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Université Assane SECK de Ziguinchor

Unité de Formation et de
Recherche des Lettres,
Arts et Sciences Humaines

Département d’Histoire et Civilisations

CIVILISATION DE L’ÉGYPTE
ANCIENNE : INTRODUCTION
À l’ÉGYPTOLOGIE

Licence 1 Histoire et Civilisations


Janvier 2024

©Yves Victor NGONO


v.ngono@univ-zig.sn
Civilisation de l’Égypte ancienne : Introduction à l’égyptologie

1 - Introduction
L’intérêt porté à l’ancienne Égypte est loin d’être récent. Depuis
l’époque dite classique avec les voyages des Grecs, des Romains, des Nubiens,
etc. aux abords de la vallée du Nil jusqu’à nos jours en passant par le
déchiffrement des hiéroglyphes en 1822, l’admiration dont elle fait l’objet ne
s’est pas estompée. Bien au contraire, elle continue encore, à présent, de
fasciner aussi bien les spécialistes que le public non averti. Aujourd’hui en
Afrique, aucun débat sérieux sur l’avenir ne se fait sans évoquer, voire
invoquer la possibilité de réactualiser le potentiel civilisationnel de
l’ancienne Égypte. Les amateurs de l’égyptologie ne se comptent plus et les
réseaux sociaux offrent souvent le spectacle de déclarations parmi les plus
fracassantes1. Dans un tel climat, la possession de connaissances
élémentaires en égyptologie est une exigence de notre temps. Ce cours, qui
s’inscrit dans le cadre de l’UE 121 : Égyptologie et Nubiologie, ambitionne
d’une part, de savoir comment l’égyptologie est née et quel est son objet
d’étude. D’autre part, il vise à en évaluer la pertinence dans une Afrique à la
conquête de sa véritable histoire et de l’initiative civilisationnelle qui y est
associée.
Mais avant d’y arriver un éclairage conceptuel nous semble digne de
considération car l’égyptologie fait appel à une terminologie spécifique. La
notion de civilisation provient de la racine latine civis, c’est-à-dire citoyen,
ou de civitas, qui désigne la cité ou l’ensemble des citoyens. Elle apparaît

1En 2020, Elon Musk affirmait que les pyramides d’Égypte auraient été construites par les extraterrestres.
Plus récemment, en Mars 2023, Maître Gims déclara que les Égyptiens avaient de l’électricité, voir
https://www.jeuneafrique.com/1435199/culture/quand-gims-reecrit-lhistoire-de-legypte-ancienne-en-
mode-electrique/, consulté le 05-01-2024.

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d’abord dans le vocabulaire juridique comme le fait de rendre civil un procès


criminel. Ensuite, à la fin du XVIIIe siècle, le substantif désigne, en France,
« un certain stade de développement, soit l’ensemble des acquis
techniques, sociaux, et intellectuels que le progrès continu de la raison
a permis de cumuler »2. Il s’agit d’un stade idéal d’évolution vers lequel doit
tendre l’humanité : Sauvagerie/Barbarie → Civilisation.
Ledit schéma, fruit d’une partition binaire de l’expérience humaine, a
été édifié et enrichi avec détermination par l’anthropologie coloniale dans
l’optique de justifier la « mission civilisatrice » des peuples sous le joug de
l’impérialisme, de l’assimilation et du paternalisme coloniaux. L’évocation de
la civilisation a donc toujours un référent ou modèle privilégié : l’occident.
Toutefois, dans le cadre du présent enseignement, il s’agit d’appréhender la
civilisation comme l’ensemble des avancées ou réalisations multiples
(physiques et métaphysiques, techniques et esthétiques, sociales, politiques
et économiques, etc.) que les hommes et les femmes d’Égypte ont accumulées
pendant plusieurs millénaires.
Le toponyme Égypte nécessite également une clarification. L’origine la
plus lointaine du mot est attestée chez les anciens Égyptiens eux-mêmes. En
effet, la capitale du pays des pharaons, sous l’Ancien Empire, était désignée
Hout-Ka-Ptah, « Le temple du Ka (double vital) du dieu Ptah ». Selon
l’hypothèse la plus satisfaisante jusqu’ici, c’est de là que les Grecs auraient
tiré le mot Aegyptos pour désigner, le principal port du Nil, c’est-à-dire
Memphis ; mais aussi l’ensemble du royaume pharaonique : Hout-Ka-Ptah
→ Aegyptos → Égypte. Cependant, les anciens Égyptiens, eux-mêmes,

2A. C. Taylor, « Civilisation », in P. Bonte & M. Izard (dir.), Dictionnaire de l’Ethnologie et de l’Anthropologie,
Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p. 151.

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désignaient leur pays par des toponymes3 plus intéressants encore : Tawy
« les Deux-Terres » ou le « Double-Pays » ; Tamery « La Terre bien aimée » ;
Kemet « le pays noir ».

Esquisse d’une carte de l’ancienne Égypte. Source : http://cafe-


geo.net/egypte-perils-sur-le-nil-en-haute-egypte/, consulté le 04-03-2023.

Les adjectifs suivants : ancien, ancienne ou antique, couramment


usités, font référence à une période chronologique précise qui est l’Antiquité.
Si l’on s’en tient à la chronologie courte, cette période va de l’unification de
l’Égypte par Narmer Ménes en 3200 avant l’ère chrétienne jusqu’à la
conquête du pays par Alexandre Legrand en 333 av. J.-C4. Cette précision,

3 Le toponyme désigne un nom de lieu.


4 D. Valbelle, L’Égyptologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, 2e édition, p. 29.

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concernant l’Égypte, permet de mieux saisir le contenu du vocable


égyptologie.
Il est formé à partir de deux mots : Aegyptos, que nous connaissons
déjà, et logos qui signifie discours, science, étude. Littéralement,
l’égyptologie est la science qui étudie l’Égypte ancienne. Chez Théophile
Obenga, l’on peut lire que « l’égyptologie est l’ensemble des études relatives
au passé humain de la civilisation pharaonique »5. Il s’agit d’un discours qui
reconstitue le passé des habitants de la vallée du Nil dans les domaines de
l’art, de la religion, des mathématiques, de l’esthétique, de la philosophie, du
droit, etc. C’est une science qui a pour objet l’histoire, la langue et les vestiges
de l’antiquité égyptienne. Produire un exposé scientifique sur l’Égypte, c’est
s’atteler à rendre intelligible une part noble des premières expériences de
l’humanité sur la voie de la civilisation6. Pour y parvenir, nous allons voir tout
d’abord le processus qui a conduit à la naissance de l’égyptologie, ensuite
quelles sont les conditions de possibilité de la connaissance du passé humain
de l’Égypte et enfin apprécier les enjeux de cette science dans l’Afrique
d’aujourd’hui. Si l’égyptologie s’intéresse aux choses anciennes, il importe de
faire remarquer qu’elle est une science relativement jeune.

Première partie : La naissance de l’égyptologie


Caractéristique est la marche qui conduisit à la naissance de
l’égyptologie. Si les spécialistes s’accordent à considérer que cette science a
vu le jour au XIXe siècle, l’intérêt porté à l’Égypte date de l’Antiquité.

5 Th. Obenga, « Contribution de l’égyptologie au développement de l’Afrique », Présence Africaine, 2e


Trimestre, Nouvelle série, nº. 94, 1975, p. 119.
6 L’Égypte étant, par ailleurs, considérée comme le berceau de la civilisation.

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2 - Aux origines de l’écriture du passé de l’Égypte


Les anciens Égyptiens s’étaient, très tôt, penchés sur l’écriture de leur
passé7. Cependant, l’œuvre des historiens de la Grèce antique accorde à
l’Égypte une place de choix et permet de connaître ce pays sous plusieurs
aspects : « le reportage avec Hérodote, au Ve siècle ; avec Strabon, la
géographie ; l’exposé encyclopédique avec Diodore de Sicile ; avec Plutarque,
la philosophie et la religion »8. Hérodote9, « le père de l’histoire », s’y était
rendu vers 450 av. J.-C. afin de découvrir et d’admirer les merveilles qui
foisonnaient tout le long de la vallée du Nil. D’autres érudits l’imitèrent dans
cette voie notamment Strabon, Diodore de Sicile, Plutarque, Manéthon pour
la Grèce. Les Romains aussi témoignèrent d’un certain intérêt pour l’Égypte
à l’instar de Pline, Tacite, Apulée, Ammien Marcellin, Flavius Josèphe, etc.
jusqu’à la fermeture des derniers temples égyptiens sous l’empereur
Justinien, au VIe siècle de notre ère. Cette fermeture eut pour conséquence
l’abandon des écritures de l’Égypte pharaonique: hiéroglyphique aussi bien
que hiératique ou démotique.
Après cette période, l’occident, désormais ancré dans la
« barbarie »10, semble perdre le souvenir de cette terre de merveilles. Même
les croisades ne suffirent pas à susciter un regain d’intérêt. Il faudra attendre
le XVIIe siècle pour voir l’Europe s’intéresser à nouveau à l’Égypte sous
l’impulsion plus ou moins accentuée des Arabes dont la curiosité ne fut pas
seulement d’ordre scientifique. Si l’on peut compter, au rang de leurs
principales œuvres (Le livre des perles enfouies…), il convient de souligner
que plusieurs trésors disparurent des tombes royales.

7 Nous y reviendrons plus loin.


8 S. Sauneron, L’Égyptologie, Paris, Presses Universitaires de France, 1968, p. 5.
9 Bien avant Hérodote, plusieurs savants grecs s’étaient rendus en Égypte à l’instar de Pythagore,
10 Pendant le Moyen Age c’est-à-dire depuis les invasions dites barbares.

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Dès les premières années du XVIIe siècle, plusieurs manuscrits


coptes sont rapportés d’Égypte par les missionnaires ou les voyageurs.
Lesdits manuscrits furent rédigés avec des caractères très lisibles puisque
l’alphabet copte, c’est-à-dire l’alphabet adopté par les Égyptiens devenus
chrétiens, n’est que l’alphabet grec accru de quelques signes. En 1643, le père
Athanase Kircher publia un ouvrage remarquable qui allait contribuer à
répandre l’étude de la langue copte. Son titre était aussi évocateur que
prétentieux : Lingua ægyptiaca restituta « La langue égyptienne restituée ».
Comme on le voit, la connaissance du copte fut d’abord propagée en
Europe dans le seul intérêt de la littérature biblique (certaines publications
dédiées au pape montrent tout l’intérêt que le Vatican accordait aux progrès
des études sur l’Égypte). La suite logique de cet état de choses est tangible
dans les efforts fournis pour expliquer le système religieux de l’ancienne
Égypte, son culte et les nombreuses attributions de ses divinités.
L’interprétation des noms de ces divinités se fit à l’aide des vocabulaires
coptes comme on peut le constater chez Paul Ernest Jablonsky dans son
ouvrage intitulé : Pantheon Ægyptorium sive de Diis eorum commentarius11.
Cependant, l’analyse étymologique de ces noms de divinités ne pouvait
véritablement être faite qu’à la condition initiale de maîtriser l’orthographe
égyptienne de ces mêmes noms.
Le XVIIIe siècle vit le renouvellement de plusieurs tentatives visant à
maîtriser l’écriture hiéroglyphique mais en vain. Joseph de Guignes,
s’efforçant d’établir la communauté d’origine des Chinois et des anciens
Égyptiens, prétendait interpréter les inscriptions hiéroglyphiques avec le
seul secours des dictionnaires chinois. L’intitulé de sa principale publication

11 Nous traduisons : Les Égyptiens ou une description de leurs dieux.

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résume assez bien sa pensée : Mémoire dans lequel on prouve que les Chinois
sont une colonie égyptienne.
Profondément versé dans la connaissance du grec et du copte, le savant
danois Zoëga produisit un important travail sur les obélisques. Il n’ignora pas
les inscriptions hiéroglyphiques qui y étaient sculptées. C’est ainsi qu’il fut
conduit à leur examen et à soupçonner, bien que de façon vague, la présence
de l’élément phonétique dans le système des écrits sacrés. La publication de
son travail précéda la conquête de l’Égypte par Napoléon Bonaparte.

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