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MASTER LETTRES

UN ATTIEKE POUR ELGASS


Tierno Monenembo, Février 1993, Éditions Seuil

CONTEXTE D’ECRITURE DU ROMAN

La République de Guinée, autrefois appelée « les rivières du sud » a su réunir tous ses fils et
filles : intellectuels, artisans, paysan etc. autour d’un idéal commun : l’indépendance. Avec
l’espoir que celle-ci une fois acquise, pourrait changer leurs conditions de vie, rétablir la
justice, l’égalité, la bonne gouvernance qui étaient jadis confisquées par le colon.

Cette indépendance est acquise, désormais, les destinées du pays sont confiées aux propres
fils du pays. Mais paradoxalement ces indépendances ont été un désenchantement.

Comme le déclare d’ailleurs Habib à la page 83 :

« […] Cette indépendance à laquelle il avait consacrée sa jeunesse, dès le début il l’avait
trouvée fumeuse, neurasthénique, saumâtre. Il avait eu beau faire, il ne s’y était pas reconnu.
Le changement attendu s’était produit, mais au mauvais endroit […] »

En effet, le syndicaliste Ahmed Sékou Touré, Président de la jeune République a instauré un


mode de gouvernance précaire dans lequel tout le monde était dans l’incertitude et dans
l’obligation d’adhérer à ses idéaux, notamment ceux de son parti le PDG-RDA qui était le
parti unique. Aucune contestation de sa gouvernance n’était autorisée au risque d’être conduit
en prison.

Face à cet état de fait, tous ces fils et filles intellectuels qui ont lutté pour cette indépendance
ont été contraints de reprendre leur plume pour exposer leur déception, leur désarroi à l’égard
de cette indépendance et de critiquer cette manière de gouverner. Mais toutes les œuvres
qu’ils publiaient en ce moment se caractérisaient par le fait que les noms des personnages, des
lieux ne portaient aucun indice qui indiquait qu’il s’agissait directement de Ahmed Sékou
Touré et sa Guinée. C’est le cas de « Baré Koulé, fronguiabe, Hinduya… » dans le Cercle des
Tropiques de Alioune Fan Touré. Ensuite nous devons noter que tous ce qui devraient
s’engager dans ce sens étaient automatiquement considérés comme des « persona non grata »
en Guinée. Menacés d’arrestations, ils étaient contraints à l’exil vers la Côte d’Ivoire, le
Sénégal, le Mali etc. considérés comme les pays de bonheur ; d’autres avaient choisi le
chemin de l’Europe… fuyant le lugubre Camp Boïro et ses tortures mortelles. Tierno
Monenembo quant à lui, avait choisi cette alternative : vivre en exil pour dénoncer, exprimer
sa déception face à la manière dont le pays était conduit. Dans cette perspective, il a publié le
célèbre roman « les Crapauds Brousse » et beaucoup d’autres œuvres.

Après l’épisode Sékou Touré, les militaires ont pris le pouvoir en 1984. Cela a accordé la
liberté à chaque fils et fille du pays vivant en exil d’écrire et de rentrer au pays sans crainte,
car il n’y avait plus de menaces. Mais Tierno Monenembo, toujours en exil en Côte d’Ivoire,
a publié Un Attiéké pour Elgass en 1993 aux Éditions Seuil, soit neuf (9) ans après.
Contrairement aux œuvres parues pendant la première république, Tierno Monènembo a
changé son style dans le choix des noms des personnages, des lieux de son roman. Dans ce
roman, il a utilisé Boubou-Blanc qui renvoie à Ahmed Sékou Touré, car c’était la couleur
préférée de son habillement : « […] quiconque chantait la gloire du Boubou-Blanc […] »
Habib à la page 83 ; lycée de Kindia (p 89), Conakry (p 81).

En définitif, nous pouvons retenir que Tierno Monènembo, avec son roman « un Attiéké pour
Elgass » continue de s’insurger contre la manière dont son pays est géré après
l’indépendance, qui rend la vie malheureuse à son peuple. Ce qui se matérialise par les causes
de l’exil des personnages énumérées dans le travail qui suit.

Paul KOMANO

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