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Dépêche No.

780 | 7 mars 2024

Les Maliens acclament la baisse de la corruption,


mais la peur des représailles en cas de
dénonciation persiste
Dépêche No. 780 d’Afrobarometer | Massa Coulibaly

Résumé
La corruption a connu une ampleur ces dernières années au Mali à telle enseigne que l'ex-
Président de la République feu Ibrahim Boubacar Kéïta, fraichement élu en 2013, assignait à
la lutte contre la corruption la priorité de son mandat. Sous ledit mandat, malheureusement,
le phénomène ira en s'aggravant avec des scandales de corruption à la fin écourtée de son
mandat en 2020 (Shipley, 2017 ; Bintou, 2023).
Sous la transition politique, de fin août 2020 à nos jours, le phénomène semble reculer
quelque peu, et il est attendu qu'il poursuive sa décélération. Depuis la fin 2022, la lutte
contre la corruption est inscrite au fronton de l'action gouvernementale avec pour preuves
la poursuite judiciaire et l'incarcération de nombreux hommes politiques et d'affaires
impliqués dans les détournements de fonds publics, la malversation et la délinquance
financière (Africanews, 2022 ; Studio Tamani, 2023). Les poursuites se fondent sur les rapports
du Bureau du Vérificateur Général et de l'Office Central de Lutte contre l'Enrichissement
Illicite.
Le présent rapport de l'enquête d’Afrobarometer fait le point du phénomène dans toutes ses
dimensions (secteurs, acteurs, formes et risques dans la dénonciation) et en retrace
l'évolution sur la décennie écoulée.
Une large majorité des Maliens estiment que la corruption a diminué dans leur pays au cours
des 12 derniers mois, un net revirement par rapport à 2020. Aux yeux des citoyens, les juges
et magistrats, les hommes et femmes d’affaires, les fonctionnaires, les agents des impôts, et
les policiers et gendarmes seraient les plus trempés dans des affaires de corruption. En plus,
bon nombre de citoyens disent avoir versé un pot-de-vin pour obtenir un service public.
Les Maliens pensent que les médias devraient contribuer à lutter contre la corruption en
enquêtant et en publiant sur les cas de corruption et les erreurs du gouvernement. Ils
approuvent les efforts du gouvernement dans le combat contre la corruption, mais pensent
toujours risquer des représailles en signalant un acte de corruption.

L’enquête Afrobarometer
Afrobarometer est un réseau panafricain et non-partisan de recherche par sondage qui
produit des données fiables sur les expériences et appréciations des Africains relatives à la
démocratie, à la gouvernance et à la qualité de vie. Neuf rounds d’enquêtes ont été
réalisés dans un maximum de 42 pays depuis 1999. Les enquêtes du Round 9 (2021/2023)
couvrent 39 pays. Afrobarometer réalise des entretiens face-à-face dans la langue du
répondant avec des échantillons représentatifs à l'échelle nationale.
L’équipe d’Afrobarometer au Mali, conduite par le Groupe de Recherche en Economie
Appliquée et Théorique (GREAT), s’est entretenue avec 1.200 adultes maliens entre le 6 juillet

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et le 1 août 2022. Un échantillon de cette taille produit des résultats nationaux avec des
marges d'erreur de +/-3 points de pourcentage à un niveau de confiance de 95%. Des
enquêtes ont été précédemment réalisées au Mali en 2001, 2002, 2005, 2008, 2012, 2013,
2014, 2017 et 2020.

Résultats clés
 La majorité (64%) des Maliens estiment que la corruption a diminué au cours des 12
derniers mois. Cette perception est montée en flèche depuis 2020.

 Les citoyens maliens pensent que parmi certaines institutions et leaders clés, les juges
et magistrats, les hommes et femmes d’affaires, les fonctionnaires, les agents des
impôts ainsi que les policiers et gendarmes sont les plus impliqués dans la corruption.

 Expériences de corruption dans des services publics :


o Parmi les citoyens qui ont eu affaire à la police au cours des 12 derniers mois, 41%
ont dû verser un pot-de-vin pour éviter des ennuis avec les policiers et 35% l’ont
fait pour obtenir leur assistance.
o Pareillement pour 17% des Maliens qui ont essayé d'obtenir un document
d’identité, 13% de ceux qui ont obtenu un service médical et 10% de ceux qui ont
sollicité un service dans une école publique.

 Près des trois quarts (74%) des sondés estiment que les médias devraient enquêter et
publier constamment sur la corruption et les erreurs du gouvernement.

 La majorité (59%) des Maliens approuvent les performances de leur gouvernement


dans la lutte contre la corruption au sein de l’administration publique, plus de deux
fois plus qu’en 2020.

 Cependant, près des deux tiers (64%) des répondants estiment qu'il est plutôt risqué
de signaler des actes de corruption contre seulement un tiers (34%) qui estiment être
à mesure de le faire sans peur.

Ampleur de la corruption et personnes impliquées


A la question de savoir si le niveau de la corruption a augmenté, diminué ou est resté pareil
pendant l’année écoulée, près des deux tiers (64%) des Maliens répondent que la corruption
a diminué tandis qu'ils sont seulement 21% à dire qu'elle a plutôt augmenté, et 14% n'ayant
pas perçu de variation du niveau de corruption (Figure 1).
Ces niveaux de corruption perçue varient selon la région, le sexe, le niveau d'éducation et le
statut de pauvreté vécue. 1 D'abord il faut remarquer que quelle que soit la caractéristique
démographique, il y a toujours plus d'avis en faveur de la diminution que de l'augmentation,
dernière perception pour laquelle aucune majorité ne se dégage nulle part. Plus le sondé est
nanti, plus il dira que la corruption a diminué, allant de 55% des non nantis à 83% des plus
nantis. Il y a également davantage de perception de diminution de la corruption au fur et à
mesure que le niveau d'éducation évolue, allant de 62% des non instruits à 76% des plus

1
L'Indice de la Pauvreté Vécue d'Afrobarometer mesure les niveaux de privation matérielle des répondants en
demandant à quelle fréquence eux-mêmes ou leurs familles ont dû vivre sans les nécessités de base (assez de
nourriture pour manger à sa faim, assez d'eau pour les besoins domestiques, les soins médicaux, assez de
combustible pour la cuisson des repas, et un revenu en espèces) au cours de l'année précédente. Voir Mattes et
Patel (2022) pour plus d'informations sur la pauvreté vécue.

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instruits. Les hommes (74%) perçoivent plus de diminution que les femmes (53%), à plus de 20
points de pourcentage d'écart. La perception de la baisse du niveau de corruption est plus
forte à Ségou (73%) que dans les autres régions (46%-68%).

Figure 1 : Perception du niveau de la corruption | par groupe démographique


| Mali | 2022

Mali 64% 14% 21%

Femmes 53% 18% 27%


Hommes 74% 10% 15%

Pauvreté vécue forte 55% 20% 25%


Pauvreté vécue modérée 60% 13% 24%
Pauvreté vécue faible 70% 11% 17%
Pauvreté vécue nulle 83% 7% 9%

Post-secondaire 76% 5% 19%


Secondaire 65% 12% 21%
Primaire 63% 17% 20%
Sans éducation formelle 62% 14% 21%

Ségou 73% 7% 20%


Kayes 68% 13% 17%
Sikasso 67% 15% 17%
Koulikoro 67% 11% 19%
Bamako 64% 16% 19%
Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal 46% 20% 32%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Quelque peu/Beaucoup diminué Pareil Quelque peu/Beaucoup augmenté

Question posée aux répondants : A votre avis, le niveau de la corruption a-t-il augmenté, diminué ou
est-il resté pareil dans ce pays pendant l’année écoulée ?

Globalement, la perception d’une corruption croissante a augmenté de 2014 à 2020,


passant de 31% à 76%. Cette hausse de perception pourrait s’expliquer par l’échec de la
politique de lutte contre la corruption qui était la priorité du Président Ibrahim Boubakar Kéita
dont le fils s’est vu impliquer dans des scandales de corruption (Dakaractu, 2022 ; Le Cam,
2022). La fin écourtée de son mandat en 2020 marquera l’apogée de cette perception
d’une corruption en hausse au Mali. L'année 2022 marque une accélération de la
perception de la diminution de la corruption. A cet effet, 64% des Maliens se sont prononcés
en faveur de cette diminution contre 16% en 2020 (Figure 2).

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Figure 2 : La corruption augmente-t-elle ou diminue-t-elle ? | Mali | 2014-2022

100%

80% 76%

60% 64% Quelque peu/Beaucoup


60% diminué

50%
Quelque peu/Beaucoup
40% augmenté
27%
31%
Pareil
16%
20% 21%
18%
14%
12%
8%
0%
2014 2017 2020 2022

Question posée aux répondants : A votre avis, le niveau de la corruption a-t-il augmenté, diminué ou
est-il resté pareil dans ce pays pendant l’année écoulée ?

Les juges et magistrats se classent en tête des institutions ou leaders les plus perçus comme
corrompus ; près de la moitié (48%) des répondants estiment que « la plupart d’entre eux »
ou « tous » sont impliqués dans les affaires de corruption (Figure 3). Ils sont suivis de très près
par les hommes ou femmes d'affaires (47%), en d'autres termes le secteur privé. Ces deux
premiers sont suivis des fonctionnaires (45%), des agents des impôts (45%) et des policiers ou
gendarmes (44%).
A 8 points de pourcentage des juges et magistrats se situent les conseillers communaux
(40%). Cinq dernières catégories de personnalités apparaissent comme étant les moins
impliquées dans des actes de corruption. Ce sont au premier rang les chefs traditionnels
(22%), ensuite les leaders religieux (24%), le président de la République et les fonctionnaires
de la Présidence (26%), les organisations non gouvernementales (ONG) (28%) et les députés
(34%).
En plus, concernant toutes ces catégories, des grandes proportions (allant de 33% jusqu’à
42%) des répondants estiment que « certains d’entre eux » sont corrompus.

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Figure 3 : Perception de corruption parmi les leaders et institutions clés | Mali | 2022

Juges et magistrats 48%

Hommes et femmes d'affaires 47%

Fonctionnaires 45%

Agents des impôts 45%

Policiers/Gendarmes 44%

Conseillers communaux 40%

Députés à l'Assemblée Nationale 34%

Organisations non gouvernementales 28%

Président et officiels de la Présidence 26%

Leaders religieux 24%

Chefs traditionnels 22%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Questions posées aux répondants : Selon vous, combien des personnes suivantes sont impliquées dans
des affaires de corruption, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour vous prononcer ?
(% qui disent « la plupart d’entre eux » ou « tous »)

Si au plan national, aucune catégorie de personne n'est déclarée « tous » ou « la plupart »


corrompue par une majorité des répondants, il n'en est pas de même au niveau régional. Il
n'y a d'ailleurs que dans les régions de Kayes et de Ségou qu'aucune majorité ne se dégage.
Pour les juges et magistrats, Kayes enregistre un maximum de 45% et Ségou 41%.
Dans les régions du Centre (Ségou, Koulikoro) et du Nord (Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal),
régions en proie à l'insécurité et l'extrémisme violent, dans la plupart des cas c'est toujours la
majorité qui se dégage dans la culpabilisation des personnes pour fait de corruption, 56%
comme score maximum à Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal pour les fonctionnaires. A
Koulikoro, une seule majorité se dégage, 54%, au préjudice du secteur privé, région où ces
hommes ou femmes d'affaires paraissent plus corrompus que les juges ou magistrats, tout
comme à Sikasso (60% contre 57%) et à Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal (55% contre 51%).
Bamako met au fronton des personnes corrompues les agents des impôts et les policiers
avec respectivement 52% et 51%.
Il importe de signaler que les leaders religieux ont leur plus mauvais score dans les régions du
Centre (43%, à 19 points de pourcentage au-dessus de la note nationale) et au Nord (40%,
ou 16 points de pourcentage au-dessus de la moyenne nationale). Il en est de même pour
les chefs traditionnels ou encore les ONG, certainement plus présentes dans ces zones pour
des activités humanitaires ou de développement (Figure 4).

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Figure 4 : Les cinq institutions et leaders les plus perçus comme corrompus
| par région | Mali | 2022

48%
47%
Mali 45%
45%
44%

48%
43%
Bamako 49%
Juges et
52%
51% magistrats

51%
Mopti/Tombouctou/Ga 55%
o/Kidal
56% Hommes et
49%
52% femmes
d'affaires
41%
24%
Ségou 36% Fonctionnaires
32%
36%

57%
60% Agents des
Sikasso 49%
50% impôts
54%

44%
54% Policiers/
Koulikoro 44% Gendarmes
49%
40%

45%
40%
Kayes 34%
31%
30%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Questions posées aux répondants : Selon vous, combien des personnes suivantes sont impliquées dans
des affaires de corruption, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour vous prononcer ?
(% qui disent « la plupart d’entre eux » ou « tous »)

Les chefs traditionnels comme les leaders religieux apparaissent beaucoup moins corrompus
que les autres sans démenti véritable aucune année (Figure 5). La perception d’une
corruption généralisée avait atteint 55% pour la Présidence de la République en 2020, pour
en sortir ou presque en 2022 (26%), en tout cas à un niveau jamais égalé en 2014 comme en
2017.
La situation est presque la même en ce qui concerne les députés, quoique plus perçus
corrompus en 2022 que les fonctionnaires de la Présidence (34% contre 26%). Les conseillers
communaux occupent une position bien médiane pour toutes les années (40% à 46%).

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Figure 5 : Evolution de la perception de corruption parmi certains leaders ou
institutions clés | Mali | 2014-2022

100%

Conseillers
communaux
80%

Députés

60%
55%
48% 54% Président et
44% 47% fonctionnaires de
la Présidence
40% 46% 40%
36% 41%
35% 34% Leaders religieux
26%
21% 24%
20% 22%
18% Chefs traditionnels
13% 14%

0%
2014 2017 2020 2022

Questions posées aux répondants : Selon vous, combien des personnes suivantes sont impliquées dans
des affaires de corruption, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour vous prononcer ?
(% qui disent « la plupart d’entre eux » ou « tous »)

Expérience de corruption dans les services publics


Non seulement les Maliens perçoivent la corruption au niveau des leaders et institutions clés
mais ils en font aussi l’expérience. Parmi les répondants qui ont eu affaire à la police au cours
des 12 derniers mois, 41% déclarent avoir dû verser un pot-de-vin pour éviter des ennuis avec
les policiers et 35% l’ont fait pour obtenir leur assistance.
De même, 17% des citoyens maliens qui ont essayé d'obtenir un document d’identité, 13%
de ceux qui ont obtenu un service médical et 10% de ceux qui ont sollicité un service dans
une école publique ont dû payer des pots-de-vin (Figure 6).

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Figure 6 : Pots-de-vin dans les services publics | Mali | 2022

Pour éviter des ennuis avec la police 41%

Pour obtenir l'assistance de la police 35%

Pour obtenir un document d'identité 17%

Pour des services médicaux dans un


13%
hôpital public

Pour un service scolaire public 10%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Questions posées aux répondants :


Au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu affaire à une école publique ? [Si oui :] Et combien de
fois, le cas échéant, avez-vous dû verser des pots-de-vin, faire un cadeau ou une faveur à un
enseignant ou dirigeant d’école afin d’obtenir ce dont vous aviez besoin de ces écoles ?
Au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu affaire à une clinique ou un hôpital public ? [Si oui :] Et
combien de fois, le cas échéant, avez-vous dû verser des pots-de-vin, faire un cadeau ou une
faveur à un agent de santé ou un employé de la clinique ou de l’hôpital afin d’obtenir les soins
médicaux dont vous aviez besoin ?
Au cours des 12 derniers mois, avez-vous essayé d’acquérir une pièce d’identité telle qu’un extrait
de naissance, un permis de conduire, un passeport, une carte d'électeur, ou une autorisation
officielle du gouvernement ? [Si oui :] Et combien de fois, le cas échéant, avez-vous dû verser des
pots-de-vin, faire un cadeau ou une faveur à un agent du gouvernement afin d’obtenir le
document dont vous aviez besoin ?
Pendant les 12 derniers mois, avez-vous eu recours à l’assistance de la police ? [Si oui :] Et
combien de fois, le cas échéant, avez-vous dû verser des pots-de-vin, faire un cadeau ou une
faveur à un agent de police afin d’obtenir l’assistance dont vous aviez besoin ?
Pendant les 12 derniers mois, combien de fois avez-vous eu affaire à la police dans d’autres
situations, comme les postes de contrôle, au cours des arrêts de contrôle d’identité ou lors d’une
enquête ? [Si oui :] Combien de fois, le cas échéant, avez-vous dû verser des pots-de-vin, faire un
cadeau ou une faveur à un agent de police afin d’éviter des difficultés lors de ce genre de
rencontre ?
(% qui disent « une ou deux fois », « quelques fois » ou « souvent ». Les répondants qui n’avaient pas eu
affaire à ces services publics sont exclus.)

De 2017 à 2020, l'expérience des pots-de-vin a bien cru dans les services de santé, pour
l’assistance de la police et légèrement dans les contacts des citoyens avec l’école
publique, de même que pour éviter des problèmes avec les policiers. Il importe de signaler
que la pratique des pots-de-vin a considérablement baissé (12 points de pourcentage
chacun) pour l’obtention de l’assistance de la police et des documents d’identité depuis
2020 (Figure 7).

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Figure 7 : Evolution du paiement de pots-de-vin pour des services publics | Mali
| 2017-2022

100%

80% Pour éviter des ennuis


avec la police
60%
Pour obtenir l'assistance de
47% la police
40% 37% 41% 41%
35% Pour obtenir un document
29% d'identité
26%
20% 20%
15% 17%
13% Pour des services
7% 7% 10%
6% médicaux dans un hôpital
0%
public
2017 2020 2022

(% des répondants ayant eu affaire à ces services publics et qui disent avoir versé un pot-de-vin
« une ou deux fois », « quelques fois » ou « souvent ». Les répondants qui n’avaient pas eu affaire à ces
services publics sont exclus.)

Malgré la pratique plus courante du pot-de-vin, il est encore plus difficile que pour les trois
autres services retenus d'obtenir l’assistance de la police : 48% des répondants ayant eu
recours à l’assistance de la police affirment qu’il était « difficile » ou « très difficile », contre
16% pour un service scolaire public, 33% pour l’obtention d’un document d’identité, et 34%
pour un service de santé (Figure 8).

Figure 8 : Facile ou difficile d'obtenir des services publics ? | Mali | 2022

100%

80%
52% Facile/Très facile
67% 66%
60% 84%

40%
Difficile/Très
48% difficile
20% 34%
33%
16%
0%
Pour un Pour obtenir Pour des Pour obtenir
service un document services l'assistance
scolaire d'identité médicaux de la police
public dans un
hôpital public

Questions posées aux répondants qui ont eu affaire à ces services publics : Etait-ce facile ou difficile
d’obtenir [les services dont vous aviez besoin] ? (Les répondants qui n’avaient pas eu affaire à ces
services publics sont exclus.)

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Cette difficulté varie significativement selon l'âge et la région du répondant. L'assistance de
la police est particulièrement difficile à obtenir pour les 36-55 ans (61%-63%) et devient
cauchemardesque à Sikasso, 74% des usagers déclarant qu'il est difficile de l'obtenir, à 24
points de pourcentage au-dessus de sa poursuivante immédiate, Ségou (50%) (Figure 9).
C'est finalement seulement à Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal qu'il est moins difficile d'obtenir
l’assistance de la police, 37% sur une moyenne nationale de 48%.

Figure 9 : Facile ou difficile d'obtenir l’assistance de la police ?


| par groupe démographique | Mali | 2022

Mali 48%

Rural 48%
Urbain 47%

Plus de 55 ans 42%


46-55 ans 61%
36-45 ans 63%
26-35 ans 30%
18-25 ans 51%

Sikasso 74%
Ségou 50%
Kayes 46%
Koulikoro 42%
Bamako 39%
Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal 37%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Question posée aux répondants ayant eu recours à l’assistance de la police : Etait-ce facile ou difficile
d’obtenir l’assistance dont vous aviez besoin ? (% qui disent « difficile » ou « très difficile »)
(Les répondants qui n’avaient pas eu recours à l’assistance de la police sont exclus.)

Lutte contre la corruption


Réduire la corruption est un noble combat auquel tous les acteurs clés devraient contribuer.
Près de trois quarts (74%) des sondés estiment que les médias devraient enquêter et publier
constamment sur la corruption et les erreurs du gouvernement (Figure 10). Les ruraux le
voudraient plus que les urbains (75% contre 69%), les faiblement ou modérément pauvres
(76%-78%) plus que les non pauvres (67%) ainsi que les sévèrement pauvres (68%). La région
de Sikasso (90%) le voudrait largement contrairement aux autres régions, qui en
demanderaient beaucoup moins.
Six Maliens sur 10 (59%) se disent satisfaits des efforts de leur gouvernement dans la lutte
contre la corruption (Figure 11). Ce taux a plus que doublé comparativement à 2020, où
seulement 23% des Maliens approuvaient les performances de l’Etat dans cette lutte.

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Figure 10 : Les médias devraient-ils enquêter et publier sur la corruption ?
| par groupe démographique | Mali | 2022

Mali 74% 25%

Rural 75% 24%


Urbain 69% 31%

Pauvreté vécue forte 68% 32%


Pauvreté vécue modérée 76% 23%
Pauvreté vécue faible 78% 21%
Pauvreté vécue nulle 67% 33%

Sikasso 90% 9%
Ségou 72% 28%
Koulikoro 72% 26%
Kayes 71% 28%
Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal 67% 33%
Bamako 65% 34%
0% 20% 40% 60% 80% 100%
Les médias devraient constamment enquêter et publier sur la corruption et les
erreurs du gouvernement
Trop de publications sur les évènements négatifs comme la corruption sont nuisibles
au pays
Question posée aux répondants : Laquelle des affirmations suivantes est la plus proche de votre
opinion ?
Affirmation 1 : Les médias devraient constamment enquêter et publier sur la corruption et les erreurs du
gouvernement.
Affirmation 2 : Trop de publications sur les évènements négatifs comme la corruption et les erreurs du
gouvernement sont nuisibles au pays.
(% qui sont « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec chaque affirmation)

Figure 11 : Performance gouvernementale dans la lutte contre la corruption | Mali


| 2014-2022

100%

80% 76%
71% Plutôt/Très bien
60% 56% 59%

40% 43%
37% Plutôt/Très mal
26% 23%
20%

0%
2014 2017 2020 2022

Question posée aux répondants : Qualifier la manière, bonne ou mauvaise, dont le gouvernement
actuel répond à la lutte contre la corruption au sein de l’administration publique, ou n’en avez-vous
pas suffisamment entendu parler pour vous prononcer ?

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Malgré qu’ils se disent satisfaits des efforts de lutte contre la corruption que déploie leur
gouvernement, les Maliens (60%) pensent majoritairement qu'il n'est pas probable de faire
réagir une autorité anti-corruption quelconque lorsqu'un acte de corruption lui aurait été
signalé, contre seulement 38% qui trouvent que ça serait plutôt probable (Figure 12).
Les femmes trouvent cette réaction de l'autorité anti-corruption encore moins probable que
les hommes (63% contre 57% « pas très » ou « pas du tout » probable). Il n'y a finalement qu'à
Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal ou une majorité (57%) se dégage pour l'avis contraire, à
savoir plus probable qu'improbable de faire réagir ladite autorité, cela à l'opposé de Sikasso
(30%) et Koulikoro (32%).

Figure 12 : Probabilité de faire réagir l’autorité anti-corruption sur un acte


de corruption | par sexe et région | Mali | 2022

Mali 38% 60%

Femmes 33% 63%

Hommes 42% 57%

Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal 53% 46%

Kayes 45% 49%

Ségou 36% 64%

Bamako 35% 60%

Koulikoro 32% 67%

Sikasso 30% 69%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Quelque peu/Très probable Pas très/Pas du tout probable

Question posée aux répondants : Quelle est la probabilité que vous arriviez à faire réagir quelqu'un si
vous alliez à la mairie ou commune ou l’autorité anti-corruption pour signaler un acte de corruption tel
que le mauvais usage des fonds ou la réclamation de pots-de-vin ?

Près des deux tiers (64%) des sondés estiment qu'il est plutôt risqué de signaler des actes de
corruption, contre seulement un tiers (34%) qui estiment être en mesure de dénoncer sans
peur (Figure 13). Cela veut dire que le citoyen s'engagerait difficilement dans la
dénonciation des corrupteurs ou des corrompus, particulièrement les femmes (67%) et ceux
vivant dans les régions de Kayes (72%) et Ségou (69%). Il n'y a finalement que les plus nantis à
se prononcer majoritairement pour la dénonciation sans peur (51%, contre 30%-36% pour les
moins nantis).

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Figure 13 : Les citoyens ordinaires peuvent-ils signaler les actes de corruption sans
peur ? | par groupe démographique | Mali | 2022

Mali 34% 64%

Femmes 30% 67%


Hommes 38% 61%

Rural 35% 64%


Urbain 33% 64%

Pauvreté vécue forte 36% 61%


Pauvreté vécue modérée 30% 68%
Pauvreté vécue faible 33% 67%
Pauvreté vécue nulle 51% 48%

Post-secondaire 39% 60%


Secondaire 29% 69%
Primaire 34% 65%
Sans éducation formelle 35% 63%

Plus de 55 ans 39% 60%


46-55 ans 35% 64%
36-45 ans 33% 66%
26-35 ans 36% 62%
18-25 ans 29% 69%

Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal 42% 56%


Koulikoro 38% 60%
Sikasso 34% 66%
Bamako 33% 62%
Ségou 31% 69%
Kayes 26% 72%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Peuvent signaler sans peur


Risquent des représailles ou d’autres conséquences négatives

Question posée aux répondants : Dans ce pays, les citoyens ordinaires peuvent-ils signaler les actes de
corruption sans peur, ou risquent-ils des représailles ou d’autres conséquences négatives quand ils
parlent ?

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La perception selon laquelle signaler la corruption est risquée est toujours largement
répandue, même si elle a diminué de 7 points de pourcentage par rapport à 2020
(Figure 14).

Figure 14 : Evolution du risque de signaler des actes de corruption | Mali | 2017-2022

100%

80%
71%
67% Risquent des représailles ou
64%
d'autres conséquences
60% négatives

40%
Peuvent signaler sans peur
32% 34%
20% 29%

0%
2017 2020 2022

Question posée aux répondants : Dans ce pays, les citoyens ordinaires peuvent-ils signaler les actes de
corruption sans peur, ou risquent-ils des représailles ou d’autres conséquences négatives quand ils
parlent ?

L’accès aux informations publiques étant nécessaire aux citoyens et aux médias pour
participer pleinement à la lutte contre la corruption, à quel point les citoyens maliens ont-ils
accès aux informations budgétaires détenues par les autorités publiques ?
Peu de Maliens pensent qu'il est probable d'obtenir des informations sur les plans de
développement et budget de la localité (32%), d’un contrat ou achat financé par le
gouvernement (31%) et du budget de l'école de la localité (30%) (Figure 15). C'est
singulièrement peu probable d'obtenir de telles informations dans la région de Koulikoro, 15%
à 16% seulement quel que soit l’élément, à l’opposé des autres régions.

Pour sonder vous-même ces données, veuillez visiter notre outil


d’analyse en ligne au www.afrobarometer.org/online-data-analysis.

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Figure 15 : Probabilité d'obtenir des informations du gouvernement ou d’autres
services publics | par région | Mali | 2022

32%
Mali 31%
30%

Plans de
développement
28%
Bamako 23% et budget de la
29% localité
45%
Mopti/Tombouctou/Gao/Kidal 43%
37% Contrat ou achat
financé par le
40% gouvernement
Ségou 38%
40%

36%
Sikasso 33%
29% Budget de l’école
de la localité et
16% l’usage qui a été
Koulikoro 15%
15% fait des fonds

35%
Kayes 39%
35%

0% 20% 40% 60% 80% 100%


Questions posées aux répondants : Quelle est la probabilité que vous obteniez les informations
suivantes du gouvernement ou d'autres institutions publiques, ou n'en avez-vous pas suffisamment
entendu parler pour vous prononcer :
Si vous avez contacté l’école de la localité pour vous enquérir du budget de l’école et de l’usage
qui a été fait des fonds ?
Si vous avez contacté la mairie pour vous enquérir des plans de développement et budget
communal ?
Si vous avez contacté votre mairie pour demander à voir un contrat ou un achat financé par le
gouvernement ?
(% qui disent « quelque peu probable » ou « très probable »)

Conclusion
La plupart des Maliens affirment que la corruption dans le pays a diminué, un net
renversement par rapport à 2020 et l'une des évaluations les plus positives enregistrées dans
39 pays africains interrogés par Afrobarometer en 2021/2023 (Dulani, Asiamah, & Zindikirani,
2023).
Cependant, même si les Maliens apprécient le combat qui est mené par le gouvernement
contre la corruption, des efforts supplémentaires semblent nécessaires pour activer les
services de lutte contre ce fléau dans toutes les contrées du pays et faire diminuer les risques
de représailles qui planent sur les citoyens qui sont tentés de dénoncer les faits de corruption.
Il est intéressant de noter que la perception de la corruption est plus dense à Mopti/
Tombouctou/Gao/Kidal. Pourtant, il n'y a que dans ces régions du Nord où la majorité des

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sondés pensent qu'il est plus probable qu'improbable de faire réagir l’autorité anti-corruption
et où plus de Maliens estiment qu’ils peuvent signaler les actes de corruption sans peur.
La transparence budgétaire semble être faible dans toutes les régions, avec moins de la
moitié des citoyens confirmant la probabilité d’accéder aux informations au niveau de
l’école publique, de la commune et des achats de la commune. A cet effet, la région de
Koulikoro serait à prioriser en matière de promotion de la transparence.

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Références
Africanews. (2022). Mali : L'allocation de logements sociaux suspendue sur fond de corruption. 16
février.
Bintou, F. (2023). Révélations choquantes : Affaires de corruption et de malversations impliquant des
responsables gouvernementaux. Bamada.Net. 31 octobre.
Dakaractu. (2022). Corruption : Visé par le trésor américain, le fils de l’ancien président malien IBK,
Karim Keïta clame son innocence et clarifie. 15 décembre.
Dulani, B., Asiamah, G. B., & Zindikirani, P. (2023). Face à une corruption croissante, les Africains
affirment risquer des représailles s’ils en parlent. Dépêche No. 743 d’Afrobarometer.
Le Cam, M. (2022). Scandale autour de Karim Keïta, fils de l’ex-président malien « IBK ». Le Monde.
23 juin.
Mattes, R., & Patel, J. (2022). La pauvreté vécue resurgit. Document de Politique No. 84
d’Afrobarometer.
Shipley, T. (2017). Corruption et lutte contre la corruption au Mali. U4.
Studio Tamani. (2023). Lutte contre la corruption : Des personnalités arrêtées, d’autres entendues.
1 septembre.

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Massa Coulibaly est directeur exécutif du Groupe de Recherche en Economie Appliquée
et Théorique (GREAT), le partenaire national d’Afrobarometer au Mali. Email :
ousmane@greatmali.net.
Afrobarometer, une organisation à but non-lucratif dont le siège se trouve au Ghana, est un
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Dépêche d’Afrobarometer No. 780 | 7 mars 2024

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