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Systèmes de Production Agricole
Systèmes de Production Agricole
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UNA cours système de production Floquet 2019
L’approche systémique part du point de vue qu’il n’y a d’intelligence du monde qu’à condition de saisir
les relations que tissent les différentes parties des ensembles organisés.
L’approche systémique est née des constats concomitants de scientifiques de diverses disciplines. Dans
les années 40, des mathématiciens et des ingénieurs s’intéressant à la circulation de l’information dans
des machines ont créé les bases de la cybernétique. Ces principes de communication et
d’autorégulation seront également appliqués pour expliquer et anticiper de nombreux phénomènes
biologiques et écologiques.
Au même moment, un biologiste et philosophe autrichien Ludwig van Bertalanffy élabore sur les
systèmes, en partant du constat que la réalité ne doit pas être appréhendée comme un ensemble clos
mais au contraire un ensemble ouvert sur son environnement. Pour finir, il produit une « Théorie du
Système Général » en 1968.
Le but de la "théorie générale des systèmes" est de formuler des principes valables pour tout système
indépendamment de la nature des éléments qui le composent et des relations qui le relient", nous dit
L. von Bertalanffy. Des scientifiques conçoivent alors peu à peu des principes unifiés et
transdisciplinaires, permettant de concevoir la réalité sous forme de systèmes, qu’il s’agisse de
machines, d’organismes vivants ou de corps sociaux, et de la modéliser.
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Pour comprendre un ensemble, il ne faut pas commencer à le réduire en éléments mais à analyser ses
relations avec son environnement. Un système est en effet ouvert dans son environnement. C’est
pourquoi l’étude d’un système commence par en tracer la limite qui le sépare de son environnement
puis dépeint les flux de matières et d’informations qui entrent et sortent et qui vont influencer son
comportement.
Figure 1.1: Le système comme boite noire en interaction avec son environnement
Théorème de la baignoire : si la quantité d’eau qui sort est supérieure à celle qui entre, la baignoire se
vide.
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Un tel modèle de stock et flux est générique et peut être utilisé dans de nombreux contextes.
Flux entrants : Un compartiment sol est alimenté d’entrées d’éléments nutritifs qui sont stockés sous
formes organiques et minérales (apport par la biomasse de la végétation qui tombe sur le sol, par les
apports volontaires d’engrais, par l’atmosphère chargée en poussière, par la fixation symbiotique
d’azote).
Extrants : Des éléments sortent de ce compartiment sous forme de pertes gazeuses ou par lessivage
après minéralisation ou passage du feu, exportations par l’homme à la récolte ou des animaux qui
pâturent, etc.
La boite noire « sol » peut être considérée dans un premier temps comme un stock qui se remplit et
se vide et dont le niveau varie en conséquence. C’est souvent ainsi que le sol cultivé est conçu en
agriculture intensive où des apports d’engrais compensent des exportations. L’agronome ne va pas se
contenter de ce modèle et va aussi se préoccuper aussi des relations à l’intérieur de cette « boite
noire », à savoir l’activité biologique et les échanges dans le sol.
Figure 1.3: Autorégulation d’une population de rongeurs en fonction des disponibilités alimentaires
Source : (De Rosnay, 2014)
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Ainsi une population de rongeurs se multiplient quand les disponibilités alimentaires sont suffisantes
mais à partir d’un certain seuil, la population a des besoins qui excède les disponibilités et la famine
éclate, faisant des morts, la population redescend vers un niveau d’équilibre.
Dans une société idéale, un système socioéconomique s’autorégulerait aussi ainsi. Des pêcheurs dans
un système (notre boite noire) pêchent et commercialisent le poisson sur le marché. Quand ils
surpêchent, il y a surproduction et le prix baisse et donc, ils réduisent leurs prises. C’est le principe
d’une régulation par rétroaction (feed-back).
Notons que ce principe ne fonctionne pas toujours de façon suffisante pour maintenir durablement
l’étang à un niveau de productivité satisfaisant, car d’autres facteurs vont interagir avec le système et
le perturber.
Nous entrons ici dans la conception de systèmes dynamiques. Parmi les scientifiques les plus connus
pour avoir développé les systèmes dynamiques, citons Jay Forrester et Dennis & Donnella Meadows
et pour la vulgarisation scientifique francophone, Joel de Rosnay.
Figure 1.4: Un modèle dynamique entre producteurs, consommateurs et décomposeurs échangeant de la matière,
de l’énergie et de l’information sur une planète à ressources finies avec pour seule entrée l’énergie du soleil
Les Meadows ont appliqué ces principes de modèles dynamiques à la planète et produit pour le « Club
de Rome » en 1972 un livre qui a fait grand bruit « Halte à la Croissance ». Leur modèle y prévoit un
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Une espèce végétale est programmée pour n’entrer en phase de reproduction qu’après une période
de croissance végétative d’une durée fonction du milieu dans lequel elle s’est développée. Néanmoins
beaucoup d’espèces réagissent une sécheresse ou un autre stress en se réorganisant rapidement pour
passer en mode de production de fleurs et de graines, interrompant leur croissance. Ce comportement
d’auto-réorganisation permet d’assurer la survie de l’espèce.
La société occidentale a développé durant les 19ème et 20ème siècles un modèle social basé sur la
croissance et une consommation de plus en plus effrénée de produits et services, chaque nouveau
produit chassant un ancien pour obsolescence. Mais experts et citoyens sont de plus en plus nombreux
à alerter des risques que ce modèle fait courir à la survie de la planète (changement climatique,
épuisement des ressources indispensables comme la terre et l’eau, inégalités croissantes) et ces voix
prônent une transition écologique vers une croissance verte et équitable. Des inflexions dans la finalité
du système économique sont observables, la question étant de savoir si elles seront assez importantes
et rapides pour modifier le cours de phénomènes qui ont une inertie certaine.
Figure 1.6: Système en capacité d’apprentissage et réorganisation interne et de réorientation de ses buts
Un système capable d’apprendre, de se réorganiser et d’ajuster ses objectifs est dépeint dans la figure
1.6.
Elle fut le visage de la COP24. La jeune Greta Thunberg, qui mène une « grève scolaire » pour le climat tous
les vendredis, a réussi à porter son message de son école suédoise jusque dans les assemblées de la 24 e
conférence mondiale sur le climat, qui s’est tenu à Katowice, la capitale polonaise du charbon.
Vendredi 14 décembre, lors du dernier jour officiel de cette grand-messe, une trentaine d’élèves de la ville
minière l’ont rejointe pour réclamer aux dirigeants des actions contre le changement climatique.
« Nous sommes à court d’excuses et de temps. Nous sommes venus ici pour vous informer que le changement
s’annonce, que cela vous plaise ou non », a prévenu la jeune fille. Avant de conclure : « Le vrai pouvoir
appartient au peuple. »
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https://youtu.be/XDb5QxA3MAg
https://youtu.be/Bypt4H8K5dI
Pour appréhender un système, il faut identifier sa finalité et ses objectifs ou projets (système actif) et
identifier les changements qu’il opère en réaction à son environnement, en rétroaction par rapport à
son niveau d’atteinte de ses objectifs. Ces changements peuvent même l’amener à une nouvelle
organisation interne par apprentissage et à un changement de finalité et de projets.
La grande force de l’analyse systémique est d’amener l’analyste à transformer un ensemble d’éléments
trop complexe pour être appréhendé en un ensemble d’interactions majeures qui peuvent servir à
construire un modèle. Ce modèle peut être utilisé pour faire des simulations dont les résultats sont
comparés à la réalité, ce qui permet de l’améliorer pas à pas. Il faut retenir que la délimitation du
système et la sélection des interactions à introduire dans le modèle sont fonction de la question
d’intérêt et de l’usage qui sera fait du modèle. C’est pourquoi un économiste, un pédologue et un
zootechnicien identifieront des interactions différentes quand ils restent dans leurs questions
disciplinaires, et sont ensuite amenés à mettre ces interactions en relation les unes avec les autres
pour des modèles transdisciplinaires. Par exemple pour traiter de questions de durabilité d’un
système.
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Traduction A. Floquet
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Là aussi un système s’analyse grâce aux interactions entre l’environnement et le système, aux
interactions au sein du système et à l’objectif poursuivi par le système. Les flux peuvent être en nature,
en argent ou informations et selon la perspective, l’évaluation se fera en termes économiques (en
fonction de la valeur des biens et services échangés) ou en termes écologiques (flux de matière,
d’énergie). Le même système agricole peut être ainsi analysé du point de vue de sa capacité à bien
gérer les ressources naturelles et réduire les pollutions et émissions dans l’environnement d’une part
et du point de vue de sa capacité à nourrir la famille de l’exploitant, à rémunérer les travailleurs et à
accumuler un patrimoine d’autre part.
La figure ci-après représente les flux dans une exploitation agro-aquacole du Bengladesh. Ce
recensement des interactions et flux internes et externes établi par les producteurs agricoles eux-
mêmes sert ensuite de base à diverses analyses et à des modélisations.
Figure 2.1: Flux de matières, travail et argent au sein d’une exploitation diversifiée et avec son environnement
Source : (Lightfoot et al., 1991)
Dans un premier temps, il est nécessaire de bien circonscrire le système d’intérêt (toute l’exploitation
familiale et son ménage ou l’unité productive gérée par une personne dans l’exploitation, ou en son
sein, seulement les activités agricoles ou les activités d’élevage. En d’autres termes, il faut définir les
limites du système à étudier.
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La différence entre l’entreprise agricole et l’exploitation familiale est que l’exploitation familiale se
superpose largement avec le ménage dont elle assure la survie et la pérennité. Dans une exploitation
familiale les décisions de production de l’exploitation et les décisions de consommation du ménage
sont imbriquées et difficiles à dissocier. Une entreprise agricole a comme objectif de dégager un profit
et la sphère de la consommation est séparée. L’entrepreneur agricole se paye un salaire et ce qu’il en
fait n’influence pas ses décisions de production. Les autres membres du ménage peuvent même ne
pas travailler dans l’entreprise. Notons qu’il existe des formes hybrides dans la réalité.
On différencie alors un premier niveau de système qui est celui des personnes gérant des activités
individuelles, sachant que ces systèmes sont emboités dans l’exploitation familiale qui constitue un
deuxième niveau de système.
en espèces
Figure 2.2: Trois unités de production dans une exploitation familiale administrée par un chef de ménage-
exploitation
Source : Floquet, 2015
Remarquons que toutes les exploitations ou entreprises familiales ne sont pas organisées de la même
façon. Dans certaines, l’unité de production gérée par le chef de ménage est très largement
dominante. Ce chef de ménage-exploitation fait travailler tous les dépendants sur cette unité et décide
de l’utilisation des produits, dans d’autres femmes et enfants ont passablement d’autonomie et
n’interviennent que ponctuellement pour aider le chef de ménage dans ses activités ; toutes les
situations intermédiaires se rencontrent telles que travail le matin chez le chef de ménage et dans le
champ du soir pour son compte propre, etc.
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Une exploitation agricole familiale, ou une unité de production en son sein, peut ensuite être analysée
(1) comme un système de décisions de gestion ; (2) comme un système d’accumulation de divers types
de capitaux qui permettent de produire et répondre à diverses situations de crise ; (3) comme un
agencement de sous-systèmes sociotechniques en interaction.
Marchés Auto-
Investissements Epargne Ventes
consommation Extrants
Autres institutions
Décisions de
production
Un agriculteur prend chaque jour des décisions complexes pour atteindre des objectifs (explicités ou
non). Ces décisions internes à l’exploitation peuvent être modélisées.
La limite du système dans la figure 2.2 est en vert et ce système est sous l’influence d’un
environnement agroécologique et socioéconomique (en rouge). A l’intérieur du système, les objectifs
poursuivis par l’exploitant (boites bleues) sont classés en quatre catégories : autoconsommation,
ventes, épargne et investissements2. Le producteur et son ménage font des compromis et peuvent par
exemple accepter « se serrer la ceinture » pour investir dans l’exploitation à son démarrage, ou encore
préférer plus de sécurité alimentaire plutôt que plus de revenu monétaire tiré des ventes (« safety
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Notons que d’autres objectifs pourraient être pris en compte tels que réduction du temps et de la pénibilité du
travail, statut et considération sociale, etc.
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first »). Les économistes appellent utilité la valeur qu’un individu accorde à l’atteinte d’un objectif
particulier. Chaque producteur optimise à sa façon ses utilités en fonction de ses préférences relatives
pour chaque objectif (autoconsommation, revenu monétaire, épargne, investissement, etc.). La
préservation des ressources naturelles, de valeurs culturelles et religieuses, le statut social dans la
communauté, etc. peuvent aussi faire partie des préférences et se voir accorder un poids plus ou moins
important dans la prise de décision.
Décisions de production
Pour atteindre le niveau optimal d’utilités qu’il s’est choisi, le producteur a fait des choix d’activités en
tenant compte des ressources internes dont il dispose et des ressources externes et marchés auxquels
il a accès. Les conditions de cet environnement déterminent quelles sont les activités potentiellement
faisables selon les conditions agro-climatiques, la demande des marchés accessibles, les institutions
en place. Les décisions de production sont (1) des choix d’allocation des ressources aux diverses
activités (plus ou moins de superficies ou de travail pour les activités a, b, c), sachant que les ressources
internes sont limitées ; et (2) des choix technologiques (quelle technologie et quel itinéraire technique
avec cette technologie pour chaque activité). Ces choix dépendent des connaissances et aptitudes mais
aussi des préférences et normes de bonne pratique du producteur. Ainsi un producteur adhérant à un
modèle productiviste et moderniste fera des choix différents d’un producteur soucieux de
l’exploitation durable des ressources naturelles et de l’environnement.
Les activités sont souvent choisies à la fois pour leur contribution aux objectifs et leur
complémentarité : elles peuvent avoir des calendriers des travaux qui se complètent, les apports de
trésorerie de l’une peuvent financer l’autre, les cultures entrent dans rotations permettant de bien
gérer la fertilité des sols.
Décisions de consommation
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Figure 2.3 : Les décisions d’un exploitant et donc les objectifs de son système sont le fruit d’un compromis
Souvenons-nous que les objectifs poursuivis par un producteur sont le fruit d’un compromis :
A fortiori, les objectifs au sein d’une exploitation familiale sont aussi le fruit d’un compromis :
- les membres actifs du ménage peuvent avoir des intérêts et vues divergents sur la conduite de
leurs activités autonomes ou au contraire sur leur travail au profit des activités sous la
responsabilité du chef de ménage ; et
- les parents ont aussi comme objectifs d’installer les enfants en les dotant d’aptitudes et pour
ceux qui vont rester en agriculture, de leur transmettre le patrimoine de l’exploitation (ou de
les aider à en installer une nouvelle).
L’autre stratégie est la mobilité. Les actifs agricoles, les animaux et parfois les villages se déplacent de façon
saisonnière, pluriannuelle ou définitive pour s’ajuster aux changements de disponibilités de ressources
pluviométriques et fourragères et pour chercher des emplois rémunérés.
Le front de la zone adaptée aux cultures s’est déplacé de 300 km vers le sud avec le changement climatique. La
migration est aussi une stratégie qui va se heurter progressivement à des limites car les migrants cherchent à
s’installer dans des zones de plus en plus peuplées. Les éleveurs en transhumance sont les premiers à
expérimenter ces difficultés.
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Figure 2.4: Cadre d’analyse des moyens d’existence durable (« sustainable livelihoods system »)
Typiquement, l’analyse identifie les différents types de capitaux que le système de production mobilise
pour son existence :
- Capital humain : fonction des aptitudes, du savoir-faire mais aussi de l’état de santé et de la
productivité des travailleurs de l’exploitation
- Capital naturel : dépend des terres et de leur niveau de fertilité ainsi que de la capacité à
maintenir ce niveau avec les pratiques agricoles en usage ; de la végétation naturelle et de la
biodiversité ; des plantations et des troupeaux ;
- Capital financier : avoirs monétaires (caisse, en banque, dettes et crédits)
- Capital physique : équipements, bâtiments, infrastructures utilisables
- Capital social : relations sociales auxquelles l’exploitant ou un autre membre du ménage peut
recourir pour accéder à des aides en cas de difficultés, mais aussi des informations,
innovations, opportunités de marché
Le système est observé dans son évolution temporelle. Il peut être soumis à des chocs (variations
brutales) ou des stress (variations moins importantes mais continues), à de fortes variations
récurrentes comme des pénuries saisonnières, etc. Il développe alors des stratégies de réponse aux
crises qui peuvent affecter ces capitaux (souvent négativement). L’effet de la crise peut être
temporaire, auquel cas le système revient à son état antérieur ou se réorganise différemment mais de
façon satisfaisante, ou définitif, auquel cas l’érosion des capitaux provoque une perte de capacités de
production ; celle-ci peut parfois entrainer le système dans une spirale d’érosion des capitaux jusqu’à
son effondrement, faire tomber l’exploitation dans une « trappe de pauvreté » dont elle ne parvient
plus à sortir.
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Exemple n° 7 : Descente dans une spirale d’appauvrissement jusqu’à une trappe de pauvreté
Un producteur de coton a fait une bonne récolte et décide d’agrandir sa famille. La nouvelle épouse
atteint rapidement un heureux évènement mais la grossesse est mal suivie. L’accouchement puis
l’hospitalisation qui suit occasionnent de grandes dépenses, et le producteur vend d’abord tous ses
animaux d’élevage mâles, puis après le décès, les femelles. L’année qui suit, il cultive peu et, suite à
des malversations internes dans sa coopérative, son coton est mal pesé et il s’endette. Il vend sa paire
de bœufs et ne peut plus cultiver de grandes superficies, ni acheter des intrants avec les maigres
récoltes. Les besoins alimentaires ne sont plus couverts et il ne peut payer la scolarité des enfants, qui
finissent par quitter les bancs. L’aînée est envoyée comme vidomegon en ville et les autres font des
jobs à la journée avec leur père pour manger. Le revenu ainsi obtenu sert à peine à leur survie et les
champs de l’exploitation sont cultivés avec retard, obtiennent de maigres récoltes. La famille malnutrie
tombe souvent malade et est mal soignée. Cela réduit encore leur capacité de travail et les pousse au
désespoir et à l’inaction.
Figure 2.5: Comparaison de deux stratégies relatives aux moyens d’existence de deux groupes d’exploitation
familiale
Le cadre analytique utilisant les modèles de système dit systèmes d’existence3 permet d’analyser quels
sont les groupes (pour notre cas groupes d’exploitations agricoles) qui dans un contexte donné
parviennent à développer des stratégies d’existence assurant une accumulation de capitaux et une
plus grande prospérité et quels groupes au contraire déstockent. Les politiques et institutions qui sont
à l’origine de telles évolutions sont également identifiées.
Les modèles de systèmes de moyens d’existence ont surtout été utilisés pour analyser des politiques
qui influencent l’évolution de plusieurs types de personnes ayant des dotations différentes en
capitaux.
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Le modèle s’applique aussi en dehors de l’agriculture, raison pour laquelle des auteurs qui l’ont popularisé ont
préféré le concept de système de moyens d’existence (livelihoods system) (Carney, 1999)
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SYSTEME de CULTURE
jachère adventices
sol ravageurs et
maladies
itinéraires techniques
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Ici la figure 2.7 présente un exemple d’assolement (dans l’espace) en 10 parcelles, 4 sont occupées par
de la jachère et 6 par des cultures. Dans le temps, la jachère est défrichée pour installer de l’igname
(année 1) suivie de maïs et de soja (années 2 & 3), de coton (année 4) dont l’effet précèdent permet
d’installer à nouveau du maïs et du soja (années 5 et 6) après quoi le sol doit être mis au repos, d’où
un retour en jachère de 4 ans.
Les objectifs d’un système de culture peuvent être de maximiser le revenu des produits qui en sont
tirés, de maintenir un niveau de productivité à long terme, de réduire les risques de très mauvaises
récoltes, d’obtenir assez avec le moins d’efforts possibles, d’investir pour une production future, etc.
A l’heure actuelle, réduire les effets environnementaux négatifs de l’agriculture devient un objectif
fréquemment poursuivi, surtout dans des systèmes de culture intensifs à forte utilisation d’intrants.
Notons qu’une même exploitation peut avoir plusieurs systèmes de culture, par exemple un en bas-
fonds, un transformant les champs en plantations pérennes et un en cultures saisonnières. Chacun de
ces systèmes a sa propre rotation et des techniques propres, et parfois vise un objectif particulier.
Les premiers à s’intéresser à l’agriculture comme système étaient préoccupés par la gestion de la
fertilité des sols. Le système de culture se prête bien à l’analyse et à la compréhension de cet aspect.
Typologies
Il y a de nombreuses façons de classer les différents systèmes de culture développés par les
producteurs dans le monde. Un critère de classification souvent utilisé est l’intensité d’utilisation du
sol. En effet les terres peuvent être utilisées en les laissant au repos durant de longue période pour les
cultiver durant quelques saisons (système à utilisation extensive des terres) ou à l’opposé utilisées en
permanence et même pour plusieurs récoltes par an si l’eau est disponible (système irrigué). Huit types
principaux de systèmes de culture sont différenciés par (Ruthenberg, 1972):
- Système de culture itinérante : les producteurs défrichent des forêts ou jachères longues et ne
les cultivent que quelques saisons. Ce type de système de culture suppose aussi de déplacer
les zones d’habitation assez fréquemment pour aller dans de nouvelles zones à défricher et ne
revenir dans une zone antérieurement cultivée qu’après plusieurs décennies quand la
végétation a repris son aspect initial.
- Système à jachère : le principe est le même mais le temps de repos de la végétation est plus
court, et les habitants ont en
- Système intégrant des pâturages dans l’assolement en alternance avec des cultures : Il s’agit
de système de polyculture-élevage où des parcelles fourragères temporaires (graminées ou
légumineuses) alternent avec d’autres cultures et permettent de maintenir le sol en bon état.
- Système à cultures sèches permanentes : des cultures saisonnières ou annuelles prédominent
et sont cultivées en rotation, sans jachère
- Culture irriguée : l’apport d’eau permet d’augmenter le nombre de cultures chaque année. Le
système de riziculture est un cas particulier dans ces systèmes puisque le riz irrigué ou inondé
peut revenir sur lui-même.
- Cultures pérennes : toutes sortes de cultures pérennes et de systèmes agroforestiers.
- Jardins de case : ces parcelles proches des habitations sont souvent fertiles (apport d’ordures
ménagères) et utilisées de façon intensive et diversifiée.
Cette typologie ne couvre sans doute pas toute la diversité des systèmes de culture rencontrés.
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Pour être plus précis, certaines typologies ajoutent aussi la ou les cultures principales qui caractérisent
le système de culture et son orientation technicoéconomique. Par exemple, système de culture à base
de coton ou système de culture à base d’igname.
Là aussi les objectifs poursuivis peuvent être divers : revenu monétaire, produit d’autoconsommation,
épargne sur pied, valorisation de sous-produits des autres sous-systèmes de l’exploitation, gestion de
la fertilité des terres, etc. L’objectif final est le fruit d’un compromis entre ces objectifs singuliers.
Typologies
Il y a aussi de nombreuses façons de classer les systèmes d’élevage. (Ruthenberg, 1972) les classent en
fonction de l’espace qu’ils valorisent :
Systèmes nomades : mouvements permanents des troupeaux et des familles. Les zones explorées sont
souvent des communaux, gérés collectivement par des familles.
Systèmes pastoraux transhumants : migration saisonnière des troupeaux avec un lieu de résidence où
retournent les animaux et les éleveurs après la transhumance et où ils pratiquent l’agriculture.
Systèmes agropastoraux : les animaux pâturent surtout à proximité des lieux de résidence où les
éleveurs cultivent ; la culture tend a devenir plus importante que l’élevage
Ranching : Les animaux sont élevés dans des pâturages contrôlés à base de végétation spontanée (en
général des pâturages naturels à dominance de graminées comme des herbages, des estives en zone
de montagne, etc.). Le pâturage peut être tournant.
Elevage sédentaire sur pâturage artificiel articulé ou non à des activités agricoles
Il faut ajouter les élevages intensifs hors sol, en particulier élevages avicole et porcin, où les animaux
sont nourris par apport de rations alimentaires
Interactions
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le ou les systèmes post-récolte dans lequel entrent des produits agricoles et d’élevage et dont sortent
des produits transformés ou tout au moins stockés et conditionnés.
Le système post-récolte est donc défini comme un choix d’activités de stockage, transformation et/ou
conditionnement et un choix de procédés pour atteindre des objectifs au sein d’une exploitation. Ces
objectifs peuvent être d’ajouter de la valeur à un produit primaire, de le conserver surtout s’il est
périssable, de le stocker pour utilisation ultérieure, d’en améliorer la qualité, d’en attester la qualité
pour obtenir un label, une certification ou une Indication Géographique.
SYSTEME de PRODUCTION
SYSTEME de SYSTEME de
CULTURE 1 TRANSFORMATION
ACTIVITES non agricoles
et hors ferme
SYSTEME de SYSTEME
CULTURE 2 d'ELEVAGE
Certains phénomènes qui demeuraient peu visibles ou même invisibles à l’échelle d’un système
individuel vont alors apparaitre. Une parcelle cultivée avec des billons dans le sens de la pente et
laissant le sol nu en début de saison des pluies du fait des caractéristiques de son système de culture
peut ne pas provoquer de ruissellement et d’érosion mais cent parcelles contiguës cultivées ainsi vont
faire émerger cette érosion.
De même un système de production individuel n’aura pas d’effet sur le marché ou la sécurité
alimentaire mais un grand nombre de producteurs ayant des systèmes de production similaires
peuvent provoquer un afflux saisonnier sur le marché et une baisse de prix. En période de déficit vivrier
durant une mauvaise année, des producteurs ayant les mêmes stratégies de sécurisation de leur
approvisionnement en vivrier par déstockage d’animaux vont tous mettre leurs animaux sur le marché
en même temps provoquant un effondrement des cours de ces animaux (ceci a été observé durant la
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crise alimentaire de 2005 au Niger par exemple), provoquant une aggravation de leur situation
puisqu’ils ne peuvent alors acheter de vivres et ont perdu leurs animaux.
Parfois donc des effets en chaînes sont observés. Quand des effets sont observés dans d’autres
systèmes de culture ou de production que ceux qui les ont provoqués, on parle d’externalité. C’est par
exemple le cas, si le ruissellement et l’érosion de notre système de culture (vu à l’échelle de la zone)
provoque l’ensablement des cours et plans d’eau en bas de pente et réduit la pêche.
Un nombre limité de systèmes de production résulte de ces deux types de déterminants, selon
mécanismes de différenciation entre ces systèmes et des trajectoires d’évolution respectives.
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Production Transformation
agroalimentaire
Commerce MARCHE
agricole
Agrobusiness MARCHE
Exportateurs
exterieur
Figure 2.8 : Insertion de la production agricole dans une chaine de valeur et ses segments
Dans la figure 2.8 (qui représente un exemple inventé), au niveau de la production coexistent des
petites exploitations familiales qui vendent leurs produits à des petites artisanes agroalimentaires qui
les transforment et ces produits entrent sur le marché domestique essentiellement ou sont achetés
par les exportateurs. En parallèle, un secteur de l’agribusiness a installé des unités industrielles de
transformation au milieu de plantations que l’industriel gère pour l’approvisionnement de son unité
et il vend le produit transformé aux exportateurs. Parfois il achète des quantités de produit agricole
aux petites exploitations pour compléter. Les exportateurs s’approvisionnent essentiellement au
niveau des industries de l’agrobusiness mais complètent parfois en achetant aux commerçants locaux.
Notons qu’il est souvent fait aussi référence à la filière. La filière suit le produit primaire de la fourche
à la fourchette et la chaine de valeur part du produit fini et remonte de la fourchette à la fourche.
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3. Systèmes d’exploitation
Quand dans une région, plusieurs exploitations présentent des caractéristiques similaires, des modes
d’exploitation des ressources comparables, elles peuvent être regroupées et constituent un type ou
ensemble, un « farming system ».
Parmi les facteurs importants modelant les systèmes d’exploitation, notons le climat et la végétation
qui lui est associée, la densité de population et le niveau d’évolution des techniques, l’ouverture de
marchés liés à la spécialisation économique, et de nos jours, les nouvelles contraintes écologiques.
systèmes
climat traditionnel
humide
agriculture
semi-humide agriculture
itinérante sur brûlis
élevage
semi-aride
élevage transhumant
aride
élevage nomade
Figure 3.1 : Influence du climat sur les relations entre agriculture et élevage
Inversement les zones humides sont assez défavorables à l’élevage. L’élevage bovin en particulier est
limité par la trypanosomiase que seules quelques races parviennent à tolérer.
Tableau 3.1 : Quelques définitions concernant les systèmes d’élevage
• Nomadisme: systèmes où les propriétaires d’animaux n’ont pas de lieu permanent de résidence et
donc ne cultivent pas.
• Semi-nomadisme: les propriétaires ont un lieu de résidence où ils cultivent en complément mais sont
la plupart du temps en déplacement avec leurs troupeaux pour atteindre des aires de pâturage
éloignées
• Transhumance: les exploitants agricoles ont un lieu de résidence et de culture mais envoient tout ou
partie du troupeau avec des bouviers vers des aires distantes de pâturage
• Elevage sédentaire: les exploitants et leurs troupeaux restent sur l’exploitation et sur les zones de
pâturage limitrophes
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Actuellement les systèmes d’exploitation observés sont le produit de ces évolutions. Les pratiques
agricoles ont évolué pour une valorisation des ressources locales par le développement de savoir et
savoir-faire endogènes, demandant peu d’apports externes au milieu.
systèmes intensification
climat traditionnels endogène
humide agroforêts-jardins
agriculture
recyclage des
polyculture-élevage nutriments (GIFS)+
élevage
Ainsi en milieu humide, les systèmes d’agriculture itinérante souvent sur brûlis ont mué en agroforêts
et jardins, en milieu semi-humide, les cultures annuelles ont été installées en alternance à la jachère
arbustive (recru forestier spontané), en milieu plus sec, des systèmes de polyculture élevage sont
apparus avec une valorisation de la fumure organique. Des milieux plus difficiles à exploités mais plus
fertiles comme les bas-fonds et vallées ont été progressivement mis en valeur et de nouvelles cultures
ont été introduites.
• Cueillette: avant l’agriculture, les hommes ont vécu uniquement de cueillette, chasse et pêche; la
cueillette reste une activité lorsque des ressources naturelles subsistent (par exemple karité dans les
jachères)
• Agriculture: on classe les systèmes en fonction du type de rotation/assolement
• Système à base de jachère naturelle qui permet de régénérer naturellement la fertilité des terres
• Système intégrant les pâturages dans la rotation/assolement
• Système agroforestier ou à cultures pérennes
• Système d’agriculture permanente (plus de repos pour reprise d’une végétation spontanée)
23
UNA cours système de production Floquet 2019
L’Afrique au Sud du Sahara n’a pas profité aussi vite que l’Inde et l’Asie du Sud Est des avancées des
sciences et technologies où la Révolution Verte a provoqué de grands changements de 1965 à 1985:
les infrastructures manquaient, les marchés étaient encore étroits et la pression de la population
agricole trop faible.
Ces mutations s’observent aujourd’hui sur le continent africain, avec 50 ans de décalage. Néanmoins,
certaines activités d’exportation ont bénéficié plus vite des progrès technologies (coton, cacao, café
etc.) qui ont eu des retombées sur les autres cultures vivrières. Puis le maïs et le manioc ainsi que
récemment le soja, qui sont des cultures majeures sur d’autres continents (USA, Brésil) ont eux aussi
bénéficié des efforts de la recherche internationale.
spécialisation
économique et Révolution Verte
climat
ouverture de marchés
aride
marginalisation de l'élevage
itinérant
Figure 3.3 : Evolution des systèmes d’exploitation sous l’influence de techniques modernes et de l’ouverture des
marchés régionaux
Source : Auteur
Actuellement, les experts distinguent 5 grands types dominants de systèmes d’exploitation qui
s’organisent en fonction des zones agroécologiques et sont caractérisés par leurs activités majeures
24
UNA cours système de production Floquet 2019
Tableau 3.1 : Tableau des systèmes d’exploitation selon les zones agroécologiques
Ces systèmes s’organisent en bandes plus ou moins parallèle à l’océan en Afrique de l’Ouest. Les zones
agroécologiques s’organisent en effet essentiellement en fonction de la durée de la période de
végétation. Le Bénin et le Togo ainsi que l’Est de Ghana souffre du phénomène de la fenêtre
dahoméenne : les pluies sont beaucoup moins abondantes dans cette partie de la bande côtière que
plus à l’Est au Nigeria et plus à l’Ouest en Côte d’Ivoire, au Libéria etc. La pluviométrie varie de 3000
mm dans le sud des pays côtiers (Sud du Nigeria) à moins de 150 mm en zone saharienne.
• la bande côtière à forêt humide est celle des systèmes à cultures pérennes, café, cacao, hévéa,
palmier à huile, plantains (et en Afrique centrale d’un système d’exploitation forestière) ;
• la zone dite de transition (qui comprend la fenêtre dahoméenne) est une zone subhumide à
prédominance de tubercules (manioc, igname, etc.)
• la zone dite semi-humide (ou soudano-guinéenne) abrite une agriculture diversifiée à base de
cultures annuelles comme le maïs, le manioc, le coton, et diverses cultures pérennes parmi
lesquelles l’anacarde et le manguier. Cette zone dite à « céréales & tubercules » couvre
presque toute la moitié Nord du Benin et le « middle belt » du Nigeria ;
• une zone soudanienne est parfois dite « semi-aride humide ». Les systèmes de production y
intègrent de plus en plus l’élevage et l’agriculture ; les systèmes de culture sont à dominance
de céréales sèches (mil et sorgho) et légumineuses, auxquelles s’adjoint ou non le coton, selon
les zones ;
• une zone sahélienne est semi-aride sèche, les systèmes pastoraux y sont dominants avec la
mobilité comme stratégie d’adaptation ;
• des systèmes irrigués se développent le long de vallées et lac.
4
Notons que les diverses nomenclatures utilisées par les anglophones et les francophones ne se recoupent que
partiellement. Néanmoins nous les avons croisées dans le tableau
25
UNA cours système de production Floquet 2019
Les agroécosystèmes ont toujours subi des chocs et certains s’en sont remis après un temps
d’accumulation progressive de ressources (végétation, horizon supérieur du sol, etc.) mais d’autres,
pas. La résilience d’un système est difficile à prévoir surtout si, comme actuellement, les chocs sont
accompagnés de stress (changement climatique progressif en particulier, mais aussi accumulation de
pesticides, recharge insuffisante des nappes phréatiques).
26
UNA cours système de production Floquet 2019
productivité
du système
temps temps
Figure 3.5 : Système résilient retournant à son état initial avec un choc et système non résilient après un choc
doublé d’un stress
Source : Auteur inspiré par (Conway, 1987)
« Dust bowl »
-
C’est une grande sécheresse de 1935 à 1939 au Texas (USA) ayant accentué l’érosion des sols et des
tempêtes de poussière et provoqué la migration de milliers de familles paysannes ruinées (pour les
curieux : lisez « Les raisins de la colère » de Steinbeck ou regardez le film qui en est tiré). Les services
de vulgarisation ont encouragé dans les années 40 la plantation de bandeaux d’arbres brise-vents et
autres haies (Shelter belt project).
Actuellement au Sahel, une grande sécheresse dans les années 70 a provoqué la destruction du couvert
végétal ; aujourd’hui, bien que les habitants aient à nouveau protégé et planté des arbustes et des
arbres, sols et végétation sont à nouveau menacés : les tempêtes sont beaucoup plus fréquentes qui
provoquent l’érosion éolienne et laissent les sols nus, décapés par les pluies.
27
UNA cours système de production Floquet 2019
Les crises liées à une artificialisation excessive des systèmes d’exploitation se manifestent dans
d’autres domaines, tels que par exemple :
Mais aussi une artificialisation qui provoque des externalités environnementales du fait d’une forte
dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et d’une gestion peu conservatoire de l’eau dans certains
systèmes d’irrigation à grande échelle.
A l’échelle de la planète l’agriculture est la source principale de GES, directement via les sortie de N20
et CH4, parfois un bilan déficitaire de C02, et indirectement via l’utilisation des engrais minéraux et de
fuels pour les transports qui consomment des énergies fossiles. Directement, c’est l’utilisation
d’engrais azotés qui semble provoquer le plus d’émissions de GES.
D’où un appel à une transition agroécologique. Pour les systèmes d’exploitation agricole en Afrique de
l’Ouest, il s’agit d’éviter des trajectoires d’artificialisation excessive qui montrent leurs limites dans les
pays développés et émergents et de passer directement à des systèmes d’exploitation basés sur une
mobilisation des connaissances de bonnes pratiques agroécologiques issues des savoir faire combinées
à des nouvelles connaissances issues de la science.
28
UNA cours système de production Floquet 2019
Transition
Révolution Verte
agroécologique
Figure 3.6 : Divers principes agronomiques susceptibles d’entrer dans une transition agroécologique en Afrique de
l’Ouest
C’est ce qui nous amène à étudier quelques systèmes d’exploitation issus de l’intensification endogène
pour en comprendre les principes de fonctionnement écologiques et socioéconomiques.
29
UNA cours système de production Floquet 2019
Les cendres permettent de fertiliser rapidement les cultures installées. Le sol étant également fertile
(stock de matière organique grâce à la litière de la végétation naturelle) et propre (pas d’adventices,
pas ou peu de ravageurs et maladies), la récolte est abondante pour peu d’entretien des cultures.
Le système est durable à faible densité de population. Les parcelles ne sont pas cultivées longtemps,
sauf celles des jardins de case, et elles retournent ensuite en jachère. Après quelques années ou
dizaines d’années, la végétation a repris son aspect initial au point où une forêt secondaire ne se
distingue pas d’une forêt primaire. Quand les terres à défricher deviennent trop éloignées du village,
la population de celui-ci se déplace entièrement ou partiellement.
L’absence de travail du sol profond et de dessouchage permet à la végétation naturelle arborée de vite
reconquérir la parcelle laissée en jachère. Parfois même, certaines espèces arborées ou arbustives
spontanées sont préservées durant la période de végétation et rejettent de souche. Ces repousses
sont rabattues quand elles gênent les cultures et les émondes (branches rabattues) paillent puis
fertilisent le sol. Il s’agit donc alors d’un système agroforestier. Les pygmées en Afrique Centrale ont
ainsi mis leurs connaissances ancestrales de la forêt au service du développement de systèmes
agroforestiers. Ils ouvrent plusieurs petits champs et gèrent les souches de façon à assurer leur rejet.
Dans les zones forestières les immigrants provenant des zones de savane importent en zones
forestières des pratiques culturales propres aux savanes graminéennes : ils ouvrent de grands champs,
dessouchent, billonnent et brûlent le plus possible de la végétation qui gêne le billonnage et ce faisant,
ils réduisent la capacité de la jachère à vite retourner à son état originel.
5
Quand la végétation est arborée on parle de brûlis mais si elle est à base de graminées, il s’agit parfois
d’écobuage : L’écobuage est une pratique agricole qui consiste, dans un premier temps à arracher les mottes
herbeuses délaissées par les animaux qui pâturent (refus), puis dans un deuxième temps à les brûler. en effet,
les refus graminéens ont largement eu le temps de développer des bulbilles de propagation qui, s’ils n’étaient
pas détruits, assureraient rapidement un envahissement des prairies sur lesquelles ils pourraient se disséminer.
Il n’y a pas qu’avec le feu qu’on peut se débarrasser de ces refus, le compostage pourrait être une solution
alternative, mais le feu reste la solution la plus rapide, la plus simple à mettre en œuvre et sans doute aussi, la
plus efficace. Par extension et dans le langage actuel, l’écobuage est devenu synonyme de « feu pastoral ».
30
UNA cours système de production Floquet 2019
Figure 4.1 : La régénération naturelle assistée permet de maintenir un système agroforestier durant la période de
culture et à la forêt de vite reconquérir l’espace en période de jachère
La figure 4.1 compare 2 parcelles défrichées par brûlis. Celle de gauche a fait l’objet d’un brûlis intégral
et l’autre d’une protection de quelques plants forestiers. Cette technique est maintenant préconisée
sous le nom de régénération forestière assistée (RNA).
• Systèmes à cultures pérennes (cacao, palmiers, hévéa, café) avec parfois des cafés et cacaos
sous ombrage mais sinon aussi des monocultures
• L’agriculture itinérante sur brûlis se maintient sur « fronts pionniers », c’est-à-dire à la lisière
entre forêts non encore mise en valeur et zones agricoles, là où des producteurs s’installent
pour ouvrir de nouvelles exploitations ou agrandir des exploitations installées depuis peu.
31
UNA cours système de production Floquet 2019
4.2.1 Agroforêts
Dans les zones humides, les producteurs transforment progressivement des forêts naturelles en
agroforêts. La structure de la végétation cultivée est similaire à celle de la végétation naturelle mais
les espèces sont pour la plupart des plantes utiles. La figure 3.2 en donne un exemple
32
UNA cours système de production Floquet 2019
Une agroforêt et un système durable du fait de la protection du sol contre le lessivage et l’érosion et
le recyclage permanent de biomasse qui s’y opère. La récolte par produit est modérée mais le nombre
de produits et l’étalement des récoltes dans l’année permette d’approvisionner la famille en de
nombreux produits utiles.
Source :
Dans la partie centrale des superficies cultivées, là où les champs sont cultivés plus longtemps, la
jachère se raccourcit. Ce faisant, elle ne joue plus aussi bien son rôle que par le passé en termes de
reconstitution du stock de matière organique dans le sol et sa composition change. Parfois même les
arbustes et les arbres laissent la place à des graminées agressives, comme par exemple Imperata
cylindrica, qui prend feu chaque année, ce qui réduit encore la capacité des arbres à reprendre. En
lisière de ces champs se trouvent les nouveaux champs que les producteurs défrichent pour une mise
en culture (front pionnier).
- En phase a, la durée de repose de la végétation excède même ce qui est nécessaire avant que
les producteurs ne reviennent défricher la parcelle
- En phase b, la durée du cycle de culture qui provoque un appauvrissement des terres et celle
de la jachère qui provoque un rétablissement du niveau de fertilité sont à l’équilibre. Si le
système peut être géré de cette façon, sa productivité reste à son maximum.
33
UNA cours système de production Floquet 2019
Figure 4.4: Evolution de la productivité du sol en fonction de l’évolution de la durée du cycle de culture et du cycle
de jachère
Source : Guillemin, 1956
34
UNA cours système de production Floquet 2019
Figure 4.5 : Diminution du potentiel de production des terres concomitant à une augmentation du ratio d’intensité
de l’utilisation des terres ; à droite une jachère envahie par l’Imperata cylindrica
Source :
CR Système de culture
<30% Itinérant
30-70% Semi permanent, à jachère
>70% Permanent
>100% Permanent avec plus d’une culture par an
Ainsi un système où le cultivateur utilise la même parcelle 3 ans avant de la laisser 17 ans au repos a
un CR de 15% et tombe dans la catégorie de l’agriculture itinérante. Son fils à la génération suivante
cultive 5 ans la même parcelle mais ne la laisse au repos que 5 ans et son système de culture tombe
dans la catégorie de l’agriculture semi-permanente. Le petit fils cultive sa parcelle 9 ans et la laisse au
repos 1 an, pratiquant ainsi une agriculture permanente.
Notons que l’indicateur CR ne s’applique plus quand les systèmes de culture sont permanents (plus de
jachère) et que les producteurs intensifient en cultivant 1 ou plus d’une fois dans l’année. Là la
superficie développée (total des superficies cultivées en saison 1, 2 ou en intersaisons) divisée par la
superficie cultivable est un meilleur indicateur.
35
UNA cours système de production Floquet 2019
Le passage d’un système à jachère durable à un système à jachère dégradée n’affecte pas que le stock
de matière organique et d’éléments nutritifs du sol. L’allongement du cycle de culture permet aux
adventices et aux maladies et ravageurs des cultures de s’installer. Les adventices profitent de
l’affaiblissement des repousses de la végétation spontanée et de la moindre vigueur de la végétation
cultivée pour s’étendre et se multiplier.
Des pathogènes aussi s’installent dans le sol, contaminent les végétaux, surtout s’il s’agit de culture à
reproduction végétative. C’est ainsi que les cultures d’igname sont contaminées par des virus, des
cochenilles et des nématodes, et que leurs semenceaux en l’absence d’un tri et d’un traitement
adéquat vont introduire ces pathogènes jusque dans les nouvelles défriches.
Un front pionnier est un territoire inoccupé auparavant mais désormais mis en valeur et exploité par
l'Homme. Les fronts pionniers sont souvent situés en forêt. Au Bénin, les dernières zones de forêts
constituent des fronts pionniers pour les agriculteurs de ces zones, souvent au centre du pays (Bassila,
Djougou, Tchaourou).
Quand bien même le système de culture des exploitants de ces zones est presque entièrement en
agriculture semi-permanente (grands champs) avec des champs de case en agriculture permanente,
les producteurs qui le peuvent continuent à étendre leur exploitation au dépend de forêts encore
inoccupées, pour installer des cultures très exigeantes, comme l’igname, et en même temps s’assurer
des droits de culture sur ces nouvelles terres.
36
UNA cours système de production Floquet 2019
Source : Auteur
Figure 4.7 : Mise en place d’une culture d’igname sur défriche forestière dans les Collines
Les arbres ont été tués en mettant du feu à leur pied mais ils sont encore debout et servent de tuteur
aux lianes d’igname.
37
UNA cours système de production Floquet 2019
Au Bénin, il est prévu que le nombre d’actifs agricoles va augmenter de 50 à 100% entre 2010 et 2050.
En effet, il n’y a pas beaucoup d’autres activités en dehors de l’agriculture pour absorber la croissance
démographique.
La conséquence est une diminution sensible des superficies agricoles disponibles. Chaque actif agricole
ne pourra compter que sur une superficie de 1 à 2,5 ha en moyenne. Cette moyenne cachant
d’importantes disparités, et cela signifie qu’il y aura beaucoup de producteurs sans terre.
Figure 4.9: Superficie cultivée par travailleur agricole à l’horizon 2050 (en Ha)
Source : Faivre-Dupaigre, 2017
Il faut donc nécessairement passer à des systèmes de production beaucoup plus intensifs tout en
restant durables, mais comment ?
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UNA cours système de production Floquet 2019
1. Une intensification de l’utilisation des terres avec une certaine spécialisation autour de
cultures de rente, l’utilisation d’intrants et la mécanisation intermédiaires ;
2. L’intensification par intégration de l’agriculture et de l’élevage ;
3. L’intensification par mise en valeur des bas-fonds et autres zones à fort potentiel ;
4. La transformation à la ferme ou dans ses environs des produits agricoles en produits
agroalimentaires destinés en particulier aux marchés urbains en expansion dans la sous-
région ;
5. L’expansion des activités non agricoles en complément des activités agricoles et d’élevage chez
les exploitations agricoles (pluriactivité, développement d’activités de service et de
commerce) ;
6. Le développement de l’agriculture urbaine et périurbaine avec ses ateliers d’élevage, ses
jardins maraichers et ses nombreuses unités de transformation.
Pour ce qui est des tendances 1 & 2, elles dépendent en partie des caractéristiques agroécologiques
de la zone et de ses dotations.
Actuellement une grande partie de la production mondiale provient d’Afrique de l’Ouest et on pourrait
penser que cette position a permis aux exportateurs de ces régions de négocier de bonnes conditions
de mises en marché mais tel n’est pas le cas.
Depuis les années 1960, le gouvernement ivoirien a promu la production de cacao en assurant la
commercialisation des fèves. Les producteurs autochtones ont alors développé le système du colonat.
Des ouvriers descendent de zones plus sèches et travaillent pour un patron puis développent leur
propre exploitation. Les Baoulés du centre et nord de la Côte d’Ivoire ont été nombreux à installer des
plantations dans cette nouvelle région ainsi que des migrants originaires du Burkina Faso. La course à
la terre pour planter des cacaoyers a même été à la base de conflits fonciers.
Actuellement le cacao occupe 2,5 à 3 millions d’hectare et concerne 700 à 800 000 producteurs. Les
forêts initiales ont disparu, y compris une partie des aires protégées. La culture de cacao étant une
culture pérenne qui couvre le sol en permanence, elle a été cultivée sans intrants dans la plupart des
situations. Actuellement les revenus du cacao ont fortement chuté, au point où certains producteurs
se désengagent au profit d’autres cultures (comme l’hévéa). Une enquête récente révèle une
productivité moyenne du travail de 568 FCFA/jour, des problèmes nutritionnels, et 25% des enfants
de 6-12 ans qui ne sont pas scolarisés et servent souvent de main d’œuvre à bon marché.
Ce faible revenu est imputable en partie à un rendement bas, et bien inférieur au potentiel agro-
climatique de la zone (respectivement 471 kg/ha fèves contre 1500 kg/ha). De plus les plantations sont
39
UNA cours système de production Floquet 2019
atteintes d’une maladie virale (swollen shoot) qui oblige à les détruire pour éviter la propagation du
virus.
Un retour en arrière montre que les plantations ont été installées sur des terres forestières, dotées
d’un capital de fertilité naturelle « gratuit » dont la diminution a été lente et donc non prise en compte
par les producteurs (80% ne fertilisent pas leurs cacaos). Lees producteurs installant des plantations
étaient jeunes et leurs plantations aussi. Les uns et les autres ont vieilli et les sols ont épuisé leurs
stocks de fertilité originelle.
Figure 5.1 : Evolution des conditions d’installation des plantations de cacao en Côte d’Ivoire
Source : Auteur
Les conditions d’installation de la nouvelle génération sur des terres plus rares et déjà épuisées sont
beaucoup moins intéressantes. Les planteurs déjà installés quant à eux réagissent à des baisses de
rendement et de prix en réduisant encore les soins aux cacaoyers (pourquoi investir du travail si cela
ne rapporte pas ou plus ?).
Le prix du cacao est très volatile et les producteurs ne l’influencent pas. Ils dépendent fortement du
cacao qui constitue 80% de leur revenu. En période de bas prix, leur seule réponse est de réduire les
charges, en particulier les charges de travail.
40
UNA cours système de production Floquet 2019
Avec les pressions des consommateurs les plus conscients, qui s’interrogent s’il faut manger
du chocolat, les entreprises de la chaine de valeur du chocolat et des confiseries se dotent de
normes et standards moins inéquitables
Figure 5.2: Evolutions des systèmes à base de cacao entre 1960 et nos jours
Source : Auteur
Le système de production il y a 50 ans s’est bâti sur un transfert de fertilité de la végétation
naturelle vers la plantation et a permis d’obtenir des plantations en pleine production ; les
années d’installation ont été rémunérées grâce aux cultures associées (igname, bananes
plantains, etc.). L’abondance de terres attirait de la main d’œuvre travaillant contre un accès à
la terre
Le système d’aujourd’hui nécessite souvent des apports de revenus en dehors des plantations
et de l’agriculture. La main d’œuvre doit être rémunérée car elle ne peut espérer s’installer
pour développer ses propres plantations.
Le cas du cacao est un cas d’école pour mettre en exergue l’intérêt d’une approche systémique
afin d’analyser la durabilité d’un type de système de production.
41
UNA cours système de production Floquet 2019
8000000 population.
superficie maïs
6000000
4000000 superficie manioc
2000000
0
1989
1961
1968
1975
1982
1996
2003
2010
1500 8000
rendement
1000 6000
mais
4000
500 rendement
2000
manioc
0 0
2003
1961
1967
1973
1979
1985
1991
1997
2009
2015
Figure 5.3 : Evolution comparée des productions de maïs et de manioc de 1960 à nos jours en Afrique de l’Ouest
Source : FAOSTAT 2018
42
UNA cours système de production Floquet 2019
Figure 5.4 : Système de production du plateau d’Allada ou de Sakété dans les années 1980
Source : Auteur
Avec moins de 25% de la population vivant en ville, la demande pour des produits alimentaires est
modérée et la plupart des exploitations opèrent en quasi autarcie. Elles vendent quelques produits du
palmier à huile (noix ou huiles, sodabi) et assurent leur autoconsommation en maïs tant bien que mal.
Les jachères arbustives de 5 à 10 ans sont encore disponibles. Cela permet de régénérer la fertilité des
terres « gratuitement », sans apports d’intrants externes (ceux-ci sont d’ailleurs difficiles à obtenir).
Les jachères permettent d’obtenir des produits forestiers non ligneux et du bois de chauffe pour la
consommation familiale ou la vente en cas d’urgence. L’élevage est conduit « en divagation » sans
investissement et à des fins d’épargne sur pied. Régulièrement le cheptel est décimé par une épizootie
et en l’absence de soins vétérinaires, il n’est pas pertinent de dépenser pour une activité aussi risquée.
La recherche agronomique commence tout juste à sélectionner des variétés de maïs blanc et les
premières tentatives ne sont pas convaincantes (faible capacité de stockage).
Le manioc est introduit car il est moins exigeant que le maïs en matière de fertilité des terres. Au fur
et à mesure où la disponibilité en jachères naturelles va se réduire entre 1980 et nos jours, il va occuper
une place croissance. Les producteurs du plateau d’Allada développent un système de culture où le
maïs est en culture pure en année 1, associé à des lignes de maïs espacées en année 2 et associée du
manioc dense en année 3. Le manioc occupe alors la parcelle en deuxième saison et fait office, selon
les producteurs, de « jachère ». Il est récolté au fur et à mesure des besoins et les femmes apprennent
à le transformer en gari avec les « moyens du bord ».
35 ans plus tard, le contexte a bien changé avec une population qui est passée de à plus de 10 millions
d’habitants dont près de la moitié habitent en ville. A l’échelle de la sous-région l’expansion des villes
est encore plus notable avec de grandes métropoles comme Lagos. Cette ouverture des marchés de
consommation urbains fait émerger une demande pour des produits alimentaires bon marché,
accessibles aux consommateurs de la « base de la pyramide » sociale et faciles à consommer, même
sans cuisson. La demande en gari explose et les producteurs suivent en développant la production et
la transformation.
43
UNA cours système de production Floquet 2019
Les systèmes de production ont aussi bien changé avec d’une part, on le voit, une augmentation des
ventes en réponse au marché et aussi une quasi disparition des jachères naturelles. La fertilité des
terres dépend des rotations et associations pratiquées, des restitutions des autres activités de
transformation et d’élevage (restitutions encore rarement systématiques). Les exploitations plus
petites et à besoins monétaires croissants (pour se soigner, scolariser les enfants, communiquer, se
déplacer, etc.) développent beaucoup plus d’activités génératrices de revenu « hors sol » comme les
transformations, la fourniture de services (prestations de meunerie, de râpeuse, etc.), le commerce, le
transport, l’élevage semi intensifs (ateliers volaille ou lapin par exemple), ou pour ceux qui n’ont pas
les moyens d’investir divers « jobs » rémunérés.
Les facteurs ayant incité à ces transformations sont donc la demande du marché (« pull ») et la
disparition des jachères (push). Il faut ajouter durant cette période :
Dans les pays où la recherche agronomique a été particulièrement active, comme au Ghana, les
rendements du manioc (qui atteignent 10-12 tonnes/hectare en moyenne dans la sous-région)
atteignent 12 à 18 tonnes et sont alors proches des grands compétiteurs sur les marchés globaux que
sont l’Indonésie et la Thaïlande.
Le manioc et plus particulièrement son amidon peut entrer dans de nombreuses transformations
industrielles variées (bières, excipients de médicaments, emballages, etc.). Néanmoins
l’approvisionnement d’industries en quantités suffisantes, au rythme et avec la qualité requis pose de
nouveaux défis. Ces industries cherchent alors à contractualiser les producteurs susceptibles de leur
fournir des tonnages significatifs (producteurs moyens ou grands) ou à acquérir de grandes superficies
44
UNA cours système de production Floquet 2019
pour produire elles-mêmes une partie de leur approvisionnement, avec des risques d’accaparement
de terres.
Avec ces développements, on assiste à une expansion des zones de production des racines et
tubercules, et en particulier du manioc vers le Nord. La zone initiale de production était la zone de
transition forêt-savane ou zone guinéenne, mais on le voit dans la figure 4.7, les possibilités
d’accroissement des superficies cultivées sont limitées. Les zones de production des tubercules
s’étendent une ceinture correspondant au centre du Bénin.
Au total les trajectoires d’intensification sont observables mais elles sont diverses selon
45
UNA cours système de production Floquet 2019
Figure 5.6 : Tomates et niébé associé aux orangers comme productions intensives des systèmes de production de
Klouékanmè et Ananas en quasi monoculture à Allada
Source : Photos de l’auteur
Ils peuvent aussi profiter de conditions agroécologiques favorables à une bonne gestion de l’eau et
ainsi développer de nouvelles cultures (riz), des cultures de contre saison ou primeur à haute valeur,
etc. Et parfois, ces deux types de conditions sont réunies pour une intensification encore plus poussée.
Figure 5.7 : Système de culture à aménagement dit sommaire destiné à la culture du riz au Bénin et au Togo
Source : AfricaRice
46
UNA cours système de production Floquet 2019
5.4.2 Mise en valeur avec intensité croissance d’espaces à fort potentiel : cas des hwedo dans
la basse vallée de l’Ouémé
La diversité des systèmes d’exploitation dans des conditions similaires témoigne de l’importance des
compétences et aptitudes humaines à transformer le milieu et l’ingéniosité des producteurs
confrontés à un environnement fluctuant.
La vallée de l’Ouémé est soumise à un régime annuel de crues et de décrues, dont l’intensité varie
fortement :
Autrefois, les habitants pratiquaient la « cueillette » (pêche au panier) dans les dépressions où l’eau
restait après la crue dans la vallée de l’Ouémé
Depuis plus d’un siècle, on a assisté au creusage de certains trous pour retenir plus d’eau et de poissons
et étaler la période de leur récolte
Les habitants ont ensuite creusé de grands canaux de drainage (ahlo et gbedo) perpendiculaires au
fleuve (depuis les années 50 ?) ce qui leur permettait de faire une culture précoce sur les levées.
Les systèmes de production ont accès aux terres exondées où le palmier pousse spontanément. La
palmeraie est éclaircie pour installer des cultures annuelles en particulier du mais, du manioc et du
niébé. La palmeraie alimente des activités de transformation des noix en huile avec des techniques
rudimentaires. Les activités de pêche sont surtout importantes dans le fleuve, où le poisson est
abondant, et dans les plaines inondées en période de crue. L’exploitation des trous à poisson et des
47
UNA cours système de production Floquet 2019
canaux de drainage vient compléter cette pêche. Au moment de la décrue, les poissons qui tentent de
retourner au fleuve font l’objet d’une pêche « miraculeuse ».
Au fil du temps, les trous à poisson ont été généralisés au point où les poissons ont l’embarras du
choix ! et ce sont surtout les activités de culture précoce sur les levées des trous à poissons et des
canaux qui sont devenues importantes. Il est possible d’y cultiver des cultures maraichères, du maïs
frais, des patates douces et de les acheminer via le fleuve vers les marchés urbains. Le système
aquacole est devenu horticole.
De plus en plus de planches surélevées sont construites dans les aires entre les grans canaux de
drainage. Ces planches sont cultivées de façon intensive dès que l’eau se retire. Les plantes aquatiques
les paillent et ainsi les fertilisent tout en évitant le dessèchement rapide de ces terres lourdes.
Figure 5.9 : Le nouveau système horticole à planches surélevées et petits bassins de drainage
Source :
Figure 5.10 : Photo aérienne de canaux reliés au fleuve et de kanflis entre les canaux
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Figure 5.11 : Remise en état par creusage des canaux et drains après la décrue et kanflis prêts au semis
à droite
A l’heure actuelle, la culture de produits de décrue en interaction avec la pêche de décrue et la pêche
en fleuve (qui connait elle aussi quelques changements pour aller vers des systèmes aquacoles) sont
devenus plus importants dans le système de production que les autres activités. Néanmoins, la
palmeraie a elle aussi évolué. Toutes ces activités alimentent des sous-systèmes de transformation
(fumage de poisson, production d’huile rouge) et de transport et commerce (poissons frais et
maraichers).
Figure 5.12 : Le système de production hortico-aquacole de la basse vallée de l’Ouémé de nos jours
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Dans le cas présenté, le système de production est ingénieux, met en valeur des ressources assez
difficiles à valoriser et il a beaucoup évolué au fil du temps permettant de supporter une très forte
densité de population (de l’ordre de 500 personnes/ha)
• Les producteurs tirent parti des ressources naturelles qu’ils connaissent avec précision ; la
productivité est très élevée
• Les modes d’exploitation du milieu évoluent peu à peu en fonction des contraintes et des
opportunités, et s’ajustent à la pression démographique croissante
• Une culture commune facilite les échanges de bonnes pratiques, par contre l’enclavement et
une faible prise en compte par l’encadrement les isolent face à leurs problèmes techniques
• Les institutions locales comme les droits de propriété évoluent pour permettre les nouveaux
modes de mise en valeur des ressources : des mises en valeur collectives comme la
construction de ahlo seraient aujourd’hui difficiles et les modes d’exploitation se sont
individualisés
Il est important de bien analyser les systèmes existants, leurs atouts et leurs limites pour pouvoir les
améliorer plutôt que de chercher à les remplacer.
5.5 Conclusions
Le temps disponible n’a certainement pas permis de balayer tous les grands systèmes de production
ni toutes les grandes tendances d’évolution en cours dans la sous-région. Les systèmes pastoraux et
agropastoraux et leurs évolutions, les systèmes soudaniens à base de coton et de maïs-légumineuses
(lesquels intègrent de plus en plus l’élevage de ruminants) n’ont pas été abordés du tout. Néanmoins
le but était de comprendre les principes de l’analyse systémique et de les illustrer avec quelques cas.
C’est sur l’ancienne corde que se tissa la nouvelle : les diverses trajectoires d’intensification
potentielles durable via l’agroécologie vont partir de l’existant et tenter tirer le meilleur parti des
bonnes pratiques que certains producteurs ont développé.
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SRI
SCV
Push-pull
« Dans les années 1960-90, les politiques de développement agricole en Afrique de l’Ouest
visaient l’accroissement de la production pour garantir la sécurité alimentaire des populations
et fournir des devises aux États (exportation du coton, de l’arachide, du sésame...). La modernisation
de l’agriculture a été fondée durant cette période sur les principes de la révolution verte (Bazlul,
1986) : utilisation des variétés améliorées, fertilisation minérale, protection chimique des
cultures, travail du sol et culture pure. Dans les zones de savane comprises entre les isohyètes
800 et 1200 mm, le coton fut le pilier du développement économique aux cotés des cultures
vivrières (maïs, sorgho, arachide, niébé, cultures fruitières et maraichères) et l'élevage. L'élevage des
ruminants s'est progressivement développé par l'adoption massive de la culture 3attelée bovine
par les agriculteurs puis par la constitution de noyaux d'élevage rendue possible par les revenus
issus des cultures de vente (coton et vivriers). Le passage à la culture attelée marqué par une
mécanisation d’une grande partie des opérations agricoles e.g. préparation du sol, sarclage,
buttage, plus rarement sarclage et semis, a constitué la première "révolution technique"4 de
l'agriculture de ces régions(Vall et al., 2004 ; Lhoste et al., 2010). Cette trajectoire d'évolution
des systèmes de production en zone cotonnière est commune à presque tous les bassins de
production (Pigé, 2000 ; Jamin et al., 2007 ; Dufumier et Bainville, 2006). Le passage à la culture
attelée a amplifié la stratégie d'accroissement de la surface cultivée par actif agricole au
détriment d'une option d'intensification de la terre et d'accroissement des rendements (Dugué
et Dounias, 1997). Cette "extensification" par ha des systèmes de production reposait sur la
disponibilité en terres défrichables jusqu'à la fin du XXème siècle, par des innovations comme
la culture attelée puis les herbicides et par la migration des agriculteurs des zones anciennement
cultivées et surpeuplées vers des fronts pionniers cotonniers encouragés et équipés par l'État
et/ou les sociétés cotonnières (pistes rurales, forages, magasins). Ces évolutions agraires et socio-
économiques spécifiques des zones cotonnières et qualifiées de success story, ont eu des effets
d'entrainement sur deux autres filières : le maïs5 et l'élevage bovin. Ainsi l'intensité du
défrichement dans ces nouvelles zones de production a permis de réduire la pression des parasites
des bovins (mouches vectrices des trypanosomiases) (De La Roque et al., 2001) favorisant la
constitution de troupeaux dans les exploitations agricoles mais aussi l'émigration puis la
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sédentarisation d'éleveurs peuls (Augusseau et al., 2004 ; Dugué et al., 2004, Kossoumna et al.,
2010 ; Dongmo et al., 2012) . La production de tourteau de coton a favorisé l'entretien des animaux
de trait et des vaches gestantes et allaitantes.
Néanmoins, les recommandations de la vulgarisation ont été très imparfaitement mises en œuvre par
les producteurs qui ont justement délaissé les pratiques améliorant la durabilité des systèmes :
De même, les bonnes pratiques locales ont été peu valorisées et se sont même parfois perdues
Quant aux pratiques innovantes de la recherche, comme l’agriculture de conservation avec ses
systèmes de culture sous couvert végétal, elles sont évaluées comme difficilement applicables par
les producteurs.
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Travaux de groupe
a. Décrire une exploitation ou un groupe d’exploitations que vous connaissez en utilisant l’approche
« système de production ». Préciser en particulier :
• Quels sont les capitaux accumulés par le système et cette accumulation est elle positive ou
négative
• Quels sont les facteurs majeurs qui influencent (1) l’atteinte des objectifs; (2) la pérennité du
système (si vous ne savez pas, que faut-il faire pour les identifier)
Comment faire pour repérer les systèmes de production dans une région d’études et en comprendre
les logiques de fonctionnement sans se perdre dans des enquêtes à variables innombrables sans cadre
d’interprétation ?
Dans le cadre d’une identification systématique des systèmes de production d’une région, d’un pays
ou d’une sous-région, une démarche systématique est mise en œuvre qui se base sur la construction
de
1. Zonage
2. Typologie des systèmes de production
Le zonage vise à délimiter des espaces selon les caractéristiques agroécologiques et socio-
économiques pertinentes pour le diagnostic, caractéristiques qui influencent les structures
d’exploitation et leurs orientations technico-économiques.
La typologie permet de stratifier les systèmes de production dans une zone et de répartir leur
population entre n groupes assez homogènes pour la problématique d’intérêt
• Zonage « à dire d’acteurs » réalisé à une échelle maitrisable par les informateurs clef
qui identifient les différentes zones du territoire et les critères selon eux pertinents de
stratification
• Identification par l’équipe de critères probables expliquant les différences d’une zone
à l ’autre. Ces critères dépendent de l’objectif du travail
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• Autres
Les deux sources d’information sont croisées et un zonage est établi puis vérifié en parcourant la zone
et en conduisant des diagnostics au niveau de quelques villages typiques de chaque zone
La typologie
• Typologie à dire d’acteurs : dans un petit nombre de villages jugés typiques d’une zone, des
personnes ressources sont priées de classer un échantillon de 30 unités de production prises
au hasard sur la liste de leur recensement. Le classement se fait par exemple selon la
prospérité et la capacité à se développer (accumuler des capitaux). Le classement produit 3-5
classes et des critères de classification (de ressemblance et de différenciation)
• Des entretiens biographiques sont conduits avec quelques représentants de chaque classe et
quelques personnes ressources pour comprendre comme chaque classe a évolué dans le
temps
• Pour des recherches quantitatives, les variables pertinentes de descriptions des systèmes de
production pour la problématique de la recherche et les variables de différenciation des types
sont incorporées dans un questionnaire pour une enquête sur échantillon représentatif
• Une enquête sur un échantillon représentatif de chaque zone est conduite sur
• les ressources,
• les activités
• Les technologies et itinéraires technique
• les résultats ou extrants et
• les objectifs poursuivis,
• les capitaux et façons de gérer des situations de crise sur les 3-5 années
antérieures.
Les informations obtenues sont analysées pour identifier et décrire les types
Chaque type peut alors faire l’objet d’entretiens et de descriptions approfondies de ses activités, ses
performances mais aussi de son évolution passée et prospective. Ces évolutions mises bout à bout
construisent des trajectoires de différenciation entre les producteurs qui parviennent à accumuler et
transmettre un patrimoine à leurs enfants et les autres par exemple
Chaque groupe reçoit un thème d’investigation et en fonction de cela identifie quelques variables
pertinentes sur lesquelles batir une typologie de sa population d’intérêt.
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