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ANALYSE PSYCHOSOCIALE DU PHENOMENE « BEBES NOIRS » CHEZ LES

JEUNES DELINQUANTS BRAZZAVILLOIS


Par
Jean Didier MBELE, Psychologue, Maitre-assistant CAMES,
Université Marien NGOUABI
jdmbele@yahoo.fr

I- Introduction et problématique

Les violences urbaines en général et la délinquance juvénile en particulier, ont souvent


été des questions préoccupantes de grandes agglomérations mondiales ou africaines comme :
Abidjan, Kinshasa et Brazzaville. Ces derniers temps, le banditisme et la délinquance juvénile
se développent de façon spectaculaire et dangereuse dans les grandes villes congolaises. La
ville de Brazzaville, capitale du Congo, est confrontée depuis cinq ans bientôt, à un
phénomène de délinquance juvénile, orchestré par des jeunes et adolescents connus sous le
nom de ‘‘bébés noirs’’ qui, sous l’emprise des drogues, sèment la terreur dans la plupart des
quartiers de la ville.
Les Bébés noirs, organisés en deux principales ‘‘écuries’’ : les ‘‘Américains’’ et les
‘‘Arabes’’, sévissent de nuit comme de jour à tout instant, à travers l’espace urbain
brazzavillois. « Opérant par dizaine ou par vingtaine, ces jeunes dont l’âge varie entre 15 et
30 ans, dépossèdent leurs victimes de leurs biens de valeur en les tailladant à la machette ou
au couteau. ». (Bienvenue Parfait Matsala, 2017) 1. Lorsqu’ils passent à l’attaque, les Bébés
noirs volent, tuent, violent et blessent, en frappant pêle-mêle femmes, hommes, filles et
garçons qu’ils croisent sur leur chemin.
Nous nous interrogeons au cours de ce texte, sur les origines, les manifestations et les
conséquences du phénomène ‘‘Bébés noirs’’ à Brazzaville, en vue de proposer des approches
de solutions capables d’endiguer ce phénomène. Qu’est ce qui pousse les jeunes brazzavillois
à adhérer un tel phénomène caractérisé par une violence parfois morbide ? Quels sont les
profils psychologiques et les modes opératoires des ‘‘Bébés noirs’’, et qui les contrôle ou qui
les gouverne ? Enfin, que devons nous faire des ‘‘Bébés noirs’’ au Congo ?

Cette dernière question mérite une réponse adéquate, d’autant plus que depuis 2014, le
phénomène prend de plus en plus de l’ampleur en milieu urbain congolais. Le spectre
continue à faire parler de lui chez les paisibles citoyens qui vivent au quotidien, les agressions
physiques, mentales et veulent des pollutions immédiates et concrètes. A Brazzaville, ces
violences sont également signalées en milieu scolaire où des élèves d’établissements
différents s’affrontent, parfois en utilisant des armes blanches. Certains citoyens congolais à
ce jour, n’hésitent pas à spéculer sur le phénomène et se complaisent à croire, à tort ou à
raison, aux folles rumeurs accusant certaines autorité politico-administratives et militaires
d’instrumentaliser les Bébés noirs à des fins politiques. Et pourtant, les autorités congolaises,
jusqu’au sommet de l’Etat, semblent avoir puis la mesure du phénomène et envisagent de
l’éradiquer.
En 2017, le Président de la République à interpellé la jeunesse congolaise dans son
message sur l’Etat de la Nation :
1
Responsable du CEDH, une organisation luttant pour les droits des mineurs.
« Les jeunes doivent s’imprégner des grands principes de la République et du respect de
l’autre et du bien public, pour garantir l’avenir d’une société plus fraternelle qui éloigne, aujourd’hui
et demain, de la violence et l’incivisme en prônant l’observation stricte des valeurs morales ». (Dénis
SASSOU N’GUESSO, Août 2017).
Dès 2014, Le Général Jean François NDENGUE, Directeur Général de la Police
congolaise2 a proposé aux chefs de quartiers, aux agents de la préfecture, des mairies et aux
chefs des commissariats de police de Brazzaville, une coopération accrue contre l’insécurité et
la délinquance des jeunes dans la commune de Brazzaville, des actions sur le terrain et une
communication de proximité, pour mettre fin à la délinquance qui gagne de plus en plus du
terrain. Le patron de la police nationale promettait également d’améliorer la couverture
sécuritaire, notamment des endroits stratégiques et de forte affluence dans tous les quartiers
de Brazzaville.

Le 11 mai 2017, les autorités judiciaires et policières ont lancé pour une durée
indéterminée, une opération de lutte contre les ‘‘Bébés noirs’’, au commissariat central de
police de la Tsiémé, un quartier nord de Brazzaville où les cas de délinquance des adolescents
sont régulièrement rapportés. André Ngakala Oko, procureur de la République près du
tribunal de grande instance de Brazzaville a déclaré, à cette occasion, ce qui suit :
« Les Bébés noirs sont des terroristes. Je dis bien les Bébés noirs ne sont que des terroristes :
ils tuent, ils pillent, ils violent les femmes. Nous allons combattre de cet instant, les bébés noirs et
leurs complices, et nous allons les mettre hors d’état de nuire ».
Aussitôt après cette déclaration fortement médiatisée, le procureur de la République
avait dirigé la première patrouille mixte impliquant des gendarmes et des policiers dans
plusieurs quartiers nord de Brazzaville. Chez les bébés noirs, cette annonce fortement
médiatisée a semblé sonner comme un défi face aux forces de sécurité, et ils continuent de
sévir avec autant de sadisme. Ainsi, les mesures succèdent aux précédentes, parfois plus
coercitives, pourtant les Bébés noirs continuent d’agresser les citoyens congolais. Désormais
le phénomène s’est généralisé et devient inquiétant dans toutes les grandes villes du pays
comme Pointe-Noire, Dolisie, voire Ouesso et Owando.

Tenant compte de cette situation préoccupante qui vient d’être décrite, nous nous
proposons de mener une enquête psychosociale sur le terrain, afin d’identifier les causes, les
manifestations et les conséquences réelles du phénomène ‘‘Bébés noirs’’ et de proposer
quelques solutions qui pourraient être efficaces et durables. Notre unique hypothèse parie
que : ‘‘ les jeunes et les adolescents brazzavillois qui adhèrent au phénomène Bébés noirs
traversent une crise identitaire et se meuvent pour des raisons socio-économiques dont le
corollaire est le goût du gain facile’’. Cette étude est donc à prendre en compte comme une
contribution, dans le cadre d’une réflexion scientifique visant à approfondir la connaissance
du phénomène Bébés noirs, en dressant leurs profils psychosociaux. Elle a pour but aussi,
d’attirer l’attention des parents des jeunes délinquants, des autorités politiques et
administratives congolaises afin que des mesures nécessaires et concrètes soient prises pour
éradiquer le phénomène ‘‘Bébés noirs’’ qui gangrène actuellement la société congolaise.
II- Clarification de quelques concepts et sources théoriques.

1- L’intérêt d’une approche psychosociale


2
Déclaration du Général de Police, Jean François NGENGUET, dans la salle de conférences de la Préfecture de
Brazzaville, lors d’une réunion stratégique.

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