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Regards croisés I – Travail, emploi et chômage

1.1 – Comment s’articulent marché du travail et


Acquis de première : salaire, marché, productivité, offre organisation dans la gestion de l’emploi ?
et demande, prix et quantité d’équilibre
Notions : Taux de salaire réel, coût salarial unitaire,
salaire minimum,
Fiche 212– Le modèle néo-classique, un modèle
éloigné de la réalité économique

Fiche 2123– L’asymétrie d’informations sur le marché du travail

Une information différente selon les agents crée des rigidités endogènes au système

 Hypothèse : L’information n’est pas parfaite. L’information est inégalement répartie


(asymétrique) entre les agents (cf. cours de première)
 Conséquences sur la nature des rigidités sur le marché du travail :
 selon l’analyse néo-classique, la rigidité résulte de déterminants qui sont exogènes au marché
et qui remettent en cause son bon fonctionnement.
 Mais, un certain nombre de théories montre aujourd’hui que le manque de flexibilité est
endogène au marché, car il est le résultat de comportements rationnels des agents . Ils ont
intégré dans leurs transactions 2 variables non prises en compte précédemment : le risque et
le temps .
 Ces théories opèrent une synthèse entre les analyses néoclassique et keynésienne :
 Elles insistent sur la rationalité des entreprises, ce qui relève d’une analyse typiquement
néo-classique . Les entreprises adoptent un calcul coût- bénéfice pour augmenter leur profit.
 Elles reprennent de Keynes l’idée que « le chômage est largement involontaire, qu’il est
engendré par le fonctionnement même de l’économie de marché » ( D.Clerc) .

Les théories du salaire d’efficience

 Une synthèse des analyses néoclassiques et keynésiennes

 Les analyses du salaire d’efficience reprennent un fondement de l’analyse néo-classique : la


rationalité des entreprises. J.Généreux écrit ainsi : « Si toutes les entreprises baissent le
salaire en même temps et que ce mouvement général soit reconnu par les salariés » alors
l’entreprise peut baisser le salaire , sans avoir à craindre, en contrepartie une réduction de
l’effort de ses salariés . Les effets négatifs de la baisse du salaire sur la demande ne sont pas
envisagés
 Ces analyses remettent en cause la relation salaire-productivité développée par les néo-
classiques
 Dans la théorie néoclassique, le salaire est fonction de la productivité. L’entreprise embauche un
individu si le coût qu’elle supporte (taux de salaire réel) est inférieur ou égal au revenu qui lui
est apporté par le salarié (la productivité marginale).
 Les théoriciens du salaire d’efficience démontrent (en partant, en particulier de l’étude du
marché du travail dans les PVD) que ce n’est pas le salaire qui est fonction de la productivité,
mais la productivité qui est déterminée par le salaire : le salarié sera d’autant plus efficace qu’il
est bien rémunéré.

 Les théories du salaire d’efficience reprennent de Keynes l’idée que le chômage est
involontaire. Les chômeurs , même en acceptant de travailler à des salaires plus bas
n’accroissent pas leur probabilité d’être embauchés ; ils demeurent au chômage , alors qu’ils
font tout pour obtenir un emploi
 Conséquences sur la gestion de la main-d’œuvre :
 la flexibilité des salaires à la baisse, afin de résoudre le chômage, peut engendrer des effets
pervers, et par-là ne plus être appliquée par les entreprises. Ainsi, on se rend compte que
l’entreprise n’a pas intérêt à réduire les salaires de ses employés en cas de baisse de la
productivité et d’augmentation du chômage. Les entreprises maintiennent des salaires
supérieurs à ceux du marché, non seulement parce qu’elles y sont contraintes par des
législations étatiques et par l’action des syndicats, mais parce qu’il leur semble rationnel d’agir
ainsi.
 Une réduction des coûts de rotation de la main d’oeuvre : le versement de salaire supérieur à
celui du marché permet de conserver une main-d’œuvre qualifiée qui est donc productive. Un
haut niveau de rémunération relatif (qui permet à l’entreprise d’attirer et de conserver une
main-d’œuvre à fort capital humain) est donc plus que compensé par les coûts de mobilité de la
main-d’œuvre supportés par l’entreprise en cas de départ de ses salariés les plus productifs.
Ceci permet de mieux comprendre le pouvoir dont dispose les insiders (salariés de l’entreprise)
par rapport à celui des outsiders (les chômeurs recherchant un emploi). En effet, si l’entreprise
accorde à ses salariés des conditions plus avantageuses que celles qu’elles accorderaient à des
chômeurs, c’est qu’elle y trouve un avantage : celui de conserver une main-d’œuvre plus
qualifiée donc relativement moins coûteuse.

 Des salaires élevés à l’embauche :Le modèle d’antisélection (Weiss, 1980)

Quand une entreprise embauche un salarié, elle n’est pas certaine de son niveau de productivité. Elle a
donc intérêt à proposer des salaires élevés pour sélectionner les meilleurs :
 Plus le salaire offert par l’entreprise est élevé relativement à celui du marché, plus
l’entreprise aura les moyens d’attirer et de sélectionner une main-d’œuvre de qualité.
 le salaire de réservation annoncé par le candidat lors de l’embauche joue un rôle de signal
qui indique en partie ses qualités et ses compétences.
 Les candidats à l’emploi qui se caractériseraient par un salaire de réservation trop bas afin
d’accroître leur probabilité d’embauche, iraient à l’encontre de leur objectif. En effet ,
l’entreprise considérerait que , puisqu’ils acceptent un salaire faible , cela signifie que leur
niveau de productivité est réduit. Il vaut mieux payer cher un salarié productif que
d’embaucher à un salaire réduit un salarié faiblement productif .

 Une incitation à travailler : Le modèle don-contre-don d’Akerlof

 Selon Akerlof, dans « La théorie don-contre-don »,


o l’entreprise a intérêt à sous-estimer en connaissance de cause la productivité de ses
salariés relativement au salaire qu’elle leur offre (elle leur fait un don),
o en contrepartie les salariés se rendant compte qu’ils sont bien traités par
l’entreprise vont être incités à accroître leur productivité : ils font un contre-don à
l’entreprise, conformément aux principes de la théorie sociologique de M.Mauss
 l’entreprise n’a pas intérêt à réduire les salaires de ses employés en cas de baisse de la
productivité et d’augmentation du chômage . En effet, les salariés se considérant comme
mal traités par l’entreprise réagiront en démissionnant , en diminuant leurs efforts : ils
pourraient , selon J.Généreux , en résulter : « une diminution de la productivité au point
que le coût unitaire du travail augmente au lieu de baisser » .
 Une incitation à travailler : Le modèle du « tire au flanc »

Proposer des salaires élevés lors de l’embauche présente un risque connu sous le nom de théorie du
passager clandestin (free rider) :
 certains salariés pourraient dans ce cadre annoncer un salaire de réservation très élevé
alors que leur productivité est faible : l’entreprise serait perdante, mais ce risque est
réduit.
 En effet, si a priori, l’entreprise, quand elle embauche ne connaît pas la productivité du
salarié ; en revanche a posteriori, elle peut l’observer durant le processus de production.
 L’individu risquerait alors d’être démasqué, d’être licencié. La sanction est d’autant plus
dure que le niveau de chômage est élevé et que la probabilité de retrouver un emploi est
donc faible.

La théorie des contrats implicites

 Remise en cause des postulats néo-classiques traditionnels :


 Selon la pensée néo-classique traditionnelle , une augmentation du chômage devrait
entraîner une baisse des salaires réels ramenant à l’équilibre .
 Or, cela n’est pas le cas , car certaines hypothèses du marché de cpp ne sont pas vérifiées ,
en particulier l’hypothèse d’information .
 on peut ainsi considérer que l’information est inégalement répartie( asymétrique) entre les
agents :

 Conséquences sur la gestion du travail :


 les salariés disposent de peu d’informations. Ils sont donc caractérisés par une aversion
pour le risque qui va les conduire à valoriser la stabilité de leur situation dans le long terme.
Les salariés vont donc établir des contrats implicites (car non reconnus par la loi) avec leur
employeur qui peuvent être assimilés à des contrats d’assurance.
 On peut distinguer 2 périodes :
o durant les périodes de croissance, les gains de productivité augmentent fortement, les
salariés vont accepter de bénéficier des augmentations de salaire plus réduites. Le
salaire devient donc inférieur à la productivité. On dit que le salarié paye sa prime à son
employeur qui est son assureur.
o en contrepartie, durant les périodes de récession, le salarié bénéficie d’un salaire qui
devient supérieur à la productivité (le salaire ayant moins baissé que la productivité).
On dit alors que le salarié reçoit ses indemnités d’assurance qui sont la contrepartie de
la prime .

 Toute la difficulté est alors de fixer le niveau de la prime et d’établir une relation de confiance :
 la prime sera d’autant plus importante que le degré d’aversion face au risque des salariés est
fort.
 la confiance est plus complexe à établir. En effet, l’information étant inégalement répartie,
l’entrepreneur est mieux à même de connaître la situation réelle de son entreprise ; dès lors, il
risque d’essayer de tromper ses salariés, cela d’autant plus que le contrat est implicite. Mais,
selon les théoriciens des contrats implicites, ce risque est réduit par un certain nombre de
procédures :
o le chef d’entreprise n’a pas intérêt à trahir la confiance de ses salariés, car ceux-ci le
lui feraient payer en étant moins productifs.
o dès lors, le chef d’entreprise, pour que les salariés acceptent une baisse de salaire, doit
leur démontrer que les indemnités d’assurance sont devenus supérieurs à la prime
versée, en mettant en avant la détérioration de la situation sur le marché du travail et
dans l’entreprise ( par exemple , en licenciant une partie de ses salariés ) .

 Cette théorie est intéressante car :


 elle permet de montrer que la rigidité du salaire peut être expliquée tout en conservant
l’hypothèse de rationalité des agents économiques. L’important ici est d’avoir rendu endogène
les déterminants motivants la rigidité du salaire ; le chômage qui peut en résulter n’est plus à
chercher dans des pseudo- déterminants extérieurs accusés de tous les mots.
 Dès lors, il n’y a plus aucune raison de penser que la flexibilité du salaire soit capable de
ramener à l’équilibre.
 comme l’indique B.Reynaud : « Dans la théorie des contrats, le salaire a changé de statut, ce
n’est pas un prix de marché, mais le résultat monétaire d’une règle convenue entre 2 individus
rationnels. »

La théorie insiders-outsiders

 A.Lindbeck et D.Snower cherchent à apporter une réponse à la question suivante : pourquoi


l’augmentation des salaires s’est-elle poursuivie malgré la hausse irrésistible du chômage ?
 La réponse qu’ils apportent est que :
 les négociations salariales ne subissent pas l’influence des chômeurs tout simplement parce
que les salaires sont négociés par ceux qui ont un emploi. Il est alors impératif de distinguer
deux types d’actifs :
 les insiders : qui se situent dans les entreprises et participent aux négociations salariales
 les outsiders, c’est-à-dire les chômeurs qui en sont exclus.

 les insiders, faisant preuve de rationalité et d’égoïsme, cherchent à maximiser leur


satisfaction et donc à fixer un salaire qui leur permette d’améliorer leur niveau de vie, même
si cela se traduit par l’exclusion d’une partie de la population active (les chômeurs n’arrivant
pas à retrouver un emploi en raison des coûts de salaire trop élevés) .
 il est plus difficile de comprendre pour quelles raisons les entreprises acceptent de laisser aux
insiders ce pouvoir de négociation et n’utilisent pas plus les outsiders comme moyen de
pression à la baisse de salaires.
 A.Linbeck et D.Snower apportent une réponse originale :
 selon eux, les insiders disposent d’un pouvoir de négociation qu’ils imposent aux entreprises. En
effet, les insiders ont reçu de la part des entreprises une formation coûteuse , un investissement
en capital humain que l’entreprise n’a pas intérêt à sacrifier . Elle cherche donc à stabiliser sa
main d’œuvre pour éviter les coûts de rotation. Elle n’a donc pas intérêt à diminuer les salaires
des insiders pour embaucher des outsiders, car elle risque alors de voir ses salariés forés et
performants la quitter, ce qui nécessitera de nouveaux investissements en capital humain
coûteux.
 Un second facteur doit être pris en compte : les chômeurs embauchés par l’entreprise ne seront
rentables que s’ils sont intégrés dans le collectif de travail, c’est-à-dire s’ils sont acceptés par les
insiders .Or, ceux-ci ont des raisons de craindre que l’entrée des outsiders dans l’entreprise se
traduise par une détérioration de leur bien-être (remise en cause d’acquis sociaux, baisse de
salaire) . Ils vont alors harceler les outsiders qui seront moins productifs et peu motivés

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