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N` 76 - - 78
LES DÉCOUPAGES
DU TERRITOIRE
Dixièmes entretiens Jacques Cartier
Lyon, les 8, 9 et 10 décembre 1997
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LES DÉCOUPAGES
DU TERRITOIRE
Dixièmes entretiens Jacques Cartier
Lyon, les 8, 9 et 10 décembre 1997
Le colloque "Les découpages du territoire : maillages du savoir, du pouvoir et de
l'action" s'est tenu du 8 au 10 décembre 1997 à Lyon, dans le cadre des dixièmes
Entretiens Jacques Cartier.
Les Entretiens Jacques Cartier ont lieu chaque année, à Lyon ou à Montréal. Organisés
par le Centre Jacques Cartier, ils consistent en un ensemble dé colloques ou de
séminaires scientifiques sur des thèmes divers.
Le colloque sur les Territoires a été organisé conjointement par Statistique Canada,
par l'Institut d'Urbanisme de Lyon (Université Lyon 2) et par la Direction Régionale de
l'INSEE Rhône-Alpes. Il a reçu le soutien de la DATAR et de l'Union Européenne. Il
s'est tenu dans les locaux du Grand Lyon, que celui-ci a mis à la disposition des
organisateurs.
L'édition des actes a été coordonnée par Guy Desplanques (DR INSEE Rhône-Alpes)
et Martin Vanier (I.U.L.), assistés de Muriel Granjon (DR INSEE Rhône-Alpes) et de
Stéphane Tagnani (INSEE Direction Générale).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
INSTITUT NATIONAL
DE LA STATISTIQUE ET DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES
Direction Générale
18, boulevard Adolphe-Pinard - 75675 Paris cedex 14
Notre époque est placée sous le signe de l'ouverture : les obstacles aux échanges sont
abaissés, la circulation des idées, des capitaux et des marchandises s'intensifie. Para-
doxe apparent : jamais la demande d'information localisée, territorialisée, n'a été aussi
pressante. C'est qu'autrefois, dans un monde très stable, la localisation faisait partie
des évidences n'ayant guère besoin d'être repérées ; aujourd'hui, elle ne va plus de soi
et est devenue un paramètre essentiel des analyses.
Pour évoquer des lieux, avec une visée de connaissance objective, ou d'action appuyée
sur de telles connaissances, il faut d'abord les définir : il faut «zoner». C'est un choix
en apparence technique, en amont des processus de connaissance ; en réalité, c'est un
choix fondamental, qui oriente la recherche, et délimite le champ des résultats possibles.
Les conséquences du choix d'un zonage sont souvent masquées au non-spécialiste : ce
qu'il voit à travers le zonage, il l'attribue spontanément à la réalité étudiée, et ne peut
soupçonner l'éventuel artefact ; ce qu'il ne voit pas, il n'en soupçonne pas l'existence.
Il considère naturellement les frontières comme des attributs des territoires, et non
l'inverse : s'il admet facilement l'existence de situations-limites, de cas douteux, il ne
saisit pas facilement les enjeux qui peuvent s'attacher à les trancher.
Les spécialistes des zonages ont donc une grande responsabilité, et une tâche difficile :
montrer l'éventail des choix et de leurs conséquences, situer les nécessités de l'obser-
vation et dessiner la place des choix politiques, sans laisser penser que tout est possible
et manipulable au gré de l'observateur ou du décideur. Depuis plusieurs années, cette
question s'enrichit sans cesse de contributions nouvelles de géographes, d'aménageurs,
de statisticiens...et de praticiens ! Les Entretiens Jacques Cartier de Lyon en Décembre
1997 ont montré la richesse de cet ensemble, et permis de faire le point : l'Insee est
heureux d'en présenter les actes.
Jean-François Royer
Chef du Département de l'Action régionale de l'Insee
S O MM AIR E
Programme du colloque 9
Introduction au colloque 17
Martin Vanier
2 - INGÉNIERIE DU DÉCOUPAGE
Matinée
9 h 00 : Accueil
Après- midi
Programme du colloque 9
• Validation d'un découpage territorial
Communicant : Pierre Dumolard (Institut de Géographie Alpine, Grenoble)
• L'élaboration du zonage en aires urbaines (ZAU)
Communicant : Thomas Le Jeannic (CNAF, Paris)
• Le découpage du territoire : unités administratives, statistiques ou à fonctions
multiples 7
Communicant : Robert Parenteau. (Statistique Canada, Ottawa)
• Bassins d'emploi et bassins de vie en Rhône-Alpes, deux approches complé-
mentaires
Communicant : Robert Revnard (Insee - Rhône-Alpes)
• Organisation territoriale de l'emploi et des services de proximité
Communicant : Vincent Vallès
Après-midi
Programme du colloque 11
Mercredi 10 Décembre 1997
Matinée
Après-midi
12 Insee Méthodes n° 76-77-78
• Des structures naturelles permanentes à la base du découpag,., écologique du
territoire
Communicant : Jean-Pierre Ducruc (Direction de la conservation et du patri-
moine écologique, ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec)
• Quels découpages territoriaux pour la gestion de l'environnement ?
Communicants : Thierry Joliveau et Olivier Barge (Université de Saint-
Etienne)
Programme du colloque 13
INTRODUCTION AU COLLOQUE
J'EXISTE, DONC JE DÉCOUPE
Martin [panier
Institut d'urbanisme de Lyon
Il y a, parmi les communications rassemblées ici, une phrase charmante, qui nous vient
de loin, et qui dit : "s'il y a une dispute sur le découpage, c'est parce qu'on a perdu la
limite qui a existé quelque part, autrefois". Au fond de cette évocation nostalgique,
presque poétique, de ce qui a existé "quelque part, autrefois", et qu'on aurait perdu,
réside une aspiration inaltérable, universelle et multiforme : se donner des "balises",
comme disent nos amis québécois, des limites identifiantes, des repères.
Découper le réel, "s'y retrouver", est une des conditions de son appréhension, par sa
mise en ordre, et pour son interprétation. Découper le temps, en ères, époques ou
cycles... Découper l'espace, sur le sol et sur les cartes... Découper la nature, en genres,
espèces, écosystèmes... Toute science a besoin, pour accéder à ce statut, de découper
l'objet, le champ de son savoir, par des classifications, des nomenclatures, des différen-
ciations.
Découper est un acte scientifiquement nature]. C'est en même temps un acte de pouvoir,
et même une condition d'existence pour tout pouvoir territorial, c'est-à-dire qui se réfère
explicitement à une portion d'espace (ce qui n'a pas toujours existé, et n'est pas le cas
de tous les pouvoirs). "J'existe, donc je découpe", telle pourrait être la devise, aussi bien
du scientifique que du politique. C'est que, plus généralement, se donner des limites,
s' identifier par des bornes au-delà desquelles commence l'autre, ou autre chose, est une
des conditions de la construction de la personnalité, qu'elle soit physique, individuelle,
ou morale, institutionnelle.
D'ailleurs, quels sont les tout premiers apprentissages techniques auxquels se confronte
l'enfant, bien avant d'apprendre à écrire ? Tracer, boucler, découper, assembler, coller...
Passer du gribouillage au tracé construit, de la déchirure à la découpe guidée, c'est-à-
dire mettre de l'ordre dans ses rapports au monde, et commencer à affirmer, de premiers
dessins en premiers collages, une trilogie subconsciente bien connue : "moi, maman,
le monde". Moi : l'auteur, le sujet ; maman : ma matrice, celle à qui je suis redevable
d'exister ; le monde : les autres (matrices), l'extérieur par rapport auquel je m'identifie.
On a beau grandir, apprendre à enfouir son subconscient, sophistiquer ses outils (les
ciseaux et la colle n'ont qu'un temps, pour bien découper) et ses découpages, et se
Couper-coller, découper-recoudre : activités domestiques, qu'on fait chez soi, pour son
chez soi. Et nos "chez moi" commencent au sein de nos habitats, pour finir aux frontières
de l'oekoumène. Emménager, aménager, "faire passer la limite", entre les champs, entre
les secteurs de la ville, entre les peuples... Les découpages du territoire sont une histoire
vieille comme l'humanité qui habite le monde.
Mais alors pourquoi donc un colloque, maintenant, en 1997, sur un sujet aussi ontolo-
gique, permanent et universel que "les découpages du territoire" ? Pourquoi même en
avoir eu l'idée ? Est-il bien dans l'air du temps, celui de "l'abaissement des frontières",
de "la fin des territoires", des "réseaux qui nous gouvernent", et autres figures de
l'instantanéité spatio-temporelle, que de réveiller la vieille dispute sur les limites, les
frontières et autres découpages du territoire ?
Roger Brunet confie que quand il entend le mot "découpage", il a "l'impression qu'on
brandit le tranchoir" et il rappelle le syndrome du gerrymandering, ce charcutage
électoral fameux qui assura à son auteur, le sénateur américain Gerry, une circonscrip-
tion électorale en forme de salamandre, au siècle dernier, dans le Massachusetts1 Y
aurait-il quelque chose d'un peu immoral, disons suspect, dans ce commerce des
territoires "à la découpe" ?
Alors, est-ce bien le moment de faire comme si zonages et maillages étaient les
mamelles du territoire ? Etait-ce bien raisonnable, ce colloque sur les découpages du
territoire ?
I. Brunet R., 1997. "Territoires : l'art de la découpe". Les ciseaux du géographe, coupures et coulures du
territoire, Revue de Géographie de Lyon, vol. 72, n'3, pp. 251-255.
Ce premier débat a été largement abordé dans nos journées (cf. les deux tables rondes
d'acteurs de terrain, et les interventions de Paul Alliés, François Hulbert, Françoise
Gerbaux et Frédéric Giraut, Martin Schuler, et beaucoup d'autres). Le lecteur constatera
par lui-même la diversité des points de vue sur la dynamique institutionnelle des
maillages et des zonages, et l'impossibilité d'apporter des réponses simplifiantes à des
enjeux complexes. Le fantôme de la rationalisation a plané sur nos échanges. Inévita-
blement, de vastes champs "hors-sujet" se sont présentés à nos pas : l'assiette territoriale
de la fiscalité locale, la citoyenneté, le fonctionnement des administrations... Chacun a
pu mesurer à quelle vitesse les découpages du savoir sont instrumentalisés pour devenir
des découpages de l'action, puis, le cas échéant, du pouvoir. Personne n'est reparti avec
des solutions miracles ou des convictions tranquilles, sinon celle que la complexité ne
devrait pas être forcément synonyme de désordre.
Pour croiser ces trois grands débats et pouvoir rassembler des spécialistes aussi divers
que ceux de la statistique territoriale, des politiques publiques, du droit des institutions,
des différenciations et discontinuités spatiales, des systèmes d'information géographi-
que, de l'écologie ou de l'urbanisme, il importait de ne pas autonomiser à l'excès la
problématique institutionnelle, la problématique urbanistique et la problématique en-
vironnementaliste et de placer toujours au centre des réflexions cet acte d'objectivation
du territoire qu'est son découpage, quelle qu'en soit la finalité. Ce qui fut proposé, à
partir de huit questions successives sur les découpages du territoire, questions qui font
le plan de ce recueil :
- Est-ce qu'on peut s'arranger, en affaires de découpage, entre savoir, pouvoir et action ? ;
En commençant nos travaux, nous savions, toujours grâce à Roger Brunet, et pour le
paraphraser, qu'un peu de découpage crée de la sociabilité et de la solidarité, beaucoup
de découpage les assassine. D'un côté, les normes territoriales qui font qu'une société
s'identifie, s'administre et se projette, de l'autre cette intensité de retranchement qui
fait qu'une société éclate en communautarismes exacerbés. Nous n'avions donc pas
l'intention de "nous égarer dans le culte des territoires finis" (Guy Di Méo).
Nous avons compris petit à petit à quel point les différences de temporalités du
découpage étaient une source de malentendus. Il y a des découpages fondés en des
moments historiques forts pour durer, et que rien, sinon d'autres moments historiques
aussi forts, ne doit venir contester. Il y a des découpages dessinés pour suivre une
dynamique spatiale le temps de sa manifestation, d'autres pour les quelques années
d' une politique contractuelle, d'autres pour d'éphémères zones dérogatoires qu'exigent
des forces du marché qui pilotent à très court terme. Pourquoi s'effrayer de la complexi-
té qui résulte des traces mêlées de ces temporalités forcément différentes ?
Traiter des découpages produits par l'édification des nations exige au préalable l'intro-
duction d'une dimension relative, celle du principe de territorialité. Le territoire est en
effet une invention historiquement et spatialement datée : c'est celle qui va avec
l'émergence de l'État en Europe occidentale et qui s'épanouit entre le traité de
Westphalie (1648) et le traité de Versailles (1919). Ces presque quatre siècles sont ceux
de la lente agonie de l'universalisme de la chrétienté durant lesquels la référence au
territoire, de technique, administrative et fonctionnelle qu'elle était, devient sociale,
politique et sacrée. En 1648, sous le coup de la Réforme, l'Empire se transforme en une
sorte d'état fédéral comptant trois-cent quarante-trois États souverains. Le territoire y
devient le condensé des rapports à l'espace et au temps, le cercle de constitution des
communautés politiques, le lieu conventionnel d'un contrôle politique unique et exclu-
sif support de la souveraineté nationale.
Si puissant soit-il, ce principe voit donc son destin lié à la trajectoire de l'État national
dans la vieille Europe. Si bien qu'aujourd'hui où la construction européenne a déjà
remis en cause bien des attributs de la souveraineté de ses États membres, le territoire
n'apparaît déjà plus comme le socle de l'organisation politique des sociétés : il n'est
plus le lieu d'identification de la citoyenneté surplombant toutes les autres identités,
ethniques, sociales, culturelles. Tout se passe comme si se dissociaient inexorablement
la fonction administrative du territoire et sa fonction de médiation politique. Les
programmes européens produisent leurs propres découpages qui s'articulent plus ou
moins à l'action publique locale ; mais ils semblent pouvoir se passer de la moindre
fonctionnalité représentative que la démocratie moderne avait construit sur le territoire
étatique.
Cette relativisation du principe de territorialité est donc une question centrale qui doit
éclairer notre retour sur le destin des découpages issus de la nationalisation de l'espace.
2. Principes de la philosophie de l'avenir, 1843. Cité par D. Bensaid, Le pari mélancolique, Fayard, Paris,
1997.
3. B. Badie, La fin des territoires, Fayard, Paris, 1995, p. 45.
Départements et communes
L'essentiel de la force du découpage de 1789 tient dans son ingénierie, telle qu'elle fut
brillamment exposée devant l'Assemblée Nationale Constituante par Thouret4. Elle
tient en trois principes :
"Adopter pour division commune (...) celle qui convient le mieux à l'administration,
en convenant également à la représentation (...). Des administrations mesquines et
rétrécies à l'excès manqueraient d'énergie et de zèle parce que la faiblesse de leur
établissement diminuerait à leurs propres yeux l'opinion de leur importance". Dans
l'ordre de la représentation, la fonctionnalité gestionnaire est première. D'où une
première définition quasi géométrique de la division départementale, à l'instar de ce
qui se faisait aux États-Unis. Elle fut amendée finalement dans le décret du 26 février
1790 créant 83 départements, par une prise en compte, plus grande qu'il n'y paraissait,
de l'ancien réseau administratif. Ainsi on observe peu de changements dans les contours
des généralités périphériques devenues presque partout des limites départementales5.
En d'autres termes, là où les "généralités", qui furent une expérience décisive de
l'administration monarchique, remplissaient encore des fonctions modernisatrices, on
les "récupéra" dans le nouveau découpage. Preuve si besoin était de l'idée que la
représentation politique s'enracinait dans une bonne administration de proximité et non
pas le contraire.
4. Premier discours sur la division du Royaume, 3 novembre 1789 ; Second discours sur la nouvelle division
du Royaume, 9 novembre 1789. In : Orateurs de la Révolution française. Gallimard-La Pléiade, Paris, Tome
I, 1989. pp 1038 et s
5. S. Bonin, Cl. Langlois, Atlas de la Révolution française, Le territoire (1). Editions de I'EHESS, Paris,
1989.
C'est cette architecture qui est restée en place et s'est consolidée jusqu'à nos jours.
L'idée même de département s'opposait à la reconstitution de puissantes institutions
politiques locales6. Elle s'enracinait dans le fait que le département devait être la matrice
organisationnelle de différents "corps" : celui de la justice (qui édifie sa hiérarchie
juridictionnelle entre 1795 et 1810 sur la carte départementale), celui de l'Eglise
catholique (qui aligne ses diocèses sur la base des circonscriptions judiciaires), celui
des ingénieurs des mines (qui est organisé en onze divisions à partir des frontières
départementales), et il en ira de même pour la plupart des institutions militaires,
scolaires, culturelles. L'idée de départementalisation généralisée de l'espace connaîtra
donc un véritable essor avec la promotion politique de l'administration dés l'An VIII,
puis la formation d'une couche spécifique de notables sous la Restauration et enfin
l'affrontement électoral sous la Troisième République. Conçu en dehors de tout critère
économique, le département gagne assez tôt (en 1811) la personnalité juridique qui
fonde budgétairement son individualisation financière (en 1892). Il peut ainsi fonction-
ner comme un territoire polycentrique focalisant toujours plus l'interaction d'élus et de
fonctionnaires.
C'est que les acteurs locaux ont appris à l'intégrer à l'organisation et à la gestion de
leurs intérêts. Les logiques électives ascendantes et les logiques administratives des-
cendantes ont produit une "régulation croisée", autrement dit un réseau d'interaction
situé à l'intersection de l'appareil bureaucratique de l'État et des instances de représen-
tation locales7. Nourri de négociations autour de l'application de la norme, de l'échange
de légitimités techniciennes et démocratiques, le département est resté au centre des
mécanismes d'intégration nationale. L'institutionnalisation de la région elle-même en
1989 n'a-t-elle pas été rabattue électoralement sur la circonscription départementale ?
Parce qu'il pouvait être indifférent aux changements économiques (à l'industrialisation
La régionalisation instaurée dans pratiquement tous les États de l'Union au cours des
vingt dernières années suffirait à se convaincre du contraire. Sans doute faut-il être
prudent dans l'évocation12 de cette nouvelle désignation : la région. Elle recouvre une
diversité d'entités assez considérable, allant des Lânder allemands et communinades
autonomas espagnoles, plus vastes que certains États membres, à certains de ces
derniers, l'Irlande ou la Finlande, plus petits qu'une seule d'entre ceux-là. Mais la
promotion de ce niveau territorial intermédiaire ne fait pas de doute : dans l'émergence
d'une nouvelle autorité politique en Europe, certes encore indéterminée, la région est
souvent décrite comme une "gouvernance polycentrique", c'est-à-dire une "organisa-
tion du pouvoir instable, contestée, hétérogène sur le plan territorial, et non hiérarchi-
que"13. Le niveau régional serait donc celui où s'opère une "transformation
fondamentale de l'organisation territoriale des politiques européennes, non seulement
au niveau supranational, mais à l'intérieur des États membres eux-mêmes". Quelle que
soit la fragmentation des contextes politiques régionaux, les politiques européennes
11. J. Villeneuve, Bilan de la loi du 6 février 1992, in CURRAP, op. cit. p. 16.
12. L. Hoogie, G. Marks, Restructuration territoriale au sein de l'Union
13. L. Hooghe, G. Marks, Restructuration territoriale au sein de l'Union Européenne : les pressions
régionales. in V. Wright, S. Cassese, La recomposition de l'État en Europe. La Découverte, Paris, 1996,
p.207.
14. R. Balme, La politique régionale conununautaire comme construction institutionnelle. in Meny, Muller,
Quermonne, Politiques publiques en Europe. L'Harmattan, Paris,1995, p.287.
15. E. Negrier, Intégration européenne et échanges politiques territorialisés. in Pôle Sud, n°3, automne
1995, p. 38.
16. Ph. C. Schmitter, Quelques alternatives pour le futur système politique européen et leurs implications
pour les politiques publiques eurOpéentees.
In : Meny et alii, op. cit. p. 27 et s.
Dans un cas comme dans l'autre, ce sont les parlements nationaux qui auront la charge
de consolider et d'actualiser le système politique représentatif en en intégrant récipro-
19
quement les standards constitutionnels communs . On imagine mal en effet la mise en
oeuvre d'une procédure constituante quel que soit le volontarisme des États membres.
Ce serait donc sur la pyramide des circonscriptions traditionnelles que se ferait cette
refondation, celles-ci étant ainsi à l'abri d'une remise en cause radicale. Leur histoire
enseigne qu'elles sont tôt ou tard investies de représentativité politique, les acteurs et
les groupes présents sur leurs lieux les assimilant à leurs modes d'organisation et de
représentation. N'oublions pas enfin que la majorité des pays de l'Union Européenne
ont trois niveaux d'administration locale et que, par delà les différences de compétence
et de taille, ces unités territoriales interagissent partout sur le même mode, celui "des
Aussi peut-on en conclure que la nature des découpages, souvent remise en cause en
regard d'une modernité institutionnelle ou d'une performance économique, est à
apprécier plutôt du point de vue de la sociologie historique, autrement dit de la manière
dont les populations s'y repèrent, les font leurs dans les différentes façons de défendre
leurs intérêts et leurs identités. Par-delà la crise de l'État national, risquons-nous donc
à affirmer que ces découpages sont promis à d'étonnantes reconversions plus qu'à des
disparitions.
20. C. Grenion, Région département, commune : le faux débat. In : Pouvoirs, ° 60, 1992, 9.55.
21. D. Pelassy, Qui gouverne en Europe ? Fayard, Paris, 1992.
Trois modes de découpage des réalités urbains ont, en particulier, traversé l'histoire de
l'urbanisme au cours de ce siècle : le zonage ou zoning, l'aire fonctionnelle à l'échelle
des agglomérations et l'isolement d'un ou plusieurs morceaux de ville en lieux exem-
plaires. Ces catégories du découpage territorial sont devenues, au fil du temps, comme
des catégories de la ville elle-même, relevant de sa nature. Cet outillage mental hérité
et quasi naturalisé reste très prégnant, bien qu'on dénonce aujourd'hui son inadaptation
aux réalités des territoires urbains contemporains. Mais peut-on se passer de ce qui
appartient à la culture commune de tous ceux qui interviennent sur la ville, et par quoi
pourrait-on le remplacer ? Ces types de découpage perdent-ils leur légitimité en raison
de défauts intrinsèques, ou en raison de l'usage que l'on en a fait ? On tentera, en
parcourant brièvement l'évolution séculaire de ces façons de découper la ville,
d'apporter quelques éléments de réponse.
Pour autant, le zoning recèle aussi une force cognitive en ce qu'il permet la reconnais-
sance réciproque des représentations de l'expert et du politique. Pour l'urbaniste, le
zoning permet d'homogénéiser, dans une même vision, la ville existante et celle à
projeter, instaurant ainsi une équivalence ontologique entre la ville réelle, résultant d'un
La pratique du zoning, qui fut un temps hégémonique, a bien entendu suscité de nombreuses
critiques, qui sont devenues aujourd'hui elles-mêmes prédominantes dans le discours sur
la planification urbaine. Ainsi, à partir des années 60-70, en particulier en France, le zoning
est accusé d'être l'agent essentiel de l'accélération de la ségrégation socio-spatiale dans les
villes. Dans les pays voisins, en particulier en Allemagne, l'accent est mis surtout sur la
séparation excessive des lieux de résidence, de travail et de consommation (résultat d'une
longue pratique du zoning) et sur les effets néfastes de l'augmentation de la mobilité
motorisée en matière d'environnement et de modes de vie qu'elle induit. Or ces remises en
cause, au non de la mixité sociale comme de la mixité fonctionnelle, portent essentiellement
sur les excès de l'esprit fonctionnaliste dans lequel on a usé du zoning plutôt que sur le
principe même de ce mode de découpage.
Récemment, des critiques plus radicales ont vu le jour. Ainsi G. Dupuy dénonce l'univocité
d'une représentation fondée sur un maillage d'espaces contigus où les seules discontinuités
sont celles des frontières de zones. Il ajoute que cette représentation dominante n'a pas
permis de saisir le rôle majeur joué au XXe siècle par les réseaux de circulation, d'énergie
et de communication dans la recomposition de la ville, où les noeuds comptent autant que
les zones, les connexions autant et plus que les frontières, le temps autant et plus que l'espace
(Dupuy, 1991, p. 66). Le zoning, accusé d'avoir été, sinon aveugle, du moins borgne dans
l'ordre des représentations guidant l'action sur la ville, semble également perdre cette
efficacité opérationnelle que soulignait naguère J.-P. Gaudin. La crise immobilière qui a
traversé tous les pays développés au début des années 90 a aussi révélé l'inadaptation
structurelle des outils de l'urbanisme opérationnel face aux évolutions économiques et
sociales, en particulier de ceux qui privilégient le zonage spatial et le phasage temporel
(l'urbanisme de ZAC (zones d'aménagement concerté) en France) (Marti nand & Landrieu
dir., 1996). Désormais le zoning ne paraît plus à même de garantir un cadre pertinent pour
les acteurs du marché foncier, ni de permettre la nécessaire synchronisation des rythmes
des acteurs de l'urbanisation.
Le zonage, déclaré "mort en sursis" dès 1974 (Charles, 1974), est-il aujourd'hui
définitivement condamné ? Il semble au contraire revenir avec force dans le champ
grandissant des politiques qui relèvent de l'écologie urbaine comme dans les démarches
de planification qui se revendiquent du développement durable des villes. Ainsi, la
carrying capacity (capacité de charge)', un concept clé du développement durable,
L La capacité de charge permet d'établir pour une zone donnée sa possibilité de supporter le poids d'un
développement (croissance démographique, exploitation des ressources, pollution) sans atteindre la limite
fixé u priori au-delà de laquelle les rendements environnementaux diminuent (d'après Deda, 1997).
Une nouvelle étape semble franchie à partir des années 60 lorsque s'engagent, dans
pratiquement tous les pays industrialisés, des réformes du découpage institutionnel de
base. Ces dernières prennent généralement la forme de regroupements communaux
pour améliorer l'efficacité du gouvernement urbain, par l'ajustement des périmètres
institutionnels aux aires fonctionnelles d'agglomération (Lefevre, 1995).
II ne faut sans doute pas se laisser abuser par la rationalité proclamée de ces démarches
plus ou moins abouties. Par exemple, les découpages fonctionnels proposés par l'Insee
en France - aire d'agglomération en 1954, Zone de Peuplement Industriel et Urbain dès
1962, ne seront que très peu mobilisés dans la définition des périmètres des Commu-
nautés Urbaines. Par ailleurs, la multiplicité des périmètres à géométrie variable
associés à tel ou tel critère fonctionnel, qui semble aujourd'hui décrédibiliser ce mode
de découpage, n'est pas nouveau. Un petit sondage au milieu des années 60 dans
2. Zonage des activités du centre vers la périphérie en fonction de l'importance et de la nature des
déplacements quotidiens qu'elles induisent.
Cette catégorie du découpage pour l'action a pourtant revêtu pendant plusieurs décen-
nies un statut de mythe opératoire. Cela tient sans doute à ce qu'elle a longtemps allié
la légitimité de l'efficacité économique à celle de l'intérêt général. La planification
urbaine et les politiques urbaines des trente glorieuses sont fortement marquées par la
nécessité de l'encadrement de la croissance spatiale des villes et par l'impérieuse
obligation de combler le retard en matière d'équipements des agglomérations.
Dans cette acception, les lieux exemplaires sont nombreux à fleurir en matière d'urba-
nisme ou de politique urbaine, cette façon de découper revenant à distinguer un morceau
de ville en fonction de caractéristiques morphologiques, sociales ou économiques
jugées particulières, quartier qui fait l'objet de procédures exceptionnelles. Pour s'en
tenir aux vingt dernières années, on repère une large gamme de lieux exemplaires, des
technopoles aux zones franches et aux grands ensembles d'habitat social, "quartiers en
difficulté".
Ce bref éclairage historique, comme les précédents, a pour seule vertu de rappeler que,
s'il n'y agas de bon découpage ou d' optimun spatial et dimensionnel par nature, il n'y
a pas lieu non plus de juger de la pertinence de telle ou telle façon de découper au seul
regard des résultats, détournements ou excès de l'action collective qui s' y inscrit. D' une
"crise urbaine" à l'autre, de la lutte contre l'insalubrité à celle contre l'exclusion sociale,
du désordre urbain à la ville prédatrice de l'environnement, ces catégories du découpage
urbain, naguère jugées obsolètes, retrouvent parfois une nouvelle jouvence. Ces décou-
pages pour l'action s'apparentent à un patrimoine commun aux acteurs de la ville, dont
la réactivation demande néanmoins que l'on tempère la croyance dans son efficacité
renouvelée par la vigilance que demande son usage.
Fijalkow Y.: Mesurer l'hygiène urbaine; logements et ilôts, insalubres, Paris, 1850-
1945 ; Thèse de Doctorat, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, septembre
1994.
Les communes du Japon héritent d'un découpage que la législation a fixé dans un
lointain passé. Selon l'article 5 de la loi municipale (chihô-jitchi-hô), promulguée en
1947 et toujours en vigueur, la municipalité conserve son territoire issu de la loi de
1911. L'article premier de cette loi de 1911 (Chôsonsei-kaisei-hôrei, "Loi de révision
du système communal"), spécifait également que le territoire municipal restait con-
forme à celui du passé, lequel découlait à son tour de l'article 3 de la loi municipale
(Chôson-sei) de 1889 qui précisait que toutes les communes devaient conserver leurs
limites antérieures sans les modifier. Enfin, la loi la plus ancienne, celle de 1878
(Gun-kuchôson-hensei-hô, "Loi d'organisation des communes et des cantons"), énon-
çait simplement, dans l'article 2, que tous les noms et les territoires des communes
devaient se conformer à ceux du passé. C'est la première loi qui concerne les communes
sous le système législatif moderne du Japon établi après la restauration de Meiji en
1868.
Il n'y a donc pas de loi qui délimite les communes. Mais ce n'est pas le fait le plus
frappant, car dans les manuels d'histoire et de géographie ou dans l'atlas national, on
ne peut trouver ni le territoire ancien du Japon, ni l'année où les communes ainsi que
l'Etat japonais ont été fondés. Depuis l'antiquité, les Japonais n'ont pas une conscience
claire des limites territoriales de leur Etat. Cela fait penser aux Occidentaux qui ne
peuvent pas préciser exactement où passent les limites de l'Europe. Les Japonais
prétendent que les circonscriptions administratives de base et le territoire de l'Etat
existaient avant leur arrivée (et on ne sait pas exactement d'où ils sont venus). S'il y a
une dispute sur un découpage, c'est parce qu'on a perdu la limite qui existait autrefois.
Pour parvenir à un accord, il faut chercher cette limite antérieure, au lieu de créer une
limite surimposée ou de reconnaître la limite actuelle. Comme celle-ci est souvent fixée
par le pouvoir de façon arbitraire, elle est généralement la source de conflit.
Le découpage administratif 45
La formation des communes modernes
La commune villageoise qui existait à l'époque féodale est appelée hansei-son (" village
féodal"). Il y en avait plus de soixante-dix mille. Même après la restauration de Meiji
de 1868, elles ont survécu jusqu'en 1889, quand le nouveau système municipal a été
définitivement établi par fusion. Elles existaient depuis si longtemps qu'on ne connaît
pas la date exacte de leur délimitation. Or, à part les quelques grandes villes ou les
shinden-son (les villages défrichés depuis le 16e siècle), tous les villages avaient
l'obligation de payer l'impôt foncier à leur seigneur, qui était calculé à partir de la
fertilité et de la superficie de la terre. Lorsque la population diminuait, l'impôt foncier
par tête augmentait donc dans des proportions catastrophiques.
Ces communes féodales ont fusionné pour fonder la commune moderne, qu'on appelle
Meiji gyôsei-son (" village municipal de Meiji"). Il y en avait environ trente-cinq mille.
Ce système municipal de Meiji a rigoureusement distingué les villes et les villages. Une
circonscription urbaine étant en principe bâtie, les grandes villes comme Tokyo avait
un grand territoire, et les moins grandes un petit. Autrement dit, la superficie de la
commune urbaine était proportionnelle à sa population (figure 1). La fusion des
communes féodales urbaines est donc simple à comprendre. Celle des villages, qui
repose sur un choix particulier de leurs partenaires, révèle davantage les répercussions
du fonctionnement de l'économie et de la politique locales avant l'industrialisation et
l'urbanisation du Japon.
Figure 1
Population et surface des communes urbaines en 1920
7i.
300
I I
100
50
30
10
10 20 30 40 50 60 70 80 km'
50 titi (A1'ea)
cocflicicni de corrélation =0.678
L'amélioration des finances locales fut, avant tout, la principale raison des fusions car,
depuis 1872, les communes devaient bâtir des écoles primaires en vertu de l'enseigne-
ment obligatoire. Elles ont construit non seulement les écoles mais aussi les mairies et
beaucoup d'autres équipements. Elles avaient donc aussi besoin de financements pour
les frais de fonctionnement.
La deuxième raison fut la peur que le nouveau gouvernement de Meiji avait de la forte
solidarité des paysans dans les communes féodales, qui s'était manifestée par des
rébellions non seulement pendant l'ère féodale mais même après la Restauration pour
demander une réduction des impôts. Si elle regroupe beaucoup d'anciens villages
féodaux sur son territoire, il est plus difficile pour une nouvelle commune moderne
d'unifier des intérêts trop divergents et d'obtenir un consensus sur la politique régionale
ou nationale.
La formation de Niita-mura
Niita-mura, situé à 100 kilomètres au nord de Tokyo, est un excellent exemple d'une
nouvelle commune de Meiji créée en 1889, et du changement social intervenu depuis
le XIXe siècle ayant exercé une grande influence sur le découpage actuel.
Le milieu naturel
Niita-mura est composé de 14 villages féodaux, dont I I se situent sur la terrasse fluviale
de la rivière Kinu-gawa. Il comprend plusieurs villages-branches. Au Japon, le village-
branche (eda-mura) ou le village-enfant (ko-mura) est un nouveau village défriché par
Le découpage administratif 47
les habitants d'un vieux village-mère (haha-mura). A Niita-mura, on trouve : les deux
villages-branches d'Ujiie-shuku (localisés en dehors de Niita-mura) ; Hakonomori-
shinden (un nouveau village de "défrichement", ou shinden) ; Matsuyama et son
village-branche ; Hasamada et ses villages-branches ; Fubasami et son village-bran-
che ; et limuro. Les autres villages, Kakinoki-zawa et son village-branche, se situent
dans la plaine alluviale, tandis que Kajikazawa se trouve sur une colline (figure 2).
Comme l'eau manquait sur la terrasse pour irriguer les rizières, ce site était occupé par
la lande jusqu'au XVIle siècle ; sept villages y furent ensuite fondés. Bien que le canal
d'irrigation d'Ichinohori ait été achevé au XVIlle siècle, le taux de rizières par surface
labourable était encore très bas : un tiers à la fin du XIXe siècle, contre près de 80 %
aujourd'hui. Le territoire fut petit à petit élargi par défrichement de cette lande. A la fin
Figure 2
Communes de Niita-mura et d'Ujiie-machi
N =Niita Hk =Hakonomori
Hs =Hasamada M =Matsuyama
=Kakinokizawa
F =Fubasami
I =limuro
U =Ujiic
"0,1, \\\
h)
Kintr-galva
Figure 3
Lien des villages pour défrichement
HO.
■–•
Kitsuregawa
\
q•--- Hs i's
i K \
.--., \ 0 F•
•■_.— \
e village-mère'—'. \ \
o village-branche défriché .`– '1 1
__ lien entre villages ...-- )
\
48 Insee Méthodes n° 76-77-78
du XIXe siècle, l'utilisation de la lande des villages voisins était une pratique courante.
La commune féodale était avant tout un groupe de villageois, et son territoire corres-
pondait simplement au terrain qu'ils utilisaient.
Le sol était à cette époque une sorte de bien meuble subordonné aux villageois. Le
territoire communal n'était donc pas aussi stable qu'aujourd'hui, car il était modifié par
le mariage, par l'héritage ou même par l'achat et la vente. Dans le département de
Yamagata, au nord de Honshû, une rizière pouvait même être apportée par le village
voisin et intégrée, quand une fille héritière se mariait avec un garçon du village. Les
communes rencontrant des difficultés avec les enclaves ou les "enclaves" au bout de
quelques générations d'héritages, elles opéraient de temps en temps un remembrement
des terres.
ci a) Utsunomiya
\..,/ \ 0 b)Kitsuregawa
— 1, Hk ...
*\. 1750 1775
._.'•...k. ......0 ''.. 0 c) Utsunomiya =Sakura = shogun
,.. ----''. • M . --"' \
.-‘2:'S. •
. 0 ou =Utsunomiya
\ u) ej . ......j''.° • ,,...
O 0..\—i•- d) droit d'utiliser Uwanohara
•,. i I .1 . 0
,... I lk =I lakonumuri
(1 \0 Q
.---,,K ,, lis .■ i■ I =Nlatsuyania
`■ `..' ›\
,..fe'. ,, . • s..... _ . O FQ \ lis =1 lasumuda
•__._-• \ . . K =Kakinukizawa
0 \...... \
---‘ I O \ F =Fiebasami
1 =Umm,
U =Ujiie
Le découpage administratif 49
Le premier groupe comprenait les villages qui appartenaient à la seigneurie d'Utsuno-
miya, y compris Hakonomori-shinden, avec Ujiie, son village-mère. Le deuxième était
composé des villages de la seigneurie de Kitsuregawa (Fubasami et les deux autres) ;
comme son seigneur était issu de la famille des anciens shôgun Ashikaga, il avait reçu
des nouveaux shôgun Tokugawa le privilège d'économiser sur ses voyages et ses séjours
obligatoires à Edo (actuel Tokyo) ; ses villages étaient donc relativement riches. Le
troisième groupe fut d'abord inclus dans la seigneurie d'Utsunomiya, puis il entra dans
la seigneurie de Sakura en 1750 et, à partir de 1775, il fut directement administré par
le shôgun Tokugawa (à noter que Sakura était connu pour sa politique d'imposer
lourdement le peuple).
Figure 5
Population de quelques villages
À
300
200
s.
100
Tableau 2
Impôts fonciers des villages par seigneurie (quantité de riz par 0,1 hectare)
L' une des fonctions importantes de la commune était le contrôle de l'état civil, dont le
registre était utilisé pour l'inspection de la religion ou l'imposition, car tous les Japonais
devaient être bouddhistes et s'acquitter de l'impôt communal. En 1873, quand le
gouvernement de Meiji introduisit le nouveau système d'état civil, tous les villages du
futur Niita-mura sont entrés dans la même circonscription administrative (figure 6).
Bien qu'elle ait été modifiée en 1885, celle-ci couvrait presque le même territoire que
Niita-mura (Hakonomori et Uwano avaient été détachés d' Ujiie pour l'état civil).
Le découpage administratif 51
Figure 6
Découpages administratifs au début de Meiji
0 2m
• ï villages du 2ème circonscription, 1873
o ,< J villages du 3ème circonscription, 1873
Kitsuregawa . limite du canton, 1875
asssociationde lécole primaire, 1880
La famille (Z1) était celle du chef héréditaire villageois (shoya), toujours plus riche que
les autres de 1660 à 1887. Sa branche (Z2) était la deuxième plus riche. Les autres
documents montrent que les membres des deux familles Z2 et O étaient très souvent
élus comme délégués paysans (sodai) ou comme chefs d'un groupe des paysans
(kumigashira). Tous les documents de la période féodale montrent que ces trois familles,
surtout la famille du chef héréditaire, avaient une grande influence.
Famille Z1 190 ares 2 700 shou 525 shou 1,94 1 237 shou 593 ares
Mais nous avons trouvé d'autres documents, couvrant la période 1868-1889, où nous
constatons qu'une épidémie de choléra a tué les membres de la famille Z1, sauf un petit
garçon et son grand père, ainsi que ceux de sa branche Z2, dont le chef de famille était
un maquignon qui s'était exilé après s'être ruiné au jeu. Depuis, une autre famille (N3)
a pris la tête de village.
Après que Niita-mura eut été formée, cette famille est devenue la plus riche et la plus
influente du village. Elle eut un conseiller municipal et, surtout, la présidence de
l'association du canal d'irrigation (tochikairi-ku) d'Ichinohori.
Le découpage administratif 53
Figure 7
Surface de rizier et d'autres labours à Hakonomori
autres labour's
o
1700 — année 1800 1900
ordinaires, si l'on compare avec les autres villageois. La rizière apporte plus de récoltes
et de revenus qu'un champ cultivé en panic, millet, soja, sarrasin ou autres choses.
Comme le canal était essentiel pour la riziculture, le lien par l'irrigation favorisa la
fusion de Hakonomori avec Niita-mura.
L'aire d'irrigation était également importante pour former les limites communales.
Même de nos jours, le droit de prendre l'eau, basé sur des primautés et des lois qui
remontent bien avant l'ère de Meiji, reste toujours valable. Par exemple, l'eau du lac
Depuis que la commune moderne de Meiji a été créée, des fonctions ont été enlevées
pour être confiées à d'autres organisations plus spécialisées. Une coopérative agricole
a été organisée pour financer les exploitations agricoles et, surtout, contrôler la produc-
tion de riz. L'association du canal d'irrigation fut créée pour gérer l'eau et l'entretien.
La voierie communale est classée d'après l'importance des voies ; les principales furent
transférées au département ou au ministère du gouvernement central. Pour la politique
industrielle, les fonctions de la commune ont également évolué. Quelques villages
féodaux ont conservé les fonctions de groupe d'habitants comme auxiliaire communal.
Le découpage administratif 55
Figure 8
Population et surface des communes urbaines de 1920 en 1960
esTo. oJ
'57■
1000
500
300
1 00
50
30
10
3
(x10')
communes rurales (figure 8). Niita-mura a perdu la raison qui avait conduit les 14
villages féodaux à s'unifier. D'après une enquête, la grande partie des habitants des
trois villages du sud font leurs achats près de la gare de Niita, tandis que les autres les
font à Ujiie. Niita-mura a été divisé en deux sous l'influence de l'aire commerciale des
deux centres et de la sphère de vie quotidienne des habitants.
Bien que le découpage communal japonais suive législativement celui de l'ère féodale,
sa modification résulte du changement économique et social.
(texte traduit du japonais par Tanabe Hiroshi et revu par Philippe Pelletier)
Dicton populaire " les conseilleurs ne sont pas les payeurs "
Pierre Dumolard,
Université J.Fourier, réseau CNRS " CASSINI ", Grenoble
Il est devenu courant d'affirmer que la carte thématique, seule ou en collection, est un
instrument privilégié d'aide à la décision territoriale. Il serait bon de préciser qu'elle
offre cet avantage pour représenter des données stylisées à petite ou moyenne échelle
(sur des espaces assez vastes), tandis qu' à grande échelle, pour des données plus
" paysagères " et des espaces plus restreints, d'autres formes de visualisation plus
" véristes " (comme la photo aérienne, les représentations tridimensionnelles, l'image
de synthèse, etc.) peuvent mieux convenir.
Avant même d'envisager des moyens possibles pour l'estimer et la visualiser, il convient
de s'interroger sur la signification des limites dans un découpage pour tel ou tel type
de phénomène et de prendre conscience de la nature multi-échelles de l'information
spatiale.
Deux grands types d'agrégation doivent être distingués : l'agrégation par le spatial,
l'agrégation par le thématique.
L'agrégation par le spatial (Charre, 1987) correspond aux cas, fréquents, où l'on
dispose d'unités spatiales emboîtées (exemple : découpage administratif hiérarchique
de type commune - canton - département - région) ou encore aux situations où l'on
désire créer des découpages emboîtés correspondant " au mieux " à tel ou tel thème.
Fig. 1
Exemple d'arborescence hiérarchique d'entités spatiales
régions
départements
cantons
communes
Dans les deux cas, l'agrégation procédera d'abord à la fusion des unités appartenant à
la même entité de niveau supérieur, ce qui revient à " gommer " les limites devenues
internes (chose aisée avec un S.I.G. dit topologique). Il faut ensuite déterminer les
valeurs caractérisant, au niveau supérieur, la distribution observée au niveau inférieur :
ce peut être, pour des variables quantitatives (comptages ou valeurs relatives, par
exemple), l'ensemble des valeurs ou les paramètres de cette distribution. Pour des
variables qualitatives, l'agrégation transforme le nombre et la nature des variables : une
Tableau 1
Transformation des variables par l'agrégation
Fig. 2
Exemple de nomenclature hiérarchique (utilisation agricole du sol)
L'agrégation par le thématique (Scholl, 1995) implique que l'on dispose de données
localisées correspondant à une nomenclature arborescente hiérarchique, connue a priori
ou établie interactivement.
Générer une arborescence thématique consiste, dans tous les cas, à regrouper des
modalités ou des valeurs de niveau 0 en classes de niveaux 1, 2,... de façon à créer des
partitions emboîtées de valeurs ou de modalités : c'est donc un " zoom out " statistique.
Par contre, d'autres cas d'agrégation peuvent se révéler plus complexes, même en excluant
les cas de multi-appartenances (hiérarchies de type graphe plutôt que de type arbre).
Il en est ainsi si l'on a affaire, non à des données de stock (une entité spatiale, une valeur
correspondante) mais à des données de flux où les valeurs sont relatives à des couples
d'entités spatiales (exemple : tableau origine - destination dans le cas de migrations).
Procéder à des agrégations signifie alors être à même de naviguer dans le " produit "
de deux arborescences, ce qui implique au moins une interface adaptée d' interrogation
du système d'information. Par ailleurs, l'opérateur d'agrégation des valeurs n'est plus
strictement additif (des migrations externes à un niveau k deviennent partiellement
internes à un niveau k + 1).
Qu'il soit l'un ou l'autre, le changement d'échelle change la pertinence des variables
et les phénomènes à observer. Ainsi, s'il est intéressant de cartographier à grande échelle
chaque type d'utilisation agricole du sol, c'est la notion de système de culture qui
devient pertinente à plus petite échelle. Autre exemple : la signification de migrations
S'il est aisé de disserter et de parler, en général, de différenciation spatiale (qui n'a
jamais de sens que par rapport à des régularités spatiales), il est plus malaisé de la
mesurer et de la représenter. Tentons, cependant, une approche.
3.1.1 Prérequis
Une première requête serait de pouvoir disposer, pour toute variable et tout agrégat de
niveau élémentaire, non seulement d'une valeur centrale mais aussi de la distribution
(ou au moins de la dispersion) des valeurs au niveau atomique Alors seulement pourrait
De la même façon qu'une carte est toujours assortie d'une échelle et de la position du
Nord, de la même façon elle devrait être accompagnée, en légende, de la méthode ayant
permis de créer la typologie qu'on affiche et de quelque moyen de juger de la qualité
de cette partition en classes. Dans le cas d'une carte univariée, ce pourrait être un
scalogramme (ou un histogramme détaillé) où les bornes de classes seraient indiquées.
Dans le cas d'une carte bivariée ou multivariée, la méthode de partition du nuage de
points devrait être indiquée (tout comme la source des données). En outre, la légende
devrait préciser, en mots ou graphiquement, les caractéristiques de chaque type.
Une carte thématique est le résultat d'un traitement statistique préalable au traitement
graphique. Elle doit aussi être ultérieurement l'objet de traitement statistique et de
représentation de ses résultats. On doit donc pouvoir mesurer un indicateur global et
des indicateurs régionalisés de l'homogénéité des classes cartographiées.
Le but est ici de mesurer et d'afficher la perte d'information en passant du niveau des
agrégats élémentaires à celui des agrégats d'agrégats générés par la typologie. Diffé-
rentes mesures globales sont envisageables.
La première pourrait dériver d' une analyse de variance à un ou plusieurs facteurs (selon
que la typologie est uni- ou multivariée). En effet, les classes de la typologie forment
une variable qualitative tandis que la (ou les) variable (s) dont elle est issue sont une
(ou plusieurs) variable (s) quantitative (s), puisque relative (s) à atomes connu (s) par
agrégats. La variance intraclasses est une mesure brute de perte d'information et le
rapport variance intraclasses / variance totale quantifie l'homogénéité globale des
classes et permet les comparaisons entre cartes thématiques. Il est évidemment souhai-
table que ce rapport soit, dans tous les cas, voisin de zéro.
La deuxième pourrait être, quand cela est envisageable, un indice de Gini (herchez,
1995). La troisième pourrait être, si un indicateur de dispersion est disponible au niveau
des agrégats élémentaires, de comparer dispersion relative avant et après typologie
(coefficient de variation ou coefficient interquartile ou entropie relative).
En outre, dans notre perspective, un algorithme typologique paraît adapté : c'est celui
des " nuées dynamiques" (Diday, 1982). Il consiste, en effet, à construire sur un même
jeu de données k partitions successives puis à les intersecter, ce qui permet de dégager
pour chaque classe un " cur " (les entités ayant toujours figuré ensemble dans la même
classe) et des " marges " (avec les entités ayant figuré k-1, k-2,... fois dans la classe).
Dans ce contexte, établir un découpage spatial consiste à établir des degrés d'apparte-
nance, total ou majoritaire.
Deux mesures pourraient donc compléter la légende de chaque carte thématique : une
mesure de dispersion relative et une mesure d'autocorrélation spatiale. Les classes
figurant en légende pourraient contenir un noyau central et des marges.
Une première façon de faire est de figurer en légende, outre les bornes de chaque classe,
un indicateur relatif de variabilité interne et un indicateur de dispersion spatiale des
agrégats appartenant à cette classe. Ceci peut être réalisé en calculant le point moyen
géographique des entités spatiales et en remplaçant chacune par son point moyen. Alors,
le calcul d'une variance spatiale intraclasses est envisageable.
Tous les indicateurs évoqués pourraient être écrits, au même titre que d'autres indica-
tions, dans la légende accompagnant la carte mais, pour une lecture plus immédiate et
globale, ils pourraient être transcrits cartographiquement.
Si le propos est d' insister sur la continuité thématique et spatiale et, donc, de visualiser
des gradients plutôt que des discontinuités, différentes solutions graphiques peuvent
être envisagées. La première est de pratiquer une forme ou une autre de lissage spatial.
Une autre solution consisterait à partitionner les n valeurs en un grand nombre de classes
d'égale amplitude (jusqu'à n ou jusqu'à 256), à représenter en niveaux de gris ou d'une
couleur primaire. Si le propos n'est pas de nuancer mais de simplifier davantage la
typologie, peut figurer en carton, à côté de la carte, Sa schématisation.
Nous avons évoqué des procédures simples pour avertir le lecteur d'une carte thémati-
que de sa fiabilité, globale et différentielle. Ces procédures ont déjà un sens quand il
s'agit de produire des cartes " définitives " (avec bon à tirer). Elles ont encore plus de
sens à l'ère des Systèmes d'Information Géographique où une carte n'est qu'un moment
passager dans un enchaînement de requêtes - réponses spatiales. Dans ce processus de
questionnement interactif (" eye thinking "), les mesures de fiabilité permettent, entre
autres, de choisir la " meilleure " carte, à rendre éventuellement " définitive ".
Brunet R., Champs & contrechamps, Raisons de géographe (Paris, Belin, 1997).
Charre J., Dumolard P., Initiation aux pratiques informatiques en géographie (Paris,
Masson, 1987).
Merchez L., Briand M., Relations entre handicaps agricoles et aides européennes
(Paris, Hermès, Revue Internationale de Géomatique, 1995 n° 3-4).
Raynal L. et al., Gérer et générer des données spatiales hiérarchisées (Hermès, Revue
Internationale de Géomatique 1996 n° 4).
Le territoire français possède deux grandes particularités, qui ont rarement leur équi-
valent dans les pays voisins. D'une part son niveau administratif le plus petit, la
commune, offre un maillage d'une étonnante finesse : plus de 36 000 communes, soit
presque autant que le reste de l'Union Européenne. D'autre part, son histoire a conduit
sa population à déserter de vastes espaces et à se concentrer dans une mégapole
parisienne sept fois plus grande que sa suivante, Lyon.
L'aménagement du territoire est sans doute pour cela un thème récurrent de débat ; et
la précision du maillage, si elle est régulièrement remise en cause, a au moins le mérite
de permettre au spécialiste du zonage de disposer d'une grille de lecture du territoire
très fine, ce qui lui permet plus facilement d'apporter sa pierre à la connaissance de la
structuration du territoire.
l'Insee, notamment, s'y intéresse depuis sa création (en 1946). Il a commencé par
regrouper des communes en unités urbaines, selon une définition morphologique.
L'urbain ainsi défini représentait le ville, le rural la campagne. Mais très vite cette vision
dichotomique s'est avérée trop simpliste. Avec l'émergence d'un nouveau phénomène,
la périurbanisation, l'Insee a défini dans les années soixante les zones de peuplement
industriel ou urbain (ZPIU). Outre les unités urbaines, elles incluaient des communes
rurales à forte mobilité journalière. Ce nouveau concept a perduré pendant trente ans.
Mais suite à leur extension continuelle, et à leur couverture quasi complète du territoire
aujourd'hui, il a fallu réfléchir à un nouveau concept. Le zonage en aires urbaines (ZAU)
est ce nouveau découpage proposé par l'Insee. Il offre à la fois une nouvelle lecture du
territoire et une grille d'analyse de son évolution.
- On identifie tout d'abord sur le territoire les zones bâties, susceptibles d'atteindre
2 000 habitants au recensement de 1990.
- Une zone bâtie est constituée par des constructions avoisinantes formant un ensem-
ble tel qu'aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres.
- On ne conserve que les zones bâties qui atteignent au total 2 000 habitants.
- Lorsque la zone bâtie s'étend sur plusieurs communes, elles constituent une agglo-
mération multicommunale. Lorsque la zone bâtie s'étend sur une seule commune,
cette dernière est appelée ville isolée.
- On appelle unités urbaines aussi bien les agglomérations multicommunales que les
villes isolées. Au sens de l'Insee, toute commune appartenant à une unité urbaine
est réputée « urbaine ». Toutes les autres communes sont classées « rurales ».
Toutes les unités urbaines appartiennent à une ZPIU, et chacune doit appartenir à une
seule ZPIU. Toutefois, une ZPIU peut ne comprendre aucune unité urbaine, ou en
comprendre une ou plusieurs.
Une commune rurale a été classée comme industrielle, si elle comptait un ou plusieurs
établissements industriels et commerciaux ou administratifs (chantiers de bâtiment et
des travaux publics mis à part) de 20 salariés au moins, à la condition toutefois que
l'effectif total de ces établissements dépassât 100 salariés.
Lou communes-dortoirs sont tout d'abord les communes rurales non industrielles
répondant à la condition suivante :
De cette façon, on sélectionne les communes qui ont un faible taux d'agriculteurs
ou/et une forte proportion de migrants alternants. C'est bien ce que l'on entendait
par « communes-dortoirs ». Le problème est que les informations nécessaires à ce
calcul ne sont disponibles que plusieurs mois, voire plusieurs années, après le
déroulement du recensement. Afin de ne pas retarder d'autant la nouvelle délimita-
tion des ZPIU et d'avoir une définition du périmètre disponible dès la parution des
premiers résultats, on évalue cette formule à l'aide de variables observées lors du
recensement précédent (1954 pour les premières ZPIU dites « 1962 »,..., 1982 pour
les ZPIU dites « 1990 »).
Au cours des années soixante et soixante-dix, les ZPIU ont permis de mesurer et de
décrire les principales caractéristiques des phénomènes de métropolisation et de péri-
urbanisation. Cependant, victimes de leur « succès », elles ont petit à petit été atteintes
de gigantisme, ainsi que le montrent la carte 1 et le tableau suivant :
Rappelons que les «ZPIU 1990» sont calculées sur la base des résultats du recensement
de 1982 : la prise en compte des résultats du recensement de 1990 accentuerait encore
ce phénomène, laissant probablement moins de deux millions d'habitants hors ZPIU.
Dès lors, l'appartenance à une ZPIU n'est plus un critère discriminant : très utile
pendant trente ans, cette notion a aujourd'hui atteint sa limite.
Fin 1992, un questionnaire fut envoyé à toutes les directions régionales de l'Insee pour
connaître leurs besoins en matière de zonage de type urbain/rural, ainsi que leurs
critiques de fond sur la décomposition alors en vigueur.
Deux besoins se sont alors exprimés. Le premier, par l'ensemble des directions
régionales, portait sur la prise en compte de l'aire d'influence des centres urbains, sur
leur environnement immédiat. Un moyen de mesure généralement proposé de cette
influence était les flux domicile-travail, en y incluant éventuellement des informations
sur les équipements provenant de l'inventaire communal. Le deuxième besoin, exprimé
surtout par des régions à fort caractère rural, était une meilleure connaissance du monde
rural, qu'il soit dynamique ou en voie de désertification.
- la problématique des pôles qui n'était pas exprimée clairement. La délimitation des
unités urbaines d'une part, et du reste des ZPIU d'autre part, était en effet traitée de
manière relativement distincte, sans lien apparent. Les migrations alternantes étaient
utilisées uniquement en niveau, sans tenir compte de leurs directions ;
Carte 1
Les zones de peuplement industriel ou urbain (ZPIU)
Évolution de 1982 à 1990
Catégorie de communes
ei Unités urbaines 1990
18 Communes en ZPIU depuis 1982
Communes en ZPIU depuis 1990
Rural hors ZPIU
L'élaboration du zonage en aires urbaines 75
- le fait d'utiliser des données de recensements précédents pour le découpage de 1990,
qui n'est plus tolérable aujourd'hui ;
- sans être d'une très grande complexité, la définition des ZPIU n'était pas des plus
simples à présenter. Il faut reconnaître que peu de personnes, y compris à l'Insee,
connaissaient par cur leur définition précise. Le nouveau zonage devrait non seulement
être plus pertinent, mais défini de façon suffisamment simple pour que les nombreux
utilisateurs potentiels se l'approprient plus aisément.
Courant 1993, une série d'entretiens fut menée auprès de 26 personnes, dont la moitié
travaillent à l'Insee. Les personnes de l'extérieur appartenaient à des organismes tels
que le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), l'Institut National de
Recherche Agronomique (INRA), la SEGESA, des universités, la Délégation à l'Amé-
nagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR), la Fédération Nationale des
Agences d'Urbanisme (FNAU), le Service Central des Enquêtes et Enquêtes Statisti-
ques du ministère de l'Agriculture (SCEES). Il s'agissait de recueillir le maximum
d'idées, de pistes de recherche pour un nouveau zonage.
Deux types de démarches sont possibles pour décrire le territoire. On peut réaliser soit
une typologie de l'espace, soit un zonage relationnel. Dans une typologie, les éléments
d'une même classe sont associés parce qu'ils se ressemblent en fonction de certains
critères. Le résultat est alors généralement un morcellement du territoire. Dans un
zonage relationnel, les éléments d'une zone sont associés parce qu'ils ont des liens entre
eux. Le lien est défini par l'intensité des échanges.
Il apparaît absolument nécessaire, comme pour les ZPIU, de pouvoir suivre le zonage
au cours du temps. Cela implique une contrainte sur le choix des outils et des critères
à utiliser.
Ainsi, nombre d'auteurs, dès lors qu'ils veulent analyser les villes françaises, commen-
cent par imposer un seuil minimal de population. L'inconvénient, c'est que ce seuil
varie d'un auteur à l'autre. Exprimé en général en nombre, ce seuil est pour certains à
5 000 habitants, souvent à 10 000 habitants mais aussi à 20 000 habitants. Enfin,
quelques uns considèrent qu'un seuil unique n'est pas probant, car ce seuil dépend de
l'environnement local. Une unité urbaine de 10 000 habitants ne joue sans doute pas le
même rôle suivant qu'elle se trouve dans une région très rurale, ou à proximité d'une
grande métropole.
Cependant, l'avis général va dans le sens d'un espace périurbain plus restreint que la
notion de commune-dortoir des ZPIU. Il convient en effet de distinguer dans l'espace
rural, un espace à dominante agricole qui, sans pouvoir être qualifié de « rural pro-
fond », ne saurait se définir comme essentiellement périurbain.
Pour mesurer le périurbain, les migrations alternantes (ou domicile-travail) sont consi-
dérées comme une variable fondamentale. Il est souvent recommandé de prendre en
compte uniquement les migrants alternants vers le pôle, comme c'est le cas dans les
autres pays européens. Cependant, certaines communes périurbaines ne sont pas
polarisées car elles sont attirées par plusieurs villes. Le taux de migrants alternants est
parfois trompeur, dans le cas de communes où la part des inactifs est importante. Une
condition supplémentaire en valeur absolue est peut-être nécessaire. Enfin, le nombre
D'autres variables ont été proposées : données de l'inventaire communal sur l'attraction
des équipements, flux téléphoniques, importance de l'habitat individuel, poids de la
construction neuve, existence d'un marché foncier de terrains à bâtir et dynamique de
ce marché. Ces différentes variables doivent permettre d'appréhender la demande
d'espace des ménages. Il semble par contre plus difficile de caractériser la demande
d'espace des entreprises.
Cette démarche pourrait être inversée. Il faudrait d'abord définir les pôles, puis agréger
les communes ayant des liens suffisamment importants avec le pôle. Comme on l'a vu,
ces pôles ne seraient pas forcément toutes les unités urbaines. Ils pourraient être
déterminés par le niveau de population, la densité ou encore la concentration des
emplois, le taux d'emploi. De plus, il pourrait y avoir différents niveaux de pôles, dans
un système hiérarchisé. A côté des pôles urbains, pourraient être définis des pôles ruraux
(voir V. Vallès, dans le même ouvrage). Plus que par les migrations alternantes, le
rayonnement serait dans ce cas-là mesuré par les données de l'inventaire communal. Il
s'agirait alors d'un rayonnement de services. Cependant, la notion de polarisation ne
serait pas très importante dans le rural, car les relations entre le bourg-centre et l'espace
rural environnant ne sont pas nécessairement très intenses. On distinguerait alors dans
l'espace rural communes équipées et communes non équipées. La description de
l'espace urbain et périurbain relèverait ainsi dt' un zonage polarisé, et celle de l'espace
rural plutôt d'une typologie. La mise en cohérence des deux n'est pas évidente.
Ces entretiens ont débouché sur des conclusions variées et parfois contradictoires. Ils
ont cependant permis d'éclaircir grandement le débat et de poser quelques jalons, et ont
conduit à retenir un certain nombre d'orientations. La construction du nouveau zonage
en remplacement des ZPIU pouvait se présenter de la façon suivante :
La méthode de travail a été très empirique. Diverses méthodes ont été testées avec des
variables et des seuils différents. A chaque fois, les résultats obtenus étaient confrontés
à la connaissance du « terrain » qu'avaient les participants. Il s'agissait avant tout de
définir des villes et leur espace périurbain. Le seuil de définition de l'urbain est déjà
quelque peu subjectif. Le seuil de définition de l'espace périurbain l'est encore
davantage. On a en réalité plus affaire à un continuum qu'à une pure dichotomie.
Les participants avaient donc conscience que, quelle que soit la méthode employée, on
aboutirait à une définition arbitraire et peut-être inadaptée dans certains cas précis. C'est
le propre de toute nomenclature. Définir une nomenclature spatiale était bien l'objectif
du groupe de travail. Au cours des premières réunions, ont été retenus quelques
principes auxquels devait répondre le zonage final :
2. Une unité urbaine ne peut être dissociée. Toutes les communes qui la forment sont
affectées en bloc à un espace ou à une zone.
Les premiers tests ont été réalisés sur l'ensemble des communes Mais il s'est avéré que
des communes d'une même unité urbaine pouvaient être classées dans des catégories
différentes. Il nous a paru plus judicieux de conserver l'unité de chaque agglomération.
La continuité de l'habitat est une donnée physique qu'il serait dommage de ne pas
respecter.
La population active agricole a été divisée par six durant les cinquante dernières années.
Elle est devenue très minoritaire, y compris dans le monde rural. Elle différencie de
plus en plus mal les différents types de communes au sein de celui-ci.
On laisse s'agglomérer des communes entre elles sans définir a priori des pôles. Et c'est
l'ampleur de la zone obtenue, le niveau de sa population, qui indiquent l'existence
éventuelle d'un pôle urbain. Ce type de démarche est possible avec des logiciels de
zonage tels que « MIRABELLE » ou « ZONAGE ».
Le choix s'est porté sur la seconde solution consistant à définir ce qu'est une « ville »
pour ensuite mesurer son aire d'attraction.
7. Le critère unique de mesure de l'attraction urbaine est constitué par les migrations
alternantes.
8. Mise en évidence d'espaces connexes plus vastes contenant plusieurs aires urbaines.
Dans de tels ensembles, les communes périurbaines peuvent être attirées par plusieurs
de ces aires.
en typolo
en zones emboîtées
Nous allons maintenant passer en revue les différentes catégories d'espace définies, en
précisant à chaque fois quelques unes des hypothèses testées, et la définition finalement
adoptée.
Tout le monde s'est accordé pour dire qu'en dessous de 5 000 habitants, une unité
urbaine ne peut raisonnablement pas être considérée comme une ville. Au-dessus de
20 000 habitants, on ne prend guère de risque à les qualifier toutes ainsi. La difficulté
a été de trouver un seuil intermédiaire. Un seuil trop élevé présente l'inconvénient
d'éliminer des unités urbaines qui possèdent les principales fonctions urbaines qui
localement jouent un rôle important. Les cas de Figeac et Foix en Midi-Pyrénées, ou
de Dourdan en Ile-de-France, ont été cités parmi d'autres. De plus, certaines zones
d'emploi ont des pôles qui sont des unités urbaines de moins de 10 000 habitants. Il
serait gênant d'avoir trop de zones d'emploi sans pôle urbain. Un seuil plus faible
présente quant à lui l' inconvénient de classer comme villes des grosses unités urbaines,
certes peuplées, mais qui ne remplissent essentiellement que la fonction résidentielle.
C'est le cas de grosses banlieues urbaines situées à la périphérie d'agglomérations très
importantes comme Paris ou Lyon. Une part importante de leur population peut
quotidiennement travailler dans la mégapole.
Taux
d'emp oi
1,50
1,25
0,75
PSDC
5 000 10 000 15 000 20 000
r2 pôles urbains
non pôles
Le taux d'emploi devait ainsi être supérieur à 1 pour une agglomération de 15 000
habitants, supérieur à 1,5 pour une agglomération de 5 000 habitants. Dans la pratique,
on excluait ainsi un certain nombre « d'unités urbaines dortoirs », et une seule unité
urbaine de plus de 20 000 habitants (Savigny-le-Temple). À un instant donné, cette
définition était très intéressante. Le problème est qu'en évolution on pouvait voir
disparaître des pôles, et cette disparition aurait été difficile à présenter.
Il était en effet fort possible qu'une agglomération voit sa population et ses emplois
augmenter, et dans le même temps, son taux d'emploi diminuer : elle pouvait alors sortir
du champ des pôles urbains. Quelques cas ont ainsi été constatés entre 1982 et 1990. Il
aurait été peu aisé d'expliquer qu'une agglomération ait perdu son statut de pôle urbain
au cours d'une période durant laquelle sa population et ses emplois ont augmenté. On
est donc revenu à une formulation plus simple, et donc plus facile à expliquer. Plutôt
que de revenir à un seuil de population, on a choisi un seuil d' emploi, ce qui sous-entend
un certain niveau d' attractivité. L'on a vérifié en outre qu'il n'y avait pas attraction du
pôle considéré vers un autre pôle urbain.
Pôle urbain : unité urbaine offrant 5 000 emplois ou plus et n'appartenant pas à la
couronne périurbaine d'un autre pôle urbain.
Tous les pôles urbains ainsi définis ont plus de 10 000 habitants (excepté un seul), mais
la réciproque n'est pas vraie.
- cohérence du zonage, chaque commune appartenant à la zone à laquelle elle est le plus
liée.
Utilisé avec le nombre de sortants comme lien, ce logiciel avait déjà permis de proposer
une partition complète et unique du territoire en bassins d'emploi. Un maximum de
zones cohérentes avait été obtenu, chaque commune étant rattachée à la zone où elle
envoyait le plus d'actifs résidents. Utilisé avec le nombre de sortants et de stables
comme lien, le même logiciel permettait de définir également des espaces périurbains.
Les communes ayant une majorité d'actifs stables, c'est-à-dire travaillant dans leur
commune de résidence, constituaient autant de zones monocommunales. Il s'agissait
pour l'essentiel de communes rurales. À l'inverse, les communes au lien devenu au fil
du temps minoritaire avec elles-mêmes, constituaient des zones multicommunales.
Parmi ces zones, celles incluant un ou plusieurs pôles urbains pouvaient être qualifiées
d'aires urbaines.
L'aspect « boîte noire » de la procédure a conduit à ne pas la retenir. S'il en est fait
mention ici, c'est que cette méthode a servi de point de référence pour le choix du seuil
fixe de migrations alternantes finalement retenu. Dans un premier temps, il a été
convenu d'utiliser un critère simple : le pourcentage d'actifs de chaque commune rurale
C'est cette définition qui a été proposée dans le rapport intermédiaire. Si elle n'a
soulevé quasiment aucune critique au sein de l'Insee, si ce n'est de façon minoritaire
au sein du groupe de travail, elle a fait réagir un universitaire américain de passage
en Finlande (mais connaissant très bien le concept de ZPIU), M. Seymour Sacks.
Sa critique était qu'on ne prenait en compte que l'attraction des emplois du pôle
urbain lui-même. Or, ce qu'on observe fréquemment aux États-Unis et qu'on
retrouve chez nous, c'est que les entreprises ont souvent intérêt à se délocaliser en
périphérie des villes, et parfois en dehors même des limites de l'agglomération.
Elles y trouvent du terrain bon marché, facilement accessible par la suite, pour y
implanter leurs établissements. On reconnaît là certains hypermarchés souvent
spécialisés ou certaines zones d'activité. Ces établissements participent pleinement
à l'activité économique de la ville (au sens large) et doivent être pris en compte dans
l'étendue de l'espace périurbain.
Aire urbaine : ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué
par un pôle urbain et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins
40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des
communes attirées par celui-ci.
L'élaboration du zonage en aires urbaines 85
La multipolarité
La plus grande originalité dans les conclusions du groupe tient à cette volonté de prendre
en compte le phénomène de multipolarité. Très rapidement dans les discussions est
venue l'idée qu'une commune fortement attirée par des emplois urbains, situés dans
différents pôles, était également périurbaine.
Il n'était pas question de faire du typologique dans cette partie du zonage. A l'intensité
des migrations alternantes, s'est donc ajoutée la contrainte de connexité : les communes
attirées par plusieurs pôles devaient en outre former un ensemble connexe avec eux et
leur couronne périurbaine. Pour que cet ensemble de communes soit un complément
des aires urbaines, on a considéré les flux allant vers les aires urbaines (pôles et
couronnes correspondantes)
1.On repère tous les atomes (communes rurales ou unités urbaines non pôles) dont plus
de 40 % des actifs travaillent dans l'ensemble des aires urbaines de France métropoli-
taine. On établit la liste des zones connexes Z1 ainsi formées par ces communes, plus
les aires urbaines.
2. Parmi l'ensemble des atomes d'une zone Z1, on repère ceux dont plus de 40 % des
actifs travaillent dans les aires urbaines de cette zone. On établit une nouvelle liste de
zones connexes Z2.
3. On réalise des itérations successives. Les zones étant décroissantes et incluant les
aires urbaines, il y a nécessairement convergence. Le processus converge pour le RP90
en 3 étapes Z1 à Z3. La carte Z3 est celle des espaces urbains. On remarque qu'appa-
raissent d'assez nombreuses zones multipolaires - ce qui était recherché par cette
méthode.
44 espaces urbains multipolaires ont ainsi été définis en 1990. Celui contenant Paris est
le plus important ; il comprend 44 aires urbaines.
Pour éclairer la hiérarchie et les liaisons entre les différentes aires qui constituent chaque
espace multipolaire, on a de nouveau utilisé le logiciel MIRABELLE. Il a été appliqué
Cet espace demeure défini de manière résiduelle par rapport à l'espace à dominante
urbaine.
Catégorie de communes
MI Pâles urbains
M Couronnes périurbaines
Communes multipolarisées
Espace à dominante rurale
Camus M., Ricci C. (1996), « Aires urbaines : au-delà des agglomérations », Insee
Bourgogne, Dimensions n° 36, août.
Laganier J., Le Jeannic T. (1996), « Rapport final pour le remplacement des ZPIU »,
note interne Insee du 12 mars 1996, n° 48/H323/TLJ/DP.
Loonis Vincent (1996), « Le ZAU remplace les ZPIU », Insee Aquitaine, n° 37, juillet.
Robert I. (1996), « Urbain, rural : des concepts qui évoluent », Insee Centre, L'écono-
mie du Centre, n° 15, octobre.
Willm Y., Court Y. et Gauthier 0. (1996), « Les espaces urbains, l'espace rural, une
nouvelle partition du territoire », Insee Poitou-Charentes, Décimal, n° 165, avril.
Les données statistiques sont indissociables des unités géographiques auxquelles elles
se rapportent. Le découpage géographique selon lequel les données sont ventilées est
donc d'une importance primordiale et les données diffusées par Statistique Canada sont
tenues de comporter une indication claire des unités géographiques utilisées et de leur
date de référence. Dans le but d'inciter ses secteurs de programme à utiliser des unités
géographiques comparables pour la diffusion de données, Statistique Canada s'est doté
d'un cadre géographique officiel appelé la "Classification géographique type" (CGT).
Notons toutefois que la CGT ne contient qu'un sous-ensemble de toutes les régions
géographiques pour lesquelles Statistique Canada publie des informations. À titre
d'exemple de régions géographiques exclues de ce document, mais pour lesquelles
l'organisme d'état diffuse des données statistiques, nous pouvons mentionner les
districts scolaires, les districts de santé, les cours judiciaires, les zones portuaires et
aériennes, les bassins de drainage et les écozones. Cet article traite des principales
régions géographiques que la Division de la géographie de Statistique Canada définit
ou utilise dans le cadre du recensement canadien de la population et des logements,
notamment les découpages du territoire retenus pour la CGT. Les questions politiques
pouvant mener à des définitions différentes du territoire canadien ne sont pas abordées
dans ce document, car, à aucun moment, les auteurs ne veulent spéculer sur ce qui
pourrait se produire dans l'évolution du contexte canadien.
Le découpage du territoire 91
les concepts et les bases géographiques. À cette fin, les modifications apportées à la
définition des unités géographiques de la CGT (définitions des concepts et définitions
dans l'espace) sont bien documentées, et il existe certaines tables de concordances pour
faciliter les études longitudinales ou en déceler les limites.
— Unités administratives :
® les provinces et les territoires,
• les divisions de recensement,
• les subdivisions de recensement.
— Unités statistiques :
• les régions économiques,
• les régions métropolitaines de recensement,
e les agglomérations de recensement.
Le découpage du territoire 93
Les divisions de recensement
Le niveau intermédiaire dans la suite hiérarchique de découpages de la CGT est la
division de recensement (DR). Ces régions géographiques sont établies en vertu de lois
provinciales pour sept des douze provinces ou territoires, et pour les cinq autres sont
définies par Statistique Canada en collaboration avec la province ou le territoire
concerné ; ce sont des régions intermédiaires entre la municipalité (subdivision de
recensement) et la province ou le territoire. Au 1 er janvier 1996, date de référence
géographique fixée par Statistique Canada aux fins de la collecte et de la diffusion des
données du recensement de 1996, le Canada comportait 288 divisions de recensement.
Outre un nom, les DR ont un genre correspondant à la forme juridique de la division
de recensement, selon l'appellation officielle adoptée par les autorités provinciales
concernées, par exemple, les municipalités régionales de comté (au Québec), les
communautés urbaines (au Québec), les "counties" (Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-
Écosse, Nouveau-Brunswick et Ontario).
Les divisions de recensement ont des statuts et des fonctions spécifiques selon les
différentes provinces ou territoires. Certaines ont un rôle important dans la structure
politique et administrative de leur province. C'est le cas des municipalités régionales
de comté du Québec (MRC) qui constituent, avec les municipalités locales, des lieux
privilégiés pour la décentralisation de fonctions gouvernementales et pour la gestion
de services et d'équipements collectifs. Les MRC ont des responsabilités très spécifi-
ques en matière de gestion du territoire.
Tel que mentionné ci-dessus, le niveau de découpage des SDR comprend également les
réserves indiennes et les établissements indiens. Une réserve indienne est un territoire
appartenant à l'administration fédérale, administré par le ministère des Affaires indien-
nes et du Nord Canada (AINC) et réservé à l'usage et au bénéfice d'une bande indienne.
Seules les réserves indiennes qui sont habitées (ou qui peuvent l'être) sont reconnues
comme subdivisions de recensement par Statistique Canada (996 pour le recensement
de 1996). Pour sa part, un établissement indien est un lieu où réside de façon plus ou
moins permanente un groupe autonome d'au moins 10 indiens. Les établissements
indiens sont en général situés sur des terres de la Couronne qui relèvent de la
compétence fédérale ou provinciale. Ils n'ont pas de limites officielles et ne sont pas
réservés à l'usage et au bénéfice exclusifs d'une bande indienne, comme c'est le cas
pour les réserves indiennes. L'autorité de déterminer les établissements indiens qui
recevront le statut de SDR pour un recensement donné revient au ministère des AINC
avec l'accord des autorités provinciales ou territoriales concernées. Tel que mentionné
plus tôt, le découpage des territoires réservés pour les populations autochtones devient
une composante de plus en plus importante du paysage politique et juridique du
Canada.
Le découpage du territoire 95
Les circonscriptions électorales fédérales
La circonscription électorale fédérale (CÉF) est un territoire pour lequel les habitants
sont en droit d'élire un député à la Chambre des communes. Selon l'Ordonnance de
représentation de 1996 (découpage le plus récent), il y a 301 CÉF au Canada. Ces
dernières ne chevauchent pas les limites des provinces et territoires ; elles sont définies
selon des critères de population et selon les recommandations d'une commission. Les
limites établies doivent également tenir compte des intérêts des communautés et des
caractéristiques géographiques (étendue de territoire réaliste en milieu rural ou nordi-
que peu peuplé afin de permettre au député de bien servir ses électeurs). Les circons-
criptions électorales fédérales sont différentes des circonscriptions électorales
provinciales. A titre d'exemple, la province de Québec contient 75 CÉF mais compte
125 circonscriptions électorales provinciales.
Le concept métropolitain
Le concept métropolitain englobe un ensemble de six types de régions géographiques :
les régions métropolitaines de recensement (RMR), les agglomérations de recensement
(AR), les régions métropolitaines de recensement unifiées, les agglomérations de
recensement unifiées, les régions métropolitaines de recensement primaires et les
agglomérations de recensement primaires. Tous ces types de régions géographiques ont
une base conceptuelle commune, à savoir celui d'une "grande région urbaine" appelée
noyau urbain et des régions adjacentes affichant un "important degré d'intégration
économique et sociale" avec celle-ci. Toute région située en dehors d'une "région
métropolitaine" (l'un des six types ci-dessus) est qualifiée de région non métropolitaine.
Les régions métropolitaines de recensement se distinguent des agglomérations de
recensement par la taille du noyau urbain autour duquel elles sont définies : population
de 10 000 - 99 999 pour une agglomération de recensement, et de 100 000 et plus pour
une région métropolitaine de recensement. Si la population du noyau urbain d'une AR
devient inférieure à 10 000 habitants, la région n'est plus une AR au recensement
suivant, tandis que si une région devient une RMR, elle le demeure même si la
population de son noyau urbain tombe sous la barre des 100 000 habitants
96 Insee Méthodes n° 76-77-78
Les RMR et les AR sont des agrégations de subdivisions de recensement (SDR). Une
municipalité est incluse dans une RMR ou une AR si elle respecte au moins l'une de
cinq règles dont une description simplifiée apparaît ci-dessous :
Le découpage du territoire 97
Secteur de dénombrement
La première raison d'être du secteur de dénombrement est de répondre aux impératifs
de la collecte des renseignements du recensement de la population et des logements ;
le secteur de dénombrement (SD) correspond en effet à la région géographique
dénombrée par un recenseur. Cette unité constitue également la plus petite région
géographique normalisée pour laquelle certaines données du recensement sont venti-
lées. Tout le territoire du Canada est divisé en SD. Le recensement de 1996 en comptait
49 361. Les règles de délimitation des secteurs de dénombrement visent donc en premier
lieu à répondre aux exigences imposées par leur rôle d'unité de collecte. En outre,
comme les SD constituent les briques de base pour l'agrégation des données aux autres
régions géographiques normalisées reconnues dans le cadre du recensement, les limites
des SD respectent les limites de toutes les régions géographiques normalisées, notam-
ment les municipalités (SDR), les régions urbaines, les circonscriptions électorales
fédérales.
Le découpage du territoire 99
À titre d'exemple, voici la description de quelques régions :
Conclusion
La liste des découpages construits pour servir de cadre à des responsabilités adminis-
tratives ou pour structurer l'espace est longue. Dans l'élaboration de tous ces découpa-
ges, la demande des administrations est omniprésente ; on n' a qu' à songer au découpage
municipal. Le travail des scientifiques est également très important ; des organismes
nationaux comme Statistique Canada ont développé des outils statistiques et cartogra-
phiques permettant d'effectuer la délimitation d'unités géographiques selon des métho-
des objectives.
100 Insee Méthodes n° 76-77-78
BASSINS D'EMPLOI
ET BASSINS DE VIE EN RHÔNE-ALPES,
DEUX APPROCHES COMPLÉMENTAIRES
Robert Reynard,
Insee Rhône-Alpes
Bassins d'emploi et bassins de vie sont deux découpages du territoire, élaborés à partir
de statistiques de flux : déplacements domicile-travail pour les bassins d'emploi,
fréquentation de commerces et services pour les bassins de vie. Ils prétendent tous deux
rendre compte de la structuration de l'espace, découlant non de l'organisation adminis-
trative, mais de la façon dont le territoire est vécu par les habitants. Dans leur
conception, bassins d'emploi et bassins de vie présentent plusieurs caractéristiques
communes. Ces deux zonages sont définis par agrégations successives en partant du
niveau communal. Les agrégations font intervenir des indicateurs permettant de quan-
tifier les relations entre communes. Elles aboutissent à des zones présentant de fortes
cohésions internes, minimisant les échanges avec l'extérieur. Dans leur construction,
les deux découpages font abstraction des limites administratives supra-communales
(cantons, départements, régions....).
Bassins d'emploi et bassins de vie en Rhône-Alpes 101
certain niveau. Ceci peut se faire soit en fixant des paramètres d'isolation des zones en
fonction du nombre de communes ou du nombre d'actifs ou d'emplois, soit en
interdisant l'agrégation de deux communes ou de deux bassins en-deçà d'un certain
seuil. C'est cette dernière solution qui a été utilisée, en fixant le seuil à 20 %. Une
commune a donc été rattachée à un bassin d'emploi si au moins 20 % des actifs qui y
résident vont travailler dans le bassin.
Bien entendu, le choix de ce seuil n'est pas sans conséquence sur le résultat obtenu. En
fixant un seuil plus élevé (50 %, par exemple), on obtient des bassins très compacts,
présentant une forte cohésion interne : les communes qui y sont rattachés envoient au
moins 50 % de leurs actifs dans le bassin. Les bassins d'emploi sont alors composés
d'un petit nombre de communes. En revanche, une large part du territoire reste isolée.
Ceci peut présenter un intérêt si l'on veut mettre en évidence des zones très fortement
liées par les déplacements domicile-travail. Ainsi, pour la délimitation des aires urbai-
nes, le seuil retenu a été fixé à 40 %.
À l'inverse si l'on fixe un seuil plus faible (5 % ou 10 %, par exemple), on délimite des
espaces très vastes que l'on peut qualifier de "macro-bassins", mais où les communes
qui les composent présentent entre elles des liens plus lâches. Pour la délimitation des
bassins d'emploi, le seuil de 20 % résulte d'un arbitrage entre deux contraintes : obtenir
un zonage qui couvre la plus grande partie du territoire, utiliser un niveau de lien jugé
suffisant pour que le rattachement d'une commune à un bassin corresponde à une réalité
significative. Bien entendu, le résultat n'est pas une partition du territoire, puisque
certaines communes ne sont rattachées à aucun bassin. Il peut s'agir soit de communes
dont moins de 20 % des actifs travaillent à l'extérieur (cas de communes rurales où la
part des actifs dans l'agriculture reste prédominante), soit de communes dont les actifs
se partagent entre plusieurs directions (cas de communes situées à la frontière des
influences de deux bassins).
Les bassins d'emploi sont de taille très inégale. Certains d'entre eux couvrent un
territoire très vaste. Ils correspondent à la zone d'influence de pôles d'emploi impor-
tants. C'est le cas des bassins de Lyon (402 communes), Grenoble (207 communes) et
du Genevois français (129 communes). Plusieurs bassins sont interdépartementaux,
voire interrégionaux (par exemple Mâcon, dont le pôle principal est situé hors de la
région Rhône-Alpes).
La délimitation des bassins de vie a été réalisée en 1992 par la Direction Régionale de
l'Insee Rhône-Alpes. Elle procède en deux étapes. Dans un premier temps, sur la base
d'une sélection de 21 types d'équipements, des "bourgs-centres" ont été identifiés : il
s'agit de communes bien équipées et attractives pour les communes alentour. Dans un
deuxième temps, les bassins de vie ont été constitués en rattachant à chaque bourg-cen-
tre les communes qui le fréquentent pour la majorité des équipements retenus.
Dans la région Rhône-Alpes, 189 bourgs-centres ont été identifiés. Certains d'entre eux
n'offrent pas la gamme complète des 21 équipements retenus, mais ils en comptent tous
au moins 17 parmi les 21. Ils présentent en outre une capacité d'attraction importante
sur les communes environnantes. En effet, certaines communes peuvent disposer de la
quasi-totalité des équipements sélectionnés, sans pour autant attirer la population
d'autres communes. Dans ce cas, il ne s'agit pas de bourgs-centres, mais plutôt de
communes autocentrées. On en compte 48 dans la région Rhône-Alpes. La plupart
d'entre elles sont situées dans la banlieue des grandes agglomérations.
Parmi les 189 bourgs-centres ainsi identifiés, 164 sont des chefs-lieux de canton. Mais
114 chefs-lieux de canton ne sont pas des bourgs-centres. 36 d'entre eux sont des
communes autocentrées. Les autres offrent un niveau d'équipement insuffisant pour
qu'ils puissent être qualifiés de bourgs-centres. Ils se situent souvent dans des zones
rurales ou de montagne à faible densité de population, où les contraintes démographi-
ques limitent le niveau d'équipement. Près de la moitié des bourgs-centres comptent
plus de 5 000 habitants, ce qui n'est pas le cas de beaucoup de chefs-lieux de canton.
Bassins d'emploi et bassins de vie en Rhône-Alpes 103
Les 21 équipements caractéristiques des bourgs-centres
A l'inverse, dans les espaces à dominante rurale et les zones de montagne, le niveau des
migrations alternantes reste faible. Les bassins d'emploi sont de petite taille ou
inexistants. En revanche, les bassins de vie sont souvent composés d'un grand nombre
de communes. Finalement, c'est autour de certaines villes moyennes (Bourg-en-Bresse,
Thonon-les-Bains) que la superposition entre les deux découpages aboutit aux résultats
les plus cohérents.
La technique de délimitation des bassins, qui repose sur des choix que d'aucuns peuvent
juger arbitraires pourrait être invoquée. La modification des seuils et des critères retenus
dans la conception des deux zonages (20 % des actifs pour les bassins d'emploi, 21
équipements caractéristiques pour les bassins de vie) aurait certainement des consé-
quences sur les contours des bassins mais en aurait peu sur la cohérence globale entre
les deux délimitations. L'identité entre bassins de vie et bassins d'emploi pourrait
s'améliorer localement, mais se détériorer simultanément dans d'autres parties du
territoire.
La population dont les déplacements sont analysés n'est pas la même dans les deux
approches. Pour les bassins d'emploi, on s'intéresse exclusivement aux actifs ayant un
emploi, soit environ 40 % de la population en 1990. Par définition, les déplacements
des scolaires et étudiants, des retraités, des chômeurs et des autres inactifs, qui
représentent ensemble 60 % de la population, ne sont pas pris en compte dans la
constitution des bassins d'emploi. En revanche, ils le sont pour les bassins de vie, dans
la mesure où les personnes concernées sont susceptibles de fréquenter les équipements,
commerces ou services retenus comme caractéristiques des bourgs-centres.
Les bassins d'emploi correspondent à une approche économique. Leurs contours sont
assez récents. Ils ont tendance à s'étendre avec le double mouvement de péri-urbanisa-
Bassins d'emploi et bassins de vie en Rhône - Alpes 105
tion de l'habitat et de concentration de l'emploi dans les grandes agglomérations qui a
conduit à une augmentation sensible des déplacements domicile-travail. Les bassins de
vie sont plus stables dans le temps : ils correspondent à des réalités historiques
relativement inertes. Cependant, ils ont pu connaître des déformations, qui sont liées à
la fois aux évolutions démographiques (exode rural ou périurbanisation), à l'implanta-
tion des équipements (développement de zones commerciales) et aux pratiques des
habitants en matière de consommation (fréquentation des grandes surfaces).
Vouloir faire coïncider les deux zonages est un pari perdu d'avance. L'analyse de
l'organisation spatiale doit prendre en compte le fait que le territoire n'est pas isotrope :
il ne présente pas les mêmes propriétés en tout lieu. Les outils d'analyse seront donc
différents selon le type d'espace auquel on s'intéresse. Dans l'espace urbain et péri-ur-
bain, autour des grands pôles d'emploi, les déplacements domicile-travail semblent
déterminants, en tant qu'éléments de structuration spatiale. En zone rurale, en revanche,
les enjeux sont plutôt ceux du maintien de pôles de services et de l'accès aux
équipements. Les représentations qui en découlent sont nécessairement différentes.
Les zonages en bassins d'emploi et bassins de vie sont précieux pour la connaissance
du fonctionnement des territoires. Ils mettent en évidence la complexité et la multipli-
cité des relations qui se nouent entre les communes. Mais dans l'utilisation de ces
découpages à des fins de remodelage institutionnel, il faut faire preuve de prudence et
de modestie. Chacun sait que "la carte n'est pas le territoire". Vouloir baser sur ces
découpages de "savoir" des zonages de "pouvoir" (structures intercommunales ou
"pays" d'aménagement du territoire), n'est-ce pas vouloir faire en sorte que le territoire
soit la carte ?
Comprendre l'organisation d'un territoire est fondamental pour appuyer une démarche
globale de développement local. Or, la compréhension des dynamiques spatiales
implique plus que jamais que le territoire soit considéré à travers l'ensemble des
relations qui existent à l'intérieur et à l'extérieur de ces frontières. Des personnes
habitent sur une commune, travaillent ou vont faire leurs courses dans une autre. La
description de ces liens et leur synthèse dessinent plusieurs types de cohésions territo-
riales qui s'affranchissent de plus en plus des anciennes limites dictées par la géographie
ou l'histoire. La connaissance et la confrontation de ces différents flux apportent une
aide efficace à la décision publique appliquée à la gestion d'un territoire.
Suite à une demande de la Datar désireuse de disposer d'une carte de synthèse montrant
comment s'organise le territoire à travers les pratiques quotidiennes de ces habitants,
la direction régionale d'Auvergne a conçu une carte de France au niveau communal
superposant deux types d'approche. La première présente les pôles de services de
proximité et leur zones d'attraction. La deuxième repère les pôles d'emploi importants
ainsi que les communes qui sont en forte relation avec ces pôles par l'intensité des
déplacements domicile-travail.
Organisation territoriale de l'emploi 107
la concentration constatée des équipements définit une hiérarchie des pôles d'attraction.
La fréquentation de la boulangerie, par exemple, ne peut être qu'une relation à courte
distance mettant en jeu des constellations communales de dimension très restreinte. En
revanche, un hypermarché a un champ d'attraction bien plus étendu.
Si, pour une commune, la présence et l'attraction d'une boulangerie ne sont pas
comparables à celles d'un hypermarché, il en va différemment pour certains commerces
et services. Ainsi, parmi les équipements dont l'inventaire communal étudie la zone
d'attraction, la présence et l'attraction de certains d'entre eux se conditionnent mutuel-
lement. Parmi eux, une classification hiérarchique ascendante dégage des sous-groupes
d'équipements, qui se regroupent eux-mêmes en quatre niveaux : équipements de type
urbain, équipements de proximité, équipements de proximité immédiate, équipements
minimums.
Les deux communes les plus liées entre elles sont alors agrégées pour constituer une
zone dans laquelle la commune attractive est appelée commune pôle. On procède alors
à des itérations successives, au cours desquelles chaque commune est agrégée à une
« commune pôle » ou à une zone déjà constituée au tour précédent. Au cours de ces
itérations, pour conserver toutes les communes attractives on empêche une zone déjà
constituée de s'agréger à une autre zone. Seules les agrégations de commune à
commune ou de commune à zone sont possibles. A la fin, toutes les communes qui ne
disposent pas de tous les équipements font partie d'un bassin.
Certaines communes relativement bien équipées sont agrégées à une commune pôle
avec un lien faible voire très faible. D'un autre coté, toutes les communes pôles ne
possèdent pas tous les équipements. On peut alors, une fois toutes les agrégations
effectuées, calculer le nombre moyen d'équipements, parmi ceux de la gamme choisie,
à partir duquel plus de 50 % des communes équipées sont pôles. Dès lors toutes les
communes qui ne sont pas pôles mais qui possèdent un nombre d'équipements
supérieur à ce seuil ont été isolées et regroupées dans une catégorie à part « les
communes équipées non attractives ».
Organisation territoriale de l'emploi 109
3 427 pôles de services de proximité
L'examen de l'ensemble des déplacements occasionnés par la fréquentation des 19
équipements caractérisant les pôles de proximité permet de distinguer 2 990 pôles
attractifs et 437 communes équipées mais qui ne génèrent aucune attraction. Les
communes équipées non attractives sont en règle générale des communes de « ban-
lieue » qui, bien qu'équipées, n'ont pu développer un pouvoir attractif si ce n'est qu'à
travers quelques grandes surfaces que nous n'avons pas retenues dans notre panel
d'équipements. Les autres pôles de services non attractifs sont des communes à vocation
touristique (Station balnéaire, thermale ou de sports d'hiver).
Les pôles attractifs sont quant à eux de nature très diverse. On en compte autant dans
l'espace à dominante urbaine que dans l'espace à dominante rurale. Néanmoins, le fait
pour une commune d'être aussi un pôle d'emploi est déterminant. En effet, plus de 90 %
des communes-centres d'un pôle urbain ou d'un pôle rural sont des pôles de services,
alors que dans les autres catégories de communes la part de celles qui occupent une
telle fonction tombe à moins de 10 %. Le chef-lieu de canton demeure aussi un pôle
d'ancrage important des services et des commerces : 80 % des pôles de services
occupent ce rôle administratif.
Pour repérer les centres économiques importants ainsi que les communes dont les
populations sont attirées par ces pôles pour leurs activités professionnelles, on peut
utiliser le zonage en aires urbaines, qui synthétise ces informations. Ce zonage qui décrit
l'espace à dominante urbaine regroupe autour des 361 agglomérations, disposant de
plus de 5 000 emplois, les communes qui sont sous leur influence (influence directe
pour la couronne périurbaine ou influences conjointes de plusieurs centres pour les
communes multipolarisées).
Communes sous faible influence urbaine : Il s'agit des communes ou unités urbaines
appartenant à l'espace à dominante rurale dont 20 % ou plus des actifs vont travailler
dans l'une quelconque des aires urbaines.
Pôles ruraux : Sont considérées comme tels les communes ou unités urbaines appar-
tenant à l'espace à dominante rurale qui regroupent 2 000 emplois ou plus et dont le
nombre d'emplois est supérieur ou égal au nombre d'actifs résidents.
Communes sous influence des pôles ruraux : Il s'agit des communes ou unités
urbaines appartenant à l'espace à dominante rurale qui ne sont pas sous faible influence
urbaine et dont plus de 20 % des actifs vont travailler dans l'un quelconque des pôles
ruraux.
Rural isolé : Cette dernière catégorie est constituée de toutes les communes ou unités
urbaines de l'espace à dominante rurale qui ne sont pas incluses dans une des trois
catégories précédentes.
En milieu fortement urbanisé, sur un espace étendu, les habitants trouvent majoritaire-
ment leur emploi au pôle urbain lui-même ainsi que dans sa banlieue immédiate. En
revanche si toutes les communes du pôle urbain ainsi que certaines communes de
banlieue sont bien équipées en services de proximité, aucune d'entre elles ne polarise
pour ce type de service une zone d'attraction importante. Par contre, lorsque les
distances d'accès aux pôles urbains s'allongent, la position des pôles de services se
renforce. Sur le pourtour de ces aires urbaines, il existe une ceinture de pôles de services
qui polarisent chacun une dizaine de communes. Dans les communes multipolarisées
ainsi que dans la couronne rurale faiblement influencée par les pôles urbains, la
fréquence des pôles de services intermédiaires est deux fois plus élevée que dans la
couronne périurbaine.
Organisation territoriale de l'emploi 111
En revanche, pour les autres aires urbaines, lorsque l'on constate un net décalage de
niveau de population entre le centre du pôle urbain et sa banlieue, les communes-centres
jouent le rôle de pôle de service. Leur bassin d'attraction est alors très étendu et recouvre
généralement l'aire urbaine ainsi que la couronne des communes sous faible influence
urbaine. A proximité de ces pôles urbains il n'existe ainsi quasiment plus de cités qui
puissent polariser leur entourage par l'intermédiaire de leurs équipements de proximité.
Dans ce cas les villes importantes qui possèdent une concentration élevée d'équipe-
ments attirent les habitants des communes placées assez loin et qui se détournent de
petits centres moins équipés commercialement.
De son côté, l'espace à dominante rurale n'est pas dépourvu de pôles de services
intermédiaires. Les pôles ruraux occupent, à ce titre, la même position que leurs
homologues urbains, à savoir une nette attractivité sur une zone assez étendue, en
moyenne une vingtaine de communes qui regroupent près de 14 000 habitants. Néan-
moins, ce maillage des pôles ruraux ne recouvre pas l'ensemble de l'espace rural. Près
de 950 autres communes rurales, peuplées au minimum de 1 500 à 2 000 habitants,
profitent de leur relatif isolement vis-à-vis des pôles ruraux et urbains pour occuper une
fonction de pôles de services et développer ainsi une forte polarisation sur les commu-
nes avoisinantes.
112 Insee Méthodes n° 76-77-78
DE L'AIRE AU RÉSEAU
LES MAILLAGES TERRITORIAUX :
NIVEAUX D'OBSERVATION
OU NIVEAUX D'ORGANISATION ?
Claude Grasland
CNRS - équipe P.A.R.I.S.
1.Le terme de maillage est ainsi absent de l'édition 1924 du Nouveau Petit Larousse illustré.
2. Mortier R. (Dir.), 1948, Dictionnaire Quillet de la langue française 3 volumes, Paris.
3. Selon R. Brunet & al. (Les mots de la géographie - dictionnaire critique, 1992, Reclus-Documentation
Française, p. 287), le terme de maille pourrait également dériver de tnezg, tisser, nouer, qui a donné en anglais
le terme mesh (filet).
Tableau 1
Deux formes de relations d'appartenance
7. Un maillage ou une partition définissent donc une relation binaire particulière entre les éléments d'un
ensemble et ceci implique que l'on peut définir des maillages soit à travers l'étude des attributs d'un ensemble
d'éléments, soit à travers l'étude des relations entre les éléments d'un ensemble. Dans ce dernier cas, le
graphe des relations ne peut définir un maillage que s'il présente les propriétés d'une relation équivalence
ou s'il peut être transformé de façon à aboutir à une relation de ce type. Ainsi, tout graphe non val ué et non
orienté correspond à une relation R qui peut être transformé en une partition correspondant à la relation
d'équivalence définie par sa fermeture transitive R' : " xR'y : il existe au moins un chemin selon R de x à
y". On retrouve donc dans la définition mathématique du maillage la même ambiguïté que dans l'usage des
géographes où le maillage est à la fois un réseau de relation et une partition : " Il est indifférent de parler de
relation d'équivalence ou de partition et on peut identifier l'ensemble des partitions [d'un ensemble] à
l'ensemble des relations d'équivalence [sur ce même ensemble] " : Caillez F., Pagès J.-P., 1976, Introduction
à l'analyse des données, SMASH, Paris, p. 32.
[ I Exception faite des unités spatiales délimitées par l'homme pou des raisan,v
politiques, administratives, juridiques, militaires ou antres motivations de
domination spatiale, il est souvent difficile, voire impossible, de fixer à un espace
géographique une limite nette, linéaire, continue. Le géographe se trouve le plus
souvent en présence de marges, bordures, espacés " périphériques autres
zones de transition.
Il nous semble ainsi que, tout en. reconnaissant la notion d'imprécision spatiale,.
le contexte cartésien qui sous-tend toute .science nous pOusse à respecter la loi .
du tirer-exclus c'est-à-dire à adopter dans notre réflexion, nos nzéthr)d'es a"ana- •
lyse spatiale, de régionalisation ou de classification, l'idée 'titi 'un
spatial tie peut appartenir qu'à un espace et un seul. Dans cette uri •
espace imprécis, " plus ou moins " bien délimité, n'est po,s; susceptible chute
étude scientifique, car il ne se prête pas à une telle ,structure, binaire de pensée .
et de réflexion.
118 lnsee Méthodes n° 76-77-78
au cas des sous-ensembles flous (Ponsard C., Tranqui M., 1978 ; Ponsard, 1988), mais
leur développement est récent et plusieurs mathématiciens ou statisticiens ont critiqué
les faiblesses des tests statistiques basés sur les sous-ensembles flous ou des raisonne-
ments fondés sur la " logique floue ". Sans entrer dans ce débat très technique, il est
clair que le développement des méthodes quantitatives en géographie, et plus gééral-
ment en sciences sociales, a longtemps été indissociable de l'emploi de maillages. Et
les critiques contemporaines à l'encontre de l'emploi des maillages territoriaux en
géographie ou en urbanisme (Dupuy G., 1991) se retrouvent sous des formes très
voisines en sociologie où la notion de maillage renvoie à celle de catégorie sociale.
En d'autres termes, les maillages utilisés en sciences sociales sont à la fois un mode
d'observation de la vie en société et un fait social. Car ils révèlent et conditionnent les
représentations que les sociétés ont d'elles-mêmes, et exercent de ce fait une action sur
leur devenir.
En prenant comme objet d'étude les maillages territoriaux, définis comme des parti-
tions simultanées de l'espace et de la société en sous-ensemble deux à deux disjoints,
on se trouve confronté à l'ensemble des problèmes dégagés tant par les sociologues que
les géographes. Il faut donc à la fois s'interroger sur la pertinence des maillages
territoriaux, en tant que grille d'observation des sociétés et de leur espace ; sur leur
8. Il ne faut cependant pas adopter une position manichéenne et voir dans le chercheur une sorte de " chevalier
blanc " face au " moloch " que constituerait un pouvoir obtus et aveugle. Les pouvoirs sont généralement
soucieux d'utiliser les catégories sociologiques et géographiques les plus pertinentes possibles afin d'accroî-
tre leur connaissance de la société et du territoire qu'ils contrôlent. Et ils recourent volontiers à l'expertise
de chercheurs en sciences sociales, qu'ils soient géographes, sociologues ou économistes, pour amender et
réviser périodiquement les catégories d'observation utilisées.
Au Cameroun, par exemple, les notions d'ethnie ou de région Bamiléké semblent être
dans une large mesure des créations des géographes coloniaux allemands puis français
au XIXe et au début du XXe siècle. Les pouvoirs coloniaux, qu'ils soient politiques ou
scientifiques, ont projeté et finalement imposé des catégories et des délimitations qui
n'étaient apparemment pas ressenties comme telles au départ par les peuples des régions
concernées. Mais qui ont finalement été adoptées par les principaux intéressés dans la
mesure où, à certain moment de leur histoire, elles répondaient à leurs besoins ou tout
au moins à ceux des élites qui les dirigeaient.
9. La province d'origine est décrite par le décret d'application n° 82-407 comme " la province dont ses parents
légitimes sont originaires ". Le critère retenu est donc en apparence purement géographique, mais il ne fait
aucun doute que la volonté du pouvoir signataire du décret est de prendre en compte par ce biais l'ethnie,
c'est à dire une catégorisation sociale. L'objectif de la loi est fondamentalement ambiguë car si l'objectif
affiché est d'affecter plus de place aux candidats issus des provinces à faible scolarisation pour combler le
retard pris par ces provinces dans la fonction publique, il pose un problème délicat d'arbitrage entre l'égalité
de tous les citoyens camerounais inscrite dans la constitution et l'équité qui vise à instaurer une politique de
discrimination politique en faveur des régions les plus en retard. En outre, le décret n'est pas dénué
d'arrière-pensées politiques puisque les régions " en retard " sur le plan scolaire sont précisément celles d'où
sont originaires les dirigeants qui exercent alors le pouvoir (Nord).
10. X * * * , 1984, " Problèmes soulevés par l'application du décret n°82-407 du 7 sept. 1982 et de l'arrêté
n°010467/MFP/DC du 4 oct. 1982 ", Note confidentielle et anonyme émanant de le Délégation générale à
la Recherche scientifique et technique du Cameroun, Institut des Sciences humaines, Département de
recherches démographiques, Yaoundé, Janvier 1984.
Cet exemple montre que les maillages ne sont pas de simples niveaux d'observation
établis par un pouvoir scientifique ou politique mais constituent parfois des enjeux
essentiels pour la société. Il montre également qu'il peut exister une confusion entre
des catégorisations sociologiques ou anthropologiques (les ethnies) et des catégorisa-
tions géographiques (les lieux d'origine ou de résidence), confusion éventuellement
entretenue par un pouvoir lorsqu'elle sert ses objectifs. Le chercheur en sciences
sociales ne peut donc ni accepter d'emblée les maillages territoriaux comme cadres
d'observation pertinents de la société, ni refuser de prendre en compte les informations
qu'ils fournissent au premier comme au deuxième degré sur le fonctionnement des
sociétés concernées.
L'approche relationnelle qui consiste à étudier les attributs des paires de lieux plutôt
que les attributs des lieux constitue une réponse très performante au double problème
de l'élucidation des concepts et de la mise au point de mesures conformes aux
hypothèses sous-jacentes à ces derniers. Formalisée pour la première fois en 1992 à la
suite de notre travail de thèse, l'analyse des couples de lieux plutôt que des lieux permet
en effet de donner une signification précise aux notions de barrière ou de discontinuité
et suggère toute une famille d'outil de mesure statistique et de représentation cartogra-
phique des effets des limites territoriales (Grasland C., 1992).
— la variété des effets géographiques induits par la présence des limites politiques
constitue le premier problème à étudier. On peut en effet distinguer au moins deux
types d'effets spatiaux des limites politiques, selon que leur action concerne les
phénomènes de distribution (action structurelle) ou selon qu'elle concerne les flux
(action dynamique). On parlera de discontinuité spatiale lorsque la présence de la
limite politique se traduit par une baisse brutale de la similarité des unités situées
Il. Les cinq alinéas suivants sont une version légèrement modifiée et actualisée de notre texte de 1994.
- le quatrième problème est celui de l'évolution des effets géographiques des frontiè-
res au cours du temps. Trop souvent, les études portant sur les effets géographiques
des frontières se limitent à une seule date, alors que seule l'approche diachronique
permet de découvrir leurs origines et, éventuellement, de prédire leur évolution. En
outre, il arrive fréquemment que les effets des frontières concernent l'évolution et
non pas le niveau des indicateurs. Ainsi, l'étude des indicateurs démographiques
du mouvement naturel de la population des régions européennes de 1960 à 1985 a
permis de montrer que les frontières d'Etat correspondaient beaucoup plus à des
discontinuités d'évolution (les régions d'un même Etat ont des taux qui augmentent
ou diminuent au même moment) qu'à des discontinuités de niveau (les régions d'un
même Etat ont des taux comparables). Mais les discontinuités d'évolution peuvent
à leur tour devenir des discontinuités structurelles, par exemple lorsqu'elles s'ins-
crivent dans les pyramides des âges et tendent à s'autoreproduire d'une génération
à l'autre (Grasland C., 1997);
124 Insee Méthodes n° 76-77-78
— le cinquième problème réside dans le choix d'une interprétation causale ou systé-
mique des effets des frontières politiques. Dans beaucoup d'études on considère
comme allant de soi l'hypothèse d'une action de la frontière sur les distributions
géographiques et les flux. Il nous semble toutefois que deux hypothèses complé-
mentaires devraient également être prises en compte, surtout si l'on se place dans
une perspective historique. L'hypothèse de rétroaction suppose tout d'abord que
l'action des frontières n'est pas unilatérale et que les barrières ou discontinuités
peuvent contribuer en retour à conforter ou modifier les frontières politiques
(George P., 1977). L'hypothèse d'interaction, quant à elle, souligne que la coïnci-
dence apparente entre une frontière et une rupture spatiale peut résulter de l'action
d'un facteur caché sur les deux facteurs observés (Brunet R., François J.C.,
Grasland C., 1997).
12. Par définition, dans la mesure où les maillages territoriaux incorporent presque toujours une contrainte
forte de contiguïté ou de connexité des lieux rassemblés dans une même maille. Les exceptions (enclaves ou
exclaves) ne remettent pas en cause le fait général que deux lieux appartenant à la même maille territoriale
sont en général situés à une distance plus faible que deux lieux appartenant à des mailles territoriales
différentes.
On ne peut donc comprendre les effets des maillages territoriaux qu'à la condition de
contrôler simultanément les effets spatiaux et les effets sociaux qui interagissent avec
lui, ce qui conduit à la mise en place d'un cadre d'analyse nettement plus complexe que
celui qui a été utilisé précédemment. Centré sur le concept d'intégration sociétale (à la
fois géographique et sociologique), ce cadre d'analyse met clairement en évidence les
13.En accord avec l'auteur des règles de la méthode sociologique, nous définissons l'intégration sociale
comme " le degré de coalescence auquel sont parvenus les segments sociaux dont se compose une société "
(Durkheim, 1895). L'intégration territoriale correspond au contraire à l'intensité des liens entre les segments
spatiaux (lieux) dont se compose un territoire. Qu'il y ait des interactions entre ces deux formes d'intégration
ne fait aucun doute, et Durkheim l'a lui-même souligné en montrant la corrélation qui existe souvent entre
la densité matérielle et la densité morale (ou dynamique) d'une société. Mais ces interactions ne doivent pas
masquer le fait qu'il s'agit de deux notions tout à fait distinctes. Les mailles territoriales qui sont à la fois
des segments sociaux et des segments spatiaux (mais dont la pertinence reste à démontrer dans les deux cas)
ne facilitent évidemment pas la clarification du problème.
14.Nous proposons de regrouper sous le terme d'interaction géographique l'effet de deux formes de
proximité : la proximité spatiale qui se traduit par une décroissance continue (ou subcontinue) des relations
avec l'accroissement d'une certaine distance (kilomètre, temps ; coût) ; la proximité territoriale, liée à
l'appartenance commune à une même maille territoriale, qui se traduit au contraire par des variations brutales
de l'intensité des relations en raison de son caractère discret. Cette distinction rejoint celle proposée par
D. Sack (1983) dans sa théorie de la territorialité humaine.
l5. Lorsqu'il existe une coïncidence presque parfaite entre une maille politico-administrative et une
discontinuité linguistique (comme c'est le cas en Belgique et en Tchécoslovaquie), les données agrégées ne
permettent pas de savoir si la barrière révélée par les comportements migratoires est de nature sociale ou
territoriale. Sans oublier que les limites concernées sont également de vieilles coupures historiques et
culturelles.
— l'histoire étudie les phénomènes d'héritages et de mutation car il est rare qu'un
maillage territoriale soit une création ex-nihilo, indépendante de maillages anté-
rieurs. Au demeurant, il arrive fréquemment que des maillages fossiles, c'est-à-dire
des découpages de la société et de l'histoire n'ayant plus de fonction propre,
demeurent longtemps des niveaux privilégiés d'organisation de l'espace et de la vie
en société.
Mais cette division du travail scientifique est elle-même largement artificielle, car
chaque discipline a besoin des résultats des deux autres pour analyser complètement
les effets d'un maillage territorial. En outre, il existe un problème central qui n'est en
propre l'apanage d'aucune discipline : celui de l'articulation hiérarchique des mailla-
ges et des niveaux d'organisation de la vie en société. Dans la plupart des cas, on ne
peut comprendre le fonctionnement d'un maillage particulier qu'en examinant les
interactions qui l'unissent à des maillages de niveaux supérieurs ou inférieurs. Nous
avons souligné précédemment les limites des approches macroscopiques de l'intégra-
tion territoriale. Mais un centrage exclusif sur le comportement des individus ou des
groupes élémentaires (les fameux " acteurs ") serait une mutilation tout aussi stérile de
la recherche en sciences sociales. Seule l'appréhension de l'ensemble des niveaux
d'organisation et de leurs effets ascendants (émergence de structure) ou descendants
(effets de contexte) permet de rendre compte de la complexité des régulations qui
s'opèrent à l'intérieur d'un système social et/ou spatial au cours du temps.
Conclusion
Parti d'une problématique géographique d'analyse des maillages territoriaux, nous
avons été amené progressivement à opérer de nombreux rapprochements avec les
problématiques sociologiques d'analyse structurale (Blau P., 1993) et d'analyse des
réseaux sociaux (Degenne A., Forsé M., 1994). Bien que les sociologues n'envisagent
pas explicitement d'étudier l'influence des structures spatiales ou territoriales sur le
Tableau 3
Les quatre formes de positions géographiques ou sociologiques
et les zones d'incertitude de la classification proposée
POSITIONS POSITIONS
SOCIOLOGIQUES zone d'incertitude GÉOGRAPHIQUES
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Introduction
En Suisse, les conditions de vie des habitants et leurs modes de vie se sont profondément
transformés ces dernières années : près des trois quarts de la population habitent
aujourd'hui des zones urbaines. Cette proportion est quasiment la même dans la plupart
des pays de l'Europe occidentale. Une telle mutation, que l'on peut résumer à travers
l'idée de métropolisation, a des conséquences aussi bien sur la structure urbaine
proprement dite que sur la vie quotidienne, la participation politique ou les services
locaux.
À travers ce texte, nous aimerions précisément explorer la relation entre les grandes
transformations, qu'elles soient socio-économiques ou socio-spatiales, et la vie quoti-
dienne, bref explorer les relations entre l'idée d'une métropolisation de la Suisse et le
fonctionnement de tous les jours au niveau le plus local. L'argument est ici de confronter
ce qui appartient aujourd'hui au territorial, en tant que surface aréolaire, et ce qui fait
référence aux réseaux dans leur acception technique, sociale ou politique (Offner,
Pumain, 1996).
Trois éléments méritent d'être reliés à l'intérieur de ce que l'on peut appeler le système
de la vie quotidienne :
1. Métropolisation
Pour décrire la réalité et le fonctionnement urbains actuels, on a de plus en plus recours
au concept de métropolisation (Leresche, Joye, Bassand, 1995), voire de métapolisation
(Ascher, 1995). Quelles sont les caractéristiques principales des ensembles urbains
désignés par ce concept ? S'appliquent-elles au cas helvétique ?
I. Cette réflexion est tout particulièrement menée au sein du projet "Gouvemance", inégalités et conflits
territoriaux" dans le cadre du Programme prioritaire "Demain la Suisse" du Fonds national suisse de la
recherche scientifique.
2. D'un point de vue politique, la mobilité aussi bien que la globalisation entraînent une
perte de substance des instances traditionnelles. En effet, les espaces institutionnels ne
correspondent plus aux échelles réelles des processus économiques, ni aux espaces des
habitants. Ceci se vérifie d'ailleurs autant dans les espaces réellement pratiqués que
dans ceux qui sont présentés comme pertinents pour une action collective. Bref, dans
ce contexte d'éclatement et de complexité, les réseaux deviennent essentiels dans
l'analyse de la définition et de la mise en oeuvre des politiques publiques2.
4. D'un point de vue économique, nous voudrions ajouter une autre caractéristique,
quelque peu transversale par rapport aux précédentes, relative à la notion de centre de
décision. Une métropole se qualifie aussi par le nombre et la qualité (ouverture
internationale et connectivité) des centres de décision de tous ordres qu'elle accueille,
à la fois politiques, économiques, financiers et technologiques. Ils participent étroite-
ment à la définition de la centralité métropolitaine. Dans ce sens, une zone métropoli-
taine fonctionne moins en relation avec son arrière-pays qu'en réseau avec les autres
zones métropolitaines du monde (May, 1993 ; Veltz, 1996).
5. Enfin, en parlant de globalisation, les chercheurs insistent souvent sur la liaison entre
restructuration du tissu économique local et déqualification individuelle. L'augmenta-
tion du chômage et la relativisation de l' insertion professionnelle transforment les règles
du jeu social en ajoutant une dimension d'exclusion aux classiques composantes de la
stratification (Levy, Joye, Guye et Kaufmann, 1997). Dans ce sens, l'exclusion peut
être vue comme le confinement à une aire, par opposition à la notion d'intégration qui
se réfère, pour sa part, à une insertion dans de multiples réseaux (Cunha, Leresche, Vez,
1998).
2. 11 n'est d'ailleurs pas étonnant dans ce contexte (multiplication des acteurs publics et privés, fragmentation
de l'État, des intérêts et des territoires, sectorisation des politiques, développement des logiques
transnationales, etc) de voir des concepts comme celui de "policy networks" par exemple prendre une place
importante dans l'analyse des politiques publiques (Le Galès, Thatcher, 1995).
Comment les habitants voient-ils leur quartier et leur ville ? Quels sont les éléments
qu'ils retiennent et privilégient, que ce soit lors de la description de leur quartier ou lors
du choix d'un lieu de résidence. Si nous nous sommes attachés, en premier lieu, aux
images et à la représentation des quartiers, cela résulte de l'hypothèse qu'un lieu ne
prend pas une signification exclusivement à travers la pratique d'un espace mais
également à travers l'image que les gens s'en font et à laquelle ils adhèrent (Amphoux
et al., 1988). Si la population se répartit dans les quartiers de façon beaucoup plus subtile
et variée que ne le ferait le seul mécanisme du marché, c'est que les quartiers ont une
image, ou plutôt des images. Ainsi le " connu ", les éléments-phares ou la réputation
sont autant d'éléments constitutifs d'un sentiment d'appartenance. De même, la com-
position sociale de la population du quartier joue un rôle important dans l'image du
3. Six villes ont été retenues pour l'enquête : Genève et Lausanne comme grandes villes francophones, mais
dont la première a une plus grande ouverture internationale et une population étrangère plus importante ;
Berne, la capitale fédérale, comme grande ville alémanique ; Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds comme villes
moyennes romandes, mais dont la seconde a une ancienne tradition industrielle et, finalement, Winterthur
comme pendant alémanique de la Chaux-de-Fonds. Les quatorze quartiers retenus étaient aussi contrastés
par leur composition sociale, le fait d'être ou non une commune périurbaine, une ancienne commune
fusionnée ou un simple quartier.
Dans cette contribution, qui s'insère dans une longue ligne de travaux4, nous défendons
l'idée que le rapport aux réalités locales peut se décomposer selon trois modalités
conçues comme des variations à une conceptualisation "local-cosmopolite" : localisa-
tion, délocalisation et relocalisation :
enfin, le concept de relocalisation affirme que les appartenances locales sont fortes
mais fondées avant tout sur l'image d'un lieu, sur l'environnement, sur ce que l'on
en connaît. Ce dernier modèle permet de comprendre comment s'organisent des
actions très locales d'habitants qui ne témoignent pas d'une durée très longue de
résidence. De même, il reflète le passage de luttes urbaines mettant l'accent sur des
enjeux sociaux à d'autres où le cadre de vie devient un objet majeur. Bref, c'est aussi
dans cette logique que le concept de patrimoine a été réinvesti (Sôderstrôm, 1988)
et qu'il montre l'importance des réseaux d'appartenance pour l'efficacité de l'action
locale.
Chacune de ces trois conceptualisations est bien sûr envisageable parallèlement aux
autres. Mais, suivant les quartiers ou les communes, certains rapports aux réalités
locales sont plus probables que d'autres et traduisent le développement spécifique des
localités en même temps que des populations différentes. D'une manière générale, il
faut cependant constater que si les représentations des habitants doivent être soigneu-
sement examinées, les pratiques recouvrent de leur côté une véritable zone métropoli-
taine, qui se définit à une échelle beaucoup plus large.
La question du pouvoir local apparaît ainsi cruciale dans des espaces soumis à de fortes
transformations. En effet, au moment où l'économie se mondialise de plus en plus, où
4. Cf. notamment les nombreuses recherches menées dam le cadre du Programme d'observation du
changement social, par exemple Lamarche (1986) ; cf. aussi Joye et al. (1990).
D'abord, le système helvétique est tout à la fois décentralisé et morcelé, avec un peu
moins de 3000 communes, très diverses, pour sept millions d'habitants. Les communes
urbaines n'échappent pas à la règle de l'éparpillement et posent incontestablement la
question du pouvoir d'agglomération. Cette question est d'autant plus cruciale que,
selon les droits cantonaux en Suisse, les pouvoirs exercés par les communes sont plutôt
étendus5. La construction urbaine ne respecte alors plus du tout les frontières commu-
nales et une possibilité de rééquilibrage, pas plus chimérique que d'autres, consisterait
précisément à redonner certaines compétences aux quartiers, en même temps que
l'agglomération, dans son ensemble, verrait ses compétences renforcées.
Ensuite, le jeu de la consultation des habitants s'inscrit dans un système basé sur la
démocratie semi-directe. En Suisse, les habitants de toutes les unités politiques con-
naissent la possibilité de proposer des innovations (droit d'initiative) et celle de
demander qu'un acte législatif soit soumis au vote du souverain (droit de référendum)
(Delley, 1978). Certaines communes font un usage plutôt intensif de tels systèmes,
5. Le fait que les pouvoirs de la commune soient définis par les cantons permet de mettre en place des stratégies
d'étude comparative tout à fait intéressantes en Suisse.
Du point de vue des autorités, la règle du jeu est assez complexe, dès lors que les
habitants-citoyens disposent d'un pouvoir de blocage à travers les outils de la démo-
cratie semi-directe, et demande d'établir un minimum de consensus, que ce soit à travers
les militants politiques stricto sensu ou l'ensemble des personnes actives dans le tissu
associatif. De facto, dans les communes alémaniques, où l'institutionnalisation des
niveaux "micro-locaux" tels que les quartiers est forte, les élites traditionnelles, forte-
ment intégrées, vont tendre à contrôler le jeu. A l' inverse, dans les villes romandes, où
les réseaux fonctionnent sur une base plus large, moins territorialisée, ce sont des
catégories plus larges de citoyens qui sont associées au processus décisionnel6.
Les services publics locaux s'imposent aussi à l'analyse dans la mesure où ils sont
révélateurs d'un paradoxe relativement fréquent aujourd'hui : alors que les administra-
tions locales investissent une grande énergie à développer des services, incon-
testablement performants, la confiance dans les autorités baisse parallèlement. En
d'autres termes, on pourrait presque affirmer que mieux les autorités remplissent leurs
fonctions, moins les habitants se sentent satisfaits ! En fait, l'explication de ce paradoxe
6. Cette distinction a été largement détaillée dans Joye, Huissoud et Schuler (1995).
7. En effet, le faible taux de participation aux élections et votations n'est qu'un indice de plus de la
désaffectation des habitants envers le politique. Dans ce sens, la mise en place d'autres canaux de participation
devient particulièrement importante.
En outre, et c'est là encore une différence essentielle entre les rôles d'usagers et de
citoyens, l'ensemble des services ne s'adressent pas à tous les citoyens, alors même que
tous les citoyens participent, ne serait-ce que par les impôts locaux, à l'ensemble des
services offerts sur le territoire d'une commune. Trois éléments, au moins, permettent
de comprendre ce phénomène :
- la sélection par la nationalité, car, si les impôts sont payés par toute les personnes
physiques, le contrôle démocratique est réservé aux habitants ayant le droit de vote
au niveau local ;
- la sélection par la cible car un certain nombre d'habitants n'auront pas, ou n'imagi-
nent pas avoir, l'usage de tel ou tel service.
Prenons un exemple controversé qui illustre bien l'enjeu des services urbains. En
matière de prévention du Sida, la mise à disposition de seringues stériles pour les
consommateurs de drogues illégales a prouvé son utilité depuis plusieurs années. Or,
un service de ce type suscite nécessairement un certain nombre de réticences de la part
de nombreux habitants : peur de voir sa tranquillité dérangée, peur d'une atteinte à son
environnement, peur d'une aide apportée à des gens ayant eu un comportement
"asocial", etc. Les raisons qui peuvent justifier une réaction de type NIMBY (not in my
back yard) ne manquent pas9.
De facto, un modèle qui verrait un service ne s'adresser qu'à une population minoritaire
est presque nécessairement condamné à l'échec s'il n'y a pas, dans le même temps, une
action d'accompagnement qui joue sur l' image globale du quartier et le rôle de cet
équipement particulier. C'est bien ce que constate Dear (1992) lorsqu'il rappelle trois
temps, et trois modes, de l'histoire de l'implémentation des services locaux à effet
NIMBYpotentiel :
- essai de mettre les habitants devant le fait accompli, ce qui s'est très vite soldé par
des échecs nets ;
8. Posée ainsi, la réflexion se rapproche des arguments opposés au "New Public Management", où l'efficacité
d'un service est évaluée par rapport à ses "clients" directs plutôt qu'en fonction des tâches générales de l'État.
9. En outre, un certain nombre de cas ont été étudiés en détail par l' IREC, ce qui permet au lecteur intéressé
de consulter un certain nombre d'expériences concrètes. Cf. Malatesta, Joye et Spreyermann (1992) ; Kübler,
Malatesta, Joye et al. (1997).
Par rapport au système politique, les questions suivantes doivent être évoquées pour se
rendre compte de l'échec ou du succès potentiel de l'opération. Dans quel contexte la
négociation avec les habitants s'inscrit-elle ? Y a-t-il une culture de la participation
locale ? Et si oui, avec quels partenaires ? Est-ce que les habitants sont unanimes à ce
sujet ou profondément divisés entre eux ? Est-ce que le problème est politisé, avec un
support clair de certains partis et est-ce que certains groupes politiques essaient
d'utiliser des enjeux locaux pour se faire valoir à un niveau cantonal ou national ? En
matière de prévention des toxicomanies par exemple, la ville de Zurich a longtemps
montré l'exemple d'une situation politisée et bloquée, où les enjeux locaux étaient
utilisés dans le combat partisan tandis qu'à Genève, l'essentiel des efforts en la matière
est allé dans le sens de donner un maximum d'espace aux professionnels et donc d'éviter
à tout prix la politisation (Malatesta, Joye et Spreyermann, 1992 ; Kübler, Malatesta et
Joye, 1997).
Par rapport aux acteurs, il faut également mentionner qu'un service local a une tâche
de médiation intéressante. Ainsi, l'expérience du bus itinérant de prévention du Sida
(BIPS) à Genève a montré qu'un territoire marqué par la présence des consommateurs
de drogues illégales pouvait redevenir un espace public dès lors qu'un certain nombre
de régulations étaient acceptées10. Au niveau local, l'action des autorités pour une
meilleure intégration a donc été prolongée par le travail des professionnels. Dans
d'autres cas, c'est le relais avec les organisations actives dans le quartier qui a permis
la mise en oeuvre et l'intégration locale.
Ces quelques exemples, qui mériteraient une discussion approfondie sur les conditions
locales qui ont permis de telles expériences, sont aussi illustratifs des formes modernes
de gouvernance, entendue ici comme "un système de gouvernement qui articule et
associe des institutions politiques, des acteurs sociaux et des organisations privées, dans
des processus d'élaboration et de mise en oeuvre des choix collectifs, capables de
provoquer une adhésion active des citoyens" (Ascher, 1995, p. 269).
10. Il n'est pas question de mentionner ici toutes les facettes de cette médiation. Soulignons simplement que
le BIPS a réussi à obtenir un territoire qui soit exempt d'interventions policières, de consommation et de
trafic. En outre, les seringues ont été recueillies et l'entente avec les usagers locaux améliorée.
Les exemples qui précèdent ont également mis en exergue les transformations des rôles
des habitants en milieu urbain et la nécessité de les associer dans un processus qui
favorise l'intégration et la cohésion. Comment de facto mettre ces exigences en oeuvre
dans un contexte donné ? La difficulté est ici de deux ordres.
L'action des autorités doit se situer dans une perspective globale, qu'il s'agisse de la
planification urbaine ou de la consultation des habitants. Or, pour les habitants, la
tension entre les contraintes d'une planification globale et le sentiment que des
opérations se réalisent au coup par coup limite considérablement les possibilités de
participation. Par ailleurs, la volonté d'instaurer un système de participation implique
de reconnaître les actions d'ores et déjà menées par les divers acteurs actifs dans le
quartier tandis que, au contraire, une efficacité technique à court terme tend à ignorer
les partenaires potentiels.
La pluralité des habitants des quartiers doit être prise en compte. En d'autres termes,
un système de participation ne doit pas aboutir à une action qui ne fasse que renforcer
les plus forts, ceux qui disposent de moyens considérables pour se faire entendre. Mais
en même temps, la prise en compte des intérêts des habitants implique que ces derniers
aient la capacité de se constituer en véritables partenaires.
C'est dans ce sens que nous avons travaillé avec les Autorités et des habitants de la Ville
de Genève (Joye et Simoni n, 1995) pour proposer un système souple, qui puisse prendre
en compte la pluralité d'habitants des quartiers ; pluralité définie tant en termes de
positions sociales que de représentations socio-spatiales de l'environnement local. En
bref, il s'agit de ne pas tomber dans le déterminisme de découpages arbitraires tout en
permettant l'action locale. Sans entrer dans les détails, trois éléments méritent d'être
soulignés ici.
Premièrement, il est impératif de multiplier les lieux de rencontre avec les habitants,
avec des systèmes de consultation qui privilégient autant la culture orale que le langage
écrit. En effet, si la pluralité des habitants est un fait acquis dans nos villes aujourd'hui,
il reste à trouver un langage et des lieux adaptés à la culture de chacun. L'action des
autorités doit donc aller à la rencontre des partenaires, et sur les terrains qui leur sont
propres. C'est le premier point de leur reconnaissance.
Formulés ainsi, ces points montrent la difficulté d'articuler la résolution des problèmes
à une échelle géographique donnée — quartier, commune, agglomération, voire région
ou nation — sans, par là même, déterminer la réponse et les acteurs pris en compte. La
question du niveau optimal de décision ou de gestion - qui constitue déjà un ancien sujet
de préoccupation - ne peut en tout cas pas se résoudre par une réponse unique. De plus,
la recherche d'une adéquation entre l'échelle à laquelle se manifestent les problèmes
et l'échelle institutionnelle de la décision pose toute une série de questions au niveau
de la légitimité des espaces de décisions et de la définition de la citoyenneté.
Conclusion
Les arguments présentés dans cette contribution ont montré, en Suisse, la transforma-
tion progressive d'une structure spatiale basée sur des territoires institutionnels bien
délimités à travers des espaces fonctionnels plus vastes définis aussi bien par des
pratiques à géométrie variable, notamment suivant la position sociale, que par des
fonctionnements en réseaux. Dans le même temps, la gestion publique, elle aussi, met
l'accent sur les réseaux plutôt que sur des compétences strictement liées à des institu-
tions régaliennes et territorialisées.
Réseaux et territoires : Fonctionnement métropolitain 143
Dans ce contexte, de nouveaux ensembles territoriaux apparaissent à différentes échel-
les (infra et intercommunales, intercantonales et transfrontalières). Leurs caractéristi-
ques essentiellement fonctionnelles, nécessairement floues au niveau de leur inscription
spatiale, montrent bien la difficulté d'un quelconque découpage univoque dès lors que
les proximités sont autant fonction de la position dans des réseaux que dans des
territoires. Aussi, d'une manière générale, loin de s'opposer, réseaux et territoires
entrent-ils dans la définition de l'autre : les réseaux, qu'ils soient techniques, sociaux
ou politiques, fabriquent de nouveaux territoires en contribuant à la construction de
nouvelles échelles territoriales. Mais, ce faisant, les réseaux sont également sources
d'inégalités aussi bien sociales que spatiales, à travers en particulier des logiques
d'accès et d'action.
Cunha A., Leresche J.-Ph., Vez I. (1998) Pauvreté urbaine, Le lien et les lieux, Réalités
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Lausanne.
Telles furent, et demeurent, les principales questions qui ont structuré et guident encore
notre démarche au sein du programme "Institutions publiques, projets, alliances" du
SET. Après un exposé du cheminement de la Recherche et de la construction de la
problématique globale, par Xavier Piolle, Frédéric Tesson apportera les questionne-
ments et les résultats de ses travaux sur les rapports de l'élu à l'espace, au travers des
réseaux de villes.
Le projet de développement 147
Découpages territoriaux et actions, la construction
d'une problématique pour analyser les acteurs
économiques et sociaux, et son extension aux collectivités
publiques par Xavier Piolle
La richesse de ce colloque vient en particulier de ce qu'il réunit acteurs publics, hommes
de la mesure et de la statistique, et enfin chercheurs, chacun intervenant selon des règles
propres. Pour ce qui est du chercheur, si le questionnement adopté détermine ce que
l'on peut voir et les zones d'ombre, il nous a paru nécessaire d'en exposer la
construction.
Mon premier projet de recherche de longue durée se bâtit, au milieu des années 60,
autour de l'articulation entre action et découpages territoriaux : Pau et Tarbes, les deux
villes les plus importantes du Grand Sud-Ouest exception faite de Bordeaux et Tou-
louse, sont séparées par une frontière départementale, peu à peu renforcée par l'affir-
mation institutionnelle des zones d'influences des deux "métropoles" ; les acteurs de
ces deux agglomérations moyennes parvenaient-ils à tirer parti de leur proximité pour
développer entre eux de riches interactions ? En fait les surprises de mon installation
dans le piémont pyrénéen allaient m'entraîner vers d'autres questions.
Ce que nous voyions dans la vallée proche, berceau de la famille désormais fréquenté
de façon soutenue, était étonnant : le voisinage y était source de droits et de devoirs qui
s'imposaient sans tenir compte aucunement des sympathies, le sol portait la mémoire
de cette communauté spécifique où nous entrions, avec la légitimité que donne l'exist-
ence de racines ; il donnait souvent leur nom aux hommes entre lesquels des relations
multiples vivifiaient des territoires mêlant spatial et social de façon intime, fonctionnant
à des échelles diverses, mais toujours avec des frontières précises. Ce territoire vécu,
personne n'en parlait, en ce début des années 70, personne ne le magnifiait, ne lui
réinventait des célébrations. La solidarité s'imposait d'elle-même car on ne disposait
pas des moyens techniques permettant de s'en sortir seul et les rites en étaient la
manifestation traditionnelle nécessaire à la solidité d'un lien idéologique suffisant.
A Pau, au contraire, on en parle des territoires, en particulier des quartiers entre lesquels
la mémoire collective ne donne guère d'information sur les frontières ! c'est aux
chercheurs qu'on demande de repérer les "discontinuités géographiques". Les voisina-
ges et même les découpages communaux semblent aussi peu signifiants socialement,
du moins pour certains groupes sociaux. Les liens sociaux s'établissent sur des lieux
de rencontre ou autour de projets :
- projet d'une Région de l'Adour dont des acteurs économiques et sociaux, de Tarbes
et Pau surtout, viennent chercher une légitimation scientifique auprès de l'Univer-
sité, seul pôle "régional" reconnu ;
Ici, pas de régulation repérable des rapports sociaux territoriaux, pas de lien né
obligatoirement de la proximité, pas de solidarité prescrite, pas de rites de célébrations
traditionnels ni de mémoire partagée mais un discours sur la proximité, l'identité
collective, qui commence à se répandre. Or, ce que le quartier ou le voisinage, ou la
commune n'avaient su fonder, ce sont les réseaux nés des activités communes ou
mobilisés par des projets qui le font !
L'affaire méritait d'être interrogée et traitée avec rigueur. Si dans le discours de l'élu,
la parole du militant et même dans des publications scientifiques, soudain plus nom-
breuses, quartier, pays, territoire sont de plus en plus présents, tout incite au doute qui
s'impose au chercheur face aux évidences partagées : il nourrit une problématique qui
s'attache à repérer tout ce qui, dans le lien social, échappe aux logiques territoriales.
Alors apparaissent, bien distincts du comportement territorial homogène et réglementé
des villages reculés, la diversification des territorialités qui défait les territoires, l'écla-
tement de stratégies souvent personnelles qui conduit à remplacer les logiques territo-
riales, collectives, par des logiques individuelles, de projet.
Le lancement par quelques villes, puis par la DATAR, du pari surprenant des réseaux
de villes interrompt les premiers travaux sur entreprises et territoires. Quelle peut donc
être la réalité de ces nouvelles constructions publiques ? Voyait-on réellement apparaî-
tre, dans le personnel politique et administratif, de nouveaux rapports, plus libres, avec
territoires et même compétences à partir de stratégies de projet ? Celui-ci, quand il ne
peut coïncider efficacement avec les territoires préexistants, fait-il naître des espaces
nouveaux, mais sans prétentions à l'optimum territorial, ou des alliances que ne
déterminent ni des découpages préalables, ni une proximité ? Les comportements
d'acteurs économiques et sociaux, plus attentifs à leurs intérêts qu'aux règles, consti-
tuant leur environnement de façon changeante selon leurs besoins et non en adhérant à
un territoire, pouvaient-ils être recherchés parmi des acteurs publics, si singuliers ?
Comment accorder aux nouveaux discours de ces derniers, la confiance sans laquelle
on ne repèrerait ni les mutations, même ébauchées, ni les perspectives, même à peine
tracées, et cependant rester suffisamment critique ?
Le projet de développement 149
Toutefois, ce contrat territorial fondateur a le plus souvent perdu l'épaisseur sociale
nécessaire, du fait de mutations majeures. Le pouvoir qui en est issu ne peut fréquem-
ment plus faire face aux nécessités du temps, techniques mais surtout sociales et
politiques ; souvent, seuls les élus et leurs agents vivent dans une dimension de pouvoirs
et d'espaces découpés par des frontières globalement inexistantes pour l'habitant
ordinaire ou l'entreprise. Ne faut-il pas un autre contenu pour rassembler les "forces
vives" des territoires, un projet commun de développement pour mobiliser ensemble
acteurs publics, économiques et sociaux et donner légitimité accrue à un élu médiateur
d'un effort collectif où se jouent les vrais problèmes d'un territoire, territoire préexistant
ou espace ad hoc, né dans et de la mobilisation, de la volonté partagée d'un projet tel
les pays en train de se constituer aujourd'hui. Les détenteurs du pouvoir public
peuvent-ils se contenter de recomposer les territoires ? Ne doivent-ils pas comme les y
invitait la Loi du 4 février 1995 s'appuyer tout à la fois sur "les notions de pays et de
réseaux (de villes) ", c'est-à-dire sur la force d'une reterritorialisation, autour de projets
qui ne s'enferment pas dans les règles habituelles des découpages territoriaux, et sur
les dynamiques d'alliances nouées pour le développement ? Serait-il possible, sans
perdre toute crédibilité, de chercher les traces de nouveaux modes de pratiques et de
gestion des découpages territoriaux, en trouvant dans un fonctionnement en réseaux sur
projets les chemins menant à d'autres comportements territoriaux ?
Dans le cadre de la réflexion sur " les découpages du territoire " qui est engagée ici, je
me propose de mettre en perspective le travail mené dans le cadre d'une thèse de
géographie et aménagement prenant pour champ d'étude les expériences françaises de
réseaux de villes I . Il est clair que ce champ singulier nous situe en marge du découpage
puisque, plus que les frontières, ce sont les moyens mis en uvre pour les dépasser qui
sont au centre de notre propos. En travaillant sur les réseaux de villes, je m'intéresse
aux marges, ou plutôt, pour paraphraser certains mots dont les élus sont friands et
positiver mon regard, aux " marches ", avec toute la connotation positive qu'elles
recellent, ou encore aux périphéries dont l'alliance unifie le " patchwork des régions
françaises ".
I. F. Tesson, Les réseaux de villes en France, recherche sur le rapport de l'élu local à l'espace, thèse de
doctorat, X. Piolle (dir.), Université de Pau et des Pays de l'Adour, 1996, 398 p.
- c'est aussi une politique d'aménagement du territoire soutenue par la DATAR depuis
1989, qui a fait l'objet d'une circulaire d'application auprès des préfets2 et qui est
finalement entrée dans la loi de 19953 aux côtés des pays comme un point d'appui
des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire ;
I existe aujourd'hui une vingtaine de réseaux de villes labélisés par la DATAR, c'est
à dire reconnus par le CIAT (comité interministériel d'aménagement du territoire).
Ils ont connu des fortunes diverses, certains fonctionnant relativement bien et de
façon permanente, d'autres travaillant par intermittence, tantôt moribonds, tantôt
ressortant au grand jour pour se remettre périodiquement à dire, mais aussi parfois
à faire, des choses intéressantes ;
- on peut chiffrer à une douzaine les expériences pérennes qui ont pris une ampleur
suffisante pour pouvoir être repérées aujourd'hui comme des " réussites ".
Cette politique semble aujourd'hui plus vivante que jamais si on considère, d'une part
la reconnaissance récente par le désormais CIADT (le développement venant s'inter-
caler entre l'aménagement et le territoire) de cinq nouveaux réseaux de villes, et d'autre
part les sollicitations dont nous faisons l'objet pour participer à des colloques mobilisant
les acteurs locaux autour de cette thématique, à l'instar de ce qui se passe autour de
Maubeuge, entre la France et la Belgique, en ce moment.
2. Chartes d'objectifs et réseaux de villes, circulaire du premier ministre aux préfets de région n°3.678/SG,
le 17 avril 1991, 8 p.
3. Loi d'orientation n°95-115 du 4 février 1995 pour l'aménagement et le développement du territoire.
Tout d'abord, il s'agit d'alliances entre acteurs publics élus pour lesquels le territoire
est avant tout institutionnel, marqué par le découpage et ses frontières. Observer des
acteurs se positionnant différemment par rapport aux découpages classiques intéresse
inévitablement l'objet de cette réflexion. De plus, ces expériences, là où elles fonction-
nent, sont présentées comme des réponses possibles à l'inefficacité des découpages
classiques dans certains domaines, et notamment le développement.
C'est enfin la prise de conscience que " territoire " est une notion plurielle qui induit
un mode de fonctionnement singulier. Notion plurielle car, s'il est géographique, le
territoire peut aussi désigner des catégories du social, de l'administratif, et la frontière
entre deux administrations est souvent aussi peu perméable que celle entre deux régions.
Mode de fonctionnement singulier, car le territoire conduit souvent à la hiérarchie,
l'héritage, la prééminence des règles et des frontières. Nous verrons plus loin que plus
que le territoire lui-même, c'est le mode de fonctionnement qu'il induit qui est remis
en cause ici, dans le cadre des réseaux de villes.
Elle ne nie pas l'influence de la proximité car on remarque que les alliances se nouent
dans un relatif "non-éloignement", au sein d'un système régional. Le système semble
être le concept pertinent pour caractériser cet espace mobilisé autour du réseau de villes.
152 lnsee Méthodes n° 76-77-78
Un espace à l'intérieur duquel tout ce qui se passe de positif ou de négatif a des
répercussions sur l'ensemble des autres éléments du système, pour paraphraser
A. Pred5. Il s'agit en effet, pour la plupart, de villes dont les destins sont liés et qui
réagissent dans l'urgence pour prendre en main leur développement. Il est clair en effet,
pour illustrer ceci, que le maire de Pau ne peut pas se réjouir des problèmes rencontrés
par GIAT industrie qui menacent l'activité économique tarbaise. A 40 km de là,
l'activité paloise serait automatiquement affectée (sous-traitance, service aux entrepri-
ses, équipements culturels et de loisirs).
On voit qu'il ne s'agit pas ici de fonder un club monovalent, au sein duquel les acteurs
se rencontrent sur un seul type de problème, comme il en existe pour "les villes TGV"
ou "les villes à une heure de Paris", la démarche vise ici à considérer un développement
global sur un ensemble territorial dont on connaît les villes qui en constituent le
squelette mais dont on ne se préoccupe pas de définir les limites, celles-ci fluctuant au
grès des projets dégagés par les acteurs. C'est là une première entorse à la règle du
découpage territorial.
Le second problème posé par cet outil au découpage du territoire réside dans sa nature
même. Saisi principalement par des villes que l'on peut qualifier "d'intermédiaires"6,
cet outil, destiné à organiser le développement du territoire, a tout naturellement
intéressé d'abord les villes non métropolitaines souvent sur les "marches" régionales,
transgressant par l'alliance le découpage politico-administratif. Contrairement à des
alliances ponctuelles sur un projet isolé qui ne remet pas fondamentalement en cause
le découpage, ce type d'outil met en lumière les dysfonctionnements inhérents à la
lourdeur des découpages territoriaux et surtout le difficile dépassement des frontières.
Le système dans lequel se joue le développement n'est sans doute pas la région
administrative. L'exemple du maire de Tarbes appuyant la candidature malheureuse de
Pau lors de " l'appel d'offre " pour l'accueil de la sixième école de mines à la fin des
années 80 montre bien qu'il considère son destin plus proche de celui de Pau en
Aquitaine que de celui d'Albi, candidate heureuse, pourtant dans la même région que
lui.
En fait, les acteurs mobilisant cet outil formulent trois hypothèses retrouvées dans leur
discours :
Le projet de développement 153
- la frontière est pertinente pour la gestion et l'administration du territoire (on n'a rien
trouvé de mieux pour l'instant), mais le territoire politico-administratif ainsi délimité
n'est pas l'échelle unique du développement. Il faut donc laisser à la frontière une
certaine perméabilité pour que des projets puissent être menés en la dépassant.
C'est dans cet esprit que, comme nous l'avons dit précédemment, les partisans des
réseaux de villes font généralement partie des opposants au redécoupage.
au sein d'un même département mais par delà les découpages politiques classiques,
il existe entre Creil et Compiègne, le long de la vallée de l'Oise, un réseau de villes
qui a pris la forme d'une agence d'urbanisme territoriale. Cette agence a comme
intérêt de considérer un territoire à géométrie variable. Sur l'espace de base qui
comptait en 1996 près de 50 communes, on peut noter une série d'actions notamment
en direction des zones d'activités et de leur mise en cohérence et en complémentarité.
En revanche, en ce qui concerne la gestion des déchets et leur transport par voie
fluviale sur l'Oise, le territoire a été considérablement élargi, en amont et en aval,
dans un souci de rentabilité et d'efficacité. On voit ici que le territoire présente une
ossature qui est dépassée en fonction des projets portés ou initiés ;
dans une même région mais au-delà des limites départementales, AIRE 198 qui
réunit Poitiers, Angoulême, Niort et La Rochelle, est un des réseaux qui fonctionnent
le mieux. Ses réalisations concrètes sont nombreuses, on peut citer notamment le
lobbing efficace pour le TGV à La Rochelle, un échange d'information systématique
sur les spectacles, un fonds régional d'insertion par l'économique né de la coopéra-
tion organisée par le réseau de villes entre les chargés de mission des PLIE, un institut
supérieur de l'image à la réalisation duquel les maires ont été largement associés ;
7. Ces exemples sont traités avec d'autres dans plusieurs de nos articles répertoriés dans la bibliographie
complémentaire.
154 Insee Méthodes n° 76-77-78
dans l'interrégional on peut citer l'action du Triangle Bar-le-Duc, St-Dizier, Vitry-
le-François, que ce soit en matière culturelle (festival d'orgue, foire itinérante) ou
dans le domaine économique avec le "Qualipôle", moyens humains et techniques
mis en place avec l'aide des CCI pour aider les PME dans leur démarche qualité. On
peut également revenir sur Pyrénées Métropole (Pau, Tarbes, Lourdes) dont la
coopération interhospitalière par delà les limites régionales a permis la prise de
conscience, inscrite dans les deux schémas de santé, de l'existence d'un bassin
transrégional et entre autres retombées, l'installation à Pau d'un IRM
l'international est peu abordé mais on peut tout de même citer l'action de Rhin Sud
(Belfort, Mulhouse, Colmar, Montbéliard, St Louis et Herricourt) en faveur d'une
meilleure intégration de l'Euro-airport Bâle-Mulhouse dans l'espace transfrontalier,
en relation également avec le Nord de la Franche-Comté.
Tout d'abord on peut dire que c'est le dépassement des frontières, la discontinuité
initiale qui imposent un mode de fonctionnement en réseau. Sans compétence, les élus
des villes en réseau doivent nécessairement faire émerger leurs projets en mobilisant
de multiples partenariats ; sans réelle structure, le réseau de villes impose le travail dans
la souplesse et, par là, les élus perdent les repères liés à leur culture et entrent dans le
réseau.
Le projet de développement 155
Ensuite, réfléchir à des projets de développement sur des espaces périphériques impose
de dépasser le découpage. Mobilisés autour de projets, les élus, du fait du mode de
fonctionnement qui s'impose à eux, envisagent l'espace transfrontalier et l'importance
de dépasser cette frontière qui n'a pas de sens par rapport au problème qui est le leur.
On voit donc là que c'est bien le mode de fonctionnement induit par le réseau de villes
qui permet à l'élu de pouvoir envisager le dépassement du découpage, et qu'en même
temps c'est la prise de conscience de l'isolement et la recherche de solutions autres que
celles proposées par la contiguïté spatiale qui imposent à l'élu un mode de fonctionne-
ment différent.
156 lnsee Méthodes n° 76-77-78
BIBLIOGRAPHIE
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158 Insee Méthodes n° 76-77-78
TABLE RONDE :
ENJEUX EUROPÉENS
ET MODÈLES TERRITORIAUX
ENJEUX EUROPÉENS ET MODÈLES
TERRITORIAUX
Table-ronde avec :
Animée par :
Elle conduit les différents pays européens à construire des périmètres au sein desquels
ils peuvent calculer les indicateurs sur lesquels se fondent les critères. Mais ces pays
ont des organisations administratives très diverses, résultats d'une longue histoire.
Cette réunion se passe à un moment-clé, puisque nous sommes à deux ans de l'an 2000.
C'est d'abord l'échéance de la révision de la mise en oeuvre des fonds structurels : vous
avez sans doute entendu parler de cette communication de la Commission européenne
qui s'appelle Agenda 2000 et qui propose quelques grands traits de cette politique. L'an
2000, c'est également, en France, la date de la prochaine génération des contrats de plan
État-Région.
Nous nous préparons à ces deux échéances. Le 15 décembre 1997, au cours du Comité
Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire, le Pi nier minis-
tre va donner mission à la Datar de lancer un certain nombre de réflexions sur ces deux
sujets et sur la révision des zones d'intervention en France.
Quand on réalise une revue des zonages d'intervention en France, on en relève un grand
nombre, définis selon des critères très différents, pour des objets très différents. Il y a
des zonages de niveau national, qu'on peut appeler d'aménagement du territoire ; il y
a les territoires ruraux de développement prioritaire, il y a les zones de redynamisation
rurale. Il y a des zonages pour l'intervention en matière urbaine, avec des zonages qui
s'emboîtent : zones urbaines sensibles, zones de revitalisation urbaine, zones franches
urbaines. D'autres zonages sont gérés par d'autres ministères et ont des impacts en
matière d'aménagement du territoire. Il y a encore les zonages de niveau communau-
taire (zones d'objectif 2 et 5b) et les zonages des programmes d'incitation communau-
taire. Enfin, il y a des zones de compétence régionale ou même départementale, où des
collectivités mettent en oeuvre un certain nombre de politiques, en particulier pour la
promotion du développement local.
Cette multitude de zonages d'interventions, qui ne brillent pas par leur cohérence,
suscite un mécontentement à tous les niveaux :
162 lnsee Méthodes n° 76-77-78
- ils ne facilitent pas la lisibilité de l'intervention publique sur le territoire,
- ils ont des effets négatifs les uns sur les autres,
- ils ont des effets négatifs sur les projets territoriaux, sur les habitudes de travailler
ensemble d'un certain nombre d'élus, sur les dispositions de coopération intercom-
munale, quand par exemple une partie d'un SIVOM appartient à une zone d'inter-
vention et pas l'autre.
Tout d'abord qu'est-ce qu'un découpage, qu'est-ce qu'un zonage ? Un zonage, c'est
principalement deux étapes : un première qui consiste à mailler le territoire, une
deuxième qui consiste à sélectionner un certain nombre de mailles. L'essentiel du travail
va porter sur la première étape : quelles peuvent être les mailles ? Quel maillage pourrait
servir de base à l'ensemble des découpages territoriaux pour l'application des politiques
publiques ?
Par ailleurs, émergent des mailles territoriales dans lesquelles les politiques publiques
s'appliquent et, surtout, les populations s'organisent. C'est sur ces mailles que nous
allons réfléchir. Plusieurs critères sont à prendre en compte dans la réflexion. D'une
part, la maille doit représenter une forme d'organisation du territoire :
- autres territoires, territoires de projet, à l' intérieur desquels élus ou acteurs se mettent
d'accord pour mener des projets en commun : c'est par exemple la coopération
intercommunale, largement promue et encouragée.
C'est une façon de se préparer à la discussion avec la Commission européenne sur les
futures zones d'intervention des objectifs 2 et 5B, qui devraient devenir un unique
objectif 2. Les découpages franco-français ne doivent pas être imposés par les critères
de découpage des zones d'intervention des fonds structurels. N'oublions pas en effet
que la politique communautaire est une politique complémentaire des politiques
publiques nationales. Il faut donc discuter avec la Commission européenne pour
appliquer les critères qui seront retenus dans les futurs règlements communautaires.
Gilles Decand : Avant quelques réflexions sur ce que j'ai entendu au cours de la journée,
je voudrais dire quelques mots d'une nomenclature qu'on utilise au niveau européen.
Quelqu'un a dit ce matin : "Après la monnaie unique, est-ce qu'il y aura un découpage
unique ?"
La NUTS est un oiseau bizarre ; elle résulte d'un accord entre statisticiens, dans les
années soixante-dix, pour collecter des informations statistiques régionales. D'un seul
coup, dans les années quatre-vingt, elle a été utilisée pour autre chose, pour la politique
régionale communautaire. Dans les Règlements ayant trait aux fonds structurels, on a
vu apparaître des références à la NUTS : niveau 2 pour l'objectif 1, niveau 3 pour les
objectifs 2 et 5B. La NUTS n'est qu'un morceau de papier ; son statut juridique est nul.
Mais on y fait référence dans les Règlements et, mieux, dans les traités d'adhésion des
nouveaux États membres.
164 Insee Méthodes n° 76-77-78
Pourquoi ? Parce qu'elle s'appuie sur les découpages administratifs. Quand on parle
découpage communautaire, on cherche à s'appuyer sur les découpages administratifs.
Car il faudra quelqu'un pour mettre en oeuvre et c'est à ce niveau que l'autorité politique
existe. Mais cela pose problème aux statisticiens. On l'a vu dans les traités d'adhésion
récents, où beaucoup de discussion ont eu lieu avec certains pays qui voulaient isoler
des zones pour obtenir des fonds structurels. Ces problèmes ont été réglés, mais ils
peuvent resurgir. Le succès de la NUTS entraîne une certaine faiblesse : on est soumis
à des questions, à des pressions. Ceci n'est pas très grave. Mais surtout comment justifier
l'utilisation de la NUTS ?
Sur les zonages utilisés au plan communautaire, j'ai été surpris d'entendre ce matin,
par quelqu'un qui est à cette table, qu'il y aurait des zonages dans les tiroirs. Il n'y a
pas de zonage communautaire sur lequel on s'appuierait pour définir la politique
régionale. Le seul zonage, c'est la NUTS. Actuellement, une question se pose :
comment utiliser la NUTS, comment regrouper les unités de cette nomenclature en
utilisant un certain nombre d'indicateurs statistiques pour définir des zones qui béné-
ficient des politiques ? Mais il n'y a pas de zonage. À cela, plusieurs raisons. D'abord :
des zonages ? Pour quoi faire ? Si on définit un zonage, c'est qu'il y a un utilisateur.
Or, il y a une multiplicité d'interventions et donc de zonages.
Quand on a essayé de proposer une harmonisation, cela a été très compliqué. Vous savez
comme c'est difficile au plan national de mettre tout le monde d'accord sur un
découpage. Au niveau communautaire, la complexité est multipliée par 15. Comme il
n'y a pas de justification, de pression très forte, immédiatement la subsidiarité est mise
en avant et certains États membres nous disent : à quoi cela peut-il servir ? Cette
tentative, à la fin des années quatre-vingt, d'utiliser les zones d'emploi a été abandon-
née. On en est revenu à des découpages administratifs traditionnels.
Enjeux européens et modèles territoriaux 165
administratifs. On n'a pas commencé la collecte d'information statistique, mais on est
proche d'un accord.
Dans les discussions précédentes, on n'a pas posé la question de la collecte d'informa-
tion statistique et de la disponibilité des données statistiques. C'est un très gros
problème. Nos collègues de la politique régionale nous posent la question : "Qu'avez-
vous comme données statistiques" ?
Sur ce plan, vous ne pouvez pas savoir quel privilège a la France avec ses 36000
communes. Elles forment un maillage extraordinaire ; cette granularité du territoire
permet de regrouper comme on veut et d'avoir beaucoup de statistiques. Ce n'est pas
le cas dans tous les pays. Si on prend l'exemple extrême de la Suède, on a 250 communes
qui se partagent un territoire grand comme les deux tiers de la France.
Si on utilise la commune, on voit que cela n'a pas beaucoup de sens au niveau européen.
On cherche une solution avec les offices statistiques. Le problème, c'est que les
informations communales ne sont souvent disponibles que dans les recensements et les
chiffres sont très anciens. Dans les pays à registres, on peut faire un travail statistique
au niveau communal annuel, mais il y a peu de pays dans ce cas.
Pour terminer, deux mots sur la politique régionale. Toutes les statistiques sont orientées
vers la politique régionale, qui compte jusqu'ici 6 objectifs, dont 4 sont à vocation
régionale :
L'idée actuelle est de n'avoir plus au niveau régional que deux objectifs : l'objectif 1,
avec le même critère (75 % du PIB moyen). Un second objectif regrouperait les objectifs
2, 5B et quelques actions urbaines.
Je ne sais pas comment cela va aboutir. Il ne s'agit que de propositions. L'accord n'est
pas encore réalisé entre les États membres.
166 Insee Méthodes n° 76-77-78
Mais quels indicateurs statistiques faut-il retenir, surtout quand on mélange les objec-
tifs : industriel, agricole et urbain ? Les critères peuvent être difficiles à définir et
l'information statistique nécessaire difficile à collecter.
Maurice Bourjol : Je voudrais évoquer deux ou trois points : surtout juridiques, mais
aussi sur le problème de zones transfrontalières.
Un autre problème qui me turlupine, mais c'est moins grave, pour l'instant, c'est celui
des critères de découpage :
- les experts n'ont pas les coudées aussi franches qu'on veut bien le dire ; ils sont
limités par un cadre idéologique dans lequel se construisent ces espaces nouveaux ;
ce cadre idéologique qui pose la question des grandes régions européennes, si elles
existent, s'applique-t-il aux pays, au sens de l'arrondissement ? L'Union Européenne
est-elle compétente en tous ces domaines ? Au train où vont les choses, ce ne sera
plus la peine d'élire des députés, des maires, des conseillers généraux. On réglera
tout à Bruxelles.
1. Critères idéologiques
Il y a un problème qui se reflète dans tous les débats idéologiques sur la nationalité et
l'immigration. C'est la conception même de la nation qui est en jeu. Est-ce que la nation
repose sur le droit du sol, sur la base d'un contrat citoyen, quelque soit la couleur de la
peau ou est-ce qu'elle repose sur l'ethnie ? C'est important car certains pays européens
pratiquent les critères ethniques.
Quand je parlais tout à l'heure, je m'étais muni d'un viatique. J'ai entendu parler
de M. Brunet, qui a écrit des choses très bien, que j'ai lu cet été et qui nous dit que les
bureaux de Bruxelles ont découpé l'Europe en un espace nouveau qui défie la logique,
parce qu'il relève de principes totalement différents ou de visions très passéistes de la
géographie européenne et même de la géographie tout court, non sans arrière pensée
de politique ordinaire (c'est dans son bouquin sur l'aménagement du territoire euro-
péen, p. 115).
Si découpage il y a, ce découpage repose, pour moi, sur une base ethnique et raciale,
qui démembre la France sous prétexte de répartir des fonds structurels. Je rappelle
Dans la loi du 4 février 1995 (loi Pasqua), il est fait état de bassins de vie qui, par leur
étendue, ressemblent à un arrondissement, tandis que les bassins de vie quotidienne
seraient de la taille du canton. On est en train de découper les pays suivant le procédé
cher à Bernadette de Lourdes : on "constate" l'existence du pays. En droit, c'est
curieux !
Le projet tente d'aligner les structures locales sur celles de nos voisins, en particulier
allemands. Il consiste à placer le pouvoir au niveau de l'arrondissement, que nous
appellerions le Kreiss si nous avions le temps, et à conserver la base de grandes
communes éventuellement regroupées ou fusionnées au sein d'établissements publics
à fiscalité propre.
Voilà à peu près le projet ! Il y a un article du code des communes qui prévoit les fusions
de communes, d'EPCI à fiscalité propre après deux ans d'ancienneté. Voilà le méca-
nisme. J'ignore si c'est la politique qu'envisage la Datar. Après tout, on a changé de
gouvernement. En tout cas, c'est ce qui était à l'ordre du jour.
Dernière observation, sur ces problèmes de pays, on a fait une expérience d'EPCI à
fiscalité propre. Aucun bilan n'a été dressé. En France, on lance des effets d'annonce
et on laisse courir. Le Conseil des impôts, qui a fait des propositions récentes sur la Taxe
Professionnelle, l'a dit. Le rapporteur de la loi de finances des collectivités locales, M.
Migaud, l'a dit. On ne sait pas ce qui s'est passé. On sait qu'une bonne partie des EPCI
sont des coquilles vides. On sait que la fiscalité des EPCI a augmenté de 12 % en 1997
au lieu de 4 à 5 % dans les communes. C'est un problème. Les communes sont en train
de payer les 3 % de Maastricht. Elles ont 16 MdF de moins que l'équilibre. Ce n'est
pas moi qui le dis, c'est l'audit dressé en juillet dernier à la demande du Premier
ministre. Alors, si c'est pour créer de nouveaux échelons destinés à lever l'impôt, on
doit se poser des questions.
168 Insee Méthodes n° 76-77-78
de peuple basque, sont en contradiction avec la Constitution qui ne connaît que des
citoyens. C'est d'ailleurs valable pour le problème de la représentation féminine. Sous
cet angle, la libre administration des collectivités locales est un principe constitutionnel
de notre texte.
Sous cet angle, il n'y a pas grand chose qui empêche l'Europe de faire les découpages
les plus farfelus, tel que celui que j'ai sous les yeux. C'est un point de vue de juriste.
Et on sait que les juristes ne disent jamais les choses simplement. Le pouvoir de l'Union
Européenne est extrêmement étendu. S'il y a litige, c'est la Cour de justice des
Communautés européennes qui tranche. Et l'on sait que la Cour de Justice des
Communautés européennes a une jurisprudence très intégrationniste. On risque le pire !
Antoine Bailly : En fait, la question que je me pose, c'est pourquoi cette frénésie des
découpages. Après une dizaine d'années, après une période stable, on a l'impression
que d'un seul coup on a une frénésie de découpages.
Je m'interroge sur le sens de ces découpages. Ce n'est pas lié au hasard. On le constate
au Québec, on le trouve dans tous les pays du monde et pas seulement en Europe.
Et bien sûr de nouvelles régulations vont se mettre en place. Il y a des régions qui
poussent, qui croissent. On parle d'état urbain, d'état communautaire, de super-agglo-
Quand j'étais jeune, on m'a appris à tricoter. Cela arrive, même aux garçons. On m'a
appris à faire un pull. Il fallait chercher des mailles. Je n'ai jamais très bien fait et j'ai
fini par faire du patchwork. Il s'agit de sortes de couvertures dans lesquelles on assemble
des carreaux. C'était bien pour un lit, pour deux lits. Quand il y eut une dizaine de
couvertures, le résultat n'était pas terrible, avec des tas de couvertures à dimensions
inutilisables.
Mais en a-t-on besoin ? Est-ce qu'il ne faut pas plutôt s'appuyer sur le bon sens d'une
série de personnes ? Actuellement, il y a des forces qui sont en train de modeler un
nouveau découpage de l'Europe, qui n'est pas le découpage ancien, qui n'est pas le
découpage des statisticiens, qui aura une cohérence, la cohérence de l'homme qui va
lui donner une citoyenneté, sans doute pas celle qui existait dans le temps.
Quand on découpe, je me demande toujours pour qui, pourquoi, pour quoi faire.
170 Insee Méthodes n° 76-77-78
LA NÉGOCIATION DU DÉCOUPAGE TERRITORIAL
INTRODUCTION
J. Frébault
Les questions de découpage sont au coeur de notre capacité à comprendre ce qui se passe
dans nos territoires et à comprendre comment ils fonctionnent et comment ils s'articu-
lent avec leur environnement.
I - Le constat que nous sommes nombreux à faire est qu'il y a un fossé entre les
découpages institutionnels et les réalités géographiques et urbaines qui sont celles des
territoires aujourd'hui et qui ont beaucoup évolué dans les 20 ou 30 dernières années.
Au moins en France, mais les témoignages des autres pays nous éclaireront utilement, on
sait à quel point les découpages institutionnels enferment dans un certain nombre de
modèles, dans un certain nombre de logiques dont on a beaucoup de mal à se démarquer.
Dans le cas de l'Isle d'Abeau, ville nouvelle qui est dans le nord-Isère, à l'est de la
Région Urbaine Lyonnaise, nous avons beaucoup de mal, avec l'Insee, à la fois à
observer et à décrire notre appartenance à cette aire métropolitaine lyonnaise. Une
seconde difficulté, c'est de décrire une ville nouvelle qui n'est pas une agglomération
compacte, mais une agglomération en archipel, avec un périmètre qui s'étend à
l'extérieur du périmètre institutionnel de la ville nouvelle.
De plus en plus, les cartes sont brouillées. Réalité incontournable car le citoyen
d'aujourd'hui est de plus en plus mobile et, avec le développement des communications
physiques ou immatérielles, a de plus en plus de références ou de repères sur des
territoires différents. Comment décrire cette réalité beaucoup plus complexe ?
Introduction 173
L4 GÉ 0 G
répartitions, sous-ensembles et
réseaux territoriaux
FERL4I.V0
IRES-PlEk10.\TE
géographl,2 administrative
bu
- l'étude des critères de délimitation à même de déterminer les répartitions territoriales
et sous-ensembles ou réseaux de connexion, par rapport à un objectif spécifique de
nature, généralement, institutionnelle ;
Il existe donc un courant de recherche qui vise à identifier les éléments, de tracer dans
le territoire des limites, des frontières, des seuils, à travers lesquels définir les objets
élémentaires du territoire en question. Dès que les unités élémentaires de base ont été
adoptées, en général les communes, on procède à :
- le calibrage et l'identification des seuils quantitatifs que ces critères doivent respec-
ter
Le but est de donner un nom précis et mesurable aux objets territoriaux et de découper
le territoire en objets élémentaires homogènes. Chaque découpage du territoire définit
des objets de ce type.
2. Le paysage institutionnel
Le "paysage institutionnel" est un système dynamique et symbolique qui se présente
soit en tant qu'appareil sémiotique soit en tant que modèle de phénomènes réels, de
nature sociale et économique, et modèle de genre de vie. La région est l'espace dans
lequel cette forme d'organisation sociale et économique, ce "genre de vie", se déploient.
Les données statistiques donnent un sens à la comparaison entre les différentes "cris-
tallisations" territoriales, leurs découpages, leurs zonages, et déterminent particularité
et homogénéité au travers lesquels se dessine la frontière toujours mobile et indéfinie
des processus réels (voir encadré).
Sont également examinés les aspects économiques ; dans ce cas, on voit émerger de
nouvelles définitions sur les "fonctions économiques". La région économiquement
spécialisée (le "District Industriel", par exemple) peut être interprétée comme une
forme d' homogénéité localisée. Son opposé, en termes économiques, peut être la région
fonctionnelle, qui définit sa propre identité économique dans un réseau ayant des
fonctions économiques distinctes et mutuellement nécessaires au développement. Le
développement des "réseaux de communication et des niveaux d'accessibilité" apparaît
donc déterminant. Enfin, tout autre apparaît la troisième modalité de développement
basée sur le concept de région polarisée, dans laquelle l'Aire Métropolitaine joue un
rôle particulièrement significatif en tant que centre moteur.
En dernier lieu, sont examinés les "services à la personne", les "travaux publics" et la
"gestion du territoire" ainsi que l'organisation propre de l'Etat, à savoir "défense,
sécurité et justice" et "comptabilité et finance".
Tout cela est présenté dans le travail multimédia que l'IRES-Piemonte a effectué sur la
géographie administrative de la Région Piémont. Les cristallisations institutionnelles
du territoire constituent, dans l'ensemble, une multiplicité complexe de perception de
l'espace régional, que nous avons tenté de restituer dans l'élaboration de l'hypertexte
"La Géographie Administrative du Piémont" et donc à travers des renvois et des "jeux
relationnels" entre les diverses répartitions.
L'espace socio-économique peut être pensé comme l'ensemble des relations que les
systèmes économiques et leurs acteurs établissent avec d'autres systèmes et avec
d'autres acteurs. Tout cela se produit sur un territoire qui n'est pas indifférent aux
dynamiques sociales, mais est plutôt modelé par celles-ci tout en gardant d'elles une
mémoire dans les découpages, dans les divisions administratives, dans les réseaux de
trafic, etc. Le territoire se structure suivant une pluralité de modes et en particulier
comme expression géomorphologique, comme contenu d'un plan, comme champ
dynamique de forces, comme ensemble homogène, comme champ normatif et admi-
nistratif.
Une troisième modalité est donnée par l'espace entendu comme champ dynamique de
forces. Il existe sur le territoire diverses attractivités, positives ou négatives, qui créent
des situations innovantes pour les acteurs socio-économiques. Le champ de forces peut
être représenté par des entités dynamiques, des pôles et foyers, des noeuds, d'où se
dégagent des forces centrifuges et vers lesquelles se dirigent des forces centripètes.
Même dans ce cas, les relations tendent à se structurer et à définir des frontières
territoriales particulières. Ainsi les Districts industriels de PMI, les Bassins de transport,
les Zones de destination des fonds structuraux CEE, c'est-à-dire les Aires de déclin
industriel (Objectif 2), etc., tous ces découpages expriment des relations et des actions
particulières, des connotations sociales et économiques particulières de domaines
territoriaux spécifiques qui varient dans le temps.
Une autre modalité de l'action territoriale fait référence à l'espace homogène. La région
homogène peut être entendue aussi bien au sens local - c'est le cas, par exemple, des
districts industriels des PMI ou bien de l'Aire métropolitaine, ou encore des Systèmes
locaux du travail (bassins d'emploi) - que dans le cadre d'objectifs relatifs à une large
étendue. C'est dans ce cadre que rentrent les tentatives de programmation des années
soixante et soixante-dix qui ont engendré les Bassins de vie, les Zones de vie et les plus
récentes Aires Programme.
De plus, l'espace socio-économique et territorial est un espace réglé par des normes.
Nombre de services qui se basent sur des valeurs sociales acquises et sur les droits sont
offerts par des établissements organisés territorialement. Le droit à la "santé", à la
"culture", à I "'habitation", etc. ne sont que certaines de ces normes sociales et, souvent,
en opposition à une rationalité économique rigide. En ce sens, les normes définissent
un cadre spécifique dans lequel l'action économique peut se structurer ; elles défendent,
à travers la "sécurité et la justice", des modes de vie acquis, des traditions, des valeurs
transmises, des goûts, qui structurent la société.
Il existe également une autre "cristallisation" du territoire qui tient à son histoire
administrative (Gambi L. e Merloni F, 1995) et qui s'exprime par les divisions
constitutionnelles du territoire national : départements, Régions et Communes, qui sont
les éléments de référence spatiale maximaux et minimaux de la recherche de l'IRES-
Piemonte.
Enfin, dans le sens spatial, le paysage administratif peut être organisé en trois typologies
qui sont respectivement les maillages, les zonages et les réseaux territoriaux.
Il est clair que cette procédure implique une analyse des propriétés définissant l'homo-
généité territoriale et cela entraînera des choix entre les infinis pré-requis possible. En
pratique : quelles sont les propriétés qu'il est nécessaire de fixer pour définir l'homo-
généité d'une région territoriale ? Combien de pré-requis est-il nécessaire de formuler ?
Ici le caractère objectif de l'analyse ne peut qu'intervenir avec les options subjectives
relatives dans le but de poursuivre, aux options politiques, aux possibilités et disponi-
bilité des données, etc.
En affirmant que "la région homogène (...) correspond à un espace continu dans lequel
chacune des parties constituantes, ou zone, présente des caractéristiques le plus possible
proches de celle de l'autre", Boudeville (1980) met en évidence l'impossibilité de
définitions précises et catégoriques et renvoie donc aux choix qu'on fait lors de la
détermination d'une découpage. Il en ressort que la "structure socio-économique et
administrative" ne définit jamais un ensemble précis ; de ce fait, les maillages, les
sous-ensembles et les réseaux dont on parle lorsqu'on définit un territoire se ressentent
de cette première condition.
Une seconde condition à prendre en considération est relative au fait que les limites
régionales, même institutionnellement bien déterminées, sont toujours susceptibles
d'évolution. Ce mouvement est un mouvement d'idées, d'organisation historique et
institutionnelle, de culture, de production et reproduction selon que l'on parle de régions
en sens historique, géographique, administratif, urbain, etc. Ce mouvement fait en sorte
que certaines répartitions disparaissent - c'est le cas des Zones de vie, par exemple - et
que d'autres naissent.
Au Piémont, dès le début des années soixante, on s'est sensibilisé à l'identification des
Bassins de vie, c'est-à-dire des systèmes territoriaux homogènes découpés afin d'ob-
tenir dans la région une distribution juste des ressources humaines et matérielles en se
centrant sur un bassin d'emploi autour d'un noeud urbain important. L'IRES travaillera
afin de réaliser cet objectif dans les années soixante et arrivera à proposer dans le
"Rapport de l'IRES pour le programme de développement du Piémont" de 1967,
l'articulation de la région en 15 Aires écologiques. Sur cette base méthodologique vont
Ces répartitions qui, à l'origine, ont été pensées comme axes de référence des politiques
de programmation se sont peu à peu dessinées dans leur être en tant que simples objets
administratifs, toutefois chargés d'attentes politiques excessives, d'une conception de
la gestion territoriale qui attribuait à l'instrument du plan et à la programmation
régionale des valences ne répondant pas aux possibilités réelles, aux instruments
effectifs, à la force des intérêts et des sujets qui agissent sur le territoire. De toute façon,
des répartitions de base demeurent, qui ont engendré, à travers leur subdivision dans
des cadres plus spécifiques, les Agences locales pour l'emploi, les Secteurs sanitaires
et bon nombre des répartitions qui figurent dans la Région.
Les villes apparaissent donc comme des objets qui ont en commun une série d'indica-
teurs mesurables. Le processus de classification qui, dans ce cas, caractérise un seul
sous-ensemble en opposant aux villes le reste du territoire (les non-villes) peut être plus
ou moins complexifié et définir des constantes diverses, clusters plus ou moins ouverts
ou flous (analyse fuzzy).
Un autre exemple à signaler est donné par la "cristallisation" statistique qui a identifié
des groupes homogènes dans les divers centres urbains. En Italie, l'ISTAT (ISTAT,
1986) a réalisé une classification des communes en quatre groupes à l'aide d'une
analyse en composantes principales, effectuée sur une douzaine de variables : densité,
taux d'activité, pourcentage de population active non agricole, pourcentage d'adultes
ayant le baccalauréat, taux de chômage, taille moyenne des familles, pourcentage
d'actifs occupés en dehors de la commune de résidence, proportion de logements en
180 Insee Méthodes n° 76-77-78
propriété, typologie des logements et nombre de téléphones par habitant. Le premier
facteur, définissant justement le degré d'urbanisation, a permis de distinguer 862
communes urbaines, regroupant 51 % de la population nationale et 10,7 % des com-
munes, 2815 communes semi-urbaines (23,7 % de la population et 34,8 % des commu-
nes), 2259 communes semi-rurales (6,8 % de la population et 27,9 % des communes)
et 2150 communes rurales (18,5 % de la population globale et 26,6 % des communes
totales).
Il existe des classifications similaires en France, où depuis 1962 l'Insee distingue les
"communes-centres" (villes isolées ou communes qui donnent le nom à une agglomé-
ration urbaine multi-communale), les "communes de banlieue", les "communes rurales
appartenant à des Zones de Peuplement Industriel et Urbain" et les communes rurales
en déclin ou en stagnation désignées comme "communes rurales profondes". En
Espagne et en Grèce, où on regroupe la population en zones urbaines (avec plus de
10000 hab), semi-urbaines (entre 2000 et 10000 hab.) et rurales. Aux Pays-Bas où on
classifie les communes comme rurales, rurales urbanisées, communes-dortoir et com-
munes urbaines, ainsi que dans d'autres pays avec des classifications parfois complexes,
comme le Danemark qui regroupe les communes en trois typologies et douze classes
selon la dimension du noyau urbain principal (Pumain D., 1991).
Les premiers, les réseaux à "hiérarchie déterminée", sont des systèmes territoriaux en
équilibre de type hiérarchique, dans lequel les relations entre les noeuds sont dissymé-
Les "réseaux équipotentiels" ne différent des réseaux multipolaires que par le fait qu'ils
ne sont pas sujets aux processus cumulatifs orientés à la spécialisation territoriale mais
sont à tendancielle indifférence de localisation.
- les politiques, qui nécessitent toujours de nouveaux découpages alors que la con-
naissance des anciens pourrait aider à en réduire la redondance et à se concentrer sur
certains d'entre eux. En effet, on pourrait définir des cas optimaux en regard des
divers thèmes et des diverses politiques à réaliser.
Toutefois, certaines questions restent ouvertes, à savoir celles relatives au rôle, désor-
mais dépassé ou en voie d'expiration après la constitution de l'Europe Unie, des régions
avec un statut spécial ou les questions relatives à l'harmonisation de la taille des Régions
(Pacini M. et al., 1993).
Ces questions requièrent des instruments et des moyens adaptés, tant législatifs que
financiers, qui vont au-delà de notre compétence. Avec notre travail, qui est une sorte
d'atlas multimédia de l'administration territoriale de la Région, nous avons tenté de
mettre en évidence les appartenances communes qui intéressent les différents bassins
de communes limitrophes et qui, souvent, sont là pour démontrer l'absence de fonde-
ment, le gaspillage et l'incohérence de quelques divisions qui forment la grille admi-
nistrative communale de la Région. Bon nombre de communes qui appartiennent aux
mêmes unités administratives dans chaque champ et secteur peuvent à notre avis
constituer des "réseaux locaux administratifs" et des services qui optimiseraient tant la
gestion que la fonctionnalité du service en question.
- provincial, qui n'est pas respecté par exemple pour les Secteurs Sanitaires, pour les
Districts Scolaires, pour le Système Bibliothécaire Régional, pour les Aires de
Gestion de la Construction Résidentielle Publique, pour les Aires de Préservation
du Patrimoine Boisé, pour les aires de District Industriel de PMI. On pourrait penser
qu'étant donné ces découpages de compétence de la région, il y a une intention
institutionnelle, mais alors comment expliquer les Tribunaux de compétence minis-
térielle, Ministère de la Justice ;
Enfin, le principe de coïncidence n'est pas respecté dans le cadre des politiques de
l'Union Européenne (même au niveau du découpage élémentaire communal : l'objectif
2 ne concerne qu'une partie de Turin) ; par conséquent, on est en dessous du NUTS5
qui est la base minimale UE. Cela en ce qui concerne la morphologie institutionnelle.
- et enfin, un secteur à faible impact opérationnel tant sur la demande que sur l'offre.
COLLECTIVUES LOCALES
••
MANA
SERVICES Ga,10N,
NATIONAUX: 417 ADMINISTRATIONS
NATIONALES :127
FAIBLE
IMPACT
OPERA-
MANAGEMENT ET TIONNEL
SERVICES GESTION, 458
RÉGIONAUX : 277 ADMINISTRATIONS
RÉGIONALES 74
ENSEMBLE ENSFMBLE
DEMANDES : 677 OFFRE.(GESTION) : 279
Thimatiques :
La géographie administrative régionale 187
BIBLIOGRAPHIE
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e relazioni n.2, Roma.
Pacini M. et a1.,1993, Nuove Regioni e riforma dello Stato, Fondazione Agnelli, Torino.
- des structures associatives porteuses de projets ruraux stimulés par les politiques
communautaires (Initiative communautaire Leader, Opérations locales agri-environ-
nementales).
Ce sont donc à l'heure actuelle quatre types de territoires de projet inter ou supracom-
munaux qui se superposent, s'emboîtent ou se chevauchent en Rhône-Alpes. (voir
cahier des cartes en couleurs, p.V, VI).
Pour être complet, il faudrait ajouter les espaces des associations et syndicats de
développement local, mais aussi ceux des nombreuses politiques sectorielles territoria-
Une nouvelle carte complexe émerge donc. Parmi les nombreux problèmes posés, deux
questions centrales sont examinées dans cette communication. Comment se construi-
sent ces territoires, autour de quel type de négociation sont-ils élaborés ?L'État. la
Région et l'Europe sont impliqués dans ces procédures. Un chef de file se dégage-t-il
pour tenter d'organiser et de coordonner les différentes initiatives ?
L'idéal type régional. Les seules règles imposées par la Région pour les périmètres
des nouveaux contrats globaux qu'elle propose sont celles du gabarit nécessairement
intercantonal, de la complémentarité ville-campagne, et de la continuité territoriale.
Mais les indications contenues dans le Schéma, puis les explications qui accompagnent
la mise en place du nouveau contrat, précisent le projet.
L'idéal type de l'État. Ici la notion d'idéal type est plus appropriée tant les différentes
explications et interprétations des textes (Avant projet du SNADT, textes de la mission
Pays de la Datar, ou du Sgar Rhône-Alpes pour application des politiques communau-
1. Constatation par le Conseil régional après un protocole particulier pour les parcs naturels régionaux et
pour les espaces de contrats globaux de développement. Constatation par les Commissions Départementales
de Coopération Intercommunale pour les Établissements Publics de Coopération Intercommunale à fiscalité
propre et pour les pays de la Datar. Constatation par les services de la Commission européenne des projets
territorialisés retenus par les États membres. Projets et territoires associés qui sont consignés dans les
programmes soumis à la Commission pour approbation et qui ont été élaborés à partir des objectifs ou des
"initiatives" communautaires (type Leader), ou enfin à partir du règlement des opérations locales
agri-environnementales.
Il y a d'abord ceux dont la cohérence est exclusivement politique, mais qui peuvent,
par là même, revendiquer une véritable volonté de travail en commun.
A une autre échelle, il est possible de lire certains périmètres de Contrats globaux de
développement comme l'extension du ressort de la collectivité territoriale d'un élu par
ailleurs parlementaire ou conseiller régional. Dans la plupart des cas, il ne s'agit
cependant pas d'un territoire politique au sens étroit du terme (espace de contrôle
politique où peut se déployer une politique clientéliste), mais davantage d'un espace
politique de démonstration. Démonstration de la capacité d'un élu à fédérer et à
promouvoir des projets d'origine différentes, et à s'entendre avec les élus représentant
192 Insee Méthodes n O 76-77-78
les communautés de base, la présence de plusieurs couleurs politiques étant alors plutôt
un avantage.
Cependant, les CGD, territoires politiques avant tout, sont également dans un certain
nombre de cas de véritables "pays-bassins" dont la cohérence spatiale est basée sur
la polarisation d'un centre ou l'existence d'un axe structurant et relève d'un modèle
spatial qui est également celui des pays voulus par la Datar. La dimension politique se
retrouve dans l'amputation de bassins constitués autour de villes moyennes : Annonay,
Roanne, Aubenas, Bourg-en-Bresse. Dans ces cas, l'amputation ou la subdivision s'est
opérée selon diverses modalités, mais elle a permis de se caler sur un gabarit conforme
3. CHAPPOZ Y., 1996, "Dynamique de l'action concertée et reconfiguration du jeu des acteurs. L'exemple
du contrat de développement économique du bassin de l'Ondaine", Revue de Géographie de Lyon 71 (3),
251-259.
4. VANIER M., 1995, "La petite fabrique de territoire en Rhône-Alpes : acteurs, mythes et pratiques" in
Les nouvelles mailles du pouvoir local, Revue de Géographie de Lyon 70 (2), 93-103.
5. GIRAUT F., 1996, "L'Ardèche méridionale aux prises avec ses pays" in IFRESI (Équipe "Discontinuités
et développement"), Pays, bassins de vie et discontinuités, Travaux et Documents du L.G.H. (série études)
13, 259-285.
Une autre famille de territoires de projet relève cette fois d'une cohérence spatiale basée
sur l'homogénéité du milieu et de ses problèmes de développement. On peut alors parler
de légitimation par une "logique de massif', qui n'est évidemment pas exclusive de
logiques politiques.
Certains CGD la revendiquent également, plutôt sur des vallées, mais ils ne recouvrent
pas alors exactement les périmètres spécialisés des contrats de rivière qui épousent les
limites des bassins-versants. En effet, les départements chefs de file des actions liées à
l'eau et au tourisme ne souhaitent pas mettre tous leurs ufs dans le même panier en
confortant les périmètres CGD.
Le noyau dur des CGD de vallées une fois identifié, les hésitations et la négociation
concernent les marges et notamment les débouchés dans les couloirs. S'expriment alors
les solidarités métropolitaines et agricoles, les aires urbaines de l'Insee pouvant prendre
une valeur de frontière (Saint-Perray et le district des deux rives rejoignent le pays
valentinois), ou au contraire s'effacer derrière les limites départementales (Tournon, la
sous-préfecture séparée du "Rovaltain", devient ainsi la tête de pont urbaine de la Vallée
du Doux).
Il en est même pour certaines limites de zonage de politiques publiques, surtout si elles
correspondent également aux limites de circonscriptions électorales. Les limites du
CGD de l'Ardèche rhodanienne méridionale correspondent ainsi au cumul des limites
cantonales, départementales, électorales et des politiques communautaires. Au sud,
elles opposent ainsi les cantons agricoles selon leur éligibilité aux aides, mais elles
coupent l'agglomération de Montélimar à l'est, et les gorges de l'Ardèche à l'ouest.
Si la cohérence par homogénéité du milieu est à l'origine des parcs naturels régionaux,
leur périmètre n'est pourtant pas si naturel et fait l'objet de négociations serrées, compte
tenu des contraintes urbanistiques supposées ou réelles que l'adhésion fait peser sur les
communes, et compte tenu de l'afflux relatif de financements que l'appartenance et le
label peuvent engendrer dans certains arrière-pays.
6. FRANCONIE M.-0., 1993, "Comment délimiter un Parc naturel régional ? L'exemple du futur Parc
naturel de Chartreuse", Revue de Géographie Alpine 81(1), 33-46. et LAJARGE R., 1997, "Environnement
et processus de territorialisation. Le cas du Parc naturel rgional de la Chartreuse", Revue de Géographie
Alpine 85(2), 131-144.
Il fait l'objet. d'une évaluation technique par les services de la Région après
validation d'un projet par des leaders politiques locaux. Sont alors concernés
un ensemble large d'entités intercommunales et les villes portes potentielles.
Les élus poussés par des acteurs locaux se positionnent par appropriation ou
rejet. C'est le temps des délibérations communales souvent difficiles et des
retraits nombreux.
4. Institutionnalisation
Drôme
I 1 District du Diois
E3 Cantons concernés par la procédure LEADER
Source: DDRD
LAMA.CNns
196 Insee Méthodes n° 76-77-78
Le PNR du Vercors8 se trouve paradoxalement reconnu institutionnellement avec
l'obtention de la coordination d'un programme, tandis que son périmètre est démantelé
par amputation de ses versants drômois. La partie iséroise (majoritaire) se retrouve ainsi
associée à l'ensemble du Sud isérois (Trièves et Matheysine), tandis que le Diois
s'autonomise à nouveau comme chef de file d'un territoire constitué des arrière-pays
du département et se débarrasse par la même occasion des tutelles de Crest et du parc.
Enfin, le Royans se retrouve annexé au plateau du Chambaran, ce qui est tout à fait
cohérent d'un point de vue économique et permet à cette entité de peser de quelque
poids face notamment au nouveau pays de Bièvre-Valloire qui englobe sa partie
septentrionale.
Où l'on voit donc poindre les effets des appartenances départementales et plus généra-
lement les stratégies de neutralisation ou de défense de frontières dans un jeu d'acteurs
territorialisés éminemment complexe.
D'un point de vue historique, la recherche d'un cadre territorial adapté à l'action
économique des institutions politiques et administratives est une constante en France
sous la cinquième république. Comme le souligne François d'Arcy, deux logiques se
sont combinées, à partir de la fin de la quatrième République, pour transformer
l'administration territoriale : une logique économique, présente surtout dans les années
soixante, et une logique administrative qui prévaut dans les années soixante-dix, et
enfin, toujours de manière implicite, une logique politique9. Cette constante remonte
même à la Révolution française, et se distingue par un conflit latent entre l'État et des
8. GERBAUX F. et PAILLET A., 1996, ""Les pays" : entre politique, secteur et territoire" in Le pays :
échelle d'avenir pour le développement territorial ?, Montagnes Méditerranéennes 3, 49-54.
9. D' ARCY F., 1997, Les institutions politiques et administratives de la France, Paris : Economica.
10. DEYON P., 1995, L'État face au pouvoir local, un autre regard sur l'Histoire de France, Paris :
Éditions locales de France.
1 I . DEYON P, op. cit.
12. GAUDIN 1.-P., 1996, Les politiques urbaines, Paris : PUF (Que sais-je?).
13. MULLER P., 1992, "Le modèle français d'administration face à la constitution d'un espace public
européen" in L'administration Française est-elle en crise ? , Paris : L' Harmattan.
14. DELCAMP A., 1997, "La coopération intercommunale en Europe", in L'intercommunalité, bilan et
perspectives, CURAP, Paris : PUF, pp. 91-112.
15. SMITH A., "La Commission, le territoire et l'innovation : la mise en place du programme LEADER"
in Les politiques publiques en Europe , Muller P., Mény Y. et Quermonne J.-L. (dirs.), Paris : L'Harmattan.
La gestion des crédits européens n'a pas conduit à une véritable reprise en main étatique.
En effet, il ne semble pas que le rôle des services régionaux s'inscrive dans le cadre
d'une expertise intellectuelle mais dans celui plus limité d'une ingénierie financière des
dossiers européens. Cette tâche les cantonne à gérer (contrôler la légalité et la conform-
ité des dossiers, ou assurer les relations d'interface) et non à penser les découpages ou
tracer les lignes d'une politique liée à ces crédits dans le cadre national ou même
régional.
Enfin, se pose la question de la pertinence des contrôles exercés par les services de l'État
sur les politiques économiques. Le manque d'expertise du point de vue de la compta-
bilité des activités privées pour évaluer les programmes de développement économique
de ces projets de territoire est un handicap certain. Par exemple, les services des
trésoriers payeurs généraux sont-ils armés pour expertiser les projets de développement
économique des entreprises privées qui proposent des actions dans le cadre d'un contrat
global de développement ?
- la vision et donc les pratiques très sectorielles qu'elles conservent limitent leurs
interventions. Notamment le partage trop rigide du territoire entre rural et urbain,
qui est toujours privilégié, n'est plus judicieux ;
Le Conseil régional ne sort-il pas en définitive "chef de file" d'une opération de maillage
de son territoire grâce au rôle charnière qu'il est amené à jouer ? Au départ le président
du Conseil régional de Rhône-Alpes avait accompagné le souhait de construire de
nouveaux maillages par une volonté politique forte. Cette intention concrétisait une
série de réflexions alimentées par plusieurs études18. Un rapport de travail pour
promouvoir de nouveaux bassins de vie et de proximité fut notamment à la base d'une
refonte de son intervention, abandonnant les contrats sectoriels, pour une intervention
"globale et intersectorielle".
Mais le rôle charnière du Conseil régional joue parce que les crédits des contrats
globaux de développement servent de contrepartie régionale aux financements issus
des fonds structurels communautaires au titre des interventions locales en zones rurales
fragiles ou en zones de reconversion industrielle. Ainsi l'approche européenne et
l'approche régionale se conjuguent. Quant à la concurrence entre l'initiative des
contrats globaux et la politique des pays menée par la Datar, une convergence apparaît.
L'État s'est finalement rallié au moule régional en retenant l'ensemble des périmètres
de CGD comme pays "en voie de constatation" par les commissions départementales
de coopération intercommunale (CDCI).
Chaque contrat met donc en avant ses propres priorités à partir de ses points forts. Le
niveau supracommunal peut ainsi se voir confier la question industrielle, ou celle du
tourisme, ou encore des services, tandis que l'intercommunalité de base sera dans ces
domaines cantonnée dans un rôle d'exécutant, les communes étant alors définitivement
marginalisées.
Ainsi les frontières, très fortes jusqu'à ces dernières années, entre l'économique et le
politique25 s'estompent quelque peu avec ces initiatives qui visent à réarticuler l'éco-
nomique et le politico-administratif. Cependant, la réticence des agents économiques
est vive face à des projets caporalisés par le politique.
En résumé, les enjeux qui sont au cur des négociations des nouveaux maillages
s'organisent autour de trois questions :
21. CHAPPOZ Y, 1997, "Les clubs et réseaux d'entrepreneurs : espace de formation de relations de
proximité, le cas du club des entrepreneurs de l'Ondaine" in Colloque Proximité et coordination économique.
22. (GANNE B., 1996, Pays, PME et nouvelles territorialités, Vers de nouveaux modes d'action publique ?,
Programme DATAR, GLYSI.
23. LAJARGE R., op. cit.
24. GERBAUX F. et PAILLET A., op. cit.
25. "Rares sont les entités politiques qui exercent réellement des compétences économiques" (GANNE B.,
op. cit.,p. 37)
2. Face aux pressions des municipalités, le Gouvemement va réduire le nombre de quartiers et donc de
conseillers municipaux qu'il avait d'abord prévu dans son projet de loi ; pour les municipalités de 10 000 à
100 000 habitants, le nombre autorisé d'abord fixé entre 16 et 20 va être ramené entre 12 et 16. L'opération
de définition des quartiers à Sainte-Foy a été analysée par l'auteur dans deux articles parus dans «Les Cahiers
de géographie du Québec» : «Pouvoir municipal et développement urbain : le cas de Sainte-Foy en banlieue
de Québec», décembre 1981 ; «La restructuration des quartiers de Sainte-Foy et le rôle du géographe»,
septembre 1982.
3. Requête au ministre responsable du développement des régions, monsieur Guy Chevrette pour la création
d'une nouvelle région administrative. Comité chargé de l'étude d'une nouvelle région administrative 04-sud,
1 1 juillet 1996. À partir de l'ancienne région Mauricie-Bois-Francs se créent les régions de Mauricie au nord
du fleuve et Centre du Québec au sud.
Fig.1
La mosaïque territoriale de la région de Montréal
VAL
nictelite, IVIRC,régle
.JIONTE4FIÉGIE
M.R.C. DE BEALII-1ARNOleSki:ABERRY
4. Ces banlieues constituent le poids démographique majeur de leur région respective. Celles de la couronne
sud, avec plus de 700 000 habitants, représentent 57% de la population de la Montérégie, les banlieues de la
couronne nord, avec près de 500 000 habitants, représentent 56% de la population de Lanaudière (plus de
200 000 habitants) et 66% de la population des Laurentides (près de 300 000 habitants).
5. À partir du ler janvier 1998, malgré un référendum où le non à la fusion l'a emporté largement, les 6
municipalités de Toronto (654 000 habitants), North-York (590 000), Scarborough (549 000), Etobicoke
(329 000), York (147 000) et East-York (108 000 habitants), n'en feront plus qu'une. Suite à l'élection
récente, c'est l'ancien maire de la plus importante ville de banlieue (North-York) qui devient le maire de la
nouvelle ville de 2,4 millions d'habitants.
6. Pour un redressement durable, plan stratégique du Grand Montréal, gouvernement du Québec, Comité
ministériel permanent de développement du Grand Montréal (CMPDGM), 70 pages. Le territoire du
CMPDGM regroupe 3,2 millions d'habitants : 1,8 pour la CUM et 1,4 pour les MRC périphériques.
7. Montréal, une ville-région, Groupe de travail sur Montréal et sa région (rapport Pichette), décembre 1993,
147 pages.
8. Coopération et concurrence, stratégies et pratiques d'organisation municipale dans la région
métropolitaine de Montréal, C. Dubuc, A. Dupré, P. Letartre, D. Pichette, P. Prévost, Guérin éditeur, 1996,
360 pages (voir pp. 93-94).
Ce qui est vrai pour Montréal l'est aussi à des degrés divers pour les autres agglomé-
rations du Québec qui n'ont pas su créer de modes de fonctionnement à l'échelle de
leur espace urbanisé et des problèmes qui s'y posent.
À Trois-Rivières comme à Sherbrooke, ce sont les MRC qui tentent de donner une
certaine unité territoriale à l'agglomération, mais aucune d'entre elles ne correspond à
la délimitation de celle-ci, telle que définie par le recensement (RMR). À Trois-Rivières,
l'agglomération s'étend sur deux parties de MRC, de chaque côté du fleuve, incorporant
des villages et des parties rurales de l'est de Bécancour, alors que Nicolet, petite ville
1 97T.
Dans l'Outaouais, après l'échec de la fusion entre Hull, Aylmer et Gatineau en 1991,
la Communauté régionale de l'Outaouais (CRO) créée en )970 se divise en deux
entités : la communauté urbaine de l'Outaouais (CUO), partie urbanisée étirée le long
de la rivière et la MRC des Collines de l'Outaouais, partie rurale qui l'encadre au nord
et à l'Ouest (figure 5). Dans cette agglomération, la combinaison de l'évolution
démographique de type banlieue et la fusion dans les années 70 de sept municipalités
ont contribué au fil des années à faire de Gatineau une ville de 100 000 habitants
dépassant largement la ville-centre (Hull), peuplée de 60 000 habitants. Cette évolution
crée des rapports de force nouveaux au sein de la communauté urbaine. Le territoire de
celle-ci, restée à l'étroit dans ses limites, correspond exactement à celui de la circon-
scription électorale provinciale, alors qu'à l'est et à l'ouest d'autres circonscriptions se
partagent les banlieues ; un tel schéma contribue à accroître l'opposition entre celles-ci
et la ville-centre. Dans l'est de la CUO actuelle, des fusions municipales ont été
reconsidérées : en 1980, on a démembré le territoire de Buckhingham, formé en 1975
par la fusion de 8 municipalités, pour en reconstituer 4.
9. La carte touristique 1996-1997 de la région réunit cet ensemble sous l'appellation «Trois-Rivières
métropolitain, Bécancour, Nicolet».
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Fig.4
L'agglomération de Sherbrooke
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Fig.5
L'agglomération de Hull
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Limite municipale
P901" Limite des MRC
Clmonscrlpilon électorale provinciale 101.
engem= Limite do lo Conenunaula urbaine de l'Ouraouars
La désignation même d'une entité territoriale met aussi en cause l'identité attachée à
celle-ci. Le même nom peut désigner en effet des territoires différents selon qu'il s'agit
d'une MRC, d'une circonscription électorale ou d'une commission scolaire. C'est le
cas par exemple à Montréal, où le nom d'un quartier est souvent celui d'un district qui
Dans les années 60, les services municipaux distinguaient deux parties : Limoilou-est
et Limoilou-ouest. Par la suite, à fins d'aménagement et d'urbanisme, cet ensemble est
divisé en trois parties (Maizerets, Lairet et Vieux-Limoilou) ; il a aussi été découpé en
7 secteurs, puis en 6 aujourd'hui, pour l'élection d'autant de conseillers municipaux,
dits conseillers de quartiers. Limoilou désigne aussi une circonscription électorale
provinciale qui s'étend largement plus à l'est au delà du quartier du même nom sur une
partie de la municipalité adjacente de Beauport. Un petit secteur est même rattaché à la
circonscription voisine de Vanier ; celle-ci comprend la municipalité du même nom, à
laquelle s'ajoute un territoire beaucoup plus vaste appartenant à la ville de Québec suite
aux annexions des années 70.
10. Une ville sur mesure, plan directeur d'aménagement et de développement de la Ville de Québec, 1988,
260 pages.
1 1. Les réactions sont vives ; voir les articles de Vincent Cliche dans Le Soleil, 27 octobre 1993 («La CECQ
lorgne le quartier Lebourgneuf : une guerre de dessine è l'horizon») et 28 octobre 1993 («Volonté de la CECQ
d'annexer le quartier Lebourgneuf : colère de la commission scolaire de Charlesbourg»).
Les découpages territoriaux ne sont pas sans impact sur les formes prises par l'urbani-
sation. Les municipalités ayant annexé des territoires périphériques y développent des
secteurs résidentiels qui, par la suite, réclament services et équipements, même si
ceux-ci existent souvent dans une municipalité voisine toute proche restée autonome et
autour de laquelle ces secteurs s'étaient greffés.
Fig. 6
L'agglomération de Hull
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Clrconscrinnon moctorsie prwlnclalo Limite municipal*,
Dans toutes les agglomérations, les exemples ne manquent pas de boulevards inachevés
ou détournés, car il butent ou ont buté ici ou là sur des limites municipales12. On peut
Fig.7
Greffes résidentielles
,EC
009
Zone activités
Base de plein air 'nu
i
AINTE-FOY
Zones urbanisées
12. Dans son livre sur Montréal paru en 1965, La bataille des annexions, Éditions du jour, 213 pages, Roger
Bédard signale que «de grands boulevards s'arrêtent en cul-de-sac aux frontières de banlieues récalcitrantes»
(page 81).
Fig.8
Municipalités enclavées
13. « La politique municipale du chacun pour soi : la déhiérarchisation du réseau de voirie », pages 441-454,
Essai de géopolitique urbaine et régionale. F. Hulbert, éditions du Méridien, 1994, 654 pages.
Fig. 9
Fleurimont : des morceaux de banlieue à la recherche d'un centre
Conclusion
Le problème des découpages en milieu urbain pose la question de savoir comment
recoller les morceaux éparpillés des agglomérations. Comment repenser le découpage
de l'espace ? Les agglomérations urbaines sont pour l'essentiel construites à partir d'un
218 Insee Méthodes n° 76-77-78
découpage territorial qui précédait l'urbanisation, même si celui-ci a pu être à l'occasion
modifié.
Avant de s'engager dans une réforme territoriale, il paraît nécessaire de définir claire-
ment les objectifs visés pour envisager une construction géopolitique plus stable. Nous
sommes en présence d'un vaste projet mobilisateur possible pour les populations
concernées ; celui-ci exige une entreprise d'explication auprès des citoyens et leur
participation active.
Il n'y a pas de découpage idéal. Il n'en demeure pas moins que des formes d'occupation
de l'espace et du cadre bâti, des continuités et des discontinuités dans l'urbanisation,
des zones de déplacements quotidiens des personnes et des zones d'accès à des services
et équipements peuvent être délimitées et servir de base à une certaine recomposition
géopolitique des agglomérations. Un tel exercice appliqué à Québec découperait
l'agglomération en une vingtaine d'entités soit la moitié du nombre actuel de munici-
palités. De plus la communauté urbaine pourrait étendre son territoire en particulier sur
la rive sud, où la population a doublé en 25 ans, passant de 60 000 à plus de 120 000
habitants. Ce faisant, la région devrait retrouver son unité passée, comme cela a été
recommandé à plusieurs reprises par différents intervenants au fil des années.
À Montréal, les banlieues des deux régions (Laurentides et Lanaudière) se sentent loin
de Montréal et de ses problèmes. Dans l'état actuel des choses, elles refusent plus ou
moins toute collaboration véritable avec le reste de l'agglomération. Il en va un peu de
même des parties sud et nord-est. Par contre la ville de Laval au nord et la MRC de
Champlain située sur la rive-sud, mais proche du centre-ville de Montréal avec la ligne
de métro qui y conduit, se sentent plus pleinement appartenir à l'agglomération. On
peut ainsi définir un centre urbain qui polarise l'organisation de la métropole ; ce coeur
urbain de Montréal ne correspond pas à la CUM, car il s'étend plus sur un axe nord-sud
de Laval à Longueuil (MRC de Champlain) que sur l'axe traditionnel est-ouest qui
définit la CUM actuelle. Partir des acquis, des espaces vécus et des réalités géopolitiques
permet de constituer une unité urbaine forte ; elle est formée d'un pôle majeur, Montréal
et la CUM, où les villes composantes sont déjà habituées à collaborer depuis de
nombreuses années (1,8 million d'habitants) et deux pôles secondaires, Laval (335 000
habitants) et la MRC de Champlain (330 000 habitants). Cet ensemble regroupe près
de 2,5 millions d'habitants et pourrait même dépasser ce chiffre si on y ajoutait quelques
municipalités adjacentes de la rive sud ayant facilement accès à Montréal par les ponts,
le métro et les bus.
Sur le plan politique, la nomenclature NUTS a connu un grand essor puisque cette
classification a été partiellement retenue à des fins de politique régionale. En effet,
depuis 1989, cinq objectifs forment la trame de l'encouragement au développement
régional ; en 1996, une sixième clause a complété cette politique. Quatre de ces
objectifs se réfèrent au moins partiellement à la régionalisation mentionnée, tandis
que d'autres mesures s'adressent à l'ensemble du territoire de l'UE. Le but 1, qui
encourage le développement et l'adaptation structurelle des régions les moins
développées, a pour cible les régions NUTS II, tandis que les régions NUTS III
servent en principe aux objectifs 2, 5b et 6, à savoir la reconversion des régions
gravement touchées par le déclin industriel, l'encouragement du développement
dans les zones rurales et dans les régions à densité de population extrêmement
faible.
La Suisse, en tant que non-membre, n'est pas impliquée dans la politique régionale de
l'Union, mais elle reste officiellement aussi absente de la statistique régionale comparative.
Pourtant, à travers des accords entre les pays de l'UE et de l'AELE, la collaboration
statistique a été assez largement développée. Une régionalisation en sept unités vient
d'aboutir, dont les débuts remontent à la fin des années 80.
1.Cette partie de l'article est développée à partir de Schuler, Martin, Le système statistique régional européen,
in : Vie économique, 10/94, p.30-38.
2. "Régions de programme" en France, "Regioni" en Italie, "Provincies" aux Pays-Bas, "Provinces" en
Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg ainsi que les "Regierungsbezirke" des "Linder" allemands ; il
faut préciser qu'en Allemagne ces derniers ne représentent pas des unités spatiales statistiques privilégiées,
et qu'ils ne font pas office non plus de régions d'aménagement, mais qu'ils présentent des structures
semblables aux autres unités quant à leurs dimensions spatiales.
3. Eurostat, Annuaire de statistique régionale 1971, p. Il.
- prise d'appui sur des entités territoriales institutionnelles pour des raisons pragma-
tiques liées à la production des données et à des considérations relevant de la
politique (régionale) ;
pour chaque État une solution individuelle lors du choix des régions "institutionnel-
les" à retenir sur les divers niveaux : la ou les unités institutionnelles déterminantes
dans les divers États peuvent se situer sur n'importe quel niveau NUTS. Les
agrégations ou les subdivisions effectuées ne doivent - comme indiqué - pas
forcément correspondre à un échelon politiquement significatif6.
Par la suite, ces caractéristiques sont restés les éléments porteurs de la régionalisa-
tion-NUTS au moment de l'introduction de niveaux spatiaux supplémentaires, en
particulier lors de l'application de la nomenclature aux États nouvellement entrés
dans l'Union.
4. Suppression de cinq "Regierungsbezirke" allemands et création d'un Regierungsbezirk dans le sillage des
réformes territoriales des années 70. En 1986, les polders du Flevoland se sont constitués comme douzième
province des Pays-Bas. En France, les départements d'outre-mer (DOM) ont été pris en considération.
5. La systématique de la NUTS a connu une seule exception à cette règle : en Belgique, la province de Brabant
(NUTS 2), a été subdivisée en trois sur l'échelon supérieur (la région bruxelloise ainsi qu'une partie flamande
et une wallonne). Avec l'actualisation de 1995, ce cas particulier a disparu avec la création de trois régions
NUTS 2 dans le Brabant.
6. Un certain nombre de régions n'ont été délimitées explicitement que pour les besoins de la CE, comme
les regroupements régionaux en Grèce, en Italie et en Autriche sur le niveau NUTS 1, les "groups of counties"
britanniques et les regroupements de provinces en Finlande et en Suède (NUTS 2), ainsi que les districts
autrichiens (NUTS 3).
Le tableau 1 reprend les trois niveaux supérieurs de la régionalisation NUTS pour les
15 pays en mars 199510.
Dans les lignes qui suivent, nous esquissons l'activité d'Eurostat en liaison avec
l'application de la systématique-NUTS dans le contexte institutionnel et poli-
tique dans un choix de pays ; nous ne traitons que les États de taille plus petite,
comparables avec la Suisse sur le plan de la régionalisation. Nous nous appuyons
en particulier sur des entretiens que nous avons menés avec les responsables de
7. Cf. les documents de la journée de travail du 29.10.1993, à Luxembourg, sur l'"European infra-regional
Information System", ainsi que les deux volumes d'Eurostat, Proceedings of the Seminar on Regional
Statistics, Baden, 1996, Luxembourg, 1997.
8. N.U.R.E.C., Atlas of Agglomerations in the European Union, 3 volumes, Duisburg, 1994, ainsi que Pumain
Denise et al., Le concept statistique de la ville en Europe, Eurostat, 3 E, Luxembourg, 1992.
9. Eurostat, Study on Employment Zones, Document /LOC/20, Luxembourg, avril 1992.
10. Eurostat, Régions, Systématique des unités territoriales NUTS, Luxembourg, mars 1995.
224 Insee Méthodes n° 76-77-78
Tableau 1
Délimitations-NUTS actuelles des quinze États de l'Union européenne
Danemark DK DK 15 Amter
96 Départements
France 8 Z.E.A.T. + 1 DOM 22 Régions + 4 DOM + 4 DOM
8 Regional Authority
Irlande IRL IRL Regions
30 Grupos de
Portugal 1 Continente + 2 RA 5 Comissaoes + 2 RA Concelhos
65 Counties/Local
Grande-Bretagne 11 Standard Regions 35 Groups of counties authority reg.
11. Nos interlocuteurs ont été, en 1990, Hubert Charlier, Joachim Recktenwald et Michel Tillieut, et, depuis
1994 Yves Franchet et Fausto Cardoso. 1994 Yves Franchet et Fausto Cardoso.
12. Pour la rédaction de ces petites monographies, nous nous sommes référés aux annuaires statistiques des
pays traités et aux lexiques encyclopédiques usuels et aux deux ouvrages suivants :
- Mény, Yves, La réforme des collectivités locales en Europe, La Documentation française, Paris, 1984.
- Bennett, Robert (ed.), Territory and Administration in Europe, Pinter Publishers, London and New York,
1989.
- Assemblée des régions d'Europe, Etude comparée des statuts et compétences des régions en Europe,
Strasbourg, mai 1989.
À défaut de régions institutionnalisées, l'on recourt, pour le niveau NUTS 2, aux cinq
"comissaoes de coordenaçao regional" ainsi qu'aux deux régions autonomes (insulai-
res) en tant qu'organes périphériques de l'administration centrale. Pour le niveau 3, on
a constitué un regroupement des "concelhos" en trente unités, procédé qui semble avoir
gagné en signification au Portugal même. Toutes les régions portugaises ont droit au
soutien financier européen selon le but 1.
3. Synthèse
L'histoire de la régionalisation statistique NUTS montre le succès et l'ambiguïté de ce
processus dynamique. Conçu comme outil d'observation statistique, il démontre dès le
départ les difficultés de relier les intérêts de production d'information avec des exigen-
ces conceptuelles, à savoir trouver des unités comparables et obéissant aux mêmes
critères de définition. Si, dans les années 70, les responsables d'Eurostat se sont excusés
de ne pas avoir trouvé une solution idéale, les contraintes se sont multipliées par la
suite : par l'introduction de niveaux hiérarchiques supplémentaires, par les considéra-
tions et les particularités des nouveaux pays membres et surtout par l'impact croissant
de la politique régionale de l'Union. Pourtant, la trame initiale a été largement
maintenue et la systématique NUTS et même la délimitation de la plupart des région
n'ont pas subi de changements.
228 Insee Méthodes n° 76-77-78
4. Implications du système-NUTS pour la Suisse
Ainsi, le débat sur la régionalisation, qui, en Suisse, se situait traditionnellement sur le niveau
"microrégional", c'est-à-dire entre les cantons et les communes, a changé d'échelle pour se
déplacer vers le niveau "macro", à savoir supracantonal. Il est d'ailleurs intéressant de
noter que la Suisse est le seul pays européen qui n'ait connu de réforme institutionnelle
ni au niveau local .15 ni à l'échelle régionale. Cette stabilité est d'autant plus surprenante
14.Quelques ouvrages choisis dans l'abondante littérature consacrée à la situation récente de la politique
régionale en Suisse :
- OCDE, Les problèmes régionaux et les politiques régionales en Suisse, Paris, 1991.
- OFIAMT, EG/CE 92, Neue Anforderungen an die Regionalpolitik ?, Berne, 1991 (Beitrâge zur
Regionalpolitik Nr. 2).
- Société suisse d'études pour l'Organisation de l'Espace et la Politique Régionale (OEPR), A l'heure de l'Europe
de 1993 : Propositions pour une approche stratégique de la politique régionale en Suisse, Lang, Berne, 1992.
- Thierstein, Alain et Urs Karl Egger, Integrale Regionalpolitik, Riiegger, Coire et Zurich, 1994.
- Office fédéral de l'aménagement du territoire, Grandes lignes de l'organisation du territoire suisse, Berne, 1996.
15. Le nombre de communes a diminué légèrement depuis 1850 (3 205) : il s'élevait à 3 157 en 1910 et à
3 021 en 1990. En 1998, la Suisse compte encore 2 915 communes.
Au moment de son essor dans les années 60 et 70, le mouvement régionaliste n'a touché
la Suisse que dans le cadre du conflit jurassien (qui a abouti à la création du nouveau
canton en 1978). Ailleurs, la structure fédéraliste du pays a été un garant suffisant pour
la sauvegarde de la spécificité culturelle de ses diverses parties. C'est sous une forme
nouvelle que l'on voit émerger depuis peu un régionalisme d'un autre type, situé à plus
grande échelle. Il se présente sous diverses facettes parmi lesquelles le facteur linguis-
tique est le plus actif. Ce dernier s'exprime avant tout à travers les tensions entre Suisse
romande et Suisse alémanique résultant de la question de l'ouverture du pays (et pas
seulement en regard de l'Europe) ; l'antagonisme ville-campagne, de même que les
formes de collaboration à vocation économique au sein de "macrorégions", parfois
transfrontalières, sont d'autres composantes de ce phénomène.
il faut constater en premier lieu que les implications économiques sur la régionali-
sation retenue devraient être faibles. Même si, pour le moment, les calculs nécessai-
res du revenu régional moyen par tête ne sont pas encore être établis pour les régions
suisses, il est fort probable que peu d'entre elles atteindraient un chiffre inférieur au
seuil fixé à 75 % du revenu par tête moyen de l'Union européenne nécessaire pour
l'obtention de fonds de soutien16. Ainsi, la Suisse est probablement peu soumise -
comme c'est le cas pour plusieurs autres pays - à la tentation d'entreprendre une
régionalisation selon des critères de maximisation des subventions ;
à l'inverse, les régions suisses pourraient fort bien se profiler comme partenaires
dans le cadre de la collaboration interrégionale ; on songe en premier lieu aux
cantons 17 , bien que, dans le cadre de la collaboration transfrontalière ou de la
représentation à Bruxelles, on puisse aussi imaginer des regroupements cantonaux ;
16.En 1995, le PNB par tête a atteint 15225 ECU dans l'Europe des 15 et 25154 ECU en Suisse, cf. Eurostat,
Volkswirtschaftliche Gesamtrechnung, ESVG, Aggregate, 1970-1995, p.69.
17.Conseil fédéral, "Rapport sur la coopération transfrontalière et la participation des cantons à la politique
étrangère", Berne, 7 mars 1994.
Les solutions préconisées par les pays fédéralistes placeraient les cantons sur le niveau
NUTS 1 (Allemagne) ou 2. Suivant le modèle autrichien, les "macrorégions" seraient
constituées à partir d'un regroupement de cantons, alors que le modèle belge opérerait
selon les régions linguistiques. En toute logique, le niveau 3 devrait être formé par les
districts ou par des regroupements de ces derniers. Pour des raisons tenant à la taille
des cantons et des districts, ces approches ne seraient absolument pas compatibles avec
la systématique NUTS.
Si la Suisse appliquait le " modèle " elle devrait situer ses 26 cantons (ses 4 régions
linguistiques ; ses 7 grandes régions ; ses 184 districts, voire des regroupements ad hoc)
aux niveaux suivants :
Les "modèles" des États centralisés placent les cantons sur le niveau 3. Suivant l'optique
irlandaise, la Suisse resterait indivise sur les niveaux 1 et 2, selon (l'ancien) modèle
adopté au Danemark seulement sur le premier, alors que le second serait constitué par
des "macrorégions". Les formules grecque et finlandaise impliqueraient des regroupe-
ments cantonaux tant pour le premier que pour le second échelon selon une logique
plutôt fonctionnelle ou culturelle. Enfin, suivre le modèle portugais signifierait s'ap-
puyer sur des regroupements de districts.
18.Office fédéral de la statistique, Einteilung der Schweiz in Grossregionen, décembre 1989 (document inteme).
19. Première publication dans l'Annuaire statistique de la Suisse 1990, puis dans les fascicules relatifs au
recensement fédéral de la population de 1990.
Les réponses furent très partagées : la variante "alpine" a obtenu l'accord de la plupart
des répondants fédéraux, tandis que cette solution a été refusée catégoriquement par les
cantons et notamment par les cantons concernés. La région alpine a d'ailleurs été
assimilée à l'aire que revendiquait l'Italie fasciste lors d'une proposition de partage de
20. C'est ainsi que le canton de Zoug, situé dans les sphères d'influence de Zurich et de la Suisse centrale,
a été attribué à cette demière suite à des considérations historiques et culturelles ; de même le canton du Jura
a été rattaché à la Suisse occidentale et non à la Suisse du nord-ouest, et Glaris à la Suisse orientale et non à
la Suisse centrale.
21. Assemblée annuelle de l'Union des Offices Suisses de Statistique, cf. Forum Statisticum, 31, décembre
1992, et plus particulièrement l'article de Werner Haug, "Statistische Regionen (NUTS) für die Schweiz,
Vorschliige und Implikationen", pp. 39-52.
22. Commission européenne, Eurostat, Portrait des Régions, Tome 4, Luxembourg, 1996. Dans cet ouvrage,
la Suisse n'apparaît qu'en tant que pays.
Les instances chargées de traiter ce dossier ont accepté de suivre les demandes qui ont
émané des cantons, ce qui a impliqué l'élaboration d'une nouvelle régionalisation en
tenant compte du fait que les cinq cantons de l'Espace Mittelland avaient appartenu à
deux régions différentes. En plus, étant donné que le concept de l'Espace Mittelland se
veut expressément transculturel, l'optique même de la régionalisation a dû être révisée.
L' impact le plus direct sur la régionalisation s'est fait en Suisse romande où les cantons
de Vaud, de Genève et du Valais devaient former une unité à eux seuls.
Légende
Al Appenzell Rhodes-Intérieures NW Nidwald
AG Argovie OW Obwald
AR Appenzell Rhodes-Extérieures SG Saint-Gall
BE Berne SH Schaffhouse
BL Bâle-Campagne SO Soleure
BS Bâle-Ville SZ Schwytz
FR Fribourg TG Thurgovie
GE Genève Tl Tessin
GL Glaris UR Uri
GR Grisons VD Vaud
JU Jura VS Valais
LU Lucerne ZG Zoug
NE Neuchâtel ZH Zurich
Le processus de régionalisation 235
6. Les prises de position des cantons en 1997
Lors de cette consultation, les cantons étaient invités à se prononcer sur le projet de
régionalisation et sur le rattachement de leur canton à une région donnée et à faire
éventuellement d'autres propositions. Nous citons quelques-unes de leurs remarques
afin de montrer les intérêts et considérations exprimés26'
Tous les cantons, à l'exception d'un seul, ont répondu à l'invitation de la Confédération,
et la plupart d'entre eux ont exprimé un vif intérêt pour la question. La majorité a non
seulement approuvé l' idée de créer des régions du territoire national, mais aussi le projet
même de subdivision ainsi que le rattachement proposé pour leur canton. Pourtant, les
cantons retenus pour constituer la région de Suisse septentrionale (Zurich, Argovie,
Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Schaffhouse) se sont opposés au découpage prévu dans leur
cas. Après entente avec le canton d'Argovie, le seul à soutenir cette régionalisation, il
a été décidé de subdiviser la Suisse septentrionale en deux unités (Zurich seul ; Argovie
et les deux Bâle ensemble et attribution du canton de Schaffhouse à la Suisse orientale).
Les remarques des cantons expriment d'abord un soutien au projet statistique de cette
régionalisation. En effet, la régionalisation devrait apporter un certain gain d'information à
l'intérieur même de la Suisse, surtout grâce à la possibilité d'opérer des échantillonnages
régionaux. Le canton d'Obwald approuve "la proposition de combler, grâce à ces
régions, la lacune qui existe, dans le domaine de la statistique, entre le niveau du canton
et celui de la Confédération". Le Canton du Valais "a pris connaissance avec intérêt du projet
de constitution de régions du territoire national à des fins de comparaison dans le
domaine de la statistique", ou encore "la création de régions statistiques correspond à
un besoin impérieux" (Genève) ; quant au Tessin, il dit avoir étendu la consultation à l'ensemble
de l'administration cantonale, compte tenu de l'importance politique du projet.
26. Office fédéral de la statistique, Rapport présentant les résultats de la procédure de consultation de 1997
sur les régions du territoire national, Conférence de presse, janvier 1998.
7. Considérations finales
La régionalisation au niveau supracantonal en Suisse est le fruit d'intérêts différents :
comparabilité statistique et organisation de quelques enquêtes en ce qui concerne les
intérêts "technocratiques" internes, mais aussi intégration dans le système de la statis-
tique régionale européenne. En outre, les processus économiques en cours favorisent
l'émergence d'entités spatiales de plus grande taille. Ces considérations ont amené la
statistique suisse à se pencher sur cet objectif tout en gardant en vue le caractère
éminemment politique de la démarche.
En même temps, cette régionalisation n'implique que peu les cantons. D'une part, elle
n'est évidemment pas officielle pour Eurostat et n'a pas d'impact sur le travail
statistique des cantons. Dans cette optique, l'approbation d'une régionalisation ne peut
guère être refusée, d'autant plus si elle correspond aux vux évoqués deux ans aupara-
vant. Pourtant, les réserves de Zurich et des deux Bâle sont importantes. Le désintérêt
que Bâle exprime face à une régionalisation institutionnelle souligne les limites d'un
découpage institutionnel, tandis que le constat de Zurich, que son aire métropolitaine
dépasse largement les limites cantonales, montre les intérêts divergents du pôle et de
son arrière-pays. En effet, les autres cantons souhaitaient qu'il n'ait pas d'unités trop
fortes et trop hétérogènes. Un désavantage certain de cette classification réside dans le
fait qu'elle a créé plusieurs enclaves.
238 Insee Méthodes n° 76-77-78
POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT ET
DÉCOUPAGE TERRITORIAL
AU QUÉBEC:
logique fonctionnelle et processus identitaire
Richard Morin,
département d'études urbaines, Université du Québec, Montréal
Les territoires régionaux et locaux se trouvent donc au coeur d'une nouvelle approche
du développement, ce qui soulève nécessairement la question de leur découpage. Cette
question met généralement en lumière, d'une part, une logique fonctionnelle plutôt
déductive qui vise à assurer à un territoire un minimum de ressources pour se développer
et, d'autre part, un processus identitaire plutôt inductif sur lequel se construit un
sentiment d'appartenance à un territoire.
Carte 1
Découpage du territoire québécois en fonction des régions
administratives et des municipalités régionales de comté
Carte 1
Découpage du territoire québécois en fonction des
régions administratives et des
municipalités régionales de comté
Régions administratives
01 - Bas-Saint-Laurent
02 - Saguenay - Lac-Saint-Jean
03 - Québec
04- Mauricia
05 - Estrie
06- Montréal
07 - Outaouais
08 -Abitibi -Temiscamingue
08- Cote-Nord
10- Nord-du-Québec
11 - Gaspésie -
îles-de-la-Madeleine
12- Chaudière-Appalaches
13 - Laval
14 - lanaudiere
15 - Laurentides
18- Montérégie
17 - Centre-du-Québec
13
300 km 6 Cartographie INRS-Lkberlitodon, 1997
Carte 2
Découpage du territoire québécois en fonction des régions
administratives, des municipalités régionales de comté
et des communautés urbaines
10
02
Carte 2
Découpage du territoire québécois en fonction des
régions administratives, des
municipalités régionales de comté 01
et des communautés urbaines
Régions administratives
Municipalités régionales de comte
Communautés Urbaines
08
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4
idt
Wite
le
Communauté urbaine Communauté urbaine
de l'Outaouais de Montréal Rartugrachte INFeUrbertlentlon, 19e7
Au cours du XIXe siècle, les districts judiciaires constituent un autre important type de
découpage régional à caractère administratif. En 1857, leur nombre passe de sept à
dix-neuf (Ibid ; p.124). Au début du XXe siècle, d'autres types de découpage adminis-
tratif apparaissent en réponse à diverses considérations sectorielles : par exemple, en
1909, le ministère des Terres et Forêts délimite 14 districts de surveillance ; en 1916,
le ministère de la Colonisation gère 16 districts de surveillance ; en 1934, il y a 20
régions agricoles (lbid ; p.129).
C'est dans cette foulée que le Gouvernement crée, en 1966-1967, 10 régions adminis-
tratives afin, d'une part, de rationaliser les multiples découpages régionaux déjà
existants et, d'autre part, de se doter d'un cadre de référence pour planifier le dévelop-
pement de son territoire et lutter contre les disparités régionales. Il s'agit de régions
fonctionnelles, désignées par des noms et des numéros, qui sont définies de façon
centralisée suivant le repérage des pôles d'attraction et de leur zone d'influence (Robert,
1991). Quatre pôles sont alors distingués :
- le petit centre n'exerce qu'une influence locale, (Manzagol et Sénécal, 1996 ; p.105).
Au cours des années 60 et 70, l'État québécois dote les régions administratives
d'équipements d'infrastructure (routes et éventuellement autoroutes) et de superstruc-
ture (écoles secondaires, collèges d'enseignement général et professionnel (CEGEP),
hôpitaux, centres locaux de services communautaires (CLSC), constituantes de l'Uni-
versité du Québec...) dans le but de soutenir la modernisation de l'économie et de
consolider les pôles de développement régionaux. Ces investissements en régions
Bien qu'évoqué dès 1984, ce n'est qu'en 1987-1988 que le Gouvernement procède à
un remaniement de la carte des régions administratives, dont le nombre passe de 10 à
16. L'État québécois répond ainsi à la demande d'acteurs de sous-régions qui souhai-
taient voir conférer à ces dernières le statut de régions administratives et vise alors "à
mieux tenir compte des réalités socio-économiques des collectivités régionales" (Qué-
bec, 1995 ; p.12). Le nouveau découpage tient également compte des municipalités
régionales de comté que nous aborderons dans la seconde partie de ce texte.
244 Insee Méthodes n° 76-77-78
En 1988, le gouvernement adopte un plan d'action en matière de développement
régional intitulé A l'heure de l'entreprise régionale qui souligne, en conclusion, que le
dynamisme régional s'exprime, au niveau individuel, "par la qualité et le nombre
croissant des personnes qui prennent les moyens d'entreprendre" et, au niveau collectif,
"par l'intense exercice de concertation et de développement que sont les conférences
socio-économiques" (Québec, 1988 ; p.77).
En 1992, une autre réforme en matière de développement régional est rendue publique
dans le document Développer les régions du Québec (Québec, 1992). Le Gouvernement
cherche à responsabiliser davantage les milieux régionaux en modifiant les anciens
Conseils régionaux de développement (CRD) pour les transformer en Conseils régio-
naux de concertation et de développement (CRCD). La mission des CRCD, qui
rassembleront des élus municipaux et provinciaux, des représentants des institutions
publiques dispensatrices de services et des "agents de développement socio-économi-
que" (syndicats de travailleurs, organisations patronales, chambres de commerce,
institutions financières, syndicats de producteurs, organismes associatifs, etc.), consis-
tera à concerter les intervenants régionaux, à élaborer un plan stratégique de dévelop-
pement, à négocier une entente-cadre avec le Gouvernement, à gérer un fonds régional
de développement et à donner des avis au Gouvernement. L'État québécois qualifie
alors son approche en matière de développement régional de "démarche d'accompa-
gnement du dynamisme des régions" (Ibid ; p.37). Or, les régions ont été créées, dans
les années 60, suivant une logique "descendante". Le Gouvernement souhaite donc
favoriser, dans les années 1990, ce qu'il avait commencé à appuyer dans les années 80,
soit un processus plutôt "ascendant" de construction des régions. Bérubé (1993 ; p.95)
parle de "l'insistance du gouvernement à développer sur ces bases régionales des
solidarités nouvelles".
Il est à signaler que le Québec compte, en 1997, un peu plus de 7 millions d'habitants
et que la plus populeuse des régions administratives est celle de l'île de Montréal, avec
1,8 million habitants et la moins populeuse, celle du Nord-du-Québec, avec 37 000
résidants, dont environ la moitié est composée d'autochtones, Inuits et Cris (Québec,
1997c ; p.40).
Il n'en demeure pas moins que le découpage des MRC relève principalement d'un
processus identitaire ascendant. Ce processus, annoncé en 1979, s'étend dans le temps :
ainsi en 1982, 72 MRC sont constituées (Municipalité, 1982 ; p. 2) ; en 1983, il y en a
94 (Fortin et Parent, 1985 ; p. 59) ; aujourd'hui, leur nombre s'élève à 96. Plusieurs
formes d'appartenance sont invoquées par les acteurs consultés pour délimiter les
contours des MRC : l'appartenance "traditionnelle" associée aux anciennes municipa-
lités de comté ; l'appartenance à des "bassins de rivières" ; l'appartenance "insulaire" ;
l'identification à des "organismes de développement forts" déjà existants ; l'identifica-
tion à une "petite ville" ou à un "pôle majeur" (Id., 1983 ; p. 19-21).
Le territoire des MRC est d'abord un référent spatial pour l'élaboration de schémas
d'aménagement. Chaque MRC est tenue de concerter ses municipalités membres et de
consulter leur population en vue de déterminer les grandes orientations de l'organisa-
tion de son territoire, les grandes affectations, le périmètre d'urbanisation, les zones de
contraintes naturelles, les sites d'intérêt d'ordre historique, culturel, esthétique ou
écologique, les équipements et infrastructures à caractère inter-municipal ainsi que les
équipements et infrastructures à être mis en place par le Gouvernement (LAU, 1979 ;
art.5).
Plusieurs MRC exercent également, dès les premières années de leur existence, d'autres
responsabilités dans le prolongement, notamment, de celles assumées par les anciennes
municipalités de comté. Ces responsabilités concernent les cours d'eau, les chemins et
ponts de comté, les territoires non organisés en municipalité locale, l'évaluation
foncière, les ventes pour non-paiement de taxes, la gestion des déchets, l'administration
d'un programme de réhabilitation de logements et le bureau d'enregistrement (Fortin
et Parent, 1985). D'autres fonctions sont aussi prévues : par exemple, la gestion d'un
site d'enfouissement sanitaire inter-municipal et l'administration d'une cour munici-
pale commune à l'ensemble des municipalités membres (Ibid).
"Graduellement, les intérêts de territoires particuliers, principalement les MRC, ont fini
par supplanter une vision prenant en compte l'ensemble des intérêts du territoire
régional, c'est-à-dire celui des grandes régions administratives (Québec, 1992: 35) ".
Par contre, le Gouvernement permettra la mise en place de "CLD couvrant plus d'un
territoire de MRC" (Québec, 1997b : 3), certaines MRC ayant trop peu de ressources
pour assumer le financement d'un CLD qui leur soit propre. Cette question de la taille
des MRC, notamment en terme de population, avait déjà été soulevée à la suite de la
publication d'un document de discussion intitulé Décentralisation : un choix de société
(Québec, 1995). En effet, il convient de signaler que la population des 96 MRC
existantes varie entre 4 800 habitants (MRC Caniapiscau) et 315 000 habitants (MRC
Champlain). Le Gouvernement souhaiterait que le transfert de responsabilités aux
Conseils de MRC et à d'autres organismes qui adopteraient le même territoire soit
accompagné de fusions de MRC, afin de rendre ces territoires plus fonctionnels. Leur
nombre pourrait ainsi être réduit jusqu'à 45, avec un seuil minimal de population
d'environ 25 000 personnes. Signalons que 45 MRC (soit 47 % du nombre total des
MRC) comptent moins de 25 000 résidants (BSQ, 1996 : 275-276). Toutefois, le milieu
municipal ayant vivement réagi à la volonté manifestée, en 1997, par le Gouvernement,
de transférer la responsabilité financière du transport scolaire aux municipalités, le
projet gouvernemental de fusion des MRC a été reporté, après les prochaines élections
provinciales.
Le second découpage, celui des MRC, s'est d'abord appuyé sur un processus identitaire,
les MRC étant considérées comme des régions d'appartenance. Cependant, en vertu
des nouvelles responsabilités qu'il souhaite transférer aux Conseils de MRC et aux
autres organismes intervenant sur leur territoire, le Gouvernement projette de fusionner
quelques-unes de ces "petites régions" pour en faire des territoires plus fonctionnels.
Le nombre de MRC serait ainsi réduit, pouvant passer de 96 à près de 45.
Une telle démarche marquerait de façon significative le passage d'une gestion gouver-
nementale des régions à la gouvernante régionale. Cependant, même si l'État se veut
moins interventionniste et davantage accompagnateur, son repli en matière de dévelop-
pement régional reste limité. Bien qu'une tendance vers la gouvernante territoriale soit
manifeste, il n'en demeure pas moins que le Gouvernement reste encore un acteur
important du développement régional et du découpage du territoire national en régions.
Benko G. et Lipietz A. (1995), "De la régulation des espaces aux espaces de régulation"
in R. Boyer et Y. Saillard, dir., Théorie de la régulation. État des savoirs, Paris, Éditions
La découverte, pp. 293-303.
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Robert L. (1991), "La question régionale au Québec : une question périphérique pour
un centre incertain" in Godbout, J. T. (sous la dir. de), La participation politique - Leçons
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recherche sur la culture, pp. 119-144.
Simard J.-J. (1979), La longue marche des technocrates, Laval, Éditions coopératives
Albert Saint-Martin, 198 pages.
Table-ronde avec :
Animée par :
Daniel Navrot : En France, il est de coutume de dire que l'organisation des périmètres
politico-administratifs qui structurent notre territoire est particulièrement complexe,
que ses niveaux, ses échelons, sont trop nombreux, et que leur empilement complique
la décision publique et la lisibilité, par l'électeur et le citoyen, du fonctionnement de
nos institutions. Multiplicité, complexité des échelons institutionnels, mais aussi com-
pétences croisées, enchevêtrées. Depuis longtemps, on réfléchit en France à une
simplification, et à vrai dire, l'empilement continue. Jean Lallier, avez-vous le sentiment
de rencontrer ce type de problèmes au Québec ?
Jean Lallier : Les problèmes que vous évoquez, s'ils sont cernés par la "lunette
française", sont en gros les mêmes chez nous et, je pense, les mêmes dans toutes les
agglomérations, dans tous les territoires, tous les pays. Lorsqu'on parle de limites de
territoire, tout dépend du point de vue où on se place.
Dans ce contexte-là, vous avez l'élu. S'il est élu fédéral, il est inféodé à une certaine
grille de territoire. S'il est élu provincial, il a une autre grille de lecture, plus fine. S'il
est élu communal, le principe de la fiscalité locale l'oblige à développer la concurrence
avec les autres communes. Au Québec, les ressources des communes dépendent à
environ 90 % d'une taxe locale unique et directe sur la propriété, la taxe foncière qui
nous donne à la fois une autonomie et une responsabilité assez grandes.
Finalement, quand on regarde la question du territoire, pour les élus c'est une question
de survie : ils protègent et développent les territoires qu'on leur a "assignés". Cela a
peu à voir avec le véritable développement avec la qualité des services, etc. Ce qui pose
un problème considérable : est-ce qu' on ne devrait pas regrouper les communes ? Est-ce
qu' on ne devrait pas inventer un nouveau profil de ville, où le système fiscal récompense
ceux qui travaillent ensemble et pénalise ceux qui se combattent ? Comment peut-on
mieux organiser la gestion fiscale pour que nous devenions des régions capables de
générer de la richesse, alors qu'actuellement nous sommes enchevêtrés dans des
structures locales qui n'en finissent pas de se subdiviser. Le développement anarchique
des cellules : j'imagine que c'est un peu la définition du cancer. Le territoire se
développe de manière anarchique. C'est un problème et un défi à relever.
C'est une évolution, une révolution, mais en se donnant des délais, pour des décisions
inéluctables à échéance fixe (trois, quatre, cinq ans... un mandat, cela permet aux élus
qui le souhaitent de s'en aller sur la pointe des pieds), on arrivera à quelque chose.
Il faut bien voir que nous sommes dans un pays où la centralisation a été, et reste encore,
constitutive du système institutionnel lui-même. La décentralisation a moins de quinze
ans. Nous avons une longue expérience de la centralisation, mais fort peu encore de la
décentralisation. Au point que dans beaucoup de secteurs, on n'a pas osé aller jusqu'au
bout de la logique dans laquelle on est entré en 1982-83. Et c'est me semble-t-il, la
difficulté dans laquelle on se trouve. La France s'est voulue une nation où le pouvoir
était délégué par le centre aux territoires. Il y avait en fait LE territoire. Le découpage
des départements a été l' outil d'une république une et indivisible. Mais en même temps,
il y a eu, pour la République, la nécessité de négocier avec les citoyens dans leur forme
organisée, c'est-à-dire les communes. Seul élément de contrepoids par rapport au
pouvoir central : le maire, lié directement aux citoyens, sans passer par l'Etat - avec des
limites quand même, et des pouvoirs délégués. C'est pourquoi aujourd'hui, il est très
difficile de mettre en cause la réalité des communes.
Donc, il y a eu un choix au début des années 1980, qui était une espérance pour
beaucoup, depuis bien longtemps, et qui était de dire on ne peut plus vivre comme cela,
y compris dans la perspective européenne où l'on va avoir un dépassement de la nation.
Il fallait décentraliser. Mais en décentralisant, on a créé de nouveaux échelons et, par
le biais des compétences, on a fait en sorte de justifier la diversité de ces échelons. Le
président du conseil général a chaussé les bottes du préfet, etc. Le loi de février 1992 a
donné une série de possibilités dans la perspective du regroupement, mais seulement
des possibilités. je pense qu'il y a deux actes d'autorité qui seront nécessaires si on veut
avoir une évolution. Le premier est de dire qu'il pourra y avoir des évolutions
différenciées. On peut regrouper des départements, des régions... si c'est toujours le
même type de pouvoir qui s'y exerce, on aura les mêmes effets. L'Espagne a su faire
que ses grandes provinces n'ont pas nécessairement les mêmes compétences, pas
Le deuxième acte d'autorité, on le sait bien, porte sur le problème fiscal. je penche en
faveur de quatre niveaux de responsabilité : communautaire avec des élus directs,
régional avec des élus vraiment régionaux, national, et européen avec des élus de
circonscription régionale. Nous n'avons pas qu'un territoire, nous avons plusieurs
appartenances, et cette multiplicité doit être une richesse. Il faut pour cela que ces
appartenances soient citoyennes, et donc une capacité de représentation forte des
citoyens, aux échelons les plus importants.
Rémy Prud'homme : Ce qui me frappe dans les trois présentations qui ont été faites,
c'est la similitude du constat. Le sentiment d'insatisfaction et de blocage est partagé,
et ne porte pas uniquement sur un problème de découpage. Dans un découpage, il y a
trois "contenus" simultanés à garder en tête : une dimension politique, une dimension
fonctionnelle, une dimension fiscale. En Angleterre on dit "pas de taxation sans
représentation". Cependant en France, on voit de plus en plus de territoires où la fiscalité
est votée par des gens qui ne sont pas élus directement au suffrage universel.
Cette situation peu convenable qui dissocie les trois dimensions en question, peut-on
l'expliquer, peut-on la réformer ?
Je crois qu'il faut revenir sur les causes, qui ne sont pas toutes historiques. beaucoup
de découpages ont été créés après la décentralisation. Un certain nombre d'entre eux
sont ni plus ni moins des pièges à subventions : derrière chaque découpage aujourd'hui,
il y a une subvention, ou l'espoir d'une subvention. Il y a eu aussi la multiplication des
services qu'il faut fournir, ou que l'on croit qu'il faut fournir, aux citoyens.
Quant aux réformes, Robert Chapuis a parlé, avec beaucoup de prudence, de l'élimi-
nation du département, qui deviendrait une circonscription administrative de la région.
Une autre façon de faire de la clarté est celle des regroupements. N'y a-t-il pas là le
danger de la taxation sans la représentation ? je suis un peu inquiet devant ces formules
de regroupement, au dépens du plus vivace des instruments de démocratie en France.
Enfin, il y a une troisième idée qui a été avancée, celle de la diversité "à l'espagnole'
Rémy Prud'homme : Je voudrais aborder un point qui n'a pas été évoqué jusqu'à
présent, celui de la redistribution. Les budgets publics, d'une façon systématique, à tous
les niveaux, redistribuent beaucoup d'argent, non seulement entre les personnes, mais
entre les espaces, des espaces riches vers les espaces pauvres. C'est vrai du budget de
la Nation, du budget d'une région, d'un département, et peut-être même d'une com-
mune, entre ses différentes zones. Cette dimension de la redistribution est fondamentale,
dans un monde où les pressions vers l'inégalité, qui vont d'ailleurs main dans la main
avec celles pour l'efficacité, sont très fortes. D'où la nécessité d'avoir des mécanismes
de redistribution qui ont précisément une traduction dans les découpages, dans les
institutions, et dans les budgets.
Michel Thiers : Pour donner un exemple, sur un budget de 5,5 milliards de francs du
conseil général du Rhône, il y a 2,2 milliards de solidarité sociale et de formes de
redistribution, qui concerne les personnes âgées, la petite enfance, le RMI, et les
handicapés.
Jean Laitier : Vous avez posé la question "comment expliquer les chevauchements ?".
Les politiciens perçoivent assez bien, par le diagnostic, le besoin d'une structure
nouvelle pour faire face à des réalités nouvelles, mais ils n'ont jamais le temps, ou le
courage, d'aller jusqu'au bout en défaisant les structures qui sont en dessous, de sorte
Le temps est important. Les choses commencent, mais on ne les finit jamais, parce que
ce ne sont plus les mêmes personnes, on a changé de ministre, on a changé de cabinet
on a changé d'idées, etc. Comment réformer ? En revenant à des principes simples
d'équité, d'efficacité et de pertinence. L'équité dans l'effort comme dans le bénéfice,
sur le plan fiscal. L'efficacité : les gens ont la perception qu'ils n'en ont pas pour leur
argent, pour ce qui est des services publics, et de l'ensemble des prestations auxquelles
ils ont accès. La pertinence, c'est le besoin réel. On laisse en place une série de
programmes parce qu'on n'a pas le courage de les couper, et parce qu'ils correspondent
à des clientèles qui existent toujours. Si on veut trouver des solutions, une clé est dans
la fiscalité, qui doit récompenser la réussite et décourager les agents du chevauchements
et du triple emploi.
L'Europe souhaite faire converger tous les zonages pour ses différents objectifs struc-
turels. En 1989, on s'était basé sur les zones d'emploi pour l'objectif 2, et sur les cantons
pour le 5b. En 1993, on a voulu discuter avec les élus locaux, cela s'est terminé en
bouillie de chats, des territoires écartelés, des petits morceaux, des choses sans queue
ni tête. D'un côté, les règles européennes (ne pas zoner plus de 50 % de la population
nationale, et bientôt ce sera 35 %), de l'autre, les élus locaux qui créent des associations
des maires en Z.R.R., de ci de ça... Si on n'est pas cohérent si on n'a pas très vite un
discours cohérent, les discussions européennes, ou les non-discussions européennes,
vont nous imposer leurs règles. On a intérêt à avoir un langage très clair en face de la
D.G. V, la D.G. VI, la D.G. XVI, etc. Est-ce que vous avez des éléments pour cela ?
Robert Chapuis : Je suis d'accord avec Jean Lallier, il faut donner l'argent à ceux qui
savent le développer. Ce qui importe, ce sont les programmes. Qu'on élague du côté
des zones, certes, mais il faut aussi, du côté européen, clarifier les programmes. Je
répondrais à la demande de clarification des zonages par une demande clarification des
programmes et d'une meilleure définition des acteurs.
Michel Thiers : C'est le programme qui fait l'action, et donc la résolution territoriale.
Par exemple ma commune fait partie de l'ouest lyonnais, et pourtant nous ne sommes
Robert Chapuis : Nous avons là, c'est vrai, des systèmes de découpage administratif
qui s'explique par l'histoire, mais qui sont lourds, pesants, et qui ne sont plus signifi-
catifs. J'ai été, et je continue d'être, pour les "pays" à partir du moment où on peut ainsi
s'échapper des critères administratifs. C'est vrai que beaucoup d'élus sont en situation
de défense, de résistance, beaucoup plus que de mouvement, et c'est un problème. Je
ne suis pas sûr que les discours que nous avons tenus ici auraient eu du succès devant
l'association des maires de France, alors même que beaucoup dans la salle sentiraient
les choses de la même manière.
Jean Lallier : Non, je ne pense pas qu'il y ait des formules exportables. J'ai écouté
attentivement ce qui s'est dit, et je confirme l'intérêt des principes simples que
j'évoquais tout à l'heure.
Chez nous, en ce moment, on a le débat sur la fusion des municipalités : 1 500, on trouve
que c'est beaucoup pour sept millions d'habitants. D'autres provinces, à côté, on réduit
leurs municipalités à 3 ou 400, et, curieusement vous savez, les gens vivent, il n'y a pas
eu de mortalité, cela marche.
Le défi que cela nous pose, ce n'est pas de coller des villes ensemble pour dire "voilà
on a une structure nouvelle", mais bien de définir la ville nouvelle, et ses responsabilités
dans la stabilisation et le développement de l'emploi, la mise en commun des ressources
publiques, la recherche de l'efficacité et de la performance, pour jouer la concurrence
avec d'autres régions urbaines qui se situent sur d'autres continents. Donc il ne faut pas
avoir qu'un discours sur la structure, mais aussi, et surtout, sur le développement. je
viens en France depuis 25 ans, et je ne me suis jamais plaint qu'il y ait 36 000 communes,
je trouve cela très agréable. Mais si on veut s'atteler au développement, il faut le faire
solidement. A propos des 35 communes de la communauté urbaine de Québec,
quelqu'un disait récemment chez nous, "on est comme 35 lapins attelés à la charrette :
ça mange comme un cheval, ça fait les mêmes dégâts qu'un cheval, mais ça ne tire pas
comme un cheval".
La question des découpages territoriaux, qui fait l'objet de ces Entretiens Jacques
Cartier, est généralement posée à l'intérieur des frontières nationales. Nous allons
aborder ici un genre de problème un peu à la limite - intérieure - du cadre de ces
Entretiens en évoquant la question des découpages territoriaux en Europe, et notamment
la difficulté que pose à l'analyse et aux politiques publiques la prise en compte
simultanée, sur un même territoire européen, de découpages nationaux et de découpages
régionaux. L'Europe aujourd'hui, c'est en effet en même temps quinze pays, 206
régions de niveau NUTS II et 1031 régions de niveau NUTS III.
Ce qui frappe ou devrait frapper quiconque s'intéresse aux politiques européennes est
le fait que le choix de travailler sur l'Europe à une échelle, nationale, ou à une autre,
régionale, semble induire des analyses, des conclusions et des orientations politiques
très différentes. D'une certaine façon, le cas européen, plus que beaucoup d'autres,
mène l'analyse territoriale elle-même à ses limites, révélant la mauvaise intégration, le
fossé mal comblé, qui sépare les analyses macro-économiques et les analyses spatiales.
Un découpage territorial induirait un découpage analytique voire disciplinaire.
La littérature européenne nous livre ainsi en filigrane une image, évidemment carica-
turée, d'une économie cruelle à laquelle s'opposerait une géographie égalitaire. L'Eu-
rope n'est pourtant pas la forêt de Sherwood, et personne -en tout cas pas l'auteur de
ces lignes- ne demande à nos amis géographes de se promener en collants verts dans
les couloirs de la Commission !
Pourtant, à l'examen (CCE [1977], Davezies [1992], Wishlade et alii [1996]), il apparaît
clairement que l'essentiel des effets de rééquilibrage territoriaux mis en oeuvre par les
politiques publiques en Europe provient de politiques aveugles sur le plan territorial.
Tandis que la Commission met en oeuvre 0,4 % du PIB européen dans ses politiques
régionales, l'ensemble des fonds publics des différents pays européens, beaucoup plus
de 50 % du PIB de l'Europe, opèrent involontairement de colossaux transferts de revenu
entre les régions, à l'intérieur des frontières nationales. Pour les sept grands pays
européens étudiés, pour l'année 1993 (Suède, Royaume Uni, Allemagne, France, Italie,
Espagne, Portugal), les 29 régions les plus riches, contributrices nettes aux budgets
publics nationaux, représentent 55 % de la population des sept pays, 69 % de leur PIB
total, et ont transféré en 1993 à leurs homologues moins développées 128 milliards
d'écus, soit 4 % de leur PIB ou 3 % du PIB des sept pays (Wishlade, 1996). On voit
que l'on a affaire là à des mécanismes de cohésion près de dix fois plus puissants que
ceux mis en oeuvre par la politique régionale européenne. La Commission l'admet
d'ailleurs en indiquant que la Cohésion est d'abord l'affaire des gouvernements
(Premier Rapport sur la Cohésion, 1996) !
Pourtant, on ne peut pas ne pas se demander si la « convergence entre les pays » ne vaut
pas autant ou même mieux que la « cohésion entre les régions ». Et surtout si, à l'avenir,
ce qui finalement rapprochera le niveau de vie de Hambourg de celui de Faro, ne sera
pas simplement le fait que le Portugal aura partiellement ou totalement rattrapé
l'Allemagne plutôt que le fait d'un rattrapage spécifique d'une ville sur l'autre.
Plusieurs arguments vont dans le sens d'une préférence pour la convergence entre les
nations.
D'abord, pour des raisons politiques, parce que la convergence des économies natio-
nales est un bon résultat, acquis, et qu'il est toujours plus stimulant de mener et renforcer
une politique efficace qui donne des résultats (la convergence) que de développer une
politique visant un objectif impossible à atteindre, et dont, de plus, on a tendance à
s'écarter (la cohésion). Intégration économique et convergence vont de pair en Europe.
Ensuite, parce que l'on ne sait pas bien définir ce qu'est la cohésion, même dans cette
acception particulière qu'est la cohésion interrégionale. On l'a dit plus haut, la cohésion
en Europe est mesurée par les écarts de PIB par habitant mesurés en parités de pouvoir
d'achat. Il y aurait lieu de s'arrêter sur chacun de ces termes -PIB, par habitant, en PPA-
pour expliquer combien ils fournissent une représentation biaisée de la réalité du
développement des régions européennes (voir une critique détaillée dans Wishlade et
alii, 1997). L'idée de rattacher un produit à un territoire est, de façon générale, très
discutable et donne de toute façon des résultats très conventionnels (Yatta, 1997).
Cet exemple, parmi des dizaines d'autres que l'on peut trouver en Europe, montre que
l'analyse des disparités régionales -des problèmes de cohésion- ne peut se limiter aux
seuls PIB par habitant, comme tous les experts le font aujourd'hui, car ce faisant, on
ignore totalement les effets régionaux des politiques publiques nationales. Il est absurde
de comparer comme on le fait deux régions de deux pays européens comme on compare
deux États aux USA. Et ces effets nationaux, ignorés par ceux qui mettent en oeuvre la
politique de cohésion en Europe, sont justement, comme l'ont montré les chiffres
fournis plus haut, les plus puissants mécanismes de cohésion européens ! Ce qui
caractérise d'abord, en terme de « cohésion », la situation d'une région européenne,
c'est son appartenance nationale et peu ou pas du tout européenne. Hambourg aide le
Brandebourg, Paris aide le Limousin, Madrid aide l'Andalousie... L'aide de Hambourg
en faveur de l'Andalousie, par exemple, reste une anecdote dans l'histoire des redistri-
butions interrégionales en Europe.
Que nous dit l'Agenda 2000 ? Qu'il convient de resserrer les cibles territoriales des
aides régionales, de les rendre plus sélectives, au profit des régions les plus pauvres. Le
critère d'éligibilité de 75 % du PIB par habitant communautaire en PPAdevra désormais
s'appliquer rigoureusement pour les politiques de soutien au développement des
régions en retard (objectif 1). Finies les négociations politiques qui permettaient par
exemple à une région comme Lisbonne, non éligible sur le papier, de bénéficier quand
même de fonds structurels. L'argent devrait aller là où il paraît le plus nécessaire.
Par ailleurs, focaliser sur les régions les plus pauvres, dans les pays les plus pauvres,
avec un taux de retour sur investissement à l'évidence très faible, c'est négliger
délibérément le fait que les mêmes investissements effectués dans les régions plus
riches des pays pauvres auraient une rentabilité beaucoup plus importante, stimuleraient
leur développement et contribueraient à la convergence. Et aussi, via les transferts
interrégionaux opérés par les budgets nationaux, permettraient un développement
solidaire des régions les plus pauvres. Financer Lisbonne, c'est peut-être mettre en
oeuvre l'aide la plus efficace au développement/rattrapage économique du Portugal, et
par là alimenter le mécanisme de contribution nette de Lisbonne vers l'Alentejo. Il faut
rester prudent dans cette affirmation, les études disponibles sont trop rares pour étayer
cette argumentation, mais ce qui est sûr, c'est que l'on ne peut ignorer cette option, qui
va bien entendu en sens inverse des options de l'Agenda 2000.
Le cas irlandais mériterait, à cet égard, d'être mieux étudié. L'Irlande a fait le choix
d'apparaître comme une seule région. Divisée en deux régions, par exemple, elle aurait
pu faire apparaître une zone plus développée, autour de Dublin, et des zones occiden-
tales très sous-développées. Deux stratégies de découpage territorial peuvent donner
lieu, dans le cadre de la politique régionale européenne, à deux stratégies de dévelop-
pement contrastées. Découpée en deux régions, l'Irlande aurait eu une orientation des
financements européens favorisant plutôt le développement de la partie occidentale. La
stratégie une nation-une région a probablement permis d'orienter les financements
européens vers les parties les plus productives du pays (le budget irlandais permettant
d'assurer des compensations vers les zones plus pauvres du pays). Les deux stratégies,
qu'il conviendrait de mieux modéliser, n'ont évidemment pas le même impact sur le
développement du pays. On peut penser - mais il conviendrait de le vérifier - que le
gouvernement irlandais, en choisissant un découpage plutôt qu'un autre, a clairement
Force est de constater que nos deux objectifs européens, intégration et cohésion, tels
qu'ils sont mis en oeuvre, peuvent se révéler plus substituables que complémentaires.
Il y a fort à parier que plus d'intégration se traduira par moins de cohésion : parce que
plus d'intégration signifiera plus de mobilité des facteurs de production au profit des
régions qui auront le meilleur bilan fiscal (particulièrement les régions pauvres des pays
riches) et au détriment des régions qui ont un bilan déficitaire (les régions riches des
pays pauvres), qui sont justement celles qui subventionnent les régions pauvres de leurs
pays. L'autre risque de réduction des mécanismes de cohésion est de nature politique.
On voit tendanciellement aujourd'hui les conflits territoriaux pré-nationaux être abon-
dés par un nouveau type de conflit, post-national : les conflits pré-nationaux sont le fait
de régions qui ont eu des réticences à se rattacher à un ensemble national : la Corse,
l'Irlande du Nord, l'Écosse ou le pays Basque, pour aller vite. Les conflits post-natio-
naux sont le fait de régions, généralement riches et contributrices nettes, qui souhaitent
Il faut se demander s'il n'y a pas là, pour le moyen terme, une source de profonde
fragmentation structurelle du territoire européen. L'Europe, avec son modèle « d'éco-
nomie sociale de marché » veut se distinguer du modèle « libéral » des États-Unis.
Pourtant, la comparaison entre les deux dispositifs appelle à plus de modestie. De notre
côté de l'Atlantique, un projet enthousiaste, beaucoup de concepts nouveaux et un peu
fumeux, mais toujours généreux. De l'autre côté, des mécanismes. Aux États-Unis, les
disparités interrégionales sont moins importantes, la mobilité des facteurs beaucoup
plus forte qu'en Europe (et la croissance est plus forte) et surtout, il existe un budget
fédéral. Il n'y a pas de secrétaire d'état à la Cohésion à Washington, mais il y a, comme
dans tous les autres pays, une énorme machine à compenser les écarts de développement
régional et à absorber les chocs économiques localisés. En Europe, pas de budget
européen (ou presque pas : 1,2 % du PIB européen), mais une politique régionale
européenne en faveur des régions les moins développées, c'est-à-dire une aide aux
régions qui sont le moins susceptibles de porter la convergence économique des nations
européennes.
Avant de conclure, il faut préciser que les questions évoquées ici restent trop peu
étudiées, et qu'il conviendrait de mieux connaître les mécanismes, encore largement
ignorés, que nous avons évoqués ici avant de formuler les conséquences politiques que
ces analyses suggèrent. En clair, l'alternative européenne, pour rester fidèle à ses
objectifs économiques et sociaux, est soit la constitution d'un budget européen, le
transfert de fonctions publiques des nations à l'Europe, afin d'assurer un développe-
ment cohérent de ses territoires (le modèle américain). Le vent de l'histoire ne semble
pas souffler dans cette direction. L'autre voie, plus réaliste, et qu'il conviendrait
d'explorer, passerait par une réévaluation des objectifs européens aujourd'hui cloison-
nés au delà de ce qui est raisonnable. Les deux objectifs de croissance et de convergence
sont à la portée de l'Europe que nous fabriquons. En revanche, l'Europe n'est pas
constituée pour assurer la cohésion interrégionale. Elle n'a pas les moyens budgétaires
d'assurer un tel objectif dont on a vu qu'il est largement irréaliste. La politique régionale
est un curieux objet : mise en oeuvre explicitement par Bruxelles, implicitement et
L'Europe, ce n'est pas tantôt des nations tantôt des régions, mais à la fois des nations
et des régions. Il conviendrait que cette lapalissade soit mieux comprise pour que
puissent être traitées au sein d'une stratégie intégrée les dynamiques nationales et
régionales de développement en Europe.
Wishlade F., Yuill D., Davezies L, Nicot B.H., Prud'homme R., Economic and social
cohesion in the European Union : The impact of member states' own policies. Rapport
à la DGXVI, Commission Européenne. EPRC/Strathclyde Univ & ŒIL/Université
Paris XII. 159 pages + annexes. Mai 1996. (En cours de publication dans la collection
Regional development Studies, Commission Européenne, Luxembourg).
Wishlade F., Yuill D., Davezies L, Prud'homme R., European Union Cohesion
Policy : eligibility and allocation criteria. Rapport pour le Gouvernement Portugais.
EPRC/Strathclyde Univ &OEIL/Université Paris XII. 159 pages + annexes. Novembre
1997.
Figure 1
Délimitation de l'espace étudié
Limite de
— canton
- - arrond.
- dept. ou
région
Centre de
• Janze Canton
kleslay s‘,.
e 0 Arrondiss.
Ben i m Sel' ° m
Rétiers Gretz
Craon 0 DEPT.
Châ
Bier 17) REGION
L'analyse détaillée de ces indicateurs (figure 2) montre que les oppositions entre les
deux départements sont faibles en 1955, mais qu'elles tendent à apparaître en 1979 pour
plusieurs indicateurs (notamment les cultures fourragères, la surface en herbe, la densité
bovine, le nombre de porcins par exploitation). C'est toutefois sur les variables
décrivant l'évolution entre 1955 et 1979 que l'on observe les effets départementaux les
plus spectaculaires. Ainsi on constate que le nombre de bovins par hectare a été multiplié
par trois en Ille-et-Vilaine alors qu'il ne l'était que par deux en Mayenne.
Une variable semble résumer mieux que toute autre les différences d'évolution des
systèmes de production agricole dans la région étudiée : c'est la part de la surface
toujours en herbe dans la superficie agricole utile. Sur l'ensemble des 305 communes
Tontes les cartes smt établies selmme partition en 4 classes fondées sur lantoretere et l'écart-type clet 305 commîmes
de l'espace étudié, cette part est restée grosso modo la même en 1955 (42,3 %) et en
1980 (43,2 %). Mais l'analyse par départements montre qu'elle a nettement régressé
dans les communes d'Ille-et-Vilaine (passage de 37,3 % à 31,6 %) alors qu'elle
augmentait dans des proportions inverses pour les communes de Mayenne (passage de
46,8 % à 53,5 %). Nous avons donc choisi d'utiliser l'évolution de la surface en herbe
comme marqueur des choix opérés par les agriculteurs en faveur ou en défaveur de
l'intensification des systèmes de production agricoles. Au vu des cartes successives
(voir cahier des cartes en couleurs, figure 5 p.IX), la mise en place de la discontinuité
séparant les deux départements a été progressive et complexe.
Le résultat est un renforcement très net des différences entre les deux départements,
tout au long de la limite départementale (voir cahier des cartes en couleurs, figure 6
p.X).Le mouvement global de renforcement des contrastes départementaux doit toute-
fois être nuancé quand on procède à une analyse détaillée à l'échelle des communes
(figure 7). Il apparaît alors que certaines communes frontalières bretonnes ont conservé
des pratiques relativement extensives (faible réduction de la surface toujours en herbe)
Ille-et-Vilaine M ay enne
2.50
1.50
050
-050
-150
-250
Fougères Errée Mayenne
Ille-et-Vilaine M ayenne
2.50
1.50
o.513-
-050
-150
-250
Reenes Vètré Lava.,
Ille-et-Vilaine M ayenne
2.50
1.50
0.50
-050
-150
-250
LaGuerche Craon Château-G.
284 Insee Méthodes n° 76-77-78
qui les apparentent plus aux communes voisines de la Mayenne qu'à celles de leur
propre département. Inversement, tout un groupe de communes situées dans l'angle
sud-ouest du département de la Mayenne semble avoir suivi le comportement intensif
breton, ce qui induit un décrochement entre le tracé de la discontinuité principale et
celui de la limite départementale. Il s'agit de communes qui, pour la plupart, sont situées
dans l'aire d'attraction de la ville de La Guerche (voir cahier des cartes en couleurs,
figure 9 p.XT). Des situations comparables s'observent dans le nord des deux départe-
ments, entre Fougères et Ernée.
L'influence des conditions initiales (situation en 1955) est la première explication des
différences de comportement observées de part et d'autre de la limite départementale.
Les conditions naturelles (voir cahier des cartes en couleurs, figure 8 p.X) étant
globalement homogènes sur l'ensemble de la zone étudiée (climat, relief, qualité des
sols...), ce sont des facteurs économiques et sociologiques de longue durée qui doivent
être privillégiés. La variable clé est ici la taille des exploitations en 1955 qui a
conditionné le choix des exploitants vers l'intensification ou l'extensification. En effet,
le choix de l'extensification permettait de limiter les risques financiers (faible investis-
sement) mais il n'était possible que dans la mesure où l'exploitant disposait d'une
surface de pacage suffisante pour nourrir un troupeau important de bovins. Dans le cas
contraire, la seule possibilité d'adaptation de l'exploitation était le choix de l'intensifi-
cation qui impliquait un investissement financier beaucoup plus considérable (motori-
sation, construction pour la stabulation, engrais...) et le développement de cultures
fourragères permettant l'élevage du bétail hors sol (ensilage de maïs, luzerne, légumi-
neuses). Dans cette hypothèse, la bifurcation vers l'un ou l'autre système productif est
liée au seuil de rentabilité de l'exploitation qui dépend fondamentalement de sa taille.
Il faut ajouter à ceci le rôle des structures d'exploitation et l'influence résiduelle du
métayage en Mayenne. Outre la taille de l'exploitation et le type de propriété, des
facteurs secondaires peuvent influer sur le choix de l'intensification ou de l'extensifi-
cation. En particulier, l'importance initiale de l'élevage et de la surface toujours en herbe
peuvent faire pencher vers la solution de l'extensification, puisqu'elles impliquent un
coût moindre de transformation à court terme. Inversement, une situation initiale de
polyculture céréalière peut inciter au développement de l'intensification puisque le
matériel de labour existe déjà et peut être réinvesti dans le développement des cultures
fourragères.
L'hypothèse d'une diffusion spatiale des innovations agricoles se fonde enfin sur
l'influence des effets de contexte et de proximité au niveau infra-départemental. Outre
l'influence des processus d'imitation locale (observation de "bout du champ"), il
convient sans doute de faire une part aux lieux de rencontre tels que les foires ou les
marchés qui permettent l'échange d'idées et d'expérience entre les agriculteurs d'un
même canton. Les innovations qui réussissent sont progressivement imitées par de
nouveaux adoptants qui les transmettent à leur tour. À ce processus cumulatif initial
s'ajoute ensuite un effet de contexte qui incite les adoptants tardifs des innovations à
se conformer au modèle social et économique en vigueur dans le "pays" (influence des
coopératives, des syndicats agricoles). Si cette dernière hypothèse est exacte, on devrait
donc observer la formation de pôles d'innovation d'échelle intercommunale ou canto-
nale qui finissent par fusionner dans des entités plus vastes. Toutefois, des discontinuités
ou des gradients peuvent apparaître, soit lorsqu'il y a rencontre entre deux fronts
d'innovation différents, soit lorsqu'un front d'innovation rencontre un obstacle. À cet
égard, on peut supposer que la frontière départementale a pu jouer le rôle d'une barrière,
ce qui expliquerait l'apparition de différences et de discontinuités dans les comporte-
ments des agriculteurs situés de part et d'autre.
" Vous savez, je n 'ai pas grand chose à dire sur la Mayenne. Parce que toutes les
statistiques qui me parviennent sont produites par le CNASEA et sont faites par régions
en se limitant aux quatre départements bretons. Donc, autant on peut percevoir les
évolutions et ce qui se fait dans les départements des Côtes d'Armor, du Morbihan et
du Finistère, autant effectivement alors, sur l'évolution de la Mayenne.. rien ! "
Tout en confirmant les trois hypothèses qui avaient été formulées au terme de l'étude
de laboratoire pour expliquer l'apparition de la discontinuité, l'enquête de terrain a
permis de pondérer le rôle de chacune dans l'explication des transformations observées
et, surtout, elle a mis en lumière un certain nombre de processus sociologiques,
économiques ou politiques qui étaient sous-jacents aux dynamiques spatiales observées
à l'échelon agrégé des 305 communes.
Le modèle du ghetto urbain (François J.C., 1995 ; Grafmeyer Y., 1994) semble trans-
posable en géographie rurale où nous avons mis en évidence des processus très
similaires de formation d'aires marginalisées entourées par des discontinuités et qui
subissent des phénomènes cumulatifs d'exclusion. Une situation initiale défavorable
(terres de mauvaise qualité) peut être le point de départ d'une boucle de rétroaction
positive conduisant à l'abandon de certaines portions d'espace par les acteurs les plus
dynamiques (agriculteurs, coopératives), surtout lorsque la zone concernée est entourée
de zones plus dynamiques qui captent l'essentiel des innovations et des investissements.
Conclusion
Dépassant le simple cadre de la monographie des effets d'une limite administrative,
l'exemple des mutations agricoles de part et d'autre de la limite Ille-et-Vilaine/Mayenne
au cours des années 1955-1979 nous semble constituer un archétype car il met en jeu
toute une série de processus sociaux, économiques, politiques, historiques et spatiaux
qui se retrouvent dans les études que nous avons pu mener à d'autres échelles (frontières
internationales, limites de régions ou de républiques) et dans d'autres contextes terri-
toriaux (Belgique, Tchécoslovaquie, Cameroun, Europe, ).
Car avant de chercher à tracer sur une carte les limites d'un mythique " maillage
optimal ", ne faudrait-il pas s'interroger sur les effets positifs ou négatifs induits par la
présence de toute partition sans reste de l'espace et de la société ? Et n'y aurait-il pas
lieux alors d'examiner, au moins à titre d'hypothèse, la possibilité de proposer des
modes de gestion du territoire fondés sur des maillages chevauchants et des zonages
flous ?
Canevet C., 1972, La coopération agricole en Bretagne, Thèse de 3e cycle, P.U.B., 297 p.
Canevet C., 1991, 40 ans de révolution agricole en Bretagne, Institut Culturel de Bret.,
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Mendras H., 1995, Les sociétés paysannes, Folio-Histoire, Paris, pp. 261-262.
Du territoire au micro-territoire
De tout temps, les découpages administratifs, institutionnels ou politiques ont été au
service d'une rationalité économique pour guider l'action territoriale. Mais il existe
aussi des micro-découpages, des délimitations territoriales qui vont plutôt circonscrire
des lieux économiques, des sites d'activités, des espaces que l'on voudrait "économi-
ques". Les pôles, les zones, les parcs, les sites, les friches sont autant d'appellations qui
interpellent des formes et des "découpes" spatiales variables. A l'heure de la mondia-
lisation économique, le redéploiement très complexe des activités productives, finan-
cières et tertiaires entraîne de nouvelles logiques de localisation des emplois et des
investissements qui s'y rattachent. De cette complexité, une forme de découpage
économique bien particulière profite des distorsions et des dysfonctionnements récur-
rents entre, d'une part, l'action politique spécifique aux activités économiques et,
d'autre part, les logiques marchandes du système économique mondial. Ces nouveaux
territoires "dérogatoires" ont la particularité de posséder un caractère d'exemption sur
une ou plusieurs dimensions du système de régulation publique de l'économie. Quali-
fiés de zones franches, de zones de non-droit, de périmètres "hors-la-loi" ou "paria",
ces micro-territoires sont l'exception qui permet une stabilité relative d'un système plus
global. Véritables soupapes économiques, elles constituent un vaste ensemble d'inter-
ventions à la marge (les zones d'entreprises et les technopoles), en retrait (les zones
franches) et même gardées secrètes (les paradis fiscaux).
Le choix des mots pour qualifier un territoire dérogatoire est symptomatique du malaise
entretenu par une ambiguïté de fond provenant de leur statut. D'une part, des images
très négatives (dans les zones franches industrielles d'exportation : les barbelés qui
protègent le site, l'exploitation des employés, les conditions de travail inhumaines, le
non-respect de l'environnement, etc.) et d'autre part, des images très positives (le
"paradis" fiscal : une île au soleil, l'intangibilité du produit financier, la liberté écono-
mique, les économies du "Duty-Free", etc.).
La popularité croissante d'un autre type de territoires économiques, les zones d'entre-
prises et les zones d'activités, ne sont pas sans doute pas étrangères à cette fascination.
Or, le Canada demeure l'un des seuls pays au monde, et certainement le seul membre
du G-7, à ne pas avoir de politique intégrée de zones franches ou de zones d'entreprises.
Pour l'instant, l'ensemble des mesures (exonérations d'impôts, allégements, déroga-
tions, assouplissements administratifs et réglementaires) qui tiennent lieu de quasi-po-
litique reste éparpillé dans de multiples textes de lois, règlements et mémorandums.
Quand on sait que la simplicité et l'unicité sont deux des avantages offerts par les zones
franches, on reste songeur devant une telle complexité. Le Canada doit être un des seuls
pays au monde où la création de quasi-zones franches, appuyée sur une volonté d'en
créer mais sans en avoir l'air, a compliqué plutôt que simplifié les choses.
L'ouverture des économies rend caduques les distinctions traditionnelles entre les
différents moyens dont disposent les États pour venir appuyer leurs économies. Par delà
une tendance générale vers une baisse des politiques d'aide à l'investissement, on
constate que les États ont de plus en plus de difficultés à trouver des pôles fédérateurs
pour leur action en faveur de leurs entreprises. La Recherche-Développement est l'un
de ses pôles. L'ancrage territorial en est un autre.
I. Pour un aperçu " prospectif " en matière de zones franches, voir Michael Goldrick, " The Impact of Global
Finance in Urban Structural Change : The International Banking Centre Controversy ", dans Jon Caulfield
et Linda Peake (dirs), City Lives & City Forms. Critical Research and Canadian Urbanism, Toronto,
University of Toronto Press, 1996, 195-214.
2. ALÉNA : Accord de Libre-Échange Nord-Américain
Dans cette perspective, le territoire cesse d'être uniquement une plate-forme susceptible
d'accueillir des activités économiques et de les répartir de façon optimale dans l'espace
pour devenir une structure active de développement. Le problème - et c'est aussi l'une
des principales responsabilités des autorités publiques - est d'identifier les échelles
pertinentes pour délimiter et organiser ces territoires. Par ailleurs, l'un des problèmes
importants auxquels sont aussi confrontées les zones dérogatoires est l'image négative
qu'elles véhiculent. Un exemple, l'Administration américaine a choisi de faire réfé-
rence aux "Empowerment Zones" (zones d'habilitation) pour briser cette image plutôt
que d'utiliser le concept de "zones franches" dans les quartiers en difficulté.
Pour une majorité de personnes, les zones franches sont associées à ces nombreux
"Duty-Free" aéroportuaires où des touristes en mal de temps à perdre cherchent
désespérément des prétextes pour écouler leurs derniers pesos. L'image est juste, mais
aussi fort révélatrice. Non seulement il s'agit d'une industrie fort prospère - et dont la
disparition prochaine en Europe éliminera plus de 5 000 emplois - mais aussi d'une
composante essentielle de l'expérience du voyage. La zone dérogatoire, même la plus
discrète d'entre toutes, c'est le territoire mystérieux et idéal à la fois, sorte de caverne
d'Ali-Baba où les bras tentaculaires des impôts et le regard inquisiteur du douanier ne
pénètrent pas.
Dans cette chasse aux images et aux souvenirs, le nom de Singapour revient souvent
comme symbole de ces territoires où le concept même de taxation n'existe pas et où,
en conséquence, il n'existe aucune protection sociale. De cette image, le pas est vite
franchi en direction de ces mystérieux paradis fiscaux où des financiers corrompus, de
mèche avec les barons de la drogue, inventent des façons toujours plus ingénieuses de
contourner les lois. D'autres images ne manquent pas de surgir, celle de ces territoires
sans-lois où le travail des enfants et la dégradation de l'environnement sont choses
courantes. Ce sont des cas extrêmes qui, même s'ils ne correspondent pas à la réalité
(les maquiladoras par exemple) influencent encore largement les perceptions. Dans
l'environnement nord-américain et européen, le respect des lois du travail, de l'envi-
ronnement et des droits des travailleurs est une donnée fondamentale qui n'a jamais été
remise en question au fil des années.
Contrairement à une image répandue, les zones franches et les zones d'entreprises ne
sont ni des inventions américaines, ni des inventions récentes. La zone dérogatoire
possède près de 2 000 ans d'histoire mais on parle de zones d'entreprises et de zones
franches aux États-Unis et en Europe depuis le déclin des politiques d'industrialisation
s'appuyant sur la substitution aux importations. Le principe de la zone dérogatoire a pu
s'y concrétiser dans plusieurs "appellations" : zones industrielles, parcs industriels,
périmètres d'activités économiques. Catégoriser ou classer ces différentes "zones" en
zones franches commerciales, zones franches industrielles d'exportation, zones d'em-
À l'origine, la zone d'entreprises britannique devait surtout pallier le déclin des vieilles
régions industrielles et celui des territoires les plus affectés par le redéploiement
international des activités productives. Contrairement aux zones franches classiques,
les multinationales et les firmes transnationales étaient beaucoup moins visées que les
entreprises locales/régionales et les nouveaux entrepreneurs. L'émergence d'une nou-
velle base industrielle fondée sur l'innovation technologique devait par la suite suivre
son cours normal dans l'évolution de ce périmètre industriel. La volonté de reproduire
les conditions économiques de Singapour, de Hong Kong ou des maquiladoras mexi-
caines dans des zones industrielles en déclin a évidemment connu quelques ratés. En
effet, la récupération de sites et de bâtiments déjà existants a imposé des compromis et
des investissements de la part des nouvelles entreprises qui n'étaient en rien comparables à
ceux associés à l'occupation d'un terrain industriel vierge ou à la construction d'un nouvel
édifice. De plus, les variables socio-économiques souvent défavorables des milieux d'ac-
cueil, les marchés de l'emploi en transition et la faible disponibilité de main-d'uvre qualifiée
ont été des facteurs qui ont retardé ou ralenti le développement de certaines zones3. Peter Hall
3. À ce sujet, l'expérience de la région bruxelloise et celle de Londres ont illustré à quel point la mise en
place de stratégies efficaces pouvait poser un certain nombre de problèmes, notamment en termes de
partenariat public-privé. Reynald-Bavay, " La difficile application des politiques de régénération urbaine ;
Comparaison entre la région Bruxelloise et l'Est de Londres ", Hommes et Terres du Nord, 1, 1997, 47-55.
Aux États-Unis, la crise profonde que suscitera le déclin des villes industrielles
traditionnelles dans les années 1960 et 1970, amènera l'économiste Stuart Butler de la
Heritage Foundation à récupérer l'expérience britannique pour pallier "la fiscalité trop
lourde, une bureaucratie envahissante et une réglementation excessive"4. Dans les
années 1980, le gouvernement Reagan aux États-Unis intégrera l'idée de la zone
d'entreprises à sa politique urbaine. Les remous politiques des années subséquentes
viendront retarder l'adoption d'un plan à l'échelle du pays, ce qui n'empêchera pas les
États de la fédération américaine de légiférer afin de créer des zones d'entreprises dans
plusieurs enclaves industrielles. En 1987, le Congrès adopte l'article 7 du Housing and
Community Development Act, qui désignera 100 zones d'entreprises (dont 33 en milieu
rural) avant janvier 1989. Assez curieusement, ces zones ne bénéficient d'aucune aide
fédérale, laissant le soin aux États d'offrir des incitations fiscales. Au fil des années, 37
États adopteront des lois qui mènent alors à la création de plus de 1 500 zones
d'entreprises5. Contrairement à la Grande-Bretagne, les États-Unis ne limiteront pas
leurs implantations de zones d'entreprises aux régions en déclin ou en reconversion. La
prolifération des zones d'entreprises sera systématique à tel point qu'on peut parler de
cannibalisation ou de remplacement du traditionnel parc industriel.
En France, le succès des trois premières zones d'entreprises (La Ciotat, Dunkerque, La
Seyne) fut apparemment incontestable6. Les effets négatifs de la fermeture de chantiers
navals ont été effacés par la création de près de 7 000 nouveaux emplois, par la réduction
significative du chômage dans les trois secteurs de ces villes, par la diversification des
économies locales et par une distribution équilibrée entre le nombre de PME et le
Emplois perdus
Nouvelles Nouveaux Total des
à la fermeture
Zones entreprises emplois créés, emplois créés
des chantiers
actives, 1992 1992 et projetés
en 1987
Dunkerque 1 567 33 1 515 2 680
La Ciotat 3 036 78 1 500 2 265
La Seyne 2 272 34 1 035 1 630
nombre de grandes entreprises. L'expérience française semble suggérer que les zones
d'entreprises sont des interventions efficaces pour favoriser la reconversion et la
restructuration industrielles7. Le tableau 1 témoigne du remplacement quasi intégral
des emplois pour les trois zones en question8. La zone de Dunkerque a fait l'objet d'une
attention particulière avec des emplois créés qui représentent près du double de ceux
qui avaient été perdus en 1987.
Et les technopoles
On pourrait penser que les parcs technologiques, technoparcs et autres technopoles sont
des espaces économiques qui n'ont strictement rien à voir avec les zones dérogatoires.
7. J. Tuppen, " Enterprise Zones in France : Developments and Impacts ", Regional Studies, 27, 3, 1993,
260-264.
8. Les zones d'entreprises sont apparues comme des outils puissants de localisation d'activités pour des
bassins d'emplois possédant déjà des atouts de localisation. De plus, pour certains analystes, le nombre réduit
de zones a grandement contribué au succès de chacune d'entre elles. Voir : Serge Wachter (dir.),
Redéveloppement des zones en déclin industriel, Datar, Collection études et recherches, Paris, La
Documentation française, 1991, pp.50 et ss.
Au même titre que la zone d'entreprises, la technopole mettait en évidence cette "signature"éco-
nomique ou entreprenariale s'appuyant sur l'innovation 11. La recherche d'une meilleure
intégration au système économique mondial, pour plusieurs pays d'Europe, passait donc à la
fois par les territoires tournés vers l'avenir et les secteurs productifs à forte valeur ajoutée (les
technopoles) et aussi par le maintien dynamique de zones industrielles en reconversion
s'appuyant sur les PME et les forces vives d'une région (la zone d'entreprises) 12. Le contexte
9. Bernard Dezert, " Technopolisation et métropolisation en Europe occidentale ", Revue Belge de
Géographie, 120e année, fascicules 1-2-3, 1996, 99-103.
10.Jacques Malézieux, " Hautes technologies, nouveaux espaces d'activités, développement local et régional
: apparences et réalités ; réflexions sur les aménagements français ", Revue Belge de Géographie, 120e année,
fascicules 1-2-3, 1996, 105- I I 1 ; Christian Longhi, Michel Quéré, " La technopole comme système industriel
localisé : éléments d'analyse et enseignements empiriques ", Économies et Sociétés, 25, 8, 1991, 21-41 ;
Jean-Yves Faberon, " Technopoles et développement ", Revue française de science politique, 40, 1990, 46-63.
I 1 . Alain Rallet, " Théorie de la polarisation et technopoles ", Economies et Sociétés, 25, 8, 1991, 43-64 ;
Jacques-Laurent Ravix, André Torre, " Pôles de croissance et technopoles : une lecture en termes
d'organisation industrielle ", Économies et Sociétés, 25, 8, 1991, 65-81.
12. Les impacts et les retombées du phénomène technopolitain n'ont pas été mesurés ou comptabilisés à
l'échelle d'un ou de plusieurs pays. Il existe toutefois plusieurs monographies et articles sur des cas
spécifiques ou des éléments communs à plusieurs de ces interventions : Manuel Castells, Peter Hall,
Technopoles of the World ; The Making of 21st Century Industrial Complexes, Londres, Routledge, 1994 ;
Michel Bemardy de Sigoyer, Pierre Boisgontier, La technopole ; une certaine idée de la ville ; Paris,
L'Harmattan, 1996 ; Loïc Grasland, " The Search for an International Position in the Creation of a Regional
Technological Space : The Example of Montpellier ", Urban Studies, 29, 6,1992, 1003-1010 ; Daniel Dufourt,
" Innovations technologiques et structures d'organisation : les technopôles comme vecteurs de la
transformation des fonctions des agents de la création technique " ; Économies et Sociétés, 25, 8, 1991,
83-116. Les grandes agglomérations qui veulent ranimer leurs zones centrales en favorisant les échanges et
le commerce international sur la base des services aux entreprises sont dénommées " mercapoles " : Jean
Philippe, " Mercapoles : Un enjeu métropolitain pour les services aux entreprises ", Economies et Sociétés,
25, 8, 1991, 149-162.
La simultanéité des interventions sur les zones industrielles en déclin et sur les
nouveaux espaces du savoir et de l'innovation technologique rend bien compte d'une
même volonté de soutenir et relancer le développement économique local. En Europe
et aux États-Unis, la zone d'entreprises et la technopole se complètent dans la "reterri-
torialisation" de l'économie.
- nouvelle bonification indiciaire pour les fonctionnaires affectés dans ces quartiers,
13.Jean-Paul de Gaudemar souligne le danger d'une mauvaise intégration régionale de ces interventions
dans : " Technopôles et politiques régionales : Les risques d'un développement hors-sol ", Économies et
Sociétés, 25, 8, 1991, 127-147.
14.Le " quartier prioritaire " de la politique de la ville renvoyait à la notion préexistante du texte de Loi
d'orientation pour la ville de juillet 1991 (article 1466 A 1 du code général des impôts). La révision de cette
notion avec la Loi d'orientation pour la ville de février 1993 reprenait pour l'essentiel les sites bénéficiaires
de conventions de développement social des quartiers dans le Xème Plan.
15.Les quartiers en déclin ont été sélectionnés sur la base de critères statistiques et de caractéristiques
urbaines et socio-économiques. Le tout est évalué avec un indicateur d'écart de leur situation par rapport à
la ville ou à l'agglomération d'appartenance.
16.Consultat Général de France, Ibid., p. 5.2
- bonification des contrats emplois consolidés ou accès dérogatoire à ces contrats pour
les jeunes résidant dans ces quartier,
Enfin, au sein de ces 350 ZRU, 38 "zones franches" en métropole et six en territoire
outre-mer ont été sélectionnées sur la base de difficultés majeures que connaissent les
quartiers les plus défavorisés et les plus touchés par l'exclusion urbaine17. Les critères
d'éligibilité sont précis : population supérieure à 10 000 habitants, taux de chômage
supérieur à 14 %, proportion de jeunes supérieure à 36 %, taux de non-diplômés
dépassant les 29 % et potentiel fiscal inférieur à 3 800 francs par habitant. Dans chacune
des zones, les entreprises doivent s'engager, si elles embauchent, à réserver au moins
20 % des emplois créés aux habitants du quartier.
Des mesures d'exonérations fiscales et sociales renforcées sont applicables à ces zones
franches urbaines. Compte tenu de l'importance des privilèges accordés aux entreprises,
17. En fait, les quartiers retenus pour ces 38 zones franches ont été choisis en fonction des même critères que
les zones de redynamisation urbaine, mais de façon plus sélective et restrictive. Ces zones franches peuvent
d'ailleurs s'étendre dans certaines limites vers des espaces fonciers libres limitrophes.
18. Les termes de l'agrément de la Commission de Bruxelles notifié le 23 avril 1996 indique que ces zones
franches représentent moins de 1 % de la population française totale. Décret no 96-1154 du 26 décembre
1996 portant sur la délimitation des zones franches urbaines dans certaines communes.
Le Pacte de relance pour la ville est encore récent. Il est prématuré de parler de bilan
exhaustif ou de mesurer son efficacité par rapport aux objectifs poursuivis. Toutefois,
depuis leur mise en vigueur le I er janvier 1997, les zones franches urbaines françaises
auraient attiré I 123 entreprises représentant 5 489 emplois directs créés21. Sur ce
19. Ce plan s'est d'ailleurs appuyé sur un rapport réalisé en 1994 par Renaud Muselier (Député des
Bouches-du-Rhône) pour le Premier ministre : Amélioration de la création d'emploi en zone urbaine,
Collection Rapports officiels, Paris, La Documentation française, 1996. On y propose de créer des zones
d'entreprises (exonération d'impôt sur les sociétés pour deux ans, obligation de recruter la moitié du personnel
dans les quartiers d'accueil) et des zones franches (exonération de l' impôt sur les sociétés et droits de douanes
pour fins d'exportation).
20. François Idrac, " Le Pacte de relance pour la ville ", Regards sur l'actualité, juin 1996, La Documentation
française, 19-34 ; Problèmes politiques et sociaux, no.784, 9 mai 1997, La Documentation française, " Le
Pacte de relance pour la ville ", 55-67.
21. Nathalie Mlekuz, " Les zones franches urbaines créent une nouvelle dynamique ", Le Monde, 4 juin 1997 ; voir
aussi : Béatrice Wettstein, " Les premiers pas des zones franches ", Le Figaro, 6 mars 1997.
"Alors que l'étude d'impact remise au gouvernement en septembre 1996 estimait que
les ZFU devaient permettre de maintenir dans ces zones 20 000 emplois et devaient
en amener sur cinq ans entre 5 000 et 7 000, (on) parle désormais de 10 000 emplois
supplémentaires d'ici la fin de l'année23."
Il n'est pas inutile de rappeler ici que l'ambition et l'originalité du Pacte de relance se
démarquent sensiblement de la tradition conservatrice de l'État français en matière de
politique économique territoriale. Ce plan n'a pas été accueilli avec une polémique ou
de grands débats existentiels. La stratégie gouvernementale a délibéremment misé sur
la mobilisation des intervenants locaux et régionaux - c'est la raison pour laquelle on
a utilisé le mot "pacte" plutôt que "plan", "stratégie" ou "politique" - et sur la nécessité
de rechercher des consensus et une prise en charge du développement parmi ces acteurs.
Les intervenants concernés par le Pacte de relance, les décideurs publics et les investis-
seurs semblent avoir bien accueilli l'initiative compte tenu de résultats positifs et
concrets mais surtout de la forte mobilisation déjà en cours dans plusieurs milieux
d'accueil24. D'ailleurs, l'Association nationale des villes "zones franches urbaines",
qui regroupe des maires de toutes les tendances politiques, se dit "satisfaite du dispositif
d'exonération fiscale" contenu dans le programme et juge comme très positif le peu de
cas de "cannibalisme" et de simples déplacements d'activités que plusieurs d'entre eux
avaient craint au lancement du programme25.
Un bilan
22. Source : Délégation interministérielle à la ville, Première évaluation des zones franches urbaines (ZFU),
Paris, DIV-Ministère de l'Equipement, 1997.
23. N. Mlekuz, Ibid.
24. Philippe Baverel, " L'objectif marseillais : 1 800 emplois ", Le Monde, 4 juin 1997 ; Jean Valbay, " Nord :
la nouvelle séduction ", Le Figaro, 6 mars 1997.
25.Le Monde, 28 novembre 1997.
26.W. D. Gunther, C.G. Leathers, Ibid., 888.
27. J. Talbot, Ibid., p. 507 et ss.
Malgré les nuances apportées quant à leur évolution et la perplexité qu'ont suscité les
zones dérogatoires, la création d'emplois et la venue de nouvelles entreprises dans les
premières zones d'entreprises établies sous le gouvernement de Margaret Thatcher en
1981 sont des réalités incontournables. En effet, entre 1981 et 1986, le nombre
d'emplois a augmenté de 25 % passant de 2 700 à 3 300 dans la seule zone de Dudley
et ce, dans un contexte de stagnation de tout le reste des West Midlands3 . Plus de 160
établissements se sont localisés dans cette zone et près de 700 000 nouveaux pieds carré
d'espaces industriels ont été ajoutés aux espaces déjà disponibles. En fait, les onze
premières zones d'entreprises britanniques ont été relativement performantes compte
tenu des objectifs de départ. Le nombre total des emplois créés est passé de 22 880 à
36 900 sur cette période de cinq ans (une augmentation de 60 %) et le nombre total
d'entreprises est passé de 954 à 1 645 (une augmentation de 70 %) 32. La relocalisation
de certaines entreprises déjà existantes dans les nouveaux périmètres de zone déroga-
toire laisse entrevoir un déplacement d'établissements qui auraient de toute façon été
localisés dans le même milieu d'insertion local ou dans la même région. On reproche
ainsi à certains bilans de gonfler artificiellement le nombre "net" des nouveaux emplois
ou des nouvelles entreprises33. Ce déplacement "intra-muros" dans une région n'est pas
une anomalie en soi. Il est tout à fait normal d'observer une relocalisation et une
restructuration des activités économiques avec la venue d'un projet de découpage
dérogatoire. Cette zone permet la mise en place d' une nouvelle cohérence territoriale
des entreprises locales, cohérence qui fait parfois cruellement défaut à une ville ou à
28. C'est ce qui se dégage notamment des travaux de Rosemary D.F. Bromley et Richard H. Morgan qui ont
travaillé sur une des zones d'entreprises les plus connues : Swansea. " The Effects of Enterprise Zone Policy :
Evidence from Swansea ", Regional Studies, 19, 5, 1985, 403-413.
29. Rosemary D.F. Bromley, Joan C.M. Rees, " The First Five Years of the Swansea Enterprise Zone : An
Assessment of Change ", Regional Studies, 22, 4, 1988, 263-275.
30. B. Harrison, " The Politics and Economics of the Urban Enterprise Zone Proposai : A Critique ", International
Journal of Urban and Regional Research, 6, 422-428 ; G. Riposa, " State Urban Enterprise Zones : Origin, Policy
Context and Administrative Constraints ", International Journal of Public Administration, 12, 1, 19-44.
31. John E. Schwarz, Thomas J. Volgy, " Experiments in Employment ; A British Cure ", Harvard Business
Review, mars-avril 1988, 104-112.
32. J.E. Schwarz, T.J. Volgy, Ibid., p. 105.
33. Cette nuance est d'ailleurs apportée pour l'exemple des zones américaines Benjamin M. Hawkins, "
The Impact of the Enterprise Zone on Urban Areas ", Growth and Change, 15, 1, 1984, 36-40 ; Barry M.
Rubin, Margaret G. Wilder, " Urban Enterprise Zone ; Employment Impacts and Fiscal Incentives ", APA
Journal, automne 1989, 418-431.
Est-ce qu'il peut y avoir un déplacement d'entreprises d'une autre région limitrophe
dépourvue de zones dérogatoires vers celle qui vient tout juste d'implanter de telles
zones ? Sans l'ombre d'un doute. Il n'existe pas d'études à l'échelle nationale qui
permettent de mesure sérieusement ce phénomène mais encore une fois, il serait pour
le moins étonnant d'éviter une concentration d'activités au détriment de régions plus
éloignées ou moins organisées du point de vue de la territorialisation des activités
économiques. On sait, par exemple, que pour la zone d'entreprises de Pile aux Chiens
(Isle of Dogs) près du centre de Londres, 79 % des entreprises installées dans la zone
sont nouvelles contre 21 % de transferts d'activités en provenance d'autres quartiers de
la ville34. L'objectif de la zone dérogatoire dans un milieu d'accueil n'est-il pas
justement de doter ce milieu d'un avantage concurrentiel sur d'autres milieux ? Une
telle stratégie, on le voit bien ici, nécessite une vision globale d'insertion de découpages
exemplaires dans un contexte national qui puisse minimiser les effets de cannibalisation
et les disparités régionales.
Peu de zones dérogatoires ont entraîné des transferts d'activités au point de désertifier
la région environnante de son tissu industriel. La diminution des investissements et le
déclin de certains secteurs productifs sont plus souvent liés à une conjoncture régionale
défavorable et non pas à la présence d'une zone d'entreprises qui viendrait accentuer
les disparités ou les inégalités dans la répartition régionale de l'emploi. C. Heurteux
souligne d'ailleurs que, dans certains cas, la présence d'une zone aurait permis un
développement et une croissance plus rapides de la périphérie immédiate de la zone
que du périmètre de la zone elle-mêmê5. Plusieurs parcelles de territoire ont, par
exemple, été "tirées" par le développement de certaines zones d'entreprises créant un
véritable effet d'entraînement sur l'économie locale ou régionale.
"La plupart des observateurs en viennent par ailleurs à la conclusion que les incitatifs,
fiscaux ou autres, importent sans doute moins que la mobilisation des organisations
locales et la prise de conscience individuelle qui accompagnent la désignation des zones
d' entreprises"37.
Une analyse plus approfondie de D.K. Belasich insiste davantage sur le fait que les
zones d'entreprises sont d'abord des interventions "géographiques" ou "territoriales"38.
L'examen des expériences britanniques et américaines démontre clairement que cette
territorialisation des activités économiques permet une variété de découpages, de
caractéristiques et de modes de gestion très diversifiés. La zone dérogatoire devient à
la fois un prétexte et un déclencheur pour mobiliser les acteurs locaux autour d'un projet
de relance économique39. Elle devient aussi la traduction organisée, la mise en cohé-
rence, des acteurs et du tissu économique du milieu d'insertion. La zone d'entreprises
américaine représente l'exemple parfait de la conjonction d'activités économiques
mutuellement renforcées dans un périmètre spatial délimite. Aux États-Unis, l'évo-
lution de la zone d'entreprises est venue confirmer ce qui déjà était observable en
Europe : le développement d'un outil de promotion et de mise en valeur économique.
Les interventions "zones dérogatoires" permettent la mobilisation et le regroupement
des forces vives du développement économique local et régional. Elles permettent leur
"mise en vitrine" et une visibilité efficace en termes de promotion économique. Elles
structurent la localisation spatiale de ces activités dans des zones géographiques
nécessitant de nouvelles impulsions de développement.
Il apparaît dans un premier temps, que le retrait de l' interventionnisme économique accompagne
le retour en force de l'interventionnisme "physico-spatial". Jamais les critères de sélection d' ilôts
privilégiés, d'archipels ou de zones définies n'auront été aussi vagues, flous et arbitraires. La
"découpe" économique se transforme en mise en valeur singulière d'un espace pré-établi. Ces
nouveaux laboratoires font généralement du sens pour les décideurs publics préoccupés par les
besoins des investisseurs et des firmes. Accommoder, faciliter et faire confiance au marché sont
des directives qui collent bien aux impératifs de la mondialisation économique telle qu'elle se
manifeste dans les zones urbaines problématiques. La diffusion de ce mode d'intervention vient
aussi chercher des compromis pour le moins inusités auprès de certaines activités qui débondent
du champ de l'économie traditionnelle. Ainsi, les législations de plus en sévères en matière de
publicité sur les produits du tabac en Europe et en Amérique du Nord viennent compromettre
la tenue d'événements culturels et sportifs ayant une incidence économique importante sur leur
milieu d'accueil. Il en va ainsi pour les nombreux festivals de prestige, pour les événements
sportifs ou pour la tenue de spectacles à grand déploiement télévisuel. Dans ce contexte, on voit
donc apparaître des "découpages temporels" de zones dérogatoires qui permettent le maintien
de ces événements sur de courtes durées. Un Grand Prix de Formule 1 ou un Festival International
de Jazz peuvent ainsi contourner un cadre réglementaire contraignant pour une durée de trois
jours ou une semaine et ce, dans un périmètre territorial bien circonscrit.
43. Les américains utilisent l'expression " Identifiable Something " pour mettre en évidence cette " signature
territoriale " créée par une zone dérogatoire.
44. En 1997, ce fut le cas pour le Grand Prix du Luxembourg (Formule 1) qui a eu lieu à Nürbürbring en
Allemagne. Pour permettre la tenue de l'événement, le site fut déclaré zone franche pour une durée de trois
jours. Notons par ailleurs que les 15 ministres de la santé de l'Europe ont récemment été unanimes sur le
maintien des lois anti-tabac tout en accordant un statut dérogatoire d'une durée de neuf ans à l'industrie de
la Formule 1 pour le maintien de ses activités !
Découpage et dérogation 31 I
DÉCOUPER ET TISSER
Les dispositifs d'emploi et d'insertion
en Ille-et-Vilaine
Raymonde Séchet, Ronan Le Délézir
UMR ESO.6590, Université Rennes 2
L'essor des politiques de l'emploi et de l' insertion ainsi que les modalités de leur gestion
publique ont abouti à concevoir de nouvelles mailles de gestion et d'intervention sur le
territoire. Bien que devant en principe répondre au devoir d'égalité d'accessibilité entre
citoyens, ces mailles sont en réalité le résultat d'arbitrages entre recherche de l'efficacité
gestionnaire, commodité par adéquation avec des découpages déjà existants qui ne sont
pas nécessairement pertinents, visées électoralistes, etc. L'action sociale implique
aujourd'hui les principaux échelons politico-administratifs du pays : les élus des
différentes circonscriptions territoriales sont tous, peu ou prou, par délégation de
compétence ou par choix et contrainte du moment, mobilisés en faveur de l'insertion.
Elle implique aussi de multiples acteurs en charge de gestion. À cette complexité
organisationnelle, s'ajoute la question de la correspondance à établir ou non entre les
mailles d'intervention et les circonscriptions électorales ou les espaces de fonctionne-
ment des marchés locaux du travail, qui ne sont pas les mêmes que ceux de l'insertion.
Entre la zone d'emploi, le bassin de vie, la « commune bassin d'emploi » proposée par
Bernard Brunhes', quel est le cadre le plus efficace pour l'animation de la politique
d'emploi ? Les découpages peuvent-ils permettre de concilier le niveau de la cohésion
sociale, c'est-à-dire l'insertion de proximité, avec un niveau plus large à créer et que
ses promoteurs imaginent comme espace de projet, de développement et d'efficacité
économique2 ?
4. Simon Wuhl, Insertion : les politiques en crise, PUF, 1996, coll. Sociologie d'aujourd'hui, 285 p.
5. Marie-Thérèse Join-Lambert, Politiques sociales, Presses de la FNSP & Dalloz, 1994, p. 181.
En matière d'insertion par le logement, la loi Besson du 31 mai 1990 vise plus
explicitement encore que la loi Quillot de 1982 à mettre en uvre le droit au logement
en favorisant l'accès au logement des personnes qui en sont privées et en contribuant
au maintien dans leur logement de ceux qui pourraient en être chassés. Obligation
est faite aux préfets et aux présidents de conseils généraux de concevoir des plans
départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées qui tiennent
compte des besoins et des caractéristiques locales du parc. Le versant social de la
politique du logement s'articule donc fortement avec les autres politiques publiques
centrées sur le traitement de la pauvreté : insertion, politiques de l'emploi, politique de
la ville.
Non-coïncidence.
Périmètre de l'ASSEDIC
Alors que l'ANPE est un des principaux partenaires impliqués dans le fonctionnement
des Missions locales, force est de constater que les aires d'intervention des ALE et des
Missions locales ne se superposent que pour Saint-Malo et Fougères. La Mission locale
de Vitré s'étend sur l'ALE de Vitré et sur les cantons de Janzé et Retiers qui dépendent
de l'ALE de Rennes-Poterie. La Mission locale de Redon recoupe les aires d'intervention
des ALE de Redon et de Rennes-Poterie, ainsi que celles de Vannes et de Chateaubriant en
Loire-Atlantique. L'aire d'intervention de la Mission locale de Rennes ne correspond
ni aux découpages des ALE ni aux limites de la zone ASSEDIC, ni d'ailleurs à celles
du Comité de développement économique et social du Pays de Rennes (CODESPAR).
De même, les CLH pouvaient être organisées sur la base des arrondissements, des
circonscriptions d'action sociale, des CLI, mais aussi en fonction des bassins d'habitat
(carte 5). Leur délimitation en Ille-et-Vilaine illustre bien le pouvoir d'intervention de
certains acteurs locaux. En effet, l'hypothèse première lors de la préparation du Plan
départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, qui était de faire
coïncider les CLH avec les CLI, a d'emblée été battue en brèche par le District de
Rennes. Celui-ci a imposé que la CLH de Rennes corresponde à son territoire. Si les
CLH de Vitré, Redon, Saint-Malo coïncident bien avec les CLI, les CLH voisines de
Rennes ont été construites
Périmètre de la CLI
- soit à partir des restes de CLI amputées de leurs communes du district (par exemple,
la CLH de Saint-Aubin-d'Aubigné réunit les communes de la CLI de Rennes-nord
non comprises dans le district de Rennes) ;
La question des bases sur lesquelles repenser des découpages unifiés est grosso modo
une alternative entre circonscriptions administratives et institutionnelles déjà existantes
et espaces fonctionnels. Ce débat a déjà opposé Louis Maurel et Christian Lefevre :
pour le premier, la recherche d'un ajustement entre mailles du système administratif et
territoires vécus devrait permettre de corriger les dysfonctionnements nés de l'inadé-
quation croissante entre des territoires vécus évolutifs et des mailles administratives
héritées et figées ; mais c'est précisément parce que les territoires vécus évoluent au rythme
des migrations que Christian Lefevre considère la recherche de l'adéquation entre territoire
fonctionnel et territoire institutionnel comme relevant de la course sans fin7.
Quelle que soit l'option choisie, celle-ci ne viendrait pas résoudre les inégalités dans
l'offre d'insertion et les inégalités entre citoyens en matière d'accès à l'offre. Le débat,
classique en géographie, entre région fonctionnelle et espaces vécus, a clairement
démontré les limites de la notion de pratiques spatiales : les bassins de vie et les zones
d'emploi sont des représentations statistiques produites sur la base des comportements
dominants mesurés par des statistiques de flux et qui, de ce fait, ne sont pas adaptées à
beaucoup des populations concernées par les politiques de l'emploi et de l'insertion.
Une résidence en milieu urbain peut être un avantage en matière d'accès à l'information
et de retour vers le marché de l'emploi. Ainsi, en janvier 1995, Rennes regroupe 46 %
du total des employeurs de Contrats emploi-solidarité dans la zone d'emploi de Rennes
et toutes les communes du district embauchent des personnes en contrats emploi-soli-
darité contre seulement 54 % des communes de la zone d'emploi hors district8. À cet
avantage quantitatif, la grande ville ajoute l'atout qualitatif, c'est-à-dire la diversité de
l'offre d'activités d'insertion tant dans les structures d'insertion par l'économique que
dans les activités de type social ou culturel (Ville de Rennes, Conseil général, Centre
6. Ronan Le Délézir, Les "pays" en Bretagne. Sur la pertinence d'une nouvelle organisation territoriale,
Thèse de doctorat Géographie-Aménagement de l'espace, Université de Rennes 2, 1998, 503 p.
7. « La recompositon territoriale en questions : positions d'acteurs », Revue de Géographie de Lyon, vol. 70,
1995, n° 2, pp. 159-168.
8. Laurence Eydoux, Chômage de longue durée et mesures d'insertion : une étude des contrats
emploi-solidarité dans la région de Rennes, Mémoire de maîtrise en géographie sous la direction de
Raymonde Séchet, Université Rennes 2, 1995.
La concentration de l'offre d'insertion dans les villes peut paraître répondre à l'inégale
densité des besoins dans la mesure où la pauvreté est aujourd'hui avant tout urbaine.
Les situations de pauvreté n'en sont pas moins réelles en milieu rural où les acteurs de
l'insertion sont, comme ceux des villes, confrontés au chômage et aux difficultés
d'insertion des jeunes. D'autant plus que les dispositifs mis en uvre dans le cadre de la
politique du logement des plus démunis peuvent donner lieu à des mobilités de la ville
vers la campagne. Les logements proposés à des ménages aux ressources limitées et
peu mobiles, soit par absence de moyens de locomotion, soit parce que les déplacements
sont coûteux, sont souvent éloignés des services, des circuits de transports en commun,
et surtout des zones principales d'emplois. L'insertion par le logement de personnes
mal intégrées dans les solidarités et les réseaux sociaux locaux pourrait bien alors
solidifier des situations d'exclusion professionnelle.
D'abord tisser
La mobilisation locale pour l'insertion est intense parce que, après leurs passages
obligés à l'ANPE, la Mission locale ou dans les autres services d'assistance, les
chercheurs d'emplois se tournent vers les mairies. Les apparents dysfonctionnements
observés en Ille-et-Vilaine peuvent, dès lors qu'ils sont analysés comme le reflet de la
mobilisation des acteurs locaux, être interprétés de manière positive, comme des
preuves de dynamisme territorial.
9. Jean-Louis Guigou, Une ambition pour le territoire. Aménager l'espace et le temps, Datar, Éditions de
l'Aube, 1995, p. 100.
O. Christèle Alain, Le Pays de Redon et de Vilaine et les services publics : vers une gestion coordonnée,
Université Rennes 2, mémoire de maîtrise sous la direction de Guy Baudelle, 1997.
Carte 6
A.L.E de Rennes-Sud
A.L.E de Rennes-Poterie
>E de Châteaubriant
Limites de départements
Pour des raisons qui ne sont pas seulement matérielles, des personnes, souvent en milieu
rural, ont une approche spécifique du marché du travail en ce sens où, dans leur quête
d'emploi, la distance par rapport au domicile passe avant la nature de l'activité. Entre
le bassin de vie quotidienne et le bassin d'emploi, c'est-à-dire entre la solidarité et
l'efficacité économique, Jean-Louis Guigou choisit l'emploi et donc le pays-arrondis-
sement V). Les objectifs de nature macro-économique ne doivent cependant pas faire
oublier les besoins d'insertion de proximité des personnes qui sont restées à l'écart des
formes modernes de mobilité et dont les bassins d'emploi personnel sont singulièrement
étroits. Pour cela le pays doit s'appuyer sur les regroupements intercommunaux,
c'est-à-dire avec le bassin de vie, « niveau de gestion écologique et sociale des rapports
de voisinage 13 », et donc niveau de la cohésion sociale. Ce niveau pourrait aussi être
celui de l'organisation de l'accès à l'information.
I I . Augustin Jean-Pierre, Pailhé Joël, Dupouey-Bordenave Jeanne, Bernard Marie-Christine, «À la recherche
des dynamiques sociospatiales », Le RMJ à l'épreuve des faits. Territoires, insertion et société,
Syros-Alternatives, 1991, pp. 173- I 82.
12.Jean-Louis Guigou, « Un jeu de rôles », op. cit.
13.Jean-Louis Guigou, Une ambition pour le territoire...
Parmi les problèmes posés par une telle territorialisation, nous en retiendrons deux. Le
premier renvoie aux métamorphoses de la question sociale car la substitution d'une
approche centrée sur les initiatives locales à une approche par publics-cibles risque de
faire réemerger des pratiques tutélaires. Le fait est particulièrement sensible en milieu
rural. Quand le chantier d'insertion de Saint-Aubin du Cormier (16 salariés en 1996),
qui est la seule structure d'insertion professionnelle du canton, n'embauche que des
personnes domiciliées sur les communes adhérentes au projet, quand la moitié des
RMIstes ruraux bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité travaillent dans leur com-
mune de résidence et que, au total, les deux-tiers d'entre eux exercent leur activité dans
leur canton de résidence, l'hypothèse de pratiques cl ientélistes émerge aisément. Il faut
dire que ces pratiques de sélection des bénéficiaires par la domiciliation ne sont pas
spécifiques aux campagnes puisque, par exemple, le PLIE du District de Rennes ne
s'adresse qu'aux résidents de la zone d'application. Que la commune ou le groupe de
communes soient ainsi redevenus le niveau auquel se traite le non-emploi et se gère la
14. Jangui Le Carpentier, « Repenser la cohérence des dispositifs d'insertion. Réflexions autour du rapport
du Conseil national des missions locales », in Bouillaguet Patricia & Guitton Christophe (Dir.), Le chômage
de longue durée. Comprendre, agir, évaluer, Syros Alternatives, 1992, p. 707-716.
328 Insee Méthodes n° 76-77-78
cohésion sociale pourrait bien être un retour à ce que Robert Castel définit comme « une
protection rapprochée »15.
Le second est celui du pilote à bord. Pour que les découpages harmonisés ne soient pas
seulement des espaces de gestion dénués de capacité d'initiative mais qu'ils soient le
support à une réelle priorité à la lutte contre l'exclusion, il convient de faire émerger
une tête de réseau. La question du leadership dans les politiques de l'emploi ne se pose
plus seulement au niveau national mais aussi, et d'abord, au niveau local. Bernard
Brunhes a récemment reformulé ce besoin d'un véritable responsable : « Il manque
l'Hercule suffisamment motivé pour s'attaquer aux administrations d'Augias. Un
Monsieur ou une Madame Emploi au niveau de chaque bassin d'emploi, disposant de
tous les moyens de faire vivre, de gérer, d'animer le marché du travail, de verser les
indemnités, de financer les formations, d'enquêter dans les entreprises afin d'anticiper
les besoins, un Monsieur ou une Madame Emploi, plus secourable aux employeurs
comme aux salariés que bureaucrate contrôleur, un Monsieur ou une Madame Emploi
auquel les pouvoirs publics feraient confiance et qui remplacerait toutes ces adminis-
trations locales qui passent plus de temps à se coordonner ou à se marquer qu'à animer
le marché. Qui remplacerait et non pas qui s'ajouterait à ce qui existe. I6 »
Conclusion
L'observation des multiples découpages liés à l'insertion en Ille-et-Vilaine suggère que
la lutte contre l'exclusion passe par une mise en cohérence des aires d'intervention.
Cependant, l'acte de découper compartimente l'espace au risque de produire de
nouvelles contraintes morphologiques. La situation actuelle dessine des marges dans
lesquelles les habitants doivent multiplier les déplacements vers des villes différentes
pour remplir des dossiers administratifs ou accéder à l'information en matière d'inser-
tion. Ces marges sont aussi des marches, des espaces ruraux non directement métropo-
lisés dont les populations s'orientent vers plusieurs villes. Pour qu'un découpage unique
n'entraîne pas une perte de porosité de l'espace, il faut surimposer à la logique de
mailles conçues comme cadres d'exercice de pouvoirs ou de compétences sectorielles
à défendre, une logique de points et de relais hiérarchisés articulant les différents
niveaux d'administration, de gestion, de projet afin de parvenir à une réelle territoria-
lisation des politiques publiques. Or comment maintenir la perméabilité des limites si
le pilote est un acteur politique pour qui le territoire est d'abord cadre d'exercice d'un
pouvoir personnel ? Il ne faut cependant pas se méprendre sur la portée de la territoria-
lisation des politiques publiques car il n'est pas de thérapeutiques spatiales qui puissent
suffire à résoudre des problèmes de société. Malgré tout, les découpages sont le produit
de jeux d'acteurs où il devrait être possible de concilier efficacité et équité.
15. Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale..., op. cit, p. 42.
16. Bernard Brunhes, Les habits neufs de l'emploi, op. cit, p.168.
Les organisateurs de ces journées ont souhaité débattre avec des acteurs de l'action
publique locale des conditions de prise en compte des enjeux environnementaux dans
le découpage des territoires.
Fondée sur une activité professionnelle au sein des Parcs Naturels Régionaux ou
d'organismes d'élaboration de schéma directeur d'aménagement, mon intervention
s'attachera à mieux cerner comment le discours environnemental devient un élément
du dispositif de légitimation des acteurs qui mettent en oeuvre ce découpage du
territoire.
De prime abord il faut bien reconnaître que cette question peut paraître peu en lien avec
ces pratiques professionnelles : le territoire qui est la matière de ces pratiques est plus
souvent perçu comme "déjà là", donné, plutôt que construit. Son découpage est la
résultante de processus multiples bien développés par ailleurs au cours de ces journées.
Ce maillage du territoire pourrait ainsi avoir acquis un statut d'évidence. Et pourtant
voilà bien une évidence qui n'en est pas une.
En effet, loin d'être une réflexion sans prise sur la réalité des pratiques du développe-
ment territorial, cette question amène à s'interroger sur la délimitation des territoires
sur lesquels se déploient les projets publics dont nous avons la charge et en particulier
sur le rôle tenu par les discours sur l'environnement en ce domaine.
1. Les parcs naturels régionaux français se caractérisent par leur projet de fonder une politique de
développement sur la protection et la valorisation des caractères patrimoniaux exceptionnels de leurs
territoires. Ils se distinguent en particulier des parcs nationaux par cette visée d'impulser une politique de
développement sur leurs territoires rejoignant dès les années 70 quelques idées-force des discours
contemporains sur le développement durable.
C'est un mot qui relève de prime abord du registre fonctionnel et renvoie aux pratiques
usuelles de zonage spatial (cf. schémas directeurs, plans d'occupation des sols).
Ce point est bien illustré par les débats qui entourent la définition d'un périmètre de
futur parc naturel régional, d'un pays ou d'un document d'aménagement comme les
schémas directeurs.
Les découpages issus des pratiques républicaines (département, canton) n'offrant pas
le cadre de référence nécessaire, la définition d'un nouveau périmètre est alors un des
enjeux autour duquel vont se nouer les négociations sur lesquelles reposent la légitimité
du projet lui-même et de l'acteur qui le met en oeuvre.
Cette approche du découpage nous éloigne ainsi du premier sens qui le rattachait à une
mesure fonctionnelle visant à faciliter les conditions de mise en œuvre d'un projet. Il
importe alors de s'interroger sur l'émergence des questions de l'environnement dans
cet acte de découpage.
Les procédures publiques mises en oeuvre sur ce registre en France sont maintenant
bien connues (cf. inventaires environnementaux comme les "ZNIEFF", études d'impact
etc.) et alimentent le travail de zonage spatial en faisant apparaître des zones de plus ou
moins grande sensibilité.
Ce savoir fragmenté répond aux attentes d'un projet de découpage fonctionnel qui reste
cependant à l'état de document descriptif peu stratégique : la délimitation d'une zone
naturelle dans un schéma directeur peut certes garantir le maintien de cette zone en état
mais ce découpage ne signifie pas que le territoire concerné soit effectivement engagé
dans une démarche qui, au delà de la protection de zones, est le gage d'un aménagement
du territoire conforme à des objectifs plus larges de gestion "durable".
Ce premier travail de définition nous permet, sur ces deux champs, de cerner comment
les enjeux environnementaux contribuent à l'acte de découpage des territoires.
Première et souvent unique étape dans la prise en compte des données environnemen-
tales, cette phase permet d'asseoir un découpage du territoire selon les caractéristiques
des milieux naturels sans pour autant suffire à dégager les lignes d'une politique. Le
découpage reste descriptif sans autre perspective que de donner à voir l'état d'un
territoire et asseoir la mise en oeuvre de politiques spécialisées.
— Politiques spécialisées :
C'est ne pas voir que la stratification des savoirs et des politiques spécialisées mises en
oeuvre par un découpage de zones qualifiées d'intérêt environnemental ne suffit pas à
construire un projet public dans lequel l'enjeu environnemental prend toute sa place.
Ce point peut être illustré par la pratique des parcs naturels régionaux.
Un parc naturel régional fondant ses politiques de développement sur la prise en compte
des enjeux environnementaux ne peut estimer avoir atteint son but uniquement par le
L'émergence de projets territoriaux est bien le lieu où apparaissent clairement les enjeux
d'un découpage du territoire (qui fait exister l'espace de ce projet) et la place des enjeux
environnementaux dans les discours et pratiques qui fondent ce découpage.
L'acte fondateur d'un parc naturel régional (sa charte constitutive qui permet au
Ministère de l'Environnement d'apprécier la pertinence de l'attribution du label "parc
naturel régional") porte en particulier sur son périmètre au sein duquel seront mises en
oeuvre les mesures de la charte.
— se faire reconnaître au côté d'autres acteurs locaux parfois enracinés depuis long-
temps (départements) ou dotés de compétences importantes (groupements de com-
munes). Le discours "environnemental " va contribuer à fonder la légitimité du futur
parc face à ces autres acteurs mettant en relief en priorité le caractère exceptionnel
du territoire d'un point de vue environnemental ou paysager. L'analyse environne-
mentale permet de fonder ainsi un découpage administrativo-politique.
On voit ainsi, en résumé, combien l'environnement est un thème qui a permis d'asseoir,
par un découpage des territoires, des outils publics nouveaux comme les parc naturels
régionaux mais au prix d'une ambiguïté dont les acteurs locaux ont une conscience plus
ou moins aiguë.
Nous avons, tout au long de ce colloque, abordé diverses réalités du milieu et leur
découpages respectifs, découpages que rencontrent les gestionnaires du territoire et,
encore, nous nous sommes limités aux territoires nationaux.
En résumé, l'Atlas du Québec et de ses régions est construit sur support électronique
en réseau sur Internet, il traite de l'ensemble du territoire québécois à travers une
quinzaine de grands thèmes et aborde les réalités régionales par une représentation
cartographique des informations décrivant chacune des régions du Québec et permettant
des analyses comparatives. L'Atlas a un but : dégager les tendances lourdes qui
président à l'évolution du territoire québécois et mettre ces données à la disposition des
acteurs sociaux impliqués dans la planification du développement aussi bien globale et
intégrée, que locale et spécifique.
Les avantages de ramener la prise de décision près de la réalité du terrain sont évidents :
meilleure connaissance des phénomènes, validation des données, analyse plus fine, etc.
Il existe cependant un dangereux corollaire à cette démarche : le fractionnement du
territoire et la balkanisation des niveaux décisionnels.
Nous avons reconstitué les bases statistiques en utilisant ces cent deux unités territoria-
les. Pour chaque année du recensement, entre 1961 et 1991, nous avons compilé et
agrégé les informations sur la base des territoires actuels des MRC. Ces cent deux unités
territoriales nous renseignent sur les régions d'appartenance. Néanmoins, nous sommes
conscients que la réalité de ces territoires est loin d'être homogène et que des analyses
à plus grande échelle (plus petits espaces) permettront de les raffiner.
C'est ainsi que pour le deuxième volet de l'Atlas du Québec et de ses régions, l'Atlas
interrégional, la municipalité devient la base géographique pour supporter l'analyse des
informations. Ces 1 400 municipalités pour le territoire municipalisé, qui couvre la
partie méridionale du Québec, permettent un raffinement de l' analyse comparativement
aux 96 MRC.
Il en va de même pour le volet des atlas régionaux, soit 17, un par région administrative,
qui reprend la base des municipalités et va même un peu plus loin dans la mesure où,
localement, lorsque l'information est disponible, un découpage plus fin est appliqué.
Au départ, certains chercheurs ont cru que les nouvelles technologies de transmission
de l'information gommeraient l'effet de distance et que, de façon presque automatique,
les différences entre les régions centrales et périphériques et entre les agglomérations
urbaines et l'espace rural disparaîtraient. Selon ce point de vue, les entreprises et les
citoyens allaient pouvoir bénéficier partout de l'accès à l'information en temps réel et
C'est seulement par l'implantation de ce type de systèmes que l'information pourra être
utilisée au profit des collectivités territoriales et non contre elles. Profitant des possibi-
lités d'Internet, mais aussi des synergies régionales et interrégionales, l'Atlas électro-
nique du Québec et de ses régions proposé a pour objectif de jouer ce rôle.
Au niveau national, l'Atlas du Québec analyse les grandes thématiques dans une
perspective qui éclaire la vision d'ensemble des composantes du pays. Les informations
y sont traitées à l'échelle du Québec dans son ensemble ou subdivisé en deux parties,
le Québec septentrional et le Québec méridional.
Pour ce qui est de l'Atlas interrégional, il vise à présenter une série d'indicateurs
décrivant les régions à partir d'une grille standardisée, et ainsi à comparer une centaine
d'informations. Les indicateurs retenus vont de la population à l'économie en passant
par la qualité de vie et les données environnementales.
Une des hypothèses mises en avant par l'équipe de l'Atlas est en effet que ces analyses
régionales couplées aux dossiers interrégionaux devraient faire de l'autoroute électro-
nique sur laquelle roule cet Atlas un lieu d'échanges, le forum sur l'aménagement du
territoire des régions, dans la mesure où les responsables régionaux auraient non
La cartographie du peuplement :
message d'alerte sous forme graphique
À titre d'exemple, est présentée une première série de cartes traitant de l'évolution
de la population au Québec. Cette évolution a suivi une pente assez stable et déjà
largement préfigurée à la fin du XIXe siècle. Les contours de l'espace habité, espace
assez restreint si on le compare avec l'ensemble du territoire, sont déjà bien tracés
en 1871. Les marges de l'oekoumène ne s'enrichiront qu'avec le peuplement
ponctuel qu'attirent la colonisation et la mise en valeur des richesses naturelles en
Abitibi, au Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord. Aussi, les cent dernières années
d'évolution de l'occupation du sol se caractérisent-elles moins par l'expansion de
l'oekoumène que par l'accroissement de la population, par sa densification et,
surtout dans les dernières décennies, par sa concentration dans les agglomérations
urbaines, notamment dans les grands centres.
Cependant, à partir des années 60, la tendance change. Le peuplement s'étiole. Les
zones rurales se dépeuplent au profit des centres urbains, qui eux s'étalent. L'analyse
de la variation de la population entre 1961 et 1991 par MRC révèle l'existence de trois
types de zones.
D'abord, une zone de croissance située au sud, au centre de l'espace habité, structurée
autour de Montréal. Il faut souligner cependant l'exception de la CUM (Communauté
Urbaine de Montréal), dont la population est restée stable, ce qui montre que ce sont
les banlieues qui ont profité du dynamisme démographique métropolitain. L'évolution
du peuplement dans cette zone correspond assez bien à la figure du " beigne ".
Ensuite, plus à l'est, nous trouvons une large zone de décroissance, laquelle décrois-
sance s'intensifie vers le nord-est. Cette zone est pointée par les îlots de croissance
démographique que constituent l'agglomération de Québec, le corridor qui suit la
rivière Chaudière en Beauce, et les villes intermédiaires de Chicoutimi, Rivière-du-
Loup et Rimouski.
La troisième zone se déploie vers le nord-ouest et est aussi marquée par la décroissance,
à l'exception de la Communauté urbaine de Hull, dont la croissance s'explique par sa
proximité de la capitale fédérale.
Pour la mise en place d'une véritable politique territoriale, l'Atlas ne pourrait-il pas
constituer une plate-forme de départ pour amorcer les discussions entre les autorités
gouvernementales et locales '? Qui sait ? Cet outil qu'est l'Atlas du Québec et de ses
régions sera éventuellement porteur d'un réseau d'échanges entre régions sur les
diverses façons de traiter l'information visant à soutenir le développement du territoire.
- Version 2.03 •
....... . Netscape:
Croissance de la population, 1961-1991
Évaluberi de le
popl.6an,1961-1561
CrOh:EalCe.
Enjeux d'une gestion du territoire décentralisée 347
. Netscape: Distribution de le population, 1996
ae ia
papuleee, lt
I frdtnt-.500
STONEHAM-ET-TEWKESBURY
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*— Limite du bassin versant
Lvntte municipale
SAINTE-BRIGITTE-
GE.LAVAL
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SAINT-GABRIELDE-VALCARTI,ER
SHANNON
BEAUFORT
SAINT-
ÉMILE
LEREUEV1 LE
VAÉ-BÉLAIR
QUEBEC
VANIER
2.5 5
kilometres
SAINTE-FOY
SILLERY
\\\
Source : Ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec
Groupe d'Études Interdisciplinaires en Géographie et Environnement Régional, Département de géographie, Université du Québec à Monrtéal
Enjeux d'une gestion du territoire décentralisée 349
DES STRUCTURES NATURELLES
PERMANENTES À LA BASE DU
DÉCOUPAGE ÉCO I IQUE DU TE OIRE
Jean-Pierre Ducruc
Direction de la conservation et du patrimoine écologique,
Ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec
Est-ce que le développement durable sera plus qu'une mode, plus qu'un slogan récupéré
par l'opportunisme politique ? Si oui, toute planification économique devra prendre en
compte la dimension écologique du territoire. Elle aura pour cela besoin d'outils qui
permettront, entre autres, d'évaluer les capacités de support et les capacités limites du
milieu.
L'écologie du paysage aborde l'étude du territoire de façon globale autour d'un concept
central : l'écosystème et sa mosaïque spatiale. La notion moderne d'écosystème fait
appel à ses constituants physiques et biologiques et à leurs interactions spatio-tempo-
relles. Leur classification et leur cartographie se font selon une approche globale qui
va du général au particulier dans une hiérarchie descendante de niveaux de perception
gigognes (Rowe, 1993 ; Naveh et Lieberman, 1994).
— que de telles structures spatiales existent bien et qu'elles traduisent une organisation
(mosaïque) écosystémique particulière ;
— quel peut être leur apport dans une perspective écologique de développement aussi
bien au niveau général qu'au niveau local.
Deux structures spatiales contrastées sont juxtaposées sur l'image. Elles sont toutes
deux soulignées par la distribution et la morphologie des plans d'eau. D'un côté, une
structure cassée plus ou moins orthogonale (J), de l'autre, une structure subparallèle
étroite et allongée (K).
Figure 1
Limite entre les Provinces naturelles J et K (J : Péninsule d'Ungava ;
K Bassin de la baie d'Ungava)
Roches volcaniques
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Lorsqu'on descend au niveau du terrain, ces deux structures contrastées régissent deux
organisations spatiales tout aussi contrastées. D'un côté, un plateau monotone dont le
socle rocheux cassant est à peine masqué par une mince couche de dépôt morainique
recouvert par la toundra arctique. De l'autre côté, un relief de type appalachien fait
d'une succession de crêtes subparallèles séparées par des vallées étroites et encaissées,
dont la plupart sont occupées par des lacs allongés. Sous un climat général identique,
cette physiographie permet l'installation systématique d'une toposéquence particulière
(figure 3), d'une mosaïque d'écosystèmes bien différents de ceux rencontrés sur le
plateau voisin. Le tableau 1 propose un résumé de quelques caractéristiques majeures
de chacun des territoires.
Tableau 1
Caractéristiques de base des Provinces naturelles J et K
354 Insee Méthodes n° 76-77-78
Figure 3
Toposéquence simplifiée de la Province naturelle K (Bassin de la baie
d'Ungava)
10 : Haute-terrasse de Sainte-Mélanie
11 : Terrasse de Sainte-Ambroise-de-Kildare
District District écologique 8 District écologique 6
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District écologique 9
DistrIct écologique 8 District écologique 6
- Terrasse de Rawdon
- Paléodella sabla-graveleux - Monticules de Saint-Jacques - Plaine de Saint-Esprit
- Sols bien drainés - Terrain bosselé dont les bosses sont - Argile glacio-marine
- Déclivité générale 3 à 5 recouvertes de dépôts glaciaires sablo-loameux - Sols généralement mal drainés
- Stratigraphie : • 10 m sable et gravier sur pierreux bien drainés et les parties planes de - Déclivité générale 0 à 2 %
10 m d'argile sur roc dépôts littoraux loameux mal drainés - Stratigraphie : • 15 m d'argile sur 5 m de
Utilisation du sol : • foré( ; récréation - Déclivité générale 3 à 10 % gravier sur roc
- Hydrographie • vallées incisées asymétriques • Stratigraphie • alternance : 0-1 m de moraine - Utilisation du sol : • agriculture (grandes cultures)
à méandres irréguliers pierreuse sur roc 6 m de sable et loam - Hydrographie • vallées en plaine,
• réseau parallèle sur roc peu encaissées el sinueuses
• densité élevée (1,9 km/km') - Utilisation du sol : • monarque agro-forestière • réseau dendritique
lnseeMéthodesn° 76-77-78
Les limites et la cartographie des onze districts écologiques de cette partie du bassin
versant s'appuient sur les mêmes paramètres ; l'importance des variables physiques
demeure primordiale même clans les parties fortement agricoles du territoire. Certains
districts écologiques sont demeurés entièrement forestiers : ils le doivent alors à des
sols pauvres (sablonneux) et mal drainés. D'autres présentent une mosaïque d'îlots
forestiers entourés de terres agricoles (figures 6 et 7). Ces îlots boisés sont révélateurs
d'écosystèmes particuliers autant clans leur dimension historique, socio-économique
(ils sont le théâtre des activités traditionnelles liées à l'acériculture) et écologique
(contribution à la biodiversité) (Forman, 1995 ; Langevin, 1997). Leurs limites sont
encore une fois physiques et permanentes : forme de terrain, origine et nature du dépôt
meuble, épaisseur et régime hydrique du sol, etc.
Sur la base de ces informations, on peut alors amorcer une réflexion globale sur les
vocations territoriales régionales en tenant compte des caractéristiques écosystémi-
ques ; en particulier, l'attention pourrait se porter ici sur la recherche des productions
agricoles les mieux adaptées à leur milieu en analysant par exemple la productivité des
sols en regard des risques de pollution diffuse (Beauchesne et al., 1997).
360 Insee Méthodes n° 76-77-78
Des structures naturelles permanentes de niveau local
(niveau de perception inférieur)
L'exemple est tiré de l'étude écologique d'un bassin versant de petite taille (500 km2),
en grande partie urbanisé par la Communauté urbaine de Québec (Gerardin et Lachance,
1997). La partie amont du bassin se trouve dans le Bouclier canadien (Province naturelle
" C ", tandis que la partie aval est dans les Basses-terres du Saint-Laurent (Province
naturelle " B ") (figure 4). Les illustrations qui suivent proviennent surtout de l'amont
du bassin. Celui-ci se caractérise par une topographie contrastée de collines et de fonds
de vallées encaissées (figure 9), qui servira de guide au découpage spatial. Ce dernier
résulte principalement d'une analyse du fond topographique au 1 : 50 000 (topographie
plus réseau hydrographique), de photographies aériennes au 1 : 50 000 et d'un rapide
contrôle de terrain. Les polygones ainsi cartographiés correspondent à des ensembles
spatiaux d'une dizaine de km . Leur cartographie souligne bien la structure spatiale du
bassin-versant (figure 10). Encore une fois, ce sont des paramètres physiques perma-
nents (tant terrestres qu'hydrographiques) qui ont été déterminants pour leur cartogra-
phie et leur description (tableau 2).
Figure 10
Ensembles topographiques du bassin versant de la rivière Saint-Charles,
Québec : carte partielle
4 limites
362 lnsee Méthodes n° 76-77-78
Tableau 2
Brève description de quelques ensembles topographiques du bassin hydrographique de la rivière Saint-Charles
Relief Hydrographie
Régime
Ensemble
Bioclimat Géologie Dépôt (5) hydrique
topo- Typee de
(1) Nom Morphologie Pente (4) des sols Sinuosité
graphique réseau vallée
(2) (3) % (6) (8)
(7) (9)
02 Ers-Ti PN -- 0-2 S3 5A 4 2 M PA52
04 Ers-Ti TE ON 0-2 S2 5C 2 1 S PA51
08 Ers-Ti BC MA 16-30 G2 1A 2 2 R VC41
24 Ers-Ti FV BO 6-10 G2 4BL 2 3 M ----
31 Ers-Boj FV -- 0-2 G2 2B 2 1 R PB52
(1) Ers-Ti : domaine de Férabl .ere à tilleul ; Ers-Boj : domaine de l'érablière à bouleau jaune.
(2) PN : plaine ; TE : terrasse ; BC : basse colline ; FV : fond de vallée.
(3) ON : ondulée ; MA : mamelonnée ; BO : bosselée.
(4) S2 : shales ; S3 : schistes ; 02 : roches ignées métamorphisées.
(5) 5A : argile glacio-marine 50 : sable et limon estuariens ; 1A : till régional 4BL : limon glacio-lacustre ; 2B : sable et gravier pro-glaciaire.
(6) 2 : bon ; 4: imparfait.
(7) 1 : faible ; 2 : moyenne ; 3 : élevée.
(8) M : méandres ; S : sinueux ; R : rectiligne.
(9) Exemple de lecture du type de vallée :
Forme de vallée Largeur de la vallée Déclivité des versants Ordre de Strahler
P : en plaine A : 0-2 % 4 : 301 m - 1 000 m 1 : 1 ou 2
L..) V : en V B : 3-5 %
c7. 5: 1 000 m 2:3 ou4
t...) C : 6-10 %
Conclusion
Malgré des développements technologiques, tous plus sophistiqués les uns que les
autres, qui cherchent à " libérer " l'homme de l'emprise de la nature, nous restons
persuadés que cette dernière, dans bien des cas, joue toujours un rôle primordial et
conditionne encore très fortement l'utilisation et l'occupation du territoire. À trop
vouloir l'ignorer, l'humanité en paie périodiquement le prix. La mise en oeuvre des
principes du développement durable nous amène à considérer les capacités de support
et les limites du milieu qui nous entoure.
Nous persistons à affirmer qu'il existe, à la surface de la terre, des structures spatiales
quasi-permanentes dont la reconnaissance et la caractérisation sont la clé pour une
gestion plus écologique du territoire. Du global au particulier, ces structures spatiales
s'imbriquent dans un système hiérarchique qui permet une cartographie du territoire à
divers niveaux de perception exprimés en autant d'échelles cartographiques correspon-
dantes.
Sans doute ces divisions territoriales de nature écologique ne supplanteront jamais les
divisions territoriales de nature politique ou administrative, car tel n'est pas leur
objectif. Par contre, et malgré les difficultés apparentes, il serait souhaitable de leur
attribuer une dimension socio-économique ; quelques auteurs l'ont d'ailleurs tenté avec
un certain succès (Wasson et al., 1993 ; Gautier, 1995 ; Gerardin et Lachance, 1997).
Cette voie, qui semble prometteuse, vaut certainement la peine qu'on s'y attarde, au
moins autant que celle qui, sous couvert d'objectivité, multiplie les découpages terri-
toriaux à grand renfort de statistiques socio-économiques.
Beauchesne P., J.P. Ducruc et M.J. Côté, 1997, Une approche multiscalaire à la
gestion des sols et des eaux : le cas de la partie agricole du bassin versant de la rivière
l'Assomption. Congrès conjoint AQSSS-ORSTOM " L'eau et le sol : deux ressources
à gérer en interrelations ". Lac Beauport, Québec, août 1997, 12 p. (Actes du congrès
sous presse).
Forman R.T.T., 1995, Land Mosaics. The ecology of landscapes and regions. Presses
de l'Université de Cambridge, 632 p.
Gerardin V. et Y. Lachance, 1997, Vers une gestion intégrée des bassins versants. Atlas
du cadre écologique de référence du bassin versant de la rivière Saint-Charles, Québec,
Canada. Ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec, Ministère de l'Envi-
ronnement du Canada, 58 p.
Langevin R., 1997, Guide de conservation des boisés en milieu agricole. Service
canadien de la faune, Environnement Canada, Sainte-Foy, Québec, 77 p.
Rowe J.S., 1993, Eco-diversity, the key to biodiversity. In: Iacobelli, T., K. Kavanagh
et J.S. Rowe (Eds), A protected areas gap analysis methodology : planning for the
conservation of biodiversity. WWF-Canada, Endangered spaces campaign, Toronto,
68 p.
District écologique 9 :
Terrasse de Rawdon.
Paléodelta sablo-graveleux.
Déclivité générale 3 à 5 %.
Hydrographie :
— vallées incisées asymétriques, cours d'eau à méandres irréguliers,
réseau parallèle,
— densité élevée (1,9 km/km2).
District écologique 8 :
Monticules de Saint-Jacques.
Terrain bosselé dont les bosses sont recouvertes de dépôts glaciaires sablo-loameux
pierreux bien drainés et les parties planes de dépôts littoraux loameux mal drainés.
Déclivité générale 3 à 10 %.
Hydrographie :
— petits cours d'eau et fossés redressés (anthropique),
réseau dendritique,
— densité moyenne (1,6 km/km2).
Argile glacio-marine.
Déclivité générale 0 à 2 %.
Hydrographie :
— vallées en plaine, peu encaissées, cours d'eau sinueux,
réseau dendritique,
— densité élevée (1,9 km/km2)'
Enfin la concertation a été mal organisée et tardive. Elle n'a porté que sur la délimitation
des périmètres des sites et sur leur intérêt au titre de la Directive, et pas sur les modes
de gestion à mettre en oeuvre dans les futurs sites de Natura 2000. Selon le rapport, la
question du « muhi-usage compatible avec le milieu » n'a pas été étudiée en même
temps que la délimitation des zones. La dimension financière de la gestion n'a en
particulier pas été abordée, laissant tout supposer aux acteurs locaux : sanctuarisation,
non-compensation financière des contraintes environnementales, etc.
En octobre 1997, la liste des sites n'était pas encore établie, et il n'était pas certain que
la France échappe à un procès devant la Cour de justice.
Mais disposer d'information n'est pas suffisant. Encore faut-il que l'information soit
pertinente pour la question posée. L'ambiguïté du statut des ZNIEFF n'a pas facilité la
collecte d' information. Elle n'est en effet ni une unité de mesure (les mesures de
Dans les deux cas, il est donc question de négocier la planification d'espaces en
intégrant à la fois la conservation d'une vocation naturelle et les contraintes des usages
anthropiques. La carte devient le support explicite de cette négociation. C'est spatiale-
ment que doivent être construites les combinaisons d'information et produits les
scénarios. On se trouve bien dans une problématique de découpage spatial. Mais ce
terme apparaît trop simple et renvoie à une approche instrumentale et fonctionnaliste
de l'espace, qu'on peut considérer comme dépassée. Plus qu'à des problèmes de
découpage c'est à la nécessité de spatialiser les phénomènes qu'elle doit prendre en
compte que ce type d'approche est en fait confronté. Cela concerne les phénomènes
naturels, mais aussi les usages anthropiques et leurs interactions sous forme de ressource
et d'impacts. Si l'on veut pouvoir établir des scénarios, cela nécessite aussi de savoir
modéliser ces phénomènes et ces impacts, et d'être capable de les simuler. Le facteur
limitant est alors principalement le caractère lacunaire des données indispensables à la
construction des modèles permettant de comprendre les zones à gérer. C'est pourquoi
les approches de modélisation/simulation sont souvent remplacées dans le domaine de
la gestion par des approches du type sensibilité/potentialité (T. Joliveau et B. Etlicher,
1997), dont on trouvera des exemples dans Gerardin (1996) et Etlicher (1996). Mais, à
un second niveau, cela conduit aussi à expliciter et prendre en compte la représentation
qu'ont les acteurs du devenir environnemental de l'espace à gérer et donc la perception
de cet espace en fonction de leur propre culture, de leur pratique et de leur système de
valeur. On trouvera un début de réflexion sur ce problème à propos des différents usages
et des différents milieux dans le domaine de la gestion de l'eau (O. Barge et ai., à
paraître).
On peut faire l'hypothèse que se met en place ce qu'on appellera une gestion environ-
nementale des territoires, confrontée à la spatialisation de phénomènes complexes et
d'ordre différents. Cette spatialisation doit être dynamique, et élaborée de manière
concertée. Elle doit procéder à une évaluation collective et négociée d'un espace, d'un
point de vue environnemental. Elle est donc condamnée à procéder à des innovations
méthodologiques dans le domaine des traitements de l'information spatialisées, inno-
vations que nous avons décrites ailleurs (O. Barge et T. Joliveau, 1996). Au-delà, et ce
sera l'objet de la suite de cette communication, la gestion environnementale des
territoires aux contours ainsi identifiés pose à un niveau plus conceptuel de nombreuses
et difficiles questions à la recherche. Nous en aborderons trois : comment concevoir des
descriptifs écosystémiques spatialisés utilisables pour la gestion ? Comment prendre
en compte les acteurs et leurs territoires ? Est-il possible de concevoir une expertise
propre à la gestion environnementale ? On se doutera au vu de l'ampleur de ces
questions qu'il ne s'agit ici que de poser une problématique et proposer de nouvelles
pistes de recherche.
De quels outils disposons nous ? Comme on l'a vu à propos des ZNIEFF, les méthodes
sont loin d'avoir été formalisées : l'hétérogénéité est au contraire la règle, que ce soit
au niveau des descriptions tant quantitatives que qualitatives, des méthodologies
utilisées, des investigations. De cette absence d'harmonisation, il résulte un inventaire
qui inclut des entités d'ordre différent, sans le moindre critère autorisant les comparai-
sons, les positionnements ou les classements, que ce soit du point de vue de l'intérêt
que présentent ces sites ou des "menaces" qui les guettent.
Il nous semble que ces difficultés peuvent être expliquées par deux séries de raisons.
La première est un problème de références théoriques, alors que la seconde s'explique
par le décalage existant entre l'investigation scientifique et la délimitation de l'espace,
qui est d'ordre territorial. Nous allons examiner séparément ces deux raisons, et nous
tenterons de dépasser le blocage apparent qu'elles instituent.
L'examen du critère de diversité, "critère scientifique par excellence", dans son utilisa-
tion pour la conservation de la nature nous semble particulièrement révélateur. Ainsi,
ce critère, au moins au niveau d'organisation de l'espèce, a été repéré comme le plus
fiable (G. Barnaud, op.cit.,), ce qui ne légitime pas pour autant son utilisation pour
caractériser l'espace à protéger. En effet, le rôle que joue la diversité dans les systèmes
écologiques reste un sujet de débat scientifique, et ses propriétés ne sont plus clairement
identifiées. En réalité, ce qui explique le succès passé de ce critère auprès des milieux
naturalistes, et donc son utilisation quasi systématique, est sa signification dans la
théorie biocénotique odumienne, où diversité était synonyme de stabilité. Cette formu-
La "Landscape écology" est un autre courant de recherche qui, lui aussi, réintroduit
l'homme dans son analyse. Comme pour l'écologie des perturbations, l'objet d'étude
est d'emblée conçu comme hybride, composé de faits socionaturels. Ce courant étudie
les assemblages écologiques en mettant en relation leur composition spécifique avec
leur forme spatiale ; l'espace (la taille, la forme, la distance...) est conçu comme facteur
écologique (J. Baudry, 1985). Ainsi, des niveaux d'échelles particulièrement pertinents
sont individualisés et mis en relation avec des niveaux d'organisation. Ces niveaux
acquièrent des propriétés émergentes relativement stables, que l'on nomme "effet
paysage". Là encore, l'approche est potentiellement porteuse de productions cartogra-
phiques novatrices.
L'analyse que J.P. Billaud (1996) fait du cas des marais de la Charente-Maritime illustre
clairement le bouleversement que la dimension environnementale occasionne dans les
stratégies sociales locales. Dans cette région, l'objectif environnemental « confiné
jusqu'alors sur les marges de l'espace productif, organise à présent l'ensemble des
rapports entre les usages et le milieu ». Dans une zone humide de ce type, le caractère
stratégique de la ressource eau rend en effet les usages très fortement interdépendants,
de manière beaucoup plus accentuée que dans d'autres types d'espaces naturels. La
mise en place d'une gestion négociée introduit donc un « réaménagement institutionnel,
basé sur [un] partenariat contractuel » et génère de nouvelles stratégies sociales de la
part des acteurs (écologistes, agriculteurs, conchyliculteurs, Conseil général, services
déconcentrés de l'État, etc.). Pour Billaud ce nouveau mode de gestion concertée
(passant par la recherche du consensus) ne doit pas être compris comme une révolution
culturelle autour d'un objectif environnemental, mais comme la mise en place d'un
nouveau processus social de développement, prenant acte de la banalisation de certains
acteurs (les agriculteurs) dans le système de décision. Et pourtant... Sans parler de
révolution culturelle, ne peut on penser que les débats sur la gestion de l'eau ou sur la
négociation de l'Article 19 transforment de manière plus subtile et souterraine les
acteurs eux-mêmes ? Une approche plus culturaliste (ou constructiviste) et plus anthro-
pologique ne permettrait-elle pas de montrer que les perceptions par les acteurs (ou par
certains sous-groupes) de leurs usages, des groupes et de l'espace commun à tous les
acteurs ont changé à l'occasion de la mise en place de cette gestion concertée ? La
question mérite d'être posée car elle soulève deux problèmes : la question du paradigme
sociologique implicitement choisi pour analyser la gestion environnementale d'une part
— nous laisserons aux sociologues le soin d'y répondre —, et la question du territoire
d'autre part — nous l'aborderons rapidement dans une perspective géographique.
Si le retour de l'acteur sur le devant de la scène française des sciences sociales remonte
aux années soixante-dix, la notion connexe de territoire n'a été précisée et définie que
plus récemment par les géographes, parmi lesquels son usage ne fait d'ailleurs pas
l'unanimité. J. Lévy (1997) distingue ainsi pas moins de sept définitions du mot
territoire, toutes usitées dans la communauté géographique. Il n'est pas question de
discuter en quelques lignes de cette notion complexe. Nous dirons simplement qu'on
peut considérer un territoire comme un espace qu'un acteur s'est approprié au cours du
temps, avec lequel il entretient une relation et sur lequel il exerce ou entend exercer un
contrôle physique ou symbolique. Cette relation et ce contrôle s'exercent par l'inter-
médiaire d'usages multiples qui peuvent être passés, présents ou futurs, matériels ou
immatériels. Sur un espace se superposent donc une multiplicité de territoires, parta-
geant des ressources « naturelles » communes (espace, eau, sol, paysage...). Le terri-
Rares sont les analyses géographiques qui portent sur ces systèmes locaux d'acteurs
sociaux, et qui soient à la fois concrètes et précises, fondées sur des typologies d'acteurs
non simplistes insérés dans leurs territoires (ou en jouant) et prenant au sérieux —et non
comme un prétexte à l'analyse de jeux sociaux — la gestion de ressources naturelles
communes. Or la gestion environnementale des territoires, confrontée à l'explicitation
des territoires de chacun des acteurs, avant la construction — par la négociation — d'un
projet pour un territoire commun intégrant des objectifs environnementaux, a besoin
d'outils d'analyse de ce type. Elle a aussi besoin de méthodes pour prendre en compte
les représentations élaborées par les acteurs sur leur territoire et les territoires des autres,
y compris dans leur dimension environnementale. Ces représentations peuvent en effet
être changées et changer en retour les pratiques. Les travaux de H. Gumuchian (1991)
sur les représentations spatiales et celles de A. Berque (1990) sur le milieu comme
relation d'une société à son environnement constituent des pistes intéressantes de la
recherche géographique pour le domaine qui nous occupe. La question de la représen-
tation spatiale de ces territoires est encore ouverte. Des méthodes sont à inventer, qui,
jointes aux nouvelles approches spatiales en écologie citées plus haut, compléteraient
utilement la panoplie du gestionnaire environnemental.
Ainsi explicitée, l'expertise n'apparaît plus comme pur produit scientifique indiscuta-
ble. L'objectivité reste possible au sein de chaque discipline scientifique, les analyses
obéissant au corpus théorique propre au paradigme de chacune, garantissant leur
scientificité. Mais l'environnement traverse les frontières disciplinaires, de sorte qu'il
n'existe pas de paradigme commun ; toute affirmation, lue à travers le prisme théorique
d'une autre discipline, apparaîtra surdéterminée par des considérations subjectives
(P. Roqueplo, 1992). La recherche scientifique et l'expertise sont donc deux activités
distincte : la première requiert l'objectivité, la seconde l'objectivation dès lors qu'elle
cherche à éclairer un processus décisionnel.
Penser l'expertise revient donc à concevoir une confrontation du savoir scientifique aux
enjeux socio-économiques et leur ajustement réciproque, de manière à ce que l'analyse
scientifique se déploie dans un champ étalonné par des normes sociales et que les enjeux
socio-économiques soient reformulés à l'aune de la connaissance scientifique qui les
borne et les encadre. P. Roqueplo propose une structure dialectique pour l'expertise où
les experts sont soumis à la critique réciproque d'autres experts qui mettent en cause
les bases objectives de leur analyse. Il s'opère ainsi une radicalisation de la part
Concrètement, engager une telle démarche suppose de concevoir une expertise qui, dans
ses méthodes mêmes, puisse mettre en oeuvre une analyse hybride, où les enjeux des
acteurs sont formulés à partir de connaissances scientifiques. S'agissant de territoire,
la géographie est convoquée pour mobiliser ses concepts, produire des outils qui rendent
compte de l'état factuel de l'espace considéré en même temps qu'ils explicitent les
projets territoriaux des acteurs.
Toutefois, l'invention des outils propres à concrétiser cette expertise ne représente que
la moitié du chemin à parcourir. Si l'expertise convie à la fois les scientifiques et les
acteurs du territoire, sa mise au point requiert les mêmes protagonistes. Reste que
l'acceptation d'un tel mode de décision publique apparaîtra comme une rupture avec
certains principes politiques fondamentaux. La notion d'intérêt général, en particulier,
s'efface au profit de la notion de médiation d'intérêts particuliers. C'est à la sphère
politique de se positionner sur cette question.
Conclusion
Les découpages de l'espace sur des bases naturelles sont autant de signes de la création
de nouveaux territoires, au sens de l'expression de nouveaux contrôles symboliques ou
matériels sur des espaces déjà appropriés (au sens strict comme au sens large). La
nouveauté est que le fondement de ces territoires n'est pas l'expression d'un usage
sectoriel lié à un groupe social particulier, même dominant ou majoritaire, mais
l'expression des besoins de la « Nature », entité à la fois intra et extra-humaine. Ces
nouveaux territoires, dont les découpages en question ne constituent qu'une expression
imparfaite et balbutiante, sont portés par des groupes nouveaux, perçus comme illégi-
times par des groupes plus anciennement installés et porteurs d'une autre forme
d'enracinement. La confrontation se construit donc sur le mode du conflit puisqu' il est
On peut tomber d'accord avec A. Berque (1996) sur l'idée que notre époque est originale
puisqu'elle correspond à une étape fondamentale de l'évolution des relations
homme/nature, celle par laquelle « l'humanité se soucie d'accorder [aux] lois naturelles
ses propres lois morales». On peut aussi suivre J. Viard quand il avance que cette
nouvelle relation à la nature se transcrit « dans une problématique spatio-temporelle
telle que nous n'en avions jamais connue, par une partition nouvelle du territoire et le
marquage d'un tiers espace à côté de la ville et de la campagne ». Mais, par delà ce
constat, une tâche attend les chercheurs (et les citoyens) de cette période : construire
les méthodes et les outils permettant aux hommes de penser ce nouveau rapport à la
nature et, surtout, de le vivre le plus harmonieusement possible dans leurs territoires
quotidiens.
Allen T.F.H. et Starr B., 1982, Hierarchy: perspectives for ecological complexity,
Chicago, Chicago Press, 310 p.
Barge O., Joliveau T. et Rogers C., à paraître, Values of water and aquatic ecosys-
tems: for a territorial approach to participatory planning, Geoforum.
Barouh G., 1987, La décision au fil de l'eau, systèmes de pensée et d'action à l'oeuvre
dans la gestion des milieux naturels en France, UER des Sciences des Organisations,
Université Paris-Dauphine, Paris, Thèse de Doctorat, 583 p.
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l'espace rural, Université de Rennes I, Rennes, Thèse de doctorat de Sciences, 487 p.
Berque A., 1996, Être humains sur la terre, Paris, Gallimard, 212 p.
Cocks D. et Ive J., 1996, « Mediation Support for Forest Land Allocation: The
SIROMED System. », Environmental management, 20 (n° 1), 42-52.
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à l'aide d'un SIG, la M.R.C. de Papineau, Québec. », Revue de Géographie de Lyon,
71 (2/96), pp. 121-128.
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la Revue de Géomatique.
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experts sont formels, Paris, Éditions Autrement, pp. 157-169.
Viard J., 1990, Le tiers espace, essai sur la nature, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990,
152 p.
1 - Préservation de la nature
Mais quand on introduit des écologistes dans la région, ils nous disent : "Mais quand
est-ce qu'on évacue les malheureux paysans qui restent ? Quand est-ce qu'on installe
le loup, la genette, la pulsatile... et le crapaud tambour sonneur, auquel il faut faire très
attention ?". C'est comme ça ! Cette petite bête de 2 cm de long a fait échouer le projet
de Serre de la Fare. C'est dire qu'elle est éminemment respectable.
3 - Instruments du découpage
On a inventé la carte, mais c'est trop statique. Il y a maintenant le cédérom, qui permet
d'éduquer les populations dans les écoles ; c'est beau, mais on l'utilise encore trop peu
en France. Et puis il y a surtout le SIG, qui permet des possibilités combinatoires
Conclusion 389
extraordinaires. Cela amène tout de même une question inquiétante. Je pense à la région
Rhône-Alpes. Je vois tel de mes collègues grenoblois produisant un SIG complètement
incompatible avec ce qu'auraient fait d'autres individus, de Saint-Étienne par exemple.
Si je dis ça, c'est que c'est arrivé et donc que ça arrivera encore. L'histoire du SIG,
langage commun, me fait penser à la Bible, chapitre 22 de la Genèse, qui raconte
l'épisode de la Tour de Babel.
Il n'y a pas ici d'écologistes pur jus. S'il y en avait, ils auraient déjà fait provision de
pommes pourries pour les envoyer sur la tribune. Le principe des naturalistes, c'est
encore un principe biblique, emprunté cette fois à l'évangile selon Saint Matthieu :
"Noli me tangere". En latin, c'est plus joli, parce qu'on ne comprend pas. "Surtout n'y
touchez pas". Il y a une tentation permanente de dire que dans n'importe quel endroit,
il y a un petit crapaud tambour sonneur. On ne peut pas faire un projet de transformation
de la nature et on appelle le tout développement durable.
- le temps de l'écologiste ;
- le chemin non pas japonais mais, pour nous qui sommes de culture française, le
chemin médian, comme l' indique J. Berque, qui n'est pas la recherche de soumission
à la nature, comme le demande M. Serres, qui n'est pas la recherche de domination
de la nature, mais la recherche d'un compromis acceptable ou mieux d'une relation
harmonieuse avec la nature.
Au terme de ces trois journées, quelques conclusions ressortent, mais quelques ques-
tions sont restées sans réponse :
- l'identité d'un territoire a besoin de temps pour se forger. Dans le temps long, c'est la
fonctionnalité, avec le jeu des solidarités et des échanges qu'elle induit, qui crée le
sentiment d'appartenance à un territoire. Dans ce processus, et cela a été évoqué
plusieurs fois, la reconnaissance d'un territoire par une appellation, un nom, est un
moment important. De manière générale, un aller-retour permanent s'opère entre le
fonctionnel et l'identitaire ;
Je remercie aussi l'équipe du Centre J. Cartier, qui a pris en charge une grande partie
de l'intendance. Remerciements aussi à ceux qui ont assuré l'accueil durant ces trois
journées, en particulier Muriel Granjon, sur qui, pendant toute la préparation à l'Insee,
a également pesé tout le travail de secrétariat.
La préparation de ce colloque a été une oeuvre collective. Sans Martin Vanier surtout,
Robert Parenteau, Franck Scherrer et quelques autres, il n'aurait pas eu lieu.
C'est un problème toujours en débat dans les sciences sociales que celui de savoir ce
qu'il en est du lieu comme site des interactions sociales, donc de leur localisation. Le
développement inégal des constructions étatiques et systèmes productifs, connectant
ces lieux entre eux, incite à beaucoup de prudence sur le destin des découpages comme
base historique stable de leurs territorialisations, d'autant que la période stato-nationale
de leur harmonisation est passée. Or, peut-on se passer des circonscriptions ainsi
produites qui ont servi d'assises à des institutions, politiques et administratives, repré-
sentatives ?
Le découpage actuel des communes du Japon remonte, loin dans le passé. La base de
ce découpage est fondée, à la fin du 19e siècle, sur la fusion des communes qui existaient
dans les temps féodaux. Cette fusion reflète l'économie et l'organisation locale d'avant
l'industrialisation du Japon. L'exemple de Niita-mura décrit la logique de fusion
d'autrefois et montre le changement social depuis le 19e siècle, qui a influencé le
découpage actuel.
Ingénierie du découpage
Lundi 8 décembre 1997 après-midi
Devenue outil d'aide à la décision, la carte impose à celui qui la fabrique de valider les
représentations qu'il produit. Information environnementale ou information sociale
localisées obéissent à deux logiques : l'une est issue de mesures ponctuelles, l'autre
d'agrégations ou de comptages. Au-delà de ces différences, le bon usage d'une carte
suppose qu'on visualise, non seulement les moyennes, mais aussi l'homogénéité interne
aux zones représentées et l'autocorrélation spatiale. A toute carte thématique, une carte
de fiabilité !
Pour définir la "ville" et ses franges périurbaines, et remplacer les Zones de Peuplement
Industriel ou Urbain (ZPIU), devenues obsolètes, l'Insee a commencé par recueillir
l'avis d'experts ; puis il a lancé un groupe de travail qui a fonctionné pendant deux ans.
Son objectif était de proposer des définitions simples. Sa méthode a été très empirique,
en essayant constamment de confronter les résultats de méthodes parfois complexes à
la connaissance du terrain. L'outil cartographique a donc été primordial dans la
présentation des résultats intermédiaires ; mais il l'a également été dans l'élaboration,
car contiguïté et connexité ont été des principes de base de mise en oeuvre d'outils
comme les logiciels "Zonages" et "Mirabelle". Le premier a servi de référence, le second
Statistique Canada présente un grand nombre de données selon les découpages admi-
nistratifs de juridiction provinciale ou territoriale. Dans le but d'élargir l'éventail et la
pertinence des analyses statistiques qu'il offre, l'organisme d'état ajoute à ces décou-
pages du territoire, une série d'unités dites "statistiques", lesquelles sont utilisées dans
le cadre de l'administration de programmes économiques et sociaux. Comment ces
diverses unités peuvent-elles assumer de façon pertinente des fonctions tellement
différentes au départ ?
Bassins d'emploi et bassins de vie sont deux découpages du territoire, élaborés à partir
de statistiques de flux : déplacements domicile-travail pour les bassins d'emploi,
fréquentation de commerces et services pour les bassins de vie. Ces deux découpages
coïncident rarement : ils fournissent deux représentations complémentaires du terri-
toire. Dans l'espace urbain et péri-urbain, autour des grands pôles d'emploi, les
déplacements domicile-travail semblent déterminants, en tant qu'éléments de structu-
ration spatiale. En zone rurale, en revanche, les enjeux sont plutôt ceux du maintien de
pôles de services et de l'accès aux équipements. Après un exposé sur les sources utilisées
et les méthodes mises en oeuvre, les résultats seront illustrés par le cas de la région
Rhône-Alpes et plus particulièrement des départements de la Drôme et de l'Ardèche.
La compréhension d'un territoire passe par l'analyse des relations qui existent en son
sein, mais aussi avec les territoires voisins ou éloignés. Ces liens dessinent des
cohésions territoriales qui ne coïncident pas toujours avec les limites dictées par
l'histoire ou la géographie.
De l'aire au réseau
Lundi 8 décembre 1997 après-midi
Un maillage est d'abord une grille de lecture de la réalité. En introduisant une coupure
nette entre des unités de mailles différentes, il devient lui-même un enjeu, même s'il
résulte d'une démarche scientifique. L'analyse d'un maillage doit s'appuyer sur les
notions de discontinuité et d'homogénéité spatiale. Elle doit prendre en compte la
mesure des effets sociaux du maillage et des effets de barrière. Mais ces analyses
s'avèrent d'interprétation difficile.
Les fonctions et les compétences qui s'exercent sur le territoire s'appuient sur de
nombreux découpages qu'il importe de connaître. Ce travail de repérage et d'analyse
a été réalisé pour la région du Piémont par l'IRES de Turin. Les différents découpages
couvrent onze thèmes. Les données statistiques fournies avec ces découpages permet-
tent d'associer des caractérisations historiques et institutionnelles à une lecture quanti-
tative, qui en enrichit le cadre et la compréhension.
Comme dans la majorité des régions françaises, un découpage supra communal émerge
en Rhône-Alpes. Il vise la mise en place d'un maillage exhaustif qui est censé
représenter l'espace d'une gouvernance territoriale qui se cherche. Ce maillage se
conjugue plus ou moins bien avec d'autres maillages, d'échelles et de configurations
différentes. Seront analysées les configurations spatiales et socio-politiques de ces
espaces et les arbitrages et compromis dont ils sont issus.
Depuis une trentaine d'années, les découpages modifiant la taille, le nombre et la forme
des composantes territoriales des agglomérations urbaines se sont succédés ; parallèle-
ment les changements apportés aux découpages internes des municipalités ou chevau-
chant leurs limites se multiplient. Alors que le Gouvernement du Québec semble vouloir
s'engager dans une nouvelle négociation du découpage territorial qui remet en cause la
mosaïque existante, y compris les entités supramunicipales créées dans les aggloméra-
tions, s'achemine-t-on vers la construction d'un édifice géopolitique plus stable ? Les
exemples de Montréal, Québec Hull, Trois-Rivières et Sherbrooke présentent les
enjeux, les perspectives et les défis d'une telle entreprise.
Les inégalités entre cantons suisses et leur découpage territorial médiéval (et modelé
dans la période napoléonienne) ont conduit dans les domaines les plus divers (adminis-
tration fédérale, concordats intercantonaux, associations culturelles et sportives, orga-
nisation de distribution, politique des entreprises) à de multiples approches de
régionalisation se référant aux frontières institutionnelles ou non. Depuis quelques
temps, les débats autour de la régionalisation se revèlent plus intenses. Par exemple des
aléas autour de la création de régions NUTS en Suisse depuis 1989, nous montrons
l'évolution des discours politiques autour du sujet dans ce pays, en relation avec
Eurostat.
402 lnsee Méthodes n° 76-77-78
Comportements socio-économ __cs face à un zonage
Mercredi 10 décembre 1997 matin
Dans l'analyse des effets d'une limite administrative, le cas des mutations agricoles de
part et d'autre de la frontière Ille-et-Vilaine / Mayenne au cours des années 1955-1979
est exemplaire. Il met en jeu des processus sociaux, économiques, politiques, histori-
ques et spatiaux. Au fil des années, l'opposition entre les deux départements, d'abord
faible, s'est accentuée, comme le montre l'évolution des surfaces en herbe. Cet
indicateur diminue en Ille-et-Vilaine et augmente en Mayenne. Si la taille des exploi-
tations à l'origine, en 1955, a joué un rôle dans l'évolution ultérieure, l'influence des
institutions territoriales et le mécanisme de la diffusion des innovations agricoles
semblent déterminants. Ils ont tendu ici à renforcer les effets de frontière.
Les zones franches sont des zones dérogatoires sur lesquelles des espoirs de relance
économique se fondent, tant dans les pays en développement que dans les économies
plus industrialisées. C'est la mise en valeur locale de forces économiques mondiales
qui explique le mieux l'évolution et les enjeux de ces nouveaux territoires urbains. Avec
la zone franche, la diffusion du statut dérogatoire révèle un affaiblissement de la
légitimité des États en matière de politique économique.
A partir d'expériences menées dans le cadre des Parcs Naturels Régionaux ou lors de
l'élaboration de Schémas Directeurs, nous tenterons de cerner le statut des données
environnementales dans la définition d'un cadre territorial approprié de l'action publi-
que.
Une gestion de l'environnement, basée sur des découpages territoriaux et qui dépasse
les limites administratives fondées sur le milieu naturel, implique une prise en main par
les autorités locales des systèmes d'information. Les nouveaux outils supportant la
gestion de données géo-référencées sur les réseaux de l'information permettent une
décentralisation des pouvoirs décisionnels en région. Qu'en est-il de la concertation au
niveau national ? Un exemple sur internet : l'Atlas du Québec et de ses régions.
This is a problem that is still debated in the social sciences : knowing what is happening
with the place as a site of social interactions, and therefore, their localisation. The
unequal development of state-controlled constructions and productive systems
inter-connecting these places calls for considerable caution on the fate of divisions as
a stable historical oasis of their territorialisations, especially as the state/national period
of their standardisation is over. Yet, is it possible to do without the districts thus produced
that have served as the foundation of political, administrative and representative
institutions?
The development and sophistication of urban and town planning policies in the 20th
century has meant that man has had to invent and disseminate on a large scale
appropriate means of dividing urban space. Three division methods have marked the
history of town planning. Zoning, implemented to separate industrial areas from
residential areas, has been called into question in the naine of integration of spaces.
Beginning in the 1930s, town perimeters were created based on statistics. This type of
functional division became widespread after 1945. Today, it is barely present due to
urban growth, which is dissolving city borders. Finally, one element recurs continually:
the exemplary place where, due to morphological or social characteristics, a policy is
being tested. At the risk of stigmatisation
The current division ofJapanese towns dates far into the past. The basis of this division
was founded at the end of the 19th century, from the merger of towns that existed during
feudal times. This merger reflects the local economy and organisation prior to
industrialisation in Japan. The example of Niita-mura describes the past merger logic
and depicts social change since the 19th century, which has influenced current divisions.
Division Engineering
Monday afternoon, 8 December 1997
As maps have become a decision-making tool, their manufacturera must validate the
representations that they produce. Localised physical and political mapping result from
two sources: selective measurements and aggregations or counting. Beyond these
differences, in order to use a map properly, one must visualise both the averages and
the internai homogeneity in the areas represented, as well as the spatial auto-correlation.
Every thematic map must be reliable!
In order to define the "city" and its out-lying fringes, and in order to replace the
industrial or urban population zones (ZPIU), which have become obsolete, INSEE
began by gathering opinions from experts; it then set up a team, which worked for two
years. Its goal was to provide simple definitions. Its methodology was highly empirical
and consisted of continuai ly attempting to compare the results of sometimes complex
methods with field knowledge. The map-making tool was therefore crucial in the
presentation of the intermediate results. It was aiso crucial in the preparation of the text,
because contiguity and inter-relationships were the basic principles for the use of tools
such as the "Zonages" and "Mirabelle" software programmes. The first was used as a
reference, while the second was used to calculate the "snowball" effect. Finally, the
Job areas and residential areas are two divisions of territory that are prepared using flow
statistics: home-office trips for job areas and the frequenting of stores and services for
living areas. These two divisions rarely coincide: they provide two complementary
representations of the territory. In the urban and suburban areas around major
employment areas, home-job trips appear to be decisive as elements of spatial
structuring. In rural areas, however, the challenge is to maintain areas with services and
access to facilities. After a discussion of the sources and methods used, the results are
illustrated using the case of the Rhône-Alpes region, and more specifically, the Drôme
and Ardèche départements.
Among the elements which form the foundation of these relations, home-job trips and
the use of service infrastructures are decisive. Based on a range of 19 infrastructures
(shops and services), we can identify over 3,000 proximity centres. Home-job trips lead
A network is above all a grid with which to read reality. By making a sharp division
between different network units, the network itself becomes a challenge, even if it is
the result of a scientific approach. The analysis of a network must be based on the
concepts of spatial discontinuity and homogeneity. h must include a measurement of
the network's social and barrier effects. However, it is difficult to interpret these
analyses.
Attachment to territory and belonging to networks. This is the case for three types of
players. Inhabitants wish to be able to move freely while keeping those points with
which they have Lies. For businessmen, the territory means being able to take advantage
of its resources, while the network's operations are governed by the market. Finally, for
politicians, space management requires the consideration of relevant intervention
territories, even though legitimacy is local. The Leman region, formed by three Swiss
cantons, offers an opportunity to identify the challenges for the various players.
For a long time, their projects have led companies and individuals to favour operations
with precarious networks. The law created new inter-community structures, followed
by regions, on the joint project, without convincing those for whom the territory is a
The functions and the competencies exercised within the territory are based on
numerous divisions with which it is important to be familiar. This locating and analytical
work was carried out for the Piemonte region by the IRES in Turin. The various
divisions cover eleven themes. The statistical data furnished with these divisions make
it possible to associate historical and institutional characteristics with a quantitative
reading, which enriches its framework and understanding.
In thirty years, divisions modifying the size, number and form of the territorial
components of urban metropolitan areas have succeeded one another; at the same time,
changes made to the internat divisions of municipalities where their borders overlap are
increasing in number. While the government of Quebec appears to wish to enter new
Study summaries 41 1
negotiations concerning territorial divisions that would call into question the existing
mosaic, including supra-municipal entities created in metropolitan areas, are we headed
towards the construction of a more stable geopolitical edifice? The examples of
Montreal, Quebec Hull, Trois-Rivières and Sherbrooke demonstrate the stakes,
prospects and challenges of such an undertaking.
The inequalities between Swiss cantons and their medieval territorial divisions
(modelled in the Napoleanic period) have lead, in a highly varied number of areas
(federal administration, intra-canton agreements, cultural and sports associations,
organisation of distribution and company policy) to multiple regionalisation
approaches, some of which are related to institutional borders. For some time now,
debates concerning regionalisation have become more intense. For example, the ups
and downs of the creation of NUTS regions in Switzerland since 1989 show us how
political debates on this subject in Switzerland vis-à-vis Eurostat have evolved.
Territorial divisions, together with development policies often indicate both a deductive
functional logic and an inductive identity process. This paper will show how this
functional logic and this identity process are becoming operational in Quebec in
defining operating territories for regional institutions whose mission consists of
boosting territorial development dynamics.
This paper will address the impact, in terms of the behaviour of men and activities, of
the juxtaposition of the two scales of application of European formation (the three
"pillars" of European formation): European economic integration and monetary union.
The First Report on Cohesion states that it cornes under the scope of nations. Based on
an empirical work carried out on behalf of the Commission, this document shows that
these objectives contain both contradictory and exclusive elements. It also shows that
the problematic consequences of this contradiction in terms of the behaviour of agents
is limited, due to the non-attainment of the objective of integration.
413
Study summaries
• Divisions and Derogation: Economic Custom Free Areas
Custom-free zones are special zones on which hopes of economic recovery are based,
in both developing countries and in the more industrialised countries. This is the local
development of global economic forces that best explains the development and the
challenges of these new urban territories. With the custom-free zone, the dissemination
of the special status reflects a weakening of the legitimacy of States in economic policy.
One could expect in employment and integration policies that the significant
organisational coherence at the local level would offset the risks inherent in the pooling
of skills that characterises France. This is not the case, as professional and social
integration territories (ASSEDIC, ALE, PAIO, CLI and CLH) are not superimposed.
Based on situations seen in Ille-et-Vilaine, this paper attempts, on the one hand, to draw
conclusions on this established fact in terms of access to the mechanisms falling under
the scope of employment policies, and, on the other, to analyse the strategies
implemented by the various players in order to attempt to correct disparities in access
to integration mechanisms.
Based on experiments carried out at Regional Nature Parks or during the preparation
of master plans, we will attempt to identify the status of environmental data in the
definition of an appropriate territorial public action framework.
We will ponder the relevance of divisions based on searching for environmental data
and on conditions for mobilising these data in the implementation of territorial
development policies.
The number of divisions that take account of environmental factors has risen sharply
over the last few years. They exist in different legal forms, are produced by various
scientific protocols and support often contradictory social and political considerations,
as demonstrated by the vicissitudes of the Natura 2000 project in France. This paper
describes these different divisions and contains an analysis of the necessary
co-ordination, together with the emerging forms of environmental management.
415
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97158 POINTE-A-PITRE CEDEX Tél. : 0 594 31 61 00 97262 FORT DE FRANCE CEDEX
Tél.: 0 590 21 47 07 Tél. : 0 596 60 73 60
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Rue Paul Lacavé, BP 96, 15, rue de l'Ecole, BP 13,
97102 BASSE-TERRE 97408 ST DENIS MESSAG CEDEX 9
Tél. : 0 590 99 36 36 Tél. : 0 262 48 89 21
LES DÉCOUPAGES
DU TERRITOIRE
Dixièmes entretiens Jacques Cartier
Lyon, les 8, 9 et 10 décembre 1997