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Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 569–576

Communication

Syndrome dysexécutif et dépression tardive


Depression in elderly and dysexecutive syndrome
C. Hazif-Thomas a, G. Reber a, T. Bonvalot a, P. Thomas b
a
CHG de Quimperlé, UF Psychiatrie du sujet âgé, 29300 Quimperlé, France ;
b
SHU de Limoges, Pôle de Psychiatrie du sujet âgé, 87000 Limoges, France

Disponible sur internet le 19 août 2005

Résumé

Le syndrome dysexécutif est associé à des troubles cognitifs et à certaines formes de dépression chez la personne âgée. Nous avons
recherché dans ce travail à mettre en évidence l’influence des facteurs thymiques et cognitifs sur les troubles frontaux.
Méthode. – Deux cent soixante-sept sujets âgés vivant jusque là à domicile ont été inclus après leur accord écrit. Ils étaient évalués pour
l’autonomie, la cognition, la dépression et le fonctionnement cérébral cliniquement, et par des échelles adaptées.
Résultats. – Cent huit hommes (âge moyen : 77,5 ± 8,1 ans) et 159 femmes (âge moyen : 80,3 ± 6,5 ans) ont été recrutés. La majorité
présentait une démence d’Alzheimer (n = 108), 44 d’entre eux avaient de plus une dépression. Vingt et un malades présentaient une maladie
à corps de Lewy, 27 une démence vasculaire, 18 une démence frontotemporale, 18 une psychose, 24 un trouble cognitif léger. Un groupe
témoin de 29 personnes âgées présumées sans pathologies psychogériatriques a été constitué. La dépression est corrélée au syndrome
dysexécutif, en particulier lorsqu’il existe des troubles cognitifs. La dépression aggrave la perte d’autonomie, quel que soit le stade du déclin
cognitif.
Conclusion. – La dépression favorise les troubles exécutifs et les désordres frontaux des personnes âgées.

Abstract

Dysexecutive syndromes are related to cognitive impairment and have been shown to be associated with certain thymic disorder in
elderly. We aimed in this study to point out dysexecutive syndromes in a psychogeriatric population with dementia or depression to assess
the importance of effects of these pathologies on frontal function.
Methods. – The study was carried out in Limoges and Quimperlé (France), during 2004. Two hundred sixty seven psychogeriatric out-
patients were included after their written agreement. They were assessed using different scales for autonomy, cognition, depression, frontal
impairment.
Results. – One hundred and eight males (77.5 ± 8.1 year old) and 159 females (80.3 ± 6.5 year old) have been recruited. Mainly patients
presented an Alzheimer’s disease (N = 108) and 44 presented an associated depression, 21 presented a vascular dementia, 27 a Lewy bodies
dementia, 18 a fronto-temporal dementia. Eighteen presented psychosis and 24 a Mild Cognitive Impairment. A group control comported
29 persons presumed without psychogeriatric pathologies. Depression and frontal performance were significantly correlated in dementia.
Depression increased loss of autonomy at any stage of cognitive impairment.
Conclusion. – Depression triggers frontal impairment and dysexecutive function.

Mots clés : Démence ; Dépression ; Dysfonctionnement frontal ; Syndrome dysexécutif ; Trouble cognitif léger

Keywords: Dementia; Depression; Dysexecutive syndrome; Frontal impairment; Mild cognitive impairment

doi:10.1016/j.amp.2005.07.005
570 C. Hazif-Thomas et al. / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 569–576

Le vieillissement cérébral se caractérise par une baisse l'inclusion des malades et de l'aidant. L'ensemble des sai-
des performances cognitives aux tests psychométriques. sies, y compris de nature informatique, était anonyme. Le
On observe une baisse des capacités d'attention ainsi but de l’étude était de mieux cerner les contours du trouble
qu’une altération de la mémoire de travail qui concerne exécutif pour observer l’évolution de la maladie dépressive
toutefois surtout les tâches exigeant une attention soutenue tardive.
ou divisée. Au maximum, c'est le syndrome dysexécutif Les critères d'inclusion des malades dépressifs et/ou
qui complique le plus l'hypofrontalité et que l’on peut déments sont ceux de la 4e édition du DSM-IV, ou des mala-
appréhender au travers de tests de fluences verbales, de dies associées [3,19]. Les malades étaient classés selon les
sous-tests de l’échelle de Mattis. Il associe des déficits de catégories suivantes : démence sénile de type Alzheimer
planification, des difficultés d'abstraction et d'exécution. (DSTA), démence à corps de Lewy, démence vasculaire ou
La question des liens démence et dépression a été renouve- mixte, DSTA et dépression, démence frontotemporale,
lée par l’individualisation du trouble des fonctions exécu- dépression, psychose chronique, Mild Cognitive Impairment
tives en tant que critère diagnostique, aussi important que (MCI) [22]. Le groupe témoin concernait des accompa-
l’aphasie, l’apraxie ou l’agnosie. On sait que les présenta- gnants de malades hospitalisés qui acceptaient de rejoindre
tions cliniques sont diverses, voire polymorphes dans le l’étude. Il n’y avait pas de critères d’exclusion.
domaine : dépression inaugurant un état démentiel, dépres- L'ensemble du protocole réalisé par le médecin comportait
sion évoluant secondairement vers une démence, démence pour le malade l'examen clinique, le relevé de ses antécédents
comprenant dans sa course évolutive un état dépressif, et des pathologies en cours, les thérapeutiques reçues, et pour
dépression avec troubles exécutifs posant la question de les malades comme pour les sujets témoins, un bilan cognitif :
formes de passage vers une démence type Alzheimer ou de mini mental test de Folstein (MMSE) pour l'évaluation cogni-
nature plus exécutive type démence frontotemporale. La tive [10]. Les autres instruments neuropsychométriques
maladie d'Alzheimer présente fréquemment un tableau employés ont été l’échelle de Cornell pour l'évaluation de la
associé de dépression et de démotivation, en particulier dépression dans la démence [1,2] – le seuil choisi pour la
dans les stades évolués de la maladie où leur diagnostic est dépression était au-delà de 9 –, la batterie rapide d'évaluation
particulièrement difficile. Un syndrome dysexécutif est frontale (BREF) qui comptabilise 18 points et comporte un
alors fréquemment associé lorsqu’il existe de tels symptô- seuil de 12 pour le repérage des difficultés exécutives dans les
mes négatifs [13] et fait d’ailleurs partie des critères de pathologies frontales [7], et la classification ADL en Groupe
démence selon le DSM-IV. De récents travaux (Cum- Iso Ressource (GIR) des malades pour l'autonomie [8]. La
mings) ont pointé l’importance du syndrome dysexécutif classification GIR regroupe les malades en catégories de res-
dans certaines formes de dépression, qui s’accompagnent à sources à mettre en place pour lutter contre la perte d'autono-
terme de troubles cognitifs. Nous avons voulu, dans cet mie. Le groupe 6 correspond à un malade autonome, le
article, regarder l’influence des troubles thymiques sur le groupe 1 à un malade grabataire.
syndrome dysexécutif de personnes âgées ou très âgées. L’échelle NOSGER (Nurse’s Observation Scale for
Geriatric Patients) [26,29] est un outil d’évaluation déve-
loppé en Suisse et traduit dans plusieurs langues. Il ne s’agit
1. Matériel et Méthodes
pas d’un outil uniquement médical, mais aussi soignant validé
L'étude a été menée dans le cours de l'année 2004, dans par et pour les infirmières travaillant au lit des personnes
le centre de psychogériatrie de Limoges et dans le service âgées. Il s’agit d’une grille d’évaluation indirecte remplie par
de psychiatrie de Quimperlé. Elle a porté sur des malades interrogatoire de la personne prenant en charge le malade. Six
souffrant d’une démence ou non-hospitalisés dans l’un des rubriques sont parcourues par cinq questions (Tableau 2), et
services. Le protocole a été approuvé au plan scientifique permettent de coter six dimensions à partir de l’observation
et éthique par le Conseil Scientifique du CHU de Limoges quotidienne du malade : comportement social, mémoire, acti-
le 8 juillet 2003. Un accord écrit a été sollicité avant vités de la vie quotidienne, activités instrumentales de la vie

Tableau 1 Tableau 2
Caractéristiques de la dépression à début tardif Caractéristiques de la population. NOSGER AVQ : actes de la vie quotidien-
Frame 1 ne et NOSGER AIVQ activités instrumentales de la vie quotidienne du NOS-
Characteristics of late onset depression GER (n = 267)

Âge > 65 ans (55–60 ans dans certaines séries américaines…). Âge 79,2 ± 6,9 [61–98]

Moins d’histoire familiale de troubles de l’humeur GIR 3,5 ± 1,3 [2–6]

Plus forte prévalence de troubles démentiels NOSGER ADL 18,8 ± 5,1 [4–25]

Déficits plus importants aux tests neuropsychologiques NOSGER IADL 16,5 ± 4,5 [3–25]

Risques élevés d’évolution démentielle MMSE 18,5 ± 7,7 [0–30]

Possibilité élargissement ventriculaire ou de développement de Cornell 8,8 ± 4,5 [2–22]


leucoaraïose sous corticale en imagerie BREF 8,4 ± 4,4 [0–18]
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Tableau 3
Caractéristiques de la population selon la pathologie. NOSGER AVQ : actes de la vie quotidienne et NOSGER AIVQ : activités instrumentales de la vie quoti-
dienne du NOSGER (MANOVA par rapport aux témoins ; cases grisées p < 0,05)

Témoins DSTA Corps de Démence DSTA et Démence Dépression Psychoses MCI


Lewy vasculaire dépression frontotemporale
(n = 29) (n = 64) (n = 27) (n = 21) (n = 44) (n = 18) (n = 22) (n = 18) (n = 24)
Âge 79,8 ± 5,2 80,2 ± 5,3 81,9 ± 7,4 73,2 ± 3,2 83,2 ± 5,6 69,1 ± 4,9 79,0 ± 6,4 79,5 ± 7,4 78,2 ± 7,2
Hommes/Femmes 12/17 24/40 17/10 10/11 13/31 15/3 6/16 3/15 8/16
GIR 5,7 ± 0,6 2,9 ± 1,0 3,1 ± 1,1 2,5 ± 0,8 2,8 ± 0,9 3,0 ± 1,2 4,7 ± 0,6 4,2 ± 0,06 4,4 ± 0,5
NOSGER AVQ 5,8 ± 2,4 12,5 ± 5,2 13,9 ± 5,3 12,7 ± 3,3 12,2 ± 5,3 11,3 ± 4.2 7,4 ± 2,8 9,6 ± 4,0 9,0 ± 4,3
NOSGER AIVQ 6,2 ± 2,8 17,7 ± 5,6 20,1 ± 4,0 18,1 ± 3,1 18,8 ± 5,0 18,5 ± 5.1 14,3 ± 3,2 15,1 ± 4,6 16,6 ±3,7
MMSE 28,9 ± 1,3 13.8 ± 6,5 16,1 ± 5,4 13,1 ± 5,7 12,8 ± 6,1 21,0 ± 4.4 260 ± 26 22,8 ± 3,8 25,0 ±1,1
Cornell 3,1 ± 1,3 6,9 ± 1,9 7,5 ± 2,3 10,1 ± 3,8 14,2 ± 3,3 13,1 ± 3.7 12,8 ± 2,1 8,0 ± 4,3 5,3 ± 1,3
BREF 15,7 ± 2,7 6,3 ± 3,2 6,3 ± 2,3 7,2 ± 2,1 5,8 ± 2,9 5,4 ± 2,0 12,1 ± 3,1 10,2 ± 3,3 10,9 ±3,1

quotidienne, humeur, troubles du comportement. Chaque avaient un score à l’échelle de Cornell au-delà de 9. Les
question est cotée de 1 à 5, selon la fréquence d’observation valeurs de la BREF diffèrent significativement de celles
du trouble par l’aidant. Dans cette étude ont été utilisés les des témoins dans toutes les situations cliniques en dehors
sous-scores dévolus aux actes de la vie quotidienne et activités de la dépression, de la psychose ou du MCI, même si ses
instrumentales de la vie quotidienne. valeurs sont plus faibles que pour les sujets témoins. Les
L'étude statistique a été réalisée grâce au logiciel Systat 10. valeurs des NOSGER AIV sont significativement plus fai-
Les tests suivants ont été utilisés : test de Student, coefficient bles dans toutes les situations pathologiques, notamment
de corrélation de Pearson, test de MANOVA, prenant une chez les dépressifs et dans le groupe MCI.
variable indépendante et l’ajustant sur les trois autres parmi la Le Tableau 4 présente les corrélations entre la valeur de
valeur de la BREF, l’âge du malade, le niveau de MMS, les la BREF et les valeurs du score global au MMS, à l’échelle
valeurs des sous-scores dévolus aux actes de la vie quoti- de Cornell, et au GIR. Les valeurs de la BREF sont négati-
dienne et activités instrumentales de la vie quotidienne du vement corrélées avec le niveau de MMS et positivement
NOSGER, et les valeurs à l’échelle de Cornell. La méthode de corrélées avec l’importance de la dépression dans les
régression utilisée était la méthode de régression linéaire mul- DSTA (repérées cliniquement avec ou sans dépression
tiple, ainsi qu’une analyse pas à pas descendante [4,27]. Dans associée), et aussi dans la démence frontotemporale. Dans
le modèle de régression initial, la variable dépendante était la les démences vasculaires, elles sont significativement cor-
valeur à la BREF. Les variables indépendantes choisies sont rélées aux valeurs à l’échelle de Cornell. Au test de
en relation avec le profil du malade : l’âge du malade, le score MANOVA, ajusté sur l’âge du malade, le niveau de MMS,
global au GIR, le MMSE, le score à l’échelle de Cornell. Le les valeurs de la sous-section actes de la vie quotidienne et
degré de significativité était de 0,05 pour l’ensemble des tests. activités instrumentales de la vie quotidienne du NOSGER,
et les valeurs à l’échelle de Cornell, les valeurs de la BREF
sont plus dégradées si l’on compare les populations
2. Résultats
atteintes de DSTA avec ou sans dépression (F = 19,2,
Deux cent soixante-sept malades ou témoins ont été p = 0,001) (Fig. 1).
inclus dans cette étude. Le Tableau 2 présente les caracté-
ristiques de la population. Cent huit hommes Tableau 4
(77,5 ans ± 8,1) et 159 femmes (80,3 ans ± 6,5) ont ainsi Corrélation entre la valeur de la BREF et les valeurs du score global au MMS,
été inclus (p = 0,01). Le Tableau 3 présente les caractéris- à l’échelle de Cornell, aux AIVQ (activités instrumentales de la vie quotidien-
ne du NOSGER) et au GIR. Cases grisée : p < 0,05
tiques des malades selon la pathologie démentielle. La
majorité des malades (n = 108) présentaient une démence MMS Cornell IADL GIR
sénile de type Alzheimer (DSTA) dont 44 étaient dépres- Témoins 0,277 –0,358 –0,310 0,250
sifs, 21 une démence vasculaire ou mixte, 27 une démence DSTA 0,621 –0,733 –0,541 0,444
à corps de Lewy et 18 une démence frontotemporale. Dix- Lewy 0,632 –0,199 –0,288 0,338
huit malades avaient une psychose chronique et 24 un trou- Démences vasculaires 0,290 –0,783 –0,063 0,563
ble cognitif léger (Mild Cognitive Impairment : MCI). DSTA et dépression 0,802 –0,657 –0,620 0,758
Trente-deux malades présentant une DSTA ou une maladie
Démence frontotemporale 0,628 –0,776 –0,488 0,753
à corps de Lewy recevaient un traitement anticholinestéra-
Dépression 0,358 –0,139 –0,177 0,423
sique ou antiglutamatergique au moment de l’inclusion.
Psychose 0,525 –0,037 0,108 –0,132
Quarante-cinq recevaient un traitement antidépresseur
depuis plusieurs semaines à ce moment. Cent-trois malades MCI 0,357 –0,067 0,078 0,314
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20 Les liens entre la sévérité de la dépression et le score exé-


cutif sont complexes. Il existe des études qui montrent un
lien entre les scores à l’échelle de Beck ou de Hamilton, et le
15 Wisconsin card sorting test et d’autres qui ne le trouvent pas.
La présence d’un syndrome dysexécutif, en cas de dépres-
BREF

sion tardive (avec ou sans démence associée), impacte très


10 clairement le statut cognitif en terme de sévérité de la perte
d’autonomie cognitive. L’atteinte des actes instrumentaux
DIAGNOSTIC de la vie quotidienne est également plus marquée, posant la
5 question des interrelations entre atteinte cognitive et cona-
DSTA tive dans les dépressions avec retentissement cognitif, et
DSTA et associées à une pathologie démentielle plus structurée.
dépression
0 Les données rapportées ici montrent le poids du syn-
30 20 10 0 drome dysexécutif dans la dépression, surtout lorsqu’il
Fig. 1. Valeurs de la BREF en fonction du MMS selon que le malade est
existe des troubles cognitifs. La dépression est corrélée au
dépressif ou non.
syndrome dysexécutif, en particulier lorsqu’il existe des
Tableau 5 troubles cognitifs. La dépression aggrave la perte d’autono-
Régression pas à pas entre la BREF du malade et le Cornell * mie, quel que soit le stade du déclin cognitif. L’un des biais
principaux de l’étude réside dans le fait qu’elle n’est pas lon-
Effet Coefficient Erreur standard P
gitudinale. L’autre biais est dans la non-prise en compte de
DSTA –0,991 0,150 0,001
l’influence des traitements neuroleptiques et psychotropes
Démence vasculaire –0,380 0,101 0,002
sur l’efficience exécutive. L’absence de critères diagnostics
DSTA et dépression –0,177 0,091 0,05 clairs du syndrome dysexécutif, contrairement à la plupart
Démence frontotemporale –0,287 0,083 0,004 des syndromes neuropsychologiques, amène enfin à nuancer
les conclusions et à ne pas inférer ce diagnostic s’il est
observé un échec à une tache exécutive isolée. En ce sens,
Le Tableau 5 est un tableau de régression en analyse pas l’utilisation de la batterie d’évaluation frontale était une
à pas entre la valeur de la BREF et les valeurs aux différentes façon de relativiser l’imprécision et le flou interprétatif
évaluations des malades. La valeur de la BREF est liée à autour du diagnostic.
l’intensité de la dépression, évaluée par l’échelle de Cornell, Prendre au sérieux les troubles exécutifs, dans la dépres-
indépendamment des autres facteurs dans la DSTA avec ou sion, revient à considérer la diminution générale de prise
sans dépression, dans la démence vasculaire et dans la d’initiative, les difficultés à s’organiser, la tendance à se
démence frontotemporale. Elle est indépendante de la décourager qui se cristallise en démotivation et une certaine
dépression chez le dépressif non dément, chez les sujets distractibilité, à se concentrer, mais aussi le ralentissement
témoins, dans le MCI, chez le psychotique, et dans la de la pensée et les difficultés de mobilisation de la pensée
démence à corps de Lewy. Chez les malades déments abstraite.
dépressifs, la valeur de la BREF est aussi significativement L’intérêt d’étudier l’efficience frontale est réel chez
reliée au MMS et au GIR à l’analyse pas à pas, indépendam- l’âgé, d’une part parce qu’il a été rapporté une diminution de
ment des autres valeurs. la perfusion cérébrale frontale avec le vieillissement, et
Si l’on considère les malades dépressifs ayant un score d’autre part parce que la dysfonction frontale liée à l’âge a
à l’échelle de Cornell supérieur à 9 (n = 103), ils peuvent été rapportée comme pouvant expliquer non seulement les
être séparés en deux groupes selon qu’il existe une altéra- désordres cognitifs (troubles attentionnels, réduction de la
tion à la BREF avec un score supérieur ou égal à 12 ou non. flexibilité mentale, diminution de l’intelligence fluide), mais
Le groupe avec syndrome dysexécutif (n = 86) a de façon aussi les changements de comportement (notamment l’apa-
significative (p < 0,001) un MMS plus bas – 15,8 ± 7,3 –,
thie et l’indifférence) associés à l’avancée en âge [8]. Dépen-
un score au NOSGER AIVQ plus fort – 18,9 ± 4,6 – que
dant de l’intégrité des lobes frontaux et des structures sous-
l’autre groupe, où les scores sont en moyenne respective-
corticales qui y sont liées, les fonctions exécutives consti-
ment de 25,3 ± 3,7 et 14,8 ± 3,5. Les scores sont un peu
tuent une donnée incontournable des processus adaptatifs et
plus élevés dans le premier cas à l’échelle de Cornell, mais
de la qualité de l’autonomie cognitive du sujet âgé. Leur
de façon non significative.
intégrité ou non dans la dépression tardive est actuellement
au cœur de la réflexion sur l’avenir cognitif des troubles
3. Discussion affectifs cognitifs. Il semble aussi que nombre de travaux
anciens, quand aux liens entre dépressions et troubles neu-
La dépression affecte les fonctions cognitives telles que ropsychologiques, aient insuffisamment mis en lumière la
la mémoire, l’attention, les processus de prise de décision et place des troubles exécutifs, en grande partie du fait de la
les capacités de résolution de problèmes. référence quasi exclusive au MMS [10], bon outil de dépis-
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tage des syndromes démentiels, mais de portée limitée en ce vieillissement cérébral [20] : nous notions, au vu d’une
qu’il manque de sensibilité aux lésions hémisphériques droi- étude réalisée au CHU de Poitiers, qu’il existait un lien entre
tes ainsi qu’aux atteintes du système exécutif [25]. Néan- l’importance de la leucoaraïose à la tomodensitométrie et
moins, des travaux récents ont souligné l’importance des l’âge. Les patients présentant une leucoaraïose étaient plus
troubles exécutifs dans la dépression en général, et dans sa âgés, plus altérés intellectuellement, et plus démotivés. Les
forme tardive en particulier [5,17]. fonctions exécutives étaient alors plus altérées. Il existait en
La question soulevée d’un continuum entre dépression et particulier une corrélation significative entre l’importance
démence a fait l’objet d’interrogations appuyées en psycho- de la leucoaraïose et les résultats à la BREF. Il est donc
gériatrie. On sait aussi que la distinction « début précoce/ important de ne pas dissocier démotivation et syndrome
début tardif » pour la dépression (Tableau 1), si elle repose dysexécutif, si l’on veut mieux comprendre les conditions
sur des facteurs plutôt fonctionnels pour le premier et plutôt d’un vieillissement réussi ou dépister, chez les patients avec
structurels pour le second, n’en est pas moins traversée par hypofrontalité, ceux qui risquent malheureusement d’évo-
des différences neuropsychologiques inconstantes. Dans ce luer vers un syndrome démentiel [15].
contexte de relations complexes, mais aussi de liaisons dan- Prolongeant ces observations, les travaux d’Alexopoulos
gereuses entre troubles affectifs et cognitifs, les états dépres- [2] permettent d’avancer que le syndrome dépressif-dysexé-
sifs de survenue tardive (après 60 ans) s’accompagnent plus cutif de la personne âgée (SDD) se rencontrait dans le grand
souvent que chez le sujet jeune de déficits cognitifs marqués âge. Cette affirmation est fondée sur des considérations cli-
tant sur un plan mnésique que sur un plan attentionnel. Les niques, neuropathologiques et de neuro-imagerie, suggérant
fonctions exécutives sont elles aussi touchées, et accompa- que les dysfonctions striatofrontales participent toutes à la
gnent le classique ralentissement psychomoteur. Il est fois à la dépression et au syndrome dysexécutif, et influen-
important de prendre en compte l’atteinte exécutive car elle cent le cours de la dépression. Elle doit être évoquée quand
est également mise en cause par d’autres auteurs comme un les patients présentent des épisodes dépressifs majeurs, des
élément favorisant le suicide, notamment lorsque la dépres- troubles cognitifs fins, de la dépendance, et certaines carac-
sion accompagne la maladie d’Alzheimer [23]. Chez le sujet téristiques de personnalité pathologique.
déprimé, on voit clairement qu’il existe une diminution des Les malades avec un SDD ont parfois des traits paranoïa-
ressources cognitives. On peut ainsi supposer que le sujet ques et souffrent cliniquement de démotivation, d’une perte
nécessite de plus de temps pour appliquer les processus d’intérêt dans les activités et d’un ralentissement idéomoteur
d’inhibition. Il aurait ainsi plus de difficultés à allouer les – ou plutôt d’une lenteur d’initiation psychomotrice.
ressources attentionnelles à des opérations d’inhibition Soit par exemple le cas de Mme T, âgée de 69 ans, qui
comme dans le test du Stroop. Les problèmes de la gestion présente une maladie de Parkinson très modérée, sans aucun
exécutive de l’inhibition seraient associés aux anomalies du retentissement moteur au vu du bilan fonctionnel, et bien sta-
fonctionnement préfrontal, et pourraient se traduire par une bilisée par un traitement très léger. Elle entre dans le service
incapacité à inhiber l’augmentation d’idées noires intrusives pour tentative de suicide par ingestion d’eau de javel et une
et la production d’affects négatifs. « dépression réactionnelle à la solitude » (notée comme tel
Un syndrome dysexécutif est peut-être plus important aux urgences) ; on observe une clinophilie, une démotiva-
qu’on ne l’a supposé jusque-là, dans la mesure où le dys- tion – elle n’a « plus de goût à rien », ne fait plus rien – des
fonctionnement exécutif leste à l’évidence la maladie troubles du sommeil, de l’anxiété, un refus des aides. Trois
d’Alzheimer d’un poids d’hypofrontalité, d’autant plus mar- semaines après son entrée, elle se montre moins triste, est
qué que la pathologie démentielle s’accompagne d’une souf- beaucoup moins anxieuse, discute un peu plus mais « c’est
france dépressive (Fig. 1). En ce sens, rien n’interdit de pen- toujours un peu pareil », et si elle accepte les animations, elle
ser la dépression tardive avec troubles exécutifs comme est ressentie comme réticente et taciturne, et connue pour ses
relevant du syndrome dépression–démence, en tant que accès de colère (contre sa belle-sœur notamment) et ses anté-
stade précoce, prodrome de la pathologie démentielle. Ces cédents de « sensitivité ». Par le passé, nombre de menaces
réflexions sont également confortées par l’existence de tra- de « passage à l’acte suicidaire » ont eu lieu – par exemple
vaux neuropsychologiques, montrant que la survenue des allume le gaz, dit en avoir marre – et des traits paranoïaques
troubles des fonctions exécutives au stade précoce de la modérés sont relevés à maintes reprises (éléments interpré-
maladie d’Alzheimer survient sans que des déficits mnési- tatifs, tendance hostiles) dans son dossier. Parfois quelques
ques soient particulièrement impliqués. En effet, ceux-ci conduites addictives (alcool) sont aussi présentes, qui ren-
peuvent se voir sans que surviennent – ou alors de façon peu dent compte alors d’attitudes caractérielles. Le traitement
prononcée – des troubles praxiques, du langage, du contrôle antiparkinsonien (Modopar) est poursuivi, et le traitement
mental et de l’attention dirigée et partagée [16]. antidépresseur (moclobémide), mis en route dès l’arrivée,
Nous avions souligné précédemment l’importance du ris- est non seulement bien toléré mais efficient au plan théra-
que de perte d’activités chez la personne âgée déprimée et peutique. Ce dernier traitement est un RIMA (Reversible
démotivée. De même, la composante « motivation » dans le Inhibitor of Monoamine Oxydase A) qui possède un effet
vieillissement cérébral a été abordée dans une récente contri- éveillant, d’où son intérêt certain dans la dépression conative
bution à l’étude des liens entre neurodégénérescence et et les états de démotivation [14], mais aussi probablement
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dans le syndrome dysexécutif. À l’entrée dans le service, sion avec quelques difficultés dans le domaine exécutif. On
l’observation infirmière (NOSGER) atteste de la perte sait en effet que l’étude au travers de tests comme le Stroop,
d’activités, et à l’examen neuropsychologique, les troubles le Wisconsin, ou l’évaluation de la fluidité verbale, chez des
exécutifs sont probables car la séquence de Luria est patients déprimés (état dépressif majeur) comparativement à
échouée, ainsi que le test de résolution du problème de des témoins, montre un certain ralentissement, ainsi qu’une
parenté, mais la métamémoire est correcte. La patiente est moindre souplesse adaptative, mais pas pour autant de per-
dispersée dans ses idées. Le bilan psychométrique objective sévérations anormales ni d’atteinte de la faculté de filtrer les
une batterie rapide d’évaluation frontale globalement mal informations non pertinentes [6]. Or, pour Alexopoulos, les
réalisée (BREF = 9/18, dont similitudes 2/3, Fluence 1/3, malades sélectionnés comme souffrant de SDD le sont sur la
Consignes conflictuelles 0/3) ; et le Hayling Test est échoué base d’un score global comprenant aussi bien la fluence ver-
(détail Hayling Test : partie A = 32, 42 s pour un contrôle : bale qu’un test d’initiation/persévération issu de la DRS
14,8 - et B = score d’erreur : 17 pour une norme à : 4,7) tan- (dementia rating score de l’échelle de Mattis).
dis que les sub-scores à l’échelle DRS de Mattis sont diver- Il y a donc ici l’idée d’une entité existant non en fonction
sement affectés (ici bonne fluence, graphisme OK, répétition de l’intensité de la dépression ou de problèmes de personna-
OK, mais mouvements conflictuels et tapping alterné lité, mais bien en rapport avec un mécanisme de
échoués). Last but not least, l’efficience cognitive globale « coagulation », si l’on peut dire, d’un état dépressif et d’un
est dans la moyenne pour cette patiente détentrice du certifi- syndrome dysexécutif, prenant à contre-pied le dogme anté-
cat d’études (MMS = 25/30) et il n’y a pas d’apraxie visuo- rieur de l’interdépendance des troubles mnésiques et exécu-
constructive, juste un petit tremblement de repos, et elle est tifs.
bien orientée dans le temps et l’espace. Ces points peuvent aider les praticiens à identifier les
La symptomatologie dépressive, et tout particulièrement malades nécessitant une surveillance particulière, lorsque
le retard à la mise en route au plan psychomoteur et la perte dépression et syndrome dysexécutif s’associent à une perte
de l’intérêt dans les activités, participent à la constitution du d’autonomie, une résistance au traitement antidépresseur,
handicap des SDD. Dans la présente étude, il est intéressant une propension aux rechutes ou à la récurrence.
de remarquer que la classique restriction du champ des acti- Le Tableau 4 montre également, en ce qui concerne la
vités, commune à la dépression et à la maladie d’Alzheimer, question de la démence vasculaire, que l’on ne retrouve pas
réfère aussi à un désinvestissement de l’état de santé dans le en ce cas de corrélation entre la valeur de la BREF et les
cas de la maladie d’Alzheimer (score NOSGER AVQ valeurs du score global au MMS, aux AIVQ (activités ins-
12,5 ± 5,2) mais pas chez le déprimé (7,4 ± 2,8). Inverse- trumentales de la vie quotidienne du NOSGER) et au GIR.
ment, on retrouve l’absence d’intérêt pour sa santé en cas de Seule est constatée une corrélation entre la BREF et l’échelle
maladie d’Alzheimer avec dépression (12,2 ± 5,3). de Cornell, ce qui montre que des symptômes dépressifs
Le fait que les valeurs du sous-score des actes instrumen- accompagnent bien l’atteinte vasculaire, mais qu’il n’y a
taux de la vie quotidienne au NOSGER sont significative- alors que des déficits ponctuels en terme de troubles exécu-
ment plus faibles dans toutes les situations pathologiques, tifs, ce qui étaye bien ce diagnostic.
notamment chez les dépressifs et dans le groupe MCI, Les résultats du Tableau 5 sont intéressants à plus d’un
indique que l’intérêt et l’aptitude à gérer le quotidien sont un titre car ils montrent que la dépression du patient dément est
excellent point d’équilibre pour le sujet âgé et un repère pour très partie prenante de l’intensité des troubles exécutifs qui
le clinicien désireux de ne pas en rester à la seule individua- perturbent les actes de la vie quotidienne. En ce sens, la
lisation de la perte d’autonomie, mais aussi préoccupé de BREF pourrait être conçue comme un outil fiable pour repé-
regarder l’atteinte des activités. Lorsque des troubles exécu- rer la dépression chez le malade dément, lorsqu’on l’associe
tifs sont impliqués, sans doute faudrait-il alors parler de à un outil de dépistage de la dépression peu sensible à la
« perte d’activités ajoutée », pour dire le poids de la variable détérioration cognitive comme l’est l’échelle de Cornell. On
cognitive : ainsi on remarque que dans la maladie à corps de remarque que l’efficience frontale n’est corrélée aux IADL
Lewy, connue pour l’importance de ses troubles exécutifs, le qu’en cas de DSTA, DSTA et dépression, et démence fron-
score NOSGER AIVQ est le plus prononcé. On sait d’une totemporale, mais pas en présence d’une maladie à corps de
part que les troubles des fonctions exécutives sont nettement Lewy, de démence vasculaire ou de dépression isolée, de
plus sévères que dans la maladie d’Alzheimer, mais on sait psychose ou de MCI : sans doute cela vient-il, pour la mala-
peut-être moins que la fréquence des épisodes de dépression die à corps de Lewy, du fait que les signes neurologiques, les
majeure serait supérieure à celle rencontrée dans les mala- troubles neuropsychologiques et les manifestations psychia-
dies d’Alzheimer [11]. triques n’évoluent parallèlement que dans un tiers des cas
Ainsi y a-t-il la place pour un meilleur repérage du syn- [9], et pour la démence vasculaire du fait que c’est une entité
drome dépressif dysexécutif, car on tient certainement là une très hétérogène.
composante essentielle du risque démentiel et d’évolutivité C’est en quoi il serait particulièrement important de con-
vers une affection handicapante. sidérer la question des SDD en terme d’évolution conjointe
La dépression avec syndrome dysexécutif est un peu plus, du trouble psychiatrique et neuropsychologique car il s’agit
dans la définition qu’en donne Alexopoulos, qu’une dépres- de repérer les difficultés sous-corticofrontales et les patholo-
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gies psychogériatriques, comme la dépression tardive, à ris- d’autres symptomatologies dépressives seraient exacerbées
que d’évolution démentielle le plutôt possible. Il existe sans par le même traitement [12] (comme on peut le voir chez
doute peu de troubles de mémoire dans cette entité clinique, certains malades Alzheimer débutant leur traitement antidé-
mais la personne trouve moins d'intérêt dans les activités de mentiel). Ou, pour le dire autrement : tous les anticholines-
sa vie quotidienne et ses engagements dans la vie sociale, et térasiques sont-ils égaux quant à leur capacité à contribuer
ce moindre intérêt n’est pas sans intérêt en termes d’avenir au rétablissement du niveau des neurotransmetteurs qui sont
cognitif. Les activités instrumentales de la vie quotidienne, altérés dans la dépression avec troubles dysexécutifs ?
comprenant l’habileté à utiliser le téléphone, à faire les cour-
ses, à préparer les repas, à s’occuper des taches domestiques, Références
à faire du bricolage, à s’occuper du linge, à gérer son argent [1] Alexopoulos G, Young RC, Shamoian C. Cornell scale for depression
et à prendre ses traitements, sont altérées, d'autant plus que in dementia. Biol. Psychiatry 1988 ; 23 : 271–84.
la dépression évolue dans le travail d’Alexopoulos. Selon [2] Alexopoulos GS. The depression-executive dysfunction syndrome of
lui, ce syndrome s'apparente au syndrome médiofrontal rap- late life: A specific target for D3 agonists ? Am. J. Geriatr. Psychiatry
porté par Masterman et Cummings [18]. Il serait lié à une 2001 ; 9 : 22–9.
[3] Association AP. Diagnosis and statistical manual of mental disorders.
atteinte des ganglions de la base, et à leurs projections pré- 4th edit. Washington, DC: American Psychiatric Press; 1994.
frontales. Les neurotransmetteurs modulant ses afférences [4] Belsley DA, Kuh E, Welsch RE. Regression diagnostisc: Identifying
concernent les enképhalines, l'acétylcholine et la dopamine. inflential data ans sources of collinearity. New York: John Willey &
Le SDD est souvent résistant aux traitements antidépres- Son, Inc; 1980.
seurs habituels et récidive fréquemment. Il n'est pas ou peu [5] Channon S, Green PS. Executive function in depression: The role of
performance strategies in aging depressed and non-depressed
sensible aux antidépresseurs sérotoninergiques. En plus de
participants. J. Neurol. Neurosurg. Psychiatry 1999 ; 66 : 162–71.
la mauvaise réponse aux antidépresseurs, les dysfonctions [6] Deglinnocenti A, Agren H, Backman L. Executive deficits in major
exécutives ont été associées à un taux plus précoce de rechu- depression. Acta Psychiatr. Scand. 1998 ; 97 : 182–8.
tes et de récurrences de la dépression tardive chez les [7] Dubois B, Slachevsky A, Litvan I, Pillon B. The FAB : a Frontal
patients âgés traités par nortriptyline [24]. À la différence du Assessment Battery at bedside. Neurology 2000 ; 55 : 1621–6.
[8] Dubois B, Levy R. Cognition, behavior, and the frontal lobes. Int.
trouble dysexécutif, ni les déficits mnésiques, ni le niveau de
Psychogeriatr. 2004 ; 16 : 379–87.
handicap, ni le fardeau médical, ni la qualité du support [9] Dujardin K, Defebvre L. Neuropsychologie de la maladie de
social, ni le nombre d’épisodes dépressifs antérieurs Parkinson et des syndromes apparentés ; 2001.
n’influencent la course de la dépression gériatrique [24]. [10] Folstein MF, Folstein SE, McHugh PR. Mini-mental state. A practical
Dans ce contexte, Alexopoulos accorde une place parti- method for grading the cognitive state of patients for the clinician. J.
Psychiatr. Res. 1975 ; 12 : 189–98.
culière dans la thérapeutique de cette dépression avec défi-
[11] Galasko D. A clinical approach to dementia with Lewy bodies. The
cits exécutifs aux anticholinestérasiques, aux agents dopa- Neurologist 1999 ; 5 : 247–57.
minergiques, notamment actifs sur le récepteur D3 et enfin [12] Gallarda T. Maladie d'Alzheimer et dépression. L'Encéphale 1999 ;
au Modafinil. 25 (Spec No 5) : 14–7; 18.
[13] Galynker, II, Dutta E, Vilkas N, Ongseng F, Finestone H, Gallagher
R, et al. Hypofrontality and negative symptoms in patients with
4. Conclusion dementia of Alzheimer type. Neuropsychiatry Neuropsychol. Behav.
Neurol. 2000 ; 13 : 53–9.
Les relations dépression et démence ont largement été [14] Hazif Thomas C, Bouche C, Thomas P. Spécificités de la dépression
commentées ces dernières années, et récemment, ont profité du sujet âgé. Symposium Biocodex, XIIème Congrès Internationnal de
Psychogériatrie. Rev. Geriatr. 2004 ; 29 : 751–6.
de l’avancée du concept nouveau de MCI pour dire que le [15] Hazif-Thomas C, Lalloué F, Thomas P, Clément JP. Motivation et
déclin cognitif léger et la dépression faisaient mauvais vieillissement cérébral. Marseille ; 2004.
ménage. Cette association ferait en effet plus que doubler le [16] Laflèche G, Albert MS. Executive function deficit in mild
risque de démence de type Alzheimer [21], et une mauvaise Alzheimer's disease. Neuropsychology 1995 ; 9 : 313–20.
réponse aux antidépresseurs serait également une note péjo- [17] Lockwood K, Alexopoulos GS, Van Gorp WG. Executive
dysfonction in geriatric depression. Am. J. Psychiatry 2002 ; 159 :
rative. Dans ce contexte de dépression associée à des trou- 1119–26.
bles cognitifs, le caractère exécutif de ces derniers mériterait [18] Masterman DL, Cummings JL. Frontal-subcortical circuits: the
sans doute d’être précisé plus sensiblement dans la mesure anatomic basis of executive, social and motivated behaviors. J.
où ils s’associent à l’évidence à une atteinte clinique des Psychopharmacol. 1997;11(2):107–14.
actes instrumentaux de la vie quotidienne, chose déjà visible [19] McKhann G, Drachman D, Folstein M. Report of the NINCDS/
ADRDA work group under the hospice of Department of Health and
avec le MCI, mais aussi à d’autres troubles plus inquiétants, Human Service Task Force on Alzheimer's disease. Neurology 1984 ;
à savoir une rigidité mentale (les traits paranoïaques décrits 34 : 939–44.
par Alexopoulos), l’importance de l’anergie et des troubles [20] Michel BF, Verdier JM. Neurodégénérescence et vieillissement
motivationnels, et une propension à déprimer sur un mode cérébral. Marseille. 2004.
sévère et de façon répétée. Des recherches à venir seraient [21] Modrego P, Ferrandez J. Depression in patients with mild cognitive
impairment increases the risk of developing dementia of Alzheimer
certainement à tenter afin de déterminer en quoi certaines type. A prospective cohort study. Arch. Neurol. 2004 ; 61 : 1290–3.
dépressions peuvent répondre de façon positive aux anticho- [22] Petersen R. Mild cognitive impairment as a diagnostic entity. J.
linestérasiques (comme il est avancé pour les SDD), là ou Intern. Med. 2004 ; 256 : 183–94.
576 C. Hazif-Thomas et al. / Annales Médico Psychologiques 163 (2005) 569–576

[23] Rohde K, Peskind ER, A RM. Suicide in two patients with apparus chez des malades sans antécédent dépressif et qui avaient
Alzheimer's disease. J. Am. Geriatr. Soc. 1995 ; 43 : 187–9. évolué vers un état démentiel de type frontal ou frontotemporal,
[24] Sadock BJ, A SV. Kaplan and Sadock's Comprehensive Textbook of J’aimerais savoir à ce sujet ce que votre malade est devenue ?
Psychiatry. New York. 2004.
Réponse du Rapporteur – Il est évidemment pertinent de se ques-
[25] Thomas P, Hazif Thomas C, Faugeron P, Peix R, Clément JP.
Utilisation de l'échelle NOSGER en psychogériatrie. Rev. tionner quant à l'avenir cognitif d'une telle patiente dont on peut se
Francophone Geriatr. Gerontol. 2004 ; 11 : 382–7. demander si le profil exécutif des dysfonctionnements ne va pas
[26] Velleman PF, Welsch RE. Efficient computing of regression orienter vers une démence plutôt « exécutive » ; pour autant, la
diagnositics. The American Statitician 1981 ; 35 : 234–42. bonne réponse au traitement antidépresseur IMAO de 2e génération,
[27] Vetel J. Agir : où, quand, comment, pourquoi. Rev. Geriatr. 1994 ; 9 : l'imagerie et l'évaluation actuelle ne laissent pas d'arguments actuel-
647–65. lement significatifs pour poser un tel diagnostic ou rejeter une possi-
[28] Wahle M, Haller S, Spiegel R. Validation of the NOSGER (Nurses' ble maladie d'Alzheimer, toujours à craindre lorsque la réponse à
Observation Scale for Geriatric Patients): Reliability and validity of a l'indiçage tarde à se montrer probante. De plus, il a été montré ailleurs
caregiver rating instrument. Int. Psychogeriatr. 1996 ; 8 : 525–47. que les troubles exécutifs pouvaient être autant importants lorsque
des patients Alzheimer « frontaux » par exemple sont comparés aux
Discussion
patients « non-frontaux », ce qui fait que l'incertitude diagnostique
Dr Luauté – Je voudrais vous féliciter pour votre communica- reste grande encore aujourd'hui dans certains cas, a fortiori chez des
tion et vous dire que je partage tout à fait vos conclusions quant à patients aux antécédents psychiatriques. L'important est ici de retenir
la réalité d’un tel syndrome dépressif-dyséxecutif chez le sujet âgé. la spécificité du traitement et la forme à risque de récidive ainsi que
Nous avions pour notre part publié une série de dix cas analogues sa potentialité suicidaire.

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