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DU CINÉMA
1 , ,
. N° 2 t R E V U E DU CINÉMA ET DU T É L É C I N É M A • MAI 1 9 5 1
O n p e u t v o i r a c tu e lle m e n t s u r le s é c r a n s p a r i s i e n s l a c o m é d ie “ O H l Q U EL M E R C R ED I..."
(M ad W e d n e s d a y ) q u i c o n s a c r e le r e to u r à l’é c r a n d u c é lè b r e a c t e u r H a r o l d L lo y d
e t d a n s l a q u e l l e le m e tte u r e n sc è n e P r e s to n S tu r g e s , q u i e st l ’a u t e u r d u s c é n a r io , a
m u l t i p l i é le s g a g s le s p l u s é b lo u is s a n ts . (RKO).
Une scène de KIM réalisé aux b d e s en Technicolor p a r Victor Saville. Errol Flynn
dans le râle de M ahub Ali et Déan Stockwell dans celui de Kim, interprètent les
célèbres personnages du chsf d'œ uvre de Rudyard^Kipling. ( M ê t r o - G o l d w y n - M c t y e r }
In è s O r s in i e t M o u r o M a tte u c i d an s
LA FILLE DE S M A R A I S (C/e/o suila pa/uc/e)
d'Augusto Genina. Ce film consacré à la vie
de M aria Goretti a remporté en 1949 trois grands
prix à la Biennale de Venise, dont celui du
meilleur film italien de l’a n n é e ; en 1950, le
prix du meilleur film ét range r présenté en
Belgique et en 1951 le grand prix de la
C ritiq u e , au F estiv a l d e P u n ta -d e l-E s te .
Ce film passe actuellement en exclusivité à Paris.
/Production ARX-Fi lm, d ist ri buée p a r Mond/a/-F;7m)
Une g rande tragédienne de l'écran : Gloria Swanson. dans un grand
film de Billy W ild er, BOULEVARD DU CRÉPUSCULE (Sunsef Boul evard),
qui conlinue à triompher sur les écrans parisiens (ParamounO
B u r l L a n c a ste r, D o r o th y M a c G u ir e el E d m u n d G w e n n s o n t
le s v e d e tte s d e M I S T E R 8 8 0 (La bonne combine), l a n o u v e l l e
r é a l is a tio n d e E d m u n d G o u ld in g . (2 0 fh. Cenfury Fox)
H u m p h r e y B o g a r i et G lo ria G r a h a m e s o n t le s v e d e ile s d e
LE V I O L E N T (ln a lonely Place), u n film d e N ic h o la s R a y . S u r
n o i r e p h o to d e d ro ile , o n r e c o n n a ît le s d e u x a c t e u r s r é p é t a n t la
m ê m e s c è n e s o u s l a d ir e c tio n d e N ic h o la s R a y . (Co/umb/a Films S A.)
Voici une photo de travail de RIO G RAN DE,; ?
la dernière superproduction de John Ford, .
tournée en juillet dernier à M o a b dans /U to h .
Sur notre document, on reconnaît le éélèbre
r é a l i s a t e u r ( as s i s , au c e n t r e } , e n t o u r e d e ,
H erb ert J. Yates, président de Republic Pictures,
producteur de ce film, et de John W a y n e , l'acteur
p ré fé ré de John Ford, vedette de RIO G R A N D E
avec Maureen O 'H a ra et C laude Jarrnan Jf- ‘
Repubfic P/cfures - Les Films F e r n a n d RiVersl.
M ic h a e l R e c lg ra v e q u i v i e n t d e r e m p o r t e r a u F e s tiv a l I n t e r n a t i o n a l
d e C a n n e s le P r i x d e l a m e il le u r e i n t e r p r é t a t i o n m a s c u li n e p o u r
L’OM BRE D 'U N HOMM E (The Browning Version) d ’A n t h o n y A s q u ith . P a r
a i l l e u r s et p o u r le m ê m e f ilm T e re n c e R a t t i g a n a o b te n u le p r i x d u
m e il le u r s c é n a rio . (J. Arthur Rank O rg an is a tio n - Distribution Victory Films)
Anne Baxter et Georges Sanders
dans A L L A B O U T EVE... de
Joseph t . M arkiew rcz
CAHIERS DU CINÉMA
K EVUE MENSUELLE DU C IN É M A ET DU T É L É C IN É M A
SOMMAIRE
LES F I L MS
Des articles d’A lex an d re Aslruc, Audiberfi, Pierre Bost, Brunius, François
Chalais, René Clément, Robert Chazal, Lotte Eisner, Roger Leenhardt, Jacques
Manuel, Claude Mauriac, Marcel Pagliero, Jean Queval, Claude Roy, J.-P. Vivet.
M“ 3 : Vittorîo de Sîca et C. Zavattini : M i r a c l e à M i l a n , Maurice Schérer : VcniJé
que la pe/nfure, Pierre Viallet : Télévision, p o r t r a i t d'une M ac/j/ne, e tc ...
LO DUCA
Le premier fihn est Miracolo a Milano, suivi c!e près par Los Olvidados et
par Froken Julie. Italie, Mexique, Suède. '
Miracle ù Milan de Vittorio de Sica avait contre lui une renom m ée
débridée que la gloire de son m etteur en scène augm entait chaque jo u r.
Pour lui il avait les réticences vénéneuses de m aints confrères qui avaient
découvert, dans ce film les plus ahu rissan ts chevaux de Troie. J ’ai entendu
13
’ : .Zayaltini a donné a u film sort propre langage, son h u m o u r des objets
r;i- des mots, son a m o u r de l’invention à l ’état p u r. Zavattini-de Sica
rappellent le tandem Prévert-Carné, si nous exceptons la roublardise de
.PreVert et l'h u m a n ité de Vittorio de Sica. Dans Miracle à M ilan, Toto
n ’ést' qu’un des anges du ciel zavatlinien. 11 faut se donner la peine de
connaître le dessin et le dessein de ce ciel et surtout ne pas le m écon
naître. avec l'excuse qu’il est joyeux et amer, a u lieu d’être pédant et
doucereux, comme il- sied pour un certain m onde venu à la critique au
sortir des bancs de l ’école. Miracle à Mi-lçin est d’a u ta n t plus proche de
Zavattirri que Milan est son cadre et le m ilanais son langage. Mais de Sica
est entré dans le jeu. Jam ais Milan n ’avait troavTun~m teÿprète plus ému,
plus savant dans ses découvertes, plus sensible à sa vll'Ué. Milan a eu
Stendhal. La ville était devenue laide, depuis; puissante, active, intelli
gente, moderne, m ais laide. Milan a -Lcauvé dkTS'ica . Autre miracle.
Nous reviendrons sur ce film, dont nous soulignons dès m ain te n a n t
les sommets : le tableau de Breugel — l ’hiver sur la zone — éclairé sou
dain p a r un rayon de soleil dans lequel les m endiants viennent se chauffer;
et le train de luxe qui passe peu après, ralenti p a r le brouilard. Une porte
dressée sur le vide qui fait sourire un enfant.: Le spectacle p a y a n t des
pauvres : le coucher du soleil (Se ne va... se ne va... bravo !). La loterie :
premier prix, u n poulet, u n vrai. Les m illionnaires qui vont j u s q u ’à
l’aboiement pendant la vente du terrain des gueux. La trahison du Judas
local. L’attaque irrésistible... Plus on y songe, plus on voit les richesses
de Miracolo a Milano. Laissons là cet inventaire. Chaque am i du ciném a
le fera pour nous, en s ’approchant du film comme il f a u t s’approcher
d ’un poème linéaire et hermétique à la fo is (i).
Luis Bunuel n ’a jam a is été oublié. l,os Olvidados nous a rendu le
surréaliste de Le chien andalou (1929) et l’impressionniste de Los Hurdos
(1934). L’impressionnism e a servi au « docum ent » que Bunuel nous donne
dans son film: le surréalisme a servi à la fabrication des rêves (un n ’est
que l’agonie d ’une prunelle qui s ’éteint) et à justifier le parti pris !de
sadisme : u n vieil aveugle dont on écrase la face, le m eurtre d ’un garçon,
deux poulets tués à coups de bâton, un cul-de-jatte volé en plein rue et
privé de son chariot, u n cadavre roulé dans les ordures, etc. Malgré ces
péchés mignons, le film se tient p a r sa rigueur, aidé sans doute p a r sa
dureté, mais anobli par la présence du m etteur en scène. Je n ’ai vu que
de Sica, Ekk, Daquin et Chrichlon qui sachent révéler s u r l ’enfant et
l ’adolecenl ce que Bunuel nous montre; sa cruauté le pousse encore plus
loin et lui perm et d ’atteindre un absolu fascinant qui va au-delà du film
et du scénario. Bunuel a été aidé p a r les images de Gabriel Figueroa qui
a renoncé enfin aux prodigieuses cartes postales qui sortaient de sa
cam éra sans que ja m a is u n nuage ne les ternît. Mexico, sa banlieue, ses
coins sordides semblent avoir trouvé une vie nouvelle, intense comm e
le ciel le plus p u r (2).
Froken Julie (Mademoiselle Julie) a conquis les cinéastes m algré la
pièce de Strindberg d’ou le film est adroitem ent tiré. Un m onde s ’est
effondré deux fois, l ’univers a vomi ses poisons et ses fa u x poisons et
oïl demande encore à écouter pieusement, les recettes dram atiques de
Strindberg (ou de Ibsen, pour compléter le blasphème) sim plem ent parce
que certains critiques ne les ont pas assimilées. P o u r l’h o n n e u r d’Alf
14
\
\
Suzanne C lo ü tie r, J.-B. Caussimon e t Gérard F’h ilipe
dons •< J u lie tte ou la c le f des songes » de M arcel Carné.
ir
Sjôberg, nous pensons que Strindbeg n ’est q u ’un nom dont le metteur
en scène se sert ])our étaver son thème. Julie est le contraire d’/rw (1946).
Dans ce film, Iris était une femme de cham bre qui aiine un officier; Julie
est une fille de famille qui tombe dans les b ra s d'un valet de chambre, à
l ’aide de la Saint-Jean. Ces prétextes sociaux nous font sourire. Il est
inconcevable que le problème soit posé a u jo u r d ’hui, même in vitro, pour
le jeu. Ilimlaspelet (1942), iris och Lôjtnantsh-jaria, Hets (1943) que Cannes
couronna en 1947, l ’inégal Bara en Mor (1950) m ontraient déjà la m aî
trise de Sjôberg et ses vingt années de travail (il a juste quarante-huit ans).
Frokcn Julie en fait un metteur en scène de tout prem ier plan. Certains
raccords systématiques à l’intérieur du plan ont l ’aisance du génie.
Dans plusieurs rappels du passé, Sjôberg ne coupe pas mais déplace sa
cam éra : un personnage du passé traverse sans encombre le présent,
sans im p a rfa it et sans conditionnel, avec une telle logique visuelle que
cela est im m édiatem ent adm is et saisi. Certes, il y a u n côté exploit qui
devrait glacer le conte. Il n ’en est rien. Chacune des virtuosités de ce
film s’impose comme une nécessité du langage.
L ’interprète de Frokcn Julie (3), A nita Bjork semble détruire son
essence d ’arliste. Elle est tellement Julie q u ’on dirait q u ’elle ne pourra
ja m a is être quelqu’un d ’autre. Cela est arrivé d éjà à la Falconetti. Sa
15
R a f V aïlone dons « C risto P ro ib ito » de C urzio M a la p a rte .
16
qui appartient à un autre héritage que Mankiewiez, eL pour qui le
cinéma el son langage prim ent les nécessités du speclacle. L’air de famille
qui existe dans les deux films, leurs notations attentives ju s q u ’à la cruauté
et a u rire, sont à Vlionneur des deux metteurs en scène.
Cristo Proibito {Christ interdit) était aussi attendu que les meilleurs
films du festival. Les raison n ’en étaient pas toutes ciném atographiques
et on guettait Malaparte au te u r du film, du sujet, du scénario, des d ia
logue, de la musique (7). Le guet réussit. Curzio Malaparte donna une
nouvelle version de son personnage — qui serait presque une nouvelle
m outure de Jésus-Christ, si on le poussait derrière ses derniers argum ents
— et le film s ’effondra. On tourne les pages d’un livre, on tourne les
ailes d ’une girouette, mais 011 subit l’image. Sans Malaparte, le film aurait,
eu de plus hautes chances, ne serait-ce que pour son contenu docum en
taire et lyrique, pour son interprétation passionnée. Mais Malaparte n ’a
pas l'ait un film : un alibi, plutôt. Un alibi extravagant, que personne ne
lui demandait. L’uniform ité tonale du film, sa tension monocorde, ses
complaisances et ses fourberies de style et de langage firent le reste.
Chris interdit, reste un film curieux, avec des veines souvent riches et
alléchantes, qui honore ceux qui eurent le courage de l ’entreprendre.
La renommée joua aussi un m auvais to u r à Juliette ou la Clef des
songes de Marcel Carné (8). Fatigue du festival, usure des mythes, hasard
d ’un soir de mistral, Juliette a été accueilli avec peine. Je témoigne que
la salle a véritablement souffert de ne pas croire. Pourtant, le film est là,
avec ses images envoûtantes qui n ’ont pas envoûté ce soir-là, avec sa
musique juste et claire, avec sa mise en scène éblouissante, ses interprètes,
sa construction. Peut-être personne ne sut répondre à une question redou
table : i' EL après ? » Quoi q u ’il en soit, notre devoir le plus élémentaire
nous ordonne de garder ouvert le dossier de Juliette ou la Clef des songes.
Nous voudrions y glisser une émotion qui n ’est pas venue et que nous
attendons encore. • '
Une décepLion d ’un autre ordre nous vient de Moussorgsky (9), un
long film en soveolor — lire « aghfacolor » — de 1950. Ici aussi on rem a r
que des éléments séparés de valeur incom parable : musique, couleur,
opéras universellement connus, trouvailles de montage (qui nous c h a n
gent des volets, tel ce passage d ’une scène à. l ’autre à travers la flamme
d ’une bougie). Assemblé, le tout a donné un des films les plus ennuyeux
de la saison, qui n ’en m anque pas. Une pédanterie insupportable a fait
place à la liberté et à l ’ellipse du prem ier âge du ciném a soviétique. Si
a u jo u r d ’h u i Eisenslein devait passer de la viande pourrie à l ’émeute du
Cuirassé Potcmkine, il serait sans doute obligé d ’illustrer la pourriture
à travers les siècles, sans compter quelques couplets à la gloire des atti
tudes révolutionnaires uniques du peuple russe. Le plus clair du scénario
de M oussorgsky nous prouve q u ’il n ’y a de musique que russe (Beethoven
est cité à titre exceptionnel^ et que Moussorgsky — qui fut joué par le
Théâtre Impérial et par l ’Oecideut au g rand complet — était un fils du
peuple travaillant pour le peuple. Cela serait peut-être cru, voire admiré;
encore eût-il fallu réaliser un bon film.
Les surprises furent nom breuses à Cannes. Caiçara d’Adolfo Celi,
film brésilien de la nouvelle production de Cavalcanti (10), donna à réflé
chir, p a r sa l'orme correcte et la richesse de ses thèmes. La balandra
17
« Isahel » Uego esta tarde (4), film vénézuélien de Ch. Gliristensen, fra p p a
p a r les qualités exemplaires de ses images. Naples millionnaire (12) révéla
u n ciném a napolitain dans la meilleure source du ciném a italien de l ’après-
guerre. Mais personne ne savait que son auteur, Eduardo de Filippo,
est u n des hom m es de théâtre les plus vivants d ’Italie. Le divertissement
de Preston Sturges Mad W ednesday (13) et l’e x h um ation de Harold Lloyd
prouvèrent q u ’on peut rire sans que le cœur y soit. La nouvelle version
d'« An American T ra g ed y » , A place in (lie S u n (14) de George Stevens,
fit regretter celle de 1931, que Josef von Sternberg tailla su r Theodore
Dreiser. P our The Taies of H o ffm a n n (15) le public réagit comme devant
M oussorgsky, bien que Powell et P ressburger n ’affirm ent pas d’un ton
pérem ptoire que le ballet est chose britanniqe et que le reste du monde
est indigne du soleil. Mais l’opéra, l’opérette et le ballet devraient se
contente;’ de leur scène. Le ballet a trouvé parfois u n collaborateur dans
l’appareil de prise de vues, m ais n ’exagérons pas, The R ed Shoes créait
une notion nouvelle du ballet en fonction du ciném a en couleurs. Avoir
voulu faire de l ’illustration sonore des « Contes d’Hoffmann » est certes
une lourde erreur du ciném a anglais. Des prodiges techniques ont été
réalisés (chaque catégorie d’instrum ents enregistrée a p art et puis mixée,
recherches chromatiques, etc.) en pure perte. Il se trouva ainsi q u ’un
(L’ombre d’un homm e) d ’A nthony Asquith (16), de même que B ricf
film modeste soutînt le ciném a d ’outre-M anche : The Browning Version
Encounler effaça jadis César et Cléopatre et ses six.cents millions.
Un festival annuel ne peut pas avoir le privilège du Festival d’Antibes
‘ qui puise im perturbable dans un demi-siècle de ciném a et dans la liberté
intellectuelle de ses, participants. Il fa u t bien rendre des comptes et les
comptables sont trop no m b re u x po u r être honnêtes. Renonçons à 1’ « in té
rêt général ». Renonçons à l’absolu élargi. Restons à l ’absolu. Les trois
19
B e tte D avis dans^-» Al 1 o b o u t Eve... »
de Joseph L. Manfciewi'cz.
20
A il about M ankîew icz
(de SI J'AVAIS U N MI LL I ON à EVE. . . /
par
JACQUES DONIOL-VALCROZE
21
scénariste est, paraît-il, u n «.jolly good fello w » . D’autre p art le dérou
lement de l ’existence de Joe semble tout à fait n orm al : naissance en 1909
à W ilkes Barre (Pennsylvanie), école com m unale 64 à New-York, collège
de Stuyvesant, Université de Columbia (où d’inquiétantes dispositions
pour la littérature sont heureusem ent compensées par de rassurantes dis
positions po u r le football et le basket), correspondance du Chicago T ri
bune à Berlin, mise a u point des versions anglaises de l’U.F.A., scénariste
à la P aram ount, une prem ière femme, producteur à la Métro, u n prem ier
fils, une seconde femme, deux nouveaux fils, enfin producteur-scénariste-
réalisateur a la Fox. Succès, gloire, a rg e n t : une brillante carrière certes
m ais il n ’y a rien à prem ière vue, qui indique chez Joe des prédispositions
à la ï’évolte, rien de ces signes m alsains et visibles à l’œil n u qui « m a u
dissent » un R im baud ou u n Van Gogh, rien même de cette insolence
glacée ou exubérante qui voue un Chaplin, u n Sternberg, voire u n Welles
à certaines formes de persécutions qui vont de la risée publique à l’expul
sion. Qe l’on exam ine pourtant de plus près les origines de Joe et les
prem iers doutes naîtront. Il fa u t en effet avouer, pour ne rien dissimuler
au lecteur, que les M ankiewicz sont d ’origine européenne; pire : origi
naires de Posen, petite ville située dans un e région mal placée qui a
a ppartenu alternativem ent a u x Russes, a u x Polonais, a u x Allemands,
puis a u x Polonais, aux Allemands, a u x Russes, puis... etc. Il se trouva u n
jo u r u n Mankiewicz pris du désir de voir to u jo u rs les m êm es boutons
a u x uniform es des sergents de ville : il émigra. Voilà pourquoi Joseph
na q u it à W ilkes-Barre. Mais, malgré tout, les faits sont là : Posen n ’a
jam a is été dans la Pennsylvanie.
*
**
22
• DRh CCNWVCK • (19-6) S O m £ \ VI IC RE IN T.IG .C : T ('946).
23
La réussite commerciale de M ankiewicz ne nous intéresse pas en elle-
m êm e m ais elle est singulière dans la m esure où nous pensons que la
possibilité de création ciném atographique est liée au x conditions écono
m iques de la production, dans la mesure où un auteur de Film trouve-le
biais, le stratagème, parodique ou autre, qui lui perm et de s’e x p rim er
sans heurter les tabous financiers ou les interdits m oraux (toutes q u e s
tions étudiées dans ce même num éro p a r Pierre Kast avec amitié «t
h um our). Si Mankiewk\z a si bien résolu la question, n ’est-ce pas surtout
parce q u ’il était mieux placé que. les autres ? Il est à la fois producteur-
scénariste et réalisateur de ses propres films et il a parcouru l’itinéraire
dans un sens peu courant, scénariste d ’abord, producteur ensuite, réa li
sateur enfin. Donc avant que d'aborder la réalisation il a eu tout loisir
(plus de cinquante de ses scénarios ont été tournés) d ’etudier le p r o
blème du scénario en lui-mème puis par rap p o rt à la production étudiée
elle-même du point de vue im périeux du producteur par rap p o rt à la
réalisation. A u jo u rd ’hui quand il élabore un film : Joe producteur
demande à Joe scénariste le scénario que désire Joe réalisateur et lui
donne les meilleures conditions pour le réaliser.
24
J.L. M a n kie w ïcz avec Peçgy C um m ins
p e n d a n t la ré alisatio n d ' « d'Ëscape ».
25
U ne scène de « N o W a y O u t * avec Richard W id m a rk .
26
fastueusem ent vieillotte tous les am is et amies, tous les ennemis et enne
mies d’Eve sont là et se souviennent...
Le sujet est donc : qui est Eve ? Une jeune fille inconnue, une a d m i
ratrice de la grande Bette Davis, qui réussit à forcer son intimité, à
devenir sa doublure, à prendre sa place, à s’élancer vers la gloire aidée
p a r u n p u issant critique aussi peu scrupuleux q u ’elle. Est-ce donc cela
le sujet : « Dans la jungle de pierre {sic), un agneau intrigant » {Time,
16 octobre 1.950) ? Peut-être. Mais c ’est aussi l ’histoire de Bette Davis,
une extraordinaire Bette Davis qui a u ra it pu jo u e r Sunset Boulevard et
qui n e joue pas dans Eve son vole habituel puisque c’est Anne Baxter
qui y joue le rôle de Bette Davis-cinéma, Bette Davis y jo u a n t le rôle
de Bette Davis-dans-la-vie (1). C’est aussi l’histoire du plus célèbre cri
tique new -yorkais vivant, George Je an Nathan, facilement reconnaissable,
paraît-il, à ses cols de fourrure, ses porte-cigarettes et son dédain total à
l’égard d’Hollvwood (Mankiewicz s ’est tiré de ce m auvais pas en faisant
citer le nom de N athan p a r le critique-dans-le-film interprété par George
Sanders). C’est, aussi l’histoire de... etc.
En bref ce qui intéresse surtout Mankiewicz (ici comme dans la plu
p a rt de ses autres films) ce sont les femmes et a travers les femmes la
perm anence d ’une certaine féminité, l’archétype d ’une façon certaine
d’être une femelle et en conséquence de quoi de ne pas être un homme.
Et à tous les coups c ’est la femme qui gagne et une forme de civilisation
qui est m anifestem ent fém inine et parfois américaine. Une civilisation
dont les meilleures filles sont « les Filles de la Révolution ». Vous savez
bien : celles qui ont fait plus que quiconque pour la célébrité de Mac et
qui le porteront au pouvoir si Dieu... (Ah Seigneur faites, mais faites donc
couler le sang des hommes, nous n ’avons que faire du reste) ...si Dieu
donc continue de leur prêter vie et une parcelle de sa puissance. En pas
sant, Mankiewicz fait semblant d ’attaquer le théâtre et les milieux de
théâtre, m ais il ne lui cherche q u ’une querelle d’am oureux : il brûle
d ’envie de grim per sur le chariot et lui, dont nous pensons qu’il est un
des prem iers rom anciers authentiques du cinéma, dit : « Il y a long
temps que j ’avais le sujet dans la tête, mais il me m anquait un rebon
dissem ent central, il me m an q u a it un s e c o n d a c t e ... ». Paradoxe ? Non.
En portant à l ’écran ses Parents Terribles, Cocteau est resté aussi près
que possible du théâtre; résultat : du cinéma, du meilleur, du cinéma-
cinéma. Mankiewicz a écrit et réalisé Eve en a u te u r dram atique ; résultat :
u n é tonnant ro m a n en images mouvantes. En fait, rien dans le film ne
relève d ’une optique ou d’une esthétique que l’on a coutume — assez
bêtement —• de nom m er ciném atographique. Retours en arrière puis
retours a u présent se succèdent sur le mode subjectif d ’un, puis d’un
autre, puis d’un troisième personnage sans a u c u n e de ces justifications
extérieures qui font dire que les images projetées peuvent dire ce que
le verbe sautillant sur les planches ne peut pas dire. Nous sommes loin
de Citizen Kane ! Et de ses images-reine's et de ses cadrages-rois... etc...
Eh bien non. Nous sommes tout près. Et po u r nous faciliter la tâche,
(1) Mieux. Dans l’histoire Margo-Bette Davis estim e que le moment est venu
pour elle d’épouser le metteur en scène-Gary Mcrril. Bette D avis qui ne connais
sait pas Gary Merril avant le film l’a épousé une fois le film terminé. Le seul
que cela étonna ■—■ Life dixit — fut Mankiewicz.
27
p o u r (iégoimer d’avance les critiques imbéciles, pour periuellrc au x a m o u
reux de la belle image d'aller voir Eve sans déroger, Mankiewicz, n o n .
sans hum our, pousse en fin de compte un cocorico à la m anière de « Et
moi aussi je suis cinéaste » : l'histoire est finie, Eve a gagne (à sa façon),
elle rentre chez elle et trouve endorm ie sur u n divan une je u n e lillo
inconnue q u ’elle prend pour une cambrioleuse, mais non c’est elle, elle
a u début adm iratrice de Bette Davis, or elle n ’est plus Eve-Anne Baxter
elle est devenue Bette Davis et Barbara Bâtes qui est devant elle cesse de
l’être et devient Anne Baxter. La boucle est bouclée. (Notons que « dans
la vie » Anne Baxter a percé grâce ù la protection d ’Eve Le Galienne, reine
du théâtre am éricain d’il y a vingt ans, sorte de S arah Bernliardt, Bette
Davis de l ’époque... On' n ’en sort plus, 011 n ’en finit plus de ne pas en
sortir. Ce n ’est plus un film, c ’est à la fois un labyrinthe et un œ u f bien
lisse, un de ces œufs russes dans lequel il y en a lin autre et un troisième
dans le deuxième et ainsi de suite comme dans la réclame de la phospha-
tine Fallières).
Revenons à Welles et à B arbara Bâtes. Celle-ci va devenir l’hum ble
servante de la nouvelle reine. Déjà elle s’occupe de ranger les affaires
royales et, ce faisant, se. pare du m anteau som ptueux que portait A nne
Baxter à la cérémonie, puis du sceptre (le S a rah Oscar Siddons A w ard)
et s’avance solennellement, la tête haute devant un m iroir à six faces,
la caméra la suit et caple bien lût dans le jeu des miroirs l ’image indéfi
nim e n t multipliée d e l à jeu n e fille distribuant des sourires condescendants
à une foule applaudissant, les mille images d ’Eve victorieuse en m êm e
temps que défaite de to u jo u rs céder à son destin. Cette image est la
réplique exacte de la Ri ta a u x miroirs de la fin de La Dame de Shanghaï.
Et M ankiewicz n ’a même pas besoin de tirer dans ce miroir, de tuer la
pucelle. Le jeu de massacre est commencé depuis longtemps.
Mankiewicz est donc u n moraliste du genre Beaum archais avec sur
la joue une m ouche stendhalienne. au coin des lèvres u n soupçon de
Montherlant. La cause est entendue : les fem m es sont mauvaises, cupides,
intéressées, corruptrices, luciferiennes...
Erreur. Le principal du talent de Mankiewicz c’est d ’être am bigu.
Ambigu non par effort, p a r nature. Sa seule effigie inquiète le profane :
il ressemble à un général soviétique, à Joukov très exactement. Pas sur
la photo de la page 25 : elle est là p o u r la propagande, pour faire croire
q u ’il a une bonne figure; hors du cadre il y a une petite fille en costume
régional qui va lui offrir des fleurs. Je suis sûr — ils l’ont prouve — que
les généraux soviétiques sont les meilleurs stratèges. Le profil épais de
Mankiewicz me rassure. Je me méfie des fins visages narquois des intel
lectuels qui sourient à la Voltaire. Notre hom m e sait rire a u x éclats de
la bonne farce qu’il vient de jo u e r au cinéma... ou qu’il a fait sem blant
de jouer. .
Car, en somme, nulle part il n ’y a dans le film une preuve flagrante
de la malveillance d’Eve.. C’est peut-être elle la meilleure de l ’histoire.
Elle est aussi l ’autre face — inspirée — de ce sexe dont E douard Bourdet
disait : «Le sexe faible n ’est pas celui qu’on pense».
Laissons-nous entraîner sur l ’autre versant. La créature de Mankîe •
wiez peut y appeler sans illogisme d ’autres échos et y devenir cette
sœur, cette inspiratrice qu'appelaient le Père Enfantin et les saints simo-
niens de leur couvent de M énilmontant, cette fem m e-enfant chère à
28
Eve, agneau tim id e ... J *V .sort ses g riffe s ,
29
Breton el qui se fonde, pour se diriger, s u r la pure intuition, cette N adja
qui, dans le soir tombant, interroge les m aisons qui lui font face et
désigne la fenêtre, qui va s’éclairer, cette religieuse portugaise qui écrit
aussi bien : « Je vous remercie dans le fond de m on cœur du désespoir
que vous me causez et je déteste la tranquillité où j ’ai vécu a v a n t que
je vous connusse » que « Je me flatte de vous avoir m is en état de n ’avoir
sans moi que des plaisirs im parfaits, et je suis plus heureuse que vous
puisque je suis plus occupée».
JOSEPH L. M A N K IE W IC Z
JOSEPH L. M A N K IE W IC Z , né à W ilk e s Barre (P ennsylvanie, U.S.A.) en 1909, Etudes cr f'U n îve rsité
de C olum bia. *
A Be rlin , en 1923, a d a p ta te u r e t d ia log u iste pou r la U .F.A. de versions anglaises : Le C hem in d u
Paradis, Le Congrès s'amuse, etc... ,
H ollyw ood, 1930, scénariste à la Param ourit : Sfcipcy, Si /“a vais u n m ittio n , M itfio n d oK a r îçg.
1933, à la M é tro Goldwyn M a ye r, scé n a ris te : M a n h a tta n M e lo d ram a , Forsakin g a li ath ers , I fiv ç
m y /ife .
1936, scénario e t p ro d u c tio n : T hre e g odfothers, Furie, Georgeous Hussy, Love on th e run.
1937 : Double w eddin g, The b rid e w ore red, M a nn e q uin .
1938 ; Trois camarades, Shopworn angel, Sh ining H o u t, C hrisfm as Carol,
1939 : Les a ven ture s de H uc k le be rry Finn,
1940 : S tra n g ç cargo, P h ih d e ip h ia Story.
1941 : W o m a n o f t h e Y e a r, R eu/von »n Fronce.
1943, à la 2Qth C e n tu ry-F o x, engagé comm e scé n a riste -m e tte u r çn scène-producteur.
1944 : Les clefs d u Royaume (scénario e t p rod u ctio n),
A p a r t i r de i 945 M a n k ie w ic z d e v ie n t réalisateur.
F IL M O G R A P H IE
1946 : D ragonw yck (L$ ch âte au d u d ragon) : Î9 4 8 : À L e tte r to T h rce W ives (Chaînes co nju
scénario e t ré alisatio n . O p é rate ur : A r th u r M ille r. gales) : scénario e t ré a lis a tio n . O p é rate ur : A rth u r
M usique : A lfre d N ew m an. P ro du ctio n : Ernst Lu- M ille r. M usique : A lfr e d N ew m an. Pro du ctio n : Sol
b its ch . In te rp ré ta tio n : Gene T ie rn e y, W a lte r Huston, C- Siegel. In te rp ré ta tio n : Jeanne C rain, Lînda
V in c e n t Price e t Glenn Langan. D arnelf, A n n Sofhern, Kcrk Douglas, Paul Douglas.
1945 : Somewhere în fïie N ig h t (Quelque p a rt
1949 : House o f Strangers (La ma/son de s é tr a n
dans la n u i t ) : scénario e t ré alisatio n . A d a p ta tio n
de Lee Strasberg. O p é rate ur : N o rb e rt Brodine. gers) : ré a lisa tio n e t scénario : P h ilip Yordan. Opé
M usique : D avid B u tto lp h . P ro du ctio n : Anderson ra te u r : M ilto n Krasner. M usique : D aniele A m fi-
Law ler. In te rp ré ta tio n : John H od iak, N an cy Guild, th e a tro f. Pro du ctio n : Sal C. Siegel. In te rp ré ta tio n :
R ichard Conte, Lloyd N olan. Edward G. Robinson, R ichard C onte, Susan H ayw ard
e t Debro Paget,
1947 : The Ghost Qnd M rs M u ir (L*aventure de
M rs M u ir ) : scénario e t ré a lisa tio n . O pérateur : 1950 : No W a y e u t : scénario (avec Lesser Sa^
C harles Lang. E ffets spéciaux : Fred Sersen. M usi muels) e t ré a lis a tio n . O p é rate ur : M ilto n Krasner.
que : B ernard H errm a n n. in te rp ré ta tio n : Gene Tier- M u siq u e : A l f r e d N ew m an. P ro d u ctio n : D arryl F.
ney e t Rex Harrisson.
Z a n uck, In te rp ré ta tio n : R ichard W id m a rk , Linda
D arnell, Stephen M ac N a liy .
1 9 4 8 : Escape: scénario e t ré alisatio n . Opéra
te u r : Frederick A . Vo un g . M usique : W îllio m
A lw y n . Pro du cteu r : W illia m Perlberg. In te rp ré ta A i l a b o u t Eve (Eve...) : scénario e t réalisatio n.
tio n : Rex H arrisson, Peggy Cum m ins, W illia m O pérateur : M ilto n Krasner. M usique : A lfre d N e w
H a rtn e ll. m an. P ro du ctio n : D arry l F. Z a n u c k. In te rp ré ta tio n :
Bette Davis, A n n e B a x te r, C eleste H olm , George
T h e L a te George A p lo y : ré alisatio n e t scénario : Sanders, Gary M e rrill, H ug h M arlow e, T h e lm a R it-
P h ilip Dunne. O pérateur : Joseph La Shelle. M usi te r, M a rily n M onroë, G regory R a to ff, B a rba ra Bâtes.
q ue ; C yril J. M o ckrid g e. P ro du ctio n : Fred Kohlm ar.
In te rD ré ta tio n : Ronald C olm an, Peggy Cum m ins, Fn p ré p a ra tio n : D o cteu r P ra e ta riu s S tory, avec
Vanessa Brown. C ary G ra n t e t Jeanne C rain.
NOTE. — Les fifm s d o n t (e t i t r e fra n ça is n 'e s t pas m e n tio n n é n ’o n t pas été édités en France.
30
par
NIISO FRANK
31
principalem ent aux deux ou trois cam oneltiste de la soirée, personnes presque
toujours dodues et oxygénées, vêtues comme dans un bordel mais avec force
paillettes et plumes, et qui m ettaient une lourde fantaisie dans leurs refrains
à double sens. C’est à elles que l ’on adressait le plus de lazzi, de baisers cla
quants. d’appréciations et d ’invites; quand leur faveur était grande, on en
venait à leur réclam er, en cliceur, sur l'a ir des lam pions : le <s geste ».
— A ’mossa, A'mossa, A ’mossa, criait la salle charm ée, cette épithète étant
prise dans son acception magique.
' La divetta s’exécutait aussitôt : par une ondulation savante du corps, centrée
autour d ’une vibration du bassin qu’elle p o rtait brutalem ent en avant, en
virevoltant avec lenteur afin que tous ses appas — seins, croupe, épaules,
cuisses — participent à la chose, et en prolongeant l ’acte par un clin d ’œ il
à la fois ravi et rieu r que chaque spectateur pouvait prendre, pour lui. E lle
recom m ençait, sur dem ande, jusqu’à deux ou trois reprises par chanson.
Ce cérém onial bizarre me stupéfiait à chaque coup, d’autant plus que je
voyais mes voisins souffler d ’aise et applaudir.
i M a rlè n e D ie trich , l'a r t if ic e ch an tou rn é... ». « In g rid Bergm an, la sincé rité nue... ».
32
lis n ’en dem andaient pas plus, et nul, p ar exemple, ne se fût avisé d ’aller
attendi'e la personne, après la représentation, à la sortie des artistes. Somme
toute, que leur fallait-il ? Une expression convaincante de leur nnion collec
tive avec l ’inconnue placée tem porairem ent sur u n piédestal, en pleins feux.
Peut-être m a m archande de journaux eût-elle reconnu là la fulguration
imagée du grand frisson : aboutissem ent de la passion, apanage des nerfs des
déesses, explosion du fatum à tête de priupc.
Le succès foudroyant et durable de Pina Menichelli tenait à ce q u ’on
reconnaissait en elle la personnification mêjne du grand frisson.
T out venait de sa couronne de cheveux, qui était un p u r chef-d’œuvre :
chevelure de Gorgone, serpents de l ’hystérie, boucles du pathos, dans une
coiffure arrangée arlistem enl, désir et folie mêlés.
Dominés p ar cette m anière de centrale électrique, les traits menus de la
femm e point encore sortie de sa gangue, nez minuscule et vif, bouche exiguë,
m enton d ’un mol arrondi, portés sur une face au dessin ferm e et po u rtan t chan
geant ; et ces rappels de l ’incréé agitent puissam m ent le principe sadique de la
sexualité masculine. En dessous de ce visage, taillés dans u n m arbre blond, une
p o itrin e, des mem bres qui, eux, ne figuraient rien d'innocent : l ’outillage
m êm e de l ’im pureté. Bien que la taille fû t courte, le bas du corps peu
rem arquable, la dém arche sans ry th
m e, la m achine paraissait inviter aux
robustes déduits, au m ilieu des mille
plaintes de la fausse fragilité.
Mais, encore une fois, c’est de la
chevelure, et de son terrau de p ara
noïa, que venait tout : alors ce
n ’étaient que refus, gestes démentiels,
inquiétudes et aterm oiem ents, et ces
contorsions, ces ondulations, ces Coups
de reins, ces frottem ents de non sa-
tiata, ces extases et délires de chatte
enchifrenée, où l ’on voit les mystères
du grand rom anesque.
T el était donc le bout de femme
que l ’im agination d ’une populace
touchée par les prolégomènes de
d ’Ànnuuzio identifie aussitôt avec les
héroïnes à m igraines du grand
homme.
De fait, c ’est P iero Fosco, réali
sateur de Cabiria, donc spécialiste du
m aître, qui lance le pro d u it sous la
dénom ination de Tigresse royale; peu
« G reta Garbo, l'a m b ig u îté ...
33
après, il lui fera m êm e in terp réter une ad aptatio n du Feu dannunzien. D ix ans
s’écouleront, Lyda B orelli prendra sa re traite; Francesca B ertini approchera de
son déclin, mais P in a M enichelli, qui n ’a pas plus le talent de la prem ière que
la beauté de la seconde, continuera à rem p lir des salles plongées dans les
plus accablées des ténèbres : le noir dense de la n u it de Lilitli.
C’est une loi de la création artistique — ou para-artistique — italienne que
de tendre, tô t ou tard, vers le baroque. Il ne s’agit pas de décadence m ais
de .maladie infantile. Après le surréalism e comique, après la surcharge de
l’histoire, P ina M enichelli introduit une troisièm e variété de ce baroque : le
cérém onial passionnel.
C’est autour d’e lle q ue s’effectue l ’extraord inaire floraison des années 14 :
l’Ita lie se découvre p e u p lé e d ’orc h id é es à passions, écloses sp éc ia le m e n t p our
garnir l ’écran, c o m m e d ouze ans p lus tard à H o lly w o o d , des filles-images
évolu a n t en des attitudes tantôt m iracu leu ses tantôt p esam m e n t décoratives.
Il n ’est pas q uestion d e ta len t d ram atiq u e m ais de gén ie du pathos... P e u t-
être l ’arte s ’e x p rim e -t-elle à n ouveau.
Où est le temps où, p o u r m arqu er sa réussite au cinéma, il suffisait de se
faire u n sobriquet, P olidor ou Maciste ? A présent, c’est im nom qu’il faut,
aussi long que possible. A p art celles que l ’on a mentionnées, voici, en avan
çant vers les années de la guerre, « la » Terribili-Gonzalez, Ida Carioni Talli.
Clelia Antici Maffei, qu i était paraît-il m arquise (encore), Italia À lm irante
Manzini. de qui la gorge m onum entale envahissait l ’écran à la façon d ’une
caravelle, Bianca Camagna, F ernan da B attiferri, auprès de qui le p arte n a ire
faisait figure de p etit m âle de la m an te ou de l ’am ante, T ilde Teldi, qui collec
tionnait les colliers de perles, d ’où ses protecteurs à l ’ombre, Eleria Sangro
et M ina d’Orvello, sorties toutes frémissantes dans leu r pseudonyme d ’un
dram e villageois de d ’Annunzio, des débutantes qui s’appelaient M aria et Dio-
m ira Jacobini, Soava Gallone, Carm en Boni, ces touchantes fausses étrangères,
Lolley B arnet, Gilda M ignonnette, Lina M ille fleur s.
M onstrueux ornem ent d’u n ja rd in de fou de banlieue, tel celui du facteur
Cheval : c’est autour de Pina M enichelli, Notre-Dame des Spasmes, q u ’il
s’étage en terrasses descendant vers le néant, mais où l ’im agination, som m e
toute, erre encore avec regret...
L 'art dram atique joue toujours su r deux claviers : la sincérité nue (Ingrid
Bergman) et l ’artifice chantourné (M arlène D ie tric h ), l ’am biguïté ou double
jeu n ’étant le fait que des grandes com édiennes (Greta G arb o).
Né en Italie, le style de l ’artificiel est celui qui devrait convenir le m ieux
à la fatalité pré-fabriquée des héroïnes de l ’écran... Or l ’illusion ciném ato
graphique existe, au même titre que l ’illusion comique, et réclam e le langage
criant de la vérité (la photographie est vérité) pour donner accès au m onde
de la fiction-
V int donc le -moment où il fa llu t réagir contre une th éâtralité qui m en ait
à la déliquescence. Le processus d’évolution du style ciném atographique ne
pouvait pas s’arrêter aux contorsions et aux étirements. Au tem ps des trio m
34
phes italiens, l ’Allem agne découvrait Asta Nielsen ou P aul Wegener, qui
illustraient la théâtralité de la non-théâtralité, pendan t q u ’aux Etats-Unis, une
civilisation fruste s’exprim ait par l’im passibilité, écrivons m êm e l ’inexpiessi-
vité, de W illiam S. H a rt ou de Pauline Frederick. La sobriété de ces visages
nets stim ulait l ’im agination du spectateur, qui tenait enfin son rôle dans le
spectacle... Voie féconde, q u ’on parcourra ju sq u ’à la convention.
Mais, vingt (et trente-cinq) ans plus tard, la rougeole d u baro que surm on
tée depuis belle lurette — et alors que les Américains eux-mêmes découvrent
la sophistication ou tom bent dans le panneau de leurs grands cabots, Dressler,
Beery, R obinson —, nos jansénistes de la critique louis-quatorzienne se com plai
ront encore à leurs condamnations capitales.
Reconnaissons que Louis Delluc voyait plus juste en ten an t pour essen
tielle la collaboration des Italiens à la form ation d ’un a r t ciném atographique.
La th éâtralité dans le jeu (nous préférons la m ettre dans l ’action) des dive,
comme des comiques ou des héros romains, révélait la poursuite d ’une visua
lisation à coup sûr excessive mais parfaitem ent dynam ique. Il y avait, n ’en
doutons pas, u n sens plus vif du cinéma, en ces oïlas podridas que dans les
compositions distinguées du p u r style nouille des Signoret, Dufios, R obinne
et compagnie. ‘
La vulgarité et la naïveté des prem ières stars italiennes une fois décantée,
il dem eure d ’elles u n souvenir que l ’on n ’évoque pas sans quelque attendris
sement. Non le noble talent de l ’art, mais l ’im pur génie de l ’arfe... Pourtant,
il s’y ajoute la conviction que, des années après, une Nazhnova im itera B ertini
sans en avoir la beauté; que, plus tard, la grandeur de G arbo consistera à
retrouver le style de B orelli et à le po rter à son plus h a u t degré d ’incan
descence; q u ’ensuite une M arlène Dietricli ou une Gloria Swanson ne feront
que reproduire, avec m esure, tous les trucs de M enichelli,
R x tra it de C/nem a d e l i ' a r ie à p a ra ître en m ai 1951 a u x E d itions A n d ré Bonne).
35
Des confitures pour un gendarm e
R em arqu es sur le d a n d y s m e et Vexercice d u cin ém a
par
P ie rre Ivast
36
En rûde „ k The Lody fro m Shûnghoi ».
réfléchir. Je sais bien que ceux d ’entre eux qui n ’ulilisent pas leurs
revenus à se fabriquer u n personnage, s ’en servent p o u r se consoler dans
la pêhe à la ligne, les femmes, la boisson ou les voyages au long cours de
leur condition de mercenaires. Je sais aussi que le "mythe du ciném a sans
argent est une provocation. Que le ciném a d 'a m a te u r est d'ailleurs bien
fa.il po u r en fo u rn ir la preuve, et que la fin dernière du cinéma n ’est pas
de jo u e r à la sauvette dans les faubourgs.
Le seul problème qui se pose est celui de l ’acquisition des moyens, et
les contraintes qui en découlent n ’ont rien à voir avec la contrainte
imposée p a r les règles de la fugue ou de l'alexandrin.
En dehors de quelques cas rarissim es de m écénat ou de ruse, l’auteur
éventuel d’un film doit nécessairement s’insérer dans un système de p r o
duction qui poursuit des fins tout à fait différentes des siennes; Le choix
du sujet, et le choix des m oyens ne lui ap p artien t p o u r ainsi dire jamais..
Il n ’est pas ligoté pour autant, l ’ne petite m arge de liberté lui reste, s ’il
est parfaitem ent conscient de cet état de fait. -
Je ne parle naturellem ent de ceux qui acceptent à la fois la structure
de la société que nous subissons, et la structure du système de production
des filins actuellement en vigueur. Dans le m eilleur des cas, leur virtuo
sité naturelle, et ce qu’on est convenu de n o m m er leurs qualités techniques
trouveront à se m anifester dans u n optimisme bon enfant, hygiénique et
distrayant, accroissant encore, si possible, la confusion qui entoure ces
problèmes. . • .‘■
37
R ita H a y w o rth dons urre scène censurée de « The L a d y fr o m Shcinghai ».
38
M o rth û Raye e t Choies C ha p lin dans « M onsieur V erdoux >.
39
« M onsieur V e rd o u x » chez lui.
40
c’est une exception, puisque les lions triomphent. Notre bon petit système
national en est à un point de timidité, d’aveuglement, et de contrainte
policière dissimulée, que nous ne pouvons même pas envisager sur l’em
pire colonial français, par exemple, le Maroc (le nos aïeux, le M adagascar
de nos oncles des colonies, des filins aussi sournoisement racistes que
P in k y et autres. Hors de l’apologie pure et simple, aucune possibilité
d ’exprim er quoi que, ce soit.
Ce qui est ainsi vrai pour notre régime politique, p o u r l’empire, de
façon très évidente, l ’est pratiquem ent dans tous les domaines. Il y a en
France, chaque année, a utant d ’avorlements que de naissances. Il est
très clairem ent impossible de faire de ce problème le sujet d’un film —
el même d ’un film conformiste. Le régime pénitentiaire français, dont les
titres de gloire sont les grandes centrales de Poissy, de Fonlevrault, etc.,
qui peut penser u n instant qu’on peut en dire seulement ce que disait
Big House de Sing-Sing, sans même parler des cent films américains, à
commencer p a r S ulliv a n ’s Travel qui jetaient une lueur inquiétante et
souvent involontaire, su r le système répressif du monde civilisé, occiden
tal et chrétien. '
La dém onstration me semble si aisée, que j ’hésite à poursuivre cette
énumération. Pratiquem ent la barrière infranchissable d ’une censure de
fait se met au travers de toute tentative d ’expressiou directe des problèmes
de la vie contem poraine; peut-être pensera-t-on que j ’exagère. Je le vou
drais bien. Le système de production des films actuellement est tel, que
comme dernier exemple, je laisse aller mon im agination à esquisser les
réactions des distributeurs de films devant le projet modeste, de porter
au cinéma le naïf, bucolique, étonnam m ent célèbre dans les provinces, et'
d’ailleurs ridicule, ro m an de Zola : La Faute de l’Abbé Mourut : Cote
morale n° 5 de l ’office catholique, interdit aux mineurs, etc. A dessein
n ’ai-je pas parlé du merveilleux ro m an de Georges Bataille, l’Abbé C,
sorte de eonlrepied laïque, érotique el génial du Curé de C am pagne.
Quelques professionnels du ciném a sont a u jo u r d ’hui obsédés, avec
uu étonnant puritanism e sectaire, p a r la conception d ’un sa'm optim ism e
cinématographique qui se retourne hélas, à m on sens, précisément contre
les thèses même q u ’ils prétendent défendre. Nous voici en pleine myopie
intellectuelle. Un bizarre réflexe conditionné conduit à fourrer dans le
même sac du m orbide pêle-mêle toutes les m anifestations de la violence.
L’ensemble de leur raisonnem ent repose visiblement su r cette idée, d ’une
naïveté charm ante, m ais inattendue, q u ’il y a m algré tout une espèce de-
liberté dans le choix des sujets. Il est vrai qu’on a la liberté de choisir
Fernande!, Bourvil, ou le joyeux petit peuple de Paris, pas méchant,
fort en gueule, et si plaisant.
Dans ces conditions, la parabole est une arm e de guerre, quand elle
s ’emploie a lever les tabous en vigueur, ou a détruire les illusions conven
tionnelles sur la légitimité ou la pérennité du monde tel que nous le
connaissons.
Ainsi, La Dame de Shanghaï, Monsieur Verdoux et Noblesse Oblige
sont à la fois les meilleurs exemples d’emploi de la parabole, et les films
les plus significativement offensifs de ces dernières années. Le recours
à l ’h u m o u r anglais a perm is a u x gens qui se sentaient visés d ’escamoter
en partie les coups qui leur étaient portés.
41
II est certain que ces films ont été aidés p a r une tradition littéraire
anglaise extrêm em ent vivace; Swift et Sam uel Butler sont au m oins en
affinité avec eux. La modeste opposition ou le tract qui invite à la coloni
sation ü ’E rew hon selon les méthodes employées aux Indes p a r exemple,
ou dans nos propres colonies, expliquent, et rendent acceptables pour le
public la comédie de meurtres de Chaplin, ou le traité de l ’ascension
sociale p a r l ’hom icide raisonné de Robert Ham er. Il ne s’agit pas pour
a u ta n t d’une plaisanterie, ou d'u n quelconque h u m o u r m acabre. La
technique du cabaret Le Néant, où des fêtards de province boivent des
limonades dans de fau x crânes en céram ique est u n peu autre chose.
Les réactions violentes ou hypocritem ent amusées qui ont suivi ces trois
films sont à cet égard bien révélatrices.
La Dama de Sha n g h a i est sans doute bien la jux tap o sitio n dans un
m êm e film d’un e intrigue policière et de sa propre parodie glacée; les
trnitres viennent ricaner grossièrement au prem ier plan, avec juste u n
peu trop de conviction. C’est aussi le plus violent soufflet lancé à la
femelle type de la mythologie ciném atographique am éricaine. On a déjà
parlé cinquante fois de la gran d e u r de la dernière séquence. Quand les
héros ne peuvent pas s’épouser, ils m eurent avec délices dans les bras
l ’un de l ’autre: on a le choix entre une fin heureuse et une fin a u d a
cieuse. Que Mike le m arin laisse crever la w a m p dans une solitude abjecte
est déjà contraire à toutes les règles du jeu. On p e u t a d m irer qu'Orson
Welles ait pu, précisément en raison de l'incroyable stupidité et l ’in v ra i
semblable confusion de l ’intrigue, inverser à ce point les valeurs ordi
n airem ent illustrées p a r le film policier traditionnel. Mais J o h n Huston
ou Dm ytryk ont aussi inversé ces valeurs. La valeur poétique de La Dame
de Shanghaï, qui l ’élève, à m on sens, infinim ent au-dessus des films
criminels noirs, est due à la parabole du com bat de requins, qui donne
soudain u n sens à ce film écartelé. L’emploi de cette parabole élargit la
signification du film, et en fait tout a u tre chose. La m er couverte du sang
des requins qui s’entregorgent ne donne pas seulement son sens profond
au film lui-même. Elle est encore, et de la seule m anière impassible et
glacée qui peut justifier ce m ot épouvantable, u n tém oignage de W elles
su r son temps.
Gide seul, à ma connaissance, a exam iné les prolongem ents esthétiques
du célèbre celui qui veut sauver sa vie la perdra. Son application a u x
circonstances présentes de la fabrication et de la circulation des films
est bien curieuse : puisqu'il n ’est pas possible de tém oigner sur les points
réellement essentiels de la vie contem poraine, celui qui veut le faire
m algré tout perd sa mise — et de la m anière la plus inattendue, u n film
policier confus et bâclé, inachevé, et baroque, en dit plus long que des
kilomètres de cantiques travaillons mes frères car c'est l ’heure.
L’inconvénient principal de l ’article écrit par André Bazin sur M on
sieur Verdoux dans la « Revue du Cinéma » est d’être bien trop complet.
Au m oins fait-il du film, le plus im portant, sans doute, de Chaplin, une
p art équitable. Mais il décourage la réllexion; du m oins celle des p a rti
sans, en fait peu nom breux, de l’oeuvre la plus mystérieuse, et la plus
riche peut-être de tout le cinéma.
42
L’école du dim anche a beaucoup fait pour déconsidérer la parabole.
On y passe son tem ps à traduire en langage clair, c’est-à-dire à désin
tégrer, le lys des cham ps ou le chas de l'aiguille. Les clam eurs des
critiques brevetés, et les réserves de Bazin sur le fond même, su r la signi
fication profonde, de M onsieur Verdoux participent de cette version latine
p o u r catéchumènes. Il p a ra ît que le contenu social du film, tra d u it en
clair, est puéril, q u ’on savait d éjà tout ça, quoi, que la société n'était pas
bien faite, et que le, crime et l ’industrie sont finalement en symbiose.
Même, les idées de M. Chaplin seraient plutôt une gène po u r la verve
comique de Chariot.
Il me semble q u ’une entreprise de traduction sim ilaire de la Colonie
Pénitentiaire ou du Terrier a u ra it toutes les chances de laisser filer l ’essen
tiel de la pensée de Kafka su r le système pénitentiaire ou s u r l ’angoisse.
L ’im portance énorm e de M onsieur Verdoux vient précisément de la
com paraison q u ’on en peut faire avec le monde de Kafka ou de S w ift :
un vieux routier de la critique avait trouvé comme reproche principal
que le Paris de V erdoux ne ressemble pas du tout au vrai. Comme si
Verdoux se prom enait ailleurs q u ’à lilliput, ou Erewhon.
Noblesse oblige n ’a pas eu beaucoup plus de chance. Un sujet, en
somme fort voisin de celui de Verdoux, et une merveilleuse élégance de
forme ont perm is le développement de l ’équivoque. Comme c’était drôle.
Et le film a été écrasé sous son propre succès de comique. Le fait q u ’on ait
ja m a is vu traiter dans u n film français nos braves petits officiers de chas
seurs à pied comme cet anglais traitait les a m ira u x britanniques, qui en
sont l ’équivalent au firm am ent m ilitaire — ni q u ’a u c u n curé n ’ait jamais»
heureusement, subi chez nous quoi que ce soit qui approche de la scène
du sermon, ou de celle du m issionnaire — , a u ra it d û donner à penser que
cet h u m o u r n ’était ni si macabre, ni si hum oristique ou désopilant. En
fait il s ’agit bien, comme dans le cas de Verdoux, d ’une des plus cruelles
et. violentes attaques qu’a it eu à subir la légitimité du cadre .social dans
lequel nous vivons, car c’est cette légitimité même qui est mise en ques
tion. Les films réputés sociaux, des Raisins de la Colère ou assimilés sont
contraints, en fonction de la structure de l’appareil producteur, à
dépeindre l’exceptionnel, même atroce, et à justifier p a r là implicitement,
ce qui ne l ’est pas, exceptionnel, comme les vertus populaires, nationales
ou domestiques. Ni Ford, ni Capra, ni même un Sturges, beaucoup plus
fallacieux, n ’ont mis en cause la Société où ils vivent, seulement ses
écarts ou ses excès. L’excellent article de Michèle Vian, dans « Les Temps
Modernes », su r Intruder in the Dust, a mis en lumière, de la même façon,
ce que suppose de racisme implicite la dém arche la plus innocem m ent
ap aisante et réformiste, quand elle ne s’attaque q u ’a u x m anifestations de
surface de la gangrène profonde du racisme. '
Bref, il semble que dans une époque comme la. nôtre, une des plus
accablées de tyrannies, de mystifications, de tabous et d’im pératifs sou
cieux, aucune volonté d ’expression directe de cette réalité sociale au
ciném a ne soit possible sans que ne se retourne contre ses auteurs la
meilleure intention.
Dit autrement, il semble que les porteurs de message ne puissent que
s’inscrire dans le périm ètre défensif de la Société q u ’ils voulaient attaquer
ou accuser.
43
* U N E ?>HOTO D E T R A V A I L DE "ALU ABDUT EVE. -V
£v£ f cT D E W ll T DEVANT UN ” T R a NS*»ARENT
46
que les studios français ont laissé échapper même, car sa biographie est vide d'événe
— Augusto Genina ne s'est pas moins soucié ments exemplaires, elle est celle d'une fille
de jouer le jeu du réalisme. Ses paysans sont de misérable fam ille d'ouvriers agricoles dans
aussi authentiques que ceux de Forrebique. le marais Pontin au début du siècle. Pas de
Alors que les trois quarts des film s italiens, visions, pas de voix, pas de signes du ciel;
même tournés en studio par des acteurs, sont l'assiduité au catéchisme et la ferveur de la
past-synchranisés, Genina a enregistré direc première communion sont les seuls jalons,
tem ent et ses paysans parlent vraiment... ce banals, d'une piété commune. Sans doute il
qu'ils disent. Quand on sait (cf. Farrebique) y a le « martyre », encore fa u t-il que le film
quelle m ultiplication de la d ifficu lté repré arrive à ce dernier quart d'heure pour qu'il
sente Je fa it d'obtenir d'interprètes non pro « se passe enfin quelque chose ».
fessionnels autant de naturel dans la parole Et ce martyre même, qu'est-il au fond, dans
que dans le comportement, on mesure le ses apparences et dans ses mobiles psycho
travail supplémentaire que s'im posait Genina logiques ? Un quelconque crime passionnel,
pour respecter jusque dans les détails à peine un fa it divers sans originalité dram atique:
sensibles la règle du réalisme. On pourrait « Un jeune paysan tue à coups de poinçon
même les estimer superflus s’il s'agissait une fille de ferme qui lui refusait ses
d'une œuvre mineure. Mais ils fo n t partie faveurs. » Ht pourquoi ? Il n'est pas un tra it
d'un ensemble esthétique cohérent dont les de ce crime qui ne souffre une explication
données essentielles sont posées par le tra i naturelle. La résistance de la fille peut n'être
tem ent du scénario. qu'une pudeur physiologique exacerbée, un
On sait que Cielo sulla Palude est un film réflexe de petite bête qui a peur. Sans doute
de circonstance, réalisé à propos de la cano appose-t-elle à Alessandro la volonté divine
nisation de la petite M aria Goretti, assassinée e t le péché, mais il n'est pas besoin de
à 14 ans par le garçon à qui elle se refusait. recourir aux subtilités de la psychanalyse
De telles propositions pouvaient faire craindre pour comprendre de quels secours peuvent
le pire. L'hagiographie est déjà en soi un être à une adolescente apeurée par la vie les
genre périlleux; mais enfin il est des saints impératifs du catéchisme et les mystiques de
de vitrail e t d'autres qui semblent faits — la première communion. Admettons même
quel que soit leur rang au poradis — pour le que l'influence morale de l'éducation chré
plâtre peint de Saint-Sulpice. Le cas de M aria tienne ne se borne pas à fournir un alibi aux
Goretti ne paraît pas a priori plus prometteur véritables mobiles inconcîents, la conduite de
que celui de sainte Thérèse de Lîsieux. Moins M aria n'est pas encore convaincante car nous
devinons d'ailleurs qu'elle aime Alessandro,
M a ria G o re tti e t son assassin. dès lors pourquoi cette résistance aux consé
quences tragiques: au bien c'est un réflexe
physiologique plus fo rt que l'accord sentimen
tal ou bien c'est réellement l'obéissance à un
principe moral, mais alors n'est-ce pas la
pousser jusqu'à l'absurde parce qu'elle fa it
le malheur de deux êtres qui s'aiment. Aussi
bien M aria avant de mourir demande-t-elle
pardon à Alessandro du mal qu'elle lui a
fa it, c'est-à-dire de l'avoir poussé à la tuer.
Rien d'étonnant que cette vie de saint ait
déçu (du mains en France), plus encore les
chrétiens que les incroyants. Car les premiers
n'y trouvent guère d'apologétique religieuse
et les seconds de justification morale. Il n'y
a là qu'une pauvre vie d'enfant stupidement
brisée sans aucun de ces signes exceptionnels
qui ju s tifie n t quoi que ce soit. M aria Goretti
n'est ni Vincent de Paul, ni Thérèse d'Avila,
ni même Bernadette Soubirous.
Mais c'est justement le mérite de Genina
d'avoir enfin osé faire une hagiographie qui
ne prouve rien e t surtout pas la sainteté de
la sainte. Son mérite : non seulement artis
tique mais religieux. Cielo sulla Palude est
un des rares films catholiques valables.
Quel a été en e ffe t le parti pris de Genina ?
Non seulement, cela va de soi, de se refuser
47
aux embellissements de circonstance, au
symbolisme de l'imagerie religieuse et pour
tout dire au merveilleux de l'hagiographie
traditionnelle; un film comme Monsieur V in-
cent par exemple sait aussi éviter ces écueils.
Son propos va beaucoup plus loin : c'est celui
d'une phénoménologie de [a sainteté. Sa mise
en scène un refus systématique de l'envisa
ger non seulement comme autre chose qu'un
événement, mais encore de le considérer
autrement que de l'extérieur et comme la
manifesîation ambiguë d'un fa it spirituel
rigoureus3ment indémontrable. La volonté
apologétique des hagiagraphes suppose, en
effet, que la sainteté est donnée a priori.
Q u'il s'agisse de sainte Thérèse de Lisieux
ou de saint Vincent de Paul, an nous raconte
la vie d'un saint. Or, en bonne logique,
comme en bonne théologie, un saint ne l ’est
qu'après quand il est canonisé; durant sa vie
il n'est encore que Monsieur Vincent. C'est
à (a lumière du jugement et par l'autorité de
la Sacrée Congrégation que sa biographie
devient une hagiographie. Le problème qui
se pose en cinéma comme en théologie est
celui de la rétroactivité du salut éternel. Or L'heure e st venue..
de toute évidence un saint n'existe pas au
présent, seulement un être qui le devient et de la seule réalité cinématographique possi
qui d'ailleurs, jusqu'à sa m ort risque de se ble. Mais de même que les procès en cano
damner. Le parti-pris de réalisme de Genina nisation se gagnent contre la partie civile
lui interdisait au surplus, sous peine de trahir de Satan, la sainteté de Maria Goretti est
l'esprit de son entreprise, de supposer comme servie de ta seule manière valable par un film
donnée dans une quelconque de ses images qui ne se propose justement pas de la
la « sainteté » de son héroïne. Ce n'est pas, démontrer, Genina nous d it en somme :
ce ne do it pas être une sainte que nous « Voici M aria Goretti, regardez-la vivre et
voyons vivre, mais seulement la petite mourir. D'autre part vous savez q u 'e llî est
paysanne M aria Goretti. Les objectifs ne sont une sainte ? Que ceux qui ont des yeux pour
pas les yeux de la Foî; le micro n'aurait pas voir lisent en filigrane l'évidence de !a grâce
pu enregistrer les Voix de Jeanne d'Arc. comme vous devez le faire à chaque instant
C'est pourquoi Cielo sulla Palude paraîtra dans les événements de votre propre vie. »
aux spectateurs habitués à une apologétique Les signes que Dieu fa it aux siens ne sont
qui confond la réthorique avec l'a rt et les pas toujours surnaturels. Une couleuvre dans
effusions sentimentales avec la grâce un film un buisson n'est pas le Diable, mais le Diable
déroutant. En un certain sens Genina s'est est là comme partout. .
fa it l'A vocat du Diable en étant le serviteur ANDRE BAZIN
L'Oscar qui vient d'être décerné à René Château de Verre, autre étape im portante
Clément pour A u delà des Grilles (aux de la carrière de Clément. Sur le premier
U.S.A. Le mura di Malapagal, nous vaut une point la réponse est catégorique : le film
heureuse reprise du film au Cinéma d'essai n'est pas une œuvre de circonstance exploi
Au d e là de Paris. Tout en déploranf la mauvaise tan t une mode ou une vogue (par exemple
des
grilles qualité de la copie et de la bande son (sur le néo-réalisme italien), c'est une œuvre tout
tout dans un cinéma patronné par la Critique) court et tel il échappe à tou t vieillissement.
on se réjouit de cette reprise qui permet Slir l'autre point, il n'est possible que de
de revoir le film , d'une part avec ce faire état de préférences personnelles et
léger recul du temps qui rend plus serein le toutes subjectives : j'avoue donc ma préfé
jugement, et d'autre part après vision du rence pour Au delà des Grilles, mais je
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considère comme injustifiée l'incompréhension C'est dans le même sens que je pense que
assez grande qui a accueilli la sortie du le seul défaut d 'A u delà des Grilles (1) est la
Château de Verre (2), film de haute précision présence de Gabin, ce qui ne met pas en
où la plus petite roue dentée Ængrène sans cause le talent de cet acteur, mais cette sorte
heurt avec la voisine, construction polissée de mythologie consacrée qui suit son person Le
soutenue par Un rythme interne quasi-musical nage et s'attache à chacune des demandes château
de
comparable à la ligne mélodique sous-jacente de so carrière. Comme le faisait remarquer v erre
d'un concerto ou d'une symphonie, sorte de Roger Leenhardt il y a un an à la sortie de
ballet introspectif à qui l'on ne peut repro la présentation du film, le plus original, le
cher que la ténuité de l'argum ent qui malgré plus attachant du scénario est constitué par
tout (et pour cause) conserve un gênant les rapports entre l'Italienne, sa fille et le
relent de mauvaise littérature à la Vicky Français. Coup de foudre de lo fillette , coup
Baum. Mais comment négliger l'audace et la de foudre de la mère, double jalousie de la
nouveauté du « retour en avant » de la fillette parce que sa mère lui prend le Fran
dernière séquence dont ce restera comme çais et parce que le Français lui prend sa
une ç!o:re d'ava'r été incompris. Reste l'in te r mère. A u ta n t d'am biguïté psychologique
prétation, Quelle que soit l'aura prestigieuse marquait un tel scéncrio d'une heureuse
(un prestige à la mesure d'un univers qui a grosse pierre blanche (la fillette est parfaite
perdu — à la lecture des quotidiens du soir et Miranda, déplumée, est une inconnue
— le sens des mesures) qui entoure les vi- totale pour nous, une Italienne du peuple
scgeç de Michèle M organ et de Jean Marais, pudique et brisée dont le français cahotant
leur simple présence — et pariaitem ent d iri est plus d'une fois émouvant). Mais voilà :
gés ils sont sans reproche — enlève au film il y a Gabin et avec lui le meurtre obliga
le mystère élémentaire ou'exïgait notre crédi toire, la fatalité inéluctable, le « unhappy
bilité. J'ai vu Clément au travail : son but end » obligatoire. Le bel échafaudage savou
n'était pas de mettre ses vedettes en valeur, reux entretissé de soleil (Ah ! l'exquis réveil
mais de dresser pièce à pièce et de faire dépaysé dans la rr.ansards, la poulette p itto
lenir en équilibre un complexe édifice. Ceci resque...) çloit laisser la p!ace à l'accomplis
étant, deux inconnus sans métier auraient sement du fotum .
mieux fa it S'affaire. L'aura en question rend Je ne prêche pas pour le happy end.
le verre opaque. La transparence s'accom Bonne ou mauvaise, qu'im porte la fin de
mode mieux de la maladresse que de la l'histoire si l'histoire n'est pas conditionnée
célébrité. d'avance par elle. Le Français d 'A u delà
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des Grillas pouvait être un escroc, un fuyard, conclut : le piège se refermé, le rideau tombe
un banni. Tous les moyens étaient bons pour brusquement et Gabin a juste le temps de
lui faire franchir les grilles et l'enfermer dans dire le m at de la fin , celle du film e t de
J'étouffonte cité. La séquence d'ouverture, tous les film s de Gabin : « C'est mieux ainsi,
l'arrachage de la dent, la scène du commis ça ne pouvait pas marcher ».
sariat, le premier repas au restaurant : tout
JACQUES DONîOL-VALCROZE
cela est parfait. Mais vient l'in sta nt que l'on
a tte n d a it: Gabin d it « J'ai tué une femme ».
Un second film commence : sa qualité est
indiscutable, mais le premier innovait, celui- (1) Au DELA DES GRILLES (Le MURA
là poursuit une tradition commencée avec d i M a l a p a g a ) , Scénario : C. Zavattim,
Quai des Brumes, et dont Clément n'a que Cecchi d’Amico. A d a p tatio n et d ia lo
faire. gues : Jean Aurenehe et Pierre Bost.
Ce second film aussi est réussi. Les dix Réalisation. : René Clément. O péra teu r :
dernières minutes honorent leur auteur qui Louis P a g e.D écorate ur: Piero F ilipp one.
resserre d'une main ferme le file t du destin Musique : Roman "Vlad. In terprétatio n :
autour de ses héros. Pas de fioriture, de clin Isa Miranda (Marta), Jean Gabin
d'oeil au public, pas de trémolos, de partition (Pierre), Andréa Checchi, Vera T alch i
pathétique, mais la dernière promenade d'un et Robert Dalban, P ro d u ctio n : Alfredo
couple désaccordé d'avance (elle y « croit », Guarini-Francinex 1949.
lui pas : il sait que quand on s'appelle Gabin (2 ) L e C h a t e a u d e V e r r e , d’après
on ne s'en tire pas) e t l'entreprise désespérée le roman «S ait-on j a m a is » , de V ick y
de la fillette écrivant sur les murs et sur les Baum. A d a p ta tio n de P ierre Bost et
marches « A ttention, Pierre ». Derniers itiné René Clément. Dialogues de Pierre Bost.
raires qui n'arrivent pas à s'entrecouper et R éalisation : René Clément. O pérateu r :
que lie une magistrale image : au premier Robert Le Febvre. D écorateur : Léon
plan un mur, un escalier, et dans le fond, Barsacq. M u siqu e: Yves Baudrier, I n te r
sur le vide entre deux maisons, une passe prétation : Michèle Morgan (Evelyne),
relle où passe le couple tandis que la fillette Jean Marais (Rémy), Jean Servais (Lau
sort du champ au premier plan. Et to u t de rent), Elisa Cegani et Elina Labour.
suite, se refusant à to u t renchérissement dette. P ro d u c ti o n : Franco-London-
lyrique, en quelques secondes Clément Film et Fortezza-Films, 1950,
ALIBIS ET ELLIPSES
La critique a vis-à-vis du cinéma de sin aux filles-mères... Un bon auteur de films
gulières exigences. Entrant dans une salle nous aura fo rt étonné dernièrement : nous
obscure, elle veut se faire une âme d'enfant... ne savions pas que le destin des enfants en
On permettra tout à un romancier, même bas âge le préoccupât à un tel point. .
d'être intelligent, même de ne pas croire François M auriac s'étant fa it l'avocat cha
to u t à fa it à ce qu'il raconte, même de cli leureux d'A ndré Gide devant le Bon Dieü
gner de fceif, enfin, personne n'a encore qu'il a conjuré de se reporter à la collection
demandé que l'ceuvre d'André Gide fû t complète de la N.R.F. et Jean Anouilh ayant
S tage- expurgée de paludes.
frigrit Robert Kemp pour lui, il ne me restera p lu i
Nous savons tous pourquoi * La Darne de à défendre q u 'A lfre d Hitchcock. Je supplierai
Shangal » ne jo u it encore que d'une réputa donc bien humblem ent M . Arlaud de lui par
tion médiocre auprès de cette intelligence donner de ne pas être aussi bête que Bernard
officielle qui déclare le plus simplement du Shaw. ;
monde que Jean Anouilh mérite le poteau Ceci dit, e t pour en revenir à l'o b je t de
d'exécution pour s'être moqué de la jambe de cet article, il est to u t de même scandaleux
bois de Sarah Bernardt, une de ces voix que /'on puisse reprocher à un auteur dè
autorisée, allant jusqu'à déclarer que l'auteur film policier de se servir du film pour rèpreni
de Co/ombe serait un génécide pour avoir dre les procédés du roman policier'. Personne
attaqué, non seulement l'actrice mais la n'a jamais demandé à un suspect d'être cru
mère, mère qui, comme chacun sait, était sur parole. M ais on exigera du metteur en
aussi admirable que l'actrice, l'un d'ailleurs scène que les imagés qu 'il nous m ontre
n 'a lla n t pas sans l'autre, de sorte que si reflètent la vérité, même si elles illustrent
Sarah fu t une aussi banne interprète de l'a lib i d'un monsieur que nous avons toutes
Phèdre, elle le d u t à son sens aigu de la les raisons du monde de ne pas croire quand
m aternité... Paix aux berceaux donc, et paix il nous raconte qu'il n'a pas tué une dame.
50
surtout si cette dame est Marlène Dietrich. l'habitude au cinéma de confondre l'ellipse
Dans un temps où les mots ont si peu de avec le gros plan qui souligne l'e ffe t et l'in
poids, saluons, comme il se doit, ce ressen tention, ce qui est très exactement le
tim ent de fidèle déçu et bafoué dans sa contraire. Soyez bien sûr que si vous rem
croyance à la valeur ontologique de l'image placez une armée en marche par des enchaî
cinématographique. nés de mouvements de bottes sur le sol, vous
La Corde, pièce de théâtre filmée, était n'ajouterez rien au développement du lan
traitée selon la technique du plan bobine, gage cinématographique.
cadrages mobiles où le passage de l'appareil Un dernier m o t: on raconte que Marlène
sur les visages remplaçait les effets de mon Dietrich voue à M. René Clair une haine
tage sur réplique off. Dans le Grand Alibi (1) m ortelle depuis La belle Ensorceleuse où elle
c'est l'univers tout entier qui est traité en éta it pourtant si remarquable. Je düute
off. Il n'y a plus sur l'écran qu'une succes qu'après Le grand A lib i elle porte M . Hitch
sion de visages Hagards, qui lancent à droite cock dans son cceur. C'est dommage pour
et à gauche des regards affolés dans des elle. Il y a un certain moment dans la vie
directions où la caméra refuse de poser les d'une actrice où elle do it accepter de jouer
siens. J'ai un certain mal, je l'avoue, à recon avec ses défauts.
naître en quoi cette technique est déplacée ALEXANDRE ASTRUC
dans ce genre — le film policier — qui
repose tout entier sur une certaine idée de la (1 ) S t a g e f b i g h t (L e gran d a lib i).
relativité de la vérité. Il est difficile de conce Scénario de Whitfield Cook. A d ap ta
voir l'existence du roman policier dans un tion et dialogue de Aima Reville et
univers où le mensonge et la dissimulation James Bridie, d ’après le roman de
n'auraient pas leur place... Selw yn Jcpson. Réalisation : Alfred
L'extraordinaire séquence de la kermesse Hitchcock. O pérateur : W ilkie Cooper.
où les actes et les projets semblent germer D éco rs : Terence Verity. Musique de
silencieusement dans la tête des acteurs, Leighton Lucas. Inte rprétatio n : Mar
puis s'éloignent sans que plus rien ne les lène D ietrich (Charlotte Inwood), Jane
signale avant leur éclatement discret et W ym an (Eve Gill), Micliael ’Wild’ing
ironique comme un pétard mouillé est assez (Inspecteur Smith), Richard Todd (Jo
significative d'un a rt où l'ellipse est reine. nathan Cooper), Alistair Sim (M. Gill).
Mais par un curieux contresens on a pris P ro d u ctio n : Warner Bros 1950.
51
E lém en ts p o u r u n e
52
Ce n ’est pas un art, d it en substance p rofonde du m e tte u r en scène du Corbeau.
B randi, c’est u n e équivoque. Les a rts que En quelques pages C halais nous donne le
le ciném a utilise — « la m u siq u e qui sou ton de l ’œ uvre de Clouzot m ieux qu’une
lève l’émotion, la m e tta n t en scène, pour longue étude an alytique.
ain si dire, d evant elle-m êm e; la b eauté
com me suggestion directe de fo r m e » , sans 10. C hauvkt, Louis : LE PORTE-PLUME
com pter l’a sp iratio n au th é â tre e t à la ET LA CAMÉRA, 212 p. , F lam m arion, Paris,
p e in tu re — lui enlèvent ses chances, etc. 1950.
« La photographie de l’o bjet ne pouvant [35 e.\. sur A l f a 1-25 et I-X.]
pas être séparée de l’objet p h otographié Conversation du critique avec son lecteur
ne p o u rr a attein dre la valeur a utonom e h ab itu el, plus aisée que d ans « Le Figaro ».
de l'im age. » R em arquables les chapitres « L’im portance
Mais le fondem ent du cinéma n ’est pas de l’Ecole italienne » et « F a u t-il tordre le
la photographie, m ais la p ersistance r é ti cou à la technique ? ».
n ie n n e de l’image. Il im porte peu que
l’im age soit le ré s u lta t d’u n e opération 11. CINEMA (LE) A KNOKKE - LE
photo-chim ique. C’e st l’ensem ble des im a ZOUTE 1949, * Journal les B eaux-A rts »,
ges en m ouvem ent qui fa it le film et 78 p., ill., Bruxelles, 1950.
ja m a i s une image. De même que la b rique Numéro u n iq u e du F estival Mondial du
dans le tra v a il de l’architecte. F ilm et des Beaux-Arts de Belgique 1949 ;
L’étude est suivie de deux essais s u r te xtes de Vittorio de Sica, Jean Grémillon,
Duccio et sur Picasso, aussi intelligents et Ted T etzlaff, H enri d’Urscl, Oskar Fischin-
inspirés que les pages s u r les arts. « p h o to ger, N orm an Me Laren.
chim iques » (dem ain électroniques) sont
creuses.
1 2 . CINÉMA FRANÇAIS (LE), 34 p.,
23 ill., L a D ocum entation française illu s
C a t k i .a i n , J a q u e :
7. MARCEL L’H ER trée, n" 19, 1948,
BIER ( J . C . p résente M. L.), ICO p., 32 pl.,
« L es grands c r é a t e u r s 'd e film s » , I, Jac ' Cette p laquette de vulgarisation a u ra it
ques V auirain, P aris, 1950. m é rité des soins plu s atte n tifs et une
Cet essai est à verser au dossier de l’âge connaissance plus étendue du cinéma.
d’o r du cinéma. L’h istoire d ira s’il s’agit Quelques belles illu s tratio n s ne rem placent
d’u n e légende, des rêves d ’une je u n esse pas la rig u e u r indispensable â un texte
ivre d ’un a rt nouveau, ou bien si cet « âge p resq u e officiel (édité p a r le Secrétariat
d ’or » n’a été que !e bel âge de ses contem Général du Gouvernement). Les années
p o rain s. Quoi qu'il en soit, L ’âge d ’or (1919 1930-1940 so n t p articu lièrem en t bâclées et
1922) dont parle le ch ap itre « I n tra n s i dans la période 1940-1944 on oublie Le
geance et libertés- dem eure l’âge d’o r de Corbeau, de Clouzot, Les Anges du péché,
l’œ uvre de Marcel L’Herbier. de Bresson et Le baron fa n tô m e , de Serge
de Poligny.
L’essai est suivi d’une film ographie assez
som m aire.
1 3 . CINÉMA ITALIEN D’AUJOURD’HUI
(LE), textes présentés p a r Alexandre Bla-
8. CHAPLIN, CHARLES SPENCER. A n setti et Jean-L ouis Rondi, préface de Cesare
thologie soviétique, rédigée p a r P. A t a - Z a v a ttin i (relié), 226 p., 480 ill. Carlo Bes-
c h b v a et C h . A k h u c h k o v , tr a d u ite en tc h è tetti, Rome, 1950.
que p a r V. P a p o i ' S I v O V a , 185 p., ill. Ceskos-
lo venskê film o v é n akladalelslvi, Prague, [750 e.\. numérotés île 1 à 750.]
1946. Cet album , auquel ont collaboré Gaetano
Anthologie des études essentielles sur Carancini, Enrico Giannelli, Mario Ver-
l’a r t et l’œ uvre de Chaplin, éditée en 1945 done, G uidarïno Guidi, etc., n’est pas p a r
à Moscou d an s la collection « Sources de fait m ais donne un p a n o ra m a complet de
l’h is to ire de l’a rt m ondial » sous la direc « l ’école ita lie n n e » . Citons deux rem arques
tion de Youtekvileh et S.M. E isenstcin. de Z avattini, qui est en quelque sorte le
Cette anthologie contient aussi q u atre é tu père spirituel de ce ciném a : « Le film it a
des esth étiq u es des m e tte u rs en scène ru s lien d’après-guerre a contribué à rendre
ses b ien connus : M. B leim an (Le P o rtra it explicite e t définitive la fonction sociale
d’u n h o m m e moyen), G. Kozintscv (L’Art de cet art. » « L e ciném a italien contri
p o p u la ire de Charles Chaplin), S.I. Yout- b u e ra à nous faire voir la durée réelle de
kevitch (Sir Jo h n F a ls ta ff et Charles Cha la douleur de l’hom m e et de sa présence
plin) et S.M. Bisenstein (Charlie, tlie Kid) dans le jour, non pas de l’hom m e m éta
et u n recueil des articles et des discours physique... »
de C haplin. Une film ographie complète (le
ses œuvres achève l’ouvrage. 1 4 . CINÉMA ITALIEN 1945-1951, SO p .,
200 ill., Carlo B estelti, Rome, 1951.
9 . C h a l a i s , F j î a n ç o i s : H.-G. CLOUZOT Album im prim é à l’occasion du Festival
(F. C. présente II.-G. C.), 116 p., 32 pl., de Cannes 1951. D ocum entation très riche.
«L es g rands créateurs de film s » , II. Jac Articles de Z avattini, Lo Duca, G.N. Fenin,
ques V autrin, Paris, 1950. Roger Mainvell, Salvo d’Angelo, Roberto
P e tit livre et grand reportage, qui accu Paolella, Luigi C hiarini, C arm iné Gallone,
m ule — p a r touches — u n e connaissance G. Aristarco, Mario Verdone, etc.
53
. 1 5 . C i v à r d i , Lm ci : CINEMA E MORALE, L ’église du village danois, Les bonnes m è
204 p., E ditions C.C.C., Rome, 1948. res. La tendance générale des d o cu m en tai
Cet ouvrage de Mgr Civardi p e u t être res danois est n ettem en t sociale.
a jo u té à l’excellent recueil du Congrès de
l’O.C.I.C. Les problèmes attachés à la 2 1 . EDUCATION AL AND G E N E R A L
m o rale tra d itio n n e lle de l’Eglise dem eu rent INTEREST FILMS, préface de D onald A.
essentiels et to u te étude catholique du MacKenzie, 108 p., 46 ill., G. B. F ilm
cinéma ne p e u t que s’y conform er de la Library, Londres, 1948.
façon la plus stricte. D’où p arfois des Catalogue 1947-1948 de tous les film s
divergences de m éthodes qui p a ra isse n t des scolaires anglais, m uets et sonores. D ans sa
différences d ’opinion. préface, D.A. MacKenüie exprim e le désir
de v o ir b ie n tô t toute la m a tiè re d’ensei
T 6 . C l o u z o t , H.-G. e t C h a v a n c e , L. : LE gnem ent tran sfo rm ée eu m a tiè re visuelle.
CORBEAU, scénario rom ancé du film,
224 p., 8 ill., La Nouvelle Edition, Paris, 2 2 . F a b r e , S a t u r n i n : DOUCHE ÉCOS
194Si. _ SAISE, 292 p., illu s tré p a r l’auteur, F o u r -
P rivé de sa form e ciném atographique, n ie r Valdès, Paris, 1948.
Le Corbeau devient u n ro m a n som bre et L’h is to ire anecdotique du ciném a devra
d u r que le souvenir des images de Clouzot te n ir com pte de ce livre, p la is a n t et m o r
éclaire. - d a n t d’u n bout à l’autre. S atu rn in F a b re
est d’ailleurs u n véritable personnage de
1 7 . C o c t e a u , J e a n : L’AIGLE A DEUX cinéma.
TÊTES, alb u m d u film, 52 p., E ditions
C inématographiques et Artistiques, P aris, 2 3 . FILM DEL DOPOGUERRA (IL), 1945
1948. 1949. C ahiers de la Mostra. In te rn a tio n a le
[1000 e x e m p la ire s n u m é ro te s d e 1 à 1000.J d’Art C iném atographique de Venise, 268 p.,
La b e a u té im m obile des images tirées Bianco e Nero, Rome, 1949.
des film s de Je a n Cocteau provoque to u t Les film s d’après-guerre (1945-1949) vus
n a tu re lle m e n t des a lb u m s. En voici u n p a r à Venise. Introduction de Luigi C hiarini,
ticu lièrem e n t réussi, p a r son im p ressio n et préface de Carlo L, R agghianti. Le ciném a
p a r sa m ise en page, de cette période est exam iné p a r p a y s :
A utriche (F ritz Iioselka), F ran ce (Jean-
1 8 . C o c t e a u , J e a n : LES PARENTS TER George Auriol), G rande-Bretagne (Roger
RIBLES, scénario, a d ap ta tio n et dialogue Manwell), Italie (Mario Gromo), U.R.S.S.
rev u s p a r l’a u teu r, com m en taire de Lo (Glauco Viazzi), Des chapitres sont consa
Duca, 32 p., 5 ill., S u p p lé m e n t de « Le crés au docum entaire (E. Contini), a u des
Monde Illustré », n “ 37, P aris, 1948. sin a n im é (Lo Duca), a u x p ublications
C’est le « texte » du film considéré, à ciném atographiques (Guido A ristarco).
ju s te titre , comme la m eilleu re réalisatio n
de Cocteau. On v e rra ici combien Cocteau 24. FILM POLSKI, 32, p„ ill-, « P r a s a »,
a suivi sa pièce de près. La raiso n de l’a d Varsovie, 1948.
m irab le ré s u lta t de sa mise en scène est Cette p la q u ette en q u atre langues (fra n
donc ailleurs. çais, polonais, russe, anglais) vous r e n
19. Cocteau, J e a \ : LE SANG D’UN seigne sur l’ensem ble de la production
polonaise en 1948 : 8 film s de long métrage,
POÈTE, FILM, 108 p., pho to g rap h ies de 15 docum entaires, pour 570 salles (6 ciné
S acha Masour, Edifions R obert Marin, m as seulem ent à Varsovie). P arm i les film s
P aris, 1948. de cette année, rem a rq u o n s La dernière
[25 ex. s u r A rches 1-25 (I-XX II. c.), 75 su r étape et Lct Rot/te frontière.
Isère 26-100 (XXI-XL. 11. c.) et 2800 ex. su r
h é lio 101-2901).] • 25. F lorey, R obert : H O L L Y W O O D
Texte du film, a d m irab le m en t im prim é, D’H IER ET D’AUJOURD’HUI, préface de
précédé d’u n com m en taire de Cocteau qui René Clair, introduction de C harles C ha
éclaire son film et ses a ttitu d es c iném ato plin, présen tatio n de Maurice Bessy, 382 p.,
grap h iq u es ju s q u ’à L'A igle à d eu x Têtes. 80 p t. (96 ill.), E ditions Prisma, Paris,
Le p re m ie r film de Cocteau, qui c o ntient 1948.
en p uissance to u t Orphée, est enfin figé en R obert Florey, essayiste de cinéma, m e t
im ages. L ’absence de m o uve m ent m o n tre te u r en scène, ré a lis a te u r de deux films
la corde du décor... d’av ant-garde aux E tats-U nis, collaborateur
de C haplin dans M onsieur Verdoux, a
20. DOCUMENTARY IN D E N M A R K , trouvé le lo isir d’écrire cette longue et
1940-1948, 92 p., 48 ill., S taten s Filmcentral, m in u tie u se « H istoire du ciném a a m é ri
Copenhague, 1948 [en an g lais]. cain ». Il a pu se docum enter a u x sources
Ce catalogue, compilé p a r Ebbe Ncer- locales et son histoire n ’a p a s cette fausse
g aard et préfacé p a r A rth u r Elton, nous rig u e u r de com pilations de seconde m a in ;
renseigne su r la belle activité des « doen- de_ plus, p o u r un q u a rt de siècle, F lo re y a
m e n tariste s * danois. Ce n ’est p as sans s u r été u n tém oin français à Hollywool. La
p rise — leçon d’h u m ilité — q u e nous m ise en scène ne lui a pas fa it p e rd re sa
rem a rq u o n s q u e Cari Th. Drcyer, u n des verve et son esprit o bservateur de jo u r n a
plus grands m e tteu rs en scène du monde, liste (c’est en envoyé spécial qu’il aborda
a ré alisé en 1942 Aidez la mère, en 1947 la C alifornie). Le ciném a h ollyw odien —
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c’est-à-dire, en réalité, le cinéma a m é ri Leyda (novem bre 1948). L’analyse de l’œ u
cain — déroule devant nos yeux ses plus vre de Poudovkine, depuis La Mère (1926)
anciennes bobines e t ses plus récents ju s q u ’à VAmiral N a k h im o v (1947) est la
« reels ■». Producteurs, « directeurs », scéna plus complète d o n t on puisse disposer.
ristes, acteurs, o p érateu rs défilent avec leur XVII... J o s e f v o n S t e h n b e h g , p a r Curtis
h istoire, leurs caractéristiques sinon leurs Ila rrin g to n (février 1949).
caractères, il fo n t de ce livre une vivante L’œ uvre de Stcrnberg (né à Vienne le
revue du passé e t du présent. Des illu s tra 29 m a i 1894) est ici consignée, de The
tions incomparables, la p lu p a rt inédites, S a lvation H un iers (1925), The Docks of
co m plètent H ollywood d ’hier et d 'a u jo ur N ew Y o rk (1928) à The Shangai Gesture
d ’h u i, livre div ertissan t et livre sérieux. (1941) et The Tomn (1943-44).
XVIII... Alfred H i t c h c o c k , p a r P eter
2 6 . F bank, N i n o : PETIT CINÉMA SEN Noble (mai 1949).
TIMENTAL, préface de H enri Jeanson, Les films de Hitchcock (né à Londres le
230 p., La Nouvelle E dition, Paris, 1950. 13 ao û t 1899) sont ici analysés, depuis
N u m b e r Thirleen (1922), The Lodger (1926),
Nino F ra n k écrivain a été p en d a n t de Murder (1930), Jam aïca In n (1939), Rebecca
longues années le tém oin de Nino F ra n k (1940) ju s q u ’à Shadouj o f a D oubt (1943),
scénariste et ad a p tateu r. Ce livre évoque L ifeb o at (1943), S p ellb o u nd (1945), Noto-
le m onde cocasse qui s’agite d errière la rious (1946), The Rope (1948), Under
caméra, m onde qui explique beaucoup de Çapricorn (1949).
choses et que les esthéticiens ignorent avec [Supplém ents de la revue S ig ht and
un to u ch an t aveuglement. Les aven tu res Sound, L o n d re s].
financières et in dustrielles ne sont rien à
côté des aventures personnelles des « re s 29. INFORMATIONAL FILM, Ycar Rook
ponsables s- du cinéma. Nino F ra n k est u n 1948, 200 p., 21 ill., A lb y n Press, Edim
des rares écrivains de cinéma lib re qui bourg, 1948.
p o u v ait nous d onner ce témoignage a m u Cet a n n u a ire donne u n aperçu de
san t et sans pitié. la pro d u ctio n ciném atographique anglaise
dans le dom aine de la vulg a risatio n et de
2 7 . G ï l s o n , P a u l ; CINÉ-MAGIC, préface l’in d u s trie (films culturels, docum entaires,
de René Clair, dans la Collection « Ency etc.). O util de tr a v a il indispensable p a r les
clopédie du Cinéma » d’André F raigneau, renseignem ents q u ’on p e u t y puiser (pro
180 p., 9 pl. li.-t, André Bonne, Paris, 1951. ducteurs, d istrib u teu rs, etc.).
« Dans scs prom enades — écrit René
Clair de Gilson — il ne ren co n tre pas 30. I o u tk e v itc h , S erguéi : TCHELOVIEIi
l’ho m m e qui a p erdu son ombre, m a is des NA EKRANIÉ ( L ’h o m m e s u r l ’échan),
m illiers d’ombres qui sem blent avoir perdu 280 p., 100 ill., E ditions d ’E tat du cinéma
les hom m es q u ’elles avaient pour mission (G ozkinoizdat), Moscou, 1947.
d ’aceom pagner ». Au fil de ses souvenirs, Ces « Q uatre causeries sur l’a r t du ciné
P au l Gilscin évoque to u t le ciném a im bu m a » . suivies du « J o u r n a l d’un m e tte u r
d’irréel, toute la magie des film s ir ra tio n en scène», m é rite ra ie n t d’être traduites
nels, de L ’E tu d ia n t de Prague à F an tom as dans u n e langue occidentale. Le som m aire
et à Peter Ibbetson, de Topper à L ’Etrange à lu i seul n ous en donne le désir :
sursis... C’est u n e h isto ire et u n poème. I. C auserie s u r l’actcur.
2 8 . INDEX AN INDEX TO CREATIVE
II. Causerie sur le m e tte u r en scène du
WORK OF... (suite des fiches 145 (n° 7), ciném a (Kinoregisseur).
21 (n° 12) et 13 (n“ 17) de La Revue du III. Causerie sur le montage.
Cinéma). IV. L’a rtis te a u cinéma.
Le « J o u r n a l » p arle du « déchiffrement
XV... F AV. M u r n a u p a r Tlieodore Iiuff p a r la poésie » (on d ir a it u n e pensée de
(août 1948). Vingt films en douze ans : Je a n Cocteau), de « la conception du m et
voilà l’œuvre de Murnau, m a rquée su rto u t te u r en scène dans la mise à l’écran de
p a r Nosferatu, eine Symphonie?, des Othello », du « grand a r t du com ique ». Le
Granens (1922), Der L e izte Mann (1925), texte est complété d’une film ographie de
T a rtu ffe (1925) et Tabu (1931). Io utkevitch (1919-1946),
XVI... V s e v e l o d I. P u u o v k i n e , p a r Jay [à s u iv re ]
ANGLETERRE :
S i g h t and S ou n d (British F ilm Institute, 164 Shaftesbury avenue, Londres
W.C. 2) demeure la revue anglaise de ciném a la pins complète. Dans son numéro
de mars, Duncan Crow continue, sous le titre « T he Protected Industry », une
étude très poussée sur l’économ ie du cinéma anglais. Malgré une intéressante
correspondance entre Thornton W ilder et Sol Lesser à propos de Otir T o w n et
5e subtil article de Gavin Lambert sur les possibilités du film expérim ental dans
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le ciném a commercial, ce numéro paraît m oins riche que le précédent où figurait
nn spirituel essai : « T h e Siegfried of S e x » , un panorama du ciném a italien et
un remarquable article sur W.C. FielcT.
S e q u e n c e (19 Hanover Terrace Mews, Londres N.W. 1), revue d’esprit plus
jeune et d’esprit plus hardi, a fait m ieux que son dernier numéro (13). L’étude
sur "Wyler est discutable, l’interview de Bresson nous était déjà connue, mais des
propos de M. Goldwyn sont édifiants (sa devise : « La vie est un co m p r o m is» )
et la documentation photographique sur Wyler et Les Dames du Bois de Boulogne
est absolument remarquable.
FRANCE :
R a c c o r d s (25, rue Raynouard, Paris-16"), fort sym pathique et intéressante
tentative d’un groupe de jeunes normaliens, a fait paraître en décembre — après
cinq numéros ronéotypés — un n” C illustré et sur « cou ch é ». A son sommaire
soulignons une étude confuse m ais juste sur La, Dame de Shanghaï et un article
aigu et curieux de Gilles Jacob sur Giuseppe de Santis. Au sommaire du n° ? on
remarque une étude de Jacques Doniol-Valcroze sur Luchino Visconti, un article
sur « Le réalisme de Stroheim » de Henri Agel, des notes ém ues de Gilles Jacob :
« Saint Jean Vigo, Patron des Ciné-Clubs », etc.
L’â g e du Ciném a (25, avenue Reillcs, Paris) est placé ouvertement sous le
signe du surréalisme par ses promoteurs : Adonis Kyrou et Robert Benayoun
« L ’âge du C in ém a», dit l’éditorial, se propose de désigner l’Avant-Garde dans
toutes scs manifestations. Ce fut le propos de certain ciné-club et il y a un
article de Bazin sur l’avant-garde qui explique bien ce p ropos : il est bon que
cette quête se continue et le prem ier numéro de cette revue est très rempli.
Parler à ’un cinéma véritablement surréaliste est difficile : il n ’existe pas —
l’écran attendant toujours son Julien Gracq ou son Max Ernst — mais il serait
captivant de voir appliquer au cinéma le parti-pris critique surréaliste, car il
fut et demeure un des plus suggestifs, un des plus perçants et un des plus
enrichissants.
Ciné-Club (2, rue de l’Elysée, Paris-8C) est aussi à signaler, Son n° 4 est
entièrement consacré à Jean Grémillon, juste homm age au plus complet, au plus
grand peut-être des réalisateurs français.
ITALIE :
B ia n c o e N ero (via dei Gracchi 128, Rome), la revue du Centre Expérim ental
du Cinéma, continue ses publications avec la rigueur qu’on lui connaît depuis
1937. Au sommaire du n° 1 (XII, 1), on remarque une étude de Roberto Paolella
sur le mythe de Tristan et Iseult dans l’histoire du cinéma, un panorama — par
Guido Aristarco — de la littérature soviétique du cinéma, une étude très attentive
de Ferdinando di Giammatteo sur Give us this D a y et sur II cam m in o délia
speranza, lin commentaire b ien étoffé de V inicius de Moraes (« Leçon d’un
d o cu m e n t» ) sur The Quiet One.
F ilm critica (via Saffi 20, Rome), revue mensuelle de la Fédération italienne
des ciné-clubs, publie son n “ 3. Directeur : Edoardo Bruno. Au sommaire, on
trouvera un manifeste en faveur des cercles du ciném a qui s’adresse surtout aux
producteurs et aux distributeurs; il est signé par Ai^tonioni, Umberto Barbaro,
Blasetti, Camerini, Luigi Chiarini, Comencini, de Santis, de Sica, Emmer, Germi,
Lattuada,' Rôssellini, Vergano, Visconti, Zampa, Zavattini, etc. Articles de Tullio
Kezich (John Ford, sndiste dit N o rd ), John H. Lawson (Ait se rvic e de la so c iété),
Edoardo Bruno (Miracle à Milan), etc.
SUÈDE :
B io É r a fb la d e t (Inedalsgatan 23, Stockholm) publie une édition internatio
nale (en anglais) de son numéro d’hiver. On trouvera au som maire des im p res
sions sur le cinéma suédois de F orsyth Hardy, une étude très illustrée de Hugo
Wortzelius sur dix ans de cinéma suédois, un bref texte de Arne SucksdorfF, une
analyse de Citizen Kane de Nils-Peter Eckerbom, etc.
56
DU CINÉMA
Les Amis de Jean G e o rg e AURIOL
anciens collab ora te urs de " L a Revue du C in é m a "
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Single co p ie s ..................... 4 s. Le n um éro............. 30 francs belges
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sont les vedettes d e M A FE M M E ET SES E N F A N T S ( Family
Hone ymo on) , une réalisation dé Claude Binyon. |Un;Versa/ Film S.A.)
E d w ig e F e u illè re e t M a rie -C la ire O liv ia d a n s O L IV IA , le n o u v e a u l i l m
d e J a c q u e l i n e A u d ty . (Production Memnon-FiJms Distribution Fifmsonor
Voici I e s 7 p r e m i è r e s p h o t o g r a p h i e s d u film ILS ËTAIENT CINQ d o n t J a c k P i n o t e a u t e r m i n e le s
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J e a n G a v e n , Michel J o u r d a n , F ra n ço is M d r t i n , A r l e i t e M e r r y , J e a n M a r c h a t , Nicole B e s n o r d , J e a n
Car m e t , M a rc e l A n d r é , I r è n e H ild a , B e r n a r d H ild a e t so n o r c h e s t r e . (Sud Film ■ J ea n nie FrïmJ
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