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risquerait d’être encore pire que celui de septembre


(20,2 %, le plus mauvais score de son histoire).
Grande coalition: le SPD allemand rejette
Ensuite, parce que ce vote des cadres du SPD n’est
la rupture «à l’espagnole» qu’une étape avant celui des militants : il reviendra
PAR LUDOVIC LAMANT
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 22 JANVIER 2018 aux négociateurs d’essayer d’obtenir bien davantage,
par exemple en ce qui concerne les retraites, dans le
Après le feu vert de son congrès dimanche, le
programme de gouvernement final (c’était l’argument
SPD semble parti pour conclure une nouvelle grande
avancé par une partie de l’aile gauche du SPD, comme
coalition avec Merkel. Leurs homologues sociaux-
Mediapart l’avait raconté ici).
démocrates espagnols, eux, avaient rejeté ce scénario
en 2016, provoquant de nouvelles élections. Mais y a- Dès l’annonce des résultats le 24 septembre au
t-il seulement encore une option gagnante ? soir, Schulz, en sursis, avait pourtant exclu toute
négociation avec la CDU pour former une nouvelle
La majorité est un peu plus nette qu’attendu. Les
coalition. À l’entendre à l’époque, le SPD avait besoin
cadres du SPD réunis à Bonn ont approuvé dimanche
de se ressourcer dans l’opposition, pour se réinventer.
l’ouverture de négociations pour former une nouvelle
Le natif d’Aix-La-Chapelle le savait bien : l’échec du
« grande coalition » avec la CDU d’Angela Merkel,
SPD aux élections de 2017 s’inscrit dans un contexte
et son allié bavarois, la CSU (362 voix pour, 279
plus vaste, celui d’une social-démocratie à l’agonie
contre). Convaincu qu’il est sur le point d’obtenir
sur tout le continent, en panne d’idées, en partie parce
des engagements « historiques » de la droite en
qu’elle s’est abîmée dans des compromis douteux à
matière sociale, Martin Schulz, le chef du SPD,
Bruxelles pendant des années (lire les analyses de
qui jouait gros, avait lancé avant le vote, lors d’un
Fabien Escalona sur le « pacte faustien » de la social-
discours de près d’une heure : « Nous pouvons
démocratie). Personne n’a trouvé la solution, à ce
vaincre la vague de droite qui frappe l’Europe en
stade, pour enrayer la dégringolade.
formant un gouvernement stable avec un profil social-
démocrate. » Dans certains pays, des formations sociales-
démocrates, autrefois ultra-majoritaires, sont en
Les institutions européennes, qui redoutent plus que
net repli (le SPD allemand, ou encore le PSOE
tout un enlisement allemand, respirent ce dimanche
espagnol, à 22 % aux législatives de 2016,
soir. Mais l’épilogue de la crise politique à Berlin,
concurrencé sur sa gauche par Podemos). D’autres
ouverte après les législatives de septembre, est
ont carrément enregistré des accidents industriels (le
encore loin. Il reviendra, en bout de course, aux
PvdA néerlandais, à 5,7 % aux législatives de mars
430 000 adhérents du parti social-démocrate de donner
2017, le PS français, à 6,3 % à la présidentielle de mai
leur avis, sur le résultat final des négociations, qui
2017, ou encore le PASOK grec, quasiment rayé de la
pourraient durer jusqu’à mi-février au moins. Le
carte, à 4,7 % aux législatives de 2015). Cette tendance
résultat du congrès rend tout de même bien plus
de fond s’accompagne d’un morcellement de plus
probable la formation, in extremis, d’une nouvelle «
en plus marqué des paysages politiques nationaux,
Gro-Ko ». Sur les quatre mandats d’Angela Merkel,
qui rend les majorités de plus en plus difficiles
au pouvoir depuis 2005, il s’agirait de sa troisième «
à trouver. L’exception est portugaise, puisque les
grande coalition » (après celles de 2005 à 2009, puis
sociaux-démocrates gouvernent à Lisbonne, avec le
de 2013 à 2017).
soutien d’autres forces de gauche, et semblent portés
Deux arguments ont, semble-t-il, convaincu les cadres par une solide dynamique (lire la série de reportages
hésitants, dans la dernière ligne droite. D’abord, il d’Amélie Poinssot publiés fin 2017).
faudrait tout faire pour éviter le retour aux élections,
parce que les Allemands, à en croire les sondages, n’en
veulent pas, mais surtout parce que le score du SPD

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Dans la tête de Schulz, il faut tout faire que le SPD progresser légèrement. Cette progression modeste le
évite la quasi-disparition, comme en Grèce ou en rend légitime, aux yeux de la plupart des observateurs,
France. L’option qu’il vient de prendre, sous pression pour prendre la tête d’un gouvernement minoritaire,
maximale, de tous les côtés (de la part de Merkel avec le soutien de Ciudadanos. La stratégie de refus
comme de l’essentiel des médias allemands, en passant de Sanchez a été plébiscitée par les adhérents : il a
par Paris ou Bruxelles), sera bien sûr lourde de remporté, au printemps 2017, les primaires du PSOE,
conséquences pour l’avenir de son parti. À ce stade, en menant une campagne très à gauche, et plaidant
on se contentera de noter que sa décision est bien pour une alliance avec Podemos (50 % des suffrages,
différente de celle de Pedro Sanchez, le leader du Parti avec 188 000 adhérents au PSOE).
socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui s’est trouvé en Sauf que la grande réinvention du PSOE, dans
2016 dans une configuration assez similaire. l’opposition, tarde à voir le jour. Aucune idée nouvelle
n’a vraiment surgi. La crise catalane a tout bousculé
sur son passage. Elle a dopé la droite, et Ciudadanos
en particulier, à l’échelle nationale. Après avoir
hésité, Sanchez a choisi de soutenir le gouvernement
conservateur, dans sa gestion ultra-autoritaire de
la crise catalane. Aux régionales de décembre à
Des délégués SPD votent à main levée, dimanche
21 janvier à Bonn © Reuters / Thilo Schmülgen. Barcelone, le Parti socialiste catalan n’a pas fait un
À l’issue des législatives de décembre 2015, le bon score. Si l’on en croit les sondages, d’autant plus
paysage politique à Madrid est bloqué. Aucune fragiles qu’il n’y a pas d’élections prévues cette année,
majorité ne se dessine tout à fait, en raison du le PSOE ne progresse pas. En résumé, la stratégie du
surgissement de deux nouveaux partis, Podemos à PSOE – se refaire une santé en se gauchisant, dans
gauche et Ciudadanos à droite. Au printemps 2016, l’opposition – n’a pas fonctionné, à ce stade.
Mariano Rajoy, le chef du gouvernement conservateur La comparaison entre l’Allemagne (première
sortant, défend l’idée d’une « grande coalition » (PP, économie de la zone euro) et l’Espagne (quatrième) est
PSOE et Ciudadanos) pour sortir du blocage. C’est, fragile. En particulier parce que la culture allemande
à ses yeux, la « seule option viable ». Mais Sanchez, du compromis permanent, et des coalitions politiques,
censé incarner une aile gauche du PSOE, ne cède pas n’existe pas à Madrid. Mais l’exemple du PSOE
aux pressions, et refuse de l’envisager. C’est l’une laisse dubitatif sur la capacité de la social-démocratie
des raisons pour lesquelles de nouvelles élections européenne, tout simplement, à se réinventer. Aux
générales sont convoquées, en juin 2016. législatives de 2013 en Allemagne, le SPD sortait
On connaît la suite : les résultats de juin sont à d’une cure d’opposition de quatre ans. Au terme d’une
peu près inchangés, par rapport au premier scrutin. campagne très anti-Merkel, il avait réalisé un score
Des quatre principaux partis, le PP est le seul à déjà très faible, à 25,7%…

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