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CoqueryVidrovitch Rvoltesetrsistance 1983
CoqueryVidrovitch Rvoltesetrsistance 1983
colonisation
Author(s): Catherine Coquery-Vidrovitch
Source: Labour, Capital and Society / Travail, capital et société , April 1983 / avril 1983,
Vol. 16, No. 1 (April 1983 / avril 1983), pp. 34-63
Published by: Labour, Capital & Society
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Society / Travail, capital et société
ABSTRACT
Catherine Coquery-Vidrovitch
Unlike precolonical statist resistance movement, often
stemming from a strong conquering power, the movements of
primary resistance which broke out in the early days of coloniza-
tion - between 1895 and 1951 - were populist, rural and
spontaneous in nature: they were peasant revolts marking the
turning-point of a long process of evolution which cannot be
ignored if one is to understand present-day changes. These
revolts initiated the process of moulding the ideological environ-
ment in which African politics subsequently developed, in the
form of so-called "modern" resistance movements - unionist,
political, nationalist or national - including current liberation
struggles.
The problem is not only to take stock of these movements,
but to go beyond mere description to probe their significance.
What kinds of factors (the political system, a religious message,
the social organization, the nature of the colonical power, etc )
combined to produce at a given stage certain kinds of resistance
action? What, for example, were the circumstances most
favourable to open rebellion? What determined the "aptitude"
certain ¡peoples seemed to have for resistance, an aptitude in
some cases still apparent today? These are the answers we
sought through a study of the countries involved, both those with
Islamic traditions and those still adhering to animistic beliefs.
Over and above innumerable small-scale demonstrations,
some mass movements developed into virtual peasant wars
(Maji-Maji, Kongo-Warra, Mau-Mau, the Congo rebellions).
But all can be largely ascribed to religious fervor- messianism,
millenarianism, even witchcraft - stimuli which are the most
likely to achieve acceptance and adaptation. It is still absolutely
essential for us to understand this heritage if we are to grasp the
complexity of social movements which are now becoming
translated into urban action.
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* Cet article reprend dans ses grandes lignes une conférence prononcée
en septembre 1981 au Centre d'études sur les régions en développement de
l'Université McGill.
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L'Afrique équatoriale
"On oublie trop - notait un observateur en 1905 - que le Congo n'a
jamais été conquis, qu'il n'y a pas eu prise de possession effective des
vastes territoires de notre colonie."2 C'est donc bien à tort qu'on a
parlé, pour l'Afrique équatoriale française (AEF), de "colonisation
pacifique."3 Il est, à tout le moins, troublant de noter la coïncidence
entre les régions les plus instables et celles où les grands concession-
naires privés ou l'administration se livrèrent à des violences graves,
stigmatisées lorsqu'en 1905 éclata, sur la scène internationale, une
énergique campagne de presse orchestrée par le journaliste anglais E.
Morel et reprise par les socialistes français des Cahiers de la Quin-
zaine (Pierre Mille et Félicien Challeye).
C'est ainsi que le premier soulèvement d'envergure sur la route des
portages, entre Brazzaville et la côte, de 1897 à 1899, traduisit
l'exaspération des porteurs Loango épuisés; que l'année 1902, qui
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Le Hollidjé4
Le pays des Holli, constitué de dix-sept villages disséminés dans
une forêt de dix kilomètres de large au nord-est de Porto-Novo au
Dahomey regroupant à peine dix mille habitants, offre un excellent
exemple d'un ilôt d'insoumission caractérisé par le refus permanent
d'une autorité supérieure. Il s'agissait, à l'origine, d'un groupe Yoruba
venu d'Oyo puis chassé d'Ifé dont les habitants, dotés d'une mentalité
de fugitifs repliés dans une zone écartée, avaient toujours refusé de re-
connaître l'autorité du roi d'Abomey. Leur groupe monolithique
reposait sur une solidarité assez "démocratique": les délégués des
villages constituaient une assemblée générale placée sous l'autorité
d'un "roi" élu à tour de rôle dans cinq familles, et dont l'avis ne
l'emportait pas toujours. Le groupe eut à mettre au point une tactique
adaptée à ses conditions naturelles, qui lui permit, depuis la création de
la colonie (1894) jusqu'au-delà de l'indépendance, de refuser tout
contact avec le pouvoir, exprimé par le refus de payer l'impôt.
L'insurrection éclata en janvier 1914, au moment où le dilemme
était devenu clair: soit se soumettre, soit passer à la révolte. Une guerre
de harcèlement fut entreprise contre les gardes-cercles. La répression
se poursuivit jusqu'en juin; avec l'aide de renforts venus de Dakar (des
camions et deux bataillons) les habitants furent désarmés, les impôts
4. Voir H. d'Almeida-Topor, "La révolte des Holli," Les résistances contre
l'Occident , Cahier Afrique noire, n° 1 (Paris: Laboratoire Connaissance du
Tiers-Monde, Université Paris VII, 1977), pp. 49-50. Voir également,
L. Garcia, "Les mouvements de résistance au Dahomey," Cahiers
d'Études Africaines 10:37 (1970), pp. 144-78.
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La révolte Maji-Maji
Cette révolte se situe dans la période d'affermissement de la domi-
nation coloniale; elle traduisait le rejet global de cette situation
nouvelle - refus du travail forcé dans les plantations de coton et des
exactions des mercenaires allemands. Le soulèvement embrasa tout le
sud Tanganyika, surmontant de ce fait le morcellement tribal par le
recours à des techniques religieuses ou magiques: au moment où les
sociétés traditionnelles avaient de moins en moins prise sur le temporel,
l'intervention de leaders charismatiques offrait aux populations une
voie pour réintégrer leur histoire; les méthodes ancestrales de guerre
devenant insuffisantes (la révolte de Wahehe l'avait prouvé) le messia-
nisme permettait de leur insuffler une force nouvelle. La révolte Maji-
Maji est ainsi ponctuée de thèmes millénaristes: Kinjikitilé Ngwele, qui
avait le don d'immuniser les guerriers par une eau magique {Maji) qui
transformait aussi en eau les balles allemandes, était envoyé par Dieu
pour sauver le peuple de l'oppression coloniale, tandis que les ancêtres
morts étaient appelés à ressusciter à Ngalambe.
Ce soulèvement se solda par un énorme massacre: sans doute
120.000 morts, qui imprégna la mémoire collective du peuple
tanzanien: son échec même fut un des ferments ultérieurs du
nationalisme.7
7. Ranger, "Connexions".
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10. R.I. Rotberg, The Rise of Nationalism in Central Africa (Cambridge, Ma.:
Harvard University Press, 1965).
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11. A.M. Vergiat, Les rites secrets des primitifs de l'Oubangui (Paris: Payot,
1921: nouvelle édition refondue, 1951). pp. 149-50.
12. F. Fanon. Les damnés de la terre (Paris: Maspero. 1968). p. 41.
13. G. Balandier, "Les mythes politiques de la colonisation et de la décoloni-
sation en Afrique," Cahiers internationaux de Sociologie , n° 33 (1962);
et Jean Merlo, "Sources populaires de lideologie de l'independance en
Afrique noire: mythes africains de la colonisation." thèse de 3ème cycle,
E.P.H.E.. 1967.
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14. Voir F.K. Ekechi, "Colonialism and Christianity in West Africa: The
Igbo Case, 1900-1915," Journal of African History 12:1 (1971) nn
103-16.
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18. M.A. Klein. "Social and Economic Factors in the Muslim Revolution in
Senegambia." Journal of African History 13:3 (1972), pp. 419-41.
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b) L'Islam résistant
Idéologie dominante des formations politiques soudanaises à la
veille de l'agression coloniale, l'Islam peut-il donc être regardé comme
un instrument potentiel durable de résistance?
À vrai dire, dans le cadre colonial, l'Islam commença plutôt par se
manifester comme un outil de pénétration par l'alliance des chefs avec
le nouveau pouvoir. L'administration britannique eut tôt fait, sur
l'exemple fameux du Nigéria du Nord, de s'assurer la collaboration
efficace des émirats par une politique respectueuse de leur pouvoir
local et de la culture islamique (notamment par l'absence des écoles
missionnaires). L'attitude du colonisateur français fut nettement plus
ambigüe, parce que l'impérialisme français se heurta de plein fouet aux
tentatives hégémoniques d'Ahmadou, de Samori ou de Rabah, et parce
que le modèle de référence était l'Afrique du Nord, où l'Islam s'était
imposé comme une force constituée qu'il fallait surveiller et encadrer.
En réalité, la puissance coloniale prêtait au monde musulman une
unité de pensée et de stratégie que celui-ci était loin de posséder.
Avec l'effondrement ou le ralliement des principaux États, l'Islam
ne devint ferment de résistance que s'il fut repris par les masses popu-
laires sous l'action de nouveaux leaders religieux soucieux de se
démarquer des anciens responsables compromis par leur défaite et leur
politique de collaboration: ce fut le rôle fréquent du "parti des
marabouts" qui, au tournant du siècle, organisa la résistance dans les
royaumes Ouolof ou bien, jusqu'à la première guerre mondiale au
moins, prit çà et là la tête de soulèvements locaux. C'était, en somme,
la version "islamique" des révoltes populaires, certes par certains
1 9. Sur El Hadj Omar, les mises au point les plus récentes sont les études de
S. M. Cissoko et B. Barry dans La revue sénégalaise d'histoire (Dakar) 1:1
(1980), pp. 39-69 et 70-81.
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c) Le repli religieux
21. Voir F. Fuglestad, "Les révoltes des Touaregs du Niger," Cahiers d'Étu-
des Africaines 13:49 (1973), pp. 82-120; J.L. Dufour, "La révolte touarè-
gue," Relations Internationales, n° 3 ( 1 975). pp. 55-77; et A. Salifou.
Kaouassan: ou, la révolte Senoussiste, Etudes Nigériennes, n° 33
(Niamey: Centre nigérien de recherche en sciences humaines, 1973)
p. 197.
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