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Institut de Documentation et de

Recherche sur la Paix

Les cahiers
de l’IDRP
mars 2010

* L 'A friq u e , e n je u s tra té g iq u e


par P ierre-P aul D ik a, K arim J obrane, R aphaël P orteilla, M ic hel R ogals k i

* D é fis à la p a ix a u P ro c h e -O rie n t
par H as s ane B alawi, M ajed B am y a, J ac ques F ath,P atric e J orland

ID R P - 4 p la ce d es B o u lea u x - 9 4 2 00 Ivry-sur-Seine- http://w w w.institutidrp.org


Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

La politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud :

les dilemmes de l’après Mbeki


Pierre-Paul Dika, docteur en droit public
Raphaël Porteilla, maître de conférences en sciences politiques,
CREDESPO (Université de Bourgogne)

Depuis les premières élections démocratiques en avril 1994, la


nouvelle Afrique du Sud ne s’est pas départie de son ambition de
jouer un rôle majeur sur la scène internationale et continentale, ce
qu’elle semble avoir accompli dans certains cas. Toutefois, la crise
politique interne à l’ANC fin 2007 amène à s’interroger sur les
priorités de cette « puissance utile au continent noir », qui est de
plus en plus contrariée. Si la mission morale consistant à « être le
premier représentant des peuples africains au-delà des frontières de
l’Afrique du Sud », a été réaffirmée par l’ANC, il n’en reste pas moins
que la politique étrangère demeure caractérisée par un certain
nombre de dilemmes qui constitueront aussi les axes prioritaires du
futur Président sud-africain, Jacob Zuma.

Depuis les premières élections démocratiques en avril 1994, la nouvelle


Afrique du Sud ne s’est pas départie de son ambition de jouer un rôle
majeur sur la scène internationale et continentale. En s’appuyant sur la
rhétorique de la renaissance africaine conceptualisée par T. Mbeki en
1999, ce pays s’est engagé à promouvoir « la paix la prospérité, la
démocratie, le développement durable, le leadership progressiste et la
bonne gouvernance » 1, reflétant ainsi la volonté de transformer l’Afrique
sur le plan économique (Nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique–NEPAD et restructuration de la SADC), tout en instaurant la
démocratie, avec le lancement de l’Union africaine à Durban en 2002, à
travers l’idée essentielle « qu’au-delà des différences raciales, l’harmonie
politique est atteignable par la négociation et le compromis » 2.
L’implication de Nelson Mandela, puis de son successeur, T. Mbeki, dans
la résolution de divers conflits (Congo, Burundi, Côte d’Ivoire, Soudan) 3,
constitue un parfait exemple de cette diplomatie douce. Mais bien que
cette diplomatie de la paix ou « libérale », qui a conduit notamment à
soutenir la dénucléarisation du continent africain en ratifiant le traité de
1 Gevisser, M., The Dream Deferred : Thabo Mbeki, Johannesburg, Jonathan Bell Publishers, 2007, p. 587.
2 South Africa at a Glance 2008-2009, Editions Inc, Greenside, 2008, p. 28.
3 Lire notamment Dika P-P., « L’Afrique dans la politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud », Recherches
internationales, n° 78, 4-2006, pp. 115-136.

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Pelindaba en 1996, et qui peut être définie « comme une politique


humanitariste qui vise la prévention et la résolution des conflits en vue de
créer un environnement favorable pour que les forces du marché puissent
fonctionner efficacement 4», ait connu un certain nombre de succès
(Grands Lacs, République du Congo, Burundi), elle a également reçu un
écho beaucoup plus mitigé (contexte zimbabwéen, crise du Darfour ou
Kenya), relativisant alors les postures morales initiales.
Toutefois, la crise politique interne à l’ANC (African National Congres)
consacrée par le congrès de Polokwane en décembre 2007 5, conduisant à
la démission de T. Mbeki et à son remplacement par K. Motlanthe le 25
septembre 2008 dans un climat politique tendu, ainsi que les inflexions
enregistrées dans la conduite de la politique étrangère depuis le début
des années 2000, amènent à s’interroger sur les priorités de cette
« puissance utile au continent noir 6 », qui est de plus en plus contrariée.
Dans ce contexte spécifique, si la mission morale consistant à « unifier et
être le premier représentant des peuples africains au-delà des frontières
de l’Afrique du Sud », a été réaffirmée par l’ANC lors de la conférence de
Polokwane, il n’en reste pas moins que la politique étrangère demeure
caractérisée par un certain nombre de dilemmes qui constitueront aussi
les axes prioritaires du futur Président sud-africain, Jacob Zuma élu le 6
mai 2009, tant au niveau régional, continental qu’international.

Diplomatie économique ou sous-impérialisme?

Ce pays a pris une place non négligeable dans les rapports économiques
mondiaux à la faveur de la reconversion de son appareil productif et de la
libéralisation des échanges qui ont favorisé son intégration dans
l’économie mondiale. Avec un PNB qui représente 45 % de celui des pays
d’Afrique subsaharienne et un PIB constituant à lui seul 75 % du total des
pays de la SADC 7, la puissance financière de l’Afrique du Sud (et celle
des compagnies minières) exprime l’ambition de se maintenir en tant que
puissance régionale et continentale, mais également celle de conserver
un rôle de conciliateur, en dépit des difficultés et des évolutions.
Dans cette perspective, la conférence de Polokwane a ajouté un volet
économique au projet de Renaissance africaine en tendant vers une
diplomatie économique. En effet, cette tendance doit se comprendre
comme une (ré)orientation stratégique afin de tenter de tirer les
dividendes de la paix à laquelle l’Afrique du Sud à contribuer dans maints
endroits du continent. Dans la continuité de l’ère Mandela et Mbeki, trois
domaines seront privilégiés : la consolidation de l’agenda africain de

4 Kagwanja P. and Kondlo K. (ed.), State of Nation 2008, HSRC Press, Cape Town, 2009, p. xxxix.
5 ANC 52nd National Conference 2007 Resolutions, Polokwane, South Africa 16-20 december 2007.
6 Dika P-P., Les fondements de la politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud; acteurs facteurs et instruments,
L’Harmattan, Paris, septembre 2008 et La nouvelle Afrique du Sud face à la mondialisation: les défis globaux d’une
puissance africaine, L’Harmattan, Paris, novembre 2008.
7 Communauté de développement de l’Afrique australe, composée de 14 pays.

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l’Afrique du Sud ; la coopération Sud-Sud et la coopération Nord-Sud.


Toutefois, de notables différences de style et d’approche sont à noter
dans la mesure où les priorités sont dorénavant définies en référence aux
propres intérêts économiques sud-africains.
L’ANC a, de ce point de vue, totalement endossé l’idée tendant à assurer
une assistance et un soutien aux entreprises sud-africaines dans la
conquête de parts de marché. Les entreprises sud-africaines sont
présentes depuis 2003 dans 33 pays africains. Sur les cinquante
compagnies africaines implantées dans d’autres pays en voie de
développement, les sept premières sont sud-africaines et dans de
nombreux domaines : la papeterie avec Sappi, la pétrochimie avec Sasol,
les télécommunications avec MTN, la brasserie avec SAB Mille (qui est
aussi la 2ème mondiale), l’extraction minière avec l’Anglogold et dans le
secteur bancaire avec le géant Standard Bank, première banque africaine
présente dans 18 pays africains mais aussi en Russie avec 30% du capital
de Troika Diago et en Chine, à la faveur de son partenariat avec
Industrial Commercial Bank of China dont il détient 20 % du capital
depuis 1997. En outre, les entreprises sud-africaines sont aussi
concernées par le commerce en Afrique subsaharienne, notamment vers
les pays francophones, dans des domaines stratégiques tels que les
infrastructures routières (50% de Camrail), l’emballage, les
supermarchés, l’alimentaire (le géant Tiger Brand United a acquis fin
2008, 75 % de Chococam, le fleuron camerounais), l’hôtellerie, la
téléphonie mobile, les secteurs minier et aurifère (un très fort intérêt
pour le site pétrolier de Graben Albertine en RDC), le BTP, la restauration
rapide ou encore l’électricité avec ESKOM, ancienne entreprise publique
pour partie privatisée dans les années 90 mais qui dépend toujours de
l'État sud-africain, et qui ambitionne de contrôler des ressources
énergétiques et hydrauliques de la sous-région ; la construction prévue
en 2009 du troisième barrage hydroélectrique du site d’Inga dans le bas
Congo pourrait alimenter en électricité toute l’Afrique australe d’ici 202
8
.
Cette perspective ne va pas sans poser de nombreuses questions. Afin de
limiter les critiques répétées « de sous-impérialisme ou impérialisme
régional » 9 rappelant les sombres heures de l’apartheid, l’Afrique du Sud
s’est engagée dans la création de partenariats sensés être équitables en
encourageant le commerce intra-africain et la réduction des barrières
douanières ; le NEPAD, dont le libéralisme économique suscite des
interrogations, servant de cadre général. Ce plan de relance économique
et libéral africain est d’ailleurs souvent perçu comme visant à légitimer la
politique économique sud-africaine engagée depuis 1996 et connue sous
l’acronyme GEAR (Growth, Employment and Redistribution), à tel point
que certains parlent de GEAR continental. De la sorte, et pour faire taire
cette tendance ainsi que l’approche parfois prédatrice du monde des
affaires sud-africains, un code de bonne conduite des entreprises a été
8 Les Afriques, Le journal de la Finance africaine, 24/03/09 et 20/04/09 et Jeune Afrique, 10/09/08.
9 State of The Nation 2008, op. cit.

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envisagé afin de lutter contre le travail des enfants, la corruption et


l’exploitation.
Dans un autre registre, l’Institut de la Renaissance Africaine fondé en
2001 et l’Institut Africain d’Afrique du Sud (AISA) ont constitué le
support institutionnel d’une politique africaine ambitieuse. Conjugué au
fonds pour la Coopération internationale de la renaissance africaine, créé
le 22 janvier 2001, l’Afrique du Sud s’est doté d’un véritable instrument
de politique étrangère à destination de l’Afrique en consolidant de
manière pragmatique, la coopération avec les autres pays africains en
faveur de la promotion de la démocratie, de la « bonne gouvernance », de
la prévention et l’éradication des conflits, du développement
socioéconomique, de l’intégration, de l’assistance humanitaire et des
ressources humaines 10. Ce fonds, doté en 2008/2009 de 46 millions de
dollars 11, matérialise cet engagement qui a reçu une concrétisation
importante à travers la douzaine de projets (six seulement en 2005-2006)
allant de l’assistance humanitaire, à la tenue d’élections ou à l’aide
économique en passant par le soutien à la démocratie 12 ; l’augmentation
constante de la dotation financière de ce fonds semblant augurer de la
pérennité de cette initiative.
En outre, l’Afrique du Sud a aussi investi le volet culturel. A l’occasion
d’une visite du Président Mbeki au Mali en novembre 2001, lui ont été
présentés les manuscrits de Tombouctou. Constatant l’état dans lequel ils
se trouvaient, le chef de l'État sud-africain a décidé d’apporter sa
contribution à la préservation de ces derniers et s’est engagé à construire
la nouvelle bibliothèque de sorte que ces documents, d’une valeur
inestimable, puissent être conservés dans un endroit approprié. La
restauration de ces manuscrits a été déclarée priorité présidentielle en
Afrique du Sud et l’institut d'Études Supérieures et de Recherches
Islamiques a inauguré le 24 janvier 2009, en présence de K. Motlanthe (et
de T. Mbeki) la nouvelle bibliothèque, l’Institut Ahmed Baba, prouvant la
volonté de ce pays d’être un partenaire privilégié des pays africains, au
risque d’apparaître parfois trop hégémonique.
Enfin, le renforcement des institutions pan-africaines a aussi constitué un
fil directeur de la politique régionale de T. Mbeki. Le poids de l’Afrique du
Sud en Afrique australe en a fait logiquement le principal vecteur de la
revitalisation et de la dynamisation de la SADC. Réintégrant
l’organisation dès 1994, l’Afrique du Sud n’a eu de cesse d’en améliorer
10 DFA Annual Report 2007-08, African Renaissance and International Cooperation Fund, DFA, Pretoria, 3 March
2008, p .2.
11 DFA Annual Report, idem.
12 Par exemple, l’assistance humanitaire au Sahara occidental (22 millions de Rands), l’assistance à la tenue
d’élections aux Comores (31,6 millions), l’aide au gouvernement de la RDC (81,25 millions), le consortium africain
pour la recherche économique basé au Kenya (2,1 millions), l’assistance technique et les fonds pour la production de
riz au gouvernement guinéen (172,32 millions), l’organisation panafricaine des femmes (11,75 millions),
l’assistance à l’organisation du sommet des chefs d'État et du gouvernement du Commonwealth en Ouganda (10
millions), la lutte contre le trafic de drogue en Guinée-Bissau (1 million), l’Ecole du Leadership O.T.TAMBO en
Ouganda (14 millions) et le processus de paix burundais (bureau du facilitateur, 8,5 millions). DFA Annual Report,
id., p. 2-4.

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le fonctionnement et les compétences 13. Mais aussi bien la révision


institutionnelle de 2001, consacrant une direction tripartite, composée du
Chef de l'État assurant la présidence (actuellement la RSA), son
prédécesseur et son successeur, que l’intégration de l’Organe Politique de
Défense et de Sécurité (OPDS) 14 visant à doter la SADC d’un organisme
chargé de conduire et de gérer des actions de diplomatie préventive,
n’ont pas convaincu de leur efficacité, comme par exemple lors de la crise
à Madagascar le 18 mars 2009. Plus encore, de nombreuses critiques se
sont élevées contre l’approche trop personnelle de T. Mbeki, sorte de
« présidence impériale » mal vécue par les autres pays de la région.
D’ailleurs, si l’Afrique du Sud demeure fidèle à ses idéaux, elle a
également pris conscience que son rôle de médiateur ne pouvait plus
suffire à affirmer sa puissance et T. Mbeki a progressivement accepté
d’engager le South African National Defense sur des théâtres extérieurs
dans le cadre d’opérations de maintien de la paix des Nations Unies : en
2008, 1900 soldats sud-africains participaient à de telles missions. Cette
orientation, s’est confirmée avec la modernisation des forces armées sud-
africaines et un budget de la défense, en augmentation de 40 % depuis
2000, qui est tout simplement devenu le premier budget militaire du
continent noir 15.
Cette influence grandissante a suscité des oppositions aussi bien dans la
région australe comme l’Angola, puissance pétrolière et économique
émergente, que dans le reste du continent (Nigeria, Algérie, Sénégal), en
particulier au sujet des instances continentales laissées quelque peu en
jachère telles que le Conseil Économique et Social de l’Union Africaine,
l’Organisation pan-Africaine des femmes ou plus globalement le
Gouvernement de l’Union Africaine.

Diplomatie « paisible » et solidarité africaine

La crise zimbabwéenne a sans doute été le révélateur le plus pertinent


des positions africaines de l’administration Mbeki, jugées négativement
(par les occidentaux) dans le sens où il n’a pas réussi à choisir entre, d’un
côté, la solidarité avec les mouvements de libération nationale et de
l’autre, la défense des droits et libertés fondamentaux, fondements de la
nouvelle Afrique du Sud. Pourtant, ce pays, soutenu par la nouvelle
administration américaine 16 et mandaté par la SADC, n’a pas ménagé ses
efforts afin de parvenir à une solution politique : la constitution d’un
gouvernement d’union nationale avec M. Tvangirai comme Premier
ministre depuis le 11 février 2009, concrétisant la doctrine sud-africaine

13 Voir Samir A., Afrique, Exclusion programmée ou renaissance ?, Maisonneuve et Larose, Paris, 2005, p. 213 et s.
14 Voir Ngoma N., « SADC towards a Security Community ? », African Security Review , vol. 12, n° 3, 2003, p. 18-
28. Et aussi Zacarias A., “Redefining Security”, in Baregu M. and Landsberg C. (ed.), From Cape to Congo
Southern Africa’s Evolving Security Challenges, Lynne Rienner Publisher, Boulder, Colorado, 2003, p. 31-49.
15 Lafargue F., « Afrique du Sud, Une démocratie entre amertume et espoirs », Questions internationales, n° 35,
janvier-février 2009, p. 109.
16 Mail and Guardianonline, “Obama presses South Africa on Zimbabwe », http://www.mg.co.za/article/2009-01-29.

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de résolution politique des conflits. Mais si ce résultat ne parvient pas à


lever toute ambiguïté, du moins pour les occidentaux, la logique est sans
doute plus claire du côté sud-africain, au moins pour trois raisons.
En premier lieu, la mansuétude de Mbeki à l’égard du régime de Mugabe
se comprend au regard du soutien de ce dernier lors de la lutte de l’ANC
contre l’apartheid, qui s’est matérialisée en particulier par l’opposition de
l’Afrique du Sud à une résolution du Conseil de Sécurité des Nations-
Unies imposant des sanctions à l’encontre de ce pays en 2008. En outre,
le 20 février 2009, le Premier ministre zimbabwéen a été reçu par le chef
de l'État sud-africain, à l’occasion de la première visite à l’étranger du
chef du Gouvernement d’union nationale, qui s’est déclaré disposé à aider
le Zimbabwe à reconstruire son économie, prévoyant une assistance
d’urgence de 30 millions de dollars, notamment sur le plan humanitaire
et l’achat de semences pour relancer l’agriculture 17.
En second lieu, participer à la reconstruction de ce pays en renforçant les
liens économiques, représente pour l’Afrique du Sud un moyen de limiter
l’immigration des zimbabwéens, qui a souvent été mal acceptée par les
Sud-africains, eux-mêmes confrontés à une situation socio-économique
détériorée, comme les violentes émeutes de mai 2008 ont pu le révéler.
Toutefois, si ces fortes tensions ont ébranlé sérieusement les relations
avec ce pays mais aussi avec le reste de l’Afrique, spécialement les pays
d’origine de certains immigré, affectant en retour la crédibilité du
discours relatif à la Renaissance africaine ainsi que le leadership sud-
africain sur le continent, une volonté d’apaisement s’est concrétisée
récemment en permettant l’exemption de visa pour les Zimbabwéens
pour tout séjour inférieur à 90 jours en Afrique du Sud 18.
Enfin, si l’adoption par le Zimbabwe de la monnaie sud-africaine, le Rand
(tout en gardant le dollar zimbabwéen), laquelle sert également de
monnaie commune aux pays de la SACU 19, marque le renforcement des
liens économiques depuis quelques mois 20, elle signe surtout l’arrimage
du Zimbabwe à l’économie régionale sous la houlette/tutelle de la RSA,
qui en est le premier partenaire commercial. Le risque de « randifier »
l’économie du pays est perceptible d’autant que depuis le début de
l’année 2008 les exportations sud-africaines à destination de ce pays
n’ont cessé de croître.
Réintégrer le Zimbabwe en tant que partenaire (mais aussi de marché
potentiel) témoigne d’une réelle volonté politique de solidarité qui
s’inscrit dans les intentions de l’ANC élaborées à la conférence de
Polokwane, visant à intensifier les relations avec les anciens mouvements
de libération afin de bâtir « une vision politique entre tous les partis

17 Ditaba, Bulletin mensuel de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, mars 2009, p. 4.


18 Ditaba, Bulletin mensuel de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, mai 2009, p. 4.
19 South African Custom Union, la plus ancienne union douanière d’Afrique, fondée en 1915 et composée outre de
l’Afrique du Sud, des pays BNLS (Botswana, Namibie, Lesotho et Swaziland).
20 Le 16 mars 2009, s’est tenue à Victoria Falls, une réunion de la commission permanente de coopération entre la
RSA et le Zimbabwe visant à consolider les relations politiques, économiques et commerciales bilatérales.

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progressistes et animés par le même esprit de la région, du continent et


du monde » 21. Au-delà des pays de la ligne de front dans lesquels Jacob
Zuma s’est rendu depuis janvier 2008, l’ANC a manifesté sa solidarité
avec le peuple du Sahara occidental, mais aussi avec d’autres anciens
soutiens de l’époque du combat contre l’apartheid (Libye et Cuba par
exemple). Plus encore, membre du Mouvement des Non-Alignés, Pretoria
incarne toujours la lutte des peuples africains pour leur émancipation et
leur indépendance et n’hésite pas, le cas échéant, à critiquer la politique
étrangère des pays occidentaux (en particulier dans le cadre du conflit
Israël/Palestine) ou à dénoncer les abus des entreprise multinationales,
notamment pharmaceutiques, accusées de pratiquer des prix prohibitifs,
même si des ambiguïtés très fortes ont pu être observées dans les
discours de T. Mbeki et de sa ministre de la santé à propos du SIDA.
Toutefois, cette ligne de conduite, bien que parfois critiquée, a été
poursuivie et reprise par le Président sud-africain de transition,
K. Motlanthe, dans un langage plus conventionnel, le 25 septembre
2008 : « Nous sommes également ici pour assurer le continent et le
monde entier que notre gouvernement continuera à respecter ses
obligations internationales. Nous continuerons à jouer un rôle positif au
sein des institutions et des forums internationaux. Nous continuerons
aussi à apporter toute notre aide possible dans la quête de la paix, de la
sécurité, de la démocratie et du développement en Afrique ». Cette
tendance a été confirmée lors de son discours sur l’état de la nation au
Parlement le 6 février 2009, en précisant que « lentement mais sûrement,
notre continent avance vers sa renaissance. Tout en affirmant son
espérance et sa résilience sur la scène internationale » 22 ; ambition que
devra bien appréhender le nouveau Président sud-africain, J. Zuma, ainsi
que le nouveau Ministère des Affaires étrangères, rebaptisé Ministère des
Relations Internationales et de la Coopération et dirigé par Mme Maite
Nkoana-Mashabane.

L’Afrique du Sud et les instances internationales

L’activisme global/international dont a fait preuve Mbeki depuis son


arrivée au pouvoir a sans doute été surdéterminé par la croyance que « le
front international était un des piliers de la lutte qui a mené à la défaite
de l’apartheid en 1994 et demeure un point de convergence dans la
création d’un monde meilleur » 23. Dans la lutte anti-apartheid, la
solidarité nationale, les droits humains et le régionalisme comme vecteur
d’équilibre des forces 24, ont constitué le fonds commun de cet activisme.
De telles valeurs ont toutefois trouvé des limites pendant la période où
21 52nd ANC Conference, Polo-neck, december 2007, op. cit.
22 Discours en français sur le site de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, http://www.afriquesud.net.
23 State of The Nation, 2008, op. cit., p. xli.
24 Peter KAGWANJA, « Cry Sovereignty : South Africa in the UN Security Council, 2007-2008 », in State of The
Nation, 2008, op. cit., pp. 275-302.

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l’Afrique du Sud a siégé en tant que membre non permanent du Conseil


de Sécurité des Nations Unies, entre janvier 2007 et décembre 2008. Si
l’ancien ministre des Affaires étrangères N. D. Zuma 25 a pu affirmer que
« dans ses interventions au cours de son mandat, l’Afrique du Sud a
cherché à créer un environnement dans lequel les parties puissent arriver
à la réconciliation par le dialogue » 26, il n’en reste pas moins que le rôle
de Mbeki dans la recherche pour son pays et l’Afrique, d’une réelle
marge de souveraineté à l’égard de l’Occident s’est principalement
caractérisée par son opposition à certaines résolutions du Conseil de
Sécurité à propos de violations des droits de l’homme au Zimbabwe, au
Belarus, à Cuba, en Corée du Nord et en Ouzbékistan. Ce positionnement
déconcertant, quoique tempéré par le vote d’une résolution (1803) en
avril 2008 renforçant les sanctions contre l’Iran, a surpris beaucoup de
monde car nombreux étaient ceux qui pensaient que Pretoria était un
allié naturel de l’Occident. D’autres se sont lamentés quand l’Afrique du
Sud a été la seule démocratie à voter contre des résolutions des Nations-
Unies condamnant le nettoyage ethnique au Myanmar et demandant à la
junte militaire de libérer les dissidents politiques comme Aung San Suu
Kyi. Visiblement agacé par cette attitude, le Washington Post n’a pas
hésité à caricaturer cette position en faisant entrer l’Afrique du Sud dans
une nouvelle catégorie de la politique étrangère : la « voyou-cratie –
rogue democracy » : «Comme la Russie ou la Chine, l’Afrique du Sud a
rendu les Nations-Unies impotentes. Comme l’Arabie Saoudite ou le
Soudan, elle a minoré le mouvement des droits humains. Certes, elle
demeure un exemple de liberté mais en dévaluant et sous-estimant celle
des autres. Elle est pourtant le produit d’une conscience dont elle n’a pas
su témoigner » 27.
Ces propos journalistiques excessifs ont toutefois été nuancés par le
discours officiel, beaucoup plus mesuré de Ban-Ki Moon, Secrétaire
général des Nations Unies, à l’occasion de son premier déplacement dans
le pays, le 24 février 2009, à Johannesburg : « l’Afrique du Sud est
aujourd’hui un important partenaire pour les Nations unies, en raison du
rôle majeur qu’elle joue dans l’avènement de la paix régionale et
internationale, dans les efforts de maintien et de renforcement de la
paix » 28. En écho, le Président sud-africain, K. Motlanthe, le 9 février
2009 lui répondait : « Aux cotés d’autres pays du Sud, nous continuerons
de soutenir la restructuration des Nations unies, du Fonds monétaire
international et d’autres institutions multilatérales, afin qu’elles
s’adaptent à une réalité mondiale en perpétuelle évolution et qu’elles
fonctionnent de façon démocratique équitable et transparente » 29.
Une telle attitude a toutefois eu pour conséquence de brouiller le rôle de

25 Ex-femme de J. Zuma, elle est en charge dans le nouveau gouvernement en date du 10 mai 2009, du Ministère de
l’Intérieur.
26 Ditaba, Bulletin de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, janvier 2009, p. 5.
27 Washington Post, 28 mai 2008.
28 Cité par Ditaba, mars 2009, op.cit., p. 2.
29 K. Motlanthe, op.cit., p. 19.

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ce pays au sein des Nations Unies à un moment où il est de plus en plus


question d’accorder un siège supplémentaire aux Pays du Sud,
notamment à l’Afrique. Depuis 2005, des projets de réformes du Conseil
de sécurité de l’ONU sont en discussion, et plusieurs scénarios ont ainsi
été envisagés, prévoyant selon les hypothèses un ou deux sièges
permanents avec ou sans droit de veto, mais dont au moins un serait
attribué au continent africain30. Trois pays africains sont en concurrence,
l'Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud, ce dernier étant sans doute le
mieux placé pour l’instant compte tenu de ses nombreux atouts, et de
l’activisme international déployé, bien que parfois mal perçu.
C’est d’ailleurs cet activisme, variablement apprécié, qui a été source de
tensions, avec d’autres dimensions, au moment de la conférence de
Polokwane fin 2007 et qui a attisé les critiques à l’endroit de T. Mbeki,
présenté comme « l’homme d’hier, indifférent à la cause qui a pourtant
fait se lever l’ANC elle-même ».31 Il convient cependant de relativiser car,
dans le domaine de la politique étrangère, les divergences entre T. Mbeki
et J. Zuma ne semblent pas si importantes, au regard notamment de la
perception de l’ordre mondial actuel. Leur convergence a d’ailleurs été
exprimée à Polokwane ; la déclaration finale estimant que « l’ordre global
actuel est caractérisé par une gouvernance mondiale faible liée à la
persistance d’un système d’exploitation socio-économique qui réglemente
le monde, lui-même dominé par une hyper-puissance… L’impérialisme a
muté en un système sophistiqué d’un monde globalisé, reposant souvent
sur la violence et l’agression dans sa recherche de l’exploitation des
ressources des pays en voie de développement et de ses impacts sur le
continent africain. Cette situation d’unipolarité engendre également des
conséquences multipolaires en termes de blocs géopolitiques parmi les
pays développés et en voie de développement ». L’ANC en a tiré la
conclusion que des mesures concrètes doivent être prises pour contrer
cette nouvelle hégémonie globale, « incluant le renforcement de ses
propres infrastructures idéologiques et de celles de toutes les autres
forces progressistes et ainsi développer un agenda commun avec pour
objectif la réalisation d’un monde juste et meilleur » 32.
Dans cette recherche d’alliances, qui ne repose pas toujours sur le
registre idéologique loin s’en faut, et aussi pour diversifier ses soutiens
africains parfois contrastés, Pretoria s’est naturellement tourné vers les
puissances émergentes comme la Chine mais également l’Inde et le Brésil
pour constituer l’IBSA, sorte de nouveau Mouvement des Non Alignés
afin de redresser « l’ambivalence du pouvoir global », c’est-à-dire un
excès de pouvoir américain. Le risque est toutefois de devoir composer
avec des partenaires/concurrents notamment dans le domaine
économique ; le pouvoir de pénétration de la Chine en Afrique n’étant
plus à démontrer. En outre, et malgré de nombreuses critiques du monde
30 «Un monde sûr : notre affaire à tous » publié par le Comité de sages
http://www.un.org.french/secureworld/panelmember.html.
31 State of The Nation, 2008, op. cit.
32 ANC 52nd Conference, op. cit.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

occidental, l’Afrique du Sud a toujours maintenu de bonnes relations avec


l’Union Européenne et les USA : 40 % de ses exportations sont à
destination de ces deux pays et le premier sommet UE-Afrique du Sud,
qui s’est tenu à Bordeaux en juillet 2008, témoigne de ces relations. De
même, le rapprochement avec les nations occidentales s’est concrétisé
lors du dernier G20 de Londres en avril 2009 auquel a participé pour la
première fois l’Afrique du Sud représentant, avec l'Éthiopie, le continent
africain.
Il demeure que, pour convaincre le reste du monde et l’Afrique, du rôle
cardinal que jouera l’Afrique du Sud en matière internationale,
l’organisation de la Coupe du Monde de football en juin-juillet 2010 (et
dès juin 2009, l’organisation de la Coupe des Confédérations) constitue
un test crucial. Au-delà de la dimension sportive et touristique qui est
acquise, et en dépit de difficultés fin 2007, les défis de ces deux
évènements portent sur la capacité de ce pays à allier sécurité et
organisation sans faille. Si la rénovation et la construction des stades
semblent être actés depuis quelques semaines 33, la question de la
sécurité est demeurée longtemps problématique. Tous les ministères ont
été priés de participer, chacun à leur niveau, à l’amélioration des
conditions de sécurité qu’il s’agisse des contrôles aux frontières ou des
contrôles dans les villes hébergeant les stades, tout en poursuivant la
lutte contre la corruption. Le déploiement de très nombreuses forces de
police, de réservistes et de l’armée sud-africaine (SANDF), dont la
décision a été approuvée par le Conseil des ministres le 15 avril dernier,
ont été de nature à rassurer tous les partenaires, notamment la FIFA très
sourcilleuse et exigeante. Début 2009, le Secrétaire général de la FIFA,
Jérôme Vackle, a même félicité les organisateurs pour leurs performances
et a éloigné définitivement toute idée de plan B visant à trouver un autre
pays d’accueil pour la Coupe du Monde.

Le bon déroulement de la Coupe des Confédérations puis de la Coupe du


Monde contribuera à porter un regard nouveau sur ce pays et sans doute
par ricochet sur le continent africain. Mais il reste que toutes les mesures
de contrôle et de sécurité, conjuguées au refus de délivrer un visa au
dalaï-lama, en avril 2009, sur pressions chinoises 34, peuvent aussi entrer
en contradiction avec l’image d’un pays ouvert et progressiste,
respectueux des droits et libertés fondamentaux 35. C’est déjà en quelque
sorte la question principale que doit résoudre la politique étrangère du
nouveau Président J. Zuma : comment tenir compte des leçons récentes et
dépasser les nombreux dilemmes en concrétisant le « renouveau
(sud-)africain autour des valeurs de coopération et de solidarité 36 et
remettre au cœur de cette politique les droits humains », comme il l’a

33 Mail and GuardianOnline, 2 mars 2009.


34 Toutefois, le nouveau gouvernement sud-africain a rapidement revu sa position et le lendemain de sa nomination, il
a fait savoir que le Dalaï-Lama serait reçu sans aucun problème.
35 Humanité, 30 mars 2009.
36 Mail and GuardianOnline, 9 mai 2009.

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appelé de ses vœux lors de son adresse à la Nation le 9 mai dernier à


l’occasion de sa prise de fonction.

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Les facteurs endogènes de l’effondrement de l'État


somalien
Karim Jobrane, Doctorant en relations internationales
Université Hassan II, Casablanca ( Maroc)

Il est possible de constater que la grande menace pour l’intégrité des


États ne vient pas uniquement de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur,
c’est ce qui explique la fréquence de nouveaux types de conflits : guerres
infra étatiques, conflits identitaires ou ethniques et ceux qui se déroulent
à l’intérieur des États dits défaillants ou effondrés.
La Somalie est l’illustration parfaite de l'État en déliquescence et un cas
d’école de l'État effondré ou défaillant. Autrement dit, le phénomène de
l’effondrement de l'État se banalise avec le cas somalien.
Depuis la chute du gouvernement de Siad Barré en 1991, la Somalie est
en proie au désordre et à l’anarchie, la grande partie du territoire
somalien est le théâtre d’affrontements sanglants entre bandes armées
rivales. La guerre civile qui a commencé avant l’effondrement du régime
de Barré n'est pas encore achevée.
Il est vrai que l’effondrement de l’appareil de l'État somalien en
décembre 1990 n’est que l’aboutissement d’un processus entamé depuis
plusieurs années. La connaissance de l’historique du conflit somalien
s’avère donc un élément précieux pour la compréhension de sa
dynamique conflictuelle.
Certes, l'État de guerre en Somalie obéit en réalité à un ensemble de
facteurs, de ce fait, il n’existe pas de facteur esseulé et déterminant pour
expliquer l’effondrement de l'État en Somalie. Ceci présuppose,
l’abandon de tout empressement pour une seule explication de peur de
sombrer dans le déterminisme.
On a sans doute raison de dire que les causes de l’effondrement de l'État
somalien sont toutes à la fois multiples et imbriquées. Il est important de
déterminer non seulement les causes profondes, latentes ou sous-
jacentes, mais aussi celles directes de l’effondrement de l'État somalien.
Parallèlement, l’alignement doit être porté sur un bon nombre de facteurs
qui se ramènent à la fragilité de l'État, la prédation du pouvoir et la
mauvaise gouvernance, la contestation armée et les dissensions entre
factions rivales.

La fragilité de l'État
Selon une idée très répandue « l'État en Afrique n’est pas tant le produit
des forces sociales en présence et/ou d’une demande nouvelle, qu'une

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

divine surprise imposée par l’extérieur. Il a été occupé par une élite
bureaucrate locale qui a repris la coquille laissée par le colonisateur. »37
Selon une certaine thèse, en Somalie « la société pré-coloniale était une
société sans État, ne disposant pas d’aucune hiérarchie institutionnalisée,
le principal mode de production fût le pastoralisme communautaire».38
En d’autres manière la société somalienne était une société "désétatisée"
et « désinstitutionnalisée » ne possédant ni structure étatique ni autorité
gouvernementale, vivant en pleine autarcie suivant les coutumes tribales
dans un univers segmentaire fermé.
Dire que l'État est un construit qui demeure étranger à la culture
somalienne parait comme relevant d’un parti pris académique sans
soubassement réel. Cette thèse demeure une hypothèse séduisante, mais
totalement dépourvue de réalité comme en témoignent les formes de
centralisation de pouvoir à l’époque pré-coloniale notamment le sultanat
de "Majeerten" et du "Dajuran" (16 Siècle) et celui du "Geldi" (fin du
18),39 attestant de manière incontestable l’existence des structures de
pouvoir bien avant l’établissement de l'État moderne en Somalie.
Le clanisme, ou plutôt son instrumentalisation, constitue un autre facteur
symbolisant cette fragilité de l'État, selon un certain auteur « le clanisme
somalien est la version générique de l’ethnicité ou du tribalisme, et c’est
lui que doit être imputé la responsabilité de la fragmentation culturelle et
les clivages dans la société somalienne ».40
Pour comprendre la politique somalienne, il est nécessaire de
comprendre le clanisme. On use généralement du « "Tribalisme" ou
"tribalisme politique" pour qualifier son utilisation politique par un
groupe dans sa lutte avec les autres groupes ».41 Sous cet aspect, le
tribalisme devient « un moyen d’accéder au pouvoir étatique qu’une
façon de s’en détourner ».42
Toutefois, nous ne nous voulons pas par là incriminer et diaboliser le
clanisme et lui imputer la dérive de la société et l'État somalien, ni même
l’innocenter et de lui retirer tous les chefs d’accusation. Le clanisme en
principe ne constitue pas une source de conflit, il ne procrée pas
nécessairement à l’embrasement conflictuel tout azimut. Mais la
politisation de l’identité clanique et la manipulation par l’élite à la fois
dirigeante et opposante du Jus Sanguinis est largement montrée du doigt
comme un facteur éminent de l’effondrement de l'État Il est avéré que cet
effondrement doit beaucoup de l’utilisation de l’élite somalienne des liens

37 Darbon, Dominique, « L'État prédateur», Politique Africaine, n°39, septembre 1990, p.44.
38 Samatar, Ismail, Destruction of state and society in Somalia: Beyond the tribal convention, Journal of Modern African Studies,
Volume 30, n°4, 1992, p.632.
39 Pour rendre compte de l’historicité des formes de centralisation de pouvoir en Somalie voir l’article de Djama, Marcel, «
Trajectoire du pouvoir en pays somali», Cahiers d'études africaines, Volume 37, Numéro 146, 1997, pp.403-428.
40 Adam, Hussein, Somalia: A terrible beauty being born in Collapsed States: The Disintegration and Restoration of Legitimate
Authority (sous la direction de Zartman, William), London, Lynne Rienner Publishers, 1995, p.70.
41 Lonsdale, John, « Ethnicité, morale et tribalisme politique », Politique Africaine, n°61, Mars 1996, p.100.
42 Ibid., p.102.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

de parenté dans leur quête du pouvoir.


Sous l’ancien régime « la politique clanique été devenue la pierre
angulaire de la stratégie déployée par S. Barré pour se maintenir au
pouvoir, en jouant un clan sur l’autre ».43 L’opposition suit Siad et utilise
elle aussi le lien du sang pour contrebalancer la triade des clans affiliés à
Syad Barré à savoir les Marehans, Dhulbahantes et Ogadens.
Ce n’est pas par un hasard que la manipulation du clanisme par les
leaders politiques des années 1980 et début 1990 à fini par un revirement
inouï avec la quasi dépendance de ces derniers vis-à-vis de la créature
qu’ils ont favorisé -un scénario à la Frankenstein.
Il s’agit bien ici de voir que le clanisme n’est pas un facteur de
l’effondrement de l'État en soi mais plutôt son instrumentalisation. La
manipulation de l’identité clanique a provoquée des effets boomerang
contrairement aux attentes initiales projetées par des leaders politiques.

Pouvoir prédateur et mauvaise gouvernance


Vraisemblablement l’effondrement de l'État en Somalie serait un fait
humain. Durant le « règne » de Syad Barré, la prédation était devenu
même un mode de gestion de l'État
Au temps de la dictature du S. Barré, « c’est un véritable « système
familial affairiste qui dirige l'État somalien. Ce système était formé de
plusieurs cercles plus ou moins proches du président et plus ou moins
travaillés par des rivalités internes, les grands bourgeois « Marehans »
qui, du statut de forgerons avaient accédés à celui du commerçants grâce
aux faveurs du régime, le cercle du RER ( celui de la famille élargie) et en
fin le cercle des intimes MASLA ( un de ces fils est commandant de la
garde présidentielle, son neveu chef de la police militaire, le général
Morgan son gendre et surtout son épouse khadija, surnommée
l’ impératrice ».44
Assez curieusement Siad Barré « se transforme en "big man"
hégémonique, à la fois admiré, craint et respecté ».45 Incontestablement
« la logique du "Big man" est la suivante ; il doit accumuler des
ressources dans une perspective de consolidation de son pouvoir et de sa
survie politique.46 Et très rapidement le régime devient de plus en plus
auto-centriste et vindicatif.
Dans la mesure où le régime de Barré montre son incapacité à garantir
les biens et services à ses « sujets » et son impuissance à canaliser
l’opposition, il recourt à la force et à la coercition pour se maintenir et
renforcer sa position.

43 Renders, Marleen, « Le Somaliland : Le clan essence du pouvoir, », Cahiers de l’Afrique, 4éme trimestre, n°4, 2003, p.37.
44 Vircoulon, T, « La crise somalienne » Afrique Contemporaine, n°177, 1er trimestre 1996, p.8.
45 Chabal, Patrick & Daloz, Jean-Pascal, L'Afrique est partie ! : Du désordre comme instrument politique, Paris, Economica, 1999,
p.27.
46 Médard, J-F, « L'État patrimonialisé », Politique Africaine, n°39, Septembre 1990, p.31.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

In fine, ce qui est parfaitement avéré et cela peut être perçu dans la fin
des années 1980, lorsque le régime de Barré terrorise son propre peuple
en bombardant le nord de Hargeisa au milieu de 1988, faisant à peu près
5000 morts. Pis encore prés de 50 à 60 000 morts pour les deux années
1988-1989. Plus au sud, le constat est identique, répression et violence
contre l’opposition et la société sont monnaie courante et cela peut être
visible lors de la sanglante répression des manifestations de 14 juillet
1989 à Mogadiscio (400 morts le 1er jour et le total d’au moins 1048) .
Il est vrai aussi que la mauvaise gestion économique et l’absence d’une
bonne gouvernance ont aussi joué « un rôle déterminant dans
l’effondrement de l'État en Somalie. Après l'abandon de l’expérience du
socialisme scientifique en 1980, le gouvernement manquait d’une
stratégie cohérente de développement, sa politique macro-économique a
été qualifiée d’erratique et inconsistante».47
Pis encore en 1990, « la dette extérieure avoisinait 1,9 milliards de
dollars, qui était équivalente à 36% du PIB, la crise du secteur public
avait pour origine les dépenses massives pour la défense et la
sécurité ».48 Inutile de rappeler que l’économie vers la fin des années
1980 n’existait plus que par l’injection massive de l’aide internationale.
L’exemple de « la faillite de la principale banque somalienne en 1989 due
au non remboursement des prêts importants concédés aux entourages
des dirigeants »,49 conforte la thèse du détournement de l’économie au
profit du régime et de personnalités de son entourage immédiat.
Il est avéré que « la révolte contre S. Barré s’est nourrie de toute une
série de frustration économique, aux débuts des 1980».50 Les
revendications économiques ont conduit donc aux protestations puis à la
stimulation de la contestation armée.
L’imputation de la responsabilité à la dictature de tous les maux et de la
dérive de l'État somalien contient néanmoins des éléments de vérité, mais
ne saurait constituée l’unique explication de la déliquescence de l'État.

La contestation armée
A la suite du coup d'État manqué d'avril 1978 fomenté par des officiers
du clan Majerteen, certains parmi ces derniers ont pris la fuite et ont
formé le premier mouvement d’opposition, le Somali Salvation
Democratic Front (SSDF) sous le leadership du très charismatique
Abdullahi yuusuf et avec l’aide des autorités éthiopiennes.
Le second mouvement est le Somali National Movement (SNM), il aura
« une adhésion progressive de l’ensemble des populations du clan Isaak,

47 Ismail, Ahmed & Green, Reginald, «The heritage dimension of war and state collapse in Somalia and Somaliland », Third
World Quarterly, Volume 20, n°1, 1999, p.115.
48 Ibid., p.116.
49 Marchal, Roland, « Les frontières de la paix et de la guerre », Politix, volume 15, n° 58, 2002, p.47.
50 Marchal, Roland, « Des contre-sens possibles de la globalisation : Privatisation de l’État et bienfaisance au Soudan et au
Somaliland », Politique Africaine n° 73, mars 1999, p.76.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

auquel appartiennent la plus part des membres fondateurs du


mouvement »51, en chef de fil Abderehman Ali Tuur et Ibrahim Egal. Dans
sa lutte « contre le régime militaire de Mogadiscio, il viole un impératif
du nationalisme somalien en acceptant l’assistance de l'Éthiopie».52
Le troisième mouvement d’ampleur considérable est le United Somali
Congress (USC) formé en 1987 par des personnalités issu du clan Hawiyé
et immédiatement divisé entre deux factions : le Somali National Alliance
(SNA) de Hussein Aïdid et le Somali Salvation Alliance (SSA) de Ali
Mahdi.
D’autres formations armées se sont instituées tel que le United Somali
Front de Omar Guelleh, institué autour de clan Dir avec l’appui du
Djibouti, et le Somali patriotic Movement de Omar Jess qui mobilise une
grande partie du clan Darood. S’ajoute le Somali Democratic Alliance qui
s'est installé au nord-ouest du pays mobilisant tout autour de lui les
Gadabuursis, un sous clan de Dir. Aussi le Somali democratic movement,
crée à la fin des années 1980 et regroupant la quasi-majorité des
somaliens issus du clan Rahawin.
La profusion des groupes politiques armés à permis certes l’élimination
de la dictature de Siad Barré, mais une fois ce dernier déchu, la lutte
pour le pouvoir se régénère donnant l’image d’une guerre autiste et
destructrice qui mènera à l’effritement total de la Somalie.

Dissensions entre les factions somaliennes


Les divergences entre les différentes factions autour de la nomination
d’Ali Mahdi comme président provisoire, a précipité la Somalie dans
l’abîme. Les leaders politiques n’avaient d’autres projets que de
conquérir le pouvoir et de se mettre à la place de l’ancien dictateur. Juste
« trois jours après la chute du dictateur, l’USC proclament Ali Mahdi
président intérimaire, ce qui a été immédiatement dénoncé par les
autres factions.»53
Il importe de considérer que deux facteurs ont joué un rôle capital dans
l’effondrement de l'État en Somalie :
- La proclamation de l’USC de la nomination d’un président et d’un
gouvernement intérimaire de façon unilatérale et sans consultation des
autres factions, et
- Les dissensions au sein de l’USC entre Ali Mahdi et Hussein Aïdid.
Ces dissensions sont allées jusqu'à l’affrontement entre ces derniers,
« transformant Mogadiscio en un autre Beirut et contribuant ainsi à

51 Djema, Marcel, « Sur la violence en Somalie : Genèse et dynamique des formations armés », Politique Africaine, n° 47, 1992,
p.148.
52 Katsuyoshi Fukui & John Markakis, Ethnicity and conflict in the Horn of Africa, London, Currey, 1994, p.233.
53 Kreijen, Gerard, State failure, Sovereignty and effectiveness: Legal lessons from the decolonization of sub-Saharan Africa,
Leiden, Nijhoff Publishers, 2004, p.68.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

l’effondrement total de l'État ».54


Les mouvements d’oppositions apparaissent comme des groupes qui
s’entre-tuent, semant la terreur dans une grande partie du territoire
somalien. Le mode d’activité de ces partis relève plutôt du banditisme
sans un quelconque projet politique émancipateur.

Conclusion
In fine, depuis la fin de la guerre froide, la Somalie véhicule l’image d’un
pays en proie à une dynamique permanente de défaillance de l'État, ce
qui est perceptible dans le climat du chaos et de violence qui ont sévi tout
au long de deux décennies.
Cet État de fait a pour origine un ensemble de facteurs qui ne sont certes
pas exhaustifs, mais paraissent jouer le rôle le plus important dans
l’effondrement de l'État en Somalie.
Il en ressort que presque deux décennies après l’effondrement du régime,
la Somalie est présentée comme une nation à la recherche d’un État,
désormais cette quête est loin d’être terminée.

54 Adam, Hussein, Somalia: Problems and prospects for democratization In State building and democratization in Africa: Faith,
hope and realities (Sous la direction de Kidane Mengisteab, Cyril Daddieh), New York, Praeger Publishers, 1999, p.267.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

AFRIQUE / ÉTATS-UNIS : UNE RELATION SINGULIÈRE

Michel ROGALSKI,
économiste (CNRS-EHESS)

A priori les États-Unis disposent vis-à-vis de l’Afrique d’une posture


singulière qui les distingue des “ métropoles ” européennes dont l’image
reste toujours celle de l’ancien colonisateur. Rien de tel avec les États-
Unis. Pas d’occupation militaire, pas de mémoire d’empire britannique ou
français, pas de razzias ou de commerce des esclaves - même s’ils en
furent en partie bénéficiaires -, pas de crimes colonialistes, pas de
pillages ou d’extorsion de surplus, pas de croissance et de développement
nourris par l’exploitation du continent africain. Bref, pas de passé
commun entremêlé qui aurait pu laisser de mauvais souvenirs.
Rien de tel parce que les États-Unis se sont formés tardivement et
qu’après avoir détruit leurs indigènes - les populations indiennes - ils se
sont tournés vers ce qui deviendra leur arrière-cour, l’Amérique latine, où
ils ne s’imposeront qu’après la seconde guerre mondiale. Quant à leurs
expéditions impériales et guerrières, c’est plutôt du côté de l’Asie et du
Moyen-Orient qu’elles se sont dirigées. Le sous-développement de
l’Afrique ne leur doit historiquement rien.
À cet “ atout ” s’en ajoutent deux autres. Leur attitude de soutien de
principe aux luttes en faveur des indépendances, même si le souci, déjà,
d’évincer des concurrents ne pouvait être écarté, ni celui de s’ingérer et
de diviser les mouvements de libération nationale pour y appuyer
toujours les fractions les plus modérées qui, dans le contexte de la guerre
froide, ne pouvaient qu’être conciliantes avec l’Occident. Enfin, les États-
Unis se présentent comme une Nation possédant une forte minorité afro-
américaine, donc ayant des “ racines africaines ”. Ils exploitent
habilement cette image notamment à travers la nomination de diplomates
afro-américains en Afrique. La récente élection de Barack Obama sera, à
cet égard, un atout supplémentaire dans leur relation avec le continent
noir. Déjà G. W. Bush avait donné à l’Amérique deux secrétaires d'État
afro-américains : le général Powel et Condi Rice.
Ces trois atouts expliquent pourquoi leurs rapports avec l’Afrique ne sont
pas pollués de repentances, de susceptibilités, de réparations ou de
ressentiments, et leur procurent un avantage sur les anciennes
puissances coloniales européennes dont ils ont su depuis très longtemps
se distinguer.
Ce n’est pas pour autant que, dès leur indépendance, les pays africains
vont se tourner vers les États-Unis. Ceux-ci présentent à leurs yeux le
défaut de faire partie du monde occidental, celui d’où viennent leurs
anciens colonisateurs.
La posture américaine présentera un double caractère. Il lui fallait

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

d’abord exprimer une solidarité sans faille majeure avec les puissances
coloniales européennes, membres de la même communauté occidentale
et alliées dans l’Otan. La Guerre froide surdétermine alors les rapports
mondiaux. Dans le même temps, il lui fallait émettre des signaux amicaux
vis-à-vis d’un Tiers Monde dont l’émancipation coloniale sera l’un des
faits marquants de la deuxième moitié du XX° siècle et avec lequel il
faudra se préparer à entrer en rapport directement sans passer par le
canal des puissances européennes. Bref, impossible de coller trop près
des colonisateurs qui doivent rester des alliés. Cette position est rendue
difficile en outre par la présence d’une forte minorité afro-américaine aux
États-Unis même, facteur qui risque de transformer toute prise de
position du gouvernement américain sur l’Afrique en une question de
politique intérieure à implication raciale 55. Il est par ailleurs impossible
de s’en distancier de trop en prenant le risque de fissurer la communauté
occidentalo-atlantique.

L’après-guerre froide

L’effondrement de l’Union soviétique, la fin de la Guerre froide, la


poussée sévère de la mondialisation, le rôle accru des États-Unis,
l’irruption de l’OMC et son corollaire la disparition progressive des
Accords de Lomé / Cotonou, comme espace protecteur de rapports de
force sauvage, rebattront les cartes et modifieront les grilles de lecture.
Une donnée nouvelle s’impose. Alors que tous les pays doivent composer
avec la mondialisation et ses contraintes, les États-Unis apparaissent
comme le seul pays croyant à sa portée de refaçonner le monde en
fonction de ses besoins. Privilège de l’hyper puissance, maîtriser la
mondialisation et ne pas la subir ! Les États-Unis sont effectivement
devenus une puissance globale dominant toutes les sources du pouvoir
- la finance, l’économie, le commerce, la recherche, la communication, la
culture dominante - et concentrant à eux seuls près de la moitié des
dépenses militaires mondiales, ils peuvent projeter sur n’importe quel
point du monde des moyens militaires considérables, ce qu’aucun autre
pays n’est capable de faire sans leur aide. Ils entretiennent de
nombreuses bases militaires à l’étranger et ont organisé le monde à
travers une architecture de grands commandements régionaux leur
permettant de contrôler les points de passages et les routes de transit
pouvant ainsi sécuriser leurs voies d’approvisionnement en matières
premières et les flux commerciaux. Ils ont maillé le monde à travers des
systèmes d’alliances dont certains comme l’OTAN se sont même élargis et
se sont arrogés le droit d’intervenir hors de leur zone 56. Le parapluie
américain s’est mué en pax americana couvrant aujourd’hui les Balkans
et le Grand Moyen-Orient.
55 Cf. sur ce point, Marc Aicardi de Saint-Paul, « Les fondements de la politique africaine des États-Unis »,
Géopolitique africaine, n° 31, juillet-septembre 2008
56 C’est le sens des décisions adoptées, il y a dix ans à l’occasion du Sommet du cinquantième anniversaire de
l’OTAN.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

Le débat est en cours sur l’évolution possible de la puissance américaine


et ses rapports avec le reste du monde. Aujourd’hui plusieurs
perspectives s’offrent aux États-Unis dans leur rapport au monde :
- Adopter le statut d’Empire global assumant le rôle de gendarme
mondial. L’embourbement irakien et aujourd’hui afghan fait douter
qu’une telle visée soit réaliste. Aujourd’hui les États-Unis sont incapables
de s’opposer en même temps à ce qu’ils avaient eux-mêmes définis
comme souhaitable, à savoir faire face à deux “ équivalents Irak ”. Ils
peuvent encore - mais pour combien de temps ? - espérer contrarier la
montée en puissance d’une nation qui s’imposerait comme rivale à
l’échelle du monde. Mais cet objectif semble avoir perdu toute
perspective de réalité au tournant du siècle 57. Le monde unipolaire est
devenu multipolaire et est en train de se transformer en duopole sino-
américain. La Chine est passée du statut de puissance émergente à celle
de puissance émergée sans avoir eu à tirer un coup de canon. De surcroît
cette fonction d’Empire supposerait l’adhésion d’une population qui reste
très tournée vers des préoccupations domestiques.
- S’engager dans une posture isolationniste qui supposerait le
démantèlement du maillage militaire de la planète méticuleusement mis
en place depuis plusieurs décennies. Ce désengagement des différentes
parties du monde où la présence américaine est active apparaît comme
peu probable car il serait perçu comme l’abandon de tout projet de peser
sur la scène mondiale. Or les États-Unis constituent une puissance
globale qui dépend du reste d’un monde qu’ils rêvent de façonner au
mieux de leurs intérêts et ne peuvent envisager de devenir
isolationnistes.
- Faute de pouvoir être partout ou nulle part, les États-Unis devront
choisir les zones qui seront considérées par eux comme essentielles et
tenteront d’y jouer un rôle décisif.

L’Afrique, un enjeu qui devient majeur

Sans être central à ses yeux, l’Afrique représente pour Washington un


intérêt non négligeable. Depuis la fin de la guerre froide deux axes
principaux se sont affirmés. L’un stratégique découlant du 11 septembre
et mettant l’accent sur l’impératif de lutter contre l’islamisme radical qui
gagne du terrain en Afrique, l’autre qui vise à conquérir les marchés
africains et à sécuriser les approvisionnements énergétiques qui sont
appelés à prendre plus d’importance dès lors que l’instabilité gagne le
Moyen-Orient. Dans moins de dix ans, 25 % du pétrole importé par les
États-Unis viendra d’Afrique 58, part qui se situe aujourd’hui à 18 %,
57 Cf. Jacques Sapir, Le nouveau XXI° siècle - Du siècle américain au retour des nations, Seuil, 2008
58 Cf. Laurent Ploch, “ Africa Command : U.S. Strategic Interests and the Role of the U.S. Military in Africa ”,
Congressional Research Service, Report for Congress, May 16, 2007

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

dépassant déjà les 17 % en provenance du Moyen-Orient. Les puissances


déjà installées (Europe) ou en train de prendre pieds (Chine, Brésil, et
bientôt l’Inde) seront nécessairement perçues comme rivales, et pas
seulement dans le domaine énergétique.
Le volet militaire de la politique américaine vis-à-vis de l’Afrique est le
plus dynamique. Il prend des contours variés et combine différent
moyens. Des programmes de formation de militaires pour les soldats, aux
déploiements de bases militaires, en passant par l’intervention directe ou
la “ sous-traitance ”, des manœuvres communes et l’appui sur des pays
pivots. L’ensemble est maintenant coordonné par le 6° Commandement
régional, l’AFRICOM. L’ancien ministre de la défense, Donald Rumsfeld, a
justifié de la mise sur pied de ce Commandement début 2007 en
expliquant que la seule région du monde qui ne disposait pas d’un tel
Commandement américain était l’Afrique 59. Ses axes principaux sont la
guerre contre le terrorisme et la sécurisation des approvisionnements
énergétiques. Différent des autres Commandements militaires qui
maillent la planète, l’Africom sera cogéré avec des civils du Département
d’État et des agences d’aide économique. Il est censé être dans une
posture de prévention et d’anticipation et non pas de réaction. La moitié
de ses personnels pourraient être des civils et se consacrer à des tâches
de reconstruction et de stabilisation en situation de post-conflits. Un
grand vague entoure ses effectifs et ses missions même s’il est présenté
comme une innovation institutionnelle civilo-militaire. Il aidera à
coordonner les contributions du gouvernement américain sur le continent
et deviendra le point de passage obligé de la relation entre l’Afrique et les
États-Unis avec une compétence extra-militaire affirmée. Un gros budget
de fonctionnement a été prévu pour 2007, année du démarrage. Après
avoir longtemps cherché un pays d’accueil pour son siège, appelé à
regrouper près d’un millier d’hommes, et essuyé plusieurs refus dont
ceux de l’Algérie, du Nigeria et de l’Afrique du sud, l’Africom cherche
toujours un siège sur le continent africain. Les pays sollicités se sont
récusés, craignant probablement une trop forte hostilité de leur
population. Aujourd’hui son siège reste encore établi à ... Stuttgart en
Allemagne en attendant sa nouvelle installation 60. Il semble d’ailleurs
qu’à défaut d’un siège unique en Afrique, l’Africom s’orienterait vers
l’installation de plusieurs agences fonctionnant en réseau.
À l’évidence, la décision prise par les États-Unis de créer l’Africom
témoigne de l’importance que ce continent est appelé à prendre dans un
avenir proche et manifeste de l’extension du périmètre de sécurité
américain. Les dossiers bilatéraux seront de plus en plus nombreux et
rien ne leur échappera. Il est déjà admis que 30 à 40 % de la drogue qui
entre sur le territoire américain provient de l’Afrique, qu’elle y ait été
fabriquée ou qu’elle y ait seulement transité. Les Iles du Cap-Vert qui
59 On trouvera également un argumentaire sur la nécessité de la mise sur pied de cet organisme dans : Sean McFate,
“ US Africa Command : a New Strategic Paradigm ? ”, Military Review, January-February 2008
60 En réalité, deux annexes de Stuttgart fonctionnent déjà en Italie, à Vicence et à Naples, et servent à la mise en
œuvre des opérations maritimes à destination du continent africain.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

semblent jouer un rôle dans ce trafic ont reçu en mars 2009 la visite de la
responsable civile de l’Africom pour aboutir à un accord de coopération
dans ce domaine. Les cartels de trafic sont déjà sous surveillance et l’on
peut déjà imaginer de futurs Plans Colombie pour l’Afrique. La posture
militaire et sécuritaire semble donc prendre le pas comme réponse aux
immenses problèmes auxquels l’Afrique est confrontée.
La coopération militaire - de l’entraînement de soldats à la fourniture
d’armements, en passant par les conseillers qui officient dans les États
majors - est en bonne marche. Elle complète la présence de l’ancienne
grosse base militaire anglo-américaine de Diego-Garcia qui, au cœur de
l’Océan indien, surveille tout ce qui s’y passe et est capable d’accueillir
une armada de navires de surface - y compris des portes avions - ainsi
que des sous-marins nucléaires 61. À cette base s’ajoute depuis 2002 celle
de Djibouti coexistant avec la base française et accueillant déjà plus de
1800 hommes. La première sécurise les intérêts de l’Occident dans une
zone carrefour essentielle et la seconde s’inscrit dans l’” axe
antiterroriste ” et vise l’influence de l’islam radical dans la région. Ses
commandos, et ses drones, sont certainement présents dans les conflits
de la Corne de l’Afrique. À cela il faudrait ajouter le recours non-officiel
mais de plus en plus connu, aux sociétés militaires privées (SMP,
véritables sociétés mercenaires) dont le développement est spectaculaire.

Quatre zones sensibles

Aujourd’hui pour les États-Unis l’Afrique présente quatre zones sensibles


qui requièrent toute leur attention :
- La Corne de l’Afrique où l’objectif est de contrer le rayonnement de
l’islam radical qui prospère sur des zones déshéritées. Adossé à la base
de Djibouti, il s’agit de mobiliser une coalition d’États (Éthiopie, Érythrée,
Rwanda, Ouganda, Kenya) pour isoler deux cibles, le Soudan et la
Somalie. Les engagements y sont déjà violents et les États-Unis s’y
impliquent localement à travers une mission d’assistance et la mise en
œuvre d’autres forces.
- L’Afrique australe qui représente un potentiel de richesses
indispensables aux États-Unis (notamment des métaux rares et précieux
comme le platine, le chrome, le manganèse, l’or) et qui constitue une
zone de passage essentielle pour l’économie occidentale (flux de
marchandises et de pétrole).
- Le Golfe de Guinée pour ses pays pétroliers importants : Nigeria,
Angola.
- Le Sahel qui est apparu comme une zone d’expansion des groupes
salafistes se réclamant d'Al Qaïda. Les États-Unis suscitent une

61 Cf. André Oraison, “ Diego Garcia : enjeux de la présence américaine dans l’Océan Indien ”, Afrique
contemporaine, n° 207, automne 2003

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

coordination des pays riverains concernés 62 (Algérie, Mali, Niger, Tchad)


pour sécuriser cette région de contrôle difficile et de surcroît traversée
de populations migrantes. Des représentations de la CIA y sont partout
présentes, au nom de la lutte contre « l’axe du terrorisme ». Longtemps
considéré comme une barrière entre différentes régions africaines, le
Sahara est aujourd’hui perçu comme un carrefour d’échanges et de mise
en relations de plus en plus actif 63.

Produits stratégiques plus que relation commerciale

La dimension économique et commerciale de l’Afrique intéresse


également les États-Unis. Le niveau des échanges atteint en 2007 en
témoigne : 50 milliards de dollars, soit 17 % de plus que l’année
précédente. Mais ce volume se réduit à une peau de chagrin si l’on enlève
du total les produits pétroliers et cela malgré les accords et facilités
commerciales que les États-Unis ont voulu mettre en place
spécifiquement pour l’Afrique.
Dans la foulée des conceptions du président Clinton, qui entendait lier
développement et démocratie, la loi dite AGOA ( “Loi sur la croissance et
les possibilités économiques de l’Afrique ”) est adoptée en 2000. En plus
de favoriser l’investissement direct étranger, elle se propose de permettre
l’accès au territoire américain à 6400 produits libres de droits de douane
et autres taxes en provenance de 37 pays africains concernés. En réalité
l’essentiel des produits qui en bénéficieront sera d’origine textile (laine,
coton, vêtements). Ce mécanisme a souvent été analysé comme un moyen
de contrecarrer la menace que représentent les pays asiatiques pour
l’industrie textile américaine. L’AGOA se veut également un outil
commercial d’incitation aux réformes économiques en Afrique. La
contribution de l’Afrique au commerce mondial de marchandises se
situant à moins de 2 %, l’évolution d’un tel mécanisme ne peut être que
de faible ampleur. Mais les États-Unis apparaissent comme le premier
partenaire bilatéral pour l’Afrique (à hauteur de 27 % de ses
exportations) devant la Grande-Bretagne (9,5% ) et la France (7,3% ), le
poids de cette dernière diminuant régulièrement. L’ensemble de l’Union
européenne absorbe 45 % des exportations africaines, mais en ordre
dispersé, ce qui au-delà d’une construction statistique ne peut pas dire
grand chose. Pour les États-Unis, l’essentiel du commerce se concentre
sur un petit nombre de partenaires, le Nigeria, l’Afrique du sud, l’Angola
et le Gabon. On y devine le poids des produits pétroliers. L’asymétrie
commerciale apparaît fortement dès lors que seulement 2 % des
importations américaines proviennent de l’Afrique. Pour l’Union
européenne le niveau atteint 3 %, ce qui reste dérisoire.
Les États-Unis influencent également l’Afrique à travers l’aide publique
62 En témoigne encore la dernière visite en date de novembre 2009 du chef de l’Africom à Alger.
63 Cf. Ali Bensaâd, “ Le Sahara, nouveau carrefour migratoire international ”, Recherches internationales, n° 74, 4-
2004

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au développement. Très faible en proportion par rapport à son PNB, elle


n’en est pas moins significative par sa masse puisqu’elle se place en
premier en valeur absolue. En 2002, les États-Unis décidèrent de créer
un “ Fonds du Millénaire ” (Millenium Challenge Account) en vue
d’augmenter substantiellement l’aide publique. L’objectif affiché sera de
réduire la pauvreté en favorisant la croissance économique. Les pays
bénéficiaires seront sélectionnés dès lors qu’ils manifesteront une
disposition sérieuse à la “ bonne gouvernance ”, c’est-à-dire à
l’application d’un ensemble de mesures allant du respect du pluralisme
politique, à celui des droits de l’homme, sans omettre celui de la
propriété privée, de la libre économie (l’abstention de l’État dans la vie
économique). La création de cet organisme vise à se dégager des
lourdeurs bureaucratiques et des lenteurs qui étaient reprochées à l’aide
publique traditionnelle, notamment celle passant par le canal de l’USAID,
agence créée sous Kennedy et accusée de manquer de souplesse et
d’efficacité. L’objectif est ambitieux puisqu’il s’agit de gérer un budget
annuel de 5 milliards de dollars, à comparer aux 13 milliards de l’USAID.
Par rapport aux divers organismes d’aide, la particularité du Millenium
réside dans son bilatéralisme et dans sa forte insistance à miser sur le
secteur privé. Il faut noter que seulement quelques pays africains (Ghana,
Sénégal, Swaziland, Lesotho, Mali, Bénin) ont été éligibles à son
mécanisme 64.
Le renouveau de l’intérêt porté par les États-Unis à l’égard de l’Afrique
s’explique par le fait que ce continent, sans être essentiel à leurs yeux,
est devenu néanmoins stratégique sur deux aspects dont l’ampleur est
grandissante.
Tout d’abord, dans la vision de l’axe contre le terrorisme, l’Afrique est
devenue un enjeu. L’islamisme radical y progresse dans deux zones, le
Sahel et la Corne de l’Afrique et peut contaminer nombre de pays dont
certains producteurs de pétrole ou jouxtant des routes maritimes
essentielles pour l’acheminement des flux énergétiques mondiaux.
Compte tenu des causes qui nourrissent la progression de cet islam
radical, la présence américaine risque d’être durable.
L’Afrique a accédé au statut de région pétrolière d’intérêt mondial, à la
fois par sa production et par ses réserves. Les États-Unis sont vulnérables
à la dépendance énergétique. Il est dès lors fatal que l’Afrique devienne
pour eux un enjeu énergétique stratégique. Plusieurs raisons doivent
renforcer cette conviction. D’abord la zone du Moyen-Orient est de plus
en plus instable et ses réserves de plus en plus discutées. Le pétrole
africain provient en large partie de forages profonds off-shore, évitant le
contact avec des populations locales, à l’abri des troubles sociaux ou de
guerres civiles. Le risque y est réduit et les exploitations plus faciles à
sécuriser. Ceci n’a pas échappé aux autres pays et la concurrence y est
fort vive tant avec la France qu’avec un nouvel acteur, la Chine qui signe

64 Cf. René Boissenin, “ Le Millenium Challenge Account, évolution ou révolution dans l’aide publique au
développement des États-Unis ? ”, Afrique contemporaine, n° 207, automne 2003

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2010

de nombreux contrats. De 15 % aujourd’hui, la part du pétrole importé


par les États-Unis en provenance de l’Afrique devrait passer à 25 % dans
les dix prochaines années. Il faut noter également que le quart du pétrole
importé par la Chine provient d’Afrique et que la moitié du pétrole
exporté par l’Afrique est destinée aux États-Unis.
L’élection d’Obama change le visage de l’Amérique. Elle traduit la fierté
des Africains de voir un noir dont les racines paternelles se trouvent au
Kenya devenir le président de la première puissance du monde. L’impact
émotionnel est grand. Sitôt le G8 terminé, la première visite africaine
d’Obama a été consacrée au Ghana pays présenté comme de « bonne
gouvernance » (l’important était que le Nigeria ne fut pas retenu !) C’est
aussi le pays subsaharien le plus visité par les Américains et où réside de
façon permanente une diaspora afro-américaine. Mais c’est aussi un pays
dont les forages pétroliers off-shore en cours révèlent d’immenses
gisements potentiels et dont l’exploitation pourrait démarrer dès 2010-
2011. Obama y a délivré un discours-programme pour l’Afrique n’hésitant
pas à énoncer des vérités gênantes pour maints chefs d'État en place. Les
thèmes avaient été soigneusement préparés : la démocratie, le
développement économique, la santé publique et la solution aux conflits
en cours. Venant après le discours du Caire plus franchement en rupture
avec la « ligne » Bush, celui d’Accra était plus conventionnel et dans la
continuité. Rien ne permet d’anticiper autre chose que la poursuite des
décisions prises sous l’administration Bush. En particulier la coopération
militaire continuera et se traduit déjà par la multiplication de manœuvres
de forces conjointes et la poursuite intensive des activités de formation et
d’encadrement des armées africaines et la livraison d’armes 65.

Les États-Unis ont commencé à réévaluer leur politique africaine.


L’accord tacite qui a longtemps prévalu du respect des zones d’influence
traditionnelles entre alliés occidentaux appartient déjà au passé. Le
pétrole africain oppose déjà Washington, Paris et Pékin. Des pays pivots,
choisis pour leur importance stratégique seront sollicités pour jouer une
influence régionale et verront se concentrer sur eux une aide multiforme,
car pour peser sur un continent de la taille de l’Afrique, il faudra y
disposer d’alliés solides et stables. Ajoutons que les États-Unis agissent
également sur l’Afrique quand ils subventionnent leurs agriculteurs et
quand ils favorisent partout le libre commerce ou participent à la
spéculation sur les prix alimentaires mondiaux. Il s’agit là de guerres
silencieuses qui peuvent tuer plus de gens que des interventions
militaires ouvertes.

65 Daniel Volman, « Africom to Continue Under Obama », Global Research, 27-06-2009

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Gaza dans la conscience nationale


palestinienne
par Hassan Balawi,
membre de la Délégation palestienne à l'UNESCO

« Gaza est la porte de l’Afrique et le pont vers l’Asie », c’est ainsi que s’est exprimé
Napoléon Bonaparte pour qualifier la position stratégique de ce territoire minuscule, faisant
effectivement, si l’on regarde la carte géographique, zone de liaison entre les deux
continents de l’Afrique et de l’Asie .
Mais Gaza est aussi, est un pont dans l’histoire nationale palestinienne, notamment à partir
du 14 mai 1948 , date crucial dans le drame palestinien , puisqu’elle marque avec la
NAKBBA , la disparition du nom de la Palestine de la carte géographique et politique .
C’est à Gaza précisément, terre très réduite en terme d’espace géographique avec 360 km
carrés , c'est-à-dire une surface ne dépassant pas 1,33% de la surface de la Palestine
historique , mandataire ( avant la création de l'État d’Israël ) que se jouent les différentes
étapes de la construction nationale palestinienne contemporaine .
C’est d’abord la population de Gaza, passée à 300% de personnes avec l’afflux des réfugiés,
chassés de leurs maisons dans les territoires de 1948, faisant ainsi une zone avec une des
densités démographiques la plus élevée du monde, qui porte le statut Palestinien en
Palestine.
Les 100 mille palestiniens restant sur leur terre en 1948, alors que la majorité –environs 800
milles âmes – étaient contraints de quitter du jour au lendemain leurs maisons, suite aux
épurations ethniques livrées par les groupes paramilitaires sionistes, comme l’attestent
aujourd’hui les nouveaux historiens israéliens tel qu’Ilan Pappé, ont été finalement
considérés par Israël comme israéliens, indépendamment des circonstances. Quant aux
palestiniens de la Cisjordanie, ils ont été considérés comme jordaniens du fait de l’annexion
par la Jordanie de cette terre palestinienne en 1950.
Le 1er octobre 1948 , le Grand Mufti Amin Al Husseini , Président du Haut Comité Arabe ,
convoque à Gaza le premier conseil national palestinien , celui-ci adopte l’actuel drapeau
palestinien , constitue un gouvernement palestinien appelé « Gouvernement de toute la
Palestine » et décide aussi de délivrer un passeport palestinien .
C’est donc à Gaza qu’une première tentative d’une souveraineté palestinienne, qui aura des
conséquences plus tard dans la construction de l’identité nationale palestinienne , a eu lieu ,
même si elle a échoué puisque le grand mufti Hussein , l’équivalant de Yasser Arafat de nos
jours , se trouvé obligé toute de suite après , par le gouvernement royaliste égyptien – avant
la révolution de 1952 – de quitter Gaza , et le gouvernement palestinien , pourtant reconnu
par la Ligue Arabe –récemment crée en 1945 - se trouve à son tour pratiquement avorté par
les deux gouvernements égyptien et jordanien , tous les deux sous influence britannique.
C’est à Gaza , aussi que les racines du mouvement national palestinien qui donne naissance
plus tard à l’OLP , ont lieu , d’abord par l’implantation du groupe Frères Musulmans qui
jouent un rôle important dans les premières opérations militaires contre Israël mais aussi rôle
social conséquent d’aide à la population palestinienne, en situation de détresse .
Viennent en suite comme groupes politiques , les partis communistes et nationalistes arabes,
Le Fatah , pilier plus tard de l’OLP naît dans les rangs des frères musulmans et se sépare
progressivement , pour être joints plus tard, et sur une base patriotique palestinienne , par

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d’autres palestiniens appartenant à d’autres tendances de gauche et de nationalisme .


Toute cette mutation se fait à Gaza , sous fond des grandes actions, dans les années
clnquante , contre l’occupation israélienne , mais aussi pour faire échouer les projets de
peuplement des réfugiés palestiniens dans le désert de Sinaï égyptien .

Gaza abrite aussi, sous l’influence du président égyptien Nasser , le premier conseil
législatif palestinien en 1962 et aussi la première légion de l’armée de libération de
Palestine de l’OLP en 1964 .
Ce n’est donc pas par hasard que la première Intifada éclate en décembre, dans un camps
de réfugiés à Gaza. Une Intifada qui au bout de 7 ans abouti à Oslo en 1993 , qui accouche
une première Autorité Nationale Palestinienne avec le retour de Yasser Arafat en Juillet 1994
à Gaza justement .
C’est à Gaza que les palestiniens exercent pour la première fois sur une partie de leur terre
la Palestine, le pouvoir, certes, sans indépendance avec la présence toujours, directe ou
indirecte de l’occupation israélienne, mais c’est un pouvoir toute de même avec des
ministères, de services de sécurité et de projet de construction soutenues par des pays
donateurs.
Mener la révolution pendant des décennies dans différents exils est une chose et accéder
au pouvoir est toute autre chose, c’est dans ce sens que les palestiniens font ou tentent de
faire, à Gaza, le passage de la révolution à l'État, sans avoir réellement l'État indépendant
souverain et ce malgré d’énormes sacrifices consentis par le peuple palestinien, ils ont des
réussites et des acquis mais aussi subissent des échecs et illusions, faisant ainsi le chemin à
Hamas qui arrive par la grande porte des élections législatives en janvier 2006 .
La victoire de Hamas marque un nouvel ère dans la paysage politique palestinien et arabe ,
un paysage qui n’est plus dominé par le Fatah , pilier de la lutte nationale palestinienne mais
qui ouvre aussi la voie aux divisions internes palestiniennes qui conduisent en fin compte à
rupture militaire résultant du contrôle militaire de Gaza par Hamas , en d’autre terme un coup
d'État contre l’Autorité Palestinienne.
Entre temps Israël renforce son blocus contre Gaza , et pas seulement Hamas , avec des
conséquences inhumaines terribles , considérant Gaza comme « entité hostile » ce qui
conduit le gouvernement de Tel Avive , sous différents prétextes, de déclencher , fin 2008 ,
une guerre terrible dont la cible dépasse largement les cadres et bases de Hamas , comme
le confirment les différents rapports des organisations internationales des droits de
l’Homme, dont le dernier est le fameux rapport de Goldstone qui ne cesse de faire du bruit.
Depuis la guerre israélienne contre Gaza, le Président Mahmoud Abbas a suspendu jusqu’à
nos jours toute négociation avec Israël.
En fin de compte c’est à Gaza , que le projet national palestinien nait et se développe en
Cisjordanie et tout changement ou évolution passe nécessairement par Gaza et c’est dans
ce sens c’est Gaza qui constitue le pont vers la paix et la justice en Palestine .

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

L'UE et la Moyen-Orient à la croisée des


destins
Majed Bamya, diplomate à la Délégation générale de Palestine
auprès de l'UE, de la Belgique et du Luxembourg

Le rôle politique de l'UE dans le règlement du conflit moyen-oriental que nous appelons de
nos vœux ne peut être dissocié de l'essence même du projet européen. Il y une corrélation
entre l'identité européenne et la nécessité d'un engagement européen pour une paix juste au
Proche-Orient, et ceci à plus d'un titre.

Le projet européen, un modèle de réconciliation

Ce projet d'Union né des cendres de la guerre (deux guerres mondiales!) sert de modèle
absolue. L'UE est en elle-même un message, un idéal en quête permanente d'incarnation.
Ce message se perd parfois dans les méandres des ambitions nationales (qu'elles sont
têtues!) ou de la complexité institutionnelle. Mais il ne faut point oublier ce parcours hors du
commun, débutant entre deux puissances qui après trois guerres ont enfin compris que ces
dernières n'amènent que destructions et ont préféré une vie partagée à une mort commune.
La France et l'Allemagne ont donc choisi la réconciliation et de la coopération concrète dans
les domaines du charbon et de l'acier, à la Communauté Européenne Économique, jusqu'au
traité de Lisbonne dotant l'Union d'un Président et d'un Ministre des Affaires Étrangères, en
passant par l'Euro et Shenghen, l'Europe a défié les pronostics et a poursuivi sa marche vers
l'avant.
On l'oublie souvent mais l'Europe est l'histoire de défis multiples et de réconciliations
diverses. Car le projet européen c'est aussi celui de la démocratie partagée. L'Espagne, le
Portugal, la Grèce ont tourné la page de la dictature en ouvrant la page européenne.
L'Europe continent divisé par la guerre froide, et par un mur de Berlin constituant non
seulement la frontière entre deux mondes, mais aussi entre deux projets, et deux visions de
l'Homme, est réunie. Le mur est tombé, et l'Europe s'est retrouvée et elle continue à lutter
pour réussir cette union sans précédent. Depuis 2007, 27 pays portent ce projet qui a permis
l'émergence d'une puissance planétaire, puissance d'abord économique en quête de rôle
politique.
Nous aussi nous rêvons de coexistence, de réconciliation, de vie partagée. Mais certains
confondent nos rêves à leur désir de voir se développer la normalisation avec Israël. Ceux-la
prennent exemple sur la coopération franco-allemande en oubliant d'indiquer que cette
coopération a suivi la fin de l'occupation allemande et ne l'a en aucun cas précédé. Les voies
de la réconciliation ont été tracé par l'Initiative de paix arabe, plan de paix proposé par
l'ensemble des pays arabes et musulmans à Israël, par lequel les premiers s'engagent à
normaliser leurs relations avec Israël une fois que ce dernier aura mis fin à l'occupation de
l'ensemble des territoires occupés en 1967 et aura permis une solution juste et négociée à la
question des réfugiés palestiniens en accord avec la résolution onusienne 194. Israël qui se
présente toujours comme l'agressé et la victime a fait fi de ce plan, sans comprendre que ce
ne sont point ses chars, ses missiles et ses avions de chasse qui lui garantiront un avenir
meilleurs, mais bien une paix durable qui ne peut que découler de la fin de l'occupation.
Le mur israélien construit à partir de 2002 à l'intérieur du territoire palestinien occupé, sur
nos terres, nos droits et nos rêves, qui vise à pérenniser la colonisation, ferme l'horizon et

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

mène la région à contre sens de l'histoire. Berlin divisée reflétait un monde scindée en deux.
Jérusalem colonisée, emmurée, est un symbole aussi important que Berlin réunie. En
déclarant Jérusalem capitale éternelle et indivisible d'Israël et en poursuivant sa judaïsation,
Israël impose exclusive et exclusion a une terre dont la nature est par essence plurielle.
Cette ville où se sont succédés les prophètes, meurt si elle n'est pas partagée. Les
démolitions de maisons, les palestiniens demeurant dans les tentes pour ne pas abandonner
aux oppresseurs le destin de cette capitale du cœur, les colons, les attaques contre les lieux
saints sont autant de blessures défigurant le visage de cette dame millénaire. Le mur
israélien condamné par la Cour Internationale de Justice continue sa course, et des
entreprises européennes contribuent à l'œuvre coloniale. Et l'Europe condamne mais
détourne les yeux d'une blessure bien plus profonde que l'espérance. Abattre ce mur est une
responsabilité qui incombe à tous, et d'abord à ceux qui ont connu les souffrances associés
à la colonisation et à la division de leur terre. Il y a tant à apprendre de l'histoire européenne,
pas toujours ce qu'on veut bien en retenir.

Une identité, des valeurs

Nous venons de l'aborder, le projet européen ne peut être dissocié des valeurs qui le sous-
tendent. Nous avons parlé de la démocratie. Nous pouvons évoquer les droits de l'Homme et
la lutte pour le respect des droits fondamentaux. Soyons clairs, l'UE n'a elle-même pas
toujours été à la hauteur des valeurs qu'elle entend incarner, mais elle a continué d'être un
des principaux défenseurs et promoteurs de ces valeurs. L'UE s'érige souvent en apôtre du
multilatéralisme, du droit internationale, de l'égal dignité des peuples, et c'est à son honneur.
Encore faut-il être fidèle aux valeurs qu'on défend.
Comment se fait-il alors que les États européens se sont divisés (le Parlement européen a
quant à lui adopté récemment une résolution soutenant les recommandations du rapport
Goldstone après de violents débats, ce qui est à son honneur) lorsqu'il a fallu adopter devant
les instances onusiennes les recommandations du rapport Goldstone condamnant les crimes
de guerres ayant eu lieu lors de l'agression israélienne contre la bande de Gaza. 1400 civils
palestiniens morts pendant cette agression n'ont-ils pas droit à la justice? Cette impunité
israélienne qui dure depuis des décennies a permis aux massacres de se succéder et il est
temps qu'il y soit mis un terme. Comment expliquer que l'UE continue à envisager par
intermittence de rehausser ses relations avec Israël tandis que cet État poursuit sa politique
coloniale, la violation des droits les plus élémentaires du peuple palestinien et le siège de la
bande de Gaza (1000 jours de siège, punition collective pourtant condamnée par le droit
international) ?
L'Europe doit se conformer aux valeurs qu'elle entend défendre à l'étranger, c'est le prix de
la crédibilité. La défense des droits de l'Homme ne peut faire l'objet d'un pick and choose
insupportable. Une telle approche sélective serait le reflet d'une politique de deux poids deux
mesures qui fissure un édifice que des générations entières ont contribuer à forger, celui du
droit au droit, celui du respect de la dignité humaine, celui de la défense de la liberté contre
l'oppression, celui des lumières défiant les ténèbres.

La responsabilité historique

Ce sont deux pays européens, la France et la Grande Bretagne, qui se sont partagés par les
accords de Sykes-Picot de 1916 les décombres de l'empire ottoman notamment le Proche-
Orient. Et la Grande Bretagne a hérité du mandat sur la Palestine. Le mandat devait mener à
l'indépendance des pays concernés, mais la Palestine connut un sort bien différent. L'empire

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

britannique offre deux promesses contradictoires, une au monde arabe, d'une émancipation
proche, et une au mouvement sioniste, celle de la création d'un foyer national juif en
Palestine. La Palestine, terre tant convoitée, verra se relayer occupation après occupation.
La promesse britannique annonçait qu'à l'occupation britannique succèderait l'occupation
sioniste.
Mais l'Europe fut aussi le théâtre du génocide juif, épisode des plus terribles de l'histoire
humaine. Les pays européens, pour faire pardonner leur participation criminelle, ou leur
inaction coupable, soutiendront à bout de bras le nouvel État israélien, en créant par là
même une nouvelle tragédie. En 1947, l'ONU adopte un plan de partage qui prive les
Palestiniens de plus de la moitié de leur terre pour réparer un crime qu'ils n'avaient point
commis. La guerre de 1948 qui s'en suit verra deux tiers du peuple palestinien forcé à l'exil
et la perte du trois quart du territoire palestinien. La Nakba (la catastrophe) n'est pas un
épisode historique, il s'agit d'une tragédie en cours. 7 millions de réfugiés palestiniens et 3
millions et demi de palestiniens vivant sous occupation peuvent en témoigner.
Israël abuse du sentiment de culpabilité qui hante certains États européens en faisant un
véritable hold up sur la mémoire de la Shoah et sur l'identité juive. Israël devrait appartenir
aux israéliens quelque soit leurs religions sauf à assumer un projet par essence raciste qui
renie à un million de citoyens israéliens musulmans et chrétiens, les palestiniens
autochtones, le droit à l'égalité. Israël ne peut pas non plus parler au noms des juifs qui n'ont
pas choisi de devenir citoyens israéliens et dont certains s'opposent clairement aux
politiques du gouvernement israéliens. En acceptant de traiter Israël comme l'État des juifs,
seul dépositaire de la mémoire de la Shoah, certains États européens permettent
l'instrumentalisation du génocide par Israël pour éviter toute critique de ses politiques
coloniales, et facilitent ainsi les confusions dangereuses entre Juif/Israélien/Sioniste qui ne
font que favoriser l'antisémitisme et le choc des civilisations. Rien ne justifie l'occupation,
l'oppression, le racisme que nous devons subir, et si l'histoire devait servir à une chose, ce
ne serait pas à justifier ces crimes mais à les bannir.

La responsabilité politique

Le monde actuel est interdépendant. Le conflit au Moyen-Orient a un impact sur la


coexistence dans les rues européennes, sur la place du droit dans le règlement des conflits,
sur la sécurité à l'échelle régionale et planétaire. Nous œuvrons pour un monde différent en
s'opposant à la théorie du choc des civilisations, qui ne peut que renforcer la ségrégation, le
racisme, la violence; et nous sommes convaincus que la situation en Palestine est un enjeu
capitale dans le cadre de cette lutte.
L'UE, si elle veut être fidèle à son essence, et jouer un rôle politique utile, doit œuvrer pour
imposer la force du droit contre le droit de la force. Elle doit œuvrer pour que les palestiniens
puissent enfin jouir de leur droits, et lutter contre le projet colonialiste et raciste porté par
l'actuel gouvernement de droite dure et d'extrême droite israélien qui condamne la région à
de nouvelles guerres. La création d'un État palestinien n'est pas seulement un droit des
palestiniens, c'est un intérêt stratégique pour l'Europe afin de permettre à la coopération
Euro-méditerranéenne de prendre son plein essor, et de construire un nouveau rapport entre
l'Orient et l'Occident, qui aiment à se rappeler leurs fractures et feignent d'ignorer les liens
pourtant vitaux qui les unissent.

Mais la création d'un État palestinien est aussi un intérêt stratégique pour Israël à plus d'un
titre:

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

- d'abord, seul la création d'un État palestinien sur les frontières de 1967 avec pour
capitale Jérusalem-Est et une solution juste à la question des réfugiés palestiniens en accord
avec la résolution 194 permettra une paix juste et durable menant à la coexistence sur cette
terre lassé de guerres. Le projet de ségrégation et de colonisation porté par Israël, cet
apartheid en cours, ne peut perdurer et mène la région au bord du gouffre.
- Israël pourra aussi réussir son intégration dans une région où elle fut imposée.
L'Initiative de paix arabe est une chance pour Israël et pour la région qu'il ne faut pas rater.
- Enfin, l'occupation corrompt la société occupante. Cette société israélienne a
soutenu à 80% les massacres contre le peuple palestinien à Gaza commis en décembre
2008 et janvier 2009 alors qu'en 1982 après les massacres de Sabra et Chatila, 400 000
israéliens avaient manifesté contre leur propre gouvernement. Cette société se radicalise,
s'isole, se convainc qu'elle est agressée alors même que c'est son occupation qui engendre
la violence et qui mène à la résistance. Les israéliens viennent d'élire la droite dure et
l'extrême droite qui propagent des thèses racistes et qui répondent par la violence à
l'engagement courageux pour une paix juste de certains groupes (bien trop rares) israéliens.
L'UE, en décembre 2009, a adopté des conclusions importantes qui fixent les bases d'un
règlement du conflit – création d'un État palestinien sur les frontières de 1967, sauf pour les
changements agréés par les parties, le refus de l'annexion de Jérusalem-Est, la
condamnation de la colonisation et la demande faite à Israël d'y mettre un terme immédiat y
compris à Jérusalem, la demande de lever le blocus de Gaza – et qui doivent servir de
boussole au milieu du désert. Il faut maintenant suivre cette boussole ou accepter de mourir
de soif !
Il est temps pour l'UE d'utiliser les moyens à sa disposition pour contribuer concrètement à la
fin de l'occupation. L'Europe a les moyens de son ambition, mais elle n'a pas toujours le
courage et la clairvoyance de les utiliser, paralysée par les contradictions qui traversent ces
27 États, et par une culpabilité historique mal placée. L'UE doit utiliser ses moyens
politiques, diplomatiques, économiques, financières, techniques afin de pousser le
processus de paix vers l'avant. Si l'UE veut assumer sa responsabilité politique et historique,
se conformer à ses valeurs et à son essence, elle doit comprendre que soutenir la Palestine
et Israël passe non seulement par la construction des bases de l'État palestinien (l'Europe
est le premier donateur et le premier contributeur à cet effort) mais d'abord et avant tout par
l'opposition à une occupation et à une impunité israélienne qui détruisent cette région. L'UE
a réussi à se construire, en dépit de toutes les difficultés, car elle fut par ses valeurs du côté
de la démocratie, de la liberté, de la réconciliation, de la coexistence, contre le mur, contre
les racismes, contre les exclusives et les exclusions, la domination et l'oppression. Le
Moyen-Orient rêve du même destin, et espère que l'Europe l'aidera à le réaliser. Ce destin
commence par une Palestine libre!

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

PALESTINE: LA TRIPLE QUESTION DU DROIT,

DE LA LEGITIMITE ET DE LA CONTRAINTE
Jacques Fath, Responsable des relations internationales du PCF

Le Premier Ministre israélien, Benyamin Netanyahou multiplie les provocations avec


l’arrogance de celui qui ne craint rien. Il peut, sans autres conséquences que verbales,
annoncer la poursuite de la colonisation, continuer la judaïsation de Jérusalem, persévérer
dans le mépris du droit international, maintenir le blocus contre les Palestiniens de Gaza,
accentuer la répression par les forces d’occupation…Ni la France, ni l’Europe, ni les États-
Unis ne réagissent. La récente tournée au Proche Orient de la Haute représentante de l’UE,
Mme Ashton, comme la réunion du Quartet les 18 et 19 mars à Moscou confirment ce choix
d’inaction des Occidentaux…et des autres puissances concernées.
Car le problème est bien là, dans la contradiction entre une situation qui ne cesse de
s’aggraver dangereusement et la façon dont elle est traitée par ce qu'on appelle la
Communauté internationale ou, pour être plus précis, les États membres du Conseil de
Sécurité puisque celui-ci a la responsabilité de la sécurité internationale.
La situation est particulièrement préoccupante pour un ensemble de raisons. Disons que
l'échec du processus de paix est le facteur déclenchant principal. La non application des
accords par Israël et surtout la poursuite de la colonisation ont tué Oslo. Depuis le début des
années 2000, une page a été tournée. Nous sommes entrés dans une configuration politique
nouvelle issue de cet effondrement.

Dans ce contexte, Israël a mis en œuvre une stratégie volontariste initiée par Ariel Sharon.
Cette stratégie comporte 3 dimensions: premièrement, la colonisation accélérée des terres
palestiniennes; deuxièmement, la séparation pour isoler Gaza, concentrer la population de
Cisjordanie dans des enclaves, morceler le territoire par un réseau de routes et de tunnels
afin d'isoler ces enclaves tout en reliant les colonies; troisièmement, la domination pour
briser par l'occupation et par la force militaire toute résistance à l'occupation et, à plus long
terme, faire reculer la conscience politique et nationale palestinienne, délégitimer les
institutions et l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire tout ce qui peut nourrir l'espoir d'une
Palestine indépendante. D'où la brutalité des opérations militaires israéliennes depuis 2000:
Gaza en 2009, le Liban en 2006 n'effacent pas Jénine en 2002 et d'autres agressions que
bien des responsables occidentaux qualifient savamment de «disproportionnées»... comme
s'il y avait une bonne mesure à respecter...
Cette stratégie se met en œuvre sans que ni les États-Unis, ni les Européens – dont la
France - ne trouvent matière à s'opposer vraiment en obligeant Israël a changer de politique.
Les dirigeants israéliens, en effet, se moquent des critiques diplomatiques et des
condamnations formelles. Il en sera manifestement ainsi tant qu'Israël restera dans les faits,
et sans trop de contradictions, l'allié stratégique privilégié des Occidentaux, en particulier
pour l'ensemble des conflits du Moyen-Orient.
Les conséquences de cette évolution dramatique sont évidemment très dures pour les
Palestiniens: non seulement le blocus inhumain de Gaza se poursuit mais ils voient les faits
accomplis du mur d'annexion et de la colonisation à Jérusalem comme en Cisjordanie se

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

poursuivre. Ce qui alimente jour après jour l'idée fausse et la thèse périlleuse qu'il serait
bientôt trop tard pour édifier un État palestinien viable et indépendant. Les divisions des
Palestiniens s'exacerbent. Les réponses politiques qu'ils peuvent apporter, dans une marge
de manœuvre aussi étroite et fragile, ne peuvent pas obtenir l'efficacité nécessaire:
déclaration unilatérale d'indépendance, dissolution de l'Autorité palestinienne, abandon de la
solution en deux États pour la perspective d'un seul… Les principaux dirigeants de l'Autorité
palestinienne avancent des propositions chocs qui sont autant de mises en garde aux
Occidentaux pour leur dire: prenez enfin vos responsabilités et agissez...

Dans le rapport des forces actuel, cependant, les dirigeants israéliens se sentent
évidemment confortés. L'impasse qu'ils ont contribué activement à réaliser est telle que le
principe de négociations directes, officialisé avec Oslo, est mis en cause pour des
pourparlers indirects, par navette diplomatique américaine! C'est vingt ans de régression.
Shimon Pérès, Président israélien, se permet même d'accabler l’Autorité palestinienne. «Si
les Palestiniens, dit-il, avaient utilisé les seize années depuis les Accords d'Oslo pour
construire, leur situation aujourd'hui serait bien meilleure. Ils n'ont construit ni économie, ni
institutions». Comme si les Israéliens n'avaient pas tout fait, précisément, pour empêcher la
naissance d'une véritable autonomie en application des Accords d'Oslo, comme premier pas
avant la négociation dite du «statut final» prévu par ces Accords.
Cette arrogance, pourtant, ne parvient pas à masquer une autre réalité. La mise en œuvre
de la stratégie israélienne a des conséquences qui commencent à peser lourd. Le Rapport
Goldstone, adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unies, n’épargne pas le Hamas,
mais ce rapport tire son importance cruciale de l’ identification à laquelle il procède des
crimes de guerre, voire des crimes contre l' Humanité commis par Israël à Gaza. Il faut
souligner, cependant, que c’est depuis le début des années 2000 qu'Israël est explicitement
accusé, notamment par les organisations internationales de droits de l'homme de violations
manifestes et répétées du Droit, de crimes de guerre et même de crimes contre l'
Humanité…et pas seulement d'une violation du Droit humanitaire. Le Tribunal Russel pour la
Palestine (TPR) a effectué un travail précieux et rigoureux sur ces violations en qualifiant
aussi la politique israélienne de «crime d'apartheid».
Les faits sont d’une telle gravité qu'ils changent la nature du débat politique en faisant porter
prioritairement celui-ci non plus seulement sur des questions essentielles comme l'État
palestinien ou la sécurité, mais tout autant sur la légalité des actes et la légitimité de la
politique d’ Israël. Dominique Moïsi, Conseiller spécial de l'IFRI (Institut français des relations
internationales, réputé plutôt à droite de l'échiquier politique) n'hésite pas à écrire66: «A long
terme, ce n'est pas le seul rapport des forces qui peut assurer la sécurité d'Israël, c'est le
maintien de sa légitimité aux yeux de la communauté des nations. Imposer l'existence d'un
État palestinien aux côtés d'Israël, c'est aussi «mettre des digues» au processus de dé-
légitimation qui menace l'État juif». Une telle formulation – il faut bien en mesurer le sens –
constitue une sorte de mise en garde et d’interpellation des dirigeants occidentaux.
Dominique Moïsi ajoute - perfide mais lucide - «La société israélienne n'a pas les dirigeants
qu'elle mérite».
On en est là. Gaza et les agressions israéliennes des années 2000 ont fait exploser la
question du Droit et des Droits humains en faisant surgir les questions de l'impunité et de l'
inacceptabilité de la stratégie israélienne sur les plans éthique et politique. C’est la première
fois dans l’histoire que la mise en accusation d’Israël va si loin…
La portée de l'enjeu et la nature de l'alternative sont ainsi très claires: soit les États-Unis, les
Européens, notamment la France, et l'ensemble des pays membres du Conseil de Sécurité

66 Le Figaro, 9 mars 2010.

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agissent pour contraindre Israël à l'application des résolutions de l'ONU, soit la perspective
de nouveaux désastres ou d'une crise internationale majeure sont alors à redouter. Le feu
couve en Palestine et la colère monte. La multiplication des faits accomplis du gouvernement
Netanyahou et la volonté manifeste des autorités israéliennes de diriger les préoccupations
et les initiatives des autres pays du monde sur le nucléaire iranien et sur la question du
terrorisme, font craindre la possibilité d'une telle crise. Tout reste possible. S’agissant de
l’Iran, cependant, les dangers d’une intervention militaire contre ce pays sont d'une telle
ampleur que les décisions finales ne semblent pas prises.

Dans ce contexte nouveau marqué par des tensions et une impasse politique profonde,
l'enjeu est donc particulièrement élevé. C'est une situation qui nécessiterait des initiatives
politiques d'envergure, par exemple une Conférence internationale afin de ne pas laisser
Israéliens et Palestiniens dans un face à face déséquilibré et destructeur. La paix, comme la
sécurité est en effet une responsabilité collective. On en connaît toutes les conditions
définies par le corpus de droit et d’accords existant. Il faut, dès lors, redéfinir un chemin
politique et un cadre multilatéral pour parvenir à un règlement. Ce qui manque est d'abord
une volonté politique et un rapport de force adapté.
Dans cet esprit, l'idée qu'il faille imposer le respect du droit et contraindre Israël à l'appliquer
a fait son chemin. L'illégitimité de la politique israélienne a logiquement ouvert la voie à
l'exigence de sanctions. Le principe même de celles-ci a d'ailleurs été acté par le Parlement
européen dès avril 2002, par une résolution demandant la suspension de l'accord UE/Israël.
L'illégalité de la colonisation et de l'occupation justifie pleinement le bien-fondé de la
campagne populaire dite Boycott Désinvestissement Sanctions, comme moyen pour refuser
l'impunité, sensibiliser largement des opinions publiques qui restent en général – c’est un
acquis décisif - attachées à l'idée d'une solution comprenant la création, à côté de l'État
d'Israël, d'un État palestinien indépendant...Une solution possible et nécessaire que l’attitude
des dirigeants israéliens et les crimes commis ne peuvent que valider à condition de
contribuer à politiser le débat sur les conditions d’une paix juste, sur l’exigence du droit, la
nécessité et l’opportunité des contraintes.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

MOYEN ORIENT : BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN ?

PatriceJORLAND, historien-géographe

Depuis la mi-mars, les médias d’outre-Atlantique laissent entendre que les relations entre les
États-Unis et Israël sont entrées dans l’œil du cyclone, quand bien même le différend initial
n’est plus traité sur la place publique. Certains observateurs veulent espérer que
l’administration Obama parviendra à faire plier le gouvernement Netanyahou, cependant que
tout ce dont celui dispose comme groupe de pression se mobilise, dans le pays et au
Congrès, pour parvenir à calmer le jeu.

L’insulte et l’affront
A son arrivée en Israël, le 9 mars, pour un voyage officiel dans le pays, le vice-président
Joseph Robinette Biden fut informé par téléphone que le gouvernement Netanyahou
autorisait la construction de 1.600 nouveaux logements dans le quartier de Ramat Shlomo, à
Jérusalem-Est, bien au-delà de la « ligne verte ». L’insulte, terme que devait utiliser David
Axelrod, le conseiller principal de la Maison Blanche, était double. L’administration Obama
avait demandé aux autorités israéliennes de « geler » la colonisation dans tous les
territoires occupés, afin de permettre l’ouverture d’un cycle de négociations devant aboutir
enfin à une solution de la question palestinienne, et, après avoir opposé une vive résistance,
le gouvernement Netanyahou avait accepté de suspendre ses projets en Cisjordanie
pendant une période de dix mois. Pire, c’était faire affront à un vice-président qui n’a jamais
cessé, depuis le voyage qu’il avait effectué en 1973 comme jeune sénateur et qui lui avait
permis de rencontre Golda Meir, de s’affirmer « catholique sioniste » et fervent défenseur de
l'État d’Israël. Piqué au vif, il manifesta son mécontentement par un communiqué cinglant et
en arrivant 90 minutes en retard au dîner que lui offrait Benyamin Netanyahou, mais le 11
mars, lors d’une allocution à l’université de Tel Aviv, il tint à déclarer une fois de plus qu’en
matière de sécurité, il n’y avait, entre les États-Unis et l'État d’Israël, pas même l’espace
d’une feuille de papier à cigarette. L’incident paraissait clos.
Le ton devait pourtant s’aigrir au cours des jours suivants. Les explications du gouvernement
israélien ne firent qu’aggraver les choses : Netanyahou n’avait pas été informé de la
décision, purement technique, qu’avait prise son ministre de l’Intérieur appartenant au parti
ultra-orthodoxe Shass; de toute façon, la promesse de geler temporairement la colonisation
ne s’appliquait pas à Jérusalem-Est et, oui, une maladresse avait été commise en annonçant
la construction des logements pendant le séjour du vice-président américain. Ce sur quoi,
Hillary Rodham Clinton eut une conservation téléphonique de 43 minutes avec Netanyahou,
que l’on a décrite comme orageuse, au cours de laquelle la secrétaire d'État américaine
présenta trois exigences : abandon du projet de Ramat Shlomo, gestes susceptibles de
créer la confiance des Palestiniens (libération de prisonniers, levée de points de contrôle
notamment), discussions avec l’Autorité palestinienne sur le fond de la question et non plus
sur des aspects techniques ou de procédure. Une réponse satisfaisante n’ayant pas été
donnée, l’ancien sénateur George Mitchell, émissaire désigné par l’administration Obama
pour le Moyen Orient, annula le voyage qu’il devait effectuer dans la région pour se rendre à
Moscou afin de participer au Quatuor EU/UE/Russie/ONU qui, à son tour, demandera
quelques jours plus tard l’annulation du projet de Ramat Shlomo et le gel de la colonisation.
Mais, dans le même temps, les nombreux partisans qu’Israël compte aux États-Unis
faisaient feu de tout bois pour minimiser l’affaire, rappeler le caractère vital, sacré pourrait-on

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

dire, de la relation bilatérale et pointer du doigt la véritable menace, à savoir la République


islamiste d’Iran. Le congrès de l’AIPAC, le principal instrument du lobby israélien, qui doit
s’ouvrir le 21 mars, avec la participation d’innombrables décideurs et faiseurs d’opinion,
parmi lesquels la secrétaire d'État Clinton, la moitié ou presque des membres du Congrès, le
premier ministre Netanyahou et le ministre de la défense Ehoud Barak, sera sans doute
l’occasion de laisser retomber le soufflé. Ce d’autant plus que l’administration américaine est
engagée dans le difficile processus d’adoption de la réforme du système de protection
sociale, qui la conduit à tout faire pour éviter que la crise diplomatique ne vienne interférer
avec le vote des congressistes.
En sera-t-il véritablement ainsi et faut-il emprunter le titre de la comédie de William
Shakespeare pour affirmer que tout cela n’aura été que « beaucoup de bruit pour rien »
(much ado about nothing)? Ce n’est pas à exclure, mais l’affaire n’est pas anecdotique. Elle
confirme une fois encore une fois une donnée essentielle de la question palestinienne.
Depuis la guerre dite des « six jours » de juin 1967, et quel que soit le gouvernement en
place, la colonisation des territoires occupés n’a cessé de gagner en ampleur, le retrait de la
bande de Gaza décidée par Ariel Sharon n’ayant conduit qu’à un transfert des colons
déplacés vers la Cisjordanie et Jérusalem-Est, et atteint aujourd’hui les 500.000 personnes.
Or, le quotidien « Haaretz » a annoncé le 11 mars, sans être démenti, que 50.000 nouveaux
logements seraient construits au cours des prochaines années, tout particulièrement dans ce
qui devrait être la capitale d’un État palestinien indépendant. En d’autres termes, la stratégie
du fait accompli (« foot on the ground », comme le disait en son temps Moshe Dayan) se
poursuit qui rend de plus en plus difficile, pour ne pas dire impossible, l’application des
décisions de l’ONU, alors que les États-Unis en reconnaissent la validité et que l’actuelle
administration s’est, dès son installation, engagée à œuvrer dans ce sens.
Bien plus, il semble s’être passé quelque chose le 16 janvier dernier, qui appelle l’attention.
Dans un article de Mark Perry daté du 13 février, la revue en ligne « Foreign Policy » a
révélé que le très décoré général David Petraeus, présentement chef du Commandement
central (COCOM) couvrant le Moyen-Orient et l’Asie centrale, avait délégué ce jour-là des
représentants auprès du président de l'État major conjoint (JCS), l’amiral Michael Mullen,
pour lui faire part de ses inquiétudes. Lors d’une tournée dans les pays arabes de la région
en décembre 2009, ses adjoints avaient constaté que la confiance dans l’administration
Obama s’érodait rapidement, car celle-ci se montrait trop faible envers les dirigeants d’Israël,
que George Mitchell était décrit comme « trop vieux, trop lent… et trop à la traîne», que cela
affectait la stratégie consistant à regrouper ces pays derrière les États-Unis afin d’isoler
davantage l’Iran, que la cause palestinienne était instrumentalisée par les salafistes et autres
sectateurs d’Al Qaïda. En conséquence, la sécurité des positions américaines et, qui plus
est, celle des effectifs combattant en Irak, en Afghanistan et dans les confins du Pakistan en
étaient affaiblies. Il fallait donc agir et, sur le plan militaire, le général proposait d’intégrer les
territoires occupés à l’espace couvert par le CENTCOM, ce qui les ferait sortir du
commandement Europe (EUCOM) où seul demeurerait le territoire proprement israélien.
Cette démarche a été sans effet immédiat, si ce n’est d’alerter la Maison Blanche: quand
bien même Israël dispose du statut d’allié privilégié, cette relation ne saurait prévaloir sur la
sécurité des GIs. On pourrait donc voir dans cette démarche la cause de la fermeté
exceptionnelle dont ont fait montre le président et sa secrétaire d'État, le fait que le général
Petraeus est devenu l’icône de la droite américaine et d’une des tendances de la hiérarchie
militaire, qui le saluent, de façon très excessive, comme le « vainqueur » de la guerre en Irak
et comme le théoricien des « guerres hybrides », ne faisant qu’ajouter du poids à ses dires.
En vérité, à suivre le chef précédent du CENTCOM, l’amiral William Fallon, qui avait été
limogé en mars 2008 pour avoir critiqué la politique iranienne de l’administration Bush, de
telles idées circulaient déjà au sein du commandement mais ne pouvait s’exprimer du fait de
l’imbroglio en Irak et en Afghanistan. On pourrait ajouter qu’il y avait peu de chances de se
faire entendre par le 43ème président et que la déception actuelle est à la mesure des espoirs

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

soulevés, dans la région, par l’élection du 44ème.

Faire ou ne pas faire ?


Les États-Unis sont confrontés à un dilemme. Pour les raisons fort bien exposées par les
représentants du général Petraeus, la question palestinienne obère la grande stratégie
américaine au Moyen Orient dont les objectifs ont été définis de très longue date : assurer le
flux régulier d’hydrocarbures, empêcher que ces ressources ne soient contrôlées par des
régimes hostiles ou simplement trop indépendants, interdire que la zone ne passe dans la
sphère d’influence d’une autre puissance. La fin de la guerre froide n’a pas fait disparaître
cette dernière préoccupation, elle a simplement donné l’impression qu’elle avait été
satisfaite, sans avoir résolu un seul des problèmes internes de la région. Mieux, l’implosion
de l’Union Soviétique a étendu cette grande stratégie à l’Asie centrale, dont les richesses
naturelles s’avèrent également considérables. Bien que les problèmes et contradictions de
ce vaste ensemble soient multiples et ne puissent lui être corrélés, il n’en reste pas moins
indéniable que le sort imposé au peuple palestinien est central pour les peuples de la région.
Il importe donc agir et, les choses étant ce qu’elles sont, cela ne peut se faire qu’en
conformité avec les décisions de l’ONU.
Mais, et c’est le deuxième terme du dilemme, les décisions de l’ONU n’ont jamais été
pleinement, ni même partiellement, acceptées par les gouvernements successifs d’Israël.
Agir signifie donc obtenir que ce dernier change de position. Or, la relation existant entre
Israël et les États-Unis est d’une nature particulière, que certains analystes attribuent à
l’éminente efficacité du « lobby pro-israélien », trop souvent ramené par ailleurs à l’AIPAC.
Cette influence est indéniable, comme l’ont démontré des études sérieuses, et s’exerce
principalement au niveau du Congrès qui, non seulement a apporté un soutien constant aux
positions des gouvernements israéliens, mais encore accorde à ces derniers une très
conséquente aide financière et des privilèges uniques. Cette explication demeure cependant
insuffisante, car elle n’éclaire pas pourquoi l’action du lobby pro-israélien (il vaudrait mieux
dire aujourd’hui « pro-Likoud ») est parvenue à éveiller un tel écho. Certes, le puritanisme
anglo-saxon contient une dimension philosémite et il existe, en son sein, un courant
dispensationaliste selon lequel le retour du Christ sur terre ne se produira qu’après celui des
Juifs sur la « Terre sainte », et leur conversion au christianisme. Bien qu’il se soit fortement
structuré au cours des deux dernières décennies et joue un rôle politique à la droite extrême
de l’échiquier, il ne faudrait cependant pas exagérer son rôle. D’une part, le courant n’a pris
une certaine importance qu’à partir du XIXe siècle, à partir de l’expédition d'Égypte du
général Bonaparte, puis en relation directe avec l’affaiblissement de l’empire ottoman et
comme une justification de son démantèlement. Son activisme actuel participe de la
(re)montée d’une droite intégriste, militariste, chauvine et anti-étatiste, qui anime par
exemple l’opposition à la réforme de la couverture maladie et a pris Sarah Palin pour icône.
Par ailleurs et surtout, le soutien « indéfectible » à l'État d’Israël est bipartisan, au sens où il
est également le fait d’un bon nombre d’élus démocrates, ce dont les positions du vice-
président Biden portent témoignage.
Ce qui est vrai, c’est que la « destinée manifeste » des États-Unis pose que ce pays est une
terre vierge, épargnée par les miasmes du Vieux monde, sur laquelle il sera possible de
construire une société nouvelle, « la cité sur la colline » où pourront se retrouver tous les
persécutés de la planète et où chacun aura la liberté de réaliser sa destinée personnelle. En
bref, une nouvelle « Terre promise », un nouvel Israël, conviction dont l'Église des saints du
dernier jour (les Mormons) offre, comme on le sait, une version plutôt originale, puisque ses
dévots affirment descendre de la Maison de Joseph, suite à la migration des tribus de ses
fils Manassé et Ephraïm sur le territoire actuel des États-Unis. Plus encore, la création de
l'État d’Israël comme refuge des Juifs, persécutés entre les persécutés, l’adoption par lui

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d’une constitution démocratique, le pluralisme politique, la diversité de la presse et la


« transformation du désert en un verger florissant » ont permis une assimilation des deux
pays : si les États-Unis sont bien la nouvelle Terre promise, il est licite, en retour, de voir
dans l'État d’Israël une réplique des États-Unis, les Palestiniens étant assimilés de leur côté
aux Indiens dont l’incapacité à faire fructifier la terre justifiait leur expropriation.
Cette construction mentale ne s’est pas faite en un jour mais est, elle aussi, liée à la situation
internationale, en d’autres termes à l’implication croissante, profonde et multiforme des
États-Unis au Moyen Orient. Il serait aisé d’en retracer les étapes. On se contentera de
rappeler qu’un saut qualitatif a été accompli avec la « doctrine Carter », qui devait donner
naissance au CENTCOM et à une présence directe et constante du Pentagone dans la
région, alors que celle-ci relevait auparavant de l’EUCOM, que les opérations armées étaient
restées jusqu’alors limitées dans le temps et l’espace (Liban), que l’effort principal avait
consisté à consolider des points d’appui régionaux (Turquie, Iran et Arabie saoudite), après
l’échec du pacte régional appelé CENTO. Si l'État d’Israël et ses forces armées israéliennes
ont été très vite soutenus, l’assistance militaire initiale avait été française et c’est au moment
de la « guerre des six jours » que les États-Unis ont pris le relais avec détermination. Les
partisans d’une autre politique américaine au Proche-Orient soulignent à juste titre qu’un
soutien inconditionnel à la politique des dirigeants israéliens n’est pas conforme aux intérêts
des États-Unis (ni à ceux, bien compris, de l'État d’Israël), mais tendent à minimiser une
réalité de première importance : l’allié le plus puissant et le plus fiable dont dispose le
Pentagone dans la région est et ne peut être que l'État d’Israël. C’est par les armes et ses
services secrets que celui-ci est parvenu à défaire les régimes progressistes arabes, à tenir
en respect les récalcitrants, à juguler le mouvement palestinien et à domestiquer ses voisins.
Le renversement du régime du shah d’Iran n’a fait qu’amplifier la nature stratégique de
l’alliance israélo-américaine, dans la mesure même où le principal point d’appui géopolitique
des États-Unis en avait fini avec la «révolution blanche » pour plonger dans la « révolution
verte ». L’armée saoudienne est suréquipée, ce qui ne garantit en rien son efficacité, tandis
que celle des forces armées turques est reconnue, mais avec des moyens qui restent
tournés vers l’Europe et contre les Kurdes. Aussi une si longue et si dense alliance a-t-elle
donné naissance à une fraternité d’armes entre les appareils militaires et les agences de
renseignement des deux pays, à une étroite imbrication, qui préserve néanmoins l’autonomie
de décision et d’action de Tsahal. Le rappel de ces données renforce encore l’intérêt que l’on
devrait accorder à la démarche et à l’argumentaire du général Petraeus.
Le dilemme peut donc se résumer ainsi : comment faire évoluer un allié si proche sans
remettre en cause cette indispensable fraternité d’armes et sans provoquer, aux États-Unis
mêmes, une crise politique majeure ? Deux écoles s’affrontent à ce sujet. Un courant, sans
doute majoritaire au Congrès, considère qu’Israël, fort de son aura aux États-Unis et de son
autonomie réelle, ne cédera jamais aux pressions américaines, si bien que des compromis
ne pourront être obtenus de sa part que si sa sécurité ne lui paraîtra pas menacée. C’est
ainsi, assure-t-on, que Bush le Jeune aurait obtenu d’Ariel Sharon l’évacuation de la bande
de Gaza, à supposer que cette décision ne procédait pas de considérations bien plus
complexes qu’un conseil pressant et complaisant. Mais une autre école rappelle ce qu’avait
fait Bush l’Ancien, dans la foulée de la guerre du Golfe, afin que s’ouvre, le 30 octobre 1991,
la conférence de Madrid qui devait conduire ensuite à la signature des accords d’Oslo. Pour
faire céder le premier ministre Yitzhak Shamir, qui n’entendait pas se retrouver à la même
table de négociations que le « terroriste » Arafat et qui estimait d’ailleurs qu’il n’y avait pas
grand chose à négocier, si ce n’était la soumission des Palestiniens, l’administration
américaine avait menacé de suspendre les garanties des crédits lancés par Israël, à hauteur
de 10 milliards de dollars, décision qui aurait rendu beaucoup plus coûteux, voire
aléatoires, ces emprunts. Cela avait en définitive entrainé la démission de Shamir,
l’accession aux affaires d’Yitzhak Rabin et, partant, la conclusion des accords d’Oslo.
Certains observateurs notent que l’acceptation des deux premières conditions énoncées par

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

Hillary Clinton – abandon du projet de Ramat Shlomo, gestes envers les Palestiniens de
Cisjordanie - sont pleinement conformes aux différentes moutures de calendrier des
négociations, mais, à l’instar de ce qui était advenu du gouvernement Shamir, ferait
inévitablement éclater le gouvernement Netanyahou qui, en dépit de la participation de
travaillistes, est le plus à droite de l’histoire israélienne. Serait-ce là l’objectif à court terme,
dont le reste dépendrait ?

C’est bien ainsi que les hommes vivent


Selon une remarque tragique, les Palestiniens, qui restent à la recherche d’un État depuis
tant d’années, en disposent aujourd’hui de deux, tous deux croupions. Sur les 1,4 millions
d’habitants de Gaza, 800.000 sont enregistrés comme réfugiés, soit à la suite de la nakbah
de 1948, soit du fait des 22 jours de l’ « opération Plomb durci » de décembre 2008-janvier
2009, ou encore parce que cette cause-ci a fait rejouer cette cause-là. Au cours des deux
dernières années, 95% des entreprises ont été fermées et 98% des emplois du secteur
privé ont été perdus. De fait, le blocus israélien interdit quasiment toute importation, et
compte tenu des faibles ressources propres au territoire, toute activité économique se révèle
impossible. Les autorisations sont accordées de façon discrétionnaire par Israël. Un
exemple, décrit par le quotidien « le Monde » en date du 21 mars, illustre l’impasse où se
trouve plongée la population. L’Agence de secours et de travaux des Nations Unies pour les
réfugiés palestiniens (UNRWA), créée en 1948 pour faire face à une urgence humanitaire qui
perdure depuis plus d’un demi-siècle, a lancé un projet de construction de modestes
maisons en argile - le blocus empêche l’importation de ciment -, dont d’ailleurs la résistance
aux intempéries n’est pas assurée, pour un coût unitaire de 7.000 euros. Le financement
provient du Koweït et des Émirats arabes unis. Il est possible qu’un total de 120 maisons le
soit dans un avenir point trop lointain, mais « comme c’est souvent le cas pour l’aide
humanitaire, relève un expert, « elles vont contribuer à pérenniser de facto le blocus de
Gaza par Israël ». La Cisjordanie ou, pour être plus précis, les parcelles de ce territoire
censées être sous la juridiction de l’Autorité palestinienne, connaissent un sort à peine moins
pénible. Les fonctionnaires sont payés grâce à l’aide internationale, ce qui a permis, nous y
reviendrons, au PIB de croître l’année dernière, tout en restant inférieur de 35% à son niveau
de 1999.
Le Hamas administre un espace, la bande de Gaza, qui, du fait du blocus autorisé par la
« communauté internationale », est devenu une prison à ciel ouvert. La « zone libre » de la
Cisjordanie reçoit une abondante aise internationale mais, si elle est l’embryon de quelque
chose, ce ne peut être d’un État indépendant et souverain. Il est désormais trop tard pour
revenir sur le « processus d’Oslo » qui, en son temps, avait levé des espoirs excessifs.
D’une part, l’OLP était enfin reconnue comme la représentante authentique des Palestiniens
et il semblait en effet que la voie était ouverte vers la constitution d’un État palestinien.
D’autre part, il ne pouvait y avoir de solution juste sans négociations entre les deux
protagonistes directs, les Palestiniens et les Israéliens. D’ailleurs, la fin de la guerre froide et
l’implosion de l’URSS avaient passé la main, toute la main, aux États-Unis et dans l’illusion
de la mondialisation du libre marché et de la démocratie distillée par l’administration Clinton,
toute autre voie paraissait irréaliste. Mais le processus restait entaché de graves
contradictions. La principale tenait à ce que l’Autorité palestinienne se retrouvait contrainte
de passer une série interminable d’épreuves et de vérifications dont les juges – les dirigeants
américains et israéliens - étaient également parties. Cela faisait dépendre le processus et du
bon vouloir des premiers et du jeu politique des seconds. Ainsi, l’assassinat d’Yitzhak Rabin,
la montée en puissance de colons se présentant comme la pointe avancée du sionisme en
action, le poids croissant de la hiérarchie militaire ne cessent de peser en Israël, tandis que
s’est consolidée la vision d’une communauté de destin entre les États-Unis et l'État d’Israël.

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

De surcroît, le pas à pas qu’établissait le processus faisait de l’Autorité palestinienne un


appareil d'État sans État : non seulement son aire d’autorité était réduite et ses prérogatives
contraintes par l’armée israélienne, mais encore la déstructuration de l’économie des
territoires occupés se poursuivait. Comme le démontre le chercheur Julien Salingue, à la
suite de confrères palestiniens et américains, on peut parler d’un dé-développement des
territoires au sens où toute possibilité d’autonomisation productive se trouve niée et détruite.
Les seuls secteurs en croissance en Cisjordanie sont la fonction publique (en particulier
l’appareil de sécurité et de contrôle), grâce au financement international, et celui du
bâtiment. Cela ne pouvait qu’accentuer les tendances au clientélisme et à la corruption. Il ne
faut donc pas s’étonner que le mouvement palestinien en ait été affaibli, avec l’assistance
attentive des dirigeants américains et israéliens qui ont longtemps favorisé les Frères
musulmans, matrice du Hamas, et sapé l’autorité de Yasser Arafat. Que l’on ajoute à cela les
rivalités récurrentes entre pays arabes et courants islamiques, la transnationalisation du
djihadisme, le « double endiguement » de l’Irak et de l’Iran, puis les aventures militaires du
jeune Bush, et le sort des Palestiniens a été recouvert par des considérations qui n’ont rien à
voir avec lui ou, plutôt, qu’il faudrait inverser : la solution de la question palestinienne ne
dépend pas de la conduite des mollahs iraniens ou des émirs du pétrole, c’est une question
en soi, qui est de nature coloniale, et dont ladite solution a déjà été définie par la
« communauté internationale ».

De l’espoir à l’audace
On s’étonnera sans doute de ce qu’un article consacré à la question palestinienne tourne
autour de l’administration américaine. Répétons-le, la clé internationale est dans la main des
États-Unis et, pour être rapide, il suffirait que cette clé ouvre la porte pour que les autres
membres du Quatuor suivent, et, avec eux, tout ce que la planète compte aujourd’hui de
« puissances émergentes ». Au sein du Quatuor, seule l’Union européenne disposerait d’une
capacité d’influence sur les États-Unis et sur Israël, parce qu’elle se comporte en alliée fidèle
des premiers et parce que son aide financière aux territoires palestiniens permet à
l’occupation et au blocus de perdurer. On pourrait reprendre à son endroit le titre d’un récent
article de Zbigniew Brzezinski ,qui s’adressait à l’administration Obama en reprenant le titre
de l’ouvrage le plus célèbre du 44ème président : il importe, il est urgent de passer de l’espoir
à l’audace.
Indéniablement, l’élection de Barack Hussein Obama a éveillé des espoirs. Les échecs de
son prédécesseur étaient manifestes, le changement s’imposait et le nouvel élu semblait
apporter un sang neuf. Il s’est très vite démarqué du « conflit de civilisations » latent sous le
discours et les actes du jeune Bush, il a proposé une approche différente à l’égard de
régimes définis comme « scélérats » (Iran, Syrie), il a annoncé vouloir s’attacher à la
solution de la question palestinienne et désigné à cette fin des hommes convenables. Les
conditions n’étaient cependant pas idéales pour ce faire : crise économique sans pareille
depuis des décennies, difficiles réformes intérieures et, pour parler de la région concernée,
divisions du mouvement palestinien, massacres à Gaza, formation d’un gouvernement ultra
en Israël, élections contestables et contestées en Iran, jeu réciproque de provocations entre
Ahmadinejad et Netanyahou…
La serrure que la clé pourrait ouvrir est une véritable négociation permettant la formation
dans un délai maximum de deux ans d’un État palestinien. Ce pourrait être là le sens de la
troisième exigence formulée par la secrétaire d'État Clinton. L’obtenir, ne signifie pas
abandonner Israël, qui dispose d’ailleurs de moyens sans comparaison dans la région. La
complaisance à son endroit est tout simplement un déni de justice et le renoncement à
l’application des recommandations de la « communauté internationale ».

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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009

Nouvelles brèves :

SOMMAIRE ---------  le prochain numéro


des Cahiers de l'IDRP
paraîtra en juin. Il
comportera un dossier
 dossier 1 : L'Afrique, enjeu sur « Le monde
occidental est-il menacé
stratégique ? » et un second sur
« Abolition de l'arme
nucléaire : réaliste ou
 Pierre-Paul Dika, docteur en droit public pas ? »
 Karim Jobrane, doctorant en relations
internationales, Université Hassan II, Casablanca
 Raphaël Porteilla, maître de conférences en 
sciences politiques, CREDESPO, U. Bourgogne)
 Michel Rogalski, économiste - CNRS-EHESS

 

 dossier 2 : Défis à la paix au


Proche-Orient

 Hassan Balawi, délég. Palestienne UNESCO


 Majed Bamya, délég. Palestienne U.E
 Jacques Fath, relations extérieures PCF
 Patrice Jorland, historien - géographe

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c o n ta c t : 0 6 6 5 2 2 2 0 8 3

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