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Les cahiers
de l’IDRP
mars 2010
* D é fis à la p a ix a u P ro c h e -O rie n t
par H as s ane B alawi, M ajed B am y a, J ac ques F ath,P atric e J orland
Ce pays a pris une place non négligeable dans les rapports économiques
mondiaux à la faveur de la reconversion de son appareil productif et de la
libéralisation des échanges qui ont favorisé son intégration dans
l’économie mondiale. Avec un PNB qui représente 45 % de celui des pays
d’Afrique subsaharienne et un PIB constituant à lui seul 75 % du total des
pays de la SADC 7, la puissance financière de l’Afrique du Sud (et celle
des compagnies minières) exprime l’ambition de se maintenir en tant que
puissance régionale et continentale, mais également celle de conserver
un rôle de conciliateur, en dépit des difficultés et des évolutions.
Dans cette perspective, la conférence de Polokwane a ajouté un volet
économique au projet de Renaissance africaine en tendant vers une
diplomatie économique. En effet, cette tendance doit se comprendre
comme une (ré)orientation stratégique afin de tenter de tirer les
dividendes de la paix à laquelle l’Afrique du Sud à contribuer dans maints
endroits du continent. Dans la continuité de l’ère Mandela et Mbeki, trois
domaines seront privilégiés : la consolidation de l’agenda africain de
4 Kagwanja P. and Kondlo K. (ed.), State of Nation 2008, HSRC Press, Cape Town, 2009, p. xxxix.
5 ANC 52nd National Conference 2007 Resolutions, Polokwane, South Africa 16-20 december 2007.
6 Dika P-P., Les fondements de la politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud; acteurs facteurs et instruments,
L’Harmattan, Paris, septembre 2008 et La nouvelle Afrique du Sud face à la mondialisation: les défis globaux d’une
puissance africaine, L’Harmattan, Paris, novembre 2008.
7 Communauté de développement de l’Afrique australe, composée de 14 pays.
13 Voir Samir A., Afrique, Exclusion programmée ou renaissance ?, Maisonneuve et Larose, Paris, 2005, p. 213 et s.
14 Voir Ngoma N., « SADC towards a Security Community ? », African Security Review , vol. 12, n° 3, 2003, p. 18-
28. Et aussi Zacarias A., “Redefining Security”, in Baregu M. and Landsberg C. (ed.), From Cape to Congo
Southern Africa’s Evolving Security Challenges, Lynne Rienner Publisher, Boulder, Colorado, 2003, p. 31-49.
15 Lafargue F., « Afrique du Sud, Une démocratie entre amertume et espoirs », Questions internationales, n° 35,
janvier-février 2009, p. 109.
16 Mail and Guardianonline, “Obama presses South Africa on Zimbabwe », http://www.mg.co.za/article/2009-01-29.
25 Ex-femme de J. Zuma, elle est en charge dans le nouveau gouvernement en date du 10 mai 2009, du Ministère de
l’Intérieur.
26 Ditaba, Bulletin de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris, janvier 2009, p. 5.
27 Washington Post, 28 mai 2008.
28 Cité par Ditaba, mars 2009, op.cit., p. 2.
29 K. Motlanthe, op.cit., p. 19.
La fragilité de l'État
Selon une idée très répandue « l'État en Afrique n’est pas tant le produit
des forces sociales en présence et/ou d’une demande nouvelle, qu'une
divine surprise imposée par l’extérieur. Il a été occupé par une élite
bureaucrate locale qui a repris la coquille laissée par le colonisateur. »37
Selon une certaine thèse, en Somalie « la société pré-coloniale était une
société sans État, ne disposant pas d’aucune hiérarchie institutionnalisée,
le principal mode de production fût le pastoralisme communautaire».38
En d’autres manière la société somalienne était une société "désétatisée"
et « désinstitutionnalisée » ne possédant ni structure étatique ni autorité
gouvernementale, vivant en pleine autarcie suivant les coutumes tribales
dans un univers segmentaire fermé.
Dire que l'État est un construit qui demeure étranger à la culture
somalienne parait comme relevant d’un parti pris académique sans
soubassement réel. Cette thèse demeure une hypothèse séduisante, mais
totalement dépourvue de réalité comme en témoignent les formes de
centralisation de pouvoir à l’époque pré-coloniale notamment le sultanat
de "Majeerten" et du "Dajuran" (16 Siècle) et celui du "Geldi" (fin du
18),39 attestant de manière incontestable l’existence des structures de
pouvoir bien avant l’établissement de l'État moderne en Somalie.
Le clanisme, ou plutôt son instrumentalisation, constitue un autre facteur
symbolisant cette fragilité de l'État, selon un certain auteur « le clanisme
somalien est la version générique de l’ethnicité ou du tribalisme, et c’est
lui que doit être imputé la responsabilité de la fragmentation culturelle et
les clivages dans la société somalienne ».40
Pour comprendre la politique somalienne, il est nécessaire de
comprendre le clanisme. On use généralement du « "Tribalisme" ou
"tribalisme politique" pour qualifier son utilisation politique par un
groupe dans sa lutte avec les autres groupes ».41 Sous cet aspect, le
tribalisme devient « un moyen d’accéder au pouvoir étatique qu’une
façon de s’en détourner ».42
Toutefois, nous ne nous voulons pas par là incriminer et diaboliser le
clanisme et lui imputer la dérive de la société et l'État somalien, ni même
l’innocenter et de lui retirer tous les chefs d’accusation. Le clanisme en
principe ne constitue pas une source de conflit, il ne procrée pas
nécessairement à l’embrasement conflictuel tout azimut. Mais la
politisation de l’identité clanique et la manipulation par l’élite à la fois
dirigeante et opposante du Jus Sanguinis est largement montrée du doigt
comme un facteur éminent de l’effondrement de l'État Il est avéré que cet
effondrement doit beaucoup de l’utilisation de l’élite somalienne des liens
37 Darbon, Dominique, « L'État prédateur», Politique Africaine, n°39, septembre 1990, p.44.
38 Samatar, Ismail, Destruction of state and society in Somalia: Beyond the tribal convention, Journal of Modern African Studies,
Volume 30, n°4, 1992, p.632.
39 Pour rendre compte de l’historicité des formes de centralisation de pouvoir en Somalie voir l’article de Djama, Marcel, «
Trajectoire du pouvoir en pays somali», Cahiers d'études africaines, Volume 37, Numéro 146, 1997, pp.403-428.
40 Adam, Hussein, Somalia: A terrible beauty being born in Collapsed States: The Disintegration and Restoration of Legitimate
Authority (sous la direction de Zartman, William), London, Lynne Rienner Publishers, 1995, p.70.
41 Lonsdale, John, « Ethnicité, morale et tribalisme politique », Politique Africaine, n°61, Mars 1996, p.100.
42 Ibid., p.102.
43 Renders, Marleen, « Le Somaliland : Le clan essence du pouvoir, », Cahiers de l’Afrique, 4éme trimestre, n°4, 2003, p.37.
44 Vircoulon, T, « La crise somalienne » Afrique Contemporaine, n°177, 1er trimestre 1996, p.8.
45 Chabal, Patrick & Daloz, Jean-Pascal, L'Afrique est partie ! : Du désordre comme instrument politique, Paris, Economica, 1999,
p.27.
46 Médard, J-F, « L'État patrimonialisé », Politique Africaine, n°39, Septembre 1990, p.31.
In fine, ce qui est parfaitement avéré et cela peut être perçu dans la fin
des années 1980, lorsque le régime de Barré terrorise son propre peuple
en bombardant le nord de Hargeisa au milieu de 1988, faisant à peu près
5000 morts. Pis encore prés de 50 à 60 000 morts pour les deux années
1988-1989. Plus au sud, le constat est identique, répression et violence
contre l’opposition et la société sont monnaie courante et cela peut être
visible lors de la sanglante répression des manifestations de 14 juillet
1989 à Mogadiscio (400 morts le 1er jour et le total d’au moins 1048) .
Il est vrai aussi que la mauvaise gestion économique et l’absence d’une
bonne gouvernance ont aussi joué « un rôle déterminant dans
l’effondrement de l'État en Somalie. Après l'abandon de l’expérience du
socialisme scientifique en 1980, le gouvernement manquait d’une
stratégie cohérente de développement, sa politique macro-économique a
été qualifiée d’erratique et inconsistante».47
Pis encore en 1990, « la dette extérieure avoisinait 1,9 milliards de
dollars, qui était équivalente à 36% du PIB, la crise du secteur public
avait pour origine les dépenses massives pour la défense et la
sécurité ».48 Inutile de rappeler que l’économie vers la fin des années
1980 n’existait plus que par l’injection massive de l’aide internationale.
L’exemple de « la faillite de la principale banque somalienne en 1989 due
au non remboursement des prêts importants concédés aux entourages
des dirigeants »,49 conforte la thèse du détournement de l’économie au
profit du régime et de personnalités de son entourage immédiat.
Il est avéré que « la révolte contre S. Barré s’est nourrie de toute une
série de frustration économique, aux débuts des 1980».50 Les
revendications économiques ont conduit donc aux protestations puis à la
stimulation de la contestation armée.
L’imputation de la responsabilité à la dictature de tous les maux et de la
dérive de l'État somalien contient néanmoins des éléments de vérité, mais
ne saurait constituée l’unique explication de la déliquescence de l'État.
La contestation armée
A la suite du coup d'État manqué d'avril 1978 fomenté par des officiers
du clan Majerteen, certains parmi ces derniers ont pris la fuite et ont
formé le premier mouvement d’opposition, le Somali Salvation
Democratic Front (SSDF) sous le leadership du très charismatique
Abdullahi yuusuf et avec l’aide des autorités éthiopiennes.
Le second mouvement est le Somali National Movement (SNM), il aura
« une adhésion progressive de l’ensemble des populations du clan Isaak,
47 Ismail, Ahmed & Green, Reginald, «The heritage dimension of war and state collapse in Somalia and Somaliland », Third
World Quarterly, Volume 20, n°1, 1999, p.115.
48 Ibid., p.116.
49 Marchal, Roland, « Les frontières de la paix et de la guerre », Politix, volume 15, n° 58, 2002, p.47.
50 Marchal, Roland, « Des contre-sens possibles de la globalisation : Privatisation de l’État et bienfaisance au Soudan et au
Somaliland », Politique Africaine n° 73, mars 1999, p.76.
51 Djema, Marcel, « Sur la violence en Somalie : Genèse et dynamique des formations armés », Politique Africaine, n° 47, 1992,
p.148.
52 Katsuyoshi Fukui & John Markakis, Ethnicity and conflict in the Horn of Africa, London, Currey, 1994, p.233.
53 Kreijen, Gerard, State failure, Sovereignty and effectiveness: Legal lessons from the decolonization of sub-Saharan Africa,
Leiden, Nijhoff Publishers, 2004, p.68.
Conclusion
In fine, depuis la fin de la guerre froide, la Somalie véhicule l’image d’un
pays en proie à une dynamique permanente de défaillance de l'État, ce
qui est perceptible dans le climat du chaos et de violence qui ont sévi tout
au long de deux décennies.
Cet État de fait a pour origine un ensemble de facteurs qui ne sont certes
pas exhaustifs, mais paraissent jouer le rôle le plus important dans
l’effondrement de l'État en Somalie.
Il en ressort que presque deux décennies après l’effondrement du régime,
la Somalie est présentée comme une nation à la recherche d’un État,
désormais cette quête est loin d’être terminée.
54 Adam, Hussein, Somalia: Problems and prospects for democratization In State building and democratization in Africa: Faith,
hope and realities (Sous la direction de Kidane Mengisteab, Cyril Daddieh), New York, Praeger Publishers, 1999, p.267.
Michel ROGALSKI,
économiste (CNRS-EHESS)
d’abord exprimer une solidarité sans faille majeure avec les puissances
coloniales européennes, membres de la même communauté occidentale
et alliées dans l’Otan. La Guerre froide surdétermine alors les rapports
mondiaux. Dans le même temps, il lui fallait émettre des signaux amicaux
vis-à-vis d’un Tiers Monde dont l’émancipation coloniale sera l’un des
faits marquants de la deuxième moitié du XX° siècle et avec lequel il
faudra se préparer à entrer en rapport directement sans passer par le
canal des puissances européennes. Bref, impossible de coller trop près
des colonisateurs qui doivent rester des alliés. Cette position est rendue
difficile en outre par la présence d’une forte minorité afro-américaine aux
États-Unis même, facteur qui risque de transformer toute prise de
position du gouvernement américain sur l’Afrique en une question de
politique intérieure à implication raciale 55. Il est par ailleurs impossible
de s’en distancier de trop en prenant le risque de fissurer la communauté
occidentalo-atlantique.
L’après-guerre froide
semblent jouer un rôle dans ce trafic ont reçu en mars 2009 la visite de la
responsable civile de l’Africom pour aboutir à un accord de coopération
dans ce domaine. Les cartels de trafic sont déjà sous surveillance et l’on
peut déjà imaginer de futurs Plans Colombie pour l’Afrique. La posture
militaire et sécuritaire semble donc prendre le pas comme réponse aux
immenses problèmes auxquels l’Afrique est confrontée.
La coopération militaire - de l’entraînement de soldats à la fourniture
d’armements, en passant par les conseillers qui officient dans les États
majors - est en bonne marche. Elle complète la présence de l’ancienne
grosse base militaire anglo-américaine de Diego-Garcia qui, au cœur de
l’Océan indien, surveille tout ce qui s’y passe et est capable d’accueillir
une armada de navires de surface - y compris des portes avions - ainsi
que des sous-marins nucléaires 61. À cette base s’ajoute depuis 2002 celle
de Djibouti coexistant avec la base française et accueillant déjà plus de
1800 hommes. La première sécurise les intérêts de l’Occident dans une
zone carrefour essentielle et la seconde s’inscrit dans l’” axe
antiterroriste ” et vise l’influence de l’islam radical dans la région. Ses
commandos, et ses drones, sont certainement présents dans les conflits
de la Corne de l’Afrique. À cela il faudrait ajouter le recours non-officiel
mais de plus en plus connu, aux sociétés militaires privées (SMP,
véritables sociétés mercenaires) dont le développement est spectaculaire.
61 Cf. André Oraison, “ Diego Garcia : enjeux de la présence américaine dans l’Océan Indien ”, Afrique
contemporaine, n° 207, automne 2003
64 Cf. René Boissenin, “ Le Millenium Challenge Account, évolution ou révolution dans l’aide publique au
développement des États-Unis ? ”, Afrique contemporaine, n° 207, automne 2003
« Gaza est la porte de l’Afrique et le pont vers l’Asie », c’est ainsi que s’est exprimé
Napoléon Bonaparte pour qualifier la position stratégique de ce territoire minuscule, faisant
effectivement, si l’on regarde la carte géographique, zone de liaison entre les deux
continents de l’Afrique et de l’Asie .
Mais Gaza est aussi, est un pont dans l’histoire nationale palestinienne, notamment à partir
du 14 mai 1948 , date crucial dans le drame palestinien , puisqu’elle marque avec la
NAKBBA , la disparition du nom de la Palestine de la carte géographique et politique .
C’est à Gaza précisément, terre très réduite en terme d’espace géographique avec 360 km
carrés , c'est-à-dire une surface ne dépassant pas 1,33% de la surface de la Palestine
historique , mandataire ( avant la création de l'État d’Israël ) que se jouent les différentes
étapes de la construction nationale palestinienne contemporaine .
C’est d’abord la population de Gaza, passée à 300% de personnes avec l’afflux des réfugiés,
chassés de leurs maisons dans les territoires de 1948, faisant ainsi une zone avec une des
densités démographiques la plus élevée du monde, qui porte le statut Palestinien en
Palestine.
Les 100 mille palestiniens restant sur leur terre en 1948, alors que la majorité –environs 800
milles âmes – étaient contraints de quitter du jour au lendemain leurs maisons, suite aux
épurations ethniques livrées par les groupes paramilitaires sionistes, comme l’attestent
aujourd’hui les nouveaux historiens israéliens tel qu’Ilan Pappé, ont été finalement
considérés par Israël comme israéliens, indépendamment des circonstances. Quant aux
palestiniens de la Cisjordanie, ils ont été considérés comme jordaniens du fait de l’annexion
par la Jordanie de cette terre palestinienne en 1950.
Le 1er octobre 1948 , le Grand Mufti Amin Al Husseini , Président du Haut Comité Arabe ,
convoque à Gaza le premier conseil national palestinien , celui-ci adopte l’actuel drapeau
palestinien , constitue un gouvernement palestinien appelé « Gouvernement de toute la
Palestine » et décide aussi de délivrer un passeport palestinien .
C’est donc à Gaza qu’une première tentative d’une souveraineté palestinienne, qui aura des
conséquences plus tard dans la construction de l’identité nationale palestinienne , a eu lieu ,
même si elle a échoué puisque le grand mufti Hussein , l’équivalant de Yasser Arafat de nos
jours , se trouvé obligé toute de suite après , par le gouvernement royaliste égyptien – avant
la révolution de 1952 – de quitter Gaza , et le gouvernement palestinien , pourtant reconnu
par la Ligue Arabe –récemment crée en 1945 - se trouve à son tour pratiquement avorté par
les deux gouvernements égyptien et jordanien , tous les deux sous influence britannique.
C’est à Gaza , aussi que les racines du mouvement national palestinien qui donne naissance
plus tard à l’OLP , ont lieu , d’abord par l’implantation du groupe Frères Musulmans qui
jouent un rôle important dans les premières opérations militaires contre Israël mais aussi rôle
social conséquent d’aide à la population palestinienne, en situation de détresse .
Viennent en suite comme groupes politiques , les partis communistes et nationalistes arabes,
Le Fatah , pilier plus tard de l’OLP naît dans les rangs des frères musulmans et se sépare
progressivement , pour être joints plus tard, et sur une base patriotique palestinienne , par
Gaza abrite aussi, sous l’influence du président égyptien Nasser , le premier conseil
législatif palestinien en 1962 et aussi la première légion de l’armée de libération de
Palestine de l’OLP en 1964 .
Ce n’est donc pas par hasard que la première Intifada éclate en décembre, dans un camps
de réfugiés à Gaza. Une Intifada qui au bout de 7 ans abouti à Oslo en 1993 , qui accouche
une première Autorité Nationale Palestinienne avec le retour de Yasser Arafat en Juillet 1994
à Gaza justement .
C’est à Gaza que les palestiniens exercent pour la première fois sur une partie de leur terre
la Palestine, le pouvoir, certes, sans indépendance avec la présence toujours, directe ou
indirecte de l’occupation israélienne, mais c’est un pouvoir toute de même avec des
ministères, de services de sécurité et de projet de construction soutenues par des pays
donateurs.
Mener la révolution pendant des décennies dans différents exils est une chose et accéder
au pouvoir est toute autre chose, c’est dans ce sens que les palestiniens font ou tentent de
faire, à Gaza, le passage de la révolution à l'État, sans avoir réellement l'État indépendant
souverain et ce malgré d’énormes sacrifices consentis par le peuple palestinien, ils ont des
réussites et des acquis mais aussi subissent des échecs et illusions, faisant ainsi le chemin à
Hamas qui arrive par la grande porte des élections législatives en janvier 2006 .
La victoire de Hamas marque un nouvel ère dans la paysage politique palestinien et arabe ,
un paysage qui n’est plus dominé par le Fatah , pilier de la lutte nationale palestinienne mais
qui ouvre aussi la voie aux divisions internes palestiniennes qui conduisent en fin compte à
rupture militaire résultant du contrôle militaire de Gaza par Hamas , en d’autre terme un coup
d'État contre l’Autorité Palestinienne.
Entre temps Israël renforce son blocus contre Gaza , et pas seulement Hamas , avec des
conséquences inhumaines terribles , considérant Gaza comme « entité hostile » ce qui
conduit le gouvernement de Tel Avive , sous différents prétextes, de déclencher , fin 2008 ,
une guerre terrible dont la cible dépasse largement les cadres et bases de Hamas , comme
le confirment les différents rapports des organisations internationales des droits de
l’Homme, dont le dernier est le fameux rapport de Goldstone qui ne cesse de faire du bruit.
Depuis la guerre israélienne contre Gaza, le Président Mahmoud Abbas a suspendu jusqu’à
nos jours toute négociation avec Israël.
En fin de compte c’est à Gaza , que le projet national palestinien nait et se développe en
Cisjordanie et tout changement ou évolution passe nécessairement par Gaza et c’est dans
ce sens c’est Gaza qui constitue le pont vers la paix et la justice en Palestine .
Le rôle politique de l'UE dans le règlement du conflit moyen-oriental que nous appelons de
nos vœux ne peut être dissocié de l'essence même du projet européen. Il y une corrélation
entre l'identité européenne et la nécessité d'un engagement européen pour une paix juste au
Proche-Orient, et ceci à plus d'un titre.
Ce projet d'Union né des cendres de la guerre (deux guerres mondiales!) sert de modèle
absolue. L'UE est en elle-même un message, un idéal en quête permanente d'incarnation.
Ce message se perd parfois dans les méandres des ambitions nationales (qu'elles sont
têtues!) ou de la complexité institutionnelle. Mais il ne faut point oublier ce parcours hors du
commun, débutant entre deux puissances qui après trois guerres ont enfin compris que ces
dernières n'amènent que destructions et ont préféré une vie partagée à une mort commune.
La France et l'Allemagne ont donc choisi la réconciliation et de la coopération concrète dans
les domaines du charbon et de l'acier, à la Communauté Européenne Économique, jusqu'au
traité de Lisbonne dotant l'Union d'un Président et d'un Ministre des Affaires Étrangères, en
passant par l'Euro et Shenghen, l'Europe a défié les pronostics et a poursuivi sa marche vers
l'avant.
On l'oublie souvent mais l'Europe est l'histoire de défis multiples et de réconciliations
diverses. Car le projet européen c'est aussi celui de la démocratie partagée. L'Espagne, le
Portugal, la Grèce ont tourné la page de la dictature en ouvrant la page européenne.
L'Europe continent divisé par la guerre froide, et par un mur de Berlin constituant non
seulement la frontière entre deux mondes, mais aussi entre deux projets, et deux visions de
l'Homme, est réunie. Le mur est tombé, et l'Europe s'est retrouvée et elle continue à lutter
pour réussir cette union sans précédent. Depuis 2007, 27 pays portent ce projet qui a permis
l'émergence d'une puissance planétaire, puissance d'abord économique en quête de rôle
politique.
Nous aussi nous rêvons de coexistence, de réconciliation, de vie partagée. Mais certains
confondent nos rêves à leur désir de voir se développer la normalisation avec Israël. Ceux-la
prennent exemple sur la coopération franco-allemande en oubliant d'indiquer que cette
coopération a suivi la fin de l'occupation allemande et ne l'a en aucun cas précédé. Les voies
de la réconciliation ont été tracé par l'Initiative de paix arabe, plan de paix proposé par
l'ensemble des pays arabes et musulmans à Israël, par lequel les premiers s'engagent à
normaliser leurs relations avec Israël une fois que ce dernier aura mis fin à l'occupation de
l'ensemble des territoires occupés en 1967 et aura permis une solution juste et négociée à la
question des réfugiés palestiniens en accord avec la résolution onusienne 194. Israël qui se
présente toujours comme l'agressé et la victime a fait fi de ce plan, sans comprendre que ce
ne sont point ses chars, ses missiles et ses avions de chasse qui lui garantiront un avenir
meilleurs, mais bien une paix durable qui ne peut que découler de la fin de l'occupation.
Le mur israélien construit à partir de 2002 à l'intérieur du territoire palestinien occupé, sur
nos terres, nos droits et nos rêves, qui vise à pérenniser la colonisation, ferme l'horizon et
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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009
mène la région à contre sens de l'histoire. Berlin divisée reflétait un monde scindée en deux.
Jérusalem colonisée, emmurée, est un symbole aussi important que Berlin réunie. En
déclarant Jérusalem capitale éternelle et indivisible d'Israël et en poursuivant sa judaïsation,
Israël impose exclusive et exclusion a une terre dont la nature est par essence plurielle.
Cette ville où se sont succédés les prophètes, meurt si elle n'est pas partagée. Les
démolitions de maisons, les palestiniens demeurant dans les tentes pour ne pas abandonner
aux oppresseurs le destin de cette capitale du cœur, les colons, les attaques contre les lieux
saints sont autant de blessures défigurant le visage de cette dame millénaire. Le mur
israélien condamné par la Cour Internationale de Justice continue sa course, et des
entreprises européennes contribuent à l'œuvre coloniale. Et l'Europe condamne mais
détourne les yeux d'une blessure bien plus profonde que l'espérance. Abattre ce mur est une
responsabilité qui incombe à tous, et d'abord à ceux qui ont connu les souffrances associés
à la colonisation et à la division de leur terre. Il y a tant à apprendre de l'histoire européenne,
pas toujours ce qu'on veut bien en retenir.
Nous venons de l'aborder, le projet européen ne peut être dissocié des valeurs qui le sous-
tendent. Nous avons parlé de la démocratie. Nous pouvons évoquer les droits de l'Homme et
la lutte pour le respect des droits fondamentaux. Soyons clairs, l'UE n'a elle-même pas
toujours été à la hauteur des valeurs qu'elle entend incarner, mais elle a continué d'être un
des principaux défenseurs et promoteurs de ces valeurs. L'UE s'érige souvent en apôtre du
multilatéralisme, du droit internationale, de l'égal dignité des peuples, et c'est à son honneur.
Encore faut-il être fidèle aux valeurs qu'on défend.
Comment se fait-il alors que les États européens se sont divisés (le Parlement européen a
quant à lui adopté récemment une résolution soutenant les recommandations du rapport
Goldstone après de violents débats, ce qui est à son honneur) lorsqu'il a fallu adopter devant
les instances onusiennes les recommandations du rapport Goldstone condamnant les crimes
de guerres ayant eu lieu lors de l'agression israélienne contre la bande de Gaza. 1400 civils
palestiniens morts pendant cette agression n'ont-ils pas droit à la justice? Cette impunité
israélienne qui dure depuis des décennies a permis aux massacres de se succéder et il est
temps qu'il y soit mis un terme. Comment expliquer que l'UE continue à envisager par
intermittence de rehausser ses relations avec Israël tandis que cet État poursuit sa politique
coloniale, la violation des droits les plus élémentaires du peuple palestinien et le siège de la
bande de Gaza (1000 jours de siège, punition collective pourtant condamnée par le droit
international) ?
L'Europe doit se conformer aux valeurs qu'elle entend défendre à l'étranger, c'est le prix de
la crédibilité. La défense des droits de l'Homme ne peut faire l'objet d'un pick and choose
insupportable. Une telle approche sélective serait le reflet d'une politique de deux poids deux
mesures qui fissure un édifice que des générations entières ont contribuer à forger, celui du
droit au droit, celui du respect de la dignité humaine, celui de la défense de la liberté contre
l'oppression, celui des lumières défiant les ténèbres.
La responsabilité historique
Ce sont deux pays européens, la France et la Grande Bretagne, qui se sont partagés par les
accords de Sykes-Picot de 1916 les décombres de l'empire ottoman notamment le Proche-
Orient. Et la Grande Bretagne a hérité du mandat sur la Palestine. Le mandat devait mener à
l'indépendance des pays concernés, mais la Palestine connut un sort bien différent. L'empire
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Les Cahiers de l'IDRP - mars 2009
britannique offre deux promesses contradictoires, une au monde arabe, d'une émancipation
proche, et une au mouvement sioniste, celle de la création d'un foyer national juif en
Palestine. La Palestine, terre tant convoitée, verra se relayer occupation après occupation.
La promesse britannique annonçait qu'à l'occupation britannique succèderait l'occupation
sioniste.
Mais l'Europe fut aussi le théâtre du génocide juif, épisode des plus terribles de l'histoire
humaine. Les pays européens, pour faire pardonner leur participation criminelle, ou leur
inaction coupable, soutiendront à bout de bras le nouvel État israélien, en créant par là
même une nouvelle tragédie. En 1947, l'ONU adopte un plan de partage qui prive les
Palestiniens de plus de la moitié de leur terre pour réparer un crime qu'ils n'avaient point
commis. La guerre de 1948 qui s'en suit verra deux tiers du peuple palestinien forcé à l'exil
et la perte du trois quart du territoire palestinien. La Nakba (la catastrophe) n'est pas un
épisode historique, il s'agit d'une tragédie en cours. 7 millions de réfugiés palestiniens et 3
millions et demi de palestiniens vivant sous occupation peuvent en témoigner.
Israël abuse du sentiment de culpabilité qui hante certains États européens en faisant un
véritable hold up sur la mémoire de la Shoah et sur l'identité juive. Israël devrait appartenir
aux israéliens quelque soit leurs religions sauf à assumer un projet par essence raciste qui
renie à un million de citoyens israéliens musulmans et chrétiens, les palestiniens
autochtones, le droit à l'égalité. Israël ne peut pas non plus parler au noms des juifs qui n'ont
pas choisi de devenir citoyens israéliens et dont certains s'opposent clairement aux
politiques du gouvernement israéliens. En acceptant de traiter Israël comme l'État des juifs,
seul dépositaire de la mémoire de la Shoah, certains États européens permettent
l'instrumentalisation du génocide par Israël pour éviter toute critique de ses politiques
coloniales, et facilitent ainsi les confusions dangereuses entre Juif/Israélien/Sioniste qui ne
font que favoriser l'antisémitisme et le choc des civilisations. Rien ne justifie l'occupation,
l'oppression, le racisme que nous devons subir, et si l'histoire devait servir à une chose, ce
ne serait pas à justifier ces crimes mais à les bannir.
La responsabilité politique
Mais la création d'un État palestinien est aussi un intérêt stratégique pour Israël à plus d'un
titre:
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- d'abord, seul la création d'un État palestinien sur les frontières de 1967 avec pour
capitale Jérusalem-Est et une solution juste à la question des réfugiés palestiniens en accord
avec la résolution 194 permettra une paix juste et durable menant à la coexistence sur cette
terre lassé de guerres. Le projet de ségrégation et de colonisation porté par Israël, cet
apartheid en cours, ne peut perdurer et mène la région au bord du gouffre.
- Israël pourra aussi réussir son intégration dans une région où elle fut imposée.
L'Initiative de paix arabe est une chance pour Israël et pour la région qu'il ne faut pas rater.
- Enfin, l'occupation corrompt la société occupante. Cette société israélienne a
soutenu à 80% les massacres contre le peuple palestinien à Gaza commis en décembre
2008 et janvier 2009 alors qu'en 1982 après les massacres de Sabra et Chatila, 400 000
israéliens avaient manifesté contre leur propre gouvernement. Cette société se radicalise,
s'isole, se convainc qu'elle est agressée alors même que c'est son occupation qui engendre
la violence et qui mène à la résistance. Les israéliens viennent d'élire la droite dure et
l'extrême droite qui propagent des thèses racistes et qui répondent par la violence à
l'engagement courageux pour une paix juste de certains groupes (bien trop rares) israéliens.
L'UE, en décembre 2009, a adopté des conclusions importantes qui fixent les bases d'un
règlement du conflit – création d'un État palestinien sur les frontières de 1967, sauf pour les
changements agréés par les parties, le refus de l'annexion de Jérusalem-Est, la
condamnation de la colonisation et la demande faite à Israël d'y mettre un terme immédiat y
compris à Jérusalem, la demande de lever le blocus de Gaza – et qui doivent servir de
boussole au milieu du désert. Il faut maintenant suivre cette boussole ou accepter de mourir
de soif !
Il est temps pour l'UE d'utiliser les moyens à sa disposition pour contribuer concrètement à la
fin de l'occupation. L'Europe a les moyens de son ambition, mais elle n'a pas toujours le
courage et la clairvoyance de les utiliser, paralysée par les contradictions qui traversent ces
27 États, et par une culpabilité historique mal placée. L'UE doit utiliser ses moyens
politiques, diplomatiques, économiques, financières, techniques afin de pousser le
processus de paix vers l'avant. Si l'UE veut assumer sa responsabilité politique et historique,
se conformer à ses valeurs et à son essence, elle doit comprendre que soutenir la Palestine
et Israël passe non seulement par la construction des bases de l'État palestinien (l'Europe
est le premier donateur et le premier contributeur à cet effort) mais d'abord et avant tout par
l'opposition à une occupation et à une impunité israélienne qui détruisent cette région. L'UE
a réussi à se construire, en dépit de toutes les difficultés, car elle fut par ses valeurs du côté
de la démocratie, de la liberté, de la réconciliation, de la coexistence, contre le mur, contre
les racismes, contre les exclusives et les exclusions, la domination et l'oppression. Le
Moyen-Orient rêve du même destin, et espère que l'Europe l'aidera à le réaliser. Ce destin
commence par une Palestine libre!
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DE LA LEGITIMITE ET DE LA CONTRAINTE
Jacques Fath, Responsable des relations internationales du PCF
Dans ce contexte, Israël a mis en œuvre une stratégie volontariste initiée par Ariel Sharon.
Cette stratégie comporte 3 dimensions: premièrement, la colonisation accélérée des terres
palestiniennes; deuxièmement, la séparation pour isoler Gaza, concentrer la population de
Cisjordanie dans des enclaves, morceler le territoire par un réseau de routes et de tunnels
afin d'isoler ces enclaves tout en reliant les colonies; troisièmement, la domination pour
briser par l'occupation et par la force militaire toute résistance à l'occupation et, à plus long
terme, faire reculer la conscience politique et nationale palestinienne, délégitimer les
institutions et l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire tout ce qui peut nourrir l'espoir d'une
Palestine indépendante. D'où la brutalité des opérations militaires israéliennes depuis 2000:
Gaza en 2009, le Liban en 2006 n'effacent pas Jénine en 2002 et d'autres agressions que
bien des responsables occidentaux qualifient savamment de «disproportionnées»... comme
s'il y avait une bonne mesure à respecter...
Cette stratégie se met en œuvre sans que ni les États-Unis, ni les Européens – dont la
France - ne trouvent matière à s'opposer vraiment en obligeant Israël a changer de politique.
Les dirigeants israéliens, en effet, se moquent des critiques diplomatiques et des
condamnations formelles. Il en sera manifestement ainsi tant qu'Israël restera dans les faits,
et sans trop de contradictions, l'allié stratégique privilégié des Occidentaux, en particulier
pour l'ensemble des conflits du Moyen-Orient.
Les conséquences de cette évolution dramatique sont évidemment très dures pour les
Palestiniens: non seulement le blocus inhumain de Gaza se poursuit mais ils voient les faits
accomplis du mur d'annexion et de la colonisation à Jérusalem comme en Cisjordanie se
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poursuivre. Ce qui alimente jour après jour l'idée fausse et la thèse périlleuse qu'il serait
bientôt trop tard pour édifier un État palestinien viable et indépendant. Les divisions des
Palestiniens s'exacerbent. Les réponses politiques qu'ils peuvent apporter, dans une marge
de manœuvre aussi étroite et fragile, ne peuvent pas obtenir l'efficacité nécessaire:
déclaration unilatérale d'indépendance, dissolution de l'Autorité palestinienne, abandon de la
solution en deux États pour la perspective d'un seul… Les principaux dirigeants de l'Autorité
palestinienne avancent des propositions chocs qui sont autant de mises en garde aux
Occidentaux pour leur dire: prenez enfin vos responsabilités et agissez...
Dans le rapport des forces actuel, cependant, les dirigeants israéliens se sentent
évidemment confortés. L'impasse qu'ils ont contribué activement à réaliser est telle que le
principe de négociations directes, officialisé avec Oslo, est mis en cause pour des
pourparlers indirects, par navette diplomatique américaine! C'est vingt ans de régression.
Shimon Pérès, Président israélien, se permet même d'accabler l’Autorité palestinienne. «Si
les Palestiniens, dit-il, avaient utilisé les seize années depuis les Accords d'Oslo pour
construire, leur situation aujourd'hui serait bien meilleure. Ils n'ont construit ni économie, ni
institutions». Comme si les Israéliens n'avaient pas tout fait, précisément, pour empêcher la
naissance d'une véritable autonomie en application des Accords d'Oslo, comme premier pas
avant la négociation dite du «statut final» prévu par ces Accords.
Cette arrogance, pourtant, ne parvient pas à masquer une autre réalité. La mise en œuvre
de la stratégie israélienne a des conséquences qui commencent à peser lourd. Le Rapport
Goldstone, adopté par l'Assemblée générale des Nations-Unies, n’épargne pas le Hamas,
mais ce rapport tire son importance cruciale de l’ identification à laquelle il procède des
crimes de guerre, voire des crimes contre l' Humanité commis par Israël à Gaza. Il faut
souligner, cependant, que c’est depuis le début des années 2000 qu'Israël est explicitement
accusé, notamment par les organisations internationales de droits de l'homme de violations
manifestes et répétées du Droit, de crimes de guerre et même de crimes contre l'
Humanité…et pas seulement d'une violation du Droit humanitaire. Le Tribunal Russel pour la
Palestine (TPR) a effectué un travail précieux et rigoureux sur ces violations en qualifiant
aussi la politique israélienne de «crime d'apartheid».
Les faits sont d’une telle gravité qu'ils changent la nature du débat politique en faisant porter
prioritairement celui-ci non plus seulement sur des questions essentielles comme l'État
palestinien ou la sécurité, mais tout autant sur la légalité des actes et la légitimité de la
politique d’ Israël. Dominique Moïsi, Conseiller spécial de l'IFRI (Institut français des relations
internationales, réputé plutôt à droite de l'échiquier politique) n'hésite pas à écrire66: «A long
terme, ce n'est pas le seul rapport des forces qui peut assurer la sécurité d'Israël, c'est le
maintien de sa légitimité aux yeux de la communauté des nations. Imposer l'existence d'un
État palestinien aux côtés d'Israël, c'est aussi «mettre des digues» au processus de dé-
légitimation qui menace l'État juif». Une telle formulation – il faut bien en mesurer le sens –
constitue une sorte de mise en garde et d’interpellation des dirigeants occidentaux.
Dominique Moïsi ajoute - perfide mais lucide - «La société israélienne n'a pas les dirigeants
qu'elle mérite».
On en est là. Gaza et les agressions israéliennes des années 2000 ont fait exploser la
question du Droit et des Droits humains en faisant surgir les questions de l'impunité et de l'
inacceptabilité de la stratégie israélienne sur les plans éthique et politique. C’est la première
fois dans l’histoire que la mise en accusation d’Israël va si loin…
La portée de l'enjeu et la nature de l'alternative sont ainsi très claires: soit les États-Unis, les
Européens, notamment la France, et l'ensemble des pays membres du Conseil de Sécurité
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agissent pour contraindre Israël à l'application des résolutions de l'ONU, soit la perspective
de nouveaux désastres ou d'une crise internationale majeure sont alors à redouter. Le feu
couve en Palestine et la colère monte. La multiplication des faits accomplis du gouvernement
Netanyahou et la volonté manifeste des autorités israéliennes de diriger les préoccupations
et les initiatives des autres pays du monde sur le nucléaire iranien et sur la question du
terrorisme, font craindre la possibilité d'une telle crise. Tout reste possible. S’agissant de
l’Iran, cependant, les dangers d’une intervention militaire contre ce pays sont d'une telle
ampleur que les décisions finales ne semblent pas prises.
Dans ce contexte nouveau marqué par des tensions et une impasse politique profonde,
l'enjeu est donc particulièrement élevé. C'est une situation qui nécessiterait des initiatives
politiques d'envergure, par exemple une Conférence internationale afin de ne pas laisser
Israéliens et Palestiniens dans un face à face déséquilibré et destructeur. La paix, comme la
sécurité est en effet une responsabilité collective. On en connaît toutes les conditions
définies par le corpus de droit et d’accords existant. Il faut, dès lors, redéfinir un chemin
politique et un cadre multilatéral pour parvenir à un règlement. Ce qui manque est d'abord
une volonté politique et un rapport de force adapté.
Dans cet esprit, l'idée qu'il faille imposer le respect du droit et contraindre Israël à l'appliquer
a fait son chemin. L'illégitimité de la politique israélienne a logiquement ouvert la voie à
l'exigence de sanctions. Le principe même de celles-ci a d'ailleurs été acté par le Parlement
européen dès avril 2002, par une résolution demandant la suspension de l'accord UE/Israël.
L'illégalité de la colonisation et de l'occupation justifie pleinement le bien-fondé de la
campagne populaire dite Boycott Désinvestissement Sanctions, comme moyen pour refuser
l'impunité, sensibiliser largement des opinions publiques qui restent en général – c’est un
acquis décisif - attachées à l'idée d'une solution comprenant la création, à côté de l'État
d'Israël, d'un État palestinien indépendant...Une solution possible et nécessaire que l’attitude
des dirigeants israéliens et les crimes commis ne peuvent que valider à condition de
contribuer à politiser le débat sur les conditions d’une paix juste, sur l’exigence du droit, la
nécessité et l’opportunité des contraintes.
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PatriceJORLAND, historien-géographe
Depuis la mi-mars, les médias d’outre-Atlantique laissent entendre que les relations entre les
États-Unis et Israël sont entrées dans l’œil du cyclone, quand bien même le différend initial
n’est plus traité sur la place publique. Certains observateurs veulent espérer que
l’administration Obama parviendra à faire plier le gouvernement Netanyahou, cependant que
tout ce dont celui dispose comme groupe de pression se mobilise, dans le pays et au
Congrès, pour parvenir à calmer le jeu.
L’insulte et l’affront
A son arrivée en Israël, le 9 mars, pour un voyage officiel dans le pays, le vice-président
Joseph Robinette Biden fut informé par téléphone que le gouvernement Netanyahou
autorisait la construction de 1.600 nouveaux logements dans le quartier de Ramat Shlomo, à
Jérusalem-Est, bien au-delà de la « ligne verte ». L’insulte, terme que devait utiliser David
Axelrod, le conseiller principal de la Maison Blanche, était double. L’administration Obama
avait demandé aux autorités israéliennes de « geler » la colonisation dans tous les
territoires occupés, afin de permettre l’ouverture d’un cycle de négociations devant aboutir
enfin à une solution de la question palestinienne, et, après avoir opposé une vive résistance,
le gouvernement Netanyahou avait accepté de suspendre ses projets en Cisjordanie
pendant une période de dix mois. Pire, c’était faire affront à un vice-président qui n’a jamais
cessé, depuis le voyage qu’il avait effectué en 1973 comme jeune sénateur et qui lui avait
permis de rencontre Golda Meir, de s’affirmer « catholique sioniste » et fervent défenseur de
l'État d’Israël. Piqué au vif, il manifesta son mécontentement par un communiqué cinglant et
en arrivant 90 minutes en retard au dîner que lui offrait Benyamin Netanyahou, mais le 11
mars, lors d’une allocution à l’université de Tel Aviv, il tint à déclarer une fois de plus qu’en
matière de sécurité, il n’y avait, entre les États-Unis et l'État d’Israël, pas même l’espace
d’une feuille de papier à cigarette. L’incident paraissait clos.
Le ton devait pourtant s’aigrir au cours des jours suivants. Les explications du gouvernement
israélien ne firent qu’aggraver les choses : Netanyahou n’avait pas été informé de la
décision, purement technique, qu’avait prise son ministre de l’Intérieur appartenant au parti
ultra-orthodoxe Shass; de toute façon, la promesse de geler temporairement la colonisation
ne s’appliquait pas à Jérusalem-Est et, oui, une maladresse avait été commise en annonçant
la construction des logements pendant le séjour du vice-président américain. Ce sur quoi,
Hillary Rodham Clinton eut une conservation téléphonique de 43 minutes avec Netanyahou,
que l’on a décrite comme orageuse, au cours de laquelle la secrétaire d'État américaine
présenta trois exigences : abandon du projet de Ramat Shlomo, gestes susceptibles de
créer la confiance des Palestiniens (libération de prisonniers, levée de points de contrôle
notamment), discussions avec l’Autorité palestinienne sur le fond de la question et non plus
sur des aspects techniques ou de procédure. Une réponse satisfaisante n’ayant pas été
donnée, l’ancien sénateur George Mitchell, émissaire désigné par l’administration Obama
pour le Moyen Orient, annula le voyage qu’il devait effectuer dans la région pour se rendre à
Moscou afin de participer au Quatuor EU/UE/Russie/ONU qui, à son tour, demandera
quelques jours plus tard l’annulation du projet de Ramat Shlomo et le gel de la colonisation.
Mais, dans le même temps, les nombreux partisans qu’Israël compte aux États-Unis
faisaient feu de tout bois pour minimiser l’affaire, rappeler le caractère vital, sacré pourrait-on
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Hillary Clinton – abandon du projet de Ramat Shlomo, gestes envers les Palestiniens de
Cisjordanie - sont pleinement conformes aux différentes moutures de calendrier des
négociations, mais, à l’instar de ce qui était advenu du gouvernement Shamir, ferait
inévitablement éclater le gouvernement Netanyahou qui, en dépit de la participation de
travaillistes, est le plus à droite de l’histoire israélienne. Serait-ce là l’objectif à court terme,
dont le reste dépendrait ?
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De l’espoir à l’audace
On s’étonnera sans doute de ce qu’un article consacré à la question palestinienne tourne
autour de l’administration américaine. Répétons-le, la clé internationale est dans la main des
États-Unis et, pour être rapide, il suffirait que cette clé ouvre la porte pour que les autres
membres du Quatuor suivent, et, avec eux, tout ce que la planète compte aujourd’hui de
« puissances émergentes ». Au sein du Quatuor, seule l’Union européenne disposerait d’une
capacité d’influence sur les États-Unis et sur Israël, parce qu’elle se comporte en alliée fidèle
des premiers et parce que son aide financière aux territoires palestiniens permet à
l’occupation et au blocus de perdurer. On pourrait reprendre à son endroit le titre d’un récent
article de Zbigniew Brzezinski ,qui s’adressait à l’administration Obama en reprenant le titre
de l’ouvrage le plus célèbre du 44ème président : il importe, il est urgent de passer de l’espoir
à l’audace.
Indéniablement, l’élection de Barack Hussein Obama a éveillé des espoirs. Les échecs de
son prédécesseur étaient manifestes, le changement s’imposait et le nouvel élu semblait
apporter un sang neuf. Il s’est très vite démarqué du « conflit de civilisations » latent sous le
discours et les actes du jeune Bush, il a proposé une approche différente à l’égard de
régimes définis comme « scélérats » (Iran, Syrie), il a annoncé vouloir s’attacher à la
solution de la question palestinienne et désigné à cette fin des hommes convenables. Les
conditions n’étaient cependant pas idéales pour ce faire : crise économique sans pareille
depuis des décennies, difficiles réformes intérieures et, pour parler de la région concernée,
divisions du mouvement palestinien, massacres à Gaza, formation d’un gouvernement ultra
en Israël, élections contestables et contestées en Iran, jeu réciproque de provocations entre
Ahmadinejad et Netanyahou…
La serrure que la clé pourrait ouvrir est une véritable négociation permettant la formation
dans un délai maximum de deux ans d’un État palestinien. Ce pourrait être là le sens de la
troisième exigence formulée par la secrétaire d'État Clinton. L’obtenir, ne signifie pas
abandonner Israël, qui dispose d’ailleurs de moyens sans comparaison dans la région. La
complaisance à son endroit est tout simplement un déni de justice et le renoncement à
l’application des recommandations de la « communauté internationale ».
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Nouvelles brèves :
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