C’est là une vérité universellement reconnue qu’une célibataire
pourvue d’une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l’on sache de son avis à cet égard, lorsqu’elle arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l’esprit de ses voisins qu’ils la considèrent sur-le-champ comme la propriété de l’un ou l’autre de leurs fils. Ce fut par la plus chaude journée d’Août de l’année 1864 que Stefan Salvatore l’apprit à ses dépens. Tout était calme autours de Veritas, l’immense propriété du père de Stefan. Guiseppe Salvatore avait toujours été un fervent défenseur de la vérité, et disais souvent que tant qu’un homme cherchait la vérité dans sa vie, et combattait le mensonge, il n’avait besoin de rien d’autre. C’était un jour de chaleur si oppressante que même les mouches avaient cesser de grouiller ; même les enfants des domestiques qui, d’ordinaire, batifolaient de droite à gauche en chahutant restaient silencieux, abrités sous l’ombre du grand cognassier. Stefan serra fermement son petit livre dans sa main, et se dirigea vers les écuries. Cet après-midi-là, il avait prévu de monter sa fidèle jument Mezzanotte dans la fraicheur de la forêt qui bordait Veritas. L’été du jeune homme avait, pour l’essentiel, été rythmé par ces escapades. Du haut de ses dix-sept ans, Stefan ne tenait pas en place, et n’était disposé ni à partir au combat comme son frère, ni à écouter son père lui expliquer comme diriger la propriété. Tous les soirs, le même espoir habitait le jeune homme : à savoir que plusieurs heures de solitudes bien mérités l’attendaient. Au fond de lui, Stefan désirait surtout découvrir qui il était, et aussi, ce qu’il voulait devenir. Il venait de terminer son apprentissage au lycée de garçon, et son père l’avait contraint à repousser son inscription à l’Université de Virginie jusqu’à ce que la guerre soit terminer. Depuis, Stefan louvoyait étrangement dans un entre-deux ; il n’était plus un garçon, mais pas encore un homme non plus : il ignorait quoi faire de sa vie. Mais le pire était qu’il n’avait personne à qui se confier. Son grand- frère Damon, de sept ans son ainé, avait rallié les troupes du général Groom à Atlanta ; la majeure partie de ses amis d’enfances, quand ils n’avaient pas eux-mêmes rejoints de lointains champs de batailles, s’apprêtaient à se fiancés ; quant à son père, il passait le plus claire de son temps enfermé dans son bureau. « Va faire encore bien chaud ! » La voix de Robert, le contremaître, portait loin, alors même qu’il était près de la grange, observant deux lads essayant d’immobiliser la vache laitière que Guiseppe avait acquis à une vente aux enchères, deux semaines plus tôt. « Ouais » grommela Stefan. Autre problème : alors qu’il mourait d’envie d’avoir quelqu’un à qui parler, face à un interlocuteur, il n’était jamais satisfait. Il aurait voulu rencontrer quelqu’un qui le comprenne, à qui il puisse parler de la vie en générale, de la littérature en particulier, et non pas seulement de la météorologie. Robert était gentil, et c’était l’un des conseillers les plus respectés du père de Stefan, mais il ne parlait pas, il criait, avec une exubérance telle qu’une conversation de dix minutes avec lui, vous donnait la migraine pendant dix jours. « Vous connaissez les dernières nouvelles ? » Robert abandonna ses lads pour s’approcher du jeune homme. Intérieurement, Stefan lâcha un grognement, puis fit non de la tête. « Je n’ai pas lu les journaux, qu’est-ce que le général Groom a encore fait » répondit-t-il malgré-lui. Les conversations sur la guerre ne manquaient jamais de le mettre mal-à-l’aise. D’une main, Robert se protégea les yeux, et secoua la tête. « Rien avoir avec la guerre, apparemment, il y’aurait une nouvelle famille emménageant en ville, et pas n’importe laquelle. Avez-vous déjà entendu parler des Stark, mon garçon ? » Si Robert s’attendait à une réaction de la part de Stefan, il fut servi. Ce dernier n’arrivait pas à y croire, à tel point qu’il en était bouche-bée. Bien sûr qu’il avait entendu parler des Stark ! C’était une richissime famille anglaise, des nobles même, s’il on comptait les Lord et les Comtes parcheminant leur arbre généalogique, et d’ailleurs, Dominique Stark, surnommé Dom Stark, avait épousée Margareth Albert, sœur cadette d’Edward VII, actuel roi de Grande Bretagne. Les enfants des Stark – car ces derniers en avaient deux, un garçon et une fille - étaient considérés comme prince et princesse. Stefan n’arrivait pas à y croire. Qu’est-ce que les Stark pouvaient bien venir faire dans cette petite bourgade perdue au-milieu de la Virginie qu’était Mystic Falls ?