Vous êtes sur la page 1sur 5

Néphrologie - Urologie

13
Incontinence
urinaire de l’adulte
Orientation diagnostique
Pr Jean-Marie BUZELIN
Clinique urologique, Hôtel-Dieu, 44035 Nantes cedex

Points Forts L’orientation diagnostique dépend beaucoup du contexte. On aborde différem-


ment une incontinence urinaire chez la femme, chez l’enfant, chez l’homme et
à comprendre chez le neurologique. C’est ce plan que nous adopterons après avoir rappelé
● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●
quelques notions élémentaires de séméiologie.
• L’incontinence est une perte
d’urine : Séméiologie
– involontaire, ce qui exclut L’interrogatoire joue un rôle essentiel. Connaître la définition des symptômes
les simulateurs ; ne suffit pas ; il faut savoir poser la bonne question et bien interpréter la réponse.
– résultant d’une altération Les examens complémentaires, notamment urodynamiques, viennent après.
des mécanismes physiologiques
de la continence, ce qui exclut Incontinence urinaire chez la femme
les communications On distingue habituellement deux types d’incontinence : l’incontinence à l’ef-
uro-génitales, où l’appareil fort et l’incontinence par impériosité. Cette distinction, justifiée au plan des
vésico-sphinctérien peut être mécanismes physiopathologiques, ne peut être établie qu’au terme d’un bilan
fonctionnellement normal ; clinique et éventuellement urodynamique, conduit sans a priori.
– ressentie comme une gène
dans la vie courante 1. Interrogatoire
(professionnelle, affective, Il faut d’abord s’enquérir de l’ancienneté de l’incontinence, de son évolution,
loisirs), ce qui exclut la petite des différents traitements médicaux ou chirurgicaux dont elle a pu faire l’objet.
fuite occasionnelle. Il faut également préciser les antécédents gynécologiques, obstétricaux et uro-
• L’incontinence urinaire est logiques. Après cette enquête anamnestique, il faut faire porter l’interrogatoire
un handicap majeur car elle est sur l’abondance des fuites, le moment où elles se produisent [le jour et (ou) la
humiliante et peu médiatique. nuit], les circonstances qui les provoquent, les symptômes associés.
• On estime à 10 % environ • L’abondance des fuites est une notion très subjective, qu’on peut essayer de
le nombre de femmes jeunes qui préciser par les questions suivantes :
en sont affectées ; la prévalence – de manière habituelle, devez-vous porter une protection, et de quelle nature
augmente avec l’âge pour (couche, garniture, protège-slip).
devenir une des principales – la portez-vous en permanence ou occasionnellement ? Plutôt par précaution ou
infirmités des personnes âgées plutôt par nécessité ?
des deux sexes. – devez-vous la changer plusieurs fois par jour ? Est-elle seulement humide ou
• L’incontinence urinaire n’est franchement mouillée ?
qu’un symptôme, dont il faut • Les circonstances qui provoquent la fuite orientent vers le mécanisme de l’in-
comprendre les mécanismes continence :
avant de la traiter. – les fuites à l’effort surviennent inopinément, sans besoin préalable lors des efforts
• Une large place est donc faite qui augmentent la pression abdominale : toux, rire, marche rapide ou course, porte
à la physio-pathologie dans les de charges, passage en orthostatisme. Elles ne surviennent habituellement que le
notes complémentaires. jour, bien que certaines « tousseuses » puissent aussi perdre la nuit ;
– les fuites par impériosité sont caractérisées par l’impossibilité de retenir les urines
lors d’un besoin urgent, soudain et persistant, malgré la contraction volontaire du
sphincter strié. Il arrive souvent que le besoin soit déclenché par l'audition ou le
contact de l’eau, l’exposition au froid ; ces « instabilités sensorielles » réalisent un
véritable « réflexe cortical » organisé dans les centres cérébraux. Plus rarement le
besoin survient comme un véritable réflexe conditionné, par exemple le retour au
domicile, et plus précisément l’introduction de la clé dans la serrure ;

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1


1997, 47
I N C O N T I N E N C E U R I N A I R E D E L ’ A D U LT E

– l’urination réalise une miction complète, que la patiente est incapable d’endi-
La pollakiurie : guer. Ces mictions involontaires lorsqu’elles surviennent régulièrement doivent
un symptôme faire rechercher un trouble neurologique médullaire ou encéphalique (EEG, scan-
embarrassant ner crânien). Mais d’une façon beaucoup plus banale, c’est ce type d’inconti-
nence qui accompagne les paroxysmes émotionnels, tels que la frayeur, l’an-
aux causes multiples goisse, la colère, et surtout chez la femme le fou rire (quand elle est jeune fille),
et l’orgasme (quand elle ne l’est plus tout à fait) ;
La pollakiurie est un symptôme fréquent,
gênant, mais très peu spécifique puisqu’il – les pertes d’urines permanentes, réalisant un écoulement indépendant de tout
peut aussi bien révéler une mauvaise habi- besoin, de tout effort, survenant aussi bien la nuit que le jour, évoquent avant
tude qu’une tumeur de vessie. La distinction tout une fistule uro-vaginale ou une affection neurologique. Mais, en dehors de
entre la « pollakiurie-symptôme » et la « pol- ce contexte, certaines insuffisances sphinctériennes majeures peuvent réaliser ce
lakiurie-maladie » est une première
approche diagnostique. La « pollakiurie
type d’incontinence.
symptôme » est celle qui accompagne toute • Symptômes fonctionnels associés :
pathologie urinaire locale (infectieuse, – la pollakiurie peut être l’expression d’une instabilité vésicale qui s’inscrira sur
tumorale, lithiasique…), régionale (prosta- la cystomanométrie sous forme de contractions désinhibées. Plus souvent chez
tique, digestive, gynécologique) et neurolo-
gique (médullaire ou cérébrale). Sa caracté-
la femme incontinente, la pollakiurie est devenue une habitude destinée à pré-
ristique est d’être généralement associée à venir la fuite. Il s’agit donc le plus souvent d’une pollakiurie psychogène ;
d’autres symptômes urinaires (douleurs, – la dysurie est un symptôme rarement avoué spontanément car il est peu gênant ;
dysurie, hématurie, pyurie…), à l’inverse de il faut donc interroger la femme sur ce sujet et préciser si cette dysurie s’aggrave
la « pollakiurie-maladie » ou la « maladie »
se résume à uriner trop souvent. Cette « pol-
en fin d’après-midi ou disparaît au repos, ce qui suggère le rôle d’un prolapsus ;
lakiurie-maladie » résulte d’une altération – les brûlures mictionnelles, les épisodes de cystite ou de cystalgie, actuels ou
des mécanismes inhibiteurs, réflexes ou anciens, les impressions permanentes de prurit ou de brûlures vulvaires, doivent
volontaires. L’instabilité vésicale correspond être précisées par l’interrogatoire.
à la persistance à l’âge adulte, de l’hyperré-
flectivité vésicale de l’enfance. Elle peut
apparaître secondairement à l’occasion 2. Examen clinique
d’une pathologie de voisinage jouant le rôle
d’une épine irritative. La cystomanométrie La patiente doit être examinée d’abord en position gynécologique puis debout.
montre des contractions non inhibées sur- • L’observation des fuites n’est possible qu’à vessie pleine, la patiente étant en
venant spontanément ou lors de stimulations position gynécologique. On lui demande de tousser, de manière répétitive, car
sensitives ou sensorielles. Les pollakiuries
psychogènes empruntent plus ou moins
ce n’est parfois qu’après plusieurs accès de toux qu’on voit jaillir du méat uré-
consciemment les mécanismes de la miction tral un jet plus ou moins puissant. Rarement ce jet se prolonge en une véritable
par raison. Elles regroupent en fait plusieurs petite miction évoquant une contraction vésicale induite par la toux. Plusieurs
conditions dont l’analyse est facilement faite manœuvres ont été décrites pour étudier l’effet du « repositionnement » du col
par l’interrogatoire : vésical dans l’enceinte abdominale. La plus connue est la manœuvre de Bonney
– type phobique : la pollakiurie est l’ex-
pression d’une certaine anxiété, d’une appré-
qui consiste à remonter le cul-de-sac vaginal antérieur au moyen de 2 doigts
hension d’avoir à uriner ou à plus forte rai- vaginaux, sans comprimer l’urètre ni le col (fig. 1). Cette manœuvre est dite posi-
son de perdre ses urines. C’est le cas par tive lorsqu’elle supprime les fuites à la toux.
exemple de l’institutrice pendant la classe, • L’examen gynécologique commence par l’inspection de la vulve, fermée ou spon-
du PDG pendant une réunion, d’un orateur
pendant son discours, de la ménagère pen-
tanément béante, évaluant au passage la trophicité de la muqueuse vulvo-vaginale.
dant ses courses ; L’effort de poussée peut faire apparaître les éléments d’un prolapsus pelvien anté-
– type réflexe conditionné, dans des situa- rieur, postérieur ou mixte qu’il faudra analyser et quantifier par la manœuvre des
tions répétitives mais non angoissantes. Par valves (fig. 2). Sa présence peut empêcher l’extériorisation des fuites urinaires qu’il
exemple le retour au domicile ou plus pré- faut donc rechercher à nouveau, en faisant tousser la patiente, après réintégration
cisément l’introduction de la clef dans la ser- du prolapsus. Ces incontinences masquées, particulièrement fréquentes chez la
rure. Nous sommes ici dans la situation du
chien de Pavlov dont l’estomac sécrète au femme âgée, doivent être dépistées avant tout traitement du prolapsus.
son de la cloche parce qu’inconsciemment • Par le toucher vaginal on apprécie la sensibilité de l’urètre, l’état de la cavité
il fait la relation entre le son et le plat qu’on vaginale, de l’utérus et des annexes et la qualité de la musculature abdominale. Ce
lui présentait au début de l’expérience; testing musculaire est fait avec deux doigts intravaginaux recourbés en crochets
– type « habitude », tic, automatisme acquis
sans raison apparente ou pour des raisons
pour prendre contact avec la sangle des releveurs ; on demande à la patiente de
précises. Ainsi certaines femmes inconti- faire un effort de retenue, en imaginant par exemple qu’elle se retient d’uriner ou
nentes prennent l’habitude d’uriner souvent de lâcher un gaz. Le résultat est coté de 0 à 5, depuis l’absence de contraction per-
pour prévenir la fuite ; la femme porteuse ceptible jusqu’à la contraction vigoureuse, soutenue, et plusieurs fois répétable.
d’un prolapsus fait de même pour se débar- • Enfin, chez les femmes précédemment opérées, il faut, si la symptomatologie
rasser de sa gêne périnéale.
est insolite, s’acharner à rechercher une fistule vaginale, sans tenir compte aveu-
glément des conclusions d’un précédent examinateur.
• Le reste de l’examen clinique doit explorer, comme au cours de toute consul-
tation uro-gynécologique :
– le méat urétral et l’urètre, par l’explorateur à boule, surtout en cas de cystites
ou de dysurie ;

2 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris)


1997, 47
Néphrologie - Urologie

– la sensibilité périnéale et les réflexes (anal, clitorido-anal, achilléens), si l’on


a un doute sur une atteinte neurologique.
• Éventuellement, un examen cyto-bactériologique des urines, des frottis vagi-
naux, une cystoscopie termineront ce bilan clinique.
3. Examens complémentaires
En général l’interrogatoire et l’examen clinique suffisent pour distinguer une
incontinence à l’effort ou par impériosité, ces deux mécanismes pouvant être
associés dans les incontinences mixtes. Le but des examens complémentaires
est d’aller au-delà, en précisant des données cliniquement inaccessibles.
• Les examens radiologiques ont perdu un peu de leur intérêt. L’urétrographie
mictionnelle ou à chaînette qui recherchait des anomalies de positionnement du
1 col, a été supplantée par l’échographie, dont les résultats ne sont pas encore vali-
La manœuvre de Bonney consiste à
remonter le cul-se-sac vaginal antérieur dés. Le colpocystogramme n’est plus guère utilisé que pour analyser les pro-
au moyen de 2 doigts vaginaux, sans com- lapsus complexes et (ou) récidivés.
primer l’urètre ni le col. • La place des examens urodynamiques est encore controversée. Beaucoup l’uti-
lisent encore pour confirmer ou (plus souvent) infirmer le diagnostic d’une insta-
bilité vésicale et (ou) urétrale, soupçonnée cliniquement. En fait, en cas d’in-
stabilité, l’apport de l’urodynamique est de préciser le mécanisme de la fuite
puisque au même symptôme clinique peuvent correspondre des conditions uro-
Physiopathologie dynamiquement différentes, les unes caractérisées par de très fortes contractions
de l’incontinence vésicales avec une réponse sphinctérienne excellente, les autres, plus fréquentes,
urinaire par des contractions vésicales faibles avec une réponse sphinctérienne nulle. En
Une fuite urinaire survient lorsque les forces matière d’incontinence à l’effort, le but de l’examen urodynamique est de dépis-
d’expulsion résultant de la poussée abdomi- ter l’insuffisance sphinctérienne qui a une signification très péjorative quant à
nale ou de la contraction détrusorienne, l’efficacité de la chirurgie.
débordent les forces de retenue exercées par
l’urètre. Celles-ci sont actives (le tonus des
sphincters lisse et strié renforcé, occasion- Incontinence urinaire chez l’enfant
nellement, par sa contraction volontaire) et
passives (les forces d’obstruction qui carac- Chez l’enfant, l’incontinence urinaire est essentiellement un retard d’acquisition
térisent la résistance urétrale, telles qu’un des mécanismes de continence, ce qui veut dire qu’elle disparaîtra le plus sou-
prolapsus par exemple).
vent spontanément. Elle peut s’exprimer sous la forme d’une énurésie ou d’une
immaturité vésicale.
1. Interrogatoire
• L’interrogatoire de l’enfant et de ses parents précise la nature des symptômes,
qui permet, en général, de distinguer l’énurésie et l’immaturité vésicale :
– l’énurésie caractérise uniquement les mictions involontaires pendant le som-
meil, qui peuvent se produire plus ou moins souvent dans la semaine. On oppose
habituellement l’énurésie primaire qui a toujours existé, à l’énurésie secondaire
où l’enfant a pu être propre pendant au moins 6 mois consécutifs ;
– l’immaturité vésicale est caractérisée par des besoins fréquents et impérieux
qui obligent l’enfant à se retenir désespérément en serrant les genoux, les poings
enfoncés sous le pubis, ou en s’accroupissant (squatting). À l’école il ne peut
attendre la récréation, et quand il ne dispose pas d’une maîtresse compréhen-
sive, il revient le soir avec la culotte mouillée. Le plus souvent, mais non constam-
ment, est associée une énurésie.
• Ce temps de l’interrogatoire est aussi un temps d’observation. Avec l’enfant
il est préférable de ne pas aborder d’emblée son problème, mais bavarder avec
lui pour le mettre en confiance, ce qui permettra de noter un retard de langage,
une succion du pouce, des tics, des phobies, un rejet de l’école… On lui demande
ensuite s’il sait la raison de sa visite et s’il est d’accord pour coopérer. Aux
2 parents il faut demander des précisions sur la nature des fuites urinaires, l’évo-
Manœuvre des valves. Le spéculum
est démonté pour ne conserver qu’une lution et les traitements suivis, les antécédents familiaux d’énurésie… Il faut
seule valve qui, pendant un effort de pous- s’informer sur d’éventuels épisodes d’infection urinaire, souvent associés au
sée, maintient successivement la paroi tableau d’immaturité vésicale.
vaginale antérieure puis postérieure, per-
mettant ainsi de bien analyser les élé-
2. Examen clinique
ments d’un prolapsus ou de démasquer • L’examen clinique est avant tout un examen urologique standard (palper les
une incontinence potentielle, comme c’est reins et l’hypogastre, rechercher un phimosis et une ectopie testiculaire sans rap-
le cas sur ce schéma. port avec l’énurésie).

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 3


1997, 47
I N C O N T I N E N C E U R I N A I R E D E L ’ A D U LT E

• Il est intéressant, lorsque cela est possible, d’assister à une miction : la pos-
Chez l’homme, sibilité d’uriner sur commande, avec un bon jet non seulement rassure sur une
l’incontinence éventuelle dysurie, mais permet d’affirmer l’intégrité du contrôle neurologique
est le plus souvent de la miction.
• Il faut, en outre, examiner les pieds et la région sacrée à la recherche de pieds
iatrogénique creux ou plats, d’une fossette coccygienne ou d’une touffe de poils traduisant
• Après chirurgie de la prostate, la fréquence une malformation du cône terminal.
de l’incontinence définitive est évaluée à 1 %
après RTU ou énucléation d’un adénome, 3. Examens complémentaires
5 % après prostatectomie radicale pour can- Au terme de l’interrogatoire et de l’examen clinique, le diagnostic est générale-
cer. L’étendue de l’exérèse explique cette
différence de fréquence : après adénomec-
ment fortement orienté. La suite des explorations va en dépendre :
tomie, la loge se rétracte plus ou moins com- • s’il s’agit d’une énurésie simple, sans troubles fonctionnels dans la journée,
plètement et s’épithélialise en 2 à 3 mois ; sans infections urinaires, sans dysurie, il n’y a aucune raison de prescrire des
mais le nouveau col vésical reste béant et la examens complémentaires ;
continence est confiée au sphincter strié, • s’il s’agit d’une immaturité vésicale, associant des troubles fonctionnels diurnes
habituellement respecté car protégé par la
coque prostatique, dont la sclérose peut, tou- et souvent une énurésie, le bilan peut être complété par une échographie rénale,
tefois, infiltrer le sphincter et l’empêcher éventuellement une cystographie s’il existe des antécédents d’infection urinaire
d’agir. Après prostatectomie radicale, enle- fébrile. Elle peut montrer un petit reflux stade 1 qui a toute chance de disparaître
vant toute la prostate, il n’y a pas d’épithé- avec le traitement de l’immaturité vésicale ;
lialisation de la loge mais une cicatrisation
de l’anastomose vésico-urétrale qui peut
• des symptômes insolites peuvent révéler une pathologie malformative ou un
d’ailleurs se faire avec un certain degré de dysfonctionnement plus complexe. Une incontinence à l’effort ou un écoule-
fibrose. Le sphincter strié est beaucoup plus ment permanent, indépendant de tout effort et de tout besoin, une constipation
directement menacé. Dans les deux cas, le ou une encoprésie, une dysurie avec un jet faible ou saccadé, un globe vésical,
traumatisme porte sur la portion « para-uré- sont des symptômes inhabituels, de même que la constatation à l’examen cli-
trale » du sphincter strié, qui, normalement
contribue à la continence passive, en main- nique d’une émission d’urine à la pression de l’hypogastre, d’une anomalie cuta-
tenant une contraction tonique. La portion née de la base du dos, d’un signe neurologique… Les pathologies en cause peu-
« péri-urétrale », dépendante des releveurs, vent être malformatives (abouchement ectopique d’un uretère, épispade
qui intervient dans la contraction volontaire, incontinent, valves urétrales, hypospade féminin) ou fonctionnelles (neuro-ves-
est généralement respectée, ce qui explique
qu’une incontinence d’effort majeure soit
sies congénitales par malformation vertébro-médullaire ou neuro-vessies non
compatible avec la possibilité de retenir un neurogènes). Il est évident que la suite à donner à ce premier examen clinique
besoin ou d’interrompre le jet en cours. Le dépend de l’orientation diagnostique. Dans le cas particulier des troubles fonc-
bilan retrouve le plus souvent une hypoto- tionnels, l’imagerie en résonance magnétique (IRM) du cône terminal est actuel-
nie sphinctérienne. Le traitement fait appel lement l’examen le plus performant pour rechercher une lésion des racines et de
à la rééducation et à la chirurgie, essentiel-
lement l’implantation d’un sphincter artifi- la moelle terminale.
ciel. Sauf instabilité vésicale manifeste, il
n’y a pas place pour les traitements phar- Incontinence urinaires chez l’homme
macologiques. En dehors des affections neurologiques, et des séquelles post-chirurgicales, l’in-
• Après une cystectomie totale avec rempla-
cement par une néo-vessie intestinale ana-
continence est rare chez l’homme qui l’accepte psychologiquement très mal.
stomosée à l’urètre chez l’homme, on estime Elle peut se présenter comme une incontinence par regorgement ou une incon-
à 5 et 50 % respectivement la prévalence de tinence post-mictionnelle.
l’incontinence urinaire diurne et nocturne. • L’incontinence par regorgement réalise un écoulement d’abord nocturne avant
En effet le mécanisme des fuites n’est pas d’être permanent. Le diagnostic repose sur la constatation d’un globe vésical
tant une insuffisance sphinctérienne (dont
l’incidence est comparable à celle qu’on chronique, parfois associé à une distension du haut appareil urinaire. Le bilan
observe après prostatectomie radicale), que est celui d’une dysurie.
l’activité propre de l’anse intestinale dont • L’incontinence postmictionnelle se traduit par l’émission, après la miction, de
les contractions peuvent développer régu- quelques millilitres d’urine mouillant le slip. L’écoulement peut se produire
lièrement des pressions supérieures à 50 cm
d’eau. La détubulisation de l’intestin, en
goutte à goutte (dribbling) ou en jet. L’accumulation d’urine dans un diverticule
transformant un conduit en une sphère, dimi- urétral ou en amont d’une sténose de l’urètre, est un mécanisme facile à com-
nue significativement l’amplitude de ces prendre et à objectiver par une urétrographie rétrograde et mictionnelle. Le méca-
contractions, et la fréquence de l’inconti- nisme des gouttes retardataires chez le prostatique non opéré est moins clair ; on
nence. Les anticholinergiques et surtout l’ac- évoque une distension de l’urètre bulbaire sous l’effet de l’accélération du jet au
quisition d’un nouveau rythme de sommeil
avec 2 ou 3 réveils pour vider la vessie, résu- passage de la filière prostatique « effet jet ».
ment le traitement.
Incontinences des vessies neurologiques
Ces incontinences qu’on observe à tout âge et dans les deux sexes, relèvent de
mécanismes physiopathologiques variables selon le niveau lésionnel. Les pro-
blèmes diagnostiques sont bien particuliers. La plupart du temps, l’affection neu-
rologique est connue et le problème du clinicien se résume à expertiser l’équi-
libre vésico-sphinctérien, pour dégager les facteurs de pronostic et les indications
thérapeutiques.

4 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris)


1997, 47
Néphrologie - Urologie

Il peut arriver que l’incontinence soit la première manifestation d’une patholo-


Incontinence urinaire gie neurologique. Quels sont les arguments cliniques et paracliniques permet-
et prolapsus : tant de rattacher ce symptôme à sa cause ?
des rapports ambigus 1. Interrogatoire
Une croyance populaire tenace accrédite Il n’y a pas de symptôme fonctionnel spécifique d’un dysfonctionnement neu-
l’idée que l’incontinence urinaire serait la
conséquence du prolapsus. Beaucoup de rologique. On peut voir tous les types d’incontinence, de pollakiurie, d’impé-
femmes perdant leurs urines consultent pour riosité, de dysurie… Seules sont évocatrices :
« une descente d’organe ». Il n’y a aucune
relation physiopathologique, si ce n’est le – la disparition du besoin d’uriner, rarement avouée spontanément, car le patient
fait que les deux affections coexistent car n’y prête pas attention ;
elles relèvent des mêmes causes chez la – la coexistence de troubles urinaires, sexuels ou rectaux.
femme âgée. Par contre, il est fréquent qu’un
prolapsus, par son « effet pelote » vienne Chez la femme jeune qui commence une sclérose en plaque, l’association d’une
masquer une incontinence. Il est donc impériosité mictionnelle (avec ou sans fuite) et d’un blocage mictionnel est assez
important au cours de l’examen de toute suggestive.
femme incontinente, de rechercher attenti-
vement les éléments, souvent associés d’un 2. Examen clinique
prolapsus : cystocèle (1), hystérocèle (2),
élytrocèle (3), rectocèle (4). L’examen clinique recherche un syndrome de la queue de cheval ou un syndrome
pyramidal, par l’étude de la sensibilité péri-anale et des réflexes du cône termi-
nal : achilléen (S1), médio-plantaire (S2), bulbo-caverneux (S3), anal (S4).
3. Examens complémentaires
• En dehors de ceux destinés à reconnaître l’affection neurologique (que nous
ne décrirons pas ici), les examens urodynamiques, indispensables pour l’exper-
tise de l’équilibre vésico-sphinctérien, sont de peu d’intérêt pour reconnaître
l’origine neurologique d’une incontinence. Il n’y a pas de tracés cystomanomé-
triques pathognomoniques, mais seulement évocateurs d’une atteinte neurolo-
gique:
– une vessie acontractile ou animée de petites contractions autonomes ;
– un défaut d’observance (exceptionnel en dehors d’un contexte neurologique) ;
Points Forts – une hypercontractilité faite de contractions non seulement amples, mais anor-
à retenir malement prolongées.
● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● • Le test à l’urécholine de Lapides permet de dépister une hypersensibilité de
dénervation. Il consiste à comparer deux cystomanométries réalisées avant et
• En matière d’incontinence après une injection sous-cutanée de bétanéchol (Urécholine) : une augmentation
urinaire, la démarche de la pression vésicale de plus de 20 cm d’eau à 100 mL est très évocatrice d’une
diagnostique dépend dénervation. ■
du contexte, notamment
de l’âge et du sexe.
• Chez la femme, l’incontinence
urinaire à l’effort est la forme
la plus habituelle
d’incontinence.
L’interrogatoire et l’examen
clinique suffisent
à la reconnaître et à déjouer
les pièges de l’incontinence
par impériosité et de la fistule
uro-génitale.
• Chez l’enfant, l’incontinence
urinaire se résume à l’énurésie
et à l’immaturité vésicale, dont
le diagnostic repose, là aussi,
sur des aguments cliniques.
• Chez l’homme, l’incontinence
est exceptionnelle en dehors
des affections neurologiques,
des séquelles de la prostatectomie
et de l’entérocystoplastie.
• L’incontinence fait partie
du tableau habituel
des dysfonctionnements
vésico-sphinctériens
neurologiques.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 5


1997, 47

Vous aimerez peut-être aussi