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ETUDE DES ESPACES DANS LE ROMAN

La Traversée douloureuse. De la Libye à la Méditerranée, j’ai failli mourir


de Cheick Fanta Mamady Keita

Paul KOMANO
Étudiant en Master Lettres-Modernes à
l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia
Téléphone : +224623967978
Email : paulkomano@gmail.com

Résumé : Les figurent d’espaces font partie des composantes essentielles de toute œuvre
romanesque, car au-delà d’être des lieux où se déroulent les actions, ce sont des éléments qui
expriment des réalités socioculturelles, économiques et aussi psychologiques des personnages
et aussi de l’auteur lui-même.
Le roman « la Traversée douloureuse. De la Lybie à la Méditerranée, j’ai failli mourir. » de
Cheick Fanta Mamady Kéita (2020) porte essentiellement sur la souffrance des migrants sur
leur chemin d’Europe : « l’aventure migratoire sur cette route est une suite logique de
catastrophes (…) » (Keita, 2020 : 21). Cette souffrance se fait manifestement constater à
partir des espaces que l’auteur a évoqués dans son roman et qui font l’objet d’analyse dans
notre thème : « étude des espaces dans le roman Traversée douloureuse. De la Lybie à la
Méditerranée, j’ai failli mourir. » Ces espaces figurant dans ce roman se présentent en deux
principales catégories : les espaces terrestres et l’espace maritime.
Des espaces terrestres : ils sont nombreux, répartis sur deux continents : l’Afrique et
l’Europe. Ces deux espaces principaux comportent trois espaces secondaires : les espaces
clos : la prison, les foyers, le campo, le coffre…, les espaces ouverts : la Guinée, le désert, les
villes libyennes… et les espaces mobiles (le véhicules, le Zodiacs). La deuxième catégorie est
l’espace maritime (la mer Méditerranée). Toutes ces formes d’espaces dans leurs diversités
contribuent à l’expression des travers vécus par les migrants sur cet itinéraire migratoire.

Mots clés : Espaces, Migrants, Souffrances, Mort.

Summary: The figures of spaces are part of the essential components of any fictional work,
because beyond being places where the actions take place, they are elements which express
sociocultural, economic and also psychological realities of the characters and also from the

1
author himself. The novel “The Sorrowful Crossing. From Libya to the Mediterranean, I
almost died. » by Cheick Fanta Mamady Kéita (2020) focuses essentially on the suffering of
migrants on their way to Europe: “The migratory adventure on this route is a logical sequence
of disasters (…)” (Keita, 2020: 21). This suffering is clearly seen from the spaces that the
author evoked in his novel and which are the subject of analysis in our theme: “study of
spaces in the novel Painful Crossing. From Libya to the Mediterranean, I almost died. » These
spaces appearing in this novel come in two main categories: land spaces and maritime space.
Land spaces: there are many of them, spread across two continents: Africa and Europe. These
two main spaces include three secondary spaces: the closed spaces: the prison, the homes, the
camp, the trunk..., the open spaces: Guinea, the desert, the Libyan cities... and the mobile
spaces (the vehicles, the Zodiacs). The second category is the maritime space (the
Mediterranean Sea). All these forms of spaces in their diversity contribute to the expression of
the shortcomings experienced by migrants on this migratory route.

INTRODUCTION

La littérature étant l'ensemble des créations, des productions d'une société donnée à une
époque donnée apparaît aussi comme étant l'une des armes les plus efficaces qui ont jusqu’à
ce jour permis aux sociétés de s'exprimer par rapport à une réalité : joie, peine, fléau,
l'injustice, la dictature, la corruption existant en son sein d'une part, et procéder à son
éducation et à son instruction d'autre part. Tout comme la poésie, le conte, l’épopée..., le
roman depuis sa naissance, a toujours joué ce rôle auprès de cette société dans sa quête de
libération, d’une vie meilleure mais aussi dans la valorisation de son identité. En fonction des
objectifs qu'ils se fixent, les romanciers créent des constituants romanesques auxquels une
place de prestige est octroyée dans l'appréhension du contenu de son ouvrage. Parmi ces
constituants nous pouvons citer entre autres : les personnages et leurs moralités, les espaces
où se déroulent les actions des personnages. Mais malgré cette place importante qu’occupent
ces espaces dans les œuvres romanesques, nous pouvons constater que peu d'études
scientifiques leur sont accordées dans le milieu universitaire guinéen, contrairement aux
autres éléments. C’est alors dans cette logique que nous avons choisi de traiter le thème :
« étude des espaces dans le roman La Traversée douloureuse. De la Lybie à la
Méditerranée, j’ai failli mourir. De Cheick Fanta Mamady Kéita ». Ces espaces au-delà
de leurs aspects figuratifs et poétiques, expriment d’autres aspects spécifiques liés aux
conditions de vie des migrants durant leur voyage. Dans cette étude, nous tenterons d’aborder
la question centrale suivante : Quelles représentations symboliques pouvons-nous saisir de ces
différentes figures d’espaces figurants dans ce roman ? Avec l’objectif de cerner les
2
souffrances que subissent des candidats à l’immigration clandestine exprimées par l’auteur à
partir des figures d’espaces qu’il a évoquées dans son roman, nous avons choisi de traiter de
ce thème à partir de la méthode qualitative qui va consister à l’analyse de notre corpus d’étude
mais aussi d’autres corpus tirés des œuvres suivantes : Heureux est celui qui croit en son
pays1, Crash d’un avion sorcier2, Emigré à tout prix. L’Europe, l’Amérique, j’ai failli mourir 3.
Cette analyse va nous conduire à circonscrire et à analyser premièrement toutes les figures
d’espaces terrestres, ensuite nous analyserons l’espace maritime qui est la mer Méditerranée.

LES ESPACES TERRESTRES

1- Les espaces ouverts


1.1. L’Afrique
L’Afrique est un continent qui regorge d’immenses richesses. Le sous-sol renferme une
quantité importante de ressources minières comme la bauxite, le diamant, l’or, le fer etc. qui
pourraient si elles créer de l’emploi à la jeunesse et créer des conditions de vie meilleure à la
population. En plus du sous-sol, nous pouvons également noter l’existence de nombreux des
cours d’eau et terres arables qui ont la capacité de nourrir les populations. Dans ce continent
africain nous avons les espaces suivants :
- La Guinée : c’est un pays d’Afrique de l’ouest qui a pour Capitale Conakry. Ce pays
est considéré comme étant le « château d’eau » de l’Afrique Occidentale et « scandale
géologique. » En effet, château d’eau de l’Afrique occidentale parce que la plupart des cours
d’eau de l’Afrique Occidentale y prennent leurs sources et « scandale géologique » parce que
son sol et sous-sol sont riches. En plus de toutes ces richesses, elle dispose d’une population
très laborieuse :
« La Guinée dispose des terres cultivables très rentable, notamment la plaine
de Koba dans la basse-côte, qui peut à elle seule nourrir toute la basse-côte
[…]. De nombreuses montagnes […]. De nombreux fleuves d’Afrique prennent
leur source en Guinée […]. La Guinée pourrait être le premier producteur de
fer à l’échelle internationale » (Keita, 2020, 8 et 9)

En dépit de toutes ces richesses dont il dispose, la Guinée se présente comme l’un de pays
d’Afrique de l’ouest dont la population vit dans la précarité : la jeunesse manque d’emploi et
d’espoir. Cette situation paradoxale amène d’ailleurs le narrateur à se poser la
question : « Pourquoi les Guinéens doivent-ils souffrir du chômage ? » (Keita, 2020, 10).
L’autre facteur qu’il faut noter de la Guinée est les obstacles dont sont victimes les diplômés à
1
Abou Dany Camara, Harmattan Guinée, 2023
2
Faya Pascal IFFONO, Harmattan Guinée, 2020
3
Maramany Bakonko CISSE, Harmattan, 2014
3
la recherche d’emploi. Avoir un niveau de formation qu’il faut ne garantit pas un emploi
décent en Guinée. Il y a d’autres réalités non négligeables qui pèsent dans la recherche
d’emploi. Dans « Heureux est celui qui croit en son pays, Abou Dany Camara (2023) », le
narrateur n’a pas manqué d’énumérer ces obstacles qui empêchent les jeunes de s’épanouir et
qui pour la plupart des cas, est la cause du départ massif de ces jeunes vers l’occident à la
recherche d’une vie meilleure :

« Un jeune sorti des universités et qui a un emploi décent est un phénomène


rarissime parce qu’il y a assez d’embûches visibles et invisibles. L’ensemble
de ces obstacles se résume en : ethnocentrisme, le népotisme, le militantisme
sauvage, la corruption, la politique régionaliste, la prostitution…, qui sont des
points qui freinent l’émergence de la jeunesse. Il suffit d’avoir un parent
proche ou haut placé dans un département ministériel pour s’en sortir, quel
que soit le niveau du candidat. » (Camara 2023 : 103-104).

C’est cette situation désespérante qui conduit la plupart des jeunes à prendre la décision de
partir en occident qu’ils considèrent comme l’eldorado.
Après la Guinée, nous allons à présent analyser ‘’le lit’’
- Le lit : le lit est un meuble sur lequel on se couche pour dormir. En plus de son rôle
premier, ce meuble assure plusieurs d’autres rôles qui sont liés à la vie de l’homme :
premièrement, nous pouvons le reconnaître comme étant est un lieu servant de lieu de repos,
ensuite c’est un espace bien approprié où on peut mener des réflexions approfondies par
rapport à un sujet qui nous taraude l’esprit : « […] Il se leva et se coucha […]. Malgré la
fatigue, le sommeil le fuyait et il se mis à réfléchir. » (Abou Dany Camara, 2023 : 118).
Deuxièmement, une décision forte ne se prend pas dans la précipitation, elle doit être le
résultat d’une réflexion profonde faite à esprit tranquille. Le lit est alors cet espace qui permet
à toute personne de prendre le temps nécessaire pour réfléchir sur tous les contours d’une
situation afin de prendre une décision appropriée. Par la métaphore, il est désigné par la nuit
dans cette réflexion : « (…) la nuit porte conseil. » (George Sand, Jeanne, 1844). C’est ce que
fit Cheick qui après avoir passé en revue les situations sociopolitique et économique de son
pays la Guinée, décida d’aller à la recherche d’une vie plus rassurante en Europe : « Ces actes
d’injustice et d’indignation ont fait que j’ai décidé, un jour sur mon lit, de prendre le chemin
d’Europe (…) » (Keita, 2020 : 15). Nous comprenons ici que la décision qui a conduit Cheick
vers l’exil a été prise au lit, à esprit posé. Et sa décision a tellement été forte et bien murie
qu’il n’a pris assez de temps pour la mette en exécution.
Nous avons également Bamako et le Burkina Fasso qui servent d’espaces de transites, situés
sur l’itinéraire Cheick.

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- Frontière du Niger : frontière est une limite entre deux Etats, cette frontière sépare le
Burkina et le Niger. Comme toute autre frontière, il y avait des gardes à cette frontière qui
sont chargées de procéder au contrôle de papiers de tous les passagers devant fr le sol
nigérien. Mais contrairement aux autres frontières régulières, la frontière du Niger symbolise
le début d’une vie teintée de misère et de douleurs pour le narrateur et ses amis, comme il le
dit : « J’ai compris que ce contrôle des gardes n’a rien à voir avec la sécurité mais est juste
maltraitance, de viol et de vol d’argent des passagers » (Keita, 2020 : 20.) Ces gardes
frontaliers abusent de leur autorité pour racketter les passagers en les dépouillant de leurs
biens tout en abusant des femmes.
- La ville d’Agadez : c’est une ville située au nord du Niger. Elle constitue un espace
incontournable, « carrefour » où tous les candidats à l’immigration débarquent pour retrouver
les passeurs qui les interceptent et les guident dans des lieux préparés à cet effet, en attendant
le jour du départ pour la traversée du désert. Ces passeurs ont une autre spécialité dont Sâa
Kelaa nous fait la description dans Crash d’un avion sorcier : « Chaque groupe de migrants
était surveillé par une bande de passeurs cruels et inhumains. Chacune d’elles rivalisant de
stratégies de torture et de bestialités. (…). » (Iffono, 2020 :64). Une autre particularité de la
ville d’Agadez que nous pouvons reconnaître à cette ville est cette chaleur excessive qui rend
la vie insupportable aux populations. A cause de la chaleur, les migrants n’ont plus de
maitrîse ni de préférence entre l’intérieur et l’extérieur de la maison, tous les endroits sont
pareils : « (…) la journée, le soleil est chaud pour rester dans la chambre et dehors c’est pire,
il n’y avait pas un endroit où s’abriter […]. » (Keita, 2020 : 23). Nous pouvons retenir que la
ville d’Agadez est cette ville qui au regard de toutes ses caractéristiques, présente les
prémisses de la chaleur du désert à cause de sa proximité avec lui.
- Le désert : selon le petit Larousse illustré 1990 (page 315), le désert est « une
région très sèche, marquée par l’absence ou la pauvreté de la végétation ou la rareté du
peuplement ». Par cette définition, nous comprenons que le désert est un espace où la vie
humaine est difficile voire impossible, car on y trouve rarement de l’eau qui demeure
indispensable à la vie de l’Homme.
« Avant de traverser l’espace de MaBuNi, quinze de nos compagnons avaient
trouvé la mort. Ils n’avaient jamais été enterrés. J’ai vu de mes propres yeux,
le souffle en train de quitter leurs corps affaiblis et angoissants. Qu’elle triste
réalité ! Mourir par manque d’eau alors nous venions d’un pays gratifié par
les cours d’eau enviables par tous » (Iffono, 2020 : 64)

Devant cette tragédie, les migrants se trouvent dans l’impuissance de prendre soins de leurs
compagnons qui ne parviennent pas à supporter les difficultés de ce désert. L’autre réalité

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qu’on peut retenir de ce passage est le fait que les morts étaient abandonnés sur le sable sans
enterrement comme l’exige les coutumes africaines ; ce qui les expose aux charognards et à
toutes sortes de carnivores. Le désert malgré toutes ces réalités difficiles, demeure pour les
migrants un passage obligatoire pour rejoindre la Libye et aussi, les migrants eux-mêmes se
montrent parfois conscients du risque élevé de mort auquel ils sont exposés mais s’engagent
dans cette aventure : « (…) je fus convaincu que le pourcentage d’être toujours en vie
basculait de 10 à 5 % et rien ne pouvait changer cela, sauf la volonté de Dieu » (Keita,
2020 : 49-50). Après la traversée, nous allons nous intéresser à un autre espace qui présente
d’autres réalités particulières.
- La frontière libyenne : on entend par frontière une « limite qui sépare deux Etats4. »
Cette frontière sépare Agadez à la Libye en passant par le désert. Cette frontière libyenne est
particulièrement caractérisée par le désordre et l’insécurité. A cause de l’attitude de ces gardes
frontaliers, cette frontière est l’image parfaite de ce désordre qui caractérise la Libye. Car les
armes de guerre sont non seulement placées partout mais aussi tout le monde porte son arme.
Vu ce libertinage, il s’avère difficile de distinguer un civil à un militaire, puisque personne ne
porte une tenue militaire. A partir de son constat, Cheick était déjà informé de ce qui
l’attendait et les réalités auxquelles il devait être confrontées en Libye :
« (…) On est arrivé à la frontière libyenne et je me suis tout de suite rendu
compte que j’étais dans un pays où l’on ignore la présence de l’Etat (…) les
chars de combat sont garés partout, les gardes frontaliers sont sans uniforme
et tous armés, certains ont moins de dix-huit ans et hurlent comme des fous
sous l’effet de la drogue, c’est un désordre indescriptible. » (Keita, 2020, 31).

Les migrants, en plus des violences verbales, psychologiques et les tortures physiques dont ils
sont victimes à cette frontière, se font aussi racketter d’une somme de vingt (20) dinars
(devise libyenne) avant de traverser cette frontière pour accéder au sol libyen. Ces
agissements constatés à la frontière ont fait naître des inquiétudes dans la tête de Cheick et ses
amis par rapport à la situation à laquelle ils devaient faire face une fois en Libye. Mais
puisque l’engagement de quitter l’Afrique est prise, ils sont obligés de continuer la route et
rentrer en Libye quelles que soient les difficultés.
- La Libye : un pays magrébin situé au bord de la mer Méditerranée. Elle demeure
incontournable pour les migrants qui décident d’atteindre les côtes européennes. Mais ce pays
est tout sauf un Etat selon Cheick. Cela s’explique par le désordre, l’anarchie et l’insécurité
qui y règnent en maîtres absolus sur cet espace. Les habitants n’y sont soumis à aucune
loi. Conséquences, chacun a le droit de porter une arme, de fumer le stupéfiant de son choix,
quel que soit l’âge : « En Libye, tout le monde a une arme dans sa voiture (…) » (Keita,
4
le petit Larousse illustré 1990 :440
6
2020 : 32). Une autre caractéristique de la Libye est la chasse aux noirs. Ce pays est le théâtre
du racisme contre les noirs, des kidnappings, des viols et surtout la vente des noirs aux arabes
qui les utilisent comme exclaves. Dans « Crash d’un avion sorcier 5» le narrateur nous
témoigne ceci : « Au regard du nombre élevé des migrants qui ne cessaient d’augmenter, un
commerce d’exclaves fut initié afin de générer des ressources passeurs et d’augmenter la
productivité des acheteurs » (Iffono, 2020 : 64-65). En plus de l’esclavage, un autre
phénomène est infligé aux migrants dans ce pays, c’est le racisme. Les Libyens réfutent
l’identité africaine, il ne se considèrent pas africains bien qu’ils soient sur le sol africain mais
Libyens tout court. C’est d’ailleurs ce phénomène qui motive cet esclavage que le narrateur
confirme dans « Heureux est celui qui croit en son pays 6 » : « l’esclavage et la vente des noirs
éraient devenus très juteux en Libye » (Camara, 2020 : 136). Après cette analyse que nous
venons de faire sur ces espaces terrestres ouverts, nous pouvons retenir que dans ce chemin de
l’immigration clandestine, chaque espace présente des situations stressantes et horribles aux
candidats à l’immigration clandestine.
Nous allons voir à présent les espaces clos, ou espaces fermés, ce sont : les foyers, le campo,
la prison.
2- Les espaces clos ou fermés : ces espaces sont appelés espaces clos pour le fait qu’ils
constituent des lieux où chaque migrant est appelé à vivre dans un périmètre bien définit. Ce
sont :
- Les foyers : l’une des définitions proposées par le petit Larousse illustré 1990 : 435
pour le terme foyer est la « Maison d’habitation réservée à certaines catégories de personnes
(…) ». Cette définition se voit confirmée par l’explication donnée par rapport au terme foyer
par Cheick lui-même : « lieux où les migrants sont gardés clandestinement avant le jour du
départ de la Libye » (Keita, 2020 : 22). Lorsque les migrants sont interceptés par leurs
passeurs, ils sont conduits dans des lieux tenus secret appelés foyers afin de les mettre à
l’abris des menaces et les contrôles policiers. Chaque passeur a un foyer pour accueillir et
héberger les migrants dont il a la responsabilité de conduire. Dans plusieurs villes telles que
Agadez, Sabah, Zaouïa, également en France (les foyers pour enfance), nous rencontrons ces
foyers.
- La prison : le petit Larousse illustré (1990 :784) nous trouvons trois définitions pour
le terme prison, mais la troisième définition qui dit que la prison est le « lieu ou situation où
quelqu’un est ou se sent enfermé, séquestré, isolé » est en rapport avec notre présente étude.
Les prisons constituent pour les arabes des lieux de détentions, de tortures et rackette des

5
Faya Pascal Iffono, Harmattan Guinée, 2020
6
Abou Dany Camara, Harmattan Guinée, 2023
7
passagers migrants. Dans chaque ville placée sur ce chemin d’exil, il existe ces lieux de
détentions. Les arabes prennent les migrants et les conduits dans ces lieux où ils sont gardés,
torturés et dépouillés par leurs bourreaux.

Une fois dans une prison, il faut payer un certain montant qu’ils imposent pour recouvrer la la
liberté : « Une fois arrivés à Sabah, il était 9 heures, nous avons été incarcérés dans une
prison appartenant à un Arabe où chacun devait payer 10 dinars (100 €) avant d’être
libéré » (…) » (Keita, 2020 : 33). Les migrants sont souvent confondus aux exclaves qu’on
considère comme source d’enrichissement.
- Nous avons également le coffre de la voiture : dans le petit Larousse illustré 1990 :
229. Le coffre est défini comme étant un « espace pour le rangement des bagages à l’arrière
ou à l’avant d’une voiture. » Ce coffre qui est prévu pour transporter les bagages est utilisé
pour transporter Cheick et ses deux amis vers Tripoli, afin de se mettre à l’abris de la police.
Malgré le chauffeur qui devait les conduire est arrivé seul avec son épouse dans une voiture :
« A présent, vu que le taximan était seulement avec sa femme dans la voiture,
je pensais avec soulagement que notre souffrance était arrivée à son terme,
mais hélas, à mon grand étonnement, le chauffeur nous demanda de monter
dans le coffre de la bagnole tous les trois : moi, Abdoul et Abdouramane, sans
discuter ni poser de questions (…) ».

Ce passage nous prouve à suffisance que sur ce chemin, l’Homme noir, candidat à la
migration et sur le sol Libyen n’a aucune identité humaine aux yeux des arabes et il n’a aucun
droit de revendiquer ou de refuser quoique ce soit : c’est le principe du plus fort.
- Le Campo : le campo est un campement de migrants où ils attendent le jour
d’embarquement pour la traversée de la mer. Il se situe dans les environs de la ville de
Zabrata, loin du centre-ville et aussi à trois (3) km de la mer Méditerranée. Il se caractérise
par une vie pénible et dure. Dans ce campo, la vie n’est pas aussi abordable pour les migrants,
ils sont tous confrontés à des situations compliquées, notamment le manque de places pour
abriter tout le monde. Il n’y a que quatre (4) cabanes pour un effectif de cinq à six-cent
personnes. Mais à part cet effectif pléthorique, les réalités ne sont pas pareilles pour tout le
monde, chacun a son problème particulier. Il y en a tel que Cheick, qui ont leur minimum,
alors que d’autres sont confrontés à la faim, aux maladies et à beaucoup d’autres problèmes.
« (…) Mais au campo, il faut comprendre que les souffrances et les situations
sont différentes pour chaque migrant et quand j’écoutais certains jeunes sur
leur situation et sur ce que les femmes subissaient dans le campo, j’ai pensé à
ma situation et je m’en suis remis à la volonté de Dieu » (Keita, 2020 : 54)

8
En plus de cet aspect, il y a un autre aspect qui marque la vie dans ce campo : c’est la
solidarité que les migrants manifestent entre eux. Tout le monde n’a pas les mêmes moyens
dans ce campo. Mais malgré ces maigres moyens, chacun met ses moyens peu soit-il, à la
disposition des autres afin que chaque migrant puisse être soulagé et maintenu en équilibre
physique et moral. Cela se démontre par la confession de Cheick qui a compris qu’il partage
les mêmes réalités que les autres et accepte de recevoir ses pairs autour du pain qu’il achète
grâce à une cotisation qu’il faisait avec certains amis :

« Dans cette fameuse migration, il y a une chose qui m’a beaucoup marqué,
c’est la solidarité et la fraternité sur cette route entre les jeunes migrants. En
outre, dans le campo, à chaque fois qu’un pouvait s’acheter de quoi manger, il
partageait avec les autres et cette solidarité permettait de survivre jusqu’au
jour de l’embarquement. » (Keita, 2020 : 53)

Contrairement aux autres espaces étudiés plus haut, nous comprenons par cette analyse que le
campo accorde plus confort, même si tout n’y paraît pas aussi aisé. Après cette première
partie d’études des espaces terrestres centré sur l’Afrique, nous allons aborder le continent
européen.
1.2. L’Europe
Considéré comme ‘’paradis’’ par la jeunesse Africaine, l’Europe est à ce jour la destination de
la plupart des jeunes qui ne peuvent plus supporter la souffrance et la misère dans leurs pays
africains en général et la Guinée en particulier. Mais contrairement à cette image reluisante
que présente ce continent, la plupart des jeunes qui y entrent voit leur rêve devenir un
cauchemarde une fois sur ce sol. Dans Émigrer à tout prix. L’Europe, l’Amérique ou la mort,
Friki Camara, guinéen fraîchement arrivé en France se voit sans abri, sans soutien. Dans cette
souffrance, il fait connaissance d’un jeune Nigérien Oumar qui lui aussi, étant dans des
situations peu rassurantes lui fait ce témoignage afin de se rendre à l’évidence :
« Moi je suis en France dans les mêmes conditions que toi. Depuis deux ans, je
vis de petits boulots non déclarés. Si chaque jeune Africain pouvait avoir la
chance de voyager en Europe, cela aurait contribué à changer mes mentalités.
J’avoues que ce n’est pas facile. J’en ai vu de toutes les couleurs, la faim, le
stress, l’isolement, la provocation, la discrimination et surtout la nostalgie. Je
trouve pour ma part que l’Europe est plus une prison qu’un paradis,
contrairement à ce que certains pensent. » (Cissé, 2014 : 99)

Dans ce témoignage de Oumar nous pouvons comprendre que l’Europe est un espace qui
offre une réalité très amère aux jeunes sans domicile fixe (SDF) qui au départ en d’Afrique, la
considèrent comme un Eldorado. Dans ce témoignage, nous pouvons noter deux messages
9
principaux : 1) l’Europe est un continent où tout ne gagne pas facilement comme le pensent
les jeunes qui décident d’y aller, c’est un espace où il n’y a pas d’humanisme. 2) c’est une
erreur de continuer encore à croire que l’Afrique est « un enfer », pendant qu’en Europe, la
vie est tellement dure que certaines regrettent leur pays. C’est le cas de Sidi l’un des immigrés
qui nous raconte encore sa désillusion en Europe : « Comme c’est dur, je souhaite que la
situation ne soit pas la même partout en Europe, sinon il n’y a pas d’espoir. Je ne peux plus
retourner en Afrique et j’ai du mal à trouver une vie normale ici en Europe. » (Cissé, 2014,
125).

Cheick dans sa narration, confirme sa désillusion et son désenchantement à l’instar de Friki et


de Sidi face au mirage qu’ils se sont fait de l’Europe et qui les a conduit à prendre cette
décision de partir de leur pays : « Moi-même qui pensais qu’une fois en France, je pouvais
être tranquille, c’était le contraire, mon espoir était déçu. L’Europe n’est bonne que pour
ceux qui ont papiers. » (Keita, 2020 : 88). En Europe, il faut avoir des papiers pour pouvoir
survivre, et cette conquête des papiers est encore une autre réalité qui est pleine d’embûches.

1.2.1. L’Italie
- D’abord la ville de Salerno : sur le continent Européen, Cheick débarque pour la
première fois en Italie au lieu de la France où il voulait se rendre. Dès son arrivée dans la ville
de Salerno il fut immédiatement accueilli au port et conduit ensuite à la base de l’Organisation
Internationale pour la Migration (OIM) à Arezzo en Toscane. Heureux, il commença à penser
que cette souffrance était déjà un lointain souvenir, désormais il n’aurait plus rien à craindre
puisqu’il commençait à bénéficier à l’hôtel d’un traitement humaniste dont il n’avait jamais
fait l’objet durant tout son périple : « Une fois installé dans ma chambre, je me croyais être
au paradis après plusieurs mois sans bien dormir et sans manger à ma faim. » (Keita, 2020 :
75). Mais très tôt, il commença à faire face à un des problèmes récurrents auxquels les sans-
papiers surtout migrants étaient confrontés dans ce pays : la ségrégation. En effet, ayant
l’ambition de poursuivre ses études depuis son départ, il se rend compte qu’il lui est difficile
voire impossible de réaliser ce rêve en Italie car il fallait d’abord apprendre la langue
italienne. Ce qu’il trouvait impossible à cause du droit des migrants qui était bafoué :
« l’Italie est un pays signataire des accords sur le droit des immigrés et les droits de
l’Hommes en général mais dans la pratique, c’est le droit des Italiens qui est d’abord
respecté et celui des étrangers bafoué. » (Keita, 2020 : 77) Cela nous amène à comprendre
que les étrangers, surtout les migrants n’avaient aucun droit dans ce pays, ce l’a conduit très
vite à quitter pour rejoindre la France. Il est alors accompagné à la gare de Vintimille par un

10
jeune Togolais, cuisinier à l’hôtel en vue d’emprunter un le chemin de la France. Ce premier
espace est la configuration de toutes les réalités difficiles des sans-papiers en Europe.
1.2.2. France
- Gare Saint Charles de Marseille : Cheick est enfin arrivé en France deuxième grand
espace de notre étude : à la gare Saint Charles de Marseille. Un nouvel espace, de nouveaux
calvaires se présentent à lui. C’était d’abord le problème de logement. Car dès sa descente à
cette gare tout le monde se rendait à son domicile pendant que lui, il n’a pas d’abris. Cette
gare était d’ailleurs le nid des migrants sans abris qui arrivaient à Marseille : « J’ai vu
beaucoup d’immigrés coincés dans la gare pour y passer la nuit, j’étais terrifié et j’ai
compris que c’était le même sort qui m’attendait (…) les conditions étaient difficiles c’est
pourquoi il dormait à la gare » (Keita, 2020 : 87). Les réalités de cette gare, nous fait
comprendre que la vie de migrants était la même partout en Europe. conseillé par un autre
sans papiers, il décide de rejoindre un centre qui est autorisé à recevoir les mineurs, vu qu’il
l’était.
- L’ADDAP13 : c’est l’espace le mieux indiqué pour recevoir les mineurs sans abris. Il
est sur le Vieux port. Cheick s’y est dirigé espérant avoir la protection nécessaire, mais ce
centre n’accordait aucune vie rassurante aux migrants : « (…) plusieurs jeunes ont été
abandonnés dans la rue, alors qu’ils avaient déjà fait trois ou quatre mois sous la
responsabilité de l’ADDAP13 » (Keita, 2020 : 96). Après avoir constaté l’inefficacité de ce
centre pour sa prise en charge, il a encore été contraint de quitter et de rejoindre un autre
centre dont il a bénéficier un contact grâce à un de ses amis migrant, un jeune Nigérien avec
qui il avait entrepris ce voyage en Afrique.
- L’association de Longo-Maï : situé à Saint-Martin-de-Crau cet espace est une lueur
d’espoir pour Cheick dans sa quête d’intégration en France. En effet, il rencontre Monsieur
Matthieu qui lui a été recommandé par ce jeune Nigérien. Cette rencontre va le permettre de
quitter la rue pour rejoindre cette association : « Longo-Maï a été un espoir pour moi et m’a
aidé à m’intégrer en France, je me suis familiarisé avec la culture française et cette a
association a vraiment été très importante pour moi pendant tout le temps où je suis resté
chez eux. » (Keita, 2020 :102).

Malgré la bienveillance de Monsieur Matthieu et son association, Cheick devait partir car
l’association de Longo-Maï n’avait pas le droit de le garder à cause de son âge. Après lui
avoir donné les orientations nécessaires pour la suite de son séjour on l’a laissé aller. Et cette
suite devait le conduire vers le département de Ardèche où se trouve un autre centre qui était
mieux autorisé à garder les mineurs. Sur le chemin, il a été conseillé par un passager de se
rendre à Privas où il se trouvait un autre foyer d’enfants. Cette recherche n’a pas été facile. Il

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a manqué de quelqu’un qui pouvait l’aider à retrouver ce centre à cause de l’individualisme
qui caractérise l’Europe :

« (…) en Europe, il y a beaucoup de méfiance, certes les gens sont très


sympathiques mais établir un lien, c’est la chose la plus difficile à faire, ce
n’est pas comme en Afrique où les rapports entres les gens sont très basiques.
Cette habitude des Français est la pire chose que je déteste ! J’ai longtemps
fait de l’auto stop mais hélas, personne ne voulait s’arrêter, tout le monde s’en
foutait de moi. » (Keita, 2020 : 104-105)

Cette déclaration de Cheick nous présente l’individualisme qui caractérise la France en


particulier et l’Europe en général. Là-bas chacun s’occupe de ses problèmes. Voilà encore le
problème auquel les migrants sans papiers sont confrontés dans leur quête d’intégration.

- Dans le foyer d’enfance à Ardèche : là-bas, pour bénéficier d’une prise en charge
dans ce foyer, il lui faut passer une interview dont le résultat seul pouvait situé le migrant sur
sont sort, s’il doit ou pas y rester. L’attente de ce résultat était dure et angoissant pour tous les
candidats. Trois jours après son évaluation, il reçoit le rapport qui lui notifia son admission.
C’est cette admission marqua le début d’une autre aventure, celle de la course aux papiers.

Au vu de toutes ces réalités que nous venons de soulever par rapport l’Italie et la France, nous
pouvons retenir que derrière cette image attirante et belle que propose l’espace européen, et
qui promet visiblement un bonheur utopique à la jeunesse africaine, se cache une panoplie de
situations inconfortables auxquelles sont confrontés les migrants clandestins sans papiers qui
y arrivent. Parmi ces situations nous pouvons noter :

- Le problème d’hébergement
- L’individualisme
- Le racisme envers les migrants surtout noirs
- Les difficultés de trouver des papiers et du travail
- La nostalgie du pays de départ...
1.3. Les espaces mobiles : ce sont des espaces qui ne sont pas statiques, mais qui
servent à transporter les migrants d’un espace à un autre. Ces espaces sont : les taxis, le
zodiac, les métros, le train.
- Les véhicules : dès les pays d’origines, les candidats à l’immigration clandestine
empruntent des taxis qui les transportent d’un pays à un autre : « Samedi, le jour du départ de
notre convoi, à 20 heures, on a embarqué dans les pick-up. » (Keita, 2020 : 24) venu
d’Agadez, ce véhicule se rendait à Tripoli. Ces véhicules caractérisés par le silence forcé que
doivent observer les migrants au risque de se faire maltraiter, roulent à tombeau ouvert sans se
soucier de la sécurité pour éviter les patrouilles policières.
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- Le zodiac : selon le petit Larousse illustré 1990 (page 1038) c’est un canot en
caoutchouc, pouvant être équipé d’un moteur hors-bord. C’est cet appareil qui est utilisé pour
faire traverser les passagers sur la mer Méditerranée. Sâa Kelaa, personnage migrant dans
‘’Crash d’un avion sorcier’’, l’appelle pirogue de fortune : « Nous fûmes embarqués dans une
pirogue de fortune (…) » (Iffono, 2020 :69). Il lui confère ce qualificatif « fortune » puisqu’il
ne prévoit aucun dispositif de sécurité tels que le gouvernail et les gilets de sauvetage pour les
passagers. En plus manque de ces dispositifs, le nombre de passagers qu’ils embarquent pour
traverser dépasse la capacité d’accueil de l’appareil. Une autre caractéristique à noter dans cet
appareil c’est que le conducteur et celui qui doit tenir la boussole sont désignés sur place
parmi les passagers les plus anciens ; autrement dit ceux qui ont plus ‘expériences à cause de
leur des échecs et les naufrages qu’ils ont vécus dans ce voyage. S’embarquer dans un tel
appareil pour traverser la mer Méditerranée constitue une entreprise suicidaire pour le père de
Sidi dans Emigré à tout prix. L’Amérique, l’Europe ou la mort : « (…) les immigrés
clandestins s’entassent dans des pirogues de fabrication locale sans voile, sans boussole,
sans gilet de sauvetage. Alors, prendre un tel risque pour moi est suicidaire » (Cissé, 2014 :
26). En plus du manque de dispositifs sécuritaires, les Zodiacs face à la colère des vagues
d’eau se renversent par impuissance, et aussi le moteur qui assure sont animation s’éteint
parfois en pleine mer et cela cause des naufrages de tout le contenu. Mais malgré toutes ces
imperfections visibles de cet appareil, les jeunes, les femmes nourrices n’hésitent pas de
l’emprunter pour traverser : le narrateur nous témoigne dans Heureux est celui qui croit en
son pays de A. Dany Camara :
« (…) Tout d’un coup, la nature changea, le ciel s’assombrit et un vent violent
souffla et secoua le zodiac. La mer devint très forte et les pluies diluviennes
commencèrent à descendre sur la tête des migrants. Une vague finit par
orienter le Zodiac vers une destination inconnue. (…) une grosse vague très
violente fouetta le Zodiac sauvagement et le reversa à moitié. Une dizaine de
passagers tomba dans l’eau (…). (Camara, 2023 : 157)

Mais Abou Dany nous décrit deux catégories de Zodiac : il y a les Zodiacs qui transportent les
convoient VIP (Very Important Person). Dans ce Zodiac, le nombre est de passagers est bien
déterminé mais l’embarcation est moyennant une somme d’argent. Ceux qui n’ont pas assez
d’argent sont obligés de s’embarquer dans la deuxième catégorie : les convois ordinaires, où
le nombre de passagers est doublé ou triplé : « (…) le premier convoi sortit, c’était le convoi
VIP. Ce genre de dépassait pas quinze passagers dans le Zodiac, mais le prix coûtait
excessivement cher. Cinq mille euros, parfois six mille selon les négociations. Le convoi VIP
rentrait en Europe sans grand risque » (Camara, 2023 : 154)

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Malgré tout ce danger auquel les passagers sont exposés les passagers dans tous ces espaces
mobiles que nous venons voir, les arabes n’ont aucun état d’âme, ils sont des maîtres qui ont
le droit de vie et de mort sur les migrants. Aucun migrant n’a le droit de revendiquer ou de
reculer quand il s’agit de s’embarquer, au risque de se faire tuer.

L’ESPACE MARITME

Après cette étude sur les espaces terrestres, nous allons à présent nous intéresser à notre
deuxième type d’espace : l’espace maritime.

La Mer Méditerranée : c’est une « (…) mer chaude, à forte salinité et à faible marée
(…)7 ». La mer Méditerranée est une étendue d’eau salée. Cette étendue attire par la beauté
des eaux. Cette beauté qui s’observe grâce aux vagues dont les mouvements laissaient
entendre de bruit mélodieuse : « (…) cette étendue d’eau qui laissait miroiter sa beauté par le
bruissement de petites vagues douces et mélodieuses » (Iffono, 2020 : 68-69).
Elle est composée des zones délimitées entre les différents pays qui l’environnent par des
frontières maritimes : des espaces tunisiens, marocains, l’espace international etc. C’est à
cette délimitation qu’obéit la pêche et la navigation maritimes.
Derrière cette beauté éblouissante se cachent d’autres caractéristiques dangereuses : c’est sa
forte densité de sel, les vagues d’eau dont la colère engloutit les Zodiacs et tuent chaque fois
des candidats :
« Le vent devenait de plus en plus violent et dangereux. La pirogue tanguait et
balançait au gré des courants aériens et des impitoyables vagues. Le comble
arriva lorsque nous fûmes projetés comme une fusée à des centaines de mètre
vers le ciel. Là, les choses gâtèrent. Nos pleurs, cris et nos hurlements
gagnèrent le firmament. Les déesses de la mer et toutes les créatures
aquatiques entendirent l’écho de nos supplications. En vain. Ce qui devait
arriver arriva. Tout le contenu de la pirogue fut dispersé comme une semence
à travers la surface mouvante de l’océan. » (Iffono, 2020 : 69-70).

La mer est un espace qui a englouti beaucoup de personnes et qui continue d’endeuiller les
familles de beaucoup de passagers à cause de toutes ces caractéristiques que nous venons de
voir dans ce témoignage de Sâa Kelaa. Malgré il ne donne pas un chiffre exact de passagers
qui sont restés dans ce mouvement de la pirogue, son témoignage signale implicitement la
mort de certains de ses compagnons.

CONCLUSION

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Petit Larousse illustré, 1990 : 1431
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Au regard de tout ce que nous venons de constater dans notre étude sur les espaces du roman
« Kéitaen », nous comprenons que la plupart des espaces qu’on y rencontres sont des espaces
réels qui nous ont révélé toute la souffrance dont sont victimes les candidats à l’immigration
clandestine sur leurs chemins. Nous pouvons à cet effet comprendre aisément que les espaces
font partie des éléments non négligeables sur lesquels le message de l’écrivain se repose. Dès
lors, on peut admettre que l’écrivain ne les choisit dans son œuvre pour manifester une simple
figuration ou pour abriter tout simplement les actions des personnages. Mais il les choisit ou
les crée au même titre que les personnages pour un but précis, celui de transmettre un message
socioculturel, économique et psychologique : « L’espace romanesque n’est pas une donnée
objective, brute, dénuée de toute. (…) Il est créé par l’écrivain en fonction de ce qu’il a choisi
de dire » (Mamadou Y. Sow, A. Coulibaly, 2010 : 104)

BIBLIOGRAPHIE

1- Abou Dany CAMARA, 2023, Heureux est celui qui croit en son pays, Conakry :
Harmattan-Guinée.
2- Faya Pascal IFFONO, 2020, Crash d’un avion sorcier, Conakry : Harmattan-Guinée
3- Mamadou Yaya SOW, Novembre 2023, Espace et marginalité chez Libar Fofana,
Altralang Journal, volume 5 Issue 2 / pp 202-215.
4- Maramani Bakonko CISSE, 2014, Emigré à tout prix. L’Europe, l’Amérique j’ai failli
mourir, Conakry : Harmattan-Guinée
Thèse de doctorat
1- Faya Pascal IFFONO, Exil et technique d’écriture dans l’œuvre romanesque de Tierno
Monénembo, 2018, Publibook.
2- Mathurin SONGASSAYE, 2005, Figures spatio-temporelles dans le roman africain
subsaharien anglophone et francophone, Université de Limoges.

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