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L’anorexie

Intervention d’Isabelle Chevrier


Psychologue
INTRODUCTION : LES TROUBLES ALIMENTAIRES A L’ADOLESCENCE

• Le corps est au cœur des conflits de l’adolescent.

• Une des caractéristiques de l’adolescent est de se servir du corps et des conduites


dites somatiques comme mode d’expression de ses difficultés mais aussi comme
moyen de relation.

• Jeammet, dans le bien être de l’enfant dans sa famille, évoque la place du corps
dans la problématique adolescente:

« Le recours au corps est à l’adolescence un moyen privilégié d’expression. Le corps


est en effet un repère fixe pour une personnalité qui se cherche et qui n’a qu’une
image de soi encore flottante. Il est un point de rencontre entre le dedans et le
dehors, en marquant les limites. Le corps est une présence tout à la fois familière et
étrangère: il est simultanément quelque chose qui vous appartient et quelque chose
qui représente autrui et notamment les parents… Enfin le corps est un message
adressé aux autres. Il signe généralement les rituels d’appartenance, notamment
sous la forme de la mode ».

Selon l’OMS «Les troubles de l'alimentation comprennent deux syndromes
spécifiques importants, l'anorexie mentale et la boulimie, les troubles anorexiques et
boulimiques moins spécifiques, l'hyperphagie associée à des perturbations
psychologiques, et les vomissements associés à des perturbations psychologique».

Les perturbations alimentaires sont fréquentes et la question alimentaire est à l’origine


de nombreuses querelles familiales.
L’anorexie mentale

A) Définition

L’anorexie correspond à un refus de s’alimenter lié à un état mental particulier, une


exigence active de perdre du poids. C’est un symptôme, pas une structure.

L’anorexie mentale est un symptôme typique de l’adolescence. Il s’agit le plus souvent


d’un(e) jeune pubère ou aux abords de la puberté qui sous prétexte de perdre du poids
commence par suivre un régime hypocalorique.

L’anorexie mentale se constitue en 3 à 6 mois après une période marquée par le désir de
suivre un régime.
L’anorexie mentale

« Manger rien » « Ne pas manger »

C’est une clinique du « rien » :


•Réduire l’autre à l’impuissance en ne mangeant « rien ».

•Le rien comme objet séparateur : le « rien » vient entre le sujet et l’Autre comme un
objet que le sujet utilise pour se séparer de la demande de l’Autre.

•Mais le désir est préservé, car l’anorexique attend le signe d’amour de l’Autre.

•Son corps devient l’instrument d’un chantage à l’Autre, pour le pousser à donner ce qu’il
n’a pas  son manque  donc un signe d’amour
B) Epidémiologie

Il y a une prédominance féminine dans l’anorexie (en moyenne 6 à 10 filles pour un


garçon). L’âge de début connaît deux pics: l’un vers 12/14 ans et l’autre vers 18/20 ans.

Du côté des garçons, l’anorexie masculine est très proche de da version féminine mais
elle peut s’accompagner d’une honte du corps encore plus marquée.
C) Les trois A: Anorexie, Amaigrissement et Aménorrhée:

•La conduite anorexique: la restriction alimentaire modérée au début devient


méthodique, résolue, poursuivie avec énergie dans l’intention de maigrir.
•L’amaigrissement: modéré, il devient rapide, spectaculaire. Il dépasse de 20 à 30 % du
poids initial et peut aller jusqu’à 50% (« pousse à l’amaigrissement »)
•On évalue la maigreur ou le surpoids à partir du calcul de l’IMC = indice de masse
corporelle  Poids / Taille2
Si l’IMC est inférieur à 18,5 le sujet est considéré comme maigre, en dessous de 17
la maigreur est préoccupante et en dessous de 16 la dénutrition devient sévère.
• L’aménorrhée (absence d‘au moins trois cycles menstruels consécutifs): signe
constant où l’adolescente exprime souvent une indifférence par rapport à cette
aménorrhée. L’anorexie désexualise le sujet.

D) Les autres caractéristiques de l’anorexique

• L’hyperactivité intellectuelle et physique


• Le déni : les anorexiques ont du mal à se voir malade, ce qui renforce la certitude
qu’il n’y a pas de danger
E) L’anorexie mentale et son corps

•En refusant de s’alimenter, elle remplit son corps de vide pour être pure. La minceur est un
idéal tandis que grossir est une honte  dégout du corps

•La dysmorphophobie : perception déformée de l’image du corps (ex : « je ne ressemble à


rien » on retrouve souvent ce « rien »)

F) L’anorexique et son entourage

•B.Brusset évoque « la demande paradoxale » que l’anorexique exerce sur la famille et surtout
sa mère: la maigreur, le dépérissement physique suscitent un besoin culpabilisé de la nourrir,
ce qu’intellectuellement l’anorexique refuse avec énergie.

•La séparation de la famille, lors de l’hospitalisation : cet isolement permet de perdre l’appui
que le sujet prend sur l’angoisse de l’autre.

•Quant aux causes, elles restent le plus souvent psychologiques. L’anorexie est une réaction à
des conflits intérieurs. La puberté, l’apparition des premiers désirs sexuels déstabilisent
l’adolescent vulnérable dans son corps et ce corps devient un problème.
G) La dimension psychotique de l’anorexie

Le rien n’est pas en rapport avec le désir de l’autre, mais avec sa jouissance (= au delà du
principe de plaisir) :

•Pas connecté à l’Autre : refus radical de l’Autre.

•Réduction du désir à rien.

•Pur anéantissement de soi : le corps et le désir du sujet sont anéantis.

•« Appétit de la mort », course vers la mort : activité même de la pulsion de mort.

« Ce qui entre dans le corps doit pouvoir en sortir à l’identique, les entrées doivent égaler
les sorties.Ainsi, après avoir vomi, je dois pouvoir vérifier que tout ce que j’ai mangé est
sorti de mon corps »
La boulimie
A) Définition
•La crise de boulimie est une pulsion soudaine et irrépressible à manger. Cette faim
insatiable l’emporte sur la raison car ce qui importe est de remplir ce vide.

•Elle renvoie à la question du trop, on la distingue de l’anorexie mais les deux sont liées
(le « trop » tend à recouvrir le « rien »). La boulimique tente de compenser la frustration
de la demande d’amour à travers la consommaion infinie de l’objet, soit l’absence de
signe du manque dans l’Autre. Tout le pain du monde ne pourra jamais constituer un
signe d’amour. « Faim d’amour ».

La crise est souvent précédée par une période de fébrilité et d’angoisse. Il y a une
sensation de faim envahissante et oppressante.

•On peut parler de dimension toxicomaniaque de la boulimie où le vomissement appelle


un nouveau remplissage etc.…La difficulté de s’en sortir est grande: « Il n’y a plus de
repères de la satiété, donc plus d’état de détente après les repas. La personne est
toujours sous tension, et malgré l’anesthésie de survie, elle devient de plus en plus
hyperémotive, persécutée par la moindre contrariété ». Dr Colette Combe.
• Ces crises sont suivies d’un abattement, d’un moment dépressif qui contraste avec
l’allure maniaque du début de crise.

• L’ennui

B) Épidémiologie
• La boulimie atteint environ 2% de la population féminine occidentale. Cette fréquence
est multipliée par 4 dans la population adolescente. Ce trouble des conduites
alimentaires est donc 10 fois plus important que l’anorexie mentale pour cette
population. L’âge moyen d’apparition des troubles est autour de 19 ans.

C) La boulimique et son entourage

• La relation établie entre les boulimiques avec l’entourage est souvent caractéristique
« analogue au lien qu’elles entretiennent avec la nourriture et qui alterne avec la
même intensité, avidité et rejet » P.Jeammet.
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