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Incontinence
urinaire de l’adulte
Orientation diagnostique
Pr Jean-Marie BUZELIN
Clinique urologique, Hôtel-Dieu, 44035 Nantes cedex
– l’urination réalise une miction complète, que la patiente est incapable d’endi-
La pollakiurie : guer. Ces mictions involontaires lorsqu’elles surviennent régulièrement doivent
un symptôme faire rechercher un trouble neurologique médullaire ou encéphalique (EEG, scan-
embarrassant ner crânien). Mais d’une façon beaucoup plus banale, c’est ce type d’inconti-
nence qui accompagne les paroxysmes émotionnels, tels que la frayeur, l’an-
aux causes multiples goisse, la colère, et surtout chez la femme le fou rire (quand elle est jeune fille),
et l’orgasme (quand elle ne l’est plus tout à fait) ;
La pollakiurie est un symptôme fréquent,
gênant, mais très peu spécifique puisqu’il – les pertes d’urines permanentes, réalisant un écoulement indépendant de tout
peut aussi bien révéler une mauvaise habi- besoin, de tout effort, survenant aussi bien la nuit que le jour, évoquent avant
tude qu’une tumeur de vessie. La distinction tout une fistule uro-vaginale ou une affection neurologique. Mais, en dehors de
entre la « pollakiurie-symptôme » et la « pol- ce contexte, certaines insuffisances sphinctériennes majeures peuvent réaliser ce
lakiurie-maladie » est une première
approche diagnostique. La « pollakiurie
type d’incontinence.
symptôme » est celle qui accompagne toute • Symptômes fonctionnels associés :
pathologie urinaire locale (infectieuse, – la pollakiurie peut être l’expression d’une instabilité vésicale qui s’inscrira sur
tumorale, lithiasique…), régionale (prosta- la cystomanométrie sous forme de contractions désinhibées. Plus souvent chez
tique, digestive, gynécologique) et neurolo-
gique (médullaire ou cérébrale). Sa caracté-
la femme incontinente, la pollakiurie est devenue une habitude destinée à pré-
ristique est d’être généralement associée à venir la fuite. Il s’agit donc le plus souvent d’une pollakiurie psychogène ;
d’autres symptômes urinaires (douleurs, – la dysurie est un symptôme rarement avoué spontanément car il est peu gênant ;
dysurie, hématurie, pyurie…), à l’inverse de il faut donc interroger la femme sur ce sujet et préciser si cette dysurie s’aggrave
la « pollakiurie-maladie » ou la « maladie »
se résume à uriner trop souvent. Cette « pol-
en fin d’après-midi ou disparaît au repos, ce qui suggère le rôle d’un prolapsus ;
lakiurie-maladie » résulte d’une altération – les brûlures mictionnelles, les épisodes de cystite ou de cystalgie, actuels ou
des mécanismes inhibiteurs, réflexes ou anciens, les impressions permanentes de prurit ou de brûlures vulvaires, doivent
volontaires. L’instabilité vésicale correspond être précisées par l’interrogatoire.
à la persistance à l’âge adulte, de l’hyperré-
flectivité vésicale de l’enfance. Elle peut
apparaître secondairement à l’occasion 2. Examen clinique
d’une pathologie de voisinage jouant le rôle
d’une épine irritative. La cystomanométrie La patiente doit être examinée d’abord en position gynécologique puis debout.
montre des contractions non inhibées sur- • L’observation des fuites n’est possible qu’à vessie pleine, la patiente étant en
venant spontanément ou lors de stimulations position gynécologique. On lui demande de tousser, de manière répétitive, car
sensitives ou sensorielles. Les pollakiuries
psychogènes empruntent plus ou moins
ce n’est parfois qu’après plusieurs accès de toux qu’on voit jaillir du méat uré-
consciemment les mécanismes de la miction tral un jet plus ou moins puissant. Rarement ce jet se prolonge en une véritable
par raison. Elles regroupent en fait plusieurs petite miction évoquant une contraction vésicale induite par la toux. Plusieurs
conditions dont l’analyse est facilement faite manœuvres ont été décrites pour étudier l’effet du « repositionnement » du col
par l’interrogatoire : vésical dans l’enceinte abdominale. La plus connue est la manœuvre de Bonney
– type phobique : la pollakiurie est l’ex-
pression d’une certaine anxiété, d’une appré-
qui consiste à remonter le cul-de-sac vaginal antérieur au moyen de 2 doigts
hension d’avoir à uriner ou à plus forte rai- vaginaux, sans comprimer l’urètre ni le col (fig. 1). Cette manœuvre est dite posi-
son de perdre ses urines. C’est le cas par tive lorsqu’elle supprime les fuites à la toux.
exemple de l’institutrice pendant la classe, • L’examen gynécologique commence par l’inspection de la vulve, fermée ou spon-
du PDG pendant une réunion, d’un orateur
pendant son discours, de la ménagère pen-
tanément béante, évaluant au passage la trophicité de la muqueuse vulvo-vaginale.
dant ses courses ; L’effort de poussée peut faire apparaître les éléments d’un prolapsus pelvien anté-
– type réflexe conditionné, dans des situa- rieur, postérieur ou mixte qu’il faudra analyser et quantifier par la manœuvre des
tions répétitives mais non angoissantes. Par valves (fig. 2). Sa présence peut empêcher l’extériorisation des fuites urinaires qu’il
exemple le retour au domicile ou plus pré- faut donc rechercher à nouveau, en faisant tousser la patiente, après réintégration
cisément l’introduction de la clef dans la ser- du prolapsus. Ces incontinences masquées, particulièrement fréquentes chez la
rure. Nous sommes ici dans la situation du
chien de Pavlov dont l’estomac sécrète au femme âgée, doivent être dépistées avant tout traitement du prolapsus.
son de la cloche parce qu’inconsciemment • Par le toucher vaginal on apprécie la sensibilité de l’urètre, l’état de la cavité
il fait la relation entre le son et le plat qu’on vaginale, de l’utérus et des annexes et la qualité de la musculature abdominale. Ce
lui présentait au début de l’expérience; testing musculaire est fait avec deux doigts intravaginaux recourbés en crochets
– type « habitude », tic, automatisme acquis
sans raison apparente ou pour des raisons
pour prendre contact avec la sangle des releveurs ; on demande à la patiente de
précises. Ainsi certaines femmes inconti- faire un effort de retenue, en imaginant par exemple qu’elle se retient d’uriner ou
nentes prennent l’habitude d’uriner souvent de lâcher un gaz. Le résultat est coté de 0 à 5, depuis l’absence de contraction per-
pour prévenir la fuite ; la femme porteuse ceptible jusqu’à la contraction vigoureuse, soutenue, et plusieurs fois répétable.
d’un prolapsus fait de même pour se débar- • Enfin, chez les femmes précédemment opérées, il faut, si la symptomatologie
rasser de sa gêne périnéale.
est insolite, s’acharner à rechercher une fistule vaginale, sans tenir compte aveu-
glément des conclusions d’un précédent examinateur.
• Le reste de l’examen clinique doit explorer, comme au cours de toute consul-
tation uro-gynécologique :
– le méat urétral et l’urètre, par l’explorateur à boule, surtout en cas de cystites
ou de dysurie ;
• Il est intéressant, lorsque cela est possible, d’assister à une miction : la pos-
Chez l’homme, sibilité d’uriner sur commande, avec un bon jet non seulement rassure sur une
l’incontinence éventuelle dysurie, mais permet d’affirmer l’intégrité du contrôle neurologique
est le plus souvent de la miction.
• Il faut, en outre, examiner les pieds et la région sacrée à la recherche de pieds
iatrogénique creux ou plats, d’une fossette coccygienne ou d’une touffe de poils traduisant
• Après chirurgie de la prostate, la fréquence une malformation du cône terminal.
de l’incontinence définitive est évaluée à 1 %
après RTU ou énucléation d’un adénome, 3. Examens complémentaires
5 % après prostatectomie radicale pour can- Au terme de l’interrogatoire et de l’examen clinique, le diagnostic est générale-
cer. L’étendue de l’exérèse explique cette
différence de fréquence : après adénomec-
ment fortement orienté. La suite des explorations va en dépendre :
tomie, la loge se rétracte plus ou moins com- • s’il s’agit d’une énurésie simple, sans troubles fonctionnels dans la journée,
plètement et s’épithélialise en 2 à 3 mois ; sans infections urinaires, sans dysurie, il n’y a aucune raison de prescrire des
mais le nouveau col vésical reste béant et la examens complémentaires ;
continence est confiée au sphincter strié, • s’il s’agit d’une immaturité vésicale, associant des troubles fonctionnels diurnes
habituellement respecté car protégé par la
coque prostatique, dont la sclérose peut, tou- et souvent une énurésie, le bilan peut être complété par une échographie rénale,
tefois, infiltrer le sphincter et l’empêcher éventuellement une cystographie s’il existe des antécédents d’infection urinaire
d’agir. Après prostatectomie radicale, enle- fébrile. Elle peut montrer un petit reflux stade 1 qui a toute chance de disparaître
vant toute la prostate, il n’y a pas d’épithé- avec le traitement de l’immaturité vésicale ;
lialisation de la loge mais une cicatrisation
de l’anastomose vésico-urétrale qui peut
• des symptômes insolites peuvent révéler une pathologie malformative ou un
d’ailleurs se faire avec un certain degré de dysfonctionnement plus complexe. Une incontinence à l’effort ou un écoule-
fibrose. Le sphincter strié est beaucoup plus ment permanent, indépendant de tout effort et de tout besoin, une constipation
directement menacé. Dans les deux cas, le ou une encoprésie, une dysurie avec un jet faible ou saccadé, un globe vésical,
traumatisme porte sur la portion « para-uré- sont des symptômes inhabituels, de même que la constatation à l’examen cli-
trale » du sphincter strié, qui, normalement
contribue à la continence passive, en main- nique d’une émission d’urine à la pression de l’hypogastre, d’une anomalie cuta-
tenant une contraction tonique. La portion née de la base du dos, d’un signe neurologique… Les pathologies en cause peu-
« péri-urétrale », dépendante des releveurs, vent être malformatives (abouchement ectopique d’un uretère, épispade
qui intervient dans la contraction volontaire, incontinent, valves urétrales, hypospade féminin) ou fonctionnelles (neuro-ves-
est généralement respectée, ce qui explique
qu’une incontinence d’effort majeure soit
sies congénitales par malformation vertébro-médullaire ou neuro-vessies non
compatible avec la possibilité de retenir un neurogènes). Il est évident que la suite à donner à ce premier examen clinique
besoin ou d’interrompre le jet en cours. Le dépend de l’orientation diagnostique. Dans le cas particulier des troubles fonc-
bilan retrouve le plus souvent une hypoto- tionnels, l’imagerie en résonance magnétique (IRM) du cône terminal est actuel-
nie sphinctérienne. Le traitement fait appel lement l’examen le plus performant pour rechercher une lésion des racines et de
à la rééducation et à la chirurgie, essentiel-
lement l’implantation d’un sphincter artifi- la moelle terminale.
ciel. Sauf instabilité vésicale manifeste, il
n’y a pas place pour les traitements phar- Incontinence urinaires chez l’homme
macologiques. En dehors des affections neurologiques, et des séquelles post-chirurgicales, l’in-
• Après une cystectomie totale avec rempla-
cement par une néo-vessie intestinale ana-
continence est rare chez l’homme qui l’accepte psychologiquement très mal.
stomosée à l’urètre chez l’homme, on estime Elle peut se présenter comme une incontinence par regorgement ou une incon-
à 5 et 50 % respectivement la prévalence de tinence post-mictionnelle.
l’incontinence urinaire diurne et nocturne. • L’incontinence par regorgement réalise un écoulement d’abord nocturne avant
En effet le mécanisme des fuites n’est pas d’être permanent. Le diagnostic repose sur la constatation d’un globe vésical
tant une insuffisance sphinctérienne (dont
l’incidence est comparable à celle qu’on chronique, parfois associé à une distension du haut appareil urinaire. Le bilan
observe après prostatectomie radicale), que est celui d’une dysurie.
l’activité propre de l’anse intestinale dont • L’incontinence postmictionnelle se traduit par l’émission, après la miction, de
les contractions peuvent développer régu- quelques millilitres d’urine mouillant le slip. L’écoulement peut se produire
lièrement des pressions supérieures à 50 cm
d’eau. La détubulisation de l’intestin, en
goutte à goutte (dribbling) ou en jet. L’accumulation d’urine dans un diverticule
transformant un conduit en une sphère, dimi- urétral ou en amont d’une sténose de l’urètre, est un mécanisme facile à com-
nue significativement l’amplitude de ces prendre et à objectiver par une urétrographie rétrograde et mictionnelle. Le méca-
contractions, et la fréquence de l’inconti- nisme des gouttes retardataires chez le prostatique non opéré est moins clair ; on
nence. Les anticholinergiques et surtout l’ac- évoque une distension de l’urètre bulbaire sous l’effet de l’accélération du jet au
quisition d’un nouveau rythme de sommeil
avec 2 ou 3 réveils pour vider la vessie, résu- passage de la filière prostatique « effet jet ».
ment le traitement.
Incontinences des vessies neurologiques
Ces incontinences qu’on observe à tout âge et dans les deux sexes, relèvent de
mécanismes physiopathologiques variables selon le niveau lésionnel. Les pro-
blèmes diagnostiques sont bien particuliers. La plupart du temps, l’affection neu-
rologique est connue et le problème du clinicien se résume à expertiser l’équi-
libre vésico-sphinctérien, pour dégager les facteurs de pronostic et les indications
thérapeutiques.