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Des pigments et des colorants

Un pigment sert à peindre, un colorant à teindre.

Trois couleurs fondamentales caractérisent la Préhistoire : le rouge (oxyde de


fer) car le pigment est présent dans toutes les argiles rouges, le jaune qui contient
aussi de l’oxyde de fer et le noir issu du charbon, de l’os, du bois et des terres
riches en manganèse.

L’homme de Cro-Magnon (vers 43 000 ans av. J.-C.) s’installe en Europe. 10


000 ans après il peint les grottes dans lesquelles il habite, en noir et en rouge avec
une petite pointe de jaune. La peinture, c’est la première écriture du monde. Il
utilise des minéraux naturels disponibles sur place tels les minerais de fer et le
manganèse, qui colorent simplement et durablement les supports. L’homme de
Cro-Magnon sait aussi modifier des colorants en chauffant par exemple un minerai
jaune (gœthite) pour qu’il devienne rouge (hématite). Et surtout il sait créer des
pigments artificiels ! Il mélange des éléments naturels ou modifiés liés entre eux
artificiellement.

L’agriculture modifie le regard des hommes. L’envie de créer d’autres


couleurs naît. Grâce aux minerais de cuivre on peut fabriquer du vert et du bleu,
grâce au cinabre on obtient du rouge.

L’innovation de la couleur a été stimulée dans les temps anciens grâce au


commerce du textile car la couleur des vêtements avait la fonction capitale
d’indiquer le rang social.

En Occident, au Moyen Âge, la peinture sort des monastères, elle conquiert


le monde des riches marchands. Elle s’expose en de larges aplats sur les fresques
inspirées par les enluminures. On fait usage du bleu, du rouge, un peu du vert et de
l’or. La palette s’élargit entre le IXème et le XVème siècles.

Le bleu s’obtient à partir du lapis-lazuli, l’indigo et le pastel. Importé du


Moyen-Orient, l’indigotier fournit les feuilles qui serviront à fabriquer la poudre
compacte de l’indigo.

Le rouge peut s’obtenir avec les graines de la fleur de tournesol ou folium


(torna-ad-solem), le kermès, le bois brésil, la garance. Les rares verts son obtenus
du cuivre et des terres vertes. L’or abonde dans les fresques, les retables du Moyen
Âge.

Les teinturiers maîtrisent les procédés de coloration qui résistent au lavage


pour des colorants de qualité destinés aux plus riches tandis que le peuple se
contente de colorants naturels peu stables et ternes.
La guède, dont les feuilles sont broyées et fermentées, fournissent une
« paste » ou pastel, colorant les tissus en bleu. A la fin du XIIème siècle, on parvient
à obtenir un bleu vif sur la laine et la soie. Les clients aisés adoptent cette couleur,
au détriment du rouge, la demande en colorant augmente. La culture de la guède
enrichit les régions du sud-ouest et appauvrit les producteurs de garance. Pour
obtenir du vert on superpose, un bain de teinture jaune sur un fond bleu car le
colorant vert n’existe pas encore.

Au XVIème siècle, la demande en matières colorantes s’amplifie, les échanges


et enjeux commerciaux également. Les nouvelles routes maritimes modifient les
sources des matières premières. Pour faire face à la demande de cochenille
(pigment du rouge) on l’importe des Indes occidentales (Amériques) car son coût
de production y est faible.

Au XVIIIème siècle, la chimie des couleurs évolue rapidement : de nouveaux


éléments sont découverts (cobalt, manganèse, chlore, etc.) qui vont agrandir le
cercle chromatique : jaune de Naples (redécouvert en Italie), jaune de chrome,
verts Milori.

Jusqu’au XIXème siècle les peintres fabriquent leurs propres couleurs. A cette
époque les couleurs traditionnelles sont rapidement abandonnées au profit des
couleurs de synthèse. Les industries chimiques trouvent de nouveaux pigments
ainsi que de nouveaux procédés pour leur fabrication industrielle. Les pigments ne
sont plus multifonctions : à chaque pigment ou colorant son utilisation (tissu,
peinture, matériaux, alimentation).

Aujourd’hui, pratiquement toutes les couleurs sont issues de molécules


organiques synthétiques. Alors que seule une douzaine de colorants naturels
étaient stables dans le monde antique et médiéval, on dispose maintenant de plus
de 4000 couleurs.

L’invention des colorants et pigments synthétiques a provoqué la ruine de


tous les producteurs mondiaux de matières premières naturelles.

Auguste Renoir : « Moi je crois fermement qu’un peintre aurait avantage à


broyer lui-même ses couleurs, ou à les faire broyer par un apprenti. Mais comme il
n’y a plus d’apprentis et que j’aime mieux peindre que broyer des couleurs, je les
achète chez mon vieil ami Mullard, le marchand de couleurs … qui les broie pour
moi ».

Dominique Villeger

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