et Territoires
Le présent recueil regroupe les contributions individuelles aux travaux du groupe thématique « Cadre Natu-
rel, Environnement et Territoires », constitué dans le cadre du processus d’élaboration du Rapport « 50 ans
de développement humain au Maroc et perspectives pour 2025 ».
Ce groupe de travail a été animé par M. Abdeladim LHAFI, membre de la Commission Scientifique du Rap-
port, et composé de Mme Amina BENKHADRA et MM. Ali AGOUMI, Mohamed BADRAOUI, Faiçal BEN-
CHEKROUN, Abdellatif BERRAHO, Ahmed BIROUK, Abdelfatah Mounir DEBBARH, Abdelhafid DEBBARH,
Ahmed EL ABBAOUI, Mohamed KSIKES, Abdellah LAOUINA, Mohamed MENIOUI, Omar MHIRIT et Hamid
NARJISSE. Le groupe a élaboré ces contributions afin d’approfondir des aspects particuliers de la dimension
thématique couverte et dans l’objectif de réunir les matériaux analytiques pour l’élaboration de son Rapport
thématique de synthèse. Ces contributions ont ainsi constitué principalement un support pour les débats
organisés au sein du groupe de travail, plutôt que des études exhaustives abordant l’ensemble des aspects
scientifiques et pratiques relevant de la dimension thématique étudiée.
Les contributions qui sont publiées ici ont fait l’objet d’un examen au sein du groupe thématique, mais ne
reflètent que les points de vue de leurs auteurs.
Il a été jugé utile de publier fidèlement la totalité de ces contributions. Cependant, n’ayant pas fait l’objet
d’un travail systématique d’harmonisation, des différences peuvent alors y être décelées tant au niveau des
données utilisées qu’au niveau des argumentaires déployés, ainsi que de leur degré de finalisation. En parti-
culier, les données statistiques et les références utilisées sont celles du moment où les contributions ont été
remises par les auteurs.
L’objectif principal de la publication de ces documents est de restituer la richesse du travail de recherche,
de documentation et de débat qui a caractérisé le processus d’élaboration du Rapport sur « 50 ans de déve-
loppement humain au Maroc et perspectives pour 2025 ». Mettre cette richesse à la disposition du lecteur,
c’est aussi rendre hommage aux compétences nationales, issues de l’université, de l’administration et de la
société civile, qui y ont contribué avec beaucoup d’engagement et de patriotisme.
Nous tenons à les remercier, et à travers eux toutes les personnes et administrations qui n’ont pas hésité à
mettre à leur disposition données, documents et divers supports.
Présentation
La segmentation du sujet a été raisonnée, par rapport aux questions que le groupe thématique « Cadre
Naturel, Environnement et Territoires » (CNET) a estimé constituer les points fondamentaux autour desquels
se mesureront les réussites ou les échecs face aux défis actuels et à venir en relation avec le développement
humain.
Le séquençage des sujets traités par les différents contributeurs, et leur périodisation sur les cinquante
dernières années, apportent à l’analyse, la nécessaire contextualisation des politiques et décisions majeures,
pour tenir compte des nuances et rendre le jugement plus objectif et les enseignements plus fiables pour la
construction des correctifs et des réajustements nécessaires pour construire le Maroc de 2025.
Le périmètre de la contribution du groupe CNET couvre les cinq secteurs suivants : i) les écosystèmes
(forestiers, péri forestiers et agropastoraux), ii) les ressources en eau et les bassins versants, iii) la biodiversité
et les équilibres écologiques, iv) le littoral et écosystème marin et les ressources naturelles du sol et du sous-
sol.
• Dresser l’état des lieux à travers un examen de la situation actuelle, et procéder à une comparaison
de la situation au lendemain de l’indépendance ;
• Procéder à une analyse cinétique des ressources, et reconstitution de l’utilisation des espaces,
en localisant les points d’inflexion majeurs dans la courbe d’évolution couvrant les 50 dernières
années ;
• Analyser les effets et les liens de causalité, d’une part avec les inflexions et changements
majeurs dans les politiques de développement (phases des grands chantiers, état investisseur,
périodes de planification sectorielle et d’incitations, périodes d’ajustement et de déréglementation
démographique, l’urbanisation, les changements climatiques et les pressions sur les ressources. Ce
séquençage historique est à moduler en fonction du degré de sensibilité de chaque secteur ;
• Mesurer les zones de tensions, les conflits intersectoriels dans l’utilisation de l’espace et des
ressources et localiser les fragilités. Retracer en particulier les recompositions dans l’utilisation
des espaces, les flux migratoires (temporaires, transitoires ou définitifs) et dégager les zones de
rupture définitive d’équilibre.
• Tracer l’évolution tendancielle, situer les zones de fragilité prévisible et suggérer les perspectives
pour le Maroc 2025.
Cadre naturel, environnement
et territoires
L’énergie : développement
énergétique au Maroc depuis
1955, perspectives 2025
Introduction ...............................................................................................................61
Références ............................................................................................................108
Annexes ..................................................................................................................110
Ressources minérales
Introduction ............................................................................................................ 471
50 ans de développement
de l’industrie phosphatière
au Maroc et évolutions possibles
à l’horizon 2025
Introduction ..........................................................................................................511
1. Les exploitations minières .............................................................................512
2. Les industries de transformation du phosphate (valorisation) ................518
3. Le positionnement commercial et les partenariats ...................................523
4. Les ressources humaines et le développement social .............................528
5. L’apport au développement national ............................................................533
6. L’environnement et le développement durable ..........................................538
7. Les perspectives pour l’horizon 2025 ...........................................................544
L’économie marocaine est une économie en développement à forte composante agricole. Depuis l’indé-
pendance, cette économie a connu différentes réformes et orientations dont les plus importantes sont (3) :
– 1967-1979 avec le lancement d’une politique de développement économique et sociale basée sur la
modernisation de l’agriculture, d’une façon générale, et de l’agriculture irriguée, de façon particulière.
Cette période a été marquée par une politique interventionniste des pouvoirs publics visant à la fois à
développer les capacités de mobilisation des ressources en eau, notamment superficielles, et à aména-
ger les terres agricoles en infrastructures d’irrigation (politique du million d’hectares) ; une panoplie de
mesures techniques, juridiques et institutionnelles a été mise en place pour la mise en œuvre de cette
politique ;
– 1980-1990 avec des réformes visant à réduire les déséquilibres macro-économiques et à relancer la
croissance par les exportations. Cette période est aussi celle de la mise en œuvre du programme d’ajus-
tement structurel avec en particulier un désengagement progressif de l’État de secteurs de production ;
– 1990-2004 avec l’engagement de l’État dans un processus de privatisation et d’encouragement de
l’investissement privé.
L’évolution du PIB entre les années 70 et l’an 2000 montre un taux réel de croissance de 4.4 % en
moyenne annuelle. Ce rythme de croissance a été très irrégulier en relation avec les différents choix écono-
miques et orientations pris durant ces années mais aussi avec l’évolution du climat, des secteurs de l’eau et
de l’agriculture pendant cette période.
11
Figure 1 : Évolution du taux de croissance annuel du PIB par habitant 1957-2002
Ces données macro-économiques indiquent en partie le poids important que jouent le climat et les apports
pluviométriques annuels au niveau de l’économie du pays : un climat aride à semi aride, et un contexte
hydrologique marqué par une forte irrégularité annuelle et inter-annuelle des précipitations avec une distribu-
tion géographique irrégulière.
Dès l’indépendance, conscient de cet aspect, le Maroc s’est doté d’une politique forte et dynamique dans
le secteur de l’eau avec pour objectif de vaincre la vulnérabilité de la disponibilité en eau face aux aléas clima-
tiques, en maîtrisant et en stockant les eaux des années humides pour pouvoir faire face aux années de
sécheresse. L’objectif visé était de répondre à la demande croissante en eau potable des populations et de
donner à l’agriculture un essor important en vue de satisfaire les besoins alimentaires de ces populations et
d’encourager l’exportation des produits agricoles. Le défi lancé alors, pratiquement atteint dés 1998, visait à
irriguer un million d’hectares à la fin du siècle passé.
La politique des barrages lancée par Feu Sa Majesté le Roi Hassan II dès 1967 traduit la pertinence des
choix stratégiques opérés en matière de développement économique et social et de valorisation des poten-
tialités agricoles du pays à travers le développement de l’irrigation. Des résultats tangibles ont été enregis-
trés pour bon nombre de régions du royaume. En effet, si les cinquante dernières années ont été traversées
sans grandes crises de l’eau au Maroc, alors que la demande en eau pour répondre aux besoins des popula-
tions a plus que triplé et que les épisodes de sécheresse se sont faits de plus en plus nombreux et étalés au
niveau de leur durée c’est bien grâce à cette politique clairvoyante (Figure 2). Celle-ci a permis d’assurer au
pays la sécurité hydrique et alimentaire, d’améliorer les revenus des agriculteurs, d’intensifier et de diversi-
fier la production agricole, de développer les exportations agricoles, et de promouvoir l’emploi en milieu rural.
Notons toutefois, que si le pari du million d’hectares a été gagné, un décalage important reste à résorber
12
entre les superficies dominées par les barrages et celles équipées. Ce décalage se répercute et limite la ren-
tabilité des investissements hydrauliques et hydro-agricoles.
Outre cet aspect lié à la mobilisation des ressources en eau, considéré comme une véritable réussite du
royaume dans le domaine de l’eau, le devenir des eaux usées et la pollution des eaux ont connu durant cette
période nettement moins d’intérêt et de succès : à ce jour, quasiment toutes les grandes villes du pays et
grandes industries rejettent leurs eaux usées dans les systèmes naturels, rivières, mers, océan sans le
moindre traitement. Les retombées négatives ne se sont pas fait attendre. La qualité des eaux des rivières,
barrages et nappes phréatiques s’est dégradée à grande vitesse ces deux dernières décennies limitant ainsi
le potentiel réel en eau mobilisé à travers la qualité moindre de ces eaux. Plusieurs dégradations de la faune
et de la flore, notamment des écosystèmes aquatiques, en ont résulté. La dégradation de la ressource coûte
cher au pays, elle est estimée actuellement à plus de 15 milliards de Dhs par an, soit 6 % du PIB (27).
Un autre aspect a entravé en partie les succès de la politique nationale en matière d’eau : une séparation
nette dans l’approche menée entre les aménagements hydrauliques et hydro-agricoles à l’aval des bassins
versants et les aménagements requis à l’amont de ces bassins versants. On a ainsi peu préparé les bassins
versants à connaître des projets de mobilisation des ressources viables en mettant en œuvre des stratégies
intégrées des aménagements amont et aval des bassins versants permettant une bonne conservation des
sols contre les risques d’érosion et par conséquent la limitation de l’envasement des lacs et retenues de bar-
rages. D’importants phénomènes d’érosion ont été observés dans certains bassins non aménagés entraînant
l’envasement de bon nombre de barrages construits à des niveaux non négligeables ; en l’an 2000 cet enva-
sement correspondait à une perte en capacité équivalente à celle d’une retenue moyenne.
13
L’accès à l’eau potable des populations rurales a connu un retard important. Jusqu’en 1990, 70 % de la
population rurale consommait moins de 20 litres par habitant par jour (1/6e de la consommation en milieu
urbain). Grâce à un effort spécifique mené durant ces dernières années la situation est en cours de réta-
blissement. Quel impact négatif ce retard a-t-il engendré sur la politique rurale de notre pays ? Dans quelle
mesure a-t-il pu favoriser l’exode rural des années 80 ?
La distribution géographique des populations sur le territoire national durant ces 50 dernières années a été
certainement conditionnée par les réalisations et comportements du secteur de l’eau et par conséquent de
l’agriculture. Les sécheresses de plus en plus fréquentes, le manque d’accès à l’eau potable et aux infras-
tructures de base ont induit un exode rural assez important se traduisant par un développement des grandes
villes qui ont connu une multiplication des bidonvilles et zones d’habitat anarchiques et insalubres. Ainsi on
est passé d’un pays à population principalement rurale (70 %) vers l’indépendance à un pays actuellement
dominé, à près de 60 %, par une population urbaine. (Figure 3)
La politique de l’eau menée après l’indépendance s’est longtemps focalisée sur la mobilisation des res-
sources. La gestion de la demande n’a été un souci qu’une fois le bilan offre-demande devenait précaire avec
la croissance de la demande et la limitation de la ressource durant les sécheresses répétées des années 80.
C’est là qu’une politique de gestion planifiée de l’eau au Maroc par bassins versants intégrant la parti-
cipation des usagers a été initiée. Cela a abouti en 1995 à la promulgation de la loi sur l’eau qui a introduit
une série de principes fondamentaux dont l’unicité de la ressource en eau, sa gestion de façon intégrée et
décentralisée par bassin versant, une gestion participative des usagers, la maîtrise des gaspillages et l’écono-
mie de la ressource...
Depuis, des efforts notables ont été déployés, en matière de limitation de la demande, avec des résultats
tangibles au niveau de l’eau potable grâce à l’introduction de la tarification par seuils de consommation. Ces
14
efforts ont aussi été menés en agriculture irriguée, secteur le plus consommateur d’eau, les résultats obte-
nus jusqu’à maintenant restent mitigés. Plusieurs questions peuvent être soulevées : est-ce un problème
d’ordre technique et technologique ? Est-ce une question de niveau d’instruction et d’analphabétisme des
agriculteurs ? Quelles sont les contraintes réelles limitant une valorisation optimale des eaux d’irrigation ?
En 2002, suite aux orientations de Sa majesté le roi Mohammed VI données dans son discours
d’ouverture des travaux du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat tenu en 2001 à Agadir, une nouvelle poli-
tique de l’eau a été définie et une réforme du secteur de l’eau a été lancée (26). Cette reforme est axée
sur les points suivants :
– La gestion de la demande
– La participation des usagers
– La dépollution à l’échelle des basins versants
Ainsi, depuis l’indépendance, des choix socio-économiques ont été faits où l’eau joue un rôle essentiel.
Une priorité a été donnée à l’agriculture mais aussi au tourisme, à l’industrie agro-alimentaire, au textile... Ces
choix et les retombées économiques qu’ils ont engendrés ont ils été faits tenant compte du prix de revient
réel de l’eau utilisée ? Avec cette prise en compte, certains de ces choix auraient pu ne pas être aussi impor-
tants qu’on le croit !
La politique de l’eau a eu un coût fort que l’État a dû supporter. Les investissements budgétaires alloués
aux équipements hydrauliques représentaient plus de 50 % du budget global d’investissements entre 1968
et 1972 et plus de 35 % entre 1968 et 1990(21). En 2000 ils étaient de l’ordre de 20 % (17). Les années à
venir ; étant donnés les besoins prévus et la nécessité de recourir à des ressources en eau plus difficiles à
mobiliser et plus coûteuses ; ces investissements risquent de croître fortement ! l’État ne pourra alors sup-
porter ce fardeau. La participation des usagers et du secteur privé à cette gestion de l’eau est le seul recours.
Comment et dans quelle mesure cela est réalisable et comment le concrétiser pour une ressource vitale pour
l’économie nationale et pour le citoyen ?
Comment peut on envisager l’avenir de l’eau au Maroc et donc l’avenir de l’économie du royaume en
2025, tenant compte de ces différents aspects ? Quelles sont les perspectives du secteur irrigué au-delà du
million d’hectares irrigués et comment valoriser au mieux le potentiel irrigable marocain ?
C’est à cet ensemble de questions que nous chercherons à apporter des éléments de réponses dans la
présente communication, après avoir dressé un bilan des 50 dernières années du Maroc dans le domaine de
l’eau avec ses retombées socio-économiques.
De par sa position géographique, située en zone aride à semi-aride, le Maroc a depuis des millénaires eu
une évolution fortement liée au climat de la région et à sa variabilité (0). Ce climat se caractérise par des
contrastes importants avec des types de climats très différents et ce, en relation avec les particularités géo-
graphiques et écologiques de la région (1) (2), (3) :
– Le Maroc s’étend sur une superficie de 710.850 km2 dont une grande partie est située en zone déser-
tique ;
– La région est à dominance semi aride à aride, soumise à un climat résultant d’influences maritimes au
nord (Mer Méditerranée) et à l’ouest (Océan atlantique) et sahariennes au sud ;
15
– Une grande diversité de type de climat, associée à l’étendue du pays en latitude, à l’existence de
chaînes montagneuses dépassant les 3 000 m et à l’influence maritime au voisinage des côtes ;
– Une grande variabilité spatiale, et inter annuelle des précipitations avec des précipitations plus faibles
dans la partie sud, un nombre de jours de pluie très limité (moins de 50 jours sur une grande partie du
pays) et des épisodes de sécheresses périodiques et fréquents dont la durée peut dépasser trois
années successives ;
– Des températures moyennes annuelles élevées, dépassant les 20o C dans le sud et plus douces le long
du littoral. Ceci est lié au niveau élevé du rayonnement solaire parvenant aux différentes régions du
pays, et aux advections fréquentes de masses d’air chaudes. Ces éléments entraînent une forte évapo-
transpiration.
2.1.1. Températures
Les températures de la région sont :
– très élevées dans la partie sud, où elles peuvent atteindre jusqu’à 60o C dans le Sahara l’été. L’hiver ces
mêmes zones connaissent des températures très faibles ;
– tempérées dans les zones en bordure de la Méditerranée (10o C les mois les plus frais et 29o C les mois
les plus chauds) ;
– modérées sur la partie ouest atlantique résultant du courant froid des Canaries (14 à 20o C à Essaouira) ;
– Fortes durant l’été (des maximums absolus dépassant les 45o C) et froides durant l’hiver (des tempéra-
tures minimales bien au dessous de 0o C) dans les zones intérieures.
Une analyse de l’évolution de la température ces dernières décennies, dans plusieurs stations météorolo-
giques relevant de la Direction de la Météorologie Nationale, montre l’évolution suivante (13) :
– Les températures maximales d’hiver, et minimales et maximales d’été, montrent des tendances à la
hausse ;
– La température minimale d’hiver montre une tendance à la baisse.
Par ailleurs, une analyse des températures enregistrées à Casablanca depuis le début du siècle et à Marra-
kech depuis 1960 indique l’existence de deux périodes significatives du point de vue thermique entre 1955
et 2000 :
– La période 1955-1970 a connu un refroidissement progressif du climat de l’ordre de 1o C en moyenne
annuelle ;
– La période 1970-2000 a connu un réchauffement important, où des records absolus de température ont
été battus : la moyenne des températures annuelles à Marrakech était de l’ordre de 25 à 26 o C durant
les années 70 ; elle se situe actuellement autour de 27 à 28 o C.
16
Figure 4 : Températures moyennes à Casablanca 1910-1990 (1)
Ainsi et au delà du léger refroidissement des années 70 on peut dire que la température moyenne annuelle
a augmenté au Maroc de façon significative ces 50 dernières années : plus de 1 o C de réchauffement. Ce
réchauffement s’inscrit dans le contexte de réchauffement global enregistré durant le XXe siècle au Maroc et
qui est mis en évidence sur la figure 4 pour Casablanca (8).
17
1995, à plus de 100,9 millions de quintaux en 1996 pour redescendre à 40,8 millions de quintaux en 1997
(29).
La figure 5 indique l’évolution, durant la période 1960 et 2000, de l’écart à la moyenne des précipitations
annuelles sur l’ensemble du Royaume. On distingue une première période pluvieuse à normale de 1960 à
1972 puis une période sèche et très peu pluvieuse entre 1972 et l’an 2000, avec un épisode particulièrement
sec, long et critique 1972-1995 (3). Une étude réalisée par la direction de la météorologie nationale a permis
de quantifier la différence en précipitations entre ces deux périodes. Elle a estimé que le cumul des précipita-
tions était en baisse de plus de 30 % durant les années 1978-1996 par rapport à la période 1961-1977 (2).
Figure 5 : Ecart à la moyenne des précipitations annuelles sur l’ensemble du Maroc (3)
Les cinquante dernières années ont vu une augmentation nette de la fréquence des sécheresses et inonda-
tions :
– On est passé d’une sécheresse tous les dix ans les années 50-60 à deux à trois sécheresses par décen-
nie. Durant la période 1955-2004, 7 périodes de sécheresses généralisées ont été enregistrées au
Maroc dont 5 après 1975 : il s’agit des sécheresses des années 1957 ; 1966 ; 1974-1975 ; 1980-1985 ;
1986-1987 ; 1990-1995 et 1998-2000 (6), (17)(19). De plus, plusieurs années sèches ont été marquées
par de fortes intensités supérieures à 35 % (cas des campagnes 1980-81, 1991-92, 1994-95). La cam-
pagne agricole 1994-95 a connu une sécheresse record avec une intensité supérieure à 60 %.
– La période 1975-2004 s’est aussi distinguée par la nature excessive des rares années humides avec une
pluviométrie très forte et concentrée sur de très courtes périodes de l’année ; on a vu des centaines de
millimètres d’eau tomber dans des régions arides en quelques jours et rien pour le reste de l’année ! Un
sol aride, une érosion forte, un ruissellement excessif, sont des caractéristiques de ces régions qui favo-
risent des catastrophes naturelles en relation avec ces fortes précipitations et des inondations : la der-
18
nière en date est celle de 2002, après celle de 1996 (Encadré ci-dessous).Ces inondations ont eu des
effets néfastes sur les activités économiques, l’habitat et la production agricole dans différentes régions
du pays (Gharb, Loukkos, El Jadida,Tétouan,Tanger, Béni Mellal..)
Encadré
Inondations au Maroc (novembre 2002)
Lors de la semaine du 20 au 27 novembre 2002 le Maroc a connu l’une des plus importantes inondations de son his-
toire avec des dégâts matériels et humains considérables :
– Au moins 63 morts, 26 disparus, des dizaines de blessés;
– Des pertes importantes au niveau de l’habitat (24 habitations effrondrées; 373 inondés; ...);
– Des centaines d’hectares de terres agricoles endommagés; des centaines de têtes de bétail emportées.
– Des unités industrielles subissant de graves dégâts notamment à Berrechid et Mohammadia : Dans cette ville, la
plus importante raffinerie du royaume (La SAMIR) a pris feu ce qui représenterait plus de 300 millions USD en
pertes.
Il est à noter que cette année humide et pluvieuse succède à plusieurs années sèches ou partiellement sèches et
que la dernière année humide avant celle-ci était 1996 ou le Maroc avait connu aussi des inondations catastrophiques
pour le pays.
2.1.3. Bilan
Les trois dernières décennies ont connu une température plus élevée en moyenne annuelle, une évapora-
tion et une évapotranspiration plus fortes et donc des besoins en eau plus importants. Parallèlement les
apports pluviométriques ont chuté : d’où une situation critique du secteur eau dans le royaume.
Les apports pluviométriques sur l’ensemble du territoire sont évalués à 150 milliards de m3. Sur ces
apports pluviométriques, la pluie utile ne représente que 20 %, soit 29 milliards de m3. Si l’on déduit les
pertes par évaporation et les écoulements non maîtrisables vers la mer, le potentiel hydraulique mobilisable,
dans les conditions techniques et économiques actuelles, est estimé à 20 milliards de m3 dont 16 milliards à
partir des eaux superficielles et 4 milliards en provenance des eaux souterraines (4) (tableau 1).
19
Tableau 1 : Ressources en eau du Maroc et Possibilités de mobilisation (en milliards de m3)
Cette estimation reste tributaire du niveau d’évaporation des eaux qui dépend directement de la tempéra-
ture. Ainsi et devant le réchauffement significatif qu’a connu le royaume durant le XXe siècle (plus de 1o C) et
l’occurrence accentuée des sécheresses durant les trois dernières décennies, une validation des estimations
des différentes composantes de ce cycle de l’eau s’impose. Les 20 milliards de m3 économiquement et tech-
niquement mobilisables pourraient être facilement revues à la baisse.
Ces apports pluviométriques sont aussi caractérisés par une forte irrégularité de leur distribution dans
l’espace, diminuant fortement du nord au sud et de l’ouest à l’est. Ces apports sont inégalement répartis sur
les différentes régions du pays. Ainsi 15 % de la superficie totale reçoit plus de 50 % des apports pluviomé-
triques. Les régions du Nord et le bassin de Sebou, bien que n’occupant que 8,5 % de superficie totale,
reçoivent plus de 29,3 % des précipitations globales et participent pour 51,1 % des écoulements, alors que
le bassin de la Moulouya, situé à l’Est, et occupant 8,1 % de cette superficie ne reçoit que 9,4 % de pluvio-
mètre globale et ne participe que pour 8,7 % des écoulements moyens.
Le potentiel des eaux superficielles du pays s’élève à 22.5 milliards de m3 dont 16 milliards mobilisables.
Le potentiel des eaux superficielles se répartit selon les régions, comme suit :
– Bassins rifains du nord, l’ensemble des oueds de cette zone enregistre en moyenne un apport de
4.200 M m3/an soit 20 % environ des ressources superficielles du pays ;
– Bassins atlantiques du nord et du centre : ce sont les grands bénéficiaires des ressources en eau pro-
duites sur les chaînes montagneuses du Rif et de l’Atlas. Ces bassins renferment 56 % des ressources
en eau superficielles du Maroc soit 11.300 M m3/an.
– Bassins de l’Oriental, la région enregistre un apport moyen annuel estimé à 1.650 M m3/an ;
– Bassins du Sud Atlantique Ouest, ces bassins totalisent un apport moyen annuel de 780 millions de
m3/an ;
– Bassins pré-sahariens sud atlasiques et sahariens : Ils couvrent le sud de l’Atlas et sont caractérisés par
l’aridité de leur climat présaharien à saharien. La quasi totalité des apports, estimée à 240 millions de m3,
est due à des crues rapides et violentes en provenance de l’Atlas.
20
Réparties sur une dizaine de bassins versants, les ressources en eau de surface du royaume se caracté-
risent par l’irrégularité de leur répartition. Les seuls basins de Sebou, d’Oum Erbia et de la Moulouya ras-
semblent les 2/3 des ressources en eau de surface (Figure 6). Par ailleurs, les besoins en eau ne sont pas
dans les zones les plus riches en eau d’où la nécessité de transferts d’eaux coûteux et difficiles a réaliser : la
région Nord-Nord ouest avec 35 % de la population du pays détient 48 % des ressources en eau alors que la
région Centre-Ouest avec 46 % de la population ne contient que 34 % des ressources en eau. (7)
Figure 6 : Répartition des ressources en eau de surface au Maroc (7)
Le potentiel des eaux de surface est très vulnérable aux aléas climatiques. En effet, en années de séche-
resses sévères, celui-ci peut baisser de 30 à 90 % (18). L’importance en fréquence et en intensité des séche-
resses hydrologiques dans les différents bassins versants n’est pas uniforme : les régions de l’oriental, du
Tensift, du Souss-Massa et les zones sud-atlasiques sont généralement les plus touchées par les séche-
resses. Celles du nord le sont moins mais les répercussions sont toutefois importantes car les réserves
d’eaux souterraines des régions Nord sont très limitées (18).
21
Figure 7 : Répartition des ressources en eau souterraine au Maroc (7)
Globalement, les ressources en eau souterraines s’élèvent à près de 9 milliards de m3/an comme ressources
renouvelables dont 3 milliards de m3/an s’écoulent par l’intermédiaire des sources contribuant à la régularisa-
tion des débits des oueds (débits de base) et 2 milliards de m3/an s’écoulent directement vers les mers.
Ainsi, les ressources en eau souterraines mobilisables sont estimées à 4 milliards de m3/an.
Ces chiffres n’englobent pas les réserves qui constituent des ressources non renouvelables et qui peuvent
être exploitées en période de pénurie d’eau. D’ailleurs pour certaines nappes, une sur-exploitation s’est déjà
matérialisée par des baisses des niveaux piézométriques : c’est le cas du Souss, du Haouz, de Jbel Hamra,
de Saiss....
22
Figure 8 : Evolution de la concentration globale en DBO5
Dans les eaux de surface entre 1950 et 2002 (22)
Durant l’année 1998-1999 la qualité des eaux, observée par la Direction Générale de l’Hydraulique, a été
jugée dégradée dans 37 % des stations échantillonnées et bonnes dans 53 %. Cet état s’est encore dégradé
en 1999-2000 puisque la qualité des eaux a été jugée dégradée dans plus de 50 % des stations (17).
Les deux principaux fleuves du Royaume, oued Sebou et Oued Oum Er Rbia, connaissent des situations
critiques :
– l’été en période d’étiage où le pouvoir auto-épurateur et de dilution des polluants diminuent ;
– L’hiver lors des campagnes oléicoles caractérisées par le déversement des margines dans les cours
d’eau et l’augmentation en concentration des métaux lourds suite à leur entraînement par les crues (5).
Aussi, le traitement de l’eau de surface pour la rendre potable atteint des coûts élevés lors des épisodes
de sécheresse et devient parfois techniquement impossible. Plusieurs stations de traitement ne peuvent
plus fonctionner l’été en raison du niveau trop élevé de la pollution des eaux des rivières : Les stations d’eau
potable de Mkansa et de Karia Ba Mohamed sur l’oued Sebou ont été contraintes d’arrêter durant plus de
80 jours de 1993 à 1995 (6).
Les eaux souterraines restent de meilleure qualité. Mais certaines nappes importantes sur la côte atlan-
tique sont déjà polluées par l’utilisation importante et non rationnelle des engrais et des pesticides par le sec-
teur agricole et par l’intrusion des eaux marines et le pompage excessif. Des signes alarmants paraissent ici
et là :
– Le niveau d’azote dans certaines nappes est élevé (des concentrations dépassant de loin les 50mg/l),
c’est le cas de certaines zones de la nappe des Béni-Moussa (Tadla), de la zone des Mnasra au Gharb... ;
23
– la salinité des eaux est parfois bien au dessus des seuils des eaux douces (atteignant des valeurs de 10
à 12 g/l) (5).
Cette dégradation de la qualité des eaux, associée à la rareté de la ressource, a engendré des risques de
développement de maladies hydriques surtout en milieu rural. En 1995, année connue par sa sécheresse
très sévère, 1312 cas de maladies hydriques ont été enregistrés alors que durant l’année suivante parti-
culièrement humide aucun cas n’a été signalé (6).
24
Figure 9 : Évolution du nombre de stations d’épuration depuis 1950 (22)
25
ries. Le bassin du Tensift recueille les métaux lourds (présence de mines d’extraction de plomb, zinc et
cuivre). Les bassins du Loukkos, du Bouregreg, de Souss-Massa restent les moins atteints par les rejets
industriels (5).
26
Figure 10 : Envasement des retenues de barrages (20)
27
Eaux usées
Le potentiel d’eaux usées est évalué pour l’an 2000 à plus de 500 millions de m3. 50 % de ces eaux sont
rejetées dans les bassins versants intérieurs et 50 % sont supposées être rejetées en mers. En réalité une
bonne partie de ces eaux est réutilisée à l’état brut en agriculture (17).
La réutilisation des eaux usées brutes sans le moindre traitement est une pratique qui s’est répandue for-
tement au Maroc durant les années 80 ; période de grandes sécheresses. On estime que les eaux usées
brutes ont irrigué en 1994 plus de 7200 hectares de cultures maraîchères, céréalières et fruitières situées
prés des principaux centres urbains avec des conséquences néfastes pour la santé des populations ; soit
environ 70 M m3 d’eaux usées brutes utilisées.
Une valorisation saine et rentable du potentiel hydrique que représentent ces eaux usées, reste tributaire
aujourd’hui de la mise en place de systèmes fiables de traitement et d’épuration des eaux usées brutes (10).
Le seul volume d’eaux usées perdues en mer évalué autour de 200 M m3 permettrait une fois traité d’irriguer
plus de 25.000 ha (22).
28
Parmi ces projets, le plus important est celui de la station de dessalement d’Agadir prévue pour 2020. Elle
permettra de produire plus de 86.000 m3/j. À cette échéance, Agadir ne pourra avoir d’autres alternatives que
le recours au dessalement des eaux de mer pour répondre aux besoins en eau des différents secteurs
économiques.
La politique de mobilisation de l’eau fût assez timide durant la période coloniale et même jusqu’en 1966.
Le Maroc ne disposait alors que de 16 ouvrages hydrauliques d’une capacité totale de 2,2 milliards de m3. À
partir de 1967, une impulsion significative de cette politique par la construction de nombreux barrages a été
donnée par Feu Sa Majesté Hassan II. Celle-ci visait le développement de l’irrigation sur un million d’hec-
tares à l’horizon 2000 (cette politique était aussi appelée politique du million d’hectares) mais aussi la satis-
faction des besoins en eau potable et industrielle, notamment au niveau des grandes villes du pays.
Ainsi, le Maroc a mené un politique dynamique et forte en matière de mobilisation des ressources en eau
depuis son indépendance. Il a développé un patrimoine hydraulique de plus de 103 barrages, grands à
moyens, d’une capacité de stockage de 15,8 milliards de m3 permettant de fournir en année moyenne près
de 10 milliards de m3 d’eaux superficielles régularisées. Il a aussi développé une importante infrastructure de
mobilisation des ressources en eau souterraine (forages et puits) permettant d’exploiter annuellement près
de 2,7 milliards de m3. Sur les 20 milliards de m3 d’eaux mobilisables, 13,7 milliards de m3 le sont actuelle-
ment, soit un niveau de mobilisation de l’ordre de 68 %. (Tableau 3) (11).
Aussi, peut-on considérer que la mobilisation des ressources en eau au Maroc est à un stade avancé
même s’il reste beaucoup à faire car les sites de mobilisation les plus faciles ont déjà été exploités et ceux
qui restent sont certainement plus difficiles et les coûts inhérents à la mobilisation de ces eaux peuvent être
exorbitants.
Eaux de surface
La politique des barrages menée depuis l’indépendance visait les principaux objectifs suivants (7) :
– Satisfaire les besoins croissants en eau potable et industrielle des agglomérations ; avec l’augmentation
des besoins (3 % de plus par an) et la saturation progressive des ressources souterraines proches des
zones d’utilisation, le recours aux eaux de surface s’est imposé. En l’an 2000 les barrages participaient
pour 68 % à la satisfaction de la demande en eau potable et industrielle ;
29
– Irriguer un million d’hectares. En 1998 l’objectif du million d’hectares irrigués était déjà atteint ;
– Créer une solidarité inter-régionale avec des transferts d’eaux des zones excédentaires vers les zones
déficitaires ;
– Développer la production de l’énergie hydro-électrique, autant que faire se peut, afin de réduire la dépen-
dance du pays vis-à-vis de l’extérieur en produits énergétiques.
Cette politique de mobilisation des ressources en eau de surface a connu deux phases distinctes (7)
Tableau 4 :
30
Tableau 4 (suite)
31
Tableau 4 (suite)
– 1956-1966
C’était une période de transition juste après l’indépendance où une politique de mobilisation était en gesta-
tion ; durant cette décennie seulement trois barrages ont été construits mobilisant ainsi 0,4 milliards de m3 :
– Barrage Mohamed V
– Barrage Nakhla
– Digue de Safi
32
Ces barrages sont venus s’ajouter à ceux construits durant la période 1925-1955 au nombre de 13 permet-
tant de mobiliser 1,5 milliard de m3. Ainsi en 1967, la capacité totale de stockage d’eaux de surface était de
2.2 milliards de m3.
– 1967-2004
Le tournant de la politique du Maroc en matière d’eau a été donné par feu Sa Majesté le Roi Hassan II en
1967 avec le lancement de la construction de 6 grands barrages et d’un programme de barrages visant en
2000 l’irrigation d’un million d’hectares. Cette politique a été renforcée par la décision de Sa majesté le Roi
en 1986 de construire un barrage par an jusqu’à l’an 2000.
Aujourd’hui, avec 103 grands barrages, la capacité de mobilisation d’eaux des barrages est passée de
1,5 milliards de m3 en 1955 à plus de 15,8 milliards de m3 avec la possibilité de régulariser en année hydrau-
lique moyenne plus de 10 milliards de m3.
Eaux souterraines
Les eaux souterraines ont aussi connu un effort important avec la mobilisation actuelle de plus de 67 % du
potentiel en eaux souterraines mobilisables. L’exploitation d’une cinquantaine de nappes superficielles princi-
pales et près de la moitié des nappes profondes recensées, a permis de porter le volume d’eau souterraine
mobilisé à 2,7 milliards de m3.
Il est important de noter que la connaissance que l’on a des nappes souterraines reste limitée, en parti-
culier les nappes profondes. Les efforts menés ces dernières années dans le sens d’une meilleure connais-
sance de nappes profondes dans les zones sahariennes ont donné de très bons résultats. De nouvelles
recherches dans ce sens s’imposent pour d’autres nappes profondes du Royaume, actuellement mal
connues.
De nos jours, la presque totalité des eaux souterraines renouvelables connues sont exploitées avec un pré-
lèvement annuel de l’ordre de 2,7 milliards de m3. Un bon nombre de nappes commencent à connaître des
diminutions importantes de leurs niveaux piézométriques suite à une certaine sur-exploitation, c’est le cas
des nappes du Souss-Massa, de la zone côtière des Doukkala, du Saiss...
Eaux régularisées
Globalement, les volumes d’eaux régularisés sont prélevés à partir ;
33
– la production annuelle de l’hydro-électricité permettant d’économiser des produits énergétiques ; c’est
ainsi qu’en 1996-1997 l’électricité produite à partir des usines hydroélectriques a été estimée à
2000 GWh/an, soit un gain de 720.000 tonnes de fuel par an.
– l’atténuation des effets des sécheresses difficiles et aigues en réduisant leurs impacts aussi bien sur
l’agriculture irriguée que sur le secteur de l’eau potable.
– l’atténuation des effets de crues dévastatrices au niveau de grands bassins hydrauliques, à titre
d’exemple le barrage Al Wahda a permis d’éviter l’inondation de 150.000 ha en aval durant les inonda-
tions de 1996.
La partie la plus importante des eaux mobilisées est utilisée en agriculture. Toutefois cette dominance
tend à s’atténuer avec les années : En 1990 l’irrigation représentait 93 % des usages de l’eau (4). En 2000 le
poids de l’agriculture était moins important avec 86 % seulement. On estime aujourd’hui ce pourcentage à
moins de 85 %. En 2020 l’agriculture devrait représenter au niveau des usages aux environs de 76 %. Cette
tendance s’explique par la diversification de l’économie nationale et l’augmentation de la demande en eau
potable (Tableau 5).
34
3.2.1. Agriculture
Les conditions climatiques du Maroc font de l’irrigation un impératif technique incontournable dont les
retombées économiques et sociales sont indéniables. Au lendemain de l’indépendance, l’irrigation a consti-
tué une voie privilégiée du développement agricole et a bénéficié d’une attention particulière des pouvoirs
publics.
Les objectifs escomptés autour de l’irrigation ont été quasiment atteints ; aussi l’irrigation a-elle permis de
contribuer substantiellement à satisfaire les besoins alimentaires croissants de la population, d’une part, et
de promouvoir un développement économique et social autour des périmètres irrigués, d’autre part. En fait,
les zones irriguées ont joué un rôle déterminant, en tant que véritables pôles de développement agricole et
rural, tant au niveau local que régional. Globalement les retombées de l’irrigation sur l’économie du pays ont
été amplement démontrées.
Compte tenu du potentiel hydraulique mobilisable et de la part qui peut être réservée à l’agriculture, le
potentiel irrigable est estimé actuellement à 1,664 millions d’hectares (ha) : 1,364 millions d’ha en irrigation
pérenne dont 880.000 ha et en Grande Hydraulique (GH) et 484.000 ha en Petite et Moyenne Hydraulique
(PMH) et 300.000 ha en irrigation saisonnière (tableau 4) (32). Rapporté à l’effectif de la population, le poten-
tiel irrigable passera de 57,1 hectares pour 1000 habitants en l’an 2000 à 42,2 hectares pour 1000 habitants
en 2020 (29). Actuellement, la superficie irriguée est de 43,0 hectares pour 1000 habitants. Le potentiel irri-
gable reste relativement limité eu égard à l’étendue des zones arides et au rôle que doit jouer ce secteur
dans le développement socio-économique du pays.
Au lendemain de l’indépendance, le Maroc comptait 72.600 ha aménagés pour une superficie dominée par
les barrages en service de 229.000 ha. Cependant, la superficie effectivement irriguée et mise en valeur ne
dépassait guère les 38.100 ha. La période 1956-1960 a constitué une période de transition et ce fût le plan
1960-64 qui a constitué le point de départ d’une politique d’irrigation volontariste et intégrée (33). À fin 1966,
la superficie totale aménagée s’élevait à 218.264 hectares : 137.479 ha en GH et 80.785 ha en PMH.
Depuis 1967 à nos jours, d’importants efforts ont été consentis en aménagements hydro-agricoles aussi
bien dans les neuf grands périmètres irrigués (gérés par le Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole
ORMA) qu’en périmètres de petite en moyenne irrigation. Globalement, les superficies aménagées jusqu’à
fin 2002 ont été de 1.014.863 ha dont 682.563 ha en GH et 332.300 ha en PMH (Tableau 7). Le mode d’irriga-
tion prédominant est le gravitaire avec près de 83 % de la superficie sous irrigation pérenne au niveau natio-
nal (figure 11), (34).
35
Tableau 7 : Superficies aménagées à fin 2002
Périmètres S/Périmètres Superficie En cours Total Mode irrig. Mode irrig. Mode irrig.
Aménagée Équipement Gravitaire Aspesion Localisée
Grande
hydraulique 682 563 10 900 693 463 564 566 128 897
Moulouya 77 281 77 281 61 546 15 735
Triffa 44 125 43 290 835
Bouareg 10 322 10 322
Garet 14 900 14 900
Zebra 7 934 7 934
Gharb 106 843 7 000 113 843 95 111 18 732
Beht 28 750 28 750
PTI 38 078 35 520 2 558
STI 37 215 21 041 16 174
TTI 2 800 7 000 9 800
Doukkala 104 527 104 527 68 834 35 693
Faregh 10 691 10 691
Boulaouane 1 216 1 216
Sidi Smaïl 10 766 10 766
Sidi Bennour 10 935 10 935
Zemamra 16 078 16 078
Tnine Gharbia 14 200 14 200
Extension Sidi Smaïl 1 507 1 507
Extension Faregh 2 692 2 692
Cuvette sidi Smaïl 1 442 1 442
Haut Service Tr1 16 000 16 000
Haut Service Tr2* 19 000 19 000
153 056 153 056 153 056
Haouz Central* 43 374 43 374
Tessaout Amont 51 735 51 735
Tessaout Aval 57 947 57 947
Tadla 108 940 108 940 108 940
Béni Amir 30 101 30 101
Béni Moussa 78 839 78 839
Tafilalet 28 000 28 000 28 000
Recasement 1 000 1 000
Plaine de Tafilalet 22 400 22 400
Vallée de ziz 4 600 4 600
Ouarzazate 37 636 37 636 37 636
Idelsan 420 420 420
Vallée de Drâa 37 216 37 216 37 216
Souss-Massa 39 864 39 864 5 750 34 114
Issen 13 400 13 400 4 500 8 900
Massa 20 164 20 164 1 250 18 914
Souss Amont 6 300 6 300 6 300
Loukkos 26 416 3 900 30 316 5 693 24 623
Loukkos Sud* 1 614 3 900 5 514 3 900 1 614
R’mel 13 882 13 882 13 882
Thé 220 220 220
Plaine Bas.Collines 10 700 10 700 1 793 8 907
Petite et 332 300 332 300
moyenne
hydraulique
Total 1 014 863 10 900 1 025 763 564 566 128 897
36
Figure 11 : Répartition de la superficie totale irriguée par mode d’irrigation
Le rythme moyen d’équipement global enregistré de 1967 à 1998 se situe aux environs de 25.3222 ha/an
(Figure 12) ; pour la grande hydraulique ce rythme a été de 17.211 ha/an (Figure 13) alors qu’il n’a été que de
8011 ha/an pour le secteur de la PMH (Figure 14). Ces rythmes ont enregistré d’énormes variations ; ainsi le
rythme d’aménagement a été de près de 21.127/ha/an entre 1973 et 1977 avec un maximum de 35.000 ha
équipés en 1974. La décennie 1980, marquée par la mise en place du Plan d’Ajustement Structurel (PAS), a
connu un ralentissement des grands aménagements hydro-agricoles et les rythmes d’équipement ont baissé
de façon considérable atteignant des minima de près de 4000 ha/an. La décennie 1990 a connu une redyna-
misation de la politique des aménagements des grands périmètres irrigués et ce dans le cadre du Plan Natio-
nal de l’Irrigation (PNI), lancé en 1992, avec un rythme moyen de 18.624 ha/an. Les aménagements en PMH
ont été très timides durant la période 1967 à 1979 enregistrant une cadence moyenne d’équipement de près
de 4.549 ha/an ; à partir de 1980 ce secteur a connu un essor plus marqué avec un rythme moyen de
10.360 ha/an (des maxima de près de 20.000 ha/an ont été enregistrés au début des années 90).
37
Figure 12 : Évolution des superficies aménagées en irrigation au Maroc
38
Figure 14 : Évolution des superficies aménagées en petite et moyenne hydraulique
Cependant, le fait marquant reste le décalage structurel entre les superficies dominées par les barrages en
service et celles équipées en réseaux d’irrigation. La figure 25 montre qu’à l’exception de la période 1968-
1977 où ce décalage a été ramené à 65.327 ha, les autres périodes accusent un décalage important qui a
atteint les 180.852 ha en 1977 dont 112.470 ha en grande hydraulique et 68.382 ha en petite et moyenne
hydraulique (34).
Le secteur de l’irrigation consomme actuellement près de 85 % du volume total des ressources en eau
mobilisées ; ce chiffre a été de 92 % en 1992 et se situera autour de 80 % en 2020. Le potentiel d’économie
d’eau dans ce domaine est très important eu égard aux niveaux assez faibles des efficiences des systèmes
d’irrigation constatées dans les grands périmètres d’irrigation ; celles-ci se situent entre 35 à 45 % pour le
mode d’irrigation gravitaire, et entre 50 à 70 % pour l’aspersion.
39
3.2.2. Eau potable
Une enquête réalisée en 1990 a permis de montrer que 30,3 % seulement de la population rurale dispo-
saient alors de systèmes publics d’approvisionnement en eau dont :
– 14.3 % étaient desservis par des équipements publics,
– 16 % s’approvisionnaient à partir d’équipements collectifs (non mécanisés).
Pour palier à cette situation, un Programme d’Alimentation Groupée en Eau potable en milieu Rural
(PAGER) a été mis en place en 1995. Grâce aux réalisations faites en particulier dans le cadre de ce pro-
gramme, le taux d’accès à l’eau potable en milieu rural a rapidement évolué pour atteindre 43 % en 2000 (23)
et 50 % en 2002 (27). Le PAGER devrait permettra de porter le taux de desserte à 90 % vers l’année 2007.
En 2010, plus de 31.000 localités rurales regroupant 11 millions d’habitants sont prévues d’être desservies
en eau potable (Figure 15).
40
Figure 15 : Évolution du taux d’accès à l’eau potable
Dans le milieu Rural (22)
3.2.3. Industrie
Les activités industrielles sont concentrées principalement dans l’axe Kénitra-Casablanca qui abrite près de
50 % des établissements industriels. La consommation d’eau par ce secteur a été évaluée à 1 milliard de m3
en 1996 dont 81 % provient de la mer, 14 % des eaux superficielles et 1 % des eaux souterraines.
Pour une population totale, estimée à 28.7 millions en 2000, le capital en eau par habitant par an (ressource
/population) était de l’ordre de 1010 m3/hab/an : la région est alors passée à un état de stress hydrique après
avoir été depuis 1955 dans un contexte hydrique excédentaire (2870 m3/hab/an en 1955). Aujourd’hui, en
2004 on est dans cette situation de stress avec 960 m3/hab/an. Cette caractérisation de l’équilibre offre-
demande en eau est optimiste car elle tient compte du capital global en eau du pays qui est de 29 milliards
de m3 et non du potentiel mobilisable qui ne dépasse pas les 20 milliards (tableau 8).
41
Tableau 8 : Capital en eau du Maroc par habitant par an pour 1955-2025
Par ailleurs, cette analyse quantitative et globale, masque une variabilité inter-régionale entre les différents
bassins hydrauliques. En effet la situation en l’an 2000 indiquait que le capital en eau variait de 180 m3/hab/an
dans les zones sahariennes et la région du Souss-Massa à 1850 m3/hab/an dans le Loukkos et la région médi-
terranéenne.
L’analyse détaillée des bilans hydriques par bassin versant (tableau 13) faite pour 2000 et projetée pour
2020 (17) indique que (figures 16 et 17) :
42
Figure 16 : Bilan des ressources en eau par bassin en l’an 2000 (17)
43
Figure 17 : Bilan des ressources en eau par bassin à l’horizon 2020 (17)
44
– En 2000, des situations de déficit hydriques en eau sont rencontrées dans les bassins hydrauliques de la
Moulouya (10 %), de la zone du Bouregreg (8 %),du Souss-Massa (3 %) et de la zone sud de l’Atlas
(20 %) ;
– La situation pourrait être plus critique pour les bassins du Souss et du Tensift si le déficit enregistré au
niveau de ces bassins versants n’était pas atténué par une surexploitation des nappes du Souss-Massa
et du Haouz ;
– Le nombre de bassins versants déficitaires s’élargira à l’horizon 2020 pour atteindre six sur huit bassins,
seuls les bassins du Sebou et du Loukkos-Tangérois continueront à être excédentaires. Il est à noter que
durant les périodes de sécheresses généralisées, 1980-1985 et 1990-1995 le bilan hydrique était défici-
taire dans pratiquement tous les bassins versants du pays.
– Plusieurs nappes phréatiques ont été surexploitées durant ces deux dernières décennies en particulier
celles du Souss, du Haouz, de la zone littorale Rabat-Safi, de Saiss... La baisse du niveau d’eau dans ces
nappes a été continue depuis les années 70 et a atteint des niveaux critiques en 2001 (figure 18). Le pro-
blème de la salinisation des eaux souterraines, par intrusion marine, s’est déjà posé dans la zone côtière
d’El Oualidia.
Ainsi, l’évolution socio-économique rapide associée à la limitation des apports en eau par précipitation qu’a
connu le Maroc durant ces dernières décennies ont engendré (i) une forte pression sur les ressources en eau
liée à l’accroissement des besoins en eau des secteurs usagers, (ii) l’apparition de grandes disparités régio-
nales, et (iii) des problèmes aigus de pollution de l’eau (14). Il en a résulté une forte instabilité du bilan offre-
demande qui a déclenché une certaine compétition pour l’eau parmi les usagers en particulier entre l’eau
potable et l’agriculture.
Le cas extrême de distorsions entre les besoins des villes et les ressources disponibles a été enregistré à
Tanger durant la période 1991-1993 avec pour conséquences l’affectation de quartiers entiers et d’une bonne
partie de la population de la ville par cette insuffisance de la ressource (24).
45
4. Planification et gestion durable des ressources en eau
Depuis l’indépendance jusqu’aux années 70 la planification de l’eau a été faite au Maroc de façon secto-
rielle ou par projet (14). Durant les années 80, est apparu le besoin d’avoir une planification au niveau de la
gestion de l’eau. En effet la rareté de l’eau et l’apparition d’une compétition au niveau de son utilisation ont
rendu impératif la mise en place d’une planification intégrée prenant en compte les ressources et besoins en
eau, les relations entre le développement et la préservation du secteur eau et le développement socio-
économique (14).
Cette planification de la gestion de l’eau a permis au Maroc d’accomplir, durant ces dernières décennies,
les objectifs suivants (14) :
– Généralisation de l’accès à l’eau potable des populations urbaines en 2000 et rurales en 2010 ;
– Irrigation d’un million d’hectares en 2000 et de l’ensemble du potentiel des terres irrigables en 2020 ;
– Veiller à garder une adéquation entre les besoins et les ressources disponibles ;
– Permettre un accès équilibré à l’eau de toutes les régions du royaume ;
– Adoption de dispositions administratives, législatives et économiques permettant une gestion efficace
et durable des ressources en eau.
Ce processus de planification a été conduit avec l’établissement de plans directeurs à l’échelle d’un ou plu-
sieurs bassins versants avec pour horizon de planification 2020. Ces plans régionaux ont été élaborés et mis
en œuvre progressivement. Ce sont là des étapes importantes dans la perspective de l’établissement d’un
plan national de l’eau. Ce Plan a pour objet l’intégration des différents plans régionaux en vue de définir une
vision dynamique de la gestion intégrée des ressources en eau à long terme s’articulant autour des deux
axes suivants :
– l’élaboration d’une stratégie nationale basée sur la consolidation des processus mis en œuvre par la loi
10-95 sur l’eau (cf. chapitre 4.2.1 de la loi) ;
– la formulation et l’adoption de plans d’actions précis et des programmes d’investissement correspon-
dants.
La planification nationale de la gestion des ressources en eau vise à mettre en cohérence les options
majeurs de l’ensemble des secteurs connexes dont notamment l’eau potable, l’agriculture, l’assainissement
et l’épuration des eaux usées industrielles et domestiques.
46
4.2. Cadre législatif, juridique et institutionnel
Dans le cadre de la refonte de la législation nationale dans le domaine de l’eau et pour la compléter par des
dispositions relatives à des domaines qu’elle ne couvrait pas auparavant et à épurer le régime juridique des
ressources en eau, il a été procédé à son unification en une seule loi sur l’eau adoptée par la chambre des
représentants le 15 juillet 1995. La loi sur l’eau constitue aujourd’hui la base légale de la politique de l’eau au
Royaume. Elle repose sur un certain nombre de principes qui découlent de plusieurs objectifs à savoir :
– la mise au point d’une planification de l’aménagement et de la répartition des ressources en eau basée
sur une large concertation entre les usagers et les pouvoirs publics ;
– la protection de la santé de l’homme par la réglementation de l’exploitation, de la distribution et de la
vente des eaux à usage alimentaire ;
– la réglementation des activités susceptibles de polluer les ressources en eau : notamment, la prévision
des sanctions et la création d’une police des eaux pour réprimer toute exploitation illicite de l’eau ou tout
acte susceptible d’altérer sa qualité, l’introduction des principes « préleveur-payeur » et « pollueur-
payeur » ;
– la répartition rationnelle des ressources en eau en période de sécheresse pour atténuer les effets de la
pénurie ;
– la recherche d’une plus grande valorisation agricole de l’eau grâce à l’amélioration des conditions d’amé-
nagement et d’utilisation des eaux à usage agricole.
Cette loi a introduit la notion de gestion participative, concertée et décentralisée de l’eau à travers le
Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat (CSEC), la création des agences de bassin et le développement de la
contractualisation.
Il faut toutefois reconnaître que l’application des termes de cette loi connaît encore des difficultés cer-
taines dues principalement :
– À la multiplicité des intervenants dans le domaine de l’eau et à la nouveauté du rôle attribué par la loi aux
agences de bassins au niveau local : Il y a encore un manque d’appropriation des éléments de base de
cette loi par les usagers et les acteurs locaux du secteur de l’eau ;
– Aux niveaux très limités à ce jour des budgets dont les agences de bassin disposent pour assumer leurs
missions, les redevances liées à la pollution de l’eau ne sont pas encore mises en application et celles
liées aux prélèvements d’eau sont limitées. Ainsi les agences restent très liées à l’administration cen-
trale et donc peu en mesure de jouer leur rôle régional de façon autonome et dans le cadre d’une
concertation locale tel que cela est prévu par la loi.
En réalité, l’impression qui se dégage est qu’au niveau de la mise en œuvre de cette loi, l’administration
rencontre des réticences et freins qui l’obligent – au moins dans cette phase initiale du processus – à en limi-
ter l’esprit de reforme. Un esprit basé sur de nouveaux modes de gestion des ressources, plus transparents,
plus performants autour des principes de proximité, d’intégration et d’implication des agents économiques et
usagers de l’eau. (21)
47
4.2.2. Instruments économiques et financiers
Les plans successifs de développement économique et social mis en œuvre au Maroc depuis l’indépen-
dance ont accordé une grande priorité au secteur de l’eau. Cela a donné des résultats significatifs. Toutefois,
les investissements mobilisés pour le secteur de l’hydraulique sont sans mesure avec les possibilités du bud-
get de l’État : 50 % les années 70, 30 % les années 80 et 20 % actuellement. La problématique du recouvre-
ment du coût de l’eau brute, de la tarification des services de l’eau (eau potable, irrigation, énergie) et la
contribution respective de l’État et des usagers se trouve alors posée avec grande acuité.
Eau potable
Dès les années 90, des actions tarifaires ont été menées dans l’ensemble du pays en matière d’eau
potable et ce avec pour objectifs de :
– Permettre l’accès à l’eau potable des populations des couches sociales à revenus limités ;
– Réaliser des économies d’eau en pénalisant les fortes consommations ;
– Permettre aux organismes en charge de l’eau potable de disposer des ressources pour investir et déve-
lopper le secteur.
Le système de tarification adopté est basé sur des tarifs de vente de l’eau progressifs (14) :
– La première tranche est facturée à un tarif correspondant à moins que le prix de revient ;
– La deuxième tranche est facturée au prix de revient ;
– La troisième tranche est surestimée. Elle permet de compenser les pertes liées à la première tranche.
Avec ce système de tarification par tranches on a vu la croissance de la demande en eau potable ralentir.
Ainsi le taux de croissance annuel de la demande en eau potable et industrielle a baissé de 7 % en 1983 à
prés de 5 % actuellement. La consommation par abonné qui était de 440 m3/an en 1982 a baissé vers 360
m3/an durant les années 90 (23).
Irrigation
Ces dernières années, une action au niveau de la tarification de l’eau d’irrigation a été lancée. Dans les 7
ORMVA pratiquant la tarification de l’eau d’irrigation (Moulouya, Loukkos, Gharb, Doukkala, Tadla, Haouz, et
Souss-Massa) un plan de réajustement des redevances d’eau a été adopté en 1997. Ce plan visait à promou-
voir un usage efficient, économe et productif de l’eau d’irrigation ; le réajustement tarifaire est basé sur les
principes suivants (35) :
– la couverture progressive des coûts récurrents du service de l’eau ;
– la prise en compte de la capacité de paiement des exploitations agricoles dans la fixation des tarifs
objectifs à appliquer ;
– le plafonnement de l’augmentation annuelle des tarifs de l’eau à des niveaux compatibles avec les possi-
bilités d’ajustement des exploitations agricoles, en terme de gain de productivité et d’économie d’eau.
La mise en œuvre de ce plan de rattrapage a été entamée en 1997 et devait se poursuivre jusqu’ en 2003
pour les périmètres d’irrigation fortement déficitaires. Trois tranches de rattrapage tarifaire ont été effective-
ment mises en œuvre depuis la campagne 1997-98 ; les augmentations de tarifs ainsi appliquées ont varié de
10 % à 37 % en fonction du contexte de chaque périmètre d’irrigation.
48
Des résultats encourageants commencent à être enregistrés dans ce domaine dans bon nombre de péri-
mètres irrigués.
La loi 10-95 sur l’eau, a déjà intégré en partie ces préoccupations et introduit la mise en place de rede-
vances liées aux principes « préleveur-payeur » et « pollueur-payeur » : Ces redevances seront utilisées pour
financer les actions d’inventaire, d’évaluation, de planification, de mobilisation, de gestion de l’eau, ainsi que
l’entretien courant des ouvrages hydrauliques. Cela tarde à être concrétisé et restera malgré tout insuffisant !
Globalement, le recouvrement du coût de l’eau reste faible par rapport à l’importance de développement
des ressources en eau et de leur protection
49
On voit ainsi la multitude d’intervenants dans le secteur de l’eau. Ceci donne à la gestion de ce domaine
une inertie et une complexité considérables. Deux composantes de cette organisation devraient logiquement
atténuer les difficultés inhérentes à cette diversité d’acteurs dont les missions parfois s’entremêlent :
– Le conseil supérieur de l’eau et du climat qui définit les éléments stratégiques de la politique nationale
en matière d’eau ;
– Les agences de bassin au niveau de la gestion concrète des ressources en eau : leur conseil d’adminis-
tration associe tous ces opérateurs ce qui devrait donner à leur action régionale une visibilité réelle.
Mais, cet aspect a du mal à s’imposer à ce jour.
Les analyses faites tant au niveau international que national indiquent que le climat planétaire est entré
dans une phase de son histoire liée aux gaz à effet de serre cumulés dans l’atmosphère et au réchauffement
planétaire qui en résulte. Les perspectives du climat de notre région pour les 25 prochaines années devraient
dépendre de cette évolution planétaire.
Les modèles climatiques globaux élaborés pour prédire l’avenir climatique de la planète lié aux change-
ments climatiques attendus ; même s’ils ne sont pas assez précis à l’échelle d’un pays ; convergent pour esti-
mer un réchauffement probable de notre région de l’ordre de 2o a 4o durant le XXIe siècle avec en particulier de
0.6o C à 1.1 o C de réchauffement entre 2000 et 2020 selon des études réalisées pour le Maroc en 2001 et
dont les résultats ont été présentés dans la communication nationale initiale du Maroc à la convention cadre
des nations unies sur les changements climatiques (2),(3).
Ces mêmes études ont donné des indications sur le devenir des précipitations au niveau du Royaume en
relation avec ces changements climatiques. La tendance serait à une réduction des précipitations estimée
autour de 4 % antre 2000 et 2020 (2),(3).
Ces changements climatiques auraient également un impact sur la fréquence et la distribution des phéno-
mènes climatiques extrêmes notamment ceux liés au cycle hydrologique :
– Une augmentation de la fréquence et de l’intensité des orages dans le nord ;
– Une augmentation de la fréquence et l’intensité des sécheresses dans le sud et à l’est du pays ;
– Un dérèglement du signal saisonnier des précipitations (moins de jours de pluies et une pluie moins per-
sistante l’hiver) ;
– Une diminution de l’enneigement.
Cette évolution probable du climat de la région avec 1o C de réchauffement et 4 % de réduction des préci-
pitations entre 2000 et 2020 aurait, si elle se produisait, un impact énorme et significatif sur le cycle de l’eau
et aussi sur la demande en eau dans notre pays.
– Le potentiel en eau du Maroc risque de diminuer en relation avec l’augmentation prévue des tempéra-
50
tures. On estime l’évaporation des eaux précipitées à plus de 80 % ce qui explique que sur les 150 mil-
liards de m3 précipitées par an, le potentiel restant est évalué à 29 milliards. Avec des températures plus
élevées on pourrait avoir une évaporation plus élevée et donc moins de potentiel en eau renouvelable.
– La demande en eau risque, avec des températures plus élevées, de croître notamment en agriculture
irriguée. En effet l’efficacité d’utilisation de l’eau en irrigation sera moindre par exemple. Cet aspect
serait d’autant plus important que plus de 80 % des ressources en eau mobilisées sont utilisées en agri-
culture irriguée.
Une étude, réalisée en 2001 (3), est venue confirmer une baisse moyenne à envisager au Maroc pour 2020
par rapport à 2000 des débits des eaux superficielles et souterraines. La baisse a été estimée de l’ordre de
10 à 15 %; ces chiffres sont du même ordre de grandeur que ceux avancés pour deux pays limitrophes,
l’Espagne et l’Algérie.Tenant compte de cette hypothèse, c’est tout le cycle de l’eau qui risque de changer
de façon significative. Le potentiel en eau renouvelable ne serait plus en 2020 de 29 milliards de m3 mais plu-
tôt de 25.5 milliards. Au niveau des eaux mobilisables on aurait plutôt 17 milliards de m3 au lieu des 20 mil-
liards considérés actuellement (13.6 pour les eaux de surface et 3.4 pour les eaux souterraines) (figure 19).
Par ailleurs, le dérèglement des précipitations saisonnières, prévu avec ces changements climatiques, pourrait
entraîner un dérèglement des apports par ruissellements et diminuer la capacité annuelle réelle de mobilisation
des ouvrages hydrauliques actuels. Si avec le même apport en précipitations, celles-ci surviennent comme le pré-
voient certains modèles durant une courte période de l’année (un à deux mois), la capacité actuelle des barrages
risque d’être insuffisante. Le potentiel pouvant être réellement mobilisé risque alors de chuter.
51
Au niveau de la qualité des eaux, les trois principaux problèmes posés liés à la pollution organique et par
métaux lourds des eaux, la salinisation des eaux et l’envasement des retenues risquent de prendre une
dimension plus importante dans notre pays en cas de changement climatique :
– Avec des températures de l’air plus élevées, les oueds premiers réceptacles de divers polluants dans la
région verraient la température de leurs eaux augmenter et ainsi leur potentiel en oxygène diminuer (16).
Ces oueds auraient ainsi une capacité d’auto-épuration affaiblie. Par ailleurs, la diminution attendue des
ruissellements rendra plus faible la dilution des polluants rejetés, l’impact sur la qualité de la ressource
en sera accentué ;
– Avec le réchauffement et l’augmentation de l’évaporation, la salinité des eaux des nappes superficielles
augmenterait. Cette salinisation des eaux serait favorisée, d’une part, par la pression forte sur les
nappes due à l’augmentation envisagée de la demande en eau, d’autre part, par l’augmentation prévue
du niveau des mers et l’intrusion des eaux marines pouvant en résulter ;
– L’assèchement des sols pouvant résulter d’un réchauffement climatique avec de longs épisodes de
sécheresses et de fortes inondations pourrait induire une plus grande exposition des sols de la région à
l’érosion. Il en résulterait une augmentation de la pollution solide et de l’envasement des retenues.
En 2020 le capital en eau serait de l’ordre de 720 m3/habitant /an et en cas de changement du climat de la
région conformément aux prévisions, il serait même plutôt de 680m3/hab/an : proche du seuil dit de pénurie
de l’eau (500 m3/habitant /an). (figure 15).
Les estimations faites par la direction générale de l’hydraulique concernant les besoins en eau en 2020
sont de 15.4 milliards de m3. Ces estimations ne prennent pas en compte les possibilités de réchauffement
de la région durant ces 20 années et l’accroissement des besoins en eau qui en résulterait surtout en agri-
culture. Une augmentation de ces besoins de 10 % (ce qui n’est pas énorme !) pour tenir compte de cet
aspect amènerait les besoins vers les 17 milliards de m3.
On serait ainsi en 2020 avec 17 milliards de m3 mobilisables – estimation faite tenant compte du change-
ment prévu du climat de la région – et 17 milliards de m3 de besoins en eau. Cette situation, déjà critique,
reste tributaire de la continuité de l’effort supplémentaire de mobilisation des 2.6 milliards de m3 d’eaux de
surface et des 0.9 milliards de m3 d’eaux souterraines qui restent et qui nécessitent la construction de plu-
sieurs grands barrages et petits barrages et le forage de milliers de puits entre 2000 et 2020.
Il y a donc une convergence entre l’approche capital en eau, et une estimation plus détaillée pour affirmer
que 2020, 2025 seraient des années où les besoins en eau au Maroc dépasseraient le potentiel en eaux
mobilisables : le Maroc entamerait alors une autre étape de son histoire dans un contexte de pénurie
d’eau.
Notons que les hypothèses considérées ici n’ont en rien exagéré la situation probable en 2025. En effet, et
à titre d’exemple, la dégradation de la qualité des ressources en eau et la diminution qui en résulterait au
niveau du potentiel réel en eau mobilisé pouvant être utilisé par les usagers n’ont pas été prises en considé-
ration.
De plus, il a été démontré qu’en 2020 six bassins hydrauliques sur les huit bassins existants seraient défi-
citaires. 35 % des populations du pays disposeraient de moins de 500 m3/hab/an et connaîtraient donc une
pénurie critique de l’eau (27).
Ainsi le secteur de l’eau, élément central de la politique du développement économique et social du
Royaume du Maroc, connaît différentes faiblesses, qui, même sans changement climatique handicaperaient
52
l’évolution socio-économique des décennies à venir : rareté et insuffisances de la ressource par rapport à la
demande ; mauvaise répartition spatio-temporelle de ces ressources ; dégradation de la qualité en relation
avec l’érosion ; la pollution et la salinisation. Le changement climatique prévu et ses conséquences pourrait
accentuer ces faiblesses et rendre le pays dans une situation critique si une stratégie d’adaptation au nou-
veau contexte climatique et socio-économique n’est pas tracée et mise en œuvre.
L’évolution probable du secteur de l’eau, à l’horizon 2025, évaluée ci-dessus, même si elle intègre de gran-
des incertitudes en particulier celles liées à l’évolution possible du climat, pose le problème de l’eau au
Maroc à cette échéance et le besoin de définir des choix stratégiques structurels pour y faire face.
Pour relever ce défi, une stratégie nationale de l’eau s’impose pour les années à venir et ce dans la conti-
nuité de la réforme du secteur de l’eau engagée en 2002 (26). Cette stratégie doit viser l’adaptation de la poli-
tique nationale de développement au nouveau contexte hydrique et socio-économique prévu. Elle pourrait
s’articuler autour des axes suivants :
53
des pertes dues à la dégradation de la santé des citoyens liée à l’utilisation des eaux usées sans traite-
ment, la différence entre ces deux coûts serait encore plus faible. La ressource en eau usée sera cer-
tainement largement compétitive les années à venir
Il faudra veiller à planifier et réaliser des transferts d’eau entre bassins (excédentaire vers déficitaire) pour
équilibrer la situation hydrique du pays.
– Arriver à épurer le plus tôt possible l’ensemble des rejets liquides et solides avant émission dans les
milieux récepteurs : faire appliquer les termes de la loi de l’eau concernant cet aspect ;
– Dépolluer les eaux de surface et souterraines, avec une priorité à donner aux bassins du Sebou et d’
Oum Er Rbia. Il s’agit là de la première priorité de la stratégie nationale de l’environnement. Faire appli-
quer les principes de base de la loi de l’eau « Pollueur-Payeur » et « Préleveur-Payeur » ;
– Instaurer et promouvoir des mécanismes permettant de développer la prévention de la pollution indus-
trielle et agricole en adoptant plus les technologies dites « propres » ;
– Renforcer l’intégration du développement des ressources en eau et de l’aménagement des bassins ver-
sants pour limiter la problématique de l’érosion et ses conséquences ;
– Développer un observatoire de suivi et contrôle des processus de salinisation des eaux sous irrigation et
définir une stratégie adaptée à chaque situation pour atténuer ces phénomènes.
– Renforcer et généraliser aux différents usagers les actions de sensibilisation et vulgarisation, de tarifica-
tion, déjà initiées, en vue de juguler la croissance de la demande en eau ;
– Développer des études économiques permettant de définir les choix prioritaires à faire dans le domaine
de l’agriculture prenant en compte la situation véritable des ressources hydriques du pays et leurs pers-
pectives à moyen terme. Les choix agricoles et les méthodes et techniques d’usage de l’eau dans ce
secteur doivent être appropriés :
R Développer davantage et généraliser les programmes visant à maîtriser la demande en eau agricole en
adoptant des techniques d’irrigation économes en eau (aspersion, irrigation localisée ...) ;
R Adapter les types de cultures au contexte climatique et hydrique tenant compte des vocations agri-
coles des sols et de la demande du marché.
– Développer des mécanismes d’incitations financières et douanières visant à promouvoir les tech-
nologies d’économies d’eau particulièrement celles faisant appel aux énergies renouvelables ;
– Appuyer et renforcer la mise en œuvre effective d’une gestion des eaux décentralisée au niveau des
bassins versants, participative, concertée, impliquant mieux les différents usagers dans les décisions
relatives à l’usage de l’eau ;
– Renforcer et développer les programmes d’amélioration de l’efficience des réseaux de distribution aussi
bien de l’eau potable que des systèmes d’irrigation.
54
5.3.6. Mise en place d’une organisation structurelle pour faire face aux événements
extrêmes liés à l’eau
– Renforcer les capacités techniques, technologiques et humaines dans le domaine de l’eau pour pouvoir
faire face aux défis plus durs pouvant résulter du manque d’eau dans certaines régions du pays ;
– Encourager des programmes de recherche appliquée dans tous les domaines d’usage de l’eau afin de
disposer des solutions prospectives aux problèmes actuels et futurs liés aux effets des changements cli-
matiques éventuels, la gestion de la demande en eau, l’économie d’usage de l’eau...
– Consolider, optimiser et intégrer les réseaux de mesures hydro climatiques du pays pour en faire un
observatoire continu de l’évolution du climat et de l’eau dans toutes les régions hydrauliques ;
– Élaborer un programme d’urgence contre les événements extrêmes du type inondations, sécheresses
extrêmes. Ce programme doit définir les différents volets et acteurs ainsi que les étapes de lancement
du programme.
6. Conclusion et perspectives
Une politique forte et soutenue a été menée dans le domaine de l’eau depuis l’indépendance. Cette poli-
tique a permis de réaliser des objectifs importants et stratégiques tant au niveau de l’eau potable que de
l’agriculture.
Cette politique a toutefois enregistré des retards au niveau de l’approvisionnement en eau potable en
milieu rural, de l’équipement de périmètres irrigués, de l’aménagement des bassins versants et de la protec-
tion et la préservation des ressources des différentes formes de pollution.
Ces retards associés à l’augmentation de plus en plus élevée de la demande en eau et à l’évolution clima-
tique que connaît la région méditerranéenne ces dernières décennies – avec des températures plus élevées,
moins de précipitations et des sécheresses plus fréquentes et plus étalées – risquent de compromettre le
développement socio-économique du Royaume à moyen et long termes si une nouvelle stratégie de l’eau
n’est pas tracée et traduite par des plans d’action précis, réalisables et dont les résultas seraient mesurables.
C’est dans ce sens qu’une première reforme au niveau des modes de gestion de l’eau optant pour une pla-
nification intégrée, décentralisée et participative a été lancée au courant des années 90 et confirmée en
2002. La mise en application de ces reformes se trouve confrontée à des difficultés qu’il est nécessaire de
vaincre.
Dans la perspective de préparer le Maroc de l’après 2025, période durant laquelle le pays sera en situation
de pénurie d’eau et l’ensemble des ressources en eaux conventionnelles mobilisables seraient déjà mobili-
sées, une nouvelle vision prospective du secteur de l’eau s’impose et devrait servir de base pour ali-
menter les reformes nécessaires de ce secteur.
Outre la poursuite des efforts entamés pour arriver à la mobilisation totale des ressources mobilisables et à
le généralisation de l’accès à l’eau potable vers 2020, la vision 2025 du secteur eau pourrait s’articuler
autour des axes suivants :
55
6.1. Limitation et optimisation de la demande en eau
– Orienter dés à présent les choix de développement économiques tant au niveau national qu’au niveau
des régions vers des secteurs peu consommateurs d’eau : Éviter toute agriculture dont le rendement
serait trop faible avec une eau dont le coût risque de croître fortement ; aller vers des activités agricoles
peu consommatrices d’eau, s’orienter vers le tourisme avec comme facteur limitant connu l’eau ... Il
sera utile de réaliser des études économiques permettant de prendre en compte le véritable coût de
l’eau en vue d’évaluer réellement les secteurs ou l’handicap eau n’est pas pénalisant ;
– Promouvoir les technologies permettant l’économie dans l’utilisation de l’eau en particulier en agri-
culture. Des incitations financières importantes et encourageantes s’imposent dans ce sens ;
– Aller de plus en plus vers un prix de l’eau réel et transparent que le citoyen, le secteur privé devra assu-
mer pour appuyer la politique de l’état en la matière ;
– Renforcer les capacités nationales en matière d’économie d’eaux : aux niveaux institutionnel, régle-
mentaire et humain (de l’expert à l’agriculteur et au citoyen consommateur de l’eau potable).
– Veiller à épurer toutes les eaux usées avant rejet dans le milieu récepteur : l’un des outils pour atteindre
cet objectif pourrait être la loi sur l’eau si elle est appliquée correctement avec son principe « pollueur-
payeur » ;
– Lancer des programmes intégrés de dépollution de certains bassins versants stratégiques comme le
Sebou et Oum Er Rbia.
– Définir des à présent une politique nationale intégrée eau-énergie pour pouvoir aller vers le dessalement
des eaux de mer de façon organisée et planifiée : les Énergies Renouvelables devraient trouver leur
place dans cette dynamique. L’expérience de la station de Tan Tan où l’éolien est utilisé comme source
d’énergie est à renforcer ;
– Réaliser et renforcer les projets actuels de dessalement et de déminéralisation des eaux de mer pour
permettre une acquisition progressive de la technologie et préparer les champs d’eaux des décennies
2030 et 2040.
– Disposer d’une meilleure et plus précise évaluation de notre potentiel en eaux de surface et souterraine
et de la partie mobilisable de ces ressources devient impératif (cycle de l’eau). Notre planification de la
politique de l’eau à moyen terme est conditionnée par cette connaissance ;
– Renforcer les réseaux météorologiques, hydrologiques, hydrogéologiques et du suivi de la qualité des
56
eaux pour consolider notre connaissance de ce potentiel eau, son évolution et en atténuer les impacts
négatifs ;
– Renforcer la capacité de l’expertise nationale dans le domaine de l’eau pour lui permettre d’accompa-
gner le Royaume dans les nouvelles étapes attendues avec un intérêt particulier pour l’optimisation de la
demande en eau, l’économie d’usage de l’eau et le dessalement des eaux de mer ;
– Mettre en place une banque de données relatives à l’eau, transparente et accessible pour permettre une
plus grande activité scientifique et technique et inciter des programmes finalisés de recherche autour de
l’eau.
Ainsi et pour aller dans le sens de cette vision eau 2025 la stratégie nationale de l’eau devrait, dés à
présent, intégrer le facteur Énergie parmi les autres éléments stratégiques de cette vision ; un rap-
prochement entre les politiques des deux secteurs eau-énergie s’impose pour réussir le pari de déve-
loppement durable du Maroc de 2025 !
Références
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PNUD-FEM RAB94G31 : Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’envi-
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ments Climatiques », Ministère de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’envi-
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(20) « Bienfaits des barrages et développement économique et social au Maroc » – ZITOUNI. B – Académie
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(21) « Une bonne lecture de la loi de l’eau pour une véritable gestion de la ressource » BALAFERJ. R – Aca-
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(22) (« Données relatives au secteur de l’eau » 2004) Communication de la part du secrétariat d’état chargé
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58
L’ÉNERGIE : développement énergétique
au Maroc depuis 1955, perspectives 2025
Introduction .............................................................................................................. 61
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A. MOUNIR DEBBARH
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L’énergie est au cœur de tous les progrès et développements qu’a connus l’humanité depuis l’invention de
la roue, la navigation à voile et plus proche de nous, les révolutions industrielles du charbon puis du pétrole et
de l’électricité qui ont, sans conteste, modelé la civilisation du XXe siècle où l’urbanisation, les transports
rapides, les télécommunications audio-visuelles, les avancées scientifiques et technologiques, constituent
les piliers du formidable essor des échanges et de la richesse des nations.
Cependant, si le monde n’a jamais été globalement aussi opulent, il demeure marqué par des gaspillages
et des disparités qui consacrent sa division en deux blocs, composés, d’un côté, par des pays industrialisés,
démographiquement minoritaires, mais développés et riches, et de l’autre côté, par les pays du tiers-monde,
sous développés et pauvres. À partir des années 50, avec les luttes pour l’indépendance, et depuis les
années 70, avec les travaux du Club de Rome, une prise de conscience universelle s’est opérée sur la néces-
sité, d’une part, de réduire les inégalités entre le Nord et le Sud, et d’autre part, d’assurer un développement
durable centré sur l’homme et respectueux des équilibres écologiques et environnementaux de la planète
qui, autrement, courrait vers une impasse grave la conduisant à sa perte.
Cet exposé tente d’abord d’examiner les efforts déployés par le Maroc, depuis son indépendance, pour
satisfaire ses besoins en énergie afin d’assurer son développement économique et social avant d’analyser la
politique énergétique mise en place pour répondre à la demande énergétique présente et future d’ici l’hori-
zon 2025.
Dans ce but, Il a semblé judicieux de partir de la situation d’aujourd’hui, fruit de l’évolution passée et illus-
tration de la problématique énergétique du Maroc et de la prendre comme base de référence pour dégager
les perspectives énergétiques pour le premier quart du XXIe siècle.
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1. Problématique énergétique du Maroc
Le Maroc doit relever de nombreux défis dont la forte contrainte énergétique à laquelle il est soumis et
qu’il est nécessaire desserrer pour dégager une meilleure perspective à son essor économique et social.
La problématique énergétique est illustrée par la situation énergétique marocaine, caractérisée actuelle-
ment par les traits suivants :
Les réserves prouvées restantes récupérables de 1550 Kilo Tonnes Équivalent Pétrole (KTep = 1000 Tep)
répartis en :
– Gaz naturel : 1250 KTEP ou 1,4 Milliards de m3
– Condensat : 300 KTEP
– Charbon : épuisé avec le gisement de Jerrada
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1.2.2. La recomposition de sa structure
Avec :
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1.3. Une balance énergétique structurellement déficitaire
Avec des ressources nationales réduites dont la production est très insuffisante pour couvrir sa consom-
mation croissante en diverses énergies, le Maroc importe aujourd’hui la quasi totalité de ses besoins en
pétrole brut et en charbon, la majeure partie des GPL, butane surtout, un appoint en quelques autres produits
pétroliers, comme le gas-oil, et une partie de son électricité qui peut se révéler importante dans les années
de mauvaise pluviométrie.
Cette dépendance de l’extérieur s’est aggravée au cours du temps, entraînée par une détérioration
constante du déficit énergétique qui d’environ 73 % en 1970 grimpe à 83 % en 1980 pour se situer actuel-
lement à 96-97 % en fonction de la pluviométrie. Ceci reflète la diminution de la contribution des res-
sources nationales à la satisfaction de la consommation croissante en énergie, qui passe de 30 % en 1970 à
17 % en 1980 pour chuter à moins de 5 % actuellement avec l’épuisement des gisements charbonnier et
pétrolier et la modestie relative de la production hydroélectrique.
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Tableau 2 : Évolution de la production et de la consommation du charbon
Charbon local Consommation de charbon P/C en %
1955 467 000 500 000 93
1965 636 000 546 400 116
1970 657 000 537 000 122
1980 628 600 662 500 95
1990 518 000 1 987 500 26
2000 28 570 4 584 000 0.6
2003 0 6 141 000 0.0
Les interconnections avec les réseaux électriques de l’Algérie et, plus récemment, de l’Espagne per-
mettent au Maroc de compenser la variabilité incontrôlable de la production hydroélectrique et de réguler son
offre électrique pour mieux répondre à la demande tout en profitant des échanges avantageux que ces liai-
sons permettent.
Le creusement du déficit de la balance énergétique, faute de ressources nationales adéquates pour faire
face à la croissance de la demande, entraîne des importations de plus en plus importantes, notamment en
produits pétroliers et en charbon, alourdissant d’autant la facture énergétique..
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en 1951 à 1500 KT aujourd’hui, et celle de la SAMIR à Mohammadia, en service depuis 1962, qui, conçue au
départ pour traiter annuellement 1250 KT de brut, en met en œuvre actuellement plus de 7000 KT.
En 1955, Le Maroc consommait 670000 T de produits pétroliers finis satisfaits à hauteur de 14 % par la raf-
finerie de Sidi Kacem (92000 T) à partir du brut national et à 86 % par des importations (578000 T). Dix ans
plus tard, en 1965, la tendance s’est inversée pour se perpétuer jusqu’à nos jours, les importations crois-
santes de brut se substituant à celles des produits finis importés en quantités réduites, sauf pour le butane,
pour compléter la production des deux raffineries qui, par ailleurs, exportent leurs excédents, notamment le
naphta. Ce que montre le tableau suivant qui décrit l’évolution des importations de pétrole brut, la production
des raffineries et la consommation en produits pétroliers (en 1000 TEP) :
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1.4.4. facture énergétique alourdie
L’importance de la facture énergétique du Maroc non producteur de pétrole et où les produits pétroliers
sont dominants dans sa consommation énergétique, dépend essentiellement des cours du brut qu’il importe
en totalité.
Les bas prix du pétrole qui ont prévalu jusqu’en 1972 ont permis au Maroc de s’approvisionner en brut
sans grande pression sur ses finances extérieures. C’est ainsi que la facture pétrolière est passé de 64 à
114 millions de Dirhams (MM DH) entre 1963 et 1970 pour des volumes de brut importé respectivement de
865 KT et 1504 KT, le prix moyen pondéré sur la période s’établissant en Dirham courant à environ 75 DH/
tonne équivalent à 2 /baril. Les achats en produits énergétiques, rapportés aux importations et aux exporta-
tions totales du pays n’ont pas dépassé 7 % entre 1970 et 1973, et ont absorbé de 25 % à 33 % des
recettes d’exportations de phosphate.
Le premier choc pétrolier de 1973 se produit quand l’OPEP décide d’augmenter les prix du brut pour les
porter à 12 le baril, le quadruple du niveau moyen de 3 pratiqué jusqu’à lors. Le montant de la facture
pétrolière quadruple aussi en une année, passant de 257,5 MM DH en 1973 à 1067 MM DH en 1974, pour
désormais absorber une part croissante de nos exportations totales, bondissant de 6,8 % en 1973 à 14,3 %
en 1974 pour dépasser les 20 % en 1976 et se trouver à plus de 26 % en 1978. L’indexation éphémère des
prix à l’export des phosphates sur ceux du pétrole a permis entre 1974 et 1975 de couvrir la totalité de nos
achats en énergie avec un peu plus de 26 et 30 % de nos recettes de phosphates, mais cette tentative ayant
échoué, ce taux de couverture grimpe à 56 % dés 1976 pour atteindre 81,5 % en1978.
Le second choc pétrolier de 1979-1980 frappe de plein fouet le Maroc, quand les prix du brut flambent à
35-40 /baril au lendemain de la révolution iranienne et du déclenchement de la guerre Irak-Iran qui font
peser une menace de pénurie pétrolière. La facture énergétique va absorber 36,3 % de nos exportations
totales en 1979 équivalent à 112 % de nos recettes de phosphate exporté. Ces pourcentages montent à
41 % et 113 % respectivement en 1980 pour arriver à 50 % et 115 % en 1981 quand sa valeur va dépasser
les 6 Milliards de Dirhams et atteindre plus de 10 Md DH en 1985, soit respectivement 6 et 10 fois son mon-
tant de 1974 (1067 MM DH) qui avait déjà plus que doublé en 1979 (2770 MM DH). Entre 1980 et 1985 il a
fallu consacrer l’équivalent de 6 à 9 % de notre PIB à la facture pétrolière.
Le contre choc de 1986 dû à la pléthore d’offre pétrolière, suite principalement aux découvertes de la Mer
du Nord et à la politique de reconquête des parts de marché par les pays de l’OPEP. En février 1986, les
cours du brut chutent à 10 $/baril pour remonter et fluctuer entre 15 et 22 $ jusqu’au milieu de 1999, à
l’exception d’une flambée éphémère à 35 $ en août 1991, au moment de l’invasion du Koweit par l’Irak. Bien
que nos importations de pétrole et de charbon continuent à augmenter, cette détente durable du marché
pétrolier soulage considérablement notre facture énergétique qui va baisser à 4 % du PIB durant toute cette
période et absorber en moyenne 20 % de nos exportations totales, le prix CIF moyen étant de 17.75 $/baril.
La hausse des prix du brut reprend à la fin de1999 et semble inaugurer un cycle haussier durable des
cours du pétrole, si la reprise économique mondiale se confirme comme il est le cas aux USA et en Asie, et
surtout en Chine dont l’économie croît à plus de 7 % par an. Le prix CIF moyen du baril importé au Maroc
monte de 17 $ en 1999 à 27.25 en 2000, et nos importations énergétiques ont représenté 18 % des importa-
tions totales et ont été couverts par 28 % des exportations.
Les 2004-2005 connaissent une nouvelle flambée des prix du brut, dépassant le seuil historique de 70 $.
Des projections plus pessimistes envisagent le maintien de cette tendance haussière. La facture pétrolière
nationale a augmenté de ... % en 2004 et de ... % estimée pour 2005, soit ... MDhs
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1.5. Poids du secteur énergétique dans l’économie nationale
Le Maroc conscient de l’importance cruciale de l’énergie pour son développement économique et social a
depuis toujours déployé de grands efforts pour développer son potentiel énergétique. Malheureusement, les
résultats n’ont pas été jusqu’à maintenant à la hauteur de ses espérances, du moins dans les domaines
pétrolier et charbonnier. Cette partie de l’exposé va passer en revue l’évolution des moyens et des politiques
mis en œuvre pour développer le secteur énergétique marocain.
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de recherche pétrolière, le BRPM, entreprise publique créée en 1928 et la SCP à capitaux privés en 1929,
jusqu’à la relève du premier par l’ONAREP en 1981 et la fusion du second avec la SAMIR après leur privatisa-
tion en 1997 par cession au groupe saoudien, Coral.
Période 1957-1980
En 1958, avec la promulgation du premier code des hydrocarbures plus moderne, la relance de
l’exploration est immédiate aussi bien par les sociétés nationales que par la quinzaine de compagnies étran-
gères de différentes nationalités qui affluent au Maroc, parmi lesquelles on trouve Agip, Erap, Esso, Pétro-
fina-Apex, Preussag, Candel & Allen, SNPA, Tosco, Burmah et d’autres. La recherche s’élargit à de nouveaux
bassins terrestres, Tarfaya, Essaouira, Souss, Doukkala, Hauts Plateaux, et pour la première fois à l’offshore
au large de Tarfaya, Agadir, Essaouira, Larache.
Plus de 200 forages sont effectués dont 15 en offshore et le reste en onshore avec 110 dans le Gharb-
Prérif et 51 à Essaouira. En mer, seul Esso, après 8 forages au large de Tarfaya découvre au puits MO-2 une
petite accumulation de pétrole lourd inexploitable. À terre les découvertes sont mineures, les réserves
récupérables étant estimées pour le bassin d’Essaouira, à 910.000 tonnes d’huile à Sidi Ghalem et
800.000.000 m3 de gaz à Jeer et Kechoula pour la SCP, 200.000.000 m3 de gaz associé à 100.000 tonnes de
condensat à Toukimt pour le BRPM, et 700 millions de m3 de gaz notamment pour APEX dans le Gharb. Les
résultats demeurent très insuffisants comme au temps du protectorat.
Période 1981-2003
L’ONAREP est créé en novembre 1981 par transfert de l’activité pétrolière du BRPM pour redynamiser
la recherche pétrolière essoufflée par les déceptions passées. Cette décision intervient en plein deuxième
choc pétrolier dans un contexte favorable où les compagnies pétrolières internationales, devant des cours
pétroliers en hausse, entreprennent l’exploration pétrolière hors des pays OPEP et intensifient les
recherches sur la pyrolyse des schistes bitumineux de par le Monde.
De 1981 à 1985, l’ONAREP concentre ses efforts d’une part, sur l’appréciation et le développement rapide
de la découverte de Meskala faite par le BRPM en 1980 et dont les experts de la Banque Mondiale estiment
les réserves à des centaines de millions de TEP de gaz et de condensat, et d’autre part, sur l’accélération de
la mise en valeur des roches bitumineuses de Timahdite. Des moyens financiers importants sont engagés
dont deux prêts de 75 et 20 Millions US$ de la BIRD en plus des dotations budgétaires de l’État. Parallèle-
ment, il s’attèle à attirer les compagnies pétrolières internationales dans l’exploration au Maroc.
L’ONAREP réalise 10 forages à Meskala dont seulement 4 sont positifs avec des réserves récupérables
limitées à 1 Milliard de m3 de gaz associés à 200.000 Tonnes de condensat. Il continue par ses propres
moyens l’exploration dans d’autres bassins où 12770 Km de sismique sont acquis et 43 forages exécutés qui
aboutissent à des découvertes insignifiantes de moins de 50 millions m3 de gaz associé à 4500 de tonnes de
condensat dans la région d’Essaouira.
Plusieurs accords pétroliers sont signés avec des compagnies d’envergure mondiale, comme ARCO,
AMOCO, MOBIL, ESSO, ELF AQUITAINE, qui acquièrent 20 420 Km de lignes sismiques notamment dans
l’offshore (18010 Km) et forent sans résultat appréciable 20 puits dont 13 à terre et 7 en mer.
Au niveau des schistes bitumineux, l’usine pilote construite à Timahdite par ONAREP montre la non fiabi-
lité du procédé marocain de pyrolyseT3. Shell, après d’importants travaux et études technico-économiques
sur les schistes bitumineux de Tarfaya dont le potentiel est estimé à 4 milliards de tonnes de pétrole, conclut
à la non rentabilité du projet à moins de 40-50 $/baril et abandonne ses recherches après avoir dépensé quel-
que 20 Millions $.
De 1986 à 1996, les compagnies pétrolières durement affectées par la chute durable des prix du pétrole
69
quittent le Maroc où leurs travaux ont été vains. La promulgation en 1992 d’une nouvelle loi pétrolière plus
avantageuse produit très peu d’impact. L’ONAREP avec des ressources financières propres insignifiantes et
des dotations budgétaires très limitées consacrées au remboursement des prêts de la Banque Mondiale,
réduit drastiquement son activité d’exploration et procède à sa restructuration qui entraîne le départ volon-
taire indemnisé d’un millier de ses agents.
Peu de travaux sont entrepris, totalisant 23 forages dont 21 à terre et uniquement 2 en offshore. Quelques
petites découvertes sont cependant réalisées avec la SCP, 60 000 tonnes de pétrole à Sidi Ghalem et
400 Millions de m3 de gaz dans le Gharb qui en remédiant à la déplétion des gisements d’APEX permettent
de reprendre les livraisons à la CMCP arrêtées en 1991 faute de production suffisante. Malgré les espoirs
déçus, l’ONAREP maintient sa stratégie de promotion du potentiel pétrolier des bassins sédimentaires maro-
cains auprès de l’industrie pétrolière internationale.
À partir de 1997 avec une accélération depuis 2000, à la suite des amendements très incitatifs apportés
à la loi pétrolière d’avril 1992, les activités de recherche pétrolière au Maroc connaissent une relance sans
précédent, portée par une conjoncture internationale en général et pétrolière en particulier favorable, mar-
quée par le redressent des cours du brut et la reprise des investissements d’exploration des compagnies
pétrolières encouragées par leur succès en offshore et notamment en mer profonde où d’importantes
découvertes ont été réalisées dans les Golfes du Mexique et de Guinée, en Angola, au Brésil et en Nouvelle
Écosse. Le Maroc bénéficie de ce renouveau avec l’afflux de plusieurs sociétés pétrolières qui signent avec
L’ONAREP plusieurs accords portant notamment sur les zones maritimes profondes où les études prélimi-
naires montrent des similitudes et des analogies avec les régions précitées.
Actuellement, 17 sociétés pétrolières opèrent sur notre territoire aussi bien à terre qu’en mer, comprenant
des firmes de différentes tailles allant des majors comme Shell et Total, aux grands indépendants comme
Eni, Repsol, Kerr McGee, Maersk, les grandes sociétés nationales internationalisées comme Petronas et
Norsk Hydro jusqu’aux compagnies émergentes de moindre dimension mais très dynamiques comme
Vanco, Energy Africa, Maghreb Petroleum Exploration, Cabre et d’autres. Nos partenaires ont acquis plus de
60 000 Km de sismique 2D dont 95 % en mer où pour la première fois au Maroc de la sismique 3D a été tirée
couvrant plus de 11000 Km2.
Les résultats prometteurs de ces travaux qui ont permis d’identifier plusieurs prospects, ont encouragé
certains de nos associés à réaliser des forages offshore qui ont commencé en mai 2004. Le premier a été
achevé par Vanco en juin sur le permis Cap Draa Offshore et ses résultats vont être analysés et appréciés.
Deux autres sont en cours d’exécution par Shell sur les permis Rimella et Ras Tafelney. D’autres partenaires
s’apprêtent à effectuer ultérieurement d’autres forages dès qu’ils auront terminé l’interprétation de leurs tra-
vaux géologiques et géophysiques.
Auparavant, 7 forages terrestres ont été exécutés, aboutissant pour Cabre dans le Gharb à des décou-
vertes évaluées à environ 50 millions de m3 de gaz et pour l’ex Lone Star, devenu depuis MPE, à la mise à
jour d’accumulations de gaz et de pétrole à Talsinnt avec des réserves qui restent à prouver par des forages
d’appréciation pour en confirmer la consistance.
En résumé, les efforts déployés jusqu’à maintenant demeurent très insuffisants et les bassins sédi-
mentaires marocains sous explorés avec une densité de forage de moins de 4 forages par 1000 Km2 contre
une moyenne mondiale de 80 forages par 100 Km2. Ce qui explique les résultas modestes obtenus avec des
découvertes cumulées de moins de 3 Millions de tonnes d’huiles et 3,5 Milliards de m3 de gaz. De plus, les
recherches, concentrées sur des zones limitées et des objectifs géologiques superficiels, ont été menées
avec des moyens techniques inadéquats pour les approfondir et prospecter plus avant les formations plus
prometteuses du Trias, du Jurassique, du crétacé et du Paléozoïque. Dans l’offshore atlantique dont les bas-
sins sédimentaires couvrent plus de 350 000 km2, seulement 30 forages ont été exécutés en eau peu pro-
70
fonde et concentrés sur la zone Agadir-Tarfaya avec un certain nombre arrêté sur instrumentation. En
Méditerranée, seuls deux forages ont été effectués au large de Nador.
Il faut espérer que les hautes technologies utilisées actuellement, sismique 3D, modélisation des bassins,
observations et cartographies par satellites, vont permettre de mettre en valeur nos richesses réelles en
hydrocarbures.
2.1.2. Le charbon
Avec les mêmes motivations que pour le pétrole, le protectorat cherche à développer l’activité charbon-
nière au Maroc pour approvisionner, d’une part, la métropole qui ne dispose pas de grandes réserves houil-
lères comme l’Angleterre ou l’Allemagne, et d’autre part, le développement industriel impulsé par les
sociétés françaises installées au Maroc.
Le BRPM créé en décembre 1929, avait aussi pour objectif de développer le gisement d’anthracite décou-
vert en 1927 à Jerrada. En décembre 1946 il participe à la constitution de la société Charbonnages Nord-
Africains, dotée d’importants moyens financiers pour équiper et exploiter à grande échelle la mine.
Après l’indépendance, à part Jerrada, qui est d’ailleurs exploitée jusqu’en 1970 à moins de 500.000
tonnes, alors qu’équipée depuis 1953 pour une capacité de 700.000 tonnes, les efforts de recherche ne
donnent lieu à aucune nouvelle découverte. La concurrence de l’hydroélectricité en développement et du
fuel-oil, dont l’utilisation augmente dans les centrales thermiques, freine la production de Jerrada. Il faut
attendre la politique plus volontariste des années 70 et la mise en service de la centrale thermique de Jerrada
en 1971-1972 qui absorbe 95 % du charbon extrait, pour que la production de la mine dépasse les 700.000
tonnes et atteigne un maximum de 835.000 tonnes en 1984. Malgré les transformations et travaux d’appro-
fondissement réalisés, l’objectif du million de tonnes ne sera jamais réalisé. L’augmentation des coûts et des
difficultés d’exploitation, les réserves limitées en déclin et la vente du charbon sous le prix de revient,
mettent les CDM dans une situation financière intenable qui a entraîné sa fermeture en 2000.
2.1.3. L’hydroélectricité
En 1955, le Maroc dispose de 12 barrages construits sous le protectorat, dont l’important complexe de Bin
EL Ouidane-Afourer, qui produisent 770 GWH d’hydroélectricité, représentant plus de 85 % de l’énergie
électrique totale produite de 910 GWH, la part du thermique étant de15 %. En terme de puissance, les parts
sont respectivement de 76 % pour hydraulique (316,7 MW) et 24 % pour le thermique (98,5 MW).
Pendant la période 1960-1972, le rythme d’équipement en barrages est ralenti et seulement deux cen-
trales sont mises en service, Mohamed V et Bouareg, portant la puissance hydroélectrique globale à 362,5
MW. La part de l’hydroélectrique commence à diminuer par rapport celle du thermique (310,5 MW) avec res-
pectivement en 1972 54 % et 46 % de la puissance totale installée. Au plan de la production, la contribution
de l’hydroélectricité baisse de 92 % en 1960 à 69 % en 1972 pour une production totale d’électricité qui a
plus que doublée entre les deux dates en passant de 1012 GWH à 2311 GWH.
De 1972 à 2003, douze nouveaux ouvrages hydroélectriques ont été mis en production, totalisant une
puissance de 965 MW s’étalant de 6,4 à 247,5 MW et dont les plus importants sont les usines d’Al Massira
(128 MW), Allal El Fassi (240 MW), Al Wahda (247,5 MW) et Ahmed Al Hansali (92 MW). À l’achèvement des
travaux lancés en 2001 de la Station de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP) d’Afourer de 450 MW, le
Maroc disposera d’une puissance totale installée en hydroélectricité de 1715 MW, soit 54 % de la puissance
thermique totale installée en 2003 (3189 MW).
Le renversement de la situation en faveur définitivement du thermique s’est accentué, la longueur du
71
temps de maturation des projets hydroélectriques ne permettant pas de suivre le rythme de progression éle-
vée de la demande électrique. À partir de 1973, la capacité des groupes thermiques dépasse celle de
l’hydraulique, d’abord par recours au fuel-oil et aux turbine à gaz pour assurer la pointe, puis avec les chocs
pétroliers et la hausse des prix du pétrole, par le basculement au charbon importé qui se substitue au fuel
comme combustible dans les deux dernières tranches de Mohammadia (300 MW) mis en service en 1984-
1985 et dans les quatre centrales de Jorf Lasfar (330 MW chacune) en production depuis 1994 pour les deux
premières et 2001 pour les deux autres.
Les réalisations les plus remarquées mais à une échelle encore limitée concernent :
– La mise en service du parc éolien de Abdekalek Torres de 53 MW.
– Les systèmes éoliens isolés de Moulay Bouzerktoune et Sidi Kaouki près d’Essaouira totalisant 65 KW.
– Le début d’électrification par kits solaires de 7000 foyers à Taroudant et par kits photovoltaïques de
32 000 foyers dans les régions du Centre et du Nord.
La puissance installée actuellement, estimée à 6 MW, sert aux besoins électriques de 2000 foyers, au
pompage d’eau potable et aux télécommunications des sites isolés.
Les projets planifiés produiront dans le moyen terme un plus grand apport avec l’implantation des parcs
éoliens de Tanger et Tarfaya totalisant 200 MW et la réalisation de la centrale thermo-solaire de 180 MW à
Ain Béni Mtar qui fonctionnera au gaz pour 2/3 et l’énergie solaire pour 1/3.
Les actions de promotion de la commercialisation du matériel par les micro entreprises dites Maisons-
Énergie et de l’utilisation des chauffe-eau solaires (PROMASOL) dans le secteur immobilier pourrait jouer un
rôle non négligeable dans le développement du solaire.
72
L’ONE contrôle toute la filière électrique, depuis la production, le transport et la distribution sauf pour la
basse tension qui est pour la plupart gérée par des régies municipales.
Dans le raffinage, la SAMIR, dont le capital est détenu à sa création en 1959 à 50 % par l’ENI à égalité
avec l’État, passe complètement sous le contrôle de ce dernier en 1973 avec la marocanisation.
La SCP considérée comme privée, malgré son caractère mixte, était de fait une filiale du BRPM puis de
l’ONAREP. À la veille de sa privatisation en1997, l’ONAREP et le Trésor détenaient 73,88 % de son capital,
Elf 20,48 % et le reste par le public.
Pour le charbon, les Charbonnages Nord-Africains (CNA) de société d’économie mixte dont les actions
sont détenues à sa création en 1946 à 33 % par le BRPM, l’État français et des intérêts privés, passe pro-
gressivement après l’indépendance sous le contrôle de l’État marocain qui en détiendra 98 % du capital en
1972 à travers le BRPM, après le rachat de la part des sociétés françaises et belges, le Trésor français lui
ayant cédé sa participation de 15 % dès 1957.
Dans les activités pétrolières amont, Le BRPM avec le code pétrolier de 1958 et après lui l’ONAREP, à
travers leurs participations obligatoires dans les permis de recherches et les concessions d’exploitation,
contrôlent l’exploration et la production des hydrocarbures, par ailleurs largement ouvertes à travers les asso-
ciations, aux tiers qui remplissent les conditions de capacités techniques et financières.
73
engagées par le Maroc dans le but de favoriser les investissements privés, ouvrir les marchés à la compéti-
tion, libéraliser progressivement les différents secteurs pour améliorer leur efficacité et leur compétitivité.
Ces options sont illustrées par le transfert de plusieurs services et sociétés publiques au capital privé et le
secteur de l’énergie a joué un rôle majeur dans ce processus de privatisation et de libéralisation. C’est ainsi
que sont intervenues :
– La privatisation des sociétés de distribution des produits pétroliers en 1994 avec la rétrocession par la
SNPP de ses parts aux sociétés de son groupe et celle des sociétés de raffinage SAMIR et SCP en 1997
au groupe saoudien Coral qui les a fusionnées en 1999.
– La perte du monopole de production électrique par l’ONE par le décret-loi du 23 septembre 1994 per-
mettant au secteur privé de devenir producteur sous un régime de concession à long terme imposant au
concessionnaire la capacité, le mode de fonctionnement et le combustible avec garantie de fourniture
exclusive à l’ONE de l’électricité produite pendant la durée du contrat. Cette réforme reste limitée,
l’ONE gardant la main mise sur la commercialisation et le transport de l’électricité. Les premières appli-
cations de cette politique ont commencé avec les concessions des centrales de Jorf Lasfar à ABB/CMS
(JLEC), du parc éolien de Abdelkalek Torres à la Compagnie Eolienne du Détroit. Il en est de même pour
la future centrale à cycle combiné de Tahaddart, première filiale de l’ONE en partenariat avec Endesa et
Siemens, et qui constitue le premier jalon du développement du gaz dans notre pays en utilisant en
nature la royaltie reçue par le Maroc sur le passage du gaz algérien livré à l’Espagne à travers le Gazoduc
Maghreb-Europe mis en service en 1996 et exploité aussi par une société concessionnaire, Metragas.
– Le système de concession est aussi appliqué par la délégation de la distribution de l’électricité et de
l’eau à des opérateurs privés. Les premières expériences ont démarré à Casablanca avec Lydec, à Rabat
avec Rédal ainsi qu’à Tanger et Tétouan avec Amendis.
– Et Tétouan avec Vivendi.
– Pour l’instant, l’amont pétrolier n’est pas touché explicitement. Mais les amendements de mars 2000
apportés à la loi sur la recherche pétrolière d’avril 1992, en stipulant que la participation de l’État est au
maximum de 25 %, n’exclue pas le principe que celle-ci soit nulle et que des entreprises puissent dans
ce cas agir seules, l’État ne remplissant alors, en tant que partenaire, qu’un simple rôle de contrôle.
Ces réformes n’ont concerné que les acteurs tout en introduisant des aménagements sur la fixation des
prix et les dispositions fiscales relatives aux produits pétroliers, étape de transition vers la libéralisation
complète de leur marché prévue en 2009. En fait, à partir de juillet 2002, la protection accordée au raffinage
depuis sa privatisation pour lui permettre de se mettre à niveau est en train de prendre fin progressivement
avec le début du démantèlement douanier dont les droits vont baisser de 2,5 % par an sur les sept pro-
chaines années quand les raffineries seront en concurrence directe avec les importations de produits pétro-
liers qui seront entièrement libérées.
74
– Les prix de reprise auxquels les raffineurs vendent leurs produits
– Les taxes et les montants de compensation prélevés par l’État
– La compensation
75
TIC qui est désormais calculée sur le pouvoir calorifique de chaque produit à raison de 0,04 Dh la thermie.
Sauf pour le propane et le butane qui restent à 46 DH/T, les quotités de la TIC subissent des augmentations
substantielles sur tous les autres produits en étant multipliées pratiquement par trois pour le Super (130,38 à
376,4 DH/HL), l’ordinaire (126,7 à 357,2 DH/HL) et le Gasoil (64,05 à 220DH/HL pour croître à 254,2 DH le 01/
07/96 et être ramené à 242,2 DH le31/O7/96 après les grèves des routiers). Quant au fuel sa quotité est mul-
tipliée par plus de 26 fois pour monter de 16,5 DH/T en 1994 à 435,9 DH/T en janvier 1995 pour plafonner
actuellement à 386,7 DH/T ; cependant sa fiscalité est harmonisée avec celle du charbon qui est désormais
soumis à la TIC dont il était exonéré (101,2 DH/T le 01/01/95 et 179,4 DH/T le 01/07/96) avec un alignement
de son PFI à 15 % au lieu de 12,5 % auparavant et une augmentation de sa TVA de 19 % à 20 % en juillet
1996. Comme antérieurement, les carburants subissent un prélèvement, selon un système de péréquation,
destiné à subventionner le butane.
La différenciation de taxation entre les produits pétroliers engendre une différence de prix allant du simple
au double. En 2001 les prélèvements fiscaux y compris pour la compensation ont représenté plus de 50 %
du prix de vente public des essences et du gasoil. Le Super et le gasoil destinés aux provinces sahariennes,
le gasoil pour la pêche et le transport maritime, ne subissant aucune taxation.
Le fuel destiné principalement aux industries et à la production électrique est taxé à hauteur de 27 %,
cette charge est tombée à 19 % depuis la décision de baisser la TIC sur ce produit pour la production de
l’électricité de puissance. Le lampant, destiné essentiellement au monde rural, n’est pas assujetti à la TIC
mais contribue au prélèvement pour subvention du butane. La fiscalité sur ce produit représente 43 % de
son prix de vente, alors que son prix de reprise est proche de ceux des essences et du gasoil.
Le butane en raison de son caractère social est moins taxé, la fiscalité ne représente que 7 % et 9 % du
prix de vente respectivement pour les bouteilles de 12 Kg et de 3 Kg. De plus, la part de compensation repré-
sente 50 % de son prix de vente au détail.
Les distorsions introduites au niveau de la fiscalité influencent largement la structure de consommation
des produits pétroliers, le gasoil 36 % moins cher que les essences est le carburant préféré du parc auto-
mobile, malgré un différentiel de seulement 7 % du prix sortie raffinerie. De même, elles encouragent des
fraudes et des détournements au niveau du marché national, comme le mélange du lampant au gasoil et la
réintroduction clandestine des produits exonérés dans les marchés taxés.
La compensation
Jusqu’en 1994, la Caisse de compensation intervenait par ses subventions ou prélèvements au niveau du
raffinage et de la distribution, les prix étant administrés à la production et à la consommation.
Suite à la réforme tarifaire de 1995, l’intervention de la Caisse s’est limitée à la distribution du butane, sauf
depuis le blocage de l’indexation des prix en juillet 2001. Les prélèvements sur les carburants pour sub-
ventionner le butane a mobilisé en 2000 près de 180 millions de dirhams par mois. À signaler que pendant la
période 1986-1994, la Caisse de Compensation réalisait des excédents financiers versés au Trésor qui,
depuis la flambée des prix mondiaux, a été sollicité pour un montant de plus de 4 milliards de dirhams entre
1999 et 2001.
Cette réforme tarifaire et fiscale prépare la libéralisation totale prévue en 2009 en visant les objectifs sui-
vants :
– assurer l’approvisionnement en produits pétroliers dans les meilleures conditions de prix et de sécurité ;
– améliorer les performances et la productivité des raffineries en leur permettant ainsi qu’aux importateurs
et distributeurs de saisir les opportunités du marché international pour importer les produits pétroliers
quand les prix le justifient ;
76
– stabiliser la charge fiscale sur les produits énergétiques et instaurer une équité entre différents combus-
tibles en harmonisant les taxes qu’ils supportent ;
– inciter la mise en place de l’environnement nécessaire pour encourager l’investissement privé dans le
secteur ;
– donner des signaux économiques tant aux producteurs qu’aux consommateurs pour orienter leurs choix
sur les produits ;
– automatiser le système de tarification sans procédures administratives compliquées permettant aux
opérateurs d’accélérer et d’adapter leur décision aux nouvelles tendances du marché pour choisir les
techniques et les investissements en conséquence.
B. La tarification de l’électricité
Les tarifs de l’électricité sont administrés et dépendent de la tension utilisée, de la quantité consommée et
de la période de consommation.
En janvier 1996, une réforme tarifaire a porté à la fois sur la structure et les niveaux des tarifs avec l’intro-
duction du barème tri-horaire pour inciter les industriels à consommer en heures creuses en contrepartie
d’une réduction des prix. Ces tarifs sont présentés comme suit (THT : Très Haute Tension, HT : Haute Ten-
sion, MT : Moyenne Tension) :
La tarification de la basse tension destinée au résidentiel et au tertiaire est basé sur les tranches de
consommations mensuelles pour inciter à l’économie d’énergie. Ainsi le tarif du KWH varie de 0,8420 DH,
0,9055 DH, 0,9851 DH respectivement pour les consommations mensuelles de 0-100 KWH, 101-200 KWH,
201-500 KWh et 1,3464 DH au delà de 500 KWH.
La production de l’électricité bénéficie depuis octobre 2000 d’une réduction de plus de 50 % sur la TIC des
combustibles utilisés. Cette mesure, conjuguée aux améliorations du marché électrique, notamment les
concessions et les interconnexions, a permis des baisses de tarifs en 2000 de 17 % et 10 % pour l’électricité
à usage industriel et agricole respectivement, le cumul des réductions depuis 1997 atteignant 28 %. Autant
de mesures qui renforcent la compétitivité de notre économie.
77
la rente pétrolière introduit par le Président Mattei de l’ENI italienne avec le paiement d’une royalty allant de
12,5 % à 20 % déductible ou non de la base de calcul de l’impôt sur le bénéfice. Les frais d’exploration sont
pris en charge par le partenaire. Le BRPM en rembourse la moitié s’il y a découvertes commerciales dans le
cadre des contrats d’association, ou pas du tout s’il s’agit d’accords de concession. Dans les deux cas, les
dépenses de développent et d’exploitation et les bénéfices nets sont partagés à 50/50. Il a permis de relan-
cer l’exploration pétrolière dans notre pays avant de s’essouffler au début des années 70 en raison des résul-
tats décevants des recherches. Une analyse sérieuse aurait montré qu’il fallait l’amender pour l’adapter aux
conditions difficiles du Maroc non producteur et où le risque géologique élevé demandait des avantages plus
substantiels pour le balancer. Des modifications dans ce sens auraient sans doute pu faire revenir les opéra-
teurs étrangers au moment des chocs pétroliers où les prix élevés du pétrole les auraient convaincus des
possibilités de haute rentabilité en cas de découverte.
Un projet de nouvelle loi avait été proposé effectivement au début des années 80, mais le manque de réac-
tivité diligente de l’administration avait retardé sa sortie jusqu’en 1992 dans la période où les prix du brut sont
restés bas après le contre choc pétrolier et décourageait l’exploration dans le monde entier. C’est ce qui
explique que la Loi 21-90 d’avril 1992, malgré les encouragements incitatifs qu’elle offrait mais qui restaient
somme toute limités à des exonérations de royalties sur les premières productions de pétrole et de gaz
extraites des découvertes réalisées dans les dix ans suivant sa promulgation, à l’exemption des équipements
et consommables des droits de douane et de la TVA, n’a pas eu les résultats escomptés en intervenant trop
tard et dans un Contexte moins favorable, d’autant que de plusieurs pays producteurs, comme l’ex URSS et
l’Algérie, jusque là fermés aux sollicitations des compagnies pétrolières, leur avaient ouvert leurs portes.
L’observation plus attentive de la scène pétrolière internationale a permis de saisir plus rapidement la
nécessité de réviser la loi pétrolière pour la rendre encore plus avantageuse pour les sociétés pétrolières qui
étaient assidûment contactées par les campagnes de promotion fréquentes que l’ONAREP organisait.
D’importantes modifications apportées au Codes des hydrocarbures d’avril 1992 sont promulguées en mars
2000. Tenant compte de la réalité du Maroc, non producteur de pétrole, les principaux amendements
concernent la baisse de la participation de l’État à 25 % maximum au lieu de 50 % maximum, l’exonération
du paiement de l’Impôt sur les Sociétés pendant les 10 années qui suivent la mise en production de toute
découverte, l’introduction d’une Provision de Reconstitution des Gisements (PRG) déductible de l’assiette de
l’IS avec obligation de la réinvestir, de la possibilité pour un concessionnaire de consolider ses comptes. Les
royalties sont devenues à taux fixes et tiennent compte des difficultés de recherches. Ainsi elles sont de
10 % pour le pétrole et 5 % pour le gaz pour les zones terrestres et maritimes à moins de 200 mètres de pro-
fondeur d’eau, abaissées respectivement à 7 et 3,5 % pour l’offshore au delà de 200 mètres de profondeur
d’eau. Du coup le Maroc est classé parmi les cinq meilleures lois pétrolières en remontant de la 156 ème
place que lui attribuait le ranking des experts pétroliers. Ce qui a permis la relance de l’exploration comme
mentionnée plus haut.
78
ché pétrolier ont permis de remédier à l’immobilisation de la raffinerie de Mohammedia suite à l’incendie qui
l’a ravagée en novembre 2002. Les importations de charbon permettent d’atténuer la dépendance du pétrole
plus soumis aux fluctuations géopolitiques et des prix et d’arbitrer entre ses utilisations et celles du fuel
selon les opportunités.
79
3. Perspectives énergétiques à l’horizon 2025
Cette partie de l’exposé sera construite sur des hypothèses les plus objectives possibles, tenant compte
du développement économique du Maroc qui appellera des besoins énergétiques croissants.
À l’instar de tous les pays, le progrès économique et social ainsi que l’augmentation de la population du
Maroc induiront inéluctablement la croissance de sa demande en énergie commerciale.
Il faut espérer et croire que les options adoptées par le Maroc dans le cadre de la mondialisation vont opé-
rer un véritable décollage économique avec une croissance annuelle moyenne de 6 % pendant le premier
quart de ce siècle entraînant une élévation substantielle et progressive du revenu moyen par habitant de
1200 aujourd’hui à 2500-3000 à l’horizon 2025. Ce qui impliquera une amélioration de la consommation
énergétique moyenne par individu qui sera prise comme base synthétique pour évaluer les besoins en éner-
gie à cet horizon.
En 2003, la consommation totale en énergie commerciale est proche de 11000 KTep pour une population
d’environ 30 Millions d’habitants, soit une moyenne par marocain de 0,37 Tep. En 2012 et 2025, le Maroc
compterait respectivement 38 et 47 millions Individus. Dans une première hypothèse (H1), qui suppose une
progression annuelle constante de 5 % de la consommation énergétique totale, la demande s’élèverait pour
ces deux années à 17000 et 32000 KTep soit 0,45 et 0,7 TEP/habitant. Malgré ces améliorations, la consom-
mation par tête n’est guère plus élevée en 2025 que celle enregistrée aujourd’hui pour les pays en déve-
loppement. Dans la seconde hypothèse (H2), on conçoit que la modernisation exigera un meilleur confort
énergétique portant ces taux à 0,7 et 1 Tep aux horizons considérés pour accroître la consommation totale à
27000 et 47000 Ktep. Ces niveaux peuvent constituer des fourchettes pour projeter la contribution des dif-
férentes énergies primaires commerciales dans la balance énergétique future.
Il est admis que le développement de l’industrialisation et des transports, notamment dans les PVD,
requerra encore une consommation importante de pétrole qui restera une énergie dominante d’ici le milieu
du siècle en l’absence d’énergies alternatives dans ses usages spécifiques. En raison du progrès technique
qui permet un meilleur rendement énergétique et les substitutions par d’autres énergies, on peut tabler sur
la baisse de la part des produits pétroliers dans la consommation énergétique totale du Maroc pour se situer
à 55 % en 2012 et 50 % en 2025, cas PTS, au lieu des 60 % actuellement. Au cas où une politique consé-
quente de maîtrise de l’énergie est appliquée pour économiser du pétrole, un gain de 5 points pourrait être
réalisé sur ces taux qui seraient alors de 50 % et 45 % respectivement, Cas ME.
80
produits pétroliers, cela signifie qu’elles devraient produire 4250 KTEP en 2012 et 7200 KTEP en 2025 KTEP
en prenant l’hypothèse la plus basse (H1+ME), ou 6750 et 10500 KTEP, avec l’hypothèse confort moyen
(H2+ME). C’est à dire que les importations seraient stabilisées à leurs niveaux d’évolution depuis les
années 80 à aujourd’hui. Il est évident, que l’allègement ou l’alourdissement plus ou moins important de la
facture pétrolière sera fonction de la dimension de ces découvertes, des cours du pétrole et du niveau de
consommation atteint.
La probabilité que de grandes quantités d’hydrocarbures soient mises à jour en onshore est très réduite
sur la foi des résultats obtenus jusqu’à maintenant et de la géologie très complexe de nos bassins.
De même, il n’est pas envisagé que du brut puisse être produit des schistes bitumineux d’ici 2025.
Si c’est du gaz naturel qui est rencontré, il faudra attendre 10 ans et davantage pour qu’il soit commer-
cialisé, c’est à dire pas avant 2015, ses projets ayant un délai de maturation plus long que ceux du pétrole.
D’ici là son utilisation dans la production électrique et d’autres industries n’est possible qu’à travers son
importation sous sa forme gazeuse ou liquéfiée (GNL). Les projets d’électricité en cours de réalisation dans le
cycle combiné de Tahaddart-1 et du thermo-solaire de Aïn Beni Mtar vont brûler du gaz provenant du Gazo-
duc Maghreb Europe (GME) et vont absorber 810 millions de m3 de gaz. Supposant que d’autres projets du
même ordre soient mis en service d’ici 2012, la contribution du gaz importé (1330 Ktep) à la consommation
énergétique totale serait alors de 8 % ou 5 % selon les hypothèses envisagées. Si tous les projets identifiés
actuellement sont réalisés vers 2015, hydrocracking et production d’ammoniac compris, le volume total de
gaz consommé atteindrait 3 milliards de m3 (2125 Ktep), ces taux resteraient du même ordre en 2025. À
moins que des découvertes majeures ou qu’une coopération régionale plus large puissent permettre un
emploi plus massif du gaz pour accroître ces proportions par exemple à 20 % ou 25 % et plus, comme dans
l’Union Européenne. Au quel cas, il remplacerait plus significativement le pétrole et/ou le charbon.
Pour le charbon, il ne semble pas y avoir de chance de voir ressurgir une production locale, tous les
besoins devant être couverts par des importations comme actuellement. Malgré les traitements pour le
rendre plus propre, le charbon, qui reste le combustible le plus polluant, verrait sa part diminuer à 25 % puis à
20 %.
81
Il apparaît ainsi que le développement prévu ici pour les énergies renouvelables, ne sera pas en mesure de
faire la soudure avec les énergies fossiles. L’écart atteindrait alors, dans l’hypothèse H2 et économie de
pétrole, 8 % en 2012 et 23 % en 2025. Sa couverture appellerait davantage le recours aux énergies fossiles,
vraisemblablement du gaz dont la part dans la consommation énergétique totale serait de 13 % et 28 % res-
pectivement à ces deux dates. Ce qui est plus en ligne avec le réalisme admis en général sur l’équilibrage du
rôle respectif des différentes énergies à ces horizons.
Dans sa stratégie de diversification énergétique, pour assurer une plus grande sécurité de son approvi-
sionnement et atténuer sa dépendance du pétrole, tout en diminuant la pollution atmosphérique que cause le
pétrole et le charbon, le Maroc préconise de développer l’utilisation du gaz, d’abord dans la production de
l’électricité, pour l’étendre, au fur à mesure, à des usages industriels, puis ultérieurement aux secteurs ter-
tiaire et résidentiel.
L’introduction du gaz, comme évoqué plus haut, se fera, dans une première phase, par des branchements
courts sur le Gazoduc Maghreb Europe pour produire de l’électricité dans le cycle combiné de Tahaddart-1,
dont la mise en service est prévue pour début 2005, et dans la centrale thermo-solaire de Aïn Beni Mathar, à
réaliser d’ici 2007. La royaltie de passage perçue en nature du GME avec une capacité portée à 12 milliards
m3 à fin 2004, suffira pour ces deux projets qui consommeront environ 800 millions m3. Un second Tahaddart
portera ce volume à près de 1,4 milliards m3, le payage ne suffirait plus pour le couvrir même avec le double-
ment de capacité du GME. Le Maroc devra acheter le complément à l’Algérie dans le cadre de son droit de
réservation de capacité de 14 % maximum, royaltie comprise. L’installation d’hydrocraking dans la raffinerie
de la SAMIR à Mohammedia demandera 800 millions m3 de gaz qui sera acheminé par une conduite de
50 Km jusqu’au pipeline existant Sidi Kacem-Mohammedia, saturant pratiquement le volume total de gaz
auquel le Maroc a accès à partir du GME doublé (16 milliards m3 ×14 % = 2,24 milliards m3).
Tout autre développement du gaz exige des découvertes majeures ou bien des importations. Dans la pre-
mière éventualité on peut imaginer, à partir de 2015, une utilisation très large du gaz dans les industries y
compris pétrochimiques à créer, dans le tertiaire et le résidentiel. Autrement, il n’est raisonnablement conce-
vable que dans les zones de concentration industrielle le long de la côte atlantique de Kénitra à Jorf Lasfar où
le volume critique de gaz nécessaire pour assurer la rentabilisation des installations coûteuses pourrait être
atteint. Ce qui implique, soit la pose de nouveaux gazoducs pour importer du gaz d’Algérie, soit l’édification
de stations de regazification de gaz naturel liquéfié (GNL) importé par méthaniers.
Quel que soit le cas, de tels projets requièrent d’importantes infrastructures exigeant des investissements
très lourds et une gestion efficace du marché du gaz au niveau aussi bien de son organisation que de la tarifi-
cation.
Dans ce but, il devient urgent que le gouvernement donne une plus grande visibilité aux acteurs gaziers
futurs en promulguant le projet de Code Gazier en préparation depuis longtemps en y associant au préalable
toutes les parties intéressées pour éventuellement y apporter les modifications pertinentes nécessaires. La
version actuelle, assez libérale dans sa conception, tente de répondre à certaines questions importantes,
comme l’octroi de concessions de longue durée aux investisseurs dans la construction des réseaux de trans-
port et de distribution, le principe de formation des prix incluant une marge pour rémunérer les concession-
naires, l’instauration d’une autorité indépendante de régulation qui veillera à la transparence des opérations, à
la bonne application des règles établies ainsi qu’à l’équité des prix facturés aux consommateurs.
Il faudra aussi trancher le problème de l’approvisionnement où il semble judicieux, du moins dans un pre-
82
mier temps, de créer une Centrale d’Achats sous forme de GIE réunissant les utilisateurs et qui, centralisant
leurs demandes, aura un meilleur pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Il sera aussi impératif d’éta-
blir les règles et mesures de sécurité à respecter, d’intégrer la politique du gaz dans le plan d’aménagement
du territoire et les schémas directeurs d’urbanisme en prévision de l’arrivée du gaz de ville qui remplacera le
butane dans nombre de ses usages etc. La réflexion devra aussi porter sur la libéralisation plus large du mar-
ché du gaz, notamment si, à plus ou moins long terme, plusieurs opérateurs devaient s’y livrer concurrence à
la suite de plusieurs découvertes ou de provenance du gaz de sources différentes comme il se passe actuel-
lement dans l’UE.
La libéralisation de l’économie ne signifie pas absence de l’État et plus particulièrement dans le domaine
énergétique qui demeurera toujours un secteur stratégique vital pour tous les pays. Les évènements alar-
mants survenus aux USA, cœur du libéralisme, faillite frauduleuse d’Enron et ruptures de fourniture d’électri-
cité en Californie, ont montré que, comme pour la guerre, « l’énergie est assez sérieuse pour ne pas être
menée que par le privé ».
Le raffinage et la distribution des produits pétroliers, aujourd’hui totalement privatisés, seront complète-
ment libéralisés en 2010. La production et la distribution électriques sont ouverts au privé à travers le régime
des concessions et d’ici 2012, l’électricité sera commercialisée sur deux marchés parallèles, l’un libre, des-
tiné aux consommateurs industriels éligibles (THT, HT et MT) et l’autre réglementé, relevant du service
public pour les secteurs tertiaire et résidentiel. Les interconnections électriques renforcées avec l’Espagne
(doublement de la capacité de 700 à 1400 MW en 2005) et l’Algérie (mise en service d’une 3ème ligne de
400 KV en 2005), vont relier le Maroc à l’horizon 2010-2015 à la boucle méditerranéenne en cours d’édifica-
tion pour permettre un choix très large entre plusieurs sources d’approvisionnement. De même, le déve-
loppement du gaz va entraîner la multiplication de ses provenances, de ses infrastrutures et et de ses
opérateurs, gaz national en cas de découvertes majeures surtout en offshore, gaz importé sous ses formes
naturelle et liquéfiée.
Dans cette perspective, il faut s’attendre à l’émergence d’un marché énergétique de plus en plus concur-
rentiel où l’appareil national de production pourrait être déstabilisé (raffinage et production électrique notam-
ment) si dès maintenant il ne s’y prépare pas en gagnant en puissance et en compétitivité.
– Dans la phase actuelle de transition, il est nécessaire que l’État renforce les dispositions visant à :
R améliorer les mesures d’encouragement aux investisseurs nationaux en alignant les taux d’intérêt sur
le niveau moyen européen et en suscitant une plus grande implication du système bancaire dans la
prise de risque et de participation ;
R favoriser la création de grands groupes nationaux capables de se défendre sur le marché intérieur et
de se positionner à l’international ;
R doter la recherche pétrolière de moyens suffisants en ressources financières et humaines pour lui per-
mettre de mettre plus efficacement en valeur les potentialités peu explorées du pays ;
R mettre à niveau les capacités législative, réglementaire et gestionnaire de l’Administration en charge
de l’énergie ;
R consolider la visibilité des opérateurs : statut futur de l’ONE, avenir du raffinage, code gazier
– La libéralisation quasi totale de tout le secteur énergétique à l’horizon 2012 va amener l’État à jouer
83
plus un rôle de contrôle et de régulation que d’intervention directe. Dans ce contexte il aura pour mis-
sions de :
R Définir, en concertation avec les acteurs du secteur, les grandes orientations stratégiques et veiller à
leur application : sécurité d’approvisionnement, équilibre régional, protection de l’environnement, éta-
blissement des normes pour les produits et les installations, mesures fiscales et d’encouragement
pour orienter le choix des investisseurs et des consommateurs vers les énergies à promouvoir ;
R Assurer le bon fonctionnement des marchés : respect des règles de concurrence, absence de posi-
tions monopolistes ou d’ententes illicites pouvant affecter le niveau des prix au détriment des consom-
mateurs, conditions d’accès des tiers aux réseaux ;
R Arrêter les modalités de son intervention pour corriger les mécanismes de marché impropres : sub-
ventions des produits énergétiques de première nécessité en faveur des couches populaires les plus
vulnérables, distorsions préjudiciables à l’intérêt national (suspension du système de fixation des prix
comme actuellement avec le blocage de l’indexation) ;
R Établir les règles de contrôle et d’audit par les organismes indépendants de régulation ainsi que leur
composition (professionnels et administration) : observation de la tarification des produits énergé-
tiques, arbitrage des conflits, sanctions ;
R Intégrer dans sa vision les implications induites par les conventions internationales et régionales (UE,
accords de libre échange avec les USA) et notamment les engagements futurs dans l’UMA (principes
de subsidiarité, législations et réglementations supra nationales etc.).
L’énergie c’est la vie, sans elle pas de développement économique et a fortiori humain.
Il faut reconnaître que jusqu’à maintenant, malgré les efforts déployés depuis 50 ans d’indépendance, le
Maroc n’a pas encore réalisé son véritable décollage économique. Les réformes adoptées depuis les
années 90 vont certainement permettre d’ouvrir une ère nouvelle de développement économique et social
de notre pays dans le cadre de la démocratie et de l’économie libérale et sociale dans lesquelles il s’est défi-
nitivement engagé.
Le retard économique, l’analphabétisme, le système de santé, le bas niveau des revenus de la majorité de
la population, ont aujourd’hui plus d’impacts négatifs sur le développement humain qui souffre de ce fait de
l’accès encore très faible aux énergies commerciales dont la consommation est de moins de 0,4 Tep par
habitant et par an en 2003, en dessous de la moyenne de 0,6 Tep dans les pays en développement.
Plus gravement, l’isolement « énergétique » auquel le monde rural a été longtemps tenu est pour une
grande part responsable de son sous développement prononcé : très bas taux de scolarisation, manque
d’équipements sanitaires et d’eau potable, saccage des forêts, exode rural. Tous ces phénomènes s’y sont
traduits socialement par le travail épuisant surtout des femmes qui, en plus des travaux domestiques et des
champs, se chargent du ramassage du bois de chauffe et du puisement de l’eau potable de plus en plus loin-
tains en raison de la déforestation et du recul de la nappe phréatique. Ce qui explique les taux d’avortement
et de mortalité enfantine ainsi que d’emploi des enfants plus forts qu’en milieu urbain.
Le Programme d’Électrification Rurale Globale (PERG) lancé 1996 avec comme objectif de généraliser
l’accès à l’électricité à l’ensemble du territoire national en 2007 ainsi que la pénétration plus large du butane
et des énergies renouvelables permettent progressivement de remédier à cette situation en urbanisant le
monde rural qui, avec la modernisation de l’agriculture et d’autres secteurs économiques, jouira d’un mode
84
et d’un niveau de vie meilleurs. Ce qui fera reculer la part de déforestation imputable au ramassage inorga-
nisé du bois, combustible principal dans les campagnes.
Les industries et les transports terrestres ne sont pas très développés au Maroc pour que leurs émissions
en CO2 et autres gaz ou particules nocifs puissent entraîner une pollution atmosphérique et une dégradation
de l’environnement massives et généralisées comme dans les pays industrialisés. Ces manifestations sont
réelles mais limitées aux zones de concentration des activités économique et industrielle de la côte atlan-
tique de Kénitra à Jorf Lasfar et tout particulièrement à Casablanca-Mohammadia où se trouvent les installa-
tions les plus anciennes dont la conception ne souciait guère à l’époque de leur construction (années 60 et
70) d’impact environnemental. De même, rouler avec du gasoil à 10000 ppm combiné à la vétusté et au
manque d’entretien des véhicules ne favorisent pas tellement la pureté de l’air dans nos villes et nos routes.
La promulgation de la loi sur l’environnement prévoyant que tous les grands projets doivent inclure une
étude d’impacts sur le plan local, régional et national et recevoir au préalable l’aval d’une commission natio-
nale comprenant les représentants de l’Administration, des collectivités locales et de la société civile avant
d’être réalisés, doit être en mesure de réduire très sensiblement les préjudices environnementaux qui pour-
raient en découler.
La mise à niveau des raffineries pour aligner la qualité des carburants sur les normes européennes,
essence sans plomb, gasoil à 350 puis 50 ppm, parallèlement à l’introduction des pots d’échappement cata-
lytique et à la réduction de la consommation de carburants au fur et à mesure du renouvellement du parc des
véhicules apporteront une amélioration certaine pour limiter les émissions dues au secteur des transports en
expansion rapide. Il est nécessaire en attendant d’appliquer avec plus de rigueur les décisions prises contre
les rejets industriels en mer et dans les rivières et contre les pollueurs de la circulation, et en premier lieu les
transports publics.
Il faudra aussi mettre à profit tous les mécanismes de financement prévus par le protocole de Kyoto et les
institutions internationales (MDP, FFEM, GEF, FPC) et mobiliser toutes les opportunités de coopération inter-
nationale et régionale pour moderniser notre appareil de production par des outils plus propres et plus res-
pectueux de notre patrimoine naturel.
Conclusion et résumé
La problématique énergétique au Maroc n’a pas évolué depuis l’indépendance et demeure caractérisée
par : la faiblesse des ressources nationales en énergies fossiles, un bas niveau de la consommation par habi-
tant, des importations et une facture énergétique de plus en plus lourdes en raison d’une dépendance plus
marquée de ses approvisionnements extérieurs, notamment en produits pétroliers qui continuent de domi-
ner sa balance énergétique.
Dans le cadre de la mondialisation, le Maroc a opté pour une stratégie d’ouverture et de libéralisation
économique dans laquelle s’inscrit la politique énergétique adoptée depuis 1990 et qui englobe :
– La privatisation de l’aval pétrolier
– La libéralisation progressive puis totale en 2009 des produits pétroliers avec le démantèlement douanier
– La réforme tarifaire et fiscale des produits pétroliers par indexation sur leurs cotations à Rotterdam et
neutralisation fiscale entre les différents produits énergétiques
– La production et la distribution concessionnelles de l’électricité dont le marché grands consommateurs
industriels dits « éligibles » sera libéralisé d’ici 2012
85
– La diversification des ressources et sources d’énergies : importation de charbon et d’électricité à travers
les interconnexions avec l’Algérie et l’Espagne, afin de réduire la domination du pétrole
– La promotion des énergies renouvelables (hors hydraulique d’ailleurs en saturation) : éolien, solaire, bio-
masse et autres
– L’encouragement à la recherche pétrolière dont la relance depuis 2000, et notamment en offshore pro-
fond, porte tous les espoirs d’un éventuel changement du paysage énergétique marocain si des décou-
vertes majeures sont réalisées
– Le développement du gaz d’abord à travers le GME puis par utilisation du gaz national en cas d’éven-
tuelles découvertes importantes et/ou recours à son importation sous sa forme naturelle et/ou liquéfiée
– L’accès du monde rural à plus d’énergie commerciale à travers le PERG et le développement des éner-
gies renouvelables.
Dans la perspective du développement économique et énergétique du pays dans le contexte d’une plus
grande libéralisation, l’État est appelé à préparer l’appareil énergétique national pour faire face à la vague de
concurrence à laquelle il va s’affronter et à concevoir son rôle futur plus comme une autorité de contrôle et
de régulation que d’acteur direct du marché énergétique. À cet effet il sera nécessaire de renforcer la capa-
cité législative, réglementaire et gestionnaire de l’Administration en charge de l’énergie.
Le développement humain au Maroc souffre de son énergétisation limitée due à son retard économique et
au bas niveau des revenus des populations qui en découle. Le développement économique et social prévu,
en entraînant une élévation des niveaux de vie, va impliquer un accroissement de la consommation énergé-
tique notamment d’origine fossile. Il est, par conséquence, nécessaire de renforcer les législations et régle-
mentations en voie de formation pour édicter des normes et des comportements plus stricts pour réduire
son impact sur l’environnement qui actuellement n’est sensible que dans la zone de concentration écono-
mique et industrielle de l’axe Casablanca-Mohammedia.
86
Connaissance et utilisation des ressources
en sol au Maroc
1. Introduction ........................................................................................................89
2. Sol : une ressource naturelle indispensable pour
le développement durable ..............................................................................89
2.1. Cas général .................................................................................................. .89
2.2. Cas des pays méditerranéens ...................................................................92
2.3. Cas du Maroc ...............................................................................................93
3. Etat de connaissance sur les sols du Maroc ............................................... 94
3.1. Avant l’indépendance ................................................................................ 94
3.2. Après l’indépendance ................................................................................ 95
3.2.1. Inventaire et cartographie des sols .............................................. 95
3.2.2. Organismes intervenant .................................................................. 97
3.2.3. Les cadres opérationnels ............................................................... 98
4. Les efforts de formation et de recherche en Science du Sol ................... 98
4.1. Les potentiels et les difficultés de la recherche marocaine
en science du sol ....................................................................................... 98
4.2. Les principaux axes actuels de la recherche marocaine
en science du sol ....................................................................................... 99
4.3. Recommandations .....................................................................................100
5. Les principales formes de dégradation des sols au Maroc .....................101
5.1. L’extension de l’urbanisation ...................................................................101
5.2. L’érosion des sols........................................................................................104
5.3. La dégradation des sols et des eaux sous irrigation ...........................104
5.4. Désertification ............................................................................................105
6. Perspectives pour 2025 ...................................................................................107
87
MOHAMED BADRAOUI
88
Le sol est une ressource naturelle très peu renouvelable à l’échelle d’une génération humaine. C’est la par-
tie meuble de la lithosphère qui constitue une composante majeure de la biosphère continentale. Cette
couche superficielle, organisée et d’épaisseur variable, couvrant les substrats géologiques est essentielle
pour la vie. La connaissance des ressources en sol d’un pays et de leurs aptitudes à différentes utilisations
par les communautés humaines est un préalable pour l’aménagement du territoire et le développement
durable.
Le sol est actuellement considéré comme une interface dans l’environnement et une ressource pour le
développement (Robert, 1996).
Au Maroc, le sol est la ressource la moins connue par rapport aux autres ressources naturelles tels que
l’eau, l’air, les mines et les forêts. Et pourtant, il est reconnu par les pouvoirs publics comme une compo-
sante principale de la planification de l’aménagement du territoire à travers l’utilisation rationnelle des terres.
Ce rapport fera le point sur l’état des connaissances des sols au Maroc depuis l’indépendance. Les efforts
déployés par les pouvoirs publics en matière de développement des ressources humaines et de la recherche
dans le domaine des sols seront présentés et analysés dans la perspective d’en déduire les insuffisances et
de proposer les améliorations éventuelles. Les contraintes liées à l’utilisation rationnelle et durable des res-
sources en sol seront synthétisées avant de passer aux perspectives pour l’an 2025.
Le cadre général du développement durable plaçant le sol au centre des préoccupations à l’échelle globale
est esquissé avant de passer au cas spécifique des sols méditerranéens et du Maroc.
Le sol est ce milieu naturel terrestre où naît la vie, aussi bien animale que végétale, et c’est également le
milieu où se termine la vie. C’est une mince couche de « terre » d’épaisseur variable (quelques cm à quel-
ques m), située entre le substrat rocheux et l’atmosphère. Ce matériau meuble et organisé se forme de
manière très lente à partir des matériaux géologiques, sous l’action de l’air, de l’eau et de la vie. Les sols sont
donc très divers, distribués en fonction des reliefs, des roches, des végétations, des climats... et, en plus,
des activités humaines.
Naturellement, le sol est une ressource lentement renouvelable. Par contre, Il est très sensible aux activi-
tés humaines : il se transforme très vite, et en particulier se dégrade rapidement, dès que les sociétés
humaines interviennent sans précautions.
89
Par rapport au monde, par rapport à la vie en général et, plus particulièrement, par rapport aux besoins et à
la santé des sociétés humaines, le sol remplit un certain nombre de fonctions fondamentales (Ruellan,
2003) :
– La fonction alimentaire. Le sol nourrit le monde ; il produit, contient, accumule, tous les éléments
nécessaires à la vie (azote, phosphore, calcium, potassium, fer, oligoéléments...) y compris l’air et l’eau.
Le sol joue le rôle de réservoir, plus ou moins grand et plus ou moins rempli selon les cas. Les sociétés
humaines, qui se nourrissent des plantes et des animaux, sont donc bien totalement dépendantes des
sols (alimentation et santé). Cette fonction du sol, la plus apparente, est reconnue traditionnellement par
les populations et les décideurs.
– La fonction filtre. Le sol est un milieu poreux, en permanence traversé par des flux hydriques et gazeux.
De ce fait, le sol transforme, épure ou pollue, les eaux qui le traversent. Il régule le régime des cours
d’eau et la recharge des nappes souterraines et en influence la composition chimique et biologique.
Mais aussi, le sol influence la composition de l’atmosphère. En particulier, il stocke et relâche des gaz à
effet de serre (séquestration du carbone).
– La fonction biologique. Le sol est un milieu vivant. C’est le lieu de vie et de passage obligé pour de
nombreuses espèces animales et végétales. De nombreux cycles biologiques passent par le sol,
incluent le sol, qui est donc partie prenante de nombreux écosystèmes. Le sol est une vaste réserve
génétique : il abrite et influence une grande partie de la biodiversité terrestre. Par ailleurs, les activités
biologiques sont essentielles à la construction des sols, à leur fonctionnement et à leur fertilité. On lui
reconnaît le rôle d’habitat et de préservation de la biodiversité.
– La fonction matériau et support. Le sol fournit les matériaux que l’homme utilise pour construire et
pour ses activités industrielles et artisanales. Il contient également des ressources minérales et sup-
porte les habitats et les infrastructures liées aux activités des sociétés humaines.
– La fonction mémoire. Le sol conserve les traces de l’histoire, souvent très longue (plusieurs millions
d’années), de sa formation : en étudiant les sols on peut découvrir quelles furent certaines des condi-
tions climatiques et biologiques du passé. Mais aussi, le sol conserve les témoins de l’histoire de
l’humanité.
Au même titre que l’air et l’eau, le sol est une ressource naturelle essentielle à la vie et non renouvelable à
l’échelle d’une ou plusieurs générations humaines. Il n’y a pas de développement durable sans une bonne
gestion des ressources en sol. Or, du fait des activités humaines et des mauvaises relations actuelles entre
les sols et les sociétés humaines, les sols sont soumis à différentes formes de dégradation, le plus souvent
irréversibles.
90
2. Le plus souvent, les différentes activités humaines se développent et se concurrencent, sans tenir
compte de la diversité des sols, de leurs fonctions et de leurs aptitudes. Ces concurrences débouchent
alors sur des conflits :
– conflits d’usage, d’accès aux sols : par exemple, conflits dans la périphérie des grandes agglomérations
(conflits entre agriculteurs, industriels, urbaniste, voies de circulation...) ;
– conflits résultant de l’utilisation inadaptée des sols et conduisant à la dégradation des sols : les activités
humaines, en se développant, influencent, transforment le milieu sol et font pression sur lui. Les sols
sont modifiés, dans leurs propriétés, dans leurs potentiels, dans leurs fonctions, et, plus grave encore,
ces modifications affectent aussi les autres milieux qui sont en relation avec les sols : l’eau, l’air, les ani-
maux, les végétaux, les sociétés humaines.
3. En effet, partout dans le monde, les exemples de sols gravement modifiés, endommagés sont nombreux.
En particulier, suite à l’utilisation agricole inadaptée, les formes de dégradation les plus apparentes sont :
– des appauvrissements (biologiques, organiques, minéraux) ;
– des destructions de structures et des tassements qui affectent les porosités ;
– de l’érosion, de la sédimentation, des glissements de terrain ;
– de la salinisation et de l’alcalinisation ;
– de l’acidification ;
– des pollutions (minérales, organiques, radioactives).
Au total :
– les fertilités des sols baissent ;
– leurs fonctions fondamentales ne sont plus assurées ;
– la vitesse de fabrication des sols se ralentit ;
– les vitesses et les orientations des principaux processus de formation et de différenciation des sols sont
modifiées (altération des roches, arrangement et mouvements des constituants...).
Et il y a aussi :
– la croissance des villes, des complexes industriels et touristiques ;
– l’intensification des réseaux pour les transports ;
– la construction de barrages hydroélectriques ;
– le développement de l’exploitation de ressources minérales superficielles.
Tout ceci soustrait annuellement, sans espoir de retour, plusieurs dizaines de milliers d’hectares souvent
très fertiles et dont les fonctions ne sont plus assurées.
Il faut, cependant, souligner que les sociétés humaines ont aussi su améliorer, voire construire les sols
dont elles avaient besoin. On peut citer à titres d’exemples : la construction de terrasses dans les zones de
montagne, le défoncement des croûtes calcaires et l’épierrage, les apports et transferts de grandes quanti-
tés de matières organiques et d’amendements chimiques.
4 En conséquence aussi, les autres milieux sont touchés. En effet, l’évolution anthropique des sols porte
atteinte :
– à la biodiversité qui se transforme et s’appauvrit ;
– au cycle de l’eau qui devient plus violent (crues, inondations, sédimentations aval) et qui se raccourcit
(l’eau est moins disponible pour les besoins humains) ;
91
– à la qualité des eaux qui se polluent, chimiquement et biologiquement, localement et latéralement (l’eau
est encore moins disponible pour les besoins humains) ;
– à la qualité de l’air qui se pollue et, en particulier, qui s’enrichit en gaz à effet de serre (gaz carbonique,
méthane) ;
– à la fertilité des milieux par rapport aux activités humaines : beaucoup de milieux s’appauvrissent, voir
même abandonnés (désertification) ; mais il y a aussi des milieux qui s’enrichissent grâce aux activités
humaines ;
– à la santé et au comportement des sociétés humaines, au travers de ce qu’elles mangent, boivent, res-
pirent... et vivent au quotidien : il y a des relations entre l’évolution des systèmes de sols et celle des
systèmes sociaux.
5. Les sols, malgré leur rareté, sont donc aujourd’hui utilisés de manière non renouvelable par nombre de
sociétés humaines. La deuxième moitié du XXe siècle fut particulièrement désastreuse : un peu partout,
les développements agricoles, industriels et urbains sont très destructeurs des sols et de leurs fonctions.
Par ailleurs, dans les régions pauvres, c’est souvent la misère qui contraint les populations à la surexploita-
tion des sols et à la dégradation de leurs fonctions vitales.
La responsabil000ité de cette situation revient grandement aux choix économiques et techniques qui ne
tiennent pas suffisamment compte des diversités naturelles des sols et des besoins des sociétés humaines.
Cependant, s’il y a peu de choses faites concrètement pour atténuer les dégradations des sols et pour
améliorer la situation des sols déjà fortement dégradés, c’est en grande partie aussi par ignorance, dans
toutes les sphères de la société, de ce qu’est le sol et pourquoi il est nécessaire d’en préserver les fonctions.
Producteurs, techniciens, administrateurs et politiques participent à cette ignorance qui prend ses racines
dans l’absence de toute découverte des sols dans les systèmes éducationnels depuis l’école primaire
jusqu’à l’université.
Le sol fait peu partie des cultures populaires : il est peu ou mal connu. De ce fait, la ge
stion durable des sols ne fait que peu partie des préoccupations prioritaires de la population, des respon-
sables politiques, administratifs et techniques et des propriétaires des terres. Il faut en particulier souligner le
faible niveau de connaissances dans le domaine des sols de la plupart des agronomes et de la plupart des
environnementalistes : beaucoup d’ingénieurs raisonnent l’agriculture et l’aménagement du territoire en don-
nant la priorité aux techniques et aux conditions économiques et en oubliant les diversités concernant les
milieux naturels et les sociétés humaines.
Tout cela pose, en définitive, la question des priorités de la connaissance et de l’éducation concernant les
sols : quelles recherches et quels enseignements faut-il développer dans le but de mieux gérer, durable-
ment, les ressources en sol ?
Les sols des régions méditerranéennes sont originaux et le Maroc en est un exemple parfait. Du fait de
l’aridité estivale des régions méditerranéennes et du fait d’une forte présence de roches calcaires et cal-
ciques, la majorité des sols y sont dominés par la présence du calcium voire du calcaire. Par ailleurs, les sols
sont souvent argileux et naturellement riches en matières organiques et en calcium, donc bien structurés et
bien drainés. Les sols appauvris en argile (dit lessivés) y sont nettement plus rares que dans les régions tem-
pérées et tropicales.
Les principaux handicaps des sols méditerranéens sont liés aux excès de calcaire (croûtes calcaires des
92
régions semi-arides et arides) et aux excès localisés de sels solubles (régions arides et désertiques et péri-
mètres irrigués avec des eaux chargées en sels). Cependant, vu sous l’angle écologique et agricole, on peut
dire que la majorité des sols des régions méditerranéennes sont parmi les plus riches du monde. C’est le lieu
de formation et de préservation des argiles gonflantes qui règlent la fertilité physique et chimique des sols.
Le principal obstacle à la valorisation agricole de cette richesse « sol » est le manque d’eau. Les tendances
des 40 dernières années montrent une réduction moyenne des précipitations de l’ordre de 50 à 200 mm en
fonction des stations. Cependant, du fait de l’ancienneté de l’occupation humaine qui, souvent, n’a pas su les
gérer, les ressources en sol du monde méditerranéen sont le plus souvent fortement dégradées : appau-
vrissements organiques et minéraux, déstructurations, érosion hydrique et éolienne, salinisation...et plus
récemment pollution et urbanisation de sols agricoles de grande qualité. La désertification est un fléau dont
les causes sont certainement en partie climatiques, mais l’action humaine accélère fortement le processus
de dégradation des terres (Badraoui, 2004).
Mais c’est aussi dans le monde méditerranéen que l’on trouve quelques uns des plus beaux exemples de
gestion durable intensive des ressources en sols et en eau (aménagement des pentes dans les zones de
montagne, gestion des oasis et des khettaras au Sud des Atlas... etc).
Dans le monde méditerranéen, le Maroc est probablement le pays de la plus grande diversité : en par-
ticulier, tous les types de sols méditerranéens, tous les types de « pédopaysages » méditerranéens, y sont
présents. Ce fait est la conséquence de la grande diversité des facteurs de pédogenèse (roches, reliefs, cli-
mats, couverts végétaux, temps d’évolution et occupations humaines (Badraoui et Stitou, 2002 ; Badraoui et
al., 2002 ; Ruellan, 2003). En effet, le Maroc est riche de ses sols et de leur diversité ; il est riche de la diver-
sité des occupations humaines qui, traditionnellement, ont eu des impacts aussi bien positifs que négatifs
sur la qualité des sols. Ceci veut dire aussi que, pour la recherche scientifique concernant les sols méditerra-
néens et leur utilisation, le Maroc est un « laboratoire » idéal. C’est au Maroc en particulier, et dans les pays
de l’Afrique du Nord en général, que les grands naturalistes (pédologues, géologues, géomorphologues, éco-
logistes,...etc) européens ont été formés.
C’est dans les pays du Sud de la Méditerranée que les ressources en sol sont les plus menacées de dégra-
dations suite à leur surexploitation et à la réduction de la couverture forestière. C’est encore là où le dilemme
développement et protection de l’environnement prend sa vraie dimension.
Pour mieux utiliser les sols dans le contexte du développement durable, il faut les connaître. Connaissons
nous les sols au Maroc ?
Même si les travaux d’inventaire et de cartographie des sols au Maroc ne couvrent qu’environ 30 % du
territoire (MADRPM, 1993 ; MADRPM, 1996 ; Badraoui et Stitou, 2002), l’essentiel de ce que sont les sols du
Maroc est connu : ce qu’ils sont, les principales règles de leur répartition régionale, comment ils fonc-
tionnent, leurs principaux qualités et défauts et les agressions qu’ils subissent du fait de l’intensification de
l’occupation humaine.
93
– Malgré les recherches, les études, les campagnes d’information et de vulgarisation, les problèmes de
mise en valeur s’accumulent et s’amplifient :
R dégradation des sols irrigués qui constituent l’une des grandes richesses du Maroc (1 million d’ha) :
baisse de la teneur en matière organique, déstructuration de la structure, baisse de fertilité chimique,
salinisation des sols et des eaux, pollutions des sols et des eaux. En général, il y a une baisse progres-
sive de la productivité agricole ;
R dégradation des sols non irrigués (bour) qui couvrent l’essentiel de la SAU du pays (environ 7.7 millions
d’ha) : baisse des fertilités organiques et chimiques, développement de l’érosion hydrique et éolienne,
réduction de la capacité de rétention d’eau et de la réserve utile en eau des sols (aridification des
régimes hydriques) ;
– Dans les périphéries urbaines, développement anarchique des occupations urbaines et industrielles sur
de bons sols agricoles.
Les trois principales urgences en vue d’une meilleure connaissance des sols du Maroc ont été listées par
Ruellan (2003). Il s’agit de :
– La connaissance morphologique et géochimique des couvertures pédologiques de l’ensemble du
Maroc : inventaire et cartographie des systèmes pédologiques et de leur fonctionnement. C’est la base
pour toute politique, locale, régionale, nationale, de bonne gestion des ressources en sol et de ce qui est
associé aux sols (les eaux, les couverts végétaux, les sociétés humaines).
– La connaissance approfondie des dynamiques physiques, chimiques, biologiques, minéralogiques des
divers types de sols du Maroc. C’est la base d’une bonne évaluation et d’une bonne gestion de la fertilité
des sols et des phénomènes de pollution des sols et des eaux.
– La connaissance de l’évolution des sols (et des eaux) en fonction des occupations humaines : en milieu
« bour », en milieu irrigué, en milieu périurbain et urbain. Mais aussi, la connaissance des conséquences
des dégradations et des pollutions des sols (et des eaux) sur les développements humains.
En fait, il s’agit de chercher à mieux comprendre les interrelations entre les systèmes pédologiques et les
systèmes sociaux pour mieux les gérer. La durabilité des systèmes de production passe nécessairement par
la durabilité des ressources en sol et en eau (Badraoui et al., 2000).
Les travaux de pédologie au Maroc ont passé par plusieurs étapes tant sur le plan envergure que sur leur
pertinence. Sans avoir un programme national d’inventaire des sols au Maroc, les connaissances actuelles
sont le fruit d’une longue accumulation du savoir sur les milieux écologiques marocains. Cette partie présen-
tera succinctement l’évolution de l’acquisition des connaissances depuis la fin du dix-neuvième siècle.
Depuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à la 4ème décennie du siècle dernier, les observations pédologiques au
Maroc étaient l’œuvre de pédologues, de forestiers ou de géographes étrangers. Des prospections étaient
réalisées à l’occasion des excursions scientifiques. Il a fallu attendre les années cinquante pour voir se déve-
94
lopper les toutes premières études pédologiques proprement dites. Celles-ci avaient été entreprises dans le
cadre des études monographiques d’avant-projets pour les aménagements hydroagricoles. Le protectorat
français au Maroc s’était attaché à mobiliser la maximum d’eau dans des barrages en vue de l’irrigation des
terres dans les zones jugées potentiellement prioritaires tels que les Béni Amir et les Béni Moussa (au Tadla),
Sidi Slimane (au Gharb), les Triffas (à la Moulouya), la plaine du Souss, le plateau de Fes-Meknes et dans le
Haouz de Marrakech (Prefol, 1986). D’autres études à petites et à moyennes échelles ont également été
publiés sur les Doukkala (Feodoroff, 1955).
La première étude sur l’évaluation de la fertilité des sols du Maroc a été réalisée par Ch. Thomann (1952).
Beaucoup d’autres travaux préliminaires sur les comportements physiques et chimiques des sols ont été réa-
lisés par George Bryssine qui peut, sans aucun doute, être considéré le père de la pédologie Marocaine.
95
L’étude d’inventaire des études pédologiques de 1993 avait mis le doigt sur le problème d’archivage des
études. En effet, une partie des rapports et cartes répertoriés n’ont pas pu être retrouvés. D’où la nécessité
de mise en place d’un système d’archivage numérique sous SIG. Cette option exige des changements
importants dans les CPS des études. Jusqu’à présent, cet objectif n’est que partiellement réalisé malgré
l’effort constaté au niveau de l’équipement des administrations en SIG.
Plusieurs programmes et projets de développement agricole et rural avaient souffert du manque de don-
nées sol. C’est le cas, par exemples, du programme d’élaboration des cartes de vocation agricole des terres
au Maroc qui est mis en œuvre par l’INRA, du plan national d’aménagement des bassins versants en cours
de réalisation par le HCEFLCD, le programme de développement rural intégré des périmètre de mise en
valeur en bour (PMVB) piloté par le MADRPM et le programme de cartographie des sols autour des agglomé-
rations en vue de l’orientation de l’urbanisation.
Du point de vue géographique, l’essentiel des études réalisées intéressent la partie Nord-ouest du pays.
Les provinces de l’Est et du Sud ne sont que très partiellement prospectées. Les études de cartographie
des sols réalisées entre 1993 et 2003 sont estimées à environ 2 millions d’ha, ce qui porte la superficie
totale prospectée à 22 millions d’ha, soit 31 % du territoire national.
Pour la valorisation des études pédologiques existantes le Maroc participe à deux initiatives régionales :
– L’élaboration de la base de données Euro-Méditerranéenne, géo-référencée à l’échelle du 1/1000 000e
des sols autour de la Méditerranée. L’équipe marocaine coordonne les travaux des pays de l’Afrique du
Nord en collaboration avec le Bureau Européen des sols à Ispra en Italie et l’INRA d’Orléans en France.
Un atelier de travail a été tenu en juin 2001 à Rabat.
– L’élaboration de la base de données SOTER (SOl et TERrain) pour les pays de l’UMA en collaboration
avec la FAO. Le Maroc a déjà réalisé sa carte SOTER au 1/5000 000e en collaboration entre le MADR et
l’Association Marocaine des Science du Sol (AMSSOL) (Carte 1 en annexe 1).
Les deux cartes susmentionnées n’ont pas d’intérêt pratique pour le développement agricole au niveau
opérationnel. Cependant, elles ont permis de mettre en ordre les connaissances et de mettre le Maroc en
position de négocier avec les pays de la région sur des questions plus globales tels que les changements cli-
matiques et la lutte contre la désertification. À ce titre, la base de données SOTER du Maroc a été utilisée
pour l’élaboration de la carte de sensibilité à la désertification des pays de l’UMA plus l’Égypte en collabora-
tion avec l’Observatoire du Sahara et du sahel (Carte 2 en annexe 2).
96
Encadré 1
97
3.2.3. Les cadres opérationnels
La gestion durable des ressources en sol exige la présence de spécialistes dans les services extérieurs de
développement rural. La situation actuelle montre que les ORMVA sont relativement bien dotés de cadres
pédologues par rapport aux DPA, DREF et SPEF. En effet, il y a au moins un spécialiste de science du sol par
ORMVA (20 cadres dans les ORMVA), par contre DPA disposant d’un pédologue sont rares (10 cadres seule-
ment). Il y a lieu de constater que les ingénieurs pédologues sont concentrés dans les services centraux où
ils font des activités administratives (suivi des projets) ayant peu de contact avec le terrain, au moment où les
services extérieurs souffrent d’un manque terrible de cadres.
Dans les services ne relevant pas du MADRPM et du HCEFLCD, il est rare de trouver des ingénieurs pédo-
logues. Le Maroc n’avait jamais formé de cadre moyens spécialisés en sciences du sol (techniciens) comme
c’est le cas pour les autres disciplines. Cet handicap se fait sentir sur le terrain lorsqu’il s’agit d’encadrer les
agriculteurs et diffuser l’information technique. Les quelques prospecteurs, spécialisés en cartographie des
sols se sont formés sur le tas et prennent tous de l’âge.
Certains bureaux d’études dispose de pédologues qui s’occupent entre autres des activités environnementales.
98
Bien que la recherche, et la formation à la recherche, soient clairement dans les missions des enseignants-
chercheurs, un budget recherche n’est que très rarement identifié au sein des Écoles Agronomiques et des
Universités. Les enseignants chercheurs qui souhaitent poursuivre une activité de recherche (et c’est la
majorité d’entre eux) doivent donc rechercher des financements contractuels : auprès des sociétés privées
(agricoles et industrielles), auprès des services de développement du des ministères (ORMVA, DPA, DREF,..
etc... mais aussi auprès de la coopération internationale. Il en résulte une programmation scientifique aléa-
toire et dispersée essentiellement pilotée par la demande des utilisateurs. Ce fait n’est en soit pas un mal, à
condition que ce pilotage par l’aval s’inscrive dans une programmation scientifique bien identifiée et à condi-
tion aussi que les enseignants-chercheurs puissent prendre le temps de la valorisation scientifique de leurs
travaux contractuels.
Des recherches complémentaires plus fondamentales, à partir des résultats obtenus dans le cadre des
études contractuelles, ont pu conduire à des publications scientifiques de haut niveau dans des revues inter-
nationales.
Toutes les équipes de recherche disposent de moyens de laboratoire. Cependant, ces moyens sont en
général plutôt modestes, avec de nombreuses difficultés de fonctionnement, d’entretien, de renouvelle-
ment. L’accès à une documentation scientifique régulière pose également de sérieux problèmes à beaucoup
de chercheurs. Ces handicaps poussent les universitaires et les chercheurs à partir vers des laboratoires
étrangers pour réaliser une partie des travaux et pour se remettre à jour au niveau des connaissances.
Enfin, toutes les équipes se plaignent des lourdeurs administratives et budgétaires, incompatibles, en
particulier, avec la nécessaire recherche sur le terrain qui exige, bien au contraire, beaucoup de souplesse et
de disponibilité : les faibles moyens de fonctionnement dont peuvent disposer les enseignants-chercheurs et
les chercheurs sont rendus partiellement indisponibles par la lourdeur des lignes budgétaires multiples et par
les nombreux contrôles a priori.
Il y a un potentiel humain important, compétent, reconnu, volontariste et dynamique. Ce potentiel est cependant, insuf-
fisamment organisé, appuyé, évalué pour qu’il puisse mieux valoriser scientifiquement son travail pédagogique et ses
études finalisées. Il y a en particulier urgence à ce que ce potentiel humain soit utilisé pour former les équipes du futur.
Eu égard aux urgences des connaissances à acquérir concernant les sols du Maroc, les constats sont les
suivants :
La connaissance morphologique et géochimique des couvertures pédologiques n’avance pratiquement
pas. Le programme national de cartographie des sols est en veilleuse. Les études de découverte des sys-
tèmes pédologiques sont rares. Un effort est cependant fait, dans le cadre de collaborations internationales,
pour valoriser les données existantes (participation à des banques de données et à des cartes de synthèse).
Par ailleurs quelques recherches méthodologiques sont en cours (SIG, télédétection...).
Les recherches sur la modélisation de l’érosion hydrique et éolienne se sont développées en utilisant des
nouvelles technologies de SIG et de télédétection. Cependant, l’évaluation scientifique de l’impact des tech-
niques de conservation des sols et des eaux dans les bassins versants demeure très timide.
Les recherches finalisées qui touchent à l’utilisation agricole des sols se sont beaucoup développées :
– fertilité et fertilisation, chimique et biologique, des sols, en agriculture pluviale (bour) et en milieu irrigué,
en fonction des divers types de climats et de sols ;
99
– travail du sol (en milieu bour) pour lutter contre les dégradations organiques et structurales et contre
l’érosion ; l’un des buts étant aussi une meilleure gestion de l’eau des sols pour lutter contre l’aridité ;
– suivi de l’évolution des sols irrigués, dans le but de lutter contre les dégradations structurales, physico-
chimiques, biologiques et ainsi de mieux valoriser les potentialités des sols irrigués. Une attention parti-
culière est apportée aux phénomènes de salinisation et alcalinisation des sols et des eaux ;
– cartographie des vocations agricoles des terres (principalement céréalières) en fonction des sols, des cli-
mats, des occupations humaines (programme d’élaboration des cartes d’aptitude des terres).
Cependant, les recherches plus fondamentales nécessaires à ces recherches finalisées, concernant par
exemple les dynamiques physiques, chimiques, biologiques des divers types de sols agricoles du Maroc,
sont insuffisamment développées.
Les recherches finalisées concernant les pollutions des sols et des eaux en fonction de l’intensification de
l’agriculture, de l’industrie, de l’urbanisation, se développent également :
– pollutions nitrique ;
– mais aussi utilisation raisonnée, en agriculture, des eaux usées et des déchets.
En résumé :
– la recherche marocaine est très axée sur l’utilisation des sols, ce qui est en soi une bonne chose;
– elle ne l’est cependant pas assez sur les connaissances des sols et de leur fonctionnement, connaissances pourtant
indispensables à leur bonne utilisation. L’appauvrissement scientifique de la recherche finalisée est, de ce fait, prévi-
sible;
– cette situation est la conséquence des conditions de travail obligeant les chercheurs au pilotage principal par la
demande des utilisateurs, le cadre de programmation scientifique et d’appui financier pour la recherche étant insuffi-
sant.
4.3. Recommandations
100
ii. Pour améliorer l’organisation et les moyens de la recherche
Identifier un Programme National de Recherche en Science du Sol, doté d’un budget significatif. Ce pro-
gramme, scientifiquement structuré, devrait donner la priorité à l’acquisition des connaissances fonda-
mentales nécessaires à la gestion durable des sols du Maroc.
Inciter à la création, au Maroc, d’équipes et de réseaux thématiques de recherche en science du sol, mais
aussi d’équipes interdisciplinaires et internationales plus larges. Dans le cadre du Programme National de
Recherche en Science du Sol, la priorité devrait être donnée aux équipes et aux réseaux pour le financement
de leurs travaux de recherche.
Inciter les équipes scientifiques à ne pas se laisser trop disperser par la multiplication des contrats. Il est
souhaitable que le nécessaire pilotage partiel par la demande des utilisateurs (publics et privés) soit mieux
cadré par une programmation scientifique clairement identifiée et affichée.
Instituer un système d’évaluation des travaux scientifiques, des enseignants-chercheurs et des équipes. Il
conviendrait que ce système valorise efficacement, en termes de carrière (et de budget pour les équipes),
les efforts de ceux qui contribuent à la recherche (et qui ne se satisfont pas seulement du bénéfice personnel
de consultances).
Reprendre, de toute urgence, le recrutement et la formation de jeunes chercheurs et enseignants-
chercheurs. Il en va de la continuité et du développement des équipes de recherches et de leurs pro-
grammes. Mettre à profit cette reprise du recrutement pour faire des choix scientifiques thématiques clairs,
en cohérence avec les priorités nationales du Maroc.
Développer les moyens de travail, sur le terrain, dans les laboratoires, dans les bibliothèques. Il faut relan-
cer la curiosité, la recherche bibliographique autonome, et la participation au mouvement international de la
recherche au plus haut niveau.
Instituer plus de souplesse administrative et budgétaire, indispensable au bon déroulement des activités
de la recherche scientifique.
Au Maroc, les terres agricoles sont menacées par l’urbanisation (betonisation). C’est l’une des formes de
perte totale des sols de bonne qualité pour la production agricole. L’orientation de l’urbanisation aux alen-
tours des villes, fait partie intégrante de la planification de l’utilisation des terres qui est un des principes de
l’aménagement du territoire.
L’aménagement du territoire consiste en l’évaluation systématique du potentiel qu’offrent les terres et les
eaux, des possibilités d’utilisation des terres et des conditions économiques et sociales afin de sélectionner
et d’adopter les modes d’utilisation des terres les mieux appropriés (FAO, 1993). L’aménagement harmo-
nieux et durable du territoire repose sur les principes de i) l’efficacité (productive et économiquement viable),
ii) l’acceptabilité et l’équité (utilisations socialement acceptables telles que la sécurité alimentaire, l’emploi et
la sécurité des revenus) et iii) la durabilité (satisfaire les besoins de la génération actuelle tout en conservant
les ressources dans l’intérêt des générations futures). Il s’agit de combiner la production et la conservation.
Le processus de planification de l’utilisation des terres se fait en 10 étapes (tableau 1).
101
Tableau 1 : Processus de planification de l’utilisation des terres
No Consistance de l’étape
1 Définition des objectifs et du champ d’application
2 Organisation des travaux
3 Analyse des problèmes
4 Identification des possibilités de changement
5 Évaluation de l’aptitude des terres
6 Évaluation des options
7 Choix de la meilleure option
8 Préparation du plan d’utilisation des terres
9 Exécution du plan
10 Suivi et révision
Le sol est une composante de la terre qui devrait être affectée à la meilleure utilisation possible dans les
conditions économiques, sociales et culturelles d’un territoire donné. C’est dans ce cadre que les pouvoirs
publics avaient délimité des zones favorables à la mise en valeur agricole intensive sous irrigation au Maroc.
D’autres terres de moindre qualité (manque d’eau ou d’autres contraintes physiques ou chimiques) avaient
été réservées à l’agriculture pluviale, à la foresterie ou au développement de l’élevage extensif. L’existence
des études de sol est une condition nécessaire pour la planification des terres.
Ayant connu une forte croissance démographique durant la fin du 20e siècle, la structure spatiale et l’arma-
ture urbaine du Maroc se sont profondément transformées. Plusieurs villes nouvelles sont apparues et beau-
coup de villages ruraux se sont transformés en véritables villes. Cependant, cette urbanisation galopante se
fait de manière anarchique. Malheureusement, l’extension des villes se fait au dépend des terres de bonne
qualité pour l’agriculture. Selon des données du MADRPM, sur 63 projets d’extension urbaine autour de dif-
férents centres urbains qui avaient prévu 65 518 ha, 36 264 ha de terres agricoles (dont une bonne partie est
équipée pour l’irrigation dans les zones d’action des ORMVA du Tadla, de la Moulouya et du Gharb) et de
forêts ont été incluses comme espace urbanisable. 45 % (16 567 ha) de la superficie incluse a été effective-
ment retenue pour l’urbanisation.
La superficie annuellement grignotée par les différentes formes d’urbanisation est estimée à 4 000 ha
(MADRPM, 2004). Les opérations immobilières représentent 45,75 %, les opérations industrielles et les
équipements 25 % et les opérations touristiques 12,5 % de la consommation totale des terres agricoles
À titre d’exemple, une étude récente réalisée dans la plaine du Tadla (ORMVAT, 2004) a révélé des chiffres
alarmants de consommation des terres irriguées et équipées à haut potentiel de production. Ainsi, le bâti dis-
persé est passé de 932 ha en 1986 à 2 284 ha en 2004, soit une extension moyenne de 79,5 ha/an. Parallèle-
ment, les agglomérations et villes du périmètre ont occupé en 2003 une superficie de 6 750 ha, soit une
extension moyenne annuelles de 83,5 ha/an (encadré 2).
La situation dans le Périmètre irrigué du Tadla n’est pas unique. Des cas similaires existent également
dans la Moulouya et le Gharb. C’est également le cas autour des principales villes du Maroc.
Malgré l’implication du MADRPM dans l’évaluation des documents de l’urbanisme en veillant à l’applica-
tion de la loi 12-90 sur l’urbanisme pour préserver les terres agricoles, les terres plantées et les forêts, le
poids de son avis ne pèse pas fortement sur la prise de décision. Il y a besoin urgent d’un accord qui précise
102
les responsabilités entre les départements concernés clés (Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Urbanisme
et le MADRPM).
Encadré 2
Problématique
Malgré les lois et les réglementations en vigueur au Maroc (loi 12-90 relative à l’urbanisme) l’urbanisation ne cesse de
s’étendre aux dépens des terres agricoles. La durabilité de l’agriculture périurbaine est remise en question. Les pertes
économiques en terme de productivité et en valeur foncière sont importantes.
Forte densité urbaine : 243 hab/km2 dans le Périmètre irrigué contre 50 hab/km2 dans le reste de la province de Béni
Mellal.
Objectifs
– Établissement de la situation actuelle de l’habitat groupé et dispersé dans la zone du périmètre irrigué du Tadla.
– Évaluation de l’ampleur de l’extension des agglomérations urbaines sur les terres agricoles, par rapport à la situation
de 1986.
Méthodologie
Utilisation des images satellitaires de haute résolution SPOT, 2,5 m, du 23/O6/2003), photo-interprétation et SIG.
Résultats
– La superficie du bâti à l’intérieur du périmètre en 2003 est évaluée à 6 750 ha, répartie comme suit : Bâti dispersé :
2 283 ha et Bâti groupé : 4 467 ha.
– L’extension de l’habitat sur les terres agricoles du périmètre depuis 1986 est estimée à 2 772 ha, répartie comme
suit : 1986 : 3 970 ha et 2003 : 6 750 ha, soit un taux d’accroissement de 163 ha/an.
– Perte en superficie équipée et aménagée évaluée à 16 millions de dh/an
Les cartes d’orientation de l’urbanisation préparées par le MADRPM ne sont considérées qu’à titre indica-
tif. En plus, le programme d’élaboration de ces cartes souffre de moyens financiers insuffisants.
Si rien n’est fait et si le taux moyen de consommation des terres agricoles par l’urbanisation se maintien à
3 500 ha/an, l’étendue des terres consommées arrivera à 70 000 ha à l’horizon 2025, soit 0,8 % de la SAU.
Cette réduction des terres agricoles pourrait présenter un enjeu alimentaire pour le pays, sachant que la
population nationale serait de 37 831 000 hab en 2020 (projection établie par le SNAT), soit 0,23 ha SAU/
personne alors qu’actuellement on l’estime à 0,34 ha SAU/personne (une diminution de 32 %).
Cette diminution représente une perte économique et financière pour le Maroc. Selon le scénario tendan-
ciel, la perte est évaluée à 1 750 millions de dh pour la valeur de la production endommagée et 2 240 millions
de dh pour la valeur des équipements endommagés (MADRPM, 2004).
L’urbanisation des terres agricoles au Maroc est un problème sérieux qui mérite une attention particulière
de la part des pouvoir publics. La spéculation foncière est un handicap majeur du développement durable et
de la sécurité alimentaire de notre pays.
103
5.2. L’érosion des sols
L’érosion hydrique est reconnue comme étant la forme de dégradation des sols la plus dangereuse au
Maroc. Elle se manifeste essentiellement dans les montagnes du Rif et du pré-Rif où la dégradation spéci-
fique dépasse souvent 3 000 tonnes/km2.an. Les précipitations fortement érosives, associées aux fortes
pentes et aux matériaux géologiques tendres explique les forts taux d’érosion enregistrés. En plus, les pra-
tiques agricoles non conservatoires des sols et des eaux accentuent l’érosion hydrique.
Les provinces du Sud et de l’Est du Maroc sont fortement touchées par l’érosion éolienne qui décape les
horizons superficiels des sols suite à leur mise en valeur sans mesures de protection permettant de réduire
la vitesse du vent. La mise en culture des terres de parcours dans l’Oriental constitue une menace réelle des
écosystèmes des hauts plateaux. Environ 300 000 ha sont menacés d’ensablement dans les régions de
Ouarzazate, Zagora et Errachidia. L’érosion éolienne dans ces régions fait perdre environ 500 ha/an. En plus,
l’érosion éolienne menace 25 % des canaux d’irrigation (65 km) dans la vallée du Draa.
En plus des pertes des couches arables et fertiles des sols à l’amont des bassins versants, l’érosion réduit
la capacité de mobilisation des ressources en eaux dans les barrages. Ainsi, la tranche d’eau perdue chaque
année suite à l’envasement des retenues de barrages est évaluée à 75 millions de m3. Ce volume constitue
un manque à gagner en irrigation équivalent à une superficie de 10 000 ha.
La salinisation secondaire est la forme de dégradation des sols la plus rapide dans les périmètres irrigués.
Elle affecte environ 160 000 ha (tableau 2), soit environ 16 % des terres irriguées (Badraoui et al., 2003).
104
Tableau 2 : Salinisation secondaire dans les périmètres irrigués au Maroc
Les principales causes de la salinisation secondaire sont l’aridité du climat, l’utilisation d’eau chargée en
sels solubles, la mauvais drainage associé à la remontée de la nappe phréatique, l’utilisation de techniques
d’irrigation peu économes en eau, et dans une moindre mesure l’utilisation abusive des engrais chimiques.
Dans les périmètres irrigués la réduction de la teneur en matière organique est une tendance lourde obser-
vée. Elle est causée par une mauvaise gestion des résidus de récoltes (pas d’enfouissement), à la faible utili-
sation des engrais verts (fumier et compost) et à la forte minéralisation des composés organiques. En effet,
la teneur en matière organique des sols est généralement inférieure à 1,5 %. Le taux de réduction observé
est de l’ordre de 6 à 10 %/an.
5.4. Désertification
Définie par les Nations Unies comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi arides et sub-
humides sèches, la désertification touche 93 % du pays. Elle constitue une contrainte majeure au déve-
loppement économique et social. Le Maroc a ratifié la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la
désertification (CNULCD) en novembre 1996 et a validé son Plan d’Action National (PAN-LCD) en juin 2001.
Ce dernier fait partie intégrante du Programme d’Action National de l’Environnement (PANE).
Le PAN-LCD est vu par les pouvoirs publics comme un cadre de mise en œuvre de la stratégie de déve-
loppement rural 2020 et d’intégration des actions sectorielles.
Les causes de la désertification sont aussi bien climatiques (sécheresse) que humaines (utilisation non
rationnelle des espaces et ressources naturels. En effet, la Sécheresse est une cause majeure de la désertifi-
cation (voir schéma suivant) :
Changements climatiques
105
Dégradation des terres
La pauvreté induisant une pression très forte sur les ressources naturelles est une deuxième cause
majeure de la désertification.
L’évaluation de la mise en œuvre du PAN depuis 2001 a fait ressortir un certain nombre d’acquis et de
points de faiblesse. Les points forts concernent :
– Évolution progressive des projets sectoriels descendants vers des projets de développement rural inté-
gré basé sur l’approche ascendante participative (PMVB, DRI, ...).
– La plupart des projets de développement rural intégré contiennent des activités de lutte contre la déser-
tification et peuvent ainsi être inscrits dans le cadre stratégique du PAN.
– Implication effective et directe de certains partenaires dans la mise en œuvre du PAN (MADR,
HCEFLCD, SEE, ONG, PNUD, GTZ, MM, Coops. Française, Belge, Italienne ; Américaine, Japonaise, ...
etc).
– Société civile très active, spécialement dans les régions du Sud : RIOD-Maroc en activité.
– Cadre institutionnel en cours de consolidation à différents niveaux (Projet PAN-GTZ, voir cadre institu-
tionnel).
– Système de suivi-évaluation du PAN et de la désertification en cours d’élaboration (Projet SMAP-CE).
– Programme prioritaire et mécanisme de mobilisation des ressources en cours d’élaboration : table ronde
prévue en sept. 2004 (Appui du Mécanisme Mondial).
106
– L’intégration des actions au niveau central et au niveau local mérite d’être améliorée ;
– Les procédures budgétaires demeurent un handicap majeur qui pèse très fortement sur la mise en
œuvre des actions prévues ;
– Certains projets manquent d’études de base sur les ressources naturelles et humaines. La définition des
actions d’aménagement n’est pas toujours techniquement valable.
Malgré les insuffisances identifiées et qui méritent des efforts coordonnés de la part de tous les acteurs, le
Maroc est considéré par les Nations Unies comme l’un des pays touchés où un grand progrès est réalisé
dans la mise en œuvre de l’UNCCD.
Le retard cumulé par le Maroc en matière de connaissance des sols exige l’élaboration et la mise en œuvre
d’un programme national d’inventaire et de cartographie des sols. Ce vœux a été exprimé à maintes reprises
pour assurer la coordination des travaux entre les administrations concernées, suivre les réalisations et
compléter la connaissance dans les régions du Sud et du Sud-Est.
Actuellement les travaux de pédologie se font sans coordination, ni concertations entre les ministères et
même à l’intérieur du même ministère. Les travaux se font au coup par coup selon les besoins des projets.
Le PNICS a été inscrit comme priorité dans le Plan d’Action National de l’Environnement (PANE), mais
jusqu’à présent ne lui a été attribué. Les bailleurs de fonds considèrent que l’inventaire des ressources en sol
est une responsabilité de chaque état.
À l’horizon 2025, il serait très important que le Maroc complète l’inventaire des ses sols à l’échelle du
1/500 000, comme étape préalable pour des travaux plus détaillés selon les besoins. Le recours aux tech-
niques spatiales et aux SIG permettra d’aller plus vite, de réduire les coûts et d’archiver les données sous for-
mat numérique.
Les données recueillies à travers les travaux du PNICS doivent être mises à la disposition de tous les utili-
sateurs potentiels. Les bases de données sol devront être intégrées dans des systèmes de bases de don-
nées plus élargie concernant l’aménagement du territoire en général, le suivi de l’environnement et le
développement agricole et rural.
Une base de données « sol » centralisée doit être mise en place au niveau d’un département ministériel
choisi. Ce dernier suivra, évaluera et archivera les réalisations du programme national d’inventaire et de carto-
graphie des sols.
107
6.3. Accord multipartite pour la prise de décision concernant le
problème de l’urbanisation des terres agricoles.
L’urbanisation des terres agricole à haut potentiel de production, les terres plantées et de forêt est un
enjeu important pour le développement humain du Maroc. Le foncier est sous pression suite aux fortes
demandes par les différents opérateurs de développement. Les responsabilités des différents acteurs
concernés (ministère de l’Intérieur, MADRPM, HCEFLCD, Aménagement du territoire, Urbanisme ...) doivent
être clairement définies. La seule promulgation de la loi 12-90 stipulant la préservation des terres agricole
n’est pas suffisante.
Un accord multipartite définissant les responsabilités de chaque intervenant serait très utile pour que les
décisions soient au service du développement durable du pays.
Références
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14 : 9-34
109
Annexes
110
Unités SOTER des zones pour lesquelles des études pédologiques
sont disponibles
Terrain Composant Ter- Composant Sol Code Attribut Forme du Relief Type de sol (1)
rain Unité SOTER
1 1 1 1/11 SM Calcimagnesique
1 1 2 1/12 LV Vertisol
1 1 3 1/13 LL Sesquioxyde
4 1 1 4 SH Calcimagnésique
7 1 1 7/11 LP Calcimagnésique
7 1 2 7/12 Sesquioxyde
7 1 3 7/13 LP Vertisol
7 4 4 7/14 LP Vertisol
7 1 5 7/15 LP Hydromorphe
10 1 1 10 LL Calcimagnésique
11 1 1 11 SH Complexe
18 1 1 18/11 LP Isohumique
18 1 2 18/12 LP Calcimagnésique
18 1 3 18/13 LP Vertisol
20 1 1 20/11 LP Isohumique
20 1 2 20/12 LP Peu évolué d’érosion
21 1 1 21/11 LV Isohumique
21 1 2 21/12 LV Peu évolué d’apport
111
Unités SOTER des zones n’ayant pas fait l’objet d’études pédologiques.
Terrain Composant Ter- Composant Sol Code Attribut Forme du Relief Type de sol (1)
rain Unité SOTER
12 1 1 12/11 LL Complexe
12 1 2 12/12 LL Complexe
13 1 1 13 SM Complexe
14 1 1 14 TM Complexe
15 1 1 15/11 SM Complexe
15 1 2 15/12 SM Calcimagnésique
16 1 1 16 TM Complexe
17 1 1 17 TM Complexe
22 1 1 22 SM Complexe
23 1 1 23/11 LV Complexe
23 1 2 23/11 LV Complexe
24 1 1 24 SM Complexe
25 1 1 25 SM Complexe
26 1 1 26 LL Complexe
27 1 1 27 LL Complexe
28 1 1 28 LL Complexe
29 1 1 29 LL Complexe
30 1 1 30 SM Complexe
31 1 1 31 LP Complexe
32 1 1 32 LL Complexe
33 1 1 33 LL Complexe
34 1 1 34 LL Complexe
35 1 1 35 LL Peu évolué d’érosion
36 1 1 36/11 LL Peu évolué d’érosion
36 1 2 36/12 LL Peu évolué d’érosion
37 1 1 37 LP Complexe
38 1 1 38 LV Calcimagnésique
39 1 1 39 SH Complexe
(1) : Type de sol dominant déduits par interprétation des facteurs de pédogenèse. La plupart des Unités complexes sont constituées des Sols Minéraux Bruts et Peu Evolués Xériques
112
Annexe 2 : Carte de sensibilité à la désertification des pays de l’UMA
113
Biodiversité et équilibres écologiques
115
116
ABDELLATIF BERRAHO
AHMED BIROUK
MOHAMED MENIOUI
117
Le concept de biodiversité (ou diversité biologique) fait référence à l’ensemble des variations qui existent
au sein du monde vivant, c’est-à-dire au nombre, à la variabilité des organismes et des éléments qu’ils consti-
tuent par association. La Convention Internationale sur la Diversité Biologique (Rio de Janeiro, 1992) en a clai-
rement défini le contenu comme étant :
« la variabilité des organismes vivants, de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes ter-
restres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela
comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ».
La biodiversité recouvre donc trois niveaux de variabilité du monde vivant : au sein des espèces vivantes
(ou diversité génétique), entre les espèces (diversité interspécifique) et entre les écosystèmes (diversité éco-
logique). Ainsi, à côté de l’inventaire des différents éléments constitutifs de la biodiversité, cette approche
met également l’accent sur la notion d’« interactivité » entre ces trois différents niveaux d’organisation.
On avance habituellement trois types de justifications (Barbault, 1993) pour expliquer la valeur de la bio-
diversité :
– des justifications biologiques ou écologiques,
– des justifications économiques,
– des justifications d’ordres éthique ou culturel.
La biodiversité est en effet importante à divers titres : éthique, scientifique (anthropocentrique), sociolo-
gique, utilitaire, écologique, économique et récréative. La classification souvent employée de la valorisation
des ressources biologiques fait la distinction entre les valeurs directes et les valeurs indirectes (Tableau 1).
Tableau 1 : Typologie des valeurs de la biodiversité proposée par les économistes (Heywood, 1997)
119
1.2. Une biodiversité riche mais très vulnérable
Situé à l’angle nord-ouest du continent Africain entre 21o et 36o de latitude nord et entre le 1er et le
17e degré de longitude ouest, le Maroc jouit d’une position géographique privilégiée, au carrefour entre
l’Afrique et l’Europe, avec deux façades maritimes de plus de 3000 km donnant sur la Méditerranée et
l’Océan Atlantique. Le territoire du Royaume du Maroc est situé à la rencontre de grands ensembles très dis-
tincts : la mer Méditerranée au nord, l’Océan Atlantique à l’ouest et au nord-ouest et le front désertique du
Sahara au sud-est.
Cette position géographique particulière confère au Maroc une gamme remarquable de bioclimats très
variés allant de l’humide et du sub-humide au saharien et désertique en passant par l’aride, le semi-aride et le
climat de haute montagne dans le Rif, le Moyen et le Haut Atlas, où les altitudes dépassent respectivement
2 500, 3 000 et 4 000 m.
À cette diversité du relief et du climat correspond une grande diversité bioécologique ainsi qu’une gamme
importante de milieux naturels : formations ligneuses forestières, formations prèsahariennes et sahariennes,
steppes, matorrals, littoral...
Grâce à la diversité de ses bioclimats, à la variété des écosystèmes naturels et aux cortèges floristiques et
faunistiques qui leur sont liés, le Maroc occupe une place privilégiée dans le Bassin Méditerranéen. Ceci peut
être mis en évidence par le nombre d’espèces qu’il abrite (richesse spécifique), par le taux d’endémisme
(proportion d’espèces et sous-espèces végétales ou animales qui existent uniquement au Maroc) et par la
diversité des écosystèmes identifiés.
La biodiversité nationale revêt une importance écologique particulière, avec plus de 24 000 espèces ani-
males et de 7 000 espèces végétales et un taux d’endémisme global de 11 % pour la faune, et de plus de
20 % pour les plantes vasculaires, taux presque sans égal par rapport à tout le bassin méditerranéen. La
diversité des écosystèmes est aussi remarquable ; en plus des écosystèmes côtiers et marins, méditerra-
néens ou atlantiques, une quarantaine de milieux continentaux ont été identifiés comme particulièrement
riches en biodiversité, dont près des 3/4 sont représentés par des écosystèmes forestiers stricts (forêts) et
des écosystèmes pré forestiers et pré steppiques.
La richesse biologique du Maroc présente aussi un intérêt socio-économique vital pour le pays. Les res-
sources biologiques exploitées contribuent à une part importante de la richesse nationale dans différents
secteurs de l’économie comme l’agriculture (8 456 000 ha cultivables, plus du tiers de la population active,
20 % des exportations totales du pays, 25 % de son P.I.B.), l’élevage (un tiers de la PIBA, 40 % de l’emploi
rural), la foresterie (8 969 600 ha, 114 000 emplois permanents ou temporaires, 1,5 Milliard d’unités fourra-
gères /an, bois, liège, chasse) et les pêcheries (production globale d’environ 750 000 tonnes par an, exporta-
tions d’une valeur de près de 5 milliards de DH, près de 80 000 emplois, d’après ENB, 1997).
Les écosystèmes terrestres et aquatiques recèlent bien d’autres potentialités occultes, dont la valeur de
consommation ou d’utilisation directe et les valeurs d’option ne sont pas toujours aisément estimées :
Potentialités végétales (plantes médicinales, lichens, plantes aromatiques, caroube, glands, champignons
comestibles, champignons ectomycorrhiziens, truffes, oignon sauvage, etc.), animales (apiculture, gibiers,
escargots, tortues, oiseaux, pêche continentale, fertilisants organiques du sol etc.), côtières et marines
(algues marines, corail), éco-touristiques (diversité écosystémique, paysagère) et génétiques (espèces endé-
miques, variétés et races locales, espèces spontanées apparentées aux plantes cultivées). Ces composantes
jouent un rôle non négligeable, pourvoyeur de recettes parfois difficiles à estimer en termes économiques,
mais dont le rôle social est très important.
Cependant, de sérieuses menaces, dérivant essentiellement des multiples activités de l’homme pèsent
sur la biodiversité au Maroc, comme dans de nombreux autres pays du monde. L’impact des différentes acti-
120
vités humaines va souvent à l’encontre de la préservation de cette biodiversité et d’une gestion rationnelle
de nos ressources naturelles. Les écosystèmes sont plus ou moins touchés par les activités directes ou indi-
rectes de l’homme liées au développement économique et à la croissance démographique qu’a connus le
pays (agriculture intensive, surpâturage, déforestation, pêche excessive, industrie et pollution, urbanisation).
Dans des cas extrêmes, l’impact négatif de ces activités aboutit à une disparition irrémédiable d’espèces ani-
males ou végétales et à des dégradations irréversibles de certains écosystèmes, comme dans le Rif Central,
où l’écosystème à chêne-liège a été pratiquement anéanti.
Le Maroc, comme tout autre pays, puise l’essentiel des éléments nécessaires pour son développement
dans ses ressources naturelles dont les principales, à part les phosphates, sont l’agriculture, les forêts, les
parcours d’élevage, les ressources halieutiques et la diversité de ses paysages (tourisme). Toutes ces res-
sources biologiques sont fondées sur la notion de race, de variété, d’essence, d’espèce et de milieu écolo-
gique. Notre développement se fait donc, en grande partie, aux dépens de ces composantes. Il en résulte
des pertes écologiques et socio-économiques incalculables dues à la perte de ce fonds biologique souvent
irremplaçable. Alors que les phosphates, comme les autres ressources minières, sont une ressource épui-
sable, et si ses stocks nécessiteraient, dans les meilleures conditions des millions d’années pour se reconsti-
tuer, les ressources biologiques, disponibles et renouvelables, constituent les seules ressources naturelles
pérennes, lorsqu’elles sont gérées de façon rationnelle.
Sur les 7000 espèces qui composent la flore marocaine, près de 1700 taxons sont actuellement considé-
rés comme rares et menacés de disparition, ce qui représenterait une perte potentielle de plus de 24 % de
notre richesse floristique ! La déforestation entraîne la disparition de 31000 ha de forêts par an, et par suite,
la dégradation des écosystèmes forestiers et péri-forestiers.
Du point de vue faunistique, la situation n’est guère plus brillante. Les animaux disparaissent également à
une vitesse alarmante. Bon nombre d’espèces sont aujourd’hui éteintes, et plus de 600 espèces sont mena-
cées.
L’ichtyofaune est fortement menacée, aussi bien en mer qu’en eau douce. La pêche maritime enregistre
une baisse continue des captures, due essentiellement à la surexploitation de nos ressources halieutiques,
notamment par les flottes étrangères. En eau douce, ce sont des espèces comme l’alose et l’anguille qui
sont menacées, notamment par la pollution des cours d’eau et surtout la construction de barrages (sans
échelles à poissons) qui empêchent leurs migrations vers les lieux de ponte. La grande Alose a ainsi pratique-
ment disparu de certains fleuves (Sebou, Bou Regreg).
Dans le cas des oiseaux, au moins une dizaine d’espèces nidificatrices ont disparu du Maroc depuis le
début de ce siècle, et une vingtaine d’autres sont aujourd’hui très sérieusement menacées d’extinction. Les
causes de disparition, par ordre d’importance décroissante sont : la prédation humaine (chasse et bra-
connage), les dérangements humains (nomadisme, pastoralisme, tourisme), les pesticides et la dégradation
forestière.
Pour ce qui est des Mammifères, 6 espèces ont disparu entre 1925 et 1956, dont 4 Ongulés (Oryx, Addax,
Gazelle leptocère, Bubale) et 2 carnivores (Lion de l’Atlas et Serval). Le dernier Lion de L’Atlas a été vu dans
le moyen Atlas en 1930.
Le Maroc a une longue tradition dans le domaine de la protection de la nature, tradition qui n’a peut être
pas toujours été appliquée dans les mêmes termes et selon la perception actuelle de la biodiversité. L’exis-
tence de pratiques communautaires séculaires, l’ancienneté de certains textes législatifs, datant déjà de
l’année 1917 sur la conservation et l’exploitation des forêts, ainsi que l’instauration de parcs nationaux depuis
les années 1940 (Par le Département des Eaux et Forêts et de la Conservation des Sols) témoignent qu’une
conscience de ce problème a toujours existé. Néanmoins, si des efforts de protection des ressources natu-
relles en général, et biologiques en particulier, ont été entrepris depuis le début du 20e siècle par les autorités
121
marocaines, ils n’ont malheureusement pas permis d’endiguer entièrement la pression croissante sur les
ressources biologiques.
Le « Sommet de la Terre », Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement
(CNUED, Rio de Janeiro, 1992) est venu rappeler aux pays du Nord, comme à ceux du Sud que le monde est
unique, que la planète Terre ignore les frontières politiques et administratives et que la protection de l’envi-
ronnement doit être érigée en priorité à tous les échelons. Cette prise de position n’est pas un choix ni un
luxe, mais plutôt une nécessité incontournable pour pouvoir protéger la planète et mieux la conserver pour
les générations futures. Ce sommet a adopté un plan d’action planétaire, « l’Agenda 21 », visant à instaurer
un développement durable, ainsi que deux conventions internationales dont la Convention sur la Diversité
Biologique. Ainsi, la notion de ressources inépuisables est désormais caduque. Notre patrimoine naturel et la
police d’assurance que constitue la biodiversité sont donc des ressources tarissables.
La Convention sur la Diversité Biologique a été signée lors de ce Sommet par un grand nombre de pays
dont le Maroc. Elle a été ratifiée par notre pays en Août 1995. Cette Convention a pour objectifs (1) la conser-
vation de la biodiversité, (2) l’utilisation durable de ses éléments constitutifs et (3) le partage juste et équi-
table des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.
L’avènement de la Convention sur la Diversité Biologique a permis d’accélérer la coordination et la mise en
œuvre du processus de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité, dans un cadre national mais
aussi en concertation et en harmonie avec les préoccupations à l’échelle planétaire.
Dans les chapitres qui suivent, après une vue rapide de la composition de la biodiversité nationale, les fac-
teurs de pression seront détaillés, suivis de l’identification des composantes les plus menacées de la bio-
diversité. Les principales mesures et actions de protection entreprises sont précisées, ainsi que les
différents acteurs impliqués. Dans le cadre d’une vision prospective, les orientations stratégiques et des élé-
ments de réflexion pour une contribution optimale de la biodiversité au développement durable du Maroc
sont présentés.
122
Figure 1 : Structure de la forêt marocaine (d’après les données du HCEFLCD)
Les cortèges floristiques et faunistiques de ces milieux diffèrent parfois considérablement en fonction des
conditions édapho climatiques : température, précipitations, altitude, nature du sol, etc. Ces écosystèmes
abritent la quasi-totalité des phanérogames du pays (4500), près de 90 mammifères, plus de 320 oiseaux et
un grand nombre d’invertébrés. À l’exception de quelques unes de ces formations (subéraie, cédraie, etc.),
les cortèges floristiques et faunistiques n’y ont été que très peu étudiés.
Les cédraies, par exemple, abritent entre autres plus de 260 espèces d’oiseaux dont une trentaine sont
nicheurs, ce qui est également le cas de la pinède. Les oxycédraies offrent un habitat important pour cer-
taines espèces endémiques telle que la fauvette de l’Atlas ou le Merle de Plastron qui s’y nourrit de baies de
genévrier. La junipéraie abrite de nombreuses espèces gibier telles que les tourterelles ou les perdrix. L’arga-
neraie est surtout connue par sa faune reptilienne dont 8 taxa sont endémiques du Maroc.
La forêt marocaine se démarque également par certains écosystèmes d’intérêt international dont :
– l’arganeraie, presque unique dans le monde et qui joue au Maroc un rôle écologique et économique
d’une grande importance ;
– le cèdre de l’Atlas, espèce noble ;
– le sapin du Maroc, formation endémique du Maroc ;
– la thuriferaie, rare et très menacée ;
– la formation du pin noir très localisé au Maroc et rare ailleurs ;
– le thuya de berbérie dont la plus intéressante formation se situe au Maroc ;
– Le Cyprès de l’Atlas, spécifique au Maroc et y est, de plus, très localisé.
123
B. Les écosystèmes sahariens
De par leurs formations végétales, constitués principalement de regs et d’ergs, les écosystèmes sahariens
(environ 1.000.000 ha), sont très souvent rattachés aux écosystèmes forestiers et steppiques. Les forma-
tions végétales arborées y sont à base d’Acacia (A. radiana, A.ehrensbergiana, A. albida). Les regs, qui sont
des reliefs plats caillouteux, sont souvent occupés par des Chaméphytes très clairsemés et plus particulière-
ment des Chénopodiacées (Hamada, Anabis, Nucula, etc.). Les ergs, formés essentiellement de dunes de
sables sont plutôt pauvres, aussi bien en espèces végétales qu’animales.
Malgré que le développement de la végétation y soit limité à cause des faibles précipitations, on y
dénombre 730 formes végétales différentes, dont 60 endémiques, abritant plus de 650 invertébrés, plus de
la moitié des amphibiens et reptiles du Maroc (50) pour la plupart endémiques, au moins 40 mammifères des
plus menacés du pays, plus de 250 oiseaux, etc.
C. Les agro-écosystèmes
Les écosystèmes agricoles, ou agro-écosystèmes, sont des écosystèmes dans lesquels des plantes et
des animaux d’origine naturelle ont été remplacés par des plantes cultivées et des animaux délibérément
domestiqués et sélectionnés par l’homme. Les méthodes les plus intensives, dont la monoculture moderne,
les plantations et les fermes d’élevage à haute technicité, peuvent modifier un écosystème si radicalement
qu’il ne subsiste plus grand-chose du biotope ou des éléments topographiques qui le caractérisaient aupara-
vant » (Convention sur la Diversité Biologique, 1996).
Au Maroc s’individualisent nettement des régions d’agriculture paysanne ancienne, où la polyculture
s’appuie sur des techniques plus au moins intensives, et des régions où l’élevage pastoral a été l’activité
principale jusqu’au début du xxème siècle et où domine aujourd’hui la céréaliculture. Schématiquement, on
peut distinguer ces deux grands types de zones de part et d’autre de la ligne de crête des montagnes de
l’Atlas.
Dans les régions céréalières d’agriculture « moderne », l’adoption des systèmes de culture basés sur l’utili-
sation des variétés performantes et uniformes, l’épandage des engrais azotés et le développement de la
mécanisation ont entraîné la quasi disparition des systèmes traditionnels basés sur un matériel diversifié. À
l’inverse, on peut encore trouver des régions de vieille agriculture où la diversité phyto et zoo génétique est
encore maintenue. Les semences auto-reproduites sur les exploitations restent prédominantes dans ces
zones. (cultivars traditionnels de blé dur, seigle, épeautre, mil, sorgho, vesces, gesses, d’arbres fruitiers au
nord, d’orges dans les régions méridionales, de palmiers, de luzerne, de légumes, de safran et de blé tendre
appelé « blé des pharaons » dans les oasis...). Ces milieux constituent cependant des écosystèmes fragiles
où l’érosion génétique sévit rapidement sous l’effet de la sécheresse, la salinité et parfois la concurrence des
variétés améliorées.
124
Figure 2 : Zones humides du Maroc (d’après Dakki et hamzaoui, 1996)
A. Les lacs
Le Maroc se distingue des pays du Maghreb par l’existence de vrais lacs permanents, concentrés essen-
tiellement dans le Moyen Atlas et dont le plus grand est celui de l’Aguelmame Sidi Ali, atteignant 300 ha de
superficie et 40 m de profondeur. Certains lacs du Haut Atlas sont encore plus profonds, atteignant par
exemple 61 mètres au moins pour le lac d’Ifni et 92 m pour le lac d’Isly.
L’intérieur du pays comporte un grand nombre de zones humides temporaires localisées surtout en biocli-
mats aride, semi-aride et subhumide. La durée de mise en eau est comprise entre 4 et 11 mois, débutant en
général dans la seconde moitié de l’automne avec les premières pluies, parfois même plus tardivement.
Ces lacs naturels comportent une diversité biologique assez riche, mais essentiellement à base d’arthro-
podes. Les poissons y sont rares, mais intéressants. C’est ainsi qu’on trouve encore Salmo pallary à Aguel-
mane Sidi Ali et Salmo trutta au Lac d’Ifni etc., par contre les oiseaux sont très abondants (Grèbes, Anatidés,
Rallidés, Grands échassiers, limicoles, etc.).
Aux lacs naturels, on peut associer les milieux créés artificiellement que sont les retenues des barrages
avec plus de 100 grands barrages et 10 autres devraient être construits à court terme. La flore et faune y est
limitée, conditionnée dans leur développement par les variations brusques du régime hydraulique. La vie y
est principalement représentée par dy phytoplancton, des oiseaux et des poissons.
125
B. Les cours d’eau
Le Maroc est le pays qui possède les rivières et les fleuves permanents les plus importants du Maghreb.
Les chaînes de montagnes en constituent des châteaux dont le plus important reste le Moyen Atlas, qui
donne naissance aux trois principaux cours d’eau du pays (Oueds Moulouya, Oum-er-Rbiâ et Sebou).
Le Haut Atlas donne naissance aux Oueds Dadès, Ghériss, Guir, Souss, Tensift et Ziz, et en partie Draâ. Il
alimente également les grands affluents de l’Oum-er-Rbiâ (Oueds Abid, Lakhdar et Tassaout) ; et les affluents
du Souss (Aoulouz, Assif n’Aït Moussa, Assif n’Ait AI Haj) et du Tensift (Chichaoua, N’fis, Ourika), ainsi que
certains affluents de la Moulouya.
Le Rif alimente, entre autres, les Oueds Ghiss, Kert, Laou, Loukkos, Nkor et Oueea. Oued Beht, affluent
du Sebou, et Oued Bou Regreg et ses affluents prennent naissance dans le Plateau Central.
Dans ces milieux, les conditions sont très favorables à un développement de la biodiversité qui y est repré-
sentée par tous les maillons de la chaîne trophique. Toutes les espèces de poissons du Maroc s’y trouvent
pratiquement, dont 9 endémiques. Les oiseaux y sont également très richement diversifiés.
C. Les sources
Les sources, connues pour leur fraîcheur et la stabilité de leurs températures sont les plus abondantes au
Moyen Atlas, suivi par le Haut atlas et le Rif. Cantonnées généralement dans des hautes altitudes, chaque
source a pratiquement ses propres particularités physico-chimiques et biologique, ce qui explique les cortèges
d’espèces endémiques, inféodées à chacune d’elles. Les sources les plus importantes au point de vue faunis-
tique sont situées au Moyen Atlas (Aghbalou Abekhbakh, Aïn Soltane, Aïn Taoutaou, Sources de l’Oued lfrane,
Ras El Ma d’Azrou et Ras El Ma de Taza) et au Rif (Beni Snassen : Bou Abdel et leur émissaire; El Anacer).
D. Les grottes
Les Grottes constituent un autre type particulier d’écosystèmes humides qui enrichit le paysage écolo-
gique du pays. Plus de 60 grottes existent au Maroc. Plusieurs d’entre elles présentent un intérêt préhisto-
rique, en plus de leur intérêt bioécologique. Ces milieux, caractérisés par la stabilité de leurs paramètres
abiotiques (faibles températures, faibles quantités de lumière, etc.), comportent une faune particulière,
essentiellement à base d’invertébrés. Des poissons et des mammifères (chauves souris essentiellement)
peuvent y représenter des composantes stables et spécifiques.
La biodiversité des zones humides continentales marocaines est relativement bien étudiée, plus sur les
plans systématique et écologique que sur les plans conservation et restauration. Ce n’est que récemment (à
partir de 1980, date de l’inscription de 4 sites dans la liste Ramsar) qu’on a commencée à s’intéresser réelle-
ment à ces zones en tant qu’écosystèmes productifs, comportant des espèces particulières pouvant jouer
des rôles socio-économiques importants, surtout aux échelles locale et régionale.
A. Écosystèmes marins
Les études consacrées au domaine maritime marocain, et plus particulièrement à sa composante éco sys-
témique sont relativement peu nombreuses. Certes, un grand nombre de campagnes scientifiques y a été
126
organisé, et ce depuis le 18e siècle ; mais ce fut souvent des études ponctuelles systématiques ou hydro-
logiques. Ce n’est que récemment qu’on a commencé à s’intéresser au fonctionnement des eaux du large et
de leurs relations avec les richesses biologiques, en particulier les ressources halieutiques.
Selon ces études, toutes les composantes biotiques (pratiquement tous les groupes zoologiques, dif-
férents types d’algues, phanérogames marines, etc.) et pratiquement tous les habitats identifiées à l’échelle
internationale (fonds sableux, vaseux, rocheux, avec ou sans métaphytes, coralligènes, etc.) y sont présents
et, parfois même, très développés. L’Étude Nationale sur la Biodiversité a d’ailleurs montré que les côtes
marocaines seraient plus diversifiées et plus riches que la Méditerranée toute entière y compris la mer noire.
L’origine de ces richesses vivantes des eaux marocaines résiderait, entre autres, dans leur position biogéo-
graphique stratégique, mais aussi au phénomène de remontées d’eaux profondes riches en sels nutritifs
dites « Upwellings ». La région marocaine est d’ailleurs, l’une des cinq principales zones influencées par le
phénomène d’upwelling qui est produit, maintenu et entretenu par certaines particularités géomorpholo-
giques et climatiques.
Le domaine marin marocain a fait l’objet de nombreuses expéditions scientifiques internationales et ce
depuis plus de deux siècles. Ses particularités physico-chimiques et biogéographiques en ont fait l’un des
pays les plus riches à l’échelle planétaire. Ces richesses restent très peu connues, exceptées celles ayant un
intérêt commercial, faute de suffisamment de spécialistes nationaux et faute de moyens matériels.
a. Estuaires
Les principaux estuaires du Maroc sont ceux de l’Oued Moulouya, sur la côte méditerranéenne, et les
Oueds Sebou et Oum-Er-Rbiâ, sur la côte atlantique. Sur la façade méditerranéenne, d’autres oueds (Oueds
Martil, Laou, Ghis, Nkor et Kert) se comportent plutôt en torrents ; ils reçoivent peu d’affluents et drainent
des bassins versants de dimensions modestes. Sur la façade atlantique, les autres principaux cours d’eau
sont le Loukkos, le Bou Regreg, le Tensift et le Souss. D’autres cours d’eau (Massa, Draâ, etc.), beaucoup
moins importants, sont assez souvent fermés à leurs embouchures par des bouchons sablonneux, comme
beaucoup d’autres oueds sahariens.
Ce sont des milieux très peu étudiés, à l’exception de celui de l’Oued Bou Regreg. Ils sont généralement
peu profonds (une dizaine de mètres, environ) ; mais, qui s’avèrent d’une grande richesse floristique et fau-
nistique (plus de 400 espèces déterminées dans l’esuaire du Bou Regreg) et surtout d’un grand intérêt socio-
économique pour les populations locales (pêche, ramassage de coquillages, etc.).
b. Lagunes
La côte marocaine abrite également de nombreuses lagunes et merjas dont les plus importantes sont la
lagune de Nador (115 km2) prolongée vers l’Est par les salines de Qariat Arekmane, et la lagune de Restinga-
Smir. Sur le littoral atlantique, les plus importantes sont la lagune de Moulay Bousselham, la Merja de Sidi
Boughaba, le complexe lagunaire de Oualidia-Sidi Moussa, la lagune de Khnifiss et la baie de Dakhla. Cette
dernière, qui s’étire sur près de 37 km de long et 10 à 12 km de large dispose d’un potentiel extraordinaire de
production biologique non seulement pour le Maroc, mais pour la région toute entière.
127
De nombreuses études ont été consacrées aux milieux lagunaires, surtout pour en évaluer les potentialités
aquacoles. Les mieux connues de ces écosystèmes sont ceux de Oualidia, Nador, Merja Zerga et Khnifiss.
2.2.1. Flore
La richesse spécifique de la flore marocaine est estimée à près de 7 000 taxa, largement dominée par les
espèces terrestres (environ 4 500 espèces) qui par la même occasion sont les mieux connues et les mieux
étudiées.
128
A. Flore marine
L’un des groupes végétaux les mieux représentés du Maroc correspond aux algues pluricellulaires dont
plus de 610 espèces ont été recensées et qui sont très largement dominées par les Rhodophycées (algues
rouges) avec 379 formes différentes. Pour ce groupe végétal, de nombreuses régions restent encore à pros-
pecter et à étudier le long de la côte marocaine. Le phytoplancton, moins étudié que les macroalgues, ne
compte à l’état actuel des connaissances que quelques 200 espèces. L’endémisme est très faible chez ce
groupe ; une seule espèce (Gelidiocolax verruculata) est considérée actuellement comme endémique de la
côte marocaine ; cependant, d’autres prospections et analyses systématiques permettraient probablement
d’autres découvertes..
C. Flore terrestre
La biodiversité végétale terrestre marocaine est riche et diversifiée. Elle comporte, selon les derniers
recensements, quelques 6 500 espèces ; chiffre qui reste certainement en deçà de la richesse floristique
réelle du Royaume, dans la mesure où d’une part il n’existe aucun spécialiste national pour certains groupes
et, d’autres part, de nombreuses régions du pays restent à explorer. Cette flore terrestre reste dans tous les
cas largement dominée par les phanérogames avec près de 4 500 espèces ; suivis des champignons
(820 espèces), des lichens (700 espèces), des mousses (350 espèces) et des fougères (60 espèces). Le taux
d’endémisme parmi la végétation terrestre est exceptionnellement élevé (930 espèces), mais aussi celui des
menaces (près de 1 000 espèces menacées).
2.2.2. Faune
La faune marocaine, comparée à celles d’autres pays voisins, peut être considérée comme relativement
riche et diversifiée ; plus de 24 600 espèces ont été identifiées jusqu’à présent, mais, on pense que ce chiffre
demeure bien inférieur à ce qui s’y trouve réellement et ce pour les mêmes raisons que la flore : des études
ponctuelles et peu nombreuses, nombreuses régions non encore prospectées, insuffisance des moyens et
insuffisance de compétences nationales.
Le graphique de la figure 3 montre que la faune nationale est très largement dominée par les arthropodes,
essentiellement les insectes, puis la faune marine et la faune des eaux continentales.
129
Figure 4 : Structure par groupes systématiques de la faune marocaine (d’après Menioui, 2004)
A. Faune marine
La faune marine marocaine compte, selon le recensement de l’ENB plus de 7 130 espèces et dépasserait,
qualitativement, tout ce qui a été identifié en Méditerranée et dans la Mer noire. Cette faune est très large-
ment dominée par trois principaux groupes que sont les Arthropodes (près de 1 930 espèces) principalement
les crustacés, puis les mollusques (près de 1 600 espèces) et les vertébrés (près de 1 150 espèces), consti-
tués principalement de poissons. L’endémisme au niveau de la faune marine (près de 240 espèces) touche
principalement les mollusques (84 espèces) qui proviennent presque tous de la région saharienne, très pati-
culière de point de vue biogéographique.
C. Faune terrestre
C’est le groupe le mieux représenté de la diversité spécifique du Maroc. En effet, plus de 15 290 espèces
y ont été identifiées dont 14 495 arthropodes comportant eux même plus de 13460 insectes. L’endémisme
130
dans le milieu terrestre est très élevé puisque 2 280 taxa ne sont connus que du Maroc, dont 2 155 arthro-
podes comportant 1 950 insectes.
2.2.3. Microorganismes
C’est l’un des groupes qui restent très mal connus et très peu étudiés au Maroc, malgré son importance
capitale sur les plans écologique, scientifique et socio-économique. On en estime le nombre à près de
1.120.000 espèces dans le monde dont 143.000 espèces recensées. L’étude Nationale sur la Biodiversité a
révélé la présence de 226 espèces au Maroc ; mais avec des centaines d’isolats par espèce. C’est un chiffre
qui montre l’importance de la lacune des études microbiologiques dans notre pays. De cet inventaire, très
sommaire, il semble que les microorganismes sont étudiés dans notre pays essentiellement pour leur
usages agro indistriels (phytopathogènes, agro-alimentaires, agricoles, etc.).
131
ont élaboré une législation touchant l’accès aux ressources génétiques en général. Il est encore trop tôt pour
tenter d’évaluer quelle influence ces initiatives pourraient avoir sur la diversité biologique agricole.
Avant la Convention, les débats à la FAO sur les mêmes questions autour des ressources phytogénétiques
pour l’alimentation et l’agriculture (RPGAA) avaient abouti à la reconnaissance des Droits des Agriculteurs,
défendus par les pays du Sud, en contrepoids des Droits des obtenteurs. Un Plan d’Action Mondial pour la
conservation et l’utilisation durable des RPGAA a été élaboré par la FAO et adopté en 1996. Sa mise en appli-
cation se heurte encore à l’absence de fonds financiers. La Commission des Ressources Génétiques de la
FAO a pu aboutir en 2001 à l’adoption du Traité international sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Ali-
mentation et l’Agriculture après des négociations ardues qui ont duré plusieurs années. Ce Traité est en har-
monie avec les dispositions de la Convention sur la Diversité Biologique.
A. Ressources phytogénétiques
À l’échelle nationale, les objectifs prioritaires des activités « ressources génétiques » s’articulent autour
des axes suivants :
– L’élargissement et l’enrichissement de la variabilité génétique au moyen des collectes et des introduc-
tions.
– La préservation de la diversité génétique à travers la conservation des populations et des écotypes
locaux.
– L’identification des sources de caractères désirables recherchés en caractérisant et en évaluant les res-
sources génétiques accumulées.
Le Maroc est considéré comme Centre de Diversité génétique pour plusieurs genres d’espèces cultivées
et d’espèces sauvages apparentées. Citons parmi lesquels les genres, Avena, Medicago, Lupinus,Trifolium,
Aegilops, Phalaris,Hordeum, Triticum, Lathyrus, Ononis, Vicia, Astragalus, Bituminaria, Lotus, Stipa, Eragros-
tis, Beta etc. Cependant, plusieurs espèces décrites dans le passé se sont raréfiées ou même disparu
(exemple : certaines espèces des genres Medicago, Lupinus, Cicer,...) ; d’autres ne sont que rarement ren-
contrées dans les zones montagneuses à fortes pentes et d’accès difficile. Parmi les arbres fruitiers, les
genres Olea, Pistacia, Ficus, Prunus et Amygdalus sont bien connus pour leur diversité variétale.
La qualité du patrimoine génétique marocain est reconnue à l’échelle internationale et de nombreuses mis-
sions ont été effectuées, par divers laboratoires européens, australiens, etc. pour faire profiter les cultures de
ces pays, des particularités écologiques et agromorphologiques des variétés marocaines.
Jusqu’à présent, les ressources génétiques des plantes cultivées ont été conservées ex situ, et les collec-
tions nationales sont préservées soit sous forme de collections aux champs (vergers, espèces fourragères
pérennes) soit sous forme de graines. La conservation dynamique in situ (à la ferme) est une approche
récente, encouragée avec l’avènement de la Convention Internationale sur la biodiversité. Des expériences
et des études sur ce mode de conservation nt été lancées un peu partout dans le monde depuis 1996. Au
Maroc, la conservation in situ des variétés de terroir n’a pas encore fait l’objet d’actions organisées par le
secteur public, mais elle se fait d’une façon indirecte dans les exploitations des régions où prédomine l’agri-
culture vivrière. Des expériences pilotes sont conduites dans plusieurs sites d’agriculture traditionnelle du
pays.
Chacune des institutions impliquées (principalement INRA, IAV Hassan II, ENA Meknès et Direction de
l’Élevage) détient des unités de conservation où les collections sont stockées pour une grande part dans des
conditions de conservation à court et à moyen terme. On dénombre actuellement plus de 20.000 accessions
132
sauvegardées. Ces collections sont constituées de cultivars, populations, clones appartenant aux espèces
économiquement et socialement importantes ; on y trouve des variétés autochtones et des variétés intro-
duites ainsi que des collections mondiales dans certains cas.
Les principaux éléments qui se dégagent des activités sur la valorisation des ressources phytogénétiques
peuvent être résumés comme suit :
Jusqu’à présent, de nombreuses démonstrations concernant la valeur potentielle du patrimoine local ont
été faites, surtout à l’étranger, par le passé, mais aussi au Maroc depuis moins de 20 ans.
Les réalisations concrètes de la dernière décennie ne doivent pas occulter les lacunes et faire oublier les
efforts continus qui restent à déployer en matière de sauvegarde et d’exploitation du matériel local.
Dans certains cas, la préservation du germoplasme introduit doit aussi constituer une préoccupation des
institutions de recherche puisque celui-ci représente une source alternative de caractères d’importance
économique comme les résistances aux principaux parasites.
En dehors des espèces de grande importance économique, un certain nombre d’espèces conservées dans
la banque de gènes des différentes institutions n’ont pas servi pour des programmes d’intérêt commercial
réel ou potentiel au cours des dernières années. Ces espèces n’ont pas été employées beaucoup plus fré-
quemment dans le passé, mais elles pourraient l’être au cours des quelques prochaines années, si on aug-
mente le nombre de personnel qualifié pour s’occuper de leur sélection. En effet, le nombre des
professionnels/scientifiques du pays qui emploient les ressources génétiques (y compris les programmes de
sélection végétale qui sont financés par le gouvernement et les applications à caractère commercial)
demeure encore faible, d’environ 150, toutes espèces cultivées confondues.
B. Ressources zoogénétiques
En ce qui concerne les ressources animales, le Maroc recèle un important patrimoine génétique, adapté à
des conditions environnementales particulières. C’est ainsi que, par exemple, le Maroc dispose de plus de 8
races ovines reconnues et cantonnées chacune dans une région plus ou moins restreinte, avec des condi-
tions souvent caractéristiques.
De plus, certaines de nos races disposent de traits presque uniques à l’échelle mondiale. C’est le cas, par
exemple de la race D’Man, parfaitement adaptée aux conditions particulières des oasis du sud marocain et
qui est l’une des races ovines les plus prolifiques dans le monde. La Sardi est répartie dans les plateaux du
Chaouia, Settat, Khouribga et El Kalâ ; celle de Timahdite dans les régions du Moyen Atlas, Meknès, Khenifra,
Ifrane et Khémisset, la race Beni Guil, celle de Beni Hsein, Boujaade, Oulad Jellal, l’Atlas, etc..
Deux races sont connues dans le cheptel bovin : la « la blonde d’Oulmès » et la « Brune de l’Atlas »
Pour le cheptel caprin, un effort d’identification précise des différentes races reste à faire, bien que l’on
parle de la race « Yahiaouia » et la race « Attaouia ».
Les camelins sont répartis entre les « Aît Khebbach », « Rguibi », « Rahali », « Mamya » et « Guerzini ».
Pour les équidés, il y a lieu de citer, entre autres, « le Pur-Sang Arabe » et « le Barbe » et parmi les races
canines « le Aidi » et le « Sloughi ».
La diversité des connaissances, pratiques et savoirs traditionnels se manifeste par la pluralité des dia-
lectes, pratiques de gestion des terres, arts, musiques, structures sociales, choix des plantes cultivées,
régimes alimentaires, pharmacopée traditionnelle, et un certain nombre d’autres attributs des sociétés
133
humaines. Certains attributs des cultures humaines représentent parfois des solutions aux problèmes de sur-
vie dans des environnements particuliers (adapté de IUCN, 1994).
Il existe une relation intrinsèque entre patrimoines naturels et patrimoines culturels. Si le patrimoine cultu-
rel s’est construit au fil du temps à partir du patrimoine naturel, c’est la culture qui permet de préserver les
connaissances au delà des générations. Les connaissances et pratiques traditionnelles doivent être préser-
vées car il existe une diversité de cultures qui constitue une richesse pour l’humanité et qu’aujourd’hui, un
nombre croissant de personnes souhaitent avoir accès à ces différentes cultures. En plus de leur valeur
intrinsèque, les connaissances et pratiques traditionnelles constituent une opportunité sociale, économique
et scientifique, avec un potentiel (économique) susceptible d’être utilisé pour le développement durable.
Les connaissances traditionnelles permettent, entre autres, de conserver les ressources biologiques, de
mieux connaître la diversité biologique et les relations au sein des différents niveaux de cette diversité,
d’envisager une nouvelle approche de la nature, d’accéder parfois à la santé et à la sécurité alimentaire à
moindre coût pour les populations.
Les pratiques correspondent à une mise en œuvre des connaissances et des innovations. Elles per-
mettent, entre autres, la transmission, la survie des connaissances traditionnelles, de prendre de nouvelles
mesures, d’instituer des modes de gestion mieux adaptés.
Chaque gène, chaque espèce, chaque écosystème qui disparaît réduit nos possibilités d’adaptation aux
changements. Cette perte est exacerbée par la disparition, plus rapide encore, des connaissances sur la bio-
diversité, notamment parmi les populations qui sont en étroite relation avec des écosystèmes complexes
puisque de nombreuses lois, usages et conventions sociales affectent de façon différente l’accès aux res-
sources biologiques.
Plusieurs menaces pèsent sur les connaissances traditionnelles, parmi lesquelles on peut citer (a) la perte
de diversité biologique (pressions anthropiques et catastrophes naturelles) ; (b) la pauvreté ; (c) l’évolution du
mode de transmission des savoirs ( la perte de la tradition orale qui ne trouve plus une écoute aussi impor-
tante auprès des nouvelles générations) ; (d) l’absence de transmission de ces connaissances à un succes-
seur ; (e) le « mépris » des connaissances traditionnelles, à travers leur mise en concurrence avec les
systèmes de connaissances moderne et les nouvelles technologies ; (f) l’uniformisation, la globalisation, la
marchandisation, etc.
Les détenteurs de connaissances et pratiques traditionnelles peuvent être définis, en vue de l’application
de la CDB, comme étant des personnes, communautés ou groupes d’individu ayant hérité par voix orale ou
écrite de connaissances transmises de générations en générations, utilisant et valorisant de façon durable la
diversité biologique (contribuant à travers leur valorisation à la conservation pour des objectifs de bienfaits
pour l’humanité).
Ces détenteurs peuvent être des individus (chefs traditionnels, herboristes..), des professionnels (tradipra-
ticiens, tisanneurs,...), des communautés locales traditionnelles ou des communautés locales institutionnali-
sées.
Une autre catégorie de détendeurs des connaissances traditionnelles est représentée par des personnes
physiques ou morales qui en font les inventaires et les transcrivent de manière statique. Il s’agit des associa-
tions professionnelles, des universités, des centres de recherche, des sociétés privées etc.
Au Maroc, très peu de cas ont été publiés jusqu’à présent sur les connaissances et pratiques tradi-
tionnelles en rapport avec la biodiversité, et il y a un besoin urgent en matière d’inventaires et de transcrip-
tion de ces connaissances. À titre d’exemple, chaque région du Maroc est connue pour sa richesse propre en
plantes aromatiques et médicinales. Cette richesse locale en espèces est liée à une diversité caractéristique
de savoirs et de pharmacopées traditionnelles qui sont susceptibles d’alimenter en idées nouvelles l’indus-
trie cosmétique et la pharmacie moderne. D’autre part, le savoir local des habitants sur les cultivars tradition-
nels et leur distribution dans les écosystèmes agricoles, leur gestion et leur utilisation, montre que la
134
conservation des ressources génétiques est étroitement liée à leur utilisation et aux bénéfices qui en sont
tirés. À titre d’exemples, l’art culinaire du Maroc, est bien développé à l’échelle nationale et possède plu-
sieurs variantes et recettes locales. Il fait appel à une multitude de combinaisons complexes d’épices, de
légumes et de fruits, dont certains sont autochtones et d’autres « exotiques ». L’inventaire des recettes
locales permettra de mettre en lumière les multiples usages des cultivars locaux de plantes cultivées, et peut
jouer en faveur de leur conservation et leur valorisation à l’échelle locale.
Bien que le Maroc soit un pays maritime par excellence, les marocains ont souvent tourné le dos à la mer,
ce qui se traduit, entre autres, par une faible consommation des produits de la pêche (environ 7 Kg./pers/an
contre plus de 20 pour l’Espagne et 60 pour le Japon). Il en résulte aussi que les savoir et pratiques tradition-
nels se limitent essentiellement à certaines approches de pêche qui contribuent à la conservation de la bio-
diversité marine dans certaines zones reculées. En effet, connaître la position de la lune, l’estimation de la
température de l’eau, la direction et l’intensité de vague, etc. permet souvent à des pêcheurs artisanaux de
prédire le niveau de la marée, l’état de la mer et parfois la nature des produits disponibles dans l’eau.
A. Flore réglementée
La flore marine du Maroc compte une seule espèce réglementée qui est l’algue rouge Gelidium sesquipe-
dale, et ce par des arrêtés du Département chargé des pêches maritimes qui imposent des restrictions dans
135
le temps de l’exploitation de cette espèce. Cependant lors de la période autorisée, cette algue est soumise à
une anarchie et une pression telles qu’on est en droit de s’inquiéter sur le devenir de ses stocks.
La flore des eaux continentale est très peu connue et pas du tout réglementée, malgré la grande pression
exercée sur elle. En effet, dans de nombreux sites humides, plusieurs espèces sont surexploitées soit dans
des activités artisanales (fabrication des nattes, entre autres), soit encore comme fourrage, surtout lors de la
période estivale. Quant à la flore terrestre, malgré le grand nombre d’espèces menacées et malgré le grand
nombre de formes à intérêt économique et dont certaines sont surexploitées, aucune espèce n’est protégée
par aucun texte national. Seuls certains textes internationaux (CITES entre autres) offriraient un cadre éven-
tuel pour leur protection.
B. Faune réglementée
Figure 5 : Structures par groupes systématiques de la faune réglementée (d’après Menioui, 2004)
La répartition par groupes systématiques de la faune réglementée du Maroc montre que cette dernière est
très largement dominée par les oiseaux (333 espèces, soit 52 % du total des espèces réglementées). La
législation nationale relative aux oiseaux est focalisée autour de quatre textes majeurs : – le dahir de 1923 sur
la police de chasse ; – le dahir de 1922 sur l’exportation des œufs de gibiers ; – l’arrêté de 1962 sur la régle-
mentation permanente de la chasse et ; – l’arrêté annuel sur l’ouverture et la clôture de la chasse.
Quant aux textes internationaux, il s’agit essentiellement des listes d’espèces à protéger proposées dans
136
certaines conventions (CITES, IUCN, Bonn) auxquelles adhère notre pays et qui concernent principalement
des espèces migratrices et faisant donc partie d’un patrimoine international.
Le deuxième groupe légiféré du patrimoine biologique est celui des coraux (106 espèces, 16 %) qui n’est
malheureusement régi par aucun texte national, sauf pour le corail rouge, dont la seule protection correspond
à une limitation du nombre de licences délivrées aux corailleurs. Pour cette dernière, ainsi que pour le reste
des coraux, la protection pourrait essentiellement se faire dans le cadre des conventions internationales
(CITES et IUCN).
Les poissons réglementés (85 espèces, soit 13 %) sont pour la plupart marins (seulement 3 amphihalines
et 1 d’eau douce), ils sont principalement régis par des textes nationaux dont les Arrêtés du département des
pêches de 1936, 1988, 1996, 1995 et le rapport annuel du département des Eaux et Forêts relatif aux aloses
et l’anguille. Il s’agit, soit d’une interdiction totale (grande alose), temporaire (anguille, mérou) ou de fixation
des tailles de capture et de commercialisation (espèces marines). Trois espèces figurent dans des régle-
mentations internationales auxquelles adhère le Maroc (liste de l’IUCN) : Acipenser sturio, Cethorinus maxi-
mus etCarcharodon carcharias.
Les mammifères (21 marins et 17 terrestres, soit 6 % au total) sont tous considérés comme menacés et
figurent dans des listes internationales de protection, en particulier la CITES pour les formes terrestres et
IUCN / CITES / Bonn, pour les espèces marines (à l’exception de Balaenoptera edeni qui ne fait partie que
des listes CITES et Bonn). La réglementation nationale relative à la protection des mammifères est extrême-
ment réduite, limitée à l’arrêté de 1993 pour la protection du phoque moine et les espèces de mammifères
marins dans la région du sud et, pour les espèces terrestres, à certains textes encourageant la production
animale (1975, 1991, 1992), la restriction de l’abattage de femelles camélines et bovines (1939, 1993,) ou la
création de zones dites « berceaux de races » (1984). Le phoque moine figure dans la liste de la Convention
d’Alger, en plus des conventions sus-citées.
Les reptiles comptent 28 espèces légiférées (22 terrestres et 6 tortues marines) et les amphibiens 8 (1 %).
Aucune de ces espèces n’est régie par un texte national. Toutes les tortues marines figurent dans les
conventions de Bonn, CITES, IUCN et d’Alger. Tous les amphibiens figurent dans les listes de l’IUCN, ce qui
est également le cas des 22 reptiles terrestres ; cependant, certains d’entre eux figurent également dans
celle de la CITES (Testudo graeca, Hemidactylus turcicus, Tarentola mauritanica, Eryx jaculus, Coluber hip-
pocrepis).
Les mollusques (tous marins) et les échinodermes, représentés respectivement par 17 et 1 espèces, ne
sont régis que par des textes nationaux limitant leurs tailles de capture ou réduisant la durée de leur pêche,
surtout au sud du Maroc.
C. Espaces protégés
La législation marocaine en matière de diversité biologique est abondante ; le nombre de textes en la
matière dépasse les 250. L’ancienneté de bon nombre d’entre eux, datant du début du siècle, témoigne de
l’intérêt porté très tôt à la protection des ressources naturelles du pays. Cette législation ancienne était peut-
être embryonnaire, mais elle avait le mérite d’exister à une période où le souci de l’environnement était loin
d’être la préoccupation majeure de la communauté internationale.
Les principaux textes relatifs à la biodiversité et ayant trait directement ou indirectement à la conservation
et à l’exploitation des ressources biologiques sont résumés au tableau 39. Des secteurs comme le domaine
forestier, l’eau, la pêche fluviale et maritime, la chasse et autres ont été très tôt dotés de textes législatifs
destinés à assurer une exploitation durable de ces ressources. Cet arsenal juridique environnemental, qui
date des années dix, vingt et trente, a cependant quelque peu vieilli, et devient parfois inadapté. Certains tex-
tes ont été révisés, d’autres, relatifs au réajustement des textes nationaux avec les Conventions Inter-
137
nationales récentes n’ont pas encore fait l’objet de ces révisions. Enfin, les conflits de compétences
qu’engendre la multitude de gestionnaires ne peuvent être bénéfiques pour la préservation de la diversité
biologique marocaine.
D’autres lois et textes ont été décrétés pour conserver les supports de ces ressources biologiques dans
leurs milieux naturels. Parmi ceux ci nous citons les textes relatifs à l’eau (une vingtaine de lois et décrets ont
été adoptés entre 1916 et 1925 pour gérer les ressources en eau dans le pays), au sol (Arrêté vizirièl du
20 Décembre 1951 relatif à la création de périmètres de défense et de restauration des sols, ainsi que les
arrêtés ultérieurs de 1960, 1980 et 1995), aux ressources minières (Dahir du 16 Avril 1951 relatif à la régle-
mentation minières au Maroc) et enfin les textes réglementant l’exploitation des carrières de sable et tous
autres matériaux du domaine public utilisés principalement dans le secteur du bâtiment. La législation maro-
caine avait, dès les années vingt, réglementé l’extraction de ces matériaux, notamment dans les sites
comme Essaouira (1924), Rabat – Salé (1930), Safi (1933) et dans l’ensemble des lits des cours d’eau (arrêté
du 6 Décembre 1924).
D’autres textes sont en relation indirecte avec la conservation de la biodiversité dans certains milieux parti-
culiers. Nous citons principalement le Dahir du 25 Juillet 1969 relatif aux périmètres irrigués, le Dahir du
17 Décembre 1977 relatif à l’application de la réglementation sur la Reforme Agraire ou encore le Dahir du
22 Février 1995 relatif aux périmètres de mise en valeur en bour.
138
La faune domestique – DAHIR du 1er Juillet 1914 sur la Police sanitaire à l’importation des produits animaux.
– DAHIR du 10 Septembre 1993 relatif aux mesures sanitaires vétérinaires à l’importation d’animaux, de
denrées animales, de production d’origine animale, de produits de multiplication animale et de produits
de la mer et d’eau douce.
Pêche continentale – DAHIR du 11 Avril 1922 relatif à l’exploitation des cours d’eau fluviaux et l’exercice de la pêche continentale (et le
Dahirs modificatif ultérieur).
R Arrêté du 3 Janvier 1994 sur les conditions d’introduction des poissons et de crustacés dans les eaux du
domaine public terrestre.
Pêche maritime – DAHIR du 31 Mars 1919 relatif à la réglementation de la pêche maritime
– Décret du 2 Février 1974 réglementant La pêche avec les filets forée.
R Arrêté du 9 Janvier 1997 relatif à l’institution temporaire de la pêche de certains espèces.
R Arrêté du 20 Janvier 1994 relatif à l’institution de la pêche aux coquillages dans certains zones du littoral médi-
terranéen
R Arrêté du 1er octobre 1993 relatif à l’interdiction d’exploitation des algues marines sur le littoral Atlantique.
R Arrêté du 26 octobre 1993 interdisant temporairement la pêche du Phoque Moine et autres mammifères
marins ainsi que certains autres espèces marines comme les céphalopodes etc...
139
– le Ministère de l’Education Nationale est incontournable dans les programmes de sensibilisation-
éducation, surtout avec sa dimension géographique (présent dans tout le territoire national) et struc-
turelle (enseignants et jeunes générations aptes à recevoir et à réagir) ;
– les Ministères de l’Industrie, du Commerce, des Télécommunications ainsi que ceux de l’Artisanat, de
l’Energie et des Mines et de l’Economie Sociale sont des départements chargés de gérer des secteurs
potentiellement pollueurs ;
– le Ministère des Finances et de la Privatisation qui a toutes les compétences pour développer des pro-
grammes d’incitation à la conservation de la nature et de l’environnement, et ce, par des facilités fiscales
au profit de personnes physiques ou morales contribuant d’une façon efficace à protéger l’environne-
ment en général et la biodiversité en particulier. C’est aussi de ce département que relève l’organe de
contrôle (Douanes), département et instrument vital dans le domaine de la biosécurité et du contrôle du
commerce international illicite des espèces menacées ;
– le Ministère du Tourisme appelé à jouer un rôle primordial dans la valorisation de la biodiversité natio-
nale, en particulier paysagère.
– le Ministère de la Culture qui est d’une grande importance pour la sauvegarde et la conservation du patri-
moine naturel, en particulier biodiversitaire. Il est chargé de préserver et mettre en valeur le patrimoine
culturel et, en liaison avec d’autres administrations, est appelé à contribuer à la préservation de l’envi-
ronnement et notamment au classement des sites naturels ;
– le Ministère de la Communication. Ce département gère également l’un des outils les plus répandus et
les plus efficace dans les opérations de sensibilisation/éducation qu’est le secteur audio-visuel ; secteur
qui pourrait être capitalisé pour des programmes visant l’information, la sensibilisation et l’éducation ;
– le Ministère de la Santé. C’est un Ministère qui, gérant les problèmes épidémiologiques et d’hygiène,
est appelé à contribuer, avec d’autres administrations, à assainir des écosystèmes ou à lutter contre cer-
taines formes de vie nuisibles pour la santé humaine. Il est également connu pour ses divers rejets,
réputés « très nocifs » pour l’environnement et la biodiversité (produits radio-actifs, substances haute-
ment toxiques, etc.) ;
– le Ministère de l’Intérieur qui joue, via les collectivités locales, un rôle déterminant dans la gestion des
ressources naturelles et aura un rôle certainement encore plus important dans les divers programmes
de régionalisation de la décision, en particulier environnementale ;
– le Secrétariat général du gouvernement. Même si son « intitulé » ne reflète aucun lien avec le domaine
de la biodiversité ni de l’environnement, c’est un département-clé jouant un rôle également déterminant
en assurant, d’une manière continue, un suivi de la législation nationale, de sa conformité avec les prin-
cipes généraux du droit interne marocain et du droit international, de l’harmonie entre ces deux niveaux
et de l’harmonie avec différents lois et règlements proposés par chaque département et par les
membres du parlement ;
– le Ministère de la Justice. où sont déposées les demandes de création d’associations y comprises celles
relatives à l’environnement, que sont jugés les braconniers, que sont jugés les différents de propriétés
de terrains forestiers, etc. En s’adaptant aux nouvelles donnes environnementales et en spécialisant cer-
taines de ses sections, ce Minitère pourrait jouer un rôle plus efficient dans la protection de notre envi-
ronnement et notre patrimoine naturel ;
– le Ministère des Habous et des Affaires islamiques. Son rôle est loin d’être négligeable dans la conserva-
tion du patrimoine naturel si, d’une part, on tient compte des terrains, donc des paysages/écosystèmes
(legs) qui sont sous sa responsabilité et dont la gestion nécessite son approbation et, d’autre part, du
rôle qu’il pourrait jouer en matière de sensibilisation ;
140
Civile, les Gardes Forestiers, les Douaniers, etc. jouent un rôle décisif dans la protection et la conservation du
patrimoine vivant national. La surveillance du littoral, les patrouilles, le contrôle routier, les contrôles doua-
niers, la maîtrise des incendies de forêts, le contrôle et la surveillance des braconnages, etc. sont des
mesures utiles et nécessaires pour sanctionner toute action qui porte préjudice à l’environnement, en géné-
rale, et sa diversité biologique, en particulier.
B. Organes de consultation
À côté des différents départements ministériels chargés de prendre des décisions fondées sur des avis
scientifiques de leurs organes de recherche, il existe de nombreux organes de consultation correspondant
aux conseils nationaux comportant des administrateurs, des scientifiques et, aussi, des professionnels – opé-
rateurs. Les résultats des assises de ces conseils constituent souvent des bases pour des stratégies ou des
actions relatives au domaine concerné et se transforment, par la même occasion, à de véritables décisions
politiques. Il s’agit de :
– le Conseil Supérieur de l’Eau ;
– le Conseil National des Forêts ;
– le Conseil National de l’Environnement ;
– le Conseil Supérieur de la Culture ;
– le Conseil Supérieur de la Chasse ;
– le Conseil Supérieur pour la Sauvegarde et l’Exploitation du Patrimoine Halieutique ;
– le Conseil National de la Sélection des Semences et des Plantes ;
– le Comité Consultatif des Parcs Nationaux ;
– la Commission de Distraction du Régime Forestier ;
– le Conseil National de la Chasse ;
– le Conseil National de l’Energie Nucléaire ;
– la Commission Interministérielle de Coordination des problèmes concernant les Eaux Alimentaires.
– le Comité Marocain de l’IUCN ;
– le Comité National de la biodiversité ;
– le Comité National des zones humides ;
– le Comité National de la pêche.
141
2.5.3. Engagement international du Maroc (Appréciation de l’état de cet engagement
dans le cadre des accords bilatéraux et multilatéraux)
Le dispositif juridique international en matière d’environnement est très riche et comporte pas moins de
160 traités, accords et protocoles. Selon l’ENB, 34 textes internationaux, 18 engagements régionaux et un
accord bilatéral ont été adoptés par le Royaume et font d’ores et déjà partie de la législation marocaine. De
par la qualité et la quantité de ces engagements, le Maroc dispose en principe d’instruments qui devraient lui
permettre amplement de protéger sa biodiversité de la manière la plus appropriée.
On dénombre au Maroc quelques 53 conventions qui sont directement ou indirectement en relation avec
la diversité biologique, parmi lesquelles on distingue 33 Convention Internationales, 19 Conventions Régio-
nales et une Convention bilatérale. Cette dernière a été établie entre le Maroc et l’Espagne le 06 Février
1996. Il s’agit de l’Accord de coopération technique en matière de lutte anti-pollution et de sauvetage en mer.
Les tableaux 3 et 4 indiquent les principales conventions internationales et régionales en la matière.
Parmi les conventions internationales qui sont en relation indirecte avec la conservation de la biodiversité
on peut citer la convention relative à la protection de la mer contre la pollution (produits chimiques, hydro-
carbures), la Convention sur les Changements Climatiques et celles relatives au domaine nucléaire.
142
Tableau 4 : Principales conventions régionales (d’après REEM, 1999)
143
E. D’importants progrès dans la mise en œuvre des conventions et traités, mais des
lacunes restent à combler
Si jusqu’à présent le Maroc a honoré ses engagements quant aux premières étapes des conventions rela-
tives à la biodiversité, notamment en matière d’élaboration des rapports et des stratégies nationales, force
est de constater que d’importantes lacunes restent à combler surtout en ce qui concerne le suivi de la mise
en œuvre de ces stratégies. De plus, il importe de préciser que l’élaboration de la stratégie et du plan d’action
nationaux dans le cadre de la Convention sur la Biodiversité a connu plusieurs années de retard (1997-2004),
ce qui a réduit considérablement les chances de bénéficier des supports financiers alloués par les bailleurs
des fonds internationaux pour la concrétisation des actions de conservation et de développement durable.
Par ailleurs, cette Convention aborde une multitude d’aspects complémentaires, représentés par des pro-
grammes thématiques (Biodiversité marine et côtière ; Biodiversité agricole ; Biodiversité des forêts ; Bio-
diversité des écosystèmes d’eaux intérieures ; Biodiversité des terres arides et sub-humides ; Biodiversité
des écosystèmes de montagnes) et des questions multisectorielles, abordant de manière horizontale tous
les secteurs thématiques (Biosécurité ; Accès aux ressources génétiques – partage des avantages – droits de
propriété intellectuelle ; Les connaissances, innovations et pratiques traditionnelles (article 8(j)) ; l’Identifica-
tion, surveillance, indicateurs et évaluations ; La taxonomie et l’Initiative Taxonomique mondiale ; l’Economie,
commerce et mesures d’incitation ; les Espèces exotiques ; la Diversité biologique et le tourisme, etc.). Le
suivi des multiples négociations et de la mise en œuvre nationale des décisions relatives aux différents
aspects thématiques et multisectoriels nécessitent la disponibilité d’équipes spécialisées et bien coordon-
nées, ce qui n’est pas toujours assuré à l’échelle nationale. À titre d’exemple, il n’existe pas encore de texte
de loi nationale ne matière de biosécurité, afin de réglementer l’utilisation transparente des organismes
génétiquement modifiés. Il en est de même pour la réglementation de l’accès aux ressources génétiques. En
effet, le Maroc a été parmi les premiers signataires de la Convention sur la Diversité Biologique et du Traité
International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 2001). Grâce à
son importante richesses en ressources génétiques, notre pays a toujours représenté une destination privilé-
giée des bio prospections en région méditerranéenne. Cependant, jusqu’à présent, aucune disposition de
nature juridique, administrative ou autre n’est mise en place pour réguler l’accès aux ressources génétiques
du pays, ni pour prévoir un cadre favorisant le partage équitable des avantages issus de leur exploitation par
des programmes étrangers. Cette situation devient complètement inadaptée compte tenu de l’évolution
internationale de la question d’accès aux ressources génétiques et du partage des avantages, aussi bien
dans le cadre de la CDB que dans celui, plus spécifique, du traité de la FAO.
À côté de la Convention sur la Diversité Biologique, plus d’une cinquantaine d’accords internationaux ont
été signés par le Maroc qui n’est pas allé jusqu’au bout de ses engagements. En effet :
– on ne dispose pas encore de listes rouges des espèces et des espaces menacés à protéger et à faire
protéger à l’échelle internationale ;
– rien n’est fait pour la protection du phoque moine, l’une des espèces les plus menacées à l’échelle mon-
diale et figurant dans les listes rouges des principales conventions nationales ; ;
– de nombreuses espèces, parfois très menacées, sont prélevées et vendues dans les marchés publiques
et parois aux touristes étrangers (tortues, caméléons, fouette-queues, œufs d’oiseaux migrateurs, etc.)
– un grand nombre d’espèces menacées à l’échelle internationale, dont des formes migratrices, ne bénéfi-
cient dans notre pays d’aucune mesure de protection (oiseaux, baleines, etc.) ;
– un grand nombre de plantes menacées ne bénéficient d’aucune conservation (aucune des espèces rares
ou menacées) ;
144
– des braconniers détruisent certaines ressources en toute impunité (mérous dans la Méditerranée,
Grande nacre, pollutions diverses, etc.) ;
Pourtant, tous ces problèmes correspondent à des priorités dans les conventions de Ramsar, d’Alger, de la
Convention pour la protection des oiseaux, de la convention de Bonn, de celle de la CITES, etc., signées et
ratifiées par le Maroc et qu’il est, en principe, censé respecter.
Les ressources naturelles biologiques jouent un rôle vital dans le développement socio-économique du
Maroc.
Selon les actes du colloque national sur les forêts (1996), l’Étude National sur la Biodiversité (1997), le Pro-
gramme Forestier national (1998), le grand livre de la forêt (1999), etc, bien que l’écosystème forestier
n’occupe que 12 % environ du territoire national, il est stratégique en raison de ses divers rôles économique
(recettes, matière première, ressources énergétiques, etc.), écologique (lutte contre l’érosion, l’envasement
des barrages, puit de carbone, etc.) et social (source de revenus pour plus de 114000 familles, etc.). Les don-
nées de 1996 montrent que la fonction productrice de la forêt se traduit par des quantités de bois d’œuvre et
d’industrie (645 000 m3), de bois de feu (917000 stères, soit 30 % du bilan énergétique national), de bois de
liège (43.000 stères) et d’unités fourragères (plus de 1.500.000.000 annuellement, soit 11 % du bilan fourra-
ger national). La production non marchande de bois ramassé est évaluée à quelques 4 415 000 Dh, alors que
celle du charbon de bois à 29.350.000 Dh. La forêt fournit également 15.000 emplois permanents (donc des
ressources financières pour autant de familles) et 40 millions de jours de travail ; ce qui peut se traduire par
quelques 114.000 personnes actives dans ce domaine. On estime que plus de 17 % de la population active
dans le domaine rural vit entièrement ou partiellement de la forêt et de ses produits. La forêt marocaine
contribue pour 2 % au PIB agricole et 0.4 % au PIB national ; mais, sa contribution réelle serait de près de
10 % du P.I.B. agricole, si on prend en considération le pâturage, l’exploitation de bois combustible et de
menus produits. La déforestation fait perdre annuellement au Maroc quelques 119 millions de Dirhams, soit
0,03 % du PIB, en plus de près de 380 millions de Dh pour les reboisements, la sauvegarde des écosys-
tèmes et les substitutions d’énergie. Il s’agit, en fait, d’une somme colossale qu’il serait possible d’investir,
au moins en partie pour la conservation et le développement de ce secteur. La valeur totale des biens et ser-
vices de la forêt serait de près de 5,5 milliards de Dh en moyenne.
Au milieu forestier proprement dit, on a souvent articulé les parcours qui couvrent quelques 53 millions
d’ha. Ces parcours assurent en moyenne 26 % des besoins fourragers (90 % dans certaines régions). En fait,
la couverture des besoins du cheptel national est passée de 60 % durant les années 70 à moins de 26 %
aujourd’hui. Les défrichements, l’augmentation du cheptel sur les parcours, l’extension de la durée de
pacage et l’arrachage délibéré des essences ligneuses ont fait, que tous nos parcours sont actuellement
dégradés : 12 % sont fortement dégradés, 81 % moyennement dégradés et seulement 6,6 %, faiblement
dégradés. Cette dégradation se traduit, entre autres, par : 1 – le remplacement de la végétation pérenne par
145
une autre annuelle peu appétable ; 2 – des sols dénudés ; 3 – l’apparition de sables et dunes et ; 4 – en terme
de biodiversité, la raréfaction/disparition d’espèces.
En dehors des extractions effectuées directement dans divers écosystèmes nationaux, la diversité de la
faune terrestre engendre une importante activité de chasse qui prélève chaque année près de 500 000 unités
de gibier constitué principalement du lièvre, du lapin, du sanglier, du renard, de la caille, de la bécasse, la
bécassine, la tourterelle, etc.. Cependant, l’évolution des ressources cynégétiques se caractérise par une
tendance inquiétante de régression due, au moins pour les espèces terrestres, à l’extension des terres
arables au détriment de la végétation arbustive servant d’abris au gibier ; mais, aussi, au braconnage (pié-
geage, ramassage des œufs, etc.), sans compter l’augmentation rapide du nombre de chasseurs. Une autre
nuisance générée par le secteur de la chasse est « la régulation des populations des espèces prédatrices des
espèces-gibiers ». C’est ainsi, par exemple, que lors de la saison 2000-2001, 889 renards, 259 chacals, 37
corbeaux et 36 pies ont été tués « officiellement » pour protéger le gibier (qui, dans tous les cas, serait tué).
L’agrosystème national est également un domaine prioritaire, non seulement en tant que principal pour-
voyeur de nourriture ; mais, aussi, en tant qu’élément stratégique de l’économie nationale. En effet, dès
l’indépendance, le Maroc a assigné à l’agriculture un rôle déterminant comme secteur d’ajustement et de
financement de la croissance économique nationale et, aujourd’hui encore, elle reste l’un des secteurs déter-
minants de cette économie. Cependant, il importe de préciser que la majorité des formes utilisées dans cette
agriculture n’est malheureusement pas autochtone et est constituée par des espèces, variétés et races intro-
duites pour leur intérêt lucratif. L’importance de l’agrosystème ne se limite pas seulement à ses rôles de
« grenier » (cultures) et d’« étable » (élevage), mais, aussi, à ses vocations d’employeur de la main d’œuvre,
de fournisseur de devises et d’important secteur productif, sachant que près de la moitié de la population
marocaine est rurale et que l’agriculture est son activité principale. Le Maroc est, en effet, un pays agricole
dont 11,8 % (8 456 000 ha) de sa superficie est cultivable. Plus du 1/3 de la population active du Maroc (4,8
millions) travaille dans le secteur agricole, 2,2 millions de ménages dépendent de l’agriculture et 50 %
d’entre eux vivent des cultures pluviales associées à l’élevage. La production agricole constituait au début
des années 60 près de 30 % du Produit Intérieur Brut et ne dépassait plus les 17 % en 1993. Les revenus de
cette production finançaient environ la moitié des importations totales jusque en 1973 ; mais, ce taux n’a
cessé de régresser, depuis, pour atteindre à peine les 11 % en 1990.
L’apport en devises des produits de l’écosystème agricole était, par exemple, de 8 milliards de Dirhams en
1994, correspondant à 20 % du total des exportations, soit le deuxième rang après les phosphates et avant
les pêches maritimes. Les surfaces irriguées contribuent à 90 % des exportations agricoles proviennent des
surfaces irriguées.
L’élevage compte pour près du 1/3 du PIB agricole, fait travailler quelques 40 % de la population active
rurale, pour un cheptel de plus de 22000000 têtes de bétail qui fournit 90 % des besoins en produits laitiers.
Il faut cependant préciser qu’une bonne part de la production agricole nationale provient d’espèces et de
variétés allochtones, importées pour leurs spécificités de rendement, de productivité ou de rentabilité, et uti-
lisées au détriment des formes locales utilisées depuis longtemps auparavant. Ceci met en évidence l’impor-
tance de la préservation des races et variétés locales pour les générations futures, car elles constituent un
potentiel d’amélioration génétique dont l’importance peut se révéler utile par la suite, en fonction des modifi-
cations des besoins de culture, d’élevage ou de consommation.
L’écosystème marin assure une grande partie des protéines d’origine animale ; il assure des emplois
directs et des revenus plus ou moins stables pour un grand pourcentage de la main d’œuvre nationale
146
(marins, ramasseurs, fonctionnaires, investisseurs, etc.). La mer fournit aussi une grande part de matière pre-
mière pour certaines industries (engrais, conserverie de poisson, farine de poisson, produits pharmaceu-
tiques, aliments pour bétail, etc..) ; malheureusement, elle sert aussi d’exutoire pour plus d’un milliard de
mètre cube d’eaux usées non traitées.
L’espace maritime national, plus vaste que l’espace terrestre, joue un rôle stratégique sur les plans écono-
mique et social. Sa façade atlantique joue aujourd’hui le rôle de pôle structurant de l’économie nationale,
compte tenu de son poids démographique, économique et de sa fonction dans l’organisation de l’espace
national (61 % de la population urbaine des grandes villes, 80 % des effectifs permanents des industries,
78 % de l’ensemble des investissements industriels du pays, 67 % de la valeur ajoutée, 53 % de la capacité
touristique, 92 % du trafic maritime, etc.). Elle concentre les principales agglomérations du pays (Casablanca,
Rabat, Kénitra, Agadir, Safi, Tanger, Tan Tan, Laâyoune, Dakhla, etc.), les densités démographiques urbaines
et rurales les plus élevées, les réseaux d’infrastructures et de communication les plus denses, ainsi que les
principales activités économiques. Cependant, la forte littoralisation que connaît le Maroc depuis ces der-
nières décades y a engendré un important dysfonctionnement et de profondes dégradations de l’environne-
ment marin. En effet, la population urbaine du littoral atlantique qui ne représentait que 19,4 % en 1936, est
passée à 29 % en 1960, 35 % en 1971 et 42,8 % en 1982 pour atteindre 49,8 % en 1998 et environ 54 % en
l’an 2000. La population marocaine atteindrait 60 à 80 millions en l’an 2025 et l’urbanisation serait de 75 à
77 %.
Dans ce grand espace maritime national, le potentiel biologique exploitable a été estimé à 500.000 tonnes
pour les espèces demersales et 1.500.000 tonnes pour les espèces pélagiques. La production halieutique du
Maroc a atteint en 1999 plus de 758000 tonnes ; correspondant à une valeur de 4.884 Milliards de Dirhams
dont 1.818 Milliards de Dirhams pour la pêche côtière et 2.888 Milliards de Dirhams pour la pêche hauturière.
Cette production a dépassé le million de tonnes en l’an 2000. La pêche côtière qui constitue la principale
composante de la production halieutique du Maroc (85 %) est essentiellement dirigée vers l’exploitation de la
sardine ; alors que la pêche hauturière est orientée principalement vers les prises céphalopodières. Pour
cette dernière, bien qu’elle ne représente que moins de 15 % de la production nationale, son importance
réside essentiellement dans le chiffre d’affaire qu’elle permet de réaliser et qui dépasse les 50 %. L’évolu-
tion de l’effort de pêche côtière par ports, depuis 1988 jusqu’en 1997, montre qu’il y a une migration des acti-
vités de pêche vers le sud du Royaume. C’est ainsi que, d’une part, le port d’Agadir a perdu de son intérêt
depuis l’année 1988 au profit des ports du sud en particulier Tan Tan, puis Laâyoune et, d’autre part, l’effort
de pêche durant cette décennie a augmenté de près de 50 %.
Il est extrêmement difficile de se prononcer sur l’impact du non renouvellement des accords de pêche
entre le Maroc et la communauté européenne. Déjà en 2001, date d’expiration de cet accord, les produits de
la pêche ont dépassé pour la première fois la barre d’un million de tonnes, avec une croissance de 22 %;
mais rien ne permet de confirmer, qu’en si peu de temps, la nature a repris ses droits.
147
– une consommation nationale de 12 kg de poissons/hab/an ;
– 7,7 milliards de dirhams d’investissements ;
– la création de 40 000 nouveaux emplois.
– la création de 5 villages de pêche (300 millions de dirhams) et 60 points de débarquement (600 millions
de dirhams).
L’aquaculture, bien qu’elle possède de réelles potentialités de développement, n’a actuellement qu’une
part infime dans le développement des ressources halieutiques nationales (0,1 % en tonnage et 1,6 % en
valeur). Cette activité a permis de produire quelques 1 200 tonnes en 1998 correspondant à près de 87 mil-
lions de Dirhams.
À côté des pêches côtière et hauturière et de l’aquaculture, il existe d’autres activités littorales telles que le
ramassage des algues, ou de certaines autres espèces animales telles que les moules, les palourdes, les
coques et les pieds de biches. L’exploitation de ces ressources reste souvent intensive et non contrôlée.
Pour les algues, par exemple, le ramassage a permis l’exploitation de 8 600 tonnes en 1998 ; alors que pour
le corail, la production était de 3 000 Kg. en 1998 pour une valeur de 80 Millions de Dirhams, contre 7 000 Kg.
en 1992 et 5 000 Kg actuellement. Quant aux autres espèces, il est quasiment impossible d’estimer la pro-
duction, et ce, à cause de l’insuffisance des données.
Un autre indice socio-économique est celui du niveau des exportations des ressources halieutiques à l’état
brut (poisson frais) ou transformées. Ces exportations ont, en effet, augmenté de façon notable pour consti-
tuer actuellement près de 15 % du total des exportations marocaines globales et environ la moitié des pro-
duits agro-alimentaires. Parmi ces exportations, les mollusques, très largement dominés par les
céphalopodes, constituent un peu plus de la moitié et sont destinés au marché japonais, essentiellement,
alors que les poissons, en partie sous forme de conserves prennent plutôt le chemin de l’Europe.
L’enseignement majeur pouvant être tiré de l’analyse, de l’évolution de la pêche et de la destinée de ses
produits, est que l’essentiel de cette pêche va aux sous produits, non valorisants, ce qui sous entend, donc,
qu’une valorisation de ces produits est plus que nécessaire. En effet, malgré l’importance stratégique de ce
secteur dans la vie socio-économique et culturelle du Maroc, le secteur maritime et ses ressources ne sont
malheureusement pas encore appréciés à leur juste valeur puisque :
– un important pourcentage (60 %) de la production côtière est voué à une transformation en sous pro-
duits destinés à nourrir d’autres animaux certainement de moindre valeur alimentaire et de moindre
importance économique ;
– la presque totalité de la pêche hauturière est « expédiée » sans aucune valeur ajoutée ;
– le faible taux de consommation nationale exprimant un certain désintéressement de la population dont
chaque membre ne consomme en moyenne que 7,4 kilogrammes de produits de la mer par an.
– Sur le plan social, le secteur des pêches maritimes génère un volume important d’emplois directs et indi-
rects de près de 400 000 personnes.
148
Figure 6 : Évolution des pêcheries de 1975 à 2003 (d’après les données du MPM)
Les zones humides n’ont pas de grandes superficies ni les productions des écosystèmes marin, forestier
ou agricole ; mais elles sont dotées d’autres richesses, visibles ou occultes, qui leur confèrent un rôle socio-
économique d’une importance majeure à l’échelle locale. Elles constituent une importante source de reve-
nus de subsistance pour un grand nombre de familles riveraines ; ainsi que des richesses non négligeables
pouvant contribuer au développement socio-économique des zones et des régions où elles sont situées. En
effet, les zones humides se prêtent parfaitement bien à l’écotourisme et à l’aquaculture du fait de leurs
accessibilités et de l’abondance de l’eau nécessaire pour le développement de l’une ou de l’autre de ces acti-
vités.
D’autres avantages socio-économiques sont offerts par les zones humides dont :
– Des avantages récréatifs (chasse, pêche, planche à voile, sports nautiques, randonnées, pique-niques et
promenades, baignade, etc. ; ) ;
– Des avantages agricoles du fait qu’elles constituent d’excellentes zones de pâturages et, aussi, d’agri-
culture surtout dans les sites déjà asséchés où les rendements sont importants. Ce sont des zones qui
fournissent également de nombreuses plantes utilisées à diverses fins ;
149
– Des avantages piscicoles et conchylicoles en fournissant, via les activités aquacoles, des poissons et
des coquillages ; donc des protéines d’origine animale ;
– Des avantages énergétiques par l’utilisation du bois ou la production de méthane (fermentation de végé-
taux) ;
– Des avantages éducatifs en fournissant d’excellents instruments d’illustration pédagogique pour les
enseignements primaires, secondaires et universitaires.
Chaque année, près de 25 000 tonnes de poissons sont prélevés des eaux douces nationales par le sec-
teur de la pêche dans les eaux intérieures. La pêche contrôlée devient de plus en plus régie par des accords
entre l’administration et le privé, soit sous forme d’amodiations visant une pêche sportive organisée, soit
encore pour la mise en place d’activités aquacoles de type industriel. C’est une activité qui se pratique aussi
bien dans les cours d’eau naturels que dans les retenues artificielles des barrages.
Comme partout dans le monde, et en particulier dans les pays en voie de développement, les besoins sans
cesse croissants en ressources biologiques, l’industrialisation, l’urbanisation, l’ancienneté et l’inefficacité du
système législatif, l’absence de surveillance et de contrôle, etc. ont indubitablement un impact sur la santé
de l’environnement, en général, et la viabilité de la diversité biologique, en particulier. Il en résulte que la
majorité de nos écosystèmes et de nos ressources biologiques se trouvent dégradées, à un degré ou à un
autre ; certaines de nos espèces et nos ressources génétiques se sont même éteintes. Satisfaire nos
besoins et ceux des générations futures exige la planification et l’utilisation durable de ces ressources pour
en assurer l’équilibre et la pérennité. Il importe, donc, d’adopter des approches et des mécanismes de pré-
vention, d’utilisation rationnelle et de promouvoir la restauration et la réhabilitation des ressources détruites,
leur valorisation ; – de mettre en œuvre des mesures incitatives et d’assurer la participation et l’engagement
de la population.
Les deux grandes approches de conservation peuvent être soit in-situ (prioritaire), soit ex-situ. Cependant,
l’une ou l’autre des approches ne peut se montrer efficiente que s’elle est accompagnée de mesures de sen-
sibilisation / éducation, de recherche / développement, de coopération, etc.
Les principaux efforts fournis par le Maroc en matière de conservation in situ peuvent être résumés dans
ce qui suit :
150
sitions, en particulier législatives, ont été mises en place dès le début du siècle dernier (1917, pour la conser-
vation des forêts, 1922 pour la pêche, 1923 pour la police de chasse, etc.). C’est à partir du 11 septembre
1934 que la création de ces espaces est devenue possible grâce aux procédures fixées par le Dahir portant la
même date et, dès les années 1942 et 1950, on a assisté déjà à la création de deux parcs nationaux : « Toub-
kal » et « Tazekka ».
Créés par décret dans des régions naturellement attrayantes sur les plans biologique, scientifique, touris-
tique ou social, les parcs nationaux « doivent être maintenus dans leur état initial et préservés contre toutes
les formes d’atteintes » (dahir de 1934 et textes d’application). Dans ces zones, sont donc interdites toutes
sortes d’opérations susceptibles de transformer ou de dégrader les lieux. La chasse et la pêche peuvent y
être prohibées, en vue de garantir la préservation et, si possible, la reconstitution de la faune. Il existe au
Maroc 8 Parcs Nationaux et 2 Parcs Naturels, dont certains déjà mis sur pied et d’autres en prévision
(Tableau 5).
151
152
Tableau 5 : Aires protégées du Maroc
(Situation en 1999, tiré du programme de Recherche du Centre National de la Recherche Forestière – CNRF)
Parc National du Massa 33.800 1991 Côte Atlantique Sud (Agadir-Tiznit) Protection des Euphorbes et des Ibis chauves et estuaires
des Oueds Souss et Massa
Parc National du Haut Atlas Orien- 49 400 en création Haut Atlas (Errachidia et Khénifra) Protection du mouflon à manchette, des lacs d’Isli et Tislit,
tal d’une cédraie relique et du patrimoine historique local.
4.1.2. Réserves biologiques
Le Maroc compte également un certain nombre de Réserves dont :
– Réserve Biologique de Takherkhort. Elle a été créée en 1967 sur 1 230 ha dans une forêt de Chêne vert
du Haut Atlas où sont protégés des Mouflons à manchettes ;
– Réserve Biologique de Sidi Chiker ou M’sabih Talaâ créée dès 1952 sur 1 237 ha pour préserver la der-
nière population de Gazelles dorcas des plaines du Haouz (quelques 200 têtes) ;
– Réserve Biologique de Bouârfa datant de 1967 sur 22 000 ha pour la protection de l’Outarde houbara et
la Gazelle dorcas des Hauts Plateaux de l’Oriental.
– Réserve Biologique de l’Archipel d’Essaouira Créée en 1962 autour de l’îlot du Pharaon sur 28 ha pour
conserver une importante colonie de Faucons d’éléonore.4.1.3 – Réserves Ramsar
– Quatre zones humides marocaines ont été classés sites RAMSAR en 1980. Il s’agit de :
– Réserve de Merja Zerga Créée en 1978 sur 3 500 ha, ;
– Réserve de Sidi Bou Ghaba instituée Réserve Permanente dès 1946 sur 150 ha ; mais dans une réserve
permanente de 5 600 ha ;
– Réserve de la lagune de Khnifiss : Créée en 1962 sur 6 500 ha ;
– Réserve du lac Aguelmame Afenourir « Réserve permanente » de 380 ha depuis 1948.
À ces quatre sites, il faut actuellement compter une vingtaine d’autres sites qui sont proposés dans
l’objectif de les inscrire sur la liste Ramsar.
Il s’agit des milieux identifiés par l’Étude Nationale sur les Aires Protégées pour leurs valeurs écologique,
scientifique, socio-économique ou patrimoniale. Ils sont au nombre de 160 SIBE’s d’une superficie totale de
1 080 000 ha, dont 48 considérés « de priorité 1 », 50 « de priorité 2 » et 62 « de priorité 3 ». Les sites ter-
restres (79 SIBE avec 840 000 ha) sont les plus représentés, suivi des SIBE’s littoraux (38 avec 205 000 ha)
puis des zones humides (43 SIBE’s et 35 000 ha).
153
4.1.4. Parcelles porte-graines
Près de 837 hectares sont couverts par des formations de ressources génétiques forestières autochtones
qui sont répartis sur 137 parcelles classées en guise de peuplements porte-graine in situ pour des espèces
dont le pin d’Alep, le pin maritime du Maghreb, le cèdre de l’Atlas, le Cyprès de l’Atlas et le sapin du Maroc.
Mais à côté de ces ressources génétiques autochtones, il y a, bien sûr, l’Arganeraie, le chêne liège et le
Thuya. Moins nombreux sont les cultivars où sont protégées les cultures des variétés locales.
4.2.1. Flore
Les premières collectes de germoplasme local ont débuté dès les années vingt. Les collectes sont restées
cependant sporadiques et ont été organisées essentiellement pour répondre aux besoins précis des pro-
grammes d’amélioration étrangers. Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingt que des prospections systé-
matiques et planifiées sont organisées par les nationaux pour les espèces cultivées, en l’occurrence les
céréales, les cultures fourragères, les légumineuses alimentaires et les arbres fruitiers. Elles ont été effec-
tuées jusqu’à maintenant soit conjointement avec des Institutions étrangères et des Centres Internationaux,
soit à l’initiative des programmes nationaux.
Jusqu’à présent, les ressources génétiques des plantes cultivées ont été conservées ex situ, et les collec-
tions nationales sont préservées soit sous forme de collections aux champs (vergers, espèces fourragères
pérennes) soit sous forme de graines. La conservation in situ des variétés de terroir n’a pas encore fait l’objet
d’actions organisées par le secteur public, mais elle se fait d’une façon indirecte dans les exploitations des
régions où prédomine l’agriculture vivrière.
Jardins botaniques – pépinières : Ils concernent principalement les collections d’espèces exotiques et
ornementales. Les jardins exotique de Salé et d’essaie de Rabat peuvent être pris comme exemples. Cer-
tains autres jardins, plutôt pédagogiques tels que ceux de l’ENFI ou l’IAV Hassan II comportent également un
certain nombre d’espèces rares ou menacées du Maroc. Cependant les pépinières ont également largement
contribué aux actions de reboisement qui ont débuté dès les années 20 du siècle dernier et qui se sont pour-
suivies jusqu’à nos jours produisant chaque année de 30 à 40 millions de plants pour divers usages..
Arboreta : Un réseau national de 40 arboretas de test de comportement des espèces autochtones et exo-
tiques était installé depuis les années 40, d’autre part, les peuplements semenciers pour 11 espèces et
114 peuplements sont maintenus ex situ. Pour les jardins botaniques, à l’exception de quelques espèces
pastorales ou fourragères qui ont attiré l’attention de certains généticiens améliorateurs, la conservation ex
154
situ de la biodiversité des espèces sauvages reste très marginalisée. En plus du jardin des plantes maintenu
par l’INRA, seul un jardin botanique a été crée à l’IAV Hassan II en 1991. À côté de sa vocation pédagogique,
ce jardin constitue un conservatoire pour les espèces rares et menacées de la flore marocaine.
Installations de stockage
La majorité des institutions possède des collections actives ; certaines collections de base existent et
représentent essentiellement les espèces fourragères et pastorales, mais les conditions de stockage sont
difficilement maintenues au niveau standard (pannes de matériel et lenteur des réparations..). D’où la néces-
sité de créer une banque de gènes nationale pour la conservation à long terme. Dans certains cas, le matériel
génétique détenu en collection de base est conservé en double dans les banques de gènes de certains
Centres GCRAI (ICARDA, CIMMYT) qui assurent les tests de viabilité de ce matériel et sa régénération.
Les principaux problèmes que pose actuellement le stockage ex situ sont les suivants :
– La détérioration des installations, souvent construites dans des pays en développement par des pays
donateurs qui n’ont pas pris d’engagement à long terme pour assurer l’entretien des installations ;
– l’absence de recensements, d’inventaires et d’études taxonomiques, et aucune évaluation du matériel
présent dans les banques de gènes. Ce type de connaissances est nécessaire pour identifier les lacunes
des collections de manière que les obtenteurs sachent où trouver les qualités génétiques déterminées
qu’ils recherchent pour des fins de sélection. Même dans des conditions optimales de stockage ex situ,
la viabilité des semences diminue, ce qui nécessite une régénération pour reconstituer les stocks de
semences.
Malgré que les méthodes de conservation ex situ, telles les banques de gènes et les jardins botaniques,
ont contribué à l’amélioration d’un certain nombre de végétaux et de la majorité des plantes cultivées à tra-
vers l’utilisation du germplasm conservé, elles ne représentent pas la solution pour conserver des ressources
génétiques présentes naturellement ou protéger l’habitat des changements dans l’environnement.
– La conservation à moyen et à long terme, la sauvegarde et l’aide à l’utilisation rationnelle des ressources
génétiques des espèces végétales cultivées et pastorales et des espèces sauvages qui leur sont appa-
rentées.
– L’enrichissement de ce germoplasme par de nouvelles collectes.
155
– La création d’une base de données informatisée caractérisant le matériel stocké.
4.2.2. Faune
– Jardins zoologiques : La principale collection d’espèces marocaines conservées en captivité est mainte-
nue au Parc Zoologique National de Témara, les autres jardins zoologiques du Maroc n’hébergeant que
des collections fort modestes ; mais la contributions de ces parcs zoologiques dans la conservation des
espèces autochtones reste très limitée dans la mesure où le milieu naturel où ces espèces devraient
être introduites n’en profite que très peu.
– Banque de sperme : Ce sont des infrastructures principalement destinées à l’amélioration génétique des
animaux domestiques, en particulier le cheptel ovin, et bovin.
4.2.3. Collections
Pour la faune, il s’agit essentiellement de témoins appartenant au patrimoine marocain, stockés sous
forme de collections de recherche ou d’expositions. C’est un matériel qui ne peut certes être utilisé pour des
fins de repeuplement, mis à travers son rôle dans la sensibilisation, peut contribuer à la conservation de ce
qui reste des populations ou autres espèces.
Il s’agit, certes, d’un patrimoine biologique, mais qui ne peut être utilisé pour des opérations de reproduc-
tion, de repeuplement, de restauration et de réhabilitation. L’une des plus grandes collections du Maroc et de
l’Afrique est domiciliée actuellement à l’Institut Scientifique de Rabat ; elle comporte des milliers de spéci-
mens d’animaux de référence, 25 armoires de Spongiaires, de Coelentérés, Echinodermes,
156
4.3. Restauration – Réhabilitation (élevages et aquaculture de
repeuplements)
4.3.1. Réintroductions
Il est très difficile de pouvoir se prononcer avec précision sur la disparition d’un taxon, puisque pour s’en
rendre compte il faut plusieurs années voire même plusieurs dizaines d’années. Aussi il est difficile de confir-
mer la date exacte de la disparition d’un certain nombre de taxa du territoire national. Cependant, on peut dire
que c’est au courant du siècle dernier que, sous la pression humaine principalement, nombreuses espèces
appartenant au patrimoine biologique national se sont éteintes ou raréfiées. Les plus spectaculaires restent
les grands mammifères et les oiseaux ; lion de l’Atlas, Addax, Oryx, Baleine bleue, etc. sont certains de ces
taxa.
Des initiatives ont donc été entreprises pour tenter de restituer aux écosystèmes leurs composantes natu-
relles. Cependant, s’il est difficile, sinon impossible, de reconstituer des populations génétiquement viables
de certaines espèces déjà extrêmement rares au moment de leur disparition comme le lion de l’Atlas, des
reproductions assistées ont été tentées et réussies pour de nombreuses autres espèces. C’est ainsi que le
Cerf de Berbérie a été réintroduit dans la réserve de Kissarit en 1989 et dans le Tazekka en 1994, la gazelle
Dama Mhorr à Rmila à Marrakech en 1992, l’Addax, l’Oryx et l’Autruche à Souss Massa, le Mouflon à Man-
chette aux Beni Snassen, etc.
Dans le règne végétal, le reboisement constitue la principale mesure pour les opérations de restauration-
réhabilitation, les pins, le cèdre et le chêne sont certaines des essences concernées par ces actions de
repeuplement.
4.3.2. Aquaculture
Dans le milieu aquatique, certains projets clés visant le repeuplement, par des espèces autochtones de
certains écosystèmes dégradés ont été réalisés. Dans les eaux continentales, c’est essentiellement la truite
fario qui a été sujette à des projets aquacoles de repeuplement ; alors que dans le milieu marin, des expé-
riences ont été menées sur les palourdes, un important projet sur le thon rouge et, actuellement certaines
espèces sont soumises à des tentatives de reproduction assistée telle que le mérou.
Les principales perturbations auxquelles sont soumises les espèces marocaines peuvent être classées
parmi les catégories suivantes :
1. Fragmentation et Pertes d’habitats ;
2. Surexploitation des ressources naturelles ;
3. Pollutions ;
4. Introduction d’espèces exotiques.
157
5.1. Fragmentation et pertes d’habitats
5.1.1. Déforestation
L’un des facteurs majeurs contribuant à l’érosion de la biodiversité terrestre est la perte des formations
forestières. Les prélèvements du bois de feu et les défrichements sont des pratiques très courantes chez les
populations locales riveraines et, ce, au profit des extensions des cultures, en particulier dans les zones où
les terres de culture sont rares. Ce phénomène s’est particulièrement aggravé lors des dernières décennies,
surtout dans les régions isolées où la surveillance par les services forestiers est insuffisante. Il s’agit de
zones de développement d’une agro-culture traditionnelle au détriment de formations préforestières. Près de
31.000 ha disparaissent ainsi chaque année dont 22000 ha pour des besoins énergétiques, 4500 ha par les
défrichements et 4500 par des incendies. Ces défrichements délictueux n’affectent pas les seules écosys-
tèmes forestiers, mais bien d’autres milieux tels que ceux des dunes (régions d’Essaouira) ou des zones
humides (surexploitation de joncs, roseaux, etc. sur les bords des lacs, merjas, lagunes, rives des cours
d’eau de montagne, etc. ). En plus, la forêt doit satisfaire, au moins en partie, les besoins en énergie des
populations. Les prélèvements en bois de feu s’évaluent à 11.000.000 m3, soit 30 % des besoins énergé-
tiques du pays, ce qui dépasse largement les possibilités de régénération de la forêt marocaine.
Un autre facteur majeur de la dégradation de l’écosystème forestier est celui du pâturage avec une charge
animale 3 à 5 fois supérieure à la normale, correspondant à un déficit de 23 %.
Ces mises à nue des espaces forestiers et ces utilisations abusives des ressources forestières entraînent
souvent de graves perturbations du fonctionnement de cet écosystème (absence de régénération, fragilisa-
tion des espèces, etc.) ; mais, aussi, sur d’autres écosystèmes tels que l’agro-système (perturbation du cycle
de l’eau, érosion du sol, pollution des eaux souterraines, inondations et mort du cheptel, etc.). Cependant, ce
qui est encore plus grave dans ces pratiques de déforestations, c’est :
– la perte d’habitats pour les milliers d’espèces animales et végétales, parfois endémiques ou menacées,
qu’héberge la forêt, et par conséquent la perte « en bolc” de ces espèces ;
– la fragilisation écologique et physiologique des essences forestières qui, devenant vulnérables, peuvent
facilement être attaquées par des ravageurs, affectées par les conséquences de la sécheresse, etc.
aboutissant par la même occasion à la perte des espèces animales et végétales qu’elles hébergent.
Un exemple de destruction d’écosystème forestier entier peut être observé dans le Rif Central où l’éco-
système à Chêne-liège a été pratiquement anéanti, ce qui est également le cas de la suberaie de la plaine du
Ghrab, très gravement menacée par les activités humaines. Aussi C’est pas un hasard si près de 25 % de la
biodiversité végétale du Maroc est plus ou moins gravement menacée ; la cause principale reste la dégrada-
tion/disparition des forêts qui constituent pour la flore marocaine des espaces de développement, d’évolu-
tion et de spéciation.
158
En Méditerranée, la population littorale a également connu, ces dernières décennies, un rythme de crois-
sance assez rapide (2.3 %), surtout en milieux urbains (4.1 %) ; alors qu’à l’échelle nationale, ces pourcen-
tages ne sont respectivement que de 2.1 % et 3.6 %. Les quatre grandes villes de Tanger, Tétouan, Oujda et
Nador concentrent à elles seules les 2/3 de toute la population urbaine de la zone Nord.
Les conséquences de l’urbanisation sont de toute évidence des extensions des agglomérations urbaines
« dévorant” dans leur passage espaces forestiers et agricoles avec toutes leurs valeurs écologiques, biolo-
giques et paysagères, sans parler des déchets générés par ces extensions qui dégradent la qualité de l’air,
celles de l’eau et de la santé humaine. De nombreux exemples pourraient être cités dans ce sens, à com-
mencer par les villes Rabat-Salé et Kénitra avec les énormes dégâts causés dans la Maamora.
Quand cette urbanisation concerne des agglomérations côtières (littoralisation), c’est un autre écosystème
tout aussi fragile qui est soumis aux impacts de l’urbanisation. Il s’agit du littoral, de la mer, des zones
humides côtières etc. Les mêmes exemples de villes et d’impacts pourraient être repris (Rabat-Salé et Kéni-
tra), mais cette fois ci sur les estuaires des oueds Bou Regreg et Sebou qui ont perdu pratiquement toutes
leurs richesses biologiques (palourdes, alose, anguille, autres poissons, etc.), mais aussi leurs valeurs écolog-
qiues en tant que voies de migration pour des espèces telles que l’alose ou l’anguille.
Les effets de la littoralisation sur la biodiversité pourraient également être illustrés par l’exemple de la ville
d Safi qui a passé du premier port mondial de la sardine à un port presque quasiment inactif à cause de l’urba-
nisation et l’industrialisation qui en a découlé ; une région qui a perdu uniquement entre 1995 et 2000 plus de
6 % de ses richesses biologiques.
La ville de Nador a perdu, à cause de la littoralisation, l’une des plus importantes lagunes de toute la Mer
Méditerranée et ses valeurs vitales pour la région : stocks de crevettes, de palourdes et de poissons, nom-
breuses espèces menacées à l’échelle internationale telles que les posidonies ou les nacres, ses valeurs
écologiques et touristiques, etc.).
159
5.1.4. Infrastructures de développement (tourisme, transport, etc.)
A. Tourisme
Si le tourisme est une activité sociale relativement récente, il a pris très vite une dimension mondiale
créant des échanges culturels ; les recettes qu’il engendre en a fait un secteur stratégique pour le développe-
ment socio-économique de certains pays, dont le Maroc. Développer ce secteur, au moins dans sa philo-
sophie classique, suggère plus d’infrastructures d’accueil, dans des sites naturels et attrayants ; autrement
dit,au détriment de milieux naturels souvent riche en faune et flore indispensables pour l’équilibre écologique
local et régional.
Par l’ancienneté de son histoire et de ses traditions, la beauté et la diversité de sa nature, le Maroc, attire
de nombreux touristes en provenance du monde entier. Le balnéaire reste une des principales catégories du
tourisme national, cependant, les particularités historiques, culturelles et le potentiel paysager du Maroc
attirent d’autres catégories de touristes développant d’autres pôles touristiques en particulier culturel, sportif
et, plus récemment, naturel et écologique. C’est un secteur stratégique dans le développement socio-
économique du Maroc puisqu’il constitue de 3 à 4 % du P.I.B. et de 7 à 10 % des recettes en devises. Le
tourisme assure également plus de 260.000 emplois et, dans le mouvement de reprise de l’activité touris-
tique, on prévoit 6 millions de touristes en l’an 2005 et 10 millions en 2010, ce qui l’amène à jouer un rôle de
plus en plus important et, de toute évidence, générer de plus en plus de nuisances pour l’environnement et
la biodiversité. Cependant, si le tourisme, au moins dans sa philosophie actuelle, peut avoir des effets nui-
sibles (fragmentation et perte d’habitats, pollutions, etc.), il ne mérite pas pour autant d’être diabolisé car
c’est, en grande partie, la carence de gestion qui est la cause des dégâts découlant de la fréquentation touris-
tique. Le Maroc est doté d’importantes potentialités naturelles, susceptibles d’être mises à profit du tou-
risme écologique et qu’il faudrait, par conséquent, protéger.
B. Transport
Le secteur des transports constitue un maillon clé dans le développement socio-économique du Maroc. En
effet, en 1995 :
– le secteur des transports apporte environ 6 % de la valeur ajoutée du P.I.B. ;
– il participé à hauteur de 15 % aux recettes du budget de l’Etat. ;
– il absorbe 26 % de la consommation nationale d’énergie. ;
– il assure environ 9 % des emplois de la population active.
Le réseau routier était en 1995 de 60.449 km dont 30.374 km revêtus et le parc automobile global en cir-
culation comptait quelques 1.295.999 véhicules. Celui des autocars fait l’objet de 5.000 autorisations soit
300.000 places. Toutes ces nuisances ont des effets directs ou indirects sur la biodiversité, mais les plus
spectaculaires restent certainement les fragmentations et les disparitions d’habitats qu’occasionnent les
constructions de routes. Quant aux Chemins de Fer, ceux-ci comptent un réseau de 1.907 km de lignes, dont
1.003 km électrifiés et 271 km à double voie. Cependant, 98 % des échanges commerciaux du Maroc avec
l’étranger sont assurés par mer (27 ports), un chiffre qui montre l’importance du transport maritime pour le
pays. Enfin, le transport aérien possède actuellement 11 aéroports de dimension internationale et 8 aéro-
ports de dimension nationale.
Le secteur des transports, malgré ses nombreux avantages sur le plan économique et social, a trois princi-
pales incidences sur l’environnement de par ses émissions de composés actifs, celles qui appauvrissent la
couche d’ozone ainsi que la production de polluants organiques qui ont des effets nuisibles sur les systèmes
biologiques.
160
Tout un éventail d’activités qui exercent des pressions sur l’environnement dans diverses opérations de
construction d’infrastructures, d’exploitation et d’entretien.
161
sur l’une des routes traversant la forêt de la Maamora par exemple pour se rendre compte que pratiquement
tous les glands produits par cette forêts sont prélevés au point qu’il est raisonnablement permis de ce
demander « par quel moyen la subéraie de la Maamora » pourrait-elle régénérer ?.
5.2.2. Sur pêche (Efforts de pêches, Engins non adaptés, non respect des périodes
de reproduction et de recrutement)
Tous les spécialistes sont unanimes que les ressources marines naturelles, partout dans le monde, sont à
présent pleinement exploitées et que tout effort de pêche ne peut se faire qu’au dépend de la pérennité de
ces ressources. Au Maroc, pays maritime par excellence, même si ses eaux sont considérées parmi les plus
poissonneuses du monde, plusieurs indices montrent que ses ressources ne sont pas inépuisables et
qu’elles souffrent même, comme toute autre ressource biologique, des répercussions des activités anthro-
piques. L’un des indices le plus frappant est la translation de l’effort de pêche du nord vers le sud. En effet,
c’était tout d’abord la pêcherie du Nord (Tanger – El Jadida) qui a démarré au début du siècle et avait comme
principal port, celui de Casablanca. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, c’est la zone Safi – Sidi Ifni
qui a pris la relève, atteignant des prises de 300 000 tonnes en 1973 et seulement 50 000 tonnes en 1991-
1992. Ensuite, les pêcheries se sont déplacées vers la zone Sidi Ifni Laâyoune où elles ont débuté vers les
années 60 avec un maximum de 130 000 tonnes en 1977 et, seulement, 100 000 en 1990-1992 et puis on
est actuellement dans l’extrême sud où de nombreuses flottes (nationale, européenne, russe, asiatique, etc.)
opéraient.
Sur la côte méditerranéenne marocaines, les statistiques de pêche montrent qu’entre 1995 et 2000 les
prises ont diminué de 36994 tonnes à 31134 tonnes.
En dehors des espèces visées par la pêche, de nombreuses espèces marines sont au bord de l’extinction
ou complètement disparues de nos côtes. La baleine bleue ou la baleine franche, qui jadis se reproduisaient
sur nos côtes, y ont complètement disparu. Le phoque moine survit très difficilement au sud du Maroc et le
mérou constitue la cible de chasseurs sous marins qui s’en approvisionnent, à volonté et en toute impunité ;
les grandes nacres menacées dans toute la Méditerranée sont également la cible de ramasseurs armées de
scaphandres autonomes dans la lagune de Nador ; les algues, en particulier Gelidium sesquipedale, malgré la
réglementation qui régit son exploitation, est également récoltée en toute saison et en toute impunité. Et
pour ne donner qu’un chiffre, la palourde qui était, il y a quelques années, très abondante dans la baie de Dak-
hla (sud du Maroc), elle n’y est actuellement présente que dans quelques sites et avec quantités et des
tailles très réduites ; en trois années les prises en ont diminué de plus de 150 tonnes à moins de 30 tonnes.
5.2.3. Surpâturage
Les effectifs des troupeaux (bovins, ovins et caprins) au niveau national connaissent de très importantes
fluctuations qui sont dues principalement aux aléas climatiques. Mais, en règle générale, il y a unanimité sur
l’importance et la gravité des dégâts causés par le surpâturage aux niveaux des écosystèmes sylvo – pasto-
raux et de leur biodiversité, surtout dans les régions qui connaissent de longues périodes de sécheresse. Ses
prélèvements directs ou par émondage, les piétinements des semis, etc., réduisent considérablement le
taux de recouvrement du sol et empêchent la régénération naturelle de la végétation, ce qui contribue à la
dénudation des sols et entame les processus de désertification. Le problème du surpâturage est aggravé par
la réduction progressive des surfaces laissées en jachères et des terrains de parcours (collectifs et fores-
162
tiers), conséquence de besoins sans cesse croissants pour l’extension des terres cultivées. Le problème du
surpâturage est aggravé durant les années de sécheresse pendant lesquelles les ventes massives du cheptel
des zones touchées alourdir une charge déjà excessive pour les régions relativement arrosées. Le surpâtu-
rage engendré se traduit, ainsi, par la disparition ou la réduction considérable d’un grand nombre d’espèces
appétées et par les autres formes de vie qu’elles abritent. Il finit par déclencher les processus d’érosion qui
ont déjà atteint une surface importante des montagnes dénudées.
Pour le Maroc, le surpâturage, constitue actuellement l’une des préoccupations fondamentales des amé-
nagistes sylvo-pastoraux et des gestionnaires des aires protégées surtout qu’il est considéré comme l’une
des causes majeures de la dégradation de certains écosystèmes, en particulier forestier. En effet, près de
10 millions de têtes pâturent dans le domaine forestier qui, malgré son immensité (5 818 893 ha) accuse un
déficit des besoins dépassant les 30 % sous une pression de 200 à 300 fois ses possiblités herbagères. Et,
de toutes les espèces animales composant le cheptel, la chèvre, qui est la plus rustique, est la plus nuisible
puisqu’elle se nourrit du feuillage des arbres et arbustes qui constituent l’ossature des structures et archi-
tectures des écosystèmes sylvo-pastoraux. Le problème est encore plus grave quand l’espèce la plus nui-
sible (chèvre) est lâchée dans des milieux menacés telle que l’arganeraie.
Le surpâturage affecte également les zones humides, surtout lors de la période estivale ou des périodes
de sécheresse. 20 000 têtes de bétail pâture, par exemple, dans la lagune de Moulay Bousselham ; un chiffre
énorme qui, à terme, finirait par détruire la majorité des habitats de ce site, pourtant classé Ramsar. La gra-
vité du surpâturage s’amplifie dans les zones humides par la présence d’espèces parfois gravement mena-
cées dans le monde (plusieurs espèces migratrices d’oiseaux) et le piétinement des nids et des nichées ainsi
que des gisements coquilliers constitue un risque supplémentaire à celui du prélèvement du premier maillon
de la chaîne alimentaire qu’est la végétation.
À côté des prélèvements effectués au sein des populations végétales et animales, d’autres activités
d’extractions influent négativement et considérablement sur diverses formes de vie et leurs habitats. Il
s’agit, entre autres, de l’eau, du sable, du sel, etc. qui partout au Maroc font l’objet d’intenses prélèvements.
L’utilisation excessive des eaux superficielles et souterraines, aggravée par les longues périodes de séche-
resses et la « motorisation » des pompages ont fait que de nombreux écosystèmes, en particulier des zones
humides ont disparus ; leurs habitats, leurs faune et flore ainsi que leurs valeurs écologiques et écono-
miques. Le lac Iriqi, par exemple, n’assure plus ses fonctions de pourvoyeur d’eau et de niche écologique
pour des centaines d’oiseaux migrateurs. Dans le pourtour de l’estuaire de la Moulouya ou encore la lagune
de Nador, les pompages, excessives ont contribué à une réduction considérable du niveau de la nappe phréa-
tique et l’augmentation de la salinité ; eau qui n’est plus ni potable ni propre l’agriculture.
Il est évident que l’augmentation de la salinité entraîne des perturbations profondes de l’écosystème élimi-
nant toutes les espèces dulcicoles et sténohalines et leur remplacement par des formes euryhalines.
Les prélèvements de sables dans les lits d’oueds, sur le littoral, dans les estuaires, des lagunes ou au large
par dragage correspondent à des destructions des habitats de centaines d’espèces et par conséquent l’élimi-
nation de ces espèces. L’exemple est toujours celui de l’estuaire de la Moulouya où les prélèvements de
sable dans la tamariçaie a profondément « dévisagé » certaines zones de ce Site d’Intérêt Biologique et Éco-
logique. Les espèces ne trouvent plus un habitat stable pour s’y développer et évoluer. De nombreuses
espèces d’intérêt international s’y trouvent ainsi gravement menacées.
163
5.3. Pollutions
En ce qui concerne les déchets liquides, la nature et par conséquent, les écosystèmes et les espèces
reçoivent 964 millions de m3 :
– 24 millions de m3 en provenance de l’industrie agroalimentaire
– 10 millions de m3 en provenance de l’industrie du textile-cuir
– 920 millions de m3 de l’industrie chimique et parachimique en particulier la valorisation des phosphates ;
une eau principalement chargée de phosphogypse ;
– 2 millions de m3 de l’industrie mécanique, métallurgique et électrique puis ;
– 6,8 millions de m3 du secteur cimentier.
– Les déchets solides rejetés annuellement du secteur industriel sont estimés à près de 800 000 tonnes
dont seulement 23 % sont réutilisés.
Un autre aspect des déchets industriels correspond aux rejets gazeux dont le plus important reste le
dioxyde de carbone (77 %) et on compte, en effet, près de 4 millions de tonnes rejetés uniquement par les
cimenteries.
Les impacts de ces déchets sur la biodiversité aussi bien écosystémique que spécifique sont énormes à
commencer par la santé humaine, en tant que composante essentielle de l’environnement global. Les mala-
dies respiratoires, les épidémies de choléra ou de typhoide, par exemple, sont indéniables à ces rejets.
La disponibilité en eau et la détérioration de la qualité de cette eau. L’écosystème du Sebou par exemple
est « mort » sur 35 Km en aval de la ville de Fès à cause justement des rejets industriels qui y ont consommé
164
tout l’oxygène de l’eau et y supprimant de toute forme de vie. Ce n’est qu’après une relative dilution de ces
rejets par les effluents du Sebou, que ce dernier reprenne vie
La mer est également considérée comme un exutoire naturel et commode ; ainsi, la côte marocaine s’est
vue envahir par les projets industriels. Le littoral atlantique concentrait, en 1990, 77 % des unités d’industries
et 80 % des emplois, surtout dans l’axe Casablanca-Kénitra considéré comme l’espace structurant qui
façonne le tissu industriel national et qui a contribué, en 1990, pour plus de la moitié des l’investissement au
Maroc. De nombreux milieux marins et côtiers souffrent d’une pollution « chronique » qui les empêche de
jouer pleinement leur rôle économique, écologique et social. L’exemple le plus flagrant est celui de la Lagune
de Nador dont le taux de pollution est tellement important que tous les stocks de poissons, de crevettes, de
palourde, etc. qui y existaient (et qui constituaient la source de subsistance de milliers de familles) se sont
complètement effondrés à cause principalement de la pollution et, avec ces stocks, des intérêts et des
sources de revenus aussi bien pour les riverains que pour le pays. La lagune ne remplis également plus son
rôle écologique en tant qu’abris pour des espèces menacées aux échelles nationale et internationale.
L’effondrement des stocks de poissons, et plus particulièrement la sardine, dans la région de Safi est aussi
attribué, pour une grande part, à la pollution et aux activités humaines sur terre ; des milliers donc de sans tra-
vail de plus, moins de recettes, moins de devises, etc.
L’aspect paysager des écosystèmes souffre également de ces pollutions. En effet, les ordures nauséa-
bondes) à proximité des hôtels, des décharges non contrôlés dans des forêts, des plages souillées par des
emballages en plastic usagés freinent certainement cette activité et de façon considérable. Un indice est
celui de l’importante baisse de fréquentation des hôtels du nord du pays ; cependant s’il est difficile d’établir
un lien de cause à effet de l’impact de la pollution sur le secteur du tourisme, d’aucun de nous ne peut nier
« le dérangement » et l« écœurement » de se sentir touché par des sachets en plastic en pleine eau ou de
passer des vacances dans des zones où règnent des odeurs nauséabondes, faute de mieux ou faute de
moyens.
Sous l’angle de la diversité spécifique, l’impact de la pollution (domestique et industrielle) est encore plus
direct et plus néfaste. La posidonie a disparu de la lagune de Nador à cause de la pollution ; les nacres y sont
gravement menacées (pourtant c’est une espèce menacée et protégée à l’échelle internationale). Une bonne
partie des algues indicatrices des eaux pures (Cystoseires et laminaires, entre autres) ont disparu pour laisser
place à d’autres formes de vie (Moules) qui se sentent mieux dans les milieux riches en matière organique.
Dans la région d’El Jadida (Jorf Lasfar), l’impact de la pollution développé dans la zone est si importante
que pour retrouver des peuplement apparemment normaux, il faut parcourir près de 25 kilomètres au nord et
au sud du point de rejet.
165
nouvelles variétés, plus productives et généralement plus fragiles, a, en outre, entraîné une utilisation
souvent anarchique de produits phytosanitaires, ce qui a engendré un certain nombre de problèmes tels que
l’apparition de parasites résistants. L’application de doses de plus en plus fortes a engendré des effets
néfastes sur les ressources naturelles et spécialement les ressources biologiques et les ressources en eau.
Des mortalités de poissons dans le barrage d’Al Massira et la lagune de Oualidia ainsi que la destruction
des colonies d’abeilles ont été exliquées par l’utilisation excessive des produits phytosanitaires.s
L’usage d’engrais et de pesticides est appelé à augmenter durant les années à venir, ce qui ne manquera
pas d’augmenter le degré de pollution des sols et des eaux, et par conséquent, d’aggraver la détérioration
des ressources naturelles et d’une manière générale de la biodiversité..
Les impacts de ces changements climatiques sur la biodiversité nationale y compris l’Homme restent liés
à:
– à la nocivité de ces gaz ;
– l’augmentation de la température et ;
– la réduction des précipitations.
En ce qui concerne l’impact de ces gaz sur la santé humaine, bien qu’il soit difficile de donner des chiffres
sur les dégâts causés par ces gaz, il reste néanmoins très évident que les populations des grandes agglomé-
rations en subissent les conséquences. Quelques études préliminaires ont montré que des échantillons
d’écolier de Rabat présentaient des concentrations de plomb plus élevées que ceux de Témara. Des études
similaires dans la région de Safi ont également montré qu’il existe des correlation le taux de pollution et des
maladies respiratoires.
L’augmentation de la température et la réduction des précipitation entraîneraient certainement une plus
grande demande en eau, déjà déficitaire, et par conséquent des difficultés en matière de disponibilité en eau
dans certains écosystèmes clés tels que les zones humides, la forêt et l’agrosystème ainsi, de toute évi-
dence l’ensemble de leurs cortèges faunistiques et floristiques.
166
marins et côtiers et, par conséquent, la biodiversité marine, qu’ils abritent sont menacés par les pollutions
accidentelles.
En effet, en une douzaine d’années (1977-1990), les eaux méditerranéennes ont été le scène de 137 acci-
dents de pétroliers et qui, dans plus de 50 % ont entraîné des pollutions. La part du Maroc dans ces cata-
strophes était deux accidents l’un en Atlantique (Kharg V) et l’autre en Méditerranée (Sea Spirit).ayant largué
sur les côtes marocaines 70 000 et 20 000 tonnes respectivement souillant plus de 700 Km de côtes. Des
dégâts ont été observés aussi bien dans l’eau, les sédiments, les parcs aquacoles que dans le secteur touris-
tique de type balnéaire.
D’autres accidents sont également survenus en 1994 au large de Mohammadia ayant provoqué une marée
noire de 3 km3, en 1997 au port de Jorf Lasfar lorsque 550 tonnes d’acides ont été déversées dans ce port.
De nombreux végétaux et animaux ont été introduits au Maroc pour diverses raisons : rentabilité, lutte
contre des espèces ou des conditions nuisibles, ornementation, etc.
5.4.1. Flore
De nombreuses espèces végétales ont été importées et nombreuses sont encore à l’essai dans des arbo-
reta. Plus de 200 arbres, surtout des Eucalyptus, ont été introduites de l’Australie et utilisées soit comme
arbres d’alignement, soit des arbres d’ornement soit encore de reboisement. Parmi ces espèces les plus
importantes sont : Eucalyptus camaldulensis, E. gomphocephala, E. globulus, E. grandis, E. saligna, E. side-
roxylon, E. cladocalyx, E. occidentalis, E. astringens, E. sargenti, E. torquata, E. brockwayi, E. salmonophloia,
E. salubris, Acacia cyanophylla, A. cyclops, A. mollissima, Pinus pinaster maritima, P. canariensis, P. pinea,
etc.).
Dans le domaine agricole, un grand nombre d’espèces et variétés (céréales, légumes, fruits, etc.) a égale-
ment été introduit et produit au Maroc et ce essentiellement dans un but lucratif ; exemple : les bananes, les
Kiwis, les avocats, l’ananas, etc.
5.4.2. Faune
Parmi les espèces animales domestiques, les bovins sont les plus concernés, essentiellement pour assu-
rer une certaine sécurité alimentaire en lait et en viandes rouges.
Le milieu aquatique n’échappe pas à cet engouement « vers l’exotique ». Aussi, dans les eaux douces
continentales de nombreuses espèces sont introduites à des fins aquacoles soit de production, soit d’aqua-
riophilie, soit de lutte contre l’eutrophisation ou la prolifération d’espèces nuisibles. Il s’agit principalement de
la Carpe argentée (Hypophthal-michthys molitrix), la Carpe herbivore (Ctenophar-yngodon idella), la Carpe
commune (Cyprinus carpio), le Brochet (Esox lucinus), le Black-Bass (Micropterus salmoides), les Sandres
(Lucioperca lucioperca), la Truite Arc en Ciel (Salmo irideus), l’ Ecrevisse à pieds rouges Astacus astacus, etc.
vérifier poissons.
Dans le milieu marin, les introductions concernent quelques espèces dont les Huitres, principalement
l’huître creuse Crassostrea gigas, les coquilles Saint Jacques (Patinopecten yessoensis) et les crevettes telle
que la Crevette japonaise (Penaeus japonicus).
167
Si ces introductions peuvent, en effet, permettre des bénéfices financiers (de plus grandes productions et
de meilleurs revenus) ou écologiques (lutte contre l’eutrophisation) immédiats, elles peuvent, néanmoins,
causer deux grands types de menaces pour la biodiversité du pays :
– supplantation des espèces indigènes qui, à la longue, peuvent disparaître ou, du moins s’appauvrir géné-
tiquement par insuffisance de brassage, ce qui est observé pour de nombreuses variétés/ races dites
« beldi » (légumes, fruits, bovins, poulets, etc.) ;
– un risque de pollution génétique de cette biodiversité. L’érosion génétique pouvant être due à une
manque d’intérêt du produit national pourrait être aggravé par une pollution génétique due à des croise-
ments involontaires et incontrôlés des espèces autochtones avec des variétés introduites.
168
Tableau 6 : Évaluation du coût de la dégradation de l’environnement au Maroc
(Banque mondiale, 2003)
Il n’existe pas suffisamment de données statistiques régulières disponibles sur divers éléments de la bio-
diversité nationale pour la période 1955-2004. De plus, la notion de Biodiversité est un concept relativement
nouveau, n’ayant été le centre d’intérêt des départements concernés que pour certains de ses volets socio-
économiques. Il est cependant logique de penser que la pression sur l’environnement, sur le milieu physique
et sur les espèces et les écosystèmes qu’il renferme a une évolution et une tendance générale propor-
tionnelle à celle de la démographie, surtout que dans la majorité des pays en développement, cette crois-
sance démographique n’est pas toujours accompagnée de mesures permettant d’atténuer la pression sur les
ressources naturelles.
6.1.1. Déforestation
Si la tendance actuelle se poursuit en matière de prélèvements forestiers :
Les espèces végétales actuellement rares ou menacées disparaîtraient. L’un des facteurs majeurs contri-
buant à l’érosion de la biodiversité terrestre est la perte des formations forestières. Les prélèvements du bois
de feu et les défrichements sont des pratiques très courantes chez les populations locales riveraines et, ce,
au profit des extensions des cultures, en particulier dans les zones où les terres de culture sont rares. Ce
phénomène s’est particulièrement aggravé lors des dernières décennies, surtout dans les régions isolées où
la surveillance par les services forestiers est insuffisante. Il s’agit de zones de développement d’une agro-
culture traditionnelle au détriment de formations préforestières de près de 31 000 ha qui disparaissent
chaque année dont 22 000 ha pour des besoins énergétiques, 4 500 ha par les défrichements et 4 500 par
des incendies. Ces défrichements délictueux n’affectent pas les seules écosystèmes forestiers, mais bien
d’autres milieux tels que ceux des dunes (régions d’Essaouira) ou des zones humides (surexploitation de
joncs, roseaux, etc. sur les bords des lacs, merjas, lagunes, rives des cours d’eau de montagne, etc.). En
169
plus, la forêt doit satisfaire, au moins en partie, les besoins en énergie des populations. Les prélèvements en
bois de feu s’évaluent à 11 000 000 m3, soit 30 % des besoins énergétiques du pays, ce qui dépasse large-
ment les possibilités de régénération de la forêt marocaine.
Un autre facteur majeur de la dégradation de l’écosystème forestier est celui du pâturage avec une charge
animale 3 à 5 fois supérieure à la normale correspondant à un déficit de 23 %.
Ces mises à nue des espaces forestiers et ces utilisations abusives des ressources forestières entraînent
souvent de graves perturbations du fonctionnement de cet écosystème (absence de régénération, fragilisa-
tion des espèces, etc.) ; mais, aussi, sur d’autres écosystèmes tels que l’agro-système (perturbation du cycle
de l’eau, érosion du sol, pollution des eaux souterraines, inondations et mort du cheptel, etc.). Cependant, ce
qui est encore plus grave dans ces pratiques de déforestations, c’est :
– la perte d’habitats pour les milliers d’espèces au développement du tourisme. Les difficultés écono-
miques et institutionnelles ne permettent pas une amélioration de la gestion des écosystèmes forestiers
et de leurs ressources. Le rythme de 30 000 ha de déforestation pourra facilement doubler au bout de
20 ans, plus de 1 000 000 ha pourraient avoir disparu. Cette situation peut conduire à double impasse
stratégique à la fois patrimoniale et des outils de gestion.
– Le patrimoine, déjà faible en surface, serait sérieusement menacé dans sa pérennité compte tenu des
pressions croissantes qui s’exercent. La dégradation qualitative des écosystèmes, de leur potentiel et
de leurs fonctions environnementales est d’ailleurs beaucoup plus inquiétante que la diminution appa-
rente en surface. Les tendances au réchauffement des climats pourraient accentuer ces risques.
170
6.1.2. Démographie
D’un peu plus de 11,5 millions au début des années de l’indépendance (1960), la population marocaine
compte aujourd’hui près de 30 millions et atteindrait plus de 40 millions en 2025.
6.1.3. Urbanisation
Les faibles performances économiques, la sécheresse, la dégradation des ressources naturelles ont
entraîné un exode rural massif et par conséquent une urbanisation remarquable qui est passée de 29 % en
1960 à plus de 50 % actuellement. Certaines études prévoient une urbanisation de près de 75 % en 2025.
Il est donc logique de penser que cette tendance de la croissance démographique et de l’urbanisation soit
accompagnée de besoins et de demandes de même tendance en terrains habitables, en eau, en produits
agricoles, en produits maritimes, etc.
6.1.4. Déchets
Une augmentation de la population générerait certainement d’autres sources de pollution ou du moins aug-
menterait la quantité de déchets urbains et industriels. La pollution urbaine qui était évaluée par son DBO en
1992 à 59 000 tonnes par an serait de 99 000 tonnes en 2005 et près de 180 000 tonnes en 2025.
171
6.1.5. Pollution de l’air
Pour les gaz à effet de serre, les prévisions pour les annéesx2020-2025 relatives aux émissions nettes
vont plus que doubler principalement à cause de la consommation d’énergie. De 1982 à 1992, les quantités
de SO2, NOX et de la MES ont augmenté en moyenne de 50 % et ceux du Plomb de 15 %. Les prévisions
pour 2020-2025 montrent une nette augmentation encore des émissions de ces gaz surtout le SO2 qui
devrait plus que tripler ; la quantité de Plomb augmenterait d’un peu plus de 17 %.
Les effets sont tout d’abord directs sur le climat, dont la température qui se verrait augmenter de plus de
0,6oC. L’impact sur la biodiversité toucherait pratiquement tous les secteurs et serait en rapport avec la
réduction des ressources en eau et la santé humaine. Les besoins en eau auraient très certainement des
répercussions sur l’étendue et les peuplements des zones humides surtout naturelles. Il en découlerait des
réductions des habitats pour la flore, pour les invertébrés, pour les vertébrés également, en particulier les
poissons et les oiseaux principalement migrateurs.
172
Figure 10 : Rejets des gaz à effet de serre
(d’après la communication nationale initiale à la CCNUCC, 2001)
6.1.6. Climat
Les analyses de différents scénario prévisionnels des changements climatiques au Maroc semblent mon-
trer :
– une tendance à une augmentation des températures moyennes annuelles de plus de 0,6 à 1,1oC à l’hori-
zon 2025
– une tendance à une diminution du volume annuel moyen des précipitations de près de 4 %.
– un dérèglement de la saisonnalité des pluies et de leurs durées ainsi qu’une réduction de la couverture
neigeuse.
Les impacts de telles évolutions sur la biodiversité sont importants et peuvent être résumés en :
Des réductions des ressources en eau de 12 à 15 %, ce qui signifie automatiquement encore plus de pres-
sions sur les zones humides naturelles (et même les barrages) par les populations locales, donc plus d’assè-
chements, des durées de mise en eau plus courtes, moins d’oiseaux d’eau, moins de faune et flore et des
cycles de développement complètement perturbés. La pêche continentale de plus en plus déficitaire.
173
– Moins d’apports fluviaux vers la mer, donc moins de matériaux fertilisants et donc de plus faibles pro-
ductivités.
– D’importantes réductions (jusqu’à 50 %) de productions céréalières. et des demandes en céréales de
plus en plus grandes ;
– Un déplacement vers le nord du phénomène d’aridité.
– Un affaiblissement physiologique de certaines essences forestières et une plus grande prédisposition
aux maladies et aux parasites.
C’est ainsi qu’actuellement, il est établi que le domaine boisé régresse de 31 000 à 33 000 h/an à cause de
la pression de la croissance démographique et ses besoins socio-économiques sans cesse croissant, surtout
en milieu rural. Ceci se traduit par exemple par un nombre important de délit de coupes illicites (près de 4000
entre 1981 et 1986). On pense alors que si cette tendance n’est pas inversée, un seuil critique de désertifica-
tion irréversible serait atteint dans 30 à 50 ans, ce qui générerait des pertes économiques considérables sur
les ressources en eau, les productions forestières, pastorales et agricoles, estimés à plus de 710 millions de
dirhams/an.
Les régions du Rif sont les plus touchées par ce déboisement, mais d’autres régions sont également affec-
tées par ce phénomène dont le Haut Atlas. Dans ce dernier et plus particulièrement la région d’Azilal on
pense que si le rythme de défrichements se poursuit, d’ici une vingtaine d’années (2025-2030), la forêt dispa-
raîtrait de certaines régions.
Les changements auraient également d’importants impacts sur les milieux forestiers, en particulier par un
affaiblissement physiologique, une plus grande prédisposition aux maladies et la réduction ou la disparition
de certains espaces forestiers tels que l’arganeraie.
Les pertes en terres dépassent 20 t/ha/an dans le Rif et se situent entre 5 à 10 t/ha/an dans le Moyen et le
Haut Atlas. Si cette cadence se maintient, les pertes dépasseront le seuil des 100 millions de m3/an en
l’an 2020, et seraient un peu moins de 150 millions de m3/an en l’an 2030. L’envasement consécutif réduit la
capacité des retenues des barrages de 50 à 60 millions de m3/an, correspondant à une réduction des possibi-
lités d’irrigation de 5 000 à 6 000 ha/an. Les répercussions des pertes du sol sur la productivité agricole est
estimée à 5 % par an de l’élément fertilisant et de 5 000 tonnes de céréales par hectare et par bonne année
agricole.
Les changements climatiques prévues d’ici les années 2020-2025, en l’occurrence des augmentations des
températures et des réductions des précipitations entraîneraient des réductions des productions céréalières
d’au moins 10 % pour une année normale et 50 % pour une année sèche.
Dans un horizon de 30 à 50 ans, ce processus d’évolution régressive de la biodiversité pourrait être irréver-
sible, alors que la décrue démographique aurait été à peine inaugurée. Jusqu’à aujourd’hui, le Maroc a su pré-
174
server l’essentiel. L’avenir dépendra des politiques qui seront adoptées en matière de développement rural
et de gestion des ressources forestières qui sont deux volets indissociables.
En dehors des espèces visées par la pêche côtière ou hauturière, d’autres espèces appartenant à la bio-
diversité marine et côtière marocaines sont gravement menacées et d’ici 2025 disparaîtraient certainement
de toutes nos eaux. Il s’agit, entre autres de :
– le corail rouge, surexploité dans toute la Méditerranée marocaine et au large de Larache dont on ne peut
prélever actuellement que quelques tonnes ;
– la palourde qui, par exemple « a vu » ses stocks chuter de 150 tonnes à 30 tonnes en 3 ans seulement
dans la baie de Dakhla et qui s’est considérablement raréfiée dans tous ses habitats (lagunes et
estuaires) ;
– la grande nacre, espèce très menacée dans toute son aire de disparition. Il nous reste encore quelques
spécimens dans la lagunes de Nador qui ne tarderont pas à s’éteindre avec l’énorme pollution sévissant
dans ce milieu et la pêche illicite (pour en faire des boutons) ;
– le phoque moine, espèce gravement menacée à l’échelle planétaire et dont la population transfrontalière
du sud marocain (quelques centaines) souffre énormément de la fréquentation humaine, des pêcheries,
et d’autres causes naturelles telles que les algues toxiques ou les effondrements de leurs grottes ;
175
– la grande alose qui, en mer (pêcheries) comme en « terre » (barrage), trouve d’énormes difficultés à sur-
vivre. Ses habitats ont complètement été anéantis et on pense qu’elle a déjà disparu de nombreux sites
qu’elle fréquentait ces dernières décennies.
– l’anguille qui souffre également des même problèmes que l’alose et qui, de plus est soumise, dans ses
toutes premiers stades de la vie (civelles) à une intense prédation, éliminant toute chance de reconstitu-
tion de ses stocks ;
– les algues rouges, bien que la durée de leur exploitation soit très limitée, est soumise à l’assaut de mil-
liers de ramasseurs dès l’ouverture de la saison de ramassage, et le manque de qualification chez les
populations ainsi que l’absence de quota, font que l’espèce à du mal à suivre l’évolution des prélève-
ments ;
– etc.
La biodiversité comporte également de nombreux habitats tous aussi particuliers que vulnérables :
– les lagunes qui souffrent, pratiquement toutes, des activités anthropozoologiques (pollution, pâturage,
pêche, prélèvements de sable, etc.) et qui, en 2025 seraient des bras de mer morts. Celle de Nador, par
exemple, a perdu pratiquement toutes ces valeurs biologiques (stocks de crevettes, de poissons et de
coquillages), écologiques (en tant qu’abris pour de nombreuses espèces migratrices, pour l’engraisse-
ment et la reproduction de poissons de crustacés, etc.) et paysagères (tourisme et activités récréatives) ;
– les estuaires sont également soumis à des pressions si importantes qu’on craint pour eux de ne consti-
tuer en 2025 que de simples exutoires à ciel ouvert azoiques. L’estuaire de Sebou par exemple draine
les eaux usées non traitées de nombreuses grandes agglomérations (Fès, Kénitra, etc.) et nombreuses
de ses formes vivantes emblématiques telle que la grande alose, ont complètement disparues ; les
civelles s’y sont dramatiquement raréfiées et les poissons ou coquillages qui y survivent sont fortement
contaminés. L’estuaire de la Moulouya, du Sebou, du Bou Regreg, etc. ont chacun également ses pro-
blèmes spécifiques qui les asphyxient jour après jour.
La Biodiversité marine c’est aussi la variabilité génétique des espèces et si pour certaines formes telles
que la sardine, les individus sont assez abondants pour assurer un minimum de richesses en pools géné-
tiques, pour d’autres espèces tels que le mérou, le thon rouge ou le phoque, la pression est telle qu’on est
en droit de se demander si d’ici 2025, il y aurait suffisamment de géniteurs et de caractères sauvages pour
assurer à ces espèces leur pérennité.
Cependant, c’est relativement récemment que ces milieux ont commencé à représenter un centre d’inté-
rêt pour certains départements, et il faudrait certainement un peu plus de temps pour identifier avec préci-
sion l’importance des valeurs perdues et les répercussions à moyen long terme (2025). On peut d’ors et déjà
citer les exemples suivants :
– Au début des années 80 du siècle dernier, le plan d’eau de Khnifiss comportait en son milieu un impor-
tant site de nidification d’oiseaux migrateurs, en l’occurrence l’île aux huîtres jonchée de nids de
diverses espèces. En 2004, et à cause de la fréquentation de l’île par les pêcheurs locaux, toute l’île ne
176
comportait plus qu’un seul nid d’un couple de Goelands. En 2025, aucune des espèces qui nidifiait dans
cette zone ne pourrait le faire et choisiraient d’autres sites pour leur reproduction. Ceci est également le
cas des marécage de l’oued Moulouya, où en moins de 48 heures, des centaines de nids ont été pillés
et vidés de leurs œufs, faisant perdre à ce milieu sa valeur écologique de site de reproduction pour la
multiplication et la conservation des espèces d’oiseaux menacées.
– De nombreux cours d’eau dont la mise en eau était essentiellement assurée par des crues et des pluies
(Sebou, Moulouya, Dr’a, etc.) ne sont actuellement qu’à immersion très brève et d’ici l’an 2025, ces
oueds seraient complètement asséchés, faisant perdre toute une faune des rivières chaudes caractéri-
sée par sa grande diversité. Ces milieux perdraient par la même occasion l’une de leurs principales fonc-
tions écologiques qu’est l’épuration des eaux.
– De nombreuses autres valeurs biologique (nombreuses espèces endémiques) et socio-économique
(pêche et chasse) risquent de se perdre complètement d’ici l’an 2025.
Dans les cadre de la conservation des zones humides nationales, 20 autres sites sont proposés pour être
inscrits dans la liste des sites Ramsar, mais seraient ils suffisants pour conserver la biodiversité de ces
milieux fragiles d’ici 2025 ? De surcroît, 4 de nos sites sont déjà dans cette liste, ce qui n’a pas empêché la
continuation de leur dégradation. Même des parcs nationaux créés il y a des dizaines d’années n’ont pu
échapper à ce sort.
De nombreux éléments indispensables à une meilleure gestion et une meilleure intégration de la biodiver-
sité dans le développement du pays restent encore mal connus ou incompris. Les données systématiques,
écologiques, dynamiques, socio-économiques, de restauration etc. sont pour la plupart lacunaires. Certes, de
nombreuses études systématiques et écologiques ont été réalisées au Maroc ; mais, de nombreuses ques-
tions se rapportant à ces éléments et leurs fonctionnements restent sans réponse. En effet, que savons
nous sur l’écologie des quelques 30 000 espèces recensées jusqu’à présent ? Que savons nous des inter-
actions entre ces espèces et leurs habitats respectifs ? Que savons nous des fonctionnements des différents
écosystèmes terrestres ? Il faut reconnaître que notre savoir sur ces aspects est extrêmement limité. Pour-
tant, c’est dans les éléments de réponse à ce genre de questions que réside la clé du succès de toute
177
approche d’intégration de la biodiversité dans le développement socio-économique et humain durables, puis-
que, protéger et valoriser une espèce ou un écosystème suggère la connaissance de ses exigences écolo-
giques et, donc, de son autoécologie, sa synécologie et son fonctionnement. La stratégie nationale en
matière de biodiversité devrait donc avoir parmi ses priorités l’amélioration des connaissances sur ces res-
sources biologiques ; connaissances sans lesquelles aucune préservation ni aucune action ne seraient effi-
cientes.
L’amélioration des connaissances sur la biodiversité nécessite des compétences humaines susceptibles
de mener des programmes nationaux de recherche, à travers la coopération internationale pour mieux
connaître, mieux conserver, mieux conseiller les décideurs et mieux capitaliser les données disponibles pour
un développement socio-économique optimal. Or, pour un grand nombre de groupes végétaux et animaux, il
n’existe au Maroc aucun spécialiste, et même pas un « généraliste ». C’est le cas par exemple des lichens,
des fougères, des spongiaires, des coraux, etc. On n’a pas non plus de « restaurateurs » spécialisés des
milieux dégradés, ni de « réhabilitateurs » d’espèces et d’habitats en cours d’extinction. Même pour certains
groupes exploités, nos moyens humains demeurent trop limités pour une meilleure gestion de ces res-
sources.
Il en découle que hormis quelques spécialistes, on est à l’heure actuelle, presque complètement dépen-
dant de l’étranger pour nos études approfondies en matière de biodiversité et de son exploitation dans des
programmes de développement socio-économique du pays.
La conservation était souvent interprétée par les populations locales comme une « mise en conserve » et
non pas comme une « mise en réserve » des ressources visées par des programmes de protection. Les nou-
velles approches veulent que toute conservation intègre la prise en considération des besoins des popula-
tions locales et l’utilisation concertée et maîtrisée des ressources par ces populations. Cette approche est à
même d’éviter beaucoup d’actes dont les répercussions ne peuvent qu’avoir un impact négatif sur la conser-
vation.
Si le monde entier se donne tant « de peine » pour évaluer les ressources biologiques et établir des pro-
grammes souvent coûteux de conservation, de restauration et de réhabilitation d’espèces et d’écosystèmes,
c’est pour pouvoir continuer à tirer bénéfice des avantages de cette biodiversité dans des avenirs proches et
lointains.
Dans le cas de la biodiversité nationale, il s’agit principalement de l’utilisation des produits agricoles, sylvo-
pastoraux et halieutiques. À plus faible échelle, on peut citer certaines plantes des zones humides comme le
jonc et certaines espèces sauvages souvent menacées telles que les tortues, renards, varans, serpents,
papillons, etc. et qui ont leurs rôles à jouer dans l’équilibre de leurs écosystèmes respectifs. Il y a deux caté-
gories distinctes d’utilisateurs des ressources et qui en tirent avantage : soit de grands utilisateurs (grands
agriculteurs, industriels dans le secteur du bois, grands éleveurs, des mareyeurs, des sociétés d’exportation
178
des produits de la mer, etc.) soit des petits utilisateurs (populations locales), bien plus importants par leurs
effectifs et souvent par l’impact de leurs activités souvent anarchiques et non organisées.
Pour les grands utilisateurs, il est impératif que soit prise en considération, dans tout projet d’investisse-
ment et dans toute mise en place d’infrastructures socio-économique, l’intégration de la biodiversité, son uti-
lisation et son développement durable, autrement dit, que soit pris en compte l’impact desdits projets sur la
pérennité de la ressource et des écosystèmes voisins. Ceci implique le besoin de se doter des moyens légis-
latifs et institutionnels pour imposer à tout projet, public ou privé, une étude d’impact des répercussions sur
la diversité biologique..
Il est actuellement communément admis que rien ne peut se faire dans le domaine de la préservation des
ressources naturelles et dans l’exploitation durable de ces ressources sans la participation, la contribution,
l’intégration et l’appui des populations locales. En effet, comment persuader, par exemple, un paysan d’arrê-
ter des pratiques jugées illicites de défrichement, par exemple, si celui-ci n’a aucune idée, même simplifiée,
des répercussions de ses actes sur la qualité de sa propre vie future, celle de sa famille et de ses enfants, sur
l’environnement du pays et son avenir socio-économique, etc. Et ce qui est valable pour le défrichement l’est
aussi pour les autres nuisances et causes de dégradation de la biodiversité tels que la pollution, le déboise-
ment, la chasse, le braconnage, etc.
Il importe donc de mettre à la disposition de divers utilisateurs, toute l’information disponible, mais simpli-
fiée pour pouvoir les sensibiliser à ce problème crucial et pouvoir leur prodiguer une éducation environne-
mentale et en biodiversité efficiente.
La sensibilisation de la population et son information sur les répercussions néfastes de la perte de la bio-
diversité ne peuvent suffire pour la conservation de la biodiversité et son exploitation durable, surtout quand
les éléments de cette dernière, constituent des besoins vitaux pour cette population. En effet, comment per-
suader des ruraux, même avertis et sensibilisés, de se priver du ramassage du bois de feu, de se passer des
parcours pour les quelques têtes de bétail dont ils disposent, de s’abstenir de collecter et de vendre les
renards, les fouette-queues, les tortues grecques », etc., si on ne les met pas à l’abri de ces besoins, si on ne
leur offre rien en échange et si on ne leur propose pas de projets alternatifs incitatifs qui leur permettent de
subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. Une stratégie, pour être efficiente, devrait donc tenir
compte des besoins des populations et des communautés locales en biodiversité et, en même temps, de la
nécessité de préservation, de conservation et d’utilisation durable de cette biodiversité.
En terme de biodiversité, chaque élément (espèce, espace, ressource génétique) est le centre d’intérêt
d’un certain nombre d’utilisateurs. Le littoral est un exemple très explicite de cette situation. Ses dunes se
trouvent par exemple sous la responsabilité des Eaux et Forêts, ses ressources sous la tutelle du départe-
ment des pêches maritimes, la protection de ses espèces menacées et de ses aires protégées sous la res-
ponsabilité encore une fois des Eaux et Forêts, le domaine public maritime est une affaire des travaux
179
publics, etc. Une multitude donc d’intervenants et une polycéphalie dans la gestion qui ne facilite guère la
tâche au décideur.
De même, pour la forêt, même si sa gestion relève du Département des Eaux et Forêts, elle a de nom-
breux et multiples acteurs, avec des intérêts convergents mais souvent antagonistes : les populations locales
ont un droit d’usage pour prélever ce dont ils ont besoin, les communes locales ont droit à une partie des
recettes conformément à la loi, les grands exploitants et entrepreneurs, les promoteurs touristiques ou
immobiliers payent des droits d’exploitation, etc. Il en découle que pour une seule ressource, voir une seule
essence, les intérêts et les intervenants sont multiples et, pour conserver cette ressource et l’utiliser de
façon durable, il s’impose une concertation, une coordination et le concours des différents intervenants
publics et privés. Et ce qui est valable pour la forêt l’est aussi pour l’agriculture, pour la pêche ou, à une plus
faible échelle, pour des espèces tels que des oiseaux, des serpents, etc.
Tous Les efforts devront être capitalisés et optimisés ; mais sans des cadres juridiques adéquats et dissua-
sifs, ils resteraient inefficaces. On n’irait pas jusqu’à dire que nous n’avons pas de lois régissant le domaine
des ressources naturelles ; bien au contraire, des lois existent, et depuis le début de ce siècle et touchent, en
plus, à divers domaines de la nature ; mais, pas en terme de biodiversité telle qu’elle est perçue actuelle-
ment. Cependant, usés par le temps et par l’évolution des approches, nombreux de ces textes ont perdu de
leur efficacité.
Un arsenal législatif actualisé et dissuasif devrait faire partie de la stratégie globale visant la conservation et
l’utilisation durable des ressources biologiques de notre pays ; des textes qui devraient être souples pour faci-
liter la mise en œuvre de cette stratégie de conservation ; mais, en même temps, agressifs et dissuasifs pour
en assurer l’efficience. Ces textes devraient également tenir compte des engagements internationaux du
Royaume.
Il importe également de cerner d’urgence certains problèmes qui s’imposent actuellement aussi bien à
l’échelle nationale qu’internationale et qui, laissés au temps, auraient des répercussions plus ou moins
néfastes sur ces ressources. Parmi ces problèmes, il y a lieu de citer la biosécurité, l’accès aux ressources
génétiques de notre pays par des pays tiers et aussi les listes rouges d’espèces et d’espaces menacés qu’il
importe de dresser et de connaître avec précision.
Le Maroc a besoin et devrait tirer profit des expériences des autres pays en matière d’identification des
composantes de la biodiversité, en matière d’approches de conservation et d’utilisation durable, en matière
de restauration et de réhabilitation, et ce pour améliorer et renforcer ses propres capacités financières et
scientifiques, profiter également des ressources génétiques des autres pays pour améliorer les siennes, etc.,
d’où la nécessité du développement de la coopération et de partenariat avec d’autres pays détenteurs de ce
savoir faire et, aussi, avec des organismes internationaux encadrant des problèmes d’envergure planétaire.
180
8. Plan d’action pour une contribution optimale de la biodiversité
au développement durable du Maroc
La stratégie et le plan d’action nationaux pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ont
été publiés en 2004. Ils visent aussi l’intégration de la biodiversité dans les processus du développement
humain et socio-économique du pays. Des séries d’actions sont identifiées par type de milieu (biodiversité
terrestre, côtière et marine, zones humides etc.) avec leur niveau de priorité, leur échéancier, les institutions
responsables etc. Ils comprennent un certain nombre d’outils et mesures qui pourraient être considérés dans
le cadre du développement humain et socio-économique du pays, et qui sont :
– Mesures de gestion, qui visent la satisfaction des besoins en matière de biodiversité sans pour autant
mettre en péril sa pérennité. Ils visent également le développement de certaines potentialités offertes
par la biodiversité pour des fins socio-économiques ;
– Outils scientifiques, proposés pour disposer de plus de connaissances, et plus de compétences en
matière de biodiversité, mais aussi pour gérer de façon optimale l’information scientifique disponible ;
– Mesures de l’IEC correspondant à des dispositifs d’Information, d’Éducation et de Communication dont
l’objectif est de constituer des programmes pour une meilleure approche participative des populations ;
– Outils économiques et financiers qui sont destinés à développer certains secteurs de la biodiversité
pour répondre à des besoins particuliers, à favoriser le monde rural et à encourager l’intégration de la
biodiversité dans la stratégie globale de l’avancement du pays ;
– Instruments législatifs et institutionnels dont le but est, d’une part, actualiser l’arsenal national pour
mieux prendre en considération l’évolution de la biodiversité et son importance de plus en plus impor-
tante dans le développement du Maroc, mais aussi mettre en diapason la législation nationale avec les
engagements internationaux du pays ;
– Outils de coopération permettant de conforter le Maroc dans sa position internationale, pour mieux
mettre à profit ses particularités naturelles, et pour renforcer sa contribution dans l’effort mondial ;
– Instruments de surveillance qui englobent un grand nombre d’indicateurs permettant de suivre de très
près les évolutions des ressources naturelles du pays et de leurs impacts sur divers secteurs socio-
économiques et sociaux.
181
Introduction
Le système marin est en train de se modifier en profondeur, suite au Global change planétaire, avec
notamment le relèvement du niveau de la mer et des transformations biogéochimiques importantes ayant
des impacts multiples en termes de biodiversité du milieu et de productivité halieutique et donc de res-
sources. En même temps, l’occupation humaine du littoral tend à devenir un phénomène majeur, sur le plan
de l’économie et de l’emprise territoriale, mais aussi préoccupant du fait de sa concentration et de ses
impacts.
Le phénomène de littoralisation représente un facteur fondamental d’évolution. La population côtière (zone
côtière à moins de 60 km du littoral) représente plus de 60 % de la population mondiale et continue de croître
rapidement par immigration ; le taux sera de 75 % en 2020. L’urbanisation côtière s’accentue elle aussi avec
notamment la constitution de mégavilles littorales (Plan Bleu, 1998, 2004). Cela a pour conséquences l’exten-
sion de la pression sur le terrain littoral et de la pression sur les ressources marines. Des conflits entre
usages et une compétition entre types d’implantation représentent actuellement une donnée fondamentale
et une problématique sérieuse pour l’aménagement (Berriane et Laouina, 1993).
Cette concurrence sur l’espace met en position côtière des activités parfois antinomiques, l’industrie et le
tourisme par exemple, la première produisant les pollutions chimiques, sonores et paysagères que les loisirs
cherchent justement à éviter.
Divers impacts environnementaux littoraux et marins résultent de l’évolution économique. On peut citer
l’extension des transports de produits dangereux très polluants, pour lesquels le risque est fonction du déve-
loppement des garanties techniques de sécurité. On peut aussi citer la pollution d’origine continentale en
relation avec l’installation d’industries polluantes sur la côte ou du fait de la sur-urbanisation.
Au Maroc, la côte joue aujourd’hui le rôle de pôle structurant de l’économie nationale, du fait de la concen-
tration démographique, industrielle (80 % des effectifs permanents des industries), touristique (50 % de la
capacité d’accueil) et commerciale (92 % du commerce extérieur). Cette concentration est un atout pour le
développement du pays, mais la compétition entre secteurs peut jouer un rôle négatif tant économique
qu’écologique. Par ailleurs, le littoral représente une ressource précieuse, mais limitée parce qu’il correspond
à une étroite zone de contact entre le domaine continental et le monde sous-marin. Toute occupation abusive
185
aboutit à la consommation définitive de cette ressource, sans possibilité de reproduction. Par contre, l’exploi-
tation rationnelle et légère permet à cet espace de se perpétuer sans perdre de sa qualité.
Au Maroc, comme dans tous les pays méditerranéens, le littoral tend à devenir un espace suroccupé et
surutilisé par l’urbanisation, les activités industrielles, portuaires, halieutiques et de loisirs (Sakrouhi, 1990).
Souvent excessive, cette occupation aboutit à la dégradation du milieu physique et à hypothéquer toute pos-
sibilité de gestion meilleure de l’espace côtier et marin dans l’avenir.
Le processus de littoralisation de la population et des activités est déjà très avancé et aboutit aussi à un
déséquilibre flagrant en termes d’aménagement du territoire. Jusqu’à maintenant, l’approche n’a pas pu
générer un effet de durabilité. Les rejets urbains et industriels dans le milieu marin, la suroccupation du trait
de côte, l’épuisement de certaines ressources halieutiques et l’érosion des rivages sableux – ressource à la
base du développement touristique – tout cela conduit à poser la problématique du milieu marin en termes
de choix fondamentaux pour la mise en place d’une politique de gestion efficace de cet espace précieux.
La mer est par ailleurs le réceptacle final des nuisances développées en milieu continental lointain ; mais ce
sont les nuisances du domaine côtier proche qui concourent le plus à dégrader la mer. Cette dégradation a
des effets multiples sur la santé des habitants, sur les ressources marines, sur la qualité paysagère du litto-
ral ; mais il y a aussi des dégradations du trait de côte qui résultent soit de phénomènes purement naturels,
soit du prélèvement de matériaux ou d’installations ou d’équipements côtiers inadéquats.
La côte est un domaine d’implantations humaines et économiques variées, souvent fondamentales ; le pro-
jet du port de Tanger-Méditerranée constitue par exemple le projet majeur d’infrastructure que le Maroc met
en place actuellement, puisqu’il est censé transformer carrément les données économiques du Maroc nord
et avoir des impacts inégalés sur tout le territoire national.
Mais la côte ne peut être envisagée que dans sa fonction économique ; c’est aussi un patrimoine inéga-
lable, avec des paysages précieux, des sites d’intérêt biologique et des sites d’intérêt archéologique.
Plusieurs composantes principales constituent ce patrimoine. La mer est un patrimoine varié (Secrétariat
d’État à l’environnement, 1998) qui comporte une flore et une faune originales (le cortège floristique est
composé essentiellement d’algues et de formations à halophytes ; la faune marine, encore incomplètement
répertoriée, compte de nombreuses espèces connues), des sites naturels divers et un patrimoine édifié par
l’homme. Le phénomène d’upwelling – remontées d’eau froide riche en plancton, particulièrement intenses
en été – est à la base de la richesse biologique des côtes atlantiques qui comptent parmi les plus poisson-
neuses du monde. Ces remontées d’eau froide sont particulièrement intenses en été.
Le littoral est composé de plusieurs types d’habitats : frange côtière proprement dite, lagunes, estuaires,
îles, plages et falaises littorales. La frange intertidale héberge une faune extrêmement diversifiée. L’avifaune
côtière, particulièrement riche, englobe les oiseaux marins. Les lagunes et les milieux humides adjacents
sont également particulièrement intéressantes pour leur avifaune (Secrétariat d’État à l’environnement,
1998).
La bande côtière est de délimitation difficile ; la profondeur de 50-60 km à l’intérieur des terres est souvent
avancée ; mais d’autres auteurs limitent l’extension au rivage stricto sensu, c’est-à-dire à la zone de contact
186
terre-mer. Le littoral comprend, selon la définition extensive, environ 66000 km2 d’eaux territoriales et
1,1 Mkm2 de zone économique maritime exclusive. La partie continentale du littoral regroupe 187 com-
munes, au-dessus d’une superficie qui représente 1/7 du territoire (carte de l’extension et de la population
des communes littorales, 1994). Sa population atteint 8 Mh sur 26 en 1994 (soit près d’1/3). Du fait de
l’extension urbaine et des infrastructures, la surface agricole utile est peu étendue dans la frange littorale
(seulement 6 % de la superficie contre 12 % à l’échelle du pays). La population urbaine domine très large-
ment (près de 7 M d’urbains et 1 M de ruraux dans les communes littorales). Sur le littoral méditerranéen se
trouvent souvent plusieurs villes importantes : Sebta, Tétouan, Al Hoceima, Melilla et Nador auxquelles
s’ajoutent une dizaine de petites villes dont l’accroissement est rapide. Sur le littoral atlantique se situent les
deux capitales politique et économique du pays et toute une série de villes à fonctions commerciale, indus-
trielle, touristique et de services, de premier ordre. Le cœur névralgique du pays est localisé dans la partie
centrale de cette côte, d’El Jadida à Kénitra.
Au nord-ouest du continent africain, le Maroc présente une façade méditerranéenne de près de 550 km de
long et une façade atlantique qui s’étire sur près de 3000 km, du Cap Spartel au Cap Blanc, entre les 36e et
21e parallèles nord.
Il est de caractère méditerranéen, tempéré à chaud avec un été chaud et sec et un hiver relativement doux
et pluvieux, du moins, dans sa section non saharienne. L’upwelling atlantique et la brise marine ont une
influence notable sur la température de l’air : la température maximale se trouve abaissée et la température
minimale rehaussée ce qui se traduit par une faible valeur de l’amplitude thermique mensuelle qui dans cer-
tains cas ne dépasse pas 6o C (Essaouira).
Les températures minimales moyennes sur le littoral sont supérieures à 15o C sur le littoral méditerranéen
et du détroit et entre Sidi Ifni et Boujdour. Sur les autres portions de la côte, elles sont presque toujours com-
prises entre 10 et 15o C.
Les précipitations moyennes annuelles enregistrées dans les stations littorales montrent une décroissance
d’ouest en est sur la côte méditerranéenne au nord du Rif, puis une certaine augmentation à l’est de la Mou-
louya ; la décroissance du nord vers le sud sur la façade atlantique est systématique (800 mm au nord et
moins de 200 mm au sud d’Agadir).
187
1.2. Les différentes composantes du littoral
1.2.2. Le rivage
La côte marocaine est relativement rectiligne hormis quelques caps proéminents en Méditerranée. La lon-
gueur totale de la côte n’est d’ailleurs que de 3500 km, à peu près équivalente à l’extension linéaire du
rivage, du fait de la faiblesse des indentations, de la faible profondeur des golfes et de la rareté des îlots pré
littoraux. Elle présente quelques baies largement ouvertes (d’Al Hoceima, Tanger, Azemmour, Essaouira,
Agadir, Cintra) ; seule la baie de Dakhla est relativement fermée.
A. La côte méditerranéenne
Elle se présente sous la forme de quatre grandes concavités de dimensions variables. Après la plage de
Saïdia à l’est, la première concavité longue d’environ 80 km débute à partir de Ras et Ma et est séparée de la
suivante par le promontoire du Cap des Trois Fourches. Dans cette portion, un cordon littoral étendu sur
24 km sépare de la mer, la lagune de Nador. La 2e concavité de dimension comparable à la précédente,
s’étend à l’ouest jusqu’à Ras Tarf qui limite à l’est la baie d’Al Hoceima. De cette dernière jusqu’à Sebta, la
côte se dessine en une large concavité très ouverte où elle change progressivement d’une direction est-
ouest à une direction sud-nord entre Mdiq et Fnidek. L’ensemble de la côte est une succession de falaises
qui alternent avec des plages de petites dimensions.
188
La côte méditerranéenne correspond au rivage d’une montagne qui pratiquement domine la mer, sauf là
où s’intercalent de petites plaines littorales limitées par un cordon marin et dunaire. C’est ce qui explique la
différenciation entre les côtes découpées en falaises de la chaîne rifaine et les côtes basses et sableuses à
partir du Cap Mazari vers le nord. La mer ne connaît ni courants forts ni haute barre ; la marée semi diurne a
une faible amplitude (0,8 à 1 m) ; un courant fréquent de dérive littorale prend une direction sud-nord dans la
région de Tétouan. Dans le relief continental il faut différencier trois sections.
Le profil transversal de la montagne à la mer débute par des glacis de raccord au pied des versants mon-
tagneux ; ces glacis, découpés en collines, atteignent localement la mer et constituent avec leurs très beaux
points de vue, des sites intéressants pour l’urbanisation et l’implantation touristique ; mais les problèmes de
stabilité se posent souvent pour les constructions dans ces terrains de flysch à puissantes altérites, dans le
cadre climatique pluvieux de la chaîne rifaine. Le profil s’abaisse, au débouché des oueds, à travers de
petites plaines, parfois subsidentes et marécageuses, avec quelques milieux humides intéressants sur le
plan biologique, mais fortement menacés par la pollution. Ces plaines qui connaissent par ailleurs fréquem-
ment des inondations désastreuses, liées au régime torrentiel fortement chargé des cours d’eau, sont actuel-
lement en voie d’urbanisation dans la zone Tétouan-Martil. Enfin, le profil se termine par un cordon littoral et
dunaire rectiligne, limité à une centaine de mètres de largeur, lié à la régularisation opérée par le courant de
dérive. Ce milieu est le plus urbanisé et le plus convoité par l’expansion touristique ; c’est le milieu où
s’implantent les ports et marinas de plaisance. C’est un milieu fortement menacé, d’abord de suroccupation
de cet espace limité, ensuite de rupture dans l’équilibre de son bilan dynamique et sédimentaire.
Dans le Maroc oriental, la côte s’individualise. Depuis la frontière et jusqu’à Ras el Ma, il s’agit de larges
plages sableuses ininterrompues sur les deux rives du débouché de la Moulouya ; la côte est particulière-
ment alignée et rectiligne, bordée vers l’intérieur par d’importantes accumulations dunaires, actuellement
fixées par le couvert végétal, mais d’une grande fragilité, du fait de la forte pression sur ces milieux. À partir
du redan de Cap de l’Eau, la côte est plus variée ; elle s’organise en un grand arc de cercle à l’est du Cap des
Trois Fourches qui voit se succéder des falaises vives et découpées par de profondes vallées, taillées parfois
sur 70 m de hauteur dans un matériel terreux rouge, sur 30 km le long du piémont des Kebdana puis une
étroite flèche sableuse isolant la lagune de Bou Arg, entre Arkmane et Nador, dans un secteur nettement
subsident.
189
C. La côte atlantique
Elle est caractérisée par l’absence d’indentation importante ; les caps et les redans ne sont néanmoins pas
rares (Larache, Jorf Lasfar, Cap Beddouza, Cap Ghir, Tarfaya, Boujdour). Elle montre une large concavité de
Tanger à Rabat, une convexité qui s’étend de Rabat à cap Ghir suivie d’une concavité qui débute avec la baie
d’Agadir et se termine au sud par le cap Tarfaya. Elle est constituée de plages sableuses, de platiers rocheux,
de falaises mortes ou vives et de grandes dunes dominant immédiatement la côte. Ces structures sont inter-
rompues au niveau des embouchures d’oueds et de lagunes. Les plages de sable sont largement représen-
tées au nord de Tan Tan tandis que le secteur situé plus au sud est plutôt caractérisé par une falaise vive qui
tombe plus ou moins directement dans l’océan.
Le littoral atlantique correspond au rivage bordant de bas plateaux, sauf au droit du Haut et de l’Anti-Atlas ;
ceci se justifie même dans le Tangérois et la région du Loukkos où le plateau du Habt sert de transition, au
pied du Rif ; dans la région de Rabat, le bas plateau atlantique s’abaisse depuis les hauteurs des Zemmour-
Zaër ; la côte correspond à une plaine de niveau de base au droit de la région du Rharb et des plaines plus dif-
férenciées dans la Chaouïa et les Doukkala. Partout les reliefs élevés sont donc éloignés de la mer. Mais cela
n’empêche pas la présence de longues sections en falaises plus ou moins vives bordant des plateaux et
interrompues par des sections de plages.
Le milieu marin est caractérisé par un dynamisme important, avec une houle permanente, de forts cou-
rants de marée. La granulométrie des sables de plages montre l’importance du tri, le transport vers le large
des sables fins et des produits en suspension, l’importance de l’érosion des falaises et des plages. Les maté-
riaux sont constamment repris par un courant de dérive de direction nord-sud. Les vents sont forts, avec une
dominance des vents d’ouest ; ils expliquent l’importance des remaniements éoliens et le prélèvement de
sables sur les plages, l’édification de dunes vives à proximité du haut de plage ; ces dunes vives peuvent
recouvrir des dunes plus hautes et plus anciennes, parfois façonnées en falaises. Les cordons marins et
dunaires gênent le drainage d’un certain nombre de plaines de niveau de base, notamment la plaine du
Rharb, et expliquent la nature marécageuse de ces milieux.
La coupe idéale du rivage atlantique est la suivante, notamment dans la région de Rabat : Au-dessus d’un
estran rocheux à vasques, inscrit dans des calcarénites plus ou moins anciennes, s’étend une courte plage
sableuse, pouvant passer localement à des plages plus étendues dans des zones d’accumulation récente
comme la région de Tanger ou de Mehdia. Le haut de plage est façonné en dunes vives qui gravissent les
falaises proches. Parfois la falaise domine directement la mer ; ou du moins elle peut être atteinte lors des
tempêtes. Sa hauteur peut atteindre 30 à 50 mètres et est façonnée dans des grès dunaires plus ou moins
consolidés du Pleistocène récent. Derrière cette dune fixée s’étend l’oulja, une dépression longiligne plus ou
moins drainée et plus ou moins perchée, pouvant atteindre 2 à 3 km de large. Ce n’est qu’à l’arrière de cette
dépression que l’on trouve une seconde falaise, plus ancienne, recoupant des grès marins et dunaires qua-
ternaires ou le substratum géologique. Souvent, la dune littorale peut être interrompue par des passes
qu’emprunte la mer pour pénétrer l’oulja et y constituer des lagunes immergées à marée haute, maréca-
geuses à marée basse. Les implantations humaines se développent sur les plages littorales là où elles sont
assez étendues dans l’oulja et notamment sur les bords des plages développées derrières des îlots du cor-
don dunaire interrompu, c’est-à-dire dans des sites d’eau calme mais constamment renouvelée, ou même
sur les bords de lagunes. Le pied de la falaise morte constitue un autre site d’implantation, car suffisamment
bien drainé. Mais beaucoup de secteurs de ce littoral atlantique restent sous-utilisés et peu fréquentés pour
des raisons physiques (fréquence du vent, mer trop agitée, relief littoral trop raide) ou à cause de leur éloigne-
ment par rapport aux centres urbains et aux grands centres de loisirs.
190
1.2.3. Lagunes, estuaires et systèmes adjacents
Nombreux sont les cours d’eau qui se jettent en mer. Parmi eux trois grands fleuves sont permanents : la
Moulouya en Méditerranée, le Sebou et l’Oum-er-Rbiâ sur l’Atlantique. Les autres oueds méditerranéens se
comportent plutôt en torrents venus du Rif. Il s’agit des oueds Martil, Laou, Ghis, Nkor et Kert. Ils reçoivent
peu d’affluents et drainent des bassins versants de dimensions modestes ; mais leurs apports sont impor-
tants. Sur la façade atlantique, les autres principaux cours d’eau sont le Loukkos, le Bou Regreg, le Tensift et
le Souss. D’autres oueds atlantiques (Massa, Draa) beaucoup moins importants, sont assez souvent fermés
à leurs embouchures par des bouchons sableux, dus à l’action hydrodynamique de l’océan, comme beau-
coup d’autres oueds sahariens.
Le Maroc possède plusieurs lagunes littorales qui présentent un intérêt à la fois biologique, économique et
paysager. Il est possible de reconnaître, le long du littoral marocain, un certain nombre d’écosystèmes qui
détiennent une importance nationale, voire internationale. On retiendra sur le littoral méditerranéen l’embou-
chure de l’Oued Moulouya, l’imposante lagune de Nador, l’embouchure de l’oued Laou et la lagune de Res-
tinga-Smir. Sur le littoral atlantique il est faut signaler les marais de Larache avec l’embouchure de l’Oued
Loukkos, Merja Zerga qui présente une importance internationale pour l’hivernage de l’avifaune migratrice, le
lac d’eau douce de Sidi Boughaba, le complexe lagunaire Sidi Moussa-Oualidia, l’embouchure de l’oued
Massa, aménagée en parc national, Foum Assaka, les embouchures des oueds Draa, Chebeika, Amma
Fatma, El Ouar, la lagune de Khnifiss et la baie de Dakhla.
Le Maroc possède trois façades maritimes : la Méditerranée, le détroit de Gibraltar et l’océan Atlantique.
Chacune se caractérise par une morphologie et une dynamique particulières et offre des potentialités
d’occupation humaine qui lui sont propres et qui sont définies par la nature géomorphologique du rivage, son
tracé, son profil transversal, par le relief continental et sous-marin qui frangent ce rivage et par la dynamique
marine du secteur et notamment l’agitation de la mer, la force des courants et leur direction.
191
Le littoral marocain représente un environnement fragile en équilibre instable. Dans de nombreux sec-
teurs, il est constitué de falaises modelées dans des roches tendres (marnes et schistes du Rif) ou faible-
ment cimentées (calcarénites superficiellement encroûtées, mais restées friables en profondeur). Les
risques de rupture sont évidemment très grands.
Les secteurs de plage sont dominés par des falaises mortes, inaptes à fournir le stock nécessaire à
l’engraissement côtier. Dans les zones où le littoral est constitué de dunes vives, la recolonisation végétale
est souvent malaisée pour des raisons climatiques, alors que la constance et la vigueur de certains vents, de
secteur ouest ou de secteur nord-est réactivent rapidement les constructions dunaires en voie de fixation).
Cette fragilité du milieu littoral s’explique aussi par l’exploitation abusive et la suroccupation.
Le littoral représente en effet une ressource précieuse, mais limitée parce qu’il correspond à une étroite
zone de contact entre le domaine continental et le monde sous-marin. Toute occupation abusive aboutit à la
consommation définitive de cette ressource, sans possibilité de reproduction. Par contre l’exploitation ration-
nelle et légère permet à cet espace de se perpétuer sans perdre de sa qualité.
La menace d’une rupture de cet équilibre est permanente. C’est le cas des plages où d’importants inves-
tissements ont été consentis pour la promotion touristique et balnéaire. L’ablation du sable de la plage suivie
par l’affleurement d’écueils rocheux (exemple de la plage des sables d’or au sud-ouest de Rabat) ou l’attaque
directe des constructions édifiées sur le haut de plages (exemple de la baie de Tanger ou de Mohammédia)
constituent des cas de dégradation difficilement réversible.
Dans les ports, le risque d’ensablement est non moins dangereux parce qu’il entraîne la réduction de la
capacité d’accueil et à l’inverse l’augmentation des frais de maintien et d’exploitation.
La dynamique littorale est basée sur un système d’échange continu entre les terres émergées et le milieu
marin, cet échange se faisant dans les deux sens. Les continents fournissent à la mer des matériaux sous
différentes formes (solutions, et particules grossières ou en suspension). L’énergie des eaux marines pré-
lève, en plus de ces apports, des matériaux directement érodés sur la ligne côtière. Ces matériaux sont redis-
tribués vers la mer, ou repoussés sur le littoral, parfois repris par le vent et amenés plus ou moins loin à
l’intérieur. Deux types de tendances peuvent être distingués : une tendance à l’érosion littorale par recul du
trait de côte, ou au contraire une tendance à l’engraissement sous l’effet de l’accumulation de matériaux de
progradation sur le littoral. Le long du littoral marocain, les exemples relevés de recul de la côte et d’ablation
du sable des plages semblent être plus fréquents, même si les cas d’ensablement ne sont pas rares.
La ligne de rivage s’établit selon un tracé particulier en fonction de la dynamique en cours. Chaque portion
du littoral est dépendante des secteurs environnants parce que la côte est le lieu d’échanges latéraux impor-
tants de matériaux véhiculés par des courants côtiers et notamment la dérive littorale. La tendance générale
est souvent une tendance de régularisation par entraînement des matériaux issus d’un point donné fournis-
seur, vers des zones dont les fournitures sont moindres. Dans les situations stables, la redistribution est réa-
lisée selon un bilan conservant à chaque secteur un « budget » équilibré.
Deux séries de causes peuvent intervenir pour transformer la tendance globale d’évolution des côtes :
– des causes naturelles ou indirectement influencées par l’action humaine ; il s’agit de modifications à long
terme (relèvement général du niveau des mers) ou de la succession d’événements météorologiques
particuliers par leur violence ou au contraire leur faible ampleur (tempêtes par exemple) ;
– des causes en relation directe avec une explication anthropique, agissant soit sur les échanges trans-
versaux entre le continent et la mer, soit sur les échanges longitudinaux perturbant le transit latéral des
matériaux.
192
La succession d’évènements caractérisés par une violence particulière des tempêtes entraîne l’attaque
des littoraux et l’entraînement de matériaux vers le large. Les études semblent montrer une accentuation de
la fréquence et de la force des tempêtes dans les dernières décennies.
Le relèvement du niveau de la mer, d’ampleur non encore précisément fixée, agit sur la dynamique
côtière. La valeur moyenne avancée par certains auteurs (1,5 mm/an) est suffisante pour expliquer la ten-
dance générale à l’érosion des côtes, notamment les plages et les basses falaises en matériel non consolidé.
En plus du danger d’immersion des côtes très basses (deltas, basses vallées littorales, marais), le relève-
ment amène une exagération de l’attaque érosive des rivages et donc leur recul.
La mise en place de barrages-réservoirs sur les grands fleuves a favorisé la rétention d’une grosse partie
des sédiments qui normalement atteignaient la mer. Les barrages retiennent surtout la charge de fond des
rivières (matériaux transportés par saltation et charriage). La localisation des barrages joue un rôle fonda-
mental ; en effet plus la retenue est proche du trait de côte, plus le déficit côtier en matériaux de provenance
fluviale est accusé. Il se trouve qu’au Maroc la plupart des grands barrages, ont été implantés en montagne
ou au débouché de l’oued en plaine, ce qui a moins d’impact sur le bilan sédimentaire côtier.
L’homme transforme aussi cet échange transversal en agissant directement sur le milieu côtier, notam-
ment en consolidant les matériaux susceptibles de fournir à l’érosion marine les sédiments équilibrant le bud-
get littoral. La construction de routes en corniche et l’urbanisation de la dune bordière ou même de la plage
elle-même empêchent la mer de prélever sur ces milieux – en cas de tempête – les matériaux susceptibles
d’alimenter le bas de plage. L’action marine se concentre alors sur la plage elle-même, la fait reculer ou du
moins en transforme la composition granulométrique, par prélèvement des sables fins et concentration des
sables grossiers.
L’appauvrissement du bilan est exagéré par l’homme, partout où des sables sont prélevés dans les plages
ou les dunes bordières. En effet, les sables côtiers sont souvent bien triés et constituent pour cela d’excel-
lents matériaux de construction, fortement recherchés. La rareté de ce matériel et son prix élevé ont souvent
conduit à leur prélèvement illégal dans le domaine côtier, au détriment de la stabilité du rivage. Cela contri-
bue donc à exagérer l’action érosive de la houle et des courants côtiers à cause de la réduction du potentiel
sédimentaire capable de maintenir l’équilibre. L’exemple est rapporté des multiples noyades enregistrées à
Mehdia, du fait de la vente de sable prélevé sur le haut de plage en hiver, à laquelle a succédé la formation de
grosses cuvettes d’érosion, par érosion sur le bas de plage, très dangereuses pour les nageurs isolés.
L’homme agit aussi sur les transferts latéraux de matières en aménageant des obstacles perpendiculaires
au trait de côte. Des atterrissements ont lieu contre les jetées qui freinent le courant, alors qu’au-delà, les
portions du littoral privées des matériaux qui leur parvenaient, connaissent le démaigrissement et le recul.
La côte tétouanaise au nord des falaises de Koudiet Taïfor offre notamment l’exemple d’un littoral régula-
risé, mais où l’établissement des trois ports de M’diq, Kabila et Smir, a été à l’origine d’une transformation du
système de transfert des sables ; c’est pourquoi se succèdent des secteurs d’érosion et des milieux
d’accumulation.
Ces déséquilibres compromettent l’aménagement lui-même et menacent la ressource « littoral » dans son
fondement en gommant pratiquement des rivages équilibrés et d’une rare qualité sur le plan esthétique. Le
littoral devient alors une zone dangereuse, inexploitable pour les loisirs. Mais il existe des cas extrêmes où
l’érosion a gommé pratiquement des rivages équilibrés et d’une rare qualité sur le plan esthétique.
L’homme agit enfin en polluant les littoraux et les estuaires. La côte est le lieu où débouchent les eaux flu-
viales et les eaux de nappes phréatiques que l’homme a souvent fortement polluées. Les villes côtières et de
nombreuses industries déversent directement leurs eaux usées en mer, sans traitement. L’activité maritime,
notamment à proximité des ports contribue aussi à la pollution des eaux (déballastage des navires notam-
ment). Des nuisances dangereuses pour l’activité biologique végétale et animale et pour la santé de l’homme
affectent de plus en plus le milieu littoral et en rendent l’exploitation de plus en plus difficile, en réduisant
notamment les potentialités de loisirs. C’est avant tout à proximité des grandes villes de la côte atlantique
193
(Rabat-Mohammedia-Casablanca) que ces phénomènes s’exagèrent alors que la pollution est moins accusée
à l’intervalle de ces lieux de concentration humaine et industrielle. Le tourisme, notamment le tourisme
national, se développe surtout à proximité des agglomérations urbaines ; l’effet de la pollution n’en est donc
que plus dangereux. Là où de gros centres de loisirs s’implantent, loin des villes et des industries, l’absence
de précautions relatives aux rejets d’eaux usées et l’accumulation des déchets, constituent un risque de pol-
lution grave, notamment lors de la haute saison touristique.
Mais la pollution qui menace le littoral s’explique aussi par des raisons externes. Le cas du Maroc est pour
cela concluant du fait de sa proximité des grandes voies de passage des principales lignes maritimes de
transport des hydrocarbures (20 % environ du tonnage total mondial des cargaisons pétrolières transitent par
la Méditerranée venant des pays producteurs du Moyen Orient et se dirigeant vers les pays consommateurs
d’Europe et d’Amérique. L’accident survenu dernièrement au pétrolier Kharg 5 et la marée noire qui en a
résulté a bien mis en évidence cette vulnérabilité du littoral marocain.
L’importance du littoral, pôle d’attraction des activités et des installations (oulja agricole, urbanisation
côtière, activité portuaire, activité industrielle, tourisme), explique son poids dans l’économie nationale.
1. Analyse historique
Les littoraux marocains sont restés longtemps sous-occupés. Le basculement des forces vives vers la côte
a commencé il y a 50 ans et se poursuit depuis, à un rythme soutenu (Bennouna, 1992 ; Naciri, 1992 ; Zaïm,
1992).
Le retard dans l’acquisition de la côte d’un rôle central dans le développement du pays s’explique par l’his-
toire. Au Moyen Age, les populations côtières marocaines ont joué le rôle d’intermédiaires avec les ports
méditerranéens d’Europe et avec le commerce plus lointain longeant la côte atlantique. Les villes méditerra-
néennes du littoral jouaient le rôle d’étapes dans le cadre des échanges Afrique / Méditerranée. La côte
méditerranéenne représentait alors un milieu d’ouverture pour le Maroc et a connu le développement de
sites importants, notamment les villes de Sebta et de Tanger, en plus d’une multitude de petits ports (Naciri,
1992). La fortune maritime de Salé est célèbre, par ailleurs. Mais à partir du XVIe siècle, la côte est devenue
une zone répulsive, du fait des tentatives d’implantation des Portugais et Espagnols. Le littoral devient alors
une ligne de défense et un espace de confrontation, avec tout le long, des marabouts et des forts militaires.
Depuis l’occupation des présides et avec l’installation d’une situation de confrontation avec les pays de la
façade européenne, les villes se sont repliées sur elles-mêmes (Naciri, 1992). Avec le protectorat, cette situa-
tion de marginalisation s’est exagérée avec la nouvelle frontière longeant la crête rifaine (Zaïm, 1992). Le litto-
ral est devenu aussi enclavé, sinon plus que les vallées montagneuses, alors qu’en Europe il a attiré les
hommes et les activités.
En ce qui concerne l’Atlantique, avec la pénétration européenne, la côte redevient un attrait pour les
hommes et les activités économiques, plus particulièrement à partir des années 50. Les densités rurales les
plus fortes – le Tadla, les oasis et le Sebou mis à part – sont localisées dans les communes littorales (diurne
194
Atlas, Rif oriental, axe atlantique central Safi-Kénitra). Les valeurs les plus fortes sont enregistrées dans les
régions de Nador et de Rabat. La croissance et l’extension des villes sont les plus rapides sur le littoral, avec
notamment le développement de la conurbation Casablanca-Kénitra. Dans les centres méditerranéens, tous
développés originellement à l’écart de la côte, sur des promontoires défensifs, l’extension s’est orientée vers
le trait de côte et les zones de plage (Tanger, côte de Tétouan ; Rharbi, 1996 ; Taouil & Youbi, 1991).
L’industrie a elle aussi cherché la localisation côtière (Mohammédia, Safi, Jorf Lasfar, Nador). Mais c’est
sans doute le tourisme qui a le plus recherché l’implantation littorale. La majorité des investissements
s’oriente vers la zone côtière et cette tendance n’est pas démentie par les projets actuels d’équipement tou-
ristique, que ce soit pour le tourisme international ou national (Sakrouhi, 1990).
La population du littoral atlantique représentait 19,4 % en 1936 et 54 % en 2000. Son taux d’accroisse-
ment est estimé à 5 %. Les deux wilaya de Casablanca et Rabat concentrent à elles seules 62 % de cette
population littorale. La population littorale méditerranéenne a connu une augmentation moins forte (2,3 %
durant la dernière décennie et 3 % entre 1960 et 1990).
La côte joue le rôle de pôle structurant de l’économie nationale, du fait de la concentration démographique,
industrielle (80 % des effectifs permanents des industries), touristique (50 % de la capacité d’accueil) et
commerciale (92 % du commerce extérieur).
Le littoral atlantique concentre les principales activités : textile, chimie, industrie mécanique et électrique.
77 % des unités sont concentrées sur la côte atlantique, notamment dans les grandes villes. Cette même
zone accueille 78 % des investissements industriels du Maroc.
L’axe Safi-Kénitra est l’espace structurant majeur. L’essentiel des investissements s’y réalise, notamment
dans les villes portuaires. Sur la Méditerranée, Tanger et Nador représentent les deux pôles industriels, avec
la sidérurgie, le textile, la confection. Le redéploiement profite à la ville de Tanger qui occupe une position
devenue primordiale.
Mais, comparée aux littoraux des autres pays méditerranéens (Plan Bleu, 1988, 2004), la côte marocaine
peut paraître relativement sous-occupée, sauf dans certaines zones particulières, entre Rabat et Casablanca,
entre Sebta et Tétouan ou aux environs d’Agadir. Mais le rythme de littoralisation est rapide et seule une anti-
cipation pourrait permettre d’éviter les formes de dégradation déjà constatées.
La côte méditerranéenne du Maroc souffre de son faible développement, mises à part la région de
Tétouan et celle de Nador. Le retard dans l’implantation d’activités économiques est-il le résultat de la margi-
nalisation de cette côte au profit de l’Atlantique ? On peut aussi se demander pourquoi la dimension méditer-
ranéenne est-elle si peu présente sur ce littoral et pourquoi il y a si peu d’articulation avec la côte espagnole
qui lui fait face (Zaïm, 1992) ?
Est-ce dû aux difficultés d’accessibilité, enregistrées sur 80 % de cette côte qui reste pratiquement vierge
du fait du manque d’infrastructures de transport, du retard dans l’électrification et de l’exiguïté des res-
sources en eau aménagées et mises à la disposition du développement. D’ailleurs, la région ne vit pas de
ressources générées par son littoral, alors que les autres ressources continuent à représenter l’essentiel : la
contrebande avec les présides, les revenus des émigrés et la culture du cannabis. Le progrès ne peut se
concevoir que dans le développement de ressources propres à la région, sur la côte, tout en prenant en
considération les risques de l’occupation excessive du trait de côte et du développement du tourisme de
masse, responsable de la dégradation du rivage.
L’histoire est importante pour expliquer la situation du Maroc méditerranéen. La zone de Tanger, ouverte
sur le commerce international a connu une prospérité factice que l’on essaie de redynamiser aujourd’hui. La
côte rifaine (zone du protectorat espagnol) a vécu sur ses ressources propres et n’a pas connu de développe-
ment. La côte orientale a surtout connu un développement agricole.
Longtemps, le littoral méditerranéen n’a pas connu d’intégration du fait de sa subdivision en 3 régions,
avec des capitales éloignées de la côte (Rabat, Fès et Oujda). Il n’y a pas eu de création de structures
195
d’accueil pour l’investissement de l’argent disponible. Ce dernier s’est orienté vers la spéculation immobi-
lière.
Un autre problème réside dans la présence de frontières à proximité de chaque ville importante (frontières
de Sebta, de Melilla et de l’Algérie) ; d’où la difficulté de développer une industrie productrice (Zaïm, 1992).
L’urbanisation est déjà excessive (Rharbi, 1996 ; Snoussi & Bensari, 1996 ; Berriane, 1994). La forme clas-
sique est celle des agglomérations qui développent un front de mer. La deuxième forme est celle de l’urbani-
sation à relier aux loisirs balnéaires. Celle-ci peut souvent se réaliser de manière non totalement
réglementaire (Berriane, 1992).
L’urbanisation touristique planifiée est en pleine expansion, sur la côte tétouanaise (Chikhi & al., 1991 ;
Taouil & Youbi, 1991), dans la région de Rabat-Casablanca ou autour d’Agadir. L’urbanisation progresse aux
dépens des espaces vierges et ne laisse que de rares fenêtres, sans doute provisoires. La privatisation de
fait de cet espace littoral tend à devenir réelle, même si elle est souvent dénoncée.
Le cas de Martil est celui d’un petit centre côtier qui a connu le développement du tourisme national popu-
laire et qui a enregistré une forte extension urbaine. La population de la ville est multipliée par 4 en été, par
des touristes résidant dans les campings, dans les quelques hôtels de la ville, mais surtout et de plus en plus
dans les résidences secondaires, utilisées par voie de location (Berriane, 1994). Cabo Negro connaît par
contre une urbanisation haut de gamme pour répondre aux besoins des classes aisées. Le site collinaire de
Cabo Negro et son éloignement relatif par rapport à Tétouan et à la route principale expliquent cette spécifi-
cité. Le style méditerranéen de la station en est d’ailleurs le reflet.
La bande côtière entre Rabat et Casablanca connaît une urbanisation en extension rapide (Berriane &
Laouina, éds, 1993). Les plages et leurs environs proches sont les plus fortement occupés et de plus en plus
construits de manière définitive. La zone la plus proche de la mer, entre la route et le rivage est la plus forte-
ment sollicitée. De l’autre côté, la progression ne fait que commencer. La fenêtre de l’oued Yquen constitue
une exception de taille le long de la côte. Les anciens cabanons occupant le domaine public ont pourtant été
remplacés par des constructions souvent cossues ou par des résidences. Dans ces extensions, une bonne
partie répond de plus en plus à des besoins en logement permanent. La charge humaine est donc appelée à
ne plus être saisonnière.
L’occupation littorale revêt par ailleurs des formes non réglementaires, dans beaucoup de régions. C’est le
cas dans le nord marocain où la demande dépasse celle des seuls habitants de la région. Les versants domi-
nant les baies et criques de la côte rifaine et le rivage lui-même sont la proie d’une urbanisation de fait qui
dégrade fortement l’esthétique et la dynamique de ces rivages fragiles (Berriane, 1994). Les interdits n’ont
pas suffi à arrêter ce mouvement initié par la spéculation sur des terrains, autrefois délaissés. Certaines opé-
rations immobilières ont essayé d’acquérir un statut de légalité, tout en se développant de manière non
réglementaire sur le domaine public maritime. C’est le cas à Stiha. L’érosion côtière a d’ailleurs vite démon-
tré le caractère déséquilibré de cette opération, puisque des tempêtes hivernales ont fortement endommagé
les constructions de première ligne et grignoté la plage, base de cet aménagement.
Les ports de plaisance sont en pleine expansion. Ce développement s’explique par la position du Maroc au
point de rencontre de la plaisance méditerranéenne et des grands voiliers effectuant de grands voyages à
partir de l’Europe. De nombreux sites ont été sélectionnés (35 sites) pour une réalisation à plus ou moins
long terme (8 sur la Méditerranée et le reste sur l’Atlantique). La réalisation de ce programme va encore plus
accentuer la pression sur le littoral, notamment dans les sections de concentration des activités. Ces ports
196
peuvent, s’ils ne sont pas précédés d’une étude d’impact sérieux, occasionner le déséquilibre des transits
sédimentaires côtiers et causer des érosions accentuées ou des cas d’ensablement. L’urbanisation qui
accompagne ces ports crée par ailleurs, d’autres problèmes de pollution (Ramdani & al., 1997).
Le tourisme a été choisi comme moyen de développement de la région nord du Maroc, et de la côte
tétouanaise notamment, dès les années 60 (Berriane, 1992) :
A. De 1965 à 1973, on enregistre l’intervention continue de l’État avec des incitations au secteur privé et
un investissement direct ; c’est l’époque du développement du tourisme international dans des stations ins-
tallées ex-nihilo entre Tétouan et Sebta et à Tanger. Cet aménagement volontaire visait essentiellement à
offrir des moyens à une région en difficultés, liées au marasme économique. Les produits de la pêche prati-
quée en Méditerranée sont surtout dirigés vers Sebta et Melilla alors que les ports nationaux ont un trafic
pratiquement nul.
Or le littoral est très accueillant et le tourisme international est demandeur en loisirs balnéaires, d’autant
plus qu’il s’agit d’une zone proche de l’Espagne.
Dès le plan triennal 1965-67, le tourisme est érigé comme secteur prioritaire. L’État va s’investir à encoura-
ger cette activité par différents moyens (crédits, exonérations, investissements directs, infrastructures).
Trois stations voient le jour, Cabo Negro, Mdiq et Restinga. Ces stations devaient d’abord répondre aux
besoins du tourisme de groupe (villages de vacances, composés d’appartements, bungalows et chalets),
autour de plages privatisées. Les implantations prennent une allure linéaire sur le littoral, à l’écart des centres
préexistants, Martil notamment. Le fonctionnement des villages de vacances est celui de clubs privés fer-
més, organisant des excursions programmées peu ouvertes sur le pays et la société. Ils sont donc peu inté-
grés à la région et souvent sans réel impact direct sur elle (peu d’emplois locaux, peu d’achats dans la
région).
B. De 1973 à 1983, les investissements baissent et le tourisme étranger recule fortement. Le repli
s’explique par le détournement de la demande sur le sud du Maroc (littoral fonctionnel toute l’année). Les
investissements se réduisent et de plus en plus, les équipements réalisés sont vendus à des particuliers.
C. À partir de 1980, on enregistre une progression forte du tourisme national et la reprise des aménage-
ments, mais avec un caractère plus immobilier. Cette date correspond à la mise en vente d’appartements et
de chalets à des nationaux. Ce remplacement de clientèle amène des changements sur le plan des amé-
nagements (Berriane, 1994).
Le changement s’explique par le fait que le nord du Maroc, Tanger et la côte de Tétouan exercent une
séduction particulière pour les Marocains (proximité de l’Europe et possibilité d’achat multiples, en plus du
potentiel de cette côte en matière de tourisme balnéaire). Les équipements réalisés pour le tourisme inter-
national vont faciliter l’installation d’un tourisme national massif. Depuis, de nombreux établissements ont
été créés, avec de nouveaux modèles d’hébergement essentiellement résidentiel et privatif. La proportion
occupée par les villages de vacances va par contre baisser.
La Marina et les résidences allant avec deviennent le modèle le plus représentatif (Marina-Smir, Kabila). De
nouveaux promoteurs apparaissent sur le marché, avec en particulier, des sociétés anonymes. On assiste au
glissement progressif de projets à composante touristique de base à de simples opérations immobilières.
Tout le front de mer est ainsi en voie de durcification, accompagnée d’une sélection sociale, alors que
197
l’aménagement en deuxième ligne est rare. La suroccupation linéaire ne laisse que très peu d’espace aux
fenêtres inoccupées, capables de recevoir l’estivant de passage ou le campeur.
La concentration des humains et des activités dans le domaine littoral amène forcément des conflits entre
activités, portant parfois préjudice à certaines de ces activités. On note par ailleurs des impacts environne-
mentaux influençant le milieu littoral. Aussi bien la littoralisation et l’urbanisation excessives, l’activité indus-
trielle, la pêche et l’aquaculture, l’implantation portuaire (de commerce et de plaisance), la fréquentation des
plages, les loisirs côtiers et le tourisme balnéaire, mais aussi les transports maritimes face aux côtes maro-
caines, toutes ces activités produisent des nuisances plus ou moins importantes. Le problème vient de la
sur-occupation, de l’excès de densification de l’habitat et du trafic, de l’artificialisation, de la pollution de l’eau
marine, de l’air et de l’accumulation de déchets.
Plusieurs activités, dont des industries se développent sur le littoral avec des rejets présentent des dan-
gers multiples pour la biodiversité. Cependant la plus grande préoccupation réside dans l’augmentation très
rapide des réalisations et projets d’infrastructures immobilières. La « bétonisation » devient malheureuse-
ment une réalité et bien des sites de la côte sont aujourd’hui sérieusement menacés. L’extension des agglo-
mérations contribue par exemple à la réduction des espaces tampons tels que les schorres et les zones
humides.
Plusieurs exemples, le long de la côte méditerranéenne marocaine peuvent être relevés d’Est en Ouest
(Idrissi & al., 1994) :
– Les menaces sur les marais de Chararba sont l’assèchement et l’extension des cultures. D’autre part, la
faune y est constamment dérangée par les activités humaines et perturbée par le braconnage et la
chasse.
– Au sein de la lagune de Nador, plan d’eau de grande dimension, les risques d’une dégradation accentuée
sont élevés et s’expliquent par la réduction de la passe qui se trouve à l’origine du confinement croissant
(diminution de la circulation des eaux). Des arrivées d’eau douce par effluents issus de la plaine irriguée
provoquent une dessalure et une eutrophisation du milieu accentuées par l’adduction de polluants indus-
triels et des eaux usées des petits centres dominant la lagune.
198
199
– La faune du secteur compris entre le Cap des Trois Fourches et Oued Laou est menacée par des agisse-
ments directs des plongeurs sous marins qui font parfois un ravage irrémédiable comme celui de tirer
sur des phoques ou pêcher excessivement. Ici, l’effectif de phoques a diminué de telle sorte que la sur-
vie de l’espèce devient hypothétique dans ce secteur unique.
– L’évolution de la lagune de Smir illustre parfaitement les mécanismes responsables de l’altération puis
de la quasi-disparition d’un milieu qui était parmi les plus riches du pays. Avec la perte de ce patrimoine,
la région de Tétouan perd un espace écologique, récréatif, éducatif, social et touristique, d’une qualité
unique pour la production faunistique et d’un intérêt exceptionnel pour les oiseaux. Mais ce site d’impor-
tance internationale est très vulnérable. L’urbanisation détruit les habitats et les rejets polluent les
marais. La construction du port de Kabila et celle du barrage ont créé de fortes perturbations.
Sur le littoral atlantique, le niveau d’exploitation des terres étant très élevé, la frange côtière se trouve
soumise sur de vastes portions à des pressions croissantes. Heureusement, ce littoral recèle encore des
secteurs épargnés.
– Au nord, l’embouchure du Loukkos et les marais de Larache subissent actuellement des modifications
qui risquent de compromettre leur avenir : drainage, irrigation, exploitations agricoles et industrielles et
extension de la ville de Larache. Certains déchets liquides industriels sont rejetés directement dans les
marais. L’avenir de ces marais est fortement compromis.
– C’est incontestablement dans la lagune de Merja Zerga que l’impact est le plus menaçant. Plusieurs
douars dont 7 dans le périmètre de la réserve avec une population estimée à plus de 10 000 habitants,
exploitent la lagune (pêche de poissons et de coquillages, récolte de joncs) et provoquent un cortège de
nuisances qui accompagnent ces activités. La lagune de Merja Zerga a besoin d’un plan de gestion qui
soit à la hauteur de son importance internationale.
La lagune de Merja Zerga constitue justement un prototype d’un intérêt considérable parce qu’il
comprend une variété de milieux et notamment une zone fluviatile (deltas progradants à l’amont), une
zone lagunaire étendue et une zone littorale de communication avec l’Atlantique.
Ce système lagunaire est actuellement en voie de dégradation par le comblement progressif de la
dépression lié aux atterrissements bordiers en progradation ; l’aggravation de la pollution chimique, issue
du remaniement par les eaux des produits phytosanitaires utilisés par l’agriculture de la plaine du Rharb
s’explique par l’action marine sur la zone des passes, aboutissant à leur fréquente fermeture.
– Au niveau du complexe lagunaire Sidi Moussa-Oualidia se matérialise aussi l’action de la population sur
les espèces et les espaces protégés. On note une urbanisation croissante, l’implantation d’exploitation
maraîchères jusqu’au sein des zones sensibles, le prélèvement continu et commercialisé des pontes
d’oiseaux sauvages. La zone est fréquentée anarchiquement par la population résidente et les vacan-
ciers, ce qui provoque une altération du milieu et un dérangement nocif pour l’avifaune.
– L’archipel d’Essaouira bénéficie d’une protection naturelle du fait de son détachement du continent.
Mais son classement en tant que Réserve Biologique est loin d’être effectif sur le terrain et des actions
d’information et de valorisation seraient utiles pour consolider la position de ce site exceptionnel.
– La terminaison occidentale de l’Atlas domine l’océan avec des pentes couvertes de remarquables peu-
plements d’arganiers. L’urbanisation anarchique de cette côte devient une sérieuse menace, pour une
qualité biologique et paysagère tout à fait exceptionnelle.
– Le Parc National du Souss-Massa a été conçu pour protéger un milieu unique, comportant des espèces
rares ; il se trouve cependant de plus en plus confronté à des problématiques d’espace et à des antago-
nismes sociaux multiples. Une gestion au niveau de la distribution des ressources est indispensable
pour maintenir une certaine qualité « écologique » à l’ensemble.
– Les écosystèmes littoraux sahariens sont d’une manière générale très productifs mais fragiles. Ils
200
offrent des qualités paysagères des plus remarquables, accompagnées de cortèges biologiques souvent
originaux du fait de leur localisation biogéographique. Il est urgent de maîtriser le développement de ces
régions, afin d’éviter des altérations irréparables qui condamneraient la valorisation future d’une des
côtes les plus originales de l’ouest africain.
– Ainsi, la baie de Dakhla, milieu qui était connu pour sa richesse en espèces aquatiques et par l’abon-
dance des ressources halieutiques, connaît ses dernières années une diminution incontestable des cap-
tures. D’autres facteurs constituent une menace pour ce milieu, notamment l’extension de la ville de
Dakhla et l’ensemble des problèmes qui accompagnent un tel développement : pollution, déchets
solides, augmentation de la pression sur le milieu naturel.
– La baie de Cintra, renommée jadis par la présence de baleines qui venaient y passer la période hivernale,
connaît actuellement une occupation humaine anarchique et croissante qui pourrait rapidement porter
préjudice à la qualité esthétique de la baie et une altération de son milieu physique.
– La côte des phoques au nord de Lagwera héberge une population de phoque moine méditerranéen, rela-
tivement importante, mais fragile. La mise en place d’un parc est urgente, car d’une part, la régle-
mentation de la pêche dans la zone n’est pas respectée amenant une surexploitation et une diminution
de la ressource halieutique pour les phoques, et d’autre part, le dérangement par fréquentation accrue
des falaises surplombant les grottes des phoques et des eaux limitrophes aux grottes par les pirogues
de pêcheurs commencent à devenir préoccupants.
D’importantes charges polluantes sont déversées en milieu marin avec une plus forte concentration entre
Kénitra et Casablanca, ainsi qu’à proximité des centres d’industrie chimique de Jorf Lasfar et de Safi.
Les transports maritimes sont une source importante de pollution du littoral, du fait de l’importance du tra-
fic le long des côtes marocaines : 265 navires/jour sur l’axe atlantique dont un grand nombre de pétroliers
géants, 200 navires/jour à travers le détroit de Gibraltar, grand nombre de navires transportant des produits
chimiques et autres substances nocives. La pollution par les hydrocarbures se répercute immédiatement sur
les activités économiques de pêche et d’aquaculture, mais aussi sur la salubrité de la côte et sur son équi-
libre écologique.
201
2.1. La qualité chimique et organique des eaux marines
La dégradation de la qualité chimique des eaux marines est à rattacher au déversement de polluants
liquides et solides, domestiques et industriels. La mer reçoit plus de 90 % de rejets liquides industriels et
une bonne partie des rejets domestiques. Certains rejets sont localisés immédiatement à proximité des lieux
de baignade. Les ports de commerce et les ports de pêche sont particulièrement affectés par la pollution à
cause des produits pétroliers déversés et des substances dangereuses qui y transitent. Dans les régions
d’agriculture riche et dans les sites d’aquaculture, l’utilisation d’intrants contribue à la pollution du littoral, ces
composés étant soit amenés directement par le ruissellement soit à travers les nappes. C’est pourquoi sur
les stations balnéaires examinées, plusieurs présentent des conditions de qualité franchement mauvaises et
seules quatre ont été déclarées de bonne qualité. En plus des rejets terrestres, la mer reçoit les huiles et
hydrocarbures des bateaux de navigation, notamment des pétroliers.
Des zones maritimes à circulation fermée ou calme connaissent des problèmes d’eutrophisation et d’eaux
colorées parfois productrices de nuisances, en liaison avec l’accumulation de substances azotées et phos-
phorées (Idrissi & al., 1994). Cette eutrophisation peut contaminer des organismes marins qui deviennent de
véritables poisons à la consommation. En mer, dans les eaux internationales, le déversement des eaux hui-
leuses des navires contribue à dégrader la qualité biologique de l’eau de mer. Des risques élevés liés au trafic
international de produits pétroliers et de substances dangereuses (supertankers) résultent de la circulation
maritime intense de l’Atlantique et du détroit de Gibraltar.
À cause des rejets urbains et industriels en premier, de la pollution d’origine agricole ensuite et enfin des
rejets de produits, notamment des hydrocarbures en mer, certaines portions du littoral sont fortement pol-
luées et posent des problèmes de dégradation des ressources halieutiques et des problèmes sanitaires plus
ou moins graves. Les estuaires et les lagunes sont les milieux les plus menacés car ils sont abrités et ne
subissent pas l’effet de diffusion par les vagues et les courants que connaissent les littoraux ouverts. Mais la
situation est réellement préoccupante dans les littoraux les plus occupés où la proximité d’effluents domes-
tiques ou industriels explique la très forte pollution. Des cas accidentels d’eutrophisation, en raison d’une
situation climatique (grande chaleur) et océanographique (calme maritime) transforment totalement le milieu
marin sur une large étendue et peuvent avoir d’importantes répercussions, notamment en Méditerranée
(Sakrouhi, 1990 ; Tahiri & al., 1991 ; Laouina, 1999).
La tendance de cette pollution est néanmoins difficile à cerner. Bien sûr le facteur rejets est calculable en
se basant sur l’évolution de l’occupation démographique du rivage et sur les implantations industrielles. Mais
la qualité de l’eau de mer et des organismes vivants marins ne dépend pas linéairement de la quantité et de
la qualité des rejets. L’état physique de la mer au moment de la réception du rejet est fondamental pour
expliquer soit la concentration et l’exagération de l’état de pollution, soit la diffusion des polluants et l’auto-
épuration du milieu. Il faut juste rappeler que la catastrophe de Kharg 5 n’a été évitée que par un concours de
circonstances lié à la direction des courants de houle et au degré d’agitation des eaux. Par ailleurs, les ana-
lyses menées de manière répétitive donnent des résultats qui ne sont pas toujours simples à interpréter. Des
sites proches indiquent des variations de degré de pollution inexplicables. Les variations temporelles sont
aussi très élevées et parfois curieuses.
202
2.2. Physico-chimie des eaux
2.3. Micro-biologie
Les apports domestiques et agricoles sont des terrains fertiles pour le développement de micro-orga-
nismes pathogènes qui représentent un danger pour les baigneurs et pour la santé digestive à travers la
consommation de coquillages crus. Les zones les plus polluées se trouvent à proximité des secteurs forte-
ment urbanisés ou au niveau des estuaires. Dans les zones salubres d’habitude, des phénomènes de conta-
mination périodique sont observés, en particulier lors des périodes pluvieuses (rejets d’animaux emportés
par le ruissellement). Les campings jouent en été le même rôle. Des zones fortement insalubres ont été
détectées (Bas Bou Regreg, estuaire de l’Oum Rbia, débouché de l’oued Laou, la région de Casablanca).
203
3. La menace sur la stabilité des rivages
L’effet du changement global (relèvement du niveau marin) et des aménagements côtiers mal conçus
consiste dans les transformations de la dynamique littorale, avec notamment l’érosion des plages, l’ensable-
ment des ports et l’envasement des zones marécageuses.
La stabilité physique de la côte, base du développement des loisirs et la tendance soit à l’érosion soit à
l’ensablement – envasement représente une problématique majeure des littoraux marocains (MATUHE,
1996 ; SEE, 1998). C’est un indicateur difficile à spatialiser comme à chiffrer car les études disponibles sont
ponctuelles. De nombreuses plages s’appauvrissent en sable (baie de Tanger, Moulay Bousselham, Monica,
Kariat Arekmane). Sur 47 plages examinées par les services de l’Équipement, 7 ont carrément disparu par
érosion, 19 subissent une dégradation intense. La dune bordière est devenue un lieu privilégié d’installation
des résidences secondaires, ce qui réduit les possibilités d’échange sédimentaire entre la mer et le
continent. D’autres dunes ont été détruites par piétinement intense et surfréquentation. Le vent se charge
alors de remanier les sables, ce qui peut aboutir à la destruction de l’édifice éolien, soit à l’ensablement des
routes et des constructions.
La côte méditerranéenne entre Sebta et Cap Mazari est constituée par un cordon marin sableux fermant
des plaines mal drainées, de niveau de base, elles-mêmes comblées par des sédiments terrigènes plus ou
moins vaseux à l’aval, beaucoup plus grossiers vers l’amont. La dérive littorale a déposé le long du rivage un
cordon de sables mélangés quartzeux et bioclastiques, de taille moyenne et fine. Il y a donc naturellement un
équilibre réel entre les apports continentaux fluviatiles et la redistribution des sables par la dérive sud-nord, le
long du rivage (Berriane & Laouina, éds, 1993 ; Laouina, 1999).
Au nord de la Koudiat Taïfor, la construction des ports de pêche et de plaisance a permis de transformer le
système de transfert naturel des sables et à créer des sites d’érosion et des sites d’accumulation.
Le port de pêche de Mdiq, et notamment la jetée de direction nord-ouest – sud-est a contribué à réduire
les apports latéraux dans la partie de la plage qui jouxte immédiatement la zone portuaire. Soumise à une
active érosion, la plage connaît actuellement un recul important que n’arrêtent pas les murs de soutènement.
Cette érosion menace aujourd’hui les installations hôtelières et balnéaires de Mdiq. Les sables évacués de
cette partie de la plage sont remaniés vers la partie nord, quelques centaines de mètres au-delà ; cette partie
connaît au contraire un engraissement évident.
Baie de Mdiq
Le port de Mdiq fut construit en 1963 au pied du flanc nord de Koudiat Taïfor (Cabo Negro) et à l’extrémité
sud d’une longue plage. Avant la construction du port, la situation était stable. Depuis, la côte a subi d’impor-
tantes modifications, avec recul au sud et avancée du trait de côte au nord. La dérive sud-nord remobilise les
matériaux à proximité du port sur 800 m et les dépose plus au nord. Le port est ainsi à l’abri de l’ensable-
ment, mais la plage sud est fortement dégradée.
204
Plage et port de Restinga-Smir (port construit en 1986)
Les sables les plus fins viennent s’accumuler à proximité de la petite digue. Au nord du port, les sables
sont plus grossiers du fait de l’agitation et du vannage des particules fines. Au sud du port, la plage a aug-
menté en largeur. Le courant d’expansion latérale produit un piégeage de sédiments à l’intérieur du port
(Ramdani & al., 1997).
La baie de Tanger
Sur la côte du détroit, la baie de Tanger offre une belle concavité tournée vers le nord-nord-ouest, avec une
plage de sable qui s’adosse à un pays de collines drainées par de courts oueds (Moghagha, Melaleh et
Chatt). La prolongation de la grande jetée du port a favorisé l’accumulation des sables contre la jetée trans-
versale, dans la partie occidentale de la baie. Plus à l’est, le courant, privé d’une bonne partie de sa charge,
s’est mis à éroder la plage et à s’attaquer aux installations balnéaires et routières. De gros efforts ont été
fournis pour protéger le rivage sans gros résultats.
La baie a subi de nombreuses modifications depuis 1905 et l’aménagement du port. Naturellement un
équilibre s’établit entre les transferts depuis Marshan vers la baie et ceux engendrés de Malabata vers le
sud-ouest. Les aménagements successifs ont visé l’élongation de la jetée principale (1300 m) et ont modifié
la propagation de la houle. L’arrêt du transit vers l’est a induit une forte érosion dans la partie orientale et une
forte sédimentation à l’ouest. Avec l’installation d’épis et de brise-lames, la circulation est ralentie et des
sables sont piégés, mais l’érosion s’est accentuée dans la partie centrale de la baie.
À proximité de Rabat, le littoral est essentiellement rocheux. Un cordon dunaire hérité, constitué de calca-
rénites, limite une dépression longiligne appelée oulja. Localement, le bourrelet côtier a été rompu et la mer
a pu pénétrer des sites abrités dans l’oulja pour y construire de belles plages sableuses. Cette plage est en
voie de dégradation et d’érosion parce qu’on a choisi d’implanter un port de plaisance dans la partie sud-
ouest de cette plage, contre la colline de Sidi el Abed. Cette digue a transformé la dynamique côtière à l’inté-
rieur de cette baie et y a favorisé l’érosion des sables. L’infrastructure portuaire consiste dans une digue prin-
cipale positionnée justement sur la ligne de hauts-fonds qui représentent la continuité du bourrelet côtier,
localement démantelé. Une traverse est implantée perpendiculairement au rivage et est édifiée avec des
blocs de quartzite et de calcaire prélevés dans les carrières proches de l’oued Yquem. Le plan d’eau est ins-
tallé à proximité de la jetée dans la partie la plus profonde, alors que la plage a été érigée en terre-plein grâce
au déversement de matériaux terreux et de tout-venant.
La baie d’Agadir
La baie d’Agadir connaît à la fois des transports perpendiculaires à la côte liés aux courants de marée et
des transports longitudinaux liés à la dérive littorale, capable d’entraîner 450000 m3/an de sable sur le littoral
d’Agadir. La dynamique éolienne consiste à la fois dans des vents d’ouest et des vents d’est, selon les sai-
sons et les types de temps.
205
La situation montre naturellement un certain équilibre : la plage s’engraisse les années humides avec des
apports fluviatiles importants, des vents de terre violents et moins de houles de tempêtes d’hiver. Au
contraire, elle s’érode les années sèches avec plus de houles de tempêtes et de vents de mer violents.
Le port a provoqué une érosion forte d’une partie de la plage d’Agadir (Lahouar-Tildi). La jetée bloque la
dérive nord-sud et des accumulations ont lieu à l’ouest de cette jetée. L’extension du port (Anza) a provoqué
l’extension de l’érosion au sud de Lahouar. L’érosion menace la zone du Palais Royal. Le trait de côte a reculé
d’environ 100 m en 20 ans de 1968 à 1988. Or, c’est dans cette zone que s’implante un secteur touristique
et balnéaire entre la route et la mer. La dune bordière a été arasée et son sable utilisé pour la construction. Or
cette dune était à la fois un pare-choc et une réserve de sable. Un brise-lame a été construit en 1968 ; mais il
a déplacé le problème plus au sud. Des murs de gabion ont été implantés pour protéger le palais en 1989 ;
mais ils ont aggravé le problème. Pour réduire cette dynamique rapide, il faut protéger la dune bordière par la
reconstitution de sa végétation et en protégeant le font dunaire par des brise-vents. Il faut diminuer l’agitation
en créant des barrières submersibles allongées. Il faut aussi construire un môle rocheux au sud du Palais
pour constituer un point d’encrage.
Au-dessus du haut de plage, le matériel sableux est fréquemment remanié sous forme de dunes plus ou
moins vives, car plus ou moins couvertes de végétation.
Ces dunes constituent très souvent un domaine gagné par l’urbanisation puisqu’elles sont situées immé-
diatement au-dessus des plages ; c’est là que sont édifiées les stations balnéaires et notamment la partie en
dur de ces stations. Cette urbanisation prive la mer d’un stock que normalement elle utilise lors des tem-
pêtes et qui sert à atténuer la puissance nette des vagues et courants et à réduire leurs effets érosifs.
Là où l’urbanisation n’a pas encore gagné, le piétinement par les baigneurs a souvent contribué à dégrader
le couvert végétal et donc permis la remobilisation des sables par le vent.
Souvent ce stock de sable est considéré comme une ressource importante à exploiter ; et c’est pourquoi
des files de camions, avec ou sans autorisation, prélèvent des quantités importantes de sable pour la
construction.
Le cordon littoral méditerranéen est recouvert dans cette zone par un large cordon dunaire qui ferme la
plaine de Martil, le stock de sable redistribué par la dérive littorale est déposé par le vent à proximité du
rivage et constitue une large zone dunaire (plus de 300 m). Très tôt, ces dunes instables ont été fixées (plan-
tations d’eucalyptus).
La construction de la route en corniche de Martil vers Cabo Negro a constitué le premier pas dans la désta-
bilisation du cordon dunaire. Les bordures ont été défrichées sur une grande profondeur. Des carrières de
sables ont été ouvertes dans ce milieu sensible.
206
3.3. Les falaises en matériel non ou faiblement consolidé
Souvent les falaises ne sont pas concernées par les aménagements et ne sont donc pas affectées par
l’impact anthropique. Mais les constructions implantées trop près des falaises sont soumises à des risques
très grands que l’on aurait pu éviter en choisissant avec plus de précautions les sites d’implantation et
d’aménagement.
Des petites falaises se sont nouvellement constituées au nord de Mohammedia, au-dessus de la plage
Monica, à la suite du prolongement de la jetée du port. La plage qui était limitée par de basses collines mode-
lées dans du matériel terrigène a connu une recrudescence érosive. Or, la plage Monica avait été choisie
pour l’implantation d’un quartier de villas de standing élevé. Les maisons les plus proches de la mer sont
donc fortement menacées, ainsi que les rues qui les desservent.
IV. Perspectives
Dans une perspective d’aménagement équilibré du territoire, avec redistribution spatiale des hommes et
des activités, il va être nécessaire d’adopter des restrictions sérieuses dans l’urbanisation des côtes et dans
les rejets d’eaux usées et de déchets.
1. Cadre juridique
Il se caractérise par l’absence de principes et règlements applicables à l’utilisation des terres, appliqués au
domaine côtier de manière spécifique (Mekouar, 1986). Or la rationalisation de l’usage est nécessaire pour
éviter la dégradation du patrimoine. Il faudrait donc un code littoral spécifique et des instruments pour réguler
l’utilisation de l’espace et des ressources (par exemple, la création d’une agence du littoral).
Jusqu’à maintenant, le littoral, espace fragile, n’a pas fait l’objet d’une politique d’aménagement et de sau-
vegarde de ses ressources. La législation n’est pas spécifique pour orienter l’action sur cet espace parti-
culier, mise à part la circulaire de 1964, recommandée pour l’examen des projets de grande envergure.
Seules la réglementation concernant l’utilisation du Domaine public et celle de la protection des milieux natu-
207
rels sont agissantes. Mais, les dahirs du domaine public, des établissements classés de la pêche maritime,
des gisements d’hydrocarbures, des lotissements, et même la loi sur l’environnement ne sont pas spéci-
fiques du domaine littoral.
La nouvelle loi sur l’Environnement traite des espaces et des ressources marins. Cette loi prévoit « des
dispositions législatives et réglementaires ... pour prévenir et mettre fin aux activités susceptibles d’altérer la
qualité des eaux et des ressources marines, de porter atteinte à la santé de l’homme ou de nuire à la faune, à
la flore, aux intérêts connexes et à l’environnement marin et côtier en général ». Les mécanismes et les
moyens de protection sont entre autres des schémas et des plans d’aménagement et d’exploitation du litto-
ral. Mais, des textes sont attendus pour fixer « les conditions d’exploration, d’exploitation et de mise en
valeur des ressources marines » et « les mesures nécessaires pour la prévention et la lutte contre la pollution
marine, y compris celle résultant des accidents maritimes imprévisibles » ainsi que « les critères nécessaires
au classement des aires spécialement protégées ».
Pourtant, le Maroc a adhéré à plusieurs conventions et en a ratifié plusieurs. Mais l’effet tangible reste
limité du fait des contraintes, notamment financières.
Les planificateurs n’ont jamais considéré la côte comme un milieu à part à gérer en tant que milieu de vie
et d’activité. La planification est conçue pour les espaces urbains ou pour les territoires des régions, mais pas
à l’échelle de la zone côtière, c’est-à-dire, le domaine public maritime et les espaces limitrophes sensibles, à
protéger.
Le problème est que cette bande de contact est de délimitation difficile ; la profondeur de 50-60 km à l’inté-
rieur des terres est souvent avancée ; mais d’autres auteurs veulent limiter l’extension au rivage stricto
sensu, c’est-à-dire à la zone de contact terre-mer. Le littoral comprend en outre 66 000 km2 d’eaux territo-
riales et 1,1 M km2 de zone économique maritime exclusive.
La loi « littoral » devrait permettre de préserver les sites, de privilégier les activités spécifiques, favoriser
l’aménagement de cet espace et la valorisation de ses ressources, faciliter la gestion du domaine public et
clarifier les compétences des divers acteurs. Cette loi est supposée ajouter des contraintes supplémentaires
à celles régies par les autres lois.
Le principe retenu pourrait être celui de l’aménagement en profondeur, les normes devenant plus contrai-
gnantes à proximité du rivage. On proposerait une zone non constructible de 100 m et une deuxième bande,
avec plusieurs contraintes. On doit garantir par ailleurs le passage piétonnier dans le domaine public maritime
(passages transversaux obligatoires tous les 500 m). Les travaux pouvant porter atteinte à l’état naturel de la
côte seraient en principe interdits, sauf pour rendre un service public. Les ports de plaisance ne seraient édi-
fiables qu’après enquête publique et convention avec l’exploitant. Les rejets directs en mer seraient interdits
et les établissements tenus de traiter leurs eaux usées.
Si on se réfère au scénario tendanciel pour le futur de la Méditerranée (hypothèse de la poursuite des ten-
dances actuelles), les pays du nord continueront à développer, à cause des progrès dans les domaines de
l’éducation, de la sensibilisation, de l’information et du contrôle juridique, des techniques de dépollution qui
auront pour conséquence une légère amélioration d’ici 2025 de la situation de la Méditerranée (Plan Bleu,
2004). Au sud, par contre, en fonction de la croissance démographique et du retard dans les domaines édu-
catif et de la normalisation, la pollution continuera à augmenter.
Dans le cadre d’un scénario alternatif de développement durable, de coopération nord-sud et de transfert
technologique, l’extension des techniques de dépollution intéressera les pays du sud. Le fonctionnement
208
d’une politique d’aménagement du territoire équilibré et de développement des régions intérieures permet-
tra de meilleures conditions dans l’espace littoral et maritime.
Le problème crucial réside dans la vitesse d’application de cette politique rénovée avant que ne soient
enregistrées des catastrophes coûteuses, peut-être même irréparables.
2.1. Indicateurs
– Le processus de littoralisation :
D’ici 2025, les prévisions font état d’une augmentation importante de la population côtière. Selon le scéna-
rio tendanciel, cette augmentation aura des effets négatifs variés. L’accroissement pourrait être plus faible et
mieux réparti si un effort d’aménagement du territoire est conçu, avec développement des régions inté-
rieures et meilleure rétention de la population migrante ; cela entraînerait une moindre réduction de l’espace
littoral, utilisable pour des actions futures.
209
– Urbanisation du littoral :
Le taux actuel élevé de 60-65 % en moyenne atteindra, en 2025, entre 74 et 78 %. Cela pose des pro-
blèmes d’équipement, d’environnement côtier, notamment suite à la croissance incontrôlable des péri-
phéries des villes.
Cette évolution semble inéluctable, car même dans une perspective alternative de développement, avec
une croissance démographique plus faible, il faudra s’attendre à l’étalement des équipements touristiques.
Par ailleurs plus de croissance économique générera forcément plus de demande de loisirs et donc une
occupation plus dense. Seule une politique d’aménagement soucieuse de la rareté de la ressource littorale,
de l’équilibre entre activités productrices et de services, de l’équité entre les classes sociales, permettra
d’éviter que soient suroccupés des sites précieux par une minorité, telle que se conçoit actuellement la poli-
tique d’aménagement des côtes.
Le scénario tendanciel de dégradation du littoral et du domaine maritime laisse présager des situations irré-
versibles de désertion de la faune pélagique, de raréfaction des espèces littorales et benthiques et de dégra-
dation de la qualité esthétique et paysagère du rivage, à assez brève échéance. Cela s’expliquera par la
concentration d’activités industrielles sur la côte, notamment dans les régions fortement urbanisées comme
le secteur Kénitra-Casablanca et à cause du développement rapide du tourisme, de la réalisation de ports de
plaisance, etc.
Le scénario alternatif de développement durable doit envisager un aménagement du territoire plus équili-
bré, avec redistribution spatiale des hommes et des activités, des restrictions plus sérieuses dans les rejets
d’eaux usées, grâce au fonctionnement d’unités d’épuration.
210
Le littoral est un milieu convoité, devenu espace de compétition. Du fait de la pression et de l’artificialisa-
tion, il devient difficile d’envisager la restauration de l’intégrité des écosystèmes, surtout que les arrière-pays
sont souvent en crise. L’aménagement devient donc une urgence, d’autant plus que d’ici 2025, une bonne
partie du trait de côte sera construite et donc difficile à réaménager ou à réhabiliter ; l’anticipation est ainsi
d’autant plus importante qu’elle insiste sur les atouts de cet espace et tend à les développer.
211
développement durable et la mobilisation des acteurs locaux, trouver des financements, pour des pro-
jets de territoires spécifiques ; réunir les acteurs locaux autour de ces projets et monter ensemble une
vision de développement durable du territoire qui tienne compte de la diversité des intérêts et des
approches.
Pour cela, il faut maintenir autant que possible l’équilibre de la dynamique érosion/sédimentation sur le trait
de côte, pour éviter le recul sinon la disparition de plages sableuses ou l’envasement/ensablement des ports
et des endroits protégés. Cela signifie :
– Réguler l’exploitation sableuse sur les rivages,
– Veiller à la non durcification des hauts de plages et de dunes bordières,
– Mener des études d’impact sur l’hydrodynamique marine avant toute édification de jetées ou de disposi-
tifs sur le trait de côte,
– S’adapter vis-à-vis du relèvement du niveau marin, du fait du réchauffement planétaire, en construisant
au-delà de la dune bordière.
212
marocaine, notamment sur le détroit, mais représente aussi une menace permanente pour l’environnement
marin et littoral. Il faudrait donc appliquer au mieux les protocoles de sécurité, notamment le protocole « pré-
vention et situations critiques » pour la protection contre les hydrocarbures en cas d’accidents maritimes.
Conclusion
La charte de l’aménagement du territoire insiste sur la vision renouvelée du rôle des eaux territoriales et du
littoral dans le développement national. Il s’agit d’en faire des espaces privilégiés de développement dans le
nouveau contexte de mondialisation. Cela signifie d’abord la valorisation des ressources maritimes, ce qui
suppose leur évaluation (connaissance, estimation des équilibres écologiques et des risques). Cela signifie
aussi une définition claire des conditions d’exploitation de ces ressources, sauvegardant à la fois l’intérêt des
partenaires et la durabilité des ressources. Il faut par ailleurs activer la ratification des conventions et accords
ayant trait au domaine maritime, promulguer les textes et créer les institutions à même d’assurer l’applica-
tion des principes de développement durable du littoral.
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214
Évaluation du milieu marin
Introduction ............................................................................................................ 217
I. Milieu marin littoral ............................................................................................ 221
1. Présentation du littoral marocain ............................................................... 221
2. Activités littorales .......................................................................................... 222
3. Apports polluant le littoral ............................................................................ 222
3.1. Classification des polluants .................................................................. 223
3.2. Devenir des polluants dans le milieu marin ....................................... 223
3.3. Conséquences des apports polluants sur le milieu marin
et sur l’homme .......................................................................................... 224
3.3.1. Matière organique .................................................................... 224
3.3.2. Sels nutritifs ............................................................................... 224
3.3.3. Métaux lourds ............................................................................ 225
3.3.4. Les hydrocarbures .................................................................... 225
3.3.5. Contaminants bactériens ......................................................... 225
II. Qualité du milieu littoral marocain ................................................................. 229
1. Qualité physico-chimique et microbilogique .............................................. 229
1.1. Littoral méditerranéen ............................................................................ 229
1.1.1. Zones conchylicoles ................................................................. 229
1.1.2. Zones urbaines et industrielles de Tetouan .......................... 234
1.2. Littoral Atlantique .................................................................................... 235
1.2.1. Axe littoral Tanger-Casablanca ............................................... 235
1.2.2. Axe littoral Azemour-Safi .......................................................... 252
1.2.3. Axe littoral Agadir-Sidi Ifni ....................................................... 261
1.2.4. Axe littoral Tan Tan-Dakhla ...................................................... 265
2. Efflorescences phytoplanctoniques nuisibles et altération
du milieu ........................................................................................................... 269
2.1. La façade méditerranéenne ................................................................. 271
2.1.1. Région de Nador ........................................................................ 271
2.1.2. Région de Tetouan ..................................................................... 274
2.2. La façade atlantique .............................................................................. 276
2.2.1. Frange littorale Tanger-Casablanca ....................................... 276
2.2.2. Frange littorale Azemour-Essaouira ....................................... 277
2.2.3. Frange littorale Agadir-Tan Tan ............................................... 277
2.2.4. Région Dakhla ............................................................................ 280
2.3. Période d’apparition des efflorescences
phytoplanctoniques nuisibles ................................................................ 280
III. Surveillance de la qualité du milieu marin littoral et des plages .............287
1. Réseau de surveillance de la qualité du milieu marin littoral ................287
1.1. Stratégie de surveillance ......................................................................289
215
ABDELLATIF BERRAHO
216
Le développement durable, concept consacré depuis la conférence de RIO, est un choix de développe-
ment, auquel le Maroc a souscrit au même titre que la communauté internationale. Un choix dicté au niveau
national, non seulement par la rationalisation nécessaire de la gestion des ressources, gage du développe-
ment socio-économique futur du pays, mais également et surtout en raison d’un souci d’amélioration conti-
nue de la qualité de vie du citoyen marocain. Un environnement sain, est de ce fait, un droit fondamental.
Le chapitre 17 de l’agenda 21 concernant la protection du milieu marin, exige que les parties contractantes
prennent toutes les mesures possibles, afin de prévenir et d’atténuer les effets de la pollution, de protéger la
zone maritime contre les effets préjudiciables des activités humaines, de préserver la santé de l’homme et
des écosystèmes marins.
À cet égard, la connaissance de l’état de l’environnement et son corollaire l’information environnementale
sont d’une importance capitale.
Aussi, les parties contractantes sont tenues d’établir et de publier à intervalles réguliers des bilans de la
qualité du milieu marin ainsi que de son évolution, pour la zone marine les concernant.
Les évaluations de la qualité du milieu marin constituent donc une partie intégrante des programmes de
protection des zones marines et côtières. Elles donnent, en effet, la possibilité de réunir et d’évaluer les
résultats de la recherche scientifique et de la surveillance, ainsi que des informations sur les activités
humaines, aussi nombreuses que diverses, qui directement ou indirectement, sont susceptibles de modifier
ou de porter atteinte aux caractéristiques naturelles du milieu marin. Combinées, ces connaissances peuvent
être exploitées afin de pouvoir analyser et expliquer les changements, leurs causes et leurs conséquences,
et pour déterminer les impacts exigeant une intervention rapide des décideurs politiques et des gestion-
naires de l’environnement. Les évaluations permettent aussi de juger de l’efficacité des mesures prises
ayant pour but d’empêcher la dégradation du milieu marin, de protéger de précieuses espèces et commu-
nautés, et de restaurer des habitats et des écosystèmes marins dégradés.
Le présent rapport est établi à partir des données les plus récentes, tirées de l’activité de surveillance
menée par le Réseau de Surveillance de la Salubrité du Milieu Littoral (RSSL), ainsi que celles issues des tra-
vaux de recherche et des campagnes océanographiques réalisées, par l’INRH, le long des côtes marocaines.
Il est structuré en plusieurs chapitres. Après la présente introduction, le chapitre I énumère les caractéris-
tiques du milieu marin littoral, en mettant l’accent sur les activités humaines ayant une grande influence sur
ce milieu.
Les chapitres II et III traitent de la qualité du milieu marin littoral et résume les informations recueillies par
les réseaux de surveillance de la salubrité du littoral et de la qualité des plages, en se concentrant sur les
apports de contaminants et de nutriments, leurs teneurs dans les différents compartiments du milieu marin
et leurs éventuelles tendances de progression ou de régression.
Le chapitre IV relate les différents accidents ayant touché le littoral national, en précisant leurs natures, les
régions touchées ainsi que leurs effets.
Enfin, les chapitres V et VI sont consacrés aux conclusions permettant, d’aboutir aux mesures et actions
nécessaires à la préservation du milieu marin et ses ressources biologiques, notamment dans le cadre du
plan d’urgence national.