
par un psychologue, mais il n’a bénéficié que de 4 séances.
J’ai constamment eu de ses nouvelles par ses proches, mais il refusait toute prise en
charge, estimant qu’il allait bien.
À l’examen : il présente un état de stress post-traumatique sévère. Il est constamment
préoccupé, pense fréquemment à l’agression sous forme de pensées et d’images répétitives
et angoissantes, notamment la nuit l’obligeant à se lever et fumer. Il nie ses troubles qu’il
attribue à son âge mais tente par tous les moyens d’éviter tout ce qui pourrait lui rappeler
l’agression (les hommes rasés ressemblant à son agresseur) ou la symboliser (descendre
au parking à présent doté par ses soins d’éclairages puissants ; procès, consultations
où il pourrait être interrogé sur les faits et leurs conséquences) ; il se sent coupable
vis-à-vis de sa fille et craint pour elle une nouvelle agression.
Il présente également un état dépressif durable : tristesse, fatigabilité, perte de tous
82
désirs, notamment sexuel, anorexie (- 5 kg), culpabilité.
Il refuse les soins et banalise ses troubles qui perturbent son fonctionnement personnel
et familial.
Ces troubles psychotraumatiques et dépressifs surviennent chez un homme courageux,
travailleur, qui n’a aucun antécédent pathologique antérieur, notamment traumatique.
À trois ans des faits, j’estime que son état est consolidé avec séquelles.
Certificat établi à sa demande et remis en mains propres en vue d’une expertise judicaire.

Dr Pierre Angulaire
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

Lettre pour l’expertise de Mademoiselle QUATORZE


Le 10 novembre 2010
Mon cher Confrère,
Vous allez examiner Mlle QUATORZE née le 2 janvier 1992 dont je suis le médecin traitant
depuis son enfance.
Jeune fille sans antécédent particulier, bonne élève terminant un BEP de comptabilité,
elle a subi un accident de la voie publique le 12 août 2009 dont elle n’a aucun souvenir,
s’étant réveillée dans le véhicule des pompiers.
Elle a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale et diverses
blessures dont une plaie du cuir chevelu (Cf. CMI).
Rapidement, elle a présenté des troubles post commotionnels se manifestant par des
céphalées bitemporales importantes, des sensations vertigineuses, des troubles du
caractère, puis des troubles paniques pour lesquels je lui ai prescrit de la paroxétine et
une benzodiazépine pendant 1 an jusqu’en septembre 2010.
Le Dr SYNAPSE, mon correspondant neurologue, lui a fait pratiquer des tests neuropsy-
chologiques qui ont confirmé ses difficultés attentionnelles, sa fatigabilité, un défaut
d’autocontrôle sur le plan cognitif et comportemental bien que paradoxalement le niveau
de raisonnement et le processus d’apprentissage étaient préservés, quoique fluctuant en
raison des difficultés attentionnelles (Cf. compte rendu).
J’insiste sur le fait qu’elle a redoublé sa deuxième année de BTS en raison de ces troubles
83
et qu’elle ne s’est pas sentie assez forte pour reprendre des études. Je lui demande de
se munir de ses bulletins scolaires jusqu’à première année de BTS s’il fallait vous en
convaincre. Fort heureusement, elle est parvenue à travailler dans un garage pendant 6
mois et, après une période de chômage, elle a retrouvé un emploi dans un supermarché
vers le 15 octobre 2011.
Elle vient de se mettre en ménage avec le conducteur qui l’a constamment soutenue.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Je vous prie de croire, etc.

Dr Pierre Angulaire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

L’accompagnement médico-socio-judiciaire est le sujet des sixième et septième


leçons.
Les soins sont le sujet de la dixième leçon.

84
3 • Examen d’une victime d’agression ou d’accident

 Notes
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Leçon 4

Examen d’une femme


victime de violences
86
de couple
SOMMAIRE

Généralités sur les violences de couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88


Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
Mécanismes de la violence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Les mécanismes de la violence repérables dans le monologue
intérieur d’Anna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
La stratégie des agresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Conséquences psychologiques des violences de couple . . . . . . . . . . . . 94
Conséquences psychologiques décelables dans la première et la
deuxième partie du film « Anna » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Analyse du cas d’Anna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
Conséquences somato-psychiques des violences de couple . . . . . . . 97
Retour sur le repérage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
87
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

que vous maîtrisez les connaissances acquises lors de la première et

É
TANT ENTENDU
de la deuxième leçon sans lesquelles vous ne pourriez valablement continuer à
améliorer vos connaissances et votre pratique clinique, quels sont les objectifs de
cette quatrième leçon ?
Cette quatrième leçon est destinée à :
1. décrypter les stratégies des agresseurs,
2. améliorer le repérage des femmes victimes de violences conjugales,
3. améliorer votre pratique clinique.
La prise en charge médicolégale et l’orientation dans le réseau d’accompagnement social
et judiciaire et les soins sont le sujet des 8e et 10e leçon.

GÉNÉRALITÉS SUR LES VIOLENCES DE COUPLE

Définition
Il existe de multiples définitions des violences faites aux femmes, dont celle adoptée par
l’assemblée générale de l’ONU en novembre 1993 :
88
Définition de l’ONU, 1993

La violence faite aux femmes désigne tout acte de violence fondé sur l’appartenance
au sexe féminin, causant ou susceptible de causer aux femmes des dommages ou
des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, et comprenant la menace de
tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie
publique ou dans la vie privée.

Il faut distinguer les violences accidentelles consécutives à un conflit familial


(dispute, scène de ménage) avec les violences conjugales qui s’inscrivent dans
une relation de domination asymétrique dont le but est de nier l’autre en tant
que personne.
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

Exercice
Listez les quatre formes de violences que subissent les femmes au sein du couple :
Listez les 4 formes de violences
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Les violences au sein du couple sont :


– les violences physiques de tous types : coups directs à mains nues ou par objets
contondants, projection au sol, strangulation...,
– les violences verbales et psychologiques, désormais reconnues par l’article 222-33-1 du
code pénal.
– les violences sexuelles de couple ou commises par ex-conjoint, encore largement tolérées
par les femmes victimes qui les subissent,
– le contrôle économique consistant à priver la victime de toutes possibilités d’autonomie
financière.

En fait, le continuum des multiples formes de violences commises en règle par les hommes
à l’encontre des femmes intra et hors ménage, comprend : l’inceste, les violences dans la 89
relation de couple, le harcèlement sexiste et sexuel au travail, les mutilations sexuelles
féminines, les mariages forcés, la stérilisation forcée, les mutilations « esthétiques »
volontaires, le trafic de femmes, les violences liées aux intégrismes religieux, le proxénétisme
et la prostitution, l’exploitation sexuelle des enfants, la pornographie.

Une méta analyse portant sur 65 articles scientifiques de 22 pays1 , établit


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

que les violences sexuelles touchent 19,7 % des femmes.

1. Pereda N., Guilera G., Forns M., Gómez-Benito J., « The prevalence of child sexual abuse in community and student
samples: A meta-analysis », Clinical Psychology Review, 29, 328-338, 2009.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

La première leçon vous a permis d’approcher la fréquence des violences de couple. Pour
rappel, selon l’Office national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) : environ
560 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques ou sexuelles
« intra ménage » (2,5 %) ; une femme décède tous les 2 jours et demi sous les coups de
son compagnon. Mais, 130 000 hommes âgés de 18 à 75 ans sont victimes de violences
physiques ou sexuelles par conjoint ou ex-conjoint par an (0,6 %).
Les violences faites aux femmes sont « légitimées » par l’idéologie sexiste de domination
dont les stéréotypes assignent culturellement des rôles différents aux personnes de sexe
féminin et masculin.
Stéréotypes sexistes

Les hommes seraient : forts, protecteurs, Les femmes seraient : faibles, émotives,
responsables, sérieux, intelligents, ration- sensibles, fragiles, belles, tendres, affec-
nels, logiques, maîtres de leurs émotions, tueuses, maternelles, dévouées, aimantes,
décidés, capables, courageux, entrepre- dociles, passives, masochistes, versatiles,
nants, ambitieux, leaders. futiles, coquettes, bavardes, subalternes.

Veuillez à présent regarder la première partie du film « Anna » réalisée pour la Mission
interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la
traite des êtres humains (MIPROF)1 . (N’hésitez pas à prendre des notes.)

90

1. Pour consulter le film, connectez-vous sur le site du Gema (http://www.gema-fm.fr/).


4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

MÉCANISMES DE LA VIOLENCE

Après avoir regardé la première partie de ce film :

Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non

Vous avez repéré le moment de fragilité d’Anna qui a préludé aux violences
qu’elle subit
Avez-vous repéré qu’Anna parle d’escalades de violences et de réconcilia-
tions ?
Vous avez retenu les raisons qui expliquent son sentiment de culpabilité
(1re leçon)
Avez-vous repéré les stratégies d’emprise utilisées par son conjoint pour
l’embrouiller ?

Si vous avez répondu Non à 2 questions, vous devriez approfondir la première leçon.
91
Si vous vous sentez à l’aise avec ces questions, repassez au besoin le film et listez avec un
stylo les stratégies d’embrouille qu’utilise le conjoint d’Anna.
Listez les stratégies d’embrouille
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Les mécanismes de la violence repérables


dans le monologue intérieur d’Anna
Tout commence très bien, le couple partage tout, bien que certains comportements auraient
pu rendre Anna méfiante. Dès le début, son conjoint se montre jaloux autant envers les
femmes qu’envers hommes : « J’ai coupé les ponts (...) On se retrouve seuls » dit-elle. Il
met manifestement en place une relation d’emprise : il la surveille, ne supporte pas qu’elle
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

rentre en retard : « Il connaît mon emploi du temps par cœur », « Je suis devenue sa
propriété ».
La grossesse, période de grande vulnérabilité, est mal vécue par les hommes immatures qui
ne supportent pas l’idée de devoir partager avec un enfant. Elle marque souvent, comme
dans le cas d’Anna, le début des violences physiques qui se déroulent selon le schéma
classique des escalades de violence : Anna parle de disputes anodines, puis de paroles
humiliantes « pires que les coups », de claques puis d’excuses et de pardon (voir schéma
suivant).
Escalades de violences

Il râle, détruit des meubles


et des objets, s’alcoolise : Intensité
la tension monte

Elle est anxieuse, sidérée,


refoule sa colère, essaie
de faire baisser la tension.
Il fait tout pour se faire Il explose de colère,
pardonner, parle de thérapie, frappe, puis cherche la paix
offre des cadeaux. quand il a repris le contrôle.

Elle reprend espoir, ne veut Elle est honteuse, peinée,


pas être seule, faire éclater déçue, outragée, blessée,
la famille, être démunie. choquée.

Il prend peur de perdre


sa conjointe, se justifie,
s'excuse, regrette, minimise.
92
Elle doute, se culpabilise,
minimise, pardonne.

On note que son conjoint la manipule et la culpabilise probablement en la traitant de


« Petite fille gâtée », remarque à laquelle elle adhère pour lui trouver des excuses : « C’est
lui qui a raison ».
L’inversion est la grande caractéristique de ces situations, l’agresseur passe souvent pour la
victime et inversement notamment auprès des proches, mais aussi des professionnels. Anna
le sait et préfère ne pas en parler : « C’est mon histoire ».

Ce mécanisme d’inversion doit être connu en cas de procédure judicaire parce


que le conjoint s’il est manipulateur passe toujours pour la victime !
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

LA STRATÉGIE DES AGRESSEURS

D’une façon plus générale, l’homme violent utilise toute une palette de comportements et
un discours qui parvient progressivement à embrouiller sa « proie ».
Le discours paradoxal de l’homme (ou de la femme) violent-e est fait de doubles liens qui
embrouillent progressivement le sujet qui veut sauver son couple :
« Comment peux-tu croire que tu n’es pas libre mon amour ? Tu peux faire tout ce que tu veux ! MAIS
tu ne dois pas fréquenter untel et untel. MAIS tu ne dois pas t’habiller comme ça. MAIS tu es mieux à
la maison qu’au travail. MAIS (...) MAIS (...) MAIS (...) Et je ne fais ça que pour toi. Je t’aime. »

Ces stratégies sont résumées dans le tableau suivant. On a repéré que le conjoint d’Anna en
utilisait un certain nombre.
Stratégie d’emprise psychologique

– l’agresseur est un manipulateur ;


– il « embrouille » en maniant l’art du « double lien » face auquel il est impossible de se
décider : « Mais tu es libre ma chérie, ce que je fais c’est par amour, mais ne sors plus,
ne te maquille plus, ne travaille plus, ne vas plus voir tes amis, ta famille, etc. » ;
– il reporte systématiquement la responsabilité de ses actes sur sa victime ;
– il la culpabilise subtilement ;
– il se trouve toujours « d’excellentes justifications » ;
93
– il impose le silence ;
– il verrouille le secret : « Si tu parles je te tue - Personne ne te croira - Je dirai que
t’es folle - Les enfants iront à la DASS - Je te prendrai les enfants » etc. ;
– il utilise l’isolement, stratégie idéale pour porter sans risque une attaque ;
– il est expert pour monter les membres de la famille les uns contre les autres, attiser
les antagonismes ; colporter des rumeurs, divulguer des faux secrets, faire et défaire
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les alliances ;
– il fait alterner des périodes d’accalmie et de violences psychologiques ou physiques ;
– il ne donne jamais la moindre explication ;
– il ne tient jamais compte des faits ;
– il pratique une surenchère permanente : le moindre répit pourrait stimuler la réflexion,
permettre une prise de conscience ;
– il passe le plus souvent pour la victime de sa victime unanimement considérée comme
responsable de la situation qu’elle endure.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Veuillez à présent prendre connaissance de la deuxième partie du film « Anna ».


(N’hésitez pas à prendre des notes.)

94

CONSÉQUENCES PSYCHOLOGIQUES DES VIOLENCES


DE COUPLE

Conséquences psychologiques décelables dans la première


et la deuxième partie du film « Anna »
Fort des connaissances acquises grâce à la première leçon, nous allons étudier les
conséquences somatiques et psychologiques consécutives aux violences de couple.
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non

Anna présente un état dépressif :

Elle présente un état de stress post-traumatique :

Elle présente un état de stress post-traumatique complexe :

Elle présente des troubles somatiques comorbides :

Autres :

Si vous avez répondu OUI à une des questions précédentes, veuillez préciser vos arguments
cliniques :
Quels sont vos arguments cliniques en faveur d’un des diagnostics
posés précédemment
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Analyse du cas d’Anna


Anna se plaint d’aigreur d’estomac et de vertiges qui sont manifestement des symptômes
écrans.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Elle paraît déprimée, en « petite forme », avec des difficultés de sommeil, une asthénie, un
sentiment d’avenir bouché : « Je n’arrive pas à m’en sortir » dit-elle sur la table d’examen.
Elle présente des éléments cliniques en faveur d’un état de stress post-traumatique : elle
évite de répondre au médecin qui lui demande si elle a subi des violences : « Pourquoi
vous me demandez ça ? » ; elle se sent mise en cause, probablement parce qu’elle a honte,
mais l’évitement est également un symptôme cardinal de l’état de stress post-traumatique ;
elle préfère garder son pull pendant l’examen parce qu’elle serait frileuse, mais peut-être
se méfie-t-elle d’un homme médecin qui va entrer en contact avec son corps ; dans son
monologue intérieur (première partie du film), elle parle de reviviscences anxieuses de
paroles humiliantes « pires que les coups » ; elle est inquiète, sur ses gardes, sur le qui-vive,
en état d’hypervigilance : elle marche sur la pointe des pieds quand elle quitte l’appartement.
Ces éléments cliniques sont les critères diagnostiques d’un état de stress post-traumatique
comme décrit dans la première leçon :
– Anna est victime d’événements traumatisants, répétés dans son cas, et a présenté une
ou des réactions de peur intense (Critère A) ;
– elle revit constamment l’agression par des pensées, des images, des intrusions de paroles
humiliantes (Critère B) ;
– elle évite les situations symbolisant les violences dont elle évite de parler (Critère C) ;
– elle est constamment sur le qui-vive, inquiète, hyper vigilante (Critère D) ;
– ses troubles durent depuis plus d’un mois (Critère E) ;
– ils entraînent une souffrance cliniquement significative (Critère F) ;
96
critères auxquels s’ajoute un sentiment de culpabilité dont nous avons vu dans la première
leçon qu’il lui permettait de sauvegarder à ses yeux, une part de responsabilité afin de ne
pas être réduite à n’être que « la chose » de son conjoint. Quand le médecin lui demande des
précisions sur la perte de patience de son conjoint, elle banalise tout d’abord, expliquant
qu’elle est responsable parce qu’elle « a cramé » un plat, mais il a des excuses, il est
« maniaque » et sa mère était « très peu soigneuse ». Il aime que tout soit impeccable et
ne semble pas aider Anna bien qu’il ne travaille pas. Anna ne ressent pas un sentiment
de colère parce que son conjoint est parvenu à l’embrouiller en la manipulant pour qu’elle
s’attribue toute la responsabilité des violences qu’elle subit.
L’état de stress post-traumatique d’Anna s’accompagne d’un cortège d’autres troubles :
– une perte totale de confiance en soi ;
– une perte de confiance en toute aide ;
– un sentiment de totale impuissance : « Je suis paralysée », ce qui pourrait être de nature
dissociative si cette paralysie survenait lors des épisodes de violence, mais nous n’avons
pas d’élément qui permette de trancher dans le film ;
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

– ces troubles ne sont pas suffisants pour porter le diagnostic d’état de stress post-
traumatique complexe tel qu’il est décrit dans la première leçon, probablement parce
qu’Anna n’a pas d’antécédent de maltraitances antérieures et que la violence conjugale
qu’elle subit ne s’inscrit pas dans la répétition littérale de violences subies dans l’enfance.

L’absence d’antécédents de violences antérieures est un facteur de bon


pronostic.

On retient également que Louise, sa fille, a des problèmes scolaires et qu’elle a récemment
présenté un épisode d’énurésie secondaire, dont Anna s’attribue la responsabilité : « Je
peux pas l’accompagner à l’école. »
Finalement, Anna dira que son conjoint l’a trainée par les cheveux devant Louise quand le
médecin sera parvenu à établir une relation de confiance.
Après l’examen physique, le médecin interroge Anna sur sa vie sexuelle. Elle lui révèle que
son conjoint lui impose des rapports sexuels qu’il qualifie justement de viols. Elle parle
également de la perte de son autonomie économique.

Retenir

La violence conjugale peut s’inscrire dans la répétition littérale de violences


97
antérieures.
Les femmes victimes de violence de couple sont fréquemment victimes de rapports
sexuels imposés qu’elles ne considèrent pas comme les viols qu’ils sont pour la loi.
Les enfants ne sont jamais de « simples » témoins de violences conjugales, ils sont
des victimes directes ; un homme violent n’est jamais un « bon père » mais un homme
maltraitant.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

CONSÉQUENCES SOMATO-PSYCHIQUES DES VIOLENCES


DE COUPLE

Les conséquences des violences conjugales répétées ne sont pas spécifiques et ont été
décrites dans la première leçon.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

POUR RAPPEL :
Les victimes de traumatismes répétés, physiques, psychologiques (emprise), sexuelles,
ont tendance à répéter littéralement en tant que victime, ou en tant qu’auteur, les
situations qu’elles ont vécues le plus souvent pendant l’enfance, ce qui explique la répétition
transgénérationnelle de la violence.

dans un couple où règne la violence ne sont pas témoins mais victimes de


maltraitance

Ces victimes présentent des états dépressifs dont le risque majeur est le suicide.
Elles présentent des troubles psychotraumatiques qui sont moins des états de stress
post-traumatiques que des troubles psychotraumatiques complexes, surtout si les violences
surviennent sur des personnalités traumatiques complexes telles qu’elles ont été décrites
dans la première leçon à laquelle vous pouvez vous référer si cette explication ne vous
paraît pas claire.
Elles présentent des défenses de type dissociatif qui leur permettent de s’abstraire de
façon automatique de la situation présente en entraînant une anesthésie émotionnelle.
Elles peuvent utiliser des comportements paradoxaux qui les stigmatisent pour se mettre
en état de dissociation traumatique : conduites addictives, mises en danger, conduites
98 auto-agressives (scarification, tentatives de suicide), conduites sexuelles dangereuses
(rapports sexuels non protégés, sexualité violente, multiplication des partenaires, rapports
avec des inconnus, prostitution, pornographie) ; conduites délinquantes récidivantes (vols,
destructions de biens, comportements violents) ; etc.
Elles présentent des troubles comorbides :
– troubles anxieux divers (anxiété généralisée, trouble panique avec ou sans agoraphobie),
– conduites addictives (alcool, automédication, stupéfiants),
– troubles des conduites alimentaires (boulimie, anorexie) ;
– somatisations (troubles somatoformes).

Elles consultent les médecins de toutes spécialités avec des symptômes écrans. Elles ne font
pas le lien avec les événements traumatiques subis parfois longtemps avant la consultation.
Les médecins ne les recherchent pas.
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

Quelques exemples de symptômes et troubles « écrans »

– troubles digestifs : douleurs abdominales, colopathie ;


– troubles alimentaires : boulimie, anorexie ;
– troubles somatoformes : douleurs chroniques, céphalées, asthénie, engourdissements,
fourmillements, palpitations, difficultés respiratoires ;
– troubles allergiques, dermatologiques : eczéma, psoriasis, prurit ;
– tableaux douloureux divers, variables,
– troubles musculo-squelettiques chroniques intenses dues à une hyper vigilance, une
tension entraînant des contractures musculaires, des dorso-lombalgies, arthralgies,
myalgies, fibromyalgies ;
– tableaux gynécologiques et obstétriques : douleurs pelviennes, maladies sexuellement
transmissibles, dysménorrhée, vaginisme, refus d’examen gynécologique... utilisation
moindre de contraceptifs, grossesse non désirée.., IVG, FCS,
– maladie chronique déséquilibrée : diabète, insuffisance coronarienne, asthme.

On estime à 30 % le nombre des viols dans le couple.


La grossesse est le premier risque lors des viols notamment des viols dans le
couple !

Les victimes de violences de couple entraînent fréquemment des réactions de rejet chez les
praticiens, surtout si elles les consultent fréquemment sans qu’ils en comprennent toujours 99
la raison ou si elles leur paraissent ne rien faire pour sortir de leur situation.

Retenir

La victime de violences répétées enclenche des contre attitudes de rejet de la part de


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tous ses interlocuteurs et notamment des personnels de santé.


C’est comme si elle recherchait inconsciemment à être maltraitée.
C’est une manifestation de la littéralité qu’il faut apprendre à reconnaître et dominer.

D’une façon plus générale, lorsque vous ressentez de l’agressivité envers un


patient, pensez qu’il s’agit probablement d’un patient traumatisé.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

RETOUR SUR LE REPÉRAGE

La meilleure sinon la seule façon de repérer une victime de violences de couple consiste à
rechercher systématiquement des antécédents de violences en posant la question à tous les
patients.

Comprendre

En 2004, le Dr Lazimi1 , médecin généraliste, a fait cette expérience, pour lui fondatrice,
auprès de 100 patientes âgées de 18 à 92 ans qu’il connaissait depuis de nombreuses
années et qui le consultaient pour toutes sortes de « symptômes écrans. » En fin de
consultation, il posait une de ces trois questions :
– Au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences verbales, propos sexistes,
humiliants, dévalorisants, injures, menaces ?
– Au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences physiques ? Avez-vous
reçu des coups, des gifles ? Avez-vous été battue, bousculée par un homme ?
– Au cours de votre vie, avez-vous été victime de violences sexuelles : attouchements,
viol, rapports forcés ?
Les résultats l’ont stupéfié :
– 54 % ont déclaré avoir été victimes de violences,
100 – 49 % de violences verbales,
– 31 % de violences physiques,
– 21 % de violences sexuelles,
– 90 % des victimes de violences sexuelles en parlaient pour la première fois,
– 50 % des victimes de violences physiques en parlaient pour la première fois.

Le Dr Lazimi a renouvelé cette expérience en 2007 avec 51 médecins généralistes et


2 sages-femmes sur un échantillon de 557 patientes avec des résultats similaires.
Depuis, il a coordonné plus de dix études qui montrent la faisabilité, la simplicité et
la satisfaction exprimée par les patientes, qu’elles soient victimes ou non.
Quand elles sont victimes elles sont reconnaissantes de pouvoir en confiance mettre
des mots sur des souffrances en lien avec les violences subies.

1. Lazimi G., Piet E., Casalis M.-F., « Violences faites aux femmes en France et rôle des professionnels de santé,
tableaux cliniques et études de repérage systématique », Cahiers de santé publique et de protection sociale, sept. 2011
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

Le médecin que consulte Anna lui explique qu’il s’agit pour lui d’une question systématique
de routine qu’il pose lorsqu’il recueille les antécédents de ses patients. Il faut certes
que cette question soit reçue comme étant certes systématique, mais surtout sans que le
médecin manifeste une gène quelconque.

Comprendre

Si vous pensez être embarrassé par une possible réponse positive qui serait une
sorte de « patate chaude » chronophage, sachez que la 8e leçon est destinée à vous
apprendre la conduite à tenir !

Le tableau suivant rassemble les questions que vous poserez si cet Atelier du Praticien vous
convainc.
Types de questions de dépistage systématique

– Êtes-vous ou avez-vous été victime de violences physiques ? psychologiques ?


sexuelles ?
– Comment votre conjoint se comporte-t-il avec vous ?
– Comme se passent vos rapports intimes ? Est ce toujours vous qui décidez ?
– Avez-vous déjà été agressée verbalement, physiquement ou sexuellement par votre
partenaire ? Si oui, combien de fois ?
101
– Durant l’année passée, avez-vous été frappée, giflée, reçu des coups de pied ou blessée
physiquement par quelqu’un ?
– Lorsque vous étiez enceinte, avez-vous été frappée, giflée, reçu des coups de pieds ou
blessée par votre partenaire ?
– Durant l’année passée, est ce que quelqu’un vous a forcé à avoir une relation sexuelle ?
– Avez-vous peur de votre partenaire ?
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Il faut que vous intégriez la recherche systématique d’antécédents de violence à votre


pratique. Elle est le préalable indispensable pour que votre patient-e soit reconnu-e comme
étant une victime et qu’elle ou qu’il puisse bénéficier des dispositions prévues pour qu’elle
(ou qu’il) sorte de cette situation et puisse se reconstruire.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Résumé

1. Les violences conjugales s’inscrivent dans une dynamique de domination sexiste.


2. Elles répètent souvent de façon littérale des violences antérieures subies pendant
l’enfance (reproduction transgénérationnelle).
3. Les femmes victimes de violence de couple sont fréquemment victimes de viols
conjugaux.
4. Les enfants qui vivent dans un couple violent ne sont pas témoins mais victimes
de maltraitance.
5. Les violences conjugales peuvent également affecter un sujet correctement
structuré pris dans les stratégies d’emprise d’un conjoint manipulateur.
6. La victime de violence de couple enclenche des contre attitudes de rejet de la
part de tous ses interlocuteurs et notamment des personnels de santé.
7. Les hommes violents paraissent en général être les « victimes » des femmes qu’ils
agressent.
8. Les victimes de violences conjugales peuvent présenter :
– des états dépressifs dont le risque majeur est le suicide,
– des troubles psychotraumatiques complexes,
– des troubles dissociatifs,
– des troubles comorbides.
9. Elles consultent les médecins de toutes spécialités avec des symptômes écrans.
102
10. La meilleure façon de repérer les victimes de violences consiste à rechercher
systématiquement des antécédents de violences en posant la question à tous les
patients.
4 • Examen d’une femme victime de violences de couple

 Notes
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103
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Leçon 5

Examen d’un enfant


maltraité
104
SOMMAIRE

Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Testez vos connaissances initiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
La fréquence des maltraitances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Le déni de la maltraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Bientraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Protéger l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Pourvoir aux besoins de l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Permettre l’autonomie progressive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Conséquences sociales et médico-psychologiques des
maltraitances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Conséquences sur la santé physique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Conséquences sur la santé mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Conséquences sur le processus d’inadaptation ou d’exclusion 105
sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Conséquences sur la criminalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Coût social des maltraitances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Le repérage de la maltraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Le jeune enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’adolescent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Le dépistage de la maltraitance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
Réponses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Réponses au questionnaire initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

que vous maîtrisez les connaissances acquises lors de la première et

É
TANT ENTENDU
de la deuxième leçon sans lesquelles vous ne pourriez valablement continuer à
améliorer vos connaissances et votre pratique clinique, quels sont les objectifs de
cette cinquième leçon ?

Cette cinquième leçon est destinée à :


– étudier les conséquences médicales, psychiatriques et sociales de la maltraitance ;
– lever le déni qui s’inscrit dans les fondements de notre culture et auquel nous sommes
par conséquent tous soumis ;
– repérer les signes d’appel de la maltraitance.

GÉNÉRALITÉS

Les maltraitances commises sur les enfants sont fréquentes.


Leurs conséquences, déjà abordées dans la deuxième leçon, sont considérables mais
largement sous-estimées en raison d’un puissant déni qui plonge dans les racines de chaque
culture.

106
Exercice
Listez les quatre formes de violences que subissent les enfants maltraités :
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................

Référez-vous aux différentes définitions ci-dessous pour connaitre les réponses si vous avez
hésité.
5 • Examen d’un enfant maltraité

Testez vos connaissances initiales


Mettez une croix sous la bonne réponse

OUI NON

Un enfant au moins décède tous les 2 jours sous les coups de ses
parents ?

D’après un article du Lancet, le nombre de signalement dans les


pays industrialisés devrait être dix fois plus important ?

Selon la Bible, il faut honorer son père et sa mère sous peine de mort

Les enfants résilients supportent mieux les maltraitances

Neuf des douze enfants présents lors du procès en appel d’Outreau


ont menti

Faites-vous une différence entre le repérage et le dépistage des 107


maltraitances ?

Les brigades des mineurs ont disparu


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La recherche scientifique sur la maltraitance est peu développée


voire méprisée en France

Elfe, la première étude longitudinale depuis l’enfance jusqu’à l’âge


adulte en France métropolitaine lancée en avril 2011 fait
l’impasse sur la maltraitance

La loi du 5 mars 2007 semble s’intéresser davantage aux parents


qu’aux enfants maltraités
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Définitions
Il existe de multiples définitions de la maltraitance.
La Convention sur les Droits de l’enfant (ONU, 1989) que la France a signée dès 1990,
la définit comme :
Toute forme de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques et mentales, d’abandon et
de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle.
Selon l’OMS (1999) :
La maltraitance de l’enfant comprend toutes les formes de mauvais traitements physiques
et/ou psychoaffectifs, de sévices sexuels, de négligences ou d’exploitation commerciale ou
autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son
développement ou sa dignité dans un contexte de relation de responsabilité, de confiance
ou de pouvoir.
Le mot « abus » que l’on trouve un peu partout est scandaleusement abusif en français pour
désigner des crimes et des délits. Que penseriez-vous si l’on disait : « Un viol incestueux de
temps à autre, oui, mais sans abuser... » Parler de viol, d’agression ou de violence sexuelle.

Ne pas confondre les violences accidentelles consécutives à un conflit ou


une perte de patience et la maltraitance qui est une relation de domination
asymétrique dont le but est d’empêcher l’enfant d’accéder à son autonomie
108 ou pire à le détruire.

La fréquence des maltraitances


Les enquêtes de victimation par sondage sur des échantillons représentatifs d’une population
sont une méthode de choix pour approcher la fréquence de la maltraitance, mais il est
difficile pour des questions théoriques et éthiques d’interroger des enfants âgés de moins
de 15 ans. Le chiffre noir de la maltraitance infantile et des violences sexuelles subies dans
l’enfance étant jusqu’à présent inaccessible, et plus encore pour les plus jeunes enfants,
cibles pourtant les plus exposées.
On ne peut évidemment pas se fier aux chiffres de la criminalité révélée.
L’Observatoire national de l’enfance en danger (Oned) tente d’appréhender les caractéris-
tiques de la population des enfants en danger. Il mentionne explicitement que le chiffre
noir est difficilement appréhendable. Selon l’Oned, environ 2 % des moins de 18 ans et 1 %
des 18-21 ans bénéficient d’au moins une mesure de protection de l’enfance en France, mais
il s’avère actuellement impossible de connaître le détail des mesures mises en œuvre, leurs
5 • Examen d’un enfant maltraité

durées et comment elles s’articulent entre elles en raison de l’hétérogénéité des politiques
publiques départementales de protection de l’enfance.
Une enquête réalisée en 1996 auprès de 1 116 adolescents âgés de 13 à 15 ans, tirés au
sort dans 68 classes de 17 écoles publiques de Genève, elles-mêmes tirées au sort, donne
une idée de la fréquence des violences sexuelles dans une ville policée et non pas dans le
93, mais il est admis qu’elle touche tous les milieux, sans distinction :
Agressions sexuelles subies par des élèves dans les écoles publiques genevoises
(Halpérin, 1996)

1 116 adolescents âgés de 13-15 ans 568 filles 548 garçons

AS sans pénétration sexuelle 12,6 % 2,2 %

Viols 4,5 % 1,1 %

Agresseur intrafamilial 20,5 % 6,3 %

AS multiples 33 %

AS commises avant l’âge de 12 ans 46,5 %

Agresseurs connus 66 %

Une étude publiée dans le Lancet1 en 2008 indique que 10 % des enfants
subissent des maltraitances dans les pays développés. 109

Le déni de la maltraitance
La maltraitance s’inscrit dans un des nombreux systèmes agresseurs qui sont des idéologies
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

où s’entremêlent des éléments culturels et des croyances qui justifient la loi du plus fort.
Le sexisme, le racisme, l’élitisme, le néolibéralisme, et toutes les idéologies totalitaires
légitiment toutes sortes de violences « nécessaires » pour maintenir la domination des plus
forts au détriment des plus faibles : violences à l’encontre des pauvres, des étrangers, des
femmes, et bien entendu des enfants.
La maltraitance infantile est un système de domination qui s’inscrit dans nos traditions,
Torah, évangiles, droit romain qui donnait le droit de vie ou de mort au pater familias, et
même dans notre droit actuel :

1. Gilbert R., Widom C. S., Browne K., Ferguson D., Webb E., Janson S., Child Maltreatment 1. Burden and
consequences in high-income countries, 3 décembre 2008, www.thelancet.com, 2009.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

– « Honore ton père et ta mère afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne
Yahvé ton Dieu (Ex 20,12) », c’est-à-dire sous peine de mort, et quoi qu’ils fassent
surtout !
– Article 371 C. civ. créé en 1970 : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses
père et mère. »
– La loi du 5 mars 2007 est « destinée à prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner
les familles et d’assurer, le cas échéant (...) une prise en charge partielle ou totale des
mineurs (...) », les parents d’abord.
– Article 375 C. civ. : « Il (le juge des enfants) doit toujours s’efforcer de recueillir
l’adhésion de la famille à la mesure envisager (...) » même si l’enfant est victime de
graves maltraitances !
– Article 227.27 C. pén. : « Peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale (...)
les père et mère qui sont condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’une
crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant », mais cette mesure est
exceptionnellement prononcée.
– Article 44 C. déont. méd. : « (...) S’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas
en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, le
médecin doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les
autorités judiciaires, médicales ou administratives. » Comment expliquer cette clause de
conscience ?
110 – Etc.

... s’il fallait s’en convaincre encore davantage.


La soi-disant légitimité « éducative » des punitions corporelles comme la fessée, fait débat,
la difficulté étant de trouver un juste équilibre entre les limites, l’autorité nécessaire pour
éduquer un enfant et l’autoritarisme aveugle qui est destiné à « dresser » un enfant et qui
constitue pour nous une relation d’emprise déstructurante. N’est-il pas curieux de parler de
« correction » pour désigner une punition corporelle particulièrement forte, ou de « maison
de correction » ?
La cohorte britannique de naissance de 1975 a démontré qu’une éducation trop rigide jouait
un rôle péjoratif sur l’état de santé évalué à 30 ans.
Le déni de la maltraitance s’exprime dans des théories antivictimaires comme l’« aliénation
parentale » qui ne repose sur aucune étude scientifique, ou la résilience mal comprise.
5 • Examen d’un enfant maltraité

Comprendre

La résilience alimente le déni en faisant croire à ceux qui ne l’auraient pas correctement
comprise, qu’un malheur pourrait être merveilleux et que les petits canards battus
pourraient devenir des cygnes majestueux plutôt que les canards boiteux que décrit
la recherche scientifique.
En revanche les facteurs de résilience permettent de mieux supporter l’adversité.

Le meilleur facteur de résilience consiste à faire cesser la situation de danger !

BIENTRAITANCE

Tenter de définir la « bientraitance » permet, en négatif, de comprendre la maltraitance.


Pour « élever » un enfant, terme qui signifie bien qu’il ne faut pas le (r)abaisser, il faut le
protéger, subvenir à ses besoins et l’aider à se réaliser selon ses potentialités.

Protéger l’enfant 111


Protéger contre les multiples dangers qui menacent l’enfant provenant :
– du milieu naturel : 750 000 accidents domestiques, lesquels sont la première cause
de mortalité en France, sans aucune campagne de prévention, sans amélioration
contrairement aux accidents de la voie publique qui touchent surtout des adultes ;
– du milieu social dont... la maltraitance et son déni.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pourvoir aux besoins de l’enfant


Pour pourvoir aux besoins de l’enfant, il est nécessaire que la mère puisse faire le deuil
d’une symbiose réelle mais surtout fantasmée de l’enfant in utero. Le père y participe en
donnant son nom qui, constituant l’enfant comme sujet de droit, lui confère son identité
au sens littéral. Ensuite, les parents devront faire le deuil de l’enfant devenu adolescent,
puis un nouveau deuil quand il deviendra adulte.
Certains besoins engagent la survie de l’enfant comme la nourriture et les soins, mais
l’enfant a surtout besoin d’un maternage stable, permanent, prévisible, qui lui apporte un
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

sentiment de sécurité et permet un attachement sécure au sens de Bowlby. Le bébé a déjà


des « compétences » relationnelles pour entrer en contact avec son image d’attachement
privilégiée, en principe sa mère, par agrippement, fouissement, succion, contacts visuels,
auxquels elle répond de façon naturelle dans le meilleur des cas. Le besoin d’attachement
serait le besoin inné d’interagir avec autrui. À 7 mois, l’image d’attachement devient une
base de sécurité pour l’enfant qui va commencer à explorer son environnement.

Comprendre

L’hospitalisme dénoncé par René Spitz comme conséquence de l’absence de relation


de maternage pouvant conduire à une dépression dite anaclitique et à la mort,
démontre de façon caricaturale que l’enfant n’a pas que des besoins matériels.
L’hospitalisme a atteint une forme de paroxysme dans les orphelinats roumains de
l’époque Ceausescu.
Le nanisme psychosocial est lié à de graves carences ; il s’améliore rapidement quand
l’enfant bénéficie d’un minimum d’attention de la part de substituts parentaux.

Les parents suffisamment bons jouent avec l’enfant, même s’ils n’en ont pas le temps et
veulent se détendre, quand ils en ont l’occasion. Ils écoutent, respectent les émotions de
l’enfant qui sont à sa mesure et non pas à celle d’un adulte, ils ne nient pas les émotions
qu’il ressent : « Chez nous on pleure pas » ; « Calme-toi, ne crie pas » ; « T’as pas honte
d’avoir peur pour si peu » ; etc. Ils ne disqualifient pas ses sensations au nom de leur
112
angoisses de parents : « Mange ! Mais si, c’est bon, voyons ! » ce qui peut l’amener à douter
de ses propres sensations.
En clair, le parent doit être au service de l’enfant et non pas l’inverse comme on le
voit souvent et notamment quand, par exemple, un parent fait des confidences sur ses
préoccupations d’adultes voire sur sa vie sexuelle, à un enfant qui n’est pas en capacité de
les comprendre.
Le socle identitaire se construit dans ses interactions précoces qui permettent à l’enfant
de se sentir désiré, accueilli avec joie et bienveillance, un capital narcissique quasiment
indestructible pour un avenir serein où le sujet se sent bien à sa place (et non pas un
« paumé », un dégénéré, quelqu’un qui n’est pas bien dans ses baskets, etc., le langage
populaire n’étant pas avare d’expressions pour qualifier les sujets carencés qui ont des
problèmes identitaires.)
Une parentalité « suffisamment bonne » consiste aussi à éduquer l’enfant, c’est-à-dire à
lui transmettre des valeurs familiales, sociales et spirituelles, plus par l’exemple que par
les paroles, sans trop compter sur l’école dont le rôle serait plutôt d’instruire les enfants
fut-elle une école confessionnelle que les parents n’ont pas choisie par hasard.
5 • Examen d’un enfant maltraité

Permettre l’autonomie progressive


Le rôle des parents suffisamment « bons » consiste, dans l’idéal, à accompagner l’enfant
pour qu’il devienne un adulte compétent, libre et responsable et donc un « bon » parent à
son tour, sans « vice » transgénérationnel.
Les parents, mais au-delà la société, devraient accepter que les enfants développent leur
potentialité et ne pas faire comme le père de M. QUATRE méthodiquement programmé
pour devenir polytechnicien comme son père, son grand-père, etc., avant lui, ce qui est
également un fantasme partagé par l’éducation nationale, bien souvent maltraitante avec
les élèves qui ne sont pas conformes aux attentes des professeurs. Tâche difficile qui se
heurte à des millénaires d’injonctions diverses du style : « C’est pour ton bien » ; « Tu
comprendras plus tard » ; etc.

Retenir

Une parentalité « suffisamment bien traitante » devrait consister à être parent et en


aucun cas à « avoir » un enfant, pour lui donner les moyens de se réaliser selon ses
potentialités personnelles et non selon le désir des parents.

CONSÉQUENCES SOCIALES ET MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES 113


DES MALTRAITANCES

Mieux que les recherches rétrospectives, les études longitudinales, surtout si elles sont
fondées sur les cohortes de naissance, sont les plus pertinentes. Hélas, l’étude Elfe, première
étude longitudinale française (2011) depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte ne prend pas en
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

compte la maltraitance et ses conséquences. Il nous faudra par conséquent continuer à


nous reporter aux études longitudinales britanniques, néo-zélandaises et scandinaves pour
connaître les conséquences de la maltraitance infantile.

Conséquences sur la santé physique


Reportez-vous à l’étude de Felliti (première leçon, p. 40) qui démontre que les sujets qui
ont subi au moins quatre actes de maltraitances présentent un risque significativement plus
élevé de présenter des troubles ou des maladies.
Il serait fastidieux d’énumérer toutes les études confirmant les liens entre la maltraitance
et la santé physique.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Conséquences sur la santé mentale


D’innombrables études scientifiques font le lien entre les violences sexuelles et autres
maltraitances subies dans l’enfance et l’adolescence avec divers troubles psychiatriques.
Une revue1 de diverses études portant sur les conséquences de maltraitances physiques
subies dans l’enfance a identifié huit types de problèmes :
1. les comportements agressifs et violents ;
2. les comportements criminels non violents ;
3. l’abus de toxiques ;
4. les comportements auto-agressifs et suicidaires ;
5. les problèmes émotionnels ;
6. les problèmes relationnels ;
7. les difficultés scolaires ;
8. les difficultés professionnelles.

À l’adolescence, des troubles de régulation des émotions « internalisés » ou « extériorisés »


peuvent s’amplifier au fil du temps, notamment suite à une revictimation, et prendre la forme
de traits ou troubles de la personnalité. Il a par exemple été démontré qu’un seul incident
potentiellement traumatisant, telle une agression sexuelle, augmente significativement le
risque de présenter des comportements sexuels à risque et des pensées suicidaires chez
114 les femmes au début de l’âge adulte. Or ces manifestations se retrouvent parmi les critères
de trouble de personnalité limite que les spécialistes de la psychotraumatologie appellent
« Trouble psychotraumatique complexe », « DESNOS » ou « Trouble du développement
traumatique ». Reportez-vous à la première leçon (p. 42).

Retenir

Les maltraitances constituent des facteurs de risque de développer des troubles graves
de la personnalité et divers troubles psychiatriques dits comorbides : toxicomanie, état
dépressif et conduites suicidaires, troubles anxieux divers, troubles du comportement.

1. Malinosky-Rummel R., Hansen D. J., « Long-term consequences of childhood physical abuse », Psychol Bull, 114,
1993.
5 • Examen d’un enfant maltraité

Conséquences sur le processus d’inadaptation


ou d’exclusion sociale
Une revue indique que tous les résultats de la recherche scientifique convergent pour démontrer
les effets particulièrement délétères, à court et à long terme, des négligences graves sur
le développement cognitif, socio-émotionnel et comportemental, plus encore qu’en cas des
mauvais traitements physiques qui entraînent préférentiellement des troubles du comportement.
Les maltraitances responsables de nombre d’échecs scolaires en raison de possibles troubles
cognitifs mais aussi en raison de troubles du comportement qui rendent ces enfants indésirables
en classe.
L’expertise collective de l’Inserm menée en 2005 sur le « Trouble des conduites » a démontré
que seuls 4 % des enfants et des adolescents restent constamment violents après l’âge de 24
mois. Ce sont précisément eux qui présentent des « troubles des conduites », des « troubles
oppositionnels avec provocation » et des « troubles déficit de l’attention/hyperactivité »
avec risque d’échec scolaire.
L’échec scolaire peut être le prélude à de grandes difficultés d’intégration dans le
monde du travail. Ces enfants devenus adultes vivent plus souvent dans des conditions
économiquement précaires.

Retenir
115
Les enfants victimes de violences sexuelles et de maltraitance ont plus de difficultés
à s’intégrer socialement.

Conséquences sur la criminalité


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

De multiples études qu’il serait fastidieux d’énumérer dans un Atelier du Praticien, tout
comme l’expérience clinique, font le lien entre :
– maltraitance infantile et troubles graves de la personnalité ;
– maltraitance infantile et criminalité ;
– trouble de la personnalité et criminalité.

L’expertise collective de l’Inserm menée en 2005 sus citée a également démontré que les
4 % d’enfants et d’adolescents constamment violents courent le risque de présenter des
parcours délinquants. Ce constat scientifiquement établi devrait avoir des conséquences sur
la prévention développementale de la délinquance qui devrait s’exercer avant l’âge de trois
ans. Il n’en est rien.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Retenir

Les violences sexuelles et autres maltraitances sont directement corrélées aux


comportements criminels comme elles le sont à certains troubles de la personnalité
criminogène.

Coût social des maltraitances


On imagine sans peine que les conséquences des violences sexuelles et autres maltraitances
infantiles ont un coût important sur les dépenses de santé comme le démontrent des
recherches menées en ce sens.
Le coût de la protection de l’enfance est une part importante du budget des conseils
généraux. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2009, la protection de l’enfance
intéresse 300 000 jeunes pour une dépense d’environ 6 milliards d’euros par an. Pourtant,
l’État ne semble pas décidé à s’attaquer à ce problème de santé publique qui n’a pas été
soulevé dans la campagne électorale de 2012, pourtant centrée sur le gouffre des déficits
publics.

Retenir

116 De nombreuses études démontrent que les violences sexuelles et autres maltraitances
sur les enfants ont des conséquences redoutables autant sur le plan personnel en
termes de troubles psychotraumatiques, troubles graves de la personnalité, états
dépressifs, conduites addictives, troubles somatiques variés, que sur le plan social en
termes d’exclusion ou inadaptation, chômage, pauvreté, échec scolaire, coût de santé
public, criminalité.
5 • Examen d’un enfant maltraité

LE REPÉRAGE DE LA MALTRAITANCE

Le jeune enfant
 Signes d’appel chez l’enfant de moins de 3 ans
Ce sont les parents ou des proches, parfois un travailleur social, qui s’inquiètent et
conduisent un très jeune enfant chez le professionnel de santé.
Ils ont pu s’inquiéter parce qu’il a fait des révélations ou pour un changement de
comportement, une « rupture biographique ».
Parfois le constat d’anomalies ou de lésions périnéales inquiète légitimement les parents.
Le mode de garde de l’enfant peut être mis en cause : nourrice, baby-sitter, professeur,
éducateur.
Il peut s’agir d’une suspicion de violences sexuelles au retour d’une visite après une
séparation plus ou moins conflictuelle.

 Signes d’appel chez l’enfant de 3 ans à la puberté


L’examen peut être réalisé après un dévoilement plus ou moins explicite, ce qui n’est jamais
facile pour l’enfant. 117
L’enfant doit impérativement être cru jusqu’à preuve du contraire par les proches et par les
professionnels. Il faut éviter de faire une enquête et surtout veiller à ne jamais poser des
questions suggestives qui risqueraient de contaminer le discours de l’enfant.
Parfois l’enfant, incapable de comprendre l’acte commis, sème le doute dans l’esprit de
l’examinateur.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’enfant plus âgé qui se confie à un adulte de confiance lui réclame souvent de garder
le dévoilement secret pour épargner un proche estimé fragile par exemple ou pour éviter
l’emprisonnement de l’auteur qui peut avoir fait pression de façon directe ou indirecte dans
ce sens. Le professionnel explique clairement qu’il ne peut pas garder le secret du fait même
de la loi que l’agresseur a bafouée.
D’une façon générale, l’adulte qui recueille le dévoilement doit reconnaître les faits, dire
qu’ils sont interdits, encourager l’enfant, le rassurer en lui disant qu’il n’est pas coupable
ou responsable, lui offrir sa protection en faisant tout pour que cesse la situation.
Parfois l’enfant est examiné parce qu’il présente une blessure des organes génitaux ou pour
une vulvite dont nous verrons les caractéristiques dans le paragraphe concernant l’examen
médico-légal.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

 Examen du jeune enfant


Cliniquement, l’enfant peut présenter des lésions traumatiques qui ont été étudiées à la
première leçon.
Notez les lésions somatiques les plus fréquentes et les arguments en faveur de leur origine
traumatique :
Notez vos arguments en faveur de l’origine traumatique d’une lésion somatique.
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Reportez-vous à la 1re leçon, p. 7, si vous êtes en difficulté.


Les troubles psychotraumatiques chez le jeune enfant se manifestent par :
– des troubles de l’identification et de la gestion des émotions : peur, tristesse et colère ;
– des troubles du comportement : agitation, prostration ;
– un trouble de l’attachement (manque de confiance, sentiment d’insécurité) ;
118 – des sensations corporelles intrusives de plaisir ou déplaisir difficiles à interpréter, des
comportements hypersexualisés, des jeux répétant les agressions subies (syndrome de
reviviscence intrusive) ;
– des évitements concernant l’examen, le déshabillage, les contacts cutanés.

Les comorbidités sont souvent au-devant de la scène clinique : état dépressif, trouble
panique, trouble du sommeil, des conduites alimentaires, des fonctions digestives et
urinaires. Ces troubles ne sont pas spécifiques, mais lorsqu’ils sont présents ils constituent
des arguments compatibles avec des violences sexuelles

En cas de doute, il faut impérativement faire cesser la situation de danger


sans se livrer à une enquête qui pourrait compliquer le dépistage (9e leçon)
5 • Examen d’un enfant maltraité

L’adolescent
Cas clinique n° 11
Magali est convoquée chez la directrice de son établissement scolaire. Elle se fait sermonner
parce qu’elle n’est plus la bonne élève qu’elle a connue. Elle est devenue taciturne, insolente.
Elle fume dans la cour de récréation, manque la classe, ne rend plus ses devoirs. Elle se maquille
et provoque les garçons en cour de récréation. Un surveillant lui a confisqué un joint de
cannabis. Des rumeurs circulent à son sujet : elle serait une « fille facile » et fréquenterait la
« racaille » qui rôde autour du collège. Ses professeurs parlent d’une crise d’adolescence bruyante
et réclament une exclusion temporaire. La directrice tente de lui faire la morale, lui demande de
se ressaisir. Brusquement Magali quitte le bureau en claquant la porte, d’un air buté et décidé.
Elle ne remettra plus les pieds au collège.
Ses parents sont convoqués. Son père, un homme connu pour être charmant et responsable,
demande que l’on soit indulgent avec sa fille. Il explique qu’il tente d’être plus ferme avec elle
mais qu’il n’y parvient pas. Sa mère, apparemment désespérée ne dit mot. La directrice et le père
décident qu’une psychothérapie pourrait lui être bénéfique.

Que pensez-vous du brusque changement de comportement de Magali ? On parle à ce


propos de « rupture biographique » qui, avant d’évoquer une crise d’adolescence, doit
impérativement faire rechercher un ou des événements traumatiques qui pourraient en être
la cause (voir la 1re leçon, p. 41).
Avez-vous des arguments cliniques en faveur de la possible origine traumatique de cette
« rupture biographique » ? Si oui, notez-les dans l’encadré suivant : 119
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Cas clinique n° 11 (suite)


Après un bref retour au collège, Magali fait une « fugue ». La police la trouve en compagnie
de jeunes majeurs « défavorablement connus des services de police », pour vente illicite de
cannabis notamment. Elle est conduite au commissariat et dénonce d’un ton provocateur qui ne
convainc pas les enquêteurs, les violences sexuelles que son père lui inflige depuis six mois, des
attouchements d’abord puis des viols depuis deux mois.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Son père, convoqué à la brigade de protection de la famille, parle d’une « fugue » par esprit
de vengeance. Il n’accepte pas qu’elle sorte le soir et amène son copain à la maison. Il lui a
interdit d’utiliser l’ordinateur familial et a confisqué son téléphone portable en raison de ses
mauvaises notes depuis 6 mois. Il paraît sincèrement effondré par les accusations de sa fille. Les
policiers le prennent en pitié.

Avez-vous d’autres arguments cliniques en faveur de possible l’origine traumatique des


troubles du comportement de Magali ? Si oui, notez-les dans l’encadré suivant :
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Cas clinique n° 11 (suite)


Le parquet demande un examen psychologique sur réquisition.
120 Selon le psychologue requis, Magali présente un tableau de trouble psychotraumatique complexe
typique, lequel est compatible avec les violences familiales qu’elle dénonce.

Les agresseurs passent souvent pour les victimes des sujets à qui ils ont fait
subir des traumatismes répétés : il s’agit du classique mécanisme d’inversion
(4e leçon, p. 91).

 Signes d’appel chez l’adolescent-e


Les violences sexuelles se traduisent de façon très différente si elles sont uniques ou si
elles s’inscrivent dans la répétition.
Une adolescente victime d’un viol extrafamilial unique pourra assez facilement révéler
les faits si elle vit dans un climat de confiance, soit à ses amis, soit à des adultes de
confiance ou à ses parents. Cela est beaucoup plus difficile pour une adolescente victime
de maltraitances familiales et notamment de violences sexuelles.
À l’adolescence, en lien avec les enjeux pubertaires, les plaintes somatiques sont fréquentes
mais peu spécifiques, c’est pourquoi il est important de penser systématiquement à
5 • Examen d’un enfant maltraité

l’éventualité de violences sexuelles en abordant avec tact la question de façon directe,


surtout lorsqu’une adolescente ou un adolescent présente :
– un état dépressif avec ou sans conduite suicidaire ;
– des troubles des comportements alimentaires (anorexie, boulimie) ;
– des conduites auto-agressives (automutilation, tentatives de suicides) ;
– des conduites toxicomaniaques débutant après le traumatisme ou s’amplifiant que l’on
retrouve autant dans les deux sexes ;
– des prises de risque ;
– une vie sexuelle précoce, avec partenaires multiples, sans protection, maladies
sexuellement transmissibles, des grossesses précoces, des avortements, des conduites
prostitutionnelles ;
– des troubles dissociatifs ;
– des conduites agressives ou délinquantes ;
– un soudain désintérêt pour la scolarité (absentéisme, phobies scolaires, exclusion) ;
– des fugues qu’il ne faut nommer comme telles lorsque l’adolescent quitte sa famille ou
une institution pour échapper à de graves maltraitances.

Une « rupture biographique » est évocatrice et doit faire rechercher l’existence de violences
sexuelles, tout simplement en posant la question comme cela a été largement étudié.
Notez les questions vous auriez posées à Magali
et quelles précautions vous auriez prises 121
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Reportez-vous à la 4e leçon, p. 100 si vous êtes en difficulté.

 Examen clinique
Le tableau clinique est très différent selon que l’adolescent-e est victime d’actes d’un
traumatisme unique ou de traumatismes multiples comme des agressions sexuelles répétées,
surtout de la part d’un proche.
Notez les complications habituelles d’un traumatisme unique chez un-e adolescent-e bien
structuré-e.
Complications habituelles d’un traumatisme unique
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

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Reportez-vous à la 1re leçon si vous êtes en difficulté.


Notez les complications habituelles de traumatismes répétés possibles chez un-e adolescent-
e comme Magali ?
Complications habituelles d’un traumatisme répété
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Reportez-vous à la 1re leçon si vous êtes en difficulté.

122 LE DÉPISTAGE DE LA MALTRAITANCE

Le dépistage est à différencier du repérage qui est une première approche, généralement
réalisée par des « profanes » contrairement au dépistage qui est le fait de professionnels.
Cet Atelier du Praticien n’est pas destiné aux spécialistes du dépistage de la maltraitance,
lesquels sont des médecins légistes, des pédiatres, des pédopsychiatres ou des psychologues
d’enfants.
Pour examiner un enfant, l’évaluateur, en accord avec les recommandations
de l’Audition publique sur l’expertise psychiatrique pénale (2007), est un
psychologue d’enfants ou un pédopsychiatre confirmé.

Il s’agit avant tout de faire cesser la situation de danger et de bien connaître les règles
de la transmission des « informations préoccupantes » ou du signalement judiciaire des
enfants en danger, sujet de la 9° leçon.
La pire erreur serait de faire une enquête ou de pratiquer un examen incomplet par peur de
se tromper et ainsi de compliquer l’enquête en faisant des suggestions que l’enfant risque
d’intégrer dans ses propos.
5 • Examen d’un enfant maltraité

RÉPONSES

Réponses au questionnaire initial


1. Deux enfants au moins décèdent tous les jours sous les coups de ses parents
selon une enquête de l’Inserm réalisée par Anne Tursz et son équipe

2. D’après un article du Lancet, 10 % des enfants sont maltraités dans les pays
industrialisés

3. Selon la Bible, il faut honorer son père et sa mère sous peine de mort, injonction
reprise dans l’art. 371 C. civ. : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à
ses père et mère » créé en 1970

4. La résilience n’est pas une qualité personnelle ; les facteurs de résilience, c’est-
à-dire tout ce qui améliore les liens sociaux, permettent de mieux supporter les
situations traumatiques.

5. Les douze enfants présents lors du procès en appel d’Outreau ont été reconnus
victimes de viols et d’actes de proxénétisme et indemnisés comme telles.

6. Le dépistage est à différencier du repérage qui est une première approche, 123
généralement réalisée par des « profanes » contrairement au dépistage qui est
le fait de professionnels.

7. Les brigades des mineurs (BM) sont devenues les brigades locales de protection
de la famille (BLPF), quid des enfants ?

8. La recherche scientifique sur la maltraitance est peu développée voire méprisée


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

en France

9. Elfe, la première étude longitudinale française depuis l’enfance jusqu’à l’âge


adulte fait effectivement l’impasse sur la maltraitance

10. La loi du 5 mars 2007 est faite pour prévenir les difficultés auxquelles les parents
peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives,
d’accompagner les familles (...)
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Résumé

1. 10 % des enfants sont maltraités dans les pays développés.


2. La maltraitance est l’objet d’un déni de réalité.
3. Une parentalité « suffisamment bien traitante » consisterait à être parent
pour donner à l’enfant les moyens de se réaliser selon ses potentialités et
non selon le désir des parents.
4. La sacralisation des liens parentaux est probablement le plus grand obstacle
à la protection de l’enfance.
5. Les maltraitances constituent des facteurs de risque de développer des
troubles graves de la personnalité dits « traumatiques complexes ».
6. Les maltraitances constituent des facteurs de risque de développer des
troubles comorbides : états dépressifs, addictions, troubles somatiques,
exclusion ou inadaptation, pauvreté, échec scolaire.
7. Les enfants victimes de violences sexuelles et de maltraitance ont plus de
difficultés à s’intégrer socialement.
8. Les maltraitances sont directement corrélées aux comportements criminels
comme à certains troubles de la personnalité « criminogène ».
9. Une « rupture biographique » doit impérativement faire rechercher un ou
des événements traumatiques qui pourraient en être la cause.
10. Le dépistage, à différencier du repérage, une première approche, générale-
ment réalisée par des profanes.
124
11. Le dépistage est réalisé par des professionnels.
12. Pour dépister les troubles psychologiques d’un enfant, l’évaluateur doit être
un psychologue d’enfants ou un pédopsychiatre confirmé.
5 • Examen d’un enfant maltraité

 Notes
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125
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Leçon 6

Le réseau
d’accompagnement
126
socio-judiciaire pour
une victime d’accident
SOMMAIRE

Testez vos connaissances préalables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129


Notions sur la procédure d’indemnisation d’une victime d’accident 130
Le modèle transactionnel : la procédure amiable et contradictoire 130
La procédure civile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Les accidents du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
L’évaluation des besoins d’une victime d’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Besoins sociaux d’une victime d’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Besoins judiciaires d’une victime d’accident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
L’aide aux victimes d’accidents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
En cas de difficultés familiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
En cas de difficultés pécuniaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
En cas de difficultés scolaires ou professionnelles . . . . . . . . . . . . . . . 136
Le réseau d’aide aux victimes d’accidents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
La sécurité sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
L’assurance accident du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137 127

L’assurance de protection juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138


L’avocat spécialisé en dommage corporel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
L’association d’aide aux victimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
Les bureaux d’aide aux victimes (BAV) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les maisons de justice et du droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139


Le médecin de recours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Réponses au questionnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cette sixième leçon est destinée à vous familiariser avec le réseau d’accompagnement qui
vous permettra de vous concentrer sur votre travail en confiant à d’autres professionnels
les tâches indispensables pour lesquelles vous n’êtes pas compétents.

En matière d’accident de la voie publique, la loi favorise une procédure amiable


et contradictoire pour « liquider » les préjudices subis pas les victimes.

128
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

TESTEZ VOS CONNAISSANCES PRÉALABLES

Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non
1. Le fait que le médecin évaluateur soit missionné par la compagnie
du tiers responsable constitue un conflit d’intérêt

2. La règle de l’examen contradictoire est destinée à limiter les


conséquences de ce conflit d’intérêt

3. J’aurais proposé à Mlle QUATORZE de l’accompagner chez l’expert


pour défendre ses intérêts comme me le permet la loi

4. Je connais une alternative pour faire respecter le caractère


contradictoire des examens amiables favorisés par la loi pour les
victimes d’AVP.
5. Lorsqu’un patient subit un accident, je me livre à une évaluation
des conséquences familiales, sociales, professionnelles pour tenter
d’y remédier
6. Je demande l’ALD 30 pour certains patients psychotraumatisés au 129
titre de « Trouble grave du comportement »

7. Je possède l’adresse d’un médecin de recours dans mon carnet


d’adresse
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

8. Je possède l’adresse d’une association d’aide aux victimes

9. Je conseille toujours l’aide d’un avocat spécialisé en dommage


corporel pour mes accidentés

10. Je connais l’importance d’une assurance de protection juridique


pour couvrir les frais que génèrent les procédures civiles.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

NOTIONS SUR LA PROCÉDURE D’INDEMNISATION


D’UNE VICTIME D’ACCIDENT

Le modèle transactionnel : la procédure amiable


et contradictoire
En raison de sa rapidité et de sa souplesse, le modèle transactionnel au terme d’une
procédure amiable et contradictoire est privilégié par la loi dite loi Badinter concernant
les accidents de la voie publique.
L’évaluation du dommage corporel est réalisée par un médecin-conseil d’assurance qui,
parfois, ne pratique que cette activité. Le contradictoire devrait permettre d’éviter ce
conflit d’intérêt. Pour ce faire, l’assureur est tenu d’informer la victime qu’elle peut être
accompagnée par un avocat ou un médecin de son choix (art. L. 211-10 C. ass.). Mais en
pratique, il est rare que l’assuré fasse appel à un médecin-conseil de recours, nécessairement
indépendant des compagnies d’assurance.
Les frais de recours sont à la charge de la victime sauf si elle bénéficie d’une assurance de
protection juridique (p. 136).

130
La procédure civile
La procédure amiable et contradictoire est conseillée pour éviter les lourdeurs d’une
procédure judiciaire, longue et coûteuse.
En cas d’échec de la procédure amiable la victime, ou son conseil, peut saisir le tribunal
civil selon une procédure d’urgence (le référé) ou directement sur le fond.
L’évaluation des dommages corporels est alors confiée à un expert judiciaire, mais elle se
déroule en respectant le principe du contradictoire, c’est-à-dire, en règle, en présence du
médecin-conseil d’assurance. Il est donc indispensable, là encore, que le blessé soit assisté
par un médecin-conseil de recours.
Les honoraires d’expertise civile (de l’ordre de 600 à 1000 €) sont à la charge du blessé.
Les honoraires d’avocat peuvent être remboursés partiellement ou en totalité par la partie qui
succombe dans ses prétentions – jolie formule juridique – quand le juge estime inéquitable
de laisser à la charge de la victime une partie des sommes exposées (art. 700 C. pr. civ.)
L’assurance de protection juridique peut également prendre en charge les frais de recours
(voir p. 138).
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

Le justiciable économiquement faible peut faire une demande d’aide juridictionnelle qui
sera totale ou partielle selon ses revenus s’il refuse la procédure amiable ou s’il ne partage
pas les conclusions du médecin évaluateur.

Les accidents du travail


Les accidents de travail couvrent tout le champ de l’accidentologie physique et psychique.
Ce sont des accidents survenant par le fait ou à l’occasion du travail (art. L 411-1
CSS). Les accidents de trajet : aller-retour du domicile au travail et sur le lieu des repas,
sont également pris en compte. Les personnels, témoins ou clients des établissements
financiers, commerciaux ou industriels, victimes directes, témoins ou clients « en mission
professionnelle » au moment d’un braquage, sont reconnus au titre de l’accident de travail.
Deux catégories de critères sont pris en compte - administratifs et médicaux - résumés dans
le tableau suivant :
MATÉRIALITÉ DE L’AT RELATION DE CAUSALITÉ

Critère administratif Critère médical

Par l’action soudaine et violente d’une cause exté- La relation de cause à effet entre l’accident et la
rieure provoquant (...) une lésion de l’organisme lésion est appréciée par le médecin-conseil.
humain
131
Caractère professionnel, par le fait ou à l’occasion La preuve est apportée par le Certificat initial.
du travail

Il y a présomption légale d’imputabilité (renver- Il y a une présomption légale d’imputabilité pour


sement du fardeau de la preuve). les lésions qui se manifestent précocement.

La preuve du contraire est à la charge de la caisse La preuve du contraire est à la charge de la caisse
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

(enquête par un inspecteur) (expertise, autopsie)

La consolidation est définie comme étant « le moment où, à la suite de l’état transitoire
que constitue la période de soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent, sinon
définitif, tel qu’un traitement n’est plus, en principe nécessaire si ce n’est pour éviter
une aggravation et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente,
consécutif à l’accident sous réserve de rechute ou de révision possible ».
La guérison n’entraîne pas la fermeture définitive du dossier : une rechute, une aggravation
ou une amélioration, peuvent entraîner la réouverture du dossier.
Des soins d’entretien post consolidation sont possibles après accord entre le médecin
traitant et le médecin-conseil.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

L’incapacité permanente partielle (IPP) est appréciée en fonction de l’incapacité physique,


mentale, professionnelle, mais aussi de l’âge de l’assuré. Le médecin-conseil établit un
rapport détaillé et fixe l’IPP en fonction d’un barème spécifique. S’y ajoute un taux
socioprofessionnel s’il existe.
Le montant de rente dépend de l’IPP par rapport au salaire plafonné, selon les modalités
décrites dans le tableau suivant :

IPP < 10 % > capital forfaitaire

IPP < 66,66 % > versement trimestriel

IPP < 50 % > diminution de 50 % de la rente

IPP > 66,66 % > versement mensuel


exonération du ticket modérateur pour l’assuré et ses ayants
droits

IPP = 100 % > augmentation de 40 % + majoration tierce personne

DÉCÉS > 30 % au conjoint (50 % si âge > 55 ans ou invalide)

> 15 % aux 2 derniers enfants

132 > 10 % aux suivants et aux ascendants à charge

La révision du taux d’IPP est possible, à la demande de l’assuré (aggravation) ou du


médecin-conseil (amélioration ou aggravation).
La rechute (art. L 443-2 CSS) entraîne le renversement de la charge de la preuve qui incombe
à l’assuré. Elle donne droit aux prestations en nature et en espèces jusqu’à guérison ou
consolidation. Elle n’entraîne pas une augmentation d’IPP.
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

L’ÉVALUATION DES BESOINS D’UNE VICTIME D’ACCIDENT

Retour sur la lettre avant expertise concernant Mlle QUATORZE

Mon cher confrère,


Vous allez examiner Mlle QUATORZE née le 2 janvier 1992 dont je suis le médecin traitant
depuis son enfance.
Jeune fille sans antécédent particulier, bonne élève terminant un BEP de comptabilité,
elle a subi un accident de la voie publique le 12 août 2009 dont elle n’en a aucun
souvenir, s’étant réveillée dans le véhicule des pompiers.
Elle a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale et diverses
blessures dont une plaie du cuir chevelu (Cf. CMI).
Rapidement, elle a présenté des troubles post commotionnels se manifestant par des
céphalées bitemporales importantes, des sensations vertigineuses, des troubles du
caractère, puis des troubles paniques pour lesquels je lui ai prescrit de la paroxétine et
une benzodiazépine pendant 1 an jusqu’en septembre 2010.
Le Dr SYNAPSE, mon correspondant neurologue, lui a fait pratiquer des tests neuropsy-
chologiques qui ont confirmé ses difficultés attentionnelles, sa fatigabilité, un défaut
d’autocontrôle sur le plan cognitif et comportemental bien que paradoxalement le niveau
de raisonnement et le processus d’apprentissage étaient préservés, quoique fluctuant en
133
raison des difficultés attentionnelles (Cf. compte rendu).
J’insiste sur le fait qu’elle a redoublé sa deuxième année de BTS en raison de ces troubles
et qu’elle ne s’est pas sentie assez forte pour reprendre des études. Je lui demande de
se munir de ses bulletins scolaires de 3° et première année de BTS s’il fallait vous en
convaincre. Fort heureusement, elle est parvenue à travailler dans un garage pendant 6
mois et, après une période de chômage, elle a retrouvé un emploi dans un supermarché
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

vers le 15 octobre 2011.


Elle vient de se mettre en ménage avec le conducteur qui l’a constamment soutenue.
Je vous prie de croire, etc.

Bien que votre lettre rendra de grands services à Mademoiselle QUATORZE, elle est venue vous
consulter parce qu’elle a reçu la convocation vous invitant à l’assister pendant l’expertise.
Vous avez probablement refusé, mais vous êtes vous assuré qu’elle est judicieusement
conseillée et assistée pour être correctement indemnisée ?
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

Je me serais assuré que Mlle QUATORZE est bien conseillée et assistée

À défaut, j’aurais pris des initiatives concrètes pour qu’elle le soit

Lorsqu’un accidenté vous consulte, il est impératif de faire une évaluation des conséquences
familiales, sociales, professionnelles du traumatisme subi pour tenter d’y remédier.

Besoins sociaux d’une victime d’accident


 Difficultés familiales
Mademoiselle QUATORZE a eu la chance d’être soutenue pas sa famille, son fiancé, son
médecin traitant. Ce n’est pas toujours le cas.
Les conséquences médico-psychologiques liées à l’accident peuvent être mal vécues par
les membres de la famille de la victime qui ne la reconnaissent plus, l’incitent inutilement
à ne plus penser à l’accident, ne supportent pas ces variations d’humeur, ses conduites
d’évitement, etc.
134

 Difficultés pécuniaires
Les conséquences de l’accident peuvent mettre en difficultés pécuniaires le blessé qui perd
une partie de ses revenus alors que ces charges restent les mêmes comme ses emprunts
dont certains peuvent être couverts par une assurance. Il doit de surcroit avancer les frais
médicaux et ceux qu’entraîne la procédure : avocat, médecin-conseil.

 Difficultés scolaires ou professionnelles


Mademoiselle QUATORZE a échoué au BTS de comptabilité, ce qui constituerait une perte de
chance si cet échec était lié à des difficultés secondaires liées à l’accident comme le pense
le Dr ANGULAIRE qui prend la sage précaution de lui conseiller de se munir de ses bulletins
scolaires des années précédentes pour convaincre l’expert.
Après consolidation et arrêt des psychotropes, Mademoiselle QUATORZE a trouvé un emploi
de bureau pendant six mois. Elle estime qu’elle a du démissionner parce qu’elle présentait
des céphalées, des troubles de la concentration, une asthénie, ce qui représente une perte de
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

revenus avec 6 mois de chômage, le tout indemnisable si elle peut apporter des arguments
le prouvant, comme les tests neuropsychologiques que le Dr SYNAPSE lui a fait pratiquer.
La durée de l’arrêt de travail et les séquelles de l’accident peuvent avoir des conséquences
fâcheuses sur le déroulement de la carrière professionnelle d’un blessé.

Besoins judiciaires d’une victime d’accident


Le blessé s’imagine souvent à tort qu’il lui faut porter plainte et obtenir une ITT supérieure
à 8 jours pour être mieux indemnisé.
Il s’offusque quand il comprend que l’évaluation de ses préjudices est faite par le médecin
de l’assurance adverse.
Il cherche parfois de l’aide auprès de son médecin traitant ou des divers spécialistes qui
l’ont traité, lesquels refuse de l’accompagner voire de faire des lettres ou des certificats
comme a pu le faire le médecin traitant de Mademoiselle QUATORZE.
Il ne sait à qui s’adresser. Ignore souvent qu’il pourrait trouver de l’aide auprès d’une
association. Il ne sait à quel avocat s’adresser. Il s’offusque du montant des demandes
d’honoraires réclamés par un avocat ou un médecin-conseil personnel, etc.

Le réseau d’accompagnement social et judiciaire permet de remédier autant


que faire se peut à toutes les difficultés qui peuvent s’amonceler sur le
parcours de reconstruction d’une victime. 135

L’AIDE AUX VICTIMES D’ACCIDENTS


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Au terme de l’évaluation, il convient d’orienter le blessé selon les besoins qui ont été
repérés.

En cas de difficultés familiales


En cas de difficultés familiales, il convient de proposer des entretiens individuels ou
familiaux à tous les membres de la famille en souffrance pour leur expliquer la nature des
troubles, l’évolution prévisible, le traitement proposé.
L’entourage familial peut être « victime par ricochet » des difficultés que rencontre la
victime et il lui faudra être bien conseillé pour obtenir une possible réparation parce qu’il
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

sera nécessaire, comme c’est la règle, de prouver le bien-fondé d’une éventuelle procédure
d’indemnisation.

En cas de difficultés pécuniaires


Les accidentés en arrêts de travail perçoivent les indemnités journalières s’ils travaillent.
Si le blessé présente des difficultés pécuniaires, et notamment s’il ne perçoit aucune
indemnité, il est possible de réclamer une provision à la compagnie d’assurance.
En cas de refus de versement d’une provision, la victime peut saisir le juge des référés.

Le principe de la réparation intégrale étant posé en matière d’indemnisation,


la victime ne devrait en aucun cas subir la moindre perte.
Cependant il faut apporter la preuve des pertes subies

En cas de difficultés scolaires ou professionnelles


Il convient d’apporter la preuve que des redoublements sont en rapport direct et certain
avec un accident ou que ce dernier a marqué un frein voire une régression dans le parcours
professionnel d’une victime d’accident en produisant des témoignages, des feuilles de paie,
etc., travail difficile dont doit se charger un avocat aidé par un comptable.
136
Une reprise peut être envisagée à temps partiel avec l’accord du médecin-conseil de
la Sécurité sociale. En cas de désaccord, notamment sur la date de consolidation, il est
possible de réclamer une expertise conformément aux dispositions de l’article 141.1 CSS.
Le médecin traitant peut choisir un des médecins proposés par le médecin-conseil sur le
protocole d’expertise ou en proposer d’autres. En cas de désaccord avec le médecin-conseil,
le directeur général de l’ARS désigne un expert en matière de sécurité sociale.
Le médecin du travail peut être un précieux allié si le patient rencontre des difficultés
avec sa direction ; il peut recommander un aménagement de poste de travail avec
éventuellement l’appui de la direction des ressources humaines ou du Comité d’hygiène, de
sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
En cas de licenciement, il faut conseiller un avocat spécialisé en droit du travail pour
engager une procédure prud’homale.
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

LE RÉSEAU D’AIDE AUX VICTIMES D’ACCIDENTS

La sécurité sociale
Les psychotraumatisés présentant des troubles graves du comportement ont la possibilité
d’être exonéré du ticket modérateur à ce titre.
L’assurance maladie prend en charge les soins consécutifs à un accident, mais elle exercera
une action récursoire pour récupérer les frais qu’elle a engagés auprès de la compagnie
d’assurance chargée de l’indemnisation.

L’assurance accident du travail


Au reçu du certificat final de guérison ou consolidation, la Caisse notifie sa décision
après avis du médecin-conseil, car la date de guérison ou de consolidation relève de sa
compétence et non pas de celle du médecin traitant.
Le contentieux technique de la Sécurité sociale règle les litiges d’ordre médical relatifs à :
– l’invalidité en cas (de maladie ou) d’accident,
– l’Incapacité permanente en cas d’accident de travail,
– certaines décisions prises par la MDPH.
137
Les décisions d’ordre médical prises par les médecins conseils peuvent être très simplement
et rapidement contestées en ayant recours à une expertise prévue à l’art. L 141.1 CSS.
Techniquement, le médecin traitant de la victime doit exposer clairement l’objet du litige
sur l’imprimé prévu à cet effet. Il intervient dans le choix de l’expert pris d’un commun
accord avec le médecin-conseil. Il peut récuser les trois experts habituellement proposés
par la caisse et en proposer d’autres. En cas de désaccord persistant, le médecin directeur
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de l’ARS désigne l’expert.


Le médecin-conseil et le médecin traitant peuvent assister à l’expertise, mais le patient
peut être assisté par un médecin de recours.
Les conclusions de l’expert s’imposent aux parties, bien qu’elles aient perdu, en théorie
plus qu’en pratique, leur caractère irréfragable du fait de la loi 9086 du 21 janvier 1990 qui
dispose : « Au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une
nouvelle expertise ».
Le tribunal du contentieux de l’incapacité (Commission régionale) statue en première
instance. Il est présidé par le Directeur l’ARS (ou son représentant) entouré d’un médecin
expert, d’un médecin-conseil et du médecin désigné par la victime.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Il est possible d’interjeter appel devant la Cour nationale de l’incapacité et de la


tarification de l’assurance des accidents de travail qui n’est pas composée de médecins.
Elle statue sur pièces et peut ordonner une expertise qui n’est qu’un avis technique destiné
à l’éclairer.
La contestation d’une décision de la Cour nationale passe par le pourvoi en cassation.

L’assurance de protection juridique


L’assurance de protection juridique est destinée à défendre et à faire valoir les droits
des assurés, de leur conjoint, enfants et, le plus souvent, de toute personne vivant
habituellement avec le bénéficiaire.
Elle n’a pas pour objet de prendre en charge les dommages qui sont indemnisés par d’autres
assurances (multirisque habitation par exemple). Cette assurance peut être proposée soit
en annexe à un contrat d’assurance (habitation, automobile, etc.), soit par contrat séparé.
Elle permet de faire bénéficier de conseils et d’une assistance juridique.
Si une procédure devient nécessaire, l’assurance prend en charge le paiement des honoraires
d’avocat et des frais de justice dans les limites prévues par le contrat. Il est donc recommandé
de bien en connaître les clauses (types de litiges couverts, limites de remboursement des
honoraires d’avocat, médecin de recours, etc.)
L’accord de l’assureur est nécessaire avant toute action judiciaire ou avant d’engager certains
138 frais (huissier, expert, etc.). L’assuré est parfois tenu de prendre l’avocat ou le médecin
de recours recommandé par l’assureur, mais les victimes et les associations contestent
l’indépendance de ces professionnels.

L’avocat spécialisé en dommage corporel


L’aide d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel est précieuse sinon indispensable.
Les frais d’avocat peuvent être pris en charge par l’assurance de protection juridique du
blessé s’il en a souscrit une.
Le blessé doit impérativement signer un protocole d’honoraires très clair pour éviter toute
contestation ultérieure. Les avocats prennent en général un pourcentage sur le montant de
l’indemnisation (de l’ordre de 10 %).
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

L’ANADAVI1 est une association nationale d’avocats spécialisés dans la réparation du


dommage corporel.

L’association d’aide aux victimes


Les associations d’aide aux victimes, d’accès facile, totalement gratuite, apportent un
soutien aux accidentés, mais en aucun cas des soins, psychothérapeutiques notamment.

Ne pas confondre l’aide et le soutien aux victimes, apanage des associations,


avec une psychothérapie qui est un acte médical.

Elles favorisent l’accès au droit mais ne se substituent en aucun cas à l’avocat.


Les professionnels de santé ont tout intérêt à travailler avec une telle association dont les
coordonnées doivent figurer dans le carnet d’adresses de leurs correspondants.
Ces associations sont qualifiées pour procéder à l’évaluation des besoins des victimes afin
de les orienter de façon conséquente (quand bien même ne seraient-elles pas autorisées à
proposer un avocat qui ne figure pas sur une liste).
L’association généraliste la plus accessible sur tout le territoire français pour les victimes
d’accident est l’INAVEM2 (Institut national d’aide aux victimes et de médiation).

139
Les bureaux d’aide aux victimes (BAV)
Dans les palais de justice, des BAV organisent des permanences pour accompagner les
victimes dans leurs démarches judiciaires.
Pour trouver un bureau d’aide aux victimes : consulter <annuaire.justice. gouv.fr>
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les maisons de justice et du droit


Les maisons de justice et du droit, ainsi que les centres départementaux d’accès au droit
(CDAD), sont des organismes publics qui orientent et renseignent le public dans ses droits.
Des consultations gratuites d’avocats y sont dispensées. Il en existe un peu partout sur le
territoire.

1. ANADAVI (Association Nationale des Avocats de Victimes de Dommages Corporels). Voir coordonnées en fin
d’ouvrage.
2. INAVEM (Institut national d’aide aux victimes et de médiation). Voir coordonnées en fin d’ouvrage.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Le médecin de recours
Il est conseillé de faire assister son patient par un médecin-conseil de victimes, dit de
recours, lors des expertises.
Ce médecin formé, nécessairement indépendant des compagnies d’assurance, facilite
l’expertise en sécurisant la victime, en mettant en ordre le dossier et en participant
à la discussion médico-légale qui dès lors devient réellement contradictoire.
En cas de désaccord avec le médecin évaluateur missionné par la compagnie d’assurance,
il peut proposer à la victime et à son conseil un arbitrage confié à un médecin réputé
indépendant de la compagnie d’assurance ou directement une procédure judiciaire (voir
ci-dessus).
Les honoraires du médecin de recours peuvent être pris en charge par une assurance de
protection juridique ou par l’assurance à l’issue de la procédure d’indemnisation.
L’ANAMEVA1 est une association nationale qui fédère un grand nombre de médecins de
recours.
Le tableau annexé page X résume les besoins sociaux, judicaires et médico-
psychologiques d’une victime d’accident ou d’agressions et les réponses
possibles qu’offre le réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire.

140

1. ANAMEVA (Association nationale des médecins conseils de victimes d’accidents). Voir coordonnées en fin
d’ouvrage.
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE

1. Le fait que le médecin évaluateur soit missionné par la compagnie du tiers responsable
constitue un authentique conflit d’intérêt.
2. La règle de l’examen contradictoire est effectivement destinée à limiter les
conséquences de ce conflit d’intérêt.
3. Vous n’êtes pas formé pour assister un blessé lors d’une expertise qui nécessite un
savoir faire que l’on peut acquérir en obtenant un diplôme de réparation du dommage
corporel.
4. Les médecins conseil de victimes, dits de recours, sont qualifiés pour assister les
victimes lors de toutes les expertises civiles.
5. Il est nécessaire de procéder à une évaluation des conséquences familiales, sociales,
professionnelles mais ce travail peut être confié à une association d’aide aux victimes
6. Les patients psychotraumatisés peuvent bénéficier de l’ALD 30 pour « Trouble grave
du comportement ».
7. L’ANAMEVA regroupe bon nombre de médecins de recours.
8. Notez dès à présent les coordonnées de l’INAVEM dans votre carnet d’adresse
9. L’ANADAVI est une association nationale d’avocats spécialisés dans la réparation du
dommage corporel. 141
10. Une bonne assurance de protection juridique couvre les frais que génèrent les
procédures civiles.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Résumé

1. En matière d’accidents de la voie publique la loi dite Badinter favorise la procédure


amiable et contradictoire pour liquider les dommages corporels.
2. En cas d’échec de la procédure amiable, la victime, ou son conseil, peut saisir le
tribunal civil soit selon une procédure d’urgence, le référé, soit sur le fond.
3. Les accidents du travail bénéficient d’une législation particulière.
4. Il est indispensable de faire une évaluation des conséquences familiales, sociales,
professionnelles consécutives au traumatisme subi pour tenter d’y remédier.
5. Les associations d’aide aux victimes sont spécialement qualifiées pour faire ce
bilan évaluatif et orienter les victimes.
6. Les psychotraumatisés présentant des troubles graves du comportement peuvent
être exonérés du ticket modérateur.
7. L’assurance de protection juridique joue un rôle important pour prendre en charge
les dépenses liées à la procédure d’indemnisation.
8. L’aide d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel est indispensable.
9. Le recours à un médecin-conseil de victimes, dit de recours, est indispensable
lors des expertises civiles.
10. Les médecins doivent travailler en réseau et disposer des adresses des
correspondants du réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire dans leur
carnet d’adresses.
142

Pour parfaire votre connaissance de la prise en charge des victimes d’accidents,


référez-vous à la dixième leçon consacrée aux soins.
6 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’accident

 Notes
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Leçon 7

Le réseau
d’accompagnement
144
socio-judiciaire pour
une victime d’agression
SOMMAIRE

Testez vos connaissances préalables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147


Notions sur la procédure d’indemnisation d’une victime d’agression 148
La procédure pénale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
L’indemnisation devant les juridictions pénales . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
L’indemnisation devant la commission d’indemnisation
des victimes d’infraction (CIVI) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Les autres procédures utilisables en matière civile . . . . . . . . . . . . . . 152
L’expertise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
L’évaluation des besoins d’une victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . 153
Besoins sociaux d’une victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Besoins judiciaires d’une victime d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
L’aide aux victimes d’agressions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
En cas de difficultés familiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
En cas de difficultés pécuniaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
En cas de difficultés scolaires ou professionnelles . . . . . . . . . . . . . . . 157 145
Le réseau d’aide aux victimes d’agressions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
La sécurité sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
L’assurance accident du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
L’assurance de protection juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’avocat spécialisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159


L’association d’aide aux victimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Les bureaux d’aide aux victimes (BAV) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Les maisons de justice et du droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Le médecin de recours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Réponses au questionnaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
Annexe Évaluation des besoins et orientation d’une victime
d’accident ou d’agression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cette septième leçon est destinée à vous familiariser avec le réseau d’accompagnement
socio-judiciaire des victimes d’agressions extrafamiliales.
Le premier paragraphe décrit la procédure pénale pour vous puissiez conseiller utilement
vos patients, mais il est préférable de les orienter dans le réseau d’accompagnement social
et judiciaire qui facilite l’accès au droit pour vous concentrer sur votre travail en confiant
à d’autres des tâches indispensables pour lesquelles vous n’êtes pas suffisamment formé.

La huitième leçon concerne l’accompagnement des victimes de violences de


couple qui sont des victimes d’agressions dont l’accompagnement pose des
problèmes différents.

146
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

TESTEZ VOS CONNAISSANCES PRÉALABLES

Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non
Une victime d’agression dont l’auteur présumé est inconnu ne peut être
indemnisée

Une victime d’agression dont l’auteur n’est pas solvable doit renoncer à
percevoir ses dommages et intérêts

J’aurais proposé à M. TREIZE de l’accompagner chez l’expert pour défendre


ses intérêts comme me le permet la loi

Un officier de police judiciaire peut refuser de prendre une plainte au


profit d’une main courante

Lorsqu’un patient subit une agression, je me livre à une évaluation des


conséquences familiales, sociales, professionnelles pour tenter d’y
remédier
Je demande l’ALD 30 pour certains patients psychotraumatisés au titre
de « Trouble grave du comportement » 147
Je possède l’adresse d’un médecin de recours dans mon carnet d’adresses

Je possède l’adresse d’une association d’aide aux victimes


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Je conseille toujours l’aide d’un avocat spécialisé en dommage corporel


pour mes patients victimes de violences

Je connais l’importance d’une assurance de protection juridique pour


couvrir les frais que génèrent les procédures civiles.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

NOTIONS SUR LA PROCÉDURE D’INDEMNISATION


D’UNE VICTIME D’AGRESSION

Ce paragraphe est destiné à vous familiariser avec une procédure complexe


afin de vous puissiez conseiller utilement vos patients...
Cependant, nous vous conseillons de travailler en réseau avec une association
d’aide aux victimes qui facilitent l’accès au droit, et avec un avocat qui
s’occupe de la procédure.

La procédure pénale
 Les règles de la procédure pénale
Ces règles s’appliquent dès que l’origine du préjudice subi par une victime est une infraction.
La procédure pénale commence le plus souvent par un dépôt de plainte auprès d’un officier
de police judiciaire (OPJ), du Procureur de la République ou encore du Doyen des Juges
d’Instruction.
Un OPJ ne peut refuser de prendre une plainte ; il a l’obligation de rappeler ses droits
148 à la victime, dont la possibilité de saisir la Commission d’indemnisation des victimes
d’infractions (CIVI) voir infra (p. 150).
Après un dépôt de plainte, le procureur de la République dispose de l’opportunité des
poursuites : il peut poursuivre le suspect ou procéder à un classement sans suite.

En cas de classement sans suite, le plaignant reçoit un avis de classement


sans suite motivé.
S’il conteste la décision, il peut former un recours auprès du procureur général
ou déposer une plainte avec constitution de partie civile.

En cas de poursuites, la victime peut choisir d’être présente comme témoin ou se constituer
partie civile pour s’associer aux poursuites engagées par le procureur et devenir acteur de
la procédure.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

La partie civile peut, c’est fortement conseillé, être assistée par un avocat :
– pendant l’information, l’avocat aura accès au dossier dans les mêmes conditions que le
conseil du mis en examen ; il sera présent aux côtés de la partie civile lors des auditions
et confrontations ;
– à l’audience, il prendra la parole au nom de la partie civile et plaidera en son nom, et il
pourra même la représenter si elle ne souhaite pas se déplacer.

Retenir

Une fois la peine prononcée et la réparation effectuée, la victime doit se débarrasser


du statut de victime pour tenter de redevenir un citoyen comme un autre.

 Les risques de la plainte


Les victimes, mais aussi tous ceux qui ont pour métier de les aider ou de les accompagner
doivent connaître les risques d’une plainte. Certaines peuvent en effet exposer la victime à
des actions de représailles judiciaires.
Les juges statuent à partir des preuves qui leur sont fournies, lesquelles, évidentes pour les
victimes, sont parfois jugées insuffisantes par les tribunaux. Le plaignant a par conséquent
une obligation de sérieux, il doit convaincre la justice du bien-fondé de sa version et de sa
149
bonne foi.

L’indemnisation devant les juridictions pénales

Le principe de la réparation intégrale étant posé en matière d’indemnisation,


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la victime ne devrait en aucun cas subir la moindre perte.


Cependant il lui faut apporter la preuve des préjudices subis

 L’indemnisation par provision


L’indemnisation définitive de la victime peut prendre beaucoup de temps. Mais une
indemnisation provisoire est possible avant la fin de la procédure.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

 L’indemnisation sans saisine du juge


Le procureur de la République (ou son délégué) peut faire un classement sous condition
d’indemnisation de la victime.
La composition pénale permet de prononcer de « faibles » sanctions mais aussi de prononcer
une indemnisation de la victime.
La médiation pénale peut aboutir à une indemnisation de la victime.

 L’indemnisation devant la juridiction de jugement de droit


commun.
Quand elle s’est constituée partie civile, une victime peut demander à être indemnisée lors
du jugement

 La peine et l’indemnisation de la victime


L’intérêt de la victime peut être pris directement en considération dans le cadre de la peine :
– mise à l’épreuve privilégiant la réparation peut être prononcée.
– droit à une partie du pécule du condamné à une peine d’emprisonnement.
– le paiement des dommages et intérêts est considéré comme un gage de volonté de
150 réinsertion de la part du condamné.

L’indemnisation devant la commission d’indemnisation


des victimes d’infraction (CIVI)
 Particularités de la CIVI
La CIVI est un tribunal subsidiaire qui facilite grandement l’indemnisation des victimes
d’infractions.
La requête se borne à réclamer une indemnité au Fonds de Garantie des victimes de terrorisme
et autres infractions (FGTI) qui dispose de fonds recueillis après toute souscription d’un
contrat d’assurance de biens.
La victime peut saisir directement la CIVI sans effectuer la moindre démarche auprès d’une
juridiction quelconque et sans avoir affaire à l’auteur des faits.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

La CIVI peut être saisie si l’auteur est inconnu mais elle ne peut statuer qu’en cas d’absolue
certitude sur la réalité des faits. Elle peut tirer arguments du dossier de police et de la
procédure judiciaire en cours. Elle peut surseoir à statuer jusqu’à la clôture définitive de
l’enquête et du procès pénal.
Si l’auteur est déclaré irresponsable sur le plan pénal, la victime peut s’adresser à la CIVI
pour être indemnisée.
La rapidité de l’indemnisation peut être accrue grâce à une sorte de référé organisé devant
le Président de la commission qui peut allouer une provision dans le mois de la requête.
La CIVI n’est pas tenue d’allouer le même montant de dommages intérêts que la juridiction
pénale. Elle tient cependant compte du montant des indemnisations qui auraient déjà été
allouées par d’autres juridictions. Si la victime obtient ultérieurement une indemnisation
ou des prestations, le FGTI peut demander à la CIVI d’ordonner le remboursement total ou
partiel de l’indemnité initialement versée.

 La prescription et la faute
Le délai de prescription est de trois ans à compter de la date de l’infraction. Toutefois,
lorsque la justice a été saisie, ce délai expire un an après la décision de la juridiction pénale.
La loi prévoit que l’indemnisation peut être supprimée ou réduite en raison de la faute de
la victime.
151
 Les deux régimes d’indemnisation
Il existe deux systèmes d’indemnisation très différents devant la CIVI. Le plus important
concerne les infractions les plus graves : l’action de la victime est alors largement facilitée.
L’autre, plus restrictif, concernant les infractions les moins graves, est réservé aux personnes
ayant des ressources relativement faibles.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

 La procédure CIVI
Du point de vue pratique, la requête est déposée par la victime ou son représentant.
Les débats ont lieu à huis clos hors la présence de l’auteur ou de son conseil.
L’assistance d’un avocat n’est pas nécessaire mais plus que recommandé pour mettre en
forme la demande et respecter un certain nombre de règles de procédure que la victime ne
peut connaître. Elle peut être aidée par une association d’aide aux victimes.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Le FGTI est présent lors de la procédure et le plus souvent représenté à l’audience.


La CIVI peut missionner un expert judiciaire pour évaluer les dommages corporels selon les
règles de la procédure civile. Le FGTI se fait généralement assister par un médecin-conseil.
La présence d’un médecin de recours travaillant avec l’avocat est importante pour équilibrer
les choses (contradictoire).
La victime ou le FGTI peuvent faire appel des décisions de la CIVI.

Les autres procédures utilisables en matière civile


La victime peut, sans passer par la CIVI, s’adresser au tribunal civil compétent pour être
indemnisée.

 La procédure de référé
La procédure de référé permet une indemnisation rapide mais non définitive.

 La procédure ordinaire devant le tribunal civil


La prescription en matière civile est de 10 ans en matière délictuelle (elle est de 30 ans en
matière contractuelle).
152 Le juge civil n’est en rien un « juge d’instruction civil ». Il veille au bon déroulement du
procès : respect du caractère contradictoire, communication des pièces, respect des délais
de procédure. Le juge de la mise en état coordonne les échanges entre les parties.
Les prétentions de chacun des plaideurs doivent s’appuyer sur des documents « de preuve ».
Le juge peut ordonner la production d’une pièce en utilisant s’il y a lieu la condamnation
très dissuasive à l’astreinte.
Il peut ordonner des mesures d’instruction d’office ou à la demande des parties :
– production de pièces par des tiers,
– comparution personnelle des parties,
– production d’attestations fournies spontanément par une partie ou demandées par le
juge qui peut décider d’entendre personnellement l’auteur d’une attestation,
– audition de témoins,
– expertises et recours à un technicien.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

 L’assistance des avocats


La représentation de la victime par un avocat est obligatoire devant le tribunal de grande
instance en matière civile.
Les honoraires d’avocat peuvent être remboursés partiellement ou en totalité par la partie
qui succombe dans ses prétentions quand le juge estime inéquitable de laisser à la charge
de la victime une partie des sommes exposées (art. 700 C. pr. civ.)
Le justiciable économiquement faible peut faire une demande d’aide juridictionnelle qui
sera totale ou partielle selon ses revenus.

L’expertise
L’évaluation des dommages corporels est confiée à un expert judiciaire. Elle se déroule de
façon contradictoire en présence du conseil de l’agresseur.
Le juge n’est théoriquement pas tenu de retenir les conclusions de l’expert.
Les honoraires d’expertise civile (de l’ordre de 600 à 1000 €) sont à la charge du blessé
mais peuvent lui être intégralement ou partiellement remboursés par le tribunal.
Il est indispensable que la victime soit assistée par un avocat et par un médecin de recours
pour veiller au bon déroulement de l’expertise.
153
En raison de la complexité de la procédure d’indemnisation, l’assistance d’un
avocat et d’une association est indispensable.

L’ÉVALUATION DES BESOINS D’UNE VICTIME D’AGRESSION


 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Retour sur le certificat médical avant expertise de M. TREIZE. Ce certificat établi sur les
conseils de son avocat lui rendra de grands services
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Je soussigné certifie être le médecin traitant de M. TREIZE, âgé de 63 ans.


le 20 janvier 2011, il a subi une agression à l’arme blanche comme le démontre le certificat
médical initial de l’hôpital, le certificat des UMJ et le certificat du psychiatre de garde.
Il est parti une semaine au repos à la campagne et n’a repris son travail qu’au 11e jour,
sans modification par rapport à son travail antérieur.
Peu après l’agression il a été pris en charge par une association d’aide aux victimes puis
par un psychologue, mais il n’a bénéficié que de 4 séances.
Bien que j’eusse fréquemment de ses nouvelles par ses proches, il refusait toute prise en
charge, estimant qu’il allait bien contre l’évidence clinique.
À l’examen : il présente un état de stress post-traumatique sévère. Il est constamment
préoccupé, pense fréquemment à l’agression sous forme de pensées et d’images répétitives
et angoissantes, notamment la nuit l’obligeant à se lever et fumer. Il nie ses troubles qu’il
attribue à son âge mais tente par tous les moyens d’éviter tout ce qui pourrait lui rappeler
l’agression (les hommes rasés ressemblant à son agresseur) ou la symboliser (descendre
au parking à présent doté par ses soins d’éclairages puissants ; procès, consultations
où il pourrait être interrogé sur les faits et leurs conséquences) ; il se sent coupable
vis-à-vis de sa fille et craint pour elle une nouvelle agression.
Il présente également un état dépressif durable : tristesse, fatigabilité, perte de tous
désirs, notamment sexuel, anorexie (- 5 kg), culpabilité.
Il refuse les soins et banalise ses troubles qui perturbent son fonctionnement personnel
154 et familial.
Ces troubles psychotraumatiques et dépressifs surviennent chez un homme courageux,
travailleur, qui n’a aucun antécédent pathologique antérieur, notamment traumatique.
À trois ans des faits, j’estime que son état est consolidé avec séquelles.
Certificat établi à sa demande et remis en mains propres en vue d’une expertise judicaire.

Vous êtes vous assuré que Monsieur TREIZE est judicieusement conseillé et assisté pour être
correctement indemnisé ?
Mettez une croix sous la bonne réponse
Oui Non
Je me serais assuré que M.TREIZE est bien conseillé et assisté.
À défaut, j’aurais pris des initiatives concrètes pour qu’il le soit.

Lorsqu’une victime d’agression vous consulte, il est impératif de faire une évaluation des
conséquences familiales, sociales, professionnelles du traumatisme subi pour tenter d’y
remédier.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

Besoins sociaux d’une victime d’agression


 Difficultés familiales
La femme de Monsieur TREIZE se plaint qu’il est devenu taciturne, caractériel, prisonnier
de troubles qu’il banalise. Il refuse les soins qu’elle lui propose. Elle estime que son mari
ne touchera jamais les 10 000 euros de dommages et intérêts auxquels l’agresseur a été
condamné parce qu’il est emprisonné et insolvable.

Les conséquences médico-psychologiques d’une agression perturbent habi-


tuellement l’équilibre familial.

 Difficultés pécuniaires
Les conséquences de l’agression peuvent mettre en difficultés pécuniaires la victime qui
perd une partie de ses revenus alors que ces charges restent les mêmes comme ses emprunts
dont certains peuvent cependant être couverts par une assurance.
La victime doit avancer les frais médicaux et les frais qu’entraîne la procédure : avocat,
frais d’expertise civile, honoraires du médecin-conseil.

 Difficultés scolaires ou professionnelles 155

Monsieur TREIZE a repris son travail après onze jours d’arrêt de travail, sans modification.
Il est soutenu par ses collègues et par le directeur de son administration qui lui conseille
également des soins. Il n’a subi aucune perte de salaire.
Ce n’est pas toujours le cas. La durée de l’arrêt de travail et les séquelles d’une agression
peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur le déroulement de la carrière professionnelle
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’un blessé.
Certains commerçants ne pourront jamais reprendre leur travail, subiront des pertes de
revenus, seront parfois dans l’obligation de vendre leur fond. Ces pertes parfois considérables
devraient en principe être intégralement couvertes par le responsable de l’agression ou à
défaut par le Fonds de garantie des victimes de terrorisme et autres agressions qui réclame
justement des preuves qu’il faut rassembler avec l’aide d’un conseil avisé.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Besoins judiciaires d’une victime d’agression


La victime ne sait en général pas à qui s’adresser. Elle ignore souvent qu’elle pourrait trouver
de l’aide auprès d’une association. Elle ne sait à quel avocat s’adresser. Elle s’offusque
du montant des demandes d’honoraires réclamés par un avocat ou un médecin-conseil
personnel, etc.

Le réseau d’accompagnement social et judiciaire permet de remédier autant


que faire se peut à toutes les difficultés qui peuvent s’amonceler sur le
parcours de reconstruction d’une victime.

L’AIDE AUX VICTIMES D’AGRESSIONS

Au terme de l’évaluation, il convient d’orienter la victime selon les besoins qui ont été
repérés.

Ce paragraphe est comparable à celui consacré aux victimes d’accident à


quelques nuances près.

156
En cas de difficultés familiales
Il convient de proposer des entretiens individuels ou familiaux à tous les membres de la
famille en souffrance pour leur expliquer la nature des troubles, l’évolution prévisible, le
traitement proposé.
L’entourage familial peut être « victime par ricochet » des difficultés de rencontre la victime
et il lui faudra être bien conseillé pour obtenir une possible réparation dont il sera nécessaire,
comme c’est la règle, de prouver le bien-fondé.
En cas de violences familiales, les thérapies familiales sont unanimement contre indiquées
selon les consensus.

En cas de difficultés pécuniaires


Les accidentés du travail perçoivent des indemnités journalières quand ils sont en arrêt de
travail.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

Si le blessé présente des difficultés pécuniaires, et notamment s’il ne perçoit aucune


indemnité, il est possible de réclamer une provision à tous les stades de la procédure et
notamment devant la CIVI.

En cas de difficultés scolaires ou professionnelles


Il convient d’apporter la preuve que des redoublements ou des échecs à des examens sont
en rapport direct et certain avec une agression ou que cette dernière a perturbé le parcours
professionnel d’une victime en produisant des témoignages, des feuilles de paie, etc., travail
difficile dont doit se charger un avocat assisté d’un comptable.
Une reprise peut être envisagée à temps partiel avec l’accord du médecin-conseil de la
Sécurité sociale. En cas de désaccord, notamment sur la date de consolidation, il est possible
de réclamer une expertise conformément aux dispositions de l’article 141.1 CSS (voir infra,
p. 157).
Le médecin du travail peut être un allié précieux si le patient rencontre des difficultés avec
sa direction ; il peut recommander un aménagement de poste de travail avec l’appui de la
direction des ressources humaines ou le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail (CHSCT) que la victime peut saisir.
En cas de licenciement, il faut conseiller un avocat spécialisé en droit du travail pour
engager une procédure prud’homale.
157

LE RÉSEAU D’AIDE AUX VICTIMES D’AGRESSIONS

La sécurité sociale
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Les psychotraumatisés présentant des troubles graves du comportement ont la possibilité


d’être exonéré du ticket modérateur à ce titre.
L’assurance maladie prend en charge les soins consécutifs à un accident, mais elle
exercera une action récursoire pour récupérer les frais qu’elle a engagés au moment de la
« liquidation » des préjudices.

L’assurance accident du travail


Elle intervient quand l’agression s’est produite dans le cadre légal qui définit l’accident du
travail (voir la 6e leçon).
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Au reçu du certificat final de guérison ou consolidation, la Caisse notifie sa décision


après avis du médecin-conseil, car la date de guérison ou de consolidation relève de sa
compétence et non pas de celle du médecin traitant.
Le contentieux technique de la Sécurité sociale règle les litiges d’ordre médical relatifs à :
– l’invalidité en cas (de maladie ou) d’accident,
– l’Incapacité permanente en cas d’accident de travail,
– certaines décisions prises par la MDPH.

Les décisions d’ordre médical prises par les médecins conseils peuvent être très simplement
et rapidement contestées en ayant recours à une expertise prévue à l’art. L 141.1 CSS.
Techniquement, le médecin traitant de la victime doit exposer clairement l’objet du litige
sur l’imprimé prévu à cet effet. Il intervient dans le choix de l’expert pris d’un commun
accord avec le médecin-conseil. Il peut récuser les trois experts habituellement proposés
par la caisse et en proposer d’autres. En cas de désaccord persistant, le médecin directeur
de l’ARS nomme l’expert.
Le médecin-conseil et le médecin traitant peuvent assister à l’expertise.
Les conclusions de l’expert s’imposent aux parties, bien qu’elles aient perdu, en théorie
plus qu’en pratique, leur caractère irréfragable du fait de la loi 9086 du 21 janvier 1990 qui
dispose : « Au vu de l’avis technique, le juge peut, sur demande d’une partie, ordonner une
nouvelle expertise ».
158 Le tribunal du contentieux de l’incapacité (Commission régionale) statue en première
instance. Il est présidé par le Directeur l’ARS (ou son représentant) entouré d’un médecin
expert, d’un médecin-conseil et du médecin désigné par la victime.
Il est possible d’interjeter appel devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification
de l’assurance des accidents de travail qui n’est pas composée de médecins. Elle statue sur
pièces et peut ordonner une expertise qui n’est qu’un avis technique destiné à l’éclairer.
La contestation d’une décision de la Cour nationale passe par le pourvoi en cassation.

L’assurance de protection juridique


L’assurance de protection juridique est destinée à défendre et à faire valoir les droits
des assurés, de leur conjoint, enfants et, le plus souvent, de toute personne vivant
habituellement avec le bénéficiaire.
Elle n’a pas pour objet de prendre en charge les dommages qui sont indemnisés par d’autres
assurances (multirisque habitation par exemple). Cette assurance peut être proposée soit
en annexe à un contrat d’assurance (habitation, automobile, etc.), soit par contrat séparé.
Elle permet de faire bénéficier de conseils et d’une assistance juridique.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

Si une procédure devient nécessaire, l’assurance prend en charge le paiement des honoraires
d’avocat et des frais de justice dans les limites prévues par le contrat. Il est donc recommandé
de bien en connaître les clauses (types de litiges couverts, limites de remboursement des
honoraires d’avocat, médecin de recours, etc.)
L’accord de l’assureur est nécessaire avant toute action judiciaire ou avant d’engager certains
frais (huissier, expert, etc.). L’assuré est parfois tenu de prendre l’avocat ou le médecin
de recours recommandé par l’assureur, mais les victimes et les associations contestent
l’indépendance de ces professionnels.

L’avocat spécialisé
 L’avocat pénaliste
Un « pénaliste » est indispensable pour assister la victime pendant l’instruction et pendant
le procès, mais il n’est pas toujours compétent pour assister la victime pendant la procédure
d’indemnisation.
C’est probablement un avocat pénaliste qui accompagne Monsieur TREIZE.

 L’avocat spécialisé dans le dommage corporel


L’aide d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel est précieuse sinon indispensable. 159
Monsieur TREIZE devrait se faire assister par un tel avocat pour obtenir une juste
indemnisation.
L’ANADAVI est une association nationale d’avocats spécialisés dans la réparation du dommage
corporel.
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 Les frais d’avocat


Les frais d’avocat peuvent être pris en charge par l’assurance de protection juridique du
blessé s’il en a souscrit une.
Le blessé doit impérativement signer un protocole d’honoraires très clair pour éviter toute
contestation ultérieure. Les avocats prennent en général un pourcentage sur le montant de
l’indemnisation (de l’ordre de 10 %).
L’article 700 C. proc. Civ. dispose que « dans toutes les instances, le juge condamne la partie
tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il
détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte
de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, cependant
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette
condamnation ».

L’association d’aide aux victimes


Les associations d’aide aux victimes, d’accès facile, totalement gratuite, apportent un
soutien aux accidentés, mais en aucun cas des soins, psychothérapeutiques notamment.

Ne pas confondre l’aide et le soutien aux victimes, apanage des associations,


avec une psychothérapie qui est un acte médical.

Les associations favorisent l’accès au droit mais ne se substituent en aucun cas à l’avocat.
Vous avez tout intérêt à travailler avec une telle association dont les coordonnées doivent
figurer dans le carnet d’adresses de vos correspondants.
Ces associations sont qualifiées pour procéder à l’évaluation des besoins des victimes afin
de les orienter de façon conséquente (quand bien même ne seraient-elles pas autorisées à
proposer un avocat qui ne figure pas sur une liste).
L’association généraliste la plus accessible sur tout le territoire français pour les victimes
d’agressions extra familiales est l’INAVEM (Institut national d’aide aux victimes et de
160 médiation).

Les bureaux d’aide aux victimes (BAV)


Dans les palais de justice, des BAV organisent des permanences pour accompagner les
victimes dans leurs démarches judiciaires.
Pour trouver un bureau d’aide aux victimes : consulter <annuaire.justice.gouv.fr>

Les maisons de justice et du droit


Les maisons de justice et du droit, ainsi que les centres départementaux d’accès au
droit (CDAD), sont des organismes publics qui facilitent l’accès aux droits. Des avocats y
dispensent des consultations gratuites. Il en existe un peu partout sur le territoire.
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

Le médecin de recours
Il est conseillé de faire assister son patient par un médecin-conseil de victimes, dit de
recours, lors des expertises.
Ce médecin formé, nécessairement indépendant des compagnies d’assurance, facilite
l’expertise en sécurisant la victime, en mettant en ordre le dossier et en participant
à la discussion médico-légale qui dès lors devient réellement contradictoire.
En cas de désaccord avec le médecin évaluateur missionné par la compagnie d’assurance,
il peut proposer à la victime et à son conseil un arbitrage confié à un médecin réputé
indépendant de la compagnie d’assurance ou directement une procédure judiciaire.
Les honoraires du médecin de recours peuvent être pris en charge par une assurance de
protection juridique ou par l’assurance à l’issue de la procédure d’indemnisation.
L’ANAMEVA est une association nationale qui fédère un grand nombre de médecins de
recours.

Le tableau annexé page 167 résume les besoins sociaux, judicaires et médico-
psychologiques d’une victime d’accident ou d’agressions et les réponses
possibles qu’offre le réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire.

161
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE

1. Une victime d’agression dont l’auteur présumé est inconnu peut être indemnisée par
la CIVI.
2. Une victime d’agression dont l’auteur n’est pas solvable peut être indemnisée par la
CIVI.
3. Je n’aurais probablement pas proposé à M. TREIZE de l’accompagner chez l’expert
mais je lui aurais proposé de se faire assister par un médecin de recours.
4. Un officier de police judiciaire ne peut refuser de prendre une plainte.
5. Lorsqu’un patient subit une agression, je me livre à une évaluation des conséquences
familiales, sociales, professionnelles pour tenter d’y remédier
6. Je demande l’ALD 30 pour certains patients psychotraumatisés au titre de « Trouble
grave du comportement ».
7. Je possède l’adresse d’un médecin de recours dans mon carnet d’adresse.
8. Je possède l’adresse d’une association d’aide aux victimes.
9. Je conseille toujours l’aide d’un avocat spécialisé en dommage corporel.
10. Je connais l’importance d’une assurance de protection juridique pour couvrir les
frais que générèrent les procédures civiles d’indemnisation (et autres).
162
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

Résumé

1. La procédure pénale commence le plus souvent par un dépôt de plainte qu’un OPJ
ne peut refuser de prendre.
2. la victime peut choisir de se constituer partie civile pour s’associer aux poursuites
engagées par le procureur et devenir acteur de la procédure.
3. Une indemnisation provisoire est possible avant la fin de la procédure.
4. La victime peut saisir directement la CIVI sans effectuer la moindre démarche
auprès d’une autre juridiction et sans avoir affaire à l’auteur des faits.
5. La CIVI peut être saisie si l’auteur est inconnu (ou insolvable).
6. La procédure de référé permet une indemnisation rapide mais non définitive.
7. Les associations d’aide aux victimes sont spécialement qualifiées pour faire le
bilan évaluatif des besoins d’une victime et l’orienter utilement.
8. Les associations favorisent l’accès au droit mais ne se substituent en aucun cas à
l’avocat.
9. Les psychotraumatisés présentant des troubles graves du comportement peuvent
être exonérés du ticket modérateur.
10. L’assurance de protection juridique joue un rôle important pour prendre en charge
les dépenses liées à la procédure d’indemnisation.
11. L’aide d’un avocat pénaliste est indispensable pendant la procédure judiciaire.
12. L’aide d’un avocat spécialisé dans le dommage corporel est indispensable pour
obtenir une juste réparation. 163
13. Le patient doit impérativement signer un protocole d’honoraires très clair avec
l’avocat pour éviter toute contestation ultérieure.
14. Le recours à un médecin-conseil de victimes, dit de recours, est indispensable
pour assister une victime pendant les expertises civiles.
15. Les médecins doivent travailler en réseau et disposer des adresses des
correspondants du réseau d’accompagnement médico-socio-judiciaire dans leur
carnet d’adresses.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Pour parfaire votre connaissance de la prise en charge des victimes d’agressions,


référez-vous à la dixième leçon consacrée aux soins.

164
7 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire pour une victime d’agression

ANNEXE
ÉVALUATION DES BESOINS ET ORIENTATION
D’UNE VICTIME D’ACCIDENT OU D’AGRESSION

ÉVALUATION DES BESOINS SOCIAUX


ÉVALUATION ORIENTATION
Personnels et familiaux
- pertes de revenus……………….... procédure civile
- problèmes de logement…............... services sociaux
- surendettement………………….... commission ad hoc
- carte de séjour………………….. ... maison du droit
Professionnels
- arrêt de travail prolongé ................... médecin-conseil CPAM
- reprise à temps partiel ...................... médecin du travail
- aménagement du poste de travail .... médecin du travail, DRH, CHSCT
- licenciement .................................... avocat
syndicat
inspection du travail
- reclassement ...................................... MDPH

ÉVALUATION DES BESOINS JUDICIAIRES ÉVALUATION DES BESOINS MÉDICAUX


ÉVALUATION ORIENTATION ÉVALUATION ORIENTATION
Procédure pénale ................... avocat ESPT ..................................... psychothérapie et
association chimiothérapie 165
Procédure civile ..................... avocat Personnalité traumatique
association complexe ............................... psychothérapie
médecin de recours - troubles dissociatifs spécialisée
(contradictoire) - conduites addictives

Action humanitaire ............... association État dépressif


services sociaux - sans crise suicidaire ……… soins
SAMU social - crise suicidaire …………… hospitalisation en urgence
médecine de la précarité
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Tr. comorbides …………… lien avec événements


Prud’homme ........................... avocat traumatiques
CHSCT
syndicat Évaluation du préjudice formation ad hoc
médecin traitant corporel
association
Lutte contre l’exclusion action humanitaire
Procédure administrative ..... avocat sociale
association
Catastrophe ou accident CUMP
collectif
Leçon 8

Le réseau
d’accompagnement
166
socio-judiciaire
des victimes
de violences de couple
SOMMAIRE

Établir une relation de confiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169


Exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Décryptage du scénario du film . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
L’alliance thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
La spécificité du travail de soignant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
L’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Le certificat initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Les droits de la victime de violence de couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Le réseau spécialisé dans l’aide aux femmes et aux enfants
victimes de violences familiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Évaluation de la dangerosité du conjoint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Les situations à risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Mesures préventives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Les soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 167
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

que désormais vous maîtrisez les connaissances acquises lors des leçons

É
TANT ENTENDU
précédentes, cette septième leçon vous permettra en améliorant vos connaissances,
de faire en sorte que le dévoilement des violences subies par votre patiente ne
soit pas « une patate chaude » particulièrement chronophage.

Cette huitième leçon est destinée à améliorer notre pratique professionnelle concernant :
– l’attitude à adopter pour qu’une relation de confiance s’établisse avec une femme
victime de violence de couple ;
– la spécificité du travail du médecin ou du psychologue qui reçoit le dévoilement et
notamment l’approche médicolégale ;
– l’orientation dans le réseau d’accompagnement social et judiciaire pour la victime de
violences familiales.

Retour sur la deuxième partie du film « Anna ».


(N’hésitez pas à prendre des notes.)

168
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

ÉTABLIR UNE RELATION DE CONFIANCE

Exercice
En vous référant à la deuxième partie du film, quelles sont selon vous les caractéristiques
de la relation thérapeutique qui ont favorisé le dévoilement ?
Citez les qualités de la relation thérapeutique que vous avez repérées
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................
................................................................................

Décryptage du scénario du film


Le Docteur VOURC’H examine Anna en faisant preuve d’empathie, attitude normale pour 169
un médecin mais indispensable avec une victime de violences généralement réticente à
aborder ce sujet, même si elle y est invitée. Il l’accueille chaleureusement en lui souriant
et en lui tendant la main, et il l’invite à rentrer dans le cabinet de consultation.
Il l’invite à lui dire le motif de la consultation : des douleurs gastriques résistant au Maalox.
Après avoir pris notes de ses données administratives directement sur son ordinateur, il
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

demande à Anna quels sont ses antécédents et rapidement, si elle a subi des violences,
question qui la décontenance : « Pourquoi me demandez-vous ça ? », « Je demande ça à
tous mes patients » répond-il avant de préciser sa question : violences actuelles ? Subies
pendant l’enfance ? Non ! Anna n’a jamais subi la moindre violence.
Il accepte qu’Anna garde son pull over sans la moindre réticence et l’examine.
Les troubles d’Anna ont débuté à une date précise, mardi dernier, mais sans que rien ne
l’ait contrariée répond-elle. Mardi, que s’est-il passé mardi ? Le Dr VOURC’H lui demande
de parler de sa vie. Elle dit être débordée. Louise sa fille régresse, analyse-t-elle, elle a
présenté un épisode énurétique, peut être parce qu’elle n’a pas le temps de l’accompagner à
l’école. Elle parle d’un déséquilibre dan sa vie de couple parce qu’elle travaille contrairement
à son mari qui n’accompagne pas leur fille à l’école. Le médecin émet l’hypothèse qu’elle
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

est débordée par le travail, les tâches ménagères. Tout cela la fatigue, explique sa petite
tension, son anxiété, sa petite forme. Elle lâche que son mari n’est pas patient. Le Dr
VOURC’H l’encourage à parler de l’impatience de son mari. Elle le protège, il a craqué, mais
elle a « cramé » un plat. Il est maniaque mais sa mère n’était pas soigneuse. Le médecin
approuve, mais se met résolument de son côté.
Mise en confiance, elle lâche subitement qu’il l’a trainée par les cheveux devant Louise, qui
rappelons-le régresse depuis cet épisode.

Les enfants qui vivent dans un contexte de violences familiales ne sont pas
de simples témoins mais des victimes de maltraitance.

Le Dr VOURC’H peut dès lors aborder librement les violences que subit Anna, dire ce qu’il
pense personnellement de son mari, nommer les viols qu’elle subit. L’interroger sur son
autonomie économique.

L’alliance thérapeutique
Dans la mesure où une victime de violences répétées a perdu toute sa confiance en elle
et en toute forme d’aide extérieure possible, il est nécessaire de l’aborder (comme tous
patients) avec empathie, sans émettre un jugement.
170 Si les violences s’inscrivent dans un processus transgénérationnel, l’effondrement « narcis-
sique » complique encore davantage la relation thérapeutique.
Ce ne semble pas être le cas d’Anna mais le Dr VOURC’H n’est pas revenu sur cet aspect des
choses, on apprend simplement qu’elle ne peut pas compter sur sa mère, il ne lui demande
pas de préciser pourquoi.
Les victimes de violences conjugales enclenchent fréquemment des contre attitudes de
rejet qui ne les étonnent pas tant elles sont habituées à être maltraitées. Un des buts
principal de cet Atelier du Praticien est de mettre en garde les soignants contre cette
violence relationnelle qui ne fait que reproduire le vécu ordinaire de ces patients.
Ce ne semble pas être le cas d’Anna. Ce sont surtout les victimes les plus déstructurées par
une lourd passé traumatique remontant à l’enfance qui suscitent ces réactions de rejet.
Pour parvenir à établir une relation de confiance, le praticien leur signifie clairement que
les sévices subis sont inacceptables et punis par la loi. Il peut dire par exemple : « Les
rapports sexuels que votre conjoint vous impose sont des viols ». La victime doit apprendre
qu’elle est en droit de porter plainte, mais le soignant n’exerce aucune pression pour qu’elle
le fasse. Il ne se comporte pas comme l’agresseur qui exerce une emprise sur elle et lui
impose « SA loi ».
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

La référence à la loi permet également d’attribuer la faute à l’agresseur pour démonter les
mécanismes d’inversion.
Le soignant étant rarement un spécialiste de la psychotraumatologie ou de la victimologie,
il répond à la demande de soins, même s’il s’agit de traiter des symptômes écrans.
Mais c’est la qualité de la relation qui va créer l’alliance thérapeutique qui va progressivement
aider à briser l’emprise du conjoint (voir la 10e leçon).

Apprenez à contrôler les sentiments de rejet que génèrent les victimes de


violences de couple, c’est ainsi que vous pourrez progressivement gagner leur
confiance !

Veuillez à présent prendre connaissance de la troisième partie du film « Anna ».


(N’hésitez pas à prendre des notes.)

171
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

LA SPÉCIFICITÉ DU TRAVAIL DE SOIGNANT

L’évaluation
Le soignant doit faire une évaluation rapide de la situation personnelle, familiale, sociale
et éventuellement judiciaire de la victime :
– sur le plan médical : recherche systématique des antécédents médico-chirurgicaux, gyné-
cologiques (maladies sexuellement transmissibles, avortements), médico-psychologiques
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

(suivis, hospitalisations, TS), addictifs (alcoolisme, benzodiazépines, stupéfiants),


traumatiques en recherchant une maltraitance infantile ou/et des situations dites de
revictimation (multiplications des relations violentes, violences sexuelles antérieures,
harcèlement au travail, accidents de la voie publique),
– antécédents judiciaires, de façon systématique, avec bienveillance, même s’il peut
paraitre difficile de poser cette question qui peut être éclairante pour poser le diagnostic
de trouble grave de la personnalité consécutif à la maltraitance infantile,
– vie familiale actuelle : contrôle (emprise) du conjoint violent, retentissement sur les
enfants, relation avec les proches parents (souvent rejetants et alliés du conjoint violent),
autonomie économique,
– relation éventuelle avec les services sociaux, une association d’aide aux victimes, un
avocat,
– démarche judiciaire : mains courantes ou plainte pour violence, Ordonnance de protection,
procédure de divorce en cours,
– vie professionnelle.

Mais le soignant peut avantageusement confier cette évaluation à une association spécialisée
avec qui il travaille ou travaillera en réseau après avoir terminé cet Atelier du Praticien.
Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non
172
Je connais un référent à qui je pourrai demander conseil pour une femme
victime de violence

Je me sens capable de donner un conseil juridique à une femme victime


de violence

Je connais une association généraliste d’aide aux victimes

Je connais une association d’aide aux femmes victimes de violences

J’ai déjà pris directement contact avec une association d’aide aux victimes
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

Le recours à une association est d’un grand secours pour le praticien qui ne se débarrasse en
aucun cas de la « patate chaude » parce qu’il l’encourage à venir régulièrement consulter.
Le soignant peut être proactif et prendre lui-même rendez-vous pendant la consultation
avec l’accord de la patiente.

Le certificat initial
Il se peut que la victime réclame un certificat médical.
Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

Je rédige fréquemment un ou des certificats médicaux aux victimes de


violence de couple

Il m’est arrivé de refuser de rédiger un certificat médical parce que je


soignais toute la famille et notamment le mis en cause

Il m’est arrivé de refuser de rédiger un certificat médical par peur


d’éventuelles conséquences médico-légales
173

Il m’arrive de proposer de garder le certificat dans le dossier médical


pour qu’il ne tombe pas dans les mains d’un conjoint violent

Il m’est arrivé de proposer de rédiger un certificat médical, même si la


patiente n’en avait pas fait la demande, au cas où elle entreprendrait
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

une démarche ultérieurement

Anna ne réclame pas un certificat médical, mais pour vous entraîner, veuillez le rédiger de
façon synthétique dans l’encadré suivant.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Rédigez le certificat qu’Anna pourrait vous demander

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8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

Se reporter à la deuxième leçon, consacrée aux problèmes médico-légaux et


à la rédaction du certificat médical.

L’orientation dans le réseau d’accompagnement social et judiciaire


Dès la première consultation, le soignant oriente la victime dans le vaste réseau
d’accompagnement social et judiciaire parce qu’il doit rester dans son rôle de soignant et ne
pas être à la fois un-e assitant-e social-e ou un conseiller juridique, souvent incompétent.

Cas clinique
Madame DURAND-DUPONT que vous soutenez depuis 2 ans, accepte désormais de porter plainte
et d’entamer une procédure de divorce, mais elle vous explique : « Vous savez bien que je ne
travaille pas. Et vous connaissez mes enfants. Comment pourrais-je assumer les charges sans
mon mari ? Nous avons des dettes, la voiture, le prêt pour le pavillon. On y arrive à peine... »

Ces arguments vous convainquent-ils ? Doit-elle renoncer à porter plainte ? Que lui répondez-
vous ?
Que répondez-vous à Madame DURAND-DUPONT ?

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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Les droits de la victime de violence de couple


 La Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI)
La victime de violences de couple peut saisir la CIVI.

Reportez-vous à la septième leçon, p. 150

Madame DURAND-DUPONT pourrait saisir la CIVI.


Une victime d’infraction peut saisir la CIVI sans être obligée de se constituer partie civile
devant un juge d’instruction, un tribunal correctionnel ou une cour d’assises et d’assister
au procès. Il n’est pas nécessaire que le procès soit terminé pour que la victime obtienne
une indemnisation.
La requête est déposée par la victime ou son représentant ; elle se borne à réclamer une
indemnité auprès du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres
infractions.
L’assistance d’un avocat n’est pas nécessaire mais très utile pour mettre en forme la demande
et respecter les règles de procédure.
L’accompagnement par un médecin-conseil de victime, dit de « recours », est quasiment
nécessaire pour assister la victime pendant l’expertise et faire en sorte qu’elle soit
176
correctement indemnisée.
La CIVI peut allouer une provision dans le mois de la requête.
L’indemnisation étant intégrale, Madame DURAND-DUPONT devrait bénéficier de tous ses
revenus !

 Ordonnance de protection (OP)


Faisant suite à une série de dispositions législatives, la loi du 9 juillet 2010 relatives
aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux
influences de ses dernières sur les enfants, a pris des dispositions améliorant la prise en
charge judiciaire de femmes victimes de violences et en particulier une ordonnance de
protection (OP) dont le contenu est résumé dans l’encadré suivant :
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

L’Ordonnance de protection (OP)

Le Juge aux affaires familiales est désormais l’interlocuteur unique pour la délivrance de
l’OP.
L’OP est délivrée en urgence en cas de violences de couple, de menaces de mariage
forcé, ou quand existent de sérieux soupçons de violences et danger encouru (mais c’est
l’instruction qui déterminera la réalité judiciaire des violences.)
L’OP est applicable pendant 4 mois avec renouvellement de 4 mois si requête en divorce
ou séparation de corps.
La saisine se fait par la victime si besoin assistée par le ministère public.
La victime peut être accompagnée par une association qualifiée (et non habilitée)
Les mesures d’urgence les plus importantes sont :
– l’éviction du conjoint violent (couples mariés, Pacsés, concubins),
– la dissimulation de la résidence de la victime,
– la prise en compte de la situation des enfants,
– l’exercice de l’autorité parentale,
– l’attribution du logement familial,
– la contribution aux charges du ménage,
– la fin de l’impossibilité de vol entre époux,
– l’aide juridictionnelle y compris pour les personnes étrangères.
177
La médiation pénale est prohibée en cas d’OP sauf si la victime le demande.
Les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer la victime :
– de la possibilité de bénéficier d’une OP,
– sur les peines encourues par le ou les auteurs
– sur les conditions d’exécution des éventuelles condamnations.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le juge des enfants peut inscrire un mineur au Fichier des personnes recherchées (pendant
2 ans) pour prévenir une sortie du territoire interdite sans l’autorisation des deux parents,
et cas de menace de mariage forcé ou de mutilation sexuelle.

Le ministère du droit des femmes a déposé un projet de loi pour améliorer l’OP.

Vous n’êtes pas juriste ! Si vous oubliez, ces dispositions favorables à votre
patient-e, l’association qu’elle aura contactée saura la diriger.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Le réseau spécialisé dans l’aide aux femmes et aux enfants


victimes de violences familiales
 Les associations d’aide aux victimes
Il est indispensable que les femmes victimes de violences bénéficient d’un accompagnement
social et judiciaire. Cet accompagnement constitue un facteur de résilience parce qu’il
renforce les liens sociaux. Il permet, en cas de procédure judiciaire, de comprendre le
principe de présomption d’innocence, les règles du fonctionnement contradictoire de la
procédure civile d’indemnisation, l’intérêt des expertises, le rôle du médecin de recours, etc.
Les associations d’aide aux victimes accompagnent les femmes victimes dans leurs démarches
sociales et judiciaires.
Ces associations travaillent avec les services publics et peuvent orienter les femmes vers un
Centre d’hébergement et de réinsertion sociale ou CHRS en cas d’urgence, bien que l’éviction
du conjoint violent paraisse la solution idéale qu’une femme apeurée ne peut accepter, sans
risque parfois réel.
Il existe plusieurs types d’associations :
– les associations de lutte contre les violences faites aux femmes et les associations fémi-
nistes (AVFT, CNIDFF, CFCV, Solidarité femmes, AVFT) sont particulièrement compétentes ;
certaines offrent un soutien aux victimes en organisant des groupes de parole ;
178 – les associations d’aide aux victimes adhérentes à l’Institut National d’Aide aux Victimes
et de Médiation (INAVEM) sont moins spécialisées dans les violences familiales.

Annuaire des associations d’aide aux femmes victimes


AVFT Libres et Egales (Association européenne contre les violences faites aux femmes
au travail).
51, boulevard Auguste Blanqui 75013 PARIS (uniquement sur rdv). Tél : 01 45 84 24 24.
Mail : contact@avft.org ou http://www.avft.org
CNIDFF (Centre national de documentation et d’information de la femme et de la famille).
Tél. 01 42 17 12 34. http://www.infofemmes.com
COLLECTIF FEMINISTE CONTRE LE VIOL (Viols femmes informations). Tél : 0800 05 95
95. http://www.cfcv.asso.fr
FEDERATION NATIONALE SOLIDARITE FEMMES. VIOLENCE CONJUGALE FEMMES INFO
SERVICE. Tél. 3919 (aide et hébergement des femmes et de leurs enfants). http://www.
solidaritefemmes.org
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

Le Collectif féministe contre le viol est destiné aux victimes de viols intra ou
extra familiaux.
L’AVFT aux victimes d’harcèlement sexuel.

 Les services de police et de gendarmerie


Les services de police et de gendarmerie ne peuvent refuser de prendre une plainte.
Ils doivent informer la femme victime de violence de couple qu’elle pourrait bénéficier d’une
Ordonnance de protection prononcée par le juge des affaires familiales et l’orienter dans le
réseau associatif.

 Les services sociaux


Présents partout et faciles d’accès, les services sociaux et en particulier les assistantes
sociales, jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement social des victimes.

 Les avocats
Certains barreaux établissent des listes d’avocats spécialisés dans la problématique des
violences faites aux femmes ou dans le droit des mineurs ; ils peuvent diriger les victimes 179
vers la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
Les femmes qui bénéficient d’une Ordonnance de protection bénéficient de l’aide juridic-
tionnelle.
Les assurances de protections juridiques peuvent payer une partie ou la totalité des frais
d’avocat.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

 Le médecin de « recours »
Le médecin de recours, nécessairement indépendant des compagnies d’assurance, facilite
l’expertise en sécurisant la victime.
Il participe à la discussion médico-légale qui dès lors devient réellement contradictoire.
L’ANAMEVA est une association nationale qui fédère un grand nombre de médecins de
recours.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

ÉVALUATION DE LA DANGEROSITÉ DU CONJOINT

Les données criminologiques qui ressortent de la recherche scientifique ont permis


d’objectiver des situations à risque de passages à l’acte criminel, dont des homicides
(1 tous les 2 jours et demi) et d’en déduire des mesures préventives.

Les situations à risque


Avez-vous repéré des situations à risque pour le conjoint dans votre pratique professionnelle
ou dans vos lectures ?
Citez des situations qui vous paraissent à risque :

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Les principales situations à risque repérées par la littérature internationale sont :
– le mois précédant la séparation ou les 3 mois suivants,
– les moments de révolte où la victime affirme clairement son désir d’échapper à l’emprise
du conjoint,
– l’exacerbation des escalades de violence,
– la jalousie pathologique,
– la surconsommation d’alcool exacerbant les troubles caractériels,
– l’aggravation de la situation financière,
– la présence d’une arme à feu à domicile,
– l’expression de menaces de mort,
– une intentionnalité suicidaire exprimée,
– les antécédents judiciaires du sujet violent (atteintes aux biens, aux personnes,
stupéfiants, délits routiers),
– des tentatives d’homicide antérieures.
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

Retenir

Les crimes dits « passionnels » sont des crimes d’absence d’amour-propre et non des
crimes d’amour.
Le conjoint, même s’il est victime de violence de couple, compense les failles
narcissiques de son partenaire.
Quand son partenaire décide de le quitter tout s’écroule : il achète une arme et
hésite entre suicide et homicide, actes totalement équivalents pour lui parce qu’il est
incapable de se désolidariser de l’autre.
Quand il se suicide, fait une « grave » tentative de suicide, ou encore quand il tue
son conjoint et se suicide : on parle de « drame familial ».
Quand il tue son conjoint et qu’il ne se suicide pas ou se rate : on parle d’un soi-disant
« crime passionnel » et, de fait, le meurtrier sera longtemps inconsolable.
La justice ne reconnaît pas le « crime passionnel » et n’irresponsabilise pas le meurtrier
qui est jugé et puni.

Mesures préventives
Pouvez-vous en déduire des mesures préventives ?
Connaissez-vous des mesures préventives à la portée d’un soignant ?
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Il est nécessaire :
– d’informer votre patiente et ses proches si vous les connaissez et avec son accord,
– de lui conseiller de quitter le domicile familial avec l’aide d’une association en cas de
danger imminent,
– de rédiger un certificat en pointant la ou les situations à risque pour que les autorités
répressives puissent prendre des mesures préventives prévues dans l’Ordonnance de
protection : dissimulation de la résidence de la victime, surveillance électronique mobile
(bracelet) ; télé protection (téléphone mobile relié à un opérateur qui avertit la police
si le conjoint tente d’entrer en contact avec son (ex) partenaire),
– de faire un signalement au procureur de la République pour révéler la présence d’une
arme à feu signalée par la victime au domicile familial ; il est également autorisé à faire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

un signalement à l’autorité administrative si une personne connue de lui, dangereuse


pour elle-même ou pour autrui, est détentrice d’une arme à feu ou si elle a manifesté
son intention d’en acquérir une (art. 226-14, 3° C. pén.),
– de conseiller de rencontrer l’ex conjoint dans des lieux publics et juste le temps
nécessaire pour régler d’éventuels problèmes d’organisation, si possible en présence
d’accompagnants et/ou de militants associatifs,
– de ne pas parler du mode de vie actuel.

Un soignant peut signaler au procureur et à lui seul qu’un(e) patient(e)


pourrait être menacé(e) de mort par un possesseur d’arme à feu.
Il peut lui téléphoner au TGI local avant de lui faxer le signalement.
Au procureur d’intervenir ou non, sans que le soignant puisse être inquiété
Reportez-vous à la deuxième leçon.

LES SOINS

L’orientation vers un psychologue ou un psychiatre, se fait sans précipitation, parce que


ces victimes estiment « ne pas être folles » et pourraient vivre cette orientation comme un
rejet qui les confronterait à leur problématique habituelle de rejet, vécue comme un nouvel
182
abandon.
Certaines associations organisent des groupes de parole qui permettent aux femmes victimes
de se reconstruire dans un cadre sécurisant.
Ce sujet est l’objet de la dixième leçon.

CONCLUSION

Le repérage systématique de violences de couple se fait en posant systématiquement la


question, dans un climat de confiance parfois difficile à établir avec une victime qui manque
totalement de confiance en soi et en toute forme d’aide possible.
Le soignant doit jouer son rôle (soutien, soins, rédaction d’un ou de certificats médicaux).
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

L’orientation de la victime dans le réseau d’accompagnement social et judiciaire est la seule


façon de l’aider efficacement.
Les femmes victimes de violences de couple bénéficient de droits particuliers en constante
amélioration qu’une association et un avocat parviendront à faire valoir.

Les enfants élevés par un couple violent ne sont pas des témoins mais des
enfants en danger.
Ils doivent bénéficier des dispositions de protection prévues à leur égard.
Reportez-vous à la huitième leçon.

Résumé

1. Il est indispensable d’établir une relation de confiance avec une femme victime
de violences.
2. Le soignant, s’il reçoit le dévoilement, évalue rapidement sa situation personnelle,
familiale, et sociale.
3. La rédaction d’un certificat est utile que la victime le réclame ou non ; le soignant
peut le garder dans son dossier médical.
4. A l’issue de l’examen, il oriente la victime dans le réseau d’accompagnement social
et judiciaire.
5. Les associations d’aide aux femmes victimes soutiennent les femmes et les 183
conseillent dans leurs démarches sociales et judiciaires.
6. L’ordonnance de protection (OP) est délivrée en urgence par le juge aux affaires
familiales (Jaf) en cas de violences de couple, de menaces de mariage forcé, ou
quand existent de sérieux soupçons de danger.
7. L’OP permet toutes sortes de mesures de protection dont l’éviction du conjoint
violent et des dispositions concernant l’autorité parentale, une contribution aux
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

charges du ménage.
8. La victime peut être accompagnée dans ses démarches près le Jaf par une
association qualifiée.
9. L’OP donne droit à l’aide juridictionnelle.
10. Un avocat est indispensable tout au long de la procédure ; il est honoré par l’aide
juridictionnelle en cas d’OP ; il peut être honoré par une assurance de protection
juridique.
11. La CIVI permet d’indemniser de façon intégrale toutes les victimes d’infraction
pénale qui ont porté plainte.
12. L’assistance d’un médecin-conseil dit de recours est indispensable pour assister
la victime lors des expertises d’indemnisation (ANAMEVA).
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Pour parfaire votre connaissance de la prise en charge des victimes de violences


de couple, référez-vous à la dixième leçon consacrée aux soins.

184
8 • Le réseau d’accompagnement socio-judiciaire des victimes de violences de couple

 Notes
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Leçon 9

L’accompagnement
socio-judiciaire
186
d’un enfant maltraité
SOMMAIRE

Transmission d’une information préoccupante ou d’un signalement 189


Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
Les conditions établies par la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Les « informations préoccupantes » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Le signalement des enfants en danger au procureur
de la République . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
Les suites de l’information préoccupante ou du signalement . . . . . 196
Suite d’une « information préoccupante » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Suite d’un signalement judiciaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
L’accompagnement des enfants maltraités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Le juge des enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
L’administrateur ad hoc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
L’avocat de l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Le réseau associatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200 187
Réponses aux questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
Réponse au questionnaire concernant le signalement des enfants
en danger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
Certificat de signalement de Zoé (cas clinique n° 11) . . . . . . . . . . . 203
Réponses au questionnaire concernant le réseau . . . . . . . . . . . . . . . . 204
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cette neuvième leçon est destinée à améliorer votre pratique professionnelle en matière :
– de signalement des enfants en danger ou qui risquent de l’être,
– d’accompagnement de ces enfants et de leur famille soutenante dans le réseau de la
protection de l’enfance, institutionnel et associatif,
– de compréhension des mesures de protection de l’enfant par les institutions compétentes.
Ce travail de réseau est le préalable indispensable sans lequel il serait inutile d’entreprendre
des soins (10e leçon)

188
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

TRANSMISSION D’UNE INFORMATION PRÉOCCUPANTE


OU D’UN SIGNALEMENT

Testez vos connaissances


En tant que soignant :
Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

Je ne me sens pas très concerné par la protection de l’enfance qui n’est


pas de la compétence des médecins

J’avertis la police après m’être assuré que les propos d’un enfant sont
suffisamment « crédibles » pour ne pas accuser quelqu’un à tort

Je peux signaler un enfant en danger en téléphonant au 119

Je risque une sanction disciplinaire si je rédige correctement un


signalement classé sans suite
189
Je peux m’abstenir de signaler un enfant en grave danger pour des
circonstances particulières que j’apprécie en conscience

Je ne peux faire hospitaliser un enfant en danger si les parents s’y


opposent
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

J’ai entendu parler de la Crip

J’ai déjà rédigé des signalements ou transmis des informations


préoccupantes
Je risque des sanctions pénales si je ne signale pas à la brigade des
mineurs qu’un enfant est victime de sodomies de la part de son
beau-père
Je refuse de délivrer un certificat de signalement en cas de divorce
conflictuel ou de conflit de droit de garde
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Cas clinique n° 12
Zoé DOUZE âgée de 7 12 ans vous est amenée par sa mère célibataire, une patiente dont vous être
le médecin traitant. Elle refuse surtout d’aller chez son oncle et sa tante maternelle chez qui
elle passe presque tous les week-ends parce sa mère travaille le samedi et le dimanche matin.
Elle passe toutes les vacances chez sa mère qui s’organise pour qu’elle soit gardée lorsqu’elle
travaille en fin de semaine.
Son oncle, frère ainé de Mme DOUZE, est un homme sympathique, généreux qui a trouvé une
pension d’excellente réputation à quelques kilomètres de son domicile pour sa nièce bien aimée.
Pour Mme DOUZE, il est une sorte de substitut paternel pour sa fille qui ne connaît pas son père
biologique.
Sa mère essaie de la raisonner, mais rien n’y fait ! « Tonton, i’touche ma zigounette quand Tatie
est pas là. I’ veut que je suce sa zétète, pouah... » lâche-t-elle à sa mère qui pense qu’elle
invente cette histoire et la rudoie ; « I’ m’a dit que personne me croira et qu’il me tuera »,
dit-elle en larmes, ce qui inquiète sa mère qui n’a pas d’autre solution que de la reconduire en
pension à 150 kilomètres de son domicile.
Très ennuyée, doutant toujours de sa fille, elle téléphone à sa jeune sœur, une très jeune femme
assez perturbée, et apprend que l’oncle l’a sexuellement agressée dans des conditions similaires
pendant plusieurs années jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’opposer à lui quand elle était en classe
de quatrième.
Elle vient vous demander conseil.

Comment procédez-vous ? Comment menez-vous l’interrogatoire ? Que recherchez-vous ?


Que faites-vous en pratique ?
190 Imaginez ce que vous écrivez dans son dossier médical
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9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

Cas clinique n° 12 suite


Zoé est une petite-fille âgée de 7 ans et demi, enjouée, gaie, ouverte, bien intégrée dans le
milieu scolaire.
Son développement psychomoteur est conforme à celui d’une fillette de son âge.
Elle accepte l’examen mais refuse de revenir sur les faits. Elle dit simplement qu’elle refuse de
retourner chez Tonton et Tatie et qu’elle pense à Tonton le soir au coucher et que cela l’attriste
et lui fait peur.

Êtes-vous tenu d’agir pour que Zoé n’aille plus chez son oncle ?
Si oui, comment procédez-vous ?
Décrivez votre démarche pratique

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191
Le soignant n’est pas un enquêteur ou un évaluateur spécialisé. Il ne doit en aucun cas
poser une question fermée dont la réponse pourrait être « oui » ou « non » ou une question
suggestive en parlant d’un acte ou d’une personne que n’aurait pas cité l’enfant comme ce
policier qui aurait demandé à une fillette de 6 ans : « C’est ta maman qui t’a dit de dire que
ton papa... », question à laquelle elle ne pouvait répondre que « oui ».
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les questions suggestives peuvent contaminer le récit de l’enfant qui, le plus


souvent, a été questionné par la famille, l’école, une assistante sociale, etc.,
tous le plus souvent bien intentionnées.

Si vous aviez la mauvaise idée de l’interroger, il faudrait lui poser des questions ouvertes,
qui seraient surtout utiles dans le repérage systématique de maltraitance (voir la 5e leçon)
telles que :
– Comment ça se passe à la maison ?
– Est-ce que il y a des gens chez qui tu n’aimes pas aller ?
– Est-ce qu’il y a des choses que tu n’aimes pas ?
– Y a-t-il des choses interdites que tu n’aimes pas ?
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Quand l’enfant livre une information, l’inciter à en dire davantage sur l’acte dont il a parlé
ou en faisant des segmentations de temps :
– Dis-moi plus sur ça.
– Qu’est-ce qui s’est passé entre le moment où tu m’as dit qu’il était entré dans ta chambre
et le moment où il a touché ton « pipi ».

Mais on entre ici dans le domaine de l’évaluation qui n’incombe pas au soignant

Un soignant n’est pas un enquêteur ou un évaluateur spécialisé.


Les questions fermées ou suggestives contaminent les récits d’enfant.

Les conditions établies par la loi


 Le signalement des enfants en danger est une obligation pour
tout citoyen (art. 223-6 C. pén.)
Le citoyen à l’obligation d’alerter les services de police ou de gendarmerie, de téléphoner
au 119 ou d’avertir les autorités répressives par tout autre moyen sous peine de poursuites
judiciaires.

192
 Le signalement est une dérogation au secret professionnel
L’article 44 du Code de déontologie médicale dispose non sans ambiguïté :
« Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou
de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve
de prudence et de circonspection.
S’il s’agit d’un mineur (de 18 ans !) ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison
de son âge ou de son état physique ou psychique, le médecin doit, sauf circonstances particulières qu’il
apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »

Personne ne sait qu’elles sont les circonstances particulières qui soutiennent


cette curieuse clause de conscience, ni à quelle autorité médicale s’adresser ?

Le Code pénal, beaucoup plus clair, autorise sans restriction sémantique le signalement des
mineurs de moins de 18 ans en son article 226-14 (voir supra).
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

Le professionnel de santé ne peut pas être inquiété par le Conseil de l’Ordre des médecins
après un signalement fait en bonne et due forme, selon l’article 226-14 C. pén. :
« (...) Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article
ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. »

Le signalement s’adresse au mineur (de moins de 18 ans) et non plus au


fameux mineur de 15 ans.

 Le professionnel de santé est tenu de faire cesser la situation


de danger
Si le professionnel peut s’abstenir de signaler un mineur en danger, il est impérativement
tenu de faire cesser la situation de danger comme en dispose l’article 223-6 C. pén. (cf.
supra) qui s’impose à lui comme à tout citoyen.
L’hospitalisation de l’enfant avec ou sans l’accord des parents est une des façons de faire
cesser la situation de danger en permettant un bilan approfondi dans un service de pédiatrie
compétent. Si les parents s’y refusent, le médecin peut demander une ordonnance de
placement provisoire (OPP) au procureur de la République.
Si les parents acceptent l’hospitalisation, le médecin doit informer le service de pédiatrie,
rédiger une lettre d’admission et s’assurer que les parents y ont conduit l’enfant. Si les
parents ne conduisent pas l’enfant à l’hôpital, le médecin signale la situation de danger à 193
l’autorité administrative ou judiciaire.
L’hospitalisation, utile pour un professionnel isolé, évite une garde à vue immédiate à
l’auteur présumé, ce qui lui permet d’organiser sa défense. Le service hospitalier fait un
signalement à l’issue de l’évaluation si la situation l’exige.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Retenir
Le professionnel de santé peut faire cesser la situation de danger en faisant hospitaliser
un mineur en danger au besoin avec une ordonnance de placement provisoire.

Les « informations préoccupantes »


Le président du conseil général est plus que jamais le pivot du dispositif de la protection de
l’enfant depuis la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Il met notamment
en place une cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) destinée à recueillir,
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

traiter et évaluer des « informations préoccupantes » concernant un « mineur en danger ou


qui risque de l’être », quelle qu’en soit l’origine (art. L. 226-3 et 226-4 C. fam. et aide soc.).
Le texte prévoit également la prise en charge des majeurs de moins de 21 ans connaissant
des difficultés et des mineurs privés de famille
Le soignant qui estime qu’un enfant répond aux conditions ci-dessus énoncées, adresse
une « information préoccupante » au conseil général sous forme d’un certificat ou d’une
attestation rédigés dans les règles (voir la 2e leçon) qui se termine par « Compte tenu de
ce qui précède et conformément à la loi, je vous adresse cette information préoccupante »
par exemple.
La Crip est chargée de l’évaluation pluridisciplinaire de la situation familiale et personnelle
de l’enfant comme le dispose l’article L. 112-3 du C. fam. et aide soc. :
La protection de l’enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être
confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer,
le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale
des mineurs.

Le signalement des enfants en danger au procureur


de la République
Malgré la loi du 5 mars 2007, le médecin reste autorisé à signaler un enfant en danger
194 immédiat au procureur de la République, en respectant les dispositions établies par la loi.

Le professionnel de santé n’étant pas un enquêteur de police, il ne doit pas


hésiter à signaler un enfant en danger parce qu’il pourrait se tromper !

S’il s’abstenait de faire cesser la situation de danger, le soignant s’exposerait en revanche à


des poursuites pénales.
Les professionnels de santé préfèrent généralement le signalement dit judiciaire dans les
cas de danger « immédiat » parce qu’ils craignent les lenteurs de l’administration et ne
comprennent pas qu’il faille la preuve de l’inefficacité des mesures administratives pour
interpeller l’autorité judiciaire.
En pratique, le professionnel de santé, médecin ou psychologue, rédige une attestation ou
un certificat médical descriptif dans les règles (voir 2° leçon).
Il ne cite par conséquent pas un auteur désigné spontanément par l’enfant, même
entre guillemets et au conditionnel, selon les recommandations du Conseil de l’Ordre
des médecins, c’est pourquoi nous conseillons la formule : « une personne que l’enfant
désigne nommément » (voir cas clinique).
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

Il conclut le certificat en notant : « l’enfant ou l’adolescent nécessite des mesures de


protection urgentes » ou « Compte tenu de ce qui précède et conformément à la loi, je vous
adresse ce signalement » formule proposée par l’HAS, par exemple.
Il téléphone au parquet, informe le procureur, en pratique le substitut de permanence, lui
faxe le certificat qu’il lui envoie ensuite par courrier en gardant un double dans le dossier
médical.
Rédigez le certificat de Zoé : signalement au procureur ou information préoccupante

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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance prévoit que toute personne
travaillant au sein de structures sociales et médico-sociales qui avise directement le
procureur de la République d’une situation grave, doit en adresser copie au conseil général.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

LES SUITES DE L’INFORMATION PRÉOCCUPANTE


OU DU SIGNALEMENT

Suite d’une « information préoccupante »


 L’évaluation par la cellule de recueil des informations
préoccupantes (Crip)
L’évaluation de fait de façon pluridisciplinaire (médicale, psychologique, sociale). Les
personnes tenues au secret professionnel sont autorisées à partager entre elles des
informations à caractère confidentiel pour évaluer la situation et mettre en œuvre les
actions de protection et d’aide nécessaires, mais ce partage d’information est strictement
limité à ce qui est nécessaire à la mission de protection de l’enfance.
Selon les dispositions de la loi du 5 mars 2007, en cas d’urgence, la Crip ne pourrait saisir
le procureur de la République que si :
– les mesures administratives d’aide n’ont pas permis de remédier à la situation ;
– les parents refusent l’intervention du service de l’ASE ;
– il est impossible d’évaluer la situation.

Il faudrait par conséquent attendre la preuve de l’inefficacité des mesures administratives


196
de protection, du refus ou de l’incapacité des parents à y adhérer pour saisir l’autorité
judiciaire. Cependant, les conseils généraux saisissent le procureur de la République dans
les situations d’urgence de manière à garantir la sécurité des enfants.

L’article 375 C. civ. précise que le procureur de la République, une fois avisé par le président
du conseil général, s’assure que la situation du mineur entre bien dans le champ d’application
de l’article L. 226-4 C. fam. et aide soc.

À l’issue de l’évaluation, le dispositif de l’Aide sociale à l’enfance est chargé des mesures de
protection.

 L’aide éducative à domicile (AED) et l’aide éducative en milieu


ouvert (AEMO)
Ces actions sont menées par des travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés, assistants
familiaux, psychologues) auprès d’un ou plusieurs enfants de la famille, après évaluation
de la situation et contractualisation avec le titulaire de l’autorité parentale des modes
d’intervention des professionnels et des objectifs de la mesure.
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

Les AEMO sont des mesures prononcées par le juge des enfants.

Savoir
130 000 mesures d’aide éducative AED et AEMO sont prononcées chaque année.
25 % résultent d’un contrat passé entre l’ASE et les titulaires de l’autorité parentale.
75 % des mesures éducatives à domicile sont prononcées par l’autorité judiciaire.

 L’accueil, l’entretien et l’hébergement organisés par le service


de l’ASE au titre de l’assistance éducative
Cette mission de l’ASE concerne les mineurs confiés par l’autorité judiciaire au titre de
l’assistance éducative.
Les modalités de prises en charge se déclinent, dans la loi du 5 mars 2007, des prémices de
la prise en charge jusqu’à la mise en place d’une prise en charge durable.
Cet accueil est confié aux foyers départementaux de l’enfance (dont la mission est
principalement l’observation et l’orientation) ou à des assistants familiaux agréés par
le service de la PMI puis recruté par l’ASE dans le cadre d’un contrat de travail et d’un
contrat d’accueil pour chaque enfant (familles d’accueil).

197
Suite d’un signalement judiciaire
L’enquête, dirigée par le parquet, est réalisée par la brigade de protection de la famille ou
la gendarmerie : convocation des parents, garde à vue possible, enquête de voisinage.
L’enfant est examiné sur réquisition judiciaire dans une unité de médecine légale du vivant
(UMJ) et parfois par un psychologue ou un psychiatre.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

À l’issue de l’enquête, le dossier est transmis au parquet qui décide des suites de l’affaire :
relaxe, absence de poursuite faute d’éléments suffisants, poursuites judiciaires avec saisine
d’un juge d’instruction.
Il transmet le dossier au juge pour enfants si des mesures d’assistance éducative s’imposent.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Suites d’une information préoccupante ou d’un signalement judiciaire

INFORMATION PREOCCUPANTE SITUATION DE DANGER

Information préoccupante au président du Signalement au procureur de la République


CG

Évaluation par la Crip : Protection immédiate :


- évaluation - enquête de police judiciaire
- aide à la famille (AED) - poursuite éventuelle de la personne dési-
Le président du conseil général avise le gnée comme auteur
procureur : Saisine du juge des enfants (assistance
- si une ou plusieurs actions mises en œuvre éducative)
par l’ASE n’ont pas permis de remédier à la - mesure judiciaire d’investigation éduca-
situation ; tive1 (MJIE)
- si la famille refuse d’accepter l’intervention - aide éducative en milieu ouvert (AEMO)
de l’ASE ou si elle est dans l’impossibilité - placement
de collaborer ;
- s’il est impossible d’évaluer cette
situation.

198 L’hospitalisation d’un mineur, au besoin par une OPP permet de faire un bilan tout en
faisant cesser la situation de danger, seule obligation légale à laquelle un professionnel
de santé est tenu.

1. Remplace l’enquête sociale et la mesure d’investigation d’orientation éducative (ex IOE).


9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

L’ACCOMPAGNEMENT DES ENFANTS MALTRAITÉS

Testez vos connaissances


Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non

Les juges pour enfants placent 40 à 50 % des mineurs en danger qu’ils


ont en charge
L’administrateur ad hoc a un rôle exclusif de représentation du mineur
en justice
L’avocat d’enfant est formé à cette tâche pendant ses études à l’école du
barreau
Je connais le nom d’une association compétente en matière de droits de
l’enfant

J’ai déjà conseillé le recours à une telle association

199
Le juge des enfants
Le juge des enfants intervient lorsque des infractions sont commises par un mineur, mais il
est spécialement compétent pour s’occuper des mineurs en danger.
En matière de protection de l’enfance, il est compétent :
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation
sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par le juge
des enfants (article 375 C. civ.)

Il doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée,


serait-elle la pire famille maltraitante ! Il travaille étroitement avec les services sociaux
et éducatifs. Il peut procéder à des investigations sur la personnalité et l’environnement
familial et social de l’enfant (mesure judiciaire d’investigation éducative). Il ordonne
fréquemment des expertises médicales ou psychologiques.
Dans 80 % de ces cas, il prononce des mesures d’assistance éducative, mais il peut placer
le mineur en danger dans un établissement spécialisé.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

L’administrateur ad hoc
L’administrateur ad hoc est une institution qui joue un rôle important dans les procédures
civiles et pénales concernant les mineurs :
Lorsque dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux
de ses représentants légaux, le juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 389-3
du Code civil, [à savoir à la demande du ministère public, du mineur lui-même, ou d’office]
ou, à défaut, le juge saisi de l’instance, désigne un administrateur ad hoc chargé de le
représenter (art. 388.2 C. civ).
Le rôle de l’administrateur ad hoc dépasse largement la représentation du mineur, il assure
« la protection des intérêts du mineur » et a un rôle très important de soutien et d’aide.
La mission de l’administrateur ad hoc nécessite des connaissances très importantes. Elle
doit débuter le plus tôt possible et ne se termine qu’une fois l’exécution du jugement
assurée, jusqu’à la CIVI s’il y a lieu.

L’avocat de l’enfant
Le mineur victime doit être défendu par un avocat devant les juridictions pénales ou civiles.
L’avocat et désigné par le parent qui exerce l’autorité parentale ou à défaut par
l’administrateur ad hoc dont c’est le rôle.
200
Certains avocats se spécialisent dans le droit des mineurs et se regroupent selon des
modalités différentes au sein de chaque barreau
Le mineur assisté d’un avocat bénéficie de droit à l’aide juridictionnelle.

Le réseau associatif
 Les associations généralistes et le 119
Allô Enfance en Danger (119) créé par la loi a trois missions : 1) accueillir les appels
d’enfants en danger ou en risque de l’être, 2) transmettre les informations préoccupantes
aux autorités compétentes, 3) agir au titre de la prévention des mauvais traitements à
enfant.
Le Centre national d’information sur le droit des femmes et des familles (Cnidff) est plus
spécialisé dans l’accompagnement des familles que l’Institut national d’aide aux victimes et
de médiation (Inavem) association généraliste.
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

 Les associations spécialisées dans la protection de l’enfance


Le législateur permet l’intervention d’associations dans le procès pénal lorsqu’elles sont
régulièrement déclarées et qu’elles défendent des causes jugées dignes d’intérêt, comme
la défense des enfants victimes de violences sexuelles et autres maltraitances. Leur liste
figure aux articles 2-1 à 2-21 du Code de procédure pénale.
Les associations compétentes en matière de droits de l’enfant ont souvent des buts communs :
lutter contre les maltraitances ; sensibiliser le public et les pouvoirs publics ; être des plateformes
de formations pour les professionnels ; se porter partie civile pour défendre l’intérêt des enfants
en justice. Elles ont des spécificités différentes (voir annuaire ci-dessous).
Elles peuvent aider et conseiller les familles qui auraient des difficultés avec les institutions
judicaires ou administratives.

 Deux associations se consacrent aux révélations tardives


de violences sexuelles
Le Collectif féministe contre le viol est très impliqué dans le mouvement de protection
de l’enfance ; il a une grande expérience des victimes révélant tardivement des violences
sexuelles subies dans l’enfance.
Fondée par Isabelle Aubry, l’Association internationale des victimes de l’inceste milite pour
la prévention de l’inceste et de la pédocriminalité ; l’AIVI organise des groupes de parole
201
pour les victimes de l’inceste.
Annuaire non exhaustif des institutions et associations
ALLO ENFANCE EN DANGER : 119
ENFANCE ET PARTAGE : http://www.enfance-et-partage.org
LA VOIX DE L’ENFANT : http://www.lavoixdelenfant.org
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’ENFANT BLEU : http://www.enfantbleu.org


ENFANCE MAJUSCULE : http://www.enfance-majuscule.com
L’ENFANT D’ABORD : http://www.lenfantdabord.org
INNOCENCE EN DANGER : http://innocenceendanger.org
COLLECTIF FEMINISTE CONTRE LE VIOL (Viols femmes informations). Tél : 0800 05 95 95.
http://www.cfcv.asso.fr
ASSOCIATION INTERNATIONALE DES VICTIMES DE L’INCESTE (AIVI) : www.aivi.org
CNIDFF (Centre national de documentation et d’information de la femme et de la famille).
http://www.infofemmes.com
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

N’hésitez pas à naviguer sur ces différents sites Internet.

RÉPONSES AUX QUESTIONS

Réponse au questionnaire concernant le signalement


des enfants en danger
1. Seuls 3 à 4 % proviennent des professionnels de santé...
2. Le médecin n’est pas un enquêteur et n’a pas vocation à signaler quoi que ce soit à
la police.
3. Le 119 est un numéro réservé aux usagers.
4. Un signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues par
la loi ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.
5. Cette clause de conscience est incompréhensible.

202 6. Je peux faire hospitaliser un enfant en danger si les parents s’y opposent au moyen
d’une ordonnance de placement provisoire (OPP).
7. Je sais désormais que la Crip est la cellule de recueil des informations préoccupantes.
8. Je sais parfaitement si j’ai déjà rédigé des signalements ou des informations
préoccupantes.
9. La brigade de protection de la famille (et non plus des mineurs) n’est pas compétente
pour recevoir un signalement.
10. L’exercice de la médecine comporte la rédaction de certificats, attestations et
documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires
(art. 76 C. déont. méd.)
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

Certificat de signalement de Zoé (cas clinique n° 11)


Monsieur le procureur de la République
TGI de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.................................................
SIGNALEMENT
Je soussigné Dr Pierre Angulaire, certifie avoir examiné ce jour :
Nom : DOUZE Prénom : Zoé né(e) le 2 janvier 200...
Demeurant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Elle m’a été amenée par sa mère à qui elle aurait révélé avoir été victime d’attouchements
sexuels de la part d’un adulte qu’elle désigne nommément. Elle en aurait parlé
spontanément avant la fin des congés scolaires par peur de retourner chez cet adulte qui
l’aurait menacée de mort si elle dévoilait ce qu’elle subirait.
Elle refuse à présent de parler des faits. Cependant, elle dit qu’elle y penserait : « Souvent
dans la journée, pas tous les jours, surtout le soir avant de m’endormir » et cela
l’attristerait.
À l’examen, on est en présence d’une fillette de 7 ans et 6 mois.
Elle ne présente aucun trouble psychologique antérieur aux faits dénoncés.
Elle est enjouée, gaie, ouverte, bien intégrée dans le milieu scolaire.
203
Elle présente un syndrome intrusif (des pensées répétitives notamment avant de
s’endormir) et un syndrome d’évitement (refus de reparler des faits, peur de retourner
chez cet adulte) typique d’un trouble psychotraumatique compatible avec ses allégations.
Ses capacités cognitives sont conformes à celles d’une fillette de 7 ans et demi, sans
trouble de ses facultés de raisonnement et de jugement. Après les nombreuses questions
posées par sa famille, il est habituel que les enfants refusent de parler. Ils considèrent
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

que tout est dit et font confiance aux adultes à qui ils se sont confiés.
Elle ne présente aucun trouble psychologique ou développemental qui pourrait perturber
ses capacités de jugement ou de raisonnement.
Compte tenu de ce qui précède et conformément à la loi, je vous adresse ce signalement.
Le 5 septembre 201...

Dr Pierre Angulaire
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Réponses au questionnaire concernant le réseau


Les juges pour enfants placent environ 20 % des mineurs en danger qu’ils ont en charge

L’administrateur ad hoc représente le mineur lorsque dans une procédure ses intérêts
apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, mais il l’aide et le
soutient.

L’avocat d’enfant se spécialise après ses études, de même que les magistrats, les policiers...
les médecins qui travaillent cet Atelier du Praticien.

À présent je connais le nom d’une ou plusieurs associations compétentes en matière de


droits de l’enfant (se reporter à l’annuaire)

J’aurai désormais recours à une telle association pour aider un enfant maltraité ou un
membre de sa famille qui le soutient et qui rencontre des difficultés avec les institutions.

204
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

Résumé

1. Le signalement des enfants en danger n’est pas une obligation pour un


professionnel soumis au secret.
2. Un professionnel de santé doit impérativement faire cesser une situation de danger
sous peine de sanctions pénales.
3. Un soignant n’est pas un enquêteur qui pourrait compliquer une enquête ou une
évaluation en posant des questions suggestives à l’enfant qu’il examine.
4. L’hospitalisation d’un enfant présumé en danger permet de faire cesser la situation
de danger en permettant une évaluation dans un service de pédiatrie.
5. Une ordonnance de placement provisoire permet de faire hospitaliser un enfant
contre la volonté des parents.
6. Depuis la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le président du
conseil général est le pivot de la protection de l’enfance.
7. Le président du conseil général est le destinataire des informations préoccupantes.
8. Un soignant rédige une information préoccupante quand il estime qu’un enfant
est en danger ou qu’il risque de l’être.
9. La cellule de recueil des informations préoccupantes (Crip) recueille, traite et
évalue les « informations préoccupantes ».
10. Le médecin est autorisé à signaler un enfant en danger immédiat au procureur
de la République.
11. Le procureur de la République déclenche une enquête de police judiciaire. 205
12. Le juge des enfants intervient lorsque des infractions sont commises par un
mineur, mais il est spécialement compétent pour s’occuper des mineurs en danger.
13. Le mineur victime doit être défendu par un avocat devant les juridictions pénales
ou civiles.
14. L’administrateur ad hoc intervient lorsque dans une procédure, les intérêts d’un
mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

15. L’accueil, l’entretien et l’hébergement organisés par le service de l’ASE au titre


de l’assistance éducative.
16. Le réseau associatif peut aider et conseiller les familles qui auraient des difficultés
avec les institutions judicaires ou administratives.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Pour parfaire votre connaissance de la prise en charge des enfants maltraités,


référez-vous à la dixième leçon consacrée aux soins.

206
9 • L’accompagnement socio-judiciaire d’un enfant maltraité

 Notes
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 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

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Leçon 10

Prise en charge
du psychotraumatisme
208
SOMMAIRE

Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211


L’intervention thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
L’évaluation et le travail en réseau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
Le cadre thérapeutique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212
La thérapie relationnelle avec un adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
Établir une relation d’aide et de soutien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
Négocier le cadre thérapeutique pour ne pas imposer la loi du
plus fort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
Apprendre à gérer les émotions et les troubles dissociatifs . . . . . . 216
Réécrire le scénario traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
Critique du système agresseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Les méthodes thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Les méthodes thérapeutiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Les groupes de paroles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Thérapie des jeunes enfants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223 209
La ludothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Un exemple de traitement intégratif : le modèle de Marylène
Cloitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Travail thérapeutique avec les proches soutenants . . . . . . . . . . . . . . 224
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Réponse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Questionnaire initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Comparaison entre une thérapie classique et une thérapie
relationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

BONUS
Cette dixième leçon est destinée à vous aider à prendre personnellement en charge les victimes
ou, à défaut, à les orienter convenablement.

210
10 • Prise en charge du psychotraumatisme

TESTEZ VOS CONNAISSANCES

Mettez une croix sous la bonne réponse

Oui Non
1. La priorité est de proposer des soins médico-psychologiques à un
patient psychotraumatisé.
2. Je n’ai aucune compétence pour prendre en charge une victime de
psychotraumatisme
3. La prise en charge médico-psychologique d’une victime est l’affaire
de spécialistes en aucun cas de généralistes.
4. La prise en charge médico-psychologique d’une victime relève du
« colloque singulier ».
5. Sans connaissance d’un référentiel particulier (EMDR, TCC, hypnose,
thérapie psychodynamique) il serait illusoire de vouloir traiter un
psychotraumatisé.
6. Les associations d’aide aux victimes organisent des thérapies pour
leur-e-s usager-e-s.
7. Mon correspondant psy est qualifié pour prendre en charge des 211
patients psychotraumatisés.
8. Je propose des thérapies familiales dans le cadre des violences
familiales.
9. Il m’est arrivé de conseiller à une victime de violence sexiste de
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

participer à un groupe de parole.


10 Je pense que la majorité des victimes participe plus ou moins à leur
malheur

Au-delà de l’intérêt des diverses techniques de soins, c’est la qualité de la


relation qui va s’établir avec le soignant qui est réellement thérapeutique.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

L’INTERVENTION THÉRAPEUTIQUE

L’évaluation et le travail en réseau


Qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant et quelle que soit la nature des événements
traumatiques (accident, agression) l’évaluation de la situation personnelle, familiale ou
sociale de la victime permet de mettre en place des mesures de protection sans lesquelles
il sera difficile voire impossible d’entreprendre des soins (8e leçon, p. 171) parce que la
relation thérapeutique serait « polluée » par la nécessité de parer aux nombreuses difficultés
qui s’amoncellent sur le parcours du patient (conseils divers, appels téléphoniques aux
institutions impliquées dans l’aide urgente au patient (médecin du travail, assistante
sociale), certificats médicaux avant expertise ou à la demande d’un avocat par exemple, etc.
Ce travail d’évaluation peut être pratiqué par une association d’aide aux victimes. Il est fait
par la cellule de recueil des informations (Crip) ou par une enquête de police judiciaire en
cas de signalement d’un enfant en danger immédiat au procureur de la République.

Ne jamais débuter un traitement si le cadre thérapeutique n’est pas protégé


par une association et un avocat pour que le soignant ne devienne pas une
assistante sociale ou un avocat peu compétents.

212
Le cadre thérapeutique
Il a été défini dans le Rapport OVEPE1 déposé en 1997 à la Commission européenne dans le
cadre d’un projet Daphné.
Les grands principes retenus sont :
– tendre vers la gratuité des soins,
– faire appel à la loi telle que nous venons de le définir,
– distinguer radicalement « traitement » et/ou psychothérapie et « aide ou soutien aux
victimes », ces derniers étant dévolus au secteur associatif (INAVEM, Associations
d’entraide aux femmes, etc.),
– intervenir dans un cadre médical ou médico-psychologique identifié comme tel
(dispensaire, hôpital, cabinet privé) pour dispenser des soins,
– recourir à des professionnels légalement autorisés, soumis à un Code de déontologie,

1. Rapport OVEPE : European Commission, Daphne 1997, Project number 97/248/WC.


10 • Prise en charge du psychotraumatisme

– utiliser des traitements évalués par la recherche scientifique ou recommandés par les
conférences de consensus,
– ne pas créer des centres s’occupant à la fois des victimes et des agresseurs,
– travailler en réseau : réseau associatif d’accompagnement social et judiciaire
– les groupes de parole sont recommandés par la Conférence de consensus française (John
Libbey).

LA THÉRAPIE RELATIONNELLE AVEC UN ADULTE

La qualité de la relation est le facteur thérapeutique le plus important, accessible à tous


soignants ou toutes personnes qui veut aider un-e psychotraumatisé-e à se reconstruire.

Établir une relation d’aide et de soutien


Prenez connaissance ou retourner sur la deuxième partie du film « Anna ».

213
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Qu’il s’agisse d’une victime d’événement traumatique unique ou de violences répétées,


la qualité de la relation est le facteur thérapeutique déterminant, bien supérieur à tous
les traitements spécialisés ou à une chimiothérapie, cependant parfois utiles pour un-e
patient-e présentant des reviviscences gênantes ou un état dépressif.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Le Docteur VOURC’H examine Anna en faisant preuve d’empathie, attitude normale pour un
médecin mais indispensable pour une victime de violences répétées, réticente à aborder ce
sujet et qui a perdu confiance en toutes formes d’aide possible.
Le principe consiste à de ne pas reproduire un aspect du scénario traumatique qui se répète parfois
depuis des années selon le principe de répétition littérale qui est typique du fonctionnement
des « personnalités traumatiques complexes » (1re leçon, p. 42 ) et (4e leçon, p. 95).
Le risque majeur serait que la relation avec le soignant reproduise littéralement, de façon
caricaturale, la relation traumatique. On parle de transfert traumatique : le sujet est
directement confronté à un agresseur potentiel qui a les caractéristiques exactes de son
agresseur ou à un parent défaillant selon le sexe du soignant et les caractéristiques du
scénario traumatique. Si par exemple vous êtes un soignant de sexe féminin confrontée à
un homme adulte victime de maltraitance vous représenterez sa mère maltraitante, sa mère
complice ou sa mère non protectrice, selon le scénario traumatique vécu dans l’enfance : il
vous sera par conséquent difficile d’obtenir sa confiance et il tentera pendant longtemps de
vous mettre en échec par totale incrédulité et jusqu’à ce qu’il vous accorde sa confiance.
La relation qui s’établit avec un(e) patient(e) victime de violences répétées
reproduit souvent littéralement le scénario traumatique de façon caricaturale.

Avant de poursuivre, imaginez le scénario traumatique typique d’une situation de maltraitance :


Notez les éléments d’un scénario traumatique typique
214
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Nous avons vu dans la première leçon que les éléments du scénario traumatique sont
pratiquement toujours :
– la loi du silence imposée à la victime par l’agresseur ;
10 • Prise en charge du psychotraumatisme

– la minimisation des violences subies voire le déni pur et simple par l’entourage : « Ton
grand-père ? Es-tu bien sûr... » ;
– l’emprise de l’agresseur ;
– l’isolement de la victime, pour mieux régner ;
– la loi du plus fort, celle de l’agresseur ;
– la honte et la culpabilité de la victime, encore renforcés par le discours social
culpabilisateur ;
– des violences authentiquement vécues comme des abandons successifs (de la position
d’enfant, de partenaire) ;
– des défenses de type dissociatif lorsque la ou le psychotraumatisé est confronté à des
situations rappelant ou symbolisant un aspect des violences vécues ;
– la répétition des violences ;
– des violences sexuelles parfois.

De nombreux aspects du scénario traumatique se répètent littéralement dans une thérapie


classique.
Similitudes entre un scénario traumatique et une thérapie « classique »
Scénario traumatique Thérapie classique
Loi du silence « Neutralité bienveillante » et silenciothérapie.
Minimisation, déni Absence de recherche des antécédents traumatiques. 215

Isolement Colloque singulier


Loi du plus fort Cadre thérapeutique rigide, imposé.
Emprise Attrait pour les thérapeutes autoritaires.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Honte, culpabilité Implication du sujet (pas de total hasard)


Abandons successifs Ruptures de soins
Défenses dissociatives Exposition trop rapide aux événements traumatiques
Répétition des violences Rejet – Inversion (contre transfert traumatique)
Violences sexuelles Répétition littérale (nous verrons comment)

La relation thérapeutique doit en aucun cas reproduire un des aspects


du scénario traumatique qu’il convient de réécrire jusqu’aux événements
traumatiques spécifiques initiaux.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Négocier le cadre thérapeutique pour ne pas imposer la loi


du plus fort
Le thérapeute négocie « démocratiquement » le cadre thérapeutique et ne l’impose jamais
pour ne pas reproduire un des aspects du scénario traumatique qui est le domaine où règne
la loi du plus fort. Il faut se mettre d’accord sur le rythme des séances, la durée, le prix
et surtout proscrire tous types de passages à l’acte. À chaque tentative de transgression,
le thérapeute recadre le patient en lui rappelant qu’il a été librement accepté de part et
d’autre.
Aucun contact physique, même amical, n’est licite avec un-e patient-e qui a
été victime de sévices physiques parfois de nature sexuelle transgressive.
En revanche, on peut tolérer qu’un-e patient-e addict au tabac fume une ou
deux cigarettes pendant la consultation.

C’est ainsi que peu à peu, une victime parvient à accorder sa confiance à un thérapeute
qui représente un père devenu progressivement bienveillant et respectueux ou une mère
protectrice, de façon souvent caricaturale dans le type de transfert littéral qui caractérisent
les personnalités traumatiques.

Apprendre à gérer les émotions et les troubles dissociatifs


216
Le soignant doit repérer les troubles dissociatifs psychotraumatiques qui peuvent se
reproduire de façon fâcheuse lorsqu’une victime se trouve confrontée à une pensée, une
image, une situation lui rappelant les situations traumatiques antérieurement vécues. L’état
de conscience modifié la protège de l’angoisse psychique et physique qui accompagne la
reviviscence de la scène traumatique, mais il pérennise le trouble dissociatif qui bloque
toute possibilité d’élaboration. Aucune thérapie par la parole n’est efficiente avant que,
par des techniques de relaxation, la victime puisse apprendre à contrôler ses émotions :
relaxation, chi-kong, yoga, tai-chi, ainsi que la sophrologie ou l’hypnose sauf en cas
d’agression sexuelle.

Réécrire le scénario traumatique


C’est précisément par une relation qui ne reproduit aucun élément du scénario traumatique
que vous pourrez, progressivement, rompre le cercle infernal de la répétition littérale,
ce qu’une thérapie classique, pour névrosé par exemple, ne fait pas comme le démontre
l’encadré précédent.
10 • Prise en charge du psychotraumatisme

Ce cadre relationnel, en soi thérapeutique, sera difficile à mettre en place avec un-e
patient-e en manque total de confiance en soi, confronté-e à un soignant qui représente,
selon son sexe par exemple, un personnage du scénario traumatique initial.
Marquez un temps de réflexion et notez, par opposition à une thérapie classique, les
éléments d’une relation thérapeutique qui ne reproduise pas le scénario traumatique.
Différences entre une thérapie classique et une thérapie relationnelle

Thérapie classique Thérapie relationnelle

« Neutralité bienveillante » et
silenciothérapie.

Absence de recherche des antécédents


traumatiques.

Colloque singulier

Cadre thérapeutique rigide, imposé.

Attrait pour les thérapeutes autoritaires.

Implication du sujet (pas de total hasard)

Ruptures de soins 217

Exposition trop rapide aux événements


traumatiques

Rejet – Inversion (contre transfert


traumatique)
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Répétition littérale (nous verrons comment)

Retour sur le cas clinique n° 4


Monsieur QUATRE aurait voulu être musicien comme sa mère, mais il a été méthodiquement
programmé pour devenir polytechnicien comme son père, son grand-père, etc., avant lui. Il
a passé sa jeunesse dans son bureau, surveillé par son père, sans avoir le droit de sortir, de
fréquenter des copains. Il ne s’est jamais révolté. Il n’a pas présenté une « crise d’adolescence ».
Il est major de sa promotion et dirige sa propre start-up.
Il consulte parce qu’il ne parvient pas à séduire une jeune femme pour procréer et perpétrer la
tradition familiale.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

À la demande du soignant, il explique qu’il sort très peu et qu’il fréquente l’Eglise de scientologie
quand il en a le temps.

La vie de Monsieur QUATRE est caricaturale d’une répétition littérale transgénérationnelle.


Comment risque de se reproduire le scénario traumatique dans le cadre du transfert
traumatique qui s’établit entre M. QUATRE et son thérapeute ?
Notez le risque de répétition littérale « transférentielle »
de M. QUATRE avec son thérapeute
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Rapidement, M. QUATRE explique que la thérapie ne lui convient pas, qu’il va l’arrêter pour
consulter un coach. Le risque de retomber dans le scénario traumatique initial est évident :
passer d’un père gourou à une secte... puis d’une secte à un coach.
Ce n’est qu’en prévenant une rupture et en expliquant simplement à Monsieur QUATRE que
décidément il ne parvient pas à être autonome... que le thérapeute pourra l’aider à réécrire
le scénario traumatique dans son ensemble afin qu’il expérimente un type de relation qui lui
paraissait jusqu’alors inaccessible. C’est pourquoi une victime de viols incestueux tentera un
ultime passage à l’acte sexuel transgressif avec son thérapeute de sexe masculin (prendre la
main, invitation au restaurant, proposition directe, etc.)... La victime de viols incestueux,
si son thérapeute est de même sexe, tentera hors du cadre thérapeutique (transfert latéral)
218 de répéter le scénario traumatique ; le thérapeute, représentant caricaturalement le parent
à présent protecteur, tentera d’éviter ce passage à l’acte.

Cas clinique n° 6 suite


Mlle SIX est hospitalisée pour trouble schizophrénique.
Une psychiatre a pu faire le lien entre des troubles dissociatifs pseudo psychotiques et une
tentative de sodomie, avec son accord, pour préserver intact son hymen.
Rapidement remise sur pied, elle poursuit la psychothérapie, parce qu’elle se sent peu sûre d’elle
dans ses relations masculines. Elle éprouve le besoin d’expérimenter une relation sécure.

Comment va-t-elle tenter de reproduire le scénario traumatique spécifique, le viol de son


oncle, dans le cadre de cette relation avec une thérapeute qui représente une mère qui ne
l’a pas protégée ?
Comment Mlle SIX pourrait-elle tenter de rejouer une dernière fois
le scénario traumatique spécifique
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10 • Prise en charge du psychotraumatisme

Mlle SIX au bout de 8 mois de thérapie, quand elle a toute confiance en sa thérapeute, lui
annonce que son chef de service, un homme de 50 ans, lui fait la cour. Sa thérapeute la met en
garde comme le ferait une « mère protectrice » : il a l’âge de son oncle quand elle a été violée,
etc. Rien n’y fait, elle ne se rend plus au rendez-vous.

Sa psychiatre la relance par SMS, ce qui serait une faute thérapeutique dans une thérapie
de névrosé.

Mlle SIX revient penaude 6 mois plus tard : « J’ai hésité... Vous m’aviez mise en garde, je
m’attendais à ce que vous refusiez de me donner un rendez-vous. Mais c’est un menteur, vous
savez ! Il est marié et quand il a voulu me partager avec un ami, alors j’ai dit non ! ».
Ce « non » constitue déjà un progrès.

La thérapie relationnelle se poursuit jusqu’à ce que Mademoiselle SIX annonce qu’elle a


rencontré un homme de son âge, timide, qui peine à se déclarer, situation qui lui permet de
briser le cycle des répétitions.

Prendre garde à contrôler les sentiments de rejets qu’induisent les person-


nalités traumatiques complexes pour ne pas reproduire un des aspects du
scénario traumatique.

Critique du système agresseur


219
Dans une thérapie classique, le soignant recherche toujours la part de responsabilité de la
victime : « Il n’y a pas de hasard ! » nous a-t-on appris.
Dans une thérapie relationnelle, la recherche de sens - « Pourquoi moi ? » - se travaille
par la critique du « système agresseur » et non pas par des interprétations plus ou moins
« culpabilisantes ».
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La réflexion féministe a permis de définir un système agresseur qui privilégie la loi du


plus fort et nourrit le totalitarisme familial et social dont sont victimes les plus faibles au
profit des plus forts : les femmes et les enfants notamment. Mais il existe d’autres systèmes
agresseurs totalitaires qui se confortent sur des préjugés tout aussi tenaces à l’encontre :
des personnes socialement défavorisées ; des personnes « contretypiques » comme les
homosexuels, les invalides, les mendiants, les émigrés, les prostitués, à plus grande échelle
les pays en voie de développement, etc. Ces différentes idéologies sacrificielles sont
résumées de façon probablement non exhaustive dans le tableau suivant.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Les systèmes agresseurs

Idéologie sacrificielle Violences « legitimées »

Sexisme et homophobie Viols, agressions sexuelles, violences à l’encontre des femmes


et des homosexuels, discriminations socioprofessionnelles,
système prostitutionnel

Néolibéralisme Guerre économique, licenciements, délocalisations,


harcèlement au travail

Racisme Esclavage, discriminations, violences, extermination

Extrémisme idéologique et Intolérance, guerres, terrorisme.


religieux

Élitisme Discrimination, échec scolaire, exclusion, harcèlement au


travail

Militarisme Guerre, apologie du sacrifice, viols de masse

Totalitarisme (familial, Loi du plus fort : violences d’état, terrorisme, violences


220 social, idéologique, familiales, emprise sectaire, etc.
sectaire, d’état)

Ces idéologies sacrificielles et les stéréotypes qui les confortent justifient toutes sortes de
violences légitimées par les plus forts qui disposent de moyens de rétorsion très efficaces
pour maintenir cet état de chose à leur profit. Elles sont partagées par la majeure partie du
corps social qui privilégie de plus en plus bruyamment la performance et l’efficacité comme
norme sociale.

Retenir

En établissant une relation thérapeutique de confiance, le thérapeute, qui représente


caricaturalement l’agresseur ou un proche à l’origine non protecteur, aide le patient à
réécrire dans sa totalité le scénario traumatique pour briser la répétition littérale.
10 • Prise en charge du psychotraumatisme

LES MÉTHODES THÉRAPEUTIQUES

La relation prévaut sur toutes les méthodes thérapeutiques qui n’ont été
évaluées que pour l’état de stress post-traumatique.
Les troubles psychotraumatiques complexes nécessitent une thérapie relation-
nelle qui permet de briser le scénario traumatique.

Les méthodes thérapeutiques


Depuis une quinzaine d’années, des techniques psychothérapeutiques ont été adaptées au
psychotraumatisme. Mais ces techniques ne remplacent pas une longue fréquentation de
la problématique des victimes et en particulier des victimes d’agressions sexuelles et des
processus de domination sexiste qui les sous-tendent. La recherche indique que l’expérience
du traitement du psychotraumatisme est plus importante que le savoir-faire technique du
thérapeute.
Les troubles psychotraumatiques sont en relation « directe et certaine » avec l’événement
subi comme l’écrivent les rédacteurs du guide barème des pensions militaires, bien que la
personnalité de la victime, son histoire personnelle, ses troubles psychiques antérieurs,
interfèrent avec les troubles. Il est donc indispensable de traiter en priorité les troubles
psychotraumatiques spécifiques : les pensées, images, sensations physiques, cauchemars, 221
répétitifs et intrusifs de l’événement, les évitements, les troubles neurovégétatifs, la colère,
etc.
Le traitement proprement dit des victimes doit, autant que possible, privilégier les thérapies
dites brèves centrées sur le traumatisme psychique et ses conséquences sur la vie courante.
Il gagnerait à être entrepris le plus tôt possible.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La force des recommandations HAS est définie dans le tableau suivant, elles ne sont valables
que pour les traumatismes uniques (ESPT) :

Recommandations HAS
Technique Indications / contre indications Force des
therapeutique recommandations

Chimiothérapie ESPT (intrusions psychotraumatiques) À/B


États dépressifs
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

TCC ESPT À

Thérapie psychodyna- ESPT B


mique

EMDR ESPT À/B

Hypnothérapie Tr. Dissociatifs (contre indiquée en cas C


d’agressions sexuelles)

Thérapie familiale Globalement contre indiquée E

Thérapie de groupe Groupe de paroles C

Les groupes de paroles


Les groupes de parole permettent de réécrire le scénario traumatique.
Ils sont fondés sur la critique du système agresseur, le sexisme pour les victimes de viol ou
de violences familiales ; le néolibéralisme pour les victimes de harcèlement au travail, etc.
222
Ils tendent à favoriser la solidarité du groupe et à rompre les liens de dépendance qui
entravent l’autonomie des participants. La mise en commun des épreuves, humiliations,
émotions, permet de reconnaître en l’autre une personne semblable à soi, confrontée à des
problèmes personnels, familiaux, sociaux, souvent assez proches. Ce qu’on pensait inutile
pour soi apparaît dès lors nécessaire pour l’autre et, en s’aidant, chacun(e) s’aide elle-même
à retrouver l’estime de soi.
L’entraide et la création de liens sociaux constituent une dimension importante des groupes ;
les participants apprennent à fonctionner ensemble et à se faire mutuellement confiance.
Les groupes luttent contre les sentiments de culpabilité, fréquents chez les personnes
traumatisées, en attribuant les responsabilités aux auteurs et circonstances véritables ; ils
permettent de transformer la honte en colère qui, bien dirigée, constitue une motivation
puissante pour inverser le cours des choses.
10 • Prise en charge du psychotraumatisme

THÉRAPIE DES JEUNES ENFANTS

De nombreux modèles ont été proposés qui reposent sur les principes que nous avons
étudiés pour les adultes, mais adaptés à l’âge de l’enfant :
– identification des émotions ;
– gestion des émotions ;
– développement des liens sociaux

La ludothérapie
La ludothérapie permet d’adapter aux jeunes enfants les principes recommandés pour le
traitement du psychotraumatisme.
À titre d’exemple :
– pour aider l’enfant à identifier et classifier ses émotions, le thérapeute peut se servir de
supports ludiques comme des cartes ou des émoticônes ;
– l’apprentissage de la gestion des émotions passe par des jeux respiratoires (bulles de
savon par exemple). Le thérapeute peut demander à l’enfant de représenter l’émotion (la
peur, la joie, la colère, la tristesse) avec un support papier ou de la pâte à modeler. Il
peut proposer de garder la représentation de cette émotion dans une boîte. Plus tard, il
sera peut-être temps de jeter cette boîte et son émotion. Le thérapeute peut également 223
demander à l’enfant de confectionner des billes de courage qu’il va garder avec lui à la
fin de la séance pour pouvoir s’y référer en cas de besoin ;
– le thérapeute aide également l’enfant à repérer les personnes soutenantes dans son
environnement familial et amical, lesquels représentent les meilleurs facteurs de résilience.
Il lui demande de les représenter sur un support papier. Chacun l’aide à sa façon : quand
il joue avec un camarade, il ne pense plus à ses problèmes ; quand il fait un câlin avec sa
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

grand-mère ou son grand-père, il ressent de la joie ; quand il est félicité par sa maîtresse
ou son éducatrice, il se sent compris et apprécié.

Un exemple de traitement intégratif : le modèle


de Marylène Cloitre
Les modèles intégratifs sont nombreux, tous devraient respecter le cadre général que nous
avons défini. Au soignant d’utiliser les techniques thérapeutiques avec lesquelles il se sent
à l’aise.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Marylène Cloitre1 , par exemple, décrit un traitement en trois phases classiques que l’on
retrouve dans la plupart des modèles de traitement :
– alliance thérapeutique, sentiment de sécurité, apprentissage de la gestion des émotions et
des comportements pour que le patient parvienne à mieux tolérer ses états émotionnels ;
– travail sur le trauma pour fixer les images traumatiques dans le passé et parvenir à
secourir l’enfant victime qu’il fut avec ce qu’il est devenu adulte ;
– reprise progressive de la maîtrise de sa vie et développement des compétences sociales
pour éviter de retomber dans la répétition littérale des relations « abusives » dans sa
vie personnelle et professionnelle actuelle.

Travail thérapeutique avec les proches soutenants


Les thérapies familiales sont contre-indiquées en cas de violences familiales parce que
la massivité des dynamiques perverses entrave le changement et maintient les stratégies
d’emprise du système familial.
Mais il est utile d’aider les membres de sa famille qui soutiennent l’enfant, voire de leur
conseiller d’entreprendre une thérapie personnelle pour eux-mêmes mais aussi pour pouvoir
être contenant et soutenant avec l’enfant traumatisé.

Dans les conflits parentaux, un des parents, détenteur de l’autorité parentale


224
conjointe, peut s’opposer à la thérapie bien souvent pour maintenir une
emprise maltraitante ; dans ce cas, le thérapeute signale cette situation de
danger aux autorités compétentes..

1. Cloitre M., Cohen L., Koenen K., Treating Survivors of Sexual Abuse, NY, Guilford Press, 2006, traduction par G.-E.
Sarfati, Paris, Dunod, 2014.
10 • Prise en charge du psychotraumatisme

RÉPONSE

Questionnaire initial
1. La priorité est l’orientation dans le réseau d’accompagnement social et judiciaire.

2. La compétence pour prendre en charge une victime de psychotraumatisme repose


sur une relation que tous les médecins peuvent mettre en place.

3. La prise en charge médico-psychologique d’une victime est évidemment l’affaire


des généralistes.

4. La prise en charge médico-psychologique d’une victime ne relève pas du colloque


singulier, mais d’une prise en charge de réseau.

5. Sans connaissance d’un référentiel particulier (EMDR, TCC, hypnose, thérapie


psychodynamique) je peux traiter une victime en lui permettant de réécrire le
scénario traumatique.

6. Les associations d’aide aux victimes ne font pas des thérapies mais du soutien
avant orientation vers une thérapie.
225
7. Mon correspondant psy est-il qualifié pour prendre en charge des patients
psychotraumatisés ? Il faut m’en assurer.

8. Les thérapies familiales sont contre indiquées dans le cadre des violences familiales.

9. les groupes de parole sont indiqués pour les victimes, de violences sexistes
notamment.
 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

10. Les différents systèmes agresseurs légitiment la plupart des violences que les plus
forts imposent aux plus faibles.
PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES D’ACCIDENT ET D’AGRESSION

Comparaison entre une thérapie classique et une thérapie


relationnelle
Therapie classique Therapie relationnelle

« Neutralité bienveillante » et Empathie active.


silenciothérapie.

Absence de recherche des antécédents Recherche systématique d’antécédents


traumatiques. traumatiques, incitation à porter plainte.

Colloque singulier Prise en charge en réseau.

Cadre thérapeutique rigide, imposé. Cadre thérapeutique négocié.

Attrait pour les thérapeutes autoritaires, Cadre souple avec recadrage.


coaching.

Implication du sujet (pas de total hasard) Critique du système agresseur.

Ruptures de soins Prévention des ruptures de soins

Exposition trop rapide aux événements Technique de gestion des émotions


226 traumatiques

Rejet – Inversion (contre transfert Contrôle des contre-attitudes « violentes »


traumatique)

Répétition littérale Réécriture du scénario traumatique


10 • Prise en charge du psychotraumatisme

Résumé

1. Une thérapie ne peut débuter qu’après avoir protégé le cadre thérapeutique par
un accompagnement social et judiciaire assuré par un avocat et une association.
2. La reconstruction d’une victime est facilitée par une procédure judiciaire qui la
reconnaît comme telle.
3. Une thérapie s’inscrit nécessairement dans un cadre médico-psychologique bien
identifié.
4. Il ne faut utiliser que les techniques validées par la recherche ou les consensus.
5. Les techniques thérapeutiques (psychodynamique, cognitivo-comportementale,
EMDR, hypnose) ne sont validées que pour l’État de stress post-traumatique.
6. La grande difficulté d’une thérapie consiste à gagner la confiance d’une victime
de traumatismes répétés.
7. Avant toute thérapie il faut aider un psychotraumatisé à contrôler ses émotions
(relaxation, respiration, Chi-Kong, yoga, etc.)
8. Plus que la technique psychothérapeutique et les interprétations, c’est la qualité
de la relation qui est thérapeutique.
9. Le cadre classique des thérapies pour « névrosés » reproduit (plus ou moins
littéralement) le scénario traumatique.
10. Les seules interprétations possibles sur le (non)sens des violences subies
consistent à critiquer les « systèmes agresseurs sacrificiels » qui les légitiment.
11. Les victimes de traumatismes répétés induisent des contre attitudes violentes 227
avec risques de passages à l’acte chez les soignants (violence, autoritarisme,
transgressions sexuelles).
12. La thérapie consiste à réécrire le scénario traumatique en contrôlant et prévenant
les tentatives du patient pour rejouer le scénario traumatique avec son soignant.
Bibliographie
Les sites Internet de l’HAS, de la Sécurité sociale (Ameli), du Conseil de
l’Ordre des médecins, du Ministère de la Justice, contiennent des informations
intéressantes, comme ceux des associations qui figurent dans l’annuaire.

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