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Systèmes Éducatifs,

Savoir, Technologiees et Innovation

Recueil des Contributions


Mohamed BAMHAMED
Said BELCADI
Mohamed BENCHERROUM
Aziza CHBANI
Brahim CHEDATI
Ahmed DRIOUCHI
Khaled EL ANDALOUSSI
Driss EL YACOUBI
Jean-Pierre JAROUSSE
Mina KLEICHE
Lahcen MADI
Mekki ZOUAOUI
Ahmed ZOUGGARI

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Présentation

Ahmed LAMRINI

Dans le cadre de la préparation du rapport « 50 ans de développement humain et perspectives 2025 », des
travaux d’étude et d’analyse ont été effectués au niveau du groupe thématique chargé du thème relatif au
« Système éducatif, Savoir, Technologie et Innovation ». Ce groupe était composé d’enseignants chercheurs
et de responsables administratifs ayant une grande compétence en matière d’éducation, de formation et de
recherche.
Il s’agissait, selon les termes de référence, établis en concertation avec l’ensemble des membres du
groupe thématique, d’évaluer, avec suffisamment de recul et de profondeur, l’évolution du système maro-
cain d’éducation et de formation durant la période 1955-2005 et d’en esquisser les perspectives à l’horizon
2025, particulièrement celles ouvertes par la Charte Nationale d’Éducation et de Formation.
Les contributions ont été préparées, sous la responsabilité de leurs auteurs, sur la base d’une approche
sectorielle et ont concerné les sous-systèmes de l’enseignement préscolaire, l’enseignement primaire et
secondaire, la formation professionnelle, l’alphabétisation et l’éducation non formelle, l’enseignement supé-
rieur et le savoir.
Ces contributions qui sont très riches, particulièrement au niveau de l’analyse rétrospective, ont identifié,
d’une part, les avancées réalisées par rapport aux objectifs assignés aux programmes et plans nationaux
d’éducation et de formation qui se sont succédé depuis l’indépendance, et d’autre part, les difficultés et les
contraintes ayant entravé la pleine réalisation de ces objectifs. Les principales problématiques des différents
sous-systèmes ont ainsi émergé. Des propositions de dépassement de ces difficultés ont été préconisées.
L’approche transversale a été privilégiée pour l’établissement du rapport thématique. Ce dernier a été réa-
lisé sur la base des contributions écrites des membres du groupe thématique et de leur participation dans les
nombreuses réunions de travail collectif du groupe. Les recommandations faites dans les différentes contri-
butions ont permis, à travers une analyse SWOT, de tracer les contours de la nouvelle école marocaine à
l’horizon 2025, à même de contribuer à un développement humain durable de notre pays.

Ce recueil rassemble les 11 contributions produites :

1. Développement de l’éducation préscolaire : Réalités et perspectives, Khaled El Andaloussi


2. Le préscolaire : Bilan et perspectives, Mohamed Bamhamed
3. Les cycles d’enseignement primaire, secondaire collégial et qualifiant : Quelle efficacité ? Quelle équité ?
À quels coûts ?, Brahim Chedati
4. L’enseignement supérieur depuis l’indépendance : La dégradation de la qualité était-elle inéluctable ?
Mekki Zouaoui
5. L’évaluation : Le parent pauvre de l’enseignement supérieur, Aziza Chbani
6. La formation professionnelle au Maroc. Éléments d’analyse des réformes et des résultats des cinquante
années d’indépendance, Mohamed Benkerroum et Driss El Yacoubi
7. La Formation Professionnelle de 1984 à la Charte d’Éducation et de Formation, Ahmed Zouggari
8. L’alphabétisation et l’éducation des adultes, Lahcen Madi
9. Savoir, technologie et innovation, Saïd Belcadi, Jean-Pierre Jarousse et Mina Kleiche
10. Le savoir, levier du développement humain au Maroc, Ahmed Driouchi
11. Le système d’enseignement sous le Protectorat français et espagnol, Ahmed Zouggari

Le rapport thématique « Système éducatif, Savoir, Technologie et Innovation » est présenté dans un docu-
ment séparé.
Systèmes éducatifs,
savoir, technologies et innovation

Développement de l’éducation préscolaire :


Réalités et perspectives
Khaled EL ANDALOUSSI............................................... 9
Le préscolaire : bilan et perspectives
Mohamed BAMHAMED .............................................67
Les cycles d’enseignement primaire, secondaire
collégial et qualifiant
Brahim CHEDATI ........................................................105

L’enseignement supérieur depuis l’Indépendance


Mekki ZOUAOUI .........................................................159

L’évaluation : le parent pauvre de l’enseignement


supérieur
Aziza CHBANI .............................................................197
La formation professionnelle au Maroc
Mohamed BENCHERROUM......................................245
Driss EL YACOUBI ......................................................245
La formation professionnelle de 1984 à la charte
d’éducation et de la formation
Ahmed ZOUGGARI .....................................................283
L’alphabétisation et l’éducation des adultes
Lahcen MADI .............................................................309

contribution 4 1 9/06/06, 11:03:53


Savoir, Technologie et Innovation
Said BELCADI............................................................351
Jean-Pierre JAROUSSE ..........................................351
Mina KLEICHE ...........................................................351

Le savoir, levier du développement humain au Maroc


Ahmed DRIOUCHI.....................................................393

Le système d’enseignement sous le protectorat


français et espagnol
Ahmed ZOUGGARI....................................................451

contribution 4 2 9/06/06, 11:03:54


Sommaire
Développement de l’éducation
préscolaire
Khaled EL ANDALOUSSI

Introduction générale ............................................................................................13


1. Arguments En Faveur Du Prescolaire .............................................................15
2. Retrospective.......................................................................................................20
3. Evolution Du Secteur Prescolaire Perspectives ...........................................43
4. Perspectives ........................................................................................................52

Textes officiels et rapports ...................................................................................61


Bibliographie ...........................................................................................................61

Le préscolaire : bilan et perspectives


Mohamed BAMHAMED

Résumé ..................................................................................................................70
Introduction ............................................................................................................71
1. Pourquoi investir dans un préscolaire de qualité ? ....................................72
2. Bilan .....................................................................................................................76
3. Quelques comparaisons utiles .......................................................................89
4. Perspectives .....................................................................................................97
Références bibliographiques ..............................................................................102

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Les cycles d’enseignement primaire,
collégial et secondaire
Brahim CHEDATI

Introduction ......................................................................................................... 109


1. Evolution des effectifs et taux de scolarisation depuis 1958 ................... 111
2. Les principaux disfonctionnements du système ....................................... 113
3. La demande sociale d’éducation : quelles contraintes ? ......................... 137
4. La problématique du financement ............................................................... 143

Bibliographie ......................................................................................................... 152


Annexes ................................................................................................................. 153

L’enseignement supérieur
Mekki ZOUAOUI

Introduction .............................................................................................................161
I. Évolution de l’enseignement supérieur de l’indépendance
à nos jours ............................................................................................................162
1. De l’Indépendance au milieu des années 70................................................162
2. Du milieu des années 70 à nos jours : massification et
dégradation de la qualité de l’enseignement supérieur ...........................172
II. Les perspectives de l’enseignement supérieur à l’horizon 2025.................181
1. Prospective de l’enseignement supérieur : atouts et faiblesses ..............181

Conclusion ................................................................................................................192
Liste des références bibliographiques citées dans le texte ..........................194
Liste des abréviations ..........................................................................................195

L’évaluation : le parent pauvre de


l’enseignement supérieur
Aziza CHBANI

Introduction ..........................................................................................................199
1. Retrospective (1955 - 2005) ............................................................................200
2. La vision prospective ......................................................................................227

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Conclusion .....................................................................................................232
Principaux documents consultés ..............................................................233
Annexe ....... ...................................................................................................235

La formation professionnelle au Maroc


Mohamed BENCHERROUM
Driss EL YACOUBI

Introduction ........................................................................................................... 247

I. Genèse et évolution du système de la formation professionnelle ............. 248


1. État de la formation professionnelle sous le protectorat ........................ 248
2. Évolution des politiques publiques et des réformes
de la formation professionnelle depuis l’indépendance .......................... 252
II. Bilan et analyse des principaux résultats ..................................................... 260
1. Indicateurs de développement .................................................................... 261
2. Limites et dysfonctionnements .................................................................... 266
3. Éléments de comparaison avec des expériences étrangères ............... 274
III. Éléments de perspective ................................................................................ 276
1. Grands défis à relever ................................................................................... 276
2. Tendances d’évolution du système ............................................................. 278

Conclusion .............................................................................................................. 279

La formation professionnelle de
1984 à la charte d’éducation et de
formation
Ahmed ZOUGGARI
Préambule ................................................................................................................285
Introduction .............................................................................................................285
I. Les réalisations ....................................................................................................286
1. La consolidation institutionnelle ..................................................................286
2. L’organisation pédagogique ...........................................................................288
3. Le développement du système ......................................................................288
4. L’insertion des lauréats ...................................................................................291
5. Les mesures de soutien à l’insertion des diplômes de la FP ....................292
II. Bilan critique .......................................................................................................294
1. La nouvelle réforme .........................................................................................294

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2. Un système victime de son excroissance ....................................................296
3. Formation professionnelle et emploi .............................................................298
4. Place de l’apprentissage dans le système de la formation
professionnelle actuelle ...................................................................................301
5. Les limites d’une formation professionnelle scolarisée .............................303

Conclusion : Quel avenir pour la formation professionnelle? ..........................305


Bibliographie ............................................................................................................307

L’alphabétisation et l’éducation des


adultes
Lahcen MADI

Résumé ......................................................................................................................311
Introduction ..............................................................................................................314

I. Clarification de quelques concepts...................................................................316


1. Alphabétisation .................................................................................................316
2. Éducation des adultes ......................................................................................317
3. Éducation non formelle ....................................................................................317
4. Post-alphabétisation ........................................................................................318
II. Les orientations royales .....................................................................................319
III. Les réalisations de 1956 à 2005........................................................................321
1. Le trajet historique ............................................................................................321
2. Le programme de la lutte contre l’analphabétisme et la
formation des adultes .....................................................................................322
3. Le programme de l’éducation non formelle..................................................334
IV. Quelques expériences réussies .....................................................................334
1. La Tunisie ...........................................................................................................338
2. L’Égypte ...............................................................................................................342
3. L’Indonésie .........................................................................................................343
V. Pistes de progrès de 2005 à 2025 .....................................................................344
1. Les facteurs de persistance de l’analphabétisme au Maroc ....................344
2. Les recommandations générales ...................................................................345

Conclusion ................................................................................................................347
Bibliographie ............................................................................................................350

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Le système d’enseignement sous le
protectorat Français et Espagnol
Ahmed ZOUGGARI

Introduction .........................................................................................................453

1. L'organisation administrative de l'enseignement ...................................453


2. La doctrine ........................................................................................................455
3. L’œuvre scolaire ...............................................................................................457
4. La formation professionnelle .........................................................................462
5. Le mouvement national et la question scolaire ..........................................465
Conclusion .............................................................................................................468
Bibliographie .........................................................................................................469

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Développement de l’éducation
préscolaire : Réalités et perspectives

Introduction Générale...................................................................................... 13

1. Arguments En Faveur Du Prescolaire ..................................................... 15


1.1. Pour l’éducateur................................................................................... 17
1.2. Pour les parents ................................................................................... 18
1.3. Pour l’institution préscolaire.............................................................. 18
1.4. Pour l’enseignement primaire............................................................ 18
1.5. Pour la société...................................................................................... 19
2. Retrospective ............................................................................................. 20
2.1. L’heritage De La Periode Du Protectorat ......................................... 20
2.1.1. Le rôle politique des Msids et des écoles
coraniques.................................................................................. 21
2.1.2. Le rôle culturel des Msids et des écoles
coraniques.................................................................................. 23
2.2. De L’independance à aujourd’hui...................................................... 26
2.2.1. De l’indépendance à 1968 étape d’affirmation
des pouvoirs et conflits des philosophies
éducatives ................................................................................. 27
2.2.2. De 1968 à 1990, étape de formalisation de
l’enseignement pré élémentaire et de
l’émergence de l’âge préscolaire .......................................... 29
2.2.3. De 1990 à 1999 étape de constructionet
de consolidation des basesde l’éducation préscolaire .......... 34
2.2.4. De 1999 à 2004, étape d’institutionnalisation de
l’éducation préscolaire ................................................................ 36
3. Evolution Du Secteur Prescolaire............................................................ 43
3.1. La situation de 1955 à 2004 ................................................................. 43
3.2. Situation actuelle des institutions préscolaires ............................. 43
3.2.1. Caractéristiques générales des institutions
préscolaires ................................................................................... 44
3.2.2. Les ressources humaines : le potentiel actuel....................... 45
3.2.3. Les enfants ................................................................................... 47
3.2.4. Les pratiques pédagogiques ..................................................... 47

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3.3. Les différentes expériences dans le domaine
de l’éducation préscolaire..................................................................48
3. 3.1. UNICEF ........................................................................................48
3.3.2. Coopération française ...............................................................49
3.3.3. Projet MEG / USAID ...................................................................50
3.3.4. Coopération avec la Wallonie-Bruxelles ................................50
3.3.5. ONG ASSBI ..................................................................................50
3.3.6. ATFALE / FBVL .............................................................................50
4. Perspectives................................................................................................52
4.1. La nouvelle institution nationale d’éducation préscolaires..........54
4.1.1. Finalités, objectifs et vision pédagogique
de l’éducation préscolaire........................................................54
4.1.2. Les ressources humaines .........................................................55
4.1.3. Encadrement et formation ........................................................56
4.1.4. Equipement et supports pédagogiques ..................................56
4.1.5. Les normes d’exploitation .........................................................57
4.1.6. Le financement ............................................................................57
4.2. Pour une généralisation efficiente, quelques préalables .............57
4.2.1. Premier scénario : Préscolaire privé ......................................58
4.2.2. Deuxième scénario :
Préscolaire semi privé….........................................................59
4.2.3. Troisième scénario : Préscolaire public .................................59

Textes officiels et rapports .............................................................................61


Bibliographie ....................................................................................................61

KHALED EL ANDALOUSSI

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Développement de l’Education Préscolaire : Réalités et Perspectives

APEF : Appui à l’Education et à la Formation


APTE : Associations des Parents et Tuteurs d’Elèves
ATFALE : Alliance de Travail dans la Formation et l’Action pour L’Enfance
ASSBI : Association pour le Soutien aux services de Bases Intégrés en milieu rural
BAJ : Barnamaj Awlawiat Jtimaia
COSEF : Commission Spéciale d’Education et de Formation
GKPS : Groupe Koranic Preschools
FBVL : Fondation Bernard Van Leer
MEG : Morocco Education for Girls
USAID : United States Agency for International Development
MEN : Ministère de l’Education Nationale
MENJ : Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONG : Organisation Non Gouvernementale
U.N.I.C.E.F : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance

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Introduction Générale
« Si le patriotisme pour la génération de la libération consistait principalement, à l’époque, à résister contre
le colonialisme, il requiert aujourd’hui, de la part des nouvelles générations, une mobilisation totale et une
volonté de libérer les énergies et de prendre à bras le corps les problèmes lancinants de l’analphabétisme,
de la pauvreté, du chômage des jeunes, de l’aggravation des disparités sociales et inter-régionales. Il s’agit,
au même titre, de gagner le pari de la modernisation démocratique, de rehausser l’indice de développement
humain, d’accroître la production économique et de stimuler l’effort intellectuel et la création artistique. »
Discours de S.M. le Roi du 20 août 2004.
Le Maroc s’est résolument engagé, avec d’autres nations, dans une nouvelle approche politique, sociale
et économique centrée sur le développement humain. Cet engagement marque un tournant décisif et une
rupture avec la vision qui a présidé par le passé.
Le fait de constater que la croissance économique, à elle seule, ne parvient pas à enrayer la pauvreté, le
chômage et les inégalités, et que pire, en période de récession, elle ralentit le développement social, a fait
émerger de nouvelles approches et de nouvelles visions basées sur le développement humain. Il est de plus
en plus largement admis que la richesse d’un pays repose sur les capacités de ses ressources humaines. La
richesse économique est importante si elle sert le développement humain.
Le développement humain ne peut se réaliser que dans un contexte qui favorise la liberté des citoyens, leur
participation à la conception et à la réalisation de projets de société, la pleine mise en œuvre de leurs capacités
individuelles et sociales ainsi que le bien-être individuel et collectif.Dans le cadre de cet élan mondial, notre
pays s’est fixé d’atteindre, d’ici 2015, les objectifs du millénaire pour le développement afin d’assurer le bien-
être et la prospérité de l’ensemble de la population. Les différents rapports au niveau mondial, régional et
national tracent les perspectives et proposent des indicateurs précis que chaque pays peut s’approprier en
fonction de ses besoins nationaux. Le Maroc, quant à lui, s’est engagé à1 :
_ Eliminer la pauvreté et la faim ;
_ Assurer l’éducation primaire pour tous ;
_ Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ;
_ Réduire la mortalité infantile ;
_ Améliorer la santé maternelle ;
_ Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et autres maladies ;
_ Assurer un environnement viable et durable ;
_ Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.
L’ensemble de ces engagements nous place d’emblée dans une situation de recherche des approches,
des mécanismes et des outils afin, d’une part, d’identifier les problèmes politiques, économiques, culturels
et sociaux et d’autre part, d’échafauder les stratégies et les pratiques nécessaires pour atteindre les objectifs
du développement humain.
Par le passé, l’Etat avait un rôle central et prépondérant dans les différents plans de développement du
pays. Dans la nouvelle vision, il est amené à partager avec les citoyens et les institutions qui les représentent,

1. Rapport national relatif aux objectifs du millénaire pour le développement, Royaume du Maroc, décembre 2003.

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la conception, la réalisation, l’évaluation des actions à entreprendre mais aussi la responsabilité de leurs
réussites comme de leurs échecs.
Ce changement de cap pose la question de notre capacité à réaliser les promesses de la nouvelle vision du
développement humain dans notre pays. De la performance de cette capacité dépend l’amélioration de notre
bien être et de notre position dans le concert des nations.
Or, cette performance ne repose pas seulement sur la volonté des décideurs politiques et sur leurs habilités
à procurer le bien être. Tous les secteurs sont sommés d’innover, de mettre les pendules à l’heure et de régler
les mécanismes de la nouvelle orientation : la vision, les valeurs, les attitudes et les pratiques sont à redéfinir.
Il s’agit d’édifier une nouvelle culture de concertation, de responsabilités collectives, de solidarité et de
partenariat. La gouvernance en est l’instrument essentiel et la démocratie en constitue le ciment.
Pour ce faire, ce projet de société national - et mondial – a besoin du rétablissement de la confiance entre
les citoyens, de la mobilisation et de la participation de tous pour le développement de l’éducation. C’est dire
l’immensité du chantier mais les atouts ne manquent pas.
Dans ce document, nous nous penchons sur le secteur de l’éducation et plus particulièrement de
l’éducation préscolaire car nous pensons qu’il est aussi important pour le pays de se mettre à niveau pour
améliorer les conditions humaines que d’investir, le plus précocement possible, dans la formation du jeune
citoyen pour assurer un développement durable.
Sa Majesté le Roi Mohamed VI ne cesse, depuis son accession au Trône, d’insister sur l’importance que
jouent l’éducation et l’enseignement dans le développement de la démocratie et dans l’économie du pays :
« La question de l’enseignement figure en tête de nos préoccupations actuelles et futures, en raison de son
extrême importance, de son impact sur la formation des générations et de leur préparation à accéder à la
vie active, pour contribuer à l’édification de la nation, avec compétence, savoir-faire, abnégation et loyauté,
en aspirant à accéder au 21ème siècle, par la mise en valeur des potentialités scientifiques, des innovations
technologiques de l’époque, ainsi que des larges perspectives qu’elles ouvrent pour l’intégration dans le
processus de mondialisation»2.
Nous sommes aujourd’hui à mi-chemin de l’échéance de 2015. Des engagements ont été pris par notre
pays concernant l’éradication de l’analphabétisme et la généralisation de l’éducation. Certes, des efforts ont
été consentis en matière de généralisation de l’enseignement, d’amélioration de la santé et de réduction
des disparités. Cependant, plusieurs leviers nécessaires au développement restent encore peu fouillés
voir inexplorés. Parmi ces leviers, nous pouvons citer la qualité de l’éducation qui reste encore un domaine
en friche et la généralisation de l’éducation préscolaire, initialement annoncée pour 2004, et actuellement
repoussée à 2007.
Nous proposons dans les pages qui suivent de nous arrêter sur ce secteur qui représente à nos yeux un des
éléments essentiels, pour édifier le nouveau système éducatif et pour améliorer la qualité de l’enseignement
et de l’éducation dans notre pays.
Notre pays aspire à une société démocratique, harmonieuse, égalitaire et moderne, ancrée dans des
valeurs spirituelles et sociales qui soutiennent le civisme et qui libèrent les esprits. L’éducation est la voie
royale pour atteindre nos aspirations à condition qu’elle vise le développement des ressources humaines dans
une perspective durable et ouverte sur le monde. Elle est le moyen le plus sûr pour développer une société
de connaissance et de communication nécessaire à la compétition mondiale et à l’acquisition des valeurs de
solidarité et de culture démocratique. Cette éducation est plus efficiente lorsqu’elle est dispensée à l’âge le
plus tendre.
Dans le nouveau système éducatif du Maroc, la charte nationale d’éducation et de formation, a inscrit la
préscolarisation des enfants de quatre à cinq ans comme étape essentielle dans l’enseignement de base.
Ainsi, l’enseignement préscolaire est devenu officiel sans pour autant devenir obligatoire. Cette situation est à
la fois une contrainte et une opportunité.

2. Extrait du discours du Trône de S.M. Le Roi Mohammed VI le 30 juillet 1999.

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Une contrainte, si ce secteur reste le parent pauvre de la réforme, sans vision claire, sans mesures
spécifiques et sans moyens nécessaires à son développement.
Une opportunité, si ce secteur est investi par tous les citoyens concernés par l’éducation de leurs enfants
et par toutes les instances gouvernementales et non gouvernementales, conscientes de l’importance de
l’enjeu, et désireuses de participer à l’amélioration de l’éducation dans notre pays. Par la spécificité historique,
sociologique et culturelle, ainsi que par le fait qu’il ne soit pas obligatoire mais nécessaire au développement
de l’enseignement, ce secteur pourrait être un laboratoire où se vérifient – et se confirment - de nombreux
concepts clefs de la réforme de l’éducation : la mobilisation sociale, la concertation, le partenariat, l’inclusion,
la responsabilisation, les différentes formes de formation, les innovations pédagogiques, la recherche
scientifique, les nouvelles ressources financières…
Comment y parvenir est la question qui nous habite, depuis une vingtaine d’années, et à laquelle nous
nous proposons d’apporter quelques éclairages tout le long de ce document.

1. Arguments en faveur du préscolaire


Il peut paraître inutile de continuer à plaider en faveur de l’importance de l’éducation préscolaire dans
la mesure où celle-ci est officiellement inscrite dans la Charte Nationale de l’Education et de la Formation.
Cependant, tant que l’éducation préscolaire n’est pas une réalité quotidienne dans la vie de chaque enfant,
nous pensons qu’il est utile de militer, encore et toujours, pour son importance. En effet, d’un côté, nous
assistons à un consensus3 pour dire que ce secteur est essentiel dans le développement psychologique,
cognitif et affectif de l’enfant mais, d’un autre côté, nous continuons à voir des décisions, des discours et des
pratiques qui vont à l’encontre de l’objectif de généralisation du préscolaire.
La situation de l’éducation préscolaire, dans notre pays, se trouve à la croisée des chemins. Les options qui
seront retenues sont d’une importance capitale pour l’avenir de nos enfants et pour les répercussions qu’elles
auront sur le développement humain.
Faut-il perpétuer des valeurs et des pratiques qui ont fait notre gloire et notre identité, en les considérant
comme un héritage immuable et éternel, ou bien faut-il investir sur l’avenir de nos enfants en optant pour des
valeurs enracinées dans notre identité culturelle et ouvertes sur la modernité ? Les exigences de la mondialisation
et les changements que notre pays doit opérer ne nous laissent pas le choix. Nous devons résolument faire
preuve de créativité et d’innovation en prenant appui sur notre patrimoine pour nous ouvrir au monde. L’époque
est au savoir, à la connaissance, à la communication et à l’adaptation permanente aux changements. Le Maroc a
besoin de construire un système éducatif en phase avec cette réalité. L’éducation des jeunes enfants dans cette
perspective doit débuter le plus tôt possible. L’avenir de l’éducation préscolaire est entre nos mains. Il dépend
de notre volonté, des moyens et de l’énergie que nous mettrons pour le développer.

3. A.AKESBI pose la question concernant le consensus et le rapport entre l’élaboration de la charte et sa mise en œuvre. Dans un article
intitulé « Eléments d’évaluation de la politique éducative du gouvernement Youssoufi », il écrit : « La réforme éducative et de formation
a fait l’objet d’une mise sous tutelle jamais vue par le passé…A la place de l’élaboration et de la mise en place de la politique éducative
du gouvernement, il y a eu élaboration d’un document qualifié de « Charte » de l’éducation et de la formation dans un cadre extra-
institutionnel et sans qu’il fasse l’objet d’un débat public ». in Critique économique, Eté-automne 2002, nÆ 8, page 194.
Ce commentaire qui remet en cause le caractère consensuel de la charte, nous interpelle car, à notre sens, le processus de l’élaboration
de la charte a effectivement obtenu un large consensus indispensable à sa mise en œuvre. Le consensus ne signifie pas unanimité. Par
contre, le débat relatif au rapport entre l’instance de conception et l’instance d’exécution reste ouvert.
4. M. FAIQ « Pour un enseignement fondamental avec une composante préscolaire » Contribution du réseau d’experts, COSEF, août
2000, Page 14.

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Je saisis l’occasion qui m’est offerte grâce à ce travail, pour attirer l’attention sur l’urgence de traiter
convenablement ce secteur de l’éducation préscolaire en pleine mutation et pour contribuer à son
renouvellement.
Dans sa contribution aux travaux de la COSEF, M. Faiq4, en s’appuyant sur des études internationales, a
mis en évidence les avantages majeurs, que l’éducation préscolaire, peut apporter à la scolarisation de nos
enfants. Ainsi, il a montré comment cette éducation peut atténuer les inégalités des chances, promouvoir la
généralisation de l’enseignement fondamental et la scolarisation de la petite fille et améliorer la qualité et
l’efficience du système éducatif. Il a également montré comment l’éducation préscolaire est un investissement
qui permet à la société de réduire les risques en matière de santé, d’échec scolaire, de délinquance et de
violence. Les économies engendrées grâce au développement de ce secteur seront sûrement utiles à la
généralisation de l’enseignement et à l’accroissement de sa qualité.
Par ailleurs, le secteur préscolaire est un domaine susceptible de créer de nombreux emplois5.
La Charte Nationale de l’Education et de la Formation considère l’éducation préscolaire (4 et 5 ans) comme
le premier palier de l’éducation fondamentale. En inscrivant cette tranche d’âge dans le système éducatif, elle
reconnaît une étape qui, d’une part, assure la continuité entre la famille et l’école et, de l’autre, prépare le
jeune enfant au métier d’écolier.
La vocation de l’éducation préscolaire est reconnue quant à sa capacité de préparer à l’école élémentaire.
Grâce à son attrait pour les enfants, elle les familiarise avec le fonctionnement de l’école et jette les bases
de la scolarisation. Les activités d’éveil, d’expression, d’expérimentation et d’apprentissage permettent
à l’institution préscolaire de contribuer à compenser les inégalités et les disparités éducatives qui affectent
notre société. C’est dans cette institution que s’acquièrent le plaisir de l’effort personnel, les bienfaits de
la solidarité et les règles de la socialisation. Par le jeu, la réflexion, l’expression, l’observation et le partage,
l’institution stimule chez l’enfant, « l’effort intellectuel et la création artistique »6. Elle concorde avec l’aspiration
du Premier Ministre du gouvernement d’alternance, A. Youssoufi, à relever le défi de la modernité « par une
nouvelle culture où l’élément humain occupe la place centrale »7.
La vocation de l’éducation préscolaire est aussi de s’inscrire dans la continuité de l’éducation familiale. La
famille est le lieu où l’enfant reçoit les premiers soins nécessaires au développement de son corps et l’amour
qui fonde sa personnalité et qui structure son équilibre psychologique.
L’institution préscolaire est destinée à assurer ce continuum entre la famille et l’école élémentaire pour
réduire les inégalités des chances et pour assurer l’équité. Sa vocation préventive permet de mettre l’accent
sur l’éducation précoce des enfants à risques et de lutter ainsi, contre l’échec et l’abandon scolaires. Elle
permet aux parents de se familiariser avec le fonctionnement de l’école et d’apprendre à suivre leurs enfants
dans le système éducatif.
Le rôle de l’institution préscolaire est de remédier aux carences familiales et aux difficultés que peuvent
connaître les familles en matière d’éducation. L’éducation préscolaire ne prend pas la place de l’éducation
familiale mais selon les cas, elle la complète, l’enrichit ou la compense.
La recherche scientifique montre que pour assurer la qualité de la vie des enfants et garantir leurs droits,
l’articulation de l’éducation familiale et de l’éducation préscolaire est essentielle.
Le développement de l’enfant d’âge préscolaire est un processus multidimensionnel qui articule la satisfaction
des besoins physiques, des besoins intellectuels et cognitifs, des besoins affectifs et des besoins sociaux.
« L’enfant est un être humain en développement. Sa croissance, la formation de sa personnalité et
son adaptation sociale se déroulent dans des conditions familiales, sociales et culturelles qui ne sont pas
identiques pour tous entraînant des comportements variables d’un enfant à l’autre.
5. M. FAIQ souligne avec justesse l’énorme potentiel existant en matière de création d’emplois, en s’appuyant sur les estimations du
ministère de l’Education nationale. Il apparaît « qu’environ 50 000 emplois nouveaux » pourraient être créés.
6. Discours de S.M. le Roi du 20 août 2004
7. Déclaration de politique générale du 17 avril 1998, par le Premier ministre,

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Malgré ces différences interindividuelles liées aux conditions de vie, on retrouve un ensemble de besoins
qui reste relativement stable quel que soit l’enfant dont on parle.
– les besoins physiologiques : manger, boire, dormir, se reposer, se sentir propre...
– les besoins affectifs : se sentir aimé, compris, respecté, protégé, encouragé…
– les besoins de mouvements : jouer, courir, danser…
– les besoins de communication : parler, chanter, crier, raconter, rire…
– les besoins de socialisation : appartenir à un groupe, partager, coopérer…
– les besoins d’imagination : rêver, créer, faire semblant, inventer…
– les besoins d’autonomie : faire tout seul, prendre des risques…
– les besoins de connaissance : observer, apprendre, expliquer, explorer, manipuler,
découvrir, répéter…
– les besoins d’identité : se connaître, se repérer dans le temps, dans l’espace…

Pour que l’enfant puisse s’épanouir et développer ses potentialités, il est important de veiller à ce que
l’aménagement de la classe, l’organisation des activités, l’approche pédagogique et la relation éducative
répondent à la satisfaction de ses besoins »8.
Le développement de l’enfant est un processus continu, unique dans lequel les besoins sont constamment
en interactions. De la qualité de la satisfaction de ces interactions dépend la nature de son évolution en tant
qu’être singulier mais aussi en tant que citoyen rattaché à une société.
Le développement de l’enfant ne repose donc pas sur une simple prise en charge de ses besoins
fondamentaux (se nourrir, s’habiller et dormir). Il est surtout fondé sur une éducation qui favorise son
adaptation continue à son environnement naturel, social et culturel. La maîtrise de cette adaptation lui permet,
à son tour, d’agir sur son environnement. Pour que l’enfant soit acteur de son développement il faut qu’il
bénéficie d’une pédagogie ouverte, riche en activités et stimulante. La confiance qu’il va avoir en lui-même
agira durablement sur sa scolarité, sur les relations avec autrui et sur sa place dans la société. L’enfant aura
tout à gagner à trouver une institution qui lui apprend ses droits et ses devoirs et qui organise les espaces de
leur mise en oeuvre. A cet âge, l’enfant est demandeur d’aide pour qu’il puisse faire tout seul.
Les apprentissages basés sur la répétition, la mémorisation et la soumission ne favorisent pas son
développement et encore moins l’adaptation à son environnement et à son temps.
Le développement de l’enfant dans un champ éducatif respectueux de sa personne lui permet de
s’exprimer dans sa langue maternelle (arabe dialectal et amazigh), de se mouvoir à son aise, d’affirmer sa
personnalité, de satisfaire sa curiosité et renforce, ainsi, son identité individuelle. Le renforcement de cette
identité individuelle l’inscrit tout naturellement dans son groupe social et culturel avec attachement et avec
confiance. La relation éducative ne peut pas reposer sur l’autoritarisme, la ruse et l’évitement. Elle doit se
tisser sur des projets qui nécessitent l’échange, la solidarité et l’enrichissement mutuel. L’accroissement du
développement humain devient un objectif et un support de toutes les actions éducatives.
L’éducation préscolaire est un pilier essentiel dans le développement de l’enfant. Mais, elle ne le concerne
pas tout seul. Elle intéresse toutes les parties concernées par l’enfance : l’éducateur, les parents, l’institution,
le système d’enseignement et la société.

1.1. Pour l’éducateur


La formalisation de l’éducation préscolaire est, certes, une opportunité pour notre société mais elle constitue
avant tout un défi à relever. L’absence de formation dans ce domaine place l’éducateur face à une énorme
8. B. EL ANDALOUSSI « Les droits de l’enfant au préscolaire » , Valise pédagogique, FBVL, UNICEF, APEF, MEN, ATFALE, en cours de
publication
9. Discours Royal du 20 août 2004

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responsabilité. S’il est légitime de revendiquer de bonnes conditions de vie et la reconnaissance d’un statut
convenable, il est tout aussi primordial de rechercher les voies de la qualification et de la professionnalisation.
En effet, la responsabilité sociale qui lui incombe de préparer les jeunes enfants à la scolarité et à la vie,
exige une vision claire et une formation solide et permanente. Il n’est plus possible d’admettre le simple
gardiennage qui, au mieux, fait patienter les enfants avant d’aller à l’école, au pire, leur inculque des habitudes,
de dressage, de passivité, de soumission et d’absence de créativité.

1.2. Pour les parents


Un service préscolaire de qualité augmente et étaye le désir de réussite de leur enfant. Leur implication et
la manière avec laquelle ils vont envisager son avenir vont déterminer la qualité de cette réussite. La confiance
que les parents vont placer dans l’institution va libérer leur esprit et va leur permettre de s’investir dans leurs
activités professionnelles. Les mères peuvent ainsi disposer de plus de temps pour leur propre bien-être et
celui de leur foyer.
De même, la fratrie et particulièrement les filles, dans les zones rurales, se trouvent libérées de la garde
des jeunes enfants et peuvent ainsi se consacrer à leur scolarité et à leurs propres activités.
Le préscolaire élargit les droits de chacun au sein de la famille.
Certes, le bien-être de la famille repose sur une chaîne de solidarité librement consentie. Mais, lorsque
cette solidarité devient étouffante, elle perd de sa qualité et de sa valeur sociale. Le bien-être du jeune enfant
en est alors largement affecté.
Un service préscolaire de qualité contribue à combattre la grande pauvreté en donnant aux enfants issus
des familles les plus démunies le plaisir d’apprendre et l’envie de poursuivre leur scolarité.
L’implication des parents est essentielle à la qualité de l’éducation préscolaire. En effet, lorsque leurs
exigences sont élevées, elles contribuent à augmenter le niveau des prestations éducatives.

1.3. Pour l’institution préscolaire


L’institution préscolaire peut bénéficier d’une source de reconnaissance en installant le professionnalisme
et la qualité. Son rôle éminent, dans la lutte contre l’analphabétisme, dans la réduction des disparités, dans le
maintien des élèves à l’école fondamentale et dans l’accroissement de leurs performances scolaires, participe
à son utilité sociale. Sa réputation souffre actuellement de mercantilisme. Mais, cette réputation peut être
renversée grâce à l’organisation des conditions humaines, pédagogiques et matérielles aptes à favoriser le
développement des jeunes enfants, leur bien être et leurs apprentissages.

1.4. Pour l’enseignement primaire


L’éducation précoce des jeunes enfants participe à la préparation à l’école élémentaire. La généralisation
de l’enseignement fraîchement acquise dans notre pays a besoin de soutien pour assurer sa pérennité.
Il est démontré scientifiquement que le bénéfice de l’éducation préscolaire se ressent au niveau de
l’enseignement primaire. Ce bénéfice réduit considérablement les redoublements dans les premières années
liés à l’inadaptation scolaire des enfants et à leur difficulté d’entrer dans le monde de l’écrit. Le préscolaire
constitue une passerelle linguistique entre la langue maternelle de l’enfant et la langue d’enseignement.
En recevant des enfants ayant bénéficié d’un préscolaire de qualité, l’enseignement primaire bénéficie d’un
capital qu’il a traditionnellement pour tâche de transmettre aux enfants au cours de la première année. Les
enseignants reconnaissent les bienfaits de cette préscolarisation car les enfants s’adaptent plus facilement et

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réussissent mieux. En effet, le préscolaire leur apprend l’organisation, l’ordre, et les règles de la classe. Il les
prépare, aussi, à la lecture et à l’écriture.
Par ailleurs, le champ de l’éducation préscolaire, est un domaine plus propice aux innovations
pédagogiques. Le fait de ne pas être soumis à un programme préétabli et rigide offre des perspectives
d’expérimentation et de recherche. Les objectifs et les pratiques innovantes générés par la recherche peuvent
bénéficier à l’enseignement primaire . L’espoir, est de voir l’éducation préscolaire participer à l’émancipation
de l’enseignement primaire en lui insufflant de nouvelles valeurs éducatives actives loin des apprentissages
mécaniques et des méthodes désuètes.

1.5. Pour la société


Le chantier de l’éducation préscolaire est une opportunité que nous devons saisir Il représente un
laboratoire où peuvent se mesurer les réflexions et les pratiques de la société moderne qui aspire à conjuguer
harmonieusement, dans une interaction féconde et positive, les traditions séculaires et les nouveautés de la
civilisation contemporaine.
L’espace préscolaire, est le lieu où la société peut aider l’enfant à se construire en adoptant les valeurs
de la collectivité, en respectant ses lois et en apprenant les règles sociales et religieuses. L’enfant que nous
inscrivons dans la société du savoir et de la communication prendra goût à l’apprentissage, à la connaissance
et à l’exploration. C’est un enfant sauvé de l’analphabétisme, utile à lui même, à sa famille et à son pays.
L’enfant, à qui la société apprend le respect de soi, la liberté et l’émancipation dans la collectivité, appréciera
l’autre, le partage et l’échange enrichissant. L’acquisition des normes sociales, permet à cet enfant de les
respecter et de participer à l’édification d’une société plus juste, plus égalitaire et plus riche. Cet enfant n’est
pas un enjeu entre les mains de ceux qui véhiculent des idées obscurantistes et qui pratiquent la surenchère,
le radicalisme et la démagogie.
L’enjeu pour les élus et les décideurs est de taille. Il n’est pas admissible de continuer à assister à l’ouverture
de nouvelles institutions préscolaires sans formation de ses cadres et sans réel encadrement politique et
pédagogique. Il est urgent de penser la formation des éducateurs du préscolaire en conformité avec les
orientations politiques de notre pays et avec une organisation scientifique savamment réfléchie. Il n’est pas
supportable de continuer à voir des enfants défavorisés entassés dans des garages et des appartements
insalubres. Il n’est plus concevable de continuer à exiger des enfants de se taire, de ne pas bouger et de ne
pas discuter avec les adultes, au moment, où notre rôle est de leur donner l’occasion de s’exprimer, de se
mouvoir et de dialoguer avec leurs pairs et avec leurs éducateurs. Dans ce cas, ne soyons plus offusqués de
voir ces jeunes enfants, une fois atteint l’âge adulte, manquer d’initiatives et d’esprit créatif, « méconnaître le
lien intrinsèque entre les droits et les obligations, confondre liberté et anarchie »9.
Ce secteur, plus que d’autres, ne supporte pas l’improvisation et les solutions hâtives. C’est un secteur
où le désintérêt peut hypothéquer une génération et où, au contraire, l’investissement peut participer au
développement humain nécessaire à la croissance des richesses de notre pays.
Ce secteur quasiment privé et non obligatoire peut devenir le creuset des contradictions et des conflits
d’intérêt si la volonté des décideurs et des divers acteurs, ne se concrétise pas avec intelligence et force dans
une vision claire. La multiplicité des acteurs et des parties concernées peut être une chance, si la gestion des
intérêts est promue dans un rapport serein et démocratique.
L’espace du préscolaire constitue un moyen pour impliquer toutes les parties concernées, dans une
approche participative, pour promouvoir ce secteur. C’est une occasion qui doit permettre la définition et la
mise en œuvre d’une vision adéquate, acceptée et comprise par tous, la précision des moyens indispensables,
la clarification des rôles respectifs et la mise en place des mécanismes permettant d’atteindre les objectifs.
9. Discours Royal du 20 août 2004

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2. Rétrospective
Pour comprendre la situation des institutions préscolaires aujourd’hui au Maroc, il nous paraît nécessaire
de nous intéresser à leur histoire afin d’apporter un éclairage sur le cheminement de leur évolution. Nous
n’avons pas la prétention de faire une analyse historique qui dépasserait le cadre de ce travail. Nous
souhaitons simplement interroger le passé en remontant le plus loin possible le cours de l’histoire. Notre
but est de déchiffrer et de comprendre, à travers les politiques éducatives successives et les finalités de ces
institutions, les caractéristiques de la situation actuelle. Nous effectuerons cet examen à partir de l’héritage
de la période du Protectorat concernant l’éducation préscolaire et à partir des décisions des différentes
politiques gouvernementales nationales, depuis l’indépendance.

2.1. L’heritage de la période du Protectorat


Avant de décrire les éléments hérités de cette période, nous proposons de brosser un tableau succinct de
la situation de l’enseignement des jeunes enfants avant le Protectorat afin de mieux comprendre l’origine de
cet enseignement.
Avant la période du Protectorat, la situation de l’enseignement au Maroc, repose sur le cumul d’un long
héritage issu de la tradition arabo-islamique. Cet héritage trouve ses origines dans l’avènement de l’Islam au
Maroc. « Le Coran et la Tradition (gestes et paroles du Prophète) constituaient la science suprême que tout
aspirant à la sagesse recherchait »10. L’organisation de cet enseignement relève avant tout de la responsabilité
de chaque musulman qui voit dans cet accomplissement un acte religieux dont il doit s’acquitter. La quantité
et l’expansion des écoles coraniques dans toutes les régions du pays en sont le plus grand témoignage,
elles reçoivent les enfants de toutes les classes sociales. Cependant, rares sont les textes qui peuvent
nous donner une image précise sur le taux de fréquentation et sur la description sociologique des enfants
qui fréquentent ces institutions. Les chiffres varient selon les auteurs. L. Paye rapporte qu’à la veille du
Protectorat, 150 000 enfants fréquentent les écoles coraniques et 2500 les Medersas sur une population de
800 000 enfants. Selon la description de Michaux-Bellaire, l’enseignement coranique est très répandu partout
au Maroc, particulièrement dans les régions de Souss et de Fès qui comptent à elles seules 120 Msids et
2 500 élèves.
La littérature11 nous renseigne surtout sur le rôle primordial des écoles coraniques dans l’expansion et la
consolidation de l’Islam. Elle montre le rôle joué par ces institutions dans la sauvegarde des valeurs et dans la
reproduction sociale. Elle informe sur les finalités de l’enseignement, sur les méthodes éducatives utilisées
et sur les conditions d’engagement des talebs et des fkihs. Enfin, elle abonde de biographies de savants
religieux. Par ailleurs, à travers les écrits, on voit combien ces écoles participent à la résistance contre tous les
évènements externes qui peuvent constituer une menace pour l’islam.
Cette littérature nous permet de dresser une description sommaire de l’institution coranique, son
organisation semble inaltérable par le temps.

10. M. Merrouni, Le collège musulman de Fès (1914-1956), Thèse de Ph. D Université de Montréal, Faculté des Sciences de l’Education,
Montréal, 1981, p 81
11. Plusieurs auteurs se sont penchés sur la question des écoles coraniques d’un point de vue historique, pédagogique, sociologique et
politique : E. Michaux-Bellaire (1911), I. Salama (1938), L. Paye (1957), A.M. Soussi (1960), M. Merrouni (1981), A. Guennon ( 1981), N.
Zerdoumi (1982), M. Abou Taleb (1982), A. Chettaoui (1986), A. Arfaoui ( 1987), a. Ben El Azmia ( 1989), A. Zouggari ( 1991), K. Bouzoubaa
( 1991), A. Lamdasni et col. ( 1993), K. EL Andaloussi (1995).

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Tableau d’une institution coranique millénaire
L’institution coranique est d’une grande austérité en raison de sa mission divine. Elle est chargée
d’apprendre aux enfants le Coran et l’instruction religieuse. Elle accueille, sans distinction d’âge, des
enfants de 5/6 ans à 16 ans. La quasi-totalité sont des garçons. Ceux qui persévèrent dans l’apprentissage
et maîtrisent la connaissance du Coran dans sa totalité deviennent taleb à leur tour. A ce titre, ils peuvent
ouvrir une école coranique, devenir préposés d’un fkih ou rejoindre les medersas..
Prise en charge par la société, l’institution coranique épouse fidèlement le contexte social du groupe
qui la met en place. Une simple pièce, sans aération et peu illuminée, adossée à la mosquée ou la
maison d’un fidèle, suffisent pour accueillir les enfants. La jmâa ( dans les villages) ou la population d’un
quartier engagent un taleb ou un fkih sur la base de son instruction, de son éducation et de sa morale,
pour une durée limitée qui porte le nom du taleb lemcharet. Le taleb, occupe également les fonctions
d’imam, d’adoul et d’écrivain public. Mais il peut aussi être tailleur, guérisseur, commerçant, etc. Ces
différentes fonctions, lui permettent d’occuper un statut central dans la communauté.
Ses méthodes éducatives sont basées sur l’apprentissage par cœur et sur la mémorisation sans
faille. Elles ne laissent aucune interaction possible entre le Maître et l’apprenant. L’enfant ne doit se
présenter pour réciter le verset coranique qu’après en avoir une maîtrise mnésique totale. Dans le cas
inverse, il reçoit le châtiment qu’il mérite du maître. Le père de l’enfant a donné d’avance plein pouvoir
au maître à ce sujet.
L’apprentissage du Coran est considéré comme un don du ciel. Le Coran s’apprend sans avoir besoin
de discussion ni de réflexion. L’enfant, s’il reçoit la bénédiction et le don du ciel, comprendra plus tard.
Tous les enfants n’ont pas la chance d’arriver au bout de cet apprentissage. S’ils s’attardent plus qu’il ne
faut, ils sont déclarés inaptes par le maître et, à la déception de leurs parents, ils doivent apprendre un
métier ou aller garder les moutons.
L’apprentissage du Coran repose exclusivement sur la mémoire sans exigence de compréhension.
La soumission à l’autorité du fkih constitue la condition essentielle pour parvenir à cet apprentissage.
C’est au prix de cette soumission totale que l’enfant peut espérer la reconnaissance du maître et de la
communauté.

L’école coranique, dont les origines remontent, selon plusieurs auteurs, au IVème siècle de l’hégire, a connu
relativement peu de changement à travers les siècles. Située au départ dans l’enceinte de la mosquée, elle
sera placée en dehors vers le 10ème siècle12 .
La simplicité de son organisation, son rôle social et sa sacralité ont permis à cette institution de se
maintenir et de se répandre en s’intégrant dans des groupes sociologiques très diversifiés. En diffusant
l’instruction religieuse et en proposant des services adaptés aux populations, cette institution a bénéficié d’un
réel prestige qui transparaît à travers la fonction sociale et politique dont jouit le maître d’école.

2.1.1. Le rôle politique des Msids et des écoles coraniques


Le traité13, qui scelle la politique du Protectorat, prévoit « d’établir au Maroc un régime régulier, fondé sur
l’ordre intérieur et la sécurité générale, qui permet l’introduction des réformes, et assure le développement
économique du pays. » Ce traité prévoit également parmi ses clauses d’« instituer au Maroc un nouveau
régime comportant les réformes administratives, judiciaires, scolaires, économiques, financières. Ce régime
12. ARFAOUI A. « Le Kouttab, l’Islam et l’Éducation » Etude sociolinguistique et pédagogique d’une institution millénaire de l’école
coranique. Thèse de 3ème cycle, PARIS V 1986/87.
13. Traité de Protectorat signé à Fès le 30 Mars 1912.

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sauvegardera la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnel du Sultan, l’exercice de la religion
musulmane et des institutions religieuses, notamment de celles des Habous . »
Le Maréchal Lyautey, initiateur de ce traité, a pour mission de servir les intérêts militaires et politiques de
la France. Il ne méconnaît pas pour autant l’attachement du peuple marocain à ses traditions musulmanes et à
la monarchie. « Il reconnaissait les héritiers des Almoravides et des Almohades qui, aux époques glorieuses,
avaient régné sur l’Espagne et l’Afrique et fait fleurir le long de la Méditerranée une noble civilisation dont les
monuments, les mosquées, les palais et les medersas du Maroc portaient témoignages »14.
L’une des missions essentielles du Protectorat consiste à introduire des réformes visant la modernisation
du pays tout en préservant «la stabilité de la société marocaine, comme la permanence des institutions»15.
Le respect des traditions religieuses et culturelles nationales, doit guider toute la politique de la période du
Protectorat.
Lucien PAYE rapporte que les bases politiques de l’enseignement sont jetées en 1915 par une commission,
présidée par Lyautey dont les travaux sont officiellement validés, quelques temps plus tard, par le Dahir du
17 février 1916.
L’introduction des premiers établissements éducatifs vise essentiellement à répondre aux besoins en
formation des cadres afin qu’ils puissent participer à la mise en place des réformes. Le développement de
l’enseignement primaire n’est introduit que plus tard. L’éducation préscolaire n’est même pas évoquée16.
Parallèlement, le système d’enseignement au Maroc, préexistant à la période du Protectorat, est à l’image
du développement social du pays. Son organisation couvre les institutions élémentaires, par le biais des Msids
et des écoles coraniques, les institutions secondaires par le biais des medersas et enfin le niveau supérieur
par les universités.
Ces institutions relèvent de l’autorité religieuse et ne sont pas concernées par les réformes scolaires
stipulées par le traité de 1912.
Les oulémas qui jouissent d’un grand prestige social, politique et religieux dans la société, adoptent une
position qui s’avère capitale au cours de la période du Protectorat. Ils jouent le rôle « des gardiens du temple »
en dénonçant toutes les actions politiques menées par l’administration française qui menacent l’identité
culturelle et religieuse des Marocains. C’est dans ce rapport de force et de jeu politique que nous paraît résider
l’explication de l’évolution du système de l’enseignement au Maroc pendant le Protectorat. Les relations qui
oscillent, sans cesse, entre négociation et confrontation ont déterminé le cours de cette évolution.
Nous n’analyserons pas dans ce travail la nature de ces relations qui sont avant tout d’ordre politique.
Néanmoins, si nous les évoquons c’est parce qu’elles nous fournissent des éléments de compréhension sur
l’état dans lequel le Maroc indépendant a trouvé ses Msids et ses écoles coraniques.
La période du Protectorat a créé une situation où s’exercent des rapports de forces inégaux et antagonistes.
La suspicion et le rejet qui en sont nés, provoquent une autodéfense tout à fait naturelle au sein de la société
marocaine et particulièrement chez les plus traditionalistes. Ceux-ci s’érigent en protecteurs des institutions
et des valeurs ancestrales du Maroc. A partir de là, tout développement ou toute réforme des institutions
scolaires du pays ne peuvent rencontrer que résistance, opposition et lutte.
Les Msids et les écoles coraniques, lieux d’expression de la religion et de la langue arabe, jouent un
rôle politique contre ce qui apparaît comme une invasion agressive, porteuse de valeurs étrangères à la
culture et aux traditions du pays17. Les Msids deviennent, pour la majorité des marocains, l’institution refuge

14. Général Catroux, Ambassadeur de France « LYAUTEY LE MAROCAIN », édition hachette, 1952, page 73.
15. Lucien PAYE, « Introduction et Evolution de l’Enseignement Moderne au Maroc » Imprimerie Arrissala, Rabat, 1992, Edition,
introduction et notes par Mohamed BENCHEKROUN.
16. Il est à signaler que l’éducation préscolaire n’a connu un véritable essor en France que vers les années glorieuses de la reconstruction
du pays après la Deuxième Guerre Mondiale.
17. Cette position de rejet s’est perpétuée bien après l’Indépendance. Les fkihs se sont sentis investis de la mission de parer à toute
introduction de changement, surtout lorsque les modèles sont exogènes. Nous y reviendrons.

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pour instruire leurs enfants et pour enraciner leur identité musulmane et nationale. Ce phénomène, décrit
abondamment par la littérature de l’époque, nous permet de comprendre pourquoi ces institutions restent en
marge des changements qui bouleversent toutes les institutions de la société marocaine.
Ce système résiste tout au long de la période du Protectorat. Rappelons qu’il n’est pas concerné par les
réformes conformément au respect des accords du traité. Les autorités politiques du Protectorat optent pour
la création d’un système d’enseignement parallèle moderne, convaincu qu’à la longue, le système traditionnel
s’effondrera de lui-même. Les tensions nées de cette politique, poussent des nationalistes marocains à créer
des écoles coraniques musulmanes privées dont l’objectif est de contrecarrer l’emprise du Protectorat sur
l’enseignement.
Dans ce jeu politique, les Msids, sous l’impulsion des nationalistes, changent d’orientation en intégrent
de nouvelles disciplines à leur enseignement : calcul, histoire ou autres (puisque la liste n’est pas limitative)
conformément au Dahir du 1er avril 1935. Mais, un nouveau Dahir du 11 Décembre 1937 vient contrecarrer
ce dessein, en précisant la mission exacte du Msid traditionnel. Les contenus des enseignements de cette
institution doivent porter « sur l’enseignement du Coran, la langue et l’écriture arabes, la grammaire, la lecture
de recueils didactiques religieux, la récitation des mêmes recueils, la morale et la discipline familiale. »18.
Ce Dahir attribue à la délégation des sciences islamiques la responsabilité de l’administration de ce secteur,
l’autorité de gestion, de définition des conditions de travail et d’élaboration des contenus.
Les évènements internationaux (la Deuxième Guerre Mondiale) et la volonté des nationalistes et du palais
royal, de contrôler et d’étendre l’enseignement en ont décidé autrement.
C’est dans ce jeu de forces que naissent les germes de l’école nationale marocaine qui aspirent à un
ancrage dans l’histoire et l’identité nationale et à l’ouverture sur le monde nouveau. L’ouverture des classes
primaires pour les filles et l’inauguration des classes modernes par les membres de la famille Royale et par
des figures du mouvement national finissent par sceller les contours de l’école nationale qui va naître après
l’indépendance.

2.1.2. Le rôle culturel des Msids et des écoles coraniques


L’organisation de l’enseignement des Msids et des écoles coraniques continue à fonctionner selon les
méthodes et les rites hérités du passé. Ces institutions jouent le rôle d’instruction primaire en dispensant aux
enfants les rudiments de la lecture et de l’écriture arabe.
Certains talebs semblent mettre plus de hardiesse dans la tâche en perpétuant les mêmes rites et
les mêmes méthodes hérités de leurs maîtres. L’apprentissage du Coran par cœur, sans explication, et
l’instruction religieuse restent les fondements de cet enseignement.
Les méthodes pédagogiques sont simples, et malgré l’apparition de nouveaux outils qui pourraient
soutenir les apprentissages, les maîtres restent fidèles à la planche, à l’encre fabriquée à partir de la laine du
mouton et au rythme qui fait fonctionner la classe comme une horloge.
Rien ne doit changer. Le rituel est un élément fondamental de la vision et des pratiques pédagogiques du
fkih. Cet enseignement doit être transmis par le Maître dans les mêmes conditions qui lui ont permis de le
recevoir, par la grâce de Dieu. En effet, comme le fait remarquer Merrouni (1981), l’apprentissage du Coran
n’est pas une question de technique pédagogique mais une question de don. Le maître doit s’acquitter de
son devoir en transmettant à d’autres la connaissance du Coran. Il est investi d’une mission divine puisqu’il
fait partie des élus auxquels Dieu a mis le Coran dans le cœur. S’écarter de cette responsabilité constitue un
péché et justifie le désir de préserver l’immuabilité de cette institution, par tous les moyens. Le recours à des
pratiques disciplinaires pouvant aller jusqu’à une grande violence est très fréquent et reçoit l’assentiment
total des parents car la fin justifie les moyens. En effet, avoir un enfant qui connaît le Coran et qui applique la
18. Cité par Lucien Paye, « Introduction et Evolution de l’Enseignement Moderne au Maroc » Imprimerie Arrissala, Rabat, 1992.

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parole de Dieu et de son prophète, représente pour eux une grande fierté qui n’a d’égal que le sentiment de
s’acquitter de leur devoir religieux.
C’est dans cette perspective de sacralité qu’il est aisé de comprendre pourquoi le travail des enfants dans
les Msids ne connaît pas de répit. La journée commence dès l’aube pour s’achever au coucher du soleil. Les
seules pauses autorisées permettent au fkih de se restaurer, de se reposer, surtout s’il est âgé, ou de vaquer
à ses occupations. Les exercices physiques, les jeux, les échanges entre enfants n’ont pas leur place. Ils
constituent une perte de temps pour les enfants et portent atteinte à la réputation et au sérieux du Maître.
En effet sa valeur est estimée à partir de sa sévérité dans l’action d’enseignement et à partir de la rapidité
d’apprentissage des enfants.
Cependant, l’étude de la politique de l’enseignement de cette période montre que l’intérêt des autorités
du Protectorat se porte davantage sur « les fruits mûrs » (fils de notables, familles influentes…) que sur un
investissement durable qui va nécessiter plus de temps et dont l’avenir est incertain. Le Protectorat s’oriente
vers un enseignement élitiste réservé à une couche sociale restreinte. Mais, contrairement aux aspirations
idéologiques des autorités, cet enseignement donne naissance à une génération de nationalistes conscients
des problèmes et aspirant à des changements. Le mouvement national, revendique l’instruction des masses
marocaines et entame des luttes visant la modernisation des écoles musulmanes. Le Roi Mohamed V, appuie
ce mouvement et prend des initiatives dans ce sens. Il crée le collège Royal, tribune de modélisation des
objectifs éducatifs, sociaux et culturels, pour le peuple marocain. Il inaugure des écoles modernes et soutient
l’expansion des écoles traditionnelles, montrant ainsi l’importance de l’enseignement dans la prise en charge
du peuple et de sa destinée.
A partir de 1942 et surtout après la réforme de 1945, sous la pression du mouvement national et de
l’autorité Royale19, l’école moderne peut se développer grâce à l’accroissement relatif des écoles libres et à
l’engouement social pour les écoles modernes. 220 classes sont créées par an pour accueillir 10 000 enfants.
(Vermeren P. 2002).
La réforme de 1945 a un impact sur la structure de l’école coranique. En effet, les écoles modernes font
appel aux Moudariss (instituteurs suppléants) qui seront puisés dans le vivier des enseignants des écoles
traditionnelles.
A la veille de l’indépendance, les Msids et les écoles coraniques qui constituaient la charpente du système
d’enseignement avant le Protectorat, bien qu’encouragés à se maintenir pour instruire le plus grand nombre
d’enfants, connaissent un ralentissement de leur importance en faveur des écoles primaires modernes.
Très vite, le choix des langues d’enseignement deviendra également un enjeu politique. La langue arabe
est considérée comme un outil éminemment identitaire et politique face au projet des autorités protectorales.
Ces dernières, convaincues de la supériorité et de l’utilité pratique de la langue française, ont d’abord tenté
de remplacer la langue arabe avant de décider de s’incliner devant le mouvement national et d’admettre son
usage, en tant que langue nationale, dans le programme des écoles musulmanes.
L’attachement du mouvement national à la langue arabe et à l’islam, deux valeurs refuges contre le projet
du Protectorat- ainsi que le recrutement des Moudarris dans le système de l’école nationale ont créé les
premières esquisses de l’école nationale naissante. La langue arabe en tant que « projet idéologique » s’est
mêlée à la religion et a eu du mal, à l’époque, à concurrencer le projet moderniste dont la langue française
était porteuse.
Ce dilemme, doublé de la difficulté des enseignants de langue arabe à renouveler leurs méthodes
pédagogiques, a fait le reste.
Pendant la période du Protectorat, le champ scolaire se constitue dans la confrontation de deux visées
politiques qui, bien que divergentes, ne sont pas pour autant diamétralement opposées.

19. Vermeren.P, «Ecole, élite et pouvoir au Maroc et en Tunisie au XX siècle ». Edition Alizés, février 2002 Rabat, Page 121.

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D’un côté, une force d’occupation qui tente de s’imposer par les armes et par « la conquête des âmes »20
et de l’autre une monarchie séculaire et un peuple fier de ses traditions qui se rattachent à son histoire et à
ses valeurs culturelles.
Dans ce conflit politique, les décisions ne sont jamais tranchées. Les rapports de force évoluent et
changent selon les aléas internes aux pays et selon les circonstances internationales. C’est ainsi que nous
pouvons comprendre l’héritage éducatif complexe que le Protectorat va laisser.
En effet, on observe au moment de l’indépendance plusieurs systèmes d’enseignement, une multiplication
des finalités éducatives, des inégalités entre les différents corps d’enseignants et des disparités dans les
modes de fonctionnement et de financement des écoles.
L’étude des systèmes éducatifs constitués pendant la période du Protectorat ne permet pas de relever
des éléments qui témoignent de l’existence de l’éducation préscolaire. Cependant, la littérature nationaliste
de cette période souligne une notion, qui mérite d’être relevée. Il s’agit du souci d’instruire les petits enfants
( ¿É«Ñ°üdG ) au plus bas âge ( ôaÉXC’G áeƒ©f ). La notion de préparation à l’enseignement ou à l’adaptation de l’enfant
est encore totalement absente. Certes, certains textes de savants marocains et arabes insistent sur l’intérêt
d’introduire une progression dans l’apprentissage des enfants en débutant par les textes les plus courts
pour aller vers les textes les plus longs. Cette même littérature définit les valeurs éducatives (ÖjOCÉàdG) que les
enfants doivent acquérir et le comportement idéal que doit avoir le Maître. Néanmoins, la quasi-majorité de
ces institutions ne peut être assimilée à une institution préscolaire.
Par contre, le système d’enseignement français (dit européen) et israélite (qui relève du même système),
dispose des classes maternelles qui dispensent des activités adaptées aux enfants en âge préscolaire. Ces
classes préscolaires, en nombre limité, relèvent la plupart du temps de congrégations religieuses.
La fin du Protectorat laisse une situation politique marquée de fortes dissensions. L’objectif principal du
mouvement national, autour du Roi Mohamed V, s’est fixé sur la conquête de l’indépendance. Mais une fois
l’indépendance acquise, les visions divergentes engendrent un climat dans lequel toutes les décisions sont
susceptibles d’activer les contradictions et de crisper les positions, voire de faire éclater l’union.
Au départ de l’administration française, le Maroc se retrouve face à une situation difficile. D’un côté, la vie
économique et sociale, complètement bouleversée pendant quarante ans, est sur les rails de la modernité.
D’un autre côté, la vie politique et culturelle est sous tension. Poursuivre le développement économique et
social et créer les conditions politiques et culturelles favorables représentent un défi majeur pour les dirigeants
du pays. Cette immense responsabilité impose des compromis aux leaders de la jeune nation naissante. C’est
ce paradigme qui va constituer le creuset de la politique nationale après l’indépendance et va conditionner les
grandes orientations en matière d’éducation.

Résumé de l’héritage de la période du Protectorat


L’héritage en matière d’éducation, à proprement parler, reflète les orientations politiques que
l’administration du Protectorat a pu imposer au Maroc: un pays, organisé intrinsèquement dans la dynamique
du développement économique de la métropole (la France ) et dépendant pour son évolution. Toutes les
structures organisationnelles et humaines mises en place visent le renforcement et la perpétuation de cette
politique. En matière d’enseignement, outil privilégié de cette visée, le bilan parle de lui-même.
En 1955, au niveau des ressources humaines, alors que 100% des enfants européens fréquentent l’école,
13% des marocains seulement sont scolarisés. 640 marocains ont obtenu le baccalauréat contre 8200
français.

20. Général Catroux, Ambassade de France, « LYAUTEY LE MAROCAIN » Edition Hachette 1952

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Ainsi, à cette époque, le Maroc21 dispose de 19 médecins marocains et de 6 pharmaciens pour
respectivement 875 médecins et 330 pharmaciens français. Les ingénieurs marocains sont au nombre de 30.
Les instituteurs sont au nombre de 4000 et la majorité exercent sans qualification pédagogique22.
L’analphabétisme est quasiment total. Le premier recensement général de la population effectué en 1960
montre qu’il touche 96% des femmes et 78% des hommes23.
Au niveau des structures, plusieurs systèmes d’enseignement cohabitent et des institutions de formation
professionnelle sont créées pour répondre aux exigences immédiates dans divers domaines (agriculture, industrie
etc.). Ces créations visent à faire face aux pressions du moment, sans vision de développement durable.
Au niveau idéologique, la politique élitiste suivie n’a pas permis de développer le corps enseignant
marocain nécessaire à la généralisation de l’enseignement. La plus grande cohorte des éducateurs relève
de l’enseignement traditionnel. En s’accrochant aux dogmes identitaires, ils ne se sont pas appropriés les
mécanismes de la dynamique du changement. La plupart, issus des écoles coraniques, maîtrisent uniquement
le Coran et la langue arabe.
D’un côté, la création d’un système prometteur d’avenir et idéologiquement contrôlé, a conduit à la
constitution d’une élite très restreinte. De l’autre, la tolérance d’un système traditionnel enfermé dans le
passé, a amené ceux qui le fréquentent à la paupérisation et à la marginalisation.
Former des cadres, immédiatement utiles à la politique économique du Protectorat, ne pouvait laisser
qu’un Etat traversé de visions opposées et d’aspirations antagonistes. Trois grandes tendances émergent.
Les tenants des écoles traditionnelles appellent à un retour aux sources. Les tenants du réformisme
réclament des changements dans le respect de l’authenticité et des valeurs arabo-musulmanes. Les tenants
du modernisme rêvent d’une transformation en rupture avec le passé. Ils aspirent à la construction d’un
système d’enseignement ouvert sur le monde et axé sur l’efficacité et l’efficience.
Pendant ces quarante ans, l’axe de l’autorité et du pouvoir a complètement changé de nature. La légitimité
de la monarchie s’est renforcée, le pouvoir des oulémas a diminué et l’émergence des partis s’est affirmée.
La reproduction sociale n’est plus exclusivement du fait du Makhzen et de la classe des notables. La
réussite sociale, bien qu’elle reste entre les mains de la classe dominante, s’élargit aux plus méritants.
La question linguistique excessivement politisée par les différentes forces en présence devient un jeu
politique trouble et parfois sans issue.
Ce panorama, forcément succinct, permet de mesurer l’énormité de la tâche de construction du pays et
l’immense responsabilité dans les choix politiques que les différentes forces en présence doivent opérer.
Enfin, si nous nous sommes quelque peu attardés sur cette phase, c’est que nous pensons y avoir
trouvé les germes de la situation des écoles coraniques qui a prévalu pendant les cinquante ans qui ont suivi
l’indépendance.
Le dilemme entre la tradition et la modernité va devenir une arme permanente entre les mains des
idéologies en présence qui sont tentées d’instrumentaliser une ou l’autre vision pour fortifier leur position et
s’attaquer à celle de leur adversaire.

2.2. De l’indépendance à aujourd’hui


Dans cette partie, nous proposons de retracer les principales lignes des réformes qu’a connues notre pays
en matière d’éducation afin de relever l’intérêt porté à l’éducation préscolaire tout le long de la période allant
de 1955 à nos jours.
21. P. VERMEREN, page 219.
á©eÉL á«HÎdG Ωƒ∏Y ‘ ádhódG áMhôWCG ,« Ú°SQóŸG øjƒµJh Üô¨ŸÉH »ª«∏©àdG ΩɶædG » ø°ù◊ …OÉe .22
.1996 ,•ÉHôdG ,á«HÎdG Ωƒ∏Y á«∏c ,¢ùeÉÿG óªfi
261 ¢U ,ø°ù◊ …OÉe .23

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Nous suggérons de découper cette phase en quatre étapes distinctes :
_ De l’indépendance à 1968 (Discours Royal)
_ De 1968 à 1990
_ De 1990 à 1999
_ De 1999 à 2004

2.2.1. De l’indépendance à 1968, étape d’affirmation des pouvoirs et


conflits des philosophies éducatives
Au lendemain de l’indépendance, des commissions successives forgent la doctrine de l’enseignement
très largement connue par les quatre principes : arabisation, généralisation, unification et marocanisation. Plus
tard, un cinquième principe sera ajouté concernant la formation des cadres.
L’enseignement est déclaré obligatoire24 à partir de novembre 1963 pour les enfants des deux sexes. Il est
public et gratuit à tous les niveaux.
Notre propos n’est pas de nous arrêter sur la doctrine de l’enseignement. La littérature25 qui traite la
genèse, les fondements philosophiques et l’évolution de ces principes, est largement répandue. Il apparaît
que ces quatre principes vont permettre de parvenir à un compromis et à la constitution d’un socle d’unité
politique dont la société a grandement besoin. Ces principes ne contiennent pas d’emblée l’organisation
nécessaire au développement des ressources humaines et des structures organisationnelles et financières26.
L’histoire des cinquante dernières années, le montrera malheureusement fort bien.
L’option politique de l’époque qui consiste, au nom du réalisme et de l’efficacité, à assurer le changement
dans la continuité27, fait de la coopération avec l’administration française une condition incontournable. Le
manque de compétences marocaines dans les domaines de l’organisation administrative et pédagogique et
dans la formation des cadres rend vital le maintien de l’administration française. La prédominance de cette
option politique, fortement appuyée par le chef de l’Etat, a profondément marqué l’édification du système
éducatif.
La première décennie de l’indépendance a connu en matière d’enseignement une effervescence
exceptionnelle. Ce secteur plus que tous les autres représente pour toutes les forces en présence le lieu
d’expression et le champ d’investissement qui permettent de consolider les positions et de traduire la vision
éducative.
Les différents responsables gouvernementaux qui se succèdent pour l’édification du système de
l’enseignement doivent faire face à une situation complexe. La multitude des paramètres de cette situation
exige des compétences et des qualités qui se trouvent elles-mêmes en cours de construction.
La mobilisation extraordinaire, de tout le peuple marocain, pour la construction du pays crée une forte
demande de scolarisation qui connaît une expansion extraordinaire. Le nombre d’enfants scolarisés passent
de 300 000 en 1955 à 1 300 000 en 1965. Plusieurs récits rapportent les périples des parents pour parvenir à
trouver une place à leurs enfants dans un établissement scolaire. L’heure est à l’enthousiasme de la société
et aux attentes exaltées vis à vis de l’école qui va assurer un emploi pour tous.

24. Dahir royal nÆ 163071 du 25 Joumada II 1383 ; 13 novembre 1963.


25. Pour cela se référer aux travaux exhaustifs de :
A. SEKKAT « Politique de l’enseignement au Maroc depuis l’Indépendance », Thèse d’Etat en droit, Université de Grenoble II, 1977 ; A.
BAINA « la physionomie du système de l’enseignement au Maroc », Editions Maghrébines, Maroc, 1983 ; M.MERROUNI,« ìÓ°UE’G
Üô¨ŸÉH »ª«∏©àdG »,1996 ; L.MADI « Ú°SQóŸG øjƒµJh Üô¨ŸÉH »ª«∏©àdG ΩɶædG »,1996
26. C’est ce qui amène A. BAINA à considérer ces principes comme une doctrine abstraite qui n’émane pas d’institutions démocratiques
seules aptes, selon lui, à élaborer une politique globale d’enseignement et un projet éducatif clair. A. BAINA , « la physionomie du
système de l’enseignement au Maroc », Editions Maghrébines, Maroc, 1983, Tome I page 142.
1989 AÉ°†«ÑdGQGódG,á«Hô¨ŸG öûædG QGO « »Hô©dG Üô¨ŸG ‘ º«∏©àdG » óHÉY óªfi …ôHÉ÷G .27

27

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L’encadrement du nombre important d’enfants qui fréquentent l’école, entraîne la nécessité de recruter
un grand nombre d’enseignants. Le manque de personnel formé amène, dans le cadre de la marocanisation
et de l’arabisation, à baisser les exigences et à recruter un personnel sans véritable qualification. Parmi
ce personnel, des enseignants des écoles coraniques, ont été intégrés pour enseigner la langue arabe
et l’instruction religieuse. Bien sûr, des stages de renforcement pédagogique sont prévus pour les aider à
s’insérer dans les écoles modernes.
Ces faits qui peuvent être perçus comme une victoire sur l’analphabétisme font surgir des réactions tout
à fait opposées. Dans un climat de crise politique profonde, la généralisation de l’enseignement apparaît
comme un objectif difficile à atteindre. La politique qui a mené à l’extension rapide de la scolarisation est alors
accusée de « précipitation et d’improvisation »28. Selon la note du Cabinet Royal du 20 août 1965, toutes ces
réalisations ne reposent aucunement sur un plan scientifique et réaliste.
Dans le plan triennal de 1965-1967, l’accent est mis sur l’importance du budget qu’il faut dégager pour faire
face au rythme de l’évolution de la scolarisation et dont le Maroc ne dispose pas. Partant de ces arguments,
le gouvernement prend des décisions quasi unilatérales et met un terme à l’élan de généralisation de
l’enseignement.
Les conflits et la surenchère politiques marquent durablement la politique de l’enseignement dans notre
pays.
C’est à partir de cette époque que des critiques et de nouveaux concepts voient le jour, pour ne plus quitter
le champ de l’enseignement: baisse du niveau, faiblesse de rendement, baisse de qualité, enseignement
au rabais, hésitation dans les décisions, confusion dans les objectifs, enseignement non adapté aux zones
rurales, non-considération des enseignants, gestion bureaucratique, etc.
Néanmoins ces critiques sont fréquemment réutilisées pour justifier les révisions des plans, l’organisation
de conférences sur la crise de l’enseignement et les projets de réformes successives.
La confiance nécessaire à l’édification d’un système d’éducation capable de développer le pays ne parvient
pas à s’installer après l’indépendance.
Dans ce climat de tiraillement politique et de focalisation sur la généralisation de l’enseignement primaire,
l’éducation préscolaire n’est toujours pas à l’ordre du jour. Dans un climat où la sérénité manque et où la vision
pédagogique se construit, « parer au plus pressé » devient un mode de gestion au sein du ministère. Dans un
tel contexte, investir sur l’éducation préscolaire apparaît comme un luxe inaccessible.
Les écoles coraniques continuent à recevoir des enfants de tous les âges, particulièrement dans les zones
rurales. La concurrence qui s’installe progressivement entre l’école primaire moderne et l’école coranique
traditionnelle, va animer pour de longues années des conflits.
Dès le lendemain de l’indépendance, ces écoles coraniques interpellent le ministère de l’Education
nationale qui souhaite leur trouver une organisation pouvant « relever le niveau intellectuel sur des bases
rationnelles »29. Toutefois nous n’avons trouvé aucune décision au cours de cette période qui concrétise ce
souhait.
Pendant ce temps, le nombre de ces écoles coraniques stagne mais elles restent le lieu obligé de
scolarisation pour les populations rurales. Leur dimension historique, leur caractère identitaire et religieux
et leur popularité entretiennent leur importance. Cependant, l’accès des enfants à l’école moderne va
progressivement entraîner des modifications en profondeur. La clientèle de plus de sept ans déserte les
classes coraniques. Mais ce mouvement épouse fidèlement le rythme de la généralisation de l’enseignement
primaire qui diffère considérablement de la ville à la campagne. En effet, durant cette même période, dans les
zones rurales, lorsque les enfants de plus de 7 ans ne trouvent pas de place à l’école primaire, ils continuent

á«HÉ≤ædGh á«°SÉ«°ùdG äɪ¶æŸG πc ¤EG 1965 áæ°S øe â°ûZ ô¡°T ‘ »µ∏ŸG ¿GƒjódG É¡H å©H á≤«Kh » .28
ΩɶædG »,ø°ù◊ …OÉe ,« º«∏©àdG ¿Gó«e ‘ ÉgPÉîJEG ™eõŸG äGAGôLE’ÉH ÉgQÉÑNEGh É¡JQÉ°ûà°SEG ó°üb ∂dPh Üô¨ŸÉH
.1996 297 .¢U « ...Üô¨ŸÉH »ª«∏©àdG
29. Mouvement Educatif du Maroc, 1956-1957.

28

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à fréquenter l’école coranique. Les communautés perpétuent ainsi l’habitude de prise en charge des Msids
et le recrutement des fkihs.

2.2.2. De 1968 à 1990, étape de formalisation de l’enseignement pré-


élémentaire et de l’émergence de l’âge préscolaire
Face à l’absence d’une véritable législation concernant le système des écoles coraniques, ces institutions
restent sous l’égide du Dahir de 1937 et du décret d’application qui fixe leur mission. Cette mission consiste
à apprendre le Coran et la pratique de la religion sans précision de niveau ni de classe d’âges. C’est ainsi que
les Msids et les écoles coraniques continuent à défendre le caractère authentique de leur enseignement et
perpétuent le mode de fonctionnement éducatif traditionnel. Cette position figée donne lieu à des critiques
de plus en plus virulentes envers ces institutions et aucun de ses aspects n’est épargné : stérilité des
apprentissages, violence du fkih, archaïsme des méthodes, manque d’hygiène, rendement faible, etc.
L’école coranique semble de plus en plus surannée et inapte à accompagner les changements dans
lesquels le pays s’est engagé. Son avenir paraît compromis. Elle n’a plus le choix que de changer ou de
s’éteindre progressivement.
Trois facteurs vont peser sur son évolution et vont créer les conditions de changement de cette institution :
l’attachement des marocains aux valeurs culturelles et identitaires, l’aspiration à l’appropriation des moyens
de développement modernes et l’idéologie régnante.
Nous aborderons dans cette partie l’évolution de ces institutions, les transformations notables et la
situation actuelle.

Evolution et nouvelles orientations


En 1968, un acte décisif vient marquer définitivement le départ d’un processus irrévocable donnant
naissance à une nouvelle institution pré élémentaire devant accueillir les enfants de quatre à six ans révolus30.
En effet, le 9 octobre 196831, un Discours Royal donne une orientation nouvelle aux écoles coraniques et
définit leur mission avec précision. Désormais l’école pré élémentaire32 est née. L’école coranique est
réhabilitée dans le système scolaire marocain en tant que phase préparatoire à l’école primaire. Elle est définie
en tant qu’institution éducative qui a pour objectifs :

30. Cette décision que nous évoquons sous l’angle éducatif a largement été interprétée comme un acte résolument politique. Les
confrontations idéologiques au niveau international et les contestations au Maroc ont largement dominé la scène politique interne.
La montée de nouvelles idéologies, crispe le débat et radicalise les positions. La religion et l’école sont au centre des controverses
politiques. Pour schématiser, deux tendances se confrontent et imposent le débat. La première considère la religion comme l’ossature
de l’authenticité et le marxisme comme une idéologie importée qui vise l’occidentalisation et la dénaturation de la culture marocaine. La
seconde tendance, considère la religion comme un obstacle à l’émancipation des peuples et la prise du pouvoir par le peuple comme la
garantie du progrès. L’école est alors le théâtre de cette lutte et l’instrument investi par les politiques pour l’endoctrinement des élèves.
Dans ce climat, la décision de réformer les écoles coraniques est interprétée, comme une manœuvre politique pour combattre les
idéologies marxistes et répandre les valeurs islamiques. Voir M. EL AYADI « De l’enseignement religieux », PROLOGUE, nÆ 21, 2000-
2001.
31. A cette occasion, Feu SM le Roi Hassan II signe un acte symbolique en inscrivant au Kouttab, le Prince Héritier, à l’âge de quatre
ans.
32. Les écoles recevant les jeunes enfants connaissent une diversité d’appellations selon l’époque et la région : Msid, Jamaâ, Mimra,
Kouttab, Akharbich, Hdar... Ces appellations désignent les institutions traditionnelles qui peuvent recevoir les enfants de tout âge. Elles
relèvent en général des affaires islamiques et des Habous.
Par contre l’enseignement pré élémentaire désignent les institutions qui reçoivent les enfants avant l’âge scolaire. Le personnel du
ministère de l’Education nationale emploie le terme de Kouttab préscolaire pour souligner à la fois sa permanence dans l’enseignement
religieux et la tranche d’âge concernée.
Nous trouvons aussi des institutions pour la même tranche d’âge qui portent le nom de : jardin d’enfants, établissement ou institution
préscolaire, garderie, crèche, école maternelle.

29

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– de préparer les enfants à l’école primaire et de contribuer à leur socialisation en mettant l’accent sur les
valeurs morales et islamiques.
– d’initier les enfants à la lecture, à l’écriture et au calcul.
– de permettre aux enfants la pratique du sport.
– de leur apprendre des chants et l’histoire du pays.

« La revalorisation du Kouttab est considérée, dans ce discours, comme un moyen essentiel de maintenir
et de sauvegarder l’identité arabo-musulmane contre l’influence de la culture occidentale. A partir de la
constitution du noyau identitaire marocain et musulman, il devient possible d’assimiler la langue et la culture
étrangère sans perdre son authenticité »33.
Cette nouvelle orientation des Kouttab préscolaires permet de mettre un terme au débat qui préoccupe
les éducateurs et les politiques des années soixante. Au lendemain de l’indépendance, la question des
grands choix éducatifs, se pose souvent en termes politiques. Le choix se pose entre l’activation des écoles
coraniques et la création des écoles modernes. Dans ce débat, le discours Royal représente un compromis
qui conjugue les deux positions : le développement de l’école publique et la sauvegarde du Kouttab coranique.
Le Kouttab est donc amené à assurer le rôle de socialisation de l’enfant marocain entre quatre et sept ans, en
l’enracinant dans la culture nationale et dans les valeurs islamiques.
Ce discours selon le témoignage de la plupart des écrits impulse un élan de réformes et de rénovations.
Ainsi, commence une ère nouvelle qui permet une redéfinition du rôle du Kouttab et l’installation d’un
processus de rénovation, qui va connaître des flux et des reflux, selon les périodes et les gouvernements.
Le ministère de l’Education nationale se lance dans une réforme qui porte le nom d’« Opération des Ecoles
Coraniques ». Cette réforme se déroule en deux étapes :

a. La première période de la réforme s’étend de 1968 à 1973


Elle vise essentiellement à mettre en place les structures administratives pour la gestion de la réforme.
Un service de l’Enseignement Préscolaire et de l’Alphabétisation est créé au sein de la direction de
l’Enseignement primaire. Il a pour mission « de veiller à la bonne marche de l’enseignement préscolaire, à son
amélioration et à la formation de ses cadres »34. Ce service est relayé au niveau des délégations du ministère,
par une équipe composée du délégué, d’un responsable du bureau de l’enseignement préscolaire et des
conseillers pédagogiques faisant fonction d’inspecteurs.
En 1969, le ministère produit un livret qui donne des informations générales sur l’opération des Kouttab
coraniques et trace les orientations concernant l’organisation administrative et pédagogique.
Cette première étape permet surtout une reconnaissance relative de la tutelle du Ministère de l’Education
Nationale sur le secteur préscolaire. Relative car plusieurs autres ministères continuent à revendiquer cette
tutelle et entretiennent l’école coranique dans un champ sensible d’un point de vue idéologique et religieux.
Les décisions concernant l’école coranique ne sont pas aisées à prendre et représentent un véritable
casse-tête pour les décideurs. Ce secteur est qualifié de « sac à serpents » par les fonctionnaires avertis du
ministère.
Cependant, le Ministère de l’Education Nationale organise quelques stages en faveur des conseillers. Il
prépare surtout, avec la collaboration de l’U.N.I.C.E.F, un projet de réforme plus structuré pour la seconde
phase qui démarre en 1978.

b. La seconde période de la réforme (1978 /1990)


Elle permet d’engager un processus d’encadrement et d’orientation pédagogique plus structuré et plus

33. K. BOUZOUBAA, op citée, p. 7.


34. Note ministérielle nÆ 12 (16-12-1968), Direction de l’enseignement primaire, ministère de l’Education nationale.

30

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ambitieux. Nous pouvons lire dans le rapport présenté à la 38ème session de la conférence internationale de
l’éducation :

« Etant donné le rôle joué par cet enseignement dans la préparation psychopédagogique de l’enfant au
cycle primaire, le Ministère a pris un certain nombre de mesures d’ordre législatif et réglementaire visant à en
améliorer la qualité et en encourager le développement quantitatif. Parmi ces mesures il y a lieu de citer :
– la définition d’un cadre juridique visant à réorganiser l’enseignement préscolaire relevant du secteur
privé ou géré par des départements publics ou semi-publics;
– la détermination et l’unification des objectifs, des programmes et des langues d’enseignement;
– la conception et l’élaboration des instructions pédagogiques qui lui sont propres.»35

Trois actions principales marquent cette étape et assurent la consolidation de ce secteur : l’organisation
administrative, l’encadrement pédagogique et la coopération internationale.
– Au niveau administratif, comme nous l’avons signalé précédemment, le Ministère de l’Education
Nationale décide d’encadrer ce secteur à travers « les autorités locales responsables des directives
générales concernant l’enseignement préscolaire (pédagogie, normes d’hygiène, etc.). Il étudiera
et définira les possibilités d’interventions des pouvoirs publics dans le domaine de l’enseignement
préscolaire privé (crédits à la construction, contrôle pédagogique, etc.) »36.

En 1978, une division est créée au sein de la direction de l’enseignement primaire pour veiller au
développement de l’éducation préscolaire. Elle a pour mission, avec la participation de l’UNICEF, de rénover
l’enseignement préscolaire en appliquant de nouveaux programmes et en mettant en place un encadrement
spécialisé dans chaque délégation du ministère37.
La création d’une division au sein du ministère, permet le maintien permanent d’une liaison entre le service
central chargé de l’éducation préscolaire et les différentes équipes dans les délégations. Ce lien repose
surtout sur l’envoi de notes de service pour la gestion des affaires organisationnelles, pour la nomination de
conseillers et pour leur soutien dans leurs tâches d’encadrement et de suivi des éducateurs. L’expérience du
recyclage des maîtres et le recrutement de nouveaux conseillers, crée une dynamique autour de la réforme
des écoles coraniques. Mais celle-ci est menée quasi exclusivement par les fonctionnaires du ministère. Le
fait de ne pas faire appel à des compétences spécialisées dans le domaine de l’éducation préscolaire, ne
permet pas le décollage réel de ce secteur. Son évolution reste au stade du contrôle et de l’encadrement sans
s’ouvrir sur le renouvellement des méthodes et des approches pédagogiques. La faiblesse de l’encadrement
et de la formation dans le secteur privé n’aide pas non plus à sa structuration.
Cet état de stagnation est perceptible dans la lecture des différents plans de réformes de cette période. Il
est reflété à travers l’absence de clarté de la vision éducative et à travers les hésitations quant à la décision du
ministère de prendre en charge ce secteur dans le domaine de l’encadrement et de la formation.

Tout au long de cette période, nous relevons les mêmes intentions reproduites à l’identique dans les plans
de réformes.
– Au niveau de l’encadrement pédagogique, parmi les réalisations du ministère, nous relevons
deux opérations importantes: l’élaboration d’ouvrages pédagogiques (manuels et guide sanitaire) et
l’organisation de stages et de séminaires à l’intention des conseillers et des éducateurs.

35. Le mouvement éducatif au Maroc, années 1978 – 1980 p.41 , Ministère de l’Education Nationale et de la Formation des Cadres ;
novembre 1981.
36. Plan de développement économique et social, 1973/1977, chap. XXII, page 730.
37. Plan de développement économique et social, 1978/1980, vol 2, page 11.

31

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Concernant les manuels, deux ouvrages sont réalisés, par des inspecteurs du primaire, pour soutenir
l’action éducative des éducateurs du premier niveau (enfants de cinq ans) et du deuxième niveau (enfants
de six ans). Dans la conception de ces ouvrages, les auteurs tentent d’introduire de nouvelles activités
jusqu’alors absentes dans l’école coranique. Ainsi, nous pouvons trouver, à côté des disciplines traditionnelles
(éducation islamique, éducation civique, apprentissage de la langue orale et écrite), des activités ludiques et
psychomotrices qui visent à développer les capacités physiques et mentales des enfants.
Un guide sanitaire est aussi confectionné pour sensibiliser les éducateurs et les conseillers à la prévention
sanitaire, à la prévention des accidents et aux conduites à tenir face aux urgences. La conception de ce
guide repose essentiellement sur des conseils. Il représente un outil supplémentaire de sensibilisation des
éducateurs et des conseillers dans leur travail.
Le ministère continue de considérer la formation des maîtres des écoles coraniques et des
éducateurs comme une fonction qui ne relève pas de ses attributions. «Néanmoins, une réglementation
stricte fixe les conditions qu’ils doivent remplir pour ouvrir une école ou pour y exercer. D’autre part, le
Ministère organise à leur intention des stages de perfectionnement.»38
Grâce aux stages et aux séminaires, l’opération de sensibilisation couvre une partie assez importante du
pays. Elle dure de 1978 à 1990 et concerne un grand nombre d’éducateurs et de conseillers des différentes
délégations du ministère39 : trois cents conseillers pédagogiques bénéficient des stages organisés à leur
profit pour pouvoir encadrer les éducateurs. Puis, à leur tour, ces conseillers dans une perspective d’effet
multiplicateur, encadrent plusieurs stages qui touchent environ trois mille six cents éducateurs.
L’équipe pédagogique chargée de la formation est essentiellement composée d’inspecteurs du ministère
secondés par des conseillers pédagogiques et des éducateurs qui se sont distingués, lors des premières
opérations de formation. Chaque session de formation dure une semaine dans une délégation. Les méthodes
de formation reposent essentiellement sur des exposés et des conférences. Parfois, les conseillers
pédagogiques proposent des leçons modèles que les éducateurs doivent reproduire dans leur Kouttab.

Cette formation par le nombre important d’éducateurs et de conseillers qu’elle draine et par les ressources
humaines et matérielles qu’elle utilise ne peut que rester au niveau de l’information et de la sensibilisation.
– Au niveau de la coopération internationale, outre le soutien apporté aux stages de formation et aux
manuels, plusieurs évaluations de cette réforme ont lieu.

Deux rapports internes sont réalisés pour évaluer la réforme de l’éducation préscolaire. Un premier rapport
est réalisé par un expert international travaillant pour l’UNICEF (1986). Un second rapport est élaboré à la
demande du ministre, par une commission formée d’inspecteurs généraux (1990).
Une première étude est effectuée à la demande de l’UNICEF (1989)40 pour évaluer le programme de
rénovation entrepris par le ministère de l’Education nationale avec le soutien de l’UNICEF.
Une seconde étude évaluative est réalisée, en 199441, à la demande conjointe du ministère et de l’UNICEF
pour examiner les actions du Ministère de l’Education Nationale dans le domaine du développement du
préscolaire coranique.
Le nombre important de ces évaluations témoigne à la fois de l’intérêt grandissant que le Ministère
porte au secteur préscolaire et à la difficulté de le cerner. L’ensemble de ces rapports converge d’une façon
globale vers un tableau assez sombre de la situation. Mais il reconnaît que la volonté et la détermination de
changement des conseillers pédagogiques et des éducateurs restent intactes.
38. Le mouvement éducatif au Maroc, Années 1978/1980, page 32
39. A. LHOUCINE, L’éducation préscolaire du point de vue du ministère de l’Education nationale, Actes du premier colloque maghrébin
sur l’éducation préscolaire: Théories et Pratiques, ATFALE, Faculté des Sciences de l’Education, Rabat, 1992, p.44.
40. A. BEN EL AZMIA, « La situation de l’école coranique au Maroc, Evaluation du programme de rénovation à la lumière des actions
entreprises en collaboration entre le Ministère de l’Education nationale et l’UNICEF» 1989.
41. A. LAMDASNI, L. BENLAFKIH, M. FATIHI, R. ELHOSNI, A. ALAOUI, Etude évaluative des actions du ministère de l’Education
Nationale pour le développement du préscolaire coranique, Rabat, 1993.

32

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La réforme a permis, à doses homéopathiques, de structurer l’existence des nouveaux Kouttab
préscolaires.
Dans l’évaluation de 1994 relative aux actions entreprises (manuels et stages)42, les auteurs, bien qu’ils
confirment l’utilité des manuels, aboutissent à la conviction qu’ils ne répondent pas tout à fait aux besoins
des éducateurs et des conseillers. Ils recommandent de les réviser en les rendant « à la fois des guides, des
outils d’enseignement pratiques et techniques pour mieux documenter les éducateurs »43. Pour ce faire,
ils suggèrent « la mise en œuvre d’une action ciblée quant à la diffusion des manuels (après une révision
approfondie) auprès de tous les éducateurs du préscolaire coranique. D’autre part, et parallèlement à cette
action, une campagne de sensibilisation, voire de formation des éducateurs doit être entreprise pour une
exploitation et une utilisation adaptées des manuels aussi bien à l’âge des enfants qu’à leurs potentialités
intellectuelles et cognitives, et enfin à leur dynamisme ludique et de curiosité »44.
En ce qui concerne la formation, cette même évaluation aboutit à la conclusion suivante :
Pour les conseillers : « il faudrait envisager selon des modalités spécifiques le recyclage des conseillers qui
n’ont pas bénéficié de formation appropriée ».
Pour les éducateurs : « il serait opportun d’organiser à l’intention des éducateurs nouvellement recrutés
des pré-stages ou des cours de formation qui seraient sanctionnés par un diplôme d’aptitude »45.
Le bilan de ces différents rapports montre, malgré les suggestions des évaluateurs qui ne relèvent pas toujours
du principe de réalité, qu’un chemin a été tracé, définissant les contours du nouveau champ de l’éducation
préscolaire. Cependant, la question que la première évaluation (1989) a soulevée à propos de l’intention
d’introduire les changements pour rénover l’éducation préscolaire reste posée. A.Ben El Azmia écrit : « Les
techniques et les méthodes conçues et présentées indiquent l’avènement d’une nouvelle idéologie éducative.
Or suffit-il de prêcher une nouvelle idéologie pour voir la pratique éducative changer et s’adapter ?»46.
Nos observations sur le terrain nous permettent d’affirmer, avec K. Bouzoubaa, que le secteur des Kouttab
a réellement évolué. « les résultats de toute cette opération commencent à être manifestes dans la plupart
des Kouttab des villes et même des petits centres urbains. Ainsi, on constate que les paramètres externes de
l’enseignement moderne y ont été introduits : les pupitres, les bancs et le tableau noir ont remplacé les nattes
et les planches en bois ; les enfants ont des ardoises et, si possible, des manuels et des cahiers (...) Le Coran
n’est plus l’objet exclusif de l’apprentissage : on apprend les lettres, l’écriture, la lecture, le calcul... Bref, le
Kouttab est devenu une école élémentaire dans son expression la plus simple et la plus dépouillée » 47.

Le bilan général de la réforme, au-delà des carences que nous pouvons souligner ici ou là, semble atteindre
les objectifs essentiels :
– une conscience croissante de la spécificité des enfants en âge préscolaire ;
– une institutionnalisation de l’étape préscolaire dans le secteur de l’enseignemenτ ;
– une organisation ministérielle engagée dans le projet de rénovatιοn ;
– une riche expérience doublée d’une connaissance approfondie du terrain.

La pression idéologique a, peu à peu, cédé du terrain à la réflexion scientifique et pédagogique.


L’accroissement des connaissances dans le domaine de la petite enfance et l’implication des chercheurs
nationaux a mis en exergue les carences de ce secteur. L’ouverture grandissante de la politique éducative sur
la coopération internationale, sur les institutions de recherche nationales et sur la société civile a constitué les
ingrédients d’une nouvelle étape.
42. A. LAMDASNI et coll. sus cité.
43. Idem, p. 126.
44. Idem, p. 97.
45. Idem, p. 125.
46. A. BEN EL AZMIA, op cité, p. 25.
47. K. BOUZOUBAA, op citée, p. 9.

33

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C’est à partir de cette base que le ministère s’est engagé dans un nouveau processus, dans les années 90.
Ainsi, il s’est associé, pour introduire les innovations pédagogiques, dans les institutions préscolaires, avec
l’équipe ATFALE48 relevant de la Faculté des Sciences de l’Education et soutenue par la Fondation Bernard
Van Leer. Il a ensuite élargi cette coopération aux différents opérateurs internationaux intéressés par la petite
enfance (Coopération française et Belge, UNICEF, MEG/USAID).

2.2.3. De 1990 à 1999 étape de construction et de consolidation des


bases de l’éducation préscolaire
Cette décennie se caractérise par la reconnaissance officielle de la crise du système d’enseignement et
par la nécessité d’engager une véritable réforme. L’engagement du Maroc dans l’économie du marché a mis
en exergue l’inadéquation du système d’enseignement pour le développement économique du pays. La
redéfinition de la politique nationale de l’enseignement est alors devenue un impératif inéluctable.
Le débat national s’est alors engagé sur la nécessité de réformer notre système éducatif. Dans la
perspective de la mondialisation et de la globalisation, l’enjeu consiste à accroître la capacité de créativité
et de compétitivité des citoyens et des institutions. Pendant l’automne 199449, une première tentative de
réforme globale du système éducatif réunit toutes les institutions politiques. Les résultats de ses travaux
n’aboutiront pas aux objectifs escomptés cependant, le débat sur l’enseignement est lancé et l’esprit de
réforme commence à poindre.
Des décisions sont prises afin de rationaliser les ressources humaines et matérielles du ministère. Dans
ce cadre, l’école primaire se devra d’abriter une classe préscolaire là où la vacuité des locaux le permet.
Cette décision qui passa, sur le moment, quasi inaperçue nous paraît, à divers titres, d’une grande portée
symbolique. Elle a participé à la reconnaissance institutionnelle de l’éducation préscolaire. Elle a ouvert
le champ du partenariat entre le service public et le secteur privé ce qui n’a pas été sans provoquer des
résistances chez certains délégués et chez certains directeurs d’école. Enfin, elle a montré, de façon concrète,
qu’il était possible d’ouvrir l’école publique sur les besoins de la communauté.
Durant cette même période, l’engagement du Ministère de l’Education Nationale, avec l’équipe ATFALE,
pour introduire les innovations pédagogiques a constitué une étape déterminante dans la construction et la
consolidation des finalités éducatives de ce secteur.
Quatre inspecteurs désignés par le ministère sont associés aux membres d’ATFALE pour constituer
une équipe de recherche-action50 afin de concevoir, d’organiser, de réaliser et d’évaluer l’introduction des
innovations pédagogiques dans les institutions coraniques préscolaires.
Le travail soutenu et continu, que cette équipe élargie a élaboré, a permis de réactiver la réforme des
écoles coraniques et de recentrer l’intérêt sur la spécificité et les besoins de l’enfant.
Le travail des chercheurs et des inspecteurs a donné lieu à un processus de coopération de nature nouvelle
et originale. Les différents partenaires impliqués dans la recherche-action se sont vu engagés dans une
dynamique d’identification et de résolution de problèmes constamment renouvelée. Le travail collectif, avec

48. En 1986, j’ai été à l’origine de la constitution d’une équipe de Recherche-Action pour le développement de l’éducation préscolaire,
au sein de la faculté des Sciences de l’Education. Dans ce cadre, j’ai dirigé plusieurs projets soutenus par la Fondation Bernard Van Leer,
en partenariat avec le ministère de la Jeunesse et des Sports (1986/1989) et avec le ministère de l’Education nationale depuis 1990. A
partir de 1996, cette équipe s’est constituée en ONG afin d’élargir son champ d’action et de consolider son expertise du terrain dans le
domaine de la petite enfance.
ájQƒëŸG á°ûbÉæŸG h (1994 Èæà°T 29-19) áeÉ©dG á°ûbÉæŸG .º«∏©àdG ÉjÉ°†b á°SGQóH á°üàîŸG á«æWƒdG áæé∏dG ∫ɨ°TCG ô¶fCG .49
.á«Hô¨ŸG áµ∏ªŸG ,•ÉHôdG ,(1994 ôHƒàcCG 7-4)
50. Cette équipe est connue sous le nom de GKPS/ATFALE

34

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ses moments forts et ses moments faibles, avec ses bonheurs et ses difficultés, a permis aux chercheurs
de s’imprégner des réalités et des difficultés des institutions préscolaires. Il a amené les responsables
administratifs à repenser leurs démarches dans une perspective plus systématique et moins hésitante. Ainsi,
trois grands chantiers ont été identifiés. Ils ont fonctionné en synergie permanente : le champ scientifique et
pédagogique, le champ administratif et organisationnel, le champ institutionnel et juridique.
La coopération fructueuse a permis, au cours de cette décennie, de nombreuses réalisations. Parmi les
plus importantes nous retenons:
– L’organisation de manifestations scientifiques51 sur la problématique de l’éducation préscolaire, ouverte
à tous les acteurs dans le domaine : éducateurs, chercheurs, administrateurs, parents… ;
– La sensibilisation et la formation de plus d’une centaine de conseillers, relevant du ministère et ayant la
charge de superviser le secteur. Ces conseillers ont constitué un réseau pour diffuser les données de la
formation auprès des éducateurs de leur circonscription ;
– La sensibilisation et la formation sur le tas de plusieurs milliers d’éducateurs ;
– L’élaboration de manuels, de guides et de films pédagogiques52 en faveur des éducateurs sans
formation ;

51. – Premier Colloque Maghrébin sur le Préscolaire, Théorie et Pratique, Université Mohamed V, Souissi, Faculté des Sciences de
l’Education / FBVL / UNICEF, 1992, Rabat.
– Journées Audiovisuelles internationales sur le Préscolaire, Université Mohamed V, Souissi, Faculté des Sciences de l’Education /
FBVL/Ambassade de France,1994. Rabat.
– Colloque international sur l’éducation préscolaire. Université Mohamed V, Souissi, Faculté des Sciences de l’Education / FBVL/
Ambassade de France, 1997. Rabat.
52. *Guides d’Activités pour le Préscolaire, en langues française et arabe, Rabat, 1992 .
1. « Une méthodologie pour le préscolaire » Khadija BOUZOUBAA
2. « Organisation pédagogique et spatiale de l’institution préscolaire » Khaled EL ANDALOUSSI
3. « Le langage dans le préscolaire » Khadija BOUZOUBAA
4. « Le jeu dans l’institution préscolaire ». Brigitte EL ANDALOUSSI
5. « Le geste graphique ». Khadija BOUZOUBAA
6. « L’activité mathématique ». Khadija BOUZOUBAA
7. « L’enfant et la santé dans l’institution préscolaire », Brigitte EL ANDALOUSSI
8. « La participation des parents à la vie de l’institution préscolaire » Brigitte EL ANDALOUSSI
* Apprendre autrement, Film didactique pour les éducateurs du préscolaire, réalisé par ATFALE avec le soutien technique de
l’Ambassade de France, 1994, Rabat.
èFÉàf øe ,‹hC’G º«∏©àdG äÉ«Hôeh »Hôe øjƒµàd »©Lôe ÜÉàc ,« á«°SQóª∏Ñb Ée á«HÎdG ‘ π«dO » ,¿ÉëjQ ≈Ø£°üe ,‹Ó¡dG ≈Ø£°üe
1994 (1994-1990) á«°SQóª∏Ñb Ée á«fBGô≤dG Ö«JÉàµdG ´höûe äÉ«∏ªY
á«fBGô≤dG Ö«JÉàµdG ´höûe QÉWEG ‘ õéæe »∏NóJ åëH ,« ò«ØæJ – AÉæH – §«£îJ – åëH ,¢SQóªàdG πÑb Ée á∏MôŸ ájƒHôJ äÉYhöûe » ,¿ÉëjQ ≈Ø£°üe ,‹Ó¡dG ≈Ø£°U
1995 ,á«°SQóª∏Ñb Ée á«fBGô≤dG Ö«JÉàµdG áYƒª› »°SÉ°SC’G º«∏©àdG øe ∫hC’G ∂∏°ùdGh ‹hC’G º«∏©àdG ájôjóe ,(1994-1990) á«°SQóª∏Ñb Ée
Guides d’Activités pour le Préscolaire, nouvelle édition revue et augmentée, en langues française et arabe, Editions Gaëtan Morin Maroc
Rabat, 1997 :
1. « Une méthodologie pour le préscolaire » Khadija BOUZOUBAA
2.« Aménagement de l’espace dans l’institution préscolaire » Khaled EL ANDALOUSSI
3.« L’expression orale et écrite au préscolaire » Khadija BOUZOUBAA
4.« Le jeu dans l’institution préscolaire ». Brigitte EL ANDALOUSSI
5.« L’activité physique du jeune enfant » Alain LEONETTI
6.« Expression plastique, graphisme et écriture au préscolaire » Khadija BOUZOUBAA
7. « L’activité mathématiques ». Khadija BOUZOUBAA & Mohammed FAIQ
8.« L’enfant et la santé dans l’institution préscolaire », Brigitte EL ANDALOUSSI
9.« Les activités manuelles ». Nadia SOROZABAL
10. « La participation des parents à la vie de l’institution préscolaire » Brigitte EL ANDALOUSSI
11. « Suivi et évaluation pour le préscolaire ». Mohammed FAIQ
Jeu d’éducation nutritionnelle et guide pédagogique d’utilisation pour les enfants de 4 à 12 ans, Brigitte EL ANDALOUSSI ministère de
la Santé/OMS/ Rabat 1999 .

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– La réalisation d’évaluation formative, permettant un ajustement continu de la vision et des approches de
tous les acteurs impliqués ;
– La création d’une cinquantaine de Centres de Ressources dédiés au préscolaire dans les diverses
délégations du royaume afin d’assurer une sensibilisation et une formation des éducatrices et des
éducateurs ;
– L’élaboration de notes et de circulaires visant les orientations pédagogiques et l’organisation des
institutions ;
– L’optimisation des ressources humaines particulièrement en rajeunissant l’âge des conseillers et en
élevant le niveau d’instruction.

Ces différentes réalisations, rendues possibles grâce au partenariat entre chercheurs, responsables
administratifs et acteurs sur le terrain, ont construit les fondements actuels de l’éducation préscolaire :
– Le travail scientifique a installé progressivement le concept de l’éducation préscolaire en mettant en
évidence la spécificité de l’âge préscolaire et en fournissant les références et les activités pédagogiques
adéquates. Ainsi, nous assistons à l’émergence du concept de l’éducation préscolaire ;
– L’organisation administrative a pris en charge le secteur en réduisant le flou institutionnel qui a prévalu
pendant plusieurs années. Désormais l’éducation préscolaire relève du domaine de l’enseignement et la
revendication traditionnelle des autres départements tend à disparaître ;
_ Le champ institutionnel et juridique paraît de plus en plus en déphasage avec les nouvelles exigences
d’une éducation préscolaire de qualité.

2.2.4. De 1999 à 2004, étape d’institutionnalisation de l’éducation préscolaire

A. Etat des lieux53


Malgré le consensus général qui consiste à considérer l’éducation préscolaire comme étant un facteur
fondamental dans l’édification de la nouvelle configuration du système éducatif de notre pays, la plupart
des rapports officiels soulignent le retard flagrant concernant les prévisions relatives à la généralisation de
l’éducation préscolaire initialement prévue en 2004.
Le tableau n’est cependant pas totalement négatif car, c’est bien la première fois dans l’histoire de
notre système éducatif que le préscolaire devient une étape essentielle et reconnue de l’enseignement
fondamental. Par ailleurs, de nombreux efforts ont été consentis, particulièrement dans le domaine juridique,
grâce aux travaux conjugués du MEN, des ministères concernés, de la COSEF, du secteur privé et de la
société civile. Plusieurs éléments déterminants ont pu voir le jour et constituent une base importante pour la
poursuite de la promotion de ce secteur.
Une nouvelle échéance (2006/2007) a été retenue pour permettre à tous les enfants de quatre ans d’accéder
au préscolaire. Cette date a été retenue après étude et concertation entre les différents représentants des
forces vives du pays.

53. Depuis l’avènement de la réforme du système éducatif dans notre pays et de la charte nationale de l’éducation et de la formation,
l’éducation préscolaire a définitivement trouvé sa place dans l’édifice de l’enseignement national.
Les trois ministres qui se sont succédé aux commandes du ministère de l’Education nationale, de 1999 à nos jours, ont développé des
approches diverses vis à vis de ce secteur et le résultat s’en est ressenti.
Le premier responsable a mis l’accent sur les outils juridiques et organisationnels. Le second s’est polarisé sur la généralisation de l’école
primaire délaissant ainsi ce secteur. Enfin, le responsable actuel tente de redonner à l’éducation préscolaire la place que lui a attribuée la
charte. Cet intérêt en dents de scie pèse sur l’évolution de la généralisation du préscolaire.

36

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Mais sommes-nous prêts à faire face à cette nouvelle échéance ?
La réponse à la question n’est pas aisée. Le cumul du retard, le manque de moyens, la faiblesse de la
formation et la multiplicité des intervenants rendent la tâche très complexe.
Pour tenter d’apporter une réponse à cette question, nous proposons d’examiner l’état d’avancement de
la généralisation du secteur préscolaire depuis le démarrage de la réforme du système éducatif (1999) à nos
jours. Cette lecture sera faite à travers les chiffres disponibles à nos jours, et à travers les opportunités et les
freins qui caractérisent le secteur préscolaire dans notre pays.
Cette lecture émane d’un site d’observation plus scientifique que politique. C’est donc en tant
qu’observateur impliqué dans le domaine du développement de l’éducation préscolaire dans notre pays que
nous étudions les faits et que nous avançons les réflexions.

B. Les chiffres54

Evolution du taux brut de scolarisation des enfants de 4-5 ans

L’observation des chiffres nous permet de constater que la généralisation de l’enseignement préscolaire n’a
pas encore véritablement commencé. En effet, la fluctuation des chiffres qui oscillent entre 51,7% et 55,6%
lors de ces 5 dernières années montre que l’écart entre les objectifs et les réalisations est loin d’être comblé.

Les raisons qui sont avancées diffèrent selon les acteurs.


– Pour le MEN, l’accès des enfants de 6 ans à l’enseignement fondamental explique en partie
l’infléchissement des chiffres ;
– Pour les experts55 ayant réalisé le diagnostic et la stratégie pour le préscolaire, nous assistons à une
chute des inscriptions du nombre total des élèves, depuis 1996 ;
– Pour notre part, nous pensons que les chiffres annoncés dans le domaine de l’enseignement préscolaire
reflètent la difficulté du recensement de ce secteur qui reste difficile à circonscrire. Les moyens de
recensement habituels qui reposent sur les conseillers manquent de fiabilité pour de multiples raisons56.

54. Source : Statistiques scolaires, ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse, mars 2003.
55. CHEDATI Brahim et FAIQ Mohammed.
56. Contrairement à l’école primaire, les établissements préscolaires par le fait qu’ils relèvent du secteur privé ne disposent pas de
moyens de recensement efficaces particulièrement dans les zones péri urbaines et rurales. Les conseillers, en charge de cette tâche
ne disposent pas toujours de moyens rigoureux pour la réaliser. Les résultats s’en trouvent affectés. Nous pouvons, à titre d’exemple,
trouver, dans l’annuaire des statistiques du Maroc 2003 des chiffres sur le préscolaire qui mentionnent l’existence de 39 473 classes
pour seulement 35 642 éducateurs !

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Cette fluctuation des chiffres se reflète également dans les différents rapports officiels et scientifiques.
Par ailleurs, les disparités entre les filles et les garçons, entre l’urbain et le rural n’ont pas encore diminué.
Le décalage entre les écoles coraniques fréquentées par les couches sociales les moins favorisées
économiquement et les établissements préscolaires modernes fréquentés par les couches sociales
favorisées continuent à marquer le paysage de ce secteur. Le nombre des établissements et des éducateurs
tend à progresser lentement sans pour autant atteindre les exigences de la généralisation.
Néanmoins, l’annonce, par Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, de l’ouverture de 1500 classes
chaque année, lors de la présentation de la stratégie (Mai 2003) pour le développement du préscolaire va sans
aucun doute changer les données. La mise en œuvre de cet objectif est toujours en phase de préparation.

C. Les opportunités
La principale des réalisations, lors de ces cinq dernières années, concerne tout d’abord l’existence même
de la charte nationale d’éducation et de formation. En effet, celle-ci a permis d’aboutir à un consensus
indispensable à la réalisation de la réforme du système éducatif. Ce consensus, si difficile à réaliser et trop
souvent passé sous silence, nous apparaît d’une importance capitale, car il a permis trois faits majeurs :
– La mise en place d’une démarche participative autour de la définition du nouveau rôle de l’école et
l’instauration d’une culture de concertation et d’un esprit de gouvernance
– L’appropriation de la problématique de l’école par toutes les forces vives du pays;
– La définition des fondements et des finalités de l’éducation dans notre nation.

L’objectif de rehausser l’indice de développement humain sur lequel a insisté S.M. le Roi lors de son
discours du 20 Août 2004, met le secteur de la petite enfance parmi les secteurs prioritaires. Offrir à nos
enfants, une préparation de qualité, à l’école et à la vie, devient un impératif. Former les cadres, aptes, à le
faire, devient une exigence. L’éducation préscolaire est la première étape pour développer chez les jeunes la
créativité, l’esprit scientifique et artistique. Elle est le moyen d’asseoir une identité nationale, fière et ouverte
sur le monde. Elle est le biais par lequel nos enfants pourraient accéder à la technologie, aux innovations et à
la société du savoir et de la communication.
L’élaboration des textes juridiques fondamentaux qui cadrent le secteur préscolaire (la loi nÆ 05.00, les
Décrets 2.00.1014 du 22 Juin 2001 et 1503.03 du 22 Juin 200357) et qui définissent les conditions d’ouverture
et de gestion des établissements préscolaires ainsi que la nouvelle vision éducative.

Le travail conjugué des différents services du Ministère de l’Education Nationale qui coopèrent, dans
l’esprit de la charte, à l’élaboration des outils et des stratégies nécessaires à la promotion et la généralisation
du préscolaire. Les plus importants de ces travaux sont :
– L’élaboration de la carte préscolaire du royaume et le perfectionnement des bases de données et des
statistiques concernant l’enseignement préscolaire ;
– L’organisation de rencontres de concertation et de coordination entre le MEN et les différents
partenaires ministériels et professionnels pour l’élaboration de plans intégrés régionaux de promotion
de l’enseignement préscolaire ;
– L’intégration des objectifs de l’éducation préscolaire dans le Livre blanc du MEN.
– L’élaboration de conventions entre les académies et les promoteurs du secteur préscolaire ;
– L’élaboration de cahiers de charges relatifs à l’investissement dans l’enseignement préscolaire.
L’organisation de deux journées nationales par le MEN et la COSEF afin d’établir un diagnostic de
la situation de l’enseignement préscolaire et une stratégie pour promouvoir ce secteur. Ces journées ont

57. Ministère de l’Education nationale

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connu un réel succès dans la mesure où elles ont permis de rassembler les divers représentants politiques et
ministériels, la société civile et les professionnels autour de la problématique de l’éducation préscolaire.
La journée sur le diagnostic58 a permis de prendre connaissance des données les plus complètes et
les plus récentes sur l’état du préscolaire. Ainsi, ont été soulignées les difficultés que connaît ce secteur en
matière de multiplicité des tutelles, des programmes, des pratiques ainsi que des inégalités et des disparités
économiques, géographiques et entre les garçons et les filles.
Cette journée a permis, grâce au processus participatif qui a présidé à son élaboration de donner, à tous les
participants, la mesure réelle de la situation du préscolaire au Maroc et de les inviter à faire des propositions
réalistes pour contribuer au développement de ce secteur.
La seconde journée a permis l’élaboration d’une approche stratégique59 pour la généralisation de l’éducation
préscolaire. Dans le même esprit que lors de la première journée, les participants ont pu réaliser la complexité
du secteur et la nécessité de contribuer activement à l’objectif de généralisation. Chaque participant, au nom
de l’institution qu’il représentait, a fait connaître la contribution de son département ou de son organisation.
En résumé, ces deux journées ont surtout apporté au niveau global les prémices d’une culture de
concertation qui renforce l’idée de plus en plus évidente que l’éducation est l’affaire de tous.
Au niveau particulier, l’ensemble des participants a convergé vers la nécessité de réviser la date de
généralisation initialement prévue par la charte en 2004 et de la reporter à

Les concertations ont aussi permis de :


– Définir les premiers éléments de la nouvelle institution nationale d’éducation préscolaire ;
– Valider la vision pédagogique élaborée par l’équipe ATFALE, spécialiste dans le domaine, qui travaille sur
la matérialisation des objectifs de la charte ;
– Identifier les zones défavorisées dans le pays afin d’apporter un soutien particulier dans la promotion du
préscolaire ;
– Proposer des mécanismes qui permettent de maintenir la mobilisation du secteur privé et de la société
civile ;
– Proposer des procédures qui permettent la concertation permanente et soutenue entre les différents
ministères concernés.

La plupart des ministères concernés par le préscolaire disposent d’un ensemble d’expériences en matière
d’élaboration de programmes, de formation sur le tas, de formation continue, d’élaboration de manuels….
Le ministère de l’Education nationale, en particulier, a cumulé plusieurs réalisations dans le domaine de
l’éducation préscolaire avec l’aide des organismes internationaux (UNICEF, Fondation Bernard Van Leer, MEG/
USAID, Coopération Française, Coopération Belge) et des organismes nationaux (Faculté des Sciences de
l’Education, ATFALE). Ces expériences méritent une analyse savante afin de dégager les meilleures pratiques
conformément aux orientations philosophiques, pédagogiques et culturelles de la charte nationale d’éducation
et de formation.
Parmi ces expériences, nous pouvons citer celle de GKPS60/ATFALE qui a débuté en 1990 et qui est
toujours en cours. Elle a permis d’expérimenter différentes activités (formation sur le tas, formation continue,
création d’outils pédagogiques et de guides pour le préscolaire, mise en place de centres de ressources,
réseau de compétences…) en faveur des conseillers et des éducateurs des écoles coraniques et des
institutions préscolaires. Cette expérience a été validée après évaluation (en 1995) et fait, actuellement, l’objet

58. CHEDATI Brahim, FAIQ Mohammed, « L’enseignement préscolaire, diagnostic et perspectives », Mai 2003, MEN/COSEF
59. FAIQ Mohammed, CHEDATI Brahim , « Une approche stratégique pour le développement de l’éducation préscolaire » Juin 2003,
MEN/COSEF
60. Groupe Koranic Preschools. Ce groupe relevant du ministère de l’Education nationale a travaillé en coopération avec ATFALE dans le
cadre d’un projet d’innovation au sein des écoles coraniques.

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d’une généralisation à toutes les délégations du pays. Elle constitue un pôle de référence pour les organismes
internationaux qui opèrent dans ce domaine.
En conclusion, ces différentes opportunités montrent que la composante de l’enseignement préscolaire
dans la réforme est une réalité palpable. Ces opportunités représentent les premiers éléments qui pourraient
charpenter la stratégie pour atteindre la généralisation de l’éducation préscolaire.
Cependant, il règne un climat d’attentisme qui fragilise la mobilisation, la concertation et la coordination
des efforts afin d’établir de véritables plans d’actions réalistes et aptes à vaincre les obstacles et à atteindre
les objectifs.

D. Les freins
Les différentes déclarations et manifestations qui plaident en faveur de la généralisation du préscolaire
montrent qu’il existe une réelle conscience de l’importance de cette éducation précoce et une ferme volonté
d’atteindre cet objectif. Cependant les faits et les chiffres actuels nous invitent à nous interroger sur les
obstacles qui empêchent les différents acteurs concernés d’atteindre cet objectif de généralisation. Nous
distinguons deux types de facteurs : des facteurs généraux et des facteurs spécifiques.

Les facteurs généraux


L’appartenance du préscolaire au secteur privé entraîne des logiques et des pesanteurs différentes de
celles de l’enseignement fondamental qui relève du secteur public. Aussi, la généralisation de l’enseignement
préscolaire doit-elle être réfléchie autrement. Les approches qui ont permis les succès dans la généralisation
de l’enseignement primaire ne sont pas forcément les plus adaptées à l’enseignement préscolaire. Cette
différence est également liée à des facteurs historiques, politiques et sociologiques qui renforcent la
spécificité de ce secteur.
Historiquement, comme nous l’avons montré plus haut, l’accueil des enfants avant l’âge scolaire, dans
notre société, était confié aux écoles coraniques, depuis des siècles. Cette tradition a forgé, au plus profond
de nous-mêmes, une perception et des attentes particulières envers ces institutions. L’instauration d’une
école marocaine moderne, depuis le début du siècle, n’a pas concerné les enfants en âge préélémentaire. Au
contraire, les institutions qui accueillent cette tranche d’âge semblent avoir reçu de plein fouet les oppositions,
les paradoxes et les crispations (particulièrement au cours de la phase du Protectorat) qui caractérisaient les
confrontations entre l’enseignement moderne et l’enseignement traditionnel. Ce dilemme, bien qu’atténué
par la volonté royale en octobre 1968, reste encore perceptible de nos jours.
Politiquement, pendant le Protectorat, les différents plans concernant l’éducation n’ont pas franchement
inclu le secteur préscolaire. D’abord, parce qu’il ne répondait pas aux schémas sous jacents de la politique de
mainmise et de subordination. Ensuite, parce qu’à cette époque l’attention était focalisée sur l’école primaire
qui pouvait fournir des ouvriers qualifiés et des cadres pour l’administration. Enfin, l’école coranique faisait
partie des secteurs sensibles par son caractère identitaire et religieux.
Depuis l’indépendance, les crispations politiques qu’ont connues les différentes réformes et la difficulté
de généraliser l’enseignement primaire ont relégué ce secteur au second plan jusqu’à l’actuelle réforme qui
tente de remédier à cette profonde lacune.
Sociologiquement, la plupart des membres de notre société n’a pas encore intégré l’importance de
l’éducation préscolaire dans la réussite scolaire et dans le développement de la personnalité de leurs enfants.
Les objectifs de cette institution sont encore méconnus par une grande partie de la société y compris les
intellectuels eux-mêmes. N’ayant pas vécu cette étape de scolarité, la société marocaine n’a pas perçu
son intérêt. Beaucoup parmi nous pensent qu’il s’agit d’une éducation qui anticipe sur les apprentissages
fondamentaux. Très peu comprennent qu’il s’agit d’un lieu d’épanouissement des enfants et de préparation
aux apprentissages. La vie sociale commence dans les institutions préscolaires. Les valeurs et les pratiques
qui y sont véhiculées forgeront les générations de demain.

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Les facteurs spécifiques
L’absence d’une formation initiale des éducateurs, des conseillers et des cadres reste un des freins
fondamentaux au développement de ce secteur. Cette formation doit faire l’objet d’une réflexion approfondie
entre décideurs, spécialistes et formateurs afin de développer un concept cohérent centré sur l’intérêt de
l’enfant et inspiré des fondements et des finalités de la charte.
La déclaration de l’enseignement obligatoire61 à partir de six ans peut donner à penser que l’enseignement
préscolaire n’est pas très important pour la réussite scolaire de l’enfant. Or, dans notre pays où il existe une
diversité linguistique et où la tradition de scolarisation des enfants n’est pas encore ancrée, le préscolaire a un
rôle essentiel à jouer.

Les inégalités flagrantes qui affectent le secteur préscolaire sont loin de favoriser l’égalité des chances
prônée par la charte. En effet, aujourd’hui ce secteur cristallise les contradictions et les paradoxes de notre
société. Par ailleurs, plusieurs facteurs entravent l’essor de ce secteur :
– La vision pédagogique centrée sur l’intérêt de l’enfant, en concordance avec les finalités et les principes
fondamentaux de la charte et des conventions dont le Maroc est signataire, est très peu connue des
éducateurs et des parents ;
– La rareté des outils, des documents et des guides dans le domaine de l’éducation préscolaire ne
facilite pas la diffusion de la vision éducative et des méthodes pédagogiques spécifiques à l’éducation
préscolaire ;
– L’absence d’un cadre qui définit plus clairement le statut, l’autorité, la fonction et les responsabilités
des différents partenaires (politiques, gestionnaires, financiers) et des différents acteurs (parents,
inspecteurs, directeurs, éducateurs…) empêche le décollage de ce secteur ;
– Le cloisonnement existant entre les différents partenaires potentiels (décideurs, cadres, chercheurs,
acteurs sur le terrain…) ne favorise pas la circulation de l’information et l’élaboration de plans
d’actions concertés. La dispersion des efforts des différents intervenants (institutionnels, coopération
internationale, compétences nationales) ne permet pas le cumul des expériences et la capitalisation des
acquis indispensable au développement de ce secteur. Aussi, n’est-il pas rare d’observer la répétition
des expériences, particulièrement avec les organismes de coopération internationale, par les mêmes
départements ministéριels ;
– Enfin, les conditions prônées par la loi 05.00 et les circulaires semblent défavoriser la généralisation de
l’enseignement préscolaire particulièrement dans les zones rurales qui n’arrivent pas à satisfaire toutes
les conditions exigées par les cahiers de charges (électricité, aération…).
Tous ces éléments constituent des obstacles qui risquent de continuer à freiner le développement et la
généralisation de l’éducation préscolaire pour les années à venir.

61. M. BERDOUZI, relève dans la charte, une incohérence juridique et pédagogique relative à la non obligation de l’éducation préscolaire.
Voir « Rénover l’enseignement : de la charte aux actes » édition Renouveau, Rabat, 2000, p. 47 à 52.

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QUELQUES RÉFLEXIONS

A partir des opportunités et des freins que nous venons d’exposer nous souhaitons souligner le
caractère complexe et spécifique du secteur de l’éducation préscolaire dans notre pays, complexe par
la multiplicité des forces qui l’animent et spécifique par son histoire et par la nature de son évolution.
Il nous paraît important d’attirer l’attention des décideurs sur la nécessité de lui porter une
attention particulière, à l’heure actuelle, en le considérant dans sa spécificité qui exige une analyse,
une mobilisation et une contribution d’un genre différent. Nous pensons que ce secteur doit avoir un
traitement et une approche qui diffèrent de celles prônées dans la généralisation de l’enseignement
primaire.
Les différents obstacles exposés diminuent les chances de généralisation du secteur préscolaire
et fragilisent la détermination des décideurs et des responsables de ce secteur à atteindre leurs
objectifs.
Il nous paraît important, pour atteindre les objectifs de la généralisation du préscolaire en
2006/2007 d’accorder une attention particulière à la qualité de l’éducation qui va être dispensée
dans les institutions préscolaires. Nous pouvons avancer, sans trop de risque de nous tromper que la
généralisation de ce secteur ne supporterait pas les approches courantes qui consistent à soutenir le
développement quantitatif puis de se préoccuper du qualitatif. Nous soutenons que le développement
du préscolaire, dans notre pays, compte tenu de sa spécificité historique (école coranique/ éducation
préscolaire), sociologique (secteur privé, absence de compétences, faiblesse de stratégies cohérentes
et efficientes) et économique (investissement à long terme, contributions multiples) a besoin d’une
approche scientifique, participative et libérée de toute idéologie partisane évitant les stratégies
unilatérales et centrant l’intérêt exclusivement sur l’enfant d’aujourd’hui et de demain.
La généralisation du préscolaire dans les normes et les conditions sus-citées doit considérer la
phase à venir comme une étape fort importante. Celle-ci a besoin d’un plan d’ingénierie spécial qui
investit la généralisation de manière approfondie et continue.
Nous pensons que le développement de l’éducation préscolaire est une opportunité unique car il peut
constituer un véritable laboratoire pour la rénovation de l’école et pour la matérialisation des objectifs
de la réforme. C’est l’occasion de construire un édifice en s’appuyant sur l’approche systémique en vue
d’expérimenter et de capitaliser les acquis dans l’esprit de la charte, de la réforme du système éducatif
et des différentes manifestations organisées dans le domaine. Il s’agit d’impliquer toutes les parties
concernées (politiques, cadres, gestionnaires, financiers, chercheurs, parents et éducateurs) afin de
matérialiser les fondements et les finalités de la nouvelle école nationale préscolaire particulièrement
dans l’appropriation de l’école par tous et l’investissement de tout un chacun dans son développement
et dans sa réussite. Le tiraillement dû à la multiplicité des intervenants doit devenir un projet collectif
de développement par tous et pour tous.
Il est urgent, pour ce faire, de réfléchir sur l’ingénierie de pilotage investie exclusivement dans
le domaine, en ayant une vision claire de l’éducation préscolaire et une stratégie participative
assurant l’implication de tous les acteurs potentiels afin de concevoir, de réaliser et de réajuster
chemin faisant un plan d’action national pour la généralisation de l’enseignement préscolaire.
Cette organisation devrait bénéficier du soutien politique le plus fort et le plus large et du pouvoir d’activer
les moyens disponibles pour accomplir sa tâche dans un délai défini. Elle devrait être comptable de ses
actions et de ses résultats devant les hautes autorités chargées de l’application de la réforme.
Enfin, nous restons persuadés que la généralisation de l’enseignement préscolaire est
un objectif qui est actuellement à la portée de notre pays. Il s’agit de transformer les freins
en opportunités, les faiblesses en force, la dispersion en coordination et la multiplicité en
harmonie.

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3. Evolution du Secteur Préscolaire
3.1. La situation de 1955 à 2004
Au lendemain de l’indépendance, il n’existe pas de données chiffrées relatives à la préscolarisation. La
mise en place des statistiques prendra du temps. Pendant la première décennie, les chiffres des enfants qui
fréquentent les écoles primaires commencent à être connus, contrairement à ceux qui fréquentent les écoles
coraniques.
La réforme des Kouttab coraniques a pour effet d’instituer un cadre administratif qui commence à livrer
des données plus ou moins précises sur ce secteur. Nous proposons dans les tableaux ci-dessous de relater
la progression des chiffres relatifs au préscolaire concernant le nombre d’enfants, le nombre d’éducateurs et
le nombre de personnels encadrants (conseillers, inspecteurs, coordonnateurs).

Evolution des données relatives aux établissements coraniques préscolaires62

1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2004

Enfants 293 612 375 576 583 868 693 738 778 766 787 682 817 054 684 783
Filles / / / / / 242 092 284 978 260 588
Garçons / / / / / 545 590 532 076 424 196
Educateurs 14 333 30 576 29 366 32 811 38 247 37 844 43 621 34 556
Conseillers / / / 265 429 491 / 319
Inspecteurs / / / / / 14 / 11
Coordonnateurs / / / / / / 31 29

3.2. Situation actuelle des institutions préscolaires


La situation des établissements préscolaires se caractérise principalement par la multiplicité des structures
d’accueil, des institutions de tutelle, des finalités et des approches éducatives63. Les différentes études et
analyses réalisées dans ce domaine nous livrent les données synthétisées dans le tableau qui suit :

62. Ministère de l’Education Nationale


63. Voir B. EL ANDALOUSSI, « La situation du préscolaire au Maroc », Actes du colloque international sur l’éducation préscolaire,
Université Mohamed V Faculté des Sciences de l’Education, ATFALE, Novembre 1997.
Voir aussi M. FAIQ et B. CHEDATI, « L’Enseignement préscolaire : Etat des lieux et propositions »; COSEF/MENJ Février 2003.

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3.2.1. Caractéristiques générales des institutions préscolaires

Nous nous limitons dans cette partie à reprendre les caractéristiques générales des institutions préscolaires
actuelles afin de souligner leur rôle dans le développement humain. Actuellement, nous disposons de plusieurs
travaux de diagnostic qui renseignent suffisamment sur l’état de ces institutions64. Il apparaît que les infrastructures
des établissements accueillant les enfants en âge préscolaire sont loin de répondre à leurs besoins.
L’équipement traditionnel de l’école coranique (natte et planches en bois) a été abandonné au profit de
pupitres, de bancs et d’un tableau. Les locaux ne sont que très rarement conçus pour faire fonction d’institution
préscolaire. Ils se situent souvent au rez-de-chaussée d’une maison ou d’un appartement aménagés en salles
de classe. Dans le rural, la majorité des établissements comportent une pièce unique située dans une maison
en pisé ou dans un local adossé à une mosquée.
L’organisation de la classe est à l’image d’une école primaire traditionnelle, c’est à dire avec des rangées
de pupitres face au tableau. L’équipement pédagogique des enfants se résume à une ardoise et à un manuel
qui est souvent celui utilisé en première année du primaire.
Les classes sont prévues pour accueillir un maximum d’enfants et la plupart ne disposent pas d’une cour
intérieure ou extérieure ; ce qui limite les moments de récréation ou les activités physiques. Les équipements
de base manquent particulièrement dans le rural et dans le péri-urbain (eau courante, électricité, aération,
sanitaires).

64. EL ANDALOUSSI, K. 1995 ; EL ANDALOUSSI, B. 1997; BENELAZMIA, A. 1998 ; CHEDATI, B. , FAIQ, M. 2003

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L’aménagement des établissements est conditionné par le modèle éducatif scolaire qui reste largement
dominant et façonne la relation éducative et les modes d’apprentissage dans ces institutions. Il rend difficile
toutes possibilités de mouvements des enfants. Ces derniers sont entassés et ne peuvent satisfaire leurs
besoins d’agir, d’explorer et de se mouvoir. Selon le diagnostic réalisé par Chedati,B et Faiq,M,65 à peine le
tiers des établissements urbains et périurbains disposent de pupitres individuels et de tables rondes adaptés
aux enfants contre environ 10% en milieu rural.
Ces institutions rencontrent de graves problèmes financiers qui expliquent la fragilité de ce secteur. La
quasi totalité des frais d’écolage payés par les parents est engloutie dans les dépenses de fonctionnement de
l’institution préscolaire et, particulièrement, dans le coût du loyer. Ce manque de moyens explique l’absence
totale d’investissement dans le matériel pédagogique nécessaire aux activités pédagogiques.

3.2.2. Les ressources humaines : le potentiel actuel


Actuellement, le Maroc dispose d’un potentiel humain impliqué, à divers niveaux, dans le domaine
de l’éducation préscolaire : des chercheurs ayant investi le domaine depuis une vingtaine d’années, des
consultants ayant analysé la situation, des lauréats de la Faculté des Sciences de l’Education spécialisés dans
l’éducation préscolaire, des inspecteurs et des conseillers ( øjó≤Øàe ) relevant du Ministère de l’Education Nationa-
le. Parallèlement, le secteur privé, dispose de personnes ressources qui se sont spécialisées dans le domaine
et qui ont développé des compétences certaines. Ces ressources humaines sont en nombre limité mais, elles
ont le mérite d’avoir contribué à porter l’éducation préscolaire à sa reconnaissance officielle. Elles représentent
un premier potentiel sur lequel il est possible de s’appuyer pour le développement de ce secteur.

A. Les chercheurs
Depuis 1986, l’équipe ATFALE composée de chercheurs et de spécialistes dans le domaine de la petite
enfance, a mené une recherche-action pour introduire des innovations dans l’éducation préscolaire. La
vision novatrice et l’approche participative développées au sein de l’équipe ont permis de cumuler une riche
expérience pédagogique dans le domaine. La capitalisation de cette expérience s’est construite à travers :
– Les partenariats avec les ministères concernés par l’éducation préscolaire66 ;
– L’expérimentation et la systématisation de systèmes de formation adaptés aux éducateurs sur le terrain ;
– La formation initiale des éducateurs spécialisés en éducation préscolaire au sein de la faculté des
Sciences de l’éducation ;
– Les productions pédagogiques (documents éducatifs, guides67 du préscolaire répondant aux besoins
des éducateurs sans formation de base et aux éducateurs en cours de formation, outils pédagogiques à
moindre coût…) ;
– L’organisation de manifestations scientifiques (trois colloques internationaux, plusieurs séminaires de
formation …) ;
– Les productions scientifiques (actes des colloques, articles, mémoires, thèses…).

Ces différents travaux de l’équipe ATFALE ont donné l’occasion à de nombreux chercheurs et formateurs
d’approfondir leurs connaissances et de les investir dans le domaine du préscolaire. Ceci a permis d’élargir le
vivier des compétences dans le domaine.

65. L’enseignement préscolaire : états des lieux et propositions, COSEF\MEN, mars 2003
66. De 1986 à 1989 avec le ministère de la Jeunesse et des Sports et, depuis 1990, avec le ministère de l’Education Nationale.
67. Actuellement, l’équipe ATFALE est en train de finaliser une valise pédagogique contenant une trentaine d’éléments en vue de soutenir
les formateurs, les conseillers et les éducateurs dans le domaine. Ce travail, soutenu par la Fondation Bernard Van Leer, l’UNICEF et la
Coopération Française est validé par le MEN.

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B. Les consultants
Les différents rapports et évaluations commandés par les ministères et les organismes internationaux
ont donné l’occasion à des consultants nationaux de parfaire leur savoir dans ce domaine et de perfectionner
l’analyse et la connaissance de la situation du préscolaire dans notre pays.

C. Les lauréats de la Faculté des Sciences de l’Education


A la Faculté des Sciences de l’Education, trois promotions d’une vingtaine d’étudiants chacune (1995-
1998), ont pu bénéficier d’une formation de deux années en éducation préscolaire. Actuellement, 29 des
lauréats de cette formation ont été intégrés dans le secteur du préscolaire, dans différentes délégations
régionales. Après avoir acquis une formation universitaire, leur intégration dans les délégations leur a permis
de développer une bonne connaissance de la réalité du terrain. Ils ont pour fonction l’animation de formations
dans les centres de ressources au profit des conseillers et des éducateurs.

D. Les conseillers pédagogiques et les inspecteurs


Le statut de conseiller fut créé immédiatement après le lancement de la réforme des écoles coraniques68.
Au départ, le profil des conseillers favorisait des personnes âgées ayant exercé la fonction d’instituteur
pendant vingt-cinq ans en moyenne et ayant les qualités nécessaires pour l’éducation préscolaire : la
connaissance parfaite du Coran et les vertus morales. Parmi eux, nous trouvons également des lauréats des
medersas connaissant essentiellement le Coran.
Actuellement, le ministère est plus regardant quant aux conditions requises pour le recrutement. Il privilégie
les instituteurs plus jeunes ayant une connaissance des concepts de base de la religion islamique, d’une partie
du Coran, et possédant une bonne culture générale. Le conseiller pédagogique doit être lauréat du Centre de
Formation des Instituteurs et avoir une expérience d’animation et de communication69. Tous les conseillers sont
des fonctionnaires du Ministère de l’Education Nationale. Ils sont affectés dans les différentes délégations du
pays. Leur fonction reste quelque peu indéfinie. Elle oscille entre le rôle de l’inspecteur et celui du conseiller
pédagogique. L’absence d’un statut officiel favorise le flou institutionnel et complique leurs tâches. Les
conseillers ont la charge d’encadrer en moyenne quatre-vingt-dix Kouttab70. En plus du contrôle administratif et
pédagogique, ils doivent assister l’action éducative des éducateurs : conseils, animations d’activités, résolution
de problèmes... Le nombre de conseillers, en progression constante de 1985 à 1995, affiche une forte baisse
en 2004. Ce corps de conseillers exclusivement masculin depuis sa création, connaît une féminisation très
récente qui reste encore très timide. Il compte actuellement 18 conseillères sur un total de 319.
En 1992, seize inspectrices ont rejoint la cohorte des conseillers pour soutenir leurs actions et contribuer au
développement de l’éducation préscolaire. Bien que formées pour le travail d’inspection dans l’enseignement
primaire, les inspectrices ont tenté de fournir un réel effort dans le domaine de l’éducation préscolaire.
Cependant, elles ont dû faire face à la résistance de quelques conseillers opposés aux changements et à la
féminisation des responsables de ce secteur.

E. Les éducateurs
L’image du vieux fkih est en voie de disparition particulièrement dans les villes et les petits centres urbains.
La réforme qui a impulsé l’introduction de nouvelles activités éducatives dans les kouttab, a conduit à la
68. A. LHOUCINE, op cité, p. 42.
69. Note de Service, Direction de l’Enseignement Fondamental, ministère de l’Education nationale.
70. Ce chiffre peut cacher une disparité que relève l’étude de A. BEN EL AZMIA, lorsqu’il examine le nombre de fois qu’un conseiller visite
un éducateur dans son Kouttab. L’auteur pense que cette disparité « s’accentue si l’on distingue les conseillers qui exercent en milieu
urbain avec une moyenne de 35 écoles coraniques / par conseiller, de ceux en milieu rural avec une moyenne de 170 écoles coraniques /
par conseiller » . in, « La situation de l’école coranique au Maroc », op cité, p. 74.

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constitution d’un nouveau corps d’éducateurs. Les éducateurs d’un âge avancé, se voient dans l’obligation
de recruter des jeunes en rupture de scolarité pour faire face à la demande des parents qui réclament de
nouveaux apprentissages pour leurs enfants.
Actuellement le corps des éducateurs est particulièrement hétérogène quant à sa formation académique :
la plus grande partie d’entre eux a un niveau scolaire qui dépasse de peu la fin de l’école primaire, un tiers
environ a un niveau d’instruction secondaire, peu possèdent le baccalauréat et une infime partie ont des
diplômes universitaires. Le niveau d’instruction peu élevé et hétérogène pose de nombreuses difficultés pour
l’organisation de leur formation.
A. Ben El Azmia71, confirme nos observations quant à la vision éducative du maître. L’éducateur exerce
souvent son métier sans formation spécifique et a tendance à reproduire ce qu’il a retenu du modèle de
l’enseignement primaire qu’il a vécu lui-même. Plus de la moitié des éducateurs ne font aucune distinction
dans les âges des enfants, ils s’adressent indifféremment à tous les enfants, dans toutes les activités. Cette
attitude éducative est renforcée par le fait qu’un bon nombre d’établissements ne dispose que d’une seule
salle qui accueille les enfants de tous les âges.
La relation éducative est calquée sur le modèle scolaire. Les éducateurs accordent une importance élevée
aux activités scolaires, et n’accordent que peu d’intérêt aux activités d’éveil.
Le métier d’éducateur largement masculin à l’origine, particulièrement dans les zones rurales, tend de plus
en plus à se féminiser. En 1994, le taux d’éducatrices était de 25%, il est aujourd’hui de 48% du nombre total
des éducateurs (15452 éducatrices sur un total de 33810).
La rémunération dans ce secteur est très peu alléchante, elle est soumise à la loi d’un marché sans règles
et très peu organisée. Dans les établissements qui fonctionnent correctement, la rémunération représente en
moyenne le tiers du salaire d’un instituteur débutant.

3.2.3. Les enfants


Depuis la récente réforme, les enfants rejoignent l’école primaire à partir de six ans. L’abaissement de
l’âge de recrutement des enfants dans le primaire devrait contribuer à mieux clarifier les frontières entre
l’âge scolaire et l’âge préscolaire et à mettre fin à l’excès de scolarisation précoce pratiqué par les institutions
préscolaires.
Les institutions préscolaires accueillent officiellement les enfants de quatre à cinq ans. Mais, dans la réalité,
nous assistons à deux phénomènes : la présence d’enfants plus jeunes, quelquefois même des bébés, et la
présence d’enfants âgés de plus de six ans dans les institutions rurales. Dans l’étude72 sur les institutions
préscolaires, les données montrent que les enfants de la ville accèdent au préscolaire coranique vers trois
ans et ceux du rural vers quatre ans. Les enfants de la ville quittent, dans leur majorité, l’établissement pour
rejoindre l’école primaire. Dans les zones rurales, quand il n’y pas d’école à proximité, ou quand l’école n’est
pas accessible, les enfants s’attardent dans le kouttab parfois sans fréquenter l’école primaire.

3.2.4. Les pratiques pédagogiques


Il faut rappeler que les éducateurs n’ont aucune formation initiale. Dans le meilleur des cas, ils ont suivi une
semaine de sensibilisation et s’appuient sur les manuels qui existent sur le marché. Le manuel le plus utilisé
est celui publié par le ministère. La conception de ce manuel et la vision pédagogique des conseillers suscitent
chez les éducateurs des attitudes éducatives scolaires. Néanmoins, quelle que soit la source, les éducateurs
en milieu urbain peuvent trouver des références nécessaires à leur travail. Ils disposent d’une gamme assez

71. Idem, p. 66.


72. BENELAZMIA, 1998, p. 57.

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large d’activités éducatives qu’ils peuvent agencer à leur guise pour animer la classe. Cependant, la plupart
des éducateurs parlent plus d’instructions officielles, de programme à suivre que d’objectifs à atteindre. La
structure administrative et scolaire prend le pas sur les activités, les besoins et les motivations des enfants.
Ce fait est renforcé par les parents des classes défavorisées qui pensent que la précocité des apprentissages
scolaires est bénéfique pour leurs enfants.
La plupart des éducateurs considèrent la lecture, l’écriture et le calcul comme des activités essentielles.
Les activités d’éveil ainsi que les activités scientifiques et technologiques ne sont que rarement pratiquées.
Le jeu est perçu comme une détente ou une distraction, bien méritées, auxquelles l’enfant a droit après un
effort studieux.
Là aussi le regard des parents est très pesant. En tant que pourvoyeurs de fonds, ils détiennent une forte
influence sur les choix pédagogiques de l’établissement. Leur satisfaction constitue la grande préoccupation
des éducateurs. Quelle que soit l’activité, l’éducateur tente d’enseigner ce qui lui semble convenable, pour
satisfaire les parents, sur un mode d’apprentissage scolaire statique, sans différenciation de l’âge de l’enfant.
Ignorant le travail individualisé ou avec un petit groupe d’enfants, il s’appuie sur la répétition à voix haute. Ainsi,
l’éducateur inculque quelques bribes de connaissances que les enfants finissent par mémoriser.
On constate que la tendance éducative dans les kouttab préscolaires, grâce à la diversification des activités,
s’éloigne de l’approche éducative dans le msid. Mais, les méthodes et les contenus éducatifs, l’organisation
de l’espace et du temps, demeurent sur le mode scolaire. Les pratiques éducatives visent les apprentissages
scolaires, sans préalables ni préparation. Elles ne répondent pas aux exigences de l’éducation préscolaire
basées sur les activités d’éveil, de stimulation intellectuelle, de socialisation etc.

3.3. Les différentes expériences dans le domaine de l’éducation préscolaire


Le secteur de l’éducation préscolaire a connu un large soutien financier et technique des organismes
internationaux depuis l’opération des écoles coraniques lancée dans les années 70.
La focalisation des différents gouvernements qui se sont succédé depuis l’indépendance sur la
généralisation de l’enseignement primaire n’a pas permis d’accorder l’intérêt nécessaire au secteur
préscolaire.
Nous proposons de relater les différentes expériences dans ce domaine, des organismes internationaux et
nationaux, qui ont apporté un soutien en vue d’élaborer des modèles pour le développement de ce secteur.

3.3.1. UNICEF
L’UNICEF a apporté un soutien important à « l’opération écoles coraniques » à partir de 1975. Ce soutien
s’est particulièrement concrétisé par :
– La sensibilisation des éducateurs en service. Elle a connu deux phases. De 1975 à 1978, 420 éducateurs
ont bénéficié de cette sensibilisation et de 1986 à 1989, 2000 éducateurs en ont bénéficié. Ces
formations / sensibilisations ont été encadrées par des instituteurs en fin de carrière sous la responsabilité
d’inspecteurs du service central du Ministère de l’Education Nationale ;
– La réalisation par des inspecteurs du primaire d’un manuel pour les deux niveaux du préscolaire.

Parmi les conclusions tirées par l’auteur73 de l’étude évaluative de ce partenariat UNICEF et MEN, nous
pouvons lire les constats suivants :

73. A. Ben El Azmia, 1989, Op cité.

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– Les stages de formation n’ont pas amené aux résultats escomptés. Les éducateurs n’ont pas tiré profit
de ces formations pour développer la prise d’initiative et l’esprit créatif ;
– Le châtiment corporel reste un mode de sanction très présent dans le fonctionnement pédagogique ;
– Les apprentissages scolaires sont introduits dès l’âge de trois ans ;
– Les parents ne sont pas impliqués dans l’éducation de leurs enfants ;
– Les conseillers véhiculent les principes traditionnels de l’école primaire.

Le bilan du soutien de l’UNICEF à « l’opération école coranique » a été mitigé. D’une part, le choix de
s’appuyer sur le personnel du Ministère de l’Education Nationale, sans l’appui d’experts en matière du
préscolaire, s’est avéré très limité. L’approche pédagogique74 reposait exclusivement sur des cours magistraux
de pédagogie et de psychologie, donnés par des inspecteurs et des conseillers n’ayant eux-mêmes ni la
formation ni l’expérience de l’éducation spécifique au préscolaire.
L’UNICEF n’a pas proposé de modèle de fonctionnement adéquat à ces institutions, courant ainsi le risque
de voir se répéter des pratiques propres à l’enseignement primaire.
Néanmoins, cette coopération a pu sensibiliser le corps enseignant aux nouveaux domaines concernant
l’âge préscolaire. Le débat s’est déplacé de la défense d’une institution ancestrale à la conscience de
l’inadaptation des méthodes pédagogiques. Ce déplacement est un fait important car il ouvre le champ à une
nouvelle réflexion et à de nouvelles pratiques dans ce domaine. L’idéologie semble avoir cédé la place au
travail pédagogique. Au niveau des concepts, le mot Kouttab est de moins en moins utilisé en faveur du mot
« enseignement élémentaire ». Mais enseignement tout de même.
Par ailleurs, ce partenariat UNICEF/MEN a maintenu les services concernés du ministère dans une
dynamique de réflexion et de changement.
Les différents rapports engagés par l’UNICEF et le MEN ont permis d’avancer dans la connaissance de
l’état des lieux de ce secteur.
Actuellement, l’UNICEF se concentre surtout sur la scolarisation des petites filles. Elle soutient depuis
2000, l’éducation préscolaire, dans les différentes zones rurales de son intervention.

3.3.2. Coopération française


La coopération française, avec le projet 97/SN/BAJ (Barnamaj Awlawiat Jtimaia), mené de 1997 à 2002, a
contribué à l’ouverture de 38 classes préscolaires intégrées au primaire dans quatre délégations du Ministère
de l’Education Nationale. Elle a organisé des formations d’éducatrices et des échanges entre institutions
préscolaires françaises et marocaines. Elle a contribué à introduire des activités pédagogiques nouvelles
adaptées à la spécificité du préscolaire.
Ce projet a permis de mettre en œuvre la décision ministérielle d’introduire des classes préscolaire au
sein des écoles primaires75. Par ailleurs, les instituts français proposent depuis une dizaine d’années des
formations en faveur des jardins d’enfants des grandes villes du Maroc.
Actuellement dans le cadre du projet APEF, la coopération française en partenariat avec l’équipe ATFALE,
expérimente au niveau des académies le développement de classes préscolaire dans des écoles publiques et
la décentralisation de la formation.

74. K. Bouzoubaa, « Rénover le préscolaire coranique au Maroc » op. cité


75. Groupe thématique éducation, Commission diagnostic préscolaire, Document 27 février 2003

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3.3.3. Projet MEG /USAID
Le Projet MEG/USAID (Morocco Education for Girls/United States Agency for International Development),
avait pour objectif de rendre l’environnement de l’école plus accueillant pour que les filles continuent à la
fréquenter et poursuivent leurs études.
Pour renforcer cette scolarisation et suite à la demande de la communauté, le projet MEG/USAID a mis en
place des classes préscolaires dans deux provinces pilotes (Errachidia et Ouerzazate). ATFALE a été sollicitée
pour assurer simultanément la formation en éducation préscolaire d’un noyau d’éducateurs et d’instituteurs
de première année. Ce public cible a ensuite formé d’autres personnes dans leurs provinces respectives et
dans les autres provinces pilotes. Actuellement, les Associations des Parents et Tuteurs d’Elèves (APTEs)
gèrent 32 écoles pilotes dans 8 provinces76.
Une des conclusions fortes de ce projet est de souligner qu’une « éducation de qualité pour tous
n’est pas une vision inaccessible si les communautés peuvent être mobilisées et les questions relatives à
l’enseignement analysées avec soin et traitées avec rigueur…Il est impératif non seulement que le système
éducatif fasse plus mais qu’il fasse également les choses différemment »77.

3.3.4. Coopération avec la Wallonie-Bruxelles


La coopération avec la Wallonie-Bruxelles, soutient l’éducation préscolaire dans son programme en
proposant de partager son expérience dans le domaine. Elle organise la formation continuée des formateurs
centraux, en s’appuyant sur l’équipement des Centres de Ressources en documents et en outils pédagogiques.
Elle met, depuis une année, une formatrice permanente à la disposition du ministère pour appuyer la mise en
place d’un centre d’expérimentation didactique.

3.3.5. ONG ASSBI


L’ONG ASSBI, dans la province de Chefchaouen a bénéficié du soutien de l’UNICEF et de l’équipe ATFALE
pour la création d’une cinquantaine de structures préscolaires communautaires. Cette expérience menée
par une ONG nationale mérite qu’on s’y arrête car son modèle « s’avère très prometteur. Il est générateur
de synergies à caractère communautaire entre différents partenaires dans le cadre d’une vision intégrée de
développement »78.
L’approche est basée sur la mobilisation communautaire et la synergie entre les différents acteurs : les
responsables du projet, les parents, les instituteurs, les éducateurs, les élus locaux…

3.3.6. ATFALE / FBVL


L’Equipe ATFALE mène depuis 1986, avec le soutien de la Fondation Bernard Van Leer (FBVL) une
recherche-action, en partenariat avec les ministères concernés par le domaine de la petite enfance au Maroc.
Elle a fortement contribué à l’élaboration du concept d’un préscolaire de qualité adapté à la réalité marocaine
et répondant aux besoins spécifiques de l’enfant. L’équipe ATFALE a mis en place, réalisé et évalué des
programmes visant la structuration du préscolaire au Maroc avec :

76. « Plaidoyer pour le préscolaire en milieu rural », table ronde MEG- ATFALE sur le préscolaire en milieu rural 25 juin 2001.
77. M. RYAN John, introduction du même document.
78. Evaluation des Activités Educatives du Cycle de Coopération 1997-2001, Programme de Coopération Gouvernement / UNICEF,
Rapport de synthèse, A. Akesbi, Mars 2002, p. 40

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– Le Ministère de la Jeunesse et Sports de 1986 à 1989 et le Ministère de l’Education Nationale, de 1990
à 2004 ;
– ATFALE œuvre, dans une perspective de construction institutionnelle, de production scientifique et
pédagogique et de formation–développement. Ces activités reposent sur :
• L’ancrage institutionnel des structures et des ressources humaines en développant des stratégies
innovantes qui visent à en augmenter l’efficacité et le rendement ;
• L’implication des différents acteurs du projet dans un esprit de partenariat ;
• Il s’agit d’expérimenter de nouveaux rapports hiérarchiques basés sur des contrats de résultats dans
lesquels chacun a sa part d’initiative, de concertation et de responsabilité. Une fois que les attentes
et les moyens pour y parvenir ont été fixés, chaque acteur, selon sa fonction, est redevable de résul-
tats ;
• Le moindre coût. Toutes les expérimentations qui sont proposées (équipement des classes présco-
laires, outils et documents pédagogiques, formations…) prennent en considération le facteur « coût ».
Il ne s’agit pas de développer un préscolaire onéreux mais de favoriser l’autonomie de l’éducateur
dans la production de ses outils pédagogiques. Ainsi, les personnes qui bénéficient directement des
acquis du projet diffusent leurs acquis auprès de leurs collègues. Elles deviennent des personnes
ressources sur lesquelles le ministère peut s’appuyer pour la diffusion des résultats. Ce devoir de « re-
devabilité » vis à vis des autres personnes favorise l’effet démultiplicateur et l’émergence d’expertise
locale ;
• La communication vise à améliorer l’efficacité du travail, la réactivité et la diffusion des résultats du
projet. Elle permet également de valoriser le travail de qualité et les personnes qui en sont à l’origine.
Elle permet l’émergence de nouveaux liens institutionnels basés sur la responsabilisation et la coo-
pération ;
• Une politique volontaire d’échanges et de communication constitue la base de l’implication de tous
les acteurs concernés par le préscolaire. Elle permet de rompre le schéma ordonnateur/exécutant en
amenant tous les acteurs concernés à partager une vision commune du développement du présco-
laire au sein du système éducatif. Elle renforce l’efficacité du pilotage des activités et installe les
prémisses d’une bonne gouvernance ;
• Elle permet de faire remonter au plus haut niveau ministériel l’état d’avancement des travaux du ter-
rain afin que des mesures institutionnelles réactives puissent être prises en cas de nécessité. Elle
favorise la diffusion des acquis du projet.

Depuis 1997, le Ministère de l’Education Nationale a adopté l’approche et la méthodologie élaborées en


partenariat avec ATFALE et a décidé de généraliser l’expérience sur le territoire national.
L’équipe ATFALE a également participé à plusieurs projets de développement du préscolaire avec des
organismes internationaux. Parmi les plus importants nous citons : UNICEF, Coopération Française, MEG/
USAID,

Parmi les productions notables de l’équipe ATFALE, nous citons :


– L’organisation des colloques79 nationaux et internationaux, afin d’élargir les connaissances théoriques et
pratiques dans le domaine de l’éducation préscolaire ;
– Les productions pédagogiques en vue de soutenir le travail éducatif des formateurs et des éducateurs.
Dans ce cadre une série de 11 guides d’activités pour le préscolaire en français et en arabe, avec

79. « Colloque maghrébin sur l’éducation préscolaire ». en collaboration avec la Fondation Bernard Van Leer et l’Unicef, 1992
« Journées internationales audiovisuelles sur l’éducation préscolaire ». en collaboration avec la Fondation Bernard Van Leer , 1994
« Colloque international sur l’éducation pré-scolaire ». en collaboration avec la Fondation Bernard Van Leer et le service de
coopération de l’Ambassade de France, 1997

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l’appui de la FBVL, de l’UNICEF de l’Ambassade de France, de l’Ambassade du Canada et de l’OMS.
Actuellement, ces guides sont réactualisés dans le cadre de la réalisation d’une valise pédagogique qui
contient une trentaine d’éléments indispensables au travail pédagogique des éducateurs ;
– L’équipe a aussi réalisé un film pédagogique en 1994 pour illustrer sa vision éducative innovante, centrée
sur les besoins de l’enfant et permettant sa participation active ;
– Les productions scientifiques80, concernant les innovations promues par les participants au projet,
les évaluations des différentes phases du projet et la théorisation des processus et des approches
participatives de la recherche-action.

Par ailleurs ATFALE rend régulièrement compte de ses travaux dans de nombreuses publications
pédagogiques et scientifiques nationales et internationales. Elle fait partie d’un réseau d’experts internationaux
spécialisés dans la petite enfance.

4. Perspectives
Dès l’adoption, en 1999, de la Charte Nationale pour l’Education et la Formation, il a été décidé que
l’éducation devienne une priorité nationale pour les dix années à venir. Compte tenu du très lourd retard
enregistré dans ce secteur, les premiers efforts furent tous centrés sur la généralisation de l’enseignement
fondamental. La Charte prévoit pourtant que l’éducation préscolaire constitue la première étape du premier
cycle fondamental, et sa généralisation était initialement prévue en 2004. Elle a été finalement repoussée à
2007.
L’influence majeure de l’éducation préscolaire sur l’amélioration de la qualité de l’éducation et son impact
sur l’inscription et la rétention des élèves dans le système éducatif ne sont que très peu pris en considération
jusqu’à présent. Certes, la construction du cadre juridique81 a levé, pour la première fois dans notre pays, le
doute sur la volonté politique réelle de développer ce secteur. Il ne s’agit plus de répéter inlassablement les
intentions de rénover ce secteur. Il s’agit de mener une politique qui permette de définir les orientations et
l’encadrement de l’éducation préscolaire, étape première dans l’enseignement fondamentaL.
Actuellement, environ cinq enfants sur dix, entre 4 et 6 ans, bénéficient d’une éducation préscolaire.
Les institutions d’accueil relèvent entièrement du secteur privé et trouvent leur financement dans les frais
d’écolage qui sont à la charge totale des familles. Ce mode de fonctionnement explique les grandes diversités
et la disparité qui existent dans ce secteur. En effet, les classes préscolaires épousent fidèlement le niveau

80. «Développement de la recherche-action et innovation de l’éducation préscolaire au Maroc » Khalid El Andaloussi Doctorat
d’Etat, Université de Mons, Belgique, 1995, 2 tomes.
« Etude évaluative de la phase de diffusion du projet Koranic Preschools », Mohammed Faiq, Najah El Jadida, Casablanca 1996.
« Une innovation pédagogique dans le préscolaire coranique au Maroc », Khadija Bouzoubaâ, contribution à un ouvrage collectif de
l’Harmattan, 1997.
« Petite enfance et éducation préscolaire », Khalid El Andaloussi, in culture, enfance et éducation préscolaire, UNESCO, Paris, 1999.
« Recherche-action Sciences Développement Démocratie », Khalid EL ANDALOUSSI, Edition Publisud, Paris 2000. « Pour
un enseignement fondamental avec une composante préscolaire », in contribution du réseau d’experts nationaux sur la situation
actuelle et les voies de rénovation de l’éducation et la formation, Tome 1, Mohammed Faiq, Commission Spéciale Education Formation
(COSEF), 2000.
« Punition et violence à l’école », Brigitte EL ANDALOUSSI, UNICEF/ATFALE,2001.
« L’Enseignement préscolaire : Etat des lieux et propositions; Brahim CHEDATI et Mohammed FAIQ Texte polycopié COSEF/MENJ
Février 2003.
« Stratégie de développement de l’éducation préscolaire », Mohammed FAIQ ET Brahim CHEDATI Texte polycopié COSEF/MENJ
Septembre 2003.
81. concrétisée par la promulgation de la loi relative au statut de l’enseignement préscolaire ( Mai 2000), le décret d’application de cette
loi ( Juin 2001) et l’arrêté ministériel relatif aux conditions d’ouverture des établissements du préscolaire en juillet 2003.

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économique du quartier ou de la zone rurale dans lesquelles elles se situent amplifiant de la sorte, dès le plus
jeune âge, l’inégalité entre les enfants. On remarque que les enfants issus des familles les plus défavorisées
socialement et culturellement sont aussi ceux qui fréquentent les institutions préscolaires les moins
stimulantes et les plus insalubres. Tous les bénéfices du préscolaire vont aux enfants les plus favorisés : ceux-
ci profitent des classes préscolaires, les mieux équipées, les plus adaptées, les plus ouvertes sur la modernité
et les mieux encadrées. Mais cette minorité ne dépasse guère 8% des enfants préscolarisés.
Par ailleurs, environ 50% d’enfants ne bénéficient pas encore du préscolaire. Parmi eux, se comptent
les enfants ruraux et les enfants des zones périurbaines qui appartiennent à la frange la plus pauvre de la
société.
C’est avec cette proportion d’enfants que se jouera le véritable défi de la généralisation du préscolaire :
équipement et financement des nouvelles classes, recrutement et formation des éducateurs, mobilisation
et implication des parents, engagement et responsabilisation des décideurs… tout ceci, dans un contexte
privé !
A ce jour, il n’existe aucune formation initiale pour les 40 000 éducateurs qui ont à charge le préscolaire.
Seule une minorité, située surtout en zone urbaine, a pu bénéficier d’une formation en cours d’emploi.
La plupart d’entre eux n’ont aucune idée des finalités de l’éducation préscolaire, ils confondent souvent
préscolaire et 1ère année de l’enseignement fondamental. Alors que durant cette phase cruciale du
développement, l’éducation devrait reposer sur une pédagogie active, on constate que l’enfant est exposé à
l’improvisation pédagogique ou au gardiennage. Ces pratiques s’appuient bien trop souvent sur le dressage
de l’enfant à l’obéissance et à la passivité.
La formation en cours d’emploi des éducateurs est assurée par le corps des « conseillers pédagogiques ».
Ces conseillers, au départ, étaient recrutés parmi les détenteurs du savoir coranique « fkihs ». Cependant,
de nouvelles mesures de recrutement ont permis une redéfinition de leur fonction. Mais, elles ne concernent
encore qu’une très faible proportion de conseillers et ne sont pas encore suffisamment ancrées dans la
problématique du préscolaire. Leurs modèles de référence restent trop centrés sur l’école primaire. Bien qu’il
existe, depuis 2001, un document officiel82 qui tente de préciser le profil du sortant du système préscolaire,
les acteurs du terrain ont encore trop tendance à laisser libre cours à leur interprétation et à leur vision de ce
que devrait être cette éducation.
La documentation pédagogique reste insuffisante, elle est disponible essentiellement dans les grands
centres urbains. La plupart des institutions préscolaires n’y a pas accès et n’en soupçonne même pas
l’existence.
En résumé, le paysage de l’éducation préscolaire se compose d’institutions de qualité médiocre, d’un
système profondément inégalitaire et d’une population d’enfants très pauvres à pré scolariser. Par ailleurs,
l’absence de formation de base, la faiblesse de la documentation pédagogique pour les formateurs de
formateurs et pour les éducateurs, la multiplicité des visions et des finalités du préscolaire risquent
d’hypothéquer la portée d’un facteur majeur de développement humain : la généralisation du préscolaire
pendant cette décennie.
Pourtant, les opportunités ne manquent pas et elles n’ont jamais été aussi importantes et prometteuses
qu’aujourd’hui.
Au niveau politique, on note une volonté de donner à l’éducation préscolaire l’importance qu’elle mérite.
Le Ministère de l’Education Nationale s’engage à mettre en œuvre le programme de la Charte qui prévoit la
généralisation de l’éducation préscolaire à l’horizon 2007. Son action porte surtout sur la mobilisation sociale,
les orientations pédagogiques et l’organisation de la formation des ressources humaines du préscolaire.
Les stages de formation organisés en faveur des éducateurs en service sont certes importants mais
insuffisants. Il existe 40000 éducateurs en cours d’emploi, et il en faut autant pour accueillir tous les enfants
marocains en âge préscolaire. A ce chiffre, il faut ajouter les cadres nécessaires pour la prise en charge et

82. Livre blanc, MEN, 2001

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le perfectionnement de ce secteur : les administrateurs, les inspecteurs, les conseillers, les formateurs, les
formateurs de formateurs, les pédagogues, les architectes, les journalistes, etc.
Au niveau scientifique et pédagogique, les différentes expériences menées depuis 1990, dans le secteur
de l’éducation préscolaire constituent une véritable richesse en matière de formation des éducateurs sur le
tas, d’encadrement pédagogique et de production d’outils et de documents pédagogiques peu coûteux. Le
Ministère de l’Education Nationale pourrait capitaliser ces expériences, adaptées à la réalité économique de
la majorité des institutions et au niveau académique des éducateurs, pour la généralisation de l’éducation
préscolaire, à travers ses centres de ressources. La réalisation de la valise pédagogique en cours de
finalisation par l’équipe ATFALE, avec le soutien du Ministère de l’Education Nationale, de l’UNICEF, de la
Coopération Française, représente une pierre supplémentaire à cet édifice.
Au niveau des ressources humaines, le potentiel existant est certes important. Il a cependant besoin
d’être consolidé et développé pour assurer la généralisation de l’éducation préscolaire. La mise à niveau des
40 000 éducateurs en service et la formation initiale des nouveaux éducateurs, exigent une vision pédagogique
claire et largement partagée entre les différents partenaires concernés par l’éducation préscolaire. Le fait que
le secteur soit privé et que son intégration au secteur public ne soit pas à l’ordre du jour, dans l’immédiat, nous
forcent à réfléchir à une organisation efficiente et à une stratégie cohérente, novatrice et pérenne. L’objectif
est d’investir sur le développement humain d’une population des plus vulnérables de la société.

4.1. La nouvelle institution nationale d’éducation préscolaire 83


Lors des deux journées organisées par la Commission Spéciale d’Education et de Formation (COSEF)
et le Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse, les participants (Ministères, partis, syndicats,
experts, fédérations, ONG…) ont abouti à un consensus autour de la nouvelle institution nationale d’éducation
préscolaire. Ils ont ainsi jeté les bases d’une nouvelle dynamique susceptible de créer les conditions
nécessaires de développement de ce secteur.

Il serait fastidieux de revenir dans ce document sur toutes les données proposées par les participants.
Nous nous arrêtons tout particulièrement sur :
– les finalités, les objectifs et la vision pédagogiques,
– les ressources humaines,
– l’encadrement et la formation,
– l’équipement et les supports pédagogiques,
– les normes d’exploitation,
– le financement.

4.1.1. Finalités, objectifs et vision pédagogique de l’éducation préscolaire


– Les principales finalités de l’éducation préscolaire sont de :
• Promouvoir une approche éducative holiste et participative ;
• Promouvoir les valeurs islamiques, nationales et humaines ;
• Promouvoir les valeurs démocratiques et civiques ;
• Promouvoir les valeurs du dialogue, de la tolérance et de l’acceptation de la différence ;
• Promouvoir les valeurs de connaissance, d’exploration, de recherche et de communication ;
• Promouvoir l’esprit scientifique et artistique.
83. Faiq. M ; Chedati. B . « Stratégie de développement de l’éducation préscolaire » COSEF/MENJ, Septembre 2003

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– Les principaux objectifs84 de l’éducation préscolaire sont:
• Le développement des habilités sensori-motrices, spatio-temporelles, sémiologiques, imaginatives et
expressives
• L’initiation aux valeurs religieuses, éthiques, et civiques de base ;
• L’exercice des activités pratiques et artistiques élémentaires (dessein, modelage, peinture, jeux de
rôles, chants et musiques…) ;
• Les activités de préparation à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en langue arabe en s’appuyant
sur les langues maternelles.
– Les principaux constituants de la nouvelle vision pédagogique sont:
• Centrer l’acte et le fait éducatif sur l’enfant ;
• Partir de ses besoins dans l’élaboration des activités préscolaires ;
• Instaurer une continuité et une progression dans les activités ;
• Travailler en petits groupes, aménager l’espace et diversifier les modes d’organisation de la classe ;
• Ancrer l’organisation spatio-temporelle du préscolaire dans son environnement et l’exploiter au niveau
pédagogique (sorties, visites, construction d’outils éducatifs et de jeux peu coûteux) ;a Adop-
ter une pédagogie du projet ;
• Centrer sur l’éducation pour la santé avec un suivi du développement de l’enfant ;
• Exploiter le jeu comme outil pédagogique à part entière ;
• Centrer sur l’activité physique et sportive de l’enfant ;
• Développer l’éducation religieuse, civique, à la citoyenneté et à l’environnement ;
• Impliquer les parents dans la vie de l’institution dans une vision globale du développement et de
l’éducation de l’enfant ;
• Impliquer les parents dans les apprentissages et les activités en valorisant leurs savoirs et savoir-
faire ;
• Instaurer un échange et une coopération entre les éducateurs d’une même institution et/ou
d’institutions différentes ;
• Intégrer l’évaluation de type préscolaire au processus éducatif comme un outil pédagogique et de
gestion.

Cette vision pédagogique85 émane d’un long processus de recherche et d’actions mené, dans le domaine
de la rénovation des écoles coraniques, par des chercheurs, des responsables du ministère et des praticiens.
Elle représente une opportunité pour faire acquérir de nouvelles valeurs et ancrer de nouvelles attitudes et
pratiques éducatives.

4.1.2. Les ressources humaines


La mise en valeur des ressources humaines est la condition incontournable d’une éducation préscolaire
de qualité. Actuellement, ce secteur est loin de pouvoir assurer une quelconque mise en valeur de ses
cadres. Sa longue marginalisation n’a pas permis leur formation, leur qualification et leur promotion. Seule
une poignée d’éducateurs investissent l’éducation préscolaire par leurs propres moyens (ONG, formations
privées, partenariat avec les écoles françaises…) et semblent perdurer dans ce domaine. Le Ministère
signale l’émergence d’un nouveau profil d’éducateurs spécialisés majoritairement féminin (139 éducateurs
et 607 éducatrices)86 et situé principalement dans les centres urbains. La quasi majorité des éducateurs, et

84. Site Web du ministère : www.men.gouv.ma , Septembre 2004


85. Vision élaborée par l’équipe ATFALE
86. MENJ, Direction de la stratégie , de la statistique et de la planification, Septembre 2004

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particulièrement les éducatrices, quittent leurs employeurs dès qu’ils peuvent changer de statut (un emploi
dans un autre secteur mieux rémunéré, un autre établissement plus attirant, un mariage…).
L’éducation préscolaire ne peut se réaliser sans considérer les ressources humaines comme le fondement de
son développement.

4.1.3. Encadrement et formation


La formation reste la pierre angulaire du développement des ressources humaines. La négligence
longtemps observée dans ce domaine a créé une situation alarmante. 40 000 éducateurs et éducatrices,
sans formation préalable, encadrent les 700 000 enfants qui fréquentent les établissements préscolaires. Un
bon nombre parmi ces éducateurs ne manquent pas de volonté et d’enthousiasme, mais ils manquent de
connaissances réelles de l’enfant et d’une vision pédagogique adaptée à son niveau.
Depuis l’indépendance, dans les différents plans de développement économique et social, la question de
la formation des cadres et de la formation professionnelle a toujours figuré parmi les objectifs primordiaux.
Les auteurs du plan de développement économique et social 1973 - 1977, attirent déjà l’attention sur les
problèmes que rencontrent l’Etat dans ce domaine. Ils relèvent le manque d’une vision et d’une stratégie
globale de formation en rapport avec les transformations socio-économiques du pays qui ne permettent pas
de fonder et de promouvoir un système cohérent d’éducation et de formation.
L’inadéquation de la formation des cadres et des besoins de développement économique nécessite la
mise en valeur des ressources humaines. Les auteurs du Plan de Développement Economique et Social
ont souligné, avec raison, que « la formation est considérée comme une valeur dont la disponibilité doit
répondre aux besoins créés par le développement mais peut également être un facteur d’accélération de ce
développement»87
La réforme actuelle de l’éducation et de l’enseignement promet de résoudre l’inadéquation longtemps
observée entre la formation et le développement économique et social. Mais par l’impasse qu’elle fait sur
le domaine de la formation des cadres de l’éducation préscolaire, elle risque de prolonger les difficultés
intrinsèques au développement de se secteur. La formation des cadres de l’éducation préscolaire est un
impératif incontournable. Il est impérieux de réfléchir aux modalités de cette formation afin de renforcer les
capacités des éducateurs en service et de former de nouvelles générations en phase avec la nouvelle culture
prônée par la réforme.

4.1.4. Equipement et supports pédagogiques


Le mode de fonctionnement de la plupart des établissements, particulièrement les établissements
coraniques préscolaires, ne répond pas aux normes souhaitables pour le développement de l’enfant. La
surcharge des classes, l’équipement rudimentaire, et l’inadaptation des locaux rendent difficiles toutes
actions éducatives adéquates.
Le manque d’équipement et la pauvreté des supports pédagogiques érigent le modèle d’apprentissage
scolaire comme la seule référence possible. Dans ce cadre les activités d’éveil et de stimulation dont l’enfant
a besoin à cet âge, ont peu de chance d’exister.

87. Plan de Développement Economique et Social, 1973-1977, Chap. XXII, Page 749.

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4.1.5. Les normes d’exploitation
Les textes réglementaires relatifs à l’exploitation des établissements préscolaires existent. Ils ont été
promulgués par le Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse. Tout établissement qui souhaite
accueillir des enfants en âge préscolaire est soumis à l’autorisation d’ouverture, actuellement délivrée par le
MENJ88.
Ces textes ne sont pas toujours respectés par les promoteurs du secteur, soit parce que les exigences
sont excessives soit parce que les responsables sont indifférents.
Le caractère privé des établissements préscolaires détermine leur pesanteur. Le sérieux et la qualité de
l’institution relèvent plus de la volonté du promoteur et de son équipe pédagogique que des textes juridiques
organisationnels souvent méconnus ou transgressés.

4.1.6. Le financement
Le financement de ce secteur est totalement privé. Il est le pivot de toute la problématique de l’éducation
préscolaire dans notre pays. Ce sont les parents qui sont les véritables pourvoyeurs financiers. Les seules
institutions qui bénéficient d’une contribution de l’Etat sont celles qui relèvent des œuvres sociales des
ministères. Ces derniers prennent en charge une partie des éducateurs et parfois les locaux et l’équipement.
Leur nombre est insignifiant relativement à l’ensemble des établissements privés.
L’absence de l’engagement de l’Etat a pendant longtemps favorisé un accroissement désordonné des
institutions préscolaires.
A partir de ce tableau, qui tente de décrire la particularité et la complexité du secteur préscolaire, il est
difficile de présager de l’avenir. Celui-ci est à construire. Il a besoin de la participation réelle et active de
tous. Certes, la charte nationale de l’éducation et de la formation témoigne de la volonté politique d’intégrer
l’enseignement préscolaire dans le premier cycle fondamental. Reste le fait que ce secteur est entièrement
entre les mains du privé. Sa généralisation à tous les enfants marocains et son développement qualitatif sont
d’un ordre inédit. Ils imposent des solutions originales.
Le développement de ce secteur, dans les deux décennies à venir, a besoin d’un projet exceptionnel
qui vise la participation collective (Etat, promoteurs, investisseurs, société civile) aux nouvelles normes de
l’école nationale et qui définit les engagements et les responsabilités respectives des différents partenaires
impliqués.

4.2. Pour une généralisation efficiente, quelques préalables


– Une conviction réelle et généralisée de l’intérêt du préscolaire ;
– Une vision pédagogique holiste claire et largement partagée ;
– Une organisation ingénieuse et une planification rigoureuse ;
– Des moyens financiers adéquats et réalistes ;
– Des compétences administratives et pédagogiques réelles et disponibles ;
– Des institutions de formation conscientes de l’enjeu et impliquées dans la généralisation au niveau
national et local ;
– Un programme de formation adapté aux différents publics et divers besoins :
• Formation de base ;

88. Pendant longtemps, cette autorisation pouvait être délivrée par divers ministères. De nombreux établissements exerçaient sans
cette autorisation.

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• Formation continue ;
• Formation sur le tas.

– Un projet de mise à niveau des 40 000 éducateurs en service sur une période transitoire de 2005 à
2015 qui prévoit
• La création d’un statut du personnel :
• Educateurs certifiés
• Educateurs diplômés
• Autres
• La création d’un cadre transitoire :
• Aides éducateurs
• Stagiaires
• Autres

– Un projet d’accompagnement de la généralisation de l’éducation préscolaire :


• Education parentale
• Promotion de la vision pédagogique et de la culture de l’enfance
• Implication des médias

– Un programme de recherche et d’innovations pédagogiques pour assurer la rigueur du suivi et la


pertinence de la production des outils et des documents pédagogiques nécessaires ;
– Une instance clairement identifiée pour la mobilisation, l’harmonisation, la conception, la réalisation
et l’évaluation du processus de généralisation de l’enseignement. Ce processus est tributaire de
l’implication des instances nationales régionales et locales : ministères, secteur privé, ONG nationales,
autorités provinciales, autorités locales, collectivités locales, élus, parents, associations locales,
délégations des ministères, organisations internationales…

Ces quelques éléments nous paraissent essentiels, quelle que soit l’option retenue
dans la perspective de généralisation de l’éducation préscolaire. Trois scénarii nous
paraissent possibles. Leur projection pourrait évoluer dans le temps. Nous les exposons
en relevant leurs avantages et leurs inconvénients:

4.2.1. Premier scénario : Préscolaire privé


A. Avantages
– Perpétuation de l’implication de la communauté dans la prise en charge de l’éducation des jeunes
enfants ;
– Investissement financier et implication personnelle des promoteurs ;
– Efficience et efficacité dans la gestion de l’investissement ;
– Capacité de mobiliser les ressources humaines (formation permanente, recherche de qualité,
expériences novatrices) ;
– Participation au coût de la généralisation (construction, recrutement, formation…) ;
– Meilleure implication des parents dans le contrôle des établissements (programmes, qualité des
enseignants, qualité de l’équipement…) ;
– Une plus grande aptitude à contribuer à la qualité de l’éducation.

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B. Freins
– Risque de ne jamais atteindre la préscolarisation des enfants les plus pauvres ;
– Normalisation des inégalités sociales, économiques et culturelles ;
– Risque de multiplicité dans la vision pédagogique, dans les finalités et dans les objectifs;
– Risque de surenchère idéologique ;
– Généralisation de l’éducation préscolaire tributaire de l’intérêt financier des promoteurs ;
– Primauté de l’intérêt financier sur les besoins des bénéficiaires (société, parents et enfants).

4.2.2. Deuxième scénario : Préscolaire semi privé


A. Avantages
– Création de synergies entre les différents secteurs concernés :
– Les institutions politiques et administratives (les ministères, les autorités locales, les élus, les
collectivités locales…);
– Les promoteurs (les investisseurs, les responsables pédagogiques, les cadres du secteur privé…);
– Les institutions scientifiques (universités, équipes de recherche d’évaluation et d’innovation…);
– Les institutions pédagogiques (Centres de Formation des Instituteurs et des Inspecteurs…);
– La société civile (les associations, les parents, les éducateurs…).
– Développement de stratégies communes et de responsabilités partagées (cahiers de charges,
conventions …) ;
– Renforcement de la gouvernance et de la culture démocratique;
– Contrôle réciproque des engagements, du suivi et de l’évaluation;
– Garantie de gestion de la politique éducative (articulation des objectifs, des ressources humaines et des
moyens);
– Adéquation de la formation et de l’emploi (ouverture des institutions sur l’environnement);
– Garantie de la parité, de l’équité et de l’égalité des chances;
– Exploitation commune des moyens (classes dans les écoles publiques);
– Garantie du développement quantitatif de l’éducation préscolaire (incitation gouvernementale et
investissement du secteur privé);
– Garantie du développement qualitatif de l’éducation préscolaire (formation, programme, approches
pédagogiques, innovations éducatives …).

B. Freins
– Difficultés d’établir la confiance nécessaire à tout engagement commun ;
– Manque d’habitude d’un réel travail commun et d’un partage de responsabilités ;
– Gestion des conflits d’intérêts et des degrés de motivation ;
– Difficultés de tenir les engagements (du gouvernement, des promoteurs et des investisseurs) ;
– Poids actuel de la vision hiérarchique et centralisée, de la décision autocratique et de l’initiative
unilatérale.

4.2.3. Troisième scénario : Préscolaire public


A . Avantages
– Encadrement politique des institutions préscolaires (harmonisation de la vision pédagogique, des
finalités, des objectifs…);

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– Capacité de mobiliser les ressources financières;
– Capacité de mobiliser les ressources humaines (fonctionnaires, diplômés, centres de formation,
enseignants…);
– Force de réglementation.
– Dans le cas de la décentralisation :
– Une plus grande responsabilisation des opérateurs (académies, délégations) et des bénéficiaires
(enfants, parents);
– Une plus grande capacité de réponses aux besoins locaux; d’harmonisation des finalités et de correction
des inégalités (parité, équité…);
– Une plus grande aptitude à contribuer à la qualité de l’éducation.

B. Freins
– Coût très élevé de la généralisation (construction, recrutement, gestion, formation…);
– Lourdeur bureaucratique et disparité des efforts;
– Difficultés de mise à niveau du personnel en service;
– La difficulté de promouvoir la qualité de l’éducation;
– Focalisation sur l’intérêt de l’administration au détriment des bénéficiaires (parents et enfants);

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Le préscolaire : bilan et perspectives

Résumé .................................................................................................................. 70
Introduction ........................................................................................................... 71
1. Pourquoi investir dans un préscolaire de qualité ? .................................... 72
2. Bilan..................................................................................................................... 76
2.1. Périodes avant et pendant le Protectorat .............................................. 76
2.1.1. Principes de l’enseignement avant le Protectorat ....................... 78
2.1.2. Impact du Protectorat sur le préscolaire ...................................... 80
2.1.3. Évaluation du préscolaire de cette période .................................. 80
2.2. Préscolaire du Maroc indépendant ........................................................ 81
2.2.1. De 1955 à 1968 .................................................................................... 81
2.2.2. Naissance du Kouttab moderne ...................................................... 82
2.2.3. À partir de 1985 .................................................................................. 82
2.2.4. Évaluation de cette période ............................................................. 83
3. Quelques comparaisons utiles ....................................................................... 89
3.1. Aspects quantitatifs ................................................................................... 91
3.2. Aspects qualitatifs ..................................................................................... 96
4. Perspectives ..................................................................................................... 97
4.1. Profil du préscolaire de demain ............................................................... 97
4.2. Quels objectifs pour le préscolaire de demain ? .................................. 98
4.3. Quelles stratégies pour mettre ce secteur à niveau ? ......................... 99
4.4. Quel rôle doit jouer le Ministère de l’Éducation Nationale
dans ce secteur .......................................................................................... 99
4.5. Quels partenaires pour atteindre ces objectifs ? ................................100
4.6. Comment financer la réalisation des objectifs fixés ? ........................100
4.6.1. La généralisation ..............................................................................100
4.6.2. L’amélioration de la qualité de l’éducation ...................................101
4.6.3. Le financement ..................................................................................101

Références bibliographiques .............................................................................102

MOHAMED BAMHAMED

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Listes des encadrés, figures, graphiques et tableaux

Encadrés
Encadré 1: Discours du Trône; Mercredi 30 Juillet 2003, à Tanger ....................................................... 72
Encadré 2: Les idées éducatives d’Avicenne ........................................................................................ 75
Encadré 3: Ibn Khaldoun et l’éducation ................................................................................................. 78
Encadré 4: Message de S.M. Le Roi Mohammed VI............................................................................. 98

Figures
Figure 1: effectifs du préscolaire en fonction des types d’institutions et des organismes de tutelle.... 86

Graphiques
Graphique 1: Évolution des enfants inscrits dans le préscolaire ........................................................... 84
Graphique 2: Taux de préscolarisation de la tranche d’âge 4-5 ans ....................................................... 84
Graphique 3: Indice de parité sexuelle (Filles/Garçons) pour les années 1990 et 2000 ........................ 92
Graphique 4: Taux brut de préscolarisation des enfants de 4-5 ans pour les années1990 et 2000 ....... 93
Graphique 5: Taux brut de préscolarisation du groupe d’âge 3-5 ans pour les années 1990 et 2000
selon le rapport mondial ........................................................................................................................ 94
Graphique 6: Taux brut de préscolarisation des enfants de 5 ans pour les années 1990 et 2000
selon le rapport mondial1 ...................................................................................................................... 95

Tableaux
Tableau 1:Taux net de préscolarisation des 4-5 ans par région (2002) .................................................. 85
Tableau 2: Niveau d’instruction en fonction du milieu de travail ............................................................ 88
Tableau 3 : Taux de préscolarisation au Maroc et en Tunisie selon les sources ..................................... 90
Tableau 4:Taux brut (%) de préscolarisation dans les établissements pré- primaires............................ 91
Tableau 5 : Dépenses consacrées à l’enseignement pré-primaire en pourcentage du PIB, 1999 (%)
et taux brut de préscolarisation, 2000, (%) ........................................................................................... 96

1. Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous 2003 – 2004, UNESCO, Paris.

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Résumé
Etape préparatoire de l’enseignement primaire, l’éducation préscolaire a, longtemps, souffert d’un manque
d’intérêt. La prise de conscience de l’importance de ce type d’enseignement n’a vu le jour que tardivement.
Par le passé, les enfants de 3 – 6 ans ont été assimilés à leurs aînés de l’école primaire, aucune spécificité
ne leur était reconnue. Les mêmes activités leur ont été présentées sous une forme allégée. Les situations
ludiques étaient bannies puisqu’elles dénotaient le manque de sérieux.
Cette pratique est restée inchangée jusqu’à la fin de la deuxième moitié du 20e siècle pour la quasi-totalité
de la population rurale pauvre et analphabète qui, d’ailleurs, n’enregistre qu’un faible taux de préscolarisation.
L’exode rural a créé une ceinture de misère autour des villes en important les mêmes pratiques éducatives,
pour la petite enfance, dans des locaux exigus non appropriés aux activités qui leur sont dévolues. Le milieu
urbain, surtout aisé, s’inspirant des expériences des missions étrangères a promu des institutions préscolaires
mieux adaptées aux besoins et aux caractéristiques de la petite enfance.
La situation du secteur préscolaire connaît actuellement un déséquilibre à multiple facettes : déséquilibre
sur le plan éducatif, architectural, pédagogique et statistique entre les milieux rural et périurbain d’un côté
et le milieu urbain de l’autre. Par ailleurs, un décalage manifeste caractérise l’offre et la demande de sorte
qu’actuellement 51% des enfants préscolarisables seulement sont préscolarisés.
La négligence du préscolaire dans les systèmes éducatifs est assez répandue dans la plupart des pays
en développement. D’ailleurs, le préscolaire n’est pas pris en considération dans les calculs de l’Indice de
Développement Humain bien que l’Unicef n’ait cessé d’œuvrer pour faire prendre conscience de l’importance
de la petite enfance.
L’avenir du préscolaire est tributaire d’une planification rigoureuse et d’une collaboration étroite entre le
privé, le public, les collectivités et la société civile autour d’un projet d’envergure pour assurer une place à
chaque enfant dans des institutions préscolaires dignes de ce nom. Il conviendrait de définir ou d’actualiser
une stratégie de développement du secteur autour d’objectifs clairs, d’échéances précises et réalistes, de
moyens financiers importants et de visions harmonieuses.
Le présent document, après avoir montré l’importance de l’éducation dans le développement et le rôle du
préscolaire dans le système scolaire, a essayé de retracer l’historique du secteur selon trois axes essentiels :
la période d’avant le Protectorat, durant le Protectorat et après l’indépendance. Une comparaison chiffrée
entre la situation du préscolaire au Maroc et celles qui prévalent dans une quinzaine de pays, permet d’évaluer
l’importance des efforts consentis et l’ampleur du travail qui reste à faire pour généraliser et améliorer la
qualité des services éducatifs préscolaires. La dernière partie a tenté de présenter une perspective d’avenir en
vue d’améliorer la qualité et relever le défi de la généralisation, tant souhaitée, dans des délais raisonnables.

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(…) l’éducation à la compréhension est absente de nos enseignements. La planète
nécessite dans tous les sens des compréhensions mutuelles. Etant donné l’importance
de l’éducation à la compréhension, à tous les niveaux éducatifs et à tous les âges, le
développement de la compréhension nécessite une réforme des mentalités. Telle doit être
l’œuvre pour l’éducation du futur.

Edgar Morin2

Introduction
Pièce maîtresse pour le développement humain, l’investissement dans le secteur éducatif est un pari à long
terme dont le gain n’est pas toujours certain. Investir dans les enfants d’aujourd’hui, c’est créer les richesses
et augmenter les emplois car ce sont les hommes qui créent la richesse ; plus les hommes s’activent, plus le
nombre d’emplois augmente.
En matière de développement, la différence entre les nations provient de la volonté et de la capacité
des hommes à lutter ensemble pour la réalisation de projets communs car l’union fait la force alors que la
division crée la faiblesse. Autrement dit, les facteurs endogènes liés au contexte socioculturel, la volonté,
la compétence, la passion et la responsabilité des hommes et des organisations semblent être les clefs du
progrès et du développement ; la mondialisation, la globalisation et la régionalisation ne sont pas déterminantes
et leurs effets négatifs sont maîtrisables.
Le rôle essentiel de l’éducation et de sa qualité dans le développement n’est plus à démontrer car aucun
pays n’est jamais parvenu à une croissance rapide avec des taux élevés d’analphabétisme, de malnutrition et de
morbidité. Les pays qui ont réalisé une croissance satisfaisante sont ceux qui ont opté pour un développement
à la fois économique et social, et non ceux qui ont conditionné le développement social par la réalisation du
décollage économique et la mise en place des infrastructures. La qualité de l’enseignement et des résultats
scolaires, dont le personnel enseignant et d’encadrement constituent la pièce maîtresse, renforcent et
dynamisent les effets de la généralisation de l’éducation. On ne peut dissocier ces deux dimensions de
l’éducation et de l’enseignement, la qualité et la généralisation. La qualité sans la généralisation conduit à un
enseignement élitiste fermé à la majorité de la population et la généralisation sans la qualité constitue une
perte de temps et d’argent. Ces deux cas de figure conduisent au développement du sous développement et
à une descente vertigineuse vers l’abîme de l’histoire.
Se focaliser uniquement sur le pourcentage des enfants scolarisés, c’est traiter la question de l’éducation
de manière tronquée et incomplète. Les investissements en faveur de la qualité de l’éducation ont autant de
poids et d’effets que ceux concédés à sa généralisation. Peu importe qu’un enfant soit scolarisé s’il arrête ses
études en raison de la qualité insuffisante de l’enseignement ou s’il achève un cycle d’enseignement sans
savoir lire, écrire, compter, évaluer ses options ou prendre des décisions importantes dans la vie.
C’est dans les premières années que se joue en partie l’avenir d’un enfant et que s’installent les inégalités.
À l’âge préscolaire, l’enfant est dans la plénitude de ses capacités d’apprentissage et de découverte. À l’entrée
en première année de l’enseignement fondamental, le vocabulaire des uns est très pauvre, tandis que d’autres
disposent d’une langue riche de mots et de structures. Il faudrait repenser le système éducatif, et commencer
par le début, le préscolaire qui constitue en réalité le lieu et la période où se forment et se construisent la
personnalité et l’esprit des enfants, espace et période propices pour la prise d’élan et l’installation de la
volonté de réussir, compagnon incontournable tout au long de la scolarité et de la vie.
L’égalité des chances est le premier défi à relever en permanence – et dès le départ: l’étape préscolaire.
Le deuxième défi se rapporte à la qualité, à l’excellence : l’égalité des chances se construit par le haut. Elle
signifie l’excellence pour tous, c’est-à-dire donner le meilleur à chaque enfant. L’une des finalités de l’école au
lendemain de l’indépendance, était la généralisation conçue dans son aspect quantitatif uniquement. Mais au
2. Morin, E. (1999). Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur. UNESCO

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fil des années, cette intention s’est en quelque sorte appauvrie: la population non scolarisée reste importante
et le taux d’analphabétisme demeure un handicap au développement. La qualité est un concept et un objectif
nouveau pour le système éducatif. Mais il risque de se réduire à une simple mécanique d’acquisition de
savoirs nouveaux. Le préscolaire est une préoccupation nouvelle mais, particulièrement, importante. Il faudrait
rendre justice à ce parent pauvre, le cycle de la petite enfance et à son rôle primordial de «propédeutique» de
l’enseignement fondamental.
Encadré 1
(…) Certes, des étapes ont été franchies avec succès depuis le lancement, il y a trois ans, de ce chantier difficile mais
vital. Il n’en demeure pas moins que l’aspect quantitatif prédomine dans ce qui a été réalisé. Conjugué à l’absence de
décisions audacieuses et résolues qu’appelle une réforme en profondeur portant sur l’essence même du système
d’éducation et de formation, tout cela Nous pousse à dire au nom de la Nation : Assez d’un système d’enseignement
générateur de chômage et d’ostracisme !
En effet, s’il faut plusieurs générations pour mettre tous les Marocains à l’abri de la pauvreté matérielle, il est possible
de les affranchir, dans des délais prévisibles, du carcan de l’ignorance, de l’analphabétisme intellectuel, de l’ostracisme
et d’autres aspects de l’indigence morale.
--------------------------------------------
Discours du Trône; Mercredi 30 Juillet 2003, à Tanger
L’éducation de la petite enfance englobe la socialisation précoce, l’éveil, la préparation à la scolarisation, la
fourniture de soins de santé de base, une alimentation adéquate, la stimulation des potentialités de l’enfant et le
fait de l’élever dans un espace propice à son épanouissement. Plusieurs accords internationaux reconnaissent le
rôle et l’importance de l’éducation préscolaire : la Convention sur les droits de l’enfant, la Déclaration universelle
sur les droits de l’enfant, la Déclaration sur l’éducation pour tous, le plan d’action de Dakar, la session spéciale
des Nations Unies sur l’enfance et les objectifs pour le millénaire. Deux conférences internationales ont été
consacrées à la petite enfance en Afrique et elles ont insisté sur l’importance du développement de la petite
enfance pour le développement humain et spécialement des ressources humaines.

1. Pourquoi investir dans la petite enfance et dans un préscolaire de


qualité ?
La nécessité d’investir dans l’éducation de la petite enfance est justifiée par des résultats de recherches3
traitant du sujet :

– La période de vie qualifiée de «petite enfance» revêt une importance cruciale pour le développement
affectif, intellectuel et social de l’enfant. L’éducation préscolaire peut avoir des effets durables sur la
santé et le bien-être des adultes; les opportunités qui ne sont pas saisies à ce stade risquent de ne
jamais l’être.
– Il est démontré que les enfants ayant bénéficié d’une éducation préscolaire, obtiennent des résultats
meilleurs à l’école que ceux qui n’en ont pas bénéficié. Plus précisément, il semble que les enfants qui
ont bénéficié d’une telle éducation sont plus motivés, ont de meilleures performances et s’entendent
mieux avec leurs camarades et les enseignants que ceux qui en ont été privés. Ils sont, de ce fait, moins
susceptibles d’abandonner leurs études ou de redoubler. Par conséquent, leur éducation est moins
onéreuse; leur scolarité primaire, voire secondaire, est plus rentable en termes de rapport efficacité/coût.
– Par ailleurs, il semble que les adultes ayant joui durant leur petite enfance d’une éducation préscolaire de
qualité, obtiennent de meilleures performances professionnelles, aient de meilleures dispositions pour
fonder une famille et soient moins enclins que les autres à verser dans des comportements négatifs
3. Young, M.E. (2002). From early child development to human development, Banque mondiale.

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et asociaux voire illégaux. En outre, il semble que ces effets soient plus importants sur les filles et
sur les enfants issus de milieux démunis ou défavorisés. L’éducation préscolaire peut, par conséquent,
engendrer un effet globalement positif sur le développement de l’enfant et sur la réduction des iniquités
économiques et culturelles entre les sexes.
L’essentiel de ces conclusions ont été établies à partir d’expériences et de recherches réalisées dans les
pays développés. Néanmoins, les résultats d’études effectuées sur des enfants démunis ou défavorisés dans
les pays du Sud vont souvent dans le même sens.
C’est par ses cinq sens que l’enfant approche le monde et les objets qui l’entourent. L’institution lui permet
d’affiner son expérience. L’éducateur le conduit à percevoir les substances qui les constituent et certaines de
leurs propriétés.
Une institution préscolaire de qualité offre à l’enfant la possibilité de dépasser son expérience immédiate.
Elle le conduit à s’étonner et à questionner. L’éducateur qualifié lui fait prendre conscience qu’il peut manipuler
les objets qui l’entourent et les transformer, qu’il peut les ordonner, les classer et distinguer leurs qualités.
Les êtres vivants exercent une attirance particulière sur l’enfant. Il apprend à en découvrir la diversité,
l’utilité et le danger qu’ils peuvent constituer. Il comprend mieux les conseils qui lui sont quotidiennement
prodigués à propos de l’hygiène et de la santé. Il est mieux armé pour déchiffrer les particularités des milieux
qui l’entourent et se comporter en conséquence. C’est finalement le début d’une éducation à l’environnement
et à la responsabilité.
Ainsi, l’institution préscolaire, incite chaque enfant à construire des connaissances et mémoriser des savoirs
qui constituent les bases assurées d’une représentation structurée, responsable et sécurisée du monde.
En intégrant une institution préscolaire de qualité, l’enfant découvre la vie en collectivité dans toute sa
complexité. Il apprend à y trouver ses repères et sa place. Il est confronté à des règles qu’il faut respecter. Il
constate que l’on peut s’aider, coopérer en vue d’un même objectif. Cette situation lui permet de construire
sa personnalité. La communication y joue un rôle décisif, en particulier lorsque, avec l’aide de l’éducateur, le
langage se substitue à l’action immédiate.
Espace et période où s’élaborent les opérations motrices de base, le préscolaire offre la possibilité à
l’enfant de se déplacer, consolider son équilibre et de manipuler des objets dans des situations ludiques con-
structives, instructives et joyeuses. Sous l’œil bienveillant de l’éducateur – animateur, l’enfant franchit le sim-
ple plaisir d’agir pour des actions planifiées, structurées et hiérarchisées. Encouragé dans son élan, l’enfant
s’adapte en assimilant de nouveaux éléments, en accommodant ses actions et en découvrant de nouvelles
façons de faire tout en se découvrant.
En agissant et en s’exprimant, l’enfant apprend à structurer son besoin d’activité. Il découvre son corps
dans l’action et comprend qu’il doit le respecter comme il respecte celui d’autrui, qu’il peut le conserver en
bonne santé. Il maîtrise mieux ses relations à autrui. Il apprend à construire avec ses pairs un projet d’action.
La sensibilité et l’imagination sont les instruments d’une relation au monde extérieur et intérieur. Elles
jouent un rôle majeur dans le développement de la première enfance. L’institution préscolaire aide chaque
enfant à enrichir son expérience sensible et son pouvoir créateur en multipliant les occasions de se confronter
à des matériaux et des actions. Elle lui permet ainsi de mieux exprimer ce qu’il perçoit et ce qu’il ressent.
Les activités qui mettent en jeu la voix, répondent aux mêmes objectifs: en jouant avec les sons, en
chantant, en bougeant, l’enfant explore des moyens d’expression nouveaux. Un répertoire de comptines
et de chansons lui donne des repères dans le monde sonore. Il apprend à chanter en choeur. Il découvre
des instruments et enrichit ses capacités d’écoute. Activités vocales et activités motrices lui permettent de
maîtriser petit à petit le rythme. Il occupe, avec son corps en mouvement, des espaces toujours plus larges
et découvre le plaisir qui s’en dégage.
L’apprentissage du langage est au centre des activités auxquelles est convié l’enfant. C’est l’occasion de lui
donner confiance, lui apprendre à communiquer de manière de plus en plus riche, lui permettre de découvrir
qu’il peut comprendre et se faire comprendre d’autrui dans le but de l’initier aux règles d’un échange organisé.
La maîtrise et la consolidation de la langue maternelle, des langues nationales et de l’identité se construisent

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à cette période de la vie. L’éducation préscolaire permet à chaque enfant d’embrasser cet espace commun,
les langues, de s’y sentir à l’aise, chez lui. Un enfant qui ne peut se les approprier, ou qui se les approprie
imparfaitement, peut se sentir exclu. Le sentiment d’exclusion et de rejet génère des réactions négatives,
agressives, violentes voire destructrices.
La petite enfance est aussi le moment privilégié pour les premiers contacts avec les langues vivantes,
langues étrangères. Plus l’enfant est jeune, plus son oreille peut se familiariser avec d’autres sonorités, into-
nations et rythmes. Lui faire mémoriser des énoncés simples, des chansons, le familiariser avec la diversité
des langues, ouvrir son esprit à la diversité des cultures véhiculées par ces langues sont les différents aspects
de cette première rencontre.
Un enfant n’est pas seulement une tête pensante mais aussi un être sensible. Apprendre à compter,
à résoudre un problème, à raisonner, à argumenter est absolument essentiel. Mais l’éducation préscolaire
accorde une grande importance aux activités d’éveil aux arts: peinture, musique, théâtre, cinéma. Cette étape
de l’éducation est une occasion pour stimuler le plaisir de contempler la beauté tout en donnant les repères
culturels nécessaires.
Le chant et la musique constituent une source d’équilibre psychologique. Chanter en groupe exprime une
discipline collective faite du respect de chacun pour l’effort commun. C’est un excellent remède contre les
pulsions agressives. Un enfant qui s’épanouit dans chacune de ses potentialités se trouve en harmonie tant
avec lui-même qu’avec les autres.
Le dessin, le graphisme et les compositions plastiques qui sont les moyens d’expression privilégiés à cette
étape de l’éducation préscolaire sont à mettre en relation avec une sensibilisation aux différentes formes
d’écriture. La calligraphie constitue un trait d’union entre le dessin, le graphisme et l’écriture, entre l’utile et
l’agréable. Bien que l’apprentissage de l’écriture proprement dite relève du cycle fondamental, une initiation
aux liens entre les sons de la langue et sa graphie est possible à cette étape. L’enfant peut comprendre
comment les lettres de l’alphabet représentent les sons dans des mots familiers ; ce qui l’incite à chercher
comment on pourrait écrire un mot simple. Ils sont enrichis et structurés par la découverte et l’utilisation des
images et des objets variés.
L’institution préscolaire œuvre pour aider chaque enfant à grandir, à conquérir son autonomie et à acquérir
des attitudes et des compétences qui permettront de construire les apprentissages fondamentaux. Elle
s’appuie sur la capacité d’imitation et d’invention de l’enfant, si vive à cet âge, et sur le plaisir de l’action et du
jeu. Elle multiplie les occasions de stimuler son désir d’apprendre, de diversifier ses expériences et d’enrichir
sa compréhension. Elle est attentive à son rythme de développement, à sa croissance et aux éventuels
obstacles qui risquent de compromettre sa tendance naturelle à grandir.

74

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Encadré 2
Les idées éducatives d’Avicenne (370 h ?/980 ? – 428 h/1037)
L’étape de l’enfance (trois à cinq ans)
Cette étape commence à l’âge de trois ans et s’achève à cinq ans, période pendant laquelle «les articulations de
l’enfant se fortifient, sa langue se délie, il devient mûr pour l’apprentissage et son ouïe se fait attentive (1)». Le Canon
fixe au début de la sixième année la fin de cette étape et le commencement de l’étape suivante de l’enseignement:
«Lorsqu’il atteint l’âge de six ans, il faut le présenter à un maître. (2)» L’important, pour Avicenne, à cette étape, c’est
le bonheur et la bonne santé physique, mentale et morale de l’enfant. Aussi les priorités éducatives sont-elles de trois
ordres:
D’abord, l’éducation morale de l’enfant, qu’il s’agit de tenir à l’abri de toutes les influences nocives susceptibles de
s’exercer sur son âme et ses moeurs.
Ensuite, le développement physique et moteur: «Lorsque l’enfant se réveille, le mieux est de le baigner, puis de
le laisser jouer une heure, de lui donner ensuite une petite collation et de le laisser encore à ses jeux pendant un long
moment, enfin de le baigner et de lui servir un repas. Il faut éviter autant que possible de lui donner à boire de l’eau
pendant le repas afin que les aliments ne passent pas dans l’organisme à l’état cru avant que n’ait pu se faire la digestion
(3).» Le jeu est à cette étape une nécessité dans la vie de l’enfant, qui acquiert par ce biais les diverses compétences
physiques et motrices. Il apprend aussi à vivre en société et à tirer profit de cette vie.
Enfin, Avicenne s’est en effet intéressé à la musique, qu’il considérait comme nécessaire à l’enfant. Dès le berceau,
l’écoute de mélodies avant le sommeil prépare l’enfant à apprendre la musique par la suite. Cette éducation du goût
s’affinera au cours de l’étape suivante par l’apprentissage de la poésie facile, de la prosodie douce, qui ravit, élève et
incite à la vertu.

Les activités éducatives à cette étape


Avicenne s’intéressait au développement psychomoteur et à l’éducation morale et affective. Les seuls programmes
précis qu’il a mentionnés concernent l’éducation physique et la musique. La première contribue à l’éducation de l’enfant
et à son développement physique et moteur. Par le jeu sportif et les activités physiques, l’enfant acquiert des habiletés
morales et mentales. La seconde aiguise et affine ses sens et élève ses sentiments.
Avicenne prête beaucoup d’attention au jeu et à l’exercice physique aussi bien à cet âge qu’à celui de l’enseignement
fondamental. Il insiste sur l’importance de l’activité physique dans la vie de l’enfant en expliquant que les activités
sportives varient en fonction de l’âge et des capacités physiques. Certaines activités se pratiquent à petite dose, d’autres
à forte dose, certaines sont violentes et exigent une force physique particulière, d’autres sont douces. Par ailleurs,
certaines activités nécessitent la rapidité dans l’exécution et d’autres sont lentes, certaines sont vives, combinant force
et rapidité, d’autres tout en relâchement. Chaque type d’activités a son utilité et sa justification dans la vie de l’enfant
(4).
Très versé dans cet art, à la fois comme compositeur et instrumentiste, Avicenne a accordé une place de choix à
l’éducation musicale de l’enfant. Il évoque les sentiments de plaisir, de bonheur, de pureté et d’élévation que la musique
inspire à l’enfant et l’éducation de l’oreille. (5).
Sport et musique sont, donc, les deux matières principales du programme d’enseignement à cette étape. Ce sont les
deux activités éducatives qui préparent l’enfant à aborder l’étape suivante, à l’âge de six ans.

(1) Ibn Sina, Al-Siyasa, sous la dir. de L. Maalouf, Majallat al-Sharq, Le Caire, 1906, p. 1034.
(2) Ibn Sina, Al Qanun, vol. I, p. 150.
(3) Ibn Sina, Al Qanun, vol. I, p. 157.
(4) Ibn Sina, Al Qanun, vol. I, p. 159

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Les situations proposées aux enfants de cet âge n'obéissent pas à un horaire contraignant. Elles se classent
en grands domaines d’activités à aborder sur les deux années du préscolaire. Elles sont guidées par les
objectifs à atteindre et déclinées en compétences à construire avant le passage au cycle de l'enseignement
fondamental.
Ainsi préparé, l’enfant aborde sa scolarité fondamentale avec plus de chances de la poursuivre et de la
réussir. Mieux équipé, il n’aura pas à fournir un double effort pour la conquête de la culture scolaire. Ainsi,
l’accès à une institution préscolaire qui répond aux besoins des enfants pendant ces années décisives de la
vie, améliore leur préparation à l’enseignement fondamental et a une incidence positive et durable sur les
résultats scolaires ultérieurs.
Par ailleurs, une institution préscolaire ouverte sur son milieu par l’implication des parents et, surtout,
les mères des milieux défavorisés, à la vie de l’établissement contribue à instaurer une culture de la petite
enfance en tant qu’étape de vie et non comme une préparation à la vie en les sensibilisant aux besoins
spécifiques de leurs enfants.
En outre, les enfants qui fréquentent les établissements préscolaires ont plus de chance d’échapper à
l’analphabétisme et au travail précoce dans les champs, la recherche du bois, la garde des moutons ou d’un
membre plus jeune de la famille. Les parents ainsi habitués à voir leur enfant à l’institution, s’habituent par la
même occasion à ne plus compter sur lui pour ces besognes qui ne sont pas les siennes.
En plus de sa contribution à l’éradication de l’analphabétisme à la source (du moins pour les générations
qui en ont profité), le préscolaire offre une opportunité socio-économique non négligeable pour les jeunes
diplômés et les investisseurs.
En somme, l’impact positif d’un préscolaire généralisé et excellent ne se limite pas aux enfants, il touche
les adultes, la société et son économie. Si les enfants en sont les principaux bénéficiaires, la société globale
en recueille les bienfaits, son présent sera heureux et son avenir assuré du fait que l’investissement le plus
judicieux et le plus rentable concerne les enfants d’aujourd’hui, citoyens de demain.

2. Bilan
2.1. Périodes avant et pendant le Protectorat
Aucun document connu n’atteste l’existence d’une structure d’enseignement ou de transmission des
connaissances avant l’arrivée des premiers musulmans au Maroc. Introduite par ces derniers venus de l’orient,
la transmission du savoir est restée relativement fidèle à ses origines tant en ce qui concerne l’espace, le
temps, le contenu ou le personnel qui s’en charge. Cette activité a accompagné et secondé l’islamisation du
pays. L’éducatif est subordonné au religieux qui le fonde, le légitime et dicte son contenu. Initialement instauré
dans la capitale, Fès, le système éducatif, échappant souvent au contrôle officiel, s’est progressivement étendu
pour couvrir des zones urbaines et rurales dont la réputation en tant que centres historiques de la transmission
du savoir résiste aux temps: Fès et sa prestigieuse université Al Quarawiyine, Marrakech et son institut Ibn
Youssouf, Taroudant et son institut islamique, etc. Devoir religieux, la quête du savoir a toujours été une
préoccupation prioritaire, une source de réflexion sans cesse renouvelée, un choix de société constamment
affirmé. En principe ouvert à tous et sans restriction sur l’âge, cet enseignement était cependant largement
mieux organisé dans les zones urbaines que dans les zones rurales.
Sous diverses dénominations, Msid, Hdar, Jamaâ ou Akharbich, les institutions d’accueil des enfants étaient
des locaux plus ou moins exigus reliés à une mosquée, une zaouia ou un marabout. Leur équipement était
assez austère voire morne et varie en fonction de la richesse de la zone d’implantation et de l’importance de
l’agglomération. En tout cas, les nattes constituaient les sièges des enfants regroupés autour de leur maître
et les murs dénués de tout ornement étaient dans le meilleur des cas peints à la chaux. L’aération hygiénique et

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l’ensoleillement ne semblaient pas être des exigences observées partout. Les fournitures scolaires se limitaient
à une planchette lisse dont la taille varie en fonction de l’âge de l’enfant et de l’avancement des acquisitions,
à de l’argile, faisant office de gomme, et à une encre fabriquée localement. Le maître éducateur qui portait
plusieurs noms: Fquih, Taleb, Imam jouait des fonctions multiples au sein de la société qui le prenait en charge.
Sur le plan éducatif, il était chargé de faire apprendre aux enfants dont il avait la charge le texte sacré par cœur,
la lecture et l’écriture. La répétition à haute voix et la récitation par cœur étaient les procédés dominants et le
recours au châtiment corporel en cas de manquement au devoir est encouragé par quelques familles.
Les étapes de cet enseignement à prédominance masculine commençait par le msid qui assurait aux
jeunes enfants, dès l’âge de quatre / cinq ans et quelle que soit leur origine sociale, une initiation au savoir
fondée sur la mémorisation du Coran. A l’âge de douze ou treize ans, les élèves les plus doués et les plus
méritants pouvaient accéder au second stade de l’apprentissage dans une medersa ou dans une zaouia, où
ils mémorisaient les principes fondamentaux de la grammaire, de la littérature, de la chariâ, de l’exégèse,
de l’astrologie et des mathématiques. Si leur fortune le leur permettait, ils entraient à al Quarawiyine où ils
suivaient l’enseignement d’un maître de leur choix qui une fois convaincu des compétences de son disciple,
l’autorisait à ouvrir son cercle d’enseignement. Pour terminer leur cursus, un pèlerinage intellectuel et religieux
les conduisaient à la Mecque en passant par les universités Zaïtouna à Tunis et Al Azhar au Caire.

2.1.1. Principes de l’enseignement avant le Protectorat


En plus des différents Hadith qui exhortent le musulman à la quête du savoir partout et sa vie durant, une
phrase semble résumer les principes de l’apprentissage4 : le savoir s’acquiert selon les étapes suivantes:
d’abord l’écoute puis le par cœur ensuite la compréhension puis l’explication et enfin la diffusion. Cet
ordre n’est pas fortuit. Il fallait d’abord éduquer l’oreille de l’enfant et l’habituer aux contours intonatifs de
la langue arabe tout en accompagnant cette écoute d’un balancement du corps de l’avant vers l’arrière et
d’un mouvement de la main de haut en bas pour engager tout le corps dans un procédé de mémorisation.
Par ailleurs, en raison de l’inexistence de l’imprimerie et du caractère sacré de l’objet de l’apprentissage, le
Coran, l’apprentissage par cœur s’imposait. L’explication du maître portait donc sur le texte sacré auquel il
faut se référer par mémoire. Ainsi donc, la compréhension se trouvait placée en troisième position et son
achèvement constaté par le maître autorise le passage au stade subséquent, l’explication. Cette étape qui
concerne l’apprenant le fait passer au stade de maître. L’étape ultime de ce cursus est la diffusion du savoir
par l’écriture et la transmission.
L’organisation de l’apprentissage à cette époque se caractérisait par:
– L’existence de plusieurs niveaux au sein du même groupe. En effet, la conséquence logique de la
non limitation d’âge, permet l’intégration des jeunes et des moins jeunes, des débutants et des
intermédiaires au sein du même groupe.
– L’individuation de l’apprentissage: le maître inscrivait ou faisait inscrire à chaque enfant la leçon à
apprendre ou les caractères à reproduire suivant son niveau d’avancement.
– La pratique du co-apprentissage: les élèves les plus avancés ayant terminé la tâche du jour, étaient
invités à aider les moins avancés en leur inscrivant les parties du texte à apprendre, le caractère à
reproduire ou leur dicter la sourate à inscrire sur les planchettes.5
– L’apprentissage progressif et analytique: la méthode suivie consistait à aller du simple, de la lettre et du
chiffre au composé, au mot et au nombre, des sourates courtes aux sourates longues, des opérations
simples (l’addition) aux opération plus complexes (la division).

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– Le recours au châtiment corporel: les enfants ayant manqué à leur devoir de récitation de la leçon se
voient infliger une correction allant de la simple gifle à la flagellation «falaqa».6

Il est difficile de trouver des statistiques détaillées sur le taux de préscolarisation. D’abord en raison du
caractère récent des pratiques de planification et de l’instauration du système de l’état civil et, ensuite,
parce que le préscolaire ne constituait dans les représentations d’alors qu’une simple initiation. Néanmoins,
il a été attesté qu’à à la veille du Protectorat, 150.000 enfants fréquentaient les écoles coraniques et
2.500 les médersas. Ces chiffres démontrent, de manière éloquente, la non articulation des deux niveaux
d’enseignement. Seuls 1,66% des enfants fréquentant les écoles coraniques accèdent aux medersas. Il est
connu que l’arrêt des études pendant les premières phases de l’apprentissage fait replonger les concernés
dans l’analphabétisme.

Encadré 3
Ibn Khaldoun et l’éducation (A)

Ibn Khaldoun traite de l’apprentissage des métiers et de l’enseignement des sciences en rapport, d’un
côté, avec les « moyens d’existence », et de l’autre avec le tableau général des sciences de son temps
qu’il dresse dans le dernier et très long chapitre de la Muqaddima.
Ibn Khaldoun pense que les arts doivent être nécessairement appris auprès d’un maître. Il ne conçoit
pas la technologie comme un savoir indépendant de ceux qui le possèdent, et la technique, bien que
comprise comme quelque chose d’à la fois pratique et intellectuelle (amr `amali fikri), est réduite à une
habileté qui ne peut être apprise que par l’observation et l’imitation (naql al-mu’ayana). L’apprentissage lui-
même est conçu par Ibn Khaldoun comme l’acquisition d’un habitus (malaka), conçu comme «une qualité
stable résultant d’une action répétée jusqu’à la fixation de sa forme» (B).
À sa naissance, nous dit Ibn Khaldoun , l’homme est dépourvu de tout savoir; il n’est encore qu’«une
matière première». Il accomplit ensuite progressivement sa forme «grâce au savoir qu’il acquiert avec
ses organes». Par essence ignorant, l’homme ne s’accomplit en tant qu’homme que par le savoir.
L’enseignement des sciences découle d’une double nécessité: d’une part, leur maîtrise exige un long
apprentissage qui ne peut se faire qu’avec l’aide de maîtres (C); de l’autre, leur développement même
exige qu’elles soient communiquées à autrui.
Qu’il s’agisse de l’enfant ou de l’adulte, des arts pratiques ou des sciences, des valeurs morales ou
religieuses, le but de toute action pédagogique est la formation dans l’âme d’une disposition stable. Une
fois acquise, cette disposition ne disparaît plus. Ibn Khaldoun la compare souvent à la teinture d’un tissu
qui ne se perd qu’avec la destruction de celui-ci.
La formation d’un habitus requiert au départ une répétition continue jusqu’à la fixation de sa forme.
Pour avoir le maximum d’efficacité, celle-ci doit être pratique (bi-l-mubashara), élaborée à l’exemple des
modèles les plus parfaits et avec le concours des meilleurs maîtres, de préférence suivant des méthodes
d’observation directe (bi-l-mu’ayana). Ibn Khaldoun pense que l’âme n’à qu’une réceptivité (isti’dad) assez
limitée. La formation doit donc intervenir dès l’âge le plus tendre, quand l’âme est encore vierge, « car les
premières choses à s’imprimer dans les coeurs sont comme des fondations pour les habitus; et l’édifice
vaut ce que valent ses fondations. » (D)
Ibn Khaldoun signale un autre important facteur dans la formation des habitus, celui de l'autorité.
Une attitude trop sévère des maîtres a les conséquences les plus néfastes,surtout pour les jeunes
enfants. Il rappelle, à ce propos, la situation des esclaves et des serviteurs, et aussi celle des nations

6. Dans son livre susmentionné, M. Al M. Soussi décrit (p. 21-25) en détail et dénonce cette pratique qu'il qualifie de rétrograde. Par
ailleurs, dans La Moqaddima, Ibn Khaldoun a consacré un chapitre aux méfaits du chât

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opprimées. La contrainte et l'oppression brisent le caractère, briment les énergies, et finissent par détruire
chez ceux qui la subissent la capacité de réaliser « leur fin et leur pleine humanité » (E). Il prône donc un
usage modéré de l’autorité et des châtiments, prenant en considération la personnalité de l’apprenant et le
souci de l’« instruire sans l’affliger et tuer son esprit ».
Pour maîtriser une discipline, il faut, dit-il, acquérir « un habitus permettant d’en cerner les principes et
les règles, d’en conna»tre à fond les problèmes et des principes tirer les questions secondaires » (F).
La formation d’un tel habitus exige une démarche rigoureuse où il faut prendre en considération d’un
côté, la « réceptivité » de l’étudiant et son pouvoir d’assimilation, et de l’autre, la quantité d’informations et
le degré de complexité de la matière à enseigner. Ibn Khaldoun estime que l’ensemble du processus doit
se dérouler en trois étapes progressives, dont il prend soin de définir les objectifs et les moyens (G).
La première est une étape préparatoire. Elle a pour objectif de familiariser l'étudiant avec la discipline
enseignée et de le préparer à en saisir les problèmes. À ce stade, on se contente donc de donner une vue
d'ensemble de la discipline, en insistant sur les points principaux. Les explications doivent être simples et
générales et tenir compte des aptitudes de l'étudiant à comprendre et à assimiler.
La deuxième étape est celle de l'approfondissement. On doit y « faire le tour » de la discipline en sortant
des généralités. Les explications et les commentaires doivent être exhaustifs et tous les points de vue
divergents seront exposés.
La troisième étape est celle de la consolidation et de la maîtrise. L’étude de la discipline est reprise in
extenso mais en s’attaquant cette fois aux points les plus complexes et les plus obscurs. Ibn Khaldoun
insiste beaucoup sur le principe de progressivité. C’est une grande erreur, dit-il, que de commencer par les
problèmes les plus abstraits, comme le font de nombreux enseignants qui ne tiennent aucun compte de
l’état de préparation de l’étudiant. Une telle pratique est des plus néfastes: l’étudiant se fatigue rapidement
et se décourage. Pire encore, croyant que les difficultés qu’il rencontre sont intrinsèques à la discipline
qui lui est enseignée, il s’en détourne et l’abandonne. D’autre part, Ibn Khaldoun perçoit clairement que
l’inculcation d’un savoir ne peut être séparée du développement des aptitudes mentales nécessaires à
l’assimilation de ce savoir. « Au début, remarque-t-il, l’étudiant est littéralement incapable de comprendre
quoi que ce soit, hormis quelques rares points qu’il ne saisit d’ailleurs que d’une manière approximative
et sommaire et quand ils lui sont expliqués avec des exemples tirés de l’expérience sensible. Puis ses
dispositions se développent progressivement: les problèmes de la discipline lui deviennent plus familiers,
ils lui sont répétés à plusieurs reprises, et il passe alors d’une connaissance approximative à une assimilation
de plus en plus approfondie. »

(A) source: Cheddadi, A. (1994). Ibn Khaldun (732 H/1332 - 808 H/1406). Perspectives. XXIV (1-2). 7-20.
(B) Voir Ibn Sina (Avicenne) par exemple, dans Shifa’.
(C) Muqaddima, traduction française par Vincent Monteil. T II. Pp. 873-875.
(D) Muqaddima. Pp. 824-825.
(E) Muqaddima. T. III. Pp. 1226-29.
(F) Muqaddima. T.II. p. 888.
(G) Muqaddima. T. III. Pp. 1218-21.

Par ailleurs, si l’enseignement de cette époque adoptait le procédé du par cœur, c’est en raison de
l’absence du papier et de l’impossibilité de doter chaque enfant d’un exemplaire du contenu à acquérir. Mais
que ce procédé soit encore de mise aujourd’hui dans certaines écoles coraniques et Kouttab, cela relève de
l’anachronisme et de l’immobilisme.
Le châtiment corporel très répandu à l’époque était dû à la conception prépondérante sur l’éducation. En
effet, la pensée rigoriste de Al Ghazali constituait le courant dominant dans la théorie et la pratique de l’islam,
sunnite en particulier. Ses idées éducatives en étroite relation avec ses conceptions philosophiques pré-

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conisent de couper l’enfant du monde et de ses tentations, afin qu’il y renonce, et de l’habituer à l’ascétisme,
au dénuement et à la modestie.7

2.1.2. Impact du Protectorat sur le préscolaire


Bien avant l’instauration du Protectorat français, le système éducatif marocain ne se limitait pas aux seules
institutions officielles, mais coexistait avec des institutions d’origines très diverses.
Ainsi, le premier établissement juif de l’Alliance Israélite Universelle a ouvert en 1862 à Tétouan, bientôt
suivi d’autres dans les principales villes marocaines. Les Français n’avaient pas non plus attendu le Traité de
Fès pour lancer le principe des écoles franco-arabes dans les villes et le plus souvent dans les consulats.
En 1912, donc, les Français recensent les institutions existantes, comparent leurs capacités d’accueil et de
formation avec les objectifs qu’ils s’étaient fixés en matière d’enseignement et mettaient peu à peu en place
un système intégrant les données locales et les apports du pays de tutelle.
Le but annoncé est de généraliser l’accès à l’enseignement et de l’élargir à un pourcentage plus
conséquent de la population en âge d’être scolarisée. Le préscolaire ne constituait pas une préoccupation à
l’époque. Certaines classes ont été réservées aux enfants des fonctionnaires français dans quelques écoles
à Casablanca et Rabat avant de s’étendre à d’autres villes.
Le but des écoles destinées aux autochtones de l’époque était la formation de jeunes gens, médiateurs
entre l’administration française et l’ensemble de la population. Il s’agissait donc de former une élite intellectuelle
avec laquelle l’administration entend coopérer. Le projet éducatif de l’époque n’intégrait pas le préscolaire
comme entité à part entière mais le considérait comme un service au profit des français en exercice au
Maroc. C’est donc le début d’une multiplicité des services d’accueil de la petite enfance dont les kouttab
traditionnels constituaient la charpente. Même Paul Marty8 dans son projet de création des écoles franco-
berbères n’avait pas accordé droit de cité au préscolaire: «L’école franco-berbère, c’est donc l’école française
par l’enseignement et la vie, berbère par les élèves. Donc, pas d’intermédiaire étranger. Tout enseignement
de l’arabe, toute intervention du «fquih», toute manifestation islamique seront rigoureusement écartés.(…)
En résumé, ces écoles berbères seront autant des organismes de politique française et des instruments de
propagande que des centres pédagogiques proprement dits.»
Ainsi s’ébauche, lentement, un système où la multiplicité et la diversité rivalisent, mais où les jeunes ne
trouvent pas tous leur place. Ce handicap lié à une conjonction de facteurs, tels l’accroissement démographique
et la pression croissante de la demande scolaire, résultant d’une société en perpétuelle mutation et qui
expliquent la lente régression du taux d’analphabétisme.

2.1.3. Evaluation du préscolaire de cette période


Pour faire face au projet du Protectorat qui visait à soumettre les esprits après avoir réalisé celle des
corps9 et à la limitation imposée au fquih de se contenter à faire apprendre aux enfants le Coran sans aucune
explication10, un dahir Chérifien relatif aux kattatib coraniques a été promulgué le 11 décembre 193711 auquel
faisait suite un Arrêté du grand vizir précisant les modalités de son application. Les conditions d’ouverture et

7. Al Ghazali; Abou Hamid. (1988). Ihya’ `Ulum al-Din, Le Caire, Al-Matba’a al-Azhariya,. vol. 3, Pp. 62-63.
Al Ghazali; Abou Hamid, Ayyuha-l-Walad, Maktabat al-Jundi, Le Caire, n.d.
Nofal M. N. (1993). AL-GHAZALI (1058-1111). Perspectives. Paris. XXIII, 3-4, Pp 541-549.
8. Cité par GRANDGUILLAUME, G. (1983). Arabisation et politique linguistique au Maghreb, éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, Paris,
p. 127.
9. HARDY, G. (1920) Le problème scolaire au Maroc .imprimerie rapide, Casablanca.
10. BAINA, A. (1981):le système de l’enseignement au Maroc,les instrument idéologique- le fonctionnement interne, Ed. Maghrébines,
Casablanca, tome 1, p.109.
11. Cité par Vermeren, P. (2002). Ecole, élite et pouvoir: Maroc – Tunisie XXe siècle. Ed. Alizés. Rabat. p. 27.

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les disciplines à dispenser furent fixées. Ainsi, la direction de l’enseignement et des sciences islamiques fut
chargée de la gestion du secteur.
Les institutions ouvertes en vertu de ce dahir le furent dans leur quasi-totalité en milieu rural et péri-urbain
selon une conception traditionnelle, dans un environnement austère et avec un matériel très modeste: une
natte, une plume en roseau, une planchette polie avec de l’argile et une encre fabriquée localement. Le
fquih – éducateur prenait la main de l’enfant pour l’aider à écrire sur la planchette qui devait être effacée chaque
jour pour y inscrire une nouvelle leçon. L’utilisation du papier est quasi-absente dans ces institutions12.
La gestion de ces institutions revenait de coutume à la communauté locale qui confiait en vertu d’un
contrat, souvent non écrit, avec le fquih, taleb, les enfants à ce dernier pour leur apprendre le Coran, l’écriture,
la lecture et des rudiments de calcul en échange d’une prise en charge (nourriture, logement) et une modique
somme d’argent. Le choix du fquih – taleb, le contrôle de ses activités et sa rémunération revenaient donc à
la communauté locale et l’Etat n’avait aucune prise sur la situation13.
Il convient de signaler que la délégation marocaine avait présenté à la commission de réforme de
l’enseignement de juin 1946 un projet, nommé la charte de l’enseignement, proposant la transformation des
katatib en jardin d’enfants, et ce dans le but d’alimenter les écoles libres disposant d’un cycle d’enseignement,
de cinq années, entièrement arabisé, de créer un système d’enseignement parallèle, complet et arabisé, et de
contrebalancer les effets du système créé par le Protectorat. Mais ce projet n’avait pas abouti14.

2.2. Préscolaire du Maroc indépendant


2.2.1. De 1955 à 1968
Au lendemain de l’indépendance, le faible taux de scolarisation (12% en 1955 pour les 7 – 14 ans), la grande
diversité des systèmes et cursus d’enseignement, le faible nombre d’enseignants marocains et la pression
d’une population assoiffée d’apprentissage ont dictée, en 1957, à la première commission officielle pour la
réforme de l’enseignement les quatre principes – finalités: la généralisation, l’unification, la marocanisation et
l’arabisation. En fait, c’est en 1958 que le ministère de l’éducation de l’époque a entamé leur mise en pratique.
D’énormes efforts ont été déployés pour le primaire sur le plan des constructions scolaires, la formation et la
rémunération des maîtres, etc. Cependant, le préscolaire fut complètement oublié; aucune mention n’était
faite à son sujet. Dans la réalité, son effectif a considérablement diminué au profit du primaire. Par ailleurs,
les fquihs furent drainés pour faire face au manque d’enseignants dans les écoles nouvellement créées. Par
conséquent, le préscolaire affichait à cette époque la figure du parent pauvre du système éducatif national. Les
katatib des zones rurales, ayant perdu les enfants âgés de 7 ans et plus et les meilleurs éducateurs, continuaient
à fonctionner comme naguère: univers dépouillé, matériel éducatif désuet, méthodes éducatives sévères
et anachroniques, éducateurs non formés. Les grands centres urbains ont vu se multiplier des structures
modernes: jardins d’enfants créés à l’image des crèches et écoles maternelles françaises. Cependant, l’exode
rural massif a engendré l’irruption de grandes ceintures de pauvreté et d’habitats insalubres où des structures
d’accueil de la petite enfance pullulaient dans des locaux de fortune et avec des éducateurs ayant à peine
dépassé le premier stade de l’alphabétisation. Toute une génération de garçons et surtout de filles a été
sacrifiée sur l’autel de l’analphabétisme, de la pauvreté et du laisser pour compte.
Il a donc fallu attendre l’année 196815 pour que le préscolaire soit officiellement mis sur les rails du
développement dans lequel tout le pays est engagé.

34.¢U ,•ÉHôdG øeõdG äGQƒ°ûæe ,ó«∏≤àdGh áKGó◊G ÚH á«YɪàL’G áÄ°ûæàdG Ö«dÉ°SCGh »Hô¨ŸG πØ£dG .(1997) .Ω.Ω ,êÉÑ≤dG . 12
130.¢U .•ÉHôdG ,»eɶædG ÒZh »eɶædG º«∏©àdG ÚH πeÉμàdG .(1998) .ƒμ°ù«°ùjEG .áaÉ≤ãdGh Ωƒ∏©dGh á«HÎ∏d á«eÓ°SE’G ᪶æŸG . 13
83 ¢U,AÉ°†«ÑdG QGódG ,º°üà©ŸG ó«©°ùdG áªLôJ ,1970‐1919:Üô¨ŸÉH Iô◊G ¢SQGóŸG ácôM .(1991) .ê .ê ,¢ùÁO . 14
15. Discours Royal du 9 octobre 1968

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2.2.2. Naissance du kouttab moderne
Le discours Royal du 9 octobre 1968 a insufflé une âme nouvelle et a donné un élan sans précédent au
secteur du préscolaire et surtout aux katatib. D’où l’apparition dans les zones urbaines d’un type nouveau
d’institutions préscolaires: le kouttab moderne ou le kouttab rénové. Dans la réalité, cette nouvelle institution
n’a introduit qu’une légère modification sur la structure traditionnelle. Les bancs ont remplacé les nattes,
les ardoises ont supplanté les planchettes et des jeunes ont succédé au fquih portant djellaba et turban. En
revanche, le contenu, les méthodes et les activités éducatives n’ont été que très peu améliorés16. Contrairement
au dahir de 1937 qui a mis les katatib sous la responsabilité du ministère des affaires islamiques, le présent
discours a chargé le ministère de l’éducation de gérer le kouttab moderne. Ainsi le ministère de l’éducation de
l’époque a procédé à la mise en place de structures administratives aussi bien au niveau central que régional.
Le premier service central du préscolaire fut créé en 1973 et des bureaux régionaux furent créés au sein de
chaque délégation provinciale, en 1968. Les tâches dévolues à ces structures administratives consistaient
en la fixation des normes d’ouverture et de fermeture et la délivrance des autorisations d’exercice dans le
secteur.
Les jardins d’enfants ont connu à leur tour un foisonnement et une fortune indéniables. Ces entités
comprenaient dans certains cas au moins trois sections appelées petite, moyenne et grande en plus d’une
structure crèche accueillant les enfants de moins de trois ans. Ces institutions privées étaient sous la
responsabilité du département chargé de la jeunesse et des sports en vertu du dahir chérifien daté du 8 avril
1941 et du décret de 194617. Plusieurs institutions ont été créées dans plusieurs villes du pays. Un cycle de
formation des éducateurs fut créé à l’institut de formation des cadres de la jeunesse et des sports.
En somme, le secteur du préscolaire s’est trouvé éclaté par le fait de la multiplicité des organismes de
tutelle où la coordination et la concertation ont cédé la place à une sorte de guerre d’influence. C’est donc là,
la consécration de la multiplicité des objectifs visés, des activités proposées et des profils de sortie.

2.2.3. A partir de 1985


A partir de 1985, le secteur du préscolaire relevant de l’autorité du ministère de l’éducation nationale a
connu une impulsion tant sur le plan administratif que sur celui de la stratégie d’approche.
Au niveau central, le service s’occupant du préscolaire a été promu en division comportant deux services18.
Par ailleurs, l’ouverture sur le secteur associatif national et international en collaboration avec l’université a
permis de repenser le secteur et surtout de sensibiliser les intervenants dans le secteur à la spécificité de
la petite enfance. Le partenariat du ministère de la jeunesse et des sports avec l’association ATFALE et la
fondation Bernard Van Leer a permis de prendre conscience de l’importance de la formation des éducateurs
pour l’amélioration des conditions d’accueil de la petite enfance. Un nouveau paradigme de recherche et
d’intervention a pu être mis en place. Par la suite, le ministère de l’éducation nationale a récupéré le projet, eu
égard au nombre d’institutions préscolaire relevant de son autorité. Ainsi, des documents furent élaborés et
distribués à travers le territoire national19. Cette coopération a permis par ailleurs l’organisation de colloques,

óªfi á©eÉL äGQƒ°ûæe ,á«°SQóŸG πÑb Ée á«HÎdG ∫ƒM ¤hC’G á«HQɨŸG IhóædG ∫ɪYCG ,¢UôØdG DƒaÉμJ á«dÉμ°TEGh á«°SQóe πÑb Ée á«HÎdG : (2002) .…QÉ«ÿG âjCG ˆG óÑY .16
112.¢U .,á«HÎdG Ωƒ∏Y á«∏c ,¢ùeÉÿG
17. BAINA, A. (1981). Le système de l’enseignement au Maroc, les instruments idéologiques- le fonctionnement interne, Ed. Maghrébines,
Casablanca, tome 1, p.299.
18. La division fut créée par décret nÆ 2.94.761 du 21 novembre 1994, Elle comporte deux services s'occupant de la documentation, des
programmes, de l'encadrement et du contrôle des katatib, et relève de la direction du préscolaire et du premier cycle de l'enseignement
fondamental.
.AÉ°†«ÑdGQGódG ,Iójó÷G ìÉéædG á©Ñ£e ,á«°SQóe πÑb Ée á«HÎdG ‘ π«dO .(1994) .≈Ø£°üe ¿ÉëjQh ≈Ø£°üe ‹Ó¡dG . 19
.AÉ°†«ÑdGQGódG ,∫hC’G iƒà°ùŸG,‹hC’G º«∏©àdG »HôŸ »∏ªY »©Lôe ÜÉàc ,ájƒHÎdG äÉ≤«Ñ£àdG .(1990) .á«æWƒdG á«HÎdG IQGRh

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de tables rondes et de journées d’études organisés en collaboration avec les partenaires du ministère de
l’éducation nationale autour du préscolaire et de la petite enfance20.
C’est à cette période que furent créés les centres de ressources du préscolaire au sein de certaines
délégations. Ces entités avaient pour mission la formation des éducateurs à la fabrication de matériel éducatif
à faible coût, à la gestion du temps et de l’espace et à la spécificité de la petite enfance. Le but était de
faire comprendre aux éducateurs que les besoins des enfants de cet âge-là sont bien différents de ceux
des enfants d’âge scolaire. Par conséquent, la mission de l’institution préscolaire n’est pas d’appliquer une
forme allégée du programme scolaire mais de proposer des activités qui répondent aux besoins, intérêts et
compétences de la petite enfance.
Cette expérience de partenariat autour du projet «koranic preschools» a fait l’objet d’une évaluation
externe pour en estimer les réalisations et dépasser les écueils21. Cette phase expérimentale qui a adopté le
paradigme de la recherche action s’est appuyée sur une stratégie de démultiplication des effets et a touché
sept délégations provinciales.
La phase généralisation du projet koranic preschools (1998) a profité à une vingtaine de délégations et
engendré un dynamisme autour du préscolaire. Ainsi d’autres organismes internationaux, tel l’Unicef, ont
participé à des sessions de formation et ont contribué à la diffusion d’une culture de la petite enfance. D’autre
part, la prise de conscience de l’importance de l’éducation préscolaire a incité à la création d’associations
locales adoptant une stratégie d’actions intégrées pour le développement où le préscolaire occupe une
place de choix. L’expérience du ministère de l’éducation nationale avec certaines collectivités locales, des
associations et du même ministère en partenariat avec l’Unicef, l’Usaid, MEG constitue une preuve tangible
d’une approche différente dans le développement du secteur.
L’année 1998 a été marquée par un tournant décisif dans la considération du préscolaire: pour la première
fois dans l’histoire du ministère de l’Education Nationale, une ligne budgétaire spécifique du préscolaire
fut créée. La non existence de cette ligne auparavant constituait un handicap majeur au développement du
secteur. De plus, l’adoption des techniques de la planification depuis 1996, a permis d’évaluer les besoins,
l’atteinte des objectifs tracés et l’effort à fournir pour leur réalisation.

2.2.4. Evaluation de cette période


Les efforts consentis pour la généralisation et l’amélioration de la qualité du préscolaire sont certes
énormes, surtout à partir de 1985. Cependant, les résultats obtenus restent en deçà des attentes et ne sont
pas proportionnels aux travaux réalisés tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif.
En effet, une lecture rapide du graphique 1, représentant l’évolution des effectifs des enfants préscolarisés
depuis l’année scolaire 1996–1997, permet d’estimer l’importance des efforts fournis. En revanche, la
considération du graphique 2, représentant les pourcentages des enfants préscolarisés par rapport au nombre
des enfants préscolarisables dévoile la quantité de travail à faire et le retard accusé dans l’atteinte de la
généralisation.

20. Premier colloque maghrébin sur l'éducation préscolaire: théories et pratiques, 1992.
– Journées internationales audiovisuelles sur l’éducation préscolaire, 1994.
– colloque international sur l’éducation préscolaire : problématiques et perspectives,1998 .
21. Ministère de l’Education Nationale/ UNICEF (1993), Etude évaluative des actions du MEN pour le développement du préscolaire
coranique, imprimerie Al Maârif Al Jadida, Rabat.

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Graphique 1: Évolution des enfants inscrits dans le préscolaire

(source: Ministère de l’Education Nationale - Direction de la Stratégie, de la Statistique et de la Planification, 2003-04)

En effet, en cinq décennies d’indépendance seuls 50,10% de la population des enfants de moins de six ans
fréquentent des institutions préscolaires en 2004 dans des conditions très éparses allant des katatib tradition-
nels où les exigences minimales d’accueil sont négligées aux institutions modernes qui rivalisent, du moins
au niveau des équipements, avec leur modèle, les institutions des missions étrangères

Graphique 2 :Taux de préscolarisation de la tranche d’âge 4-5 ans

(source:MEN Direction de la stratégie, de la Statistique et de la Planification,2003-04


http://www.men.gov./ma/fr/bdd/bdd/doc/statistiques0304f.htm)

Par ailleurs, le graphique 2 laisse apparaître une double disparité assez prononcée entre les milieux urbain
et rural d’une part et entre les deux sexes au profit des garçons, de l’autre. En effet, selon les statistiques de
la Direction de la Stratégie, de la Statistique et de la Planification du Ministère de l’Education Nationale, pour
l’année 2003–2004, il semble que les filles du milieu rural soient les plus affectées par l’exclusion de l’éducation
préscolaire et il serait difficile qu’elles ne le seraient pas pour les cycles ultérieurs de l’enseignement. En effet,
le pourcentage des petites filles rurales bénéficiant d’une éducation préscolaire ne représente que 17,51% de
l’ensemble des filles qui ne représentent à leur tour que 39,40% de l’ensemble de l’effectif global et ce au
titre de cette année scolaire (2003–2004).

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La couverture en établissements préscolaires est loin d’être uniforme, la même disparité est enregistrée
entre les différentes régions économiques du pays comme semble le corroborer le tableau suivant:

Tableau 1 : Taux net de préscolarisation des 4-5 ans par région (2002)
(d’après Chedati, 2002)22

Région Taux
Laayoune-Boujdour 77%
Gharb chrarda Béni Hssen 70%
Rabat Salé Zemmour Zaer 69%
Souss Massa Draa 68%
Grand Casablanca 63%
Meknés Tafilalet 61%
Chaouia Ourdigha 53%
Ouad Eddahab 51%
Tanger Tétouan 49%
Tadla Azilal 46%
Taza Houceima Taounate 46%
Marrakech Tensift Al Haouz 44%
Guelmim- Essmara 43%
Fès Boulmane 39%
Doukkala Abda 38%
Oriental 28%

Curieusement le taux de préscolarisation le plus élevé est enregistré dans la région de Laâyoune – Boujdour
(77%) dépassant largement la moyenne nationale. L’attention dont bénéficie cette région a eu un impact positif
sur le secteur. Mais, le faible taux enregistré par la région de Guelmim – Essmara, limitrophe de la première
serait peut-être dû au fait que la pratique du semi-nomadisme y est assez répandue. C’est la situation qui
prévaut aussi dans la région orientale qui connaît le taux le plus faible à l’échelle nationale. Globalement, le
taux de préscolarisation reste beaucoup en deçà des prévisions établies en 2000 pour 2004.
D’autres aspects quantitatifs, liés aux locaux, aux équipements, aux effectifs, et des aspects qualitatifs
se rapportant à l’organisation pédagogique, aux activités éducatives, aux profils des éducateurs caractérisent
le préscolaire actuel. Cependant, le handicap majeur dont souffre le secteur se résume dans la multiplicité
des organismes de tutelle qui génère une diversité voire une opposition dans les textes réglementaires, les
objectifs visés, les situations proposées et le profil recherché à l’issue du cycle.
La figure 1 illustre la situation de l’éclatement du secteur et sa prise en charge par différents organismes
relevant de divers départements voire de différents services au sein d’une même administration.

22. Chedati, B. (2002). Etude diagnostique des systèmes d’enseignement préscolaire au Maroc. Rapport de consultation non publié.

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Figure 1: effectifs du préscolaire en fonction des types d’institutions et des organismes de tutelle

(d’après EL ANDALOUSSI, B. 1997 /- Chedati, B. & Faiq, M. 2003)23 et 24

Force est de constater que le préscolaire relève dans sa quasi-totalité (98%) du secteur privé constitué de
groupes scolaires dans les grands centres urbains et de personnes physiques dans le rural et le périurbain. Le
secteur public, représenté par les Ministères de l’Education Nationale, des Habous et des Affaires Islamiques,
l’Entraide Nationale, les œuvres sociales de certains ministères et quelques ambassades, ne dispose que des
2% restants.
Cette mosaïque d’organismes de tutelle est corollaire d’une diversité des types d’établissements et
des lieux de leur implantation. En effet et selon les données du Ministère de l’Education Nationale, 89%
des établissements du préscolaire moderne sont implantés en milieu urbain contre 11% en milieu rural.
Cette proportion se trouve inversée dans le cas des Katatib puisque 60% le sont en milieu rural alors que
les milieux urbain et périurbain n’en comptent que 40%. D’autres types d’institutions, fruit de diverses
formes de partenariat, se créent ici et là à travers le territoire national. Il s’agit notamment d’institutions
communales et communautaires répondant à des besoins exprimés par les populations locales ou par ceux

23. EL ANDALOUSSI, B. (1997). La situation du préscolaire au Maroc, Actes du colloque international sur l’éducation préscolaire,
Université Mohamed V Faculté des Sciences de l’Education, ATFALE.
24. Chedati, B. & Faiq, M. (2003). L’enseignement préscolaire: état des lieux. Rapport de consultation non publié

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qui les représentent. Il convient de signaler que l’enquête menée par la Direction de l’Appui educatif en 2001
fait état de l’existence d’un nombre d’institutions préscolaires exerçant sans autorisation dont la plupart sont
implantées en milieu rural.
En outre, l’éclatement du profil du préscolaire est manifeste au niveau de l’aspect physique des
établissements. Rares sont les établissements conçus pour l’usage qui en est fait. Certains étaient à l’origine
des habitations (villa, maison, appartement, sous-sol d’immeuble, garage, pièce donnant sur l’extérieur ou
même sur l’intérieur), d’autres, liés à l’espace religieux, font partie d’un édifice de culte ou de recueillement
alors que le reste est implanté au sein d’écoles primaires ou de groupes scolaires. Du coup, émerge la question
de la superficie de ces établissements et de la présence ou non d’une cour de récréation. Comme on peut
s’y attendre, cette superficie varie entre 15 et 220 mÇ, la possibilité de se déplacer et de circuler se trouve
sérieusement limitée voire inexistante. Et Chedati (2002) d’affirmer: «Globalement 54% des salles observées
ont une superficie moyenne qui varie entre 15 mÇ et 30 mÇ. Cette proportion ne diffère pas tellement d’un
milieu à l’autre. En effet 51% des salles observées en milieux urbain et périurbain ont une superficie de
15 à 30 mÇ. Cette proportion est relativement plus élevée en milieu rural (57%)»25. Cette disparité empêche
toute comparaison sérieuse entre les institutions qui portent le label «préscolaire» et invite à une réflexion
profonde sur le devenir de la petite enfance.
Ce bilan relatif aux aspects physiques des institutions préscolaires serait incomplet s’il ne mentionne pas
l’état des équipements disponibles dans ces établissements. D’abord les équipements de base: eau, électricité,
latrines, aération, lumière et, ensuite les équipements pédagogiques avant de passer aux aspects qualitatifs
relatifs aux types et contenu des activités éducatives, à la formation des éducateurs et aux représentations
sous-jacentes aux interventions éducatives.
Il paraît que sur un effectif de 1568 établissements enquêtés26, 53 % des établissements en milieu rural,
95% en milieu périurbain et 93 % en milieu urbain sont équipés en électricité. Concernant l’eau courante, la
situation du milieu rural n’est guère meilleure car cette matière vitale fait défaut: 28% en milieu rural, 90% en
milieu urbain et 93% en milieu périurbain en disposent. Par ailleurs, les établissements ne disposant pas d’eau
courante en milieu rural (72 %) utilisent l’eau de réserve dont on ne sait pas si elle est traitée ou non. La situation
hygiénique, présence de latrines et de blocs sanitaires avec lavabos, semble problématique en milieu rural car
32 % des établissements seulement en disposent contre 71 % et 78 % respectivement en milieux périurbain
et urbain. Par ailleurs, l’aération et l’éclairage constituent des indicateurs d’hygiène et de santé à observer dans
toute institution éducative. Or, il est difficile de les voir respectés dans des établissements ayant une superficie
inférieure à 20 mÇ. En effet, sur un échantillon de 1716 salles de classe visitées lors de l’enquête réalisée par B.
Chedati (2002), 23 % sont insuffisamment aérées, 21% souffrent d’un manque d’éclairage et 24% sont jugées
insuffisamment propres. Chedati résume la situation concernant la présence des trois indicateurs, éclairage,
aération et propreté, dans ces termes: «Cependant si on tient compte du milieu, le pourcentage moyen passe
à 51%, 30 % et 10 % selon que l’établissement est en milieu urbain, périurbain ou rural»
En ce qui concerne les équipements éducatifs, la situation des katatib traditionnels est claire. On ne peut
pas s’attendre à y trouver des pupitres adaptés à la taille des enfants car les nattes constituent les seuls
sièges permis. D’ailleurs, en milieu rural, 13 % des établissements sont équipés de pupitres adaptés aux
enfants du préscolaire contre 67 % et 54 % respectivement en milieux périurbain et urbain. Certaines activités
éducatives dans le préscolaire nécessitent des tables et des sièges adaptés à la taille des enfants. Or, les
établissements en sont inégalement équipés : 38 % en milieu urbain, 28 % en milieu périurbain et 7 % en
milieu rural. Le tableau noir, auxiliaire pédagogique plus adapté pour l’enseignement fondamental que pour le
préscolaire, enregistre une omniprésence dans tous les milieux, exception faite pour les katatib traditionnels:
92 %, 94 % et 53 % respectivement pour les milieux urbain, périurbain et rural.
Les aspects qualitatifs retenus se rapportent en premier lieu aux textes réglementaires qui organisent le
25. Chedati, B. (2002). Etude diagnostique des systèmes d’enseignement préscolaire au Maroc. Rapport de consultation non publié.
26. Chedati, B. & Faiq, M. (2003). L'enseignement préscolaire: état des lieux. Rapport de consultation non publié.
Chedati, B. (2002). Etude diagnostique des systèmes d’enseignement préscolaire au Maroc. Rapport de consultation non publié.

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secteur, aux profils des éducateurs et à l’organisation et l’encadrement pédagogiques des institutions.
Le préscolaire a, longtemps, souffert d’un vide réglementaire et juridique. Ce n’est qu’en l’an 2000 que le
premier texte de loi statuant pour l’enseignement préscolaire a vu le jour. Les jardins d’enfants ont eu le leur
en 1991. Or, le Dahir nÆ 1-00-201 du 15 safar 1421 (19 mai 2000) portant promulgation de la loi nÆ 05-00
relative au statut de l’enseignement préscolaire stipule dans l’article 21 ce qui suit:
« Article 21 : Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux écoles coraniques (Katatib), à
l’exception de celles prévues dans les articles 5 et 15. »
On peut raisonnablement se demander quel impact cette loi a sur la réalité du préscolaire quand on sait
que 67% des enfants préscolarisés se trouvent dans les katatib contre 33% dans les jardins d’enfants. S’agit-il
d’une exclusion délibérée des 67% des enfants ou d’une omission fâcheuse?
En l’absence d’une institution de formation des éducateurs du préscolaire et de modules de formation
dans les centres de formation des instituteurs et des inspecteurs, la formation initiale en matière d’éducation
préscolaire est quasi-absente exception faite de l’unité de formation créée au sein de la faculté des sciences
de l’éducation (qui n’existe plus), de quelques centres privés surtout à Rabat et Casablanca mais qui ont des
difficultés à trouver des recrues en raison des frais élevés et du manque de motivation des jeunes et du
centre de la formation des cadres relevant du Ministère de la jeunesse et des sports qui a été restructuré il y
a quelque temps.
La plupart des éducateurs exercent sans formation initiale aucune. La formation continue n’a pas bénéficié
à tous car ce type de formation n’a jamais été programmé à l’échelle nationale. L’expérience GKPS – ATFALE
a touché plus d’une vingtaine de délégations sur 72 existantes. Par ailleurs, tous les éducateurs des vingt
délégations concernées par cette intervention n’ont pas pu en profiter. Il serait plus utile de penser à une
stratégie de proximité en mettant en place des unités de centres de ressources mobiles au sein de chaque
délégation si l’on veut réellement accélérer le processus d’initiation aux nouvelles approches d’intervention
auprès de la petite enfance préscolarisée.
En outre, les centres de ressources qui organisent une série de formations thématiques surtout à
caractère pratique ne sont pas généralisés (51 centres de ressources seulement). Ce qui signifie que
certaines délégations en sont privées. La localisation de ces centres dans les locaux des délégations ou dans
des écoles proches limite leur impact sur les éducateurs exerçant dans d’autres villes. En plus du nombre
insuffisant de centres de ressources, ces derniers souffrent cruellement du manque de personnel qualifié
dans la confection du matériel éducatif. Pourtant, ce type de personnel existe, mais le cloisonnement entre
les différents services du ministère entravent la collaboration: c’est un exemple clair de problème de gestion
des ressources humaines.
Le niveau d’instruction des éducateurs constitue aussi une source de disparité importante et contribue à
creuser davantage le fossé entre les milieux urbain et rural. Ainsi, le tableau 2, recalculé à partir des données
de l’enquête menée par B. Chedati (2002) montre, en pourcentage, le niveau d’instruction des éducateurs en
fonction du milieu de travail à partir d’un échantillon de 1645 éducateurs.

Tableau 2: Niveau d’instruction en fonction du milieu de travail


(B. Chedati, 2002)

Urbain périurbain rural Total

coranique 17,81 0,61 33,68 52,10


primaire 2,74 0,18 1,34 4,26
collège 9,60 0,97 4,32 14,89
lycée 11,79 1,28 2,67 15,74

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université 8,15 1,22 1,52 10,88
Autres 1,70 0,00 0,43 2,13
total 51,79 4,26 43,95 100,00

La forte présence d’éducateurs n’ayant qu’un niveau coranique en milieu rural (33,68%) rend difficile
l’introduction de nouvelles approches éducatives dans ce milieu. Les rapports du groupe GKPS – ATFALE
avaient déjà signalé une grande résistance de cette catégorie d’éducateurs à leur approche. Par contre,
en milieu urbain, le pourcentage relativement élevé des éducateurs ayant atteint le niveau du lycée et de
l’université (9,85% contre 2,50% pour le périurbain et 4,19% pour le rural) a facilité l’engagement dans le
processus du changement.
L’encadrement pédagogique varie en fonction des organismes de tutelle. Ainsi, les katatib relevant du
Ministère de l’éducation Nationale sont pris en charge par des conseillers (463 dont 14 conseillères), des
inspecteurs (6 dont 4 inspectrices) et des lauréats de la faculté des sciences de l’éducation (31 dont 21
lauréates). Les jardins d’enfants bénéficient de l’encadrement des inspecteurs (578 dont 45 inspectrices)
de l’enseignement privé. Les autres intervenants dans le secteur, Ministères de la Jeunesse et Sports et
l’Entraide Nationale, assurent l’encadrement des établissements relevant de leur compétence, toutefois les
statistiques dont ils disposent ne sont pas exploitables ici.
Il est à remarquer que les katatib, fréquentés par 67% des enfants préscolarisés, sont moins bien encadrés
que les jardins qui en accueillent 33%. Par ailleurs, ces conseillers manquent de formation initiale en matière
de l’éducation préscolaire. Par conséquent, leur intervention ne peut que se réduire à un contrôle à l’image
du primaire.
Pour terminer cette partie réservée aux aspects qualitatifs, il convient de s’interroger sur l’organisation
spatio-temporelle et les activités proposées aux enfants.
L’organisation de l’espace est un indicateur qualitatif de nature sémiotique, qui révèle la représentation
de celui qui la pratique27. L’organisation de l’espace éducatif implique la gestion du matériel en fonction de la
surface disponible et des activités programmées. Cette organisation peut varier entre l’immobilité totale et la
mobilité intelligente. Dans les katatibs, la situation est claire, des nattes, des enfants assis les uns derrière les
autres face à l’éducateur seule source de savoir et dépositaire de pouvoir. Les petits enfants y sont soumis au
supplice de l’immobilité des heures durant. La situation des établissements modernes n’est guère meilleure
sur ce point car, utilisant des pupitres, plus au moins adaptés aux petits enfants, placés les uns derrière les
autres, ils ne favorisent guère la communication entre les enfants qui doivent fixer le tableau noir et le bureau
de l’éducateur. Il paraît que le respect des besoins des petits enfants est plutôt rare et ne se rencontre que
dans les établissements interdits, économiquement, à la majorité de la population.
Quant aux activités proposées aux enfants, elles constituent dans la majorité des cas de simples parodies
de la première année de l’enseignement fondamental. La conscience de l’importance des situations ludiques
pour le petit enfant est loin d’être acquise. Pire, le jeu relève dans la représentation de la plupart des éducateurs
du manque de sérieux à combattre. C’est ce qui explique la grande résistance des éducateurs, surtout ceux
dont le niveau d’instruction est très bas, à l’introduction des situations ludiques dans leur intervention.
Il est clair que l’implication des parents dans la vie des établissements préscolaires constitue un facteur
incontournable dans tout projet de développement et de promotion du secteur.

3. Quelques comparaisons utiles


Dans le contexte des comparaisons internationales, il est intéressant de situer le préscolaire au Maroc par
rapport à ceux des 15 pays sélectionnés dans le cadre de ce rapport. Il sera surtout question des deux aspects
27. Greimas, A. J. (1970). Du sens, essais de sémiotique. Seuil. Paris.

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quantitatif et qualitatif de l’éducation préscolaire. Les données internationales, pour ce cycle d’éducation,
ne sont pas toujours disponibles pour tous les pays de la sélection. Au manque de données pour certains
pays et périodes s’ajoutent des problèmes de comparabilité de ces données. Ces questions de comparabilité
touchent les points suivants :
– les tranches d’âge prises en considération ne sont pas les mêmes pour les 15 pays de l’échantillon.
Comme le montre le tableau 4, trois pays dont l’Espagne, le Portugal et la Turquie founissent des données
chiffrées concernant la tranche d’âge 3– 5 ans. Quant au Chili, l’Irlande, la Malaisie, la Jordanie,la Grèce,
l’Egypte et le Maroc, ils retiennent la tranche d’âge 4–5 ans. Un troisième groupe de pays, constitué
de la Corée, des Philippines et de la Tunisie, fournit des données relatives à la tranche d’âge 5–5 ans.
Deux cas atypiques restent à mentionner ; il s’agit de la Pologne et de l’Afrique du sud, qui retiennent
respectivement les tranches d’âge 3–6 ans et 6–6 ans.
– Par ailleurs, la non disponibilité de données relatives au préscolaire pour certains pays de l’échantillon
rend la comparaison assez difficile. Le premier cas à signaler se rapporte à la Pologne, la Tunisie et les
Philippines pour l’année 1990. On dispose pour cette année-là du taux global des préscolarisés mais sa
répartition entre les filles et les garçons manque. Le second cas concerne le manque total de données
sur le préscolaire en Irlande pour l’année 2000.

Afin de mieux saisir le problème de la comparabilité et de la fiabilité des données statistiques, il serait utile
de considérer à titre d’exemple deux cas : celui de la Tunisie et du Maroc.
Il convient de signaler, pour le cas de la Tunisie, une certaine disparité entre les chiffres publiés dans le rapport
mondial de suivi sur l’éducation pour tous 2003/2004 et les chiffres publiés par le Ministère de l’Education
Nationale tunisien28 concernant la tranche d’âge fréquentant les jardins d’enfants (3–5 ans au lieu de 5 ans).
Selon le ministère tunisien : «L’éducation pré-scolaire est placée sous la tutelle du Ministère de la jeunesse,
de l’enfance et du sport. Sont concernés par cette éducation, les enfants âgés de 3 à 5 ans.» et le «taux de
fréquentation est passé de 7,09 % en 1990 à 14, 25 % en l’an 2000.»29
La question de la fiabilité des données statistiques ne concerne pas que la Tunisie. En effet, les données,
relatives au préscolaire marocain, révèlent des différences selon les sources. Ainsi, le document intitulé
«statistiques scolaires 2001–2002» publié par le Ministère de l’Education Nationale présente à la page 53 un
graphique concernant l’évolution des taux des scolarisés au préscolaire (tranche d’âge 3–5 ans) alors que le
document intitulé « statistiques scolaires : Bilan de la rentrée scolaires 2003–2004» émanant du Ministère
de l’Education Nationale et de la Jeunesse - Direction de la Stratégie, de la Statistique et de la Planification
présente un tableau relatif au «Taux de scolarisation de la tranche d’âge 4–5 ans ». Le tableau 3 permet de
mieux saisir les différences entre les données.
Tableau 3 : Taux de préscolarisation au Maroc et en Tunisie selon les sources

Source Tranche d’âge 1998 - 99 1999 – 00 2000 – 01 2001 - 02


MA M.E.N. 3 – 5 ans 32,9% 37,5% 37,6% 40,4%
ROC M.E.N.J 4 – 5 ans 48,3% 55,2% 53,4% 55,5%
1990 2000
TUNI M.E. 3 – 5 ans 7,09% 14,25%
SIE R .M. 5 – 5 ans 7,8% 15,8%

28. République Tunisienne, Ministère de l’Education. (non daté). LE DEVELOPPEMENT DE L’EDUCATION EN TUNISIE : 1996-2000.
www.Tunisia_fr.pdf.
29. Op. Cit. Pp 9-10.

90

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3.1. Aspects quantitatifs
Eu égard aux remarques précédemment émises, les comparaisons n’auront de sens qu’en respectant les
tranches d’âge. Ainsi, trois groupes sont à dégager : le premier regroupe les six pays fournissant des données
sur le groupe d’âge 4–5 ans, le deuxième groupe comporte trois pays accueillant des enfants de 3–5 ans, Le
troisième groupe se constitue des pays ayant des institutions préscolaires qui accueillent des enfants âgés de
5 ans. Deux cas atypiques constitués de l’Afrique du Sud et la Pologne font figure à part et seront présentés
à titre informatif.
Le tableau 4 présente les données groupées selon le groupe d’âge des enfants bénéficiant des services de
l’éducation préscolaire officiellement reconnus par les gouvernements des 15 pays de l’échantillon. Bien que
les données présentées ne soient pas récentes et que nous ne disposions pas de statistiques concernant les
cinq dernières années, elles ne manquent pas d’intérêt pour notre propos.

Tableau 4 : Taux brut (%) de préscolarisation dans les établissements pré- primaires

Rang 1990 2000


Groupe
IDH d’âge IPS IPS
Total Garçons Filles ToTtal Garçons Filles
(2004) (F/G) (F/G)
Irlande 10 4-5 101,2 102,0 100,4 0,98 ---- ---- ---- ----
Grèce 25 4-5 56,7 56,6 56,9 1,00 71,8 70,7 73,0 1,03
Chili 43 4-5 82,4 82,0 82,8 1,01 77,5 77,5 77,4 1,00
Malaisie 59 4-5 35,0 34,6 35,5 1,02 48,9 45,1 53,0 1,18
Jordanie 90 4-5 20,8 22,1 19,5 0,88 30,6 32,0 29,2 0,91
Egypte 120 4-5 6,1 6,1 6,1 1,00 12,5 12,8 12,2 0,95
Maroc 125 4-5 60,6 82,7 37,7 0,46 53,4 67,8 38,5 0,57
Espagne 20 3-5 59,4 58,6 60,3 1,03 101,8 101,0 102,6 1,02
Portugal 26 3-5 52,7 52,9 52,5 0,99 69,7 68,7 70,8 1,03
Turquie 88 3-5 4,6 4,7 4,4 0,94 5,7 5,9 5,5 0,94
Corée 28 5-5 55,4 56,1 54,5 0,98 79,8 79,8 78,7 1,00
Philippines 83 5-5 11,7 --- ---- ---- 30,2 29,5 30,9 1,05

Tunisie 92 5-5 7,8 ---- ---- ---- 15,8 15,9 15,7 0,99
Afrique du
119 6-6 16,9 16,7 17,1 1,02 33,6 33,5 33,7 1,00
Sud
Pologne 37 3-6 46,7 ---- ---- ---- 49,4 49,3 49,5 1,00

(IDH= Indicateur de Développement Humain ; IPS = Indice de Parité Sexuelle)


(Source : Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous 2003 – 2004 ; Pp 338 et suiv.)

Le tableau 4 donne des indications sur le rang de chaque pays par rapport à l’indice de développement humain.
Le préscolaire n’est pas encore pris en considération dans le calcul de cet indice. Par conséquent, il n’existe
aucune corrélation entre le taux de préscolarisation et le rang IDH. Le cas du Maroc, 125e selon l’IDH, a réalisé
un taux de préscolarisation de 53,4 % en l’an 2000 dépassant l’Egypte, 120e dont le taux de préscolarisation est
de 12,5 %, la Jordanie, 90e dont le taux est de 30,6 % et la Malaisie, 59e dont le taux est de 48,9 %.

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Par ailleurs, l’indice de parité sexuelle (Filles / garçons) montre que le Maroc enregistre le taux le plus faible
(graphique 3). C’est dire que la petite fille a moins de chance que le garçon. Pourtant, l’éducation préscolaire
est universellement reconnue comme un puissant élément de démocratisation pour l’accès et la réussite
dans la scolarité de base. Laisser une fille sur deux en dehors du système préscolaire c’est compromettre sa
scolarité ultérieure. Il est à remarquer que cet indice a connu une amélioration entre 1990 (0,46) et 2000 (0,57).
Toutefois, le rythme de la progression reste en deçà des objectifs fixés et des exigences du développement.
Le déficit à combler concerne essentiellement les milieux rural et péri-urbain où la pauvreté, l’analphabétisme
et le travail précoce des enfants demeurent des obstacles majeurs à aplanir.

Graphique 3: Indice de parité sexuelle (Filles/Garçons) dans les 15 pays


pour les années 19990 et 2000

(Source: Rapport mondial de suivi sur l’éduction pour tous 2003-2004; Pp 338 et suiv.)

Ce mauvais score enregistré par le Maroc, requiert des efforts concertés en faveur du préscolaire en général
et de la petite fille en particulier afin de consolider les programmes et actions entrepris pour la scolarisation
de la fille surtout en milieu défavorisé et de contribuer à la démocratisation de l’enseignement. Ces efforts
consisteraient en des campagnes systématiques de sensibilisation et d’éducation des parents, en soutien
pour les zones accusant un déficit en institutions préscolaires et en incitation des jeunes diplômés à investir
dans le secteur.

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Graphique 4 : Taux brut de préscolarisation des enfants de 4-5 ans pour les années 1990 et 2000

Le graphique 4 se rapporte aux sept pays offrant des services éducatifs préscolaires pour la tranche d’âge
4-5 ans. Ces pays peuvent être groupés en trois sous- groupes : le premier est constitué des pays ayant
réalisé un taux de préscolarisation supérieur à 75 %, pour chacune des deux périodes 1990 et 2000 ; le
deuxième regroupe les pays ayant réalisé un taux compris entre 35% et 74%. Enfin le troisième concerne
ceux dont le taux est inférieur à 35%. Plus précisément, l’Irlande passe pour leader du groupe depuis 1990
en réalisant la généralisation totale du préscolaire pour la tranche d’âge considérée suivie du Chili qui a réalisé
une amélioration de son taux entre 1990 et 2000 où celui-ci est passé de 77,60% à 82,40%. Il est à noter que
la parité sexuelle est entièrement réalisée dans ces deux pays. Pour le deuxième sous groupe, le Maroc a
enregistré une régression de son taux de couverture préscolaire qui décroît de 60,60% en 1990 à 53,40% en
2000. Par contre, c’est l’inverse qui se produit pour la Malaisie qui accroît son taux de 36% en 1990 à 48,90%
en 2000. La Grèce a amélioré son taux de couverture préscolaire entre 1990 et 2000 en le faisant passer de
56,7% à 71,8%. La parité sexuelle est complètement réalisée depuis 1990. Le dernier sous-groupe comprend
la Jordanie et l’Egypte qui enregistre le plus faible score en matière de couverture préscolaire. Ces deux pays
ont respectivement des taux de préscolarisation de 20,80% et 6,10% en 1990 et de 30,60% et 12,60% en
2000. Bien que les progrès aient été importants entre les deux dates considérées, il n’en demeure pas moins
que le travail qui reste à faire et les efforts que doivent consentir ces deux pays sont importants pour rattraper
le retard accumulé dans ce secteur de l’éducation.
Le cas de la régression du taux de préscolarisation au Maroc mérite quelque attention. Le secteur du
préscolaire qui est entièrement privé souffrait entre 1990 et 2000 d’une sorte de vide juridique et réglementaire,
d’un éclatement au niveau des organismes de tutelle, d’un manque d’attrait du fait de l’absence d’un statut
du personnel qui y travaille, de l’absence d’une culture de la petite enfance et de la négligence du Ministère
de l’Education Nationale. Par ailleurs, cette période s’est caractérisée par des difficultés économiques
subséquentes au programme d’ajustement structurel engagé depuis le début des années 80 (1983 – 1992).
Cette situation s’est répercutée sur le secteur préscolaire qui a vu la fermeture de plusieurs institutions surtout
en milieux rural et péri-urbain, qui connaissaient déjà une faible couverture de mauvaise qualité dans la plupart
des cas.
Pour ce qui est de la Jordanie et de l’Egypte, il convient de signaler que les statistiques communiquées
aux organismes internationaux par les gouvernements de ces deux pays ne prennent en considération que

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les institutions officielles. La réalité du préscolaire dans ces deux pays est complètement différente car
traditionnellement, le préscolaire dans les pays arabo-musulmans est lié aux mosquées, aux associations
et échappe au contrôle de l’Etat, donc non recensé, non encadré. C’est pour cette raison que l’on parle des
jardins d’enfants en négligeant les écoles coraniques pourtant très répandues dans ces pays comme dans
d’autres pays musulmans, tels la Tunisie et la Turquie.

Graphique 5 : Taux brut de préscolarisation du groupe d’âge 3-5 ans


pour les années 1990 et 2000 selon le rapport mondial

(Source : Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous 2003 – 2004; Pp 338 et suivi)

Le deuxième sous-groupe est composé de trois pays qui disposent d’institutions d’accueil des enfants
dont l’âge varie entre trois et cinq ans. Il s’agit de l’Espagne, du Portugal et de la Turquie.
Le graphique 5 montre un déséquilibre évident entre l’Espagne et le Portugal d’un côté et la Turquie de
l’autre. L’Espagne a réussi à réaliser la généralisation de l’éducation préscolaire entre 1990 et 2000 en faisant
passer le taux brut de couverture préscolaire de 68,40% à 101,80%. Le Portugal a réalisé un important progrès
dans l’atteinte de la généralisation. Bien que cet objectif ne soit atteint qu’à 88,70% en 2000, il n’en demeure
pas moins que le gain réalisé est de 16% en dix ans. La Turquie présente le plus faible taux 4,80% en 1990 et
seulement 6,70% après dix ans. Il semble que le préscolaire en Turquie est très négligé malgré les efforts des
organismes internationaux pour faire prendre conscience de l’impact positif de l’éducation préscolaire sur la
scolarité de base. Toutefois, les chiffres présentés peuvent ne refléter que le seul cas des enfants fréquentant
le préscolaire moderne sans prise en considération de ceux qui sont accueillis dans les écoles coraniques
traditionnelles assez répandues dans ce pays.
Le troisième sous-groupe, formé de la Corée, des Philippines et de la Tunisie, dispense une éducation
préscolaire aux enfants âgés de 5 ans. La Corée passe pour leader de ce sous-groupe aussi bien au niveau
du score enregistré qu’à celui des progrès réalisés entre 1990 (55,40%) et 2000, (79,80%), soit un gain de
24,40% pendant dix ans. La deuxième position revient aux Philippines avec un taux brut de préscolarisation
équivalent à 11,70% en 1990 et 30,20% en 2000. L’amélioration réalisée en dix ans est de 18,5%. La Tunisie
occupe la dernière place dans ce sous groupe avec un taux brut de préscolarisation équivalent à 7,8% en 1990
et 15,8% en 2000, soit une amélioration de 8% pour la même période.
Le faible taux de préscolarisation enregistré par la Tunisie et les Philippines pourrait trouver son explication
dans le fait que les données relatives aux enfants fréquentant les écoles coraniques traditionnelles ne sont
pas intégrées dans les chiffres présentés. Pourtant, ces deux pays ont une population à majorité musulmane

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qui traditionnellement confie l’éducation des petits enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de la scolarité
primaire aux maîtres des écoles coraniques situées souvent à proximité des lieux de culte. Il est clair aussi
que les familles n’attachent pas la même importance à l’éducation de la petite fille comme elles le font pour
le garçon.
Si, pour le cas du Maroc, on avait retiré les effectifs des enfants fréquentant les Kattatibs pour ne garder
que les effectifs des enfants du préscolaire moderne, notre taux serait comparable à celui de la Tunisie, voire
inférieur (9,77% en 2002. Cf. figure 1, p. 19 supra).

Graphique 6 : Taux brut de préscolarisation des enfants de 5 ans


pour les années 1990 et 2000 selon le rapport mondial

(Source : Rapport mondial de suivi sur l’education pour tous 2003 – 2004 – Unesco, Pari)

L’ Afrique du Sud et la Pologne constituent, par la tranche d’âge choisie, des cas atypiques par rapport aux
autres pays de l’échantillon. En effet, pour le premier pays, les données disponibles concernent les enfants
âgés de 6 ans. Ce qui signifie que l’âge d’accès à l’école primaire est fixé à 7 ans et que les enfants âgés de
moins de 6 ans ne sont pas pris en considération. La Pologne présente des données relatives à la tranche
d’âge 3 – 6 ans.
Eu égard à cette différence notable des données, aucune comparaison sérieuse entre ces deux pays,
comme avec les autres pays de l’échantillon n’est possible. Néanmoins, l’Afrique du Sud dont le taux brut
de préscolarisation ne dépassait guère les 16,9% en 1990, quelque temps après l’effondrement du système
l’apartheid, a réussi à doubler ce taux en dix ans pour atteindre les 33,6% en 2000. Il est vrai que ce pays
possède des potentialités non disponibles pour beaucoup de pays de l’échantillon et par conséquent, ce taux
reste en deçà de ses capacités car seul un enfant sur trois profite des services de l’éducation préscolaire.
La Pologne a atteint en 1990 un taux de scolarisation dans le préscolaire équivalent à 46,7% et a amélioré
ce score d’environ 3 points pour réaliser le score de 49,4% en 2000. Ce taux signifie que plus de la moitié des
enfants préscolarisables ne sont pas préscolarisés.
Le taux brut de préscolarisation n’est pas le seul indice quantitatif pour évaluer la situation de la petite
enfance dans un pays. Le taux du produit intérieur brut consacré au secteur du préscolaire constitue un
autre indicateur qui révèle la politique suivie dans le secteur considéré. Malheureusement, les données sont
plutôt rares dans ce domaine ; nous ne disposons donc que de celles relatives à quatre des quinze pays de
l’échantillon présenté, à titre indicatif, dans le tableau 5.

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Tableau 5 : Dépenses consacrées à l’enseignement pré-primaire en pourcentage du PIB,
1999 (%) et taux brut de préscolarisation, 2000, (%)
(Dépenses directes et indirectes de sources publiques et privées, au titre des établissements)

Portugal Espagne Pologne Corée


Taux PIB 0,29% 0,42% 0,44% 0,15%
T. brut préscolaire 69,7% 101,8% 49,4% 79,8%

(Source : OCDE (2002). Renforcer les programmes destinés à la petite enfance : cadre d’action.
in Analyse des politiques d’éducation. Paris. Pp. 9 – 38.)

Bien que les données statistiques dont nous disposons ne permettent pas de conduire une analyse
quantitative fine de la situation du préscolaire dans les pays de l’échantillon, il est, cependant, possible de
constater que le taux d’intégration des enfants dans des institutions préscolaires atteint par le Maroc est en
deçà de ses potentialités et que l’effort qui reste à fournir est très important en regard de la proportion des
enfants qui attend de trouver une place dans le système. Au risque de nous répéter, il est utile de souligner
l’importance de la mise en place d’un système préscolaire performant accessible à tous pour appuyer les
efforts entrepris au niveau du primaire tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Par ailleurs, relever le défi du
développement humain passe entre autres par la mise à niveau du système éducatif dans sa globalité puisque
ses sous-systèmes sont interdépendants et indispensables pour préparer les compétences humaines à faire
face aux rudes concurrences dont les effets se font sentir à plus d’un niveau.

3.2. Aspects qualitatifs


La section précédente a identifié des tendances générales des aspects quantitatifs de la situation des
enfants d’âge préscolaire dans les 15 pays de l’échantillon en s’appuyant sur le taux brut de scolarisation dans
les établissements préscolaires ou pré-primaires. L’analyse aurait pu gagner en profondeur si le deuxième
indicateur choisi (taux du PIB) avait été suffisamment documenté.
Ces indicateurs présentent des lacunes dans la mesure où ils ne permettent pas d’évaluer la qualité des
intrants et l’efficacité des activités proposées dans les établissements. Ils ne permettent pas davantage
d’apprécier leur impact sur les enfants ou leur contribution au développement des enfants dans un pays
donné. Enfin, ces indicateurs sont principalement axés sur le modèle scolaire et ne permettent pas d’effectuer
le suivi des progrès réalisés.
Cependant, les «efforts» définis en termes de couverture (taux de préscolarisation et taux des dépenses)
demeurent insuffisants pour évaluer qualitativement l’éducation préscolaire. Il convient d’accorder davantage
d’attention à l’évaluation des «intrants» (qualifications du personnel, parité sexuelle, équité et volonté
politique) et aux «effets» qui englobent l’état de développement réel de l’enfant et sa préparation à aborder
la vie scolaire.

Afin de réaliser une évaluation qualitative de l’éducation préscolaire, il convient de s’intéresser aux
composantes de la qualité suivantes :
– Les objectifs clairs, partagés par les enseignants et les parents, compris par les enfants.
– Les éducateurs formés, expérimentés, responsables, sensibles, sains, dévoués et capables d’interagir
avec l’enfant d’une manière cohérente, vigilante et rassurante.
– Le ratio enfants/adultes raisonnable pour permettre aux éducateurs d’interagir fréquemment avec les
enfants et de s’occuper individuellement d’eux.

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– Formation pertinente sur le tas et encadrement visant à soutenir les éducateurs et promouvoir leur déve-
loppement professionnel et individuel.
– Les activités de qualité englobent l’éducation et les soins de santé, répondent aux besoins physiques,
sociaux, affectifs, cognitifs de l’enfant. Elles l’encouragent à établir des relations saines avec soi, avec
les autres et avec son environnement.
– Les équipements ludiques, jouets pour toutes les activités en fonction de l’espace d’exercice, matériels
didactiques, fournitures adaptées à l’âge et au niveau de l’enfant.
– L’environnement physique propre, aéré, spacieux, stimulant, sûr et sain.
– Evaluation systématique appliquée par les éducateurs et les parents pour permettre d’adapter les activi-
tés d’apprentissage aux besoins de l’enfant.
– La participation des parents et de la collectivité dans l’éducation afin de veiller sur l’adoption des normes
adéquates et adaptées au contexte et aux besoins de l’enfant et de la société.

Ces éléments constituent la base d’une évaluation qualitative et d’une comparaison pertinente entre les
pays. Si nous les avons adoptés pour interroger le préscolaire marocain (voir III.2.4 supra), faute de données,
il n’était pas possible de continuer cette entreprise avec les autres pays de l’échantillon. Il convient de signaler
que la définition du concept de qualité en matière d’éducation préscolaire suscite encore un débat vif et que
sa traduction en indicateurs clairs et précis est loin de faire l’unanimité des chercheurs.30

4. Perspectives
4.1. Profil du préscolaire de demain
Les recherches en neuroscience31 ont fourni de nouvelles données indiquant que les premières années du
développement, et surtout les trois premières années, jettent la base du développement des compétences
et de la capacité d’adaptation qui influent sur l’apprentissage, le comportement et la santé des individus tout
au long de leur vie32.
De nouvelles recherches sur le développement des jeunes enfants confirment qu’une des conditions
préalables au développement optimal d’un enfant est l’établissement d’un lien avec le parent qui donne les
soins, dans un environnement où règnent l’affection, le soutien et la sollicitude, et ce, dès la plus tendre
enfance. Des compétences parentales efficaces, ainsi que la stabilité familiale, la sécurité et des relations
étroites, chaleureuses et axées sur le soutien comptent parmi les facteurs de protection les plus importants
pour favoriser le meilleur développement possible du jeune enfant.
Espace intermédiaire entre le milieu familial et l’enseignement fondamental, le préscolaire a pour but
le développement de la personnalité de l’enfant dans tous les domaines: affectif, social, moteur, artistique,
langagier et cognitif. Le préscolaire ne doit pas se conformer à un programme scolaire standardisé et rigide
mais seulement à un guide d’activités déclinées en compétences générales, transposables et souples qu’il
conviendrait d’adapter au rythme et aux centres d’intérêt de chaque enfant.
Le préscolaire doit constituer par ailleurs un lieu et un moment propices à la prévention et au dépistage des
inadaptations. Une coordination avec les services de santé et d’action sociale devrait être instaurée de manière
systématique et durable. Cette action devrait viser de manière prioritaire les enfants des zones et couches
défavorisées car l’une des missions essentielles du secteur est de contribuer à l’égalisation des chances. En

30. Myers, R.G. 2001. In Search of Childhood Indicators, Coordinators Notebook No. 25, UNESCO, Paris.
31. Houdé, O. (2003). Cerveau et psycholgie, PUF, Paris.
32. McCain, M.N & Mustard, J.F. (1999). Étude sur la petite enfance. ISBN 0-7778-8583-2. Toronto.

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effet, les enfants ayant bénéficié d’une préscolarisation redoublent moins souvent à l’école fondamentale.

Encadré 4

(…) Une autre échéance nous attend à l’horizon 2004 pour généraliser l’inscription en première année
de l’enseignement préscolaire, en vue d’assurer à tous une égalité de chance dans l’acquisition précoce
des outils garantissant le succès dans la poursuite des études, sachant que l’état concentrera son soutien
financier dans ce domaine sur les zones rurales et péri-urbaines et particulièrement les zones défavorisées,
selon le principe de la discrimination positive qu’adopte l’état vertueux.

Message de S.M. Le Roi Mohammed VI à l’occasion de la rentrée scolaire (12 septembre 2000)

4.2. Quels objectifs pour le préscolaire de demain?


Les enfants d’âge préscolaire (4 à 6 ans) dont les besoins, les réactions et les intérêts sont spécifiques,
devraient trouver dans leur institution d’accueil un climat favorisant leur tendance naturelle à l’épanouissement
et au développement. La préscolarisation de l’enfant marocain, consiste donc, à le mettre dans un univers
éducatif dont les objectifs et les activités doivent répondre à des conditions précises reliées d’une part, à son
accueil dans des institutions disposant d’infrastructures, d’équipements et de matériel pédagogique puisés,
de préférence, dans son environnement socioculturel, adaptés à son âge et à ses capacités cognitives et
physiques, d’autre part, à sa prise en charge par un personnel qualifié. Les activités à proposer aux enfants
ont pour objectifs leur préparation à mieux réussir les étapes ultérieures de l’enseignement. Il ne s’agit en
aucun cas de leur proposer prématurément le programme de la première année du cycle fondamental. Par
conséquent, il conviendrait de respecter l’âge et les caractéristiques physiques et mentales des enfants.
Aussi les situations ludiques devraient-elles constituer le moteur et la dynamique des différentes activités
qui viseront, tout en respectant le rythme propre à chaque enfant et en observant les enseignements de
la chronopédagogie33 dans la programmation quotidienne et cyclique des activités, à travers les différentes
activités les objectifs suivants:
1. développer les habiletés intellectuelles de base liées à la communication dans la langue maternelle, à la
pensée structurée, au traitement de l’information spatio-temporelle et à la maîtrise du corps;
2. développer le sens de la curiosité, le plaisir de la connaissance et l’amour de l’effort et du travail;
3. développer le sens moral et civique;
4. Impliquer les parents et surtout les mères dans la vie de l’établissement à travers un programme de
visites régulières et structurées afin de favoriser leurs interactions dans des situations d’éducation
mutuelle.

Ces buts déclinés en objectifs spécifiques et opérationnels seront atteints dans le cadre des activités
suivantes:
ñ activité d’élocution / lecture: acquisition du langage dans des situations d’interactions verbales avec
autrui, d’écoute et de déchiffrage;

Ωƒ∏Y á«∏c .É«∏©dG äÉ°SGQódG Ωƒ∏HO π«æd áMhôWCG .»°SGQódG π«°üëàdÉH É¡àbÓYh á«fÉeõdG äGÒ¨àdG .(1990) ,Ú°ù◊G äGÒÑdG .33
,•ÉHôdG .á«HÎdG

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• activité de dessin, peinture, de chant et de musique: utilisation efficiente de la voix en harmonie avec
un instrument;
• activité de logique, mathématique: perception, structuration et évaluation des phases et du résultat d’un
travail, initiation au calcul ;
• activité d’éveil technologique: initiation et familiarisation avec l’outil informatique par des programmes
adaptés à l’âge et aux intérêts des enfants;
• activité d’expression corporelle, activités physiques : maîtrise du corps et de ses parties dans
l’accomplissement de tâches fines dans différents milieux et sur des supports divers.

4.3. Quelles stratégies pour mettre ce secteur à niveau?


La généralisation d’un préscolaire de qualité ne saurait être sous la seule responsabilité du département
de l’Etat chargé de l’éducation. Eu égard à l’urgence de la situation, à son coût financier et matériel, au
nombre d’enfants à préscolariser (49%) et d’éducateurs à former, le partenariat semble être le moyen le plus
raisonnable à adopter. Outre les différents départements de l’Etat impliqués dans le secteur actuellement, il
conviendrait d’y associer de manière plus structurée le secteur privé, associatif, communautaire et les ONG à
tendance féministe surtout en milieu rural et péri-urbain à forte densité de population.

4.4. Quel rôle doit jouer le Ministère de l’Education Nationale dans ce


secteur?
Le ministère de tutelle se doit de fixer le cadre philosophique, politique et réglementaire du secteur et
laisser la latitude aux autres partenaires de travailler dans le respect des limites déterminées. Il est appelé
à coordonner les efforts des différents partenaires et à fixer les zones prioritaires d’interventions dans un
esprit de décentralisation et de délégation des pouvoirs. En tant que représentant de l’Etat dans le secteur
de la formation et de l’éducation, ce département doit se constituer en véritable interlocuteur en matière de
finalités, de politique de l’éducation et de la formation. Pour ce faire, il doit :
– Homogénéiser les textes réglementaires et juridiques concernant le préscolaire. La loi 05-00 doit être
amendée pour s’appliquer aux Katatib actuellement non concernés par cette loi.
– Promulguer un Code d’incitation aux investissements en faveur des promoteurs privés pour les encourager
à investir dans le domaine du préscolaire, incluant les mesures suivantes :
• La détaxation douanière sur le matériel importé, non fabriqué au Maroc pendant une période limitée.
• L’allègement de la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A) relative au matériel socio-éducatif fabriqué au Maroc.
• La possibilité d’obtention de crédits à faible taux intérêt pour la création et l’aménagement d’institutions
préscolaires.
• Réserver des parcelles pour le préscolaire dans tout projet d’aménagement et appliquer des tarifs
incitatifs accompagnés de cahier de charges précis.
– Encourager et renforcer le tissu associatif autour du préscolaire et travailler en partenariat avec le tissu
associatif féminin autour de projets précis dans le temps et l’espace d’intervention.
– Elaborer deux plans de formation: un pour les éducateurs en exercice et l’autre pour les jeunes diplômés
désireux d’investir le secteur.
– Concevoir et exécuter régulièrement des campagnes de sensibilisation au profit du préscolaire durant la
période de mise à niveau du secteur.
– Impliquer l’université, les centres de formation dans le projet de généralisation et de mise à niveau du
préscolaire.

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– Etablir, en collaboration avec des organismes nationaux et internationaux, un système d’aide aux familles
pauvres dont les enfants fréquentent des établissements préscolaires.
– Etablir, en collaboration avec les services d’hygiène et de santé, des visites bi-annuelles de dépistage et
contrôle de santé au profit des enfants du préscolaire des zones prioritaires.
– Définir les zones d’intervention prioritaire en fonction du taux global de préscolarisation en général et
celui de la petite fille en particulier.
– Revoir avec les départements de l’Etat concernés les modalités d’assouplissement des procédures
comptables et d’instauration d’un véritable système de contrôle des dépenses systématique et régulier.
– Mettre à la disposition de promoteurs, d’associations ou des communes les locaux non utilisés dans les
écoles afin d’y créer des classes de préscolaire.
– Se donner un délai raisonnable pour mener à bien le projet: un délai de 10 ans semble suffisant.

4.5. Quels partenaires pour atteindre ces objectifs?


La généralisation et l’amélioration de la qualité du préscolaire nécessite le concours de tous les intervenants
nationaux et internationaux en plus d’autres à impliquer.
Les départements de l’Etat chargés de la jeunesse, des habous et des affaires islamiques, de l’entraide
nationale, de la formation professionnelle, de la santé ainsi que les œuvres sociales relevant de ces
départements, les collectivités locales et les communes ont une part importante à jouer dans le développement
de ce secteur. Les associations, les fondations et les organisations, l’UNICEF, le PNUD, la Fondation Bernard
Van Leer, ATFALE, ASSBI, les associations des parents et tuteurs des enfants, les associations qui s’occupent
de l’enfant, de la famille ou de la femme peuvent apporter leur soutien et leur expertise.
Tous ces organismes peuvent contribuer à la réalisation de ce vaste chantier ouvert depuis l’indépendance
et souffrant d’un retard dont les répercussions se sont fait sentir à plus d’un niveau.

4.6. Comment financer la réalisation des objectifs fixés?


Le handicap majeur qui entrave le développement du secteur préscolaire, privé dans sa quasi-totalité, se
rapporte à sa rentabilité surtout dans les milieux pauvres.
Le développement du secteur est une affaire de tous: Etat, société civile, organisations, secteur privé
et parents. Des sacrifices sont indispensables pour mener à bien un projet de généralisation et de mise à
niveau.
Les deux objectifs majeurs sont la généralisation et l’amélioration de la qualité.

4.6.1. La généralisation
Le nombre d’enfants préscolarisés actuellement représente 51% de l’ensemble des enfants préscolarisables.
Il faudrait donc disposer dans un délai de 10 ans à peu près d’autant de salles de classe et d’éducateurs. Deux
défis à relever: construction, réfection ou location de locaux respectant les conditions d’accueil de la petite
enfance. Le second défi se rapporte à la formation de jeunes désireux d’intégrer le secteur. La formation
suppose des lieux de formation, des modules ou programmes de formation, des formateurs qualifiés ainsi
que des centres pour effectuer des stages pratiques de prise en main et apprendre à fabriquer des outils
pédagogiques à bas prix pour réduire les dépenses en équipement.

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4.6.2. L’ amélioration de la qualité de l’éducation
L’amélioration de la qualité passe par une mise à niveau des éducateurs en service actuellement et des
institutions existantes. Le nombre d’éducateurs à former s’élève à plus de 39000 personnes. Celui des salles
de classe à restructurer avoisine celui des éducateurs. La formation des éducateurs doit être souple afin de
tenir compte de l’hétérogénéité de cette population et de ses conditions de travail. La même souplesse est
requise pour les salles de classe et leur équipement: leur état n’est pas identique.

4.6.3. Le financement
Il convient d’étudier les modalités de création d’une caisse pour le développement du préscolaire durant la
période de la généralisation (10 ans). Cette caisse peut prendre la même formule que la fondation Mohammed
VI mais avec cette différence que les contributions doivent provenir des deux secteurs privés et publics. La
formule à retenir serait la suivante: Une contribution annuelle d’un dirham par an par tous les bénéficiaires du
système d’éducation, de formation et de recherche tant privé que public, primaire qu’universitaire, général
que professionnel. Cette caisse aura à octroyer des bourses pour les enfants nécessiteux, des crédits à faible
taux d’intérêt aux jeunes et aux éducateurs désireux d’améliorer la qualité de leur intervention et à percevoir
les frais de formation qu’elle gère.
Les frais de la formation sont à couvrir par l’Etat et les bénéficiaires et à étudier avec l’OFPPT ou dans le
cadre du crédit jeune promoteur.
Les constructions et l’équipement des salles de classes en mobilier et matériel éducatif seront à la charge
des promoteurs qui doivent bénéficier de subventions sous forme de crédit à faible taux d’intérêt auprès d’une
caisse créée à cet effet.

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.á«HÎdG Ωƒ∏Y á«∏c .É«∏©dG äÉ°SGQódG Ωƒ∏HO πjød áMhôWCG .»°SGQódG π«°üëàdÉH É¡àbÓYh á«fÉeõdG äGÒ¨àdG .(1990) .Ú°ù◊G äGÒÑdG
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.AÉ°†«ÑdGQGódG ,∫hC’G iƒà°ùŸG,‹hC’G º«∏©àdG »HôŸ »∏ªY »©Lôe ÜÉàc ,ájƒHÎdG äÉ≤«Ñ£àdG .(1990) .á«æWƒdG á«HÎdG IQGRh

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Les cycles d’enseignement primaire,
secondaire collégial et qualifiant
Quelle efficacité ? Quelle équité ? À quels coûts ?

Introduction ............................................................................................................109
1. Evolution des effectifs et taux de scolarisation depuis 1958 ...................111
2. Les principaux disfonctionnements du système .......................................113
2.1. Les inégalités et les disparités ...............................................................113
2.1.1. Les disparités inter-provinciales ...................................................113
2.1.2. Les disparités de scolarisation ......................................................117
2.2. Analyse du phénomène de l’abandon scolaire ...................................123
2.2.1. Analyse globale ................................................................................123
2.2.2. Abandon et genre ............................................................................124
2.2.3. Abandon, niveau et milieu ..............................................................126
2.2.4. Les causes de l’abandon scolaire ................................................128
2.2.5. Le coût de l’abandon scolaire .......................................................133
2.3. Le rendement et la qualité de l’éducation ............................................135
3. La demande sociale d’éducation : quelles contraintes ? .........................137
4. La problématique du financement ...............................................................143
4.1. L’effort public de financement ................................................................143
4.2. La contribution des familles ...................................................................145
4.1.1. Optique macro économique ...........................................................145
4.1.2. Optique micro économique ............................................................146
4.3. Le recouvrement des coûts entre l’exigence de
l’efficacité et le principe de l’équité ......................................................147
4.3.1. Les conditions de la réussite .........................................................148
4.3.2. L’équité sociale .................................................................................149

Bibliographie ...........................................................................................................152
Annexes....................................................................................................................153

BRAHIM CHEDATI

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Liste des sigles et acronymes

AEF : Année de l’enseignement fondamental


CNEF : Charte Nationale d’Éducation et de Formation
CU : Coût Unitaire
DMSD : Durée Moyenne de Séjour des Diplômés
TNS : Taux Net de Scolarisation
TBS : Taux Brut de Scolarisation

107
108
Introduction

La célèbre sentence de l’économiste Jean Bodin, « Il n’est de richesse que d’Hommes » 1, résume par-
faitement la valeur et la place du capital humain dans le développement socio économique et culturel des
nations. L’enseignement et la formation constituent la forme d’investissement en capital humain la plus sûre
et la plus rentable socialement et individuellement.
Le Maroc a toujours accordé beaucoup d’intérêt à son système éducatif. La politique d’enseignement for-
mation appliquée depuis l’indépendance visait avant tout la réalisation de l’unification, la généralisation, la
marocanisation et l’arabisation qui constituaient les quatre principes de la doctrine éducative du Maroc indé-
pendant. Il faut dire que ces principes ou piliers visaient beaucoup plus l’aspect quantitatif du système éduca-
tif. C’était en fait un choix dicté par les priorités et les contraintes de l’époque : il fallait d’abord unifier le
système, en faire bénéficier tous les enfants marocains en âge de scolarisation et, bien entendu, le confier
en totalité à des enseignants marocains. La préoccupation pour les aspects qualitatifs de l’enseignement ne
s’est vraiment manifestée que beaucoup plus tard avec les premières réformes.
Comment le système éducatif marocain a-t-il évolué depuis l’indépendance ? Quelles étaient les
contraintes et les problèmes auxquels il a fait (et fait encore) face ? Comment le système a-t-il pu dépasser
les goulets d’étranglement conjoncturels et structurels ? A-t-on réalisé la généralisation de l’enseignement
primaire ou alors ce dernier demeure-t-il caractérisé par la disparité et par l’iniquité ?
Au lendemain de l’indépendance du Maroc, l’enseignement primaire était géré par la Division de l’ensei-
gnement du 1er degré dont le rôle était de trouver la solution à deux types de problèmes : l’un d’ordre admi-
nistratif et l’autre d’ordre scolaire.
Les urgences administratives :
– Réorganiser et unifier l’administration scolaire.
Dès octobre 1958 tous les établissements d’enseignement primaire qui dépendaient de services divers
ont été rattachés à un service unique : le service de l’enseignement du 1er degré dirigé par un inspecteur
principal marocain.
– Remaniement du découpage scolaire à l’image du découpage administratif 2.
– Uniformisation de la structure des inspections régionales conformément au schéma 1 ci-dessous.
– Marocanisation des cadres administratifs dès 1959.

1. À laquelle il faudrait ajouter « bien instruits » pour bien marquer la valeur intrinsèque du capital humain.
2. Les 12 circonscriptions d’enseignement primaire étaient à l’époque : Agadir, Béni Mellal, Casablanca préfecture 1, Casablanca préfecture 2,
Casablanca province, Fès, Marrakech, Meknès, Ouarzazate, Oujda, Rabat et Tétouan.

109
Schéma 1. Structure de l’inspection régionale

À l’instar de l’enseignement du premier degré, la gestion de l’enseignement du second degré était dévolue
à la Division de l’enseignement du second degré 1qui avait pour mission de répondre à 3 objectifs :
– La décentralisation de l’enseignement du second degré. Les efforts de la jeune Division ont porté sur
l’extension de l’offre en collèges dans les villes secondaires moyennes et aussi sur la construction
d’internats. À la rentrée scolaire 1960-61 on recensait alors 54 établissements d’enseignement du
second degré répartis comme suit : 13 lycées ; 17 collèges et 24 collèges de 1er cycle ;
– La formation et le recrutement du personnel qualifié. L’augmentation considérable des effectifs du
second degré due à une volonté politique d’accélérer la formation des futurs cadres marocains (200 000
élèves accèdent annuellement au CM2) d’une part et, d’autre part, à l’élargissement du seuil d’admis-
sion au second degré (40 % soit 70 000 élèves chaque année) a généré un grand besoin en enseignants
du second degré. Il faut dire que ni l’Institut Pédagogique de l’Enseignement Secondaire créé en 1958,
ni l’École Normale Supérieure instituée par Décret, 5 années plus tard, ne suffisaient à faire face à la
pénurie de professeurs 1elle-même accélérée par le départ de plus en plus fréquent des enseignants
étrangers (environ 400 par an).

1. La Division de l’enseignement du second degré est créée en 1959. Elle regroupe les anciens services de l’enseignement secondaire
musulman et de l’enseignement secondaire européen.

110
– La marocanisation graduelle des programmes. Il s’agissait à l’époque de dispenser dans les éta-
blissements marocains un enseignement conforme aux spécificités de la nation marocaine (Al
Watane). À cet effet, une réforme ad hoc entra en vigueur en octobre 1958 et qui porta la durée des
études secondaires à 6 années. Pour renforcer la réforme et lui donner toutes les chances de réus-
site, un Centre de Recherches et d’Action Pédagogiques (C.R.A.P) fut chargé d’étudier la pratique
de l’enseignement tel qu’il est prévu par la réforme (nouveaux programmes et horaires, manuels
scolaires, matériel pédagogique, etc.)

1. Évolution des effectifs scolaires depuis 1958

Tableau 1 : Évolution des élèves inscrits dans les établissements d’enseignement public

Année scolaire Enseignement du 1er degré Enseignement de second degré


1950-51 166 553 20 050
1951-52 190 957 21 062
1958-59 613 320 34 277
1959-60 680 998 35 682
1960-61 736 592 81 610
1961-62 950 386 95 515
1962-63 1 017 168 113 656
1963-64 1 075 300 135 900
1964-65 1 105 182 176 957
1965-66 1 115 606 210 931
1966-67 1 072 721 241 730
1967-68 1 104 443 267 638
1968-69 1 115 352 287 436
1969-70 1 135 604 293 193
1985-86 2 202 937 1 113 014
1986-87 2 150 000 1 279 467
1987-88 2 102 566 1 321 700
1990-91 2 394 615 1 121 193
1991-92 2 485 034 1 123 723
1992-93 2 627 628 1 169 345
2000-01 3 664 404 1 480 084
2001-02 3 832 356 1 561 686
2002-03 3 884 638 1 657 143
2003-04 3 846 950 1 737 473

1. À cette époque, les besoins annuels en professeurs du secondaire se chiffraient à 1600 environ.

111
Graphique 1 : Évolution du nombre d’élèves du premier et second degrés

Comme on peut le voir dans le graphique no 1, les effectifs d’élèves inscrits au primaire public ont été mul-
tipliés par 6.3 entre les années 1958-59 et 2003-04 passant de 613320 à 3846950 1.
La demande sociale pour l’enseignement post primaire (secondaire collégial et qualifiant public) a connu
une extraordinaire hausse depuis l’indépendance. En effet le nombre d’inscrits dans ces deux cycles a été
multiplié par 51 environ entre 1958-59 et 2003-04.
Cet accroissement est surtout dû à l’extension de l’offre en milieu rural. En effet le nombre de collèges
ruraux a connu un grand développement grâce, entre autres, au projet d’appui au second cycle de l’enseigne-
ment fondamental dont les objectifs sont présentés dans l’encart suivant :

1. À ce chiffre il faut ajouter 223227 élèves inscrits dans les établissements privés ce qui porte le total à 4070177 au titre de l’année scolaire
2003-2004 dont 46.5 % sont des filles.

112
Encart 1

Améliorer l’accès et la rétention des – Construction et équipement de 250 collèges dans le milieu rural et dont un
élèves sur huit sera doté d’un internat de 120 places. Le reste des collèges dispo-
sera de cantines scolaires de 100 places chacune.
– Réhabilitation de 100 collèges existants
Améliorer la qualité de l’enseigne- – Formation continue de 52000 enseignants de collèges durant la période
ment dispensé 1991-1993.
– Formation continue des enseignants du secondaire durant l’année 1994
pour la mise au point de nouveaux programmes
Renforcer les fonctions de mesure – Mise au point de batteries de tests dans le cadre de deux programmes :
des acquisitions R Le Programme National d’Évaluation (PNE)
R L’évaluation de l’impact de certaines variables sur l’accès à l’école et la
scolarisation dans les zones rurales.
Renforcer le contrôle pédagogique Achat de 200 véhicules pour les inspecteurs.

Signalons en passant le récent programme de construction de 101 collèges ruraux dans 22 délégations 1qui
est prévu en fin 2004 et financé sur un prêt de la Banque japonaise de coopération international (JBIC). Ces
collèges auront, selon la région d’implantation, des tailles de 10, 13 ou 19 salles de classes en plus d’une
cantine de 100 places

2. Les principaux disfonctionnements du système

2.1. Les inégalités et les disparités en matière de scolarisation

2.1.1. Les disparités inter-provinciales : un certain recul ou un recul certain ?


Les données nécessaires au calcul du taux net de scolarisation 2ne sont pas toujours disponibles surtout
quand on remonte au début des années quarante ou cinquante.
Selon les premières statistiques scolaires de l’année 1958, 530 000 enfants âgés de 6 à 14 ans étaient sco-
larisés au primaire parmi les 1 800 000 enfants appartenant à la même tranche d’âge ; soit un taux de scolari-
sation de 29 %. Malheureusement nous ne disposons ni des taux de scolarisation des filles ni par milieux.

1. 11 collèges seront construits dans 2 délégations de la région de Doukkala-Abda, 29 collèges dans 6 délégations de la région de Marrakech-
Tansift-Al Haouz, 13 collèges dans 4 délégations de la région de Tanger-Tétouan, 41 collèges dans 7 délégations de la région de Souss-Massa-
Draa et 7 collèges dans 3 délégations de la région de Taza-Al Hoceima-Taounate.
2. Le taux net tient compte de la structure d’âge des scolarisés et des scolarisables. Par contre dans le taux brut on compte, pour un cycle
donné, tous les scolarisés quel que soit leur âge. Conséquemment le taux brut peut bien dépasser 100 %.

113
Tableau 2 : Répartition des provinces et des préfectures du Royaume
selon le taux de scolarisation au primaire

Préfectures ou provinces Taux de scolarisation


Province d’Agadir 24 %
Province de Béni Mellal 30 %
Province de Casablanca 27 %
Préfecture de Casablanca 34 %
Préfecture de Fès 51 %
Province de Fès-Taza 23 %
Préfecture de Marrakech 47 %
Province de Marrakech-Safi 16 %
Province de Ouarzazate 21 %
Préfecture de Meknès 52 %
Province de Meknès 60 %
Province de Tafilalet 30 %
Préfecture de Rabat 57 %
Province de Rabat 32 %
Préfecture d’Oujda 68 %
Province d’Oujda (Sans Nador) 38 %
Nador 12 %
Province de Tétouan (sans Tanger) 18 %
Tanger 43 %

Source : Le Mouvement Éducatif au Maroc durant l’année scolaire 1960-1961;


Ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, Page 4)

Les données du tableau no 2 mettent en relief l’ampleur des disparités territoriales en matière de scolarisa-
tion. En effet, l’écart entre le taux minimum (enregistré à Nador) et le taux maximum (enregistré à Oujda)
était de 56 points pourcentage en 1960-61.
Par ailleurs presque 58 % des préfectures et provinces du Royaume avaient un taux de scolarisation infé-
rieur au taux national (36 %).
La comparaison de l’indicateur « taux de scolarisation » entre les années scolaires 1960-61 et 2001-02
montre, certes, que le degré de disparité géographique a beaucoup baissé puisque l’écart maximum n’est-
que de 14,3 points pourcentage 1mais 43,8 % des 16 régions économiques du Royaume enregistrent tou-
jours des taux inférieurs au taux moyen national (90 %).
Il faut constater l’existence de disparités inter-régionales (entre délégations) et inter-provinciales (entre
communes). Ajouter à cela l’important écart de scolarisation entre milieux urbain, péri-urbain et rural. Si
l’écart en termes d’offre et de possibilités de scolarisation a tendance à baisser (voir graphique no 2), il reste
cependant très important quand on analyse les aspects qualitatifs de l’enseignement dispensé.
On peut même dire que si des actions de proximité en faveur des établissements ruraux ne sont pas
prises d’urgence afin d’améliorer la qualité de l’enseignement dispensé dans ces écoles « oubliées », l’écart
se creusera encore davantage.

1. Le taux de scolarisation le plus élevé est enregistré dans la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer (96.9 %), tandis que le taux régional le plus
bas est enregistré à Tanger-Tétouan.

114
Graphique 2 : Évolution des taux nets de scolarisation des 6-11 ans par milieu

Graphique 3 : Évolution des taux nets de scolarisation des 6-11 ans selon le genre

115
Au niveau du 1er cycle fondamental, les effectifs d’élèves ont été multipliés par 3,8 environ entre 1963-64
et 2003-04 c.à.d, en l’espace de 40 ans.
Le nombre d’établissements scolaires est passé de 1 102 (avec 21 373 salles) en 1965-66 à 6 788 (132 979
salles) en 2003-04.
Quant à l’effectif des enseignants, il est passé de 16 779 en 1960-61 à 135 570 en 2003-04. Au niveau
national, 41 % de ces effectifs enseignants sont des femmes et 58,5 % exercent en milieu rural (41,5 %
pour les enseignantes).
De ces statistiques brutes, on peut calculer et comparer des indicateurs rendant compte de l’aspect quali-
tatif des conditions de l’enseignement. En comparant la valeur de deux indicateurs clés en 1963-64 et en
2003-04, on se rend compte que la situation s’est nettement améliorée (voir tableau ci-après).

Tableau no 3 : Variation de la taille des classes et du taux d’encadrement entre 1963-64 et 2003-04

Elèves par salle Elèves par enseignants


1963-64 50 64
2003-04 28,9 28,3
Baisse relative 42,2 % 55,8 %

Au niveau de l’enseignement secondaire public et privé 1, les effectifs globaux des élèves sont passés de
31 367 en 1955-56 à 1764711 2en 2003-04 soit une multiplication par 55. Durant cette même période de 40
années, le pourcentage des filles dans le cycle secondaire a plus que doublé puisqu’il est passé de 20,7 %
(1963-64) à 45,2 % (2003-04).
Le nombre de collèges a été multiplié par 29 depuis 1958 passant ainsi de 41 3en 1958 à environ 1204 en
2003-04. Dans ces établissements d’enseignement collégial le nombre d’enseignants affectés est passé de
540 4environ en 1958-59 à 55357 en 2003-04 soit une augmentation relative moyenne de 2.3 % par an.

Encart 2

5 mesures pratiques pour stimuler l’investissement dans l’enseignement privé


1. Mise en place d’un système fiscal approprié et incitatif...
2. Encourager la création d’institutions d’enseignement d’utilité publique...
3. Octroi de subventions aux établissements privés qualifiés, au niveau du préscolaire, en fonction des effectifs des
enfants scolarisés...
4. Formation des cadres pédagogiques et de gestion...
5. Accueil des cadres exerçant dans le secteur privé aux cycles et aux sessions de formation initiale et continue pro-
grammés aux bénéfices des cadres du secteur public...
(Extrait de la Charte nationale d’éducation et de formation, page 76)

1. Nous utilisons dans ce rapport le vocable secondaire pour désigner, selon les époques, l’enseignement du second degré ou l’ensemble
second cycle du fondamental (collège) et le secondaire ou, très récemment, l’ensemble enseignement secondaire collégial et qualifiant.
2. Les élèves inscrits dans le système d’enseignement privé représentent respectivement 2,34 % au secondaire collégial et 4,92 % au
secondaire qualifiant.
3. Ces établissements couvraient 29 villes du Royaume.
4. Dont 48 professeurs agrégés et 492 professeurs licenciés.

116
2.1.2. Les disparités de scolarisation entre filles et garçons
Les inégalités de genre dans le domaine de l’éducation ont toujours fait l’objet d’une attention particulière
aussi bien de la part des responsables du secteur que de la société civile 1. Les statistiques scolaires des
années 50 ne donnaient pas toujours la ventilation des effectifs par sexe (ce qui n’est pas le cas pour les
effectifs d’étudiants du supérieur). Ce qui est important de signaler dans le présent rapport, c’est la tendance
soutenue à réduire l’écart non seulement entre garçons et filles mais aussi entre filles rurales et citadines
(graphique 3 bis)
Le Maroc a enregistré des résultats impressionnants dans le domaine de la réduction des disparités de
genre et plus particulièrement en milieu rural. En effet le ratio filles/garçons a régressé de 12 points pourcen-
tage entre 1997/98 et 2002/03 au niveau national, et de 22 points en milieu rural ce qui dénote les efforts
concentrés dans ce milieu pour donner le maximum de chances aux filles de fréquenter les bancs de l’école
et donc de réduire les écarts entre filles et garçons.
Entre 1990-91 et 2003-04, l’indice de parité 2en milieu rural a augmenté plus que celui observé au niveau
national sauf pour le secondaire qualifiant qui reste concentré dans les villes. (voir tableau 4).

Tableau 4 : Évolution de l’indice de parité par cycle et milieu

cycle Indice de parité


er
Années 1 CEF 2e CEF secondaire
1990-1991 0.66 (0.42)* 0.69 (0.29) 0.73 (0.41)
1994-1995 0.71 (0.51) 0.69 (0.30) 0.81 (0.31)
1997-1998 0.75 (0.59) 0.72 (0.37) 0.84 (0.44)
2003-2004 0.90 (0.85) 0.79 (0.65) 0.88 (0.54)
variation + 0.24 (+ 0.43) +0.10 (+ 0.36) + 0.15 (+ 0.13)

* les indices mis entre parenthèses sont ceux du milieu rural

1. Il faut rendre hommage aux ONG nationales et étrangères qui déploient des efforts considérables pour développer et améliorer la situation
de scolarisation de la fille. Le programme « une bourse pour la réussite » lancé par l’ONG « Comité de soutien à la scolarisation des filles » (CSSF)
a été très bénéfique pour la scolarisation et la rétention des filles rurales dans les collèges.
2. L’indice de parité se calcule en divisant l’effectif d’élèves filles par l’effectif d’élèves garçons

117
Graphique 3 bis : Évolution des TNS des filles par milieu

Il y a lieu de remarquer que la fille est surtout lésée à l’accès à l’école mais une fois inscrite, elle réussit
mieux que le garçon et surtout abandonne moins fréquemment les études 1.

Tableau 5 : Trajectoire d’une cohorte de filles et de garçons (2000-01)

Sur 100 garçons Sur 100 filles de Écart (G-F) Objectifs de la


de 6 ans 6 ans Charte
Accèdent à l’école 83 78 5 100
Atteignent le collège 60 53 7 90
Accèdent au secondaire 35 33 2 80
Obtiennent le baccalauréat 17 15 2 40

Et le rendement interne ?
Classiquement on distingue deux types d’efficacité des systèmes éducatifs : L’efficacité interne et l’effica-
cité externe.
L’efficacité interne renvoie à la capacité du système à atteindre l’objectif de formation et d’éducation ; alors
que l’efficacité externe intéresse plus particulièrement les effets directs et indirects que le système éducatif
exerce sur le système économique et social aux plans micro et macro.
S’interroger sur l’efficacité interne du système d’enseignement marocain revient à poser la question de la
qualité de l’enseignement dispensé. Or la qualité dans ce domaine social par excellence est difficile à cerner
et encore plus à mesurer.
L’évaluation de la qualité passe par une mesure objective des acquis scolaires et des compétences pro-
duites par le système et leur mise en balance avec les moyens utilisés.
1. Nous avons étayé cette idée par des analyses de cohortes dans l’ouvrage collectif « femmes et éducation » édité dans le Fennec en 1995.

118
La Charte nationale d’éducation et de formation a posé la question du rendement et de la qualité de l’ensei-
gnement au niveau de deux de ses 6 espaces : l’espace I (Levier 1) et l’espace III qui, en fait, reprend avec
détail les éléments du levier 1.
Le Levier 1 définit une relation univoque entre la promotion de la qualité de l’enseignement (comme
conséquence) et la mise en application d’un certain nombre de programmes et d’actions tels que « la restruc-
turation des cycles d’enseignement, l’amélioration des curricula, des méthodes pédagogiques, de l’évalua-
tion et de l’orientation, la réhabilitation de l’école, ainsi que le renforcement et le perfectionnement de
l’enseignement des langues » 1(comme facteurs déterminants).

La mise en applications des nouvelles dispositions prévues par la Charte suppose la mobilisation de res-
sources supplémentaires dont une partie serait supportée par les pouvoirs publics. L’État s’est engagé, à tra-
vers la Charte nationale d’éducation et de formation (Espace IV, Levier 18, article 170) « à augmenter
régulièrement de 5 %, chaque année, le budget du secteur de façon à absorber l’inflation et faire face, avec
le surplus, aux dépenses additionnelles... » (CNEF, page 78). Quand on suit l’évolution des budgets du MEN
sur les périodes 1996 à 1998 et 2001 à 2003, on trouve que :
a. le taux d’augmentation moyen observé à la première période était supérieur à celui de la deuxième pé-
riode (voir tableau no 6) ;
b. le budget alloué au matériel pédagogique n’a pas évolué au rythme prévu par la Charte alors qu’il s’agit
d’une rubrique de la « qualité de l’acte pédagogique » ;
c. l’augmentation des budgets de fonctionnement (en moyenne de 11.3 % par an) concerne les salaires
des personnels enseignants et administratifs.

Tableau 6 : Pourcentage de variation du budget du MEN avant et après la Charte

périodes 1996-1998 2001-2003


Rubriques 1996/97 1997/98 2001/02 2002/03
Budget Total 14,6 % 10,8 % 10,3 % 9,1 %
Matériel 10,5 % 9,2 % 0,5 % 3.6 %
Personnel 11,9 % 11,5 % 11,5 % 11,1 %
Investissement 15,4 % 5% 5,8 % - 3.6 %

Le rendement interne du système d’éducation et de formation : Diagnostic et limite


Le rendement du système d’enseignement peut être appréhendé de deux manières :
– la contribution du système éducatif à la croissance économique. Dans ce cas l’éducation est considérée
comme facteur de production ;
– la capaité du système à « produire » des diplômés.

Dans le premier cas on parle de rendement externe, tandis que dans le second cas on parle plutôt de ren-
dement interne.
Habituellement le rendement interne se calcule en comparant le total d’années/élève investis dans le sys-
tème éducatif aux sortants « sans déchets » dudit système exprimés dans la même unité (années-élève).

1. Charte nationale d’éducation et de formation, page 18.

119
Le processus de calcul du rendement interne se base sur l’étude de cohortes 1et leur cheminement dans
un cycle d’enseignement donné.
Le schéma suivant retrace les différentes situations dans un parcour intra-cycle .

Schéma d’écoulement

Le schéma précédent visualise les différentes possibilités de cheminement des élèves entre deux années
scolaires consécutives.
Le rendement du système (ou du sous système) scolaire s’apprécie en comparant les années-élève néces-
saires à la formation des « sortants » (ou produits finis) aux années-élève réellement investies par le sys-
tème.
Le calcul du coefficient d’efficacité se fait sur la base de données de flux des élèves à travers un ou plu-
sieurs cycles.
En utilisant les taux d’écoulement moyens observés dans chacun des 3 cycles, nous avons reconstruit la
trajectoire de deux cohortes de 10 000 élèves 2(voir tables scolaires en annexe) : la cohorte de 1998 (avant la
Charte nationale d’éducation et de formation) et celle de 2001-2002.

Les indicateurs du rendement


Habituellement le rendement (technique) d’un système d’éducation-formation s’évalue à l’aide d’une bat-
terie d’indicateurs dont nous rappelons brièvement les plus utilisés 3 :

1. Le terme cohorte, emprunté aux démographes, signifie un groupe de personnes qui ont vécu le même évènement (ici évènement scolaire)
au même moment.
2. Juste pour faciliter la comparaison
3. Pour la définition de ces indicateurs et le mode de leur calcul, se reporter à Chedati (1986)

120
– Le coût unitaire des diplômés (en années-élève) ;
– La durée moyenne de séjour des sortants diplômés ;
– Le coefficient d’efficacité ;
– Le ratio d’amplification des coûts (qui est en fait l’inverse de l’indicateur précédent.)

Les résultats
L’enseignement primaire
Les données de la table scolaire présentée en annexe font ressortir ce qui suit (tableau no 7) :
Le coût unitaire des diplômés a baissé de 14.8 % entre 1997 et 2001.
Avant la mise en application des dispositions de la Charte nationale d’éducation et de formation, le sys-
tème d’enseignement primaire consacrait environ 11.4 années-élève pour « produire » un élève ayant
accompli le cycle en entier et accédé au collège. Comparé au coût « normal » qui est de 6 années-élève, le
coût de 11.4 AE est excessif puisqu’il représente presque le double du coût théorique (6 AE). En 2001 le coût
de formation a baissé au niveau de 9.7 années-élève avec un gain de presque 1.7 AE. De ce fait l’écart entre
le coût observé et le coût « théorique » s’est réduit mais reste quand même assez grand (graphique no 4).

Tableau 7 : Évolution des indicateurs d’efficacité premier cycle de l’enseignement


fondamental (primaire)

Indicateurs d’efficacité 1997 2001


Coefficient d’efficacité 0.53 0.61
DMSD 6.44 6.40
CU (Années-élève) 11.39 9.7
Coefficient d’amplification des coûts 1.9 1.6

Graphique 4 : Évolution de l’écart entre coût observé et coût théorique

Le second indicateur est la durée moyenne de séjour des élèves qui ont accompli le cycle avec succès.
Cette durée moyenne a légèrement régressé entre 1997 et 2001 ce qui dénote un certain recul du phéno-

121
mène de redoublement dans le primaire. D’ailleurs ce constat est confirmé par le coefficient d’efficacité qui
est passé de 0.53 (1997) à 0.61 (2001).
Au niveau de l’enseignement secondaire collégial (tableau no 8) on observe la même tendance à l’améliora-
tion des performances bien que ce cycle reste globalement en deçà des attentes. Il est en effet caractérisé
par une ampleur des déperditions, ce qui génère des surcoûts importants (8.7 AE au lieu de 3 en 1997 et 6.8
AE en 2001). Cette situation reste tributaire du bas niveau des élèves dans les collèges ruraux et péri-urbains
(nous présenterons plus loin des données récentes sur l’abandon scolaire et ses déterminants).

Tableau 8 : Évolution des indicateurs d’efficacité secondaire collégial

Indicateurs d’efficacité 1997 2001


Coefficient d’efficacité 0.34 0.44
DMSD 3.37 3.37
CU (Années-élève) 8.7 6.8
Coefficient d’amplification des coûts 2.9 2.2

L’amélioration du rendement de l’enseignement secondaire qualifiant est encore plus ressentie puisque
son efficacité interne s’est améliorée de 27 % entre 1997 et 2001 et l’écart (en 2001) entre le coût théorique
(3) et le coût observé (5.4) est le plus réduit (graphique 5) de ceux observés au niveau des deux autres cycles
(3.7 et 3.8 respectivement pour le primaire et le collégial).

Graphique 5 : Écart entre CU observé et CU théorique

Tableau 9 : Évolution des indicateurs d’efficacités secondaire qualifiant

Indicateurs d’efficacité 1997 2001


Coefficient d’efficacité 0.44 0.56
DMSD 3.34 3.3
CU (Années-élève) 6.85 5.4
Coefficient d’amplification des coûts 2.28 1.8

122
Graphique 6 : Évolution du coefficient d’efficacité par cycle
avant et après les dispositions de la Charte

Le constat qui vient d’être fait au sujet de l’efficacité des trois sous systèmes éducatifs appelle l’observa-
tion suivante :
La notion d’efficacité interne qui vient d’être explicitée est plutôt d’ordre quantitatif (c’est d’ailleurs pour cela
qu’on parle d’efficacité technique). De plus, bien qu’ils soient utiles au plan du diagnostic, les indicateurs pré-
sentés précédemment renvoient exclusivement aux aspects quantitatifs (arithmétique des flux) du fonc-
tionnement des trois sous systèmes d’enseignement.
L’appréciation, à sa juste valeur, de l’efficacité nécessite l’exploration de l’aspect qualitatif du processus de
formation à savoir la quantité de savoir acquis et non seulement dispensé.

2.2. Analyse du phénomène de l’abandon scolaire 1

2.2.1. Analyse globale


Au niveau global, les taux d’abandon ont accusé une hausse de 21 % entre 1998-99 et 1999-2000 passant
de 1.9 % à 2.3 %; puis, à partir de 2000 le taux a chuté à 1.9 % en 2001 et à 1.8 % en l’an 2002 (voir gra-
phique 7) pour atteindre le chiffre 6 % en 2003 ce qui est énorme.
Durant cette même période, les taux d’abandon enregistrés dans les écoles primaires rurales ont suivi la
même tendance. Sur le graphique 7 on peut relever le quasi parallélisme des courbes d’évolution des taux
d’abandon au niveau national et en milieu rural.
Il faut constater également que l’écart entre les deux taux est resté au même niveau que celui de 1998/99
ce qui nécessite la mise en place d’actions spécifiques au niveau du milieu rural.

1. Les statistiques scolaires sur l’abandon ne sont pas détaillées en termes de typologie. L’abandon scolaire est une notion « résiduelle » qui
se calcule par simple soustraction. Les abandons en cours d’années ne sont pas traités « à part ». Pour cette raison nous nous contentons d’analy-
ser le phénomène de l’abandon scolaire au niveau du premier cycle de l’enseignement fondamental en nous basant sur des données de terrain
recueillies dans le cadre du programme Unicef-Maroc de lutte contre l’abandon scolaire.

123
Graphique 7 : évolution des taux d’abandon au primaire

2.2.2. Abandon et genre


Avant d’examiner de près le comportement différentiel vis-à-vis de l’abandon scolaire entre garçons et
filles, il y a lieu de remarquer que l’unique handicap à surmonter chez la fille (rurale en particulier) reste
l’accès à l’école. Une fois engagée dans le système, la fille y reste plus longtemps que le garçon (à l’excep-
tion du cycle primaire) et surtout réussit mieux que lui. En effet les taux différentiels atteignent en 2002/03
3.6 points au primaire, 9.1 au collège et presque 6 points au secondaire comme le montre le tableau ci-
contre.

Tableau 10 : Évolution des taux moyens d’écoulement par niveau et genre.

Cycle Taux 2000/01 2001/02 2002/03


Taux de promotion
Primaire Filles 82.7 % 83.2 % 82.3 %
Garçons 79.6 % 80 % 78.7 %
Taux d’abandon
Filles 5.3 % 4.7 % 5.4 %
Garçons 5.1 % 4.3 % 4.8 %
Taux de promotion
Collégial Filles 71 % 71.7 % 72 %
Garçons 64.2 % 64.7 % 62.9 %
Taux d’abandon
Filles 12.6 % 11.3 % 11.4 %
Garçons 15 % 13.8 % 15.7 %
Taux de promotion
Secondaire Filles 74.5 % 79.7 % 89.5 %
Garçons 65.7 % 70.9 % 83.6 %
Taux d’abandon
Filles 8.9 % 6.7 % 5.2 %
Garçons 13.5 % 10.7 % 7.4 %

124
L’évolution des taux d’abandon des filles par rapport aux taux globaux a accusé une nette régression
depuis 1999/2000. Parallèlement le taux global est resté stationnaire (1.9 %) durant la même période.
Notons que les taux différentiels d’abandon qui étaient très différents en 1998/99 (l’écart était de 1.9 point
pourcentage) se sont rapprochés en fin de période (l’écart s’est sensiblement réduit à 1.3).

Graphique 8 : évolution des taux d’abandon au primaires des filles

125
2.2.3. Abandon, niveau scolaire et milieu

Graphique 9 : Évolution du taux d’abandon par niveau

Tout d’abord la répartition des taux d’abandon par niveau scolaire laisse apparaître une structure en « U »
dénotant un fort taux d’abandon pour les niveaux extrêmes du cycle fondamental et des taux relativement
faibles pour les niveaux intermédiaires (voir graphique no 9). Il faut observer que cette structure est restée
inchangée durant toute la période de comparaison (1999-2002) ; il serait intéressant de connaître les raisons
de cette constance structurelle. S’agit-il de difficultés d’adaptation au rythme de vie scolaire en 1re et en 2e
années pour les élèves nouvellement inscrits dans ces niveaux ? S’agit-il de difficultés d’adaptation pédago-
gique pour les élèves des derniers niveaux ?
En comparant l’évolution des taux d’abandon par niveau scolaire entre 1999 et 2002, on constate visible-
ment une régression du phénomène de l’abandon entre 1999 et 2000. L’écart le plus grand concerne la
5e année du fondamental avec 1.1 point pourcentage alors que les niveaux de 3e et de la 6e années ont connu
la plus faible réduction de l’abandon avec respectivement 0.3 et 0.4 point pourcentage.
Cependant il y a lieu de remarquer que pour les trois derniers niveaux du cycle, les taux d’abandon ont
accusé une augmentation entre 2000 et 2001.
Au niveau du milieu rural seul, l’évolution globale obéit à la même tendance décrite plus haut (courbe en
« U ») avec cependant des irrégularités inter périodiques comme l’illustre le graphique n 10.

126
Graphique 10 : évolution des taux d’abandon par niveau en milieu rural

Dans le cadre de la stratégie de développement du système éducatif, il est prévu que le taux d’aban-
don 1par niveau scolaire sera maintenu à 1 % à l’horizon 2017/2018 (voir graphique 11)

1. Nous avons calculé les taux d’abandon projetés sur la base des taux de promotion et ceux de redoublement tels qu’ils figurent dans le
document du Ministère « cadre stratégique de développement du système éducatif », février 2004; pages 121 et 126.

127
Graphique 11 : Protection des taux d’abandon

2.2.4. Quelles sont les causes de l’abandon scolaire ?


Il n’est pas toujours facile d’identifier les causes et les conséquences dans un processus aussi complexe
que celui menant à l’abandon scolaire. Ainsi quand on observe l’existence d’un facteur caractérisant un grand
nombre d’élèves qui ont abandonné les études, il ne s’agit pas nécessairement d’un lien de causalité entre
ce facteur et le fait d’abandonner.
Quand on analyse le phénomène de l’abandon scolaire, on s’aperçoit qu’il y a un grand nombre d’éléments
qui sont impliqués en action et inter action dans la spirale de l’abandon à tel point qu’à la limite on peut dire
que d’un élève à l’autre, ce ne sont pas toujours les mêmes facteurs qui sont en jeu.
D’autre part un même facteur peut conduire à l’abandon scolaire de la fille et pas du garçon et vice versa.
En fait, il y a différents cas de figure où l’abandon survient à la suite de relations directes ou indirectes
comme l’illustrent les schémas suivants :

128
Le schéma 1 illustre le cas très fréquent où l’abandon scolaire est directement expliqué par l’état de santé
de l’élève qui se sent incapable de suivre normalement ses cours et, par la force des choses, s’absente fré-
quemment avant d’abandonner purement et simplement. En fait la véritable cause 1reste la pauvreté de la
famille qui se sent dans l’impossibilité de subvenir aux besoins de santé de l’enfant et en particulier quand ce
dernier est atteint d’une maladie chronique.
Le schéma 2 représente l’influence d’un facteur « x » (d’accélération ou d’intensification) sur une relation
primaire établie entre un facteur « y » et l’abandon scolaire. C’est ainsi par exemple que très souvent, en par-
ticulier en milieux rural et péri urbain, l’abandon scolaire est le fait d’une décision paternelle guidée par une
attitude négative vis-à-vis de l’école. Or cette attitude est en fait intensifiée par le phénomène d’analphabé-
tisme des parents.
Quant au schéma 3, il illustre le cas où l’abandon scolaire est le résultat d’une relation en chaîne où inter-
viennent 2 ou plusieurs facteurs. L’exemple type est celui où l’élève abandonne ses études parce qu’il se
sent marginalisé, délaissé et pas du tout suivi par sa famille. Cette même « cause primaire » est la résultante
d’un phénomène plus profond à savoir la déstabilisation conjugale (abandon du foyer, divorce, séparation...).
Les causes de l’abandon scolaire étant multiples et variées, il importe donc d’en tenir compte dans toute
investigation autour de l’abandon scolaire.

1. On remarque cependant que les flèches reliant chacun des facteurs à l’abandon scolaire n’ont pas la même épaisseur c.à.d la même inten-
sité causale.

129
À ce sujet, il est utile de signaler trois études nationales qui se sont intéressées au phénomène de l’aban-
don scolaire. Les deux premières (1997) portent sur le collège (urbain et rural) tandis que la troisième (1993)
intéresse l’abandon au primaire rural.
La première étude réalisée en 1997 1dans 30 délégations du MEN a mis l’accent sur les facteurs les plus
déterminants de l’abandon scolaire des filles rurales. Parmi ces facteurs on trouve :

a. L’équipement en eau potable


Lorsque le ménage n’est pas équipé en eau potable, les enfants participent à l’approvisionnement en eau
de puits, de source ou de séguiya, ce qui les contraint à parcourir de longs trajets avec tous les risques que
cela comporte. Il est évident qu’un enfant qui s’adonne à cette corvée n’ira pas loin dans ses études ; les
chances de rétention dans ce cas diminuent de 13.3 % par rapport aux élèves qui ne font pas ce type d’acti-
vité. Les résultats du modèle explicatif montrent que ces chances diminuent de 16.3 % encore lorsque la
fille, en plus de l’eau, approvisionne sa famille en bois.

b. Le niveau d’instruction des parents


Alors que le niveau d’instruction de la mère ne semble pas exercer un impact significatif sur la rétention de
la fille au collège, quand le niveau d’instruction du père dépasse le primaire, l’effet sur la rétention des filles
devient très important. En effet les chances d’être retenues au collège pour les filles dont le père a le niveau
du secondaire dépassent de 37 % celles des filles dont le père est analphabète toutes choses étant égales
par ailleurs. Cet écart s’agrandit encore lorsque le niveau d’instruction du père augmente.

c. L’activité professionnelle du père


Le modèle multivarié utilisé dans l’étude met en évidence un impact plutôt négatif de cette variable sur la
rétention des filles. En effet, lorsque le père est khamass, la fille a environ 44.5 % moins de chance de conti-
nuer ses études au deuxième cycle de l’enseignement fondamental que sa camarade dont le père est pro-
priétaire.

d. La présence de la mère
Cette variable s’avère un facteur fort important. C’est ainsi que la présence de la mère permet à la fille
d’augmenter de 42,5 % ses chances de poursuivre les études au collège comparativement à une fille dont la
mère est absente (décès, séparation).

e. Existence d’un internat


L’internat en tant que structure socio-éducative est indiscutablement l’un des facteurs les plus détermi-
nants dans la fréquentation et la rétention des élèves en milieu rural. L’existence d’un internat ou d’une « Dar
Attalib/Attaliba » augmente non seulement les chances de rétention au collège mais aussi les chances d’ins-
cription et de rétention au primaire. De ce fait les internats comme les cantines scolaires (dans une moindre
mesure), constituent de véritable gisements de productivité comparativement aux variables citées plus haut.
La seconde étude, qui a été réalisée sur un échantillon de 2345 élèves appartenant à sept délégations,

1. Évaluation de l’impact de certaines variables sur la scolarisation au niveau du deuxième cycle de l’enseignement fondamental en milieu
rural, document ronéo.

130
s’est intéressée au phénomène de l’abandon 1scolaire au collège. L’étude a mis en évidence des relations
statistiques très fortes entre la probabilité d’abandonner et un certain nombre de variables telles que :
– la catégorie socio professionnelle du père
– le niveau d’instruction des parents ;
– l’activité rémunérée de l’élève ;
– le sexe ;
– etc..

L’ensemble des variables prises en compte dans le modèle multi varié explique 65.1 % de la variabilité de
l’abandon.
Enfin l’étude sur « les déterminants de scolarisation en zones rurales au Maroc » 2a pu montrer que l’aban-
don avant la 4e année du primaire est influencé par les facteurs comme :
La présence du père qui réduit de près de 30 % le risque qu’a une fille d’abandonner durant les 3 pre-
mières années du primaire par rapport à une fille dont le père est absent.
Le cours simple (par opposition au cours multiple) semble être un facteur qui réduit la probabilité d’aban-
donner de 9.1 %.
Lorsqu’une cantine complète existe, le risque d’abandon durant les trois premières années du primaire se
trouve réduit de 6 % environ
Par contre le fait de s’adonner à des activités économiques rémunérées augmente le risque d’abandon des
garçons de près de 11.5 % par rapport aux garçons qui ne font pas ce type d’activités.
Notons que dans le modèle utilisé par l’étude en question pour rendre compte de l’abandon, « les variables
à proprement parler individuelles de l’élève et de ses acquisitions scolaires ne sont pas présentes » (page
100 du rapport sur les déterminants de la scolarisation en zones rurales marocaines).

Beaucoup moins « savante » (instrumentalement parlant) que les analyses précédentes, l’enquête menée
par la délégation de Tanger Assilah dans le cadre du programme Maroc-Unicef distingue deux types de
causes : internes et externes
– les causes intra scolaires :
R échec scolaire ;
R absentéisme répété ;
R curriculum non adapté au contexte ;
R relations enseignant-élèves (inégalité/violence/exploitation...) ;
R manque de matériel pédagogique/ inadaptation de l’infrastructure ;
R démotivation / absentéisme des enseignants/ ;
R manque d’activités para scolaires et ludiques ;
R inadéquation du profil du chef d’établissement ;
R manque de formation initiale des chefs d’établissement ;
R inadaptation de la formation initiale des enseignants aux besoins de l’école et des élèves.
– les causes extra scolaires :
R faiblesse du revenu familial (situation économique) ;
R problèmes familiaux (séparation des parents, divorce..) ;

1. L’accès au second cycle de l’enseignement fondamental au Maroc, MENJ/DSPP; juin 1997


2. le rapport final de l’étude est publié en juin 1993 aux éditions « Dar Nachr Al Maarifa », Rabat

131
R attitude négative des parents vis-à-vis de l’école ;
R état de santé de l’élève ;
R l’éloignement des écoles et des collèges ;
R mariage précoce des filles ;
R mouvement des populations (flux migratoires) ;
R analphabétisme des parents.

Tous ces facteurs agissent et interagissent, avec plus ou moins de force, sur l’abandon scolaire. Mais les
« grands » facteurs restent :
– Le manque d’infrastructures et des équipements de base : au titre de l’année scolaire 2001/02, et selon
les statistiques du MEN, 70.7 % des établissements scolaires ruraux ne sont pas équipés en latrines.
Tout le monde sait maintenant que l’absence de latrines favorise le désintérêt envers l’école et son
abandon en particulier par les filles. D’autre part, 60 % de ces établissements n’ont pas accès direct à
l’eau potable. Sans parler des « petites infirmeries » scolaires qui font défaut dans l’écrasante majorité
des établissements scolaires ruraux, ce qui favorise les absences répétées en cas d’accident ou de
malaise.
– Le comportement et les attitudes des enseignants : Nous ne disposons pas (encore) de données statis-
tiques sur les cas d’abandons scolaires causés par le comportement de l’enseignant, mais à travers les
entretiens que nous avons menés en milieux péri-urbain et rural, des parents se sont plaints du mauvais
comportement des enseignants qu’ils trouvent non consciencieux et incapables de s’intégrer et de vivre
en communauté comme tout le monde et ce malgré les efforts fournis par la population (association
communautaire et APTE) pour leur faciliter la vie matériellement et socialement (notamment en terme
de logements construits tout près des écoles) 1. Ce que les parents réclament en priorité c’est avant tout
leur disponibilité.

« Il est illogique que nos enfants se rendent à l’école et ne trouvent pas d’enseignants...non seulement ils n’apprennent
rien mais n’étant pas surveillés, ils trouvent ainsi l’occasion de se battre entre eux ... » (propos d’un père assez avancé
dans l’âge,Douar Sidi M’Hammad Ou Marzouk)

En fait l’absentéisme des enseignants évoqué par les parents du douar concerne les instituteurs éventuels
« Al Aradiyine » qui s’absentent trop souvent pour réclamer leur insertion dans la fonction publique. Le pro-
blème, selon les responsables locaux, est que cette catégorie d’enseignants ne rattrape guère le retard
causé à leurs élèves.
L’absence (du corps et de l’esprit) d’un grand nombre d’enseignants en milieu rural durant tout le premier
cycle de l’enseignement fondamental (le cumul de la non qualité) produit en fin de compte des élèves sans
niveau acceptable, incapables de suivre en 7e année (collège de Tafettacht). Cette incapacité de suivre nor-
malement les cours et d’être au niveau des autres élèves provoque chez ces enfants une sorte de frustration
qui les pousse continuellement à s’absenter avant d’abandonner une fois pour toutes. D’après le président
d’une APTE le nombre d’élèves qui ont réussi l’examen d’accès au collège en 2004 s’élève à 72 mais c’est
sûr qu’une grande partie va arrêter en 7e Année à cause du bas niveau.

1. Nous avons visité deux logements pour enseignants au douar Sidi Mhammed ou Marzouk et au douar hart. Comparativement au type
d’habitat usuel, ces maisons sont en dur, bien bâties et surtout sont tout près des écoles.

132
« Notre commune fait des efforts considérables pour scolariser nos enfants et les maintenir à l’école malgré la situation
socio économique des familles. Le programme (Maroc-Unicef) nous a aidés et encouragés...mais nos enfants, une fois
au collège, n’arrivent pas à suivre et se sentent obligés d’abandonner...la faute est aux instituteurs qui ne font pas leur
travail comme il faut... » (propos d’un père, fellah à Douar Sidi M’Hammed Ou Marzouk, Essaouira)

– La situation économique difficile des familles est certes un facteur objectif contraignant à la scolarisa-
tion et à la rétention des enfants. La pauvreté revient tout le temps dans les discussions, les ateliers et
les rencontres sur la scolarisation et l’abandon scolaire. Certes, il est extrêmement difficile de
convaincre les familles pauvres d’« accepter » de se passer des services d’une main d’œuvre « gra-
tuite » en envoyant leurs enfants à l’école et surtout en faisant en sorte qu’ils y restent le plus long-
temps possible. Convenons que cette situation est fort difficile (mais non impossible) à changer dans le
bon sens pour la simple raison que l’école a très peu de prise sur le changement souhaité. Mais nous
tenons à signaler un fait : Il y a bel et bien (fort heureusement d’ailleurs) des familles rurales pauvres qui,
malgré tout, font beaucoup de sacrifices en scolarisant leurs enfants filles et garçons mais il suffit que
l’école faille à ses engagements 1pour les déscolariser tous sans hésitation.
– La compréhension du phénomène de l’abandon scolaire suppose un travail de proximité, de suivi et
d’introspection sociale. Comme nous l’avons déjà dit, à la limite on peut dire qu’il y a autant de causes à
l’abandon scolaire que de cas d’abandon. Dans ce contexte l’intéressant travail effectué par des sta-
giaires de l’Institut National de l’Action Sociale (INAS) mérite d’être encouragé. Les auteurs se sont inté-
ressés à 7 cas d’abandons scolaires de l’école Bir Chifa III située dans un quartier pauvre de Fahs Béni
Makada. Ce qui est intéressant dans ce rapport de stage, c’est l’approche 2avec laquelle les stagiaires
ont pu étudier les cas d’abandon d’une part et, le fait que les 7 abandons auraient pu être évités si des
actions simples étaient entreprises.

2.2.5. À combien se chiffre le coût généré par l’abandon scolaire ?


L’abandon scolaire est en soi une forme de « désinvestissement », de gaspillage de ressources en argent
et en temps. Quand l’abandon survient tout au début du cursus scolaire (avant la cinquième année du pre-
mier cycle fondamental plus spécifiquement), le risque, pour l’élève, de retomber dans l’analphabétisme
devient très grand 3.
En posant l’hypothèse simplificatrice que le coût annuel par niveau est sensiblement constant, on peut dire
que lorsqu’un élève abandonne au terme du ie niveau et sans aucun redoublement, il accumule un montant
égal à : i x cu
Où : i désigne le niveau et cu le coût annuel par élève.
De ce fait le coût total de l’abandon durant le cycle primaire sera par agrégation :

1. Le vocable engagement est assimilé ici à attentes parentales de l’institution scolaire conformément à un « contrat moral » entre l’école et
la famille. Assurer un enseignement de qualité aux enfants en respectant les programmes et la programmation des cours est l’un des engage-
ments de l’école.
2. Les stagiaires ont effectué des entretiens avec les élèves, se sont rendus chez la famille pour observer sa situation socio économique et
démographique et s’entretenir avec les parents pour cerner les causes de l’abandon scolaire des enfants.
3. l’unesco, qui a fixé ce seuil, parle dans ce cas du phénomène d’analphabétisme de retour. En fait on peut trouver des cas en milieu rural où
l’élève ne sait pas grand-chose alors qu’il est en fin du cycle primaire.

133
où : Ei représente l’effectif d’élèves qui ont abandonné au niveau i
où : cu le coût moyen par élève et par année.

Il va de soi que ce montant est d’autant plus élevé que le nombre de redoublants (parmi ceux qui aban-
donnent) est grand (voir graphique 12).

Graphique 12 : représentation des coûts cumulés en fonction du nombre de redoublements

En se limitant au seul aspect financier, le coût de l’abandon peut atteindre des montants très élevés. À titre
d’exemple, Il y a 20 ans, en 1984-85, le coût global de l’abandon enregistré dans l’enseignement primaire
représentait environ 13 % du montant du budget de fonctionnement alloué à cet ordre d’enseignement 1.
Au titre de l’année 2001/2002, le coût unitaire moyen de fonctionnement au niveau du premier cycle de
l’enseignement fondamental (PCEF) était de l’ordre de 2700 Dh courants 2
Sur cette base, et en supposant que le coût d’une année-élève est le même pour tous les niveaux du pri-
maire, le coût total généré par les abandons est calculé pour la période allant de 1998-99 à 2002-2003. Les
résultats sont présentés au tableau suivant.

Tableau 11 : Évolution du coût global de l’abandon (en Dhs courants)

Taux moyens Nombre total


d’abandons Coût global
d’abandon
1998-1999 5.8 % 192395 519.466.500
1999-2000 5.8 % 202880 547.776.000
2000-2001 5% 183220 494.694.000
2001-2002 4.9 % 189784 512.416.800
2002-2003 6.3 % 244732 660.776.400

1. Cf Brahim chedati, l’enseignement primaire public au Maroc : analyse des coûts et du rendement, thèse de Doctorat non publiée, Univer-
sité Hassan II, Casablanca, 1986.
2. Ce chiffre atteint 2780 Dh courants lorsqu’on tient compte de l’investissement.

134
Tableau 12 : Répartition du coût global cumulé de l’abandon scolaire
(en milliers de Dhs courants 2001/2002)

1re année 2e année 3e année 4e année 5e année 6e année Total


Inscrits 822004 756264 715173 613806 502444 422665 3.832.356 *
Taux d’abandon 7% 2% 4% 4% 16 % 8% 4.95 %
Total abandons 57540 15125 28607 24552 30147 33813 189784
Coûts cumulés 155.358 81.675 231.715.7 256.161.6 406.984.5 547.770.6 1.679.665.4

* 17.6 % de ces effectifs ont 12 ans et plus soit 674494 et 8 pour mille sont âgés de 15 ans et plus.

Les calculs effectués sur les coûts cumulés montrent que les abandons qui ont eu lieu avant la 4e année de
l’enseignement fondamental se sont chiffrés à 231.715.700 Dhs courants. Quand on sait que tout abandon
qui survient avant la quatrième année du primaire (cases grisées du tableau 12) reconduit à l’illettrisme pur et
simple, les montants représentent un réel gaspillage des finances publiques et donc l’exemple type du désin-
vestissement social.

2.3. Le rendement et la qualité de l’éducation

La qualité de l’éducation est un concept multidimensionnel et difficilement cernable.


En effet la qualité intéresse aussi bien les intrants du système, le processus de formation que les extrants
(sortants avec ou sans diplômes).
Les facteurs qui favorisent la qualité de l’éducation sont multiples et variés mais la langue est considérée
parmi les plus importants car elle permet à la fois de communiquer et d’apprendre.
À ce titre le Maroc a toujours opté pour l’ouverture sur les langues et les cultures étrangères mais aussi, et
pour la première fois, pour l’introduction de la langue Amazighe dans le système éducatif national.

L’enseignement du Tamazighte
Le Tamazighte en tant que composante de la culture et de l’identité marocaines a été introduit dans le sys-
tème éducatif une année après la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) par Sa Majesté
Mohammed VI en Octobre 2001.
Depuis son institution, l’IRCAM s’est beaucoup investi dans l’organisation du processus d’introduction du
Tamazighte dans le système en terme de conception des programmes et contenus, de méthodes pédago-
giques d’enseignement, de formation d’inspecteurs et d’enseignants, etc
Les statistiques du Ministère de l’Éducation Nationale montrent à quel point les efforts de l’IRCAM sont
couronnés de succès. En effet, le nombre d’écoles touchées par l’enseignement de la langue amazighe a été
multiplié par 2.8 en l’espace d’une année. Celui des enseignants par 3.4 comme le montre le tableau ci-après :

Évolution de quelques indicateurs relatifs à l’introduction de la langue amazighe

Années Nombre Nombre Nombre Nombre


scolaires d’écoles d’inspecteurs d’enseignants d’élèves
2003-04 354 110 786 25000
2004-05 961 236 2660 57000

135
Et la qualité du rendement ?
Quand on analyse l’évolution du système éducatif marocain à travers les décennies écoulées depuis l’indé-
pendance, on s’aperçoit qu’on a gagné beaucoup en quantité (augmentation des effectifs d’élèves dans les
milieux urbain et rural) qu’en qualité. Tout laisse à croire que la qualité de l’enseignement a commencé à bais-
ser au début des années 80 avec la fameuse réforme de 1985 qui privilégiait la question des moyens. En
effet l’année où le principe de « promotion quasi automatique » a été appliqué dans nos écoles marque la
consécration de la non qualité pour ne pas dire la médiocrité.
C’est vrai que les documents de la réforme prévoient des actions pédagogiques « pédagogie dite de soutien »
pour contrecarrer l’effet pervers des promotions quasi automatiques mais dans la réalité rien de cela ne s’est fait.
Pour résumer en deux mots ce changement de cap, je dirai que le marché scolaire est passé d’une situa-
tion de concurrence parfaite à une situation de pseudo concurrence.
L’indicateur de la non qualité des « produits » de notre système d’enseignement reste, bien entendu, les
résultats de tests et d’examens bien réfléchis et bien conçus. À ce sujet il est utile de rappeler les médiocres
taux de maîtrise des élèves de la 4e année fondamentale dans les 3 disciplines objet de l’évaluation des
acquis scolaires (MLA 1).

Vie courante mathématiques Lecture/écriture


Global 24.1 % 27 % 46.6 %
Rural 21 % 24.5 % 42 %
Urbain 28 % 30 % 52.6 %
Filles rurales 10 % 12.6 % 18.9 %
Filles citadines 12.7 % 13.7 % 25.4 %

Les données de MLA ont fait l’objet d’un traitement statistique simple de la part de la direction de l’évaluation
du système éducatif (DESE), dont nous présentons quelques uns des résultats au tableau ci-dessus, mais aussi
d’une analyse plus fine sur les déterminants des acquis scolaires. Ce traitement a été conduit par l’UNESCO.
Nous présentons le modèle de base et le résultat de l’analyse fonctionnelle ci-après.
(le pourcentage expliqué de la variance totale reste néanmoins faible : 23 %)

L’étude MLA a porté sur 4500 élèves répartis sur 180 établissements soit une classe de 4e année fondamentale de
25 élèves par établissement. Trois disciplines ont fait l’objet de tests : Lecture/écriture de l’arabe (vocabulaire, lecture
compréhension, écriture, grammaire, expression écrite); vie courante (santé, vie civique, environnement, savoir-faire);
mathématique (géométrie, mesures, résolution de problèmes)

1. Suivi régulier des acquis scolaires (Monitoring Learning Achievment en anglais)

136
A Sûreté et sécurité (agressions contre les élèves)
B Attitude envers l’école et les enseignants
C Lieu/type d’école (urbaine/rurale; privée/publique)
D Cadre de vie
E Devoirs chez soi (incapables raisons familiales/sociales)

Sources : vers l’éducation de qualité pour Tous, Unesco, 2000

3. La demande d’éducation :
quels facteurs déterminants ? quelles contraintes ?

La sous scolarisation était considérée par les responsables du secteur comme étant liée à l’offre. Il fallait
donc augmenter la capacité d’accueil et le taux de scolarisation suivra « automatiquement » l’élan. Or il
s’est avéré que l’effort considérable d’extension de l’offre n’a pas débouché sur une hausse de la
demande scolaire effective. Malgré les idées émises par les chercheurs nationaux en éducation dans le
sens d’étudier les facteurs de la demande scolaire, Il a fallu attendre beaucoup d’années pour que le
Ministère prenne l’initiative de mener une étude sur les déterminants de la demande de scolarisation.
C’est ce qui est arrivé en 1992 quand le Ministère de l’Éducation Nationale, en coopération avec l’univer-
sité de Dijon (France), a mené une grande enquête dont voici quelques uns des résultats.

137
Tableau 13 : Effet de quelques variables sur l’accès à l’école

Genre Garçons Filles


Variables Coeff. Sign. Effet ( %) Coeff. Sign. Effet ( %)
Cantine complète + 0.307 ++ 6.6 + 0.526 +++ 12.1
Pas de cantine
École bien équipée + 0.135 ns 2.9 + 0.621 +++ 14.27
École non équipée
École complète (5 niveaux) + 0.421 +++ 9.0 + 0.008 ns 0.18
École incomplète
Campagne de sensibilisation + 0.029 ns 0.6 + 0.622 +++ 14.3
Pas de sensibilisation
Père agriculteur + 0.003 ns 0.06 i 0.251 ++ i 5.76
Autre activités
Père primaire complet + 0.450 +++ 9.67 + 0.348 ++ 7.99
Primaire inachevé
Mère alphabétisée i 0.094 ns i 2.02 + 0.539 ++ 12.38
Analphabète
Nombre de frères i 0.068 ns i 1.46 i 0.218 +++ i5
Enfants de 10 ans + 0.758 +++ 16.3 i 0.345 + i 7.9
Enfants de 11 ans + 0.723 +++ 15.54 i 0.444 ++ i 10.2
Enfants de 12 ans + 0.213 +++ 4.58 i 0.965 +++ i 22.8
Ménage possède TV + 0.533 +++ 11.46 + 0.719 +++ 16.5
Ne possède pas TV
La fille ramasse le bois i 0.029 ns i 0.62 i 0.221 + i 22.9
Ne ramasse pas de bois
Activité économique enfants i 0.382 +++ i 8.21 i 0/38 +++ i 1.9
Pas d’activités économique
Distance école la + proche
2km ! d ! 4 km i 0.234 ns i 5.0 i 0.91 +++ i 20.9
d 1 4 km i 0.506 ++ i 10.9 i 1.151 +++ i 26.5
d ! 0.5 km
Distance au collège
d 1 15 km i 0.451 +++ 9.7 i 0.588 +++ i 13.5
d ! 15 km

Sur la base de la valeur (et du signe) des coefficients estimés par le modèle 1et du seuil de significativité
statistique rattaché aux coefficients, on peut dire que les variables prises en compte dans le modèle
n’exercent pas une influence de même intensité sur les garçons et les filles sauf pour « la possession de
téléviseur », « l’activité économique des enfants » et « la distance au collège ».
Quatre années plus tard le Ministère a lancé une autre enquête sur la fréquentation des collèges ruraux et

1. Le modèle utilisé est de type logistique vu que la variable expliquée est dichotomique prenant la valeur 1 dans le cas de scolarisation et 0
dans le cas contraire.

138
c’était une autre occasion pour étudier l’effet des variables de la demande expliquant l’accès et la rétention
au collège. Ci-après deux résultats fondamentaux de ladite étude.
Dans le tableau suivant, nous présentons l’effet marginal des seules variables explicatives statistiquement
significatives.

Tableau 14 : Effet marginal des variables explicatives par sexe

Effet marginal des variables explicatives %


Variables explicatives
Filles Garçons
Age du père i 1.31 i 1.10
Enfants à charge i 2.95
Nombre de filles à charge 7.2
Nombre de garçons à charge i 5.92 i 9.26
Mère ouvrière agricole i 71.4
Mère femme au foyer *
Père exploitant agricole i 22.7
Père ouvrier agricole i 15.7
Père chômeur
Mère n’ayant pas achevé le cycle primaire 24.9
Mère analphabète
Père ayant achevé le primaire 21.9
Père analphabète
Possède TV 11.2 6.95
Ne possède pas TV
Eau du puits i 33.4 i 29.7
Séguia/oued/source i 26.5 i 23.2
Réseau
Tâches ménagères et travaux de champs i 13.9
Garde d’enfants 45.8
Existence d’internat/cantine 33.8 36.6
Distance au collège i 8.26 i2
Inscription dans un collège urbain 10 9.14
Inscription dans un collège rural
Père locataire des terres exploitées 24.5
Père propriétaire

* Les modalités écrites en italique sont les modalités de référence.

Les données du tableau no 14 font ressortir les résultats suivants :


L’âge du père a une influence négative mais très limitée sur l’intensité de la demande de scolarisation au
2e CEF. L’effet marginal est presque égal chez les filles et les garçons ; les calculs effectués montrent, en
effet, que lorsque le père vieillit d’une année, les chances de scolarisation de tous ses enfants en âge de fré-
quenter le collège diminuent de 1.3 % pour les filles et de 1.10 % pour les garçons.
L’activité de la mère a-t-elle une quelconque influence sur la scolarisation de l’enfant au collège ? Les résul-
tats de l’analyse multivariée montrent que, par rapport à une mère qui ne travaille pas, celle qui occupe un
emploi agricole en tant qu’ouvrière, est beaucoup moins disposée à scolariser un enfant (il n’y a pas

139
d’influence sur la scolarisation des filles). En effet les chances d’aller au collège pour les garçons diminuent
de près de 71 % quand la mère est ouvrière plutôt que femme au foyer.
Quant à la variable nombre d’enfants à charge, elle a nettement un effet négatif sur la scolarisation de la
fille puisque, pour elle, les chances d’aller au collège régressent de 2,95 % et de 5,92 % quand les enfants à
charge sont tous des garçons.
À propos d’enfants en bas âge, le modèle d’analyse met en évidence un grand désavantage des garçons
auxquels on a confié la garde des frères et sœurs par rapport à ceux qui n’ont en pas la garde ; les chances
que tous les garçons d’un même ménage soient scolarisés au collège augmentent d’environ 46 % par rap-
port aux garçons qui s’occupent de la garde de leurs petits frères et sœurs.
D’autre part, le type d’activité du père constitue un facteur déterminant de la scolarisation des enfants. En
effet, la probabilité de fréquentation du collège quand les enfants sont tous de sexe masculin diminue de 15,7 %
et de 22,7 % quand le père est respectivement exploitant/éleveur ou ouvrier agricole par rapport à un père chô-
meur. Ce constat paradoxal s’explique par le besoin de l’aide apportée par les garçons dans les travaux de
champs. Signalons au passage que le type d’activité du père n’a aucun effet significatif sur la scolarité des filles.
Le niveau d’instruction des parents a-t-il un quelconque effet sur la scolarisation des enfants ? La variable
instruction des parents paraît exercer un effet assez important sur les chances de scolarisation des filles qu’il
s’agisse de la mère ou du père. En effet, quand la mère a suivi des études primaires, il y a plus de chance
pour ses filles de fréquenter le collège que celles dont la mère est analphabète (près de 25 % de différence).
Quant au père qui a terminé ses études primaires, il est plutôt favorable à la scolarisation de ses filles rela-
tivement à un père analphabète (l’impact marginal est évalué dans ce cas à 21.9 %). Par ailleurs le niveau
scolaire des parents n’exerce aucune influence, statistiquement significative, sur la scolarisation des garçons
au second cycle de l’enseignement fondamental.
Sur le plan des média, la possession d’un téléviseur (TV) semble être un facteur qui joue en faveur de la
fréquentation du collège avec, cependant, une différence d’intensité entre les garçons et les filles : En effet
les chances de scolarisation des filles vivant dans des familles possédant une TV augmentent de près de
11 % par rapport aux filles ne possédant pas de TV. Pour les garçons l’effet de la TV sur les chances de fré-
quentation des collèges n’est que de 7 % environ.
Quand les garçons s’adonnent à des activités d’aide parentale dans les champs comme au sein du foyer,
ils sont moins motivés par le collège que leurs camarades qui n’aident pas dans ce genre de besogne. L’effet
calculé par le modèle se chiffre à presque -14 % et il est statistiquement insignifiant quand il s’agit de la fille.
Dans le même ordre d’idées, les équipements de base jouent un rôle certain dans la scolarisation des
enfants en milieu rural. Le modèle multivarié fait ressortir une diminution des chances de scolarisation au
collège des enfants de 23 % et de 33.4 % respectivement pour les garçons et les filles lorsque le ménage ne
dispose pas d’eau courante. Ce fait s’explique aisément par les nombreux longs déplacements (parfois noc-
turnes) que les enfants sont contraints de faire pour aller chercher de l’eau. À propos de trajets, le modèle met
en évidence une relation inverse entre la distance au collège et la probabilité pour que l’enfant soit scolarisé au
collège. Cette probabilité différentielle entre les deux sexes diminue de 8.26 % et de 2 % à chaque kilomètre
supplémentaire selon qu’il s’agisse de la fille ou du garçon. Il est à noter que l’existence d’un internat ou d’une
cantine atténue sûrement l’effet de l’éloignement de l’établissement et élève les chances de fréquentation des
collèges de près du tiers pour les filles, et d’autant pour les garçons. D’ailleurs, quand l’internat ou la cantine
font défaut, les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans le collège urbain le plus proche.

140
La scolarisation, par exemple, nous pose un problème. Pourquoi les enfants de Kliya ne sont-ils pas inscrits à
Chaouen, près de chez eux? Ceci laisserait à nos enfants des places à l’internat de Stiha. Il y a quelque temps, des
enfants sont restés seuls, en pleine nuit, au carrefour, à dix kilomètres du village. Sans aucun moyen de transport, ima-
ginez leur angoisse et la nôtre. Il n’y a personne pour les accompagner à l’école et aller les chercher. Si on avait les
moyens de leur trouver un lit à l’internat, on se rendrait moins malade.
L’enfant sort le matin à huit heures. Il est obligé d’attendre le car des voyageurs, au bord de la route, jusqu’à neuf
heures du matin. Le temps d’arriver, la matinée est presque terminée. Comment va-t-il étudier dans des conditions
pareilles?
L’après midi, il repart à quatorze heures et quitte le collège à dix huit heures, mais comment vont-ils entrer? Un jour,
ils ont passé la nuit à pleurer au « poste ». Ils allaient devenir fous. Y a t-il de plus mauvaises conditions? À l’internat, ils
ont accepté les enfants boursiers. Il restait quatorze places, qu’ils ont données aux enfants originaires de Béni Sel-
mane, et à ceux de Talambote. Les nôtres ont été oubliés. Quatre enfants seulement, ils ne pourraient pas les accep-
ter? c’est pas une injustice ça? Ils n’étudieront pas? Leur jeunesse est donc gâchée...
(Extrait de Khadouj..Mémoire d’un village, Document audio-visuel réalisé par L’Association Femmes Jeunesse dans
l’Environnement Maghrébin AFJEM, avec le concours de l’OXFAM Québec, et du FNUAP Rabat, 1997.)

« Une bonne partie des parents vivant ici à Laouamra préfère envoyer leurs enfants au collège urbain de Larache par
car, plutôt que de les scolariser au collège rural de la commune... Il vaut mieux payer le transport et être sûrs que les
enfants vont revenir sains et saufs que de les laisser courir des risques d’être agressés en se rendant au collège. Ceci
est arrivé à plusieurs reprises surtout quand la canne à sucre pousse et dépasse deux mètres... Moi qui suis un homme
j’ai très peur. Alors que dire des filles ». (propos d’un père d’élève à Laouamra-Larache)

Ces propos reflètent bien le facteur relativement nouveau dans nos campagnes à savoir l’insécurité et les
agressions révélées d’ailleurs par l’enquête MLA présentée dans le présent rapport.

Tableau 15 : l’effet de quelques variables sur la rétention au collège

Variables Coefficients Significativité ( %) Effets marginaux ( %)


Age du père i 0.026 5 i 0.6
Eau de puits i 0.555 5 i 13.3
Eau de source/séguia i 0.441 5 i 10.6
ref. Régie
Existence d’internat 3.292 1 94
ref. pas d’internat
Niveau d’instruction du père
Secondaire non achevé 1.540 1 36.9
Secondaire terminé 2.32 5 55
ref. analphabète
possession TV + 0.380 1 + 9.0
ref. ne possède pas TV
Père Khammass 1.856 5 i 44.5
ref. propriétaire
mère encore en vie 1.77 1 42.5
mère décédée
Approvisionnement Eau/bois i 0.68 1 i 16.3
Ref. La fille ne fait rien
Constante i 1.499 Ns

141
Quels effets ont ces variables sur la rétention des filles au collège ?
a. L’âge du père
Il ressort des résultats dégagés par le modèle multivarié que l’âge du père agit négativement sur la réten-
tion de ses filles au collège. En effet les chances pour les filles d’être retenues dans le système diminuent de
0.6 % quand le père vieillit d’une année, toutes choses égales par ailleurs.

b. L’équipement en eau potable


Lorsque le ménage n’est pas équipé en eau potable, les enfants participent à l’approvisionnement en eau
de puits, de source ou de séguiya, ce qui les contraint à parcourir de longs trajets avec tous les risques que
cela comporte (maladies, accidents...). Il est évident qu’un enfant qui s’adonne à cette corvée n’ira pas loin
dans ses études ; les chances de rétention dans ce cas diminuent de 13.3 % par rapport aux élèves qui ne
font pas ce type d’activité. Les résultats du modèle multivarié montrent que ces chances diminuent encore
lorsque la fille approvisionne son ménage en bois en plus de l’eau (l’effet marginal atteint dans ce cas
-16.3 %)

c. Niveau d’instruction des parents


Alors que le niveau d’instruction de la mère ne semble pas exercer un impact significatif sur la scolarisation
au collège de la fille, celui du père, au delà du primaire a un effet très important sur la fréquentation scolaire
puisque les filles dont le père a atteint le niveau du secondaire non achevé, ont 37 % plus de chance d’être
scolarisés que leurs camarades dont le père est analphabète. Cependant lorsque le père a achevé ses études
secondaires, l’effet est encore plus important (55 %).

d. L’activité professionnelle du père


Le modèle multivarié met en évidence un impact plutôt négatif de cette variable sur la rétention des filles.
En effet, lorsque le père est khamass, la fille a moins de chance de continuer ses études au deuxième cycle
de l’enseignement fondamental que sa camarade dont le père est propriétaire. Les chances diminuent
d’environ 44,5 %.

e. La présence de la mère
Cette variable s’avère un facteur fort important mis en évidence par le modèle. C’est ainsi que la présence
de la mère permet à la fille d’augmenter de 42,5 % ses chances de poursuivre les études au collège compa-
rativement à une autre fille dont la mère est absente (décès, séparation).

f. Existence d’un internat


L’internat en tant que structure sociale est encore une fois et de manière indiscutable, le facteur le plus
déterminant dans la fréquentation et la rétention dans les collèges, puisque son effet marginal est, toutes
choses égales par ailleurs, évalué à 94 %. Ceci nous amène à affirmer que les internats comme les cantines
scolaires (dans une moindre mesure), constituent de véritables gisements de productivité comparativement
aux variables citées plus haut. Une stratégie qui ne tiendrait pas compte de ces deux importants facteurs ne
serait pas efficace.

142
4. La problématique du financement de l’éducation

Il est tout à fait évident que les ressources financières sont à la base de la réussite de tout projet qu’il soit à
caractère économique ou social. Mais, si la disponibilité des ressources matérielles et financières condi-
tionnent, sans nul doute, le succès et la réalisation des objectifs assignés aux projets et programmes éduca-
tifs, le mode de gestion et d’affectation desdites ressources reste encore plus déterminant. Le meilleur
exemple, fréquemment évoqué par les organismes internationaux et les bailleurs de fonds, est celui de
l’écart entre les pays en matière de performances éducatives (taux de scolarisation ; espérance de vie sco-
laire ; taux d’alphabétisation...) qui n’est pas directement expliqué par l’écart en terme de ressources allouées
au secteur éducatif.
Le Maroc est l’un des pays en développement où l’enseignement public est gratuit à tous les niveaux. Cette
gratuité coûte à l’État marocain près de 7 % de son Produit Intérieur Brut. Mais il importe de relativiser le
qualitatif « gratuit » car si les cours ne se donnent pas en contrepartie d’une somme d’argent payée par
l’apprenant ou par sa famille, il n’en reste pas moins que la scolarité coûte assez cher aux ménages pauvres
ou moyens et constitue même parfois une contrainte objective à la demande sociale d’enseignement. C’est
ainsi par exemple que le coût d’une rentrée scolaire représentait en 1986 près de 29 % du salaire moyen des
familles pauvres (B.CHEDATI, 1986).

4.1. Analyse de l’effort public de financement

Nous nous limitons ici aux seules dépenses effectuées par le MEN ; par conséquent la contribution des
autres départements de tutelle ne sera pas exposée dans le cadre de cette contribution ; contentons-nous
cependant de noter qu’au niveau des dépenses de fonctionnement, le total des budgets alloués aux activités
de formation par les dits ministères représentent environ près de 1/10e du budget de fonctionnement du
MEN. Quant aux investissements réalisés par ces mêmes départements, ils constituent un peu plus de 20 %
de ceux réalisés par le MEN.

D’autre part, il ne sera pas, non plus, question des contributions des collectivités locales dans le domaine
d’éducation formation car les données font défaut dans la plupart des cas. Soulignons toutefois :

– L’inégalité intercommunale quant aux ressources financières ;


– La dépendance vis à vis des finances de l’État. En effet globalement les 2/3 des budgets annuels des
collectivités locales proviennent de l’État sous forme de subventions et d’emprunts auprès du Fonds
Économique Communal ;
– Le transfert effectif aux communes de 30 % de la TVA depuis 1989. et la création d’une Banque de
Développement des Collectivités Locales ;
– La prise en charge par les collectivités locales des projets de constructions scolaires du premier degré à
partir de mai 1990.

La part du budget général de l’État consacrée au secteur éducatif a connu une hausse soutenue dans le
temps. En effet, en l’espace de 50 années, l’indice de l’effort relatif public en faveur de l’éducation a aug-
menté de 9.7 points passant de 12 % en 1951 à 21.7 % en 2001. (voir annexe 3)
Cet indice est encore plus élevé quand on considère les budgets de fonctionnement seuls (en 1990, le bud-
get de fonctionnement de l’éducation représentait presque le tiers du budget de fonctionnement général).

143
Graphique 13 : Évolution des indices de l’effort relatif et absolu de l’État

L’augmentation des budgets n’est pas révélatrice de l’amélioration de la qualité de l’enseignement dis-
pensé. En effet les budgets sont libellés en Dh courants et, de ce fait, ils occultent l’effet de l’inflation. Nous
avons corrigé ce fait en recalculant les budgets en dirhams constants. En effet de 1977 à 1993, le budget de
fonctionnement du MEN a été multiplié par 8.20 et seulement par 2.58 en dh constants 1977 (tab.16). Analy-
sée par niveau, l’évolution du budget de fonctionnement a nettement profité au supérieur reflétant une aug-
mentation de la demande sociale pour les filières offertes (tab.16).

Tableau no 16 : Évolution du budget de fonctionnement du MEN par niveau (en MDH)

1977 1993
Primaire 793 4705.1
793 (1481)
Indice 100 593.3
100 186.8
Secondaire 1094.8 5881.6
(1094.8) (1851.3)
Indice 100 537.2
100 169
Supérieur 313.8 2046.6
(313.8) (644.8)
Indice 100 652.2
100 205.2
Total 1540.7 12633.3
(1540.7) (3976.5)
INDICE 100 820
100 258

Il serait intéressant de comparer le rythme de progression des ressources budgétaires allouées à chacun
des niveaux à celui des effectifs inscrits. L’indice de comparaison, appelé élasticité, rend compte de l’impor-

144
tance de l’effort de financement de l’enseignement public. Mais il ne peut être interprété en termes de qua-
lité en l’absence d’une connaissance précise de la structure détaillée du budget ; c’est-à-dire les rubriques
stratégiques qui sont déterminantes dans tout processus de production du savoir (e.g le matériel pédago-
gique commun, le matériel spécifique, les équipements de laboratoire...).
Les données statistiques montrent que pour les niveaux primaire et secondaire réunis, l’évolution des bud-
gets réels et celle des effectifs avaient quasiment le même rythme (l’indice ayant été d’environ 176 entre
1977 et 1993).
On peut dire de ce fait que la scolarisation pré-universitaire n’a pas véritablement connu une amélioration
des conditions matérielles et pédagogiques de l’apprentissage depuis la fin des années 70. La situation est
encore plus déplorable pour l’enseignement supérieur où la demande sociale a augmenté à une vitesse 2.16
fois plus rapide que celle du budget ; ce qui se traduit par une nette dégradation de la qualité de cet ordre
d’enseignement (faiblesse des taux de promotion, encombrements des locaux, manque ou insuffisance des
moyens pédagogiques et de recherche..). En effet, de 1977 à 1993, les effectifs inscrits à l’université maro-
caine ont été multipliés par 4.4 environ (1.76 seulement dans le pré universitaire.) alors que les ressources
réelles (en DH constants de 1973) allouées à ce degré d’enseignement ont été seulement doublées.

4.2. Analyse de la contribution des familles : Qui finance ? pour qui ?

4.2.1. Optique macro économique


Le calcul des dépenses d’éducation effectuées par les familles n’est pas chose aisée car il est nécessaire
de passer par des enquêtes auprès des consommateurs pour collecter l’information détaillée sur ces catégo-
ries de dépenses (e.g directes/indirectes). Néanmoins, sur la base des résultats de l’enquête sur la consom-
mation des ménages réalisée par le ministère du plan en 1985, on peut donner un ordre de grandeur de ces
dépenses privées. En effet les résultats de l’enquête spécifient les montants des dépenses privées par
milieu et niveau scolaire que nous reproduisons dans le tableau suivant :

Tableau 17 : Dépenses moyennes d’enseignement par personne par milieu et niveau


(en DH) – 1985 et 1999

Urbain Rural Ensemble


Préscolaire 13.79 1.38 6.74
Primaire 28.89 11.58 19.07
Secondaire 40.33 8.37 22.20
Supérieur 5.46 0.21 2.48
Autres dépenses 6.18 0.96 3.22
Dépenses d’enseignement 1998-99 262.3 49.4 164.3

(Sources : Consommation et dépenses des ménages 1984/85, Vol. I : rapport de synthèse, Direction de la Statistique, 1987, p : 134.)
et Enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages, 1998-99, premiers résultats, Direction de la Statistique, p : 102)

Connaissant la population totale des années 1985 et 1999, on peut calculer la dépense totale des familles
en matière d’enseignement ainsi que l’équivalent en pourcentage que représentent les contributions directes
des familles marocaines au financement de l’éducation. (Tableau no 18).

145
Tableau 18 : Contributions des familles en % du budget du MEN

Dépense totale (en milliers de DH) % dans le budget du MEN


1985 1166870.0 15 %
1999 4639503.4 28 %

Tous calculs faits, les contributions des familles au financement de l’enseignement au titre des années
1985 et 1999 représentaient l’équivalent respectivement de 15 % et 28 % du budget total du MEN. Bien
entendu, ce sont là des estimations globales qui ne permettent pas de connaître la vraie structure des
dépenses éducatives des ménages marocains (i.e. type d’enseignement, cycle, nature de la dépense...). Un
tel détail peut être le résultat d’un travail de comptabilisation systématique annuelle recensant toutes les
sources de financement et tous les emplois de ces mêmes ressources. Cet instrument est le compte satel-
lite « Éducation » qui n’existe pas encore malgré les réclamations et les propositions faites par les cher-
cheurs nationaux et par la Charte (page 78, point c) 1.

4.2.2. Optique micro économique

Le niveau primaire
Les grandeurs que nous avons pu calculer ne manquent certainement pas d’intérêt mais restent cepen-
dant globales et, de ce fait, ne permettent pas d’apprécier l’impact des dépenses sur les budgets familiaux ;
je voudrais faire part de quelques résultats dégagés lors d’une enquête sur les dépenses de la rentrée sco-
laire 1985 effectuée par nous auprès de 500 ménages urbains. Sans vouloir alourdir le texte par les détails
techniques et méthodologiques, nous nous contentons de présenter deux tableaux significatifs :
– le premier consigne la valeur de ce que nous avons appelé le taux de couverture en fournitures sco-
laires ;
– le deuxième tableau met en relation la dépense moyenne d’une rentrée scolaire et le salaire moyen par
catégorie socio-professionnelle du chef de ménage 2.

Tableau 19 : Propension moyenne à dépenser pour la rentrée scolaire


1985 par catégories extrêmes de salaire (en DH)

Tranches de salaire Salaire moyen (a) Dépense moyenne (b) (b/a)*100


! 750 500 123 29.3 %
1 = 3000 2180 187 5.8 %

(Source : B. Chedati, 1986, p.120)

1. Dès le début des années 80, lors de la préparation de notre thèse, nous avons personnellement insisté auprès de la Division de la Compta-
bilité Nationale (Direction de la Statistique) sur l’urgence d’établir un compte satellite « éducation » à l’instar des autres comptes de notre système
de comptabilité nationale mais l’initiative de l’administration ne suit pas toujours les idées ..
2. pour des raisons de simplicité, nous nous limitons aux seules catégories extrêmes.

146
Les chiffres du tableau 19 parlent d’eux-mêmes. Ils mettent en évidence l’incapacité des familles écono-
miquement défavorisées à assurer le financement de la scolarisation de tous les enfants en âge de
scolarisation quand leur nombre dépasse 2 ou 3. Tandis que les familles plus aisées peuvent assurer le finan-
cement de l’éducation de leurs enfants étant donné que les dépenses ne représentent que moins de 6 % du
salaire mensuel.

Le niveau secondaire
Nous présentons ci-dessous les résultats d’une enquête réalisée à Rabat en 1986 auprès de familles
d’élèves inscrits au secondaire général ou technique.
Les données globales du tableau 16 seront réparties par établissement afin de montrer les disparités exis-
tantes en matière de dépense en éducation (Tab. 20).

Tableau 20 : Dépenses annuelles moyennes de scolarisation


par type d’enseignement (en DH 1986)

Enseignement général
Dépenses Enseignement technique
er e
1 cycle 2 cycle
Rentrée scolaire 295 431 530
En cours d’année 60 183 480
Total 355 614 1010

(Source : Ait El Houss et al,1986, p : 61)

Au niveau de l’enseignement général, quand on rapporte ces dépenses moyennes aux salaires mensuels
moyens par catégories socio-professionnelles des répondants, on trouve un ratio (propension moyenne à
dépenser en éducation) qui varie entre 15.60 % pour les familles relativement aisées et 31 % pour les
familles défavorisées. Calculé pour l’enseignement technique, ce ratio varie entre 18.9 % et 78 % mutatis
mutandis, Sur la base des données financières relatives aux cinq établissements enquêtés et sur celles des
familles, il ressort que les ménages participent directement pour prés de 19 % (Lycée AI Laymoun) à 40 %
(Lyceé : Hassan II) des dépenses totales de scolarisation (publique et privée).

4.3. Le recouvrement des coûts entre l’efficacité économique et l’équité


sociale : Quels équilibres ?
À la suite des mesures de politique économique préconisée par le FMI consistant prioritairement à réduire
les dépenses publiques à caractère social, il semble que la tendance du système est vers l’application du
principe de recouvrement des coûts par les usagers. Il faut dire que le principe n’est pas partagé par tous,
certains membres de la Commission Nationale d’Éducation y voient une exacerbation de l’inégalité des
chances et préconisent le maintien de la gratuité de l’enseignement. Mais dans quelle mesure le système de
recouvrement des coûts jouera-t-il pleinement son rôle social et économique ?

147
4.3.1. Les conditions de la réussite
En parlant de conditions, nous voudrions tout simplement proposer des étapes préalables à la mise en
application du système préconisé et dont le non respect aboutirait à l’échec de ce mode de financement
c’est-à-dire à des effets pervers.

– La première condition concerne l’identification de la population cible, ses caractéristiques socio-écono-


miques et démographiques. Il s’agira de répondre aux questions du genre :
R Qui fréquente l’école / collège / lycée / université ?
R Quelle est l’origine socio-économique des apprenants ?
R Combien paye-t-on pour les études ?
R Quelles sont les catégories sociales qui ont un besoin de financement des études ?
R À quelle(s) catégorie(s) sociales(s) profite le budget du MEN ?

Autant de questions fondamentales restent posées et doivent trouver des réponses afin de mieux piloter
le système et l’adapter aux usagers et par là même lui donner plus de chances de réussite et de viabilité.
À propos de la dernière question, la réponse ne peut découler que d’une enquête sérieuse à large échantillon qui
permettrait de calculer la part du budget du MEN consommée par chacune des catégories sociales bénéficiaires en
comparaison avec le poids démographique de chaque catégorie dans la population totale. Cette approche permet
en effet d’apprécier le degré d’égalité de la répartition des ressources allouées à l’enseignement.
Si on appelle Ci la part du budget consommée par la catégorie sociale i ; Epi, Esi, Eui, les effectifs inscrits
respectivement au primaire, au secondaire et au supérieur issus de la catégorie i en pourcentage des effec-
tifs totaux inscrits dans ces niveaux d’enseignement ; Bp, Bs et Bu représentent le montant des budgets
alloués à chacun des niveaux primaire, secondaire et supérieur, la formule de calcul de Ci est :
Ci = ((Epi ¥ Bp) + (Esi ¥ Bs) + (Eui ¥ Bu)/(Bp + Bu)) ¥ 100

Encart 3 : Exemple pour fixer les idées.

Supposons deux catégories sociales pour simplifier A et B. 100 élèves de la catégorie A et 200 de la catégorie B se
répartissent comme suit :

niveau A B Budget
Primaire 50 50 10000
Secondaire 40 60 20000
Supérieur 10 90 30000
Ensemble 100 200 60000

La part du budget total qui revient à la catégorie A devrait normalement être Proportionnelle à l’effectif total des ins-
crits, tous niveaux confondus, issus de A, Soit 19980. or dans les faits la catégorie A ne bénéficie que de 16000 soit une
différence de 3980 qui profite à la catégorie B. Cette différence s’explique par le fait que l’enseignement supérieur
n’est pas démocratisé; la catégorie sociale B profite davantage des ressources publiques allouées à cet ordre d’ensei-
gnement.

148
– La seconde condition, qui découle de la première, tient au(x) critère(s) à adopter pour exiger des usagers
un recouvrement partiel ou total des coûts de scolarisation. S’il est logique que le critère doit être lié à la
situation matérielle des consommateurs, il est encore plus logique de recourir à une grille multicritère et
d’opérer même une différenciation entre les catégories socio-professionnelles i.e :
Entrepreneur : Chiffre d’affaires (plus d’autres critères spécifiques) ;
Agriculteur : Superficie exploitable totale (plus d’autres critères spécifiques) ;
Fonctionnaire : Salaire (plus autres revenus).
– La troisième condition est relative aux normes de fixation des taux de recouvrement des frais c’est-à-dire
le pourcentage de ces derniers à mettre à la charge des usagers. Ce pourcentage varierait de 0 % (exonéra-
tion totale) à 100 %. Il est essentiel dans ce cas (comme dans tous les cas où il s’agit de taux progressifs) de
bien choisir un ordre de progression équitable.
– La quatrième condition concerne le montant des droits à fixer. Quelle est la proportion du coût unitaire
public qui devra être directement recouvrée ? Là, également, le bon sens veut qu’on observe une sou-
plesse suivant les niveaux. On sait, par exemple, que le coût unitaire au supérieur scientifique est de
l’ordre de 8000 DH par an, exiger des étudiants de payer mensuellement le 1/10e peut décourager cer-
tains qui, dans ce cas, préféreraient investir 800 DH en s’inscrivant dans une école privée de second
niveau par exemple. À contrario la fixation d’une somme modique peut s’avérer économiquement ineffi-
cace à améliorer la situation du système d’enseignement.
En somme, la détermination du montant des droits doit répondre aux exigences de l’efficacité (i.e
amélioration de la qualité de l’enseignement, extension de l’offre...) et de l’équité sociale (faire en sorte
que les plus méritants mais moins capables de payer n’abandonnent pas leurs études.)
– La cinquième condition, enfin, est relative à l’utilisation des fonds recouvrés. En effet, si ces derniers ne
sont pas réinjectés dans le système éducatif (peu importe le niveau bénéficiaire), et sont alloués à
d’autres secteurs, les problèmes pour lesquels le recouvrement est imposé vont certainement rester
sans solutions et peut-être même vont s’aggraver. Si. à titre d’exemple, on fixait 200 DH/an et par élève
le montant des droits au cycle présecondaire, les fonds recouvrés atteindraient l’équivalent de 15.4 %
du budget total de fonctionnement alloué à ce cycle ce qui n’est pas négligeable. L’estimation des fonds
pour les autres niveaux nécessite la connaissance de la demande.

4.3.2. L’équité sociale


Partant de ces considérations théoriques, on peut distinguer les situations suivantes :
– un système économiquement inefficace et socialement inéquitable (graphique 10-a) ;
– un système économiquement efficace et socialement équitable (graphique 10-b) ;
– un système économiquement efficace et socialement équitable (graphique 10-c).

Le graphique 10-a illustre la situation où, malgré l’imposition de droits de scolarité dont la valeur est fixée à
PI (Po=0 représente la situation de gratuité.), l’offre publique reste au même niveau. Ce cas a lieu quand les
coûts recouvrés ne sont pas injectés dans le système pour le développer (condition no 5 supra.).

149
Qu’est-ce qu’un système de recouvrement économiquement efficace et socialement équitable?

Le graphique 10-b quant à lui reflète le cas où la totalité des droits récupérés est investie dans le système
faisant passer ainsi l’offre de places du niveau initial Qo à Q1. En imposant des droits d’inscription, il se peut
fort bien que des élèves/étudiants soient contraints d’abandonner leurs études car incapables de payer (bien
que, pédagogiquement, ils soient tout à fait aptes à poursuivre l’itinéraire de la formation). Dans ce cas, pour
que le recouvrement ait le caractère d’équité sociale, l’État doit prévoir un système d’exonération des
familles économiquement défavorisées. C’est ce qui est illustré dans le graphique 10-c où le niveau de l’offre
est ramené au niveau Q*1 ( ?Q1) la différence représentant en quelque sorte le coût de l’équité sociale dans
le domaine de l’enseignement.
La contribution directe des « couches à revenus élevés », telle que prévue par la Charte (articles 174 et 175),
mobilisera sans aucun doute des ressources importantes mais « la majeure partie des charges et la plus
grande responsabilité de financement de l’éducation et de la formation demeurent à la charge de l’État »
(article 173). En effet l’État s’est engagé « à augmenter régulièrement de 5 %, chaque année, le budget du
secteur de façon à absorber l’inflation et faire face, avec le surplus, aux dépenses additionnelles... » (Espace
IV, Levier 18, article 170, page 78). Or quand on suit l’évolution des budgets du MEN sur les périodes 1996 à
1998 et 2001 à 2003, et lorsqu’on analyse l’évolution de sa structure, on se rend compte que le taux d’aug-
mentation moyen du budget total observé à la première période était supérieur à celui de la deuxième pé-
riode (voir tableau no 21). Ce taux dépasse certes celui prévu dans la charte (10.3 % et 9.1 % contre 5 %)
mais quelle rubrique budgétaire est concernée par cette hausse ? deux observations s’imposent à ce niveau :

150
a. le budget alloué au matériel pédagogique n’a pas du tout évolué au rythme prévu par la Charte (0.5 % et
3.5 %) alors qu’il s’agit d’une rubrique qui conditionne la « qualité de l’acte pédagogique » ;
b. l’augmentation des budgets de fonctionnement (en moyenne de 11.3 % par an) concerne les salaires
des personnels enseignants et administratifs.

Tableau 21 : Pourcentage de variation du budget du MEN avant et après la Charte

Périodes 1996-1998 2001-2003


Rubriques 1996/97 1997/98 2001/02 2002/03
Budget Total 14.6 % 10.8 % 10.3 % 9.1 %
Matériel 10.5 % 9.2 % 0.5 % 3.6 %
Personnel 11.9 % 11.5 % 11.5 % 11.1 %
Investissement 15.4 % 5% 5.8 % i 3.6 %

Pour conclure ...


Que dire à l’issue de ce bilan succinct de notre système éducatif depuis l’indépendance politique du Maroc?
Il est certain que beaucoup d’efforts (malgré la lenteur de réalisation des projets et programmes) ont été
déployés par les différents gouvernements pour réaliser de grands objectifs parfois trop ambitieux. Mais ce
qui est certain aussi c’est que beaucoup d’objectifs parmi ceux-là n’ont pas été fixés de manière raisonnée ni
raisonnable. Très souvent, des décisions se prennent « à la légère » sans étude préalable de faisabilité et sur-
tout d’effets et d’impacts économiques et sociaux. L’exemple le plus frappant est celui de l’arabisation qui a
mobilisé, au début des années 80, énormément de moyens (mais peu de temps) pour finalement déstabiliser
le système tout entier. Comment concevoir un processus d’arabisation par le bas et qui s’arrête à l’univer-
sité ? De nombreux bacheliers en sciences ont été obligés de s’inscrire au droit section arabe afin de pouvoir
suivre. À cette époque on a assisté à un véritable mouvement de la demande d’enseignement universitaire
des domaines scientifiques vers les domaines littéraire, juridique et politique. Des études de cas réalisées
ont montré à quel point ces jeunes désorientés ont été frustrés après tant d’années de travail et de persévé-
rance. Leurs projets scolaires et professionnels ont été ébranlés par une politique mal conduite.
Autre caractéristique de notre système éducatif c’est qu’il ne bâtit pas sur l’existant et qu’il n’évalue pas sa
politique. En effet chaque ministre à la tête du département de l’Éducation Nationale propose un programme
qui se veut original pour se démarquer de son prédécesseur. Une telle attitude est tout à fait légitime et la
concurrence dans ce domaine névralgique est à solliciter, mais évaluons ce qui se fait ; les objectifs sont ils
atteints ? Les projets ont-ils profité à tous ? Quels effets à moyen et longs termes les programmes scolaires
auront-ils sur l’économie nationale ? Sur le mode de vie des citoyens surtout ? Je ne pense pas que de telles
questions fondamentales se posent avant les grandes décisions dans le domaine de l’éducation formation.
Les perspectives d’évolution ?
Comment le système éducatif marocain évoluerait-il durant les 20 prochaines années ? J’avoue que la
réponse à une telle question ne peut émaner d’une personne seule. La réponse (ou plutôt les éléments de
réponse) nécessite la disponibilité de nombreuses informations de divers ordres (économique, démo-
graphique, politique, géostratégique,...) susceptibles d’influencer le système dans sa conception, ses atouts,
ses performances mais aussi ses limites et faiblesses. et appellent le recours aux modèles prospectivistes
adaptés. Convenons que cette entreprise n’est pas simple pour l’État même et que dire d’un chercheur isolé
en quête de données statistiques les plus élémentaires ?

151
La lecture prospective du système éducatif marocain devra aborder 3 niveaux que nous empruntons à
Michel Godet 1 :
– L’appréhension (tracer les limites du macro système dans lequel le système éducatif est impliqué) ;
– La compréhension (repérage des structures et des variables du système ainsi que les relations entrete-
nues entre elles) ;
– L’explication (identification des facteurs qui conditionnent la dynamique du système à l’horizon 2025).

On est en droit de se demander à quel niveau nous en sommes présentement.

Références bibliographiques

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l’État et des familles ». Mémoire de fin d’études, COPE, Rabat.
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15. MEN-Irédu, les déterminants de la scolarisation en zones rurales marocaines, Dar Nachr Al Maârifa,
Rabat, 1992
16. MEN, Éducation pour Tous, Évaluation des acquis scolaires des élèves de la 4e AF (MLA), Rabat, 2001.
17. MEN, Éducation pour TousÉvaluation des conditions d’enseignement et d’apprentissage dans le 1er
Cycle de l’EF (CTL), rabat, 2001.
18. Ministère du plan (1992) : « Niveaux de vie des ménages 1990/91 » : vol.I rapport de synthèse.
19. Morrison. Ch (1991) : « Ajustement et dépenses sociales au Maroc ». Revue Tiers-Monde, tome
XXXII, no 26, IEDES, Paris.
20. Salmi.J (1985) : « Crise de l’enseignement et reproduction sociale au Maroc ». Editions Maghrébines,
Casablanca.

1. Crise de la prévision, essor de la prospective, Puf, l’économiste, paris 1977.

152
Annexes
1. Tables scolaires

1.1. Enseignement primaire : année 1997

1AP 2AP 3AP 4AP 5AP 6AP


TP 78,19 81,80 79,37 80,75 80,85 78,71
TR 15,98 13,84 14,60 12,40 10,20 10,79
TA 5,83 4,36 6,03 6,85 8,95 10,50

1AP 2AP 3AP 4AP 5AP 6AP


t1 10000
t2 1598 7819
t3 2332 6396
t4 2841 5076
t5 2884 4099
t6 2747 3314
t7 2579 2609
t8 2030
Total 11598 10151 9237 7961 6847 5893 4638
TAE 11777 10166 9290 8165 7212 6198 52809

1.2. Enseignement secondaire collegial : année 1997

7AF 8AF 9AF


TP 73,38 75,23 40,85
TR 11,73 12,16 34,58
TA 14,89 12,61 24,57

153
7AF 8AF 9AF Lycée
t1 10000
t2 1173 7338
t3 1753 5520
t4 3228 2255
t5 1319
Total 11173 9091 8748 574
TAE 11777 10166 9290 31233

1.3. Enseignement secondaire qualifiant : année 1997

1AS 2AS 3AS


TP 65,64 72,58 63,2
TR 18,68 14,74 18,05
TA 15,68 12,68 18,75

1AS 2AS 3AS Supérieur


t1 10000
t2 1868 6564
t3 2194 4764
t4 2452 3011
t5 1550
Total 11868 8758 7216 4561
TAE 11777 10166 9290 31233

1.4. Enseignement primaire : année 2002

1AP 2AP 3AP 4AP 5AP 6AP


TP 77,42 82,36 80,96 83,54 83,29 83,88
TR 17,89 15,28 15,45 12,33 10,56 7,95
TA 4,69 2,36 3,59 4,13 6,15 8,17

154
1AP 2AP 3AP 4AP 5AP 6AP Collège
t1 10000
t2 1789 7742
t3 2568 6376
t4 3100 5162
t5 3146 4313
t6 3084 3592
t7 2854 3013
t8 2394
Total 11789 10310 9476 8309 7396 6446 5407
TAE 11777 10166 9290 8165 7212 6198 52809

1.5. Enseignement secondaire collegial : Année 2002

7AF 8AF 9AF


TP 76,01 79,45 47,5
TR 12,3 11,84 34,41
TA 11,69 8,71 18,09

7AF 8AF 9AF Lycée


t1 10000
t2 1230 7601
t3 1835 6039
t4 3536 2869
t5 1680
Total 11230 9436 9575 4548
TAE 11777 10166 9290 31233

155
1.6. Enseignement secondaire qualifiant : année 2002

1AS 2AS 3AS


TP 78,27 72,67 67,94
TR 14,01 16,52 19,21
TA 7,72 10,81 12,85

1AS 2AS 3AS Supérieur


t1 10000
t2 1401 7827
t3 2390 5688
t4 2829 3864
t5 1922
Total 11401 10217 8517 5786
TAE 11777 10166 9290 31233

2. L’évolution du nombre de bacheliers entre 1993 et 2003


Évolution du nombre de bacheliers

156
3. Évolution du pourcentage du budget de l’État alloué à
l’enseignement (IER)

Années IER Années IER


1956 13,2 1980 18,5
1957 14,1 1981 20,6
1958 13,4 1982 18,7
1959 14 1983 22,6
1960 16,4 1984 23,9
1961 17 1985 22,9
1962 17,9 1986 21,9
1963 16,4 1987 21,5
1964 15,7 1988 23,4
1965 17,4 1989 24,9
1966 18 1990 19,1
1967 16,2 1991 19,1
1968 16,6 1992 18,8
1969 16,7 1993 19,4
1970 16 1994 18,7
1971 17,5 1995 18,9
1972 17,3 1996 18,5
1973 19,2 1997 20,4
1974 14,4 1998 21,3
1975 12 1999 15,4
1976 13,5 2000 21,7
1977 14,5 2001
1978 17,6 2002
1979 18,6 2003

157
158
L’enseignement supérieur depuis
l’Indépendance
La dégradation de la qualité était-elle inéluctable ?

Introduction ............................................................................................................. 161

I. Évolution de l’enseignement supérieur de l’indépendance


à nos jours ........................................................................................................... 162
1. De l’Indépendance au milieu des années 70............................................... 162
1.1. La situation de l’enseignement au Maroc en 1955-56......................... 162
1.2. L’enseignement supérieur de l’Indépendance au milieu
des années 70............................................................................................. 166
1.2.1. Les premières années de transition ............................................. 166
1.2.2. La décennie 1965-1975 .................................................................... 167
2. Du milieu des années 70 à nos jours : massification et
dégradation de la qualité de l’enseignement supérieur .......................... 172
2.1. Massification du supérieur...................................................................... 172
2.2. Massification vs sélectivité au supérieur et au secondaire.............. 174
2.3. Le processus de dégradation de la qualité
de l’enseignement supérieur ................................................................... 176
2.3.1. Chronologie des seuils de dégradation de la qualité de
l’enseignement : un cercle vicieux de reproduction de
la médiocrité dont le pays n’est pas près d’en sortir
aujourd’hui encore .......................................................................... 177
2.3.2. Illustration / témoignage du processus de dégradation
de la qualité ...................................................................................... 180
II. Les perspectives de l’enseignement supérieur à l’horizon 2025................ 181
1. Prospective de l’enseignement supérieur : atouts et faiblesses............. 181
1.1. Imaginons un exercice de prospective du secteur de
l’enseignement supérieur fait il y a 25 ans .............................................181

159

somgt4-4 159 22/12/05, 13:45:51


1.2. Les atouts de l’enseignement supérieur au Maroc.............................182
1.2.1. Une nouvelle ère inaugurée par la réforme de 2000 ..................182
1.2.2. Une progression modérée des effectifs.......................................183
1.2.3. Un enseignement supérieur diversifié et ouvert
sur l’extérieur ...................................................................................184
1.3. Les faiblesses du secteur de l’enseignement supérieur....................186
1.4. Le défi majeur de l’enseignement supérieur est l’amélioration
de la qualité ...............................................................................................187
1.4.1. L’amélioration de la qualité nécessite une stratégie
innovante de recrutement de l’encadrement
pédagogique.....................................................................................187
1.4.2. L’amélioration de la qualité dépend en premier lieu de
l’aptitude des bacheliers à poursuivre des études
supérieures.......................................................................................190
1.4.3. L’amélioration de la qualité dépend de la contribution
financière des étudiants.................................................................191

Conclusion ...............................................................................................................192
Liste des références bibliographiques citées dans le texte.........................194
Liste des abréviations .........................................................................................195

MEKKI ZOUAOUI

160

somgt4-4 160 22/12/05, 13:45:52


Introduction

L’enseignement supérieur au Maroc produit le meilleur et le pire. Chaque année, des centaines de jeunes
issus de l’école publique marocaine rejoignent les grandes écoles françaises d’ingénieurs. Chaque année, les
écoles et instituts supérieurs marocains à accès sélectif fournissent au pays des milliers de diplômés de
valeur. Chaque année, l’université marocaine livre quelques milliers de diplômés de formation honorable.
Mais chaque année, l’université marocaine produit des dizaines de milliers de lauréats dont la formation, le
moins qu’on puisse dire, laisse beaucoup à désirer. Chaque année, l’université marocaine rejette des dizaines
de milliers d’étudiants n’ayant pas réussi à obtenir un diplôme.
Il n’existe pas d’enseignement supérieur de qualité dans un pays où le primaire et le secondaire sont
médiocres. Il y a, en effet, une grande corrélation entre les deux. Cela ne signifie évidemment pas que les
actions ou mesures d’amélioration du supérieur sont inopérantes. Notre propos est tout simplement de rap-
peler une évidence : que le sort du supérieur dépend davantage des efforts et améliorations pédagogiques
faits dans les cycles précédents que de ses efforts propres. Les aptitudes ou prédispositions fondamentales
que doit avoir un étudiant dans une université comme le goût de la lecture, l’esprit d’observation, la curio-
sité... s’acquièrent plus facilement dans les petites classes qu’à l’âge adulte.
Le parti retenu dans cet exercice résulte de ces deux constats. Il examine l’évolution et les performances
du secteur de l’enseignement supérieur, essentiellement : i) du point de vue de son échec patent à une for-
mation de qualité de la grande majorité des bénéficiaires ; ii) en relation étroite avec l’évolution des perfor-
mances des cycles d’enseignement du primaire et du secondaire.
La première partie de ce travail, consacrée à l’évolution de l’enseignement supérieur de l’indépendance à
nos jours, s’attachera essentiellement à comprendre et à dégager les principaux facteurs explicatifs de la
dégradation de la qualité de l’enseignement public au Maroc. La seconde partie relative aux perspectives de
l’enseignement supérieur à l’horizon 2025, sans constituer un véritable exercice de prospective, se limite à
une analyse en termes d’atouts et de faiblesses aboutissant à une réflexion sur les défis majeurs de l’ensei-
gnement supérieur au Maroc pour rompre le cercle vicieux de la baisse du niveau.

161
I. Évolution de l’enseignement supérieur
de l’indépendance à nos jours

1. De l’Indépendance au milieu des années 70

1.1. La situation de l’enseignement au Maroc en 1955-56

Dans cette première partie dont l’un des deux objectifs majeurs est d’analyser l’évolution du secteur de
l’enseignement supérieur durant les cinquante dernières années, il n’est pas inutile de rappeler l’état de
l’enseignement au moment de l’Indépendance. Cet arrêt d’image, dans le cadre d’un exercice qui cherche
avant tout à saisir et à comprendre les dynamiques et les conséquences des politiques mises en œuvre dans
le domaine, revêt une importance considérable.
En effet, au-delà de la description de la situation de l’enseignement prévalant en 1955-56, il s’agit de se
faire une idée de l’état des compétences formées ou en formation par le système d’enseignement mis en
place par le Protectorat. Sans aller jusqu’à faire une analyse de l’état de préparation des élites marocaines qui
vont très rapidement remplacer les Français dans les fonctions et tâches les plus diverses consistant, pour
ce qui nous concerne, en l’encadrement pédagogique et l’élaboration des politiques d’enseignement, on
tente de rendre compte, sur le plan quantitatif essentiellement, des ressources humaines formées dans les
écoles modernes et qui s’apprêtent à diriger le pays.
L’enseignement supérieur au Maroc à l’indépendance du pays était à l’état embryonnaire comme en
témoignent les données des tableaux suivants : 2000 étudiants environ. Les Marocains en représentaient
moins du quart, soit 350 étudiants dont 146 israélites. Autrement dit, le secteur de l’enseignement supérieur
au Maroc comptait cette année un peu plus de 200 étudiants musulmans, un chiffre insignifiant par rapport à
la population marocaine en âge de poursuivre des études supérieures.

Il faut souligner que le nombre d’étudiants marocains poursuivant leurs études supérieures à l’étranger
était bien plus important à cette époque. Néanmoins, de ceux inscrits au Maroc, on retiendra que :
– Plus des quatre cinquièmes poursuivaient des études de droit ;
– Le taux de féminité était quasi nul en ce sens qu’on comptait 2 étudiantes en tout et pour tout ;
– Le nombre de diplômés de niveau licence n’avait pas dépassé une cinquantaine cette année

Tableau 1 : Effectifs des étudiants inscrits dans les établissements


d’enseignement supérieur au Maroc en 1955-56

Marocains
Étrangers*
musulmans israélites
G F E G F E G F E
Centre d’études sup. scientifiques 30 1 31 75 5 80 261 135 396
Centre d’études juridiques 175 1 176 51 15 66 617 157 774
Institut des Hautes Études Marocaines ND ND ND ND ND ND ND ND ND
Ensemble 205 2 207 126 20 146 878 292 1170
* Français pour la quasi-totalité

Source : Annuaires statistiques du Maroc; G : Garçons; F : Filles; E : Ensemble

162
Tableau 2 : Diplômés des établissements publics
de l’enseignement supérieur au Maroc en 1955-56

Marocains
Étrangers*
musulmans israélites
Licence d’études juridiques 1 2 29
Licence ès lettres (1954-55) 23 9 150
Licence ès sciences ND ND ND
Diplôme de l’Institut des Hautes Études Marocaines 19 4 2

* Français pour la quasi-totalité

Source : Calculs faits à partir des données des annuaires statistiques du Maroc

En 1955-56, moins d’une centaine de Marocains musulmans étaient admis au baccalauréat (cf. tableau 4).
À cette époque, le Maroc comptait 640 bacheliers musulmans et 755 bacheliers israélites. Ces chiffres sont
le résultat de la politique malthusienne des autorités du protectorat en matière d’instruction des Marocains
musulmans dont rend compte notamment la comparaison du poids des populations et des effectifs scolari-
sés des trois communautés considérées : Marocains musulmans, Marocains israélites et Français (cf.
tableau 3).

Tableau 3 : Proportions comparées des populations


et des effectifs dans le primaire et le secondaire en 1955-56

Marocains Étrangers
musulmans israélites Français Autres
Poids dans la population 93 % 2,5 % 3,8 % 0,7 % 100 %
Poids dans les effectifs scolarisés 63,4 % 11,3 % 22 % 3,2 % 100 %

Source : Calculs faits à partir des données des annuaires statistiques du Maroc et du recensement de la population de 1951

Ce malthusianisme, joint à la colonisation tardive du Maroc et au fait qu’il faut compter une douzaine
d’années entre l’entrée à l’école élémentaire et l’obtention du baccalauréat expliquent que, en 1945-46, 16
Marocains seulement avaient obtenu leur baccalauréat 1.
Le nombre de Marocains ayant obtenu un diplôme d’enseignement supérieur était insignifiant (4 licenciés
en lettres, un licencié en sciences). À la veille de la seconde guerre mondiale, 1 % seulement des enfants en

1. Ce malthusianisme se retrouve dans les propos de G. Hardy, Directeur de l’enseignement dans les années 20, pour qui, s’il s’agissait de
forger « une élite trait d’union entre la masse indigène et les Français », il ne s’agissait en aucun cas de permettre à ces jeunes élites de s’engager
dans la voie du baccalauréat, qui risquait de les conduire à des études supérieures en Métropole, et par-delà, à une situation de concurrence avec
les hauts fonctionnaires et cadres français du Protectorat ». Il en découle que l’école française au Maroc qui, seule préparait au baccalauréat, fut
d’abord interdite aux Marocains. Ce sont les Jeunes Marocains de l’entre-deux-guerres, à commencer par une élite de bacheliers pionniers, qui,
ayant réussi à forcer les portes de la forteresse puis à embrasser de brillantes études, ont suscité un véritable engouement auprès de leurs
compatriotes, en particulier dès l’après-guerre. Cf. P. Vermeren, l’enseignement du français au Maroc : de Lyautey à nos jours (2001). http ://
www.lyceefr.org/vermeren.htm

163
âge de fréquenter le primaire étaient scolarisés alors qu’à la même date, les taux de scolarisation en Algérie
et en Tunisie étaient respectivement de 7 % et de 6 %. 1Par ailleurs, à la même époque, l’instruction en
milieu rural était quasi-inexistante au Maroc, alors que dans les deux autres pays maghrébins, des plans de
scolarisation visant à développer l’instruction dans les campagnes étaient appliqués. Cette politique était dis-
criminatoire aussi envers les filles musulmanes ainsi qu’en témoignent les chiffres des tableaux : sur le mil-
lier de Marocains inscrits au secondaire en 1945-46, on comptait 23 filles seulement.
Ce n’est qu’à la fin de la seconde guerre mondiale qu’un plan de scolarisation volontariste a été mis en
place par les autorités du protectorat 2. Ce « grand plan décennal de scolarisation des Marocains musul-
mans » s’était traduit par une progression spectaculaire du taux brut de scolarisation du primaire qui a atteint
près de 20 % en 1956. De 35 000 enfants scolarisés en 1945-46, les effectifs du primaire musulman sont
passés à 213 000 à l’indépendance, soit un rythme de progression de 19 % par an, le double de celui enre-
gistré entre les deux guerres (9 % entre 1919-20 et 1944-45).
Il est intéressant de souligner que c’est à un taux moyen de 18 % par an qu’ont évolué les effectifs des
élèves marocains scolarisés dans le primaire et le secondaire au cours de la décennie ayant suivi l’indépen-
dance. Il n’y a donc pas eu d’accélération de ce rythme au lendemain de l’indépendance contrairement à ce
que l’on peut penser.

Tableau 4 : Élèves admis au baccalauréat et au certificat d’études secondaires (BEPC)


dans les établissements publics de l’enseignement au Maroc en 1955-56

Marocains
Étrangers* Ensemble
musulmans israélites
Baccalauréat 98 66 643 807

BEPC 640 273 1566 2479

* Français pour la quasi-totalité

Source : Calculs faits à partir des données de l’annuaire statistique du Maroc

Pour mettre en exécution leur plan de scolarisation, les autorités du protectorat avaient été confrontées au
même dilemme auquel a été confronté l’État marocain au lendemain de l’indépendance. Face à la pénurie
d’instituteurs marocains qualifiés en langue arabe et des faibles disponibilités d’enseignants français, elles
ont massivement recouru à des suppléants.
Aussi, à considérer le seul niveau de qualification des maîtres, on peut dire que la baisse de niveau a
commencé du temps du protectorat en ce sens que, en 1956, dans le primaire musulman, les maîtres sup-
pléants représentaient 96 % des effectifs des enseignants musulmans et 42 % des enseignants français (cf.
tableau 5).

1. Cf. la thèse de doctorat de Mekki Merrouni, « Le collège musulman de Fès (1914 à 1956) » Université de Montréal; Faculté des sciences
de l’éducation; 1983
2. C’est à cette époque aussi que les collèges musulmans furent de fait transformés en lycées, que furent créés trois nouveaux collèges dont
deux pour les jeunes filles musulmanes, et que les lycées, destinés quasi exclusivement aux élèves européens, ont commencé à ouvrir davantage
leurs portes aux Marocains.

164
Alors que les instituteurs titulaires étaient recrutés à partir du niveau BEPC, les suppléants étaient en fait
des moniteurs payés et recrutés directement par les inspections (ou délégations) régionales à partir du certi-
ficat d’études primaires. Ils passaient directement du banc d’élève à celui d’enseignant. Leur formation théo-
rique se faisait par correspondance tandis que leur formation pratique avait lieu tous les vendredis.

Tableau 5 : Part des suppléants dans les effectifs des enseignants des établissements
d’enseignement primaire et secondaire au Maroc en 1955-56

Marocains Français
Primaire musulman 96 % 42 %
Secondaire musulman 20 %
Ensemble 72 % 14,5 %

Source : Calculs faits à partir des données de l’annuaire statistique du Maroc

La décennie précédant l’indépendance a donc connu un recrutement sans précédent d’enseignants maro-
cains dont la quasi-totalité enseignait dans le primaire. Dans ce cycle, les effectifs des enseignants maro-
cains avaient dépassé ceux des enseignants français (cf. tableau 6).

Tableau 6 : Effectifs des enseignants dans les établissements publics au Maroc en 1955-56

Marocains Français
H F E H F E
Primaire 5209 392 5601 1862 3012 4874
Secondaire 211 5 216 946 788 1734
Ensemble 5420 397 5817 2808 3800 6608

Source : Annuaires statistiques du Maroc

Cependant, alors que les institutrices constituaient près de 62 % du corps enseignant français, du côté des
Marocains, elles ne représentaient pas plus de 7 %. Dans le secondaire, il n’y avait pour tout que cinq maro-
caines (cf. tableau 7).

Tableau 7 : Part des femmes dans les effectifs des enseignants des établissements
d’enseignement primaire et secondaire au Maroc en 1955-56

Marocains Français
Primaire 7,0 % 61,8 %
Secondaire 2,3 % 45,4 %
Ensemble 6,8 % 57,5 %

Source : Calculs faits à partir des données des annuaires statistiques du Maroc

165
1.2. L’enseignement supérieur de l’indépendance au milieu des
années 70

1.2.1. Les premières années de transition

A. Les premiers jalons de l’organisation de l’enseignement supérieur


Au lendemain de l’indépendance, du fait du nombre réduit d’étudiants marocains dont la majorité étudiait
en France et de la grande rareté de professeurs marocains du supérieur, les études supérieures au Maroc
sont restées rattachées à l’université de Bordeaux. Cette dernière a continué à délivrer les diplômes en son
nom jusqu’à la création officielle de l’université Mohamed V de Rabat en 1959 par le dahir du 7 août 1959
organisant l’enseignement supérieur 1.

Une large et réelle autonomie a présidé à la conception et la mise en œuvre de la politique de l’université
Mohamed V du fait, notamment, de la personnalité du recteur Mohamed El Fassi qui a exercé cette respon-
sabilité jusqu’en 1968. Cette autonomie/ réorganisation de l’enseignement supérieur s’est traduite, notam-
ment, par :
– La transformation en 1957 de l’Institut des Hautes Études Marocaines (IHEM) en première Faculté de
lettres et de sciences humaines ;
– La création en 1958 de l’Institut pédagogique de l’enseignement secondaire, devenu École Normale
supérieure (ENS) de Rabat au début des années 60 ;
– La suppression en 1960 des premières années des sections françaises dans les différentes facultés ;
– L’ouverture en 1961 de la première Faculté de médecine de Rabat, de l’École Mohamedia des Ingé-
nieurs (EMI), de l’Institut National de statistique et d’Economie Appliquée (INSEA) et de l’École Normale
d’administration (ENA) ;
– La mise en place en 1963 d’un baccalauréat spécifiquement marocain ;
– Une nouvelle organisation de l’université Quaraouyine en 1963 avec trois facultés : droit musulman,
études arabes et théologie.

B. Principales caractéristiques de cette transition


L’une des principales caractéristiques de cette période de transition est la forte pénurie de bacheliers. Le
nombre de jeunes Marocains susceptibles de poursuivre des études supérieures en 1955-56 était quasi
déterminé puisque les bacheliers de cette année faisaient partie de la cohorte des élèves scolarisés en
1943-44. Le volontarisme du Maroc indépendant ne pouvait rien contre cette logique des cohortes qui fait
que toute action visant à augmenter le nombre d’étudiants ne pouvait, de manière substantielle, commencer
à produire les effets escomptés qu’après une douzaine d’années.
Cette pénurie de bacheliers a suscité une vive concurrence entre départements et organismes recruteurs
(établissements d’enseignement supérieur, administration...). Cette concurrence se traduisait par des
compléments de bourses et autres avantages, ainsi que par des pré recrutements à partir de la classe de
seconde. Cette démarche avait été appliquée notamment par l’École Mohammedia des Ingénieurs pour atti-
rer et susciter des vocations d’ingénieur. La comptabilisation en tant qu’étudiants d’élèves non bacheliers

1. La transition a été facilitée par la prise en charge par la France d’une vingtaine de professeurs de l’enseignement supérieur, dans le cadre
d’un accord entre les deux pays.

166
inscrits dans ces établissements d’enseignement supérieur explique que le nombre d’étudiants marocains
soit passé de 200 en 1956 à 3800 en 1962 ; une évolution très rapide comparée au faible nombre de bache-
liers marocains musulmans (157 en 1959, 241 en 1962).

Les autres caractéristiques de cette période de transition étaient :


– Le début de la présence féminine : la part des étudiantes marocaines, insignifiante en 1956 (1 % des
effectifs), était devenue significative en 1965 (9 % des effectifs) ;
– La présence importante des étudiants français : stabilité des effectifs autour de 1300
jusqu’en 1965, mais baisse de leur part passée de 80 % en 1956 à 26 % en 1962 et à 10 % en 1966.

1.2.2. La décennie 1965-1975

A. Les débuts de la massification


Les débuts de la massification sont illustrés par la multiplication par près de 7 des effectifs globaux en 10
ans (6500 en 1965 à 44000 en 1975). Les inscrits en première année ont représenté parfois le tiers des effec-
tifs globaux de l’université. Cette période s’est caractérisée par :

– Un accroissement modéré de la présence féminine (9 % en 1965 à 16 % en 1975)


– Une forte présence des étudiants marocains à l’étranger : d’un effectif modeste en 1956 à 1500 en
1964, soit 22 % de l’ensemble des étudiants marocains, (13 % en 1972 et 22 % en 1975) ;
– Une forte présence des fonctionnaires (33 % en 1972, 27 % en 1975) ;
– Le début de la décentralisation de l’enseignement supérieur : création des universités Hassan II à Casa-
blanca (droit et médecine) et Mohamed Ben Abdellah à Fès (droit et lettres), d’où la baisse de la part des
effectifs des inscrits à l’université Mohamed V, passée de 70 % en 1965 à 58 % en 1976.

B. La domination des études supérieures de lettres et de droit


À l’indépendance du pays, la plupart des étudiants marocains poursuivaient des études juridiques et litté-
raires 1. Cette tendance a commencé à être infléchie à partir des années 60 ainsi qu’en témoigne le tableau
suivant qui montre que la part des formations scientifiques et techniques a été multipliée par près de 4
durant la période considérée.

Tableau 8 : Etudiants marocains au Maroc selon les filières de formation

59/60 65/66 70/71 72/73 76/77


Effectifs globaux 2462 6500 16000 21700 58000
Formations humaines et sociales 93 % 83 % 79 % 78 % 74 %
Formations scientifiques et techniques 7% 17 % 21 % 22 % 26 %

Source : Annuaires statistiques du Maroc

1. Le premier établissement scientifique d’enseignement supérieur au Maroc n’a été implanté qu’au début des années 50.

167
Au sein des étudiants marocains à l’étranger, la situation était tout à fait différente en ce sens que le poids
des formations scientifiques et techniques, bien qu’ayant fléchi dans les années 70, était prépondérant
durant toute la période considérée (cf. tableau 9).

Tableau 9 : Étudiants marocains à l’étranger boursiers selon les filières de formation

61/62 63/64 73/74 75/76


Effectifs globaux 1127 1504 4453 10579*
Formations humaines et sociales 23 % 22 % 38 % 42 %
Formations scientifiques et techniques 77 % 78 % 62 % 58 %
* Boursiers et non boursiers

Source : Annuaires statistiques du Maroc

Par ailleurs, à l’indépendance, les dirigeants marocains, en grande majorité juristes, littéraires ou méde-
cins, étaient conscients du grave déficit du pays en ingénieurs. À cet effet, un grand travail de sensibilisation,
appuyé par des bourses incitatives, a été fait pour orienter les rares bacheliers en mathématiques (16 en
1956) à embrasser la carrière d’ingénieur. Ces efforts se sont traduits par la création, dès 1959, de l’École
préparatoire des ingénieurs, précurseur de l’EMI, créée en 1961, en même temps que vivier de cette école
dans la mesure ou elle assurait le pré recrutement à partir de la seconde pour s’assurer une masse critique
de candidats, tant les bacheliers étaient rares à cette époque et la concurrence vive entre les filières de for-
mation d’ingénieurs. En effet, en plus du choix entre classes préparatoires en France et écoles d’ingénieurs
au Maroc, il y avait la classe préparatoire du lycée Lyautey qui, fréquentée quasi-exclusivement par les Fran-
çais à l’indépendance, ne comprenait pas plus de 10 % de Marocains en 1963. La part de ces derniers n’a
commencé à devenir substantielle qu’au milieu de la décennie 60 pour atteindre près de 80 % en 1971-72 1.
Formés dans des universités françaises où l’économie n’était pas la discipline la mieux enseignée, impré-
gnés des discours nationalistes et développementalistes de l’époque où les questions économiques étaient
reléguées au second rang, les dirigeants marocains n’avaient pas ressenti le besoin de doter le pays d’écono-
mistes de haut niveau, à l’instar de ce qu’ils ont fait pour les ingénieurs ou de ce qu’ont fait d’autres pays en
développement à la même époque 2.

C. Un encadrement marqué par une forte présence étrangère


Quasi-inexistant au lendemain de l’indépendance, le corps professoral marocain était encore extrêmement
réduit lors de la création de l’université Mohamed V en 1959. De 32 enseignants en 1961 (dont 2 docteurs,
2 agrégés et une femme de niveau licence), il est passé à 814 en 1975, soit un recrutement additionnel
moyen de 56 personnes par an. Il faut cependant souligner que, malgré cette montée en puissance des
nationaux, l’encadrement pédagogique a été en grande partie assuré par des enseignants français. En effet,
leur nombre a été multiplié par près de 5 entre 1961 et 1975, ce qui correspond à un recrutement additionnel
moyen de 32 coopérants par an durant cette période. D’une vingtaine de coopérants sur la période 1961-66,

1. Cf. P. Vermeren, École, élite et pouvoir au Maghreb; Ed Alizés, Casablanca 2002.


2. C’est le cas de l’Indonésie dont les dirigeants, pour pallier la pénurie en économistes compétents au lendemain de l’indépendance, ont,
avec l’aide de la Fondation Ford, encouragé et orienté leurs meilleurs étudiants à obtenir des PhD d’économie dans les grandes universités améri-
caines. Certains des plus brillants se retrouvèrent à l’université de Berkeley. Appelés « mafia de Berkeley », ils jouèrent un rôle important dans les
affaires publiques de leur pays, essentiellement en matière de politique économique, avec une sagesse et une compétence reconnues par la com-
munauté internationale.

168
cette moyenne a doublé durant la décennie 1966-75, atteignant une quarantaine de nouveaux coopérants par
an, constituant près de 40 % du total des enseignants nouvellement recrutés dans le supérieur durant cette
période 1966-75 (cf. tableau 10).

Tableau 10 : Enseignants du supérieur selon la nationalité

1961 1966 1975 Recrutement annuel Recrutement annuel


moyen sur la période moyen sur la période
1961-66 1966-75
Effectif global 150 415 1387 53 108
Marocains 32 198 814 33 68
Étrangers 120 217 573 19 40
Pourcentage des étrangers 80 % 52 % 41 %
Effectif dans les universités 332 996 74
Marocains 152 617 52
Étrangers 180 379 22
Pourcentage des étrangers 54 % 38 %
Effectif dans les écoles et instituts supérieurs 83 391 34
Marocains 46 197 17
Étrangers 37 194 17
Pourcentage des étrangers 44 % 50 %

Source : Annuaires statistiques du Maroc

Par ailleurs, leur présence était plus forte dans les formations scientifiques et techniques ainsi qu’en
témoignent les données du tableau 11 qui montre qu’ils étaient largement majoritaires dans les années 70.
Dans les écoles et instituts supérieurs, où prédominaient les établissements à caractère scientifique, ils
représentaient encore, au milieu de cette décennie, la moitié du corps enseignant.

Tableau 11 : Répartition du corps enseignant dans l’enseignement supérieur


selon la nationalité en 1975-76

Marocains Étrangers Total


Formations humaines et sociales 54 % 38 % 47 %
Formations scientifiques et techniques 46 % 62 % 53 %
Total 100 % 100 % 100 %

Source : Annuaires statistiques du Maroc

D. Une qualité d’enseignement honorable


Il est largement admis que la qualité de l’enseignement supérieur au Maroc durant cette période était
honorable. Cette qualité était attestée, notamment, par l’équivalence quasi-automatique des diplômes avec
ceux des universités étrangères. La qualité de la formation s’expliquait par les principaux facteurs que sont le
bon niveau d’ensemble des bacheliers, le caractère élitiste de l’enseignement supérieur que traduit la surre-

169
présentation des élites urbaines éduquées, un assez bon encadrement, tant sur le plan quantitatif (taux
d’encadrement, conditions du déroulement des études) que qualitatif (corps enseignant expérimenté), un
marché de l’emploi favorable aux diplômés du supérieur, une assez bonne maîtrise de l’arabe et du français
et, enfin, la perception des études supérieures comme le moyen privilégié de promotion sociale.
Cependant, on assiste, au tout début des années 70, aux premiers signes de dégradation de la qualité de
l’enseignement supérieur. Ceci peut être imputé en partie au début de la massification, mais le principal fac-
teur de cette dégradation est l’accès à l’université des premières cohortes de bacheliers ayant intégré l’école
primaire au lendemain de l’indépendance. C’était le résultat logique et inéluctable de la dégradation de la qua-
lité des niveaux du primaire et du secondaire (cf. développements suivants) 1.
On a vu, au regard du seul niveau de qualification des maîtres, que la baisse de niveau de l’enseignement
dans le primaire musulman a commencé du temps du protectorat. Cependant, si on admet que la qualifica-
tion moindre des maîtres devait, en toute logique, conduire à une qualité moindre de l’enseignement, force
est de constater que cette réalité est rarement perçue en tant que telle car on pense que rien ne distinguait
de manière significative les élèves issus des écoles « européennes » et « musulmanes ».
Cette opinion, largement partagée, s’explique par le fait que la comparaison portait sur les seules élites
urbaines, sur la maîtrise du français et, surtout, sur les niveaux des diplômés (certificat d’études primaires,
BEPC, baccalauréat). Les niveaux de ces diplômes et des épreuves y afférentes, étaient, en quelque sorte,
fixés comme autant d’étalons que les élèves devaient atteindre. On ne s’embarrassait pas trop de considéra-
tions autres que pédagogiques. La politique du protectorat privilégiait la qualité sur la quantité. Le revers de la
médaille est que le système d’enseignement était extrêmement sélectif, si l’on en juge par le Taux de Ren-
dement Apparent (TRA) qui rapporte le nombre de bacheliers de l’année t sur les effectifs des nouveaux ins-
crits en cours préparatoire (CP) de l’année t-11. On estime que sur 100 élèves musulmans nouvellement
inscrits en CP en 1946-47, moins de 2 ont obtenu leur bac douze ans après en 1958-59. Plus précisément, ce
TRA est égal à 1,1 % alors que pour les Français, le TRA est estimé à 8,6 % 2.

Comment expliquer un taux de rendement huit fois plus faible dans l’école « musulmane » que dans
l’école « européenne » ? On peut évoquer comme principaux facteurs :
– la politique malthusienne du protectorat envers l’instruction des Marocains, bien que cette politique ait
été remise en cause au lendemain de la seconde guerre où il y avait une volonté réelle de promouvoir
l’instruction ;
– le contexte socio-économique moins favorable des élèves marocains.

Ceci n’explique évidemment qu’une partie de cet écart entre les rendements des deux types d’instruction
dans le Maroc. Il y a lieu de penser que c’est la qualification moindre des maîtres dans le primaire « musul-
man » qui a, en toute logique, conduit à une qualité moindre de l’enseignement qui s’est traduite, à son tour,
par d’importantes déperditions et un grand « gâchis ». Cependant, ce « gâchis » n’était pas tellement perçu
en tant que tel pour une double raison :
– la plupart de ceux qui quittaient l’école prématurément ne trouvaient pas de difficultés particulières à
s’insérer dans le marché du travail du fait des besoins en main d’œuvre ayant un minimum d’instruction ;

1. C’est, ce dont, à titre d’exemple, atteste le prolongement d’une année des études du premier cycle de l’enseignement secondaire : à partir
d’octobre 1963, une partie des élèves issus des CM2 sont admis non pas en 1re année secondaire, mais dans une classe d’accueil devant « les
mettre à niveau » pour accéder normalement aux classes du second degré.
2. En l’absence d’analyses de rendement faites sur la base des cohortes, l’auteur de ce travail a fait quelques estimations du TRA sur la base
des effectifs inscrits dans le primaire « musulman » et « européen » au lendemain de la seconde guerre et des bacheliers correspondants douze
ans après.

170
– l’école de l’époque privilégiait une approche pédagogique basée sur le raisonnement, la liberté de pen-
sée, le bon sens... ce qui avait permis à de nombreux élèves ayant quitté l’école prématurément de
s’affirmer dans leur travail, de grimper aisément dans la hiérarchie, de reprendre leurs études et, même,
d’acquérir du leadership dans leurs domaines.

On est en droit de se demander si, dans toute société où, durant des décennies, les enfants n’ont pas été
scolarisés, toute décision volontariste de rattraper le retard de scolarisation n’aboutit pas inéluctablement, du
fait de la pénurie d’enseignants compétents, à la dégradation de la qualité de l’enseignement dispensé.
L’expérience internationale montre qu’il n’y a pas de déterminisme en la matière du fait que si tout le monde
convient que la compétence du corps enseignant est de loin le principal facteur de réussite, la différence
réside dans la priorité et le soin donnés à la formation des maîtres ainsi qu’aux mesures d’incitation finan-
cière et morale pour attirer les éléments les plus brillants dans l’enseignement. Or, dans le cas du Maroc
indépendant, bien qu’au niveau du discours le recrutement des enseignants ait été érigé en priorité, dans la
pratique, il ne semble pas que le système d’incitation mis en place ait réussi à attirer les meilleurs.
En effet, sollicités par plusieurs départements ministériels tous confrontés à la pénurie de cadres, les
jeunes Marocains, notamment les plus brillants, n’optaient généralement pour l’enseignement que lorsqu’ils
n’avaient pas d’autre choix. Il faut dire que le statut même d’enseignant n’était pas aussi enviable que les
autres fonctions qui procuraient plus d’avantages matériels, d’avancement de carrière et de responsabilités.
Bien plus, au cours des premières années de l’indépendance, les autres ministères ont trouvé dans le corps
enseignant un vivier dans lequel ils ont puisé de bons éléments. Ceci était clairement mentionné dans une
note du plan quinquennal en préparation à l’époque : « Nous avons assisté, ces dernières années, à une
désaffection de la profession d’enseignant. Beaucoup de jeunes se détournent de cette carrière pour des
avantages plus lucratifs offerts par le secteur privé ou d’autres départements ministériels » 1.
À supposer que le ministère de l’éducation nationale ait réussi à l’époque à mettre en place des avantages
suffisamment incitatifs pour attirer les meilleurs, quelle proportion auraient représenté ces derniers parmi
ses recrues ? Difficile à dire mais il est certain que, compte tenu des très grands besoins en enseignants de
ce département et du fait que les meilleurs candidats potentiels ne représentent, par définition, qu’une mino-
rité, cette proportion ne pouvait être que minime. Aussi, le ministère n’avait pas d’autre choix que de puiser
dans la grande masse des candidats. Quoi de plus normal ; c’est la règle dans tous les pays. Le problème du
Maroc était que la formation de la grande majorité des candidats avait été assurée par un corps enseignant
constitué lui-même d’enseignants faiblement qualifiés et que la pression de la demande permettait l’accès à
des profils caractérisés par leur inaptitude totale au métier de pédagogue. Le cercle vicieux de la dégradation
de l’enseignement était largement entamé.
Quelles options s’offraient aux responsables à l’époque ? Devant un marché aussi déséquilibré, il était
impossible de répondre aux aspirations légitimes des Marocains à la scolarisation en même temps que de
garder le même niveau d’enseignement. Pour des raisons politiques évidentes, le Maroc a choisi la première
voie sans qu’aucune voix n’ait attiré l’attention sur les conséquences prévisibles de ce choix. Il n’a pas fallu
beaucoup de temps pour qu’apparaissent les premiers signes de la dégradation de la qualité, mais les élites
marocaines ont pratiqué, en la matière, la politique de l’autruche. Le sentiment implicite était, qu’avec le
temps, la formation continue des enseignants aidant, la courbe ne tarderait pas à être renversée. Ce pari
aurait pu être tenu si la formation des enseignants en exercice était érigée en priorité des priorités et si
l’enseignement et l’école étaient adaptés tant aux contextes locaux et sociaux qu’aux profils des corps ensei-
gnants. Sur ces deux points, le Maroc n’a pu relever le défi. Aujourd’hui, tout le monde convient que le

1. Note relative au plan quinquennal 1960-64 présentée par la commission de l’éducation et de la culture; Ministère de l’Éducation Nationale,
Rabat 1960, 7 p; archives du Centre National de Documentation.

171
dogme de l’uniformité de l’école et les graves insuffisances en matière de formation continue des ensei-
gnants constituent les principaux facteurs de la dégradation de la qualité de l’enseignement.

2. Du milieu des années 70 à nos jours : massification et


dégradation de la qualité de l’enseignement supérieur

2.1. Massification du supérieur

On entend généralement par massification de l’enseignement supérieur l’accès en masse des étudiants
aux établissements du supérieur que traduit la croissance très rapide de l’ensemble des effectifs du secteur.
La massification est le résultat direct de l’évolution du taux de scolarisation du supérieur qui, ainsi que
l’indique le tableau 12, a très fortement progressé de1970 à 1985, passant respectivement de 1 % à 9 %,
puis s’est stabilisé autour de 11 % depuis le début des années 90.

Tableau 12 : Taux de scolarisation brut du supérieur au Maroc (en %)

1970 1975 1980 1985 1990 1995 2002*

Masculin 2 5 9 12 13 13
Féminin 0,5 1 3 6 8 9
Ensemble 1 3 6 9 11 11 11
* MEN Taux de scolarisation brut du supérieur : rapport du nombre d’étudiants sur la catégorie d’âge 18-24 ans

Source : Annuaire statistique de l’UNESCO, 1999;

Ainsi, de 1973 à 2003, les effectifs globaux inscrits dans les établissements de l’enseignement supérieur
sont passés de 22 000 à 299 000 étudiants, soit une progression annuelle moyenne de 9 % par an. Cepen-
dant, il y a lieu de noter que, durant la dernière décennie (1993-2003), le rythme moyen a été de 1,6 % seule-
ment, contre un rythme moyen de 13 % durant les deux précédentes décennies (1973-1993). Ainsi, depuis
le début des années 90, la progression des effectifs évolue à un rythme 8 fois plus faible que celui enregistré
depuis le début de la massification (cf. tableau 14). Le passage d’une très forte hausse à un rythme modéré
illustre le passage d’un développement extensif du secteur à un développement intensif.

Tableau 13 : Évolution des inscrits dans l’enseignement supérieur

1973 1975 1980 1985 1992 2002


Effectifs globaux 24000* 44000 87000 162000 255000 310000
Part des filles 17 % 16 % 25 % 33 % 37 % 44 %
Part des Ets à accès sélectif 17,6 % (1972) 21 % 9,4 % 7,2 % 9,9 % (1999)
Part des formations scientifiques
et techniques 19,5 % (1972) 22,7 % 22,4 % 29,8 % 34,6 % 22,1 % (1999)
* Sans le privé

Source : Annuaires statistiques du Maroc

172
Cette rupture de la tendance au début des années 90 a déjà eu d’importantes implications sur le secteur
car le prolongement de la courbe au même rythme que celui des deux décennies précédentes aurait conduit
à des effectifs de pas moins de 870 000 étudiants en 2003, soit près de 3 fois plus que les effectifs réels. On
peut à loisir imaginer à quoi aurait ressemblé l’université aujourd’hui en termes de conditions de travail, de
niveau des études, d’encadrement... C’est pourquoi une bonne appréciation du rythme de progression des
effectifs des étudiants dans les deux décennies à venir constitue un enjeu majeur pour la réflexion sur le
devenir de l’enseignement supérieur au Maroc. La tendance va-t-elle continuer à ce rythme modéré ou va-
t-on assister à une rupture dans l’autre sens ? Cette question est examinée plus loin.

Tableau 14 : Taux annuel moyen de variation des effectifs de l’enseignement supérieur selon la
période et le domaine d’étude (en %)

Période
1973-1993 1993-2003 1973-2003
Ensemble 13 1,6 9
dont
Enseignement Originel 12 -0,5 7,5
Droit & Économie 10,6 5,9 9
Lettres & Sciences humaines 14,5 2,8 10,5
Sciences 23,3 - 6,7 12,4
Médecine & Pharmacie 5,7 0,9 4

Source : Annuaires statistiques du Maroc

Les conséquences de cette massification sur les conditions matérielles et sur l’encadrement des études
ne sont pas les mêmes. Elles varient selon la discipline et l’établissement considérés, sachant que les éta-
blissements à accès sélectif n’ont quasiment pas été affectés par ce phénomène. Aussi, l’indicateur le plus
pertinent pour juger de la massification est le taux d’encadrement selon la discipline (cf. tableau 15) ou,
mieux encore, du point de vue pédagogique, le nombre moyen d’étudiants par amphi, par classe de Travaux
Dirigés ou de Travaux Pratiques. Cependant, même si nous ne disposons pas de données relatives à ces der-
niers indicateurs, on sait que, de ce point de vue, la massification est un phénomène qui concerne surtout les
études de droit et d’économie 1. Dans les établissements relevant de cette discipline, les amphis et les Tra-
vaux Dirigés (quand ils fonctionnent) avec respectivement 500 et 80 personnes et plus sont aujourd’hui
encore la règle.
La massification est un phénomène vécu différemment selon les filières comme en attestent les données
des tableaux suivants relatives au taux d’encadrement et aux rythmes d’évolution des effectifs.

1. À titre d’illustration de la massification :


R Aux facultés de Droit, les effectifs sont passés de 4000 en 1972 à 11000 en 1977 à Rabat, et de 2000 à 8000 à Casablanca
R Les effectifs de première année à Rabat et à Casablanca sont passés, pour la même période, de 4500 à 9100

173
Tableau 15 : Taux d’encadrement selon le domaine d’étude dans l’enseignement supérieur
universitaire (nombre d’étudiants par enseignant)

1961-62 1972-73 1980-81 1985-86 1990-91 2000-01 2002-03


Ens. Originel 18 74 84 85 55 56
Droit & Eco 107 67 50 75 118 109
Lettres 31 55 51 40 33 41
Sciences 7 19 25 28 12 12
Méd & Phar 28 16 10 9 7 6
Sci de l’ing 6 5 4 4 7 7
Sc. de l’éduc. 19 5 2 2 3 5
Ensemble 28 32 35 32 32 26 28

Source : Annuaires statistiques du Maroc

La massification s’est accompagnée de la progression rapide du taux de féminisation qui, après avoir sta-
gné pendant près d’une dizaine d’années autour de 15 % (de 1969 à 1976), a doublé durant la décennie sui-
vante, pour atteindre 33 % en 1985.

2.2. Massification vs sélectivité au supérieur et au secondaire

La massification est le résultat de deux évolutions opposées : i ) une plus forte sélectivité au supérieur
qu’explique le prolongement du temps moyen d’obtention d’une licence ; ii) une plus faible sélectivité au
lycée dont rend compte l’augmentation rapide du Taux de Rendement Apparent.
La massification résulte essentiellement de la forte progression des nouveaux inscrits en première année,
elle-même fortement corrélée au nombre de bacheliers, ainsi que le montre le tableau suivant.

Tableau 16 : Nouveaux inscrits en première année d’université et bacheliers

1972 1981 1986 1990 2000 2002


Nouveaux inscrits en première année 7216 21220 43110 52255 75864 82777
Bacheliers 7899 30131 41182 51261 77869 89405

Source : Annuaires statistiques du Maroc

L’explosion du nombre de bacheliers au début des années 70 est due à la grande vague de scolarisation
dans les années 60 mais, surtout, à une sélectivité moindre que celle prévalant auparavant 1. Si on approche
la sélectivité par la méthode du taux de rendement interne apparent (TRA) 2, on constate que ce dernier a

1. Cependant, bien que moindre, cette sélectivité reste élevée dans l’absolu, en comparaison avec d’autres pays.
2. Le TRA (taux de rendement apparent) est une méthode qui consiste à considérer le système éducatif comme une boîte noire et à se pré-
occuper de la relation entre les entrées au Cours Préparatoire (CP) et les sorties au baccalauréat, de telle sorte que le TRA est le rapport entre les
bacheliers (année t) et les nouveaux inscrits en CP (année t-11).

174
évolué, sur la base des données s’étendant sur une quarantaine d’années (de 1963 à 2003) entre 4 à 6 %
dans les années 1974-1977, entre 14 % et 18 % dans les années 80 et entre 15 % et 19 % dans les
années 90. Cela signifie que, pour les enfants inscrits au CP à partir du milieu des années 60, la sélectivité du
système éducatif est 2 à 3 fois plus faible que celle de leurs prédécesseurs.
Est-ce à dire que les compétences pédagogiques des enseignants du primaire et du secondaire se sont
soudainement améliorées pour se traduire par de tels résultats. Certes que non. Cela signifie tout simple-
ment que, à partir de cette date, les taux d’écoulement entre classes et cycles avaient commencé à
répondre moins à des critères pédagogiques qu’à des seuils d’écoulement normalisés. De ce fait, le niveau
pédagogique des élèves correspondait de moins en moins à celui de la classe fréquentée ainsi que l’avaient
montré plusieurs évaluations.
Aujourd’hui, des études récentes montrent que les objectifs pédagogiques ne sont que partiellement
atteints. À titre d’exemple, seul un élève sur cinq de la 9e année de l’enseignement fondamental (équivalent
du BEPC) a obtenu une moyenne générale égale ou supérieure à 10 sur 20 alors que le taux de réussite a été
de 45 %. Cela signifie que seul un élève sur deux parmi les élèves admis l’a été avec la moyenne requise. Il
s’agit là de moyennes nationales qui masquent de grandes disparités entre milieux, provinces et établisse-
ments. La même étude a montré que, sur le millier de collèges du pays, dix collèges seulement ont arrêté
leur seuil de passage à une moyenne de 10 en 1997. D’autres études montrent que les objectifs pédago-
giques ne sont que partiellement atteints 1.
Il est important de garder à l’esprit que la qualité unanimement reconnue de l’enseignement prodigué du
temps du protectorat et des premières années de l’indépendance était dû, pour une part difficile à préciser,
au caractère extrêmement sélectif du système éducatif. À titre d’exemple, la filière mathélem tirait son pres-
tige de son caractère sélectif qui faisait que rares étaient ceux qui réussissaient leur bac du premier coup ; le
taux de réussite en 3e année de licence de droit (Centre d’Études Juridiques de Rabat) avait été de 44 % en
moyenne sur la période 1938-44.
Du temps du protectorat, et durant les premières années de l’indépendance, on fixait la barre à un certain
niveau d’exigence considéré comme un étalon « quasi absolu » dont il n’était pas question de se départir. Par
la suite, la pression du nombre aidant, il était devenu impératif d’adapter le niveau d’exigence au nouveau
contexte de l’encadrement pédagogique, aux fortes attentes des familles etc... Devenu un enjeu politique de
premier plan au lendemain de l’indépendance, le système d’enseignement a subi les contrecoups des
batailles partisanes où des choix conjoncturels de courte vue, sans réflexion et analyse sérieuse de leurs
impacts et conséquences, ont pris le pas sur les critères académiques et pédagogiques.
Au temps du protectorat et au cours de la première décennie de l’indépendance, une bonne partie de ceux
qui quittaient prématurément l’école avaient une formation qu’ils pouvaient valoriser sur le marché du travail
(une certaine rigueur, des aptitudes avérées de rédaction, de construction et de réflexion propre, bref, un
« minimum de bagage »...) qu’on trouve peu aujourd’hui pour les niveaux équivalents. La sélectivité extrême
provoquait un gâchis énorme certes mais, à la réflexion, ce gâchis ne peut être comparé (ou n’est pas de
même nature) à celui auquel on a assisté depuis. Aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire que, pour une part
appréciable de ceux qui ont abandonné l’école, la scolarisation, du fait tant des frustrations engendrées que
de la non acquisition et/ou de l’inhibition de certaines aptitudes (esprit d’initiative, curiosité, bon sens, rai-
sonnement par soi-même etc...), constitue parfois plus un handicap qu’un atout par rapport à ceux qui ont fait
la seule « école de la vie ».

1. Cf. « L’amélioration de la qualité de l’enseignement : Réhabiliter l’école » par N. Lhafi, M. Abbad, A El Ghardef, A El Belghiti Alaoui, M El
Magzari; in Contribution du réseau d’experts nationaux sur la situation actuelle et les voies de rénovation de l’éducation et la formation, T II, Cosef,
août 2000,

175
2.3. Le processus de dégradation de la qualité de l’enseignement
supérieur

Quand on évoque la qualité de l’enseignement supérieur, cela renvoie, pour ceux en âge de comparer, à la
qualité de la formation des licenciés marocains dans les années soixante et soixante dix, versus celle
d’aujourd’hui. Cela correspondait à un profil qui répondait à un minimum de compétences : capacités de syn-
thèse, de jugement, une certaine tournure d’esprit, une démarche cartésienne ; ainsi que des capacités
réelles de rédaction et de réflexion propre. Aujourd’hui, la dégradation de la qualité de l’enseignement supé-
rieur est unanimement reconnue. Elle se traduit tout d’abord par le faible niveau des indicateurs de rende-
ment tant internes qu’externes dont l’analyse est développée dans la deuxième partie. Elle se traduit
également, et paradoxalement, par l’amélioration d’un indicateur de rendement interne tel le taux de rende-
ment apparent (TRA).
En effet, si on considère le TRA, défini comme le rapport du nombre de diplômés de licence sur le total des
effectifs des inscrits dans toutes les années de licence, on se rend compte que celui ci est nettement supé-
rieur à celui enregistré dans les décennies précédentes. Egal à 2,4 % seulement au début des années 60, cet
indicateur a, avec la massification des années 70 et, surtout, des années 80, progressé pour se stabiliser
durant la dernière décennie autour de 10 % (cf. tableau 17). Cela signifie que, pour les étudiants des
années 90, la sélectivité de l’université est environ 4 fois moindre que celle ayant prévalu au lendemain de
l’indépendance.

Tableau 17 : Pourcentage des diplômés de licence après 4 ans d’études

1960-61 1970-71 1980-81 1990-91 2000-01 2002-03


2,4 4,6 5,7 10,1 9,6 8,3

Source : Annuaires statistiques du Maroc

Cette évolution, similaire à celle du TRA des bacheliers (cf. 1.2.2.4.) dont la progression s’est accompa-
gnée de la baisse du niveau, n’en est que le prolongement naturel. Elle dénote la pression qu’exerce le
nombre sur la qualité et les grandes difficultés sociopolitiques à accepter une telle sélectivité. À ce sujet, on
peut dire qu’elle résulte autant de la massification que de la dégradation de la qualité de la formation du pri-
maire et du secondaire en ce sens qu’elle marque des seuils étroitement liés aux décisions prises des
années auparavant dans le primaire et le secondaire.
Cette évolution montre aussi que l’amélioration des indicateurs de rendement interne ne se traduit pas
nécessairement, dans le cas du Maroc, par l’amélioration de la qualité. Pour de nombreux observateurs, point
besoin de tels indicateurs pour juger de l’évolution du niveau. Il suffit de lire les demandes d’emploi des
diplômés du supérieur ou de corriger les copies des concours pour se rendre compte qu’au fil des années, la
grande majorité des candidats a de plus en plus de peine à rédiger une lettre, à construire un raisonnement, à
analyser un texte ou à émettre un jugement propre sur un sujet général de réflexion.
Entamée au début des années 70, la dégradation de la qualité des études ne fait, depuis, que s’accentuer.
Cependant, si elle affecte tous les cycles de formation du supérieur, elle n’affecte pas de la même manière
les filières et les établissements. Elle est plus flagrante pour les formations humaines et sociales que pour
les formations scientifiques et techniques. Elle affecte beaucoup moins les établissements à accès sélectif.
Dans ces derniers, elle concerne moins les aspects techniques de la formation que les aspects liés à la com-
munication, à l’adaptation, à l’esprit d’initiative etc..

176
Au delà de l’utilisation des indicateurs de rendement dont la portée explicative est limitée par leur carac-
tère maroco-marocain, l’indice le plus révélateur de la dégradation de la qualité est la comparaison avec
d’autres systèmes d’enseignement. La suppression des équivalences avec les universités européennes
témoigne, si besoin en est, de cette dégradation (cf. encadré suivant).

Encadré 1
Les difficultés d’accès des étudiants marocains aux universités étrangères
témoignent de la dégradation de la qualité de l’enseignement au Maroc

Un des critères pour juger de la dégradation de la qualité de l’enseignement est le nombre d’étudiants marocains qui
arrivent à s’inscrire dans les universités étrangères, notamment françaises. Si leur part dans le total des étudiants maro-
cains a baissé d’une manière spectaculaire depuis le début des années 80, cela est dû, d’une part, à la nouvelle poli-
tique de bourses et, d’autre part, dans une mesure qu’il serait utile de préciser, au fait que les bacheliers marocains de
l’enseignement public étaient de moins en moins acceptés dans les universités françaises. Cette difficulté affectait de
la même manière les lauréats des facultés marocaines désireux de s’inscrire à des études de troisième cycle en France.
Ces refus sont motivés par la faiblesse du niveau de français requis, mais il s’agit bien sûr d’une réponse diplomatique,
sachant que l’université française accueille à bras ouverts des étudiants non francophones dont on sait que le niveau de
langue requis s’acquiert vite avec le temps.

Il ne faut pas expliquer ce refus par de la malveillance envers les Marocains qui, dans les années 70 et 80, étaient en
grand nombre et constituaient parfois, des proportions importantes des étudiants de certains classes de TD des
facultés de sciences ou de certains DEA. Ce refus s’explique essentiellement par le fait que les postulants souffrent de
handicaps majeurs autres que la maîtrise de la langue, à savoir, les difficultés à prendre des notes, à comprendre et à
résumer un texte (esprit de synthèse), à contextualiser les notions apprises et, surtout, à raisonner par eux-mêmes.
Maigre consolation si cela en est une, ce phénomène de refus concerne l’ensemble des candidats des pays du Mag-
hreb. Il a commencé à la même époque pour les Tunisiens et bien avant pour les Algériens.

2.3.1. Chronologie des seuils de dégradation de la qualité de l’enseignement : un


cercle vicieux de reproduction de la médiocrité dont le pays n’est pas près
d’en sortir aujourd’hui encore
Il n’existe pas au Maroc d’indicateur jugeant de l’évolution de la qualité de l’enseignement dans le supé-
rieur, à l’instar des tests pratiqués dans les cycles antérieurs. Cependant, si on considère que le principal indi-
cateur d’appréciation de cette qualité est le degré par lequel le « par cœur » remplace l’aptitude à construire
une dissertation ou un quelconque raisonnement, on peut, sur la courbe marquant la dégradation continue du
niveau d’enseignement du supérieur, repérer les périodes où cette courbe a connu des baisses rapides. En
effet, par expérience, les praticiens établissent des corrélations étroites, avec des années de décalage, entre
des décisions prises dans les cycles antérieurs et leurs répercussions plus tard sur le supérieur.

On a vu que la baisse de la qualité ou le « décrochage » entre écoles européennes et musulmanes a


commencé dès 1945 avec le « plan décennal de scolarisation des Marocains musulmans ». Du fait de la
pénurie d’enseignants, l’encadrement du primaire musulman était constitué, en 1956, de suppléants en
grande majorité (96 % des enseignants marocains et 42 % des enseignants français). Depuis l’Indépendance
du pays, les principales décisions qui ont précipité ou accéléré le processus de dégradation de la qualité ont
été :

177
– le recrutement, dès octobre 1956, de centaines de fquihs avec pour seule formation un stage d’été ou
parfois pas de stage 1
– la remise en cause en 1966 de la doctrine Benhima (du nom du ministre de l’enseignement à cette épo-
que) qui voulait surseoir provisoirement aux principes d’arabisation et de généralisation ;
– le départ en 1966 des derniers instituteurs français qui conduisit à recruter des maîtres marocains d’un
niveau extrêmement faible ;
– l’arabisation en 1967 des trois premières années du primaire
– le Colloque d’Ifrane en 1970 qui, tout en confirmant l’orientation bilingue de l’enseignement, a décidé le
renforcement de l’arabisation des matières littéraires de l’enseignement secondaire ;
– changement du contenu des cours de philosophie et d’histoire dans le secondaire et institution de cours
de la pensée islamique donnés par des diplômés monolingues des études originelles ou islamiques ;
– le programme de marocanisation totale du 1e cycle secondaire entre 1977 et 1979 ;
– la substitution brutale de milliers de coopérants français par des enseignants manifestement mal prépa-
rés à assurer la relève 2 : à la rentrée 1977, 1347 coopérants enseignants du premier cycle sont rempla-
cés par les lauréats des Centres Pédagogiques Régionaux (CPR) 3.

Les résultats de ces décisions ne se sont pas fait attendre. Une baisse importante du niveau primaire était
perceptible dès la fin des années 50. C’est ainsi qu’en 1958, pour cause de la faiblesse du niveau, les auto-
rités avaient décidé de faire redoubler une partie du primaire. En 1963, pour remédier encore à la baisse du
niveau de l’enseignement primaire, les élèves issus des CM2 sont admis non pas en 1re année secondaire,
mais dans une classe d’accueil devant « les mettre à niveau » pour accéder normalement aux classes du
second degré. L’institution d’une classe de transition au collège prolongeait ainsi d’une année les études du
premier cycle de l’enseignement secondaire.
Dans l’enseignement supérieur, les contrecoups de ces décisions se sont fait particulièrement sentir au
début des années 70, 80 et 90. La manifestation la plus frappante de cette dégradation a été la non maîtrise
des langues, tant arabe que française et la prépondérance du « par cœur » sur le raisonnement, résultats pré-
visibles des politiques d’arabisation et de marocanisation mal conduites.
Au lendemain de l’indépendance du pays, le statut de la langue française dans l’école publique marocaine
allait être inévitablement ajusté afin de donner le primat à la langue nationale. À l’époque, la doctrine officielle
est que « le français doit être enseigné désormais comme une “seconde langue”, comme un moyen de rela-
tion et non plus comme une langue de culture » 4. Ce point de vue était celui des partisans d’une arabisation

1. Ces fquihs étaient formés dans les écoles coraniques que caractérise une formation fondée sur la mémorisation des sourates du Coran.
Ces écoles avait été laissées telles quelles par le protectorat, Lyautey estimant que leur rénovation était chose trop complexe. Cf. Pierre Verme-
ren, l’enseignement du français au Maroc : de Lyautey à nos jours (2001). Il faut souligner qu’à la veille du protectorat, on estimait que 150.000
élèves fréquentaient les écoles coraniques et 2.500 les médersas. Cf. P. Cavaglieri, Histoire de l’enseignement français au Maroc, http.//
www.lyceefr.org/histoire.htm;
2. Le nombre de coopérants étrangers dans le secondaire, après avoir atteint un pic en 1975, a depuis entamé une baisse rapide puisqu’il a
été divisé par deux entre 1975 et 1980.
3. Afin d’assurer une transition douce, la politique de coopération avec la France convenue au
lendemain de l’indépendance consistait à pourvoir aux besoins du Maroc en enseignants français le temps que
celui-ci prépare une relève qualifiée. Cependant, cette politique avait été remise en cause par la France. Cette
dernière, pour des raisons budgétaires, avait été amenée à réduire considérablement le nombre de ses coopérants
au Maroc en 1975, d’où le plan de relève du Maroc échelonné de 1977 à 1979 correspondant au programme de
marocanisation totale du 1er cycle secondaire pour 1979.
4. Rapport de synthèse sur les problèmes de scolarisation des enfants marocains, et sur les solutions proposées par la division de l’enseigne-
ment primaire dans le cadre du plan quinquennal 1960 1964; MEN; Rabat; septembre 1959; 25 p; archives du Centre National de Docu-
mentation.

178
rapide, outil privilégié pour marquer la rupture avec l’enseignement sous le protectorat. Dans les faits, la doc-
trine en la matière a toujours été ballottée entre ce courant et celui qui voyait en le bilinguisme non seule-
ment le moyen de préserver le niveau de l’enseignement et d’assurer une bonne transition du système
éducatif, mais un atout économique, culturel qu’il serait opportun de préserver.
Quels que soient les arguments et les résistances des partisans du bilinguisme qui se sont succédés à la
tête du département de l’éducation, et malgré les préférences du souverain marocain pour les choix de ce
courant, les évènements et considérations politiques ont conduit à une sorte de fuite en avant dans l’applica-
tion d’une politique d’arabisation dont tout le monde convient aujourd’hui qu’elle a été un échec car mal pré-
parée, improvisée et démagogique. Echec non seulement du point de vue de la maîtrise des langues mais,
plus grave encore, du point de vue des méthodes d’enseignement véhiculées par des enseignants mal pré-
parés à la pédagogie moderne. Echec dont rend compte le retour au formalisme, à la logomachie, en somme
à la scolastique (cf. encadré). En résumé, la question de l’arabisation a été surtout un enjeu sociétal. En tant
que telle, elle a revêtu un caractère politique et idéologique prononcé reléguant au second plan les questions
techniques et pédagogiques de sa mise en œuvre dans de bonnes conditions.
Par ailleurs, l’exclusion de l’arabe dialectal et de l’amazigh en tant que langues d’apprentissage ont un effet
négatif indéniable sur les élèves ; l’apprenant amazighophone en milieu rural étant la principale victime de
cette insécurité linguistique 1.

Encadré 2
L’impact des changements hâtifs des contenus des cours d’histoire,
de philosophie et de littérature

L’arabisation se traduisit par l’instauration* de cours d’instruction islamique et l’éradication de la philosophie occiden-
tale, jugée subversive. Les cours de philosophie, arabisés, se réduisaient désormais à leur plus simple expression, évo-
quant notamment les racines grecques de la pensée arabe et occidentale (le mythe d’Aristote). La discipline arabisée
coupait les lycéens des ouvrages philosophiques de l’Europe occidentale et dans l’ensemble, encore non traduits en
arabe (ou à tout le moins inaccessibles dans les librairies du Maghreb dans cette langue). De même, en histoire, toute
vision révolutionnaire était supprimée, au profit des grands traits de l’histoire du monde, et surtout d’une histoire
mythique de la patrie, relue au prisme du nationalisme le plus consensuel. Le tout, servi par des enseignants arabi-
sés**, fort mal préparés à leur tâche, et incapables de transmettre à leurs élèves les outils d’une réflexion critique. Le
par cœur remplaça la faculté à construire une dissertation, ou un quelconque raisonnement.

En langue enfin, que ce soit en arabe ou en français, l’étude des textes et des grands auteurs fut passée par pertes et
profits, et l’on se concentra sur l’acquisition de l’outil linguistique, au demeurant dans des conditions bien imparfaites
(et loin des dernières innovations pédagogiques dans ce domaine). Les grands textes de la littérature française, qui
avaient enflammé les générations précédentes d’élèves maghrébins, seraient désormais inconnus de la nouvelle géné-
ration.

Les étudiants en religion transformés en professeurs d’arabe, de philosophie, d’histoire ou d’instruction islamique
tenaient lieu de nouveaux maîtres à penser. Or on sait dans quelles conditions ces élèves, souvent médiocres ou vic-
times d’expérimentations hasardeuses dans le domaine de l’arabisation, avaient été formés. Les vieilles universités
islamiques précoloniales, hâtivement transformées en facultés de théologie à l’indépendance, avaient été le cadre de

1. Cf. Ahmed Boukous, « les langues dans le système éducatif marocain », COSEF 1999. Sur les questions relatives à l’arabisation, se référer
notamment aux travaux de Gilbert Grandguillaume dont « l’arabisation au Maghreb et au Machrek. Des solidarités anciennes aux réalités nou-
velles ». Cahiers du GIS « Sciences humaines sur l’aire méditerranéenne », Cahier No 6, CNRS, Institut de Recherches Méditerranéennes, Univer-
sité de Provence, 1984, p. 151-157.

179
leur formation, loin de tout apprentissage de type cartésien. Ces sacrifiés de l’enseignement supérieur maghrébin, dont
on voulait faire les conservateurs mythiques d’un héritage islamique, se trouvaient désormais en charge de secteurs
cruciaux de la formation des lycées maghrébins. Que pouvaient faire face à eux, à leur discours et à leur « légitimité »
les professeurs de sciences ou de langues étrangères cantonnés dans un enseignement purement technique?

* Il ne s’agit pas à proprement parler d’instauration car les cours d’instruction islamique ont toujours existé (Note de l’auteur : MZ)
** Pour plus de précision, il s’agit d’enseignants ayant reçu l’essentiel de leur formation en langue arabe, (Note de l’auteur : MZ)
Extraits de l’ouvrage de Pierre Vermeren : École, élite et pouvoir au Maghreb; édition Alizés, Casablanca 2002, p. 403

2.3.2. Illustration/témoignage du processus de dégradation de la qualité


À la fin des années 70, nombre d’enseignants s’insurgeaient contre l’état d’archaïsme de l’organisation
des études et de la réforme de 1975. Cette dernière se caractérisait par une conception extrêmement étroite
et inopérante de l’autonomie. À titre d’exemple, les curricula étant fixés par décret, il fallait attendre, pour
tout changement, que la décision soit prise par un conseil de ministres, d’où la décrédibilisation de la réforme
dès son entrée en application.
Il était difficile d’admettre que, pour l’acquisition d’une licence d’économie par exemple, les matières prin-
cipales et secondaires aient la même importance. La suppression des notes éliminatoires avait poussé au
comble l’aberration du système en ce sens qu’un licencié pouvait, pendant toute sa scolarité, réussir sans
avoir jamais obtenu la moyenne aux matières principales.
Par ailleurs, l’archaïsme du système d’évaluation des connaissances n’incitait nullement les étudiants à
assister aux Travaux Dirigés (TD) et à préparer des exposés alors qu’une règle simple consistait à ne pas
autoriser un étudiant à se présenter à l’examen au bout de trois absences non justifiées. Même si, consé-
quence de la massification, des TD surchargés rendaient difficile, sinon impossible de faire l’appel, il était tou-
jours possible de faire circuler une feuille de présence pour contrôler l’assiduité. Il vaut mieux des TD
surchargés que pas de TD du tout en ce sens que le non fonctionnement de ces classes a considérablement
réduit les occasions d’acquisition d’aptitudes fondamentales et de rudiments de la recherche : préparation et
présentation d’exposés, expression orale, capacités d’écoute, de dialogue, de construction et d’échange
d’arguments...
Par ailleurs, l’absence de TD signifie aussi que l’étudiant n’a plus aucune obligation de prendre connais-
sance de la littérature relative à son domaine, d’où son repli sur un polycopié qu’il se contente de mémoriser
en vue de le restituer sans en comprendre tout le sens et la portée. Le prenant pour une vérité absolue, il
perpétue ainsi la tradition du manuel scolaire du primaire et du secondaire.
Ces règles élémentaires étaient depuis longtemps en vigueur dans les pays avancés. Leur non application
au Maroc revenait à l’officialisation du laxisme. Personne ne tirait la sonnette d’alarme. Un organe d’évalua-
tion aurait, d’une manière ou d’une autre, grandement contribué à rompre le silence. L’absence d’un tel
organe a fait que les acteurs avaient peu conscience de la dérive et de l’ampleur de la dégradation.
Du côté des enseignants, dont bien souvent la volonté et l’enthousiasme ont été émoussés par cet
archaïsme, le souci du « politiquement correct » les a poussés à s’adapter aux nouvelles donnes. Ce souci
d’adaptation s’est traduit, lors de l’évaluation de la capacité d’analyse de l’étudiant, par la substitution de
petites questions de cours et/ou QCM (questions à choix multiple) à la dissertation classique. Ici aussi, sous
la pression du nombre, une concession pédagogique majeure a été faite aux étudiants qui sont plus que sur-
pris quand un sujet d’examen déroge à ce modèle, tant il est naturel pour eux que la seule évaluation pos-
sible de leurs compétences est la restitution de ce qu’ils ont appris par cœur.
À ce sujet, il y a lieu de signaler que la propension à évaluer les étudiants par des sujets ou c’est le « par

180
cœur » qui prime est bien plus forte dans les disciplines et matières enseignées en arabe. Il s’agit là d’une
reproduction plus ou moins consciente des comportements acquis par les enseignants qui ont été formés
sur la base de ce modèle. Cela donne une idée du danger qui guette l’université dans les années à venir en
ce sens que les enseignants nouvellement recrutés formés au Maroc auront tendance et trouveront naturel
de reproduire les modalités d’évaluation qu’ils ont connues quand ils étaient étudiants.

II. Les perspectives de l’enseignement supérieur


à l’horizon 2025

1. Prospective de l’enseignement supérieur : atouts et faiblesses

1.1. Imaginons un exercice de prospective du secteur de l’enseignement


supérieur fait il y a 25 ans

Un exercice de prospective sur le secteur de l’enseignement supérieur mené il y a 25 ans aurait vraisem-
blablement et aisément prédit une architecture et des principes de fonctionnement similaires à ceux en
cours aujourd’hui. En effet, pour plusieurs observateurs à l’époque, il était évident que l’université devait
gagner en autonomie. Il n’y avait pas un grand effort à faire pour inventer un modèle d’organisation spéci-
fique au Maroc car ceux en cours à l’époque dans plusieurs pays avancés avaient déjà fait leurs preuves.
Sur le plan quantitatif, même si l’université connaissait une croissance très rapide de ses effectifs, il était
difficile d’imaginer que ce rythme allait continuer sur cette lancée pendant au moins les douze années qui ont
suivi. C’est que, connaissant déjà les effectifs des nouveaux inscrits au Cours Préparatoire en 1979, on pou-
vait prédire le nombre probable de bacheliers jusqu’en 1990. Pour cela, on aurait retenu comme hypothèse
probable un TRA proche de celui en vigueur à l’époque. Cependant, on était peut-être loin de s’imaginer que
ce TRA, qui était déjà passé de 6 % en 1976 à 9 % en 1978, allait connaître une très forte croissance pour
atteindre un maximum de18 % en 1983, et fluctuer, pour le reste de la décennie, autour de 15 % 1. Le résul-
tat est que la fourchette de 30 à 40 000 bacheliers qu’on pouvait raisonnablement prédire en 1991 était large-
ment dépassée cette année puisqu’il y avait eu plus de 70 000 bacheliers.
On comprend pourquoi cet exercice de prévision est assez redoutable au Maroc. Alors que dans d’autres
pays, le taux de réussite au bac, comme toute donnée structurelle de cette nature, est quasi stable ou, tout
au moins, ne change que lentement dans le temps, dans notre pays, c’est l’illustration une fois plus du pri-
mat ou, tout au moins, de l’intrusion du politique dans les orientations pédagogiques. Ce qui ne manque pas
de désorienter les planificateurs du secteur.

Les prévisions des bacheliers pour la décennie 90 allaient reposer sur des hypothèses plus difficiles à fixer,
notamment :

1. Suite à la réforme du bac, le taux de réussite à cet examen allait passer de 33 % en 1985 à plus de 70 % en 1991.

181
– le taux de fécondité, encore élevé en ces années là, et dont on ne savait pas très bien quand il allait
amorcer sa baisse,
– le taux de scolarisation des enfants âgés de 7 à 12 ans que tout prêtait à croire qu’il allait rapidement
augmenter dans la décennie 80, compte tenu aussi bien du retard accumulé en la matière, que de la
volonté manifestée de généraliser la scolarisation, que du relatif optimisme qui prévalait à cette époque
où le pays enregistrait un taux de croissance économique relativement élevé

La combinaison de ces facteurs devait conduire à une envolée du nombre de bacheliers dans la décennie
90. Paradoxalement, c’est à une grande stabilité des effectifs que nous avons assisté. C’était sans compter
sur la baisse du rythme d’accroissement annuel des naissances, plus rapide que prévu, ni sur le programme
d’ajustement structurel des années 80 qui avait réduit les ambitions du pays en matière de scolarisation.

Finalement, les prévisions quantitatives auraient été opposées à ce qui s’est réellement passé, à savoir :
– que la première demi période a connu une hausse des nouveaux postulants à l’université, bien plus
importante que prévu ;
– que la seconde demi période a connu une quasi stagnation des nouveaux postulants à l’université alors
que l’on tablait sur une forte progression des candidats.

Cependant, au bout du compte, les ordres de grandeur pour la fin de la période n’auraient peut être pas été
très différents de ceux que l’on connaît aujourd’hui. Par contre, ce qui est fort probable, c’est que, du point
de vue qualitatif, la prospective aurait été loin de la réalité. Non pas parce que la propension naturelle à l’opti-
misme l’emporte dans ce genre d’exercices, mais surtout par ce qu’il était difficile d’imaginer que les poli-
tiques publiques en matière d’éducation allaient être aussi mal performantes qu’elles ne le furent. Il était
difficile d’imaginer qu’on allait s’acharner à faire aboutir coûte que coûte un programme d’arabisation dont on
savait pertinemment à l’époque que, tel qu’il était conduit dans le primaire, il avait déjà provoqué de gros
dégâts et que, prolongé dans le secondaire, il allait accélérer la dégradation du système éducatif. En tout cas,
la prospective aurait vraisemblablement conclu à une situation plus favorable que celle prévalant aujourd’hui ;
bref, à un secteur en meilleure position.

1.2. Les atouts de l’enseignement supérieur au Maroc

1.2.1. Une nouvelle ère inaugurée par la réforme de 2000


Le cœur de la loi réformant le secteur est la décentralisation de la prise de décision, le renforcement de
l’autonomie des établissements et de leur responsabilité en matière d’enseignement et de recherche. C’est
l’entrée de plain pied dans l’ère de la modernité du fait de l’autonomie réelle et des larges possibilités d’adap-
tation et d’innovation offertes aux établissements d’enseignement supérieur. Elle traduit, de ce fait, une
modification radicale des rapports entre les établissements d’enseignement supérieur et l’État appelé à se
limiter autant que possible à son rôle d’« État facilitateur ».
Il a fallu 25 ans pour remplacer la loi de 1975, une loi qualifiée par certains de désuète dès sa promulgation
et facteur important de blocage, d’inertie et de la crise de l’université.
Le plus important aujourd’hui est que la réforme de 2000 a permis de dépasser ce blocage. Elle ouvre des
perspectives insoupçonnées où la qualité de leadership des responsables des universités va jouer un rôle
fondamental. Le plus dur sera de traduire dans la pratique les principes et leviers contenus dans la loi. À titre

182
d’exemple, une université qui n’a pas la maîtrise de la gestion de ses ressources humaines atteint vite des
limites. Aussi, pour ne pas être en retard d’une guerre une fois de plus, il faut pouvoir anticiper, prendre des
décisions courageuses pour transformer des universités en fondations pour avoir justement cette autonomie
de gestion et pour ne pas, à titre d’exemple, que les meilleures volontés et les plus belles initiatives soient
entravées ou découragées par un comptable public qui interprète à sa manière la réglementation.

1.2.2. Une progression modérée des effectifs


La question de l’évolution des effectifs de l’enseignement supérieur au Maroc dans les décennies à venir
revêt une importance fondamentale. Cette évolution dépend essentiellement des prévisions des effectifs
des bacheliers 1. Ces prévisions se font, à l’horizon 2017, sur la base des nouveaux inscrits au CP en 2004, à
l’horizon 2023, sur la base des naissances en 2004 et, à l’horizon 2025, sur la base des prévisions démo-
graphiques.
Les projections du nombre de bacheliers faites par le MEN à l’horizon 2011 tablent sur un rythme annuel
moyen de progression compris entre 15 % pour le scénario 1 et 11 % pour le scénario 2, ce qui correspond à
une multiplication par 5 et 3 respectivement des effectifs des bacheliers en 2000 (cf. tableau 18).

Tableau 18 : Projections des bacheliers et des effectifs du supérieur

Scénario 1 Scénario 2
40 % de ceux qui rentrent à l’école primaire obtiennent le Réduction des objectifs de la Charte, jugés difficilement
baccalauréat (Objectif de la charte) réalisables

2000 2011 TAMV 2000 2011 TAMV


Inscrits à l’ens. sup.
public 302 000 917 000 10,5 % 302 000 655 000 7,3 %
Nombre de bacheliers 90 000 430 000 15,2 % 90 000 282 000 10,9 %

Source : Ministère de l’enseignement supérieur; cf. Note de stratégie pour l’enseignement supérieur; Banque mondiale, juin 2003

Ces scénarii peuvent être considérés, sans grand risque de se tromper, comme tout à fait fantaisistes car
ils supposent que la proportion des nouveaux inscrits au Cours Préparatoire qui arrivent à obtenir leur bac 12
ans après va considérablement s’améliorer, passant de 10 % actuellement à 40 % à partir de 2011 2. L’expé-
rience montre que cette hypothèse n’a de sens que si l’on suppose que la qualité du système d’enseigne-
ment connaît une amélioration aussi importante, sauf à accepter que le niveau du bac baisse à un niveau qui
le décrédibiliserait totalement. Or, aujourd’hui, rien ne permet de dire que la qualité moyenne de l’enseigne-
ment primaire et secondaire a commencé à s’améliorer. Bien plus, rien ne permet d’avancer que la tendance
lourde à la baisse du niveau constatée depuis l’indépendance du pays ait amorcé le moindre infléchissement.
Il est même à craindre, au vu des résultats de plusieurs tests internationaux d’évaluation des acquisitions et
aptitudes des élèves que la qualité de l’enseignement marocain continue à baisser 3 Compte tenu de ce

1. Les autres hypothèses sont : les taux d’écoulement du primaire au secondaire et du secondaire au supérieur; les taux d’écoulement au
sein du supérieur; la régulation de l’accès à l’université; et le niveau d’exigence de la qualité de l’enseignement supérieur.
2. C’est surtout le cas du scénario 1. Les projections de 430 000 bacheliers en 2011 supposent que 63 % des nouveaux inscrits au CP en
1999, au nombre de 685 000, arrivent à passer leur bac; C’est le scénario 2 qui repose sur l’hypothèse que 40 % des nouveaux inscrits au CP en
1999 obtiennent leur bac.
3. Cf. les tests internationaux suivants d’évaluation de la qualité :
R 17,2 % seulement des élèves ont acquis des aptitudes à lire et à compter (évaluation nationale appuyée par l’Unesco et l’Unicef en 2001)

183
constat amer, on peut avancer que, à l’horizon 2017 (2005+12), la proportion des nouveaux inscrits au Cours
Préparatoire qui arrivent à obtenir leur bac ne peut s’écarter significativement de la fourchette de 10 à 12 %
enregistrée durant ces dix dernières années. Pour les horizons plus lointains, à supposer que cette proportion
double pour atteindre 20 % vers 2020 et, compte tenu du fait que, depuis le milieu des années 90, le nombre
de naissances a commencé à baisser au Maroc, l’enseignement supérieur au Maroc va connaître une pro-
gression modérée des effectifs. Une évolution, en tout cas, bien plus proche du rythme de progression de la
dernière décennie que de celui résultant des projections ci-dessus examinées. Ce passage d’un développe-
ment extensif du secteur à un développement intensif permet d’accorder la priorité à l’amélioration de la qua-
lité. C’est en ce sens qu’on a considéré cette évolution comme un atout. Mais un atout pour le secteur et
non pour le pays.

1.2.3. Un enseignement supérieur diversifié et ouvert sur l’extérieur


L’ouverture de l’enseignement supérieur sur l’extérieur se traduit par l’intensité des liens de coopération
favorisant la mobilité scientifique, par le fait qu’une proportion importante du corps enseignant au Maroc a
fait une partie ou la totalité de ses études supérieures à l’étranger ainsi que par l’accueil d’un nombre appré-
ciable d’étudiants étrangers au Maroc. Cette ouverture se traduit surtout par une expansion extrêmement
rapide des effectifs des étudiants marocains à l’étranger. Pour les seuls étudiants boursiers du gouverne-
ment marocain, les effectifs ont été multipliés par plus de 8 entre 1973 et 1983 (cf. tableau 19). Pour parer à
l’ampleur des arrivées au supérieur, le gouvernement, aidé en cela par la relative aisance financière procurée
par l’envolée du cours du phosphate dans les années 70, accordait des bourses à l’étranger à quasiment tous
ceux qui en faisaient la demande. Le résultat en est qu’au pic de cette tendance en 1983, les étudiants bour-
siers marocains à l’étranger, au nombre de 25000, représentaient près du tiers des étudiants marocains au
Maroc. Depuis, le nombre d’étudiants marocains à l’étranger boursiers du gouvernement marocain n’a cessé
de baisser pour ne représenter aujourd’hui qu’une proportion insignifiante des étudiants marocains au Maroc.

Tableau 19 : Évolution des effectifs des étudiants marocains à l’étranger

1973 1977 1981 1983 1986 1991 1994 1998 2002


Total étudiants 33400 48200
marocains à l’étranger*
En % des étudiants 13 % 16 %
marocains au Maroc
dont boursiers du gvt 3000 12000 18000 25000 15000 12000 8700 1340
marocain
En % des étudiants 14 % 23 % 21 % 30 % 10 % 5% 3% 0,5 %
marocains au Maroc
* Annuaire de l’UNESCO

Source : Annuaire statistique du Maroc.

R TIMMS (Trends in International Math and Science Study) pour la première fois au Maroc en 1999; le score du Maroc, en mathématiques
comme en sciences est de 100 points au dessous de celui attendu compte tenu de son niveau de développement économique (440
points);
R PIRLS (Progress in international Reading Literacy Study) : aptitudes à lire au niveau CM1 en 2001 : très faibles scores : 23 % seulement des
élèves ont dépassé le score minimum international « benchmark ».
184
Paradoxalement, la quasi disparition des bourses à l’étranger, les grandes difficultés d’inscription des
bacheliers marocains dans les universités étrangères, signe révélateur de la baisse du niveau du baccalauréat
au Maroc, les sévères restrictions de visa prises par l’UE, n’ont pas empêché l’augmentation régulière des
effectifs des étudiants marocains à l’étranger dont le nombre, estimé aujourd’hui à près de 50000, s’est
accru, depuis le début des années 90 à un rythme près de deux fois plus élevé que celui enregistré au Maroc
durant la même période. Ce paradoxe n’en est pas un en ce sens que, depuis le milieu des années 80, la
baisse importante des étudiants marocains partant faire leurs études à l’étranger a été plus que compensée
par l’accès aux études supérieures de fils d’émigrés marocains ayant fait leur scolarité en partie ou en totalité
dans les pays d’accueil.
C’est ainsi que l’Allemagne, où le code de la nationalité est particulièrement restrictif, compte près de
7000 étudiants de nationalité marocaine alors que les Marocains qui partent faire leurs études dans ce pays
est traditionnellement très faible. On peut convenir qu’il s’agit là, pour la quasi-totalité d’entre eux, de Maro-
cains issus de l’immigration. Il en est de même, à un degré moindre, pour les Pays Bas ou l’Espagne (cf.
tableau 20).

Tableau 20 : Effectifs des étudiants marocains à l’étranger


dans les principaux pays d’accueil en 2001-2002

France Allemagne Belgique Espagne E. Unis P. Bas Canada Total


26 076 6 960 4894 3 263 2 102 1 956 926 48 219
54 % 14 % 10 % 7% 4% 4% 2% 100 %

Source : Annuaire de l’UNESCO 2004

En France, où étudie plus de la moitié des étudiants marocains à l’étranger, il est plus difficile (en l’absence
de données détaillées) de se faire une idée précise de la part représentée par les étudiants marocains ayant
obtenu leur bac au Maroc. Cependant, tout laisse à penser que la progression très rapide des étudiants maro-
cains enregistrée ces dernières années est le fait de l’accès en « masse » à l’université des fils de l’immigra-
tion (cf. tableau). En effet, les effectifs des étudiants marocains dans ce pays augmentent, depuis le milieu
des années 90, à un rythme moyen de plus de 11 % par an. Ceux d’entre eux qui poursuivent des études de
troisième cycle en représentent 27 %, soit plus de 7000 personnes 1

Tableau 21 : Évolution des effectifs des étudiants marocains en France

1980 1990 1995 2000 2002


Indice : base 100 : 1980 100 150 99 151 216
Effectifs* 12 000 18 000 11 700 18 000 26 000
* Estimations de l’auteur

Source : « Les étudiants étrangers en France : l’état des savoirs », Alain Coulon et Saeed Paivandi, Université Paris VIII,
Centre de recherche sur l’enseignement supérieur, mars 2003

1. En comparaison, les effectifs des étudiants tunisiens en France restent aujourd’hui en deçà de ceux enregistrés en 1980. Par contre, la pro-
portion des Tunisiens inscrits au 3e cycle est de 49 % en 2001-2002.

185
Les milliers de Marocains poursuivant aujourd’hui des études de troisième cycle à l’étranger constituent un
vivier d’une importance extrême pour l’enseignement supérieur au Maroc. Cet atout pour le Maroc est le
corollaire d’un autre atout, celui de l’ouverture du pays sur l’étranger qui fait qu’on estime aujourd’hui qu’un
étudiant marocain sur huit fait ses études en dehors du Maroc. Il s’agit là d’un taux bien plus élevé que ceux
de nos voisins de l’Algérie et de la Tunisie 1.

1.3. Les faiblesses du secteur de l’enseignement supérieur

Les faiblesses du secteur de l’enseignement supérieur sont bien documentées. Il s’agit notamment de
l’utilisation inefficiente des moyens, de la désaffection pour les formations scientifiques, de l’absence de sys-
tèmes de tutorat et d’évaluation... Dans cet exercice, nous nous sommes limités à l’examen de la faiblesse
des indicateurs de rendement, une sorte de résultante de toutes les faiblesses précédemment évoquées.
Calculés sur la base de plusieurs cohortes des années 90, les indicateurs de rendement interne de l’univer-
sité marocaine (cf. tableau suivant) montrent qu’un étudiant seulement sur dix obtient sa licence en quatre
ans et que six étudiants sur dix quittent les études sans la licence. Cette situation est révélatrice, outre le
gaspillage et les surcoûts y afférents, des difficultés des bacheliers à s’adapter aux exigences tant méthodo-
logiques que pédagogiques de l’enseignement supérieur. Difficultés variables selon la discipline en ce sens
que la proportion d’étudiants qui obtiennent leur licence en quatre ans est de 31 % pour l’enseignement ori-
ginel, 13 % pour les Lettres, 11 % pour le Droit et l’Economie et 7 % pour les Sciences. Pour cette dernière
discipline, le fait aussi que 30 % seulement des étudiants arrivent à décrocher une licence (45 % en Droit et
48 % en Lettres) explique pour une bonne partie la désaffection pour les formations scientifiques.
On ne connaît pas très bien l’importance respective des facteurs explicatifs du très faible rendement
interne dans les facultés des sciences : plus grande objectivité de l’évaluation ? Plus grande insécurité linguis-
tique du fait que les matières scientifiques sont dispensées exclusivement en français ? Plus grande rigueur
et discipline des études du fait du nombre réduit des effectifs ? Faible maîtrise des matières scientifiques
pour une large proportion des bacheliers en sciences expérimentales ?

Tableau 22 : Indicateurs de rendement interne de l’université marocaine

Pourcentage des diplômés de licence quel que soit le nombre d’années passées pour obtenir la licence 40 %
Coût, en nombre d’années étudiant, d’un licencié (compte tenu également des années passées dans le système par les étu-
diants qui quittent sans diplôme) (1) 9,3
Coefficient de majoration des coûts par diplômé (1) / 4* 2,3
Pourcentage des diplômés de licence après 4 ans d’études 10 %
* Nombre d’années après le bac pour obtenir une licence

Source : Ministère de l’enseignement supérieur, 2004;

La qualité des profils des lauréats des établissements à accès sélectif est jugée nettement supérieure à
celle des diplômés des établissements à accès non sélectif. Le différentiel du taux de chômage entre les
deux catégories témoigne, en tant qu’indicateur de rendement externe, de cette différence. Même en tenant

1. Ce taux était, en 1992, de 13,1 % pour le Maroc, 10,8 % pour la Tunisie et 8,2 % pour l’Algérie. Ces calculs ont été faits par V. Borgognon
et cts d’après les données de l’Annuaire statistique de l’UNESCO 1994 et de Eurostats. Cf. le no 67, juillet-août 1994, de la revue Migrations
Études sous le titre « Les étudiants étrangers en France, trajectoires et devenir »; http ://www.adri.fr

186
compte de la rareté relative des lauréats des filières à accès sélectif 1, le rapport minimum de 1 à 5 enregistré
depuis plus d’une décennie traduit d’une manière éloquente la sanction du marché du travail quant à la qua-
lité des uns et des autres (cf. tableau suivant).
L’inadéquation des profils avec les offres de travail peut être illustrée, à titre d’exemple, par la grande diffi-
culté à trouver de bons juristes alors qu’il en existe des milliers en chômage. Par ailleurs, plus significatif
encore est le fait que le taux de chômage des étudiants qui ont quitté l’université sans diplôme est toujours
bien plus bas que celui des lauréats. Moins exigeants en termes de rémunération et de statut, leur « rapport
prix-qualité » semble mieux convenir aux employeurs. Ces derniers pensent que, à moins d’une formation
complémentaire dont les résultats ne sont pas certains, la majorité des diplômés n’a pas acquis les aptitudes
à même d’apporter une valeur ajoutée à l’entreprise et, justifiant, par conséquent, le recrutement d’un
« cadre » dont le profil siérait, à leurs yeux, plus à un statut d’employé.

Tableau 23 : Taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur


selon le type d’accès aux établissements

1991 2000 2003


Diplômés des établissements de l’enseignement supérieur universitaire à accès non sélectif 23,3 42,8 30,6
Diplômés des établissements à accès sélectif : écoles et instituts, médecine, pharmacie et dentaire 1,1 7 6

Source : MEN

Il faut ajouter que, de par la surreprésentation des étudiants issus des couches sociales aisées dans les
établissements à accès sélectif, la dégradation de la qualité affecte davantage les étudiants issus de milieux
défavorisés.

1.4. Le défi majeur de l’enseignement supérieur est l’amélioration de la


qualité

1.4.1. L’amélioration de la qualité nécessite une stratégie innovante de recrutement


de l’encadrement pédagogique
Avec un effectif d’un peu moins de dix mille personnes, le personnel pédagogique de l’enseignement
supérieur universitaire est relativement jeune en ce sens que plus des trois quarts (78 % en 2002-03) ont un
âge inférieur à 50 ans. Il en résulte que les projections des effectifs des départs à la retraite font état d’une
moyenne de 125 départs par an durant la période 2004-2014 ; un effectif devant passer à 460 durant la pé-
riode 2015-2020.
Dans un récent exercice prévisionnel, le MEN a estimé les besoins en encadrement de l’enseignement
supérieur jusqu’à l’horizon 2020 2. La confrontation offre – demande a fait ressortir un important déficit de
thésards pour la satisfaction des besoins en encadrement pédagogique, un déficit qui va s’accentuer davan-

1. Le différentiel du taux de chômage entre lauréats des formations à accès sélectif et non sélectif est régulièrement observé dans les pays
où existent ces deux types de formation, mais ce différentiel est sans commune mesure avec celui observé au Maroc.
2. Cf. « Journées d’étude sur les ressources humaines dans l’enseignement supérieur à l’horizon
2020 », MEN, Fès, 20 et 21 avril 2004

187
tage si la tendance constatée actuellement au niveau de la formation en troisième cycle au Maroc se poursuit
dans les années à venir.
C’est pour les sciences juridiques, économiques et de gestion que ce déficit est le plus fort et le plus
urgent à combler en ce sens que, d’ici la fin de la décennie actuelle, la plupart des besoins proviendraient de
cette discipline. Les sciences et techniques, d’une part, et les lettres d’autre part, viendraient respective-
ment en deuxième et troisième position. Ainsi, le déficit cumulé en encadrement pédagogique pour les
études de droit et d’économie est estimé à pas moins d’un millier dès 2006-07, 4000 en 2010, pour atteindre
un chiffre vertigineux de plus de 12000 à son pic en 2016. Pour les autres disciplines, ce déficit ne sera réel
qu’à l’horizon 2010 mais se comptera aussi en milliers dans les deux à trois années suivantes.

Cet exercice prévisionnel prête beaucoup à discussion du fait des hypothèses retenues pour les projec-
tions tant des besoins que de l’offre. Ces hypothèses sont essentiellement :
– Pour les besoins : l’expansion des effectifs des étudiants dans l’ensemble des champs disciplinaires, la
« réorientation » en faveur des sciences et techniques, le développement progressif des filières de
licence professionnelle et de master spécialisé ; l’amélioration de l’encadrement pour le droit et l’écono-
mie, actuellement très élevé par rapport aux autres disciplines ;
– Pour l’offre en formation : i) tout thésard est éligible ou apte à enseigner dans le supérieur, ce qui est
très éloigné de la réalité ; ii) la non prise en considération du vivier constitué par de milliers d’étudiants
marocains en formation de troisième cycle à l’étranger.

Ces déficits prévisionnels ou théoriques, correspondant au recrutement additionnel de plus d’un millier
d’enseignants par an, paraissent d’autant plus irréels et surprenants que les effectifs du corps des ensei-
gnants se sont accrus d’à peine 182 personnes en moyenne par an durant la période 1996-2003 (contre 357
entre 1973 et 1996) 1. Pour les sciences juridiques et économiques, les effectifs se sont accrus, sur la même
période 1996-2003, de 21 personnes par an en moyenne ; ce qui correspond, compte tenu des départs à la
retraite, à environ une quinzaine de recrutements par an, un chiffre sans commune mesure avec les besoins
théoriques. C’est l’illustration des difficultés à trouver des profils appropriés pour diverses disciplines telles
les mathématiques, le droit privé, l’économie... malgré la disponibilité des postes budgétaires. Les hypo-
thèses relatives aux besoins essaient de se conformer aux objectifs de la charte. Ce sont les mêmes que
celles examinées pour la projection des effectifs des étudiants. Cependant, au delà des chiffres, le plus
important à retenir est que l’enseignement supérieur est appelé à recruter des centaines d’enseignants dans
les années à venir. Aussi, l’approche relative à ces recrutements revêt une importance majeure si l’on veut
éviter au secteur de l’enseignement supérieur, relativement prémuni jusque là, la dégradation de la qualité de
l’encadrement qui a frappé le primaire et le secondaire dans les décennies précédentes.
En effet, il faudrait avant tout éviter que, sous la pression, ne soient recrutés des profils inappropriés qui ne
manqueraient pas d’aggraver la baisse du niveau et que l’université n’aurait pas d’autre choix que de les
« traîner » pendant des décennies. Il vaudrait mieux avoir des amphis bondés avec un bon professeur que
des petits amphis avec de mauvais pédagogues. On se rappelle que, pour des raisons politiciennes, le recru-
tement de nombreux diplômés chômeurs dans le passé a fait qu’aujourd’hui, plusieurs établissements,
notamment ceux des sciences, se retrouvent avec des enseignants dont le profil ne répond pas aux exi-
gences académiques en la matière 2.

1. En termes d’accroissement annuel moyen par an, les effectifs du corps enseignant ont évolué à des rythmes très voisins de ceux enregis-
trés pour les étudiants, soit environ 12 % sur la période 1973-96 et 2 % sur la période 1996-2003.
2. Par contre, il y a lieu de signaler que le recrutement d’une centaine de docteurs chômeurs ayant suivi une formation en gestion des univer-
sités à l’ENA a été bénéfique au secteur en ce sens que, de l’avis de plusieurs observateurs, ces cadres constituent aujourd’hui l’ossature admi-
nistrative des 14 universités.

188
La vigilance et la responsabilité s’imposent car les enseignants nouvellement recrutés formés au Maroc
ont tendance à reproduire la pratique pédagogique qu’ils ont connue quand
ils étaient étudiants. D’où la nécessité :
– d’une immersion dans des universités étrangères pour un temps donné en tant que critère important de
sélection ;
– de la mise en place de garde fous pour que la cooptation de candidats formés dans l’établissement
recruteur ne soit pas le mode dominant de sélection.

Cette nouvelle conception suppose une approche nouvelle rompant avec l’attitude passive qui, s’en tenant
à la procédure en vigueur, se contente de faire les annonces de rigueur et d’attendre les candidatures. Il
s’agit de conduire une politique proactive d’identification de profils qualifiés, notamment parmi les centaines
de thésards dans les universités étrangères pour lesquels le Maroc a assuré la formation pendant de longues
années. Cette approche a été expérimentée par quelques chefs d’établissement. Ce dont il s’agit dans l’ave-
nir, c’est de l’instituer en tant que pratique dominante.
Ne rien tenter dans ce domaine conduit inéluctablement à la poursuite du cercle vicieux de la médiocrité
qui a affecté tour à tour les corps enseignants des cycles antérieurs. Sans vigilance en la matière, imagination
et audace, la boucle serait bouclée, il deviendrait alors extrêmement difficile de rompre le cercle vicieux qui a
conduit à la dégradation et à la médiocrité.
Par ailleurs, il est important de noter qu’en plus du soin donné au recrutement, l’établissement doit pouvoir
motiver et tirer le meilleur de ses ressources humaines. Cela, sauf rares exceptions, n’a pas été le cas pen-
dant des décennies du fait notamment de la faiblesse de la gestion des institutions. Il en a résulté une déper-
dition des énergies et une sous utilisation du potentiel humain.
On estime aujourd’hui que seul un enseignant sur cinq fait régulièrement de la recherche ou des travaux
de consultation. Cela ne signifie pas pour autant que ceux qui ne font pas de recherche se consacrent pleine-
ment à l’enseignement. À en juger par les taux de participation aux réunions des départements, aux confé-
rences et activités organisées au sein des établissements, aux sessions de formation / sensibilisation sur des
questions pédagogiques, par la fréquentation des bibliothèques, on estime que seule une minorité s’investit
réellement dans la vie de l’établissement.
La situation varie beaucoup selon la discipline et, surtout, l’établissement. Divers témoignages concordent
pour dire que le facteur essentiel de la bonne marche d’un établissement est la capacité managériale et d’ani-
mation du chef d’établissement. Les expériences les plus réussies dans le domaine ont montré que, malgré
les limites et contraintes réelles tant institutionnelles, réglementaires que matérielles, certains établisse-
ments ont pu mobiliser leurs potentialités, faire preuve d’initiatives, mettre à profit l’autonomie accordée, et
faire la différence avec des établissements similaires. C’est dire que la marge de manœuvre de ces institu-
tions est souvent plus grande qu’on ne le pense.
On revient à la question essentielle et incontournable du leadership. Ce dernier a fait défaut dans de nom-
breux établissements dont les chefs, manifestement mal préparés à assumer convenablement de telles
fonctions, retenus le plus souvent selon des critères n’accordant que peu de place au dynamisme, à l’innova-
tion et au leadership, se sont contentés de gérer le quotidien. Non porteurs de projets d’établissements, ils
n’ont pu faire adhérer et impliquer comme il se doit ni le corps enseignant ni l’administration. Le pire est que
cette situation, préjudiciable pour les institutions concernées, bien que connue de tous les protagonistes, a
duré de longues années du fait que la nomination-révocation de ces responsables ne dépendait en fin de
compte que du pouvoir discrétionnaire du ministre de tutelle. Cette faiblesse du leadership a accentué des
attitudes latentes chez le corps professoral, celles du fonctionnariat, de l’inertie, d’un fort sentiment de « je
n’ai de compte à rendre à personne » et, finalement, d’un certain désengagement de la vie de l’institution.

189
C’est dire à quel point les principes et procédures de la nouvelle réforme relatifs à la nomination des prési-
dents d’universités et des doyens sont porteurs de changements qu’on peut, au sens étymologique du mot,
taxer de révolutionnaires. Révolutionnaires en ce sens que les règles du jeu sont aujourd’hui bien plus claires
et bien plus transparentes qu’auparavant, créant un contexte d’émulation, instituant des critères ou priment
l’engagement « militant », la créativité et, espérons-le, l’audace et le courage. Le plus important est que,
même si le choix du responsable s’avère être inapproprié, l’établissement ou l’université en question, de par
les garde-fous mis en place, notamment la durée du mandat, ne risquent pas d’en pâtir pendant de longues
années comme cela se produisait avant.

1.4.2. L’amélioration de la qualité dépend en premier lieu de l’aptitude des


bacheliers à poursuivre des études supérieures
Aujourd’hui, les pays qui ont un enseignement supérieur de masse disposent d’un atout majeur par rapport
aux autres contrées, mais cet atout n’en est réellement un dans la compétition mondiale que si le niveau
moyen de cet enseignement ne s’écarte pas trop d’une sorte de moyenne internationale (benchmark). Au
Maroc, où cet écart est de plus en plus inquiétant, il est important de s’engager dans des débats sérieux sur
des questions importantes relatives à la qualité (de) et à l’accès à l’enseignement supérieur :
– Comment assurer la qualité dans un enseignement de masse
– Comment concilier enseignement de masse et équité sociale ;

Il n’ y a pas de réponses toutes prêtes à ces questions en ce sens que des solutions diverses ont été
apportées par des pays et/ou institutions d’enseignement. Cependant, là où il y a un large consensus entre
experts, c’est que :
– la qualité de la formation des étudiants dépend en premier lieu des aptitudes et de la motivation des
élèves arrivés au niveau du baccalauréat et désirant poursuivre des études supérieures ;
– le baccalauréat au Maroc ne prépare pas suffisamment aux études supérieures ;
D’où la nécessité du réexamen du passage, ou de l’interface, entre le secondaire et le supérieur.

Le baccalauréat est une condition nécessaire mais non suffisante pour entamer des études supé-
rieures : une des solutions consiste à dissocier entre l’accès à l’université et la détention du baccalauréat. À
l’instar de ce qui se passe dans certains pays, l’accès à l’université serait conditionné par la détention de cer-
taines aptitudes considérées comme indispensables pour pouvoir entamer des études supérieures dans de
bonnes conditions, aptitudes relevant moins du savoir que du savoir-faire et du savoir être. Ces aptitudes
pourraient être sanctionnées par un « certificat d’aptitude aux études supérieures (CAES) ».
On devine, au simple énoncé de cette idée, la levée de bouclier qu’elle va soulever. Elle va être dénoncée
comme une mesure discriminatoire visant à établir un numerus clausus, à priver les étudiants d’origine
sociale modeste... Cependant, un bon argumentaire soutenu par une bonne politique de communication et
par des responsables politiques plus courageux peut surmonter les résistances prévisibles. Cet argumentaire
doit faire comprendre que, dans les faits, l’université marocaine ne réduit pas les inégalités de base avec les-
quelles les bacheliers l’abordent. Elle les aggrave même. Cet argumentaire doit montrer que la formation
assurée pour l’obtention du « certificat d’aptitude aux études supérieures » permet une relative égalisation
des chances et, ce faisant, favorise l’équité en la matière.
Le CAES est un moyen d’acquérir les méthodes et les comportements que l’école n’a pas réussi à
transmettre : Ce qui est important à faire connaître, c’est que ce CAES mesure des aptitudes autres que la
transmission des connaissances. Pour marquer la rupture épistémologique, il faut bien faire comprendre à

190
l’ensemble des partenaires, à la tête desquels se trouvent les élèves et étudiants, que cette formation est
aux antipodes des méthodes du « par cœur ». Cette formation consiste à développer l’autonomie, à s’appro-
prier les méthodes de succès, à faire acquérir de nouvelles aptitudes et attitudes, de nouvelles manières de
travailler, de nouveaux comportements propices à l’affermissement de l’autonomie des individus. Il s’agit en
quelque sorte de faire acquérir des aptitudes que les écoles primaire et secondaire n’ont pas pu transmettre.
Pour le dire un peu plus crûment, il s’agit de restructurer ce que l’école primaire et secondaire a déstructuré.
Ce faisant, cette formation sert en premier lieu les « victimes » de l’enseignement au rabais qui se trouvent
être en premier lieu ceux issus des couches les plus défavorisées.
La mise en œuvre du CAES : Aussi important que son contenu est sa mise en œuvre. Il n’est pas néces-
saire, il est même déconseillé que le CAES soit appliqué immédiatement à l’échelle nationale, apparaissant
comme une mesure dictée par Rabat. Au contraire, il faut faire en sorte qu’il soit initié au départ sur une base
optionnelle par une université, une faculté, un département ou une filière. Il peut d’ailleurs être mis en œuvre
par les établissements supérieurs dans le cadre de la réforme qui a voulu consacrer les deux premiers
semestres à une sorte de mise à niveau de l’étudiant. Cependant, il ne devrait pas être du ressort exclusif
des établissements publics d’enseignement supérieur.
Cette mise à niveau ou « reformatage des étudiants » peut être faite par des institutions privées ou par des
équipes pédagogiques sollicitées par appel d’offres et évaluées selon des indicateurs de résultats. Mettre en
concurrence des équipes pédagogiques est d’une grande importance. Confier la préparation du CAES à des
équipes motivées disposant de projets pédagogiques permet de sortir du cadre institutionnel de la faculté
qui, même rénové, demeure dans l’ensemble, mal préparé à assurer de telles missions. Car c’est bien de
missions qu’il s’agit, en ce sens que c’est par un travail au corps à corps et par un investissement personnel
des encadrants que des résultats tangibles pourront être obtenus.
L’université, pour des raisons diverses, participe d’un certain laxisme dont ne peut s’accommoder la prépa-
ration du CAES. Ce dernier doit être perçu comme une sorte de classe préparatoire à l’université, à la dif-
férence que cette préparation ne va pas sanctionner l’aptitude à résoudre des équations, mais des aptitudes
à prendre des notes, à comprendre et à analyser un texte, à rédiger une dissertation, à s’exprimer, à se res-
ponsabiliser et à se prendre en charge... Le CAES peut être préparé par les lycées publics ou privés volon-
taires à cela, ce qui signifie qu’il peut être obtenu en même temps que le baccalauréat pour les élèves les
mieux préparés. Cela contribuerait à l’émulation entre ces établissements. Par ailleurs, la priorité dans l’octroi
de bourses d’études (ou de prêts aux étudiants) pourrait être donnée aux détenteurs du CAES.

1.4.3. L’amélioration de la qualité dépend de la contribution financière des étudiants

Au Maroc, les dépenses allouées à l’enseignement supérieur absorbent une part importante des crédits
publics à l’enseignement, crédits dont le total représente une proportion élevée du PIB, une des plus élevées
au monde (cf. tableau 24). Il apparaît clairement, dès lors, que la gratuité de l’enseignement supérieur n’est
pas soutenable à terme.

191
Tableau 24 : Dépenses publiques affectées à l’enseignement au Maroc, en pourcentage du PIB

1970 1975 1980 1985 1990 1995 1996


Dépenses totales d’éducation
% du PNB 3,5 5,3 6,1 6,3 5,5 5,8 5,3
% du total des dépenses du gvt 16,6 12,5 18,5 22,9 26,1 24,7 24,9
Dépenses ordinaires d’éducation
% du PNB 3,3 3,7 4,9 5,0 5,0 5,3 4,9
% des dépenses ordinaires du gvt 21,3 13,9 23,3 28,6 33,6 29,9
Dépenses publiques ordinaires par
niveau d’enseignement (en %)
Primaire 44,8 44,1 35,4 35,3 34,8 36,5 34,0
Secondaire 44,7 43,4 46,3 47,6 48,9 47,7 48,8
Supérieur 10,6 12,4 18,3 17,1 16,2 15,8 16,5

Source : Annuaires statistiques de l’UNESCO

La contribution de plus en plus substantielle des ménages au financement des études supérieures est une
tendance universelle. Les raisons sont multiples. La gratuité absolue ne contribue pas à la prise de
conscience de la valeur et du coût des études. La gratuité absolue fait qu’en définitive, ce sont les riches qui
bénéficient le plus des dépenses publiques allouées à l’enseignement supérieur. Au Maroc comme partout
ailleurs, ce ne sont pas les plus pauvres qui accèdent à l’enseignement supérieur. Aussi, aussi bien sur le
plan de l’équité que sur celui de l’impact social, l’État doit soutenir en premier lieu le primaire.
Dans le cas du Maroc, le coût moyen de formation d’un étudiant est renchéri du fait du bas niveau de ren-
tabilité interne qu’exprime le fait qu’un étudiant passe, en moyenne, neuf ans pour avoir sa licence. De ce
fait, le potentiel de réduction du coût par étudiant est important. Un système d’orientation et de tutorat des
étudiants, en tant qu’outil d’aide au choix individuel, de conseil et d’écoute des difficultés personnelles des
étudiants et en tant qu’outil de démocratisation et d’équité au service des étudiants les plus modestes, est
un important moyen d’améliorer la rentabilité interne de l’université.
Le Maroc a besoin de mettre en œuvre les principes et directives de la charte de l’enseignement consis-
tant notamment à faire contribuer les étudiants au financement de leurs études. Des initiatives prises par cer-
tains établissements se sont heurtées, non pas au refus où aux protestations des étudiants, mais à des
contre directives de l’administration. La contribution aux frais des études doit être impérativement associée à
l’amélioration des services offerts. Des bourses de mérite doivent être fournies aux étudiants ne pouvant
s’acquitter de ces charges ; le principe est qu’aucun étudiant ayant les aptitudes à poursuivre les études ne
se voit écarté faute de ressources.

Conclusion
L’explosion des effectifs de l’enseignement supérieur est imputable à des facteurs démographiques, à la
généralisation de la scolarisation, à l’aspiration des Marocains au savoir, à une amélioration relative des condi-
tions de vie de larges couches de la population qui ont pu prendre en charge une partie des coûts (essen-
tiellement loyer et nourriture) de leurs enfants. Elle est également due, dans une mesure difficile à
déterminer, à la gratuité des études supérieures, au large octroi de bourses et à une moindre exigence du
niveau du baccalauréat.

192
Considérée comme une variable d’importance majeure dans la compétition des nations, la proportion de la
population accédant à l’enseignement supérieur (ou taux de scolarisation au supérieur) stagne depuis de
longues années au Maroc, une stagnation résultant essentiellement de la dégradation du niveau de l’ensei-
gnement. Or rien n’indique aujourd’hui que ce processus de dégradation a pris fin.
Il faut bien convenir que, dans un proche avenir, la question va être posée d’une manière ou d’une autre. Il
faut se donner le temps de préparer les esprits par un certain nombre de mesures. Il faut pouvoir anticiper
plutôt que de se laisser dicter des choix dans la précipitation et sous la pression des évènements.

Le système éducatif au Maroc a besoin d’un choc salutaire. La charte de l’enseignement a balisé le terrain.
L’expérience a montré depuis que le plus dur est de rompre avec des pratiques, des réflexes et des dogmes
incompatibles avec une bonne mise en œuvre de cette charte. C’est à un véritable « reformatage » des
enseignants qu’il faut procéder. Comment ?
– Par la priorité absolue à la formation continue. Le MEN ne lui consacre pas plus de 20 millions Dh, soit
une part quasi-nulle du budget du secteur (0,08 % de la masse salariale) ;
– Au besoin, en faisant un appel massif à de véritables instructeurs pédagogues de pays amis, le temps de
rompre le cercle vicieux de la dégradation de la qualité ;

Ces préoccupations ne sont cependant guère relayées par la classe politique qui, tant par la sensibilité du
sujet, par sa frilosité sur cette question (et bien d’autres relatives à l’éducation), que par le populisme d’une
partie de ses composantes, l’évoque rarement en public. Elle ne semble pas souhaiter en débattre. Une ana-
lyse des questions orales au parlement consacrées au secteur de l’éducation montrerait que les inter-
pellations du gouvernement relatives à la qualité de l’enseignement sont très rares sinon inexistantes. Cela
signifie que la qualité de l’enseignement, aux yeux des représentants de la nation, sont secondaires par rap-
port aux questions de rémunération du corps enseignant, d’accessibilité à l’école...
Le plus dur est de pouvoir se départir des intérêts catégoriels, de convaincre les syndicats des enseignants
que leur engagement dans la bataille de la qualité est fondamental. D’excellentes occasions d’associer l’amé-
lioration des rémunérations des enseignants au degré de cet engagement ont été perdues ; une première
fois lors de l’augmentation substantielle des salaires au début de cette décennie ; une seconde fois, lors de
l’adoption du statut des enseignants quand les syndicats ont refusé d’associer la promotion des enseignants
à la réussite aux épreuves de la formation continue. Le moins qu’on puisse dire est que le gouvernement et
les ministres responsables du secteur ont manqué de clairvoyance et d’audace, nourrissant le sentiment
d’un énorme gâchis et d’occasions manquées qui caractérisent à ce jour l’enseignement depuis l’indépen-
dance du pays.
Avec la loi 2000, la vision prospective de l’enseignement supérieur se pose de manière tout à fait nouvelle
par rapport au passé. On savait que la loi de 1975, dès sa promulgation, constituait une entrave, limitait les
initiatives, figeait les structures ; toute perspective de modernisation était suspendue au changement de
cette loi qui n’a pu être modifiée qu’un quart de siècle après. Aujourd’hui, on sait que la loi 2000 libère les
énergies, incite à l’innovation... Cette loi permet une formidable capacité d’initiative et d’adaptation de l’uni-
versité à son environnement. Le contexte institutionnel est donc radicalement différent.
Tout le monde convient que, pour les années à venir, la priorité est à la mise en œuvre de la réforme et,
surtout, à la mise en place d’un organe d’évaluation. Tout le monde convient qu’autonomie, responsabilisa-
tion et évaluation sont les ingrédients indissociables à tout projet de modernisation de l’enseignement supé-
rieur. Dans ce contexte, un exercice de prospective doit, avant tout : i) anticiper les moments où cette loi
peut devenir une entrave à la modernisation et à l’adaptation ; ii) faire prendre conscience de l’importance
d’une ingénierie de l’innovation (au sein et entre les universités).

193
On a vu que cette loi constitue déjà une entrave pour certains aspects tels que la gestion des ressources
humaines, notamment la politique de rémunération et les procédures budgétaires inappropriées pour ce type
d’établissement.

Les évolutions prévisibles du secteur dépendent de trois principales catégories d’acteurs :


– les étudiants : la grande inconnue est la capacité de la réforme du primaire et du secondaire à améliorer
la qualité ;
– le corps enseignant dont la grande crainte est qu’il subisse, par capillarité, le même sort que celui du pri-
maire et du secondaire ;
– le leadership à la tête des établissements ;

Dans ce contexte, le visage probable de l’enseignement supérieur dépendra essentiellement de son lea-
dership. De ce fait, il faut s’attendre à des évolutions différenciées entre universités et au sein des universi-
tés, entre facultés et entre filières. L’excellence va côtoyer la médiocrité.

Liste des références bibliographiques citées dans le texte

Annuaires statistiques de l’UNESCO


Annuaires statistiques du Maroc
Borgognon (V.) et cts d’après les données de l’Annuaire statistique de l’UNESCO 1994 et de Eurostats ;
no 67, juillet-août 1994, de la revue Migrations Études sous le titre « Les étudiants étrangers en France, tra-
jectoires et devenir » ; http ://www.adri.fr
Boukous (Ahmed), « Les langues dans le système éducatif marocain », COSEF 1999
Cavaglieri (P.), Histoire de l’enseignement français au Maroc, http.//www.lyceefr.org/histoire.htm
Coulon (Alain) et Paivandi (Saeed) « Les étudiants étrangers en France : l’état des savoirs », Université Paris
VIII, Centre de recherche sur l’enseignement supérieur,
mars 2003
Granguillaume (Gilbert) : l’arabisation au Maghreb et au Machrek. Des solidarités anciennes aux réalités nou-
velles. Cahiers du GIS « Sciences humaines sur l’aire méditerranéenne », Cahier No 6, CNRS, Institut de
Recherches Méditerranéennes, Université de Provence, 1984, p.151-157
Lhafi (N.), Abbad (M.), El Ghardef (A.), El Belghiti Alaoui (A.), El Magzari (M) « L’amélioration de la qualité de
l’enseignement : Réhabiliter l’école » ; in Contribution du réseau d’experts nationaux sur la situation
actuelle et les voies de rénovation de l’éducation et la formation, T II, COSEF, août 2000,
Merrouni (Mekki), « Le collège musulman de Fès (1914 à 1956) » Université de Montréal ; Faculté des
sciences de l’éducation ; 1983
Ministère de l’Éducation Nationale, « Journées d’étude sur les ressources humaines dans l’enseignement
supérieur à l’horizon 2020 », Fès, 20 et 21 avril 2004
Ministère de l’Éducation Nationale, « Note relative au plan quinquennal 1960-64 présentée par la commission
de l’éducation et de la culture » ; Rabat, 1960, 7 p ; archives du Centre National de Documentation.
Ministère de l’Éducation Nationale, « Rapport de synthèse sur les problèmes de scolarisation des enfants
marocains, et sur les solutions proposées par la division de l’enseignement primaire dans le cadre du plan
quinquennal 1960 1964 » ; Rabat ; septembre 1959 ; 25 p ; archives du Centre National de Documentation.
Ministère de l’enseignement supérieur ; « Note de stratégie pour l’enseignement
supérieur » ; Banque mondiale, juin 2003

194
PIRLS (Progress in international Reading Literacy Study) : 2001
TIMMS (Trends in International Math and Science Study) 1999 ;
Unesco et Unicef, « évaluation nationale des aptitudes des élèves à lire et à compter, 2001 »
Vermeren (Pierre), « École, élite et pouvoir au Maghreb » ; Ed Alizés, Casablanca 2002
Vermeren (Pierre), « l’enseignement du français au Maroc : de Lyautey à nos jours (2001) » http ://
www.lyceefr.org/vermeren.htm

Liste des abréviations

BEPC : Certificat d’Études Secondaires


CAES : Certificat d’Aptitude aux Études Supérieures
CM1 : Cours Moyen 1re année
CP : Cours Préparatoire
CPR : Centre Pédagogique Régional
DEA : Diplôme d’Études Approfondies
EMI : École Mohamedia des Ingénieurs
ENA : École Normale d’Administration
ENS : École Normale Supérieure
IHEM : Institut des Hautes Études Marocaines
INSEA : Institut National de Statistique et d’Economie Appliquée
QCM : Questions à Choix Multiple
TD : Travaux Dirigés
TRA : Taux de Rendement Apparent

195
L’évaluation : le parent pauvre
de l’enseignement supérieur

Introduction ............................................................................................................199
1. Retrospective (1955 - 2005) ...............................................................................200
1.1. Examen de l’évolution de l’enseignement supérieur ............................201
1.1.1. Politiques suivies .............................................................................201
1.2. Évaluation des Moyens de mise en œuvre mobilisés ...........................206
1.2.1. L’évaluation des infrastructures, de l’offre
et de la demande ............................................................................206
1.2.2. L’évaluation des étudiants et l’orientation universitaire ...........211
1.2.3. L’évaluation des enseignants : la gestion des ressources
humaines ..........................................................................................214
1.2.4. L’évaluation institutionnelle : la gouvernance .............................216
1.2.5. L’évaluation de la pertinence des programmes :
l’employabilité des diplômés .........................................................219
1.2.6. L’évaluation du coût et la gratuité .................................................221
1.3. Présentation et analyse des principaux résultats ................................224
2. La vision prospective .........................................................................................227
2.1. La réforme : la Loi 01/00 ..............................................................................228
2.2. Les grandes tendances ..............................................................................228
2.3. Perspectives 2005-2025 ..............................................................................230

Conclusion ...............................................................................................................232
Principaux documents consultés ........................................................................233
Annexe ... .................................................................................................................235

AZIZA CHBANI HMAMOUCHI

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Introduction

Objet
Le travail demandé a pour objet d’évaluer, avec suffisamment de recul et de profondeur, l’évolution du sys-
tème marocain de l’enseignement supérieur durant la période 1955-2005 et d’en esquisser les perspectives
à l’horizon 2025. Il est réalisé à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de notre pays qui
sera célébré le 18 novembre 2005.

Objectifs
Il s’agit
(i) d’identifier, d’une part, les avancées réalisées par rapport aux objectifs assignés aux programmes et
plans nationaux de l’enseignement supérieur qui se sont succédé depuis l’indépendance à ce jour et, d’autre
part, les difficultés et les contraintes ayant entravé la pleine réalisation de ces objectifs ;
(ii) d’envisager des scénarios alternatifs de croissance du système d’éducation et de formation pour un
développement humain durable à l’horizon 2025.
L’élaboration, de ce document a été réalisée à partir de ces objectifs et des termes de référence qui les
accompagnent.
L’enseignement supérieur devra accompagner le pays dans sa modernisation et son développement. Il
devra permettre de former des personnes autonomes et polyvalentes capables de s’insérer dans la vie active
et d’anticiper les besoins du pays en expertise intellectuelle et technologique (cf. encadrés 1 et 2) 1.
Afin de donner un fil directeur à ce document, nous l’avons approché selon une démarche évaluative en
considérant l’humain en tant que pivot du développement. Et en considérant l’évaluation comme élément
incontournable de la prise de décision.

Encadré 1

« La seconde moitié de ce siècle restera dans les mémoires la période de l’histoire de l’enseignement où celui-ci aura
connu la plus spectaculaire expansion : les effectifs à l’échelle mondiale ont en effet plus que sextuplé, passant de 13
millions d’étudiants en 1960 à 82 millions en 1995. Mais c’est aussi la période où l’on aura vu s’élargir encore, bien qu’il
fût déjà immense, le fossé entre pays industriellement développés et pays en développement – en particulier les
pays les moins avancés – en ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur et à la recherche et les ressources
qui leur sont consacrées. »

1. Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle : vision et actions adoptées par la Conférence mondiale sur l’ensei-
gnement supérieur. L’enseignement supérieur au XXIe siècle : vision et actions 9 octobre 1998.

199
Dans le document 1 cité en bas de page, nous trouvons les définitions suivantes :
– La rétrospective concerne la collecte et l’analyse des faits passés, surtout pour déterminer les forces et
les faiblesses, décider de la fin, de la poursuite ou de l’inflexion d’une action, vérifier si les missions et/ou
objectifs sont atteints, comprendre pourquoi telle chose est un succès ou telle autre chose est un échec...
– La prospective est, en quelques sorte un pari sur l’avenir. Elle doit dégager des scénarios et des grandes
lignes d’évolution pour mieux définir les besoins et en améliorer l’allocation (définition de priorités par
exemple).

C’est dans ce contexte que se situe ce rapport. Il s’agira d’évaluer les moyens et les procédures mis en
place pour gérer les structures, les hommes et les programmes.
Mesurer les progrès réalisés dans le domaine du développement humain constitue un important défi. Dans
le discours du 20 Août 2004, Sa Majesté le Roi a souligné que le potentiel humain d’un pays, lorsqu’il est mis
à profit, constitue l’une de ses principales richesses. Cette constatation a été confirmée dans son dernier dis-
cours du 18 mai 2005 avec l’initiative nationale de développement humain INDH.

Encadré 2

« L’enseignement supérieur est partout confronté à des défis et des difficultés considérables concernant son finan-
cement, l’égalité dans les conditions d’accès et le cours des études, la promotion du perfectionnement du personnel, la
formation fondée sur les compétences, l’amélioration et la préservation de la qualité de l’enseignement, la recherche et
les services, la pertinence des programmes, l’employabilité des diplômés, l’établissement d’accords de coopération
efficaces et la possibilité d’accéder équitablement aux bienfaits de la coopération internationale. Dans le même temps,
l’enseignement supérieur doit relever le défi des nouvelles technologies qui améliorent la manière dont les connais-
sances peuvent être produites, gérées, diffusées et contrôlées et dont on peut y accéder. Un accès équitable à ces
technologies devrait être assuré à tous les niveaux des systèmes éducatifs. »..;
« Sans établissements d’enseignement supérieur et de recherche adéquats, permettant de constituer une masse cri-
tique d’individus qualifiés et éduqués, aucun pays ne peut assurer un authentique développement endogène et durable
et les pays en développement et les pays les moins avancés, en particulier, ne peuvent espérer réduire l’écart qui les
sépare des pays industriellement développés. »

1. Rétrospective (1955-2005)

Cette partie étudiera les aspects soulignés dans l’encadré 2.


Le Maroc, a connu un développement très important depuis l’indépendance, même s’il aurait pu aller plus
vite. Que de chemin parcouru, mais encore ! ! La définition du profil du marocain qu’il faudrait former est
encore floue dans les réformes.
Quelles valeurs ce profil devrait-il avoir ? Quelles attitudes, quelles compétences, quels savoir-faire, quels
savoir être, et quels savoir agir, doit-on intégrer dans ce profil ?

1. États généraux de la recherche et de l’enseignement supérieur : Évaluer l’administration de la recherche et les politiques de recherche mis
en ligne le 11 mai 2004 par Florent Aubry (cf. annexe).

200
1.1. Examen de l’évolution de l’enseignement supérieur

Le ministère de l’enseignement supérieur est le ministère chargé principalement et statutairement de la


mission de générer et de communiquer les savoirs qui s’élaborent au jour le jour, pour répondre aux ques-
tionnements et aux besoins de l’humanité. Ses établissements fournissent le personnel qui dirige et admi-
nistre les institutions clefs de la société : fonction publique, grandes entreprises et organisations. Ils jouent
un rôle déterminant dans la production des nouveaux savoirs, qui sont l’apanage des sociétés contempo-
raines.
Le Maroc n’a connu l’enseignement supérieur sous sa forme moderne qu’avec l’avènement du Protectorat
(création en 1914 de l’école supérieure de la langue arabe et des dialectes, en 1921 de l’institut des hautes
études marocaines et du centre des études juridiques, en 1940 du Centre des études supérieures scienti-
fiques à Rabat et en 1944 création de l’Institut Supérieur de l’enseignement originel à Tétouan).
Pendant le Protectorat, malgré le faible nombre des étudiants, plusieurs centres de culture ont vu le jour.
Ils dépendaient de la seule université existante Al Quarawiyine de Fès, les autres centres se trouvant à Mar-
rakech, Tétouan et Taroudant.
Pendant cette période, le système d’enseignement était élitiste, et faisait du français la langue véhiculaire
du savoir. En 1956, le système éducatif marocain se caractérisait par la « coexistence » de cinq appareils
éducatifs : le système traditionnel, le système français transféré, le système espagnol, le système israélite et
les écoles privées. Face à cette situation Mohammed El Fassi, alors ministre de l’enseignement, déclarait
que l’arabe devrait être la langue d’enseignement à partir d’octobre 1956.

Une commission a été chargée en juin 1957 de réviser les programmes afin d’améliorer l’enseignement.
Ses principales recommandations étaient :
– La généralisation de l’enseignement,
– l’unification,
– l’arabisation et
– la marocanisation des cadres,

Ce qui a constitué dès lors les finalités de l’éducation au Maroc.

1.1.1. Politiques suivies


Le tableau no 1 donne la liste des différents ministres qui ont pris en charge l’enseignement supérieur.
L’analyse de la couleur politique de chaque ministre permet de comprendre pourquoi certaines décisions ont
été prises (ou n’ont pas été prises). Bien que ces décisions aient permis d’améliorer certains aspects éduca-
tifs ; d’autres, par contre n’ont pas été couronnées de succès et le retour en arrière a laissé beaucoup de
dégâts ou n’a pas été possible.

201
Tableau no 1 : Liste des ministres, secrétaires d’État chargés de l’enseignement supérieur

MINISTRE S/S OU SEC. D’ÉTAT DATES


M. Mohamed EL FASSI DU 07/12/55 AU 25/10/56
M. Omar BEN ABDELJALIL DU 12/05/58 AU 16/12/58
M. Abdelkrim BENJELLOUN M. Mohamed TAHIRI DU 03/07/58 AU 02/06/61
Formation des cadres et enseigne-
ment technique
M. Abdelkrim BENJELLOUN DU 24/12/58 AU 02/06/61
M. Rachid MOULINE DU 02/06/61 AU 15/06/61
M. Youssef BEN ABBÈS DU 15/06/61 Au 08/06/65
M. Mohamed TADILI DU 20/08/64 AU 25/04/66
Formation des cadres et enseigne-
ment technique
M. Mohamed BENHIMA DU 08/06/65 AU 13/05/67
M. Nacer El FASSI DU 01/01/66 AU 06/07/67
M. Abdelhadi BOUTALEB DU 13/05/67 AU 17/06/68
M. Mohamed Haddou ECHIGUER Primaire DU 17/06/68 AU 20/11/72
Tout l’enseignement DU 20/11/72 AU 11/05/73
M. Kacem ZHIRI DU 17/06/68 AU 07/02/69
M. Abdellatif FILALI DU 17/06/68 AU 07/08/69
M. Ahmed Réda GUEDIRA DU 07/08/69 AU 21/02/70
M. Mohamed B. Ali CHAFIK DU 26/02/70 AU 04/08/71
Chargé de l’enseignement supé- DU 06/08/71 AU 05/04/72
rieur auprès du Ier ministre
M. Mamoun TAHIRI DU 26/02/70 AU 04/08/71
M. Ahmed LASKI DU 06/08/71 AU 05/04/72
M. Habib EL FIHRI DU 12/04/72 AU 20/11/72
M. Mohamed BOUAMOUD M. Abdelkrim HALIM DU 20/11/72 AU 25/04/74
Chargé de l’enseignement supé-
rieur
M. Dey Ould Sidi BABA DU 11/05/73 AU 25/04/74
M. Abdellatif BENABDEJLIL Ministre de l’enseignement supé- DU 25/04/74 AU 10/10/77
rieur
M. Azzedine LARAKI DU 10/10/77 AU 05/11/81
DU 05/11/81 AU 30/09/86
M. Saïd BELBACHIR DU 10/10/77 AU30/11/83
Chargé de l’enseignement supé-
rieur
M. Abdelhak TAZI DU 10/10/77 AU 05/11/81
Formation des cadres
M. Mohamed HILALI DU 30/09/86 AU 16/11/88
M. Taïb CHKILI DU 16/11/88 AU 11/11/93

202
M. Mohamed KNIDIRI DU 11/11/93 AU 07/06/94
DU 07/06/94 AU 07/02/95
M. Driss KHALIL Ministre de l’enseignement supé-
rieur et de la recherche scientifique Du 08/02/95 AU 13/3/98
M. Najib ZEROUALI Omar Fassi EL FIHRI Du 14/03/98 A Octobre 2002
Ministre de l’enseignement supé- Chargé de la recherche scienti-
rieur et de la recherche scientifique fique
et de la formation des cadres
M. Khalid ALIOUA Omar Fassi EL FIHRI De Octobre 2002 A Mars 2004
Ministre de l’enseignement supé- Chargé de la recherche scienti-
rieur et de la recherche scientifique fique
et de la formation des cadres
M. El Habib EL MALKI Actuellement

La généralisation, l’unification et la marocanisation


– La généralisation de l’accès à l’enseignement, objectif principal à moyen et long termes, devait per-
mettre à tous les enfants d’âge scolaire de trouver une place au sein d’une école nationale unifiée et gra-
tuite. Cette finalité de « droit à l’éducation pour tous les enfants d’age scolaire » est stipulée à travers les
différentes Constitutions depuis l’indépendance. Cependant, l’échéance pour atteindre cette finalité
recule d’année en année. En effet elle devait être atteinte à partir de l’an 2000 au plus tard, la charte pré-
voyait l’an 2002, aujourd’hui nous parlons de l’an 2006. Cette finalité conduit à des valeurs relatives à la
« modernisation » et à la « démocratisation » de l’enseignement qui déterminent le changement dans la
reproduction du savoir individuellement et collectivement ; et donc un changement au niveau du sys-
tème d’éducation et de la formation du corps des enseignants. Soulignons que le taux d’analphabètes
dans notre pays est très élevé. En effet, environ 50 % des marocains âgés de plus de dix ans sont anal-
phabètes dont plus de 60 % pour le sexe féminin ;
– L’unification est un principe qui devait faire face aux systèmes hérités de la culture locale et de la France
et qui n’avaient aucun lien entre eux. L’enseignement public moderne s’est imposé alors comme le sys-
tème officiel dans le Maroc indépendant. Il offrait une structure avec des finalités éducatives et des pro-
grammes précis. En 1989, ce type d’enseignement regroupait 95 % des effectifs scolaires.
L’enseignement privé, l’enseignement de « type » français, de type américain et de type espagnol se
développent de plus en plus surtout, dans les grandes villes du Royaume. Une révision des programmes
et des manuels a été entreprise, pour les rendre conformes aux données de l’identité marocaine et
musulmane, tout en restant, ouverts sur les autres cultures. Cette finalité d’avoir une seule école maro-
caine a été complètement dépassée aujourd’hui puisque l’État encourage la création d’écoles privées et
la mise en place des écoles « espagnoles », « françaises », « américaines ». La Charte prévoit d’encoura-
ger le système d’enseignement privé ;
– La marocanisation du personnel enseignant est la principale valeur idéologique qui a été poursuivie sans
se heurter à des pressions d’un côté ou d’un autre. Cette finalité est considérée comme un moyen per-
mettant d’atteindre les autres finalités. Elle a d’ailleurs été atteinte en ce qui concerne l’enseignement
primaire, secondaire et supérieur. L’une des étapes les plus importantes de l’arabisation de l’enseigne-
ment secondaire, a eu lieu suite aux recommandations du colloque d’Ifrane (1970). Ces recom-
mandations ont rendu prioritaire la marocanisation des cadres de l’enseignement comme finalité
prioritaire (création des centres pédagogiques régionaux CPR), et ont instauré l’arabisation de l’histoire,
de la géographie et de la philosophie (1974). La marocanisation des cadres de l’enseignement du second
cycle du secondaire a été entamé en 1980, plusieurs écoles normales supérieures (ENS) ont été créées :

203
« Le plan 1978-1980 préconise le renforcement des réseaux E.R.I et des C.P.R, la création des huit E.N.S
et l’instauration de la promotion interne au primaire et au secondaire. Pour le supérieur, un programme de
formation des formateurs sur place est prévu » (Merrouni, 1993, p. 90).

Le processus de l’arabisation et le maintien de la langue française dans l’enseignement


supérieur scientifique
La finalité « arabisation » est tellement importante et problématique que nous lui avons consacré toute une
partie de ce document. L’étude de l’enseignement supérieur ne peut se détacher complètement de l’ensei-
gnement secondaire et de son « output » (l’élève). L’enseignement supérieur – sans pour autant perdre de
vue ses objectifs, ses pratiques – est affecté par les diverses réformes effectuées au cycle secondaire, aux-
quelles il doit souvent s’adapter. L’enseignement supérieur est-il au courant de ce qu’apprennent les bache-
liers et comment ?
Depuis plusieurs années, le choix de la langue d’enseignement au Maroc constitue le centre d’un débat
politique et culturel permanent en raison de son impact sur le devenir individuel et collectif dans divers
domaines (El Jabri 1989, Ghallab 1989, les différentes journées d’études nationales 1986 et 1989...). Cet
intérêt et cet engagement découlent de la conviction que le potentiel humain constitue une richesse essen-
tielle. Cependant, Il n’y a pas eu à ce jour et à notre connaissance, un modèle d’arabisation dans les autres
pays arabes qui soit satisfaisant et global. La médecine par exemple est toujours enseignée en anglais en
Égypte.
Le problème qui se pose est que l’arabisation, selon ses adeptes, constituerait un moyen de lier l’ensei-
gnement à la vie courante et permettrait un épanouissement harmonieux de l’élève. Or l’arabe dialectal et
l’arabe classique sont différents. Néanmoins, de l’avis de la majorité des enseignants qui enseignaient les
matières scientifiques en français et qui les enseignent aujourd’hui en arabe, les apprenants comprennent
beaucoup mieux en arabe qu’en français. L’arabisation vise la réhabilitation de la langue arabe en tant que
langue officielle de communication aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école. Le français serait alors
enseigné comme « seconde langue » ayant une place privilégiée parmi les autres langues étrangères (l’espa-
gnol et l’anglais en particulier). L’arabisation est, donc, une finalité de notre système éducatif depuis l’indé-
pendance. Les ministres de l’éducation nationale qui se sont succédé depuis l’indépendance ont eu des
approches différentes par rapport au problème de l’arabisation. on a même assisté à des décisions et des
contre-décisions. En effet, en 1958 le ministre Omar Ben Abdeljalil, estimant que le niveau des élèves en
1re année primaire est faible, leur fait redoubler une année scolaire et revient ainsi sur la décision d’arabisation
entamée par son prédécesseur. Abdelkrim Benjelloun était nommé ministre de l’éducation nationale, en
décembre 1958, il déclarait alors que « nous partons du principe que l’enseignement doit être dispensé en
langue arabe ».
Au cours du plan (1964-1966), l’arabisation des mathématiques a été entamée dans le 1er cycle primaire
pour être abandonnée par la suite. Au cycle secondaire, par contre, et malgré la recommandation du colloque
de Maâmora (1964) d’arabiser progressivement le secondaire, aucune tentative n’a été faite. Par ailleurs, au
cours du conseil ministériel du 30 novembre 1978, des directives royales ont été données pour que la langue
officielle de l’enseignement redevienne l’arabe. Le processus d’arabisation devient irréversible. 1
Aussi, l’arabisation de l’enseignement des matières scientifiques, a été considérée comme une étape
naturelle après l’arabisation d’autres matières comme l’histoire et la géographie. Elle a été réalisée après plu-

1. Aziza Chbani, « L’évaluation pédagogique et le succès scolaire », novembre 2002.

204
sieurs tentatives d’arabisation de certaines matières et surtout pour essayer d’atteindre l’une des finalités de
notre enseignement. Le plan décennal d’arabisation des matières scientifiques entamé en octobre 1981
s’est achevé en 1989-90.
En septembre 1990, les premiers bacheliers ayant étudié toutes les matières scientifiques en arabe accé-
dèrent à l’enseignement supérieur. Ni les recommandations, ni les nouvelles dispositions prises pour l’amé-
lioration et la promotion de la langue française n’ont pu apporter de remède à la baisse de niveau témoignée
par les élèves. Le fait de changer les programmes de l’enseignement du français sans préciser les objectifs
et les rendre opérationnels n’a pas résolu le problème.
On reproche souvent à la langue arabe de ne pas être très scientifique, Il est patent que c’est le savant/
technicien qui fait la scientificité/technicité d’une langue et non pas l’inverse. De plus, nous remarquons que
plusieurs bacheliers marocains ont poursuivi ou poursuivent leurs études à l’étranger dans une langue dif-
férente du français ou de l’arabe (allemand, russe, espagnol, roumain, polonais...). Il suffit généralement
d’une année de formation dans la langue du pays pour permettre à ces étudiants de poursuivre leurs études
supérieures dans cette langue. Il est intéressant de savoir comment se déroule le transfert de leurs appren-
tissages du secondaire en arabe (aujourd’hui et en français avant) à une autre langue au supérieur. Il faut
noter aussi que ces étudiants sont motivés ; ce qui favorise leur réussite.

Encadré 3

859 Création de l’université Al Quarawiyine.


1955 Mohamed El Fassi considère l’arabe comme langue de base de l’enseignement à partir d’octobre 1956, ce
programme a échoué.
1958 Le ministre Ben Abdeljalil fait redoubler une année scolaire et revient ainsi sur la procédure d’arabisation
entamée par son prédécesseur.
1960 Rencontre de Maâmora : adoption du bilinguisme.
1964 2e rencontre de Maamora.
Au cours du plan (1964-1966), l’arabisation des mathématiques a été entamée au primaire pour être aban-
donnée par la suite.
1970 1er colloque d’Ifrane.
1974 Arabisation de l’histoire, de la géographie et de la philosophie.
1978 Par ailleurs, et au cours du conseil ministériel du 30 novembre 1978, des directives royales ont été don-
nées pour que la langue officielle soit l’arabe.
1980 La marocanisation des cadres de l’enseignement du second cycle du secondaire.
1981 L’année 1981 marque le processus d’arabisation des matières scientifiques.
1990 En septembre 1990 les premiers bacheliers ayant suivi toutes les matières scientifiques en arabe accé-
dèrent au supérieur.

En effet, pour poursuivre des études aux USA, il est nécessaire d’atteindre le seuil de réussite à l’examen
« TOEFL » (Test of English as a Foreign Language). Cet examen est considéré comme le niveau minimum à
acquérir avant l’accès à l’université.
Comme les Américains, les Français ont développé plusieurs diplômes dont les plus importants sont le
DELF (Diplôme d’études en langue française 1er et second degré) et le DALF (diplôme approfondi de langue
française). Le DELF comprend 6 unités et le DALF 4 unités. En général, la passation d’une unité correspond à
une centaine d’heures d’apprentissage du français. Les autres diplômes ne dépassent, pas pour le plus haut
degré, 900 heures (Diplôme des hautes études françaises DHEF).
L’étudiant marocain, avant d’accéder au supérieur, doit posséder un niveau en français qui lui permet de
poursuivre ses études dans ce cycle sans problème. Or, si nous analysons la situation uniquement du point

205
de vue du volume horaire, nous constatons que celui réalisé par l’élève marocain dépasse tous les volumes
horaires préconisés pour n’importe quel diplôme. Ce qui est, à notre avis, paradoxal. Notons que le niveau
d’acquisition susceptible de permettre à l’apprenant de poursuivre ses études en langue étrangère, est de
600 heures selon le CIEP. (Centre International des Études Pédagogiques). Quant à l’étudiant marocain, il
réalise un volume horaire d’environ 2000 h entre la troisième année primaire et la troisième année du cycle
secondaire. Les causes de ce dysfonctionnement peuvent être diverses, mais l’une des plus importantes,
sinon la plus importante à notre avis, sur le plan pédagogique est la façon dont on évalue les élèves au cycle
fondamental et au cycle secondaire. Néanmoins, on pourrait se demander s’il n’est pas possible que le
bachelier marocain atteigne le niveau souhaité par l’enseignement supérieur. Il ne semble qu’il n’y ait que
deux solutions ou bien d’arabiser l’enseignement supérieur, solution que je ne partage pas ou bien de s’assu-
rer des acquis en langue des étudiants avant leur accès à l’enseignement supérieur, ce qui est à mon avis est
plus souhaitable et facilement réalisable.
Or aujourd’hui, ce que nous constatons est que les étudiants accèdent à l’enseignement supérieur sans
maîtriser ni la langue arabe, ni la langue française.

1.2. Évaluation des moyens de mise en œuvre mobilisés

Au cours des travaux de la COSEF, un état des lieux a été réalisé. Bien que la réforme de l’enseignement
supérieur (qui découle d’ailleurs de ces travaux) entamée en 2000 avec ses lois et son application n’ait pas
encore été complètement appliquée, il nous a semblé opportun de prendre en considération les données
fournies dans les travaux de la COSEF que nous pourrions compléter et actualiser s’il y a lieu. Cette partie
sera réalisée, en prenant en considération un certain nombre d’indicateurs communément calculés pour ce
secteur.

1.2.1. L’évaluation des infrastructures, de l’offre et de la demande

Dans l’enseignement supérieur, le nombre d’étudiants est passé de 1819 en 1957 à 280 599 en 2003. Ce
nombre a été multiplié par plus de 150 (voir tableau 3). De prime à bord, cette croissance donne l’impression
qu’on est passé d’un enseignement supérieur « d’élite » à un enseignement supérieur de « masse » Or, pour
replacer cette augmentation des effectifs dans une juste perspective, il faudrait la rapporter à la population
d’âge scolaire correspondante (20-24 ans). Au Maroc seule environ 10 % de cette tranche d’âge y accèdent,
alors qu’en Jordanie, par exemple, ce taux est de 45 %. Aujourd’hui, il existe 15 universités au Maroc
(tableau 2).

Tableau no 2 : Répartition des universités selon les villes d’implantation

Villes Universités Date de création


Rabat Mohamed V Agdal 1959
Mohamed V Souissi 1992
Casablanca Hassan II Ain Chok 1975
Mohammadia Hassan II 1992

206
Fès Al Quarawiyine (création de la mosquée) 859
Sidi Mohamed Ben Abbdellah 1975
Marrakech Cadi Ayad 1978
er
Oujda Mohamed I 1978
Kénitra Ibn Tofail 1989
El Jadida Chouaib Doukkali 1989
Mekhnès Moulay Ismail 1978
Tétouan Abdelmalek Essaadi 1989
Agadir Ibn Zohr 1989
Ifrane Al Akhawaine 1993
er
Settat Hassan I 1997

Source : Maroc Universitaire 2001-2002, dates reconstituées

Il faut noter que les établissements créés, au départ, n’appartenaient pas toujours à une université, et cer-
tains ont changé d’université d’appartenance après les nouvelles créations. Le 21 Décembre 1957, fut inau-
guré le premier noyau d’une université moderne marocaine à Rabat : l’Université Mohamed V qui se
composait d’une faculté des lettres et sciences humaines, d’une faculté des sciences juridiques écono-
miques et sociales et d’une faculté des sciences mathématiques, physiques et naturelles. 13 % des éta-
blissements ont été crées avant 1962, 6 % entre 1974 et 1975, et 81 % de 1978 à 1995. Hormis les
établissements créés en 1975 et 1976, on constate qu’il y a eu une stagnation durant 16 années en matière
de création d’établissement. L’État a donc attendu l’accroissement vertigineux des effectifs des étudiants
pour décider toutes ces créations, ce qui a affecté la qualité des équipements (préfabriqué au sein des éta-
blissements par exemple) et a donné lieu à des déséquilibres tant au niveau des capacités d’accueil qu’à
celui de l’encadrement pédagogique.
Une évolution des effectifs de 1956 à nos jours selon le sexe, est présentée dans le tableau 3. Entre 1945
et 1955 on n’a délivré que 155 diplômes de bacheliers. 1 Nous remarquons que les effectifs n’ont cessé
d’augmenter ainsi que le nombre de filles étudiantes. En effet, leur pourcentage est passé de 13 % en 1961
à 46 % en 2004, alors que le nombre d’enseignantes par rapport aux nombres d’enseignants n’a pas connu la
même cadence, d’où l’intérêt d’étudier la répartition des diplômés selon le sexe qui est pour l’année 2003 de
45 % pour les filles. Cependant la proportion des diplômées filles par rapport aux diplômés garçons au
3e cycle n’est que de 35 %. D’autre part, et toujours en ce qui concerne les statistiques et selon M Aït El
Mahjoub :

« Les différents établissements universitaires offrent une capacité d’accueil de 244 400 places pour
249 253 étudiants en 1998-99, soit un taux d’utilisation de cette capacité d’accueil de 102 %. ...la capacité
d’accueil cache de très grandes disparités entre les différents domaines d’études et les différents établisse-
ments d’un même domaine. » 2

1. Jamil Salmi, Crise de l’Enseignement et reproduction sociale.


2. L’enseignement supérieur et la recherche scientifique au Maroc à la veille de la réforme par Lhoucine Aït El Mahjoub Contribution en tant
qu’expert national dans les travaux de la COSEF.

207
Tableau no 3 : Répartition selon l’année des bacheliers en étudiants universitaires par sexe
et répartition des enseignants par sexe

Année Nombre de Nombre total Dont nombre En % Nombre total Dont nombre
bacheliers d’étudiants d’étudiantes d’enseignants d’enseignantes
1948 139
1955
1956
1957 1819
1958 2061
1959 2215
1960 3218
1961 5117 677 13 %
1962 4780 675 14 % 172 34
1963 5230 707 13,5 % 312 27(9 %)
1964 5306 1020 19 % 352 32
1965 6251 1033 16,5 % 430 41
1966 6528 819 12,5 % 308 41
1967 7277 1053 14,5 % 366 24
1968 7776 1049 13,5 % 401 47
1969 10094 1451 14 % 439 29
1970 4779 11706 1878 16 % 435 60
1971 14808 2567 17 % 488 67
1972 15909 2768 17 % 549 88
1973 18752 3161 17 % 592 63
1974 20845 3983 19 % 645 70
1975 26724 5311 20 % 764 112
1976 35037 6825 19,5 % 991 138
1977 44995 9020 20 % 1161 170
1978 53296 11768 22 % 1425 207
1979 62188 15418 25 % 1508 239
1980 30131 74348 18435 25 % 2171 266
1981 32865 86844 21663 25 % 2122 335
1982 36575 96953 25304 26 % 2458 406
1983 45784 83115 23989 29 % 2919 488
1984 43313 105620 32949 31 % 3146 550
1985 41182 119920 41073 34 % 3454 609

208
1986 54535 143023 47952 33,5 % 3493 692
1987 41100 149273 50785 34 % 4199 801
1988 46300 169223 57869 34 % 4723 909
1989 49800 187611 67269 36 % 5184 1023
1990 51251 198054 73089 37 % 6187 1110 (18 %)
1991 59799 206725 6437
1992 67385 216873 6635
1993 59127 230081 7077
1994 68990 234946 7566
1995 66113 242053 8079
1996 63886 245950 8795
1997 68276 250763 9591
1998 71937 242929 105572 43 % 9841
1999 77859 249253 9867
2000 90362 250111 9876
2001 90227 261629 9903
2002 94549 266621 9938
2003 89409 280599 10069
2004 91079 277428 127354 46 % 10413 2540 (24 %)

« L’ensemble de ces établissements a accueilli, en 1998-99, près de 250000 étudiants dont 8500 dans les
écoles de formation des cadres non pédagogiques et 16500 dans les établissements de formation des
cadres pédagogiques avec 12 430 élèves instituteurs. » 1

Les structures d’accueil et d’encadrement ne paraissent pas suivre le rythme croissant de l’évolution du
nombre de bacheliers. En effet, l’expansion quantitative de la demande a été très rapide. Or l’offre, malgré
l’effort consenti ne suit pas. La détermination des besoins en locaux autres que d’enseignement n’obéit à
aucune règle précise. L’effectif des étudiants n’est pas le seul facteur déterminant comme dans le cas des
locaux d’enseignement, d’autres variables interviennent, en particulier les exigences des règles administra-
tives, le personnel, le corps enseignant et la nature de l’enseignement dispensé.

« Le taux de scolarisation est inférieur à 10 %. Le taux d’encadrement pédagogique et le taux d’utilisation


des locaux sont respectivement de 26,6 étudiants par enseignant et de 102 étudiants pour 100 places. Ces
taux augmentent (respectivement 35 et 134) si l’on exclut les établissements à accès sélectif qui disposent
d’une infrastructure largement suffisante, mais qui n’accueillent que 7,6 % des étudiants. Le nombre d’insti-
tution universitaires (14 universités et plus de 70 établissements universitaires), ...Dans la perspective de
promouvoir la décentralisation des services universitaires et l’intégration de l’université dans son environne-
ment socio-économique, un nouveau type d’établissements universitaires a vu le jour. ..Si bien que, dès la
moitié des années 80 et encore plus dans les années 90, 23 établissements ont été créés pour couvrir des
spécialités aussi diverses que l’enseignement technique, technologique et scientifique, les sciences d’ingé-
nieries, le commerce, la gestion, la médecine, la pharmacie et les facultés des sciences et des tech-
niques.... » 2
1. Idem.
2. Extraits de l’exposé de M. Najib Zerouali, ministre de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique,
le 13 avril 1999.

209
Même si le nombre d’étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur, augmente, le nombre d’inscrits
dans les institutions à caractère scientifique change peu. Notons, aussi, qu’un certain nombre de bacheliers
choisissent de s’inscrire dans les différents Instituts de Technologie Appliquée (ITA). Ils espèrent ainsi trou-
ver un emploi aisément. La période 1978-1985 est la période de la reproduction du modèle universitaire clas-
sique, pour élargir les capacités d’accueil et faire face à l’afflux des bacheliers et pour gérer la variable
démographique. Les pouvoirs publics ont assigné à l’université un simple prolongement de l’enseignement
secondaire. Il est aisé de constater qu’il n’y avait aucune politique de planification et de projet intégré pour le
secteur. Dans plusieurs cas, c’est l’offre qui détermine la demande ; la preuve en est la répartition géo-
graphique des établissements.
En général, la création d’un établissement stimule, sinon, provoque une demande pour le type d’enseigne-
ment que dispense cet établissement. Néanmoins, le problème se pose lorsqu’on implante un établissement
à accès limité dans une ville qui n’a pas d’autre offre (cas de Errachidia ou Safi par exemple) En plus, l’infras-
tructure est sous utilisée (cas de la cité universitaire d’Errachidia) Une telle offre engendre impérativement
un gaspillage des ressources. La délimitation des secteurs de recrutement se fait sans considération du côté
sociologique (les étudiants de Ouarzazate auraient préféré aller à Marrakech au lieu d’Agadir. Certains éta-
blissements sont implantés dans des sites inadéquats (faculté de lettres à Mekhnès près d’un aéroport mili-
taire où les bruits des avions nuisent au bon déroulement des cours...). Il semble opportun à ce stade-ci, de
décrire le système de l’enseignement supérieur qui est selon M. Aït El Mahjoub :

« Le système de l’enseignement supérieur au Maroc comprend :


– l’enseignement supérieur universitaire ;
– les écoles de formation des cadres ;
– l’enseignement supérieur privé.

a. L’enseignement supérieur universitaire


Ce système comprend 15 universités, qui sont des établissements publics dotés de la personnalité morale
et de l’autonomie budgétaire, réparties dans 17 centres universitaires et composées de 69 établissements
universitaires, 4 instituts de recherche et 25 cités et internats universitaires.

b. La formation des cadres


La deuxième composante de l’enseignement supérieur au Maroc est formée des établissements de for-
mation des cadres. Leur nombre est de 92 et se repartit en :
– 37 établissements de formation des cadres non pédagogiques dont 23 établissements à dominante
scientifique et technique et 14 établissements à dominante économique, juridique, administrative et
sociale ;
– 55 établissements de formation des cadres pédagogiques dont 32 établissements de formation des ins-
tituteurs....

c. L’enseignement supérieur privé


Il est formé de 79 établissements. » 1

Selon le document 3 sur la réforme pédagogique de l’enseignement supérieur (CAPESUR), il faudrait 138
enseignants pour 5 000 étudiants, et sachant que dans plusieurs facultés de droit il y a 5 000 étudiants nou-

1. L’enseignement supérieur et la recherche scientifique au Maroc à la veille de la réforme, par Lhoucine Aït El Mahjoub en tant qu’expert
national dans les travaux de la COSEF.

210
veaux inscrits, nous pouvons faire le calcul des besoins en enseignants à recruter et de comparer ces
besoins avec la loi de finances pour nous rendre compte de l’impossibilité de les satisfaire. Ce même docu-
ment préconise des TD pour 48 personnes et des TP pour 24. Ce n’est pas du tout ce qui a été appliqué cette
année (exemple de l’université de Fès).
Pour combler le déficit en enseignants, en Égypte les enseignants à la retraite peuvent être renommés à
temps partiel.
En ce qui concerne le taux d’encadrement et pour les pays de l’OCDE, comme le montre le tableau ci-
après :

Nombre d’étudiants par enseignant en équivalent temps plein en 2001

Suède 9,3
Japon 11,3
Allemagne 12,3
Pays-Bas 12,6
Espagne 13,4
États-Unis 13,7
Moyenne OCDE 16,5
Royaume-Uni 17,6
Belgique 18,1
France 18,1
Italie 22,4

Source : OCDE, Regards sur l’éducation – édition 2003

Pour le Maroc, il est de 26,6. Cependant, ce nombre est un leurre, vu la disparité qui existe d’un établisse-
ment à un autre et d’un domaine d’études à un autre.

1.2.2. L’évaluation des étudiants et l’orientation universitaire

Dans le contexte du nouveau régime du baccalauréat, la rigidité des programmes et la trop grande impor-
tance accordée aux examens obligent l’enseignant du secondaire à couvrir tout le programme. Le rythme
d’apprentissage des élèves et le degré de leur compréhension des notions étudiées semblent n’être pris en
considération qu’exceptionnellement. Dans les coulisses on se plaint toujours du faible niveau des élèves en
langue française, de plus on reproche aux étudiants de ne pas savoir prendre des notes, faire un rapport de
travaux pratiques, être autonome ou rédiger et communiquer convenablement. Leur a-t-on jamais appris à le
faire ?
L’évaluation des étudiants fait partie intégrante du processus de l’apprentissage, lorsque le professeur doit
attribuer, aux fins du dossier universitaire, une note déterminant le degré de réalisation des objectifs des pro-
grammes. La notation est-elle effectuée à partir de critères de performance ? Les critères doivent être trans-
parents et connus de ceux auxquels ils s’appliquent. Quels acquis possède un élève qui obtient son
baccalauréat ? De quels prés requis a besoin un étudiant dans le 1er cycle de l’enseignement supérieur ?

211
Les enseignants élaborent les sujets d’examen à partir de livres en changeant quelques données ou en
reprenant des anciens examens qu’ils révisent. Or, les exercices des livres ne sont pas élaborés, a priori,
dans un but d’être ou de faire partie d’un examen.
Le sujet d’examen doit être élaboré en fonction des objectifs des programmes – qui ne sont jamais formu-
lés explicitement – et en fonction d’un tableau de spécification qui permet de déterminer l’importance à
accorder à chacun des exercices et de ne rien oublier. Cette situation est inhérente en grande partie à l’insuf-
fisance d’une formation des enseignants en mesure et évaluation de tous les cycles confondus.
Dans l’enseignement supérieur, où les enseignants estiment que la clé de la réussite est la maîtrise du
savoir alors que la pédagogie et surtout l’évaluation est à la portée de tous. Il est certain qu’elle est à la por-
tée de tous moyennant une formation adéquate. Ce n’est pas en donnant des sujets d’examens trop diffi-
ciles qui fait de nous de « bons » professeurs. Ce n’est pas non plus, en donnant une épreuve trop facile –
quand le contexte ne s’y prête pas – pour que tout le monde soit content, que l’on défend les intérêts de
l’apprenant En fait, il faudrait savoir que la difficulté, la forme de la question, le temps, le barème, 1 etc.
doivent être établis selon des critères qui pourraient être justifiés (défendus) le cas échéant.
En 1997 M. Rachid Benmokhtar, alors ministre de l’éducation nationale, insistait sur la culture de l’évalua-
tion au sein de tout établissement :

« L’évaluation est une composante essentielle de l’enseignement, la culture d’évaluation devrait faire par-
tie du système éducatif » 2

La proposition de la Charte de mettre en place une agence d’évaluation semble être la meilleure solution
pour mesurer les écarts entre ce qui est et qui doit être de la manière la plus objective et la plus indépen-
dante possible. La mission de l’organe d’évaluation est d’instaurer les conditions d’une saine compétition
entre les universités et de contribuer à l’évaluation continue du système.
En effet, selon le Levier 6 – Orientation éducative et professionnelle :

« 103. Il sera créé une agence nationale d’évaluation et d’orientation, dotée de l’autonomie technique,
financière et de gestion et de la personnalité morale. Cette agence est chargée notamment de :
– la recherche-développement en matière de sciences humaines, sociales et linguistique appliquées à
l’éducation, de docimologie et d’orientation éducative et professionnelle ;
– la supervision des conseillers d’orientation, puis des centres de conseil et d’orientation, et leur ali-
mentation régulière en données et instruments de travail ;
– l’établissement des normes d’évaluation et d’examen et la constitution de banques de tests et
d’épreuves normalisées, valides et fidèles, basées sur les objectifs et les contenus des programmes et
curricula officiels ;
– la préparation et la supervision des examens à caractère national (notamment ceux prévus au début de
l’article 96 ci-dessus) ;
– l’homogénéisation des épreuves des examens normalisés au niveau régional ;
– la proposition des modalités d’adhésion aux systèmes internationaux d’évaluation ;

1. Aziza Chbani, L’évaluation pédagogique et le succès scolaire, Imprimerie Fédala, 2002.


2. Prospective pédagogique, no 14, p. 10.

212
– l’élaboration d’un rapport annuel comprenant le bilan de ses activités et présentant les résultats de
l’année scolaire, accompagnés de leur évaluation et des leçons tirées. Ce rapport sera diffusé auprès de
toutes les instances concernées et de l’opinion publique ;
– le rapport annuel comprendra, également, l’évaluation des établissements et leur classement selon leurs
résultats atteints au cours de l’année. »

Ce qui a été souligné par M. Zerouali ancien ministre de l’enseignement supérieur qui avait indiqué que
concernant la création d’une agence d’évaluation et d’accréditation, les expériences internationales ont
démontré que l’évaluation régulière de la performance des établissements de l’enseignement supérieur leur
permettait de se remettre en question, de trouver des solutions aux problèmes posés et d’assurer leur conti-
nuité. Ce type d’évaluation est, d’habitude, réalisé par des instances indépendantes de l’administration de
ces établissements, le recours à ces structures étant la meilleure garantie de transparence et de qualité.
Dans ce cadre, nous proposons la mise sur pied d’une agence nationale pour l’évaluation et l’accréditation
des institutions de l’enseignement supérieur. Cette agence aura pour mission de mener des opérations
d’évaluation portant sur la qualité de l’enseignement dispensé et des méthodes pédagogiques en vigueur au
sein des établissements de l’enseignement supérieur public et privé. Elle aura également à se prononcer sur
le niveau des diplômes délivrés, si elle est sollicitée de le faire.
Pour cela, elle devra prendre en considération les normes universitaires nationales et internationales. Pour
les procédures d’homologation et d’équivalence des diplômes, il sera également fait recours à cette agence.

Par ailleurs, l’agence sera mise à contribution dans les opérations suivantes :
– Améliorer la qualité et l’efficacité des formations dispensées, de la recherche scientifique et de la ges-
tion administrative et financière ;
– Mettre en adéquation les systèmes au niveau des programmes scolaires et des normes pédagogiques,
ainsi qu’au niveau des critères et des procédures administratifs ;
– Adapter les cursus de formation et études de doctorat ;
– Mettre au point des paramètres objectifs relatifs à l’allocation des subventions » 1.

L’évaluation est un élément majeur dans l’orientation scolaire et universitaire. En effet, l’orientation se fait
surtout sur la base des notes scolaires. Or, ces notes sont souvent non valides et très peu objectives, étant
donné le type d’épreuves posé. Les examens ne portent en général que sur une partie du programme et
sont souvent formulés à l’aide de questions ouvertes. La construction des sujets d’examens est loin d’être
valide, et les notes ne reflètent pas les compétences des étudiants.
Le processus de l’orientation dans tous les systèmes d’enseignement et quelles que soient les structures
mises en place, est caractérisé par des moments où il s’agit de répartir, d’une certaine façon, la population
scolaire sur un ensemble bien déterminé de filières. Les élèves y sont amenés à décider entre des études de
durée et de contenus différents ; ce sont les paliers d’orientation. Dans notre système d’enseignement, tout
élève est censé passer au moins douze ans de sa vie à l’école avant d’accéder à l’enseignement supérieur.
Pendant ces douze années le processus d’orientation se résume généralement à deux brèves interventions
en 9ème année fondamentale et en 1ère année secondaire. L’élève est orienté selon ses notes, d’abord, et

1. Extraits de l’exposé de M. Najib Zerouali, ministre de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique,
le 13 avril 1999.

213
selon ses vœux, en second lieu. Mais, seuls 40 % de l’effectif des élèves de la 9ème année fondamentale
avaient le droit d’accéder au secondaire (livret sur l’orientation scolaire 1988). De plus, plusieurs études ont
démontré que beaucoup d’adultes en état d’échec ou de chômage estiment avoir été mal orientés (CNJA
1993). Or, « l’action de l’orientation est un moyen de lutte parmi d’autres, contre les trop nombreux échecs
scolaires au secondaire » (Huteau, 1988). Aujourd’hui ce quota est banni.
En Tunisie et en Algérie, l’admission des étudiants en première année de l’enseignement supérieur est
gérée au niveau central par une procédure informatisée qui affecte les étudiants à des filières en tenant
compte des résultats au baccalauréat. Ces systèmes d’admission centralisée sont en général rigides, mais
les critères utilisés et les modes de fonctionnement sont transparents. De plus en Tunisie, en vue d’une
amélioration qualitative des formations, un comité national d’évaluation a été instauré et ses membres nom-
més pour analyser les programmes universitaires. Il semble clair pour la majorité des pays que l’évaluation
est un élément clé du rendement interne et externe de l’enseignement supérieur.

1.2.3. L’évaluation des enseignants : la gestion des ressources humaines


La planification stratégique des ressources humaines consiste à intégrer le facteur humain dans le proces-
sus de planification et de rayonnement de l’université. La direction ou le leadership demeure une autre
composante importante de la gestion des ressources humaines. Le leadership se définit comme étant la
façon d’exercer une influence positive sur l’employé pour l’aider à développer son potentiel. Dans cette fonc-
tion de direction, la capacité de mobiliser les gens devient une dimension importante en vue de l’obtention
de résultats concluants. Le gestionnaire a la responsabilité de mettre en place des structures et des méca-
nismes qui permettront à l’employé de recevoir du « feedback » sur son travail et sur sa performance.
De l’avis de plusieurs spécialistes, le pivot de l’amélioration de l’enseignement supérieur est l’enseignant.
Cet enseignant qui devrait avoir une visibilité sur son plan de carrière reliée à son travail en tant que forma-
teur d’abord (cours, encadrement, évaluation des étudiants...) et en tant que chercheur, ensuite, pour finir
avec son implication dans l’institution et en dehors de l’institution pour le développement de ses compé-
tences et le rayonnement de l’institution. Aussi, l’enseignant devrait-il être motivé dans son travail. La moti-
vation et un climat de travail enrichissant pour l’enseignant font partie des stratégies que doit déployer le
responsable pour maximiser la contribution du personnel. L’un des critères d’attribution des directions d’éta-
blissements (doyens, directeurs, présidents d’université) devrait être la maîtrise des méthodes de motivation
des collaborateurs. Lorsque l’on fait la planification des ressources humaines, on touche également à
d’autres dimensions qui y sont reliées, plus précisément, des mécanismes et des stratégies qui assureront
une meilleure qualité de vie au travail. Les recherches ont démontré qu’une bonne qualité de vie au travail et
un climat organisationnel positif constituent d’excellentes sources de motivation pour les employés ; ce qui
les encourage à donner un bon rendement.
Pour sa part, Doghaim (1990) montre, combien il est important de former le personnel enseignant des uni-
versités et des instituts de l’enseignement supérieur pour lui permettre de mieux remplir ses tâches.
Aujourd’hui la formation des enseignants des établissements de l’enseignement supérieur, est prônée par
plusieurs pays (CEI, USA, Canada, Suisse,...), même si les approches restent différentes. Parmi les pays
arabes, l’Égypte, l’Irak et la Syrie ont adopté des programmes de formation des enseignants de l’enseigne-
ment supérieur. En revanche au Maroc, il n’y a pas de politique dans ce sens. Les enseignants chercheurs
sont recrutés en fonction de leurs diplômes.
Il n’existe pas de formation pédagogique structurée pour les enseignants. Dans les couloirs des établisse-
ments dispensant un enseignement scientifique, il n’est pas rare d’entendre que « la pédagogie est l’art
d’enseigner quand on n’a rien à dire ».

214
Peu de pays arabes ont mis en place des structures de formation pédagogique des enseignants du supé-
rieur 1. L’Égypte fait exception à cette règle. Déjà en 1976, une loi a été adoptée exigeant des nouveaux
enseignants de suivre des cours de psychologie avant de commencer leur carrière d’enseignant. Dans le
passé, les programmes existants étaient critiqués pour leur qualité médiocre, mais maintenant il semble que
cette initiation à la pédagogie universitaire soit appréciée par les jeunes enseignants. Un programme de six
semaines est organisé à l’Université du Caire.

Il propose les thèmes suivants :


– principes psychologiques de l’apprentissage des adultes,
– développement des cours et méthodes d’enseignement dans l’enseignement supérieur,
– création de supports et utilisation de médias et technologies pour l’enseignement supérieur,
– introduction dans des thèmes divers.

Au Maroc, il est souvent admis que dès qu’une personne obtient un doctorat de troisième cycle ou un
diplôme équivalent, elle peut prendre en charge un enseignement au niveau du supérieur ; alors que, pour
l’enseignement primaire et secondaire, les enseignants sont tenus de suivre une formation pédagogique.
Les enseignants du supérieur qui prennent en charge les bacheliers, ont eu pour seule initiation au métier,
l’information sur la charge de travail à assumer avec le « débrouille-toi et bonne chance ».
Plusieurs chercheurs ont insisté sur les qualités de l’enseignant comme élément déterminant du succès
ou de l’échec des étudiants. Comme le souligne M Belmokhtar « L’une des composantes essentielles du
système éducatif concerne les ressources humaines. L’enseignant est en quelque sorte le processeur. Nous
ne pourrons pas améliorer si cet acteur principal n’est pas conscient de sa mission, n’est pas motivé, n’est
pas bien formé et n’aime pas son métier » 2. L’évaluation semble une nécessité afin de valider et reconnaître
les diverses missions des enseignants chercheurs.
Concrètement c’est dans la grille des tâches qui sera retenue pour cette évaluation que l’on validera telle
ou telle mission. Les critères d’évaluation doivent évoluer tout au long de la carrière et ne sauraient être les
mêmes, par exemple, pour les recrutements de jeunes chercheurs ou pour gérer la carrière des chercheurs
confirmés.
Quel que soit le résultat de l’évaluation de l’efficacité du travail, il est important d’insister sur le fait que
l’évaluation doit avoir des conséquences, par exemple, en termes de carrière, sinon elle est inutile.

« Dans le débat autour de la nouvelle définition des tâches des enseignants chercheurs, une question déjà
ancienne – et jusqu’à présent éludée plus que discutée – revient avec insistance : celle de l’évaluation des
activités des enseignants chercheurs. Sans doute est-il maintenant temps d’ouvrir franchement le débat à ce
sujet. Dans le SNESup, nombreux sont ceux qui refusent qu’on touche aux libertés traditionnelles des univer-
sitaires et considèrent que toute forme d’évaluation porterait atteinte à celles-ci. Est-il bien certain qu’une
telle position soit tenable ? L’évaluation met-elle en péril la nécessaire liberté de l’activité intellectuelle? ». 3

Il convient, en particulier, de se méfier de l’application systématique des critères bibliométriques (liste des
publications, ou impact factor). Si ces éléments peuvent contribuer à enrichir le jugement, ils ne peuvent se

1. Bikas C. Sanyal, Innovations dans la gestion des universités, éditions UNESCO IIPE, 1997.
2. Rachid Belmokhtar, Prospective pédagogique, no 14, p. 10.
3. Tribune libre : enseignants-chercheurs : faut-il avoir peur de l’évaluation? mis en ligne le 5 mai 2004 par Bernard Dompnier.

215
substituer à une évaluation en profondeur, tant leur limites sont importantes (rigueur éditoriale aléatoire des
revues, effets de réseau, effets de mode, pression à la visibilité au détriment du travail de fond...).
L’aptitude à la transmission du savoir vers les élèves et/ou vers les doctorants, sous la forme d’enseigne-
ments collectifs (cours) ou de transmission plus individuelle (stages ou thèses) constitue un critère important
de l’évaluation scientifique. Il est nécessaire de les pondérer et de les articuler entre eux. Ces facteurs de
pondération doivent être bien connus des chercheurs et des équipes ; ce qui suppose une affirmation claire
de la politique de gestion de la recherche et du personnel de recherche.
Il est trivial de souligner que le poids prépondérant accordé à la recherche dans le mode d’évaluation actuel
des universitaires se fait au détriment de l’enseignement. En l’état actuel de l’organisation des carrières,
celui-ci occupe une place très basse dans la hiérarchie des tâches confiées aux enseignants chercheurs.
L’encadrement administratif et pédagogique des étudiants de 1er cycle est considéré comme un rôle ingrat
en raison du temps qu’il exige et du public, encore peu éveillé au raisonnement scientifique, avec lequel il
met en contact. À l’inverse, l’encadrement doctoral et l’implication dans un laboratoire sont tenus en grande
estime par les universitaires, parce qu’il s’agit d’investissements professionnels rentables. Cette hiérarchisa-
tion a des conséquences fâcheuses sur la manière dont les établissements universitaires s’organisent pour
s’acquitter d’une de leurs missions principales : transmettre des savoirs. Bien entendu, les premiers pénali-
sés par ce système sont ceux qui se sont investis dans de lourdes tâches d’encadrement pédagogique, et
ensuite ceux qui, en raison de l’idée qu’ils se font de leur métier, refusent de sacrifier les étudiants à leurs
travaux de recherche malgré la pression que fait peser sur eux la concurrence entre collègues.
À l’heure où l’on plaide pour l’élévation du niveau des connaissances des étudiants, la raison inciterait donc
à revoir l’organisation des carrières universitaires dans le sens d’une meilleure prise en compte des missions
d’enseignement, non seulement en leur accordant une place dans l’évaluation mais en portant une attention
particulière à la formation pédagogique des impétrants. L’évaluation des enseignants a pour objet d’apprécier
l’efficacité de l’enseignant et de faciliter le recrutement, la titularisation et les promotions. Les enseignants
d’une même discipline devront débattre des conditions, des modalités et des résultats de leur enseigne-
ment, un jugement qui répondrait à une grille d’analyse.
Dans l’enseignement supérieur, on évalue souvent les enseignants surtout à travers leurs activités de
recherche ; ce qui peut être erroné (injuste) d’une discipline à une autre ; on devrait l’élargir à la pédagogie et
à l’ensemble des activités de l’enseignant. Le Gouvernement du Mexique s’est efforcé d’orienter le système
universitaire en visant une meilleure régulation de son expansion, une évaluation institutionnelle, la création
de liens plus étroits avec le secteur productif et l’établissement de grilles différenciées de rémunération pour
les universitaires. Le Gouvernement a proposé à partir de 1993 un système national d’évaluation comportant
un examen par les pairs des institutions, des sous-systèmes et des programmes.

1.2.4. L’évaluation institutionnelle : la gouvernance

L’évaluation de la gouvernance requiert la connaissance du cadre juridique et réglementaire qui régit les
établissements. Étant donné les nouveaux organigrammes et les récentes lois, cette évaluation sera différée
à notre avis. Gérer les ressources, surtout en période de restriction, améliorer la qualité des formations, sti-
muler la recherche, favoriser l’intégration des étudiants à la vie de l’établissement, faire participer les person-
nels aux projets collectifs, savoir gérer les conflits, renforcer le rayonnement de l’institution, ce sont là
quelques-uns des grands domaines où se manifeste la bonne gouvernance. Le processus de déconcentra-
tion et de décentralisation progresse à grands pas par la désignation des présidents d’universités comme
ordonnateurs des budgets d’investissement alloués aux établissements. Dorénavant, il y aura de la micro pla-

216
nification au sens réel du terme puisque les extensions et les équipements seront gérés au niveau local. On
peut considérer, aujourd’hui, que les institutions d’enseignement supérieur sont généralement responsables
de leur sort. Une excessive centralisation entraîne des retards et est source d’inefficacité. La conception
autoritaire de la gestion et du contrôle décourage les initiatives.

Cependant, la décentralisation – les différentes expériences des autres pays en témoignent – ne réussit
que sous certaines conditions :
– Une administration centrale puissante et une administration dotée d’une forte volonté et un véritable
engagement politique ;
– Une grande capacité de gérer ;
– Un professionnalisme des acteurs locaux, de la distribution des tâches et du pouvoir politique ;
– Une bonne utilisation des outils de concertation, information et communication,

Pour être en mesure de lier performance et attribution des ressources, encore faut-il mesurer les efforts,
les résultats et les impacts des activités réalisées. Ceci démontre l’intérêt de se doter d’un dispositif per-
manent d’évaluation interne et externe qui permet de se situer, de détecter les faiblesses, de progresser,
d’évaluer les attentes des utilisateurs, les dysfonctionnements et le degré de maîtrise des processus.
Les universités sont appelées à pratiquer une gestion axée sur les résultats ou une planification straté-
gique. Car, comme toutes les organisations, les institutions d’enseignement supérieur ont besoin de coordi-
nation et de capacité d’intégration pour regrouper les activités individuelles.
La planification stratégique est orientée vers les processus de changement ; elle sous tend des approches
participatives et des évaluations internes et externes. Or, comment réaliser cette planification ? Parmi les élé-
ments qui entravent la bonne gestion, on peut citer : la multiplicité des décideurs (malgré le statut de l’univer-
sité) et la définition floue ou inexistante des attributions de certains postes de travail. Comme pour le
développement de l’employabilité, un répertoire des emplois et des métiers interrogeable par tous et une
définition claire et précise des postes et des tâches à réaliser est indispensable pour savoir qui doit faire quoi.
Cet état de choses est relié à la structuration de l’administration marocaine. La méconnaissance de ses attri-
butions par un employé pourrait avoir des effets catastrophiques car, ou bien elle le rend négligeant ne s’inté-
ressant à rien, ou bien elle le rend aigri, prêt à être négatif et démotivé dans toutes les situations (aucune
valeur ajoutée). Tout ce personnel devient alors une perte sèche pour le système et un gaspillage. Alors que,
si la personne est utilisée à bon escient, elle pourrait contribuer au développement du système.
Il n’est pas permis que des dossiers prennent du retard « faute de temps » par les personnes qui les
traitent, alors qu’il existe dans la même institution des personnes pouvant les aider mais qui passent leur
temps à ne rien faire. Dans cette perspective opérationnelle, gérer suppose qu’on construit des dispositifs
permanents de prise d’information, en vue de prendre de meilleures décisions. La poursuite d’une efficacité
plus grande est, en même temps, de la responsabilité de chacun des acteurs ; ce qui légitime le choix de
l’évaluation par opposition au contrôle bureaucratique, souvent symbolisé par le modèle de l’inspection.

Dans le document « La gestion des universités francophones et anglophones en Afrique : Botswana,


Malawi, Tanzanie, Mozambique, Soudan, Ghana, Zimbabwe, Zambie, Ouganda, Nigeria, Lesotho, Kenya,
Cameroun, Sénégal, Bénin, Togo, Zaïre, Côte d’Ivoire, Burkina-Faso, Tchad, Togo, Rwanda, Madagascar,
Niger, Sierra Leone, Mali, Éthiopie, Swaziland, Burundi, République Centre Africaine, Congo, Gabon, Guinée
et Zaïre », les auteurs aboutissent aux conclusions suivantes :

217
1. L’analyse ci-dessus permet de constater que les universités anglophones et francophones en Afrique
s’efforcent graduellement de rendre leur fonctionnement plus efficace en matière de coûts, afin de
faire face à la crise financière ;
2. Les universités anglophones se sont révélées plus dynamiques que leurs homologues francophones ;
3. Les méthodes utilisées pour faire face aux problèmes étaient différentes. Ceci s’explique par l’origine
européenne de la structure administrative des deux types d’universités. Les universités des pays euro-
péens d’origine ont réagi de façon différente â la crise financière et aux autres défis lancés par la
société. Le Royaume Uni a été très dynamique en matière de collecte de fonds, de rationalisation des
universités et dans la mise en place des « unités d’audit universitaire » au niveau des établissements.
La France et la Belgique exercent un contrôle central plus grand sur leurs universités alors que ce n’est
pas le cas au Royaume-Uni ;
4. Plus le contrôle exercé par le Bureau Central ou l’État sur les universités est grand, moins il y aura
d’initiatives pour introduire des changements dans la gestion ;
5. Les universités anglophones se livrent à des exercices en matière de planification stratégique qui sont
relativement plus nombreux que ceux réalisés par leurs homologues francophones ;
6. Les universités francophones et anglophones ont ouvert la porte de l’enseignement supérieur au sec-
teur privé. Mais les universités anglophones sont relativement plus nombreuses à l’avoir fait que leurs
homologues francophones ;
7. Dans les pays anglophones, les universités traditionnelles mettent en place des frais de scolarité et
des programmes de prêts aux étudiants et encouragent les étudiants à loger hors du campus, alors
que celles situées dans les pays francophones réduisent le montant des bourses. Les universités
anglophones se livrent à des activités commerciales ; par exemple, elle mettent en location des instal-
lations, elles privatisent les cafétérias et les librairies, elles fournissent des services de consultant de
formation sur une base de recouvrement des coûts, cependant que les universités francophones ne
sont pas actives dans ces domaines en raison du contrôle de l’état sur les opérations financières.
Quelques universités anglophones ont mis en place une formule de financement pour l’affectation des
ressources ;
8. Dans les universités anglophones, le recrutement du personnel enseignant est moins soumis au
contrôle de l’état. Dans les universités francophones, les personnels enseignants sont des fonction-
naires de l’état et jouissent donc de moins de liberté ;
9. La mobilité des personnels a été plus prononcée dans les universités anglophones que dans leurs
homologues francophones ;
10. Les universités anglophones ont mis en œuvre des programmes d’évaluation du personnel enseignant
et de renforcement des capacités. Dans les universités francophones, l’évaluation des personnels
n’existe pas, bien qu’il y ait des programmes de développement de carrières, parrainés par des pays
donateurs, comme par exemple la France, la Belgique et la Suisse ;
11. Tant les universités anglophones que les francophones sont désormais encouragées par les dif-
férentes organisations donatrices à améliorer leur compétences en matière de gestion. Mais la réac-
tion a été plus positive dans les universités anglophones. L’association des universités africaines a
également été très active dans ce secteur. Les activités de l’AUPELF et du CAMES semblent se situer
à un niveau inférieur.

Étant donné que les pays d’Afrique du Nord n’ont pas fait partie de l’étude, il est aisé de constater qu’en ce
qui concerne le Maroc, son système serait entre les deux. Nous estimons que les conclusions 5, 8 et 10
expliquent un certain nombre de dysfonctionnements qui existent au Maroc. En Tunisie, où le gouvernement

218
souhaite concéder davantage d’autonomie aux universités, la capacité de celle-ci a été renforcée en regrou-
pant les facultés autour d’unités administratives. Le gouvernement va s’attaquer au problème de la faiblesse
de l’administration aux niveaux intermédiaires en créant une formation de deux ans pour les administrateurs
des universités, ainsi qu’une formation continue de quatre semaines pour ceux qui sont en poste. Il essaye
également de motiver les enseignants en dégageant un budget spécial pour les heures supplémentaires ;
Pour l’amélioration de la gestion institutionnelle, plusieurs pays (par exemple l’Inde, la République de
Corée) examinent des méthodes de pilotage tenant compte, des résultats. En Égypte, un centre pour la
réforme de l’enseignement supérieur a été crée afin d’offrir un système d’assistance technique pour le déve-
loppement des systèmes d’information dans les universités et de former les enseignants aux nouvelles tech-
nologies de l’éducation.

1.2.5. L’évaluation de la pertinence des programmes : l’employabilité des diplômés

Nous considérons que la pertinence des programmes de formation est la principale caractéristique d’une
formation de qualité. La pertinence pour nous se reflète dans le degré de relation entre les programmes de
formation et la réalité de la vie en général et la vie active en particulier comme cela est souligné dans la lettre
royale dont nous présentons un extrait :

« Certes, il est indéniable que notre système d’éducation a réalisé des acquis importants durant les années
écoulées. Mais, force est de constater qu’il ne s’est pas élevé à la hauteur des efforts généreux qui lui ont
été consacrés et que les résultats obtenus demeurent en deçà de Nos aspirations. De surcroît, ce système
souffre désormais d’un déficit d’adéquation entre la formation et l’emploi, ainsi que d’une incapacité à satis-
faire aux exigences d’une époque fondée sur le développement des connaissances et leur utilisation pratique
dans la vie de tous les jours ; une époque où le progrès des nations se mesure à l’aune de l’efficience de leur
système éducatif et de son aptitude à accompagner leur développement soutenu. » 1

Nous trouvons les mêmes préoccupations, dans le rapport de la Banque Mondiale où on souligne que :

« Le système éducatif est peu diversifié, peu efficace, peu en prise avec les réalités économiques. ... Mais
l’efficacité n’est bonne ni du point de vue interne (redoublements, abandons) ni du point de vue externe
(mauvaise adaptation aux besoins de l’emploi) « d’où l’intérêt, la justification et la pertinence de la
réforme. » 2

Aujourd’hui, l’un des points qui remet en question notre enseignement supérieur est le nombre très impor-
tant des diplômés chômeurs. Il ne s’agit plus de décrocher un diplôme, mais d’être formé, en même temps
sur le moyen d’approcher le marché du travail (il y a un marché caché très important). Les travaux de l’ANA-
PEC (cf. projet financé par l’ACDI « développement des mesures d’emploi » 1999-2002) ont démontré que
chaque fois qu’un chercheur d’emploi acquiert les méthodes de recherche active d’emploi, toute sa vision de
la vie et ses relations avec les autres changent de manière positive. Cependant, la rareté apparente de
l’emploi ne signifie pas l’absence d’emploi. Les employeurs, principalement dans la petite et moyenne entre-
prise, éprouvent des difficultés à recruter les personnes pourvues de compétences dont ils ont besoin,

1. Lettre royale de feu SM Hassan II Palais Royal le 08 mars 1999.


2. Rapport sur la réforme des premiers cycles universitaires au Maroc financé par la Banque mondiale.

219
souvent, faute de méthodes de sélection adéquates. Une grande faiblesse dans les techniques de recherche
d’emploi, en quantité mais surtout en qualité conduit un grand nombre de jeunes à chômer pendant un an,
deux ans, voire huit ans avant de décrocher un premier entretien d’embauche qu’ils ne sont pas certains de
réussir faute de préparation.
Augmenter l’employabilité des chercheurs d’emploi c’est inculquer une nouvelle culture vis à vis du mar-
ché de l’emploi basée sur l’initiative personnelle, sur la confiance en soi, sur l’autonomie et la connaissance
de soi et du marché du travail, notamment, le marché caché. Nombreux sont les diplômés d’université qui
restent sans emploi puisqu’ils ne possèdent pas ces atouts. Dans un tel contexte, on ne peut pas parler d’un
marché de travail unique mais, « des marchés » de travail avec des caractéristiques propres en matière de
recrutement, de conditions de travail, de rémunération, de mobilité, de promotion...
Suite à l’engagement du Maroc, à partir des années 80, dans un processus de transformations qui a
orienté l’économie nationale vers une plus grande libéralisation, l’idée d’instituer des systèmes de forma-
tions techniques courtes était devenue nécessaire. Depuis la décennie soixante, le rythme de la croissance
économique a oscillé autour d’une moyenne de 3 à 4 %, taux nettement insuffisant pour répondre aux
contraintes de l’investissement et de la couverture des besoins sociaux. La rentrée scolaire 92/93 a été mar-
quée par la mise sur pied de licences appliquées dans plusieurs facultés du Maroc afin de se rapprocher du
monde du travail. Le chômage urbain semble toucher de plus en plus massivement les bacheliers et les lau-
réats des établissements de formation. Cette situation est illustrée par les différentes enquêtes sur l’emploi
urbain depuis 1984. Le taux de chômage des sans diplômes est passé de 17.6 % en 1984 à 10.7 % en 1993
et entre 5 à 6 % durant l’année 2003. Celui des diplômés professionnels, en particuliers, est passé de 27.6 %
en 1984 à 32.5 % en 1993. Les diplômés, en général, avec un taux de chômage variant entre 23 et 24 %,
souffrent plus du chômage que les non diplômés (5 à 6 %). Néanmoins, les positions des jeunes sur le mar-
ché de travail ne présentent pas un ensemble homogène. Certains connaissent des insertions faciles ;
d’autres, des taux de chômage particulièrement élevés. Ces positions semblent pouvoir s’expliquer, en par-
tie, par le niveau et le type de la formation.
Pour s’adapter aux besoins économiques, l’enseignement supérieur des années 90 a été caractérisé par la
diversification des filières de formation, la création de formations nouvelles et la poursuite de la décentralisa-
tion géographique des établissements. Bien que cet effort soit louable en lui-même, il reste que la création
des deux facultés de médecine n’a pas permis d’augmenter le nombre des étudiants qui y accèdent, les
ENCG, les EST ne disposent pas d’une cellule de suivi et d’étude d’insertion dans le marché du travail. Les
FST (sauf quelques exceptions) ne se sont pas avérées très différentes des filières des sciences appliquées
qui existaient déjà dans les facultés des sciences classiques. Fallait-il alors les créer ?
En ce qui concerne le doctorat dans sa version actuelle, il n’est plus attrayant. Plusieurs de ceux qui s’y ins-
crivent, quittent dès qu’ils trouvent un travail et surtout au niveau du privé, ils ont en général le même salaire
et le même poste qu’un titulaire d’un DESA ou d’un DESS. Le manque d’informations et de prise de contact
avec le monde professionnel fait que les étudiants ne prennent pas suffisamment en compte le marché de
l’emploi au cours de leur formation.
À la fin des années 1980, la création d’un réseau d’établissements à vocation technique et professionnelle
telles les EST, FST, E.N.S.E.T et écoles d’ingénieurs : ENSA, ENSAM, montre que des efforts ont été
déployés pour corriger les déséquilibres... Au début des années 90, la création et la généralisation de forma-
tions techniques supérieures : DUT, BTS, DTS et DEUT... en aval et la restructuration de l’enseignement
technique secondaire en 1990 et en 1994, en amont, ont contribué à redorer l’image des formations tech-
niques et à encourager l’orientation vers ce type de formation. L’objectif était de faire face à une demande de
formation de plus en plus importante et diversifiée et aux nouvelles exigences de l’appareil de production.

220
Pour ce faire, les pouvoirs publics ont instauré, depuis l’année 1985, des systèmes de formations dites « for-
mations techniques et professionnalisantes » à savoir le DUT (Diplôme Universitaire de Technologie), le DTS
(Diplôme de Technicien Spécialisé) et le BTS (Brevet de Technicien Supérieur) en plus du DEUT (Diplôme
d’Études Universitaires Technologiques).
Ainsi, et dès la fin des années 90, le débat se focalise, en plus du problème de la qualité de la formation,
sur d’autres questions se rapportant aux termes de mobilité, de compétences, d’employabilité, d’interaction
entre les deux systèmes en question. On invite de plus en plus le système d’éducation et de formation à
jouer un rôle de préparation en formant les jeunes à la flexibilité, à la mobilité et à la polyvalence. Dans cer-
taines formations, malgré l’accès sélectif, les lauréats ne trouvent pas de travail (les ingénieurs agronomes
par exemple).
Au Maroc, en ce qui concerne le partenariat entre l’université et l’entreprise, et comme le souligne un ex-
ministre de l’enseignement supérieur, « Le partenariat entre l’université et l’entreprise est un impératif, une
question de survie pour tous les secteurs, mais aussi un véritable projet de société » 1. Les différentes tenta-
tives à ce niveau sont louables, mais encore trop timides et manquent de vision qui puisse avoir un impact
réel sur l’économie.
Le Mexique (comme le Maroc a eu des accords de libre échange) a établi un important projet, dont la réali-
sation est prévue sur cinq ans, pour la mise au point de normes de compétences, d’un dispositif d’évaluation
et de certification ainsi que de moyens pour promouvoir la demande de formation des travailleurs et des
entreprises.

1.2.6. L’évaluation du coût et la gratuité


L’introduction des évaluations dans les enseignements supérieurs soulève de multiples problèmes. L’éva-
luation des coûts et de la rationalisation des dépenses nous amène à nous interroger sur la pertinence de cer-
tains enseignements et des critères retenus pour les instaurer. La poursuite d’une efficacité plus grande est
en même temps de la responsabilité de chacun des acteurs ; ce qui légitime le choix de l’évaluation par oppo-
sition au contrôle bureaucratique, souvent symbolisé par le modèle de l’inspection.

« L’évaluation qui mesure les écarts entre les objectifs d’une politique éducative et les résultats effectifs
permet une régulation du système » (Leguen 1990, p. 30).

Le ministère de l’enseignement supérieur a mené une action visant à développer l’autonomie des universi-
tés avec, en particulier, la globalisation progressive des ressources financières, le lancement de la politique
contractuelle (projet d’établissement), l’octroi de responsabilités accrues en matière de maintenance immo-
bilière selon le projet de l’université.
La gestion financière se situe dans un contexte spécifique. Plus les sources de financement sont diversi-
fiées, plus l’université est libre de l’affectation de ses ressources. Avec le passage d’un système fondé sur
les moyens à un système fondé sur les résultats, l’université acquiert davantage de pouvoir et de responsabi-
lités dans l’affectation de ses ressources.
D’où la nécessité de procédures plus efficientes de prise de décision et d’un personnel compétent qui
assure une utilisation optimale des ressources. La pratique de la transparence et d’échange d’informations
ainsi que l’utilisation d’indicateurs de performance semblent essentielles. La rigueur exige une rationalisation
et une efficacité dans la prise de décision.

1. M. Najib Zarouali, intervenant à l’ouverture de la journée portes ouvertes 99 (JPO), organisée cette année à l’École supérieure de tech-
nologie.

221
En effet, il existe un lien étroit entre la modernisation nécessaire et l’évolution de la décision budgétaire, le
budget étant « le cœur de la décision ». Cela suppose, de la part des pouvoirs de tutelle, une implication
moindre au niveau de la gestion des ressources financières de fonctionnement et de la part des gestion-
naires des établissements et universités, le respect de la discipline financière et des procédures qui en
découlent. Officiellement et toujours selon M. Ait El Mahjoub : « L’un des grands problèmes du secteur de
l’enseignement supérieur réside dans l’insuffisance de son financement pour faire face efficacement à
l’accroissement de la demande. Le financement du système de l’enseignement supérieur au Maroc est
assuré, presque exclusivement, par le budget de l’État. Le secteur privé ne représente que 3 % des effectifs.
L’État a consacré entre 4 et 4,5 % de son budget et 0,9 à 1 % du PIB à ce secteur entre 1990 et 1998/99.
Au cours de ce dernier exercice, l’État a alloué au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique 4,3 % de son budget et 1 % du PIB. Le budget de fonctionnement de l’enseignement supérieur
universitaire est consacré à près de 90 % aux salaires et à l’aide aux étudiants. L’ensemble des établisse-
ments universitaires, y compris les instituts de recherches et 14 rectorats, ne disposent que de près de
9,6 % pour leur fonctionnement et pour toutes leurs activités d’enseignement et recherche. La dépense
annuelle de fonctionnement, par étudiant, a connu une augmentation en prix courants de 2,9 % par an
depuis 1979-80. Mais cette augmentation a résulté surtout des recrutements pour maintenir l’encadrement
pédagogique et administratif. Si l’on tient compte de l’augmentation des prix, le taux de croissance annuel de
la dépense de fonctionnement par étudiant pendant la même période serait négatif (i2,6 % par an).
L’accroissement du nombre d’établissements universitaires (29 établissements ont été ouverts depuis 1990)
fait que la croissance de la subvention de fonctionnement ne suffit pas pour le fonctionnement normal des
différents établissements. Le budget d’investissement du Ministère, en prix courants, a baissé de 500 mil-
lions DH en 1992 à 415 millions DH en 1998-99. La dépense d’investissement par étudiant a ainsi diminué de
2 200 DH à 1 660 DH au cours de la même période 1.

Afin que cette culture financière soit mieux prise en compte dans l’enseignement supérieur et que les
biens publics soient gérés avec efficacité, le responsable et ses collaborateurs, devront participer à des sémi-
naires d’information et de formation. Cette procédure améliorera le professionnalisme de tous les agents
concernés. Les services financiers seront invités à prévoir un système de veille pour le suivi et la compréhen-
sion de toute la nouvelle réglementation comptable et fiscale. On peut proposer par exemple un logiciel
flexible pour la gestion budgétaire qui comprendrait les modules suivants :
– Comptabilité générale et analytique ;
– Contrôle de gestion ;
– Suivi d’inventaires des immobilisations ;
– Suivi des créances et des recouvrements ;
– Édition des tableaux de bord et analyse financière ;
– Gestion de la Régie ;
– Gestion de la trésorerie ;
– Gestion administrative des marchés ;
– Gestion de la paie ;
– Détermination des comptes et budgets consolidés (tenant compte des salaires).

1. L’enseignement supérieur et la recherche scientifique au Maroc à la veille de la réforme, par Lhoucine Aït El Mahjoub en tant qu’expert
national dans les travaux de la COSEF.

222
Dans d’autres pays, cette problématique a été investit de plusieurs manières, par exemple, au Mexique
(université de Monterrey) les coûts directs et indirects de l’enseignement ont été calculés de manière à ce
que le personnel de l’université puisse les comprendre, mieux juger de leur efficience opérationnelle et utili-
ser au maximum les différentes sources de financement. De manière générale, le financement par étudiant a
diminué et les universités ont augmenté les droits universitaires et le coût des services au public. En Jorda-
nie, le financement du secteur universitaire se fait à l’aide d’une taxe créant ainsi une ressource financière
permanente. Les universités de Malaisie, bien que largement dépendantes du financement public, ont une
très grande autonomie pour les questions universitaires et pour l’administration interne. Elles peuvent déter-
miner le contenu des cours et recruter ou renvoyer le personnel.

La Gratuité
L’un des aspects les plus litigieux, ou le plus litigieux est le financement. En effet, la part du budget géné-
ral de l’État octroyé à l’enseignement supérieur ne sera pas augmentée selon les prévisions de la loi de
finances. Alors, comment répondre à tous les besoins précités ? La réponse à laquelle tout le monde pense
est d’instituer des droits de scolarité pour les étudiants sous certaines conditions, d’autre part l’étude réali-
sée par le ministère (mars 2000) démontre qu’il est impératif d’instaurer une couverture sociale des étu-
diants, puisqu’en général ils sont de condition modeste. De son côté, la Charte prévoit d’instaurer des frais
de scolarité, SM le Roi lui-même l’a affirmé lors de son discours du 8 Octobre 1999.

« S’agissant de l’enseignement supérieur, les frais d’inscription ne seront exigibles qu’après trois ans
d’application du projet, avec l’octroi de bourses aux étudiants méritants démunis ».

De plus, les dépenses imputables à la réforme sont en deçà des prévisions 1. Il ne s’agit pas de mettre en
place une réforme. Encore faut-il se donner les moyens pour son exécution afin d’atteindre les résultats
escomptés. Comme précisé précédemment, tant qu’il y aura un taux d’occupation et un taux d’encadrement
trop élevés, il sera difficile d’appliquer la réforme. On constate qu’il y a 700 bacheliers de la mission française
qui peuvent payer entre 5000 à 10000 Dh et au-delà par mois pour aller étudier à l’étranger. Ajoutez à ceux-là,
tous ceux du système privé marocain. Bien que les études à l’étranger ne soient pas uniquement une ques-
tion d’offre, on peut se demander pourquoi ne pas créer des établissements qui répondent aux spécialités
désirées par la majorité de ces étudiants.

Dans le domaine de la médecine et de la pharmacie, en 1981 il y avait 6556 étudiants et deux facultés avec
tous les moyens humains et matériels nécessaires. Après 22 ans en 2003 il y a 6990 étudiants et 4 facultés,
c’est-à-dire que les 2 anciennes facultés ont gardé les mêmes moyens et on divise les effectifs par 2. Com-
ment peut-on parler de rationalisation et d’optimisation des dépenses ! ! !

À côté, il y a un certain nombre d’étudiants qui ont des moyens financiers qui vont étudier la médecine ou
la pharmacie à l’étranger. Pourquoi ? De même que pour les écoles d’ingénieurs, les écoles de commerce
dont le numerus clausus reste le même depuis des années, et il y a eu très peu de créations eu regard à la
demande. Il y a une réflexion à faire en ce qui concerne la gratuité de l’éducation en tenant compte de tous
ceux qui vont faire leurs études à l’extérieur du Maroc et tous ceux qui vont vers l’enseignement supérieur
privé sachant que certaines institutions n’arrivent pas à répondre à la demande et ont une liste d’attente,
notamment dans les sciences de l’ingénieur et les métiers de la communication.

1. Rapport de la Banque mondiale Juillet 1999.

223
Même si l’idée est impopulaire il s’agit d’agir de manière planifiée avec un souci de rigueur et d’équité
sociale ; alors qu’aujourd’hui on ne fait rien.

Aujourd’hui avec l’INDH nous retrouvons les idées avancées dans le rapport de la Banque Mondiale qui
précisait que :

« Nous ne pouvons réaliser ces objectifs que si nous veillons à une rationalisation de l’exploitation des res-
sources matérielles, à leur gestion judicieuse, à optimiser les compétences et les expertises et à mettre à
contribution toutes les parties concernées, tels que les collectivités locales, le secteur privé, les établisse-
ments productifs, les associations et organisations et l’ensemble des opérateurs économiques et sociaux,
sans perdre de vue le rôle dévolu aux parents et la responsabilité qui incombe aux familles qui se doivent
d’apporter leur contribution à travers le contrôle et le suivi pour atteindre le niveau escompté » 1.

Cette partie est complétée par un document en annexe sur les expériences étrangères en matière de
financement des études et d’aide aux étudiants en Europe. Ce document reproduit de larges extraits des
comparaisons internationales en matière de financement des études et d’aides aux étudiants établies par le
Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) dans son rapport d’avril 2003 intitulé « Édu-
cation et redistribution ».
Nous pensons qu’il y a là des exemples dont on peut s’inspirer, notamment le modèle italien. Au Chili, et
dès 1981, l’État a restreint sa responsabilité vis-à-vis du financement de l’enseignement supérieur, permet-
tant ainsi la croissance d’institutions privées et de centres de formation technique et mettant en œuvre un
système de prêts aux étudiants. En Tunisie, seuls les étudiants qui ont un niveau satisfaisant à la fin de leur
première année peuvent bénéficier de bourses. C’est la valorisation de l’effort et du mérite.

1.3. Présentation et analyse des principaux résultats

Le vingtième siècle qui vient de se terminer n’est probablement pas le plus beau de l’histoire de l’huma-
nité, mais c’est sans doute le plus « plein » en termes d’avancées sociales, scientifiques ou techniques.
La Charte prévoyait une généralisation de l’accès à l’enseignement pour tous les enfants de 6-7 ans en l’an
2002. Ce qui n’as pas été atteint. Bien que cette généralisation puisse être atteinte en septembre 2006, de
là, à garder les inscrits sur les bancs de l’école, c’est toute une stratégie de la valorisation de l’école qu’il fau-
drait travailler. La question d’aller à l’école ne doit plus se poser pour aucun enfant. L’école doit faire partie du
quotidien de l’enfant comme « manger » et « jouer ». Aussi, il est indispensable de trouver les « mots » ou
les « moyens » pour que cette valeur soit intériorisée pour chaque marocain (notamment les parents) et
aucun ne peut trouver une excuse pour ne pas envoyer son enfant à l’école (c’est de l’ordre de l’inadmissible
et quelles que soient les raisons elles sont rejetées).

Le plaidoyer pour l’école pourrait utiliser les aspects comme par exemple :
– Bien que nous soyons un pays musulman, le mot « IQRAE » n’a pas été assez utilisé comme une direc-
tive divine.
– L’amour ou la soif de la connaissance n’est pas véhiculée dans nos chaînes de télévision, ni d’ailleurs les
effets positifs qui en résultent...
1. Extrait du discours prononcé par sa majesté le roi à l’ouverture de la session d’automne de la troisième année législative, Rabat, 8 octobre
1999.

224
– Les différentes expériences de sensibilisation menées par des projets, des ONG, des associations ou
autres doivent être capitalisées et pour en tirer les enseignements nécessaires, nous avons eu la preuve
grâce à ces expériences qu’aucune « méthode » n’est à généraliser telle quelle. Mais, quelles que soient
les initiatives elles doivent prendre en compte l’environnement géographique, culturel et économique de
la localité.

Il est important de noter qu’un pays se construit par l’effort et le sérieux de ses concitoyens. Il nous
semble impératif de valoriser l’école en mettant aux points des activités pédagogiques pour atteindre des
objectifs pertinents de savoir-faire et savoir être faisant référence à un système de valeurs et d’attitudes et
qui collent à la réalité de la vie. Aussi, il faudrait que tous les enseignants se sentent concernés et respon-
sables en tant que pédagogues à aider et accompagner les étudiants vers les valeurs universelles et les atti-
tudes du bon citoyen. Il nous semble que la plus importante de ces attitudes est « la culture de l’effort et du
travail bien fait » ainsi que la satisfaction que l’on peut en tirer, car nous constatons malheureusement que
dans le discours de tout un chacun la culture de la paresse prédomine, et on valorise « la fin justifie les
moyens » mêmes illicites (tricherie, corruption,...). On se plaint du manque de sérieux et d’attitudes non pro-
fessionnelles des employés appartenant à des organisations publiques ou privées qui offrent un service.
Nous constatons l’effort fourni au niveau quantitatif, et au niveau des structures.
Malheureusement il n’y a pas eu le même effort ni au niveau des budgets de fonctionnement des éta-
blissements ni au niveau de l’amélioration pédagogique et de l’efficacité interne.
Il y a une grande disparité entre les établissements à accès sélectif et ceux à accès libre. La capacité
d’accueil dans les établissements à accès sélectif est de 28 % alors qu’ils accueillent uniquement 8 % des
effectifs. Aujourd’hui, il s’agit d’une seule instance qui gère le secteur de l’Éducation, les locaux disponibles
dans les établissements de formation pédagogique pourraient être utilisés par l’université. La carte universi-
taire devrait permettre un travail de prospective stratégique car « il faut rompre avec la navigation à vue et le
guidage par le flair et, combattre la dictature du court terme » 1.
Pour tous les aspects analysés, une réflexion au niveau local (établissement) puis régional (université) et
enfin central semble la plus appropriée pour tenir compte des spécificités de chaque établissement (nombre
d’étudiants, nombre d’enseignant, domaine d’étude, ...) et de l’environnement économique de l’établisse-
ment. Chaque établissement pourrait avoir son propre projet de développement en s’assurant que les forma-
tions dispensées sont accrédités par le service central. Nous considérons que notre enseignement supérieur
est confus, et inégalitaire. Les méthodes d’accès sont à notre avis socialement déséquilibrés. Il n’ y a que les
riches ou les surdoués qui peuvent faire des études supérieures de qualité et se préparer à la vie active.
Connaissant le degré de pauvreté de notre pays ainsi que le pourcentage des surdoués qui pourraient exister
dans une population quelconque, nous en concluons que la remise en question de notre système de l’ensei-
gnement supérieur est opportune.
Le meilleur pilotage d’une université pourrait se faire par les résultats des étudiants. Encore faut-il que ces
résultats reflètent « la réalité » et qu’on puisse comparer des choses comparables. L’évaluation est liée à
l’orientation, et si ces deux systèmes marchent bien, il y a de fortes chances d’améliorer le système de
l’enseignement supérieur. L’éducation à l’orientation contribue à l’égalité des chances puisqu’elle doit per-
mettre aux étudiants d’élaborer leur projet personnel en connaissance de cause. Aujourd’hui plus que jamais,
la présence d’un système d’orientation au niveau de l’enseignement supérieur est essentielle.

1. M. Belhamri, « Avec l’alternance, le plan est de retour », Libération du mardi 21 avril 1998, p. 6.

225
L’architecture des formations actuelles implique une stratégie et un projet personnel pour chaque étudiant
tenant compte de ses aptitudes, de ses atouts, de ses difficultés et de l’offre au niveau des formations.
L’orientation est une décision majeure pour l’étudiant marocain dans la mesure où elle conditionne non seu-
lement son futur estudiantin mais également ses chances d’accéder à un emploi. Au Supérieur, aucun travail
d’information et de relation d’aide n’est offert aux étudiants de manière institutionnalisée, dans l’enseigne-
ment privé, cette aide existe, ce qui rend le taux de déperdition très faible dans ces établissements alors qu’il
est très élevé dans l’université marocaine notamment en 1re année. La nouvelle réforme de l’enseignement
supérieur vue le nombre de filières, le nombre de passerelles, les modules obligatoires et ceux optionnels...
exige la présence des cadres de l’orientation qui pourraient guider les étudiants et les suivre tout le long de la
1re année pour les aider à réussir et être à leur écoute pour les accompagner dans leurs cheminements. Étant
donnée que le coût d’un diplôme en année – étudiant avoisine 10 années au lieu de 4 années théoriques, une
orientation objective à l’entrée à l’enseignement supérieur avec une information pertinente sur les débou-
chés et le marché de l’emploi pourraient aider à une meilleure efficacité interne du système et à une diminu-
tion des coûts.
Il est impératif de créer un système d’enseignement supérieur plus diversifié, offrant une gamme
d’options plus larges et de l’accompagner en instaurant un système d’information et un système d’orienta-
tion efficaces.
Le succès du colloque « Pédagogie par projet dans l’enseignement supérieur » organisé en juin 2001 à
l’ENST Bretagne (plus de 150 participants), a montré combien l’enseignement supérieur a aujourd’hui besoin
de réflexion pédagogique. Les attentes des entreprises et de la société, en général, les questionnements
contemporains sur le sens de l’éducation, l’évolution des métiers et les aspirations des étudiants
demandent, en effet, aux systèmes de formation de constants efforts d’adaptation.
Faute de pouvoir faire des plans pour un avenir sûr, les instituions doivent instaurer une flexibilité qui leur
permet de facilement s’adapter à des circonstances changeantes. Un suivi des carrières des enseignants
doit permettre d’accroître leur efficacité. Tout ceci implique que l’utilisation de critères objectifs d’évaluation
des enseignants doit être réalisée. Cependant, il faudrait, à notre avis, que cette grille puisse prendre en
compte la réalité de chaque établissement et pouvoir comparer entre les performances quand toutes les
choses sont égales par ailleurs ; ce qui est du domaine du faisable. Les modalités de l’évaluation des ensei-
gnants chercheurs semblent parfaites au niveau des textes proposés par la réforme. Néanmoins, au niveau
de l’application plusieurs dysfonctionnements sont déjà à signaler ; le principal est la comparaison de choses
non comparables. Citons par exemple : l’enseignant de la faculté des sciences de l’éducation et celui de la
faculté de médecine appartiennent à la même université Mohamed V Souissi. Doivent-ils être évalués selon
les mêmes critères pondérés de la même manière, je pense qu’il est évident que non, car ils ont des condi-
tions de travail et des exigences selon les aspects évalués, tout à fait différentes. Aussi, il me semble qu’il
est impératif d’avoir des grilles différentes et surtout pondérées de manière différente selon les mêmes
aspects. Nous savons tous qu’il y a des domaines où il est plus évident de faire de la recherche et d’être
reconnue que d’autres, il y a plus de travail avec les étudiants dans certains établissements que dans
d’autres, il y a plus de présence effective et obligatoire dans certains établissements que d’autres et ainsi de
suite...Pour que l’évaluation devienne un objet de dialogue, il est essentiel de sensibiliser les décideurs à son
utilité dans la prise de décision, non pour substituer à celle-ci mais pour éclairer les conséquences des choix.
Nous constatons que les systèmes qui n’ont pas changé depuis longtemps ont tendance à sentir les
réformes comme une perturbation et non pas un mode de gestion.
En application de la nouvelle loi 01-00, nous supposons donc que l’université se conformera aux disposi-
tions des établissements publics et elle sera amenée à redéfinir sa structure interne et rationaliser les procé-
dures en relation avec la nouvelle réglementation, afin de disposer d’outils de gestion modernes et de
pilotage au service des responsables qui soient adaptés à l’exercice des responsabilités. L’informatique de
gestion sera utilisée efficacement en s’appuyant sur des logiciels adéquats. La mise au point d’un outil infor-
matique cohérent, intégré, sécurisé et de préférence national sera un atout pour une meilleure pratique de
gestion et de suivi et un outil d’aide à la prise de décision appréciable qui pourra être développé au niveau de

226
l’université et mis à la disposition. La gestion prévisionnelle des emplois devra être pratiquée au niveau de
l’enseignement supérieur.
En l’absence d’un observatoire sur les formations et les métiers, le monde du travail reste un monde
presque inconnu des conseillers en orientation et des bacheliers, en particulier. Les premiers ont beau maîtri-
ser les théories, les techniques et les modèles en vogue dans le domaine de l’orientation, ils n’arrivent pas à
satisfaire les besoins des seconds en matière d’information sur l’après formation. Ainsi « l’information sur les
occupations devrait précéder l’information sur les formations » (A. Lemhouer, 1999, p. 37). Il est essentiel
d’instaurer une cellule de recherche active d’emploi dans toutes les institutions de l’enseignement supérieur
pour apprendre aux étudiants comment rédiger un CV, une lettre de motivation, et comment prendre un ren-
dez-vous, etc.

2. La vision prospective
Que dire alors des années à venir ? Quels sont les métiers qui recruteront demain ? Quelles formations
devrons-nous privilégier ? Il faut, non seulement, savoir pour prévoir, mais également prévoir pour anticiper et
prévenir les catastrophes de demain. L’ouverture intégrale de l’université, sans une sélection orientation ne
devrait plus exister.
La contribution des étudiants dans le financement de leurs études est une tendance irréversible. Il faudrait
mettre en place les mécanismes nécessaires pour éviter toute dérive (il ne faut pas que les pauvres payent
pour les riches mais le contraire). L’une des solutions est d’approfondir la démocratie. 1
Face aux mutations technologiques profondes, rapides et successives, le Maroc s’est lancé depuis l’indé-
pendance dans un long processus de réforme du système d’éducation et de formation. La vision générale
consiste à adapter la formation au rythme des besoins d’une économie nationale en mouvement. Certes, la
restructuration économique actuelle marquée par la mondialisation des marchés et l’introduction des nou-
velles technologies, concourt à rendre désuètes certaines formations et à en exiger d’autres. L’adaptation
permanente aux nouvelles réalités et l’anticipation du futur de l’enseignement supérieur sont essentielles.
Les approches prospectives dans l’enseignement supérieur proposent la fusion d’établissements en vue
d’une gestion plus efficace. La méconnaissance de la demande d’éducation dans l’enseignement supérieur,
entraîne des problèmes au niveau de l’encadrement et de l’encombrement des facultés. En 1996, Il n’y avait
que 51 places pour 100 étudiants à la faculté de droit. Une simple projection tendancielle et linéaire permet
de prédire les flux globaux des bacheliers ; celle-ci s’avère incapable de pronostiquer des options et domaines
d’études. Par conséquent l’analyse du comportement des nouveaux bacheliers en terme de demande d’édu-
cation dans l’enseignement supérieur semble constituer un aspect crucial de la planification de l’éducation.
L’exemple des bacheliers scientifiques qui s’inscrivent de plus en plus dans le domaine littéraire et surtout
en droit et sciences économiques est édifiant à ce sujet.

Tableau no 4 : Évolution du taux d’encadrement pédagogique


et dans le domaine des sciences juridiques et économiques SJE

Année 1961-1962 1975-1976 1983-1984 1993-1994 2002-2003


Taux national 15 33 34 27 28
SJE 18 19 40 75 135

Source : Reconstitution de plusieurs Statistiques universitaires

1. Le document sur le développement humain, PNUD, 2002.

227
Nous constatons qu’il y a un engouement pour les études juridiques et économiques (chômage des diplô-
més oblige ! !). Cependant, le taux d’encadrement pédagogique est très faible et dans l’état actuel des
choses l’application de la réforme semble compromise. Dans ce domaine, le recrutement de nouveaux
enseignants est urgent, la proposition de recruter des enseignants qui n’ont pas le doctorat national est à
étudier. Il est donc nécessaire de déterminer les besoins au moins 3 ans à l’avance et d’où la nécessité d’une
carte universitaire par établissement et d’une carte éducative par université qui intégreront tous les besoins
en essayant d’optimiser les ressources et de rationaliser les dépenses.

2.1. La réforme : Loi 01/00

La réforme prévue par la loi 01/00 est une excellente occasion qui nous oblige à mener une réflexion
d’ensemble consistant à mieux préciser l’identité, les spécificités, au sein de l’enseignement supérieur. Ces
nouvelles spécificités doivent être partagées par les enseignants, le personnel administratif et le monde de
l’emploi. La mobilisation de ces acteurs autour d’un projet clair et ambitieux doit être l’objectif central de la
démarche.
Pour un étudiant, il est important de savoir se repérer dans les structures universitaires, savoir organiser
son travail, savoir utiliser les ressources documentaires, savoir gérer son budget, apprendre à développer un
projet professionnel personnel. Pour cela il est nécessaire de renforcer les dispositifs d’aide et d’accompa-
gnement tels que le tutorat, l’initiation à la recherche documentaire, l’apprentissage des méthodes nouvelles
d’expression et de communication écrite et orale, la prise d’initiative et le soutien à toutes les actions tendant
à améliorer la réussite des étudiants.

2.2. Les grandes tendances

L’analyse du rôle de l’enseignement supérieur, en particulier, ne peut se faire sans avoir à l’esprit les gran-
des caractéristiques de l’évolution du monde. Ces tendances principales peuvent se résumer en un seul
mot : le changement. Un changement ininterrompu et en pleine accélération. Un changement qui concerne
l’ensemble de la planète et, pratiquement, tous les domaines de l’activité et la vie des hommes et des socié-
tés. La nature même du travail change avec la part de l’élément intellectuel qui ne cesse de croître alors que
celle du travail manuel diminue. L’activité économique change avec ses bases techniques et ses formes
d’organisation, sa structure, ses besoins et ses exigences en ce qui concerne les connaissances et les
compétences des acteurs principaux obligés de faire preuve d’innovation pour faire face au changement. Des
activités nouvelles apparaissent et se développent. D’autres déclinent et tendent à disparaître progressive-
ment.
Le changement crée, pour toutes les catégories de la population active, un besoin de mobilité profes-
sionnelle et sociale, ainsi que la nécessité d’une éducation qui s’étend au-delà des périodes de la vie scolaire
et universitaire et s’organise tout au long de la vie. 1

1. Professeur Komlavi Francisco Seddoh, Directeur de l’Enseignement supérieur, UNESCO.

228
Les principales mesures proposées s’ordonnent autour des priorités suivantes :
– La recherche d’une simplification des diplômes professionnels. Cet objectif passe par une harmonisation
des DUT, des BTS et des diplômes d’études universitaires technologiques ;
– Le développement d’une coéducation avec l’entreprise : Dans cette perspective, les entreprises
devraient accueillir par les deux voies de l’alternance, un plus grand nombre d’étudiants à tous les
niveaux d’enseignement, Les entreprises, les administrations et les services publics devraient ainsi être
en mesure d’accueillir à moyen terme dix fois plus de stagiaires qu’actuellement, pendant des stages de
longue durée ;
– La réduction de l’échec universitaire dans les premiers cycles : Cet objectif passerait par l’application
rigoureuse de la loi 01/00 ;
– Les conditions d’exercice des enseignants : les professeurs agrégés du cycle secondaire pourraient
enseigner dans les premiers cycles universitaires, sous réserve d’entreprendre une thèse qui leur per-
mettrait d’accéder au statut d’enseignant-chercheur ;
– Le développement de la formation continue dans l’enseignement supérieur : la formation permanente
devra constituer une priorité de la politique menée en faveur des universités. la validation des acquis : La
validation des acquis dans l’enseignement supérieur devra permettre d’accorder des dispenses de cours
ou de diplômes pour accéder aux différentes formations post-bac en prenant en compte les études,
expériences professionnelles et les acquis personnels et devra permettre d’attribuer une partie d’un
diplôme, en prenant en compte les activités professionnelles exercées pendant cinq ans au moins dans
un secteur en relation avec le diplôme visé. Le renforcement de la place de la formation continue dans la
politique universitaire : L’objectif est de conduire les universités à intégrer la formation continue dans
leur politique d’établissement et de sortir d’une situation dans laquelle beaucoup d’universitaires consi-
dèrent que la formation continue est une activité marginale qui doit être entièrement financée sur des
ressources extérieures.

Les TIC seront mises à profit immédiatement pour parer, autant que possible, aux difficultés liées à l’éloi-
gnement ou à l’enclavement des enseignants (cf. encadré 4 1) :
– s’appuyer sur l’enseignement à distance ;
– accéder facilement aux ressources documentaires, aux bases de données et aux réseaux de com-
munication ;
– gérer les services liés à l’utilisation de l’Internet : sécurité, courrier électronique, transfert de fichiers,
accès à distance, service intranet ainsi que le support du réseau TE (visioconférence, télé enseignement,
ateliers multimédia) ;
– adapter et développer des bases de données pédagogiques et de recherche : modules, filières, offre de
stages, rapports, projets, thèses, ouvrages et manuels ;
– adapter et développer des bases de données relatives aux ressources humaines : chercheurs, adminis-
tratifs, enseignants chercheurs ;
– adapter et développer des bases de données relatives aux matériels mobiliers, locaux...

1. Du XIXe au XXIe siècle : prospective et rétrospective des formations d’ingénieurs... Article paru dans la revue de l’ECAM, numéro spé-
cial centenaire, juin 2000. Claude Maury, Un vingt-et-unième siècle à inventer.

229
Encadré 4

On peut recenser au niveau des facteurs d’environnement :


R une forme de banalisation de l’enseignement supérieur, qui pourrait devenir selon la terminologie de l’OCDE le nou-
vel enseignement tertiaire, se substituant à l’enseignement supérieur traditionnel. Face à un développement mar-
qué par une logique de la demande (celle des individus souhaitant être formés) les formations d’ingénieurs se
trouveront repoussées vers un statut inspiré par une logique de l’offre qui apparaîtra comme privilégié (avec la
médecine), et qu’il faudra défendre,
R une dérive progressive vers une autonomie croissante des établissements d’enseignement supérieur, avec en
contrepoint une redéfinition du rôle de l’Etat, allant dans le sens d’un désengagement. Il ne s’agit pas, pour l’instant
de prédire la fin du statut public, mais la tendance est à l’accroissement de la dimension citoyenne, qui conduira à
une recherche accrue d’appuis moraux et matériels auprès des individus (situation nord-américaine),
R l’obligation croissante de donner à l’environnement des assurances crédibles de la pertinence et du bon niveau des
formations dispensées, au travers de certifications externes, alors que les diplômes ont été en règle générale
« autogérés »,
R l’irruption probable d’un appareil de formation professionnelle privé d’un nouveau type, développant une approche
de tonalité utilitariste, seul à même de supporter les investissements nécessaires à l’usage des nouvelles tech-
nologies (l’instrument) et les coûts d’approche du marché.

2.3. Perspectives 2005-2025

M. El Malki (ministre de l’éducation nationale de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et


de la recherche scientifique) a appelé, à l’occasion de sa première réunion avec les recteurs d’université, ven-
dredi 21 juin 2004 « La création d’un pôle central regroupant l’ensemble des départements d’éducation et de
formation permettra de gagner le pari de la réforme. « Nous mobiliserons l’ensemble des ressources pour
placer l’université marocaine au cœur de son tissu socio économique ».
Ainsi, et afin d’accélérer le rythme de la mise en œuvre de la réforme, M. El Malki a exposé les orientations
générales du programme de travail du département de l’enseignement supérieur qui s’articulera autour des
cinq axes suivants :
1. Poursuivre la réforme pédagogique universitaire ;
2. Adopter un cadre stratégique pour la mise en œuvre d’une réforme globale ;
3. Mettre en place une stratégie nationale de soutien et de développement de la recherche scientifique ;
4. Disposer d’un système d’information statistique unifié ;
5. Parfaire la modernisation des structures administratives du département.

L’analyse des propos du ministre ainsi que de ceux l’encadré semble répondre les uns aux autres. Ce qui
semble clair, c’est sans omettre les acquis et la capitalisation des différentes expériences, il faudra quelque
part « réinventer la roue » pour qu’elle puisse être adaptée à un environnement pour qu’elle roule plus vite et
sans se briser. Nous constatons qu’une mutation sans précédant est en train d’ébranler l’édifice universitaire
traditionnel, dans tous les pays. C’est une refondation qui se prépare à laquelle les « cités macro pédago-
giques » vont apporter une alternative. Il s’agit ici d’ébaucher une perspective qui repose sur quelques points
majeurs. Bien que vouées à la transmission de savoirs universels, les universités à l’époque moderne étaient

230
attachées à un pays, à ses règles, à ses traditions, à ses idéologies. Deux facteurs sont en train de boulever-
ser cette situation : la mondialisation des échanges, des relations et des affaires humaines en général et
l’ouverture d’un nouvel espace, l’espace virtuel qui abolit certaines distances et rapproche les hommes.

« Cette stabilisation – très relative – de notre patrimoine technologique (disons vers les années 2020-2025
pour fixer les idées), nous ouvre la perspective de devoir inventer – collectivement – une société moins sou-
cieuse de progression matérielle, plus concernée par la qualité de vie de ses citoyens. La priorité, à long
terme, sera sans doute, moins de déplacer le champ du possible, que de gérer intelligemment l’existant, par
un effort poussé d’innovation, avec en particulier le souci de la « durabilité ». On peut discerner dans ces
conjectures l’importance de préserver dans des sociétés assez dépendantes jusqu’à présent des appétits de
consommation matérielle, d’un espace dédié au sens ». 1

Nous nous dirigeons vers une certification des acquis qui est à développer puisqu’elle est inexistante pour
l’instant au Maroc, notamment dans le domaine professionnel. Il y aurait un effort à faire sur les prévisions de
l’emploi et des professions. Le problème de la reconnaissance des acquis des adultes préoccupe presque
tous les pays. Il est lié à la question de la formation permanente. Le cas du Brésil peut être considéré comme
exemplaire, puisque les employeurs ont la tutelle du système de formation professionnelle, ce qui garantit la
reconnaissance et la qualification sur le marché du travail. Au Chili, la politique de décentralisation laisse à
chaque établissement la responsabilité de la certification de la formation dispensée. En Allemagne, il existe
un système dual ou l’État et les entreprises interviennent pour délivrer les certifications.
Pour les années à venir, apparemment seront privilégiés les diplômes de l’enseignement dans les métiers
dits en « émergence » : commerce électronique et télé services, multimédia et réseaux, nouveaux maté-
riaux, nouveaux services à la collectivité ou aux personnes, alors que seront délaissés progressivement les
secteurs connaissant actuellement des difficultés de recrutement comme les diplômes en sciences fonda-
mentales. Par contre, les biotechnologies se développeront de plus en plus, c’est le secteur pour lequel il
faudra former. L’enseignement peut être disponible à distance, différencié selon les besoins individuels ou
collectifs sans avoir à concentrer physiquement les maîtres et les étudiants en un même lieu. La rigidité des
contraintes physiques et, par suite, les structures de l’amphithéâtre ou des espaces d’enseignement ainsi
que les modes pédagogiques associés, deviennent progressivement caducs.
Deux changements significatifs, à réaliser simultanément, peuvent contribuer à améliorer l’efficacité de
l’enseignement supérieur. D’une part, l’État doit assumer plus efficacement son rôle de pilote, à travers des
procédures rénovées dans lesquelles la contractualisation des relations avec les établissements sera renfor-
cée.
D’autre part, l’autonomie des universités devra être réelle, ce qui implique qu’elles se montrent plus atten-
tives à la qualité et aux coûts de leur gestion, développent l’évaluation sous ses divers aspects et s’ouvrent
résolument au contexte international. On recommande de plus en plus les fusions, nous constatons que
l’enseignement supérieur privé au Maroc s’est organisé en grands groupes et offrent un service en commun
en véritables partenaires. À l’avenir, l’organisation du système éducatif devra s’adapter aux exigences
actuelles de la gestion publique : préciser ses objectifs, mieux maîtriser l’emploi de ses moyens, compléter

1. Du XIXe au XIe siècle : prospective et rétrospective des formations d’ingénieurs... Article paru dans la revue de l’ECAM, numéro spécial cen-
tenaire, juin 2000. Claude Maury, Un vingt-et-unième siècle à inventer.

231
l’évaluation de ses résultats. Pour répondre aux évolutions démographiques prévues et aux besoins de la
société, le système devra, en outre, améliorer considérablement sa capacité d’adaptation et sa rapidité de
réaction. L’une des principales faiblesses de l’enseignement supérieur réside dans l’organisation de son offre
de formation, dont les caractéristiques sont d’être à la fois dispendieuse et peu lisible. Pour assurer son indis-
pensable rationalisation, les règles et les procédures qui concernent les diplômes et l’orientation doivent être
révisées, notamment à partir des mesures suivantes :
– accorder la priorité de la politique d’orientation des élèves à la sortie de l’enseignement secondaire et
des nouveaux étudiants ;
– introduire des indicateurs permettant de mesurer et de comparer les résultats des établissements et
mettre ces derniers à la disposition du public ;
– préciser les objectifs poursuivis par les différentes formations pour faciliter l’information et l’orientation
des étudiants dans le maquis des très nombreuses formations offertes dans l’enseignement supérieur.
– Pour exercer la fonction régulatrice qui est la sienne dans le système public, le ministère doit disposer
d’instruments efficaces tout en dotant les établissements des éléments nécessaires à l’élaboration de
leur stratégie. Dans ce but, il devra :
– engager des démarches prospectives sur les choix des étudiants, ainsi que sur le contenu et la localisa-
tion des formations, afin de mettre à la disposition des établissements les repères indispensables à l’éla-
boration des projets d’établissement et d’éviter les coûteuses redondances de formations ;
– mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois ;
– renforcer les relations contractuelles entre l’État et les établissements en faisant évoluer les contrats
d’établissement vers des contrats d’objectifs et de moyens incluant leur évaluation, et revoir en consé-
quence leur durée.
Au Maroc, sur la base des inscrits en 1re année primaire nous pouvons faire des projections jusqu’en 2016
(12 + 2004) et sur la base des projections de la carte scolaire pour les enfants scolarisables en 2010 (les nais-
sances de cette année), nous pouvons aller jusqu’à 2022 en combinant avec l’indicateur de la démographie
nous pouvons aller à 2025. Il faudrait ensuite prendre en compte les taux d’écoulement du primaire au
secondaire et du secondaire au supérieur.

Conclusion

Pour clore ce rapport, il est essentiel de préciser que l’analyse n’a pas pris en compte tous les aspects.
Bien qu’une évaluation doive balayer tous les aspects pour mieux « comprendre » les disfonctionnements, il
ne nous a pas été possible vu le temps imparti, de toucher les aspects tels que la structuration de la réforme,
ses lois et tout ce qui en découle, puisqu’à notre avis, il faudrait avoir un certain recul avant de porter un juge-
ment. Nous n’avons pas non plus abordé l’aspect financer au sens économique du terme, ni l’aspect législa-
tion, ni encore les conditions de vie des étudiants. En effet, ce dernier point est à, notre avis, d’une très
grande importance et a un impact direct sur la réussite estudiantine et sur la qualité des acquis ainsi que sur
l’épanouissement intégral de l’étudiant remarque avec laquelle nous avons débuté ce rapport.
Les établissements d’enseignement supérieur doivent disposer d’une vraie autonomie, mais, en contre-
partie, ils doivent assumer pleinement leurs responsabilités.

232
À cette fin, il faut :
– accroître l’autonomie des universités par une allocation de leurs moyens sous la forme d’un budget glo-
bal incluant la masse salariale ;
– pour conforter cette autonomie, donner à la fonction administrative et financière la place qui lui revient
dans la gestion des universités ;
– renforcer le pouvoir des présidents ;
– confier aux universités la gestion de l’ensemble de leurs personnels et de leurs investissements ;
– donner aux établissements le pouvoir d’organiser de façon plus souple, dans un cadre précis et contrô-
lable, en fonction de leurs besoins propres et des aspirations et compétences des enseignants cher-
cheurs, la répartition des activités de ces derniers entre recherche et enseignement ;
– s’assurer que les universités respectent la réglementation qui encadre leur fonctionnement ;
– veiller à la mise en œuvre des textes relatifs à la rénovation pédagogique dans les établissements ;
– rendre obligatoires les différentes formes d’évaluation, qu’elles concernent les établissements, les for-
mations, les enseignements ou le personnel enseignant, et créer les instances appropriées d’évaluation,
notamment dans les établissements.

Principaux documents consultés

Charte : CNEF
Tout le Kit des travaux de la COSEF, et les différentes publications s’y référant.

Aziza Chbani Hmamouchi, L’évaluation pédagogique et le succès scolaire, Imprimerie Fédala, 2002.

Ouvrages de l’UNESCO
1992 Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques
1997 Évaluation et certificats des compétences et qualifications professionnelles
1997 Innovation dans la gestion des universités
1998 Décentralisation, partenariat et carte scolaire : le cas français
1998 La gestion institutionnelle de l’enseignement supérieur
1998 L’évaluation de l’enseignement supérieur
1998 La qualité de l’école primaire dans des contextes de développement différents
2000 Améliorer l’efficacité des écoles
2002 Les aspects démographiques de la planification de l’éducation
2002 L’évaluation pour améliorer la qualité de l’enseignement

Les données statistiques


Statistiques universitaires 1992 ; 1993
La formation des cadres en chiffres 1990
Le mouvement éducatif au Maroc 1988
La formation des cadres en chiffres 1992

233
Documents CNJA :
Éducation formation des jeunes 1993
Le chômage des jeunes diplômés 1991

Études du ministère de l’éducation nationale financées par la banque mondiale ou autres


1998 Étude sur l’insertion professionnelle des diplômes de l’enseignement supérieur
1998 Étude sur la reforme des premiers cycles universitaires au royaume du Maroc1
1998 Étude sur la reforme des premiers cycles universitaires au royaume du Maroc2
1998 Étude sur la reforme des premiers cycles universitaires au royaume du Maroc3
1998 Étude sur l’agence d’évaluation1
1998 Étude sur l’agence d’évaluation2
1998 Étude sur la faisabilité de la mise en place d’un observatoire des études et des emplois
1999 Étude relative à la couverture sociale des étudiants1
1999 Étude relative à la couverture sociale des étudiants2
2000 Évaluation de la faculté de médecine rapport d’auto-analyse institutionnelle
2000 Étude relative a la couverture sociale des étudiants3
2001 Contribution à l’élaboration de la reforme pédagogique de l’enseignement supérieurs1
2001 Contribution à l’élaboration de la reforme pédagogique de l’enseignement supérieurs3
2003 Projet de planification stratégique du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse

Rapport mondial sur le développement humain PNUD 2002


Salmi Jamil (1985) Crise de l’enseignement et reproduction sociale au Maroc
Berdouzi Mohamed Rénover l’enseignement : de la charte aux actes 2000

Les mémoires du COPE consultés


Amsegt Abdallah et Al (1989) Quels sont les critères qui favorisent la réussite en 1re année de l’université ?
Arjdali Jamaa (1984) L’évaluation et le suivi d’un plan éducatif : supérieur
Arka Ali (1989) Décentralisation et carte universitaire
Bendaba Abdeljalil (1995) L’allocation des ressources au domaine de droit dans l’enseignement universi-
taire marocain
Berrakdich Hamid (1988) Les écoles supérieures de technologie au Maroc
Boulid Abdelaziz et AL (1989) Évaluation du niveau de français en 3A sciences et apprentissages au supé-
rieur
Chhibi El Mokhtar et Al (1988) Problématique d’instauration d’un système d’orientation au sein de l’ensei-
gnement universitaire au Maroc
Daowdi Abdelwahed (1997) Analyse de quelques déterminants de la réussite et de l’échec en première
année de l’université : le cas de la faculté des science de l’université My Ismail, Méknes
El haloui Abdelali et Al (1989) Évaluation de l’efficacité interne de quelques établissements universitaires
Khalil Mina et Al (1993) Les pratiques évaluatives au niveau de quelques institutions de l’enseignement
supérieur. Cas de l’ISCA et de la faculté de lettres ben M’sik
Khedji Hassan (1996) Analyse de la demande d’éducation dans l’enseignement supérieur cas des facultés
a accès libre de Rabat

234
Rahmatallah Abdeljalil (1998) La carte universitaire au Maroc les procédures et leurs limites
Tazi Mohammed (2002) Formation et insertion professionnelle des lauréats des écoles nationales de com-
merce et de gestion au Maroc
Zaidane Mohamed et Al (1991) Les enseignants de l’enseignement supérieur : étude socio-économique

Quelques adresses internet


www.cefi.org/CEFINET/DONN–REF/RAPPORTS/ECAM2000.HTM
www.senat.fr/rap/r01-054/r01-0544.html
www.cefi.org/CEFINET/DONN–REF/RAPPORTS/ATTALI/ATTA.HTM
http://www.universites.tn/francais/divers/actualite/strategie/strategie–in.htm
http://www.men.gov.ma/actua4.asp
http://journal.coherences.com/article.php3 ?id–article=72
http://cip-etats-generaux.apinc.org
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php–main/php–1998/1998–31.html
http://www.unesco.org/education/educprog/wche/principal/ag-21-f.html
http://cip-etats-generaux.apinc.org/article.php3 ?id–article=533

ANNEXE

L’exemple de la Tunisie

Il s’agira comme souligné dans le document 1 de :


1. Favoriser la réussite des étudiants : promotion de tous par le savoir ;
2. Faire de l’employabilité des diplômés la première priorité Préparer à des métiers changeants et à une
économie mondialisée ;
3. Veiller à la rénovation pédagogique : faire de la pédagogie une industrie prometteuse ;
4. Cibler la production scientifique selon les priorités de l’économie et les attentes de la société ;
5. S’engager dans un partenariat efficient, dans une économie ouverte et un espace globalisé ;
6. Assurer la pérennité du financement : davantage d’investissements privés.

1. http://www.universites.tn/francais/divers/actualite/strategie/strategie—in.htm

235
Étudiants et diplômés 2030

Année Nombre Effectifs Nombre Effectifs


étudiants additionnels diplômés additionnels
2001 226102 24543
2002 262502 +36400 28565 +4022
2003 294000 +31498 35450 +6885
2004 324000 +30000 40850 +5400
2005 354000 +30000 47700 +6850
2006 391000 +37000 53800 +6100
2007 422000 +31000 60250 +6450
2008 452000 +30000 67260 +7010
2009 471000 +19000 75480 +8220
2010 488980 +17980 82850 +7370
2011 492560 +3580 89970 +7120
2012 483160 i9400 96230 +6260
2013 472820 i10340 100210 +3980
2014 462010 i10810 101000 +790
2015 449790 i12220 99610 i1390
2016 436160 i13630 97660 i1950
2017 422060 i14100 95480 i2180
2018 407960 i14100 92940 i2540
2019 395270 i12690 89990 i2950
2020 383990 i11280 86860 i3130
2021 373180 i10810 83850 i3010
2022 363310 i9870 81100 i2750
2023 354850 i8460 78540 i2560
2024 347330 i7520 76140 i2400
2025 342160 i5170 73850 i2290
2026 337930 i4230 71860 i1990
2027 335110 i2820 70180 i1680
2028 333230 i1880 68890 i1290
2029 331820 i1410 67940 i950

Source : Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Technologie, 2003.

236
Étudiants et diplômés 2030

Source : Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de la Technologie, 2003.

Les expériences étrangères en matière de financement des études


et d’aide aux étudiants
Cette partie reproduit de larges extraits des comparaisons internationales en matière de financement des
études et d’aides aux étudiants établies par le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale
(CERC) dans son rapport d’avril 2003 intitulé « Éducation et redistribution », puis complétées par le ministère
de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche à la demande de votre rapporteur spécial.

1. Le « modèle scandinave »

Selon le CERC, « dans les pays du Nord de l’Europe (Suède, Norvège, Danemark), les dépenses d’éduca-
tion dans le supérieur sont nettement plus élevées qu’en France et les droits d’inscriptions sont nuls. De
plus, ces pays se sont dotés d’un système important d’aides aux étudiants pour leurs dépenses courantes.
Et ce système d’aide est généralement indépendant des revenus des familles d’origine.

En Suède, il n’existe pas d’allocations familiales pour les étudiants ou d’aides fiscales, mais les étudiants
peuvent bénéficier de logements étudiants ou d’aides à la couverture santé. Il n’existe pas de droits de scola-
rité.

237
En 1988, le système d’aide aux étudiants qui, depuis l’après-guerre, était fondé essentiellement sur un
programme de prêts sans conditions de ressources, a été amendé pour renforcer le programme de bourses
qui ne représentait que 5 % de l’aide. Désormais, des bourses non remboursables et des prêts à faible taux
d’intérêt sont accessibles aux étudiants : 30 % de l’aide est accordée sous la forme d’une bourse (1.900 cou-
ronnes par mois, soit environ 210 euros, pendant neuf mois) et 70 % sous la forme d’un prêt (4.955 cou-
ronnes au maximum par mois, soit environ 545 euros, pendant neuf mois).
Les conditions de ressources portent sur celles propres aux étudiants et non sur celles de leurs parents ou
conjoints. Les conditions d’éligibilité portent également sur la réussite des étudiants qui doivent valider au
moins 75 % de leurs examens tous les semestres (75 % dans les universités, 100 % pour les programmes à
orientation plus professionnelle). Les remboursements commencent généralement six mois après la fin des
études et représentent 4 % des revenus fiscaux (décalage d’un an avec les revenus réels). La durée de rem-
boursement n’est pas limitée, elle dépend des montants empruntés, des taux et des remboursements effec-
tués.
Environ huit étudiants sur dix bénéficient d’une bourse et six sur dix, de prêts mais les prêts représentent
70 % des aides aux étudiants.

En Norvège, les droits d’inscription sont également nuls. Un système d’aide aux étudiants pour faire face
à leurs besoins courants, s’est développé sous forme de prêts dès 1947. Les aides reposent actuellement
sur une combinaison de bourses et de prêts. Les bourses ne sont accordées qu’aux étudiants ne vivant pas
au domicile des parents. Les prêts sont accessibles à tous les étudiants, qu’ils vivent ou non au domicile
familial. Le prêt maximum pour un étudiant vivant hors du domicile familial était de 5.778 euros par an en
1995 (5.072 euros en cas de cohabitation chez les parents). Une condition d’obtention des bourses et des
prêts est le suivi d’un calendrier normal d’études.
Environ sept étudiants sur dix percevaient, en 1995, des bourses ou des prêts pour un montant moyen
annuel de 6.693 euros et les prêts représentaient environ les trois-quarts des aides aux étudiants. Les prêts
sont sans intérêts pendant la durée des études, le taux d’intérêt s’applique à partir de la fin des études. Les
prêts sont remboursables en vingt ans, les remboursements peuvent être plafonnés à 6 % du revenu brut et
annulés en cas d’incapacité permanente (ou de décès).

Au Danemark, où les droits d’inscription sont également nuls, les dépenses courantes peuvent donner
lieu à des bourses et des prêts d’état à bas taux d’intérêt. Ces aides sont compatibles avec un certain niveau
de ressources propres. Les étudiants poursuivant leurs études en occupant un emploi rémunéré sont éli-
gibles. Le principe est de versements mensuels égaux (pour 70 mois) soit une durée normale d’études de
cinq ans avec un retard accepté de 12 mois. Mais les étudiants peuvent l’utiliser sur des successions de for-
mations plus courtes, consécutives ou non. Le paiement est suspendu en cas d’interruption du suivi d’une
formation.
Le montant maximum des bourses est plus élevé pour des étudiants vivant indépendamment de leur
famille, celui des prêts est le même pour tous. Le montant des bourses ne dépend pas du niveau de revenu
de la famille ni d’éventuels enfants à charge.
Le taux d’intérêt sur les prêts est de 4 % durant les études, après il est fonction du taux d’intérêt minimal
de la banque centrale majoré ou réduit par décision annuelle du Parlement. Les intérêts sont déductibles des
impôts. Les prêts commencent à être remboursés une année après la fin des études, sur une période de 7 à
15 ans.
Environ 90 % des étudiants sont couverts par les bourses et 40 % par les prêts, alors que la proportion des
versements sous forme de prêt atteint environ les trois-quarts de l’aide totale (allouée sous forme de bourse
ou de prêt).

238
2. Le « modèle australien »

Selon le CERC, « le cas de l’Australie est fréquemment mis en avant dans les analyses internationales
portant sur le financement de l’enseignement universitaire. En effet, après avoir supprimé tout droit d’inscrip-
tion entre 1974 et 1985, ceux-ci ont été progressivement rétablis, principalement en 1989 avec le « KHigher
education contribution scheme ». La réintroduction des droits d’inscription était motivée par la forte crois-
sance des dépenses publiques d’éducation due à celle des effectifs : un triplement entre 1973 et 1997, dans
un contexte où la concurrence d’autres utilisations de financement public était forte (retraite et assurance
maladie) et où, par ailleurs, l’orientation politique allait dans le sens d’une réduction des prélèvements obliga-
toires.
Le niveau des dépenses par élève est plus élevé en Australie qu’en France (mais comparable sans la part
des dépenses de recherche), mais, par contre, la part prise en charge directement par les pouvoirs publics
est plus faible qu’en France.
Lors de leur réintroduction, les droits d’inscription étaient uniformes et correspondaient à une participation
d’environ 20 % au coût moyen de la scolarité. Depuis 1997, ces droits ont été à nouveau augmentés et sont
désormais différenciés selon trois niveaux, correspondant respectivement à 2.045, 2.913 et 3.409 euros
(pour l’année 1999). La différenciation est en partie représentative des différences de coût mais aussi des dif-
férences de perspectives de gains futurs. Ainsi les études de droit, peu coûteuses, donnent lieu à des droits
d’inscription élevés. Environ 20 % des étudiants sont exemptés de droits d’inscription, la plupart du temps
sur des critères de type d’études.
Les étudiants ont le choix entre acquitter les droits d’inscription dès le début de l’année scolaire (avec une
remise de 25 % dans ce cas) ou contracter un emprunt. 71 % des étudiants (en 1997) choisissent un paie-
ment différé. Depuis 1998, des combinaisons de paiements partiels directs et d’emprunts sont également
possibles.
Les prêts ont deux principales caractéristiques : ils sont à taux d’intérêt réel nul (les montants empruntés
sont indexés sur l’inflation) et les remboursements sont soumis à conditions de revenus. Ce sont les ser-
vices des impôts qui gèrent le remboursement des prêts, selon le principe de l’impôt progressif. Les paie-
ments ne sont mis en recouvrement que si les bénéficiaires ont des revenus supérieurs à 13.400 euros
annuels environ. Au-delà de ce seuil, les remboursements sont déterminés en fonction des revenus selon un
barème progressif de tranches dont les taux vont d’un minimum de 3 % à un maximum de 6 %.
Pour faire face aux autres dépenses, liées à la scolarité (livres, etc.) ou de subsistance (logement, nourri-
ture, transports, etc.), il existe des bourses ou allocations sous conditions de ressources de l’étudiant ou des
parents, s’il n’est pas considéré indépendant. Une des particularités de ces bourses est que l’étudiant peut
demander de transformer une partie des versements en un prêt sans intérêt d’un montant double, prêt rem-
boursable selon les modalités des prêts pour les droits de scolarité. Le montant maximal de prêt annuel est
de 3.800 euros.
L’expérience australienne peut être évaluée avec un certain recul, au moins pour l’impact de la réintroduc-
tion de droits de scolarité à la fin des années quatre-vingt. L’introduction de droits de scolarité assez élevés,
combinée avec le développement d’un système de prêts dont les modalités de remboursement fournissent
une assurance aux étudiants en cas d’insuccès professionnel, ne semble pas avoir eu d’effets sur les taux
d’entrée : la croissance du taux de participation aux études supérieures est restée soutenue et, en particulier,
pour les jeunes issus de catégories sociales peu favorisées. Par ailleurs, des craintes avaient été exprimées
sur le fait que le taux de défaut de remboursement serait élevé, notamment pour les étudiants de disciplines
conduisant à des perspectives de revenus moyens, conduisant à une charge pour les finances publiques. Il
apparaît, en fait, que les taux de remboursement étaient très importants, au moins pour les emprunts
contractés jusqu’à la hausse des droits en 1997 ».

239
3. Les réformes entreprises au Royaume-Uni

Selon le CERC : « Au Royaume-Uni 104*, la dépense éducative par étudiant est (hors part recherche) assez
proche du niveau français. En juillet 1997, suite à la publication du rapport Dearing, le gouvernement a
annoncé des projets de réforme du financement de l’enseignement supérieur et de l’aide aux étudiants. Les
étudiants ayant débuté leur cursus à partir de l’année académique 1998-1999 ont à payer une contribution au
coût de leurs études.
Son montant dépend de leur revenu, de celui de leur famille ou de leur conjoint. Pour l’année 2001-2002, le
droit maximum est de 1.100 £, soit environ 1.700 euros (à partir d’un revenu supérieur à 30.502 £, soit envi-
ron 47.000 euros). Un revenu inférieur à 20.480 £ (31 500 euros) exempte de droits. Environ 50 % des étu-
diants sont dispensés du paiement des droits.
[Par ailleurs], l’Angleterre a décidé en 1990 le gel des bourses et a mis en place progressivement un sys-
tème de prêts qui est aujourd’hui le principal moyen de financement des étudiants : depuis l’année acadé-
mique 1999-2000, les bourses sous conditions de ressources ont quasiment disparu en Angleterre, elles
sont partiellement maintenues en Irlande du nord et au Pays de Galles.
Depuis septembre 1998, le montant maximum du prêt qui peut être consenti à un étudiant est déterminé
par la « local education authority » dont il dépend, l’étudiant choisissant le montant qu’il désire sous ce pla-
fond. Le montant maximal pour l’année 2002/2003 est de 3.905 £ (4.815 £ à Londres). Un quart des mon-
tants du prêt est soumis à conditions de ressources. Enfin, ces prêts sont à taux zéro et leur remboursement
est modulé en fonction des revenus. Le remboursement annuel est de 9 % des revenus excédant 10.000 £
(16.000 euros) et plafonné à 833 £ par mois. Pour un revenu inférieur à 10.000 £, le remboursement est sus-
pendu.
Le système anglais s’est [ainsi] très directement inspiré de l’expérience engagée en Australie depuis plus
de dix ans ».
Après avoir précisé que les droits d’inscription à l’université en Angleterre se traduisent, pour les diplômés
du second cycle, par un endettement moyen estimé à 16.000 £, le recours aux prêts bancaires pour étu-
diants s’étant en effet progressivement généralisé depuis cinq ans, le ministère de la jeunesse, de l’éduca-
tion nationale et de la recherche a apporté deux compléments sur la situation du Royaume-Uni en réponse
au questionnaire de votre rapporteur spécial :
En premier lieu, le ministère de l’éducation a présenté au printemps 2003 devant le Parlement un nouveau
projet de réforme des droits d’inscription à l’université, dans la perspective de la rentrée universitaire 2006.
Ce projet comporter comporte trois volets :
« – l’augmentation des droits d’inscription, fixés librement par les universités à concurrence de 3.000 £ par
an et par étudiant (4 500 € environ). Diverses études indiquent que l’endettement bancaire des étudiants
anglais pourrait augmenter jusqu’à un niveau supérieur à 22.000 £ (33.500 €), soit une hausse évaluée à
30 % environ ;
– la proposition d’un impôt spécifique pour les diplômés de l’enseignement supérieur, accolé à l’impôt sur
le revenu, et applicable sur la tranche du revenu supérieure à 15.000 £ à un taux d’imposition de 9 % sur une
période de 10 à 15 ans suivant l’entrée des diplômés dans la vie active ;
– en compensation, la mise en place entre 2004 et 2006 d’un système de bourses unifié pour l’Angleterre
avec l’octroi d’une bourse annuelle d’un montant de 1 000 £ (1 500 € environ) aux étudiants dont la famille
disposerait de revenus annuels inférieurs à 10.000 £. Selon une logique de redistribution, 30 % environ des
étudiants anglais pourraient bénéficier d’une bourse à taux plein ».
En second lieu, « la sélectivité reste un trait marquant du système en vigueur ; elle alimente des critiques
récurrentes concernant le faible taux d’accès à l’enseignement supérieur des étudiants issus des couches

240
les plus modestes de la population. Le gouvernement anglais est favorable, sur ce point, à un système de
quotas d’inscriptions établis sur la base des revenus parentaux pour encourager la mixité sociale dans l’ensei-
gnement supérieur.
La réticence croissante des étudiants anglais à s’endetter pour de nombreuses années semble expliquer
l’essor des inscriptions dans les nouvelles formations universitaires professionnalisées en deux ans, les
« Foundation degrees », moins onéreuses, au détriment des formations longues sur modèle du Bachelor,
obtenu en trois ans, et du Master, obtenu en cinq ans.
La législation actuelle semble ne semble guère viable à terme : la situation financière dégradée de nombre
d’universités (difficulté des établissements à financer des programmes de recherche, endettement crois-
sant) rend inévitable une réforme du financement de l’enseignement supérieur anglais, et donc un réajuste-
ment du niveau de la contribution des étudiants et des familles.
En l’état actuel de la procédure législative, la réforme proposée pour 2006 a fait l’objet d’un avis défavo-
rable de la commission en charge, à Westminster, du rapport sur le projet de loi (avis appuyé à la fois par des
membres de la majorité et de l’opposition). Le projet semble susciter également de très vives réserves de la
part de l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur ».

4. La situation des Pays-Bas

Selon le CERC : « Aux Pays-Bas, le niveau des dépenses d’éducation par étudiant est comparable à celui
de la France (hors dépenses de recherche). Les droits d’inscription sont uniformes pour les étudiants à
temps plein suivant un cursus normal, quel que soit l’Université ou l’établissement d’enseignement profes-
sionnel et s’élèvent à 1.304 euros pour l’année 2000-2001. Ces droits représentent environ 20 % du coût
direct de l’enseignement.
Le système d’aide aux étudiants repose, aux Pays-Bas, sur trois principaux programmes : un programme
de bourses, un programme de prêts et un programme de prêts pouvant se transformer en bourses si les
résultats de l’étudiant remplissent certaines conditions.
Tous les étudiants inscrits à plein temps reçoivent une aide de base pour la durée de leurs études supé-
rieures (quatre ou cinq ans). Les étudiants la reçoivent sous la forme d’un prêt, ce prêt se transformant entiè-
rement en bourse si les étudiants remplissent certaines conditions de progression dans leurs études. Ils
devaient pour cela réussir 50 % des examens la première année et pour les autres années, ne pas prendre
en tout plus de deux ans de retard. En 2001, le montant mensuel maximal de cette aide était de 67 euros par
mois pour les étudiants habitant chez leurs parents et de 206 euros pour les étudiants ayant décohabité.
Les étudiants peuvent ne demander qu’une fraction de cette aide, de manière à réduire leur dette dans le
cas où ils ne rempliraient pas les critères de performance. En raison de l’importance croissante du nombre
d’étudiants combinant la poursuite d’études (parfois à temps partiel) et l’occupation d’un emploi (à temps
partiel également), il a été décidé, à partir de l’année 2000-2001, de porter à dix ans (et non plus six) la pé-
riode permettant à un étudiant d’achever son cursus en transformant le prêt en bourse.
Les étudiants peuvent bénéficier de bourses supplémentaires dont le niveau dépend des ressources
parentales. Cette bourse est attribuée sous les mêmes conditions de performance que la précédente. Le
montant maximal (attribué pour les étudiants dont les revenus parentaux sont inférieurs à 23.600 euros) est
de 196 euros par mois pour les étudiants habitant chez leurs parents et de 212 euros pour les étudiants ayant
dé-cohabité. Elle n’est attribuable que pour la durée normale des études.
Les étudiants peuvent, enfin, bénéficier d’un programme de prêt à intérêts pour un montant maximal de
229 euros par mois. Ce programme n’est pas sous conditions de ressources ; il existe, de plus, un pro-
gramme de prêt particulier si les parents ne veulent pas contribuer au coût des études.

241
Les étudiants peuvent disposer d’un revenu personnel net de 8.850 euros ; au-delà, le niveau des aides est
réduit.
Le remboursement des prêts débute deux ans après la fin des études ; les intérêts courent à partir de
l’ouverture des prêts et doivent être remboursés en quinze ans au maximum. Les personnes ne disposant
que de bas revenus peuvent bénéficier d’arrangements calculés en fonction de leurs capacités financières.

5. La situation de l’Allemagne

Selon le CERC : « En Allemagne, la dépense d’éducation dans le supérieur est relativement peu élevée
(de l’ordre de la moyenne française si l’on défalque la partie recherche). Elle est presque intégralement prise
en charge par les pouvoirs publics : les droits d’inscription aux études sont nuls (sauf dans deux Länder) mais
les étudiants ont à cotiser pour divers services d’aide, pour la couverture maladie et pour l’adhésion à un syn-
dicat.
Le système allemand d’aide aux étudiants repose principalement sur le Bafög, qui comporte pour moitié
une bourse et pour moitié un prêt. Le montant maximum varie de 342 euros par mois pour les étudiants
vivant chez leurs parents à 462 euros pour ceux qui ont dé-cohabité. Les montants sont plus élevés dans les
Länder de l’Ouest. Le Bäfog était jusqu’en 1974 uniquement constitué de bourses, il est devenu mixte à
l’époque, puis constitué de prêts uniquement entre 1983 et 1989. L’attribution du Bäfog se fait sur critères
universitaires (résultats de l’année précédente) et sous conditions de ressources des parents. Au cours des
trente dernières années, le nombre d’étudiants a triplé et celui des bénéficiaires du Bäfog est resté sensible-
ment constant : moins de 20 % des étudiants en bénéficient actuellement.
Les prêts sont sans intérêts, le remboursement débute la cinquième année après la fin des études et peut
s’étendre sur 15 ans ; un versement mensuel minimum est de 102 euros.
Les parents des étudiants peuvent également bénéficier d’allocations d’éducation (102 euros par mois
pour les étudiants vivant chez leurs parents à 179 euros pour ceux qui ont dé-cohabité) ou d’aides fiscales ».

6. La situation de l’Italie

Le ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche précise en réponse au ques-


tionnaire de votre rapporteur spécial :
« Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’autonomie universitaire en 1994, entraînant les premières expéri-
mentations de privatisation de l’université et des œuvres universitaires au service des étudiants, les droits
d’inscription ont augmenté de manière importante en Italie. Cette augmentation est aussi la conséquence
des réductions du budget de l’État consacrées à l’éducation en général.
Les frais de scolarité pour une année universitaire vont [ainsi] dans l’enseignement supérieur public, d’un
minimum de 1.000 € à un maximum de 2.500 €, et de 4.500 à 8.000 € dans l’enseignement privé, frais à
décomposer en trois parties : frais d’inscription, frais de matériel et taxe régionale (pour les œuvres universi-
taires), payables en plusieurs fois (3-4 versements échelonnées au cours de l’année).
Ces frais élevés sont en partie compensés :
– d’une part, par un système de calcul du montant des droits extrêmement complexe et personnalisé, pre-
nant en compte et les revenus de l’étudiant ou de la famille de l’étudiant, calculés sur la base de 5 tranches
de revenus selon deux indicateurs : ICE (Indicateur Situation Économique) et ICP (Indicateur Situation Patri-

242
moniale), et l’origine du domicile de l’étudiant (aide différenciée, moins importante si la famille est résidente
dans la ville universitaire, plus conséquente si la famille réside en province) ;
– d’autre part, par l’octroi d’aides pour les transports, le logement, les restaurants universitaires ; par l’exis-
tence de nombreux emplois à temps partiel (150 heures au maximum) offerts aux étudiants (sur concours) au
sein de l’université (aide aux étudiants handicapés, bibliothèque, œuvres universitaires, relations inter-
nationales, tutorat...) ; par la délivrance de prêts d’honneur par les banques ; enfin par l’attribution de bourses
proposées par les Régions (qui gèrent les œuvres universitaires) et par les universités elles-mêmes : soit sur
critères sociaux, soit au mérite (par exemple, exemption des droits d’inscription en 1re année pour les élèves
ayant obtenu d’excellentes notes au baccalauréat, et ensuite pour les meilleurs étudiants) soit, également,
pour relancer les inscriptions dans certaines universités peu fréquentées, parce que géographiquement
excentrées ou de création récente, et donc peu connues.

243
La formation professionnelle au Maroc
Éléments d’analyse des réformes et des résultats
Des cinquante années d’indépendance

Introduction ............................................................................................................247

I. Genèse et évolution du système de la formation professionnelle .............248


1. État de la formation professionnelle sous le protectorat ........................248
1.1. La période 1912 – 1944 .............................................................................248
1.2. La période 1945 à l’indépendance .........................................................250
2. Évolution des politiques publiques et des réformes
de la formation professionnelle depuis l’indépendance..........................252
2.1. Évolution des politiques publiques de 1956 à 1984 .............................252
2.1.1. La formation professionnelle dans les plans
de développement économique et social ..................................252
2.1.2. L’organisation institutionnelle ........................................................253
2.1.3. Caractéristiques de l’évolution de la formation
professionnelle de 1956 à 1984 .....................................................254
2.2. Processus de réforme de la formation professionnelle ....................255
2.2.1. La réforme de 1984 ..........................................................................256
2.2.1.1. Objectifs & finalités ............................................................256
2.2.1.2. Caractérisation de la réforme ...........................................256
2.2.2. La formation professionnelle dans la Charte Nationale
d’Éducation-Formation ...................................................................258
2.2.2.1. Principales dispositions .....................................................259
2.2.2.2. Réformes institutionnelles .................................................260
II. Bilan et analyse des principaux résultats .....................................................260
1. Indicateurs de développement ....................................................................261
1.1. L’évolution de l’offre globale ...................................................................261
1.2. L’expansion de l’offre privée ...................................................................263
1.3. La diversification et l’adaptation de l’offre ..........................................264
1.4. La couverture sectorielle et territoriale ...............................................265
1.5. La rentabilité interne et externe ............................................................265
2. Limites et dysfonctionnements ....................................................................266
2.1. Limites quantitatives et qualitatives ......................................................266
2.2. Prédominance de la formation résidentielle .......................................267

245

somgt4-7 245 21/02/06, 14:00:31


2.3. Problème d’articulation avec le système éducatif .............................267
2.4. Participation sélective des professionnels ..........................................268
2.5. Problème de coordination et de pilotage .............................................269
2.6. Lacunes au niveau de la gestion des ressources ..............................270
2.7. Problématique du financement ..............................................................271
2.8. Problématique de la F.P en milieu rural ................................................272
3. Éléments de comparaison avec des expériences étrangères ...............274
3.1. L’expérience de la Corée & du Singapour ............................................274
3.2. L’expérience Brésilienne .........................................................................275
III. Éléments de perspective ................................................................................276
1. Grands défis à relever ...................................................................................276
1.1. Défis de la mise à niveau de l’économie ..............................................276
1.2. Défis de l’intégration sociale et professionnelle ................................277
1.3. Défis de l’efficience et de la maîtrise des coûts
de formation ...............................................................................................277
2. Tendances d’évolution du système .............................................................278
2.1. Consolidation et extension du dispositif de formation .......................278
2.2. Consécration de l’entreprise comme espace de formation ..............279

Conclusion ..............................................................................................................279

MOHAMED BENKERROUM
DRISS EL YACOUBI

246

somgt4-7 246 21/02/06, 14:00:32


Introduction

La formation professionnelle, en tant que composante du développement humain, constitue aujourd’hui un


enjeu dans l’acquisition des savoir faire et des compétences nécessaires à la maîtrise des nouvelles tech-
nologies et à l’accès à la société de l’information. Elle peut être définie comme un système qui, à partir d’un
pré-requis scolaire ou professionnel, prépare les postulants à l’exercice et / ou à l’adaptation à une activité
professionnelle. C’est donc un levier pour l’amélioration de l’employabilité et un instrument de mise à niveau
des compétences des entreprises. De ce fait, elle ne saurait se concevoir et s’exécuter en dehors des objec-
tifs socio-économiques et culturels des politiques publiques. Ainsi défini, le champ de la formation profes-
sionnelle parait assez vaste et nécessite pour une meilleure compréhension de ses enjeux, des analyses
complémentaires rendant compte de ses articulations avec les politiques économiques, d’emploi et d’éduca-
tion.
Le processus d’édification du système marocain de la formation professionnelle s’inscrit-il dans cet
ensemble de finalités ?
Dès les premières années de l’indépendance, la question de la formation et de la qualification profes-
sionnelles s’est posée comme une nécessité pour la mise en valeur du potentiel productif, tant industriel que
minier ou agricole. Son expansion devait être planifiée afin de répondre à la fois aux progrès de l’enseigne-
ment de base et aux besoins réels en personnel des diverses branches d’activité.
Longtemps considérée comme une filière de sélection par l’échec, la formation professionnelle a connu
durant les cinquante années de l’indépendance, une évolution de perception et d’organisation. Elle s’est
transformée peu à peu en une voie de formation englobant formation initiale et formation continue et cou-
vrant une multitude de secteurs et de partenaires.
Ces évolutions ont donné lieu à des politiques et à des approches qui ont été formalisées notamment dans la
réforme de 1984 et dans la charte nationale d’éducation-formation en 1999.
La présente contribution a pour objet d’appréhender ce processus d’édification du système de la forma-
tion professionnelle à travers les principales réformes annoncées, initiées ou réalisées. Elle se propose de
dresser l’état d’évolution globale du système à partir d’une identification des forces et faiblesses du disposi-
tif de formation. Elle s’appuie pour cela sur l’analyse des politiques et stratégies mises en œuvre et sur les
principaux résultats qui en découlent pour le fonctionnement, l’organisation et les performances du sys-
tème. Des éléments de perspective de développement du système à court et à moyen termes sont égale-
ment abordés pour alimenter la réflexion sur les principaux défis à relever et les tendances d’évolution à
l’horizon 2025.

247
I. Genèse et évolution du système de la formation
professionnelle

1. État de la formation professionnelle sous le Protectorat

La formation professionnelle en tant qu’activité propre à l’entreprise, existait bien avant l’avènement du
Protectorat. Elle était assurée dans les petites fabriques artisanales qui transmettaient les techniques et les
normes de production au profit des apprentis. Ces entreprises étaient organisées dans des « corporations »
présidées par un Amine. L’ensemble des corporations était contrôlé par un Mohtassib 1.
Cependant, il faut noter quelques tentatives de « modernisation » de la formation professionnelle entre-
prises par les sultans à la fin du XVIIIe siècle. C’est ainsi que le sultan Mohamed III recruta en l’an 1786, cent
jeunes marocains pour leur faire subir une formation spécialisée, à Tanger, afin de renforcer la flotte militaire
marocaine. Par ailleurs, cent quarante autres furent choisis pour subir une formation artistique.
De son côté l’État organisait sporadiquement des formations fonctionnelles pour couvrir les besoins de
son appareil administratif et militaire profondément réaménagés depuis l’avènement de la dynastie saa-
dienne.
D’un autre côté, le sultan, Hassan 1er multiplia l’envoi de missions d’étudiants, vers des pays occidentaux
comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre et les USA afin qu’ils bénéficient d’une formation profes-
sionnelle dans le domaine des arts mécaniques et des techniques militaires. Avant leur voyage, une préfor-
mation de mise à niveau leur était assurée par des encadreurs européens sur les lieux, notamment à
« l’Institut d’artillerie d’El Jadida et à la fabrique d’armes de Fès ».
Bref, à l’exception de quelques rares formations opérées à l’étranger, la FP à l’époque, était traditionnelle
et intégrée dans l’artisanat. L’apprenti en était le principal élément comme le constate Boutata : « l’apprenti,
en tant que condition de renouvellement du métier constituait une pièce maîtresse dans le procès de travail
artisanal. L’apprentissage était nécessaire et obligatoire dans le cadre de la corporation ». 2

1.1. La période 1912-1944

À l’avènement du Protectorat, le désir de créer de nouveaux marchés pour les produits de la métropole,
avait amené l’administration coloniale à détruire la structure sur laquelle reposait la corporation profes-
sionnelle et ceci, par le biais du rétrécissement des rôles de « l’Amine » et du « Mohtassib » au profit de
ceux du caïd et du pacha, ce qui avait entraîné une désorganisation et une ruine de l’apprentissage profes-
sionnel artisanal qui était le principal opérateur de la FP à l’époque : « l’apprentissage était organisé au niveau
de chaque métier sous l’égide du Maalam. Un rôle particulier revenait au Mohtassib et à l’Amine de la corpo-
ration dans le cadre des institutions corporatives. Ce sont ces structures de base que le système colonial
allait détruire, destruction qui était fatale pour l’apprentissage ». Le Maréchal Lyautey, déjà, en 1920 avait
esquissé aussi bien les caractéristiques que les objectifs de l’enseignement professionnel marocain ; « nous

1. Boutata 1979.
2. Ibid.

248
nous bornerons en quelque sorte à placer l’enfant dans l’atmosphère des métiers qu’il sera susceptible
d’exercer (...) nous le maintenons le plus possible dans le milieu professionnel où nous l’avons pris » (Lyau-
tey cité par Boutata). Le principal objectif assigné à l’enseignement professionnel destiné aux enfants maro-
cains était axé sur la formation des ouvriers semi qualifiés pour alimenter les entreprises et les fermes des
colons comme le souligna Paul Marty en 1925, alors directeur de l’instruction publique au Maroc : « pour
cette jeunesse, on édifie d’année en année, ces écoles professionnelles et techniques, ces écoles agricoles
qui constellent déjà l’empire chérifien » 1.
La période 1912-1944 est caractérisée par l’absence d’une formation spécifique qualifiée pour les marocains,
en raison de la politique de discrimination menée par le Protectorat à l’encontre des ouvriers marocains,
comme le reflète clairement la déclaration significative du responsable de l’entreprise marocaine « asphal-
tage », en protestant énergiquement, contre toute formation qualifiée au profit des marocains.
À l’instar de la politique appliquée en matière d’enseignement général, les autorités du Protectorat se sont
basées sur la notion de classe sociale pour installer leur réseau de FP qui était constitué de deux sortes
d’enseignement :

Programmes de formation professionnelle destinés aux jeunes européens


Ce système de formation favorisait les jeunes européens qui résidaient au Maroc. De 1917 à 1945, c’est
surtout à leur profit que l’on créa quelques écoles d’enseignement professionnel pour renforcer l’effectif des
cadres techniques nécessaires au développement des activités liées au secteur colonial dominant. Le
contenu de la formation dans ces écoles était identique aux programmes de la métropole. Il s’agissait d’une
formation qualifiante et adaptée qui débouchait automatiquement sur un emploi bien rémunéré et évolutif,
car bon nombre d’entreprises et grandes sociétés se préoccupaient de la formation continue de leur person-
nel qualifié. Les jeunes européens ont continué à en être presque les seuls bénéficiaires. Cette formation
était tellement sélective vis à vis des autochtones qu’elle posait des conditions telles que les jeunes maro-
cains se trouvaient relégués à un autre type de formation destiné à des postes subalternes, malgré les
efforts du sultan pour un enseignement professionnel et technique.

L’enseignement destiné aux marocains qui aboutissait à des formations non


qualifiantes
Cet enseignement inadapté aux structures économiques était handicapé par le manque de matériel, de
crédit et de cadres.
Concrétisant ses intentions discriminatives, l’administration coloniale créa pour les marocains des
« centres d’apprentissage » qui dispensaient un enseignement professionnel semi-qualifiant.
La majorité des formations dispensées au sein de ces nouvelles structures n’exerçaient que peu d’attrait
sur les jeunes de l’époque, en raison de leur caractère dévalorisant et inadéquat.
En effet, d’énormes problèmes viciaient profondément leur développement ; ces problèmes sont inhé-
rents aux conditions matérielles défavorables, notamment au support financier, à l’inadéquation des conte-
nus et des méthodes, à la langue d’enseignement en usage et à l’absence d’une politique de formation
efficace et bien coordonnée permettant d’intégrer les centres de formation qui relevaient de plusieurs admi-
nistrations de tutelle dans un ensemble logique, homogène et hiérarchisé. Les exemples suivants

1. Baina 1981 p. 111.

249
illustrent bien la modestie de leurs effectifs, leur faible rendement et l’inadéquation de leur produit avec les
opportunités de l’emploi.
Seuls 1231 apprentis fréquentaient les Écoles Musulmanes d’Apprentissage en 1935. Sur ce chiffre 300
étaient à placer au maximum. Sur les 300 à placer, 52 seulement étaient pourvus d’un certificat d’apprentis-
sage, c’est-à-dire ayant un statut reconnu par le patronat.
Le dahir du 16 avril 1940 (relatif à la formation des ouvriers qualifiés) ne fait pas de différence entre
l’apprentissage, la formation méthodique de main-d’œuvre qualifiée et la formation professionnelle.
Si au cours de cette période (1912-1944), pour subvenir aux besoins en main d’œuvre qualifiée, l’adminis-
tration coloniale avait recouru, à la métropole, il n’en était pas de même pour la période 1945-1956 avec
l’apparition de nouvelles données économiques, politiques et sociales.

1.2 La période de 1945 à l’indépendance

En effet, ce n’est qu’à partir de 1945, dans un contexte politico-économique favorable à l’introduction des
réformes et à la réalisation de grands projets de développements visant au fond à prolonger le régime colo-
nial, qu’il a été décidé l’organisation de nouvelles structures de formation plus ouvertes aux jeunes maro-
cains. Ces structures visaient à former des ouvriers qualifiés ou semi-qualifiés pour les métiers du
commerce, de l’industrie et de l’agriculture coloniale, en vue de faire face à la pénurie aigüe de main-d’œuvre
qualifiée disponible localement.
L’afflux d’investissements publics et privés, le développement des industries de transformation, l’exploita-
tion des chemins de fer, et surtout la pression du nationalisme naissant avaient contraint le pouvoir colonial à
envisager l’instauration de nouvelles structures de la formation professionnelle au profit des marocains. Trois
types de structures assuraient cet enseignement calqué sur celui de la métropole :

a- les centres d’apprentissage parsemés dans les écoles primaires formaient des ouvriers semi qualifiés
dans les secteurs de l’industrie, la mécanique, le bâtiment, le commerce, l’hôtellerie, l’agriculture et les
mines. Les études étaient sanctionnées par un certificat d’Aptitude Professionnel (CAP).

b- un enseignement moyen à caractère industriel et agricole dispensé par des collèges techniques afin de
former des ouvriers qualifiés. Les études y étaient sanctionnées par un Brevet d’Enseignement Technique
(BET).Il y avait en tout 11 collèges. Avec ses six écoles, l’enseignement agricole alimentait le secteur de
l’agriculture en ouvriers qualifiés. La fin des études y était sanctionnée par un Brevet de l’Enseignement Agri-
cole (BEA).

c- un enseignement supérieur qui assurait, à la fois la formation de techniciens pour l’agriculture et l’indus-
trie, par l’intermédiaire de l’école d’agriculture de Meknès (créée en 1945) et l’école industrielle de Casa-
blanca. Les études étaient sanctionnées par un bac technique.
En dépit de la diversification de cet enseignement, il n’avait pas réalisé les résultats escomptés, non seule-
ment, au niveau qualitatif, mais aussi au niveau quantitatif.
Bien que la population musulmane soit de huit millions d’habitants et que la population européenne ne
dépasse pas 400 000 habitants, vers le début des années 50 (R. Galisso), les effectifs marocains musulmans
scolarisés dans l’enseignement technique et professionnel étaient insignifiants par rapport au poids de la
population à l’époque comme il apparaît dans les tableaux suivants :

250
Tableau 1. Répartition des effectifs de l’enseignement technique et professionnel en 1952

Type d’enseignement Musulmans juifs européens Total


er
1 degré 5 670 1 664 1 822 9 157
2e degré 368 367 3 640 4 375
total 6 038 2 031 5 462 13 532

Source : M.Boutata 1979 p. 66

Il ressort des données de ce tableau que non seulement les effectifs marocains musulmans par rapport à
ceux de la colonie juive et européenne, étaient moins importants, compte tenu des parts de la population,
mais aussi que les musulmans étaient sous-représentés dans l’enseignement du second degré qui menait
vers la qualification. Il en était de même pour les certificats d’aptitude professionnelle délivrés aux marocains
et dont le nombre reflète la maigreur des résultats, comme en témoignent les deux tableaux ci-après :

Tableau 2 : Nombre de CAP délivrés aux marocains musulmans

Années Nombre de CAP


1950 43
1955 268

Source : A. Belal, cité par J.Salmi,1985 p. 33

Tableau 3 : Qualification ouvrière en 1952

Catégories Européens en % Indigènes en %


Travailleurs qualifiés 82.4 4.1
Travailleurs semi qualifiés 15.5 12.7
Manœuvres 2.1 83.2
total 100 100

Source : Poniatowski (cité par Boutata, 1979)

Ces données se passent de tout commentaire puisqu’elles montrent que 96 % de la masse ouvrière maro-
caine est dépourvue de toute qualification à la différence de la masse ouvrière européenne dont la qualifica-
tion était de 82.4 %
D’un autre côté, les marocains n’avaient pas échappé à cette discrimination au niveau de la hiérarchisation
administrative. S. Amine (cité par Boutata, 1979) avait souligné l’ampleur de cette situation dans le tableau
suivant :

251
Tableau 4 : Répartition des employés selon la hiérarchie administrative, 1955

Catégories Effectifs %
Fonctions subalternes
Musulmans 23 000 34
Non musulmans 18 000 24.3
Cadres
Musulmans 4 000 5.7
Non musulmans 23 000 35
total 68000 100

Source : S.Amine (cité par Boutata)

L’analyse de ce tableau est significative dans la mesure où elle montre que 5.7 % des employés marocains
seulement, étaient considérés comme cadres contre 35 % des employés européens.
De ce qui précède, nous pouvons constater que l’impact colonial en matière de formation professionnelle
était négatif pour les marocains car la politique menée, dans ce domaine, accusait un déséquilibre, non seule-
ment au niveau des effectifs formés, mais aussi, au niveau de la qualification qui s’opérait au détriment de la
population musulmane. Ce déséquilibre est d’autant plus significatif que la population européenne ne repré-
sentait, à l’époque, que 5 % de la population musulmane.

2. Évolution des politiques publiques et des réformes de la


formation professionnelle depuis l’indépendance

2.1 Évolution des politiques publiques de 1956 à 1984 :

2.1.1 La formation professionnelle dans les plans de développement économique et


social
Pour faire face à la situation précaire caractérisée par la pénurie de main d’œuvre qualifiée autochtone et
par la dépendance économique et culturelle à l’égard de la puissance coloniale, le Maroc indépendant allait
assigner à l’éducation, en général, et à la formation professionnelle en particulier, un rôle prépondérant dans
le développement social et économique du pays. Cette préoccupation est clairement soulignée dans le plan
quinquennal 1960-64 : « c’est dans le domaine de la science, de la technique que se fait sentir gravement
l’insuffisance des moyens humains en vue du développement économique : c’est sans doute cette insuffi-
sance qui nous fait ressentir, vivement, nos liens de dépendance économique » 1.
Depuis, tous les plans ont mis l’accent sur l’importance de la formation professionnelle et lui ont fixé des
objectifs de développement et d’extension pour remédier à la grande carence des effectifs formés par rap-
port aux besoins de l’économie. La déclaration prononcée le 10 novembre 1977 devant le parlement par A.
Osman, alors premier ministre, résume les orientations de la politique préconisée en la matière : « le secteur
de la formation fera l’objet d’une attention particulière en raison de son importance et de son aptitude à don-

1. Volume II, développement social, chapitre 7.

252
ner aux citoyens une formation convenable leur permettant de s’intégrer dans la vie économique et sociale,
compte tenu des besoins du développement du pays en techniciens qualifiés et spécialisés, sans lesquels
aucun développement n’est possible ».
La politique du gouvernement dans ce secteur consiste à établir des liens directs entre l’enseignement
général et la FP et à multiplier les centres de formation dans les différentes provinces et préfectures, en par-
ticulier celles qui sont plus éloignées. Il est attendu des sociétés privées qu’elles participent davantage aux
efforts déployés dans ce domaine, de même les collectivités locales devront contribuer, selon leurs moyens,
à la construction de centres de formation.
Il faut, toutefois, signaler que si les quatre premiers plans (de 1960 à 1977) ont été placés dans l’optique de
répondre prioritairement aux impératifs de marocanisation des postes tenus par les étrangers et de déve-
loppement de l’emploi qualifié, dans un contexte marqué par une grande pénurie de main-d’œuvre formée,
les plans (de 1978 à 1985) avaient, par contre, été dominés par le souci d’introduire des réformes dans un
contexte caractérisé beaucoup plus par l’abondance que par la pénurie du fait du contrecoup des objectifs
quantitatifs très mal dosés du plan quinquennal (1973-1977).
En effet, conformément aux orientations du plan 1973/77, plus de 40 études ont été réalisées par des
experts étrangers, dans le cadre du projet MOR/71/542, pour servir de base à une réforme fondamentale de
l’appareil d’éducation et de formation.
Cette réforme qui s’est trouvée en fin de compte abandonnée, comme le signale le plan 1981/1985, était
censée avoir lieu, à partir d’octobre 1978, au niveau de la première année primaire, pour toucher successive-
ment les autres niveaux d’enseignement et de formation au fur et à mesure de l’écoulement des cohortes.

2.1.2 L’organisation institutionnelle


La principale caractéristique de la formation professionnelle au cours de cette période, est la diversité et
l’instabilité des organismes de coordination et d’exécution des politiques et des plans de développement de
la formation professionnelle.
Au début de l’indépendance, c’était le MEN qui supervisait et gérait le dispositif de la formation profes-
sionnelle avec la contribution de quelques ministères. En 1963, fut créé le Haut Commissariat à la Formation
Professionnelle qui avait pour but de contrôler, de concevoir et de coordonner l’action de la formation profes-
sionnelle. En 1964, un Secrétariat d’État à l’Enseignement Technique et à la Formation Professionnelle fut
créé pour remplacer le Haut Commissariat.
C’est en 1974 que paraît la première et importante législation sur la formation professionnelle avec la créa-
tion de l’OFPPT. Ce dernier apparaît comme l’opérateur principal de l’État et entend jouer un rôle clef en
matière de formation professionnelle. L’OFPPT est, en effet, chargé à travers ses missions, de répondre à
ces deux vocations complémentaires que sont la formation professionnelle et la promotion du travail ; autre-
ment dit d’apporter à l’économie nationale le flux vital de compétences et de qualifications nécessaires à son
développement.

L’OFPPT est un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il est
placé sous la tutelle de l’autorité gouvernementale chargée de la formation professionnelle. Son activité
repose sur les textes suivants :
– le dahir portant loi no 1-72-183 du 28 Rabie II 1394(21 mai 1974) instituant l’OFPPT ;
– le décret no 2-73-633 du 29 Rabie II 1394 (22 mai 1974) portant création de la taxe de FP, fixant le taux et
les conditions de ladite taxe et déterminant les conditions relatives à la conclusion de programmes spé-
ciaux de FP ;
– le décret no 1-86-820 du 28 Rabie II 1407 (31 décembre 1986) modifiant le décret no 2-73-633 du 29
Rabie II 1394 (22 mai 1974) portant création de la taxe de FP, fixant le taux et les conditions de recouvre-
ment de ladite taxe et déterminant les conditions relatives à la conclusion des contrats pour la réalisation

253
de programmes spéciaux de FP, et notamment l’article 3 qui prévoit dorénavant que le taux de la taxe de
la FP est fixé à 1.6 % du montant des rémunérations.

Le financement de la formation professionnelle est assuré, depuis la création de l’Office, par le produit de
la taxe à la formation professionnelle, porté en 1986 à 1,6 % de la masse des salaires bruts perçus par les
salariés des entreprises du secteur industriel, commercial et de certaines professions libérales. Ce finance-
ment est destiné à couvrir les frais de fonctionnement tandis que l’investissement (construction, équipe-
ment) est assuré dans le cadre du budget général de l’État.
L’Office est devenu une institution incontournable pour l’exécution de la politique de la formation profes-
sionnelle. Mais le poids prépondérant de l’intervention de l’Office dans le domaine de la formation profes-
sionnelle le place dans une situation privilégiée pour l’analyse des progrès et difficultés rencontrées en
matière de mise en œuvre de la politique de la formation professionnelle. Il constitue, de fait, un véritable
observatoire de la formation professionnelle. Cette position privilégiée a fait qu’il a été l’objet de nombreuses
investigations approfondies qui ont alimenté plusieurs bilans et réformes.

2.1.3 Caractéristiques de l’évolution de la formation professionnelle de 1956 à 1984


Ce qui caractérisait cette période, c’était le manque de données exhaustives et cohérentes sur l’ensemble
du dispositif de la formation professionnelle à cause du manque de coordination entre les divers organes for-
mateurs. Les quelques données disponibles permettent de relever la faible croissance de la capacité
d’accueil au regard de la demande de formation.
Avec un taux d’accroissement annuel moyen de 8 %, la capacité d’accueil n’était pas à même de satisfaire
la demande de formation qui était de l’ordre de 400 000 selon Meknassi, (1977).
L’offre de la formation professionnelle n’était pas répartie également entre les régions et les provinces :
36 % des centres de formation professionnelle et 45 % des places disponibles étaient concentrés dans les
deux villes de Casablanca et Rabat. En revanche, 10 provinces n’accueillaient que six centres sur un total de
250 centres (Meknassi).
Par ailleurs, de nombreuses études concernant la rentabilité des établissements furent effectuées dans le
cadre du contrôle de l’orientation donnée aux élèves. Elles firent apparaître une grave inadaptation du sys-
tème de formation aux besoins nationaux. Créées pour donner au secteur capitaliste moderne du Protectorat
les ouvriers qualifiés dont il avait besoin, les écoles professionnelles s’avéraient incapables de fournir au
Maroc indépendant le personnel technique de base nécessaire à la réalisation d’une politique tendant vers la
réduction du dualisme économique hérité du régime colonial.
En 1958, sur 154 sections masculines d’enseignement professionnel, on comptait 14 sections agricoles
pour 97 sections formant des ouvriers industriels (ajustage, mécanique, machines-outils, électricité).
Dans certaines spécialités, la formation était conçue en fonction des besoins d’entreprises très modernes
pratiquant une division du travail poussée, alors que les petites et moyennes entreprises marocaines ayant
pris la relève après l’indépendance faisaient appel à un personnel polyvalent : à Casablanca, en 1957-1958,
aucun élève sortant de l’école du bâtiment muni de son CAP ne pu trouver d’emploi correspondant à sa spé-
cialité.
L’enseignement était également inadapté aux besoins régionaux : par exemple, dans l’oriental, à Berkane,
en pleine région agricole, l’école professionnelle enseignait l’ajustage et la menuiserie.

On comprend que dans ces conditions, l’enseignement présentait peu de prestige pour les élèves et leurs
familles. Les abandons dans les écoles professionnelles étaient considérables au vu des chiffres suivant :

254
– 43 % en 1956 pour l’ensemble des écoles professionnelles de Casablanca ;
– 28 % en 1re année, 35 % en 2e et 14 % en 3e année pour les écoles professionnelles de Fès en 1957 ;
– 70 % pour la promotion 1956-1959 de l’école du bâtiment de Casablanca.
L’enseignement professionnel, coûteux et exigeant en personnel hautement qualifié, tournait à vide. En
effet, ces élèves se dirigeaient vers les emplois administratifs nombreux, auxquels ils n’étaient pas préparés.
À l’inadaptation du système d’enseignement, cause de gaspillage du potentiel intellectuel du pays, s’ajoutait
une attitude quasi générale de mépris envers les études et les carrières professionnelles et techniques qui
risquait d’être une entrave à la réalisation de la politique de développement.
D’un autre côté, l’objectif assigné à la politique de la formation professionnelle qui consistait à réduire la
dépendance du pays à l’égard de l’étranger, dans le domaine de la main d’œuvre qualifiée, n’avait pas été glo-
balement réalisé, car en 1984 les étrangers représentaient, encore 17.3 % au niveau des cadres et 9.2 % au
niveau des techniciens dans le secteur privé (DPFP, 1986).

L’analyse de l’évolution de la formation professionnelle à travers les plans de développement économique


et social montre nettement, l’aspect ancien de la plupart des problèmes que vit ce secteur :
– l’adéquation entre la formation et l’emploi ;
– la coordination entre les organes formateurs ;
– l’absence de l’information et l’orientation ;
– le problème de recrutement.

Parallèlement, les lauréats de la formation professionnelle, mis sur le marché du travail n’ont cessé, depuis
1977, de se heurter à certaines difficultés d’insertion professionnelle. Ainsi, à titre indicatif, une étude menée
en 1980, sous les auspices de l’OFPPT, pour évaluer les premiers résultats du projet « bâtiment » qui avait
démarrés en 1976, a révélé de telles difficultés de placement des lauréats des sections maçonnerie, menui-
serie et plomberie. Nous ne manquons pas de noter à cet égard que, malgré le phénomène de ralentisse-
ment que connaissait le secteur du bâtiment et des travaux publics, cet organisme a réagi avec beaucoup de
retard en décidant, en 1984, d’introduire ce qu’il a appelé des réformes technico-pédagogiques par la mise en
place de trois nouvelles spécialités – coffrage, ferraillage et carrelage –. Ajouter à cela que l’enquête sur
l’emploi urbain (1982) a révélé l’existence de difficultés quant à l’insertion des jeunes dans la vie active.
Mais il n’en demeure pas moins que l’amenuisement des possibilités d’emploi procurées par les pays
d’immigration et l’attitude réticente des investisseurs étrangers y sont pour beaucoup.
La principale conclusion que l’on peut tirer de cette analyse est l’incapacité de la formation professionnelle
à remédier à l’encadrement défaillant des activités économiques et sociales ainsi qu’au déphasage entre son
« produit » et l’emploi, en l’absence de réformes fondamentales permettant de renverser la situation héritée
de la période coloniale.

2.2 Processus de réforme de la formation professionnelle

Le processus de réforme de la formation professionnelle enclenché depuis les années 80 marque un tour-
nant dans l’approche des politiques et des réformes de la formation professionnelle initiées depuis l’indépen-
dance du pays.
Annoncé dans le plan triennal 1978-1980 et repris par le plan quinquennal 1981-1985, le projet d’une
réforme d’envergure de la formation professionnelle est apparu nécessaire pour faire face à la fois à la

255
demande en formation de plus en plus importante et diversifiée et aux nouvelles exigences de l’appareil de
production.
Deux grandes étapes caractérisent ce processus de réforme : La première a démarré en 1984 et s’est
appuyée sur les orientations du Discours Royal de juillet 1984, alors que la seconde a été mise en œuvre à
partir de 2000, dans le cadre de la charte nationale d’éducation-formation adoptée en 1999.

2.2.1 La réforme de 1984

2.2.1.1 Objectifs & finalités


Formulée en termes d’adéquation enseignement général – formation – emploi, la réforme de 1984 qui a
conduit à la restructuration du système, avait pour objectifs principaux :
a) Le développement de la capacité d’accueil en vue de permettre l’orientation de plus en plus d’élèves
vers le système. Cet objectif a été intégré en 1985 dans le programme de réforme de l’enseignement géné-
ral qui a défini les proportions d’élèves à admettre à l’issue de chaque cycle d’enseignement. Ainsi trois
niveaux de formation professionnelle ont été institués, correspondant à trois paliers d’orientation : i) Le
niveau « spécialisation » devait accueillir 20 % des élèves finissant le premier cycle de l’enseignement fonda-
mental ; ii) Le niveau « qualification » devait accueillir à terme 40 % des élèves terminant le 2e cycle de
l’enseignement fondamental ; iii) Le niveau « technicien » devait accueillir également 40 % des élèves à
l’issue des études secondaires.
Un quatrième niveau de la formation « technicien spécialisé », ouvert aux bacheliers, a été institué en
1993/1994 pour répondre aux besoins en encadrement intermédiaire des entreprises.
b) L’amélioration de la qualité de formation et de son adaptation au monde de l’emploi devait s’appuyer
sur la réorganisation pédagogique du système, la mise en place d’un système d’orientation/sélection des
candidats, l’adaptation des programmes de formation et de plans de formation des formateurs ;
c) Le développement de la concertation avec les milieux professionnels et leur implication dans la
gestion de la formation : Pari stratégique de la réforme de 1984, l’implication des milieux professionnels
devait revêtir plusieurs formes, notamment : i) La participation aux instances consultatives à caractère natio-
nal (commission nationale de la formation professionnelle) régional (commissions provinciales de la formation
professionnelle) et au niveau de l’établissement de formation (conseil de perfectionnement, jury d’exa-
men...) ; ii) L’accueil et l’encadrement des stagiaires au sein des entreprises ; iii) L’organisation de la forma-
tion par le milieu professionnel en tant qu’opérateur de formation ou dans un cadre contractuel.
Par ailleurs, la réforme de 1984, fait de l’apprentissage le volet le plus important sur lequel devait reposer la
formation professionnelle, et a fixé comme objectif de faire bénéficier de ce mode de formation 50 % des
effectifs globaux inscrits en formation professionnelle, à l’horizon 1995 1

2.2.1.2 Caractérisation de la réforme


Un plan de restructuration du dispositif national de formation professionnelle a été mis en œuvre progres-
sivement depuis 1984 et dont les caractéristiques essentielles peuvent être identifiées comme suit :
a) Le pluralisme des intervenants : l’engagement des pouvoirs publics dans la réalisation du programme
ambitieux de développement quantitatif et qualitatif de l’appareil de formation, a nécessité la multiplication et
la diversification des opérateurs et des partenaires et s’est traduit par la mise en place d’une nouvelle organi-

1. voir Rapport de la sous commission d’apprentissage – Ministère de l’Équipement, de la Formation Professionnelle et de la Formation des
Cadres Février 1985.

256
sation institutionnelle reposant sur trois composantes essentielles, i) Un organe de coordination des poli-
tiques publiques en matière de formation professionnelle, constitué d’une Administration centrale relayée au
niveau régional par des services extérieurs, et investi d’une mission de planification, d’orientation et d’évalua-
tion des stratégies mises en œuvre pour la promotion du système ; ii) Des organes de régulation aux niveaux
national, provincial et à l’échelle de l’établissement composés des pouvoirs publics, des opérateurs de forma-
tion et des partenaires socio-économiques, et chargés de contribuer à l’adaptation quantitative et qualitative
de l’offre de formation ; iii) Des opérateurs de formation chargés de la gestion des établissements et consti-
tués de l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT) principal instrument de
l’État en la matière, des départements ministériels, des établissements publics et du secteur privé de forma-
tion.
Le Ministère de l’Éducation Nationale, représenté au sein des organes de régulation notamment la
commission nationale de la formation professionnelle, continue de dispenser un enseignement technique
lequel n’a pas une finalité professionnelle mais plutôt la préparation des élèves à l’enseignement supérieur.
L’impératif d’une coordination régulière du système a conduit à la mise en place d’un dispositif d’orienta-
tion et de planification de la formation basé sur des études régionales axées sur la structuration locale des
emplois qualifiés, des études sectorielles destinées à identifier les besoins quantitatifs et qualitatifs des sec-
teurs économiques à moyen et long termes et des études d’évaluation et de suivi de l’insertion permettant la
mesure du degré d’adéquation et d’insertion des lauréats dans la vie active.
Sur la base des objectifs définis par ce dispositif, le système s’est doté pour la première fois d’un instru-
ment de planification qui est la carte de la formation professionnelle. Considérée comme un véritable plan
opérationnel glissant de 3 ans, la carte fixe les actions de formation à entreprendre et précise les établisse-
ments à ouvrir, les filières à créer ou à supprimer ainsi que les moyens humains et budgétaires à mobiliser.
Elle est établie annuellement sur la base des propositions des opérateurs, complétée et ajustée par les
organes de régulation, approuvée par la commission nationale de la formation professionnelle et mise en
œuvre par les départements formateurs.
b) La diversification des modes et régimes de formation : Parallèlement à la structuration de la forma-
tion professionnelle résidentielle et à l’institutionnalisation de ses quatre niveaux de formation, de nouveaux
modes de formation conçus et gérés de concert avec les organisateurs professionnels ont été instaurés.
Ainsi, depuis 1987, des formations contractuelles avec les associations professionnelles ont été mises en
place, notamment, dans les secteurs du textile, du cuir et des arts graphiques et ont abouti à l’émergence
d’une nouvelle génération d’établissements de formation dits sectoriels.
À partir des années 90, la formation professionnelle alternée commence à se concrétiser en tant que nou-
veau mode de formation, d’abord sous forme d’expérience pilote dans les secteurs de l’artisanat, du tou-
risme et de l’industrie avant qu’elle ne soit élargie à l’échelle nationale suite à la promulgation en 1996 de la
loi régissant ce mode de formation. Basée sur le principe du partenariat entre l’État, les entreprises et les par-
tenaires sociaux, la formation professionnelle alternée est considérée depuis comme le mode de formation
le mieux adapté pour répondre aux besoins des utilisateurs, le moins coûteux et le plus orienté vers l’inser-
tion professionnelle des jeunes formés.
Depuis 1996 un accent particulier a été mis sur le développement de la formation continue et des services
fournis aux entreprises. Cette orientation fait suite à l’étude d’orientation et de développement du secteur de
la formation professionnelle, qui a révélé l’énorme déficit en matière de formation continue qui ne touche
chaque année que 3 % des salariés déclarés à la CNSS 1.

1. Étude réalisée en 1993 par le département en charge de la formation professionnelle de concert avec la BIRD.

257
Le programme de développement et de réorganisation de ce mode de formation a été initié dans le cadre
du 3e projet de la formation professionnelle réalisé avec l’appui de la BIRD, et s’inscrit dans le cadre du projet
global d’appui au secteur privé au Maroc qui vise le développement de la formation continue et la formation
initiale contractuelle avec les entreprises.
Pour la mise en œuvre de ce programme de développement de la formation continue, deux mécanismes
d’encouragement et d’assistance aux entreprises, pour l’identification de leurs besoins en compétences et la
réalisation des plans de formation, ont été institués depuis 1996/97 à savoir, les Groupements Inter-
professionnels d’Aide au Conseil (GIAC) et les Contrats Spéciaux de Formation (CSF).
Le premier mécanisme, mis en place et géré par les branches professionnelles, a permis la réalisation
d’actions d’aide au conseil pour faire émerger la demande des entreprises en formation et financer les
études de diagnostic stratégique à hauteur de 70 %.
Le deuxième mécanisme, consistant en la conclusion de contrats avec les entreprises pour le rembourse-
ment des dépenses engagées dans la formation continue, est géré dans le cadre d’une mutualisation des
fonds provenant de la taxe de la formation professionnelle et vise à amener l’entreprise à intégrer la forma-
tion dans son plan de développement.
Le développement de ces mécanismes a suscité la création d’un marché concurrentiel de la formation et
l’éclosion d’une ingénierie nationale des ressources humaines et devait à terme restructurer l’ensemble du
système national de la formation professionnelle sur la base d’une logique de la demande des entreprises.
a) L’ouverture sur de nouveaux acteurs et partenaires : Bien que la formation professionnelle soit
considérée dans la conception initiale de la réforme de 1984 comme un service public organisé, supporté et
impulsé essentiellement par les pouvoirs publics, les orientations qui ont imprégné l’évolution du système
durant la dernière décennie ont favorisé l’émergence de nouveaux acteurs et partenaires de la formation.
Ainsi les employeurs, par l’intermédiaire des associations qui se sont organisées par branches profes-
sionnelles se voient confier la responsabilité de la planification et du financement de la formation profes-
sionnelle dans le secteur moderne y compris l’utilisation des fonds provenant de la taxe de la formation
professionnelle. Dans certains cas, la responsabilité des employeurs englobe la gestion directe de la forma-
tion.
À ce titre, certaines professions se sont dotées de leurs propres centres de formation dans le cadre d’un
montage leur permettant de s’impliquer directement dans le processus de formation. C’est notamment le
cas de l’École supérieure des Industries du Textile et de l’Habillement (ESITH) et de certains centres secto-
riels cogérés par les branches professionnelles.
Le secteur privé de formation devient, pour sa part, un acteur important dans le dispositif global de forma-
tion et un partenaire engagé dans l’organisation de la profession et l’amélioration des prestations offertes par
ses différentes unités de formation. Une politique d’appui à la restructuration et à la mise à niveau du secteur
privé a été engagée, surtout durant les dix dernières années, de concert avec les associations des opérateurs
privés qui se sont constituées au niveau sectoriel et régional. L’intégration de la composante privée dans
l’appareil national de formation a permis aux opérateurs de formation de se doter de structures de concerta-
tion et d’auto-régulation du secteur et de participer à l’élaboration des projets de réformes institutionnelles et
des programmes de qualification des filières et d’accréditation des établissements.

2.2.2. La formation professionnelle dans la charte nationale d’éducation-formation


La charte nationale d’éducation-formation a abordé la réforme de la formation professionnelle en tant que
composante de la réforme globale du système d’éducation-formation tout en tenant compte de la dynamique
propre de l’évolution du système depuis sa réorganisation au milieu des années 80 et de la nécessité de
consacrer cette évolution dans un cadre politique et institutionnel précis.

258
2.2.2.1 Principales dispositions
Deux types de dispositions sont à relever à cet égard :
Le premier vise l’ancrage de la formation professionnelle dans le milieu du travail, le renforcement de la
dynamique d’investissement dans les ressources humaines des entreprises et le développement du partena-
riat.
Dans ce cadre, la charte a consacré le milieu du travail comme espace privilégié pour l’acquisition des
compétences à travers la promotion de la formation alternée et de l’apprentissage, l’obligation des stages en
entreprise et l’instauration des jurys professionnels pour la formation résidentielle.
Pour pérenniser les mécanismes de développement de la formation en cours d’emploi, la charte a pré-
conisé l’institutionnalisation de ce type de formation, la diversification des approches et des secteurs de
manière à atteindre chaque année au moins 20 % des salariés déclarés à la CNSS, avec une attention parti-
culière en faveur des PME & PMI.
Afin d’élargir l’accès à la formation par la mobilisation d’autres acteurs, la charte recommande par ailleurs
l’encouragement du secteur privé, considéré comme partenaire principal de l’État dans la promotion du sys-
tème à travers l’adoption de mesures d’ordre pédagogique, technique et fiscal et par un appui soutenu à sa
mise à niveau.
Ces dispositions ont été assorties d’un objectif stratégique consistant à qualifier 50 % des personnes arri-
vant chaque année sur le marché du travail à l’horizon 2010 contre 20 % établis en 1999 1.
Le deuxième type de disposition concerne l’intégration de la dimension pratique dans le processus éduca-
tif et la réorganisation de la formation professionnelle initiale dans une perspective d’articulation des cycles
d’éducation-formation devant aboutir à terme à une nouvelle structure pédagogique comportant : i) une spé-
cialisation professionnelle à la fin de l’enseignement collégial sous forme d’apprentissage ; ii) un cycle de
qualification professionnelle intégré dans l’enseignement secondaire ; iii) une filière de l’enseignement tech-
nologique et professionnel sanctionné par un baccalauréat et iv) un cycle universitaire à vocation profes-
sionnelle ouvert aux titulaires du baccalauréat et débouchent directement sur la vie active.
Pour renforcer cette articulation, des passerelles entre les cycles d’éducation-formation ont été de nou-
veaux recommandés ainsi qu’une réhabilitation de l’orientation éducative et professionnelle en tant que par-
tie intégrante du processus d’éducation et de formation.
L’intégration de ces deux types de dispositions dans un même référentiel de réforme constitue une tenta-
tive de conciliation entre deux conceptions différentes des finalités et des approches qui ont présidé aux poli-
tiques et stratégies de développement de la formation professionnelle mises en œuvre depuis
l’indépendance du pays.
Une conception, longtemps soutenue par les autorités éducatives, considère la formation professionnelle
comme un dispositif spécifique du système éducatif permettant de préparer les jeunes à l’entrée dans le
monde du travail dès la fin de l’enseignement de base et comme une filière de sélection par l’échec. Cette
conception met l’accent sur la formation professionnelle initiale, planifiée dans le cadre d’une carte scolaire
et professionnelle intégrée, et mesure l’efficacité du dispositif de formation en fonction des taux de couver-
ture des déscolarisés. C’est cette conception qui a prévalu durant les premières années de la réforme de
1984 avant qu’elle ne soit réajustée dans les années qui suivent pour tenir compte des besoins des entre-
prises orientés davantage vers des formations spécifiques et en cours d’emploi.
Une autre conception, largement soutenue par les institutions d’appui financier, notamment la BIRD, et à
laquelle adhèrent les entreprises du secteur structuré, considère que la formation professionnelle doit être
décrochée du système éducatif et se concentrer sur les qualifications requises par les entreprises plutôt que

1. Cf. Charte Nationale d’Éducation-Formation COSEF 2000.

259
d’être utilisée pour absorber les jeunes ayant abandonné l’enseignement général. Dans cette optique, la for-
mation professionnelle viserait essentiellement le perfectionnement en cours d’emploi et serait de plus en
plus du ressort de l’entreprise. « D’ici 2010 – écrit la BIRD – la plus grande part de la formation profes-
sionnelle devrait être planifiée, financée et offerte par les employeurs (directement ou par contrat), et la moi-
tié au moins de cette formation devrait viser à perfectionner la main d’œuvre en cours d’emploi, comme
c’est le cas dans les pays de l’OCDE ». 1
Cette dernière conception a été à la base du plan de développement de la formation mis en œuvre en
1996, notamment, dans le cadre du 3e projet de formation professionnelle appuyé par la BIRD.

2.2.2.2 Réformes institutionnelles


Les réformes institutionnelles et les plans de développement de l’appareil de formation entrepris par les
pouvoirs publics dans le cadre de la mise en œuvre de la charte allaient intégrer certaines des préoccupations
découlant des deux visions énoncées ci-dessus.
Le cadre général de mise en œuvre de la réforme a été marqué par le renforcement de l’autonomie institu-
tionnelle du secteur de la formation professionnelle par rapport aux autres composantes du système d’édu-
cation et de formation. Cette autonomie est consacrée par l’adoption d’un cadre juridique propre au secteur
destiné à consolider les acquis du système et à insuffler sa propre dynamique. Outre la loi no 36/96 instituant
et organisant la formation professionnelle alternée, entrée en vigueur depuis 1997/98, le cadre juridique
adopté comporte la loi no 12.00 instituant et organisant l’apprentissage, la loi no 13.00 portant statut de la for-
mation professionnelle privée et l’ensemble des textes et outils d’application. D’autres projets se trouvent
dans le circuit d’adoption et concernent le cadre juridique régissant la formation en cours d’emploi et le statut
régissant la formation professionnelle et devant consacrer la vocation de la formation en matière de qualifica-
tion et d’amélioration de l’employabilité des demandeurs d’emploi, de promotion des salariés et d’améliora-
tion de la compétitivité des entreprises.
L’adoption par le gouvernement d’un plan de développement et d’optimisation de l’appareil de formation
dans les secteurs pour lesquels des accords-cadres ont été conclus avec les organisations professionnelles
(Tourisme, Textile, Habillement, Technologie de l’Information et de la Communication), conforte les orienta-
tions de la charte en faveur d’une extension soutenue de l’appareil de formation dans les secteurs dits por-
teurs d’emploi. Une dynamique nouvelle d’extension de la capacité d’accueil du système, similaire à celle
observée durant les premières années de la réforme de 1984 semble caractériser l’évolution récente de la
formation professionnelle et s’installer comme une constante dans l’évolution prévisible du système à l’hori-
zon 2010.

II Bilan et analyse des principaux résultats

Les indicateurs du développement de la formation professionnelle depuis l’indépendance du pays et parti-


culièrement à partir des années 80, font état de progrès significatifs sur les plans de l’infrastructure de forma-

1. Rapport BIRD, stratégie d’assistance au Maroc 1995, P4.

260
tion, du fonctionnement et de l’organisation institutionnelle du système. Ils font ressortir également des
déficits et des dysfonctionnements qui concernent, pour l’essentiel, des aspects qualitatifs et la capacité du
système à répondre à la demande du marché et des utilisateurs de la formation.

1. Indicateurs de développement

Les progrès enregistrés durant cette période concernent notamment :

1.1 L’évolution de l’offre globale

Le dispositif de l’offre globale de formation initiale accueille actuellement plus de 200.000 stagiaires, alors
qu’à la veille de l’indépendance seuls 400 élèves marocains poursuivaient un enseignement du deuxième
degré devant mener à une qualification professionnelle. La production du système s’élève au titre de l’année
2004 à 112 000 lauréats alors qu’elle n’était que de l’ordre de 43 et de 268 CAP respectivement en 1950 et
1955 1.
Le rythme d’évolution de l’offre n’a pas été constant durant toute cette période en raison, notamment, des
modifications intervenues au niveau du statut de la formation professionnelle et des missions des orga-
nismes de coordination et de gestion du système.

Tableau 1 : Évolution des effectifs des stagiaires et des lauréats de la formation professionnelle
selon le niveau

Effectifs des stagiaires


Année Effectifs des lau-
réats (Tous niv.
Tech. Spécailisé Technicien Qualification Spécialisation Total
conf.)

1964/65 - - - - 19 400
1984/85 ---- 21 050 23 320 30 401 74 780 22 213
1989/90 ---- 37 892 40 659 29 678 108 229 43 500
1994/95 3 375 40 208 49 432 27 374 120 389 52 870
1999/00 9 004 42 371 53 046 24 275 128 700 65 840
2004 27 500 59 500 58 200 71 395* 216 595 112 500

Source : La Formation Professionnelle en Chiffres, Ministère chargé de la formation professionnelle, édition 2003/04,
Rapport du Secrétariat d’État Chargé de la Formation Professionnelle, rentrée 2004/05.* y compris l’apprentissage

1. J. SALMI, crise de l’enseignement et reproduction sociale au Maroc, Édition Maghrébines, 1985.

261
Ainsi, la formation professionnelle qui était assurée essentiellement par les structures du Ministère de
l’Éducation Nationale jusqu’en 1968, n’a connu un début d’évolution qu’au cours du plan quinquennal
1960-64. Les effectifs formés par le MEN sont passés de 1300 en 1961/62 à 19400 en 1964/65 1.
Le transfert de compétences en matière de formation professionnelle aux autres départements ministé-
riels et la tendance vers la baisse des effectifs formés par le MEN depuis 1965 ont entraîné une diminution
importante de la capacité d’accueil du système qui se situait autour de 14000 places en 1973.
La création de l’OFPPT en 1974 et le déclenchement d’un processus de restructuration du dispositif de for-
mation au sein des départements formateurs allaient modifier légèrement la tendance vers un accroisse-
ment des effectifs des bénéficiaires au cours de la décennie 70.
À partir de la rentrée 84/85 l’évolution des effectifs de la formation professionnelle a été plus soutenue,
particulièrement pour les niveaux « qualification » et « technicien ». Le niveau « spécialisation » a connu par
contre une diminution des inscrits.
Avec la mise en place en 1993/94 du niveau « technicien spécialisé », destiné à assurer des formations
Bac+2, assimilables aux formations de type DUT et BTS, le dispositif de formation professionnelle s’est
orienté en faveur du rehaussement des niveaux de qualification et de la professionnalisation de l’enseigne-
ment post-baccalauréat.
Par ailleurs, l’initiation professionnelle qui dominait largement le dispositif de formation avant la réforme de
1984 en termes d’effectifs et d’unités de formation a connu une diminution constante des bénéficiaires de
1984 à 1990 qui a abouti à sa disparition du dispositif national de formation professionnelle 2.

1. DFPP, étude d’adéquation-formation / emploi 1986, P. 33.


2. L’initiation professionnelle ne figure plus dans les documents de planification et des statistiques du Ministère en charge de la formation
professionnelle depuis 1990/91.

262
Tableau 2 : Évolution des effectifs des inscrits en initiation professionnelle de 1984/85 à 1990/91

Années TOTAL Dont filles


1984/85 78 409 76.8
1985/86 40 459 71.9
1986/87 27 249 76.8
1987/88 20 333 82.7
1988/89 19 613 81.2
1989/90 19 615 80.6
1990/91 16 077 82.01

Source : la Formation Professionnelle en chiffres, Ministère chargé de la formation professionnelle (Éditions 1984/85 à 1990/91)

1.2 L’expansion de l’offre privée

L’augmentation importante de la part du secteur privé de formation dans le dispositif global de formation
qui est passée de moins de 15 % des effectifs en 1984-85 à 40 % en 2003-04 et l’engagement des pouvoirs
publics dans un processus de mise à niveau du secteur :

Tableau 3 : Évolution des effectifs des stagiaires et des lauréats de la formation professionnelle
privée depuis 1984

Année Effectifs

Stagiaires % stagiaires total dont filles % filles total Lauréats


(public-privé) (public-privé)
1984-85 11 035 15 % ---- ---- ---
1989-90 39 730 36.7 % 25 865 49.1 13 450
1994-95 43 284 36 % 27 000 50.1 19 540
1999-00 55 780 43.3 % 32 630 57 29 120
2003-04 64 818 40 36 439 55 32 400

Source : Secrétariat d’État Chargé de la Formation Professionnelle

Si l’offre privée de formation ne date pas des années 80, puisque des structures privées de formation exis-
taient avant même l’indépendance du pays, l’évolution de cette composante n’a été réellement conséquente
que durant les deux dernières décennies. Et c’est au cours de cette période que des politiques d’incitation et
d’encouragement au secteur ont été consacrées dans des cadres juridiques et institutionnels.
Outre les subventions en faveur des établissements privés à but non lucratif prévues par le dahir de 1959
formant statut de l’enseignement privé, les premiers encouragements au secteur ont été institués par la loi

263
16/86, portant sur les mesures d’encouragement aux investissements dans le secteur de l’enseignement
privé. Cette loi, adoptée en 1987 et promulguée en 1992, est restée sans effet jusqu’à son abrogation.
Les mesures qui sont en vigueur ont été adoptées dans le cadre des lois des finances 97/98, 98/99 et 2001
et portent notamment sur la réduction de 50 % du taux de l’IGR et l’exonération de la TVA sur l’acquisition
des biens d’équipements ainsi que sur les intérêts des prêts accordés aux stagiaires et sur les prestations de
services afférentes à la restauration, au transport et aux loisirs.
Dans le cadre de la loi no 13.00 portant statut de la formation professionnelle privée (2000), les avantages
et mesures d’encouragements institués sont de deux ordres : des mesures d’ordre pédagogique consistant,
notamment, à assurer la formation et le perfectionnement des formateurs et cadres de gestion et l’accrédita-
tion des établissements et la reconnaissance des diplômes et des mesures d’ordre fiscal destinées à encou-
rager l’investissement et à solvabiliser la demande en formation.
Par ailleurs, les programmes de mise à niveau institutionnelle, technique et pédagogique engagés depuis
les années 95, ont permis la réduction des déficits relevés en matière d’infrastructures, d’équipements et
d’encadrement ainsi que la qualification d’une partie du dispositif. (30 % des effectifs dans des filières quali-
fiées et plus de 20 % dans des établissements accrédités et autorisés à délivrer des diplômes reconnus par
l’État) 1.

1.3 La diversification et l’adaptation de l’offre

Le dispositif de formation initiale comporte aujourd’hui, outre la formation résidentielle, la formation alter-
née régie par la loi 36/96 et la formation par apprentissage régie par la loi no 12.00.
Si la formation résidentielle qui se déroule au sein des établissements de formation publics ou privés
domine largement l’offre globale avec 78 % des effectifs globaux, d’autres modes de formation qui font
appel à la contribution des entreprises commencent à se structurer au cours des années 90.
C’est le cas pour la formation alternée qui représente actuellement 7 % des effectifs en formation et qui
se déroule à raison de la moitié au moins de sa durée dans une entreprise.
C’est le cas également de la formation par apprentissage, qui n’a été réglementée qu’en 2000, et qui
représente actuellement 15 % des effectifs globaux en formation.
Conçue pour faire acquérir aux jeunes, en rupture de scolarité, un savoir faire par l’exercice d’une activité
professionnelle, la formation par apprentissage devait s’appuyer notamment sur le tissu économique des
PME et PMI et concernait dans un premier temps les secteurs de l’artisanat de production et de service, du
bâtiment et de l’agriculture.
Basée sur une formation pratique en entreprise à raison de 80 % au moins de la durée globale et complé-
tée pour 10 % au moins de cette durée par une formation générale et technologique organisée dans un
centre de formation, la formation par apprentissage s’opère dans le cadre de conventions de partenariat avec
les opérateurs et les partenaires du système. Les statistiques du ministère en charge de la formation profes-
sionnelle font état de 80 conventions conclues jusqu’en 2004 et portent sur la formation de plus de 30 000
apprentis.

1. État d’avancement de la réforme de la formation professionnelle privée, note du Secrétariat d’État Chargé de la Formation Professionnelle,
juillet 2004.

264
1.4 La couverture sectorielle et territoriale

Avec plus de 380 filières, la formation professionnelle couvre actuellement une bonne partie des métiers
et des professions, alors que durant les premières années de l’indépendance, la formation ne concernait
qu’une vingtaine de qualifications. La nomenclature des filières englobe actuellement 15 secteurs de forma-
tion avec une prédominance des formations liées à l’administration, la gestion et le commerce (35,5 % des
effectifs), l’industrie (21,5 %) et l’artisanat (27 %).
Sur le plan territorial, le dispositif de formation s’est élargi sur l’ensemble des régions du Royaume avec
toutefois une concentration dans les régions de Casablanca et Rabat-Salé qui traduisaient la concentration du
tissu économique.

1.5 La rentabilité interne et externe

L’amélioration enregistrée au niveau de la rentabilité interne et externe du système fait de la formation pro-
fessionnelle aujourd’hui la composante du système d’éducation-formation qui réalise « les performances les
plus élevées à la fois pour ce qui est du devenir des bénéficiaires sur le marché du travail, mais également en
termes d’efficacité interne ». 1
Ainsi, la rentabilité interne du système (taux de diplômation) s’est établie actuellement à 82 % et a enregis-
tré un taux de 87 % pour le niveau « technicien spécialisé ».
Quant à la rentabilité externe du système (taux d’insertion), elle est appréhendée à travers les résultats des
études de suivi de l’insertion des lauréats de la formation professionnelle, réalisées neuf mois après l’obten-
tion du diplôme (insertion à court terme) et les études de cheminement professionnel durant les trois années
qui suivent l’obtention du diplôme (insertion à moyen terme).
Selon ces études, les taux d’emploi à court terme (proportion des lauréats actifs employés le jour de
l’enquête) et l’insertion des lauréats (proportion des lauréats, qui le jour de l’enquête, déclarent avoir exercé
au moins une fois) sont passés respectivement de 35,4 et 51,3 pour la promotion 1997 à 37,3 et 62 pour la
promotion 2001.

Tableau 4 : Évolution des taux d’emploi et d’insertion à court terme des promotions 1997 à 2001

Niveau de Taux d’emploi Taux d’insertion


formation
P 97 P 98 P99 P 00 P 01 P 97 P 98 P 99 P 00 P 01
Spécialisation 38,7 36,8 32,3 33,9 37,6 58,2 60,5 53,2 57,5 65,8
Qualification 36,1 35,8 29,1 33,3 34,9 54,5 57,3 52,1 55,2 61,2
Technicien 31,3 31,7 29,2 33,7 38,2 42,7 46,1 45,4 49,4 59,3
Tech. Spécialisé 43,2 41,5 44,3 44,9 47,1 52,4 54,4 57,2 57,9 64,1
National 35,4 34,9 30,7 34,4 37,3 51,3 54,0 50,5 54,2 62,0

Source : Résultats des études d’insertion, Ministère de la Formation Professionnelle.Promotions 1997 à 2001

1. Regards sur le système éducation-formation au Maroc – Réalisation – Problématique-Dysfonctionnements – COSEF, Août 2000 – Page 61.

265
Le taux d’insertion a moyen terme a connu des variations durant cette dernière décennie. Avec 75 % en
moyenne nationale et 80 % pour le niveau « technicien », la promotion de1993 a enregistré le taux le plus
élevé. Ce taux a été ramené à 70 % et à 68 % respectivement pour les promotions de 1996 et 1998.

Tableau 5 : Évolution des taux d’emploi et d’insertion à moyen terme


Spécialisation Qualification Technicien T. Spécialisé Total
P1993 T. d’emploi 51 56 65 -- 58

T. d’insertion 69 74 80 -- 75
P1996 T. d’emploi 50 51 55 71 53

T. d’insertion 70 69 69 83 70
P1998 T. d’emploi 46 46 65 67 53

T. d’insertion 63 63 76 81 68

Source : Étude de cheminements professionnels, promotions 1993, 1996, 1998.

2. Limites et dysfonctionnements

Au regard de l’analyse des grandes tendances d’évolution du système et des choix qui ont présidé à son
organisation et à son fonctionnement, une série de problématiques et de dysfonctionnements peuvent être
relevés :

2.1 Limites quantitatives et qualitatives

Malgré l’importance des avancées enregistrées par l’appareil de formation depuis l’indépendance du pays,
il apparaît que l’objectif de satisfaire les besoins en qualification à la fois des entreprises et des demandeurs
d’emploi, que le système s’est assigné, est encore loin d’être atteint.
D’une part, l’évolution de l’offre de formation n’a pas été à même de satisfaire la demande potentielle en
qualification, ce qui explique – en partie – les taux élevés d’affluence vers la formation professionnelle les-
quels sont actuellement de l’ordre de 5 candidats par place pédagogique en moyenne nationale et atteignent
9 candidats par place pour le niveau « Technicien spécialisé ».
Au regard de la demande potentielle en qualification qu’exprime le nombre des sortants du système sco-
laire sans aucune qualification professionnelle, mais également par rapport à l’objectif fixé par les autorités
de la formation professionnelle au début des années 90 pour atteindre 300.000 stagiaires en l’an 2000, le
déficit global est estimé à au moins 150.000 places 1.

1. le diagnostic du système d’éducation-formation établis par la COSEF fait état d’un taux de couverture du système de Formation Profes-
sionnelle de 28,5 % de la demande en 1997, cf. Regards sur le système éducation-formation COSEF Août 2000; P. 65.

266
D’autre part, le système de formation professionnelle demeure davantage conditionné par l’offre de forma-
tion plutôt que par la demande des entreprises en raison notamment de la faiblesse des mécanismes de
planification des besoins et de l’implication insuffisante des entreprises dans l’aménagement du dispositif
actuel de formation.

2.2 La prédominance de la formation résidentielle

Globalement, l’offre de formation initiale est encore largement dominée par la formation résidentielle régie
par le décret du 9 décembre 1987 portant statut général des établissements de formation professionnelle.
La participation des professionnels dans l’adaptation des contenus de formation et l’organisation des
stages, est prévue dans le cadre des conseils de perfectionnement institués à cet effet au niveau des éta-
blissements. À l’échelle nationale, les partenaires socio-économiques sont également associés à l’élabora-
tion des politiques publiques et de la carte de la formation professionnelle à travers les organes de
concertation mis en place. Toutefois, la réalité de la contribution des employeurs dans la gestion de ce mode
de formation est très limitée, et elle n’est importante que dans les quelques établissements dits sectoriels.
L’institutionnalisation tardive des modes de formation alternée et par apprentissage, qui repose sur le prin-
cipe de la dualité des espaces de formation (entreprise & établissement) et la participation soutenue des pro-
fessionnels dans la planification et la gestion du système n’a pas encore modifié considérablement
l’architecture globale du système. L’organisation pédagogique qui en résulte reste majoritairement axée sur
l’apprentissage des savoirs et des savoir-faire en situation résidentielle et peu orientée vers une véritable
pédagogie d’alternance entre le centre de formation et l’entreprise 1.
Quant au développement de la formation continue, principale motivation de la création de l’OFPPT et de la
Taxe de la Formation Professionnelle en 1974, il est resté embryonnaire jusqu’en 1996 et ne touchait annuel-
lement que 3 à 4 % des salariés déclarés à la CNSS.
La mise en place depuis 1996 des mécanismes de développement de ce mode de formation et l’affecta-
tion à partir de 2002, de 20 % du produit de la taxe de formation professionnelle au développement de cette
formation ont permis, certes, un accroissement de la formation dans les entreprises et une dynamisation du
marché de la formation. Cependant le retard pris pour l’adoption d’un cadre juridique pour l’institution et
l’organisation de la formation continue et l’absence d’une évaluation de l’impact sur la productivité et la
compétitivité des entreprises fragilisent le dispositif actuel et limitent sa portée aux entreprises les mieux
structurées au détriment des PME & PMI.

2.3 Le problème de l’articulation avec le système éducatif

Les dysfonctionnements liés à la gestion des relations de la formation professionnelle avec les autres
composantes du système d’éducation-formation se sont cristallisés essentiellement autour des probléma-
tiques de la carte scolaire et professionnelle ; de l’orientation / sélection pour l’accès à la formation et des
passerelles entre les niveaux d’éducation et de formation.
L’articulation entre la formation professionnelle et l’enseignement général a constamment constitué un des
objectifs des politiques et des réformes qui se sont succédé. Mais la gestion opérationnelle des champs de
cette articulation n’a jamais permis d’atteindre cet objectif, même lorsque le dispositif de formation était géré

1. Cf. l’implication des entreprises dans la formation professionnelle au Maroc, Institut Allemand de développement. Bonn 2001.

267
par le même ministère qui a la charge de l’éducation nationale. Des questions qui relèvent du champ com-
mun telles que la gestion des flux des déscolarisés, la définition des pré-requis pour l’accès à la formation et
la mobilité à l’intérieur du système d’éducation et de formation ont été appréhendées différemment en fonc-
tion des objectifs et des logiques qui sont propres à chaque sous-système.
Ainsi, du point de vue de la formation professionnelle, l’accès à la formation se posait en termes de pré-
requis nécessaires à l’acquisition d’une qualification professionnelle, alors que pour l’enseignement général,
l’orientation vers la formation était dictée davantage par l’impératif de la carte scolaire qui consistait à diriger
une proportion importante de ses effectifs vers le système de la formation. L’échec des expériences d’orien-
tation directe de l’enseignement général vers la formation professionnelle, menées conjointement par les
départements chargés de l’éducation et de la formation illustrent parfaitement ce décalage, qui concerne au-
delà de la gestion des flux, le contenu de l’enseignement et de la formation.
L’impact négatif de ce mode de gestion est évident sur la cohérence et le rendement global du système.
Les flux des sortants du système sans diplômes ni qualification représentent les 3/4 de l’ensemble de la pro-
duction du système. Seuls 5,3 % sortent avec un diplôme universitaire, 9,5 % avec un diplôme de formation
professionnelle et 10,2 % sont titulaires d’un Baccalauréat 1.
À ces dysfonctionnements liés aux dispositifs d’orientation et de planification des flux s’ajoute le problème
des passerelles entre la formation professionnelle et les autres cycles d’éducation et d’enseignement, long-
temps recherchées mais jamais mises en œuvre. Les seules possibilités qui s’offrent actuellement aux béné-
ficiaires de la formation professionnelle résident dans la mobilité à l’intérieur du système (Passerelles
internes) à l’exception de l’École Supérieure de l’Industrie du Textile et de l’Habillement qui permet à certains
lauréats du niveau « Technicien spécialisé » d’accéder au niveau « Ingénieur ».
L’inefficacité du dispositif d’orientation et l’absence de passerelles permettant aux plus méritants d’inté-
grer l’enseignement supérieur affectent le statut et l’image de la formation professionnelle qui demeure
encore relativement peu valorisée par rapport aux autres composantes du système d’éducation-formation.

2.4 La participation sélective des professionnels

La gestion des rapports de la formation professionnelle avec les partenaires économiques peut être appré-
hendée à travers le fonctionnement des organes de concertation, la participation des professionnels à
l’accueil, à l’encadrement et au placement des stagiaires et à la gestion du partenariat.
Considérés comme l’une des innovations importantes de la réforme, les organes de concertation institués
aux niveaux national et régional et à l’échelle des unités de formation ont montré leur limite quant à l’implica-
tion effective des partenaires socio-économiques dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques
concertées en matière de formation professionnelle.
Ainsi, la commission nationale de la formation professionnelle, principal organe de régulation du système,
instituée par décret en 1989, n’a pu constituer, au fil des années, un véritable lien de concertation et d’impli-
cation effective des professionnels dans l’accompagnement des programmes de développement de la for-
mation professionnelle. La perte progressive de son caractère solennel et du poids décisionnel de ses
recommandations, ainsi que la mise en parallèle d’autres mécanismes de concertation directe et non institu-
tionnels avec les branches professionnelles ont conduit à la mise à l’écart de cette instance qui ne s’est plus
réunie depuis plus de 5 ans 2.

1. Données relatives à l’année 1996/97, citées dans Regards sur le système d’éducation-formation-COSEF, P. 77.
2. En vertu du décret No 2.87.275 du 19 septembre 1989, portant création et organisation de la CNFP et des commissions provinciales de la
FP, encore en vigueur, cette commission se réunit au moins deux fois par an.

268
L’essentiel des missions de cette instance et des autres organes de concertation institués (commissions
provinciales et conseils de perfectionnement) se trouve actuellement réparti par secteur et mode de forma-
tion, voire par projet, et confié à des commissions et groupes de travail formels ou ad hoc. C’est le cas
notamment des commissions sectorielles nationales et interprofessionnelles et des jurys d’examen présidés
par les professionnels pour la formation professionnelle privée, du comité central et des comités régionaux
des contrats spéciaux de formation pour la formation en cours d’emploi, des sous-commissions nationales et
provinciales et des comités de suivi pour l’apprentissage. C’est le cas, également pour la coordination et le
suivi d’exécution des programmes sectoriels de développement de la formation cogérés avec les branches
professionnelles et des programmes de développement de l’ingénierie pédagogique.
Or, cette multitude d’espaces de concertation pour l’implication des milieux professionnels dans la gestion
des différents projets de formation implique une grande capacité de mobilisation des personnes ressources
parmi les professionnels qui n’est requise que pour certaines branches organisées.
Il en résulte une participation sélective des professionnels à la gestion des projets dont les enjeux sont évi-
dents pour la branche ou les sous secteurs-concernés.
Un autre aspect, pour lequel la contribution des entreprises est jugée nécessaire, se rapporte à l’accueil et
à l’encadrement des stagiaires au sein des entreprises. Cet aspect qui devait revêtir un caractère, avant tout,
pédagogique s’est transformé en pure formalité administrative dépourvue d’une véritable préparation préa-
lable en matière d’organisation des séquences pédagogiques, de formation des tuteurs et d’outils de mise
en œuvre et de suivi. Les déficits relevés à ce niveau concernent l’offre limitée des entreprises en matière
d’opportunité de stages surtout des PME & PMI, la faible capacité d’encadrement des entreprises et des
centres de formation ainsi que le retard pris dans l’élaboration et le développement des ressources et sup-
ports pédagogiques nécessaires à l’organisation des stages et activités de formation au sein de l’entreprise.

2.5 Problème de coordination et de pilotage

Depuis sa mise en place, la formation professionnelle s’est toujours caractérisée par la multiplicité des
acteurs et des centres de décision. La mise sur pied d’un dispositif permanent et formalisé de pilotage et de
coordination 1 aurait pu pallier aux difficultés inhérentes à la pluralité des intervenants et au manque de capita-
lisation des acquis qui ont marqué le processus d’évolution et d’édification du système de la formation pro-
fessionnelle.
L’un des traits majeurs de l’évolution du système sous cet angle réside dans l’instabilité des organes de
politique générale des structures administratives ayant la charge de l’orientation et de la coordination du sys-
tème.
Au plan institutionnel, la formation professionnelle a été rattachée au cours de son histoire, à plusieurs
autorités gouvernementales ayant la charge des secteurs divers, allant de l’éducation nationale à l’équipe-
ment en passant par l’emploi, le travail, le plan, l’habitat et les affaires sociales 2. Elle n’a figuré en tant que
ministère a part entière dans l’organigramme du gouvernement qu’une fois en 1995.

1. La création en 1963 du Haut commissariat Chargé de la Formation Professionnelle devait répondre à cet impératif de coordination du sys-
tème. Cet organisme crée auprès de la présidence du conseil et assisté par un organisme consultatif devait centraliser la conception, la coordina-
tion et le contrôle de toute l’activité de formation dont l’exécution reste à la charge des différents ministères. (Cf Dahir no 1-61-086 juin 1963) por-
tant création du haut commissariat à la formation professionnelle B.O no 2645 en date du juillet 1963. Cet organisme fut remplacé, une année plus
tard, par le secrétariat à l’enseignement technique et la formation professionnelle.
2. Après avoir été longtemps rattachée au MEN, la formation professionnelle est confiée aux Ministère de l’Emploi et du plan au cours des
années 70 et au Ministère de l’Équipement en 1984. En 1985 fut créée l’Administration de la Formation Professionnelle et la Formation des
Cadres qui restait sous l’autorité du Ministère de l’Équipement jusqu’à 1995 date de la création du Ministère de la Formation Professionnelle.

269
Au plan de l’encadrement administratif, les structures et les fonctions de coordination et d’orientation du
système de la formation professionnelle n’ont été définies et formalisées dans un cadre réglementaire qu’à
partir de 1985. La mise en place de ces structures devait se faire en parallèle avec la rénovation des struc-
tures des différents opérateurs de formation et de développement des mécanismes de coordination et de
pilotage susceptibles d’assurer la complémentarité et l’efficacité de l’ensemble du système.
Cependant, le décalage enregistré dans la mise en œuvre effective du processus de restructuration, aux
niveaux national, régional et à l’échelle de l’établissement de formation, aggravé dans certains cas par des
conflits de compétence ou par un partage mal défini des responsabilités entre l’instance nationale de coordi-
nation et les opérateurs de formation, particulièrement l’OFPPT, s’est traduit par des difficultés d’orientation
et de coordination de l’exécution des politiques de formation 1.
Ces difficultés apparaissent notamment au niveau du processus d’élaboration et de mise en œuvre de la
carte de la formation professionnelle. Ce processus reste marqué par le faible engagement des opérateurs
dans les études d’identification des besoins et par des capacités limitées de programmation et de suivi de
l’exécution, accentué par l’absence d’une nomenclature commune des métiers et professions. La carte de la
formation professionnelle, devant être assimilée à l’origine à un contrat-programme entre les intervenants,
se trouve dans certains cas, réduite à un cadre général de programmation des actions.

2.6 Lacunes au niveau de la gestion des ressources

Au niveau de la gestion des ressources humaines et formatives, le caractère différencié du système de for-
mation entraîne des situations de duplication et de manque de cohérence entre les opérateurs, des dispari-
tés de qualification et de statut des formateurs et une multiplication d’approches des programmes de
formation.
En effet, malgré les efforts entrepris depuis 1984 en matière de formation des formateurs et d’harmonisa-
tion du statut dans un cadre commun adopté en 1990, la mise à niveau des ressources humaines continue
de constituer l’une des préoccupations majeures du système. Hormis les disparités des niveaux de qualifica-
tion et des expériences des formateurs et des managers des établissements de formation, les insuffisances
des ressources humaines concernent pour l’essentiel le vécu professionnel en entreprise, la préparation
préalable à l’exercice du métier de formateur et le perfectionnement pédagogique et technique lié à l’évolu-
tion de la fonction.
Or, comme il a été relevé dans plusieurs études, « l’on ne pourra faire de saut qualitatif si les formateurs
n’ont pas un passé professionnel en entreprise et en production, s’ils démontrent peu d’intérêt par rapport à
cette réalité et s’ils ne savent pas maintenir et développer des compétences propres à la formation profes-
sionnelle » 2.
Comme pour les ressources humaines, la gestion des ressources formatives a souffert de l’absence d’une
approche commune pour l’élaboration et la révision des programmes de formation, basée sur une véritable
ingénierie nationale de formation. Cette gestion a souffert également de l’inexistence de référentiels de

Depuis 2002 la formation professionnelle relève du Secrétariat d’État Chargé de la Formation Professionnelle auprès du Ministère de l’Emploi de
la Formation Professionnelle.
1. La question de la coordination du système est récurrente dan les débats sur la formation professionnelle. Elle a fait l’objet d’une étude dans
le cadre du deuxième projet BIRD et a figuré comme axe central dans les colloques nationaux sur la formation professionnelle (1991, 1993,1997).
2. Ministère du développement social, de la solidarité, de l’emploi et de la formation professionnelle. Projet de réforme du système d’éduca-
tion et de formation-composante F.P. Décembre 1998; P. 20.

270
compétence et de formation pouvant assurer une certaine cohérence entre contenu, appellation et niveau de
formation. Les bilans diagnostics établis font état, à cet effet, d’une diversité de conceptions et de procé-
dures de programmation et d’une absence d’évaluation systématique des programmes. Cette évaluation est
nécessaire à la régulation et à l’actualisation des programmes en fonction des exigences du marché de tra-
vail 1.
Pour atténuer les difficultés qu’engendre cette diversité d’approche, de contenu et d’appellation des pro-
grammes, à la fois pour les employeurs lors de l’évaluation de la pertinence des formations offertes et pour
les candidats dans le choix des carrières, des commissions sectorielles de validation des programmes ont
été mis en place à partir de 1996. Animées par des professionnels et composées des formateurs et des opé-
rateurs de formation, ces commissions ont pu combler partiellement le déficit relevé en matière d’élabora-
tion des programmes à travers un appui méthodologique et technique aux opérateurs de formation.
Cependant leur action reste limitée dans le temps et dans l’espace.
Par ailleurs, la restructuration des programmes selon l’approche par compétence et la modularisation des
programmes de formation retenues comme choix pédagogique n’est encore qu’à ses débuts.

2.7 Problématique du financement

Quant à la problématique du financement qui a toujours revêtu un caractère déterminant dans l’évolution
du système, elle se pose à la fois en termes de sources de financement et de gestion du système, d’affecta-
tion des ressources mobilisées et de maîtrise des coûts.
Actuellement, la structure du financement du système est constituée essentiellement du Budget Général
de l’État, du produit de la taxe versée par les entreprises à raison de 1.6 % de la masse salariale, la contribu-
tion des familles qui supportent les frais de formation dans le secteur privé et enfin les dons mobilisés au
cours de ces dernières années dans le cadre de la coopération internationale. Chacune de ces sources de
financement présente des limites et des contraintes qui pèsent sur le fonctionnement global du système et
sur sa capacité à faire face aux besoins de développement quantitatifs et qualitatifs de la formation.
Ainsi, les limites du financement public se faisaient sentir dès les premières années de la réforme de
1984 2. Après une période de croissance des dépenses d’investissement de l’État entre 1984 et 1990, les
tendances générales observées au cours de la décennie était en faveur de la diminution des budgets de
l’État à l’investissement, une baisse estimée à 50 % en dirhams constants 3.
La moyenne annuelle des dotations budgétaires consacrées à la formation professionnelle entre 1991-92
et 1998-99 est de l’ordre de 369 M DH, soit 0,62 % du budget général de l’éducation et de la formation. À
ces dotations, viennent s’ajouter les crédits ouverts pour le secteur dans les budgets d’investissement des
autres départements formateurs estimés en moyenne à 60 MDH par an 4.
À cette contrainte budgétaire, s’ajoute la complexité du système d’allocation des ressources dans le sec-

1. Cf. notamment; « actes des colloques nationaux sur la formation professionnelle organisés en 1991, 1993, 1997 ». « Étude des méthodolo-
gies d’élaboration des programmes », « Étude des structures pédagogiques de la formation professionnelle privée », Direction de l’enseignement
professionnel 1989; travaux de la COSEF, Août 2000.
2. L’étude du coût et du financement de la formation professionnelle réalisée par l’Administration de la Formation Professionnelle et de la For-
mation des Cadres en 1987 dans le cadre du premier projet formation / BIRD conclut que le secteur public ne pourrait financer la croissance pré-
vue de la f.P voir « Étude du sous-secteur de la F.P au Maroc » BIRD. 12 mai 1989; P. 24 voir également la communication de M. ALIOUA « Pour
une stratégie intégrée du financement de la F.P », colloque national sur la F.P Tome I, 1991, P. 84.
3. voir « Projet de réforme du système d’éducation et de formation » – composante formation professionnelle, DFP 1998 p. 7.
4. voir M. BOUSSAID, l’analyse du financement public des secteurs de l’éducation et de la formation, COSEF. 2000 pp. 392 & 420.

271
teur public, liée, notamment, à l’indépendance budgétaire des départements formteurs et à la difficulté
d’identification des ressources allouées à la formation professionnelle dans le budget global de ces départe-
ments.
L’autorité gouvernementale chargée de la formation professionnelle se trouve dans ces conditions privée
des moyens de contrôle et peu impliquée dans le système décisionnel d’allocation des ressources.
Pour ce qui est de la taxe de la formation professionnelle qui constitue une composante essentielle du dis-
positif de financement de la formation professionnelle au niveau de l’OFPPT, elle continue de soulever de
façon récurrente des problèmes de finalité et de modalités de gestion du produit de cette taxe.
Les organisations professionnelles estiment que le produit de la taxe doit être utilisé pour le financement
de la formation en cours d’emploi et que le financement de la formation initiale doit être assuré par l’État.
Une telle orientation entraînerait un engagement plus soutenu de l’État et une contribution importante des
bénéficiaires dans le financement des formations assurées par l’OFPPT.
Les pouvoirs publics, tout en reconnaissant la nécessité d’affecter une fraction du produit de la taxe à la
promotion de la formation en cours d’emploi, considèrent que cette taxe doit continuer à supporter, en par-
tie, la formation de pré-emploi destinée à produire les compétences nécessaires à la mise à niveau de
l’économie. Les modifications qu’a connues le décret portant création de la taxe illustrent parfaitement le
souci de maintenir un certain équilibre entre le financement de la formation de pré-emploi et la formation en
cours d’emploi. Ainsi, les mesures prises pour l’amélioration des procédures de recouvrement de la taxe
depuis 1986, l’augmentation du taux de 1 à 1,6 % à partir de 1987 et l’élargissement de la taxe aux établisse-
ments publics en 1995, ont été motivées essentiellement par l’impératif de faire face aux besoins de finance-
ment de la formation initiale assurée par l’OFPPT. L’affectation d’une fraction de 20 % à partir de 2002 et de
30 % à l’horizon 2007 de la taxe à la formation en cours d’emploi vise à introduire une clarification institu-
tionnelle en faveur de ce mode de formation 1.
Quant à la participation des ménages au financement de la formation, elle n’est importante que dans le
secteur privé de formation où le coût est supporté presque exclusivement par les bénéficiaires 2. Dans les
établissements publics, la contribution des familles des stagiaires en formation initiale se limite à la prise en
charge des frais d’inscription. Malgré son importance dans le dispositif global du financement actuel du sys-
tème, la contribution des ménages ne peut suffire, à elle seule, pour financer le secteur privé. Le coût d’une
formation de qualité semble disproportionné par rapport à la capacité financière des ménages et les mesures
d’accompagnement nécessaires à l’élargissement de l’accès à cette formation et à la solvabilisation de la
demande font encore défaut.

2.8 Problématique de la formation professionnelle en milieu rural

Le dispositif de formation professionnelle en milieu rural accueille en dehors de la formation non formelle
moins de 3 % des effectifs globaux en formation. Il se compose de 3 réseaux d’inégale importance : la for-
mation professionnelle résidentielle, la formation professionnelle non formelle et l’apprentissage. L’offre de

1. Cf Décrets no 2-95-785 (décembre 1995) et no 2-98-523 (septembre 1998) et no 2-02-5 (Mars 2002), modifiant et complétant le décret no 2-
73-633 (mai 1974) portant création de la taxe de la F.P, fixant les taux et les conditions de recouvrement de la dite taxe et déterminant les condi-
tions relatives à la conclusions des contrats pour la réalisation des programmes spéciaux de F.P.
2. Selon les déclarations des chefs d’établissements lors de l’établissement des bilans administratifs et pédagogique en 2002/03, le coût
moyen de formation s’élève à 6500 Dh par an et par stagiaire. Rapporté à l’ensemble des inscrits (65000); le montant global de la contribution
serait de l’ordre de 430 MDH/an, soit plus de 66 % du produit annuel de la taxe de la F.P.

272
formation, tous types confondus, reste en décalage par rapport aux besoins du monde rural, ne créant que
peu de lien avec les exploitations locales et les milieux professionnels. Son attrait, pour les jeunes ruraux
n’en est que moins signifiant.
Pour ce qui concerne la formation professionnelle résidentielle et alternée, seules 4 % des places pédago-
giques sont destinées aux jeunes ruraux. Les établissements situés dans les communes rurales offrent
presque exclusivement des formations agricoles et sont réservés aux jeunes ruraux qui n’auront d’autres
choix que de s’y inscrire. Actuellement 74 établissements dispensent la formation professionnelle dans le
secteur de l’agriculture pour 26 filières de formation (près de 5 000 stagiaires). À signaler que le taux d’inser-
tion des lauréats en milieu rural est passé de 57 % pour la promotion 1998 à 68,5 pour la promotion 2002.
Quand à la formation par apprentissage, dont l’objectif premier est d’assurer aux jeunes ruraux exclus du
système scolaire, une formation adaptée aux spécificités du milieu rural, elle n’a commencé à se développer
que tardivement. La rareté des activités non agricoles, mais surtout des structures assez grandes et assez
organisées capables d’accueillir des jeunes et de les préparer à la pratique d’un métier expliquent le retard
pris dans la mise en place de ce mode de formation en milieu rural.
Ce n’est qu’à partir des années 2000 qu’une stratégie de développement de la formation par apprentis-
sage a été formalisée dans le cadre de la convention cadre conclue en juin 2001 entre le Secrétariat d’État
Chargé de la Formation Professionnelle et le département de l’agriculture. Elle vise la mise en œuvre d’un
programme de formation par apprentissage de 60.000 jeunes à l’horizon 2007.
Des formations non diplômantes ont été initiées par les départements de l’agriculture, de la jeunesse et
des sports, de l’entraide nationale, le département de la pêche et l’OFPPT. Dans son ensemble, ce type de
formation touche 6000 personnes/an. Elles ont pour objectif, avant même la lutte contre le sous-emploi en
milieu rural, de garder les jeunes dans leur milieu en offrant des possibilités de se former à un métier ainsi
que des opportunités de travailler pour les collectivités locales ou encore des financements pour la création
d’entreprise.
L’infrastructure d’enseignement proposé, a été étudiée pour répondre aux spécificités du monde rural. La
formation par unités mobiles ou espaces mobiles en sont l’exemple le plus marquant.
Certes, ce type de formation a le mérite d’exister dans un milieu où la rentabilisation d’établissement fixe
de formation est loin d’être prouvée, d’autre part, depuis leur création, en 1977, plus de 79 actions ont été
menées dans tout le pays. La population touchée est de l’ordre de 1500 stagiaires formées par année. Pour
l’exercice 2000/2001, par exemple, 1846 stagiaires ont été formés.
En revanche, ce type de formation comporte, tout de même, quelques inconvénients dont le principal est
d’être une formation non diplômante.
Le soutien aux activités dans le milieu rural qui paraît encore à un stade peu avancé devrait être renforcé
pour sortir les campagnes marocaines de ce cycle d’appauvrissement continu. Z. Daoud (1982) concluait son
article « l’emploi sans formation, formation sans emploi :le cas du Maroc » sur ce constat : « les ressources
humaines ne sont pas utilisées de façon optimale et il n’y a aucun ajustement de l’offre à la demande et
aucun ajustement de l’offre de main d’œuvre du milieu rural, il faudrait augmenter la scolarisation, interdire le
travail des enfants avant 15 ans, imposer l’égalité des salaires avec les adultes, généraliser la sécurité socia-
le...avec tout ce qu’ils impliquent en fait d’enseignement de santé, de travail, développer l’agro-industrie, les
communications, faire de l’aménagement rural et en somme modifier profondément le visage des cam-
pagnes ». Vingt ans plus tard, ces propositions sont toujours d’actualité. La formation professionnelle dans le
milieu rural ne peut évoluer que si cet environnement socio-économique change. Certes la priorité gouverne-
mentale est donnée au monde rural, mais on est encore au stade de l’instauration des infrastructures de
base. Mais l’on constate que la formation professionnelle est un secteur qui est extrêmement tributaire du
tissu économique et de la capacité d’une localité ou d’une région à s’impliquer réellement dans le processus
de formation.

273
3. Éléments de comparaison avec quelques expériences
étrangères

L’examen du système de la formation développé par certains pays qui ont connu une croissance indus-
trielle et économique rapide tels la Corée, Singapour, Maurice et le Brésil, est riche d’enseignements. Les
éléments de comparaison retenus à cet égard concernent le rôle stratégique et prépondérant de l’inter-
vention de l’État et le modele de financement.

3.1 L’expérience de la Corée et de Singapour

En Corée et à Singapour, la croissance économique a été très rapide, les besoins en main d’œuvre quali-
fiée ont également augmenté de manière considérable. Dans ce contexte, le développement de la formation
professionnelle – en tant que composante des ressources humaines – a constitué un pilier important
d’accompagnement de la croissance.
Aussi bien en Corée qu’à Singapour, l’État a joué un rôle stratégique dans le développement et le finance-
ment de la formation professionnelle. Dans ces deux pays, l’État a fortement utilisé la formation profes-
sionnelle en tant qu’outil de gestion du marché du travail.
Dans le cas de la Corée, la formation professionnelle était intégrée au système de l’éducation nationale,
alors qu’à Singapour son développement s’est fait en dehors du système éducatif.
En Corée, afin de lutter contre la pénurie du personnel qualifié de niveau intermédiaire, le Ministère de
l’Éducation a entrepris de porter la capacité d’accueil des lycées professionnels de 750.000 en 1992 à 1 mil-
lion en 1995.
En Corée, l’importance de l’intervention de l’État se manifeste notamment à travers l’obligation (loi de
1976 sur la formation professionnelle) faite aux entreprises d’au moins 300 personnes de former, chaque
année, une partie de leur personnel. Les entreprises qui ne respectent pas la loi sont tenues de verser à
l’État une taxe dont le montant est calculé en fonction des coûts moyens de formation dans le secteur.
À Singapour, l’organisme chargé de la formation professionnelle et technique (IVTB) assure la formation
continue des salariés ainsi qu’un programme de formation professionnelle destiné aux enfants, âgés de 12 à
14 ans, ayant quitté le système scolaire.
Depuis 1988, le financement de la formation repose sur le principe du cofinancement entre l’État et le sec-
teur privé. Les activités de l’IVTB sont en partie fiancées par un fonds alimenté par les produits d’une taxe
prélevée sur les salaires versés par les entreprises. Mais l’État participe directement au financement des
dépenses de l’IVTB à concurrence de 85 % des dépenses de capital et jusqu’à 50 % des dépenses de fonc-
tionnement. Les entreprises contribuent par un prélèvement de 1 % sur la masse salariale. Il est prélevé en
même temps que les cotisations sociales. Des abattements existent pour encourager les entreprises à entre-
prendre des actions de formation pour leur personnel.
Ce modèle du Sud-Est Asiatique de la formation professionnelle a été adopté – et adapté – par l’économie
Mauricienne. Dans ce pays, le système de la formation développé par l’État a aussi joué un rôle d’accompa-
gnement dans la phase de passage d’une économie basée sur la monoculture sucrière à une économie diver-
sifiée.

274
3.2 L’expérience brésilienne

Le Brésil a été un précurseur dans le domaine de la formation professionnelle. La formation profes-


sionnelle est dispensée par de nombreuses institutions. La principale est le SENAI, créé en 1942. Il dépend
de la Confédération Nationale de l’Industrie et des Fédérations des Industries des États du Brésil. Il est dirigé
par un conseil national et des conseils régionaux ; les Ministères de l’Éducation et du Travail participent à ses
instances de décision et de contrôle. Ses structures sont régionalisées, ce qui leur donne beaucoup d’auto-
nomie et des capacités d’adaptation aux besoins locaux. Une seconde grande institution – le SENAC –
s’occupe de la formation dans le domaine des services.
Le contrôle de la formation professionnelle – de l’apprentissage de la main d’œuvre – incombe largement
aux employeurs. En 1976, il y a eu la création d’une structure de contrôle et de coordination (Système natio-
nal de formation professionnelle).
Le système de la formation professionnelle a été conçu pour accompagner l’intensification de l’industriali-
sation, satisfaire la demande en personnel qualifié aussi bien national qu’au niveau régional, accroître le
niveau d’instruction et de formation de la main d’œuvre. L’enseignement secondaire réformé en 1971 offre à
tous, à côté de l’enseignement général, un enseignement professionnel. La plupart des établissements sont
publics à part au niveau supérieur où le secteur privé est majoritaire. Il existe un enseignement supplétif des-
tiné aux personnes ayant quitté l’école primaire ou secondaire en cours de cycle, désireuses de compléter
leur formation ou de poursuivre leurs études.
Le financement de la formation professionnelle – du SENAI – est constitué d’une retenue mensuelle de
1 % opérée sur les salaires. Cette taxe est payée par les entreprises des secteurs de l’industrie, des trans-
ports terrestres, de la communication et de la pêche.
En plus de cette contribution dite générale, les entreprises employant plus de 500 personnes sont sou-
mises à un prélèvement additionnel de 0,2 % de la masse salariale. La collecte de la taxe est opérée par le
ministère de la sécurité sociale qui retient 1 % pour les frais de collecte. Des subventions publiques
complètent ce système de financement. 15 % de la contribution nationale et l’intégralité des cotisations
additionnelles sont destinées à l’Administration Centrale. Les ressources additionnelles servent essentielle-
ment au financement des plans de formation des entreprises. 85 % des ressources sont transférées aux
départements régionaux. Enfin les subventions accordées par l’État sont utilisées principalement dans la for-
mation des formateurs et l’équipement de centres nouveaux.
Depuis 1975, un dispositif d’incitation fiscale a été mis en place pour permettre aux entreprises de déduire
de leurs impôts, sous certaines conditions, deux fois le montant des dépenses qu’elles consacrent à la for-
mation. L’objectif visé étant d’encourager les entreprises à développer des plans de formation pour leur per-
sonnel. L’expérience a montré que seules les grandes entreprises ont été en mesure de profiter des
mesures en faveur de la formation du personnel.
La contribution des entreprises au système de la formation professionnelle est également sollicitée au
niveau de la formation alternée : les entreprises sont tenues d’accueillir un nombre d’apprentis représentant
entre 5 % et 15 % des emplois qualifiés. Durant la première moitié de la période d’apprentissage, les appren-
tis reçoivent l’équivalent de la moitié du salaire minimum. Leur rémunération s’élève ensuite aux deux tiers
du minimum légal.
Dans ce système la contribution financière des entreprises est importante. Ceci explique le rôle que joue
les employeurs dans la gestion directe de la formation professionnelle. Cependant, la régulation étatique est
également très présente à travers la réglementation et la répartition des fonds (régions, secteurs...).
La place stratégique de la taxe de la formation professionnelle dans le financement du système fait que
toute dégradation des conditions économiques se traduit par une baisse des recettes. En période de raréfac-

275
tion des ressources normales du SENAI, c’est-à-dire des cotisations, l’équilibre financier n’a pu être maintenu
que par le développement des autres ressources notamment la capitalisation d’une épargne importante.
Ce modèle de la formation professionnelle connaît des variations, d’un pays à un autre, en Amérique Latine
et même en Europe. Mais, en dépit de ces variations, le principe fondateur demeure le même : il s’agit pour
l’État de transférer, auprès des entreprises, une partie de la charge de former la main d’œuvre qualifiée dont
elles ont besoin.

III. Éléments de perspective

1. Grands défis à relever

La formation se trouve au cœur des enjeux de la productivité, de l’innovation technologique, de la valorisa-


tion du travail humain et de l’intégration sociale et professionnelle des individus et des groupes. Dans le
contexte actuel de la mondialisation et de la compétition internationale, l’évolution des économies et des
techniques conduit les entreprises à rehausser leurs exigences en qualification et rend indispensable l’amé-
lioration des performances des systèmes de formation. Par ailleurs, la persistance d’un secteur économique
non structuré et des catégories de population marginalisées impose le renforcement significatif de la capa-
cité d’intégration des systèmes de formation professionnelle.
De ce fait, et partant des tendances d’évolution observées, la formation professionnelle sera confrontée
dans les vingt années à venir à trois défis majeurs liés, à la mise à niveau de l’économie, à l’intégration
sociale et professionnelle des secteurs et des populations marginalisées et à l’efficience du dispositif de for-
mation, notamment, au niveau de la maîtrise des coûts.

1.1 Défis de la mise à niveau de l’économie

En tant que levier pour la satisfaction des besoins en compétences des entreprises, la formation profes-
sionnelle est appelée dans les années à venir à témoigner de grandes capacités d’adaptation et d’innovation,
en rapport avec les évolutions de la technologie et des structures d’entreprise.
En effet, la mondialisation et l’accord d’association entre le Maroc et l’Union Européenne, entré en vigueur
en Mars 2003, placent l’économie et les entreprises nationales dans des situations beaucoup plus concurren-
tielles que par le passé. La compétitivité internationale des entreprises sera largement tributaire de leur capa-
cité d’adaptation et d’innovation, tant au niveau des processus de production qu’au niveau des modes
d’organisation et de gestion des entreprises. Ceci exigera un investissement considérable dans les res-
sources humaines et un renforcement de la formation professionnelle en tant qu’outil indispensable à la mise
à niveau des compétences des entreprises et à l’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale.
La formation professionnelle fait déjà partie du programme de mise à niveau initié par les pouvoirs publics
en 1997 pour préparer les entreprises marocaines au libre échange avec l’U.E. prévue en 2012.
Les actions engagées dans cette perspective font apparaître l’ampleur des déficits en matière de qualifica-
tion pour des secteurs jugés porteurs d’emploi.

276
Ainsi, pour les secteurs du textile-habillement, du tourisme-hôtellerie et des technologies de l’information
et de la communication, les besoins en formation exprimés par les professionnels du secteur à l’horizon
2010, nécessitent la production de plus de 210.000 lauréats et la mise à niveau d’environ 360.000 travailleurs
et professionnels de ces secteurs 1.
L’enjeu de la mise à niveau, pour la formation professionnelle n’est pas uniquement d’ordre quantitatif lié
aux effectifs des bénéficiaires. Il renvoie à deux dimensions complémentaires de la formation profes-
sionnelle : (i) une dimension économique visant à contribuer à l’émergence des besoins en compétences des
entreprises et leur consolidation par les fédérations professionnelles, et (ii) une dimension formative consis-
tant à accroître la capacité et la qualité de l’offre de formation. Cet enjeu entraînera des exigences encore
plus fortes à l’égard d’un système de formation performant et flexible.

1.2 Défis de l’intégration sociale et professionnelle

La formation professionnelle n’a pas pour seule finalité la satisfaction des besoins préalablement identifiés
par les employeurs dans les secteurs économiques structurels. Elle peut anticiper, voir engendrer de nou-
veaux créneaux d’activité professionnelle. Elle peut être utilisée pour injecter de la technicité dans les sec-
teurs non structurés, favoriser l’intégration, la réintégration sur le marché du travail des populations
marginalisées et prévenir les exclusions sociales.
Dans le contexte marocain où le secteur dit informel constitue encore le plus grand réservoir d’emploi, où
le milieu rural représente près de 50 % de la population, l’efficacité du dispositif de formation professionnelle
dépendra en partie de sa capacité d’intégration des secteurs et des populations dans l’économie et la société
moderne.
La cible prioritaire serait les jeunes en rupture de scolarité et sans aucune qualification professionnelle.
Leur nombre est estimé à plus de 240 000 jeunes par an qui quittent le système scolaire entre la 6e et
9e année fondamentale. Assurer une formation professionnelle à ces jeunes en vue de faciliter leur insertion
dans la vie active constitue l’un des défis majeurs que la formation professionnelle aura à relever dans les
années à venir.
Un autre défi à relever, à ce niveau, concerne la qualification et la valorisation des ressources humaines
dans et pour le monde rural. La formation professionnelle ne bénéficie, actuellement, qu’à 3 % des effectifs
en formation et le déficit en qualification professionnelle est enregistré, en particulier chez les agriculteurs.
Pour relever ce défit, c’est la capacité d’intégration du système de formation, en tant que vecteur de déve-
loppement, qui serait davantage interpellée dans les années à venir. Cette capacité serait, certes, liée à
l’amélioration du dispositif d’accueil, mais également à la qualité de l’offre et à son adaptation aux spécificités
du milieu rural.

1.3 Défit de l’efficience et de la maîtrise des coûts de formation

L’amélioration du rendement du système sur le double plan pédagogique et financier constitue une néces-
sité impérieuse pour le développement futur de la formation professionnelle. Déjà, au stade actuel, le coût de

1. Voir accords – cadre signés par le Gouvernement et le patronat pour la mise à niveau et le développement des secteurs du Tourisme (jan-
vier 201), du NTIC (Avril 2001) et du textile (Août 2002).

277
la formation, jugé élevé par rapport au programme d’enseignement général, s’est traduit par un alourdisse-
ment des charges de l’État et par le recours de plus en plus au secteur privé de formation et aux entreprises
comme espace de formation.
La croissance prévisible de l’appareil de formation pour faire face aux défis économiques et sociaux rele-
vés précédemment 1, impose de nouvelles approches pour optimiser les ressources et bien gérer les coûts
de formation.
À cet égard, le recours systématique à l’alternance et à l’apprentissage comme choix pédagogiques devrait
permettre outre le gain économique obtenu notamment à travers la consolidation des liens avec les milieux
professionnels, une économie de coût de formation estimée à au moins 25 % par stagiaire 2.
Dans le même ordre d’idées, l’adaptation des durées, des moyens et des coûts aux exigences réelles de
chaque type de formation devrait contribuer à l’amélioration du rendement du système en assurant avec la
même capacité d’accueil, la production de plus de lauréats qualifiés ou diplômés. Ceci, implique une rupture
avec la logique de l’année scolaire et l’introduction d’une certaine flexibilité au niveau de la gestion des pro-
grammes des méthodes et du calendrier de formation en rapport avec les qualifications et les métiers objet
de la formation.
L’amélioration du rendement du système rend également indispensable la mise en place de mécanismes
permettant la mesure des efforts financiers consentis par la collectivité et l’évaluation régulière des modali-
tés de gestion et d’affectation des ressources de leur adéquation avec les objectifs des politiques publiques.
À cet effet, et comme suggéré par la charte nationale d’éducation et de formation, l’institution d’un sys-
tème de « comptes nationaux de l’éducation » est de nature à contribuer à l’émergence d’une culture de
l’évaluation nécessaire à l’efficience et à l’efficacité des systèmes d’éducation et de formation.
En raison de la complexité du système de formation professionnelle et des circuits financiers en vigueur, le
« compte économique de la formation professionnelle » devrait permettre de préciser le rôle des principaux
financements publics ou privés et chacun des pôles majeurs de l’appareil et de définir les relations finan-
cières qu’entretiennent les différents acteurs sur le marché de la formation 3.

2. Tendances d’évolution du système

2.1 Consolidation et extension du dispositif de formation

Au regard de l’ampleur des défis de la qualification et de la valorisation des ressources humaines, les
objectifs du développement de la formation professionnelle à court et à moyen terme (horizon 2010 de la
charte nationale d’éducation-formation), ainsi que les perspectives à long terme (horizon 2025) laissent présa-
ger des restructurations et des renforcements significatifs du dispositif de formation.
Au niveau de la formation initiale de pré-emploi, l’objectif de qualifier professionnellement 70 % des per-
sonnes qui arrivent chaque année sur le marché de travail peut être retenu comme perspective souhaitable

1. L’objectif retenu par la charte nationale d’éducation et de formation consiste à faire passer la proportion des personnes professionnelle-
ment qualifiées arrivant chaque année sur le marché du travail d’environ 20 % a au moins 50 %, à l’horizon 2010 voir COSEF, charte nationale.
P. 20.
2. Étude sur le financement de la formation professionnelle citée par M. Khalid Alaoui, actes du 1er colloque sur la F.P, 1991, Tome 1, P. 90.
3. Secrétariat d’État Chargé de la Formation Professionnelle-Compte économique de la formation professionnelle, cadre méthodologique et
conceptuel Avril 2003.

278
et réalisable à l’horizon 2025. Elle s’inscrit dans le prolongement des objectifs de la charte nationale d’éduca-
tion formation et exprime la tendance en faveur de l’accroissement du taux de qualification des populations.
Cette perspective nécessiterait, néanmoins une augmentation substantielle de la capacité de production
du système de la formation professionnelle.
Sur la base des projections de l’évolution des effectifs et des lauréats de la formation professionnelle à
l’horizon 2010 et de l’extrapolation des tendances d’évolution, le système de la formation professionnelle est
amené à doubler sa capacité de production tous les dix ans. Ce qui permettra de faire passer le flux annuel
des lauréats de la formation professionnelle de 100.000 actuellement à près de 400.000 en 2025.
Au niveau de la formation en cours d’emploi, la perspective d’articuler ce mode de formation autour du
marché et de pérenniser les mécanismes de financement et de gestion dans un cadre institutionnel devrait
permettre d’augmenter considérablement le nombre des bénéficiaires de la formation continue à l’horizon
2025. L’objectif consiste à faire bénéficier près de 40 % des salariés déclarés à la CNSS, contre 16 % actuel-
lement et 20 % prévus en 2010. Ceci permettra de mettre à niveau les compétences des entreprises tous
les deux ans et demi.
Compte tenu de la dynamique d’investissement dans les ressources humaines, enclenchée ces dernières
années, la tendance d’évolution dans les années à venir semble en faveur du renforcement de la formation
continue en cours d’emploi, tant au niveau de l’offre que de la demande.

2.2 Consécration de l’entreprise comme espace de formation

La tendance vers le développement des formations qui consacrent l’entreprise comme lieu de formation,
et principalement la formation alternée et l’apprentissage, est inscrite dans les plans de développement de la
formation à court et long termes. Les objectifs recherchés visent à la fois l’élargissement quantitatif et l’amé-
lioration des conditions d’accueil et d’encadrement au sein des entreprises.
Conçu comme un des éléments stratégiques du programme de mise à niveau, le développement de
l’alternance et de l’apprentissage à l’échelle nationale constitue un défi pour tous les intervenants et parti-
culièrement l’entreprise, considérée comme l’élément clé dans la réussite du projet.
À cet effet, la perspective d’une implication effective des entreprises dans l’aménagement et l’organisa-
tion de la formation à grande échelle doit être soutenue par des mesures destinées à améliorer l’aptitude et
la disposition des entreprises à contribuer au développement de la formation en milieu de travail. Ces
mesures doivent remédier, notamment, aux problèmes et insuffisances relevés dans la sensibilisation des
chefs d’entreprises à l’égard des exigences, des coûts et bénéfices de ce mode de formation et dans la quali-
fication des tuteurs et formateurs et dans l’adaptation des programmes de formation.

Conclusion

Le dispositif de formation professionnelle qui accueille actuellement près de 185 000 stagiaires et 32 000
apprentis en formation initiale, et assure la formation en cours d’emploi à plus de 16 % des salariés déclarés
à la CNSS, constitue incontestablement un des instruments essentiels des politiques publiques de déve-
loppement des compétences et de valorisation des ressources humaines. Il a, non seulement, contribué à
l’amélioration du taux de qualification des personnes qui accèdent au marché de travail, mais il a aussi large-
ment favorisé l’ouverture du système d’éducation sur son environnement économique.

279
Instituée depuis les années 40 et définie alors comme une activité propre de l’entreprise, la formation pro-
fessionnelle a connu depuis, des évolutions quantitatives, qualitatives et organisationnelles en rapport avec
les besoins et contraintes découlant de l’évolution de la société et de l’économie marocaine.
Outre les mesures de réforme initiées dans les années 60, avec la mise en place du Haut Commissariat à
la Formation Professionnelle et la création de l’OFPPT et l’instauration de la taxe de la formation profes-
sionnelle en 1974, le dispositif de formation a connu depuis l’indépendance deux phases essentielles dans
son processus de réforme. La première est intervenue en 1984 et la seconde à été mise en œuvre à partir de
2000 dans le cadre de la charte nationale d’éducation-formation.
Conçu à la fois, comme un outil de qualification des demandeurs d’emploi et un instrument de mise à
niveau des compétences des entreprises, le système de formation professionnelle s’est progressivement
édifié pour tenter de répondre aux objectifs multiples et diversifiés assignés par la réforme.
Les résultats enregistrés durant cette période font état de progrès significatifs sur les plans de l’infrastruc-
ture de formation, du fonctionnement et de l’organisation interne du système, mais également au niveau de
l’implication des partenaires et des utilisateurs du produit de la formation.
Les performances réalisées sont perceptibles au niveau de la rentabilité interne et externe du système,
mais également en termes d’attraction chez les jeunes et de satisfaction chez les bénéficiaires et utilisa-
teurs.
Toutefois, la capacité et le dimensionnement actuels du système demeurent en deçà des attentes et des
besoins de plus en plus élevés en qualification / reconversion professionnelles et d’insertion dans la vie
active. Conditionnée en amont par le système d’enseignement général et en aval par le système productif, la
formation professionnelle a évolué sous la pression et les contraintes de ces deux systèmes déterminants,
sans jamais pouvoir réaliser le degré d’adéquation souhaitée entre l’éducation, la formation et l’emploi. Sa
capacité d’accueil n’a pu couvrir que 30 % de la demande sociale et sa production permet à peine de qualifier
20 % des jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail.

Outre les aspects quantitatifs tributaires de la capacité d’accueil, le dispositif actuel de formation profes-
sionnelle continue d’accuser des déficits et des dysfonctionnements liés à son organisation interne et à
l’environnement dans lequel il évolue. Les dysfonctionnements internes concernent pour l’essentiel :
– la pluralité des acteurs de formation et la faiblesse des mécanismes de pilotage ;
– la disparité des infrastructures de formation entre opérateurs (public, privé) secteurs d’activité et régions
économiques ;
– la faible qualification des ressources humaines dans et pour le monde rural (3 % du dispositif de forma-
tion alors que le milieu représente près de 50 % de la population) ;
– les carences au niveau des ressources humaines et formatives et la diversité d’approche du contenu et
d’appellation des filières de formation.

Quant aux principaux déficits liés à l’environnement du système et qui conditionnent d’une manière ou
d’une autre son développement, ils concernent pour l’essentiel :
– le niveau d’enseignement général et d’initiation professionnelle requis pour l’accès à la formation pro-
fessionnelle. Ce niveau, jugé insuffisant, est tributaire de la qualité de l’enseignement de base, du pro-
cessus d’orientation tout au long de la scolarité et de la capacité de l’école à s’ouvrir sur son
environnement économique et social. Dans ces conditions, la formation professionnelle ne peut en
aucun cas – ou à des coûts élevés – compenser les défaillances de l’enseignement général ;
– la capacité limitée d’intervention des chambres et organisations professionnelles, comme acteurs de
formation et comme relais pour l’intégration du système de formation dans son environnement écono-
mique et pour l’insertion professionnelle des formés ;

280
– la faible aptitude et le peu de disposition des entreprises à s’ériger comme un véritable espace de forma-
tion ;
– les limites du financement public face aux besoins de développement quantitatif et qualitatif de la forma-
tion ;
– le problème de la solvabilité de la demande pour le secteur privé de formation.

À ces déficits, s’ajoutent le retard pris par rapport à l’évolution des techniques et des standards inter-
nationaux en matière de qualification et de diplômes professionnels, le recours aux technologies de l’informa-
tion et de la communication comme modalité d’apprentissage ainsi que le développement des capacités
d’anticipation des systèmes de formation pour faire face à l’émergence de nouveaux métiers et professions.
Pour faire face à ces déficits, le système de formation professionnelle est appelé à se positionner claire-
ment par rapport aux enjeux actuels de la productivité, de l’innovation technologique, la valorisation du travail
humain et de l’intégration sociale et professionnelle. Dans le contexte actuel, ces enjeux renvoient à trois
dimensions essentielles :
La première concerne le positionnement de la formation comme instrument de mise à niveau des res-
sources humaines des entreprises et d’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale. Compte
tenu des besoins exprimés par les professionnels (accords cadres conclus avec les secteurs du textile, des
technologies de l’information et de la communication du tourisme-hôtellerie), ce positionnement nécessite
un renforcement significatif de l’appareil de formation et de sa capacité d’adaptation aux mutations que
connaît le marché de travail.
La deuxième dimension est liée au rôle que peut jouer la formation en tant que vecteur de développement
et d’intégration des populations en difficulté d’insertion professionnelle et des secteurs économiques non
structurés. Les cibles prioritaires seraient constituées des jeunes en rupture de scolarité sans aucune qualifi-
cation professionnelle et le milieu rural qui demeure marginalisé dans le dispositif actuel (3 à 4 % des effec-
tifs en formation).
La troisième dimension est relative à l’amélioration du rendement du système sous le double plan pédago-
gique et financier à travers l’adoption de nouvelles approches de gestion du système et d’optimisation des
ressources.
À cet égard, le recours systématique à l’alternance et à l’apprentissage et l’introduction graduelle de
l’approche par compétence s’imposent comme choix pédagogique et comme mode de gestion du système.
Dans le même ordre d’idées, il s’avère nécessaire de mettre en place des mécanismes permettant de préci-
ser le rôle des principaux financements public et privé et d’évaluer les modalités de gestion et d’affectation
des ressources et leur adéquation avec les objectifs des politiques publiques.

La prise en compte de ces enjeux dans les stratégies de développement du système passe nécessaire-
ment par :
– l’ancrage de l’appareil de formation dans le tissu de production afin d’assurer un accompagnement plus
soutenu des entreprises ;
– le renforcement de la capacité opérationnelle des organisations professionnelles pour l’identification et
l’expression de la demande de formation.

Cette perspective qui s’articule autour de la logique de réponse à la demande de formation et de sa


contractualisation avec les entreprises et les organisations professionnelles, paraît réalisable pour le secteur
moderne structuré. Celui-ci a déjà montré de bonnes dispositions pour s’impliquer réellement dans le proces-
sus de formation dans un cadre de partenariat avec les pouvoirs publics.
Pour le secteur dit informel, une logique de l’offre doit continuer à structurer le dispositif en vue de pro-

281
mouvoir une formation flexible et de qualité. Cette orientation permettra d’injecter de la technicité dans ce
secteur et de l’intégrer progressivement dans l’économie moderne.

Une telle perspective de développement implique également des stratégies de rupture avec des logiques
et des politiques qui sont à l’origine d’un certain nombre de dysfonctionnements du système actuel et qui
concernent notamment :
– la multiplicité des centres de décision en matière de conduite des politiques publiques de formation pro-
fessionnelle (Ministère de la Formation Professionnelle, Départements Ministériels, Établissements
sous tutelles... etc) et des rouages administratifs au niveau national, régional et local ;
– la séparation pédagogique et institutionnelle entre la formation professionnelle et l’enseignement tech-
nique de niveau pré et post baccalauréat (technicien, bac technologique, technicien spécialisé, BTS,
licence professionnelle,...) ;
– l’orientation directe des élèves de la 3e année de l’enseignement secondaire collégial et des élèves du
tronc commun du cycle secondaire qualifiant vers le niveau de qualification professionnelle ;
– la reconnaissance automatique des diplômes et certificats délivrés par les établissements publics de for-
mation ;
– le statut des formateurs et gestionnaires des établissements calqué sur celui de la fonction publique ;
– le système de financement basé presque exclusivement sur l’État dans les établissements publics et
sur les ménages dans les établissements privés.

282
La formation professionnelle de 1984
à la charte d’éducation et de la formation

Préambule.................................................................................................................285
Introduction ..............................................................................................................285
I. Les réalisations.....................................................................................................286
1. La consolidation institutionnelle ...................................................................286
1.1. Les structures..............................................................................................286
1.1.1 La coordination...................................................................................286
1.1.2. La régulation ......................................................................................286
1.1.3. La réalisation......................................................................................287
1.2. La démarche................................................................................................287
1.2.1. La carte de la formation professionnelle ......................................287
1.2.2. Les études d’évaluation ...................................................................287
2. L’organisation pédagogique............................................................................288
3. Le développement du système .......................................................................288
4. L’insertion des lauréats....................................................................................291
5. Les mesures de soutien à l’insertion des diplômes de la FP .....................292
5.1. Programmes de formation qualifiante ....................................................292
5.2. Le Programme de promotion de l’emploi................................................292
5.3. Le Programme de promotion de l’auto emploi.......................................293
II. Bilan critique........................................................................................................294
1. La nouvelle réforme..........................................................................................294
2. Un système victime de son excroissance ....................................................296
3. Formation professionnelle et emploi .............................................................298
4. Place de l’apprentissage dans le système de la formation
professionnelle actuelle...................................................................................301
5. Les limites d’une formation professionnelle scolarisée.............................303

Conclusion : Quel avenir pour la formation professionnelle?..........................305


Bibliographie ............................................................................................................307

AHMED ZOUGGARI

283

somgt4-8 283 22/12/05, 13:52:20


284

somgt4-8 284 22/12/05, 13:52:22


Préambule

Cette étude sur la formation professionnelle vient après celle qui couvre la période de 1956 à 1983 et avant
celle qui va de 1999 à 2004. Elle vise à restituer le sens de la phase comprise entre 1984, année de la
réforme et la rédaction du projet de la Charte d’Éducation et de formation (1999). Ce découpage ne servira
nullement à démontrer que ces trois périodes sont distinctes, idée qui ne résistera pas à une analyse
sérieuse, mais permettra de mieux mettre en valeur ce qui a constitué l’apport et les manques de chacun de
ces trois moments qui nous séparent de la date de l’indépendance du Maroc. Il s’agira, à chaque fois, de se
demander quel a été l’impact de la formation professionnelle sur le développement humain en procédant à
une analyse minutieuse de la démarche suivie et des réalisations entreprises. Cet exercice aidera, d’une part,
à restituer la dynamique et la cohérence des 50 dernières années et à construire les éléments qui entreront
dans les propositions d’une prospective 2025.
Notre travail se base sur les rapports commandés par l’Aministration de la Formation professionnelle 1 et
les études effectuées par des chercheurs nationaux et étrangers sur la place de la formation professionnelle
dans une société soucieuse du développement humain et de l’insertion sociale et professionnelle des
jeunes. L’idée qui se dégage à travers l’analyse des textes officiels, les enquêtes empiriques et certaines
recherches académiques est que la formation professionnelle a développé une démarche extensive, malgré
l’insistance de la réforme de 1984 sur une qualification des jeunes leur permettant de contribuer de manière
efficace au système productif. Les raisons de cette extension sont analysées tout le long du travail et des
mesures pour l’amélioration du système sont proposées.

Introduction

Les années quatre-vingt marquent un tournant de la politique scolaire. Les pouvoirs publics parlent de nou-
velles orientations qui découlent des difficultés de financement dues au ralentissement de la croissance
économique et à une volonté d’adaptation qualitative du système éducatif jugé « peu rentable ». Dans le
Mouvement Éducatif de 1980-84 on peut lire que « les orientations nouvelles visent, à court terme, la réduc-
tion des dépenses d’éducation par une plus grande rationalisation dans l’utilisation des moyens réels et bud-
gétaires. À long terme, elles tendent à réduire autant que possible le déséquilibre qui existe entre la
production des diplômés et les besoins de l’économie en main-d’œuvre qualifiée ». Une redistribution des
dépenses budgétaires est envisagée au profit de l’enseignement de base et de la formation professionnelle
afin d’assurer la réussite de la nouvelle réforme qui prévoit l’entrée en vigueur de l’enseignement obligatoire
de neuf ans à partir de 1991-92. Selon les responsables, le paysage éducatif futur fera cohabiter de manière
harmonieuse enseignement général et formation professionnelle, avec la suppression des barrières entre

1. Il s’agit de la Direction de la Planification de la Formation Professionnelle, de la Direction de la Formation Professionnelle, et de l’Office de


Formation pour la Promotion du Travail.

285
niveau et domaine d’enseignement, création « de structures ouvertes et souples », et familiarisation des
élèves avec les habilités manuelles et l’aspect technologique de la culture moderne.
Ces dispositions devaient permettre de préparer, dans de bonnes conditions, l’orientation professionnelle
des jeunes, puisqu’après la mise en place de réformes, le système sera en mesure de dispenser une forma-
tion professionnelle adaptée à tout élève devant quitter l’enseignement général. Ces mesures suffisent-elles
pour promouvoir le développement harmonieux entre l’éducation, la formation et l’emploi ? Répondent-elles
aux aspirations des jeunes ? Telles sont les questions qui se posent et auxquelles nous tenterons de
répondre en abordant l’analyse des nouvelles orientations de la formation de base et de la formation profes-
sionnelle.

I. Les réalisations

Cette période pourrait être considérée comme un moment important de la consolidation du système de la
formation professionnelle, aussi bien sur le plan institutionnel que sur celui de son extension.

1. La consolidation institutionnelle

Deux principes ont été à la base de la consolidation institutionnelle de la FP : une organisation administra-
tive assurant à tous les acteurs de jouer leur rôle et une volonté de souplesse pour s’adapter à la demande
sociale. La mise en œuvre de ces principes a nécessité l’existence de structures et le choix d’une démarche
rationnelle et efficace.

1.1. Les structures

La création de structures appropriées répond à la nécessité d’assurer la coordination, la régulation et la réa-


lisation nécessaires au bon fonctionnement du système.

1.1.1. La coordination
Assurée par l’Administration de la Formation Professionnelle créée en 1985 dont la mission est de plani-
fier, d’orienter et d’évaluer le système dans sa globalité. Des relais régionaux soutiennent son activité.

1.1.2. La régulation
Assurée par trois grandes instances : la Commission Nationale de la FP, la Commission provinciale de la FP
et les Conseils de Perfectionnement. Ceux-ci sont chargés d’organiser la concertation entre les acteurs
concernés.

286
– La Commission Nationale de la FP est présidée par le Ministre de l’emploi, des affaires sociales et de la
solidarité sociale et regroupe les Départements ministériels, les employeurs ainsi que les organisations
professionnelles et syndicales. Elle veille à la définition des orientations générales, à la coordination et à
l’évaluation. Elle examine et approuve annuellement la carte de la FP ;
– La Commission provinciale de la FP est présidée par les Walis et les Gouverneurs de Sa majesté le Roi
et regroupe les différents acteurs. Elle coordonne le système au niveau local, adapte la carte de la FP et
fait des recommandations pour le futur ;
– Les Conseils de Perfectionnement : Ils sont présidés généralement par un employeur privé et
regroupent un ou plusieurs établissements de la FP. Ils ont pour mission d’adapter les contenus tech-
niques et les orientations pédagogiques des formations au contexte local. Ils veillent également à l’orga-
nisation des stages en entreprises et à l’insertion des lauréats.

1.1.3. La réalisation
Trois types d’opérateurs interviennent dans le cadre de la réalisation :
– L’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail (OFPPT) ;
– Les Départements ministériels qui assurent une formation professionnelle à leur niveau ;
– Le Secteur privé de la FP.

1.2. La démarche

Elle repose sur l’établissement d’outils permettant un pilotage rationnel

1.2.1. La carte de la Formation Professionnelle


La carte professionnelle est le programme arrêté par la Commission Nationale qui guide l’ensemble des
acteurs pour une durée de 3 ans.
– Il désigne les actions à entreprendre ;
– Mentionne les établissements à créer et les filières à assurer ;
– Évalue les effectifs prévisionnels ;
– Précise les moyens humains et matériels.

La carte est adressée aux Conseils de Perfectionnement et aux Commissions Provinciales avant d’être
examinée par les Opérateurs et approuvée par la Commission Nationale

1.2.2. Les études d’évaluation


Elles apprécient l’efficacité du système en vue de proposer des adaptations, si nécessaire, et comportent :
– Les études de suivi et d’insertion inaugurées depuis 1985 ;
– Les études d’affluence aux établissements initiées en 1988 ;

287
– Les enquêtes d’auto-évaluation : réalisée une année sur deux pour avoir une idée sur l’appréciation des
stagiaires et employeurs.

2. L’organisation pédagogique

Un concours d’accès permet aux élèves issus du système scolaire d’accéder aux différents niveaux de for-
mation professionnelle, mentionnés dans le tableau qui suit.

Le système de la formation professionnelle


BAC Technicien Spécialisé Diplôme de Technicien spécialisé
2 ans de formation
3e AS Technicien Diplôme de technicien DT
2 à 3 ans
VIE ACTIVE
2e AS – 1e AS Qualification Certificat de Qualification professionnelle
2 ans
6e À cycle élémentaire Spécialisation Certificat de Formation professionnelle
2 ans de formation

C’est avec la réforme DE 1984 que la FP s’est engagée dans une diversification des formations. On peut
citer les formations en alternance qui associent l’établissement de formation et l’entreprise, les formations
contractuelles mises en place par l’OFPPT en collaboration avec les associations professionnelles telles que
l’Association Marocaine des Industries Textiles (AMIT), l’Association des transformateurs de cuir (ATC), la
Fédération Nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP), l’Association Professionnelle des Maîtres Impri-
meurs (APMI), et d’autres qu’on ne pourra pas citer faute de place.
Les progrès accomplis dans le domaine pédagogique ont été favorisés par deux politiques menées en
parallèle. La première est illustrée par une promotion de la formation visant à rehausser l’image de marque
de la formation professionnelle, concrétisée par une sensibilisation des jeunes, parents et des employeurs
afin de les amener à emprunter cette voie et par la mise en place de passerelles qui autorise l’accession au
niveau supérieur. La deuxième politique s’est attachée à améliorer la qualité de l’encadrement pédagogique.
Avant la réforme, le taux d’encadrement était d’un formateur pour vingt stagiaires ; après, il est d’un pour 16.
L’effectif global est passé entre 1984 et 1993 de 49 000 à 105 000 stagiaires, avec une progression annuelle
de 9 % (La Formation Professionnelle au Maroc 1993). La répartition, par niveau, est de 1 427 pour le niveau
de spécialisation, 1604 pour celui de qualification et 1950 pour celui de technicien.

3. Le développement du système

Le système de la formation professionnelle a fait de grands efforts pour développer son offre de formation.
Le résultat est édifiant quand on observe l’évolution des effectifs durant cette période. Quatre tableaux nous
permettront de nous faire une idée sur l’évolution des effectifs et la nature de la dynamique du développe-
ment dans les secteurs public et privé.

288
Tableau 1 : Évolution des effectifs des stagiaires des EFP
du secteur public par niveau de formation

Niveau Spécialisation Qualification Technicien Technicien TOTAL


spécialisé
Années Total Dont Filles
1983/84 11 705 13 744 12 908 31 481 3 623
1984/85 27 142 19 182 17 420 63 744 6 725
1985/86 25 339 21 505 19 450 66 294 10 751
1986/87 27 679 23 771 22 494 73 946 7 099
1987/88 23 104 22 823 24 148 70 075 9 514
1988/89 22 199 25 811 26 198 74 208 26 584
1989/90 19 294 25 274 23 932 68 473 27 073
1990/91 20 600 24 641 23 561 68 802 26 122
1991/92 18 381 25 560 25 028 68 969 24 779
1992/93 16 281 27 546 26 175 70 002 23 931
1993/94 16 218 31 565 25 888 1 138 74 809 25 076
1994/95 16 721 33 190 23 819 3 375 77 105 26 550
1995/96 14 189 34 782 22 480 4 227 75 678 26 454
1996/97 12 561 34 316 22 203 4 522 73 602 25 262
1997/98 12 811 34 875 21 479 5 302 74 467 25 842
1998/99 12 259 35 745 21 212 5 848 75 064 24 433

La lecture de ce tableau appelle trois remarques. La première se rapporte à l’effectif global qui connaîtra
durant l’année 84/85 une progression remarquable des effectifs, passant de 31481 à 63 744, soit une aug-
mentation de près de 100 %. Celle-ci a concerné les trois niveaux de formation existant à l’époque (spéciali-
sation, qualification et technicien). Trois années plus tard on assiste à un léger fléchissement qui mettra fin
en fait à la progression. La deuxième remarque concerne les effectifs par niveaux. La diminution survenue à
partir de I987 /88, affecte surtout les niveaux spécialisation et qualification qui passent respectivement de
27 679 à 23 104 et de 23 771 à 22 823 de 1986/87 à 1987/88. La dernière remarque nous est suggérée par
l’observation des effets entraînés par l’introduction du niveau de technicien spécialisé en 1993/94 qui
déclenche un processus de modification interne de la distribution des effectifs à travers les niveaux de for-
mation existants, comme on peut le constater dans le tableau qui suit.

Tableau 2 : Modification interne du système de la FP du S.P


à la suite de l’introduction du niveau de formation de Technicien spécialisé

Spécialisation Qualification Technicien Technicien spécialisé


1993/94 16 218 31 565 25 888 1 138
1998/99 12 259 35 745 21 212 5 848

289
Le tableau 2 montre que l’introduction du niveau de formation de Technicien spécialisé a entraîné une
baisse substantielle des effectifs dans les niveaux de formation de spécialisation et celui de technicien qui
passent respectivement de 16 218 à 12 259 et 25 888 à 21 212. Cette baisse a profité non seulement au
nouveau venu qui est passé de 1138 à 5 848 stagiaires, (413 %), mais également au niveau de Qualification
qui a enregistré une augmentation de 4 180 stagiaires (13,2 %). Au cours de cette période on assiste à un
effort analogue dans le secteur privé illustré par une progression remarquable des effectifs. Les données
dont nous disposons ne couvrent pas toute la période, mais elles nous permettent cependant de constater
que l’évolution des effectifs a connu un processus différent.

Tableau 3 : Évolution des effectifs des stagiaires des EFP du secteur privé par niveau de formation

Niveau Spécialisation Qualification Technicien Technicien Total


Année Spécialisé
1987/88 5 627 14 293 11 448 31 368
1988/89 9 311 12 477 10 233 32 012
1989/90 10 384 15 385 13 960 39 729
1990/91 12 091 13 514 10 889 36 494
1991/92 11 025 11 643 11 489 34 157
1992/93 10 477 12 944 11 415 34 836
1993/94 10 996 14 843 14 430 40 269
1994/95 10 653 16 242 16 389 43 284
1995/96 12 439 15 695 17 533 321 45 988
1996/97 13 158 15 800 20 630 1 187 50 775
1997/98 14 769 16 123 20 238 1 416 52 546
1998/99 15 736 16 342 21 135 1 872 55 085

Même si la progression des effectifs a concerné tout le système de la Formation Professionnelle privée,
on constate que l’ampleur de l’augmentation des effectifs a été différente dans les 3 niveaux de formation
(spécialisation, qualification et technicien), celle du premier a été de 77 %, celle du deuxième de 84,6 %,
alors que celle du troisième n’a pas dépassé 14,33 %. Une autre différence avec le secteur public se situe au
niveau de la réaction du système lors de l’introduction du niveau de formation de Technicien Spécialisé. On
remarque que les niveaux de formation existants n’ont pas été affectés par celle-ci ; les niveaux de spécialisa-
tion et de technicien ont continué à progresser, celui de technicien a enregistré un léger recul en 1999.
La comparaison de l’évolution des effectifs du public et du privé du début à la fin de cette période révèle de
manière encore plus nette la spécificité de chacun de ces deux secteurs, comme on peut le constater à tra-
vers le tableau 4.

Tableau 4 : Évolution des effectifs des stagiaires de la FP


du secteur public et privé par niveau de formation de 1987 à 1999

Secteur Spécialisation Qualification Technicien T. spécialisé Total

1987 à 1999 Public 23 104 à 12 259 22 823 à 35 745 24 148 à 21 212 0 à 5 848 70 075 à 75 064
Privé 5 627 à 15 736 14 293 à 16 342 11 448 à 21 135 0 à 1 872 31 368 à 55 085

290
Le tableau 4 fait davantage ressortir la dynamique interne de chacun des deux secteurs. On voit, d’une
part, que globalement, le secteur public n’a augmenté que de 7,11 %, alors que le privé a connu une progres-
sion de 75,6 %. D’autre part, on constate que la pression externe, dans le secteur public s’est surtout exer-
cée dans le niveau de qualification, alors que, dans le privé ses effets se sont manifestés plutôt dans les
niveaux spécialisation et technicien. Ce qui laisse supposer que le privé a plus résisté à la tendance d’entraî-
ner le système de la formation professionnelle vers le haut (l’enseignement supérieur).

4. L’insertion des lauréats

La Formation Professionnelle procède depuis 1985 à des enquêtes pour s’enquérir du taux d’insertion de
ses lauréats. Ce travail est réalisé neuf mois après l’obtention du diplôme et se base sur un taux d’échantil-
lonnage de 25 % et un choix des opérateurs tenant compte de leur taille en les distinguant en quatre
groupes.

Tableau 5 : Taux d’insertion par secteur et au niveau national


(données disponibles au Département de la FP)

1997 1998 1999


Lauréats Taux Lauréats Taux Lauréats Taux
d’insertion d’insertion d’insertion
Secteur public 35 683 38,2 % 36 738 36,2 % 37 427 32,2 %
Secteur privé 24 753 31,4 % 27 222 31,4 % 27 641 27,5 %
National 60 436 35,4 % 63 960 34,9 % 65 068 30,7 %

Le tableau 5 nous indique que le taux d’insertion des diplômés de la FP en baisse de 1997 à 99, se situe
autour de 31 % à la fin de la période 99. Légèrement supérieur dans le secteur public, avec un écart de 5
points, mais demeurant trop faible par rapport aux objectifs initiaux de la réforme. Certes le nombre de lau-
réats a augmenté sans que la croissance économique ne suive, contrariant ainsi les objectifs fixés par la
réforme de 1984.

Tableau 6 : Taux d’insertion par Département formateur


(données disponibles au Département de la FP)

1997 1998 1999


OFPPT 39,4 38,1 33,3
Agriculture 34,8 34,9 34,7
Artisanat 39,4 40,1 33,6
MJS 25,4 27,2 23,8
Tourisme 40,4 38,4 36
HCAR 17,5 15,9 24,8

291
Le plus fort taux d’insertion en 1997 revenait à l’OFPPT et l’artisanat avec 39,4 %, suivis par l’agriculture
(34,8) ; mais en 1999 le secteur agricole est en tête avec 34,7 suivi de l’artisanat et de l’OFPPT qui ont res-
pectivement 33,6 et 33,3 %. Nous disposons également d’un deuxième dispositif d’observation conçu par le
Département de la Formation professionnelle qui vise à observer le parcours des lauréats au cours des trois
années suivant leur sortie du système. La démarche repose sur un taux de sondage de 9 % couvrant les prin-
cipales filières de formation existantes.

Tableau 7 : Taux d’insertion et taux d’emploi global

Taux d’insertion Taux d’emploi


1993 1996 1999 1993 1996 1999
75 % 70 % 68 % 58 % 53 % 53 %

Le taux d’emploi rend compte de la proportion des lauréats actifs employés le jour de l’enquête et le taux
d’insertion nous informe de la proportion des lauréats qui ont exercé au moins une fois un emploi. Le premier
donne une image plus positive de l’activité des diplômés de la FP, mais les deux s’inscrivent dans une ten-
dance à la baisse.

5. Les mesures de soutien à l’insertion des diplômés de la FP

La situation critique de l’emploi a été au centre des préoccupations des pouvoirs publics qui ont pris de
nombreuses mesures d’aide à l’emploi. Plusieurs programmes ont vu le jour au cours de cette période.

5.1. Programmes de formation qualifiante

Ce programme vise à assurer une formation de courte durée dans les filières à potentiel d’emploi à des
diplômés universitaires en quête d’un premier emploi. Il est régi par la Convention cadre du 12 avril 1999
engageant le Ministère chargé de l’emploi et de la FP et le Ministère de chargé de l’enseignement supérieur.
En destination des diplômés bac + 4, deux opérations ont été réalisées. La première a concerné 1591
bénéficiaires, dont 1370 ont été admis. Le taux d’insertion a été de 67 %.
La deuxième opération est en cours de réalisation. En destination des diplômés du troisième cycle, deux
formations ont été déjà réalisées, l’une a été organisée par Microsoft au profit de 48 candidats et par la
société GFI (19 candidats), l’autre a touché 48 pour les insérer dans les métiers des NTIC. Le taux d’insertion
a été de 95 % pour la première et de 96 % pour la deuxième.

5.2. Programme de promotion de l’emploi

Dans le cadre de la loi 16/93 qui prévoit l’exonération de l’entreprise d’accueil des charges sociales et de la
taxe de formation professionnelle, deux programmes de formations insertions ont été financés par le Fonds

292
de Promotion de l’Emploi des Jeunes (FPEJ). Le bénéficiaire perçoit entre 1600 et 4500 DH et est exonéré
de l’IGR. Il s’agit du :
– Programme d’action emploi (1997-2001).Il Propose un stage de 18 mois pour des jeunes diplômés de
moins de 35 ans, dont l’État prend en charge la prime d’encadrement couvrant une partie de l’indemnité
versée aux stagiaires (800 DH /mois pour les techniciens, Bac+2 et bac + 4 et 1300 DH pour les diplô-
més du 3e cycle). L’État prend également en charge les dépenses de formation dont le montant varie
entre 2000 et 7000 DH par stagiaire ; 66 340 stagiaires, soit 50 % de licenciés et des techniciens.
– Programme « Action emploi » rénové lancé en juillet 2001 : Stage destiné à des jeunes de moins de
35 ans, à la recherche d’un emploi depuis plus de 3 années et titulaires d’un Bac+2, d’une durée variant
entre 6 et 18 mois, avec l’offre d’une prime semestrielle de 4000 DH aux entreprises qui s’engagent
dans ce projet 1038 stagiaires ont bénéficié de ce stage.

D’autres programmes entrant dans ce cadre ont vu le jour, on peut citer le Contrat d’insertion (6387 bénéfi-
ciaires), le Contrat développement de l’emploi, le Contrat de l’emploi qualifié d’utilité sociale.

5.3. Le Programme de Promotion de l’auto emploi

– Prêts accordés aux diplômés pour réaliser leurs projets


Depuis 1987, la loi 36.87 finance des prêts pour la création de l’entreprise par les lauréats de la FP et de
l’enseignement supérieur. Ces prêts qui peuvent atteindre un million de dirhams ont permis la création de
11 233 entreprises et de 43 238 emplois. Cette loi finance également depuis 1999 des mini crédits allant
jusqu’à 250 000 DH pour les jeunes âgés de moins de 35 ans ayant un Bac + 2 qui désirent créer des entre-
prises. 733 entreprises et 2534 emplois ont vu le jour grâce à cette formule.

– Fonds pour la promotion de l’emploi des jeunes (FPEJ)


Ce fonds finance depuis 1995 des prêts de montants qui peuvent atteindre 1 million de dirhams pour
l’auto-emploi des jeunes n’ayant pas de diplômes. 552 entreprises et 2640 emplois ont été créés ;

– Programme de pépinières d’entreprises


La réalisation de ce programme se fait en partenariat entre le FPEJ et les collectivités locales. Il finance
l’infrastructure d’accueil (locaux de 40 à 240 m2) ;

– Avantages fiscaux destinés aux jeunes promoteurs


La loi no 16. 87 prévoit des avantages au profit des Techniciens spécialisés, d’ouvriers qualifiés, des titu-
laires d’un DUT ou d’un diplôme équivalent. 1318 projets et 7151 emplois ont été créés grâce à cette for-
mule.

293
II. Bilan critique

1. La nouvelle réforme

Les principes qui guident la réforme de 1984 s’inspirent des orientations de l’enseignement qui voient le
jour, aux U.S.A. et dans certains pays européens, vers la fin des années soixante. Par ailleurs, durant les deux
dernières décennies, on assiste à la crise des idéologies du progrès et de la démocratisation de l’enseigne-
ment, ainsi qu’à la critique de l’hégémonie de la science comme mode de connaissance et, partant, à l’affir-
mation de la diversité des savoirs. De nouvelles approches basées sur l’appréhension des procès et des
modes de formation dans leur rapport au savoir, contribuent à répandre l’idée d’un rapprochement entre le
système éducatif et l’entreprise et à une volonté de restauration de l’éthique du travail à l’école.
Sans vouloir procéder à un exposé détaillé des orientations dominantes durant les années quatre vingt
dans les pays occidentaux, nous noterons que celles-ci s’articulent autour de trois axes : Il y a tout d’abord un
intérêt accru pour l’analyse des attentes scolaires des individus et des groupes, afin de découvrir la façon
dont se crée la demande pour certains niveaux d’études et de mettre en valeur les facteurs qui sont de
nature à l’influencer. Il y a également la volonté de prendre en charge les changements en cours dans l’orga-
nisation du procès du travail et la gestion des entreprises, en vue d’une réadaptation des modes de formation
existants, au niveau des contenus enseignés, des valeurs et représentations véhiculées et des formes d’acti-
vités scolaires privilégiées. On doit signaler enfin les tentatives pour inciter les administrations des pays en
voie de développement à adopter une politique de financement de l’éducation qui permet d’une part d’allé-
ger les charges de l’État en faisant participer davantage certains groupes sociaux privilégiés et d’autre part de
consentir un effort plus grand en direction de l’enseignement primaire, notamment en milieu rural.

Selon les experts de la Banque mondiale, même si de nombreux pays en voie de développement,
consacrent déjà une part importante de leur dépense ordinaire à l’éducation, la pression démographique et
les charges des autres secteurs de développement les contraignent à trouver de nouveaux modes de finan-
cement. M. Psacharopoulos, directeur de la recherche à la Banque Mondiale propose trois solutions pour
améliorer la situation des individus et celle des États :
1. Le recouvrement des coûts de l’enseignement supérieur et la suppression de l’allocation automatique
aux étudiants, ainsi que le transfert des subventions rendues disponibles à l’enseignement du primaire ;
2. La création d’écoles privées « Il y a des gens, précise cet expert, qui sont prêts à payer pour que leurs
enfants puissent aller à l’école près de chez eux afin d’éviter de parcourir plusieurs kilomètres, comme
c’est le cas en Afrique ;
3. L’octroi de prêts bancaires aux étudiants nécessiteux. (Le Matin du Sahara du 16 octobre 1986 : le
financement de l’éducation dans les pays en voie de développement).

Ces trois préoccupations conditionnent le contenu de la nouvelle réforme, mais de manière inégale,
comme on pourrait le constater à travers l’examen des points forts de celle-ci. On retrouve en effet l’expres-
sion des deux premières préoccupations à l’occasion de la redéfinition des objectifs du système éducatif, où
est évoqué d’une part le souci de tenir compte de l’évolution de la demande scolaire et d’autre part, la
volonté de rechercher une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi. Les responsables évoquent la
nécessité « d’une adaptation progressive des contenus et de la structure du système aux nouvelles aspira-
tions (Mouvement éducatif 1986-88 p. 35). Les choses sont précisées davantage dans un document anté-

294
rieur, où l’on peut lire : « la triple finalité, culturelle, économique et sociale, habituellement assignée au
système éducatif est réaffirmée dans les dernières déclarations de politique générale du gouvernement avec
cependant un accent particulier sur le rôle de l’éducation en tant que facteur de développement. Désormais,
l’école a pour but de former des citoyens capables de s’intégrer socioculturellement et d’être productifs
économiquement. (le Mouvement Éducatif, 1985-86 p. 8).
Du reste, c’est en vue de répondre à ces objectifs que les rédacteurs de la nouvelle réforme prennent une
série de mesures, dont les plus importantes résident dans l’accélération de l’écoulement des effectifs sco-
laires et la réduction des taux de redoublement, la dotation des établissements de matériel didactique qui
leur faisait défaut ainsi que la promotion de la recherche et de la formation d’évaluateurs spécialisés qui
seront affectés dans les établissements scolaires, et enfin l’expérimentation d’une nouvelle procédure
d’orientation des élèves de l’enseignement général vers le secteur de la formation professionnelle. Signalons
que le taux d’admission en première année secondaire qui était de 39 % en 1984 est porté à 47 % en 1985
et dépasse les 70 % en 1990 date à laquelle l’examen pour les élèves de la première promotion de l’ensei-
gnement de base est supprimé. Quant aux redoublements qui représentaient 30 % des effectifs globaux, ils
seront progressivement ramenés à 12 %. (Le Mouvement Éducatif 1985-86 p. 44).
La dernière mesure (une nouvelle procédure d’orientation) est d’une importance stratégique. C’est d’ail-
leurs de la réussite de sa mise en application que dépend la rationalisation effective du système éducatif,
puisque le niveau souhaité pour l’écoulement et le redoublement ne pourra être atteint que si les structures
de la formation professionnelle permettent l’accueil du pourcentage d’élèves devant rejoindre ce secteur à
chacune des étapes cruciales de leur scolarité. La réforme de la formation professionnelle vient donc à point
nommé pour assurer au système éducatif la capacité d’une gestion différenciée des enfants en âge de scola-
risation. L’extension de sa capacité d’accueil montre que le rôle de soutien de la formation professionnelle lui
aménage un espace de plus en plus grand, comme en témoigne l’évolution des effectifs qui sont passés de
38.357 en 1983-84 à 79 910 en 1987-88, qui sont d’ailleurs amenés à connaître un développement plus
important (Le Mouvement Éducatif 1986-88).
La troisième préoccupation qui se rapporte au financement de l’éducation ne s’est pas traduite par une
réduction du budget de l’enseignement puisque de 1983 à 1988, celui-ci oscille entre 22 et 23 % du budget
total de l’État. Mais il y a cependant une volonté d’alléger les charges des pouvoirs publics, illustrée par des
initiatives visant le développement de l’enseignement privé. « La Réforme, précise t-on, ne remet pas en
cause la gratuité de l’enseignement public et secondaire. Elle propose par contre, de prendre un certain
nombre de mesures législatives et financières de nature à assurer le développement de l’enseignement
privé. » (Le Mouvement Éducatif 1984-86, p. 7). On pourrait mentionner également la transformation de la
Division de l’enseignement privé en Direction, ainsi que l’importante proportion des effectifs des stagiaires
pris en charge par le secteur privé de la formation professionnelle. Ces derniers représentaient en 1988 le
tiers du nombre total des élèves dans les trois niveaux de formation, spécialisation, qualification et tech-
nicien. Ils comptent respectivement : 8 221, 17 535 et 14.264, soit 40 020 sur un total de 123 326. (Le Mou-
vement Éducatif 1986-88).
Restons dans le domaine du financement pour signaler qu’il a été prévu d’exercer un contrôle plus rigou-
reux des coûts et de la qualité des constructions scolaires. Un important programme de remise en état et
d’entretien des constructions et des équipements devait entrer dans sa phase d’application dès 1989. Paral-
lèlement à cette réglementation et dans le cadre de la nouvelle affectation des ressources, le secteur rural
devait bénéficier de mesures d’accompagnement spécifiques, construction de cantines pour les élèves et de
logements pour les instituteurs, ainsi que d’une dotation de ressources supplémentaires pour la gestion de
ces nouvelles acquisitions. Aux yeux des responsables, ces initiatives sont à même de neutraliser les diffi-
cultés rencontrées par la généralisation de l’enseignement en milieu rural dont l’origine réside, dans la disper-

295
sion de l’habitat et l’insuffisance de l’infrastructure de base. À la fin des années quatre vingt les 3/4 des
cantines scolaires en service sont implantées dans la campagne.
Notre exposé sur les grandes lignes de la réforme n’épuise pas toutes les dispositions de celle-ci. D’autres
mesures, tels la révision des manuels, le lancement des études des différents aspects du système éducatif,
financées par des organismes internationaux, l’amélioration de la promotion interne pour le personnel ensei-
gnant et administratif de l’éducation nationale auraient mérité qu’on s’y attarde. Mais malgré les points forts
de la nouvelle stratégie de l’État, des questions se posent, notamment celle qui concerne le devenir de la for-
mation professionnelle et ses relations avec le système éducatif de base. Faudrait-il envisager son déve-
loppement dans le secteur public (Ministère et Offices) et encourager la tendance à s’intégrer dans des
structures éducatives académiques ou serait-il préférable de lui accorder son autonomie en incitant le sec-
teur privé à la prendre en charge sous la forme de la formation sur le tas ou d’une formation plus formalisée
dans les entreprises ?

2. Un système victime de son excroissance

Au risque d’être taxé de sévère, notre diagnostic de la formation professionnelle pourrait être résumé par
les deux traits suivants : une fuite en avant du système qui tente vainement de remédier aux carences de
l’enseignement initial par la formidable excroissance à laquelle on assiste à partir des années quatre-vingt et
une difficulté à se constituer comme entité autonome apte à réaliser les objectifs spécifiques qu’elle s’est
donnés.
En matière de planification de la formation professionnelle les pouvoirs publics sont soumis à une double
contrainte. La première tient au respect de l’application du principal objectif visé par celle-ci qui consiste non
pas à former dans l’absolu, mais à faire en sorte que quantitativement et qualitativement cette formation
tienne compte des besoins de l’économie en main d’œuvre qualifiée. La deuxième contrainte se manifeste à
travers la pression exercée par l’accroissement des effectifs scolarisés sur la capacité de réinsertion sociale
du système de formation professionnelle. Les effectifs à admettre en premières années dans le système de
formation sont en fonction des sorties de l’enseignement général et correspondent aux différents niveaux de
formation. La sixième année du primaire correspond à la spécialisation, la 3e année collégiale à la qualification
et la dernière année du secondaire au technicien. En 1984-85, le taux de couverture qui exprime le rapport
des effectifs de la carte sur les effectifs de scolarisés était de 56 %. (Audit du système de la formation pro-
fessionnelle ; Méthodologie et application, premières recommandations ; novembre 1986).
En fait, avec la réforme de 1984, la planification s’est surtout souciée de répondre à une pression d’ordre
social en cherchant à réduire les effectifs de la déscolarisation et à neutraliser l’attraction vers l’enseigne-
ment supérieur. Ceci est visible d’abord à travers le développement inégal des effectifs des niveaux de for-
mation, qu’au regard de l’âge des stagiaires admis. Le premier phénomène est illustré par la situation
actuelle et les prévisions futures en matière du nombre de stagiaires affectés à chaque niveau de formation.
On s’explique mal en effet pourquoi les niveaux de technicien et de qualification sont favorisés sur le plan
des effectifs. En 1986-87 les effectifs étaient respectivement de 26 378 stagiaires, 29090 et 27 836 pour les
niveaux de spécialisation, qualification et technicien. Pour les années 1992-93, il est prévu d’accueillir 20 104
pour la spécialisation et respectivement 30 724 et 25 080 pour qualification et technicien. (Le Mouvement
éducatif 1987-88).
Le deuxième phénomène est encore plus révélateur de la perméabilité des responsables à la pression
sociale puisqu’il se traduit par un net décalage entre l’âge normal prévu pour les différents niveaux de scola-
rité et l’âge moyen observé. Selon l’enquête d’évaluation de la formation professionnelle effectuée par la

296
DEP, les élèves ayant 21 ans et plus représentent 90 % en qualification et 98 % en technicien, alors que
l’âge normal devrait correspondre à 16 ans pour le premier et 19 ans pour le second, (Audit du système de
formation, p. 7). Cette tendance à transférer des préoccupations sociales de l’enseignement général à la for-
mation professionnelle cause de nombreux préjudices.
Il y a d’abord le poids financier consécutif à l’extension trop rapide qui nécessite l’ouverture de nouveaux
centres, le recrutement de milliers de formateurs et le recours à la vacation pour affronter les nouvelles
vagues d’inscription. La réforme de juin 1984 contraint le la Formation Professionnelle à passer, en l’espace
de quelques mois de 30 000 à 140 000 jeunes. De 1984 à 1985 le MARA a quintuplé ses effectifs, le Minis-
tère des Pêches et de la Marine Marchande du Plan et des Travaux Publics, ont doublé les leurs et
l’O.F.P.P.T. a augmenté le nombre de ses stagiaires de 80 %. (Le Mouvement Éducatif 1986-88 p. 97). On
peut signaler en second lieu les effets négatifs du nombre sur la pédagogie, qui expliquent en partie les
déperditions importantes constatées entre la première et la dernière année qui dépassent 40 % (Audit du
système de formation). Il y a enfin le problème du devenir des stagiaires à la sortie des établissements que
les employeurs potentiels boudent faute d’avoir été suffisamment impliqués dans la définition des cursus
des différentes filières existantes. L’extension du système présente également une caractéristique qu’on se
doit de signaler. Il s’agit des déséquilibres structurels qui se manifestent à ses différents niveaux. Le premier
a trait à la distribution des effectifs dont la répartition se fait au détriment du secteur primaire, comme on
peut le constater à travers le tableau suivant.

Tableau 8 : Répartition des effectifs de la formation professionnelle par secteur d’activité

Secteur d’activité Effectif % Population active %


Primaire 7,5 40,5
Secondaire 59 23
Tertiaire 33,5 36,5
Total 100 % 100 %

Direction de la Planification de la Formation Professionnelle ; Étude de coordination et de financement de la


formation professionnelle. (Rapport diagnostic 1986)
Cette première forme de déséquilibre révèle l’urgence d’une coordination permettant d’orienter les
champs d’activités des différents intervenants en fonction des priorités nationales. Une deuxième forme de
déséquilibre se manifeste au niveau de la répartition des effectifs sur le plan inter-régional. Certes, cette
répartition semble relativement cohérente eu égard à la structure démographique et aux effectifs déscolari-
sés. C’est ainsi que la comparaison entre la répartition de la population et les effectifs de la formation profes-
sionnelle donne respectivement 12 % et 9 % pour le sud, 27,5 % et 31,5 % pour le centre 7,5 et 8,5 pour
l’Oriental. Mais si l’on prend en compte le total des effectifs, publics et privés, on constate une nette concen-
tration dans le centre et une sous représentation ailleurs, notamment dans le Sud et le Tensift. La répartition
par région des effectifs en formation professionnelle pris en charge par le secteur privé donne 2 % pour le
sud, 52 % pour le centre et 7 % pour l’oriental. Idem, p. 20.
Il y a enfin un dernier type de déséquilibre qui résulte cette fois-ci de la faiblesse d’harmonisation des for-
mations dispensées par les différents opérateurs. En plus de l’Office de la formation professionnelle et de la
promotion professionnelle (OFPPT) créé le 21 mai 1974 dans le but de satisfaire les besoins du secteur privé,
la formation professionnelle est assurée par trois groupes d’opérateurs, l’Administration constituée des
Ministères (agriculture, Artisanat, Travaux Publics, Pêches Maritimes, jeunesse et Sport, Tourisme et Énergie
et Mines), les établissements publics : ONE, ONEP, ONCF, ONPT, OCP et HCAR et enfin le secteur privé (Le

297
Mouvement Éducatif 1986-88). C’est ainsi que l’OFPPT qui est présent pour 52,5 % dans les secteurs de
l’administration et pour 88 % dans le secteur de l’industrie, ne dispose pas d’une prééminence particulière
dans les filières relevant de ces secteurs. À titre d’exemple, la filière dactylographie est prise en charge par
l’OFPPT et par sept autres intervenants (M.A.A.S., M.J.S., Tourisme, H.C.A.R., M.C.I., M.A.A.). (Étude de
coordination). Le fait que l’élaboration des programmes soit soumise à une connaissance préalable des
postes n’empêche pas leur traduction en contenu de varier d’un intervenant à l’autre, de sorte que pour une
même spécialité on se retrouve avec des programmes différents d’un département à l’autre. D’une manière
générale chaque intervenant décide de la part qu’il doit donner à la formation générale, technique ou pra-
tique ; ceci peut avoir sans doute des effets de stimulation pour améliorer la qualité des formations, mais ne
justifie pas la faiblesse de concertation pour harmoniser les méthodes pédagogiques et mettre en commun
les expériences en matière d’innovation.
L’extension du système de la formation professionnelle est plus tributaire du sort du système d’enseigne-
ment initial qu’on ne veut bien l’admettre. Tant que ce dernier connaît les problèmes qu’on a déjà évoqués, la
formation professionnelle sera condamnée à récupérer le trop plein régulièrement mis hors circuit de l’ensei-
gnement classique. Il est évident que ce rôle ne se justifie que dans la mesure où persiste la carence d’une
réforme en profondeur du système d’enseignement classique, car comme l’écrit fort justement un spécia-
liste de cette question « si l’enseignement général était attentif aux savoirs pratiques, aux applications, s’il
était moins abstrait, moins formaliste, moins méprisant de ce qui peut servir, s’il n’engendrait un tel nombre
d’échecs, un enseignement technique distinct serait inutile. Ce sont les carences de l’enseignement général
qui fondent l’utilité de l’enseignement technique » 1

3. Formation professionnelle et emploi

La première question à laquelle se trouve tout naturellement confrontée cette politique extensive
concerne l’insertion des jeunes dans la vie active. On peut se demander en effet si l’emploi augmentera
aussi vite que la formation. Autrement dit, lorsque le planificateur prévoit pour les années 1992-93
d’admettre 65 % des sortants non-bacheliers pour le niveau technicien et 38 % des sortants de la 3e À collé-
giale, pour le niveau qualification 2 prend-il en considération la situation de l’emploi qui prévaudra trois années
plus tard ou est-il exclusivement guidé par le souci de couvrir le plus grand nombre de scolarisés ? Il serait
faux de prétendre que les responsables ne sont pas conscients de la nécessité d’instaurer un équilibre dans
ce domaine. L’État a, en effet, entrepris des efforts importants pour se doter d’une capacité organisa-
tionnelle et technique afin d’harmoniser les besoins en formation de l’appareil productif avec ceux de la popu-
lation concernée et de stimuler la concertation entre les différents partenaires, Éducation Nationale, milieux
professionnels et autres intervenants. Rappelons que la Nouvelle Réforme avait renforcé les structures admi-
nistratives en créant au sein du Ministère des travaux Publics et de la Formation Professionnelle et de la For-
mation des Cadres, l’Administration de la Formation Professionnelle et de Formation des Cadres qui
comprend deux Directions Spécialisées, la Direction de la Planification ayant pour rôle de planifier en fonction
des besoins de l’économie et la Direction de la Formation Professionnelle qui doit veiller à la qualité de la for-
mation dispensée. Il existe, par ailleurs, aux niveaux régional et provincial des services extérieurs chargés
d’assurer la coordination des activités de formation des différents opérateurs. La Nouvelle Réforme a égale-

1. Prost 1986 Faut-il développer l’enseignement professionnel? Le monde de l’Éducation, janvier 1986.
2. Le Mouvement Éducatif 1986-88.

298
ment prévu les commissions provinciales et les conseils de perfectionnement. La première instance propose
les orientations à l’échelle nationale, la deuxième propose les filières de formation en adéquation avec les
besoins régionaux, la troisième s’intéresse plus particulièrement au déroulement du cursus de formation.
On doit signaler également le souci constant de la Direction de la Formation Professionnelle d’améliorer sa
connaissance du système économique et social pour apporter les correctifs nécessaires à un meilleur fonc-
tionnement de son système de formation. On peut mentionner à ce propos les travaux organisés par la
Direction de la Planification et de la Formation Professionnelle les 8, 9 et 10 janvier 1986 qui ont porté sur les
moyens à adopter pour aboutir à une « connaissance approfondie et permanente des structures de l’emploi,
du marché du travail et des mécanismes de transition de la formation professionnelle vers la vie active ». Ces
travaux se sont basés sur une étude réalisée par J. Salmi pour la même Direction, et ont donné lieu à la
constitution de trois sous-commissions La première s’est intéressée au système d’information sur la forma-
tion professionnelle, la deuxième au marché du travail et à la promotion de l’emploi et la troisième à la qualité
de la formation.
Mais si l’incitation à œuvrer pour une adéquation entre formation et emploi est souvent mise en avant, il
n’en demeure pas moins que l’ajustement entre ces deux niveaux pose problème. Ne serait-ce que parce
que chacune de ces deux réalités est multiple. La réalité économique est dominée par un secteur informel,
lui-même fort diversifié et occupant 70 % de l’espace économique, les 30 % restants correspondent au sec-
teur moderne qui concerne essentiellement l’hôtellerie, l’agro-alimentaire, et les services, et qui se localise
massivement à Casablanca et dans quelques villes du Nord-Ouest. La formation professionnelle, quant à elle,
s’est très bien accommodée jusqu’en 1984 d’un développement multiforme puisque chaque département
ministériel formait selon ses besoins. L’entrée en scène de l’O.F.P.P.T. en 1974, tout en permettant le déve-
loppement des programmes de formation en direction du secteur moderne, n’a fait qu’ajouter un intervenant
de plus.
Tout compte fait, on peut considérer que, malgré des efforts louables, l’administration de la formation pro-
fessionnelle n’a pas pu faire mieux que de reproduire les structures pédagogiques qui avaient été conçues
dans le contexte précédent. Des tentatives sont toujours en cours pour concilier de manière plus rigoureuse
l’extension du système et son ouverture vers d’autres secteurs avec la qualité de la formation, d’une part, et
de la demande potentielle d’une main d’œuvre qualifiée, d’autre part. La méthodologie mise au point par
l’Administration de la formation professionnelle et expérimentée dans la région pilote du Centre Sud pourrait
être considérée comme un pas important. Ses rédacteurs se donnent pour objectif de définir « les besoins
de façon plus rigoureuse et plus systématique que par le passé... et de mettre à la disposition des Commis-
sions Provinciales de la formation professionnelle des éléments d’appréciation plus fiables et plus complets
pour l’élaboration de la carte professionnelle. Cette méthodologie repose sur une confrontation des éléments
recueillis aux cours de quatre phases : cadre général de référence, analyse de l’emploi actuel et à moyen
terme, analyse de la pertinence de la formation et recommandations. Ces quatre moments sont, en fait,
sous-tendus par une double démarche, l’une réservée à l’exploitation statistique, fondée sur la phase préa-
lable qui alimente en information générale chaque étape afin de produire les informations qui sont néces-
saires. Ainsi la phase 1 qui correspond à une analyse statistique de chaque province (démographie, économie
et emploi, enseignement et formation professionnelle), fournit à la phase 2 un cadre de référence, à la
phase 3 des éléments approximatifs de la comparaison entre la formation et l’emploi, à la phase 4 des élé-
ments de recommandations à présenter. La phase 2 fournit avec les données précises sur les emplois types,
leurs perspectives de recrutement et leurs besoins en qualification ainsi que le matériau de comparaison de
la phase 3. La phase 3 met en évidence l’état des équilibres entre l’emploi et la formation qui fonde les
recommandations de la phase 4 1.

1. Direction de la Planification de la Formation Professionnelle 1987; Étude de la planification régionale, rapport méthodologique.

299
En attendant, les informations dont on dispose révèlent l’existence d’un chômage important des jeunes
sortants de la formation professionnelle. En 1984, 30 à 50 % des lauréats n’ont pas réussi à trouver un
emploi 1 ; et la moitié des entreprises enquêtées récemment ont déclaré n’avoir pas recruté de diplômés de la
formation professionnelle des trois dernières années 2. Ce taux de chômage qui touche l’ensemble des
niveaux de qualification serait encore plus élevé si les centres de formation ne recrutaient pas pour leurs
besoins. C’est ainsi que les taux d’insertion, relevés dans trois établissements, fournis par Salmi, auteur de
l’étude déjà citée sont assez inquiétants : 39 % ISTA de Salé 63 % à celui d’Agadir 3.
Peu de filières sont épargnées par la dégradation du marché de l’emploi qui touche aussi bien les spéciali-
tés à caractère général, dessin industriel et secrétariat que celles pour lesquelles il y avait jusqu’à présent
pénurie de personnel qualifié, tels la soudure, le froid, l’automatisme ou l’électronique. D’après les projec-
tions effectuées par cette étude pour la période 1986-90, il est probable qu’en 1990 au moins 50 % des tech-
niciens, 25 % des ouvriers qualifiés et 53 % des agents spécialisés seraient dans l’impossibilité d’accéder à
un emploi correspondant à leur niveau de qualification. Cette tendance qui a malheureusement des chances
de persister puise sa source dans les nombreux facteurs : augmentation des effectifs à un moment où le
pays enregistre une baisse de l’activité économique ; ce qui n’incite guère les employeurs à recruter du per-
sonnel qualifié ; mauvaise implantation des centres de formation professionnelle sur le plan régional, absence
d’un marché institutionnalisé, voire même une certaine désaffection des utilisateurs potentiels vis-à-vis de la
qualité de la formation assurée par les centres. Selon l’enquête déjà citée (observation et évaluation de la for-
mation...), 43 % des entreprises enquêtées confirment qu’il y a une correspondance entre les spécialités
enseignées dans les établissements de leur région et leur besoin, mais 36 % reconnaissent qu’ils ignorent
totalement les spécialités dispensées.
À l’heure actuelle, trois types de mesures ont été proposés à la suite de ce constat pour lutter contre la
dégradation du marché du travail, les aides à l’installation individuelle ou collective, les aides à l’embauche
directe sur contrat ordinaire, facilitant l’accès à l’emploi des lauréats dans le secteur moderne ou dans les
établissements publics et enfin les aides liées à des contrats de travail aménagé, prévoyant une période
d’insertion adaptation. Ces mesures suffisent-elles ? et si c’est le cas, a-t-on la capacité de les généraliser ? Il
faut bien admettre que quelle que soit la volonté des pouvoirs publics, seule une réelle collaboration entre les
structures de formation et les chefs d’entreprises contribuerait à éliminer les obstacles qui se dressent aussi
bien contre l’insertion que contre la qualité de la formation.
Pour ce qui est de l’insertion, l’application de ces mesures n’aurait de sens que si, simultanément les
chefs d’entreprises changeaient leur comportement. Tout d’abord, en mettant fin à un recrutement basé sur
la cooptation et les relations familiales et personnelles et en participant à la valorisation des canaux institu-
tionnels, tels les bureaux de placement. Les recrutements qui transitent par les bureaux de placement sont
négligeables. En 1982 ils n’ont enregistré que 20.000 demandes d’emploi pour une population de
642.000 chômeurs et seulement 9.790 recrutements ont été réalisés par leur intermédiaire 4. Ensuite en
encourageant la mise en place d’une meilleure structuration des métiers. Sur ce point la situation est pour le
moins archaïque puisqu’elle autorise toute personne, même sans qualification officiellement reconnue à
ouvrir un commerce ou un atelier ; ce qui contribue tout naturellement à défavoriser les lauréats, dont la
compétence acquise durant leur formation est en quelque sorte niée.
En ce qui concerne la qualité de la formation, les entreprises ont également un rôle à jouer, sinon par leur
participation à la définition des contenus de la composante théorique de la formation, du moins par un enca-

1. Direction de la Planification de la Formation Professionnelle. (1986); Adéquation entre formation professionnelle et emploi.
2. Direction de la Formation Professionnelle 1988; Observation et évaluation de la formation professionnelle, rapport de synthèse.
3. Adéquation entre formation professionnelle et emploi; op. cité.
4. Idem.

300
drement effectif des stagiaires dans leurs entreprises. Sur ce second aspect, celui du rapport entre théorie et
pratique dans la formation dispensée, tout reste à faire, comme on aura l’occasion de le constater dans les
lignes qui suivent.

4. Place de l’apprentissage dans le système de la formation


professionnelle actuelle

Considéré comme un volet essentiel de la formation professionnelle, l’apprentissage subit la même straté-
gie extensive que le reste. On projetait pour l’année 1995-96 d’en faire bénéficier 50 % des effectifs (Le
Mouvement Éducatif 1988). Mais quel apprentissage privilégier ? Car il existe au moins trois types reposant
chacun sur une philosophie et une démarche différentes. La première forme, la plus ancienne, date d’avant
le Protectorat. L’apprentissage était, alors, organisé au niveau de chaque métier et régi par les institutions
corporatives sous l’autorité générale du « muhtassib » et de « l’amine », ainsi que du contrôle technique du
« mâalem » qui veillait à la formation proprement dite. Cette formule aurait pu connaître un développement
comparable à celui qui existe dans certains pays européens si les institutions corporatives traditionnelles
n’avaient pas rencontré les obstacles dressés par la colonisation. Et c’est dans ce contexte de reflux de l’acti-
vité des institutions traditionnelles que le Patronat français prendra le relais en mettant en place un système
d’apprentissage inspiré par les mêmes principes et en développant une formation sur le tas que le Dahir de
1940 tentera de réglementer.
À travers ce dahir, le législateur a cherché à organiser l’apprentissage sur des bases cohérentes. On y
trouve définis les conditions matérielles de la formation, la rémunération de l’apprenti pendant et après
l’apprentissage, le programme de la formation pratique et théorique, les conditions de validation de celles-ci,
la durée pendant laquelle l’apprenti s’engage à travailler pour son employeur après la fin de son apprentis-
sage, ainsi que les indemnités à verser en cas de non-respect du contrat. Ce texte qui accordait pratiquement
les mêmes droits à l’apprenti qu’à l’ouvrier, puisque celui-ci était inscrit dans un registre contrôlé par l’inspec-
tion du travail et bénéficiait de la protection sociale, n’avait pas prévu de formation théorique complémentaire
au travail à l’entreprise. Cette lacune sera comblée par l’arrêté résidentiel du 27 juillet 1953 qui crée les
centres d’instruction professionnelle, contraint les apprentis à suivre, soit les cours professionnels du soir,
soit les cours de perfectionnement et fixe à quatorze ans l’âge minimum des apprentis et à trois ans la durée
d’apprentissage.
Bien que limité aux ouvriers spécialisés de l’industrie, le cadre juridique prévu par ce texte représente un
progrès par rapport à la formation sur le tas, ne serait-ce que parce qu’il introduit la notion de programme et
de formation complémentaire, inconnue auparavant. Et le fait qu’il ait rencontré des difficultés au niveau de
son application ne diminue en rien de sa valeur. Mais à l’examen des contrats d’apprentissage, il s’avère qu’il
y avait une absence de contrôle pédagogique et de programme et que la formation complémentaire n’était
pas dispensée. Cette formule sera réactualisée en 1981 par la circulaire du 14 avril 1981 qui reprend un cer-
tain nombre de dispositions du dahir de 1940, l’engagement des deux parties : entreprise et apprenti par un
contrat, la garantie de celui-ci par un organisme étatique, dans le cas d’espèce il s’agira de L’O.F.P.P.T et la
réduction du champ d’action au secteur moderne, au sein duquel les entreprises de plus de 100 travailleurs
permanents étaient contraintes d’assurer la formation d’un nombre d’apprentis équivalent à 10 % des travail-
leurs visés par l’apprentissage. Il s’agit de la mécanique générale, des métaux en feuille, de l’électricité, du
bâtiment, du textile, de l’agro-alimentaire et de l’imprimerie.
La circulaire de 1981 a servi de base à l’expérience qui a été menée par l’O.F.P.P.T. de 1981 à 1985 à Casa-

301
blanca. Celle-ci a concerné un millier de jeunes apprentis, pour la plupart fils de salariés des entreprises
concernées par le contrat d’apprentissage. Ces jeunes étaient placés sous le contrôle d’un cadre de l’entre-
prise et encadrés soit par un ouvrier, soit par un agent de maîtrise et tenus de suivre les quatre heures de
cours par semaine prévues. Cette expérience, bien qu’insuffisamment préparée, a été bien accueillie par les
entreprises qui lui ont porté un jugement favorable ; mais le niveau hétérogène et les écarts d’âge entre les
stagiaires expliquent sans doute la faiblesse de motivation des stagiaires. Elle a eu surtout le mérite d’accor-
der un intérêt particulier à la formation. Ceci est illustré par la création de cours professionnels de quatre
heures par semaine ; les spécialités visées par cet enseignement sont le calcul professionnel, la technologie,
le dessin industriel ainsi que la sécurité et l’hygiène, par l’insistance sur la compétence des formateurs en
entreprise, sur la qualité des locaux et des équipements qui doivent obéir aux normes et prévisions d’une
coordination entre l’entreprise et l’O.F.P.P.T. et enfin par l’institution d’un document de liaison, le livret
d’apprentissage.
Le deuxième type d’apprentissage diffère moins du premier par la philosophie que par la forme que lui
impose le domaine d’activité concerné, le secteur informel ou traditionnel. Bien qu’inorganisé l’apprentissage
persiste fortement dans l’artisanat, le petit commerce, le bâtiment et une partie de la mécanique-auto et se
caractérise par son aspect informel et hétérogène. Cet apprentissage n’obéit ni à un programme, ni à un
contrôle pédagogique, ni à une réglementation de sa durée, bien qu’on y rencontre des contrats se réclamant
du dahir de 1940. Il ne bénéficie, en outre, d’aucune formation complémentaire, ni de validation à son terme.
Durant cette formation, l’apprenti doit se contenter de faire appel à ses dons d’observation, non pas pour
comprendre, mais pour acquérir certains gestes et savoir-faire. Le recrutement n’obéit pas aux règles acadé-
miques, la sélection se fait sur des bases subjectives, et bien que considéré comme un ouvrier, la situation
matérielle de l’apprenti est souvent précaire et varie d’une entreprise à l’autre.
Il existe cependant, une version améliorée de cette deuxième forme d’apprentissage, organisée par la
Direction de l’artisanat en collaboration avec les meilleurs artisans pour initier les jeunes aux méthodes de
fabrication traditionnelle et assurer la survie de certains métiers en voie de disparition. Cette coopération se
fait avec des artisans soigneusement choisis, soit pour mettre à leur disposition un local où ils accueillent des
jeunes qui leur sont confiés, soit pour établir une convention avec ceux qui ont leur propre entreprise. La for-
mation dure trois ans et concerne plusieurs spécialités, tissage de tapis, maroquinerie, couture, dinanderie,
peinture sur bois, poterie etc. Mais outre son succès relatif, en raison du défaut de participation des meilleurs
artisans, auxquels des taux de rémunération dérisoires sont proposés, cette formation dont le principe
repose sur un apprentissage sur le tas contrôlé occupe une place à part qui la distingue des autres types.
Ce dernier type d’apprentissage est à distinguer des deux autres par une caractéristique importante, son
rattachement à une direction de formation, contrairement aux précédents où la responsabilité de celui-ci
incombait à l’entreprise. Ceci lui confère davantage de transparence, à laquelle contribue, il est vrai, le cadre
scolaire dans lequel il se déroule. Pas de grandes difficultés donc, à ce niveau d’avoir des éléments précis
concernant ses effectifs, son programme et son déroulement concret. Une deuxième caractéristique décou-
lant-elle aussi de la forme scolaire qui le régit est illustrée par la coexistence de cet apprentissage avec une
formation théorique, qui prend une allure plus ou moins harmonieuse d’un département à l’autre. On ren-
contre en effet au sein de cette dernière formule deux versions qui témoignent du degré différent de déve-
loppement auquel il est arrivé, à travers les quatre secteurs économiques les plus concernés, l’agriculture,
l’artisanat, l’hôtellerie et les pêches maritimes.
C’est dans les secteurs de l’artisanat, des pêches et de l’hôtellerie qu’on retrouve la forme la moins déve-
loppée qui réduit l’apprentissage à sa plus simple expression. Ce sont, soit des travaux pratiques, organisés
sur les lieux de production par les centres de formation de l’artisanat, soit des stages organisés par les minis-
tères de la pêche et du tourisme. Dans le secteur de l’artisanat, les travaux pratiques prévus occupent 50 %
du temps de la formation en 1ère année et 66 % en 2e année. Dans les pêches, le jeune doit totaliser

302
24 mois de navigation, et dans le tourisme, le stage s’effectue durant les vacances scolaires dans les hôtels
pour se familiariser avec leur fonctionnement. Dans les deux cas, l’absence d’organisation et de programme,
auxquels s’ajoutent la faiblesse, voire même l’absence de formation pédagogique des encadrants, posent de
sérieux problèmes et l’on peut se demander si les activités prévues remplissent réellement les objectifs
attendus. Il ne suffit pas en effet que l’ouvrier ou l’artisan maîtrisent leur profession, encore faut-il qu’ils pos-
sèdent une culture générale minimum, ainsi que les techniques pédagogiques leur permettant de trans-
mettre leur pratique. La même remarque pourrait être faite pour les lieux de déroulement de cet
apprentissage. Les ateliers et les chantiers sont rarement sélectionnés, les locaux sont inadaptés, l’équipe-
ment en machines déficient, et l’outillage souvent archaïque.
En ce qui concerne les travaux pratiques, l’enquête menée par la Direction de Formation Professionnelle a
révélé que 50 % des stagiaires affirment ne pas disposer du matériel nécessaire, souvent en panne (24 %)
en quantité insuffisante (41 %) faiblesse de la main d’œuvre (20 %) etc. Par ailleurs la comparaison de la
situation par province, montre que la quantité et la qualité du matériel, décroît avec l’éloignement du centre.
Pour ce qui est des stages, ce sont les problèmes d’une autre nature qui dominent, on peut citer l’exemple
du secteur des pêches, où des conflits fréquents entre les patrons de pêches et les stagiaires sont signalés.
Le décalage culturel qui sépare les deux protagonistes en est sans doute la cause. Toujours est-il que les sta-
giaires sont souvent jugés indésirables par les vieux marins.
Plus intéressante est la forme prise par l’apprentissage dans le domaine agricole. Le Ministère de l’Agri-
culture et de la Réforme Agraire organise une formation par alternance basée sur un enseignement général
et un enseignement technique d’une part et la pratique du métier dans une exploitation agricole d’autre part.
Ce séjour sur le terrain est organisé et bénéficie d’un contrôle permettant d’éliminer les exploitations où il n’y
a pas suffisamment de travail, ainsi que d’une évaluation à la fin de chaque séjour. La pratique du métier dans
l’exploitation agricole occupe les 2/3 du temps, soit 1980 heures sur les 2.850 heures prévues dans le niveau
initiation et le tiers du temps est prévu dans le niveau qualification. La fin de chaque semaine est couronnée
par une séance d’évaluation qui permet à l’élève de faire un exposé bilan de son activité dans les exploita-
tions : (observations, interrogations et difficultés rencontrées), suivi d’un échange de points de vue avec les
autres stagiaires.
Il doit certainement exister quelques expériences intéressantes, isolées telles celles qu’on retrouve dans
le secteur de l’hôtellerie à Ouarzazate, où à partir de 1985 il y a un début de collaboration entre trois hôtels et
l’école pour l’encadrement des élèves qui effectuent cinq heures de travaux pratiques durant une semaine.
Chaque groupe de 20 élèves a droit à une semaine sur trois de T.P. Mais comparée à la formation dispensée
dans les autres secteurs, celle du MARA semble reposer sur des bases plus cohérentes, avec un effort mani-
feste pour lier la théorie à la pratique. Elle est d’ailleurs favorablement accueillie par les chefs des exploita-
tions agricoles, mais elle n’échappe pas pour autant aux problèmes maintes fois signalés, qu’elle partage
avec la formation professionnelle assurée par le secteur public et qui se manifestent à travers les difficultés à
établir des critères valables de recrutement des stagiaires, à disposer de formateurs qualifiés et à garantir un
emploi aux diplômés. Cela ne tient-il pas à la forme scolaire qui régit ces modes de qualification ?

5. Les limites d’une formation professionnelle scolarisée

Toutes les études sur la formation professionnelle au Maroc s’accordent sur la nécessité d’améliorer la
qualité de la formation et de lier l’appareil de formation à l’environnement socio-économique, afin de réaliser
la mythique adéquation entre la qualification et l’emploi. Mais nulle part, on ne s’interroge sur le cadre le plus
approprié pour le déroulement de cette formation. Il ne vient pas à l’esprit de douter de l’efficacité de la préé-

303
minence de l’organisme scolaire, considéré tout naturellement comme la seule forme possible susceptible
de réaliser les objectifs de qualification. Et pourtant, combien de difficultés sont, soit générées, soit ampli-
fiées par cette même forme scolaire.
Prenons les critères qui servent de base pour le recrutement des stagiaires, que toutes les études jugent
inappropriés. Si l’on considère les critiques avancées, on constate que celles-ci sont unanimes pour condam-
ner le recrutement par l’échec qui demeure, de fait, la voie privilégiée d’accès aux établissements de forma-
tion professionnelle. Même si l’on s’en tient au niveau d’instruction global, on remarque que celui-ci est
défaillant, 40 % des formateurs estiment que les stagiaires n’ont pas le niveau requis pour assimiler l’ensei-
gnement programmé 1. Il est évident que l’intérêt accordé par ce système de sélection à l’instruction global
ne soulèverait pas d’objection s’il ne se faisait pas au détriment de celui des aptitudes et des motivations à
apprendre un métier, confirmant ainsi le rôle d’appendice de l’école qu’on voudrait faire jouer à la formation
professionnelle.
L’extension de la forme scolaire engendre également des besoins en moyens humains et matériels, que le
système est impuissant à satisfaire. Tel est le cas du recrutement des formateurs dont le nombre et notam-
ment le degré de formation sont en deçà de ce qui est attendu. On mentionne souvent la faiblesse du niveau
technique et pédagogique des formateurs exerçant actuellement dans les centres de formation profes-
sionnelle. Près de la moitié des formateurs n’avaient aucune expérience d’enseignement avant d’être recru-
tés. Les diplômes les plus fréquemment détenus sont le niveau de technicien (57 %) et seulement 16 % ont
un niveau d’ingénieur. Quant à la formation pédagogique, elle est quasiment inexistante chez la plupart des
formateurs en exercice.
C’est également le cas des équipements et de la capacité d’accueil qui contraignent les responsables à
recourir au système de roulement. Les conditions de travail sont dénoncées par l’étude sur l’adéquation
entre formation et emploi qui recommande, entre autres « d’abandonner dans les meilleurs délais le système
du roulement qui compromet la qualité de l’encadrement pédagogique et administratif et provoque une
usure rapide des équipements » Ce phénomène n’est, du reste, pas spécifique au Maroc. On le retrouve ail-
leurs, notamment en France où l’incapacité de l’école à instruire la totalité des jeunes de moins de 16 ans a
contraint celle-ci à un rapprochement avec la production. Mais, à la différence de l’Allemagne où plus de la
moitié des jeunes suivent une formation partagée entre l’entreprise et l’école, l’enseignement professionnel
en France est dispensé dans l’enceinte même des lycées. On imagine aisément les difficultés que pourrait
rencontrer un système ainsi institué pour assurer aux jeunes les qualifications et les aptitudes réclamées par
les entreprises, difficultés générées justement par le décalage entre les règles de fonctionnement et les
moyens qui lui sont propres d’une part, et les conditions spécifiques qui régissent l’activité de production
d’autre part. D’une manière générale, l’école fonctionne comme une administration régie par des textes qui
règlent dans le détail aussi bien la nature des activités que les rôles. Dans le même élan, sont en effet définis
les sections, la répartition des horaires selon les disciplines, les critères d’évaluation, ainsi que les comporte-
ments des chefs d’établissement, des professeurs et des élèves. Les premiers sont tenus d’appliquer les cir-
culaires, les seconds de respecter les instructions et les derniers de suivre les cours. À l’opposé, du fait
qu’elle doit obéir au mécanisme du marché et affronter la compétition avec les autres unités de production,
l’entreprise est contrainte de s’adapter constamment pour améliorer la qualité de ses services et ses pro-
duits et à les réaliser à moindre coût.

1. DPFP 1986; Étude de coordination et de financement de la formation professionnelle; Rapport diagnostic.

304
Conclusion : Quel avenir pour la formation professionnelle ?

Notre bilan critique devrait déboucher sur des propositions permettant à la formation professionnelle
d’assurer l’objectif qui lui a été assigné. La question est donc de savoir comment éviter que la pression
sociale illustrée par la déscolarisation ne contraigne la formation professionnelle à une fuite en avant, et à
rechercher les conditions susceptibles de favoriser une meilleure harmonisation entre sa fonction sociale qui
consiste à assurer une qualification aux jeunes, avec sa fonction économique visant à fournir un personnel
qualifié qui correspond aux besoins de l’entreprise. À l’heure actuelle, nous disposons de deux types de
réponses à cette question, l’une pragmatique et libérale, l’autre globale et volontariste.
La première se trouve clairement explicitée à travers l’étude sur l’apprentissage, considéré à juste titre
comme un moyen privilégié permettant à la formation professionnelle de se développer sur des bases
solides. Cette étude 1 déplore l’ambiguïté de l’attitude des pouvoirs publics qui entretiennent un flou en
matière de juridiction de l’apprentissage à un moment où le maximum de clairvoyance est nécessaire dans
ce domaine. Il y a une contradiction entre les diverses circulaires et notamment le document du plan de
réforme, qui va dans le sens du libéralisme souhaité par les entreprises, et le projet du code de travail. Ce
dernier texte reprend la philosophie du dahir de 1940 en considérant l’apprenti comme un travailleur devant
bénéficier d’un salaire et de droits sociaux. Il contraint en outre l’entreprise à former des apprentis dans une
proportion jugée excessive. À la différence du projet de la circulaire adoptée par la sous commission appren-
tissage de (1985) qui laisse une grande liberté aux entreprises, sur la durée de l’apprentissage, tout en insis-
tant sur le complément de la formation théorique qui devrait être dispensé par les centres professionnels, le
projet du code du travail impose à l’entreprise une série d’obligations : octroi d’un salaire, assurance contre
les accidents de travail, immatriculation à la CNSS, réglementation de l’âge de l’apprenti qui devra avoir au
moins 13 ans et, enfin, contraint les entreprises employant plus de 10 travailleurs permanents exerçant dans
les spécialités déterminées par l’Administration, à former des apprentis à raison de 10 % pour chacune des
spécialités existantes. C’est donc l’absence d’un cadre juridique suffisamment souple régissant l’apprentis-
sage qui bloque les perspectives d’un développement harmonieux de la formation en l’empêchant de jeter
les bases d’une collaboration nécessaire avec le secteur de production, par l’établissement de conventions
entre les écoles et les entreprises, d’une part, et entre les ministères et le secteur privé d’autre part.
La deuxième réponse repose sur une démarche qui se veut globale, cherchant à « s’inspirer d’une straté-
gie de rénovation de la modernisation des structures de la formation professionnelle » et à concevoir celle-ci
« comme une option culturelle visant la valorisation de la technicité et de la productivité dans la société et les
processus de production » 2. Partant du constat que l’application de la réforme n’a pas permis de concrétiser
l’objectif d’adapter la formation aux besoins de l’économie, cette étude considère qu’il y a trois évolutions
possibles de la formation professionnelle, la première extensive, la deuxième élitiste et la troisième consis-
tant en une orientation qui aspire à donner, au plus grand nombre de candidats, les compétences techniques
nécessaires pour entamer une activité professionnelle. La première et la seconde options correspondent à
deux politiques opposées, l’une cherchant à développer au maximum la capacité d’accueil de formation sans
trop se soucier de l’emploi de leurs lauréats, l’autre pratiquant une sélection rigoureuse qui lui permet d’assu-
rer la qualité et l’insertion. L’option extensive, et l’option élitiste devraient être rejetées. La première parce
qu’elle donne de « faux espoirs », et la seconde parce qu’elle ne répond pas à la nécessité de valoriser la for-
mation professionnelle et la diffusion de la technicité dans la société. C’est la dernière option qui correspon-

1. Christian Joussein 1986; Mesures destinées à promouvoir l’emploi des lauréats de la formation professionnelles. Pré-rapport concernant le
diagnostic portant sur l’apprentissage; OFPPT.
2. D.F.P.P.; 1986; Adéquation entre formation professionnelle et emploi.

305
drait aux préoccupations de la réforme de la formation professionnelle en cours, car à la différence de la
deuxième, elle ne se limiterait pas à former pour les débouchés potentiels, mais elle participerait « à mettre
en place une formation de qualité dont pourront bénéficier tous les jeunes qui souhaitent acquérir un
métier ». Cette option devra cependant surmonter plusieurs obstacles. Sa réalisation réclame en effet trois
mesures importantes : la mise en place d’un système d’information adéquat, la promotion de l’emploi quali-
fié et l’amélioration de la qualité de la formation.
La première mesure permettra à l’administration de la formation professionnelle de disposer « d’un tableau
de bord de la situation et de ses perspectives », grâce à la mise en place de deux structures, l’une assurant le
suivi de la formation professionnelle et du marché du travail qualifié, l’autre servant de cadre à la réalisation
des études et des recherches spécifiques. La deuxième grande mesure se base sur un ensemble d’actions
visant la relance de l’activité économique, la promotion de l’emploi qualifié salarié et des activités qualifiées
indépendantes, la réforme du système de placement, le choix des implantations et des filières ainsi que
l’amélioration de la qualité de la formation. Enfin la dernière orientation qui concerne la qualité de la formation
propose une série de recommandations se rapportant au recrutement des élèves, à la formation et au statut
des enseignants, à l’organisation et au contenu de la formation et enfin à l’établissement des liens étroits
entre la formation et la production.
Bien que chacune de ces réponses prenne place dans le cadre d’une problématique définie par les respon-
sables administratifs qui sont à l’origine de ces deux études, le diagnostic qu’elles établissent ainsi que les
recommandations qui en découlent sont d’un grand intérêt, non seulement pour les commanditaires mais
également pour les chercheurs. Cela tient à leur préoccupation commune de prévoir une « thérapie » qui
s’adresse simultanément aux deux systèmes en présence : la formation et la production. Il est vain en effet
de continuer à faire le procès du système scolaire en dénonçant le décalage entre ce qui se dit, se fait et
s’apprend à l’école, et la vie qui l’entoure sans remettre en cause certains mécanismes archaïques qui
régissent le fonctionnement matériel et symbolique du système de production, et sans se demander si
l’entreprise fait assez pour rendre effective l’ouverture qu’on ne cesse de réclamer à l’école. Les deux
études insistent, à juste titre, sur la responsabilité des opérateurs économiques et des pouvoirs publics dans
les changements à apporter dans les domaines de la révision de l’éventail des salaires, de la réforme du sys-
tème de recrutement, de la promotion de la qualification au sein de l’entreprise, et de l’apprentissage. Une
question demeure, celle de savoir comment progresser simultanément sur ces fronts sans tomber ni dans
un dirigisme qui ignore les contraintes du secteur productif, ni dans un laxisme qui identifie libéralisme et
anarchie. En fait, la ligne de partage qui évite ces deux excès réside dans un équilibre entres les mesures ini-
tiatives et les mesures réglementaires. Cette démarche pourrait être appliquée au niveau des deux points
stratégiques de la formation professionnelle, celui des débouchés et celui de la formation professionnelle
proprement dite.
C’est ainsi que dans le cadre d’une politique globale qui inclurait une modernisation des conditions de pro-
duction, les pouvoirs publics pourraient inciter les entreprises à recruter la main d’œuvre qualifiée selon un
quota qui varierait avec leurs caractéristiques économiques et techniques. En contrepartie, celles-ci se ver-
raient accorder l’exonération de certaines charges ou la réduction d’impôts, voire même la préférence à des
entreprises étrangères lorsque leurs produits atteignent un niveau de compétition raisonnable. D’autres
mesures sont proposées pour la promotion de l’emploi qualifié, en suggérant qu’il soit demandé à toute
entreprise, devant recourir aux services d’un technicien étranger, de le binômer avec un homologue maro-
cain de manière à ce que celui-ci soit apte à lui succéder. Ces dispositions et bien d’autres, en particulier, des
actions plus vigoureuses dans le domaine de la valorisation de la formation professionnelle intégrée dans une
politique globale visant une réforme de l’éventail des salaires, pourraient favoriser chez les milieux profes-
sionnels une plus grande responsabilité en matière de promotion de l’emploi, à condition cependant que

306
celle-ci soit adoptée dans le cadre d’une concertation permanente entre les différents partenaires sociaux,
responsables, formateurs, employeurs, élèves et parents.
Le second aspect stratégique, c’est la qualité de la formation. Ici également, les solutions passent par une
prise de conscience sur l’utilité d’une formation de qualité et la nécessité d’une participation active entre
l’école et l’entreprise. Toutefois, des changements sont en cours. D’ores et déjà, le fonctionnement de la for-
mation professionnelle repose sur plusieurs niveaux de concertation qui permettent aux employeurs, respon-
sables et formateurs de se retrouver régulièrement dans le cadre de la Commission Nationale de la
Formation Professionnelle et celui de la Commission Provinciale de la Formation Professionnelle et surtout
des Conseils de Perfectionnement. Il serait souhaitable cependant que les différents partenaires sociaux
prennent davantage de recul par rapport à ce qui se fait actuellement, pour envisager d’autres formules per-
mettant de mieux prendre en charge la formation. Il faut en particulier cesser de considérer la forme scolari-
sée de la formation professionnelle comme une fatalité. Par son coût et sa tendance à se constituer comme
une fin en soi, elle posera des problèmes difficilement maîtrisables dans l’avenir. Il est temps d’encourager
les grandes et moyennes entreprises à devenir les maîtres d’œuvre en matière de formation, en les incitant à
prévoir des espaces de formation autonomisés par rapport à leur secteur de production. Certes, l’instauration
d’un système « dual » tel qu’il existe en Allemagne ne se décrète pas, mais sa méditation est utile pour celui
qui veut attaquer le problème de l’adéquation entre la formation professionnelle et l’emploi à sa racine.

Bibliographie

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sionnelle ; Audit de la formation professionnelle
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cement de la formation professionnelle ; Rapport diagnostic.
DPFP ; 1986 ; Adéquation entre formation professionnelle et emploi.
DPFP ; 1887 ; Étude de la planification régionale ; Rapport méthodologique
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Joussein Christian ; 1986 ; Pré rapport concernant le diagnostic portant sur l’apprentissage ; OFPPT
Mouvement Éducatif ; Rapport présenté à la conférence Internationale de l’Éducation
Années 1978-79 – 1979-80
Années 1980-81 – 1983-84
Années 1986-87 – 1987-1988
Années 1988-89 – 1989-90
Prost Alain 1986 ; L’enseignement s’est-il démocratisé ? Les élèves de l’agglomération d’Orléans de 1945 à
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Salmi Jamil ; 1985 ; Crise et reproduction sociale au Maroc ; Éditions Maghrebines ; Casablanca
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2004. Évolution des effectifs des stagiaires, des lauréats et de la capacité d’accueil des établissements de
formation professionnelle des secteurs publics et privés.
Tanguy Lucie ; 1982 ; L’école et l’entreprise, l’expérience des deux Allemagnes ; La Documentation Française
Tanguy Lucie ; 1986 ; L’introuvable relation formation/ emploi ; Un état des recherches en France ; la Docu-
mentation Française
Zouggari Ahmed ; 2000 ; Le projet de la Charte Nationale d’Éducation et de Formation ; Rapport du Social ;
Bulletin Économique et Social du Maroc

307
Zouggari Ahmed 2002 ; Formation et insertion professionnelle ; Rapport du Social ; Bulletin Économique et
Social du Maroc.

308
L’alphabétisation et l’éducation des adultes

Résumé..................................................................................................................... 311
Introduction ............................................................................................................. 314

I. Clarification de quelques concepts.................................................................. 316


1. Alphabétisation ................................................................................................ 316
2. Éducation des adultes..................................................................................... 317
3. Éducation non formelle ................................................................................... 317
4. Post-alphabétisation ....................................................................................... 318
II. Les orientations royales.................................................................................... 319
III. Les réalisations de 1956 à 2005....................................................................... 321
1. Le trajet historique........................................................................................... 321
2. Le programme de la lutte contre l’analphabétisme et la
formation des adultes .................................................................................... 322
2.1. Évaluation des campagnes d’alphabétisation avant
l’année 1997 ................................................................................................ 323
2.1.1. Sur le plan pédagogique ................................................................. 325
2.1.2. Sur le plan organisationnel ............................................................ 325
2.2. Une nouvelle stratégie ............................................................................. 325
2.2.1. Situation............................................................................................. 326
2.2.2. Programme d’alphabétisation mis en place
depuis 1998-1999 .............................................................................. 327
2.2.3. Modalités de réalisation de la stratégie ...................................... 328
2.2.4. Bilan des réalisations ...................................................................... 328
2.3. Plan d’action 2004-2007 ............................................................................ 332
2.3.1. Financement des programmes ...................................................... 332
2.3.2. Stratégie adoptée ............................................................................ 332
2.3.3. Premier bilan..................................................................................... 334

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3. Le programme de l’éducation non formelle................................................. 334
3.1. Les objectifs de l’éducation non formelle ............................................. 334
3.2. Population cible ......................................................................................... 334
3.3. Réalisation du programme....................................................................... 335
IV. Quelques expériences réussies .................................................................... 337
1. La Tunisie .......................................................................................................... 338
2. L’Égypte.............................................................................................................. 342
3. L’Indonésie ........................................................................................................ 343
V. Pistes de progrès de 2005 à 2025 .................................................................... 344
1. Les facteurs de persistance de l’analphabétisme au Maroc................... 344
2. Les recommandations générales.................................................................. 345

Conclusion ............................................................................................................... 347


Bibliographie ........................................................................................................... 350

LAHCEN MADI

310

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Résumé

Le Maroc conscient depuis son indépendance, de l’impact négatif de l’analphabétisme sur le développement
global du pays, mène plusieurs programmes de lutte contre l’analphabétisme. Mais il s’avère que malgré les
efforts déployés, jusqu’à aujourd’hui dans ce domaine, le niveau de ce phénomène demeure encore très
élevé. Selon les dernières statistiques, l’analphabétisme touche un taux de 48 % de la population âgée de dix
ans et plus. Ce taux cache des disparités alarmantes tant sur le plan géographique que par rapport au genre
et aussi selon le niveau socio-économique.
Concernant la population active, l’analphabétisme touche 52 % de cette catégorie, avec 75 % dans le sec-
teur primaire, 45 % dans le secteur secondaire et 30 % dans le secteur tertiaire (enquête nationale réalisée
par la Direction de la statistique durant la période du 16 juin 1997 au 17 juin 1998). Et malgré la baisse sen-
sible des pourcentages officiels, les chiffres absolus sont en hausse et risquent de s’aggraver s’il n’y a pas
d’intervention courageuse et urgente. Les différents recensements des années 1960, 1971, 1982 et 1994
donnaient des taux respectivement de 87 %, 75 %, 65 % et 54 %. On remarque que la régression de l’anal-
phabétisme est un fait remarquable même si il y eut toujours une augmentation du nombre absolu des anal-
phabètes qui est passé entre 1960 et 1982, de 6.560.000 à 10.643.100. Il atteint plus de 12.000.000 de en
2004.
Plusieurs stratégies ont été adoptées pour éradiquer le phénomène, mais les résultats n’ont jamais été
satisfaisants. À l’exception des efforts des premières années de l’indépendance les bilans dressés sont loin
d’être compatibles avec les objectifs souhaités.
En se référant à l’évaluation des campagnes d’alphabétisation précédant l’année 1997, nous constatons
que ces campagnes touchaient annuellement environ 100.000 bénéficiaires. Elles se caractérisaient par un
taux de déperdition de 70 % et un rendement ne dépassant guère les 2 %. Et par manque de programmes
de post-alphabétisation et d’un milieu ambiant incitant à la lecture et à l’écriture, les« néo-alphabètes » (2 %)
retournaient à la situation de départ après deux ou trois mois de rupture avec les actions d’apprentissage. Le
rapport mondial sur le développement humain qui repose sur des critères bien précis (le niveau de vie, la
santé et le niveau d’instruction) a classé le Maroc à la 125e place. (Classement effectué en 2003 sur 177
pays)
Selon une déclaration à la MAP (Maghreb Arabe Presse) au mois de Février 2005 de Michel Welmond (res-
ponsable de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient auprès de la Banque Mondiale) une étude évaluative a
montré que seule 25 % des élèves qui ont terminé le cycle primaire savent lire, écrire et calculer. Cela
montre que beaucoup d’efforts restent à faire au niveau de la qualité de l’enseignement pour éviter des mil-
liers d’analphabètes de plus chaque année.

D’après les études et les documents consultés, une complexité de facteurs intervient dans la persistance
de la situation actuelle. Parmi ces facteurs on peut noter ce qui suit :
– L’héritage de la période coloniale se caractérisant par le nombre restreint d’enfants acceptés dans les
écoles. La plupart des analphabètes d’aujourd’hui, surtout dans le milieu rural, sont des personnes nées
dans les années quarante et qui n’ont pas pu fréquenter l’école.

311
– La négligence de la composante « lutte contre l’analphabétisme » dans les décisions politiques et aussi
de son rôle dans la réussite des projets de développement socio-économique du pays.
– Le rythme de la généralisation de la scolarisation a eu une influence négative sur l’évolution de l’alphabé-
tisation.
– La qualité des services offerts au public cible, dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme, ne lui
permet pas l’acquisition des compétences de base en lecture, en écriture et en calcul ;
– L’absence d’une stratégie claire de lutte contre l’analphabétisme avec des objectifs bien définis et des
moyens de réalisation convenables. La première stratégie adoptée dans ce domaine n’a été proposée
qu’en 1997.
– L’absence d’une stratégie rigoureuse de post-alphabétisation ayant pour conséquence d’empêcher les
néo-alphabètes de retourner, une deuxième fois, dans l’analphabétisme ;
– L’insuffisance des moyens financiers engagés par l’État pour répondre à des actions d’alphabétisation
efficaces et rentables.
– L’absence d’un projet sociétal clair dans ses finalités et ses objectifs pendant des décennies n’a pas per-
mis aux uns et aux autres (surtout les ONG, les syndicats, les partis politiques) de s’engager dans des
actions de lutte contre l’analphabétisme.
– Le manque de professionnalisme dans la gestion du dossier de l’alphabétisation sur les plans administra-
tif et pédagogique ne permet pas d’atteindre les objectifs escomptés.

Selon ce qui a été réalisé jusqu’à présent dans le domaine de la lutte contre l’analphabétisme, il est bien
clair que les approches adoptées jusqu’en 2004 n’ont permis et ne permettront ni l’atteinte des objectifs
énoncés dans la charte de l’éducation et de la formation, ni l’éradication de l’analphabétisme en 2015.

Les décisions qui ont été prises ainsi que les approches adoptées dans ce domaine se caractérisent par ce
qui suit :
– L’absence d’une vision claire concernant le secteur de l’alphabétisation depuis les années soixante
jusqu’à l’avènement de la charte de l’éducation et de la formation qui l’a situé dans le contexte global de
la réforme de l’enseignement.
– L’improvisation à cause du manque d’études sérieuses sur lesquelles se basera toute réflexion
consciente et réfléchie.
– Le privilège du quantitatif au détriment du qualitatif ce qui entraîne des impacts négatifs sur la qualité
des apprentissages.
– L’absence de données fiables sur le nombre d’analphabètes et sur le type d’analphabétisme existant au
Maroc.
– Le Manque d’imagination et de courage dans la gestion du dossier de l’analphabétisme ce qui conduit à
une gestion purement administrative centralisée et lente.
– L’Absence de dispositif central, régional et local de suivi et d’évaluation permettant l’obtention d’infor-
mations fiables et rationnelles.
– Le Manque du professionnalisme nécessaire à la complexité et aux spécificités des composantes du
dossier (andragogie, élaboration des manuels, formation des formateurs et des superviseurs, gestion
des ressources humaines et financières, recherche des partenaires).
– Le faible intérêt accordé aux travaux de recherche scientifiques pouvant guider et enrichir la réflexion
des décideurs.

312
Ces remarques nous ont permis de proposer le scénario suivant :
– Les principes du scénario : La rationalisation ; la concertation ; la coordination ; la qualité.
– Les objectifs sont :
R Réduire le taux global de l’analphabétisme à moins de 20 % d’ici 2015 ;
R L’éradiquer d’ici 2025.
– Les conditions de réalisation de ces objectifs :
R La généralisation d’un enseignement fondamental de qualité ;
R Recentrer l’intervention du Ministère de l’Éducation Nationale sur la population non scolarisée de 9-11
ans ;
R développer un programme spécifique pour la population des 12-15 ans dans le cadre d’une formule de
type « alphabétisation-apprentissage d’un métier » ;
R L’implication sans réserve de l’entreprise dans les actions de lutte contre l’analphabétisme fonction-
nel ;
R L’implication de la société civile dans des projets d’alphabétisation intégrés assurant en même temps
l’acquisition des compétences de base (écriture, lecture, et calcul) et des habiletés professionnelles,
axées sur des activités génératrices de revenus ;
R L’implication des collectivités locales et des élus et intervenants sociaux aux niveaux régional et local
dans des plans d’action de lutte contre l’analphabétisme ;
R La mise en place d’un dispositif de suivi et d’évaluation qui permettra de détecter les points forts et les
points faibles du système ;
R La mise en place d’un système de post-alphabétisation adéquat qui permettra la consolidation des
acquis ;
R L’organisation du programme de lutte contre l’analphabétisme selon les besoins du public- cible, ses
disponibilités, ses spécificités et ses capacités ;
R La mise en place d’infrastructures d’accueil qui doivent être mises à la disposition du public- cible pen-
dant des moments opportuns ;
R L’application du professionnalisme par le biais de la formation selon le poste de travail (décideurs, éva-
luateurs, formateurs, superviseurs...).
– Le programme pédagogique : Le programme de formation ne doit par être le même pour tout le monde.
Pour qu’il soit efficace il doit prendre en compte l’âge et les spécificités du public cible. Il doit assurer ce
qui suit :
R La maîtrise des compétences de base (lecture, écriture et calcul) ;
R L’éducation aux droits de l’homme, de l’enfant et de la femme ;
R L’éducation aux valeurs de la citoyenneté ;
R L’initiation à des habiletés génératrices de revenus et à l’élaboration de projets ;
R L’éducation sanitaire, de la gestion de l’économie familiale, de la protection de l’environnement....
– L’organisation des apprentissages : Pour assurer un rendement meilleur des apprentissages, il est
important de revoir l’organisation du public cible selon les tranches d’âge, l’enveloppe horaire, car il y a
des tranches auxquelles il faut accorder plus d’intérêt que d’autres.
– La diversification des sources de financement.
– La mise en place d’un dispositif de suivi et d’évaluation de l’alphabétisation selon les normes de
l’UNESCO : Programme d’Évaluation et de Suivi de l’Alphabétisation (LAMP/ PESA).

313
Introduction

La lutte contre l’analphabétisme est considérée à travers le monde comme un élément crucial du déve-
loppement humain. Tout progrès en matière de généralisation de l’enseignement de qualité joue un rôle pri-
mordial dans l’entreprise du développement durable. « L’alphabétisation joue un rôle essentiel de par sa
contribution à la prospérité économique, à la santé, à l’identité culturelle, à la participation communautaire, à
la tolérance et à l’aptitude des individus à réaliser leur plein potentiel ». 1

L’analphabétisme est donc un problème épineux, l’éradiquer n’est pas une entreprise facile.
Quelles réalisations ont été faites dans le domaine de la lutte contre l’analphabétisme et la formation des
adultes durant la période 1955-2005 ? Quel avenir pour l’alphabétisation au Maroc ? Quel chemin prendre en
vue d’une meilleure appréhension du fléau ? Quelles sont les causes de la persistance de l’analphabétisme
malgré les efforts déployés ? En d’autres termes : Pourquoi le Maroc n’arrive t-il pas à éradiquer le phéno-
mène malgré tous les efforts déployés jusqu’à présent ? Et enfin, quelle approche faut-il adopter pour l’éradi-
quer d’ici 2025 ? Ce sont là des questions qui surgissent et qui se posent avec un très grand intérêt. Pour
pouvoir répondre à ces questions, il faudrait situer la problématique dans son cadre global dans un Maroc en
pleine mutation.
Le Maroc conscient depuis son indépendance, de l’impact négatif de l’analphabétisme sur le développe-
ment global du pays, mène plusieurs programmes de lutte contre l’analphabétisme. Mais il s’avère que mal-
gré les efforts déployés, jusqu’à aujourd’hui dans ce domaine, le niveau de ce phénomène demeure encore
très élevé. Selon les dernières statistiques, l’analphabétisme touche un taux de 48 % de la population âgée
de dix ans et plus. Ce taux cache des disparités alarmantes tant sur le plan géographique que par rapport au
genre et aussi selon le niveau socio-économique.
Concernant la population active, l’analphabétisme touche 52 % de cette catégorie, avec 75 % dans le sec-
teur primaire, 45 % dans le secteur secondaire et 30 % dans le secteur tertiaire (enquête nationale réalisée
par la Direction de la statistique durant la période du 16 juin 1997 au 17 juin 1998). Et malgré la baisse sen-
sible des pourcentages officiels, les chiffres absolus sont en hausse et risquent de s’aggraver s’il n’y a pas
d’intervention courageuse et urgente. Les différents recensements des années 1960, 1971, 1982 et 1994
donnaient des taux respectivement de 87 %, 75 %, 65 % et 54 %. On remarque que la régression de l’anal-
phabétisme : de 87 % (en 1960) à 54 % (en 1994) puis à 48 % (en 1998) est un fait remarquable même si il y
eut toujours une augmentation du nombres d’analphabètes. Entre 1960 et 1982, le nombre d’analphabètes
est passé, en effet, de 6.560.000 à 10.643.100 à plus de 12.000.000 aujourd’hui (2004).

Cette masse constitue sans aucun doute un poids social et un gaspillage économique considérable et ce,
d’autant plus que le pays est en pleine mutation démocratique et pleine ouverture économique avec une
perspective d’association à l’Union Européenne d’ici 2010 et de conclusion d’accords de libre échange avec
d’autres pays, ainsi que la persistance d’un environnement mondial de plus en plus complexe caractérisé par
un contexte politique et socio-économique dynamique et exigeant. Parmi les facteurs qui interviennent
actuellement dans ce contexte on peut citer :
– La globalisation des échanges économiques ;
– L’accélération technologique (Industrie de l’information) ;
– Les regroupements régionaux : Union Européenne, Amérique du Nord, Pays Asiatiques, Conseil de Coo-
pération des pays du Golfe,...

314
– Les accords du GATT (OMC) ;
– Les accords de Libre Echange avec l’Union Européenne, les États Unis d’Amérique... ;
– L’apparition de nouveaux pôles de concurrence (Asie, Europe de l’Est, contour méditerranéen) ;
– Les droits de l’homme ;
– La culture de la citoyenneté.

En nous référant à l’évaluation des campagnes d’alphabétisation précédant l’année 1997, nous constatons
que ces campagnes touchaient annuellement environ 100.000 bénéficiaires. Elles se caractérisaient par un
taux de déperdition de 70 % et un rendement ne dépassant guère les 2 %. Par manque de programmes de
post-alphabétisation et d’un milieu ambiant incitant à la lecture et à l’écriture, les néo-alphabètes (2 %) retour-
naient à la situation de départ après deux ou trois mois de rupture avec les actions d’apprentissage. Le rap-
port mondial sur le développement humain qui repose sur des critères bien précis (niveau de vie, la santé et
le niveau d’instruction) a classé le Maroc dans la 125e place. (Classement effectué en 2003 sur 177 pays).
La prise de conscience de cette situation, depuis quelques années, surtout avec l’avènement du gouverne-
ment de l’alternance, a fait que le problème de l’analphabétisme est devenu une préoccupation majeure au
Maroc et sa résorption constitue l’une des premières priorités d’importance nationale. Les responsables et
ce, jusqu’au plus haut niveau, ont décidé de mettre en œuvre une politique pouvant apparaître comme très
ambitieuse, de lutte contre l’analphabétisme. La société civile est invitée, surtout depuis l’an 2000 par le
Ministère du Développement Social, de la Solidarité, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, à s’enga-
ger dans un cadre de partenariat pour participer aux programmes de lutte contre l’analphabétisme.
Depuis le début de son règne, Sa Majesté le Roi Mohammed VI n’a cessé de proclamer dans ses discours
que la lutte contre l’analphabétisme doit figurer parmi les priorités nationales dans le cadre de la lutte contre
la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation. Cette approche s’inscrit dans le cadre d’un nouveau projet socié-
tal défini par sa Majesté dans ses différents discours. Une charte nationale d’éducation et de formation a été
publiée en 1999 comme document de référence des actions à mener en matière de lutte contre l’analphabé-
tisme. Un ensemble d’opérateurs ont été mobilisés, des dispositions juridiques et réglementaires ont été
approuvées et promulguées, plusieurs modes et moyens pédagogiques élaborés et répartis à travers le terri-
toire national, de vastes ressources humaines et matérielles mobilisées. Une première campagne visant à
alphabétiser 1.800.000 personnes a été ainsi programmée pour se dérouler entre 2001et 2004.

Selon la charte 2 « L’objectif du Maroc est de réduire le taux d’analphabétisme à moins de 20 % à l’horizon
2010, pour parvenir à une éradication quasi totale de ce fléau à l’horizon 2015. »

La lutte contre l’analphabétisme s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, la marginalisation et
l’exclusion. Elle sert à l’élimination des obstacles au développement social global car elle favorise l’intégra-
tion de la personne dans la société.
Face aux impératifs de performance, d’efficacité et d’ouverture sur le monde extérieur de plus en plus
marqué par la mondialisation, la concurrence et les percées scientifiques et technologiques majeures, la lutte
contre l’analphabétisme devient indispensable pour le développement du Maroc et pour l’accélération des
mutations qui sont en cours.
Dans ce contexte, pour survivre et être compétitif, il convient d’opérer une mise à niveau des ressources
humaines et de faire de l’alphabétisation un moyen d’intégration socio-économique.

Selon Omar Kané 3 (expert de l’UNESCO), « le développement centré sur l’homme doit favoriser l’épa-
nouissement humain et culturel tout autant que la croissance économique. Il doit permettre à la population

315
de participer librement à la construction de sa destinée. Cette participation doit s’effectuer dans et par l’édu-
cation, la participation de la population exigeant un niveau minimum de formation et d’information. »

I. Clarification de quelques concepts

La clarification des concepts clés s’impose dans ce genre d’études. Ceci doit nous permettre de mieux
cerner dans quel cadre la problématique de la lutte contre l’analphabétisme et la formation des adultes
doivent être une priorité nationale pour accélérer les réformes de développement et de démocratisation déjà
entamées au Maroc.

1. Alphabétisation

Le concept d’alphabétisation n’est pas quelque chose de fixe. Il est caractérisé par une dynamique per-
manente, un problème qui se pose à tous les pays, pas seulement aux pays en développement. L’alphabéti-
sation est une notion qui dépend du contexte social, économique et politique dans lequel se trouvent les
sociétés. « Les points de vue sur l’alphabétisation et l’illettrisme ont considérablement évolués depuis les
années 1990. Le point de vue actuel, moins restrictif, tend à considérer l’alphabétisation comme le produit de
facteurs pédagogiques, sociaux et économiques qui ne peuvent être radicalement modifiés à brève
échéance ». 4

Lors de la journée internationale de l’alphabétisation célébrée le 8 Septembre 1998 Colin Power 5, sous
directeur général de l’UNESCO pour l’éducation, a appelé à « un nouveau concept d’alphabétisation : une
alphabétisation à la fois scientifique, technologique, sanitaire et juridique... Les nouvelles technologies –
ajoute t-il – élargissent encore le fossé entre alphabètes et analphabètes, entre ceux qui ont et ceux qui n’ont
pas, entre riches et pauvres, entre ceux qui sont “on-line” et ceux qui ne le sont pas. Nous sommes tous
analphabètes en quelque chose : mon propre analphabétisme m’est rappelé chaque jour quand je me trouve
face à mon ordinateur ... Le savoir c’est ce qui confère aux gens leur autonomie, ce qui leur donne les
compétences dont ils ont besoin mais aussi ce qui répond à des besoins aussi variés que la connaissance de
leurs propres droits ou la technique de montage d’une pompe. ».

Dans son message du 8 septembre 1997 le directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor précise
davantage le concept d’alphabétisation :

« ...Même si certains pensent qu’à l’époque du “tout image”, l’écrit est dépassé, il n’en est rien. D’une
part, l’écrit reste indispensable comme repère, ou comme boussole, dans la galaxie de l’image. D’autre part,
le savoir écrit est toujours aussi vital pour l’affirmation de chaque personne de chaque groupe social, de
chaque nation. La maîtrise de l’écrit conditionne encore et toujours l’accès au savoir et au plein exercice de la
citoyenneté. Si, dans les civilisations de l’oralité, l’analphabétisme n’est évidemment pas synonyme d’igno-
rance, il se révèle un obstacle majeur à l’acquisition des connaissances indispensables à la vie quotidienne
dans une société moderne. » 6

316
Dans un message adressé en mars 2000 à la ligue marocaine de l’éducation de base et de lutte contre
l’analphabétisme, Sa Majesté Mohammed VI a défini l’analphabétisme comme suit :

« ...L’analphabétisme dans sa nouvelle acception, à l’aube du troisième millénaire, signifie l’incapacité


d’intégration dans la société de la communication et de l’information. Car tant que la globalisation déferle sur
notre monde, la menace de l’analphabétisme du vingt-et-unième siècle qui signifie l’incapacité de
comprendre et d’utiliser les éléments de l’essor de la technologie et de la connaissance va constamment
peser sur notre société, n’en plaise à Dieu.
Le concept de l’alphabétisation est donc très compliqué. Il est lié, d’une part, à l’histoire de l’évolution du
monde, mais aussi aux spécificités de chaque société.
La lutte contre l’analphabétisme et la formation des adultes n’est donc pas une fin en soi, mais un moyen
essentiel pour concrétiser des projets de développement et de progrès social. Elle doit s’inscrire dans le
cadre d’un projet social bien déterminé et d’une vision globale de développement intégré. » 7

2. Éducation des adultes

L’éducation des adultes prend de nombreuses formes. En Amérique du nord, le terme se réfère couram-
ment aux adultes qui tentent de revenir à l’école pour terminer une licence ou un programme qui débouche
sur un certificat, en général, pour obtenir un diplôme de fin d’études secondaires. Si cette définition est
valable pour les pays développés au niveau technologique et qui n’ont pas des pourcentages élevés d’anal-
phabètes, la formation des adultes dans cette étude est employée dans le cadre de la lutte contre l’analpha-
bétisme. En Tunisie 8, la formation des adultes se présente comme une extension, dans le temps et l’espace,
du système éducatif. Elle couvre, dans une vision d’ensemble, la formation professionnelle, l’alphabétisation,
le rattrapage, le perfectionnement et la reconversion. Elle tend à devenir une éducation permanente.

3. Éducation non formelle

C’est toute activité pédagogique organisée et systématique, menée en dehors du cadre du système sco-
laire formel, pour fournir des formes d’apprentissage choisis à l’intention de certains sous-groupes de la
population.
Les programmes non formels ont été plutôt orientés vers la compétence fonctionnelle afin d’améliorer le
développement des personnes cibles. Ils ont tendance à offrir une formation moins rigoureuse et qui coûte
moins cher que la scolarisation formelle.
Au Maroc, plus de 2 Millions d’enfants âgés de 8 à 16 ans ne sont pas à l’école parce que le système for-
mel n’arrive pas à les toucher ou à les retenir. La plupart de ces enfants, par l’absence d’une structure
d’apprentissage adéquate, deviendront les analphabètes de demain.
Depuis 1997, le Ministère de l’Éducation Nationale a développé un ambitieux programme d’éducation non
formelle reposant sur le partenariat avec les organisations non gouvernementales (ONG) et ayant pour objec-
tif de redonner une chance à ces enfants afin de retrouver la voie de la réinsertion à l’école formelle ou de
bénéficier d’une possibilité de formation professionnelle permettant un meilleur accès à la vie active.

317
« L’éducation non formelle constitue un cadre adéquat pour une éducation organisée en dehors du cadre
scolaire traditionnel et visant tout enfant, en âge de scolarisation, mais se trouvant en dehors de l’école for-
melle, pour une raison ou une autre.
Ce programme est considéré comme un système éducatif complémentaire qui va renforcer les tâches
attribuées à l’école formelle en vue de généraliser l’enseignement et d’assurer le droit à l’éducation pour
tous. » 9

4. Post-alphabétisation

La post-alphabétisation est conçue comme un complément et une étape de consolidation de l’alphabétisa-


tion, visant à prévenir et à empêcher le retour à l’analphabétisme.
La problématique du retour à l’analphabétisme a été posée dès la conférence mondiale sur l’alphabétisa-
tion organisée par l’UNESCO à Téhéran en 1965. Les participants à cette conférence ont proclamé
qu’aucune campagne d’alphabétisation ne devait être engagée sans que soit mise en place l’infrastructure
appropriée pour faciliter, aux personnes alphabétisées, l’accès au matériel de lecture nécessaire, non seule-
ment pour la consolidation des acquis, mais aussi pour développer chez eux le goût de la lecture et élargir
l’horizon de leurs connaissances.
Cette conception élargie de la post-alphabétisation implique, pour le néo-alphabète, le réinvestissement
permanent des connaissances et des compétences acquises dans son environnement personnel, familial et
communautaire pour faire face à des problèmes personnels ou professionnels.
L’expression « néo-alphabètes », ou « nouveaux alphabètes » ne doit pas être entendue dans son sens
restrictif, c’est-à-dire « ceux qui viennent d’apprendre à lire et à écrire ». Elle englobe implicitement tous ceux
qui ont fait l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, que ce soit à travers un programme d’alphabétisation
pour adultes ou à l’école primaire, mais qui ne peuvent encore lire avec aisance.

Si la lutte contre l’analphabétisme comporte nécessairement une dimension pédagogique ou andrago-


gique pour doter les apprenants des aptitudes à la lecture, l’écriture et le calcul (autrement dit parvenir à
décoder la langue écrite et pouvoir s’exprimer avec), la post-alphabétisation lui ouvre des opportunités cer-
taines pour le renforcement des connaissances acquises et offre des débouchés pour leur application pra-
tique. En effet, un programme de post-alphabétisation doit être élaboré de telle façon qu’il développe chez le
néo-alphabète la capacité d’utiliser les aptitudes nouvellement acquises. Il doit aussi les aider à s’organiser
pour créer et prendre en charge des services dans les domaines de la santé, la nutrition, l’agriculture, l’éle-
vage, le micro crédit, le bien-être familial, etc...C’est pourquoi par « post-alphabétisation », on entend à la
fois :
– La mise à la disposition des néo-alphabètes d’un matériel de lecture leur permettant de maintenir et de
renforcer leurs connaissances ;
– La création d’opportunités d’éducation continue ; la création des passerelles à l’enseignement formel à
partir des niveaux déjà acquis ;
– L’application pratique des connaissances acquises dans les domaines tels que :
R La gestion de coopératives ;
R Le montage et la gestion de petites entreprises ;
R La commercialisation et le suivi comptable élémentaire des produits ;
R La fourniture de services sanitaires ou vétérinaires ;

318
R La gestion des ressources naturelles,
R La participation à la gestion et à l’organisation des écoles primaires ;
R L’auto-encadrement des diverses actions de développement local ;
R La gestion et l’administration des communautés locales ;
R La conscientisation de l’importance et de l’entretien de l’environnement ;
R L’amélioration de la condition de la femme ;
R L’éducation familiale ;
R La sensibilisation à la préservation et l’entretien des biens publics ;
R La conscientisation et la prise en compte de la condition des personnes en situation difficile (handica-
pés, enfants abandonnés, personnes âgées...).

Le Maroc n’a pas encore mis en place un dispositif de post-alphabétisation qui empêcherait les bénéfi-
ciaires des cours d’alphabétisation de retourner à la situation de départ. L’absence de ce dispositif a des
conséquences néfastes sur tous les efforts fournis jusqu’à présent dans le domaine de la lutte contre l’anal-
phabétisme.

II. Les Orientations Royales

Depuis le début de son règne, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a pris l’engagement de mettre en valeur
toutes les énergies humaines existant au Maroc afin de contribuer au progrès économique et social du pays.
Dans ses discours et dans la lettre envoyée à la ligue marocaine de l’éducation de base et de la lutte contre
l’analphabétisme en mars 2000, Sa Majesté n’a cessé de proclamer que l’objectif d’intégrer tous les maro-
cains dans un projet global de développement ne pouvait être atteint que par l’éradication de l’ignorance et
de l’analphabétisme. Nous présentons ci-dessous quelques propos qui vont dans ce sens :

« ... Depuis que Nous avons présidé aux destinées de Notre peuple 1, Nous avons pris l’engagement de
mettre en valeur nos énergies humaines et de les intégrer dans le contexte général du développement, pour-
suivant en cela la marche d’édification du Maroc, marche dont les premiers pas ont été effectués, dès l’aube
de l’indépendance, par Notre vénéré grand-père et héros de la libération, feu Sa Majesté Mohammed V, que
Dieu ait son âme, qui, grâce à sa perspicacité, a réalisé que cette indépendance ne peut être effective que
par la préparation de tous les Marocains à exercer leurs droits et devoirs et par la libération de leurs énergies
pour contribuer au progrès économique et social de leur pays.
« ... Cet objectif ne pouvait être atteint que par l’éradication de l’ignorance et de l’analphabétisme, la diffu-
sion du savoir dont il faut faire un instrument nous permettant d’être en phase avec notre époque. C’est ainsi
que le regretté Souverain, a appelé, depuis lors, à la mobilisation des forces nationales sincères en vue de
s’impliquer dans ce processus d’éducation fondamentale et de lutte contre l’analphabétisme, qui avait alors
vu le jour sous sa présidence, fut la première organisation marocaine à avoir concrétisé l’adhésion à cet
appel, exprimant ainsi la solidarité de la société civile avec l’État pour gagner le pari du développement.
« ...La charte nationale de l’éducation et de la formation constitue un cadre d’avenir qui permettra à notre
pays, au cours de la prochaine décennie, d’occuper une place de choix dans le concert des nations disposant
de potentialités humaines hautement qualifiées. Les objectifs de la Charte en ce qui concerne la généralisa-
tion de la scolarisation et l’amélioration de sa qualité, l’éducation informelle et la lutte contre l’analphabé-

319
tisme nous autorisent à entrevoir avec sérénité la réduction de moitié du taux d’analphabétisme par rapport à
son niveau actuel, à la fin de cette décennie avant son éradication totale à terme.
« ...La charte nationale de l’éducation et de la formation se base, dans le domaine de la lutte contre l’anal-
phabétisme et l’éducation informelle, sur une vision qui transcende les tares des approches antérieures, dont
l’efficacité s’est ressentie dans l’absence de mobilisation des partenaires concernés, en particulier la société
civile, et des attitudes considérant la lutte contre l’analphabétisme comme une question qui concerne exclu-
sivement l’État.
« ... Nous appelons donc à l’adoption, d’une vision globale, qui intègre la lutte contre l’analphabétisme dans
le cadre d’une stratégie nouvelle de développement social et économique et ce, en assurant une qualification
aux bénéficiaires des actions de lutte contre l’analphabétisme, leur permettant de participer à la production et
d’assimiler ses mécanismes, avec la prise en considération des spécificités de leur environnement et de leur
milieu social, et favorisant leur ouverture continue sur la société de l’information et de la concurrence, la
société de la mondialisation.
« Il s’agit d’une approche qui vise à doter les bénéficiaires de qualifications essentielles et fonctionnelles,
leur permettant de gagner leur vie dignement et de s’adonner à une activité productive.
« ...De la sorte, la lutte contre l’analphabétisme pourra contribuer à la lutte contre la pauvreté et la margina-
lisation, tant cet effort bénéficie à toutes les catégories fragiles de notre tissu social, en particulier les enfants
âgés de moins de quinze ans, la femme du monde rural, les employés des entreprises et les catégories inca-
pables de communiquer avec leur environnement.
« ...Ainsi nous ferons sentir aux uns et aux autres les bienfaits de leur apprentissage et l’importance de
leur émancipation du joug de l’analphabétisme et de l’ignorance, et nous aurons mis à la disposition du pays
des ressources humaines qualifiées qui améliorent sa compétitivité, car celle-ci se mesure désormais à
l’aune de la qualité de ces ressources et non pas au faible coût de la main-d’œuvre.
« Cette vision globale ne saurait avoir les effets que nous escomptons, qu’à travers l’instauration d’un par-
tenariat pour sa mise en œuvre entre les institutions publiques et les différentes composantes de la société
marocaine. En effet, toute stratégie bien conçue dans ses objectifs et ses moyens dans ce domaine exige la
mobilisation totale de tous les acteurs économiques et sociaux, les responsables du secteur public, les repré-
sentants des collectivités locales, les secteurs productifs et la société civile d’une part, et la mobilisation des
bénéficiaires de cette formation à travers leur sensibilisation à l’importance de leur responsabilité dans la
réussite de leur intégration et leur prise de conscience quant à la nécessité de rompre l’isolement dont ils
souffrent à cause de l’analphabétisme et de l’ignorance, d’autre part.
« ... Du moment que nous visons, à travers cette opération nationale fondamentale, le développement de
nos ressources humaines et leur intégration dans le développement durable, nous ne devons pas considérer
la lutte contre l’analphabétisme comme étant seulement une initiation aux bases de la lecture et de l’écriture,
car l’analphabétisme dans sa nouvelle acception, à l’aube du troisième millénaire, signifie l’incapacité d’inté-
gration dans la société de la communication et de l’information.
« Car tant que la globalisation déferle sur notre monde, la menace de l’analphabétisme du vingt-et-unième
siècle qui signifie l’incapacité de comprendre et d’utiliser les éléments de l’essor de la technologie et de la
connaissance – va constamment peser sur notre société, n’en plaise à Dieu.
« ... C’est pour cela que nous nous devons d’œuvrer, non seulement à l’éradication de l’illettrisme dans
son acception traditionnelle, mais à lutter contre ce nouvel analphabétisme qui poursuit tous ceux qui ne
peuvent pas suivre la civilisation moderne et intégrer la société de communication et d’information ». (Extra-
its de la lettre royale envoyée au congrès de la Ligue Marocaine de l’Éducation de Base et la Lutte Contre
l’Analphabétisme, Mars 2000.)

320
« ... Nous attirons également l’attention sur l’intérêt qui doit être accordé à l’éducation informelle et à la
mobilisation nationale qu’exigent les efforts visant à lutter contre l’analphabétisme et sa propagation et à en
éliminer les séquelles, en particulier dans les villages et les campagnes, dans le but d’endiguer ce phéno-
mène qui entrave le processus du développement. ». 10 (Extrait du discours royal d’ouverture du parlement
1999.)

« ... L’élargissement de la culture de citoyenneté étant tributaire de l’éradication de l’analphabétisme, Nous


entendons revoir les échéances prévues pour extirper ce fléau. » 11 (Extrait du discours royal de la fête du
trône du 30 Juillet 2002.).

« ... Si le patriotisme, pour la génération de la libération, consistait principalement, à l’époque, à résister


contre le colonialisme, il requiert aujourd’hui, de la part des nouvelles générations, une mobilisation totale et
une volonté de libérer les énergies et de prendre à bras le corps les problèmes lancinants de l’analphabé-
tisme, de la pauvreté, du chômage des jeunes, de l’aggravation des disparités sociales. ... Notre objectif stra-
tégique est d’acquérir la connaissance scientifique et la technologie avancée qui constituent la voie idéale
pour vaincre le sous – développement et d’être en mesure d’accompagner le progrès. À défaut d’une telle
entreprise, nos générations montantes seront confrontées à un analphabétisme d’un genre nouveau, autre-
ment plus dangereux que l’analphabétisme traditionnel, lequel ne peut être résorbé que par le savoir utile,
l’action soutenue, l’organisation et la discipline. » 12 (Extraits du discours prononcé par Sa Majesté le Roi à
l’occasion du 51e anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple le 20 Août 2004.)

Il se révèle de la lecture de ces messages royaux que l’analphabétisme est un obstacle majeur à l’acquisi-
tion des connaissances indispensables à la vie quotidienne dans une société en pleine mutation et en même
temps à l’intégration des personnes dans la société et à leur participation au développement socio-
économique. L’engagement dans la lutte contre l’analphabétisme est aujourd’hui signe de patriotisme.

III. Les réalisations de 1956 à 2005

1. Le trajet historique

Un rappel historique des efforts fournis pour lutter contre l’analphabétisme, au Maroc, depuis 1956
jusqu’en 2005, est indispensable. Ce rappel très bref va nous éclairer sur les avancées qui ont été réalisées
dans ce domaine 13.

Depuis son indépendance, le Maroc n’a ménagé aucun effort pour lutter contre l’analphabétisme et assu-
rer à toute la population des services d’éducation, d’enseignement et de formation.
– Une première campagne nationale d’alphabétisation de masse a été lancée en 1956 par Feu Sa Majesté
le Roi Mohammed V et encadrée par la Ligue Marocaine de l’Éducation de Base et de Lutte Contre
l’Analphabétisme. Cette campagne a touché 1 million de citoyens et de citoyennes. Une deuxième cam-
pagne nationale a été lancée en 1957 par la même association, et a touché 2 millions de personnes ;

321
– Parallèlement à ces deux campagnes, un journal destiné aux néo-alphabètes a été publié sous le titre
« Manar Al-Maghrib. » ;
– En 1980, un service d’alphabétisation des adultes a été crée au sein du Ministère de l’Artisanat ;
– En 1990, à l’occasion de l’année internationale de l’alphabétisation, une commission nationale d’alphabé-
tisation a été créée. Cette commission a été subdivisée en trois sous-commissions pour la réflexion sur
les questions suivantes :
R L’élaboration des plans d’action
R Les méthodes et outils pédagogiques
R L’information et la sensibilisation.

De même, des commissions provinciales d’alphabétisation ont été mises en place pour coordonner et pro-
mouvoir les actions d’alphabétisation sur le plan local.

L’appel Royal de Feu sa Majesté le Roi Hassan II en 1990, adressé à la nation à l’occasion de la célébration
de l’Année internationale d’alphabétisation, a incité toutes les composantes de la société à participer à la
lutte contre l’analphabétisme. Depuis cette date, une campagne nationale d’alphabétisation est organisée
chaque année et concerne toutes les catégories de la population âgée de 15 ans et plus.
– En 1991, le Service central d’alphabétisation a été érigé en Division ;
– En 1997, une Direction de la Lutte Contre l’Analphabétisme a été créée au sein du Ministère de l’Emploi
et des Affaires Sociales ;
– En cette même année (1997) une Direction de l’Éducation Non Formelle a été créée au sein du Minis-
tère de l’Éducation Nationale.
– En 2000, sous les directives de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Ministère des Habous et des
Affaires Islamiques s’est engagé à son tour dans le programme de lutte contre l’analphabétisme. Ce pro-
gramme qui s’effectue dans un certain nombre de mosquées n’a pas encore été évalué pour prendre en
compte ses résultats dans cette étude ;
– Au mois de novembre 2002, un Secrétariat d’État auprès du Ministère de l’Éducation Nationale et de la
Jeunesse Chargé de l’Alphabétisation et de l’Éducation Non Formelle à été créé au sein du Gouverne-
ment.

2. Le programme de la lutte contre l’analphabétisme


et la formation des adultes

A partir de l’historique cité ci-dessus, il apparaît que la lutte contre l’analphabétisme et la formation des
adultes au Maroc sont passées par des phases ambiguës très difficiles à cerner. La période la plus remar-
quable et la plus riche en réalisations est celle qui débute depuis le lendemain de l’indépendance jusqu’au
début des années soixante. Cette période a été caractérisée par l’organisation des campagnes de lutte
contre l’analphabétisme lancées à partir de l’année 1956 par Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V. La pre-
mière campagne a touché 1 million de citoyens et de citoyennes. Une deuxième campagne nationale a été
lancée en 1957 et a touché 2 millions de personnes. Ces réalisations s’inscrivent dans le cadre d’une vision
politique globale et claire qui implique le mouvement national en tant que partenaire dans la concrétisation
des projets de développement prioritaires. L’enthousiasme de l’indépendance a joué un rôle très important
dans la réussite de ces campagnes.

322
« Dans le cadre de l’alphabétisation -écrit Abdelkader Baina- fut organisée une grande opération, par la
généralisation des cours du soir pour les adultes hommes et femmes et par la participation massive des
volontaires à ces tâches. Ainsi, le taux d’analphabétisme qui dépassait 95 % à la fin du Protectorat, baisse en
1960 à 87 % dans l’ensemble du Maroc.

..Le taux chez les femmes fut de 96 % et chez les hommes 78 % » 14.

Malheureusement cet effort a avorté, et n’a pas pu continuer à se réaliser tel qu’il a été prévu. Ceci a eu
des conséquences néfastes sur la lutte contre l’analphabétisme jusqu’à aujourd’hui dans notre pays.
Les efforts qui se sont succédé depuis les années soixante sont loin d’être comparables à ceux des
années précédentes. Il faudra attendre l’appel royal de 1990 pour qu’une campagne nationale d’alphabétisa-
tion soit organisée, chaque année, du mois d’octobre jusqu’au mois de juin, au profit de toutes les catégories
de la population âgées de 15 ans et plus.

Les cours sont donnés en deux modules à raison de 3 séances d’une heure et demie par semaine :
– Un module de base, où sont dispensés les rudiments de la lecture, de l’écriture et du calcul ;
– Un module complémentaire de perfectionnement.

Cette campagne est menée en collaboration avec le ministère de l’Éducation Nationale, l’Entraide Natio-
nale, le Ministère de la Jeunesse et des Sports, le Ministère de l’Agriculture, le Ministère de la Justice, le
Ministère de l’Artisanat, et quelques associations bénévoles locales et régionales.

2.1 Évaluation des campagnes d’alphabétisation avant l’année 1997

1997 est l’année de la création, pour la première fois au Maroc, d’une Direction qui s’occupe de la lutte
contre l’analphabétisme. . La première étude des actions réalisées date déjà de 1994. Elle s’intitule « Alpha-
bétisation au Maroc : Bilan d’enquête et analyse ». C’est une étude initiée par la Banque Mondiale.

Les principales interrogations que pose l’enquête réalisée dans le cadre de cette étude sont :
– Quels sont les résultats immédiats des cours ou programmes d’alphabétisation ?
– Comment sont utilisées et rentabilisées les connaissances acquises ?
– Qu’est ce qui expliquerait, à partir de là, les bons ou mauvais résultats constatés ?
– Enfin, quelles activités faudrait-il développer et réaliser pour démultiplier l’impact de la campagne
d’alphabétisation en milieu rural défavorisé ?

Les résultats de cette étude nous donnaient déjà quelques indicateurs de ce que serait la situation de la
lutte contre l’analphabétisme au Maroc :

« – Au vu du poids de l’analphabétisme qui touche les populations, les moyens financiers engagés par
l’État sont insuffisants pour répondre à des actions d’alphabétisation efficaces et rentables. Le service
central, voire les services provinciaux responsables des programmes d’alphabétisation travaillent quasi-
ment dans le dénuement. Des opérations aussi fondamentales que le contrôle et le suivi des pro-

323
grammes sur le terrain ne sont pas effectuées convenablement (ou ne sont pas effectuées du tout).
Dans l’absence de moyens matériels. L’adéquation des moyens laisse beaucoup à désirer.
– L’absence de motivation des participants à l’égard des programmes d’alphabétisation tels qu’ils sont
menés et réalisés est une réalité évidente. Sur 1616 estimés inscrits en 1993-94, seuls 41,7 % pou-
vaient entrer dans la catégorie “assidu”. L’ampleur des déperditions attire beaucoup l’attention ;
– Les programmes d’alphabétisation, parce qu’imposés, ne sont étroitement liés ni aux besoins des parti-
cipants potentiels, ni au développement local, ni aux conditions de vie des populations rurales en parti-
culier ;
– Les déperditions massives restent la principale caractéristique des programmes d’alphabétisation
actuels. Les apprenants du niveau de la 2e année sont très rares. Le nombre prédominant de centres à
une seule classe de cours fait preuve cet état de fait ;
– La rigidité dans l’adaptation d’un calendrier d’enseignement qui, au demeurant, est incompatible avec le
rythme de vie quotidien de la population cible selon les saisons et le type d’activité économique de la
région ;
– Une conception trop centralisée sous-tend le mode d’intervention administratif et pédagogique et
empêche l’implication réelle des populations et des responsables provinciaux ;
– En l’absence d’un engagement national franc, les programmes d’alphabétisation manquent la chance de
s’inscrire dans une planification en fonction de buts spécifiques qui peuvent alors être réalisés et éva-
lués ;
– L’absence de coordination entre les différents secteurs concernés empêche de saisir la question de
l’alphabétisation dans une approche de développement intégré ;
– Le mode d’intervention administratif se caractérise par un centralisme qui ne fait pas beaucoup de place
à la responsabilisation effective, sur place, des encadrants voire des participants eux-mêmes. La diver-
sité des intervenants de divers secteurs contribue à l’éparpillement des implications et partant des déci-
sions. Les délégués provinciaux du ministère de tutelle sont partagés entre deux responsabilités, celle
pour laquelle ils ont une formation (l’inspection du travail et l’intervention dans les problèmes sociaux) et
celle de suivre et de contrôler la campagne d’alphabétisation, sans avoir ni les moyens matériels ni le
personnel suffisant, et encore moins la formation, pour s’en acquitter ;
– Les instructeurs, même si la plupart du temps ont une formation initiale adéquate, n’ont quasiment pas
de formation en éducation des adultes et font montre d’une démotivation caractérisée ;
– Le modèle scolaire reste des plus prégnants dans la pratique pédagogique des cours d’alphabétisation,
même si les apprenants présentent des caractéristiques tout à fait autres que celles des enfants de l’
école primaire ;
– Parmi les caractéristiques des participants, on relève l’importante participation des femmes, particulière-
ment les “sans profession”, les “apprenties” et les “jamais scolarisées” (+de73 %). La majorité des
apprenants justifie juste du niveau de 1ère année d’alphabétisation (75 %), ce qui veux dire que ce sont
seulement 25 % qui dépassent le 1er degré d’enseignement ;
– Faible taux de régularité en milieu rural, puisque seulement 55 % des apprenants fréquentent les cours
entre quelques jours et 3 mois ;
– En matière de lecture et dictée écriture, les apprenants (ceux qui ont fait juste la 1ère année d’alphabéti-
sation) enregistrent des acquisitions très moyennes. En ce qui concerne leurs acquisitions en calcul, leur
incompétence est très remarquable ;
– Les compétences acquises par l’ensemble des apprenants (apprenants et anciens apprenants)
montrent une tendance en deçà des attentes : en lecture, dictée-écriture, le niveau “alphabétisés” n’est
atteint que par le tiers environ des apprenants. Plus de 40 % de ces apprenants sont en deçà du niveau
“semi-alphabétisés” et près de 1 apprenant sur 5 ne manifeste« aucune compétence ». En ce qui

324
concerne le calcul, le niveau des compétences est très faibles : 53 % des apprenants ne dépassent pas
le niveau “débutants” ; le niveau “alphabétisés” est caractérisé par la chute à 6,5 %. » 15

En 1997 le nouveau directeur, en préparant une nouvelle stratégie pour remédier à la situation décrite ci-
dessus, avance les observations suivantes :
Les campagnes nationales d’alphabétisation touchaient annuellement environ 100.000 bénéficiaires, et se
caractérisaient par un taux de déperdition de 70 % et un rendement ne dépassant guère les 2 %. L’évalua-
tion de ces actions a révélé ce qui suit :

2.1.1. Sur le plan pédagogique


– Elles s’adressaient à toute la population sans tenir compte des spécificités, des attentes et des caracté-
ristiques (sexe, âge, milieu, activité...) de chaque population cible ;
– Elles véhiculaient une alphabétisation générale, calquée sur les concepts scolaires ou la pédagogie des
enfants ;
– Elles ne tenaient pas compte des acquis professionnels et cognitifs des apprenants adultes, et restaient
à cet égard, déconnectées par rapport à leur vie quotidienne ou à leur environnement ;
– Elles ne traitaient pas des mécanismes de création d’activités génératrices de revenus et d’exercice de
métiers.
– Elles n’étaient pas conçues pour être un moyen, entre autres, de lutte contre la pauvreté.
– Les alphabétiseurs restaient prisonniers d’une pédagogie des enfants, non adaptée aux adultes.

Le manque de formation, dans le domaine de l’andragogie rendait la communication avec les bénéficiaires
très difficile, d’où un rejet de la situation d’apprentissage.

2.1.2. Sur le plan organisationnel


– La durée du cycle d’alphabétisation était longue (deux années réparties en deux phases). Le rythme de
l’alphabétisation restait fortement lié au rythme scolaire, sans tenir compte des spécificités du milieu,
notamment rural, de la disponibilité des bénéficiaires et de leurs occupations ;
– La participation de l’ensemble des opérateurs demeurait inefficace, aussi bien sur le plan de l’organisa-
tion et de la coordination que sur le plan de la motivation et de la sensibilisation des bénéficiaires ;
– L’absence d’un réel pilotage, tant au niveau national qu’au niveau local (inexistence d’informations
fiables sur la campagne permettant un suivi permanent et rigoureux) ;
– L’inexistence d’objectifs mesurables, réalisables et évaluables

Ces remarques ont permis au nouveau directeur de la lutte contre l’analphabétisme de revoir les actions
qui ont été entamées par ses prédécesseurs en adoptant une nouvelle approche basée sur une stratégie
bien définie

2.2. Une nouvelle stratégie

Cette nouvelle stratégie qui va marquer l’impulsion d’une nouvelle dynamique dans le domaine de la lutte
contre l’analphabétisme au Maroc, est liée à la création en 1997 d’une direction de lutte contre l’analphabé-

325
tisme au sein du ministère de l’emploi et des affaires sociales. Les missions attribuées à cette direction
consistent à :
– Exécuter et évaluer les plans d’action en matière de lutte contre l’analphabétisme.
– Entreprendre des actions et mesures susceptibles de développer des programmes de lutte contre l’anal-
phabétisme et l’éducation des adultes.
– Participer à la formation et au perfectionnement des cadres chargés de la lutte contre l’analphabétisme.
– Favoriser le développement et l’encadrement des associations bénévoles et promouvoir le partenariat
avec les collectivités locales et les organisations non gouvernementales.
– Contribuer à la conception des méthodes et des moyens didactiques appropriés.
– Entreprendre des études et programmes d’information susceptibles d’améliorer les actions d’éducation
des adultes de lutte contre l’analphabétisme.

2.2.1. Situation
Faisant le diagnostic de la situation héritée, la nouvelle direction l’a décrite comme suit :

« Bien que des progrès aient été enregistrés au cours de ces dernières années, les campagnes d’alphabé-
tisation, menées jusqu’à présent, révèlent des insuffisances significatives sur les plans des programmes, de
la pédagogie et de l’organisation.

– Sur le plan des programmes :


R Les programmes étaient monolithiques et s’adressaient à toute la population ;
R cible (sexe, âge, milieu, acquis professionnels) ;
R Ils véhiculent une alphabétisation générale calquée sur les concepts scolaires ;
R Ils ne sont pas conçus pour être un moyen, efficace de lutte contre la pauvreté.

– Sur le plan de la pédagogie :


R Les institutions qui assumaient la responsabilité et l’encadrement des opérations d’alphabétisation
étaient prisonnières d’une pédagogie des enfants, laquelle s’est révélée non adaptée aux adultes. Le
manque de formation dans le domaine de l’andragogie des alphabétiseurs rendait la communication
difficile avec les bénéficiaires.

– Sur le plan de l’organisation :


R La durée du cycle d’alphabétisation est longue (deux années) et reste fortement liée au rythme, sans
tenir compte des spécificités du milieu, notamment rural, de la disponibilité des bénéficiaires et de
leurs occupations ;
R La participation de l’ensemble des opérateurs reste inefficace, aussi bien sur le plan de l’organisation
et de la coordination que sur le plan de la motivation et de la sensibilisation des bénéficiaires,
R L’absence d’une approche de l’entreprise dans les programmes d’alphabétisation ;
R Le financement du système est insuffisant ;
R La gestion globale, l’animation et la coordination au niveau local et national sont faibles. »

Pour remédier à cette situation, la direction de la lutte contre l’analphabétisme a mis en place une nouvelle
stratégie ayant pour objectif de :

326
– Ramener le taux d’analphabétisme d’une manière générale à moins de 20 % à l’horizon 2010, en trai-
tant annuellement 500 000 personnes en période de croisière ;
– L’éradication totale de l’analphabétisme au sein de l’entreprise à l’horizon 2010 ;

Deux conditions sont toutefois nécessaires pour l’atteinte de ces objectifs :


– La généralisation et l’obligation de la scolarisation pour le cycle fondamental (9 ans d’études) ;
– La mise en place d’un programme de développement des compétences de base de la population active.

Pour ce qui est de la généralisation et l’obligation de la scolarisation pour le cycle fondamental, cet objectif
est du ressort du ministère de l’éducation nationale qui est Sensé mettre fin à l’analphabétisme à la base.
Une scolarisation généralisée de qualité permettant l’acquisition des compétences de base en lecture, écri-
ture, calcul et communication sera le garant de la baisse de l’analphabétisme au Maroc.

2.2.2. Programme d’alphabétisation mis en place depuis 1998-1999


La direction de la lutte contre l’analphabétisme a mis sur pied des programmes importants d’alphabétisa-
tion qu’elle prétend lui permettre de ramener le taux d’analphabétisme à moins de 20 % à l’horizon 2010, en
traitant annuellement 500 000 personnes en période de croisière ; et de l’éradiquer totalement au sein de
l’entreprise en 2010. Ce programme se compose de ce qui suit :
– L’alphabétisation communautaire menée en collaboration avec le ministère de l’éducation nationale, au
profit de toutes les populations analphabètes ;
– L’alphabétisation en entreprise des salariés, dont le but est le développement de leurs compétences de
base afin d’engager ces entreprises dans un processus de mise à niveau, de modernisation et d’amélio-
ration de leur compétitivité ;
– L’alphabétisation par les départements ministériels, au profit des bénéficiaires de leurs services dans le
cadre de conventions de partenariat avec les opérateurs publics disposant d’infrastructures et de logis-
tique (jeunesse et sports, justice, entraide nationale...) ;
– L’alphabétisation par la société civile, en faisant intervenir comme relais de proximité les ONG, moyen-
nant un soutien matériel et une assistance technico-pédagogique.

Pour concrétiser ce programme la direction a élaboré une stratégie qui s’articule autour des axes suivants :
R Mise en œuvre d’une approche qui respecte les spécificités de chaque population cible, son envi-
ronnement et les projets de développement la concernant. Dans cette approche les salariés, les sala-
ries en entreprises et les femmes en milieu rural ont la priorité ;
R Adoption d’une pédagogie des adultes permettant une alphabétisation centrée sur l’exercice des
métiers ou d’activités génératrices de revenus ;
R Incitation des entreprises à développer des programmes d’alphabétisation en milieu professionnel
dans le cadre des mécanismes de formation continue (contrats spéciaux de formation) ;
R Mise en place de mécanismes efficients de soutien et de financement des opérations d’alphabétisa-
tion ;
R Mobilisation de tous les opérateurs potentiels publics, privés et la société civile en développant un sys-
tème de partenariat pour la réalisation de programmes spécifiques d’alphabétisation ;
R La réduction de la durée du cycle d’alphabétisation de deux ans (phase de base et phase complémen-
taire) à un an avec une masse horaire en moyenne de 200 heures ;
R Appui au changement par des campagnes d’information et de sensibilisation ciblées.

327
2.2.3. Modalités de réalisation de la stratégie
Dans le cadre de sa nouvelle stratégie, la direction de la lutte contre l’analphabétisme a lancé un vaste pro-
gramme d’alphabétisation scindé en deux principales catégories :
– Un programme général annuel ;
– Des programmes spécifiques ;

Cette diversité de programmes a permis la mobilisation de plusieurs opérateurs d’alphabétisation publics,


privés et société civile.
Cette nouvelle approche a permis de toucher 181 000 bénéficiaires durant la première année de sa mise
en place (1998/1999).

A. Programme général
Un programme annuel d’alphabétisation communautaire est destiné à l’ensemble des populations analpha-
bètes sous forme d’une campagne générale d’alphabétisation à travers l’ensemble des provinces et préfec-
tures du Royaume et en coordination avec le Ministre de l’Éducation Nationale. Ce programme a touché
89 500 personnes au titre de l’année 1998/1999.
L’analyse des résultats de ce programme a révélé un taux de déperdition très élevé, puisqu’il atteint glo-
balement 25 %. Le rendement du système ne dépasse pas 65 %, et seul un tiers des lauréats du cycle
d’alphabétisation ont acquis réellement, l’aptitude à lire, à écrire et à calculer.

B. Programmes spécifiques
En parallèle avec le programme général, d’autres programmes plus spécifiques sont organisés au profit
des catégories ciblées d’analphabètes, en partenariat avec :
– Les opérateurs publics : Les programmes d’alphabétisation sont organisés dans les centres relevant de
certains ministères et établissements publics au profit de leur personnel et de la population bénéficiant
de leurs services. L’effectif ayant bénéficié de ces programmes, pour l’année 1998/1999, est 69.000.
– La société civile : En tant qu’espace d’encadrement des populations locales, les ONG occupent une
place importante dans la stratégie d’alphabétisation mise en œuvre par le ministère. Dans ce cadre, 53
conventions ont été conclues avec les ONG de portée nationale et d’autres ayant un rayonnement local.
Ces conventions ont permis de couvrir la presque totalité du territoire national et d’alphabétiser près de
78.000 bénéficiaires, dont près de 70 % en milieu urbain.
– Les entreprises : La Direction de la Lutte Contre L’Analphabétisme a engagé une réflexion portant sur le
développement des compétences de base dans le milieu du travail. Dans ce contexte, un programme de
partenariat et de coopération a été initié et lancé en collaboration avec certaines associations profes-
sionnelles et entreprises notamment la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) et
l’Association Marocaine des Industries du Textile et de l’Habillement (AMITH).

2.2.4. Bilan des réalisations


Nous présentons ci dessous le bilan de ce qui a été réalisé dans le domaine de la lutte contre l’analphabé-
tisme selon la direction de la lutte contre l’analphabétisme. C’est un bilan officiel qui touche plusieurs
niveaux.

328
Au niveau pédagogique :
– La réduction du cycle d’alphabétisation de 2 ans à un programme d’alphabétisation d’une masse horaire
de 200 heures adaptables aux spécificités et aux préoccupations de chaque population cible ;
– La mise en œuvre d’une nouvelle organisation pédagogique des programmes.
– Les nouveaux manuels (référentiels d’apprentissage) sont composés d’un tronc commun pour toutes
catégories d’apprenants visant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul (deux tomes) et
d’un troisième tome spécifique à chaque groupe cible véhiculant un savoir et un savoir-faire centrés sur
les intérêts et les activités des bénéficiaires.
Dans ce cadre, outre un programme général, le Secrétariat d’État a mis en place des manuels spéci-
fiques aux secteurs suivants :
R Agriculture ;
R Justice ;
R Coopératives laitières ;
R Pêches Maritimes ;
R Textile-Habillement ;
R Agroalimentaire ;
R Tourisme, Bâtiments et Travaux Publics, Artisanat (en 2004).
– L’élaboration d’un guide de formateurs et l’organisation des sessions de formation au profit de plus de
1500 formateurs relevant des secteurs privé, public et du monde associatif ;
– L’élaboration et l’administration de tests de positionnement pour mesurer les connaissances et les
acquis des bénéficiaires.

Au niveau organisationnel
– L’introduction d’une culture d’objectifs et d’évaluation dans les programmes d’alphabétisation des
adultes ;
– L’organisation du système d’alphabétisation autour de quatre grands programmes, à savoir :
1. Programme général d’alphabétisation : programme annuel réalisé par le Ministère de l’Éducation
Nationale et destiné à l’ensemble des populations analphabètes âgées de 15 à 45 ans. Ce pro-
gramme cible les populations analphabètes qui n’ont pas de statuts socioprofessionnels bien définis.
2. Programme des opérateurs publics : actions réalisées en collaboration avec des Ministères et des
Etablissements Publics au profit de leurs personnels ou des populations analphabètes bénéficiant de
leurs services ;
Ces opérateurs sont :
▪ Jeunesse et Sports : maisons de jeunes et foyers féminins ;
▪ Entraide Nationale : centres sociaux ;
▪ Agriculture : Centres de vulgarisation agricole et Office de mise en valeur ;
▪ Pêches Maritimes : Centres de formation maritime ;
▪ Justice : établissements pénitentiaires ;
▪ Collectivités Locales ;
▪ Forces Armées Royales : places d’armes et foyers féminins des œuvres sociales ;
▪ Artisanat ; Etc.
3. Programme de la société civile : un vaste programme de soutien financier, logistique et technique
lancé par le Ministère du Développement social, de la Solidarité, de l’Emploi et de la Formation

329
Professionnelle depuis décembre 1998, au profit des organisations non gouvernementales œuvrant
dans le domaine de l’alphabétisation. Les actions sont réalisées sur la base de conventions de partena-
riat comportant un programme d’intervention .La sélection des organisations non gouvernementales
se fait sur la base d’un manuel de guidance élaboré par le Secrétariat d’État et fixant les critères d’éva-
luation des demandes de soutien présentées.
4. Entreprises : des programmes de formation générale professionnelle de base visant à développer
auprès des apprenants les compétences de base et à accompagner l’effort de mise à niveau de
l’entreprise marocaine. Les actions d’alphabétisation sont financées dans le cadre des Contrats Spé-
ciaux de Formation à 80 % du coût de la formation sur la base d’un coût maximum de 2000 Dhs par
apprenant.

La mise en place d’un système de suivi et d’évaluation :


– Système interne : via les services centraux et locaux du Secrétariat d’État et moyennant des instru-
ments adéquats et un système informatique d’exploitation et de traitement des informations ;
– Système externe : par le biais du recrutement d’un consultant pour assurer le suivi et l’évaluation de
l’exécution des conventions de partenariat avec les Associations bénévoles.
– La consolidation de la décentralisation et de la déconcentration par le renforcement du rôle des Acadé-
mies Régionales d’Éducation et de Formation et des Délégations du Ministère de l’Éducation Nationale
et de la Jeunesse.

Au niveau du rendement du système d’alphabétisation :


– L’augmentation sensible des effectifs des populations analphabètes ayant bénéficié des programmes
mis en place a été accompagnée par une nette amélioration des indicateurs de performance, tels que le
taux de déperdition qui a diminué de 70 % à moins de 20 % actuellement et le rendement du pro-
gramme qui dépasse les 60 %.

Il est difficile de croire aux résultats auxquels la direction a abouti dans ce bilan. Ce sont des jugements
non fondés vu l’absence d’un système de suivi et d’évaluation autonome. Les responsables, par manque de
moyens, d’expertise et de professionnalisme voulaient seulement confirmer l’aboutissement aux objectifs
escomptés. Les données présentées jusqu’à aujourd’hui (fin 2004) en ce qui concerne les inscrits, les aban-
dons ou pour exprimer le rendement du programme ne sont pas fiables. La direction se base surtout sur des
déclarations et des rapports des responsables locaux pour confirmer des résultats. Il est donc temps d’être
plus réaliste, modeste et objectif dans la confrontation d’un phénomène qui ne cesse de prendre plusieurs
formes et qui se propage dans divers milieux.
Le souci des responsables est d’avancer des chiffres qui sont loin d’être conformes à la réalité. Il est
temps d’avoir le courage d’abandonner l’approche quantitative et de favoriser l’approche qualitative pour éra-
diquer l’analphabétisme et l’illettrisme au Maroc.
La nouvelle stratégie a pu toucher selon la direction 181.000 bénéficiaires durant la première année sur un
cumul d’analphabètes qui dépasse 13.000.000 de personnes auxquelles il faut ajouter les abandons du pro-
gramme de l’alphabétisation, ceux qui ne maîtrisent pas les compétences de base à la fin du programme, les
2 000.000 d’enfants qui ont l’âge de la scolarisation et qui ne sont pas scolarisés et le nombre important
d’élèves qui quittent chaque année le système scolaire sans maîtriser les compétences de base à savoir la
lecture, l’écriture et le calcul. Selon une déclaration à la MAP (Maghreb Arabe Presse) au mois de Février
2005, Michel Wilmond (responsable pour l’Afrique du Nord et le Moyen Orient auprès de la Banque Mon-
diale) a déclaré que « le Maroc a accompli des efforts considérables dans le domaine de la généralisation de

330
l’enseignement. Cependant beaucoup d’efforts restent à fournir au niveau de la qualité de l’enseignement
pour diminuer les déperditions scolaires. Une étude évaluative a montré, selon ce responsable, que seul
25 % des élèves qui ont terminé le cycle primaire savent lire, écrire et calculer. » 16
Le chiffre absolu des analphabètes au Maroc est donc loin d’être connu, ainsi que les types d’analphabé-
tisme existants dans la société marocaine. Il est donc urgent d’avoir une idée claire sur la situation réelle de
l’analphabétisme dans notre pays.
D’autre part, dans les stratégies déjà adoptées et celles qui seront appliquées dans le plan d’action 2004-
2007 le volume horaire réservé pour acquérir les compétences de base par les bénéficiaires est de
200 heures. Le choix de ce volume horaire n’a pas été expérimenté avant sa généralisation. Le souci finan-
cier est sans doute derrière son application. Une alphabétisation convenable pour des adultes est dans plu-
sieurs pays de 1000 heures à 1200 heures.

Malgré l’étude élaborée en 2002 qui porte le titre « Évaluation des programmes d’alphabétisation des
adultes au Maroc », initiée par la Banque Mondiale les résultats n’ont pas beaucoup changé. Un certain
nombre de mesures, selon cette étude, semblent indispensables pour favoriser et promouvoir les efforts
déployés dans ce domaine. Le consultant recommande ce qui suit :
– « La lutte contre l’analphabétisme reste une action à mener essentiellement sur le terrain. L’organisme
de coordination devrait pouvoir bénéficier d’un encadrement et d’une infrastructure régionale, voire
locale, qui lui font cruellement défaut à l’heure actuelle. Ses cadres décentralisés devraient avoir les res-
ponsabilités et la formation nécessaires leur permettant d’assurer tant le suivi administratif que pédago-
gique des actions en cours dans leur région ;
– Tant au niveau central que régional, l’évaluation de l’action des ONG devrait être plus systématique, les
meilleures devant être mieux encouragées et les insuffisantes éliminées ou fortement poussées à res-
pecter le cahier des charges qui leur est soumis ;
– Les potentialités des entreprises doivent être également considérablement mieux et plus largement
mobilisées. Cela passe en priorité par un renforcement du partenariat, non seulement avec l’État mais
aussi avec les syndicats, avec des mesures d’incitation légales et fiscales ;
– Sur le plan pédagogique les contenus et supports doivent continuer à se diversifier de plus en plus en
fonction des spécificités des publics cibles. Les supports linguistiques restent encore un sujet de
recherche à approfondir. Les horaires souples sont à favoriser et doivent être systématiquement suppor-
tés par la multiplication des supports écrits, visuels ou audio-visuels ;
– En amont de l’ensemble de ces actions sur le terrain, la recherche en matière de lutte contre l’analpha-
bétisme devrait être sérieusement renforcée.

Points forts :
– Il y a un consensus sur le fait que ce programme a renforcé la prise de conscience des populations cibles
quant à la gravité et à l’ampleur du problème de l’analphabétisme et qu’il a initié un processus de mobili-
sation sociale et de solidarité au niveau local pour alphabétiser le maximum de personnes.

Points faibles :
– le contenu du programme constitue le point faible le plus notable du programme ;
– la durée est estimée insuffisante pour prétendre alphabétiser les bénéficiaires ;
– le manque de formation continue au profit des formateurs ;
– l’absence de mécanismes de suivi et d’évaluation ;
– le manque de coordination au niveau et national ;

331
– l’inadaptation des horaires du soir particulièrement pour les jeunes filles et les femmes. » 17

2.3. Plan d’action 2004-2007

Sans l’atteinte des objectifs fixés des stratégies appliquées et sans une évaluation sérieuse de celles-ci, la
Direction se lance dans un plan d’action de grande envergure qui couvre quatre ans. Ce plan projette d’alpha-
bétiser 1.000.000 de personnes par an de 2004 à 2007. Cet objectif ambitieux est compatible avec les orien-
tations de la charte nationale de l’éducation et de formation. Le programme de Massirat Ennour s’inscrit dans
ce cadre. Chaque fois qu’un nouveau responsable est désigné l’on se trouve devant une nouvelle stratégie
de lutte contre l’analphabétisme. Ce tâtonnement ne peut être expliqué que par l’absence d’une vision stra-
tégique claire d’alphabétisation dans notre pays qui trace les grandes lignes à suivre par chaque responsable
au lendemain de sa nomination. La problématique de la gouvernance est à l’ordre du jour.
Nous présentons ci-dessous un tableau qui résume le plan d’action établi par la direction et qui est mis en
œuvre depuis 2004. Son objectif primordial est d’alphabétiser 1.000 000 de personnes par an jusqu’en 2007.

Objectif stratégique Cible Projections


Réduction du taux Population analphabète âgée de Année Effectifs Taux d’analphabétisme
d’analphabétisme plus de 15 ans
2004 1 000 000 35 %
2005 1 000 000 31 %
2006 1 000 000 26 %
2007 1 000 000 21 %

Source : Secrétariat d’État chargé de la de lutte contre l’analphabétisme et de l’Éducation Non Formelle

2.3.1. Financement des programmes


Les programmes d’alphabétisation sont presque totalement financés par le Budget de l’État. Les sources
de financement actuelles sont :
– Le Budget général de l’État ;
– Le système des contrats Spéciaux de Formation pour les entreprises ;
– Les bailleurs de fonds : BIRD, BAD, BID ;
– La coopération bilatérale : France, Canada, concerne l’assistance technique et la formation.

2.3.2. Stratégie adoptée


Pour donner un souffle plus important aux programmes d’alphabétisation, le Secrétariat d’État a mis en
place une nouvelle stratégie partant essentiellement des axes d’intervention définis dans le cadre de la
Charte Nationale d’Éducation et de Formation.

332
Objectifs de la stratégie :
– La Charte Nationale d’Éducation et de Formation adoptée en 2000, a défini des objectifs propres aux pro-
grammes d’alphabétisation des adultes à savoir : baisse du taux global d’analphabétisme des popula-
tions âgées de 10 ans et plus à moins de 20 % à l’horizon 2010 et l’éradication quasi totale de ce
phénomène à l’horizon 2015 ;
– La réduction du taux d’analphabétisme de la population active de 50 % actuellement à moins de 10 % à
l’horizon 2010 ;
– Assurer l’éducation à tous les enfants non scolarisés ou déscolarisés à l’horizon 2010.

Fondements de la stratégie :
– Premièrement : les Directives Royales de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, considérant l’alphabétisation
et l’éducation comme support de tout développement socio-économique et appelant à une mobilisation
nationale autour de cette question, notamment en milieu rural et au profit des couches défavorisées de
la population ;
– Deuxièmement : la Charte Nationale d’Éducation et de Formation, particulièrement le levier concernant
l’alphabétisation qui la considère comme une obligation sociale de l’État et met l’accent sur la décentrali-
sation et la déconcentration comme condition essentielle pour l’atteinte des résultats souhaités ;
– Troisièmement : la Déclaration du Gouvernement qui place l’alphabétisation parmi ses priorités et fait
partie des grands chantiers du développement du pays.

Axes de la stratégie :
– Axe 1 : Une réforme pédagogique par :
R La conception et l’élaboration de programmes d’alphabétisation axés sur les métiers et les activités
génératrices de revenus et adaptés aux besoins spécifiques de chaque population cible ;
R L’adoption de techniques andragogiques et la formation des formateurs ;
R Le réaménagement du cycle d’alphabétisation et sa déconnexion du rythme scolaire.
– Axe 2 : Mobilisation des différents opérateurs :
R L’Entreprise : Donner la priorité au développement des compétences de base des salariés afin
d’accompagner les entreprises marocaines dans leur mise à niveau ;
R La Société civile : La mobilisation de la société civile et le renforcement de sa capacité d’intervention
dans le domaine de la lutte contre l’analphabétisme et de l’éducation des adultes.
R Le développement du professionnalisme du tissu associatif dans ce domaine et l’incitation à la créa-
tion des réseaux.
R Les Opérateurs publics :
▪ Le renforcement du rôle des secteurs publics, notamment le Ministère de l’Éducation Nationale,
dans le domaine de l’alphabétisation et l’introduction d’une politique d’objectifs et d’évaluation ;
▪ L’accompagnement des services fournis par quelques Ministères et Etablissements publics par
l’action d’alphabétisation ;
▪ La mobilisation des infrastructures d’accueil et des ressources humaines de l’ensemble des inter-
venants ;
▪ La stratégie prévoit également l’accompagnement de ces axes par des campagnes de sensibilisa-
tion et d’information ciblées.

333
2.3.3. Le premier bilan officiel de la stratégie
En analysant les résultats du programme intitulé Massirat Ennour on constate que ces résultats sont loin
d’être compatibles avec les chiffres avancés dans le tableau concernant le plan d’action. « Ce programme qui
a débuté le 27 mai 2003 a pour objectif d’alphabétiser 1.000.000 de personnes chaque année. Les inscrits
sont, au mois de Janvier 2004, au nombre de 736760 personnes, ils sont 450335 au mois de Juin 2004, ceux
qui se sont présentés aux examens de la fin d’année sont de l’ordre de 273085, et d’après les chiffres offi-
ciels 233384 bénéficiaires ont réussi les examens. »18. L’écart est énorme entre les inscrits et ceux qui ont
réussi les examens.

3. Le programme de l’éducation non formelle

Pour rattraper le retard accumulé dans la généralisation de l’enseignement et qui a un impact néfaste sur
les efforts déployés pour lutter contre l’analphabétisme, une direction a été créée au ministère de l’éducation
nationale.

3.1. Les objectifs de l’éducation non formelle

Le programme de l’éducation non formelle vise les objectifs suivants : 19


– Assurer l’éducation pour tous afin de contribuer à l’éradication progressive de l’analphabétisme ;
– Réinsérer les enfants bénéficiaires du programme dans les structures du système formel d’enseigne-
ment ou dans la formation professionnelle ou les préparer à la vie active ;
– Impliquer et mobiliser les organismes gouvernementaux, les organisations non gouvernementales et la
société civile, en général, autour de l’objectif de l’éducation pour tous.

3.2. Population cible

Le public cible visé par le programme est composé d’enfants dont l’âge varie entre 8 et 16 ans, qui n’ont
jamais été à l’école ou qui l’ont quittée d’une manière précoce.

Une attention particulière est accordée :


– Aux enfants en situation de travail (artisanat, petit commerce, services, travail dans les maisons,...)
– Aux enfants en situation difficile et précaire (enfants de la rue, enfants en conflit avec la loi,...)

Cette population est estimée en 1997 (l’année de la création de la Direction de l’Éducation Non Formelle) à
2.000.000 de personnes.

334
3.3. Réalisations du programme de l’éducation non formelle

Pour mieux cerner les efforts de la Direction depuis sa création, en 1997, au sein du ministère de l’Éduca-
tion Nationale nous présentons ce tableau récapitulatif de ce qui a été réalisé dans le domaine de l’éducation
non formelle par année

Année du programme Bénéficiaires du programme % des filles


Bénéficiaires Dont nouveaux filles
1997/1998 34550 34550 21993 63.7 %
1998/1999 35855 16642 24998 69.7 %
1999/2000 34859 20062 24207 69.4 %
2000/2001 29676 15976 19016 64.4 %
2001/2002 29636 13212 18890 64.8 %

Total des bénéficiaires du programme 100442

Source : Programme de l’éducation non formelle, rapport général, juin 2002. Direction de l’éducation non formelle. MEN.

À partir de ce tableau on constate que malgré les efforts fournis par la Direction, la majorité de la popula-
tion cible ne sera pas touchée par l’éducation non formelle. Selon les chiffres fournis par cette Direction
concernant quatre années de travail, celle-ci ne peut toucher qu’à peu près 100.000 personnes. 900.000 ne
seront pas touchées sans compter des milliers qui s’ajoutent chaque année au nombre initial.
Cette situation aura sans doute des répercussions négatives sur la situation de l’analphabétisme au Maroc.
Ce sont ces chiffres qui vont s’ajouter au nombre global des analphabètes. Le rôle de la Direction, selon son
programme, est d’assurer l’éducation pour tous afin de contribuer à la l’éradication progressive de l’analpha-
bétisme, mais il apparaît que le rythme adopté est loin d’être cohérent avec l’objectif visé. Un problème de
taille vient s’ajouter à cette faiblesse de résorption des effectifs. La direction, de l’éducation non formelle ne
figure pas dans l’organigramme du ministère de l’éducation nationale. Cette situation génère un sentiment
de doute et de démotivation chez le personnel de la direction.

Pour mieux approfondir l’étude nous avons cherché à consulter des travaux qui traitent les problèmes de
l’éducation non formelle au Maroc, mais il s’avère qu’il y a une pénurie d’études dans ce domaine. À côté de
quelques travaux internes qui ont été réalisés par les services concernés, une étude sérieuse, a été initiée
par la Banque Mondiale en 2003. Elle s’intitule : évaluation des écoles non formelles au Maroc. Cette étude a
abouti aux résultats suivants :
– « Sur le plan des objectifs du programme, le positionnement de l’Éducation Non Formelle (ENF) n’est
pas clair notamment par rapport aux problématiques de l’alphabétisation des adultes et de l’emploi des
diplômés chômeurs ;
– Sur le plan du processus de sélection des ONG, la procédure reste un acte centralisé discrétionnaire et
aucune indication sur les critères d’éligibilité au programme n’est disponible. Ceci rend le programme
opaque et ne projette pas suffisamment de transparence pour l’octroi des subventions ;
– Sur le plan du pilotage du programme, de larges étapes de la procédure de gestion échappent à la DENF
qui se trouve sans maîtrise totale du projet ;

335
– Sur le plan de l’évaluation et la régulation, aucune action d’envergure ou procédure systématique d’éva-
luation des projets menés par les ONG ne sont mises en place, et les projets se trouvent reconduits taci-
tement sans aucune évaluation ;
– Le chantier du programme ENF est inachevé puisque les outils prévus par le système que ce soit au
niveau pédagogique, au niveau de la formation des animateurs ou des dispositifs de suivi, d’évalua-
tion....ne sont pas encore mis en place ;
– Un malentendu et un manque de communication prévalent autour du statut des animateurs ce qui dévie
le système de ses objectifs ;
– Depuis son lancement, le programme n’a pas connu une évolution notoire et a plutôt stagné au niveau
atteint lors du démarrage ;
– Le budget affecté au programme ENF est resté lui aussi pratiquement figé et il est quasiment affecté
aux rémunérations des animateurs sans possibilité de financer l’instrumentation et le développement du
système ;
Concernant les coûts de l’ENF :
– La subvention moyenne brute constatée par élève déclaré inscrit officiellement au programme ENF se
situe entre 600 Dh et 700 Dh par élève et par an. Rapportée au nombre réellement inscrit au pro-
gramme, la valeur de la subvention serait entre 1065 et 1250 Dh ; la subvention efficace prenant en
compte uniquement les élèves qui fréquenteraient régulièrement les cours se situerait, quant à elle,
entre 1870 Dh et 2200 Dh.
– 38 % des sites ciblés n’étaient pas opérationnels au moment de l’enquête de la première phase et
avaient changé de lieu ou simplement étaient à l’arrêt.
– 32,5 % des animateurs ciblés par l’enquête n’étaient pas présents sur les sites,
– 57 % seulement de l’effectif des élèves ciblés par l’enquête ont été effectivement trouvés sur les sites
de l’enquête.
– 65 % des animateurs n’ont jamais suivi de formation initiale avant d’être injectés dans une classe,
– Malgré ses spécificités, l’Éducation Non Formelle ne dispose pas encore de supports pédagogiques
(manuels destinés aux apprenants) adaptés à la quasi totalité des animateurs qui déclarent se baser sur
le manuel scolaire de l’éducation formelle. En outre, 50 % des animateurs déclarent ne pas connaître les
objectifs pédagogiques de l’ENF.
– Les animateurs affirment avoir reçu une visite pédagogique une seule fois en moyenne durant les trois
années d’exercice. En fait plus de 60 % déclarent n’avoir jamais été évalués,
– En moyenne globale durant la période précédant la présente étude, 3 élèves par année et par animateur
ont pu rejoindre la formation professionnelle. Ce qui indique que les passerelles institutionnelles que ce
soit avec l’école Formelle ou avec la Formation Professionnelle, ne sont pas encore opérationnelles.
– Les animateurs estiment que leur formation est insatisfaisante (78 %), les supports pédagogiques insa-
tisfaisants (94 %), les fournitures scolaires des élèves insuffisantes (87 %) et constituent par
conséquent un handicap important à l’apprentissage et, finalement, que l’encadrement et le suivi sont
totalement insatisfaisants ou peu satisfaisants (91 %).
– Le système ENF se caractérise par des déperditions d’élèves relativement importantes se situant au
niveau de 43 % par année.
– L’apprentissage en ENF est relativement “lent”.
– Le niveau initiation des élèves est manifestement le plus prépondérant. La grande majorité des élèves
relève du premier niveau d’apprentissage ou d’initiation.

336
– L’apprentissage reste principalement concentré sur le niveau initiation (niveau 1) de l’Arabe, et faible-
ment sur les mathématiques et encore moins sur le français.
– Les compétences de base liées à l’écriture sont celles qui sont les plus développées au détriment des
compétences liées à la langue et expression, tandis qu’en mathématiques les compétences relevant de
l’analyse et du positionnement dans le temps et l’espace sont faiblement développées. » (20)

IV. Quelques expériences réussies

En comparant le Maroc avec d’autres pays qui ont à peu près le même niveau de développement et qui
ont connu aussi le même phénomène d’analphabétisme, on note- selon une étude élaborée par Taoufik Mou-
line (21) – des écarts significatifs entre le Maroc et ces pays dans le domaine de l’analphabétisme des
adultes de plus de 15 ans. En 1970, le Maroc avait le taux d’analphabétisme des adultes le plus élevé de
l’échantillon (80,2 %), la Tunisie (76,6 %) et l’Egypte (68,4 %). Certains pays, par contre, affichaient déjà des
niveaux d’analphabétisme inférieurs à 10 %. Il s’agit de la Pologne (1,8 %) de l’Espagne (8,46 %) au début
des années 70, ainsi que de la Grèce (9,9 %) et du Chili (9,3 %) dès 1978, ce qui rend leur comparaison avec
le Maroc peu significative.
En 2001- dans le cadre toujours de la comparaison- le Maroc avait le taux d’analphabétisme le plus élevé
de l’échantillon (50,2), suivi de l’Egypte (43,9 %).
Le taux d’analphabétisme a baissé dans tous les pays de l’échantillon aussi bien pour les hommes que
pour les femmes. Cependant, il semble que, parmi les pays de l’échantillon, le Maroc constitue le seul où la
différence du taux d’analphabétisme entre les hommes et les femmes s’est accentuée de 1970 à 2001, pas-
sant de 23,7 à 25,4 points. Cet indicateur a diminué, entre-temps, en Jordanie de 35,5 points à 10,2 points ,
en Grèce de 15,7 points à 2,5 points et en Egypte de 29,6 points à 22,4 points.
Concernant l’analphabétisme parmi les jeunes de 15 à 24 ans, le Maroc et l’Egypte sont les plus concernés
avec des taux respectifs de 31,6 % et de 29,5 % en 2001. Pour la même année, le taux d’analphabétisme
des jeunes s’est établi à 8,5 % pour l’Afrique du Sud, 6,2 % pour la Tunisie, 3,3 % pour la Turquie, 2,8 %
pour le Mexique, 2,3 % pour la Malaisie et moins de 1 % pour les autres pays de l’échantillon.
Selon Michel Welmond (expert de la Banque Mondiale), historiquement les seules campagnes qui ont
connu une réussite certaine et durable sont celles qui ont été conçues selon un modèle dirigiste et qui,
souvent, ont eu recours à des voies autoritaires pour provoquer la participation populaire. Il en est, ainsi, des
campagnes historiques de l’URSS (qui a, toutefois, duré de 1919 à 1936), de celles du Viêt-Nam (de 1945 à
1954 pour le Nord et après 1977 pour le Sud), de Cuba (avril à décembre 1961), du Nicaragua, de la RPD de
Corée, de la Chine, de la Tanzanie, etc.
La plupart de ces campagnes se situaient dans un contexte de transformation profonde de la société et ont
été le fruit d’une volonté politique affirmée (fermeture des établissements scolaires pendant un an à Cuba et
6 mois au Nicaragua, mobilisation de 30 millions de jeunes comme moniteurs en Chine, décret de Lénine de
1919 faisant obligation à tout citoyen soviétique de 8-50 ans d’apprendre à lire et à écrire...).
Il ne s’agit pas de calquer un modèle bien précis. Chaque pays a son contexte socio-économique propre.
Mais on peut citer quelques expériences qui ont connu un processus historique similaire à celui du Maroc,
parmi lesquelles celle de la Tunisie, d’Egypte et d’Indonésie.

337
1. La Tunisie

Depuis 1987 la Tunisie (22) a mis en place une nouvelle stratégie pour l’éducation des adultes. La nouvelle
approche se veut globale et systématique. La formation des adultes se présente comme une extension,
dans le temps et l’espace, du système éducatif. Elle couvre, dans une vision d’ensemble, la formation pro-
fessionnelle, l’alphabétisation, le rattrapage, le perfectionnement et la reconversion. Elle tend à devenir une
éducation permanente. Nous ne pouvons ici donner un aperçu détaillé sur toutes les actions de ce dispositif.
Ce qui importe le plus, c’est la stratégie nationale de lutte contre l’analphabétisme.

1.1. Objectif de la stratégie

Eradiquer, à la fois, l’illettrisme et l’analphabétisme ;


Réduire la disparité entre les taux d’analphabétisme chez les femmes et chez. les hommes et entre les
milieux urbain et rural.
Sur le plan quantitatif, l’objectif est d’éradiquer totalement le phénomène de l’analphabétisme dans la
tranche d’âge des 15-45 ans à l’horizon 2006.
Ces objectifs quantitatifs sont illustrés par un premier programme durant la période du VIIIème Plan (1992-
1996) et ciblant la tranche d’âge des 15-29 ans, et la mise en œuvre du second programme national de lutte
contre l’analphabétisme couvrant la période 1997-2001 et ayant pour cible la tranche d’âge 15-44 ans, avec
priorité pour la femme et la jeune fille en milieu rural et puri-urbain.

1.2. Les principes de la stratégie

Le 3 janvier 1992, un plan national de lutte contre l’analphabétisme a été adopté. Ce plan intègre l’alphabé-
tisation dans la réforme du système éducatif. La nouvelle stratégie procède de deux principes :
– Le droit de tous à l’éducation,
– Ce droit est une créance que la société moderne doit honorer.

En outre, l’analphabétisme est un lourd handicap qui compromet tout à la fois le développement du pays et
la construction d’une société démocratique. C’est pourquoi l’alphabétisation doit aller au-delà de la compé-
tence minimale de l’apprentissage des rudiments de la lecture et de l’écriture et porter son niveau d’exi-
gence à un minimum de développement culturel. Ce qui se traduit par l’intégration dans les programmes
d’alphabétisation de thèmes relatifs à la santé, à l’hygiène, à l’économie, à l’agriculture, à l’environnement,
aux valeurs démocratiques et de droits de l’Homme...etc.
L’alphabétisation, en Tunisie, est orientée vers le développement de l’économie, de la société et de la per-
sonnalité. Elle fait partie de l’effort général pour réunir les conditions d’exercice d’une citoyenneté respon-
sable et de jouissance des droits de l’Homme. Voilà le sens profond de la promotion de l’homme.
Après avoir accordé la priorité à la généralisation de l’enseignement primaire au cours de trois décennies,
et dans le cadre des réformes fondamentales engagées au niveau du développement des ressources
humaines, la Tunisie a décidé de mettre au point une Stratégie Nationale d’Alphabétisation pour compléter la
réforme du système éducatif et celle de la formation professionnelle. Cette volonté politique a été motivée

338
par un constat négatif, dégagé de l’enquête sur la population et l’emploi de 1989, montrant que le taux
d’analphabétisme s’élevait à 37,2 % des Tunisiens âgés de plus de 10 ans.

1.3. Les engagements de la Tunisie

Par ailleurs, ce choix s’inscrit dans les engagements de la Tunisie à appliquer les déclarations, conventions et
recommandations de différentes conférences internationales se rapportant notamment :
– aux Droits de l’Homme ;
– aux Droits de l’Enfant ;
– aux Droits de la Femme ;
– à la déclaration de la Conférence de Jomtien (1990).

C’est au cours du conseil ministériel du 3 janvier 1992 présidé par Le Président de la République, que la
Stratégie Nationale d’Alphabétisation a été adoptée officiellement et qu’il a été décidé que sa mise en
œuvre s’étendrait sur trois plans de développement économique et social (1992 – 2006).
Le Ministère des Affaires Sociales a mis en place une stratégie pour améliorer les conditions d’exercice et
de fonctionnement des structures chargées de l’alphabétisation en développant des mécanismes et des
mesures supplétifs favorisant :
– La reconnaissance des acquis réalisés au niveau des centres de lutte contre l’analphabétisme et de leur
certification ;
– L’établissement de passerelles assurant, le lien entre les différents secteurs éducatifs (formel, non-
formel et informel) , l’élimination de tout genre de barrières, en veillant à ce que les analphabètes et / ou
les nouveaux apprenants aient la possibilité de poursuivre leurs études au-delà de leur formation initiale ;
– La mise au point de méthodes de reconnaissance des apprentissages et des acquis en matière d’alpha-
bétisation et d’homologation de sa certification ;
– L’adoption d’une législation, des politiques et des mécanismes de coopération avec tous les partenaires
concernés afin de rendre plus aisé l’accès à l’éducation de base pour adultes ;
– L’intégration de l’alphabétisation dans les projets de développement économique et social ainsi que
l’acquisition des compétences fondamentales liées à un « savoir faire utile » (dont les adolescents et les
adultes ont besoin dans la vie quotidienne et dans leur travail, ainsi que pour améliorer la qualité de vie).
– L’amélioration de la qualité des programmes d’alphabétisation et de leur efficacité interne, et ce en :
R élaborant un système d’évaluation se référant aux compétences de base en matière d’alphabétisation ;
R développant, dans une perspective d’éducation tout au long de la vie « des méthodes novatrices de
l’enseignement et d’apprentissage faisant appel notamment aux technologies interactives et aux
méthodes inductives qui supposent une coordination étroite entre l’expérience personnelle, les
besoins fondamentaux de l’apprenant et les exigences de la vie socio-économique du pays.
R améliorant le recrutement du personnel alphabétiseur, en lui assurant une meilleure formation initiale
tant au niveau du contenu qu’à celui des méthodes, afin de garantir la qualité minimale exigée.

339
1.4. Analphabétisme en Tunisie : 1989-1994

Se référant aux résultats de l’enquête nationale sur la population et l’emploi de 1989 et ceux du recense-
ment général de la population et de l’habitat de 1994 (Institut National de la Statistique) l’état de l’analphabé-
tisme a évolué comme suit grâce aux efforts de scolarisation, d’alphabétisation et de la lutte contre l’échec
scolaire :

Analphabétisme (10 ans et plus) : taux global

Année 1989 1994


Taux 37.2 % 31.7 %

Analphabétisme selon le genre (taux)

Année 1989 1994


Homme 26.4 % 21.3 %
Femme 48.3 % 42.3 %

Analphabétisme selon le milieu (Taux)

Année 1989 1994


Milieu Urbain 27.7 % 22.8 %
Milieu Rural 51.7 % 46.2 %

Analphabétisme selon l’âge (Taux)

1989 1994
10-14 ans 8.3 % 6.3 %
15-19 ans 13.7 % 9.6 %
20-24 ans 21.6 % 15.3 %
25-29 ans 23.5 % 23.3 %

1.5. Principes fondamentaux de la Stratégie Nationale d’Alphabétisation


(S.N.A)

– Adhésion de la population cible aux programmes qui lui sont destinés et qui tiennent compte des
besoins des intéressés et de leurs ambitions ;
– L’intégration de la lutte contre l’analphabétisme aux programmes de développement s’est développée
grâce à une coordination avec le système éducatif (lutte contre l’échec scolaire), les programmes de
développement économique et social et les programmes destinés à la promotion des catégories
sociales défavorisées ;

340
– Partenariat dans la mise en œuvre de la SNA dans le cadre d’un système de réseaux d’institutions et
d’associations afin de réduire les coûts et de consolider l’engagement des partenaires.

1.6. Réalisations de la SNA : 1993-1997 sur le plan quantitatif

Les centres d’alphabétisation et les effectifs des apprenants ont évolué, depuis la mise en œuvre de la
nouvelle stratégie nationale d’alphabétisation, en 1993, comme suit :

Année Scolaire Nombre de centres Nombre d’apprenants


1993-1994 153 4505
1994-1995 433 17.0 63
1995-1996 485 16.831
1996-1997 663 17.637
1997-1998 695 17.800
1998-1999 583 14.749
1999-2000 888* 23.895*
* Estimations.

Sur le plan qualitatif


Élaboration et production de :
– Guides méthodologiques des enseignants ;
– Manuels des apprenants ;
– Outils de planification, de suivi et d’évaluation ;
– Documents de formation des intervenants ;
– Spots et clips TV de sensibilisation à la SNA ;
– Création de mécanismes de conception, de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation de la SNA ;
– Création du Conseil National de l’Alphabétisation (auprès du Ministre des Affaires Sociales) ;
– Création de 23 Commissions Régionales d’Alphabétisation (auprès des 23 Gouverneurs du pays) ;
– Environ 260 commissions locales auprès des Délégués ;
– Création de commissions techniques spécialisées pour le suivi des projets et des programmes.

Pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés pour la Stratégie Nationale d’Alphabétisation (S.N.A), le Minis-
tère des Affaires Sociales s’est engagé, dès la mise en œuvre du 1er programme national d’alphabétisation
(1992/1996), et à la lumière des résultats obtenus lors de la réalisation des deux études sur les motivations,
les aspirations et les besoins et sur la capacité des centres, à veiller à encourager les analphabètes à s’ins-
crire aux cours d’alphabétisation et à développer une approche globale et intégrée d’alphabétisation.
Cette nouvelle approche intégrée vise, à travers les activités d’alphabétisation organique, l’initiation à des
habiletés de la vie quotidienne, la communication sociale et les thèmes qu’elle recouvre , à satisfaire les
besoins éducatifs considérés comme étant fondamentaux .
Parmi les thèmes des curricula d’alphabétisation se rapportant au niveau de base et au niveau complémen-
taire, nous citons à titre d’exemple : la citoyenneté, la vie socio-économique, la santé et l’environnement.
Ces curricula visent, entre autres, à développer et à promouvoir chez le citoyen tunisien les attitudes, les

341
valeurs, les habiletés, les compétences et les comportements nécessaires à l’amélioration de la qualité de
vie pour pouvoir vivre dans la dignité et continuer à apprendre.

2. L’Égypte

Selon Carolyn Winter (Banque Mondiale) (23) le programme des écoles communales est lancé en 1993
appuyé par les Hautes Autorités avec le soutien de l’UNICEF et l’ACDI (Agence Canadienne de Développe-
ment International)

2.1. Objectif

– Permettre aux filles non scolarisées des petites communautés rurales des gouvernorats les plus pauvres
l’accès à une éducation de base de haute qualité.

2.2. Population cible

– Filles non-scolarisées de 6 à 12 ans.

2.3. Cursus scolaire

– Utilisation du cursus scolaire élémentaire,


– Classes multi-niveaux mélangeant les âges,
– Mise en valeur de l’apprentissage au moyen d’activités pratiques,
– Manuels scolaires et matériel pédagogique modèles sur des textes éducatifs.

2.4. Résultats et Évaluations

– 95 % des élèves qui ont terminé le cycle primaire,


– 92 % des élèves qui ont terminé le cycle primaire poursuivent des études préparatoires,
– 77 % des élèves de deuxième année passent au niveau supérieur,
– 78 % des élèves de 4e année passent au niveau supérieur,
– La participation des filles est limitée par les travaux ménagers,
– Résultats compatibles avec les limites budgétaires pour engager du personnel et pour se déplacer,
– Distribution restreinte du matériel pédagogique du fait des limites budgétaires.

342
2.5. Leçons tirées

– Une adaptation efficace du cursus scolaire est possible,


– La formation continue des enseignants et du personnel scolaire est importante,
– Le contrôle et l’évaluation continus sont essentiels,
– La participation de la communauté a permis d’assurer une certaine efficacité,

3. L’ Indonésie

Le projet de l’éducation non-formelle lancé en 1991 en Indonésie (24) est basé sur une longue tradition de
programmes non-formels.

3.1. Objectifs

– Maintenir une éducation de base de neuf ans,


– Assurer aux analphabètes et néo-alphabètes âgés de 7 à 44 ans l’équivalent d’une éducation primaire et
de la première partie du secondaire,
– Donner aux personnes en formation les compétences nécessaires pour produire des revenus,
– Cibler les plus pauvres dans les campagnes,
– Cibler les femmes.

3.2. Organisation

– Direction de l’éducation hors cadre scolaire, ministère de l’éducation,


– Administrateurs régionaux responsables des contrôleurs de districts et des exécutants des sous dis-
tricts,
– Agences gouvernementales.

3.3. Cursus

3 programmes :
– Alphabétisation élémentaire pour le niveau primaire,
– Forfait intensif pour le niveau primaire,
– Programme pour la première partie du secondaire,
R Programmes d’acquisition des compétences nécessaires pour produire des revenus,
R Livrets spéciaux et matériel pédagogique gratuits,
R Des « bourses d’apprentissage » sont offertes aux groupes.

343
3.4. Résultats

– Programmes de base : cible 900.000, atteint 2.9 millions,


– Programme intensif : cible 600.000, atteint 855.467,
– Compétences nécessaires pour produire des revenus : cible 300.000, atteint 1.118.000,
– Environ 60 % des personnes formées étaient des femmes.

3.5. Leçons tirées

– L’éducation non-formelle a besoin d’investissements récurrents forts mais de coûts d’investissement


faibles,
– Une seconde chance d’apprendre associée à un programme d’acquisition de compétences pratiques est
la formule qui attire le plus de candidats,
– La participation des ONG est importante dans la formation des compétences nécessaires pour produire
des revenus,
– Le manque de personnel sur le terrain entrave le progrès des activités,
– Des salaires corrects et des subventions de transport sont nécessaires,
– Il faut garantir une approche adaptée à la personne qui apprend.

V. Pistes de progrès de 2005 à 2025

1. Les facteurs de persistance de l’analphabétisme au Maroc

Une complexité de facteurs intervient dans la persistance de la situation actuelle, ce qui contribue forte-
ment à la permanence de l’analphabétisme dans la société marocaine. Parmi ces facteurs on peut noter ce
qui suit :
– L’héritage de la période coloniale se caractérise dans le domaine de l’éducation et en particulier dans
celui de la scolarisation par le nombre restreint d’enfants acceptés dans les écoles. La plupart des anal-
phabètes d’aujourd’hui, surtout dans le milieu rural, sont des personnes nées dans les années quarante ;
– La négligence de la composante « lutte contre l’analphabétisme » dans les décisions politiques et aussi
de son rôle dans la réussite des projets de développement socio-économique du pays surtout depuis les
années soixante. Ce n’est qu’ en 1980 qu’un service d’alphabétisation des adultes a été créé au sein du
Ministère de l’Artisanat. Il faudra attendre 1997 pour voir créer une Direction de la Lutte contre l’analpha-
bétisme au sein Ministère de l’Emploi et des Affaires Sociales. Ensuite au mois de novembre 2002, un
Secrétariat d’État auprès du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse Chargé de l’Alphabéti-
sation et de l’Éducation Non Formelle est créé au sein du Gouvernement ;

344
Ceci explique la lenteur des décisions qui ont affecté ce domaine vital et décisif dans la contribution au pro-
grès dans sa dimension globale.
– Le rythme de la généralisation de la scolarisation a beaucoup influé sur l’évolution de l’alphabétisation et
partant sur la régression de l’analphabétisme. Cet objectif qui est encore loin d’être atteint, surtout dans
le monde rural, rejette des centaines de milliers de personnes de plus dans les rangs des analphabètes ;
– La qualité des services offerts au public cible dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme ne leur
permet pas l’acquisition des compétences de base en lecture,en écriture et en calcul ;
– L’absence d’une stratégie claire de lutte contre l’analphabétisme avec des objectifs bien définis et des
moyens de réalisation convenables. La première stratégie adoptée dans ce domaine n’a été proposée
qu’en 1997.
– L’absence d’une stratégie rigoureuse de post-alphabétisation qui a pour conséquences d’empêcher les
néo-alphabètes de retourner, une deuxième fois, dans l’analphabétisme. Cette situation nécessite une
intervention urgente et professionnelle, auprès des services concernées, afin d’y remédier ;
– Au vu du poids de l’analphabétisme qui touche les populations, les moyens financiers engagés par l’État
sont insuffisants pour répondre à des actions d’alphabétisation efficaces et rentables ;
– L’absence d’un projet sociétal clair dans ses finalités et ses objectifs pendant des décennies n’a pas per-
mis aux uns et aux autres (surtout les ONG, les syndicats, les partis politiques) de s’engager dans des
actions de lutte contre l’analphabétisme ;
– Le manque de professionnalisme dans la gestion du dossier de l’alphabétisation sur le plan administratif
ou pédagogique ne permet pas d’atteindre les objectifs escomptés.

2. Les recommandations générales

Les diverses recommandations que nous allons proposer dans le cadre de cette étude auront comme base
les conclusions tirées des données et informations recueillies par l’analyse de ce qui suit :
– Les orientations royales à propos de la lutte contre l’analphabétisme ;
– Les stratégies et plans d’action élaborés et appliqués par la Direction de la Lutte Contre l’Analphabé-
tisme, et la Direction de l’Éducation Non Formelle ;
– Le programme de l’éducation non formelle – Rapport général – Juin 2002 – MEN-Direction de l’Éduca-
tion Non Formelle ;
– Trois études initiées par la banque mondiale réalisées par des experts nationaux et internationaux
concernant la lutte contre l’analphabétisme et l’éducation non formelle au Maroc ;
– Quelques expériences internationales réussies dans le domaine de la lutte contre l’analphabétisme, la
formation des adultes et l’éducation non-formelle notamment en Tunisie, en Egypte et en Indonésie ;
– Des écrits d’ordre théorique et pratique concernant le même sujet choisis pour apporter des solutions
aux facteurs de persistance de l’analphabétisme au Maroc.

Ces recommandations ne sont ni séparées l’une de l’autre, ni hiérarchisées par ordre de priorité, mais,
elles seront présentées dans le cadre d’une vision globale et prospective qui permettra, par leur application,
de dépasser la situation actuelle et d’éradiquer l’analphabétisme au Maroc d’ici l’an 2025.

Les grands principes qui ont orienté notre réflexion dans le choix de ces recommandations sont :
– La faisabilité ;

345
– L’efficacité ;
– La cohérence.

Ces recommandations sont :


– L’action à mener pour améliorer les modes d’intervention des programmes d’alphabétisation et pour leur
donner l’efficacité voulue, consiste à agir en même temps sur cinq niveaux : au niveau de l’alphabétisa-
tion, au niveau de la post-alphabétisation, au niveau de l’éducation non formelle, au niveau des res-
sources humaines et au niveau du financement ;
– Orienter l’intervention du Ministère de l’Éducation Nationale sur la population non scolarisée de
9-11 ans. L’objectif de ce recentrage est de donner une deuxième chance à cette population par sa mise
à niveau et sa réintégration dans le système formel, contribuant à la généralisation de la scolarisation.
L’appareil et les ressources humaines du MEN seraient mobilisés pour la réussite de cette opération.
– Développer un programme spécifique pour la population des 12-15 ans dans le cadre d’une formule de
type « alphabétisation-apprentissage d’un métier ». Cette formule serait développée par les autorités
compétentes, à savoir la Direction de l’Éducation Non Formelle, et serait confiée a des opérateurs moti-
vés tels que :
R Les ONG ;
R Les opérateurs publics offrant une prestation aux clientèles cibles ;
R Les secteurs économiques organisés intéressés (chambres d’artisanat et autres...).
– Inviter les collectivités locales, dans le cadre de la décentralisation, d’une manière claire et responsable
et dans le cadre d’un projet global de développement à élaborer un plan d’action en concertation avec
toutes les parties concernées pour lutter contre l’analphabétisme ;
– Développer un partenariat entre l’État et la société civile afin de faire jouer aux ONG un rôle plus impor-
tant en matière de développement durable. Il s’agira d’appuyer les ONG pour développer leurs capacités
de conception et de mise en œuvre de solutions visant l’amélioration du capital social des populations
cibles ;
– Veiller à l’établissement de passerelles assurant le lien entre les différents secteurs éducatifs (formel,
non-formel), l’élimination de tout genre de barrières, en veillant à ce que les analphabètes et / ou les nou-
veaux apprenants aient la possibilité de poursuivre leurs études au-delà de leur formation initiale ;
– Revoir, en fonction de l’expérience d’autres pays, la durée de formation actuelle qui est jugée insuffi-
sante pour prétendre alphabétiser les bénéficiaires. Une enveloppe horaire de 500 heures au lieu de
200 heures appliquée actuellement garantira forcément la maîtrise des compétences de base par les
bénéficiaires ;
– Instaurer des mécanismes de suivi et d’évaluation aussi bien de la qualité de la formation que des
modes d’organisation et de gestion du programme d’alphabétisation particulièrement au niveau local
devient une nécessité urgente pour garantir la rentabilité et l’efficacité des actions entreprises ;
– Considérer les ONG comme étant partie prenante dans les programmes d’alphabétisation en les invi-
tant, d’une manière ou d’une autre, à participer dans la détermination des contenus, les niveaux de
compétence de ces programmes les conditions d’intervention pédagogique en tenant compte de leurs
expériences et des connaissances dont elles peuvent faire preuve ;
– Impliquer dans le financement des programmes, à côté de l’effort de l’État, toutes les fondations, les
entreprises, les bailleurs de fonds et autres dans des projets d’alphabétisation ciblés accompagnés de
systèmes de suivi et d’évaluation ;
– Mettre à la portée des personnes alphabétisées une infrastructure qui facilite leur accès au matériel de
lecture et d’écriture nécessaire pour la consolidation des acquis et qui leur permette d’élargir l’horizon de
leurs connaissances (journaux, magazines, émissions télévisées...) ;

346
– Encourager la recherche dans le domaine de la lutte contre l’analphabétisme et la formation des adultes
en fonction du contexte propre à chaque région et des projets mis en œuvre.

Les domaines qui paraissent retenir l’attention concernent :


– Les causes et les conséquences de l’analphabétisme ;
– L’impact de l’alphabétisation (utilisation des acquis) ;
– Les relations entre l’alphabétisation et les différents aspects du développement ;
– L’étude des facteurs favorisant ou entravant les actions d’alphabétisation, en fonction d’une situation
politique, socio-économique et culturelle donnée ;
– Les problèmes de motivation et de participation ;
– L’utilisation des langues nationales comme facteur de sauvegarde de l’identité culturelle et l’étude de
solutions à apporter aux aspects linguistiques de l’alphabétisation ;
– Les paramètres intervenant dans l’optimisation des coûts ;
– L’inventaire des méthodes utilisées dans la formation du personnel de l’alphabétisation et pour la prépa-
ration du matériel didactique ;
– Les stratégies et contenus de la post-alphabétisation ;
– Le rôle et les modalités d’utilisation des moyens de communication de masse dans la motivation des
jeunes et des adultes à l’égard de l’alphabétisation, dans l’apprentissage et dans la formation des ins-
tructeurs, etc.

Conclusion

Selon ce qui a été réalisé jusqu’à présent dans le domaine de la lutte contre l’analphabétisme, il est bien
clair que les approches adoptées jusqu’en (2004) n’ont permis et ne permettront ni l’atteinte des objectifs
énoncés dans la charte de l’éducation et de la formation, ni l’aboutissement à l’éradication de l’analphabé-
tisme en 2025.

Les décisions qui ont été prises ainsi que les approches adoptées dans ce domaine se caractérisaient par
ce qui suit :
– Absence d’une vision claire concernant le secteur de l’alphabétisation depuis les années soixante
jusqu’à l’avènement de la charte d’éducation et de formation qui l’a situé dans le contexte global de la
réforme de l’enseignement ;
– L’improvisation à cause du manque d’études sérieuses sur lesquelles se basera toute réflexion
consciente et réfléchie ;
– La priorité donnée au quantitatif au détriment du qualitatif, ce qui entraîne des impacts négatifs sur la
qualité des apprentissages.
– Absence de données fiables sur le nombre d’analphabètes et sur le type d’analphabétisme existant au
Maroc ;
– Manque d’imagination et de courage dans la gestion du dossier de l’analphabétisme, ce qui conduit à
une gestion administrative centralisée et lente ;
– Absence de dispositif central, régional et local de suivi et d’évaluation permettant l’obtention d informa-
tions fiables et rationnelles ;
– Manque du professionnalisme nécessaire en raison de la complexité et des spécificités des compo-

347
santes du dossier (andragogie, élaboration des manuels, formation des formateurs et des superviseurs,
gestion des ressources humaines et financières, recherche des partenaires).
– Faible intérêt accordé aux travaux de recherche scientifiques pouvant guider et enrichir la réflexion des
décideurs ;
– Etc.

Ces remarques nous ont permis de proposer le scénario suivant :


1. Les principes du scénario :
La rationalisation ; la concertation ; la coordination ; la qualité.
2. Les objectifs sont :
– Réduire le taux global de l’analphabétisme à moins de 20 % d’ici 2015 ;
– L’éradiquer d’ici 2025.
3. Condition de réalisation de ces objectifs :
L’atteinte de ces objectifs passe obligatoirement par ce qui suit :
– La généralisation d’un enseignement fondamental de qualité. Il est urgent de scolariser tous les enfants
qui ont l’âge de la scolarisation et de leur offrir une scolarisation de qualité. Tout enfant qui quitte l’école
sans maîtrise de compétences de base ou qui n’est pas passé par l’école, sera l’analphabète de demain ;
– L’orientation de l’intervention du Ministère de l’Éducation Nationale sur la population non scolarisée de
9-11 ans. L’objectif de cette action est de donner une deuxième chance pour cette population par sa
mise à niveau et sa réintégration dans le système formel, contribuant à la généralisation de la scolarisa-
tion. L’appareil et les ressources humaines du MEN seraient mobilisés pour la réussite de cette opéra-
tion ;
– Le développement d’un programme spécifique à caractère professionnel pour la population des 12-
15 ans ;
– L’implication sans réserve de l’entreprise dans les actions de lutte contre l’analphabétisme fonctionnel ;
– L’implication de la société civile dans des projets d’alphabétisation intégrés assurant en même temps
l’acquisition des compétences de bases (écriture, lecture, et calcul) et des habilités professionnelles
axées sur des activités génératrices de revenus ;
– L’implication des collectivités locales et des différents élus et intervenants sociaux aux niveaux régional
et local dans des plans d’action de lutte contre l’analphabétisme ;
– La mise en place d’un place un dispositif de suivi et d’évaluation qui permettra de détecter les points
forts et les points faibles du système ;
– La mise en place d’un système de post-alphabétisation adéquat qui permettra la consolidation des
acquis ;
– L’organisation du programme de lutte contre l’analphabétisme selon les besoins du public- cible, ses dis-
ponibilités, ses spécificités et ses capacités ;
– La mise en place d’infrastructures d’accueil qui doivent être à la disposition du public- cible pendant des
moments opportuns ;
– L’application du professionnalisme par le biais de la formation selon le poste de travail (décideurs, éva-
luateurs, formateurs, superviseurs...)

348
4. Le programme pédagogique :
Le programme de formation ne doit par être le même pour tout le monde. Pour qu’il soit efficace il
doit prendre en compte l’âge et les spécificités du public cible. Il doit assurer ce qui suit :
– La maîtrise des compétences de base (lecture, écriture et calcul) ;
– L’éducation aux droits de l’homme, de l’enfant et de la femme ;
– L’éducation aux valeurs de la citoyenneté ;
– L’initiation à des habilités génératrices de revenus et d’élaboration de projets ;
– L’éducation sanitaire, de la gestion de l’économie familiale, de la protection de l’environnement....
– Etc.
5. L’organisation des apprentissages :
Pour assurer un rendement meilleur des apprentissages, il est important de revoir l’organisation du public
cible selon les tranches d’âge, l’enveloppe horaire, car il y a des tranches auxquelles il faut accorder plus
d’intérêt.
– Les tranches d’âge :
R 1re tranche d’âge r de 15 à 25 ans.
R 2e tranche d’âge r de 25 à 45 ans.
R 3e tranche d’âge r plus de 45 ans.
– L’enveloppe horaire :
R 1re tranche d’âge : 10 h/s r 40 h/mois-20 mois
R 2e tranche d’âge : 8 h/s r 32 h/mois-18 mois
R 3e tranche d’âge : 6 h/s r 24 h/mois-16 mois
– Estimation de bénéficiaires chaque année :
R 1re tranche d’âge r 100.000 personnes.
R 2e tranche d’âge r 150.000 personnes.
R 3e tranche d’âge r 250.000 personnes.
– Les sources de financement :
R L’État
R Les entreprises par contrats spéciaux de formation.
R Les divers bailleurs de fonds : BIRD.BAD.BID...
R La coopération bilatérale : France, Canada,.....
R Les collectivités locales.
R Divers partenaires et intervenants.
– Le dispositif de suivi et d’évaluation :
R Le ministère de tutelle.
R Groupe technique central avec des missions bien précises.
R Groupe technique régional avec des missions bien précises.
R Groupe technique local avec des missions bien précises.

Pour donner plus de fiabilité et de sérieux aux informations et aux données recueillies il est nécessaire
d’avoir recours au programme d’évaluation et de suivi de l’alphabétisation (LAMP/PESA) qui est une initiative
qui vise à développer et à mener une enquête pour mesurer un éventail de niveaux d’alphabétisation dans les
pays en développement. Il est élaboré par l’Institut de Statistique de l’Unesco en coopération avec des
agences internationales et des experts techniques.

349
Bibliographie

1. Bénédicte Terryn, le poragramme d’évaluation et de suivi de l’analphabétisme : contexte et démarche,


Institut de Statistique de l’Unesco, Paris. www.unesco.org
2. Charte de l’éducation et de formation. COSEF. Maroc
3. Omar Kane. Expert à l’UNESCO. Document non diffusé.
4. Ahmadullah MIA, évaluation et réflexions sur la situation au Bangladesh, communication in colloque
scientifique international sur l’évaluation des niveaux de compétence, Lyon, France, Novembre 2003.
5. Colin Power. UNESCO press.1998. www.unesco.org/opi/unescopress/98
6. Federico Mayor le directeur général de l’UNESCO. Message du 8 septembre 1997.
7. Lettre royale envoyée au congrès de la Ligue Marocaine de l’Éducation de Base et la Lutte Contre l’Anal-
phabétisme, Mars 2000.
8. Document sur la stratégie nationale d’alphabétisation en Tunisie.(www.tunisie.com /societe/action)
9. Programme de l’éducation non formelle – Rapport général – Juin 2002 – MEN- – Direction de l’Éducation
Non Formelle.
10. Discours royal d’ouverture du parlement, Octobre1999.
11. Discours royal de la fête du trône, 30 Juillet 2002.
12. Discours royal prononcé par Sa Majesté le Roi à l’occasion du 51e anniversaire de la Révolution du Roi et
du Peuple, 20 Août 2004.
13. Documents : Direction de la lutte Contre l’Analphabétisme.
14. Abdelkader Baina, Le système de l’enseignement au Maroc, Editions Maghrébines, Casablanca,
1981.P :162.
15. Alphabétisation au Maroc : Bilan d’enquête et analyse. Etude élaborée par Larbi Ibaquil en 1994. Direc-
tion de la lutte contre l’analphabétisme.
16. Michel Welmond, journal Al Alam, no 19993 du 20/02/2005,P :1
17. Évaluation des programmes d’alphabétisation des adultes au Maroc. Etude élaborée par Michel Wel-
mond en 2002. Direction de la lutte contre l’analphabétisme.
18. Secrétariat d’État chargé de la lutte contre l’analphabétisme et de l’éducation non formelle, stratégie de
lutte contre l’analphabétisme et l’éducation non formelle, septembre 2004.
19. Programme de l’éducation non formelle – Rapport général – Juin 2002 – MEN- Direction de l’Éducation
Non Formelle.
20. Évaluation des écoles non formelles au Maroc. Etude élaborée par Abdelhak Moutawakkil en 2003.Direc-
tion de l’Éducation Non Formelle.
21. Taoufik Mouline, étude comparative en éducation concernant plusieurs pays. (document interne)
22. Documents sur l’éducation en Tunisie consulté sur Internet. . (www.tunisie.com/societe/action)
23. Carolyn Winter, système d’éducation non formelle : Divers modèles de pays et leçons de leurs expé-
riences. Séminaire national sur l’éducation non formelle, Rabat, les 26 et 27 Février 2001.
24. Carolyn Winter.Ibid.

350
Savoir, Technologie et Innovation

Introduction générale ........................................................................................353


1. Genèse .............................................................................................................353
1.1. Le legs colonial .........................................................................................353
1.1.1. Des centres de recherche pour une science
appliquée ..........................................................................................354
1.1.2. Peu ou pas de formation à la recherche .....................................355
1.2. L’inversion des pôles: montée en puissance
de l’enseignement supérieur après l’Indépendance
(1956-1986) .................................................................................................356
1.2.1. L’Université ........................................................................................356
1.2.2. Les Grandes Écoles .........................................................................357
1.3. Recherches académique et technologique :
développements séparés ........................................................................358
1.3.1. Expansion et massification des Universités (1980-1990) :
la dynamique académique ............................................................358
1.3.2. Amplification du secteur « technologique » ...............................359
2. État des lieux ....................................................................................................361
2.1. L’organisation d’ensemble et la coordination ......................................361
2.2. Principaux lieux de production ..............................................................362
2.3. Les effectifs ...............................................................................................363
2.3.1. Les Compétences opérationnelles ..............................................363
2.3.2. L’« entretien des compétences et du savoir » ............................365
2.4. Financement de la recherche scientifique ..........................................366
2.5. Production .................................................................................................367
2.6. Les coopérations ......................................................................................369
2.7. Appropriation et maîtrise de la technologie ........................................370
2.7.1. Importation des biens d’équipement ............................................370
2.7.2. Normalisation ...................................................................................371
2.7.3. Investissements Directs Étrangers (IDE) .....................................371
2.7.4. Brevets d’invention ..........................................................................372
2.7.5. Exportations des biens d’équipement ..........................................373
2.7.6. Secteur de l’ingénierie ....................................................................374

351

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3. Perspectives à l’horizon 2025 .......................................................................375
3.1. Les objectifs dans le contexte actuel ...................................................375
3.1.1. Renforcer l’articulation recherche, innovation,
maîtrise des technologies existantes et
développement du pays...................................................................375
3.1.2. Augmenter le potentiel et surtout la productivité
de la recherche ................................................................................376
3.1.3. Limiter les conséquences négatives de la mondialisation
du marché de la recherche et en capter toutes
les opportunités ................................................................................376
3.2. Les savoirs à l’université, quelle perspective ? ..................................377
3.2.1. La dynamique prévisible de l’ensemble du système
éducatif .............................................................................................377
3.2.2. Évolutions annoncées ou en cours au niveau
de l’enseignement supérieur lui-même ......................................378
3.2.3. Les conséquences de la structuration actuelle
du secteur de la recherche ...........................................................381
3.2.4. Les activités et réformes complémentaires à mettre
en œuvre pour atteindre les objectifs fixés au système
de recherche ...................................................................................382
3.3. Les savoirs et l’innovation dans l’entreprise,
quelle perspective ? .................................................................................384
3.4. Le rapprochement université entreprise, quelle stratégie ? .............386

Conclusion ...........................................................................................................387
Sources et bibliographies..................................................................................388

SAÏD BELCADI
JEAN-PIERRE JAROUSSE
MINA KLEICH

352

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Introduction générale

Ce rapport s’inscrit dans la réflexion souhaitée par Sa Majesté le Roi concernant 50 ans de développement
humain au Maroc et explorant les perspectives dans ce domaine à l’horizon 2025. Il constitue une contribu-
tion à la thématique « Systèmes éducatifs, Savoir, Technologie et Innovation » en s’intéressant plus parti-
culièrement aux secteurs de la recherche, de la technologie et de l’innovation.

Ce travail s’articule autour de trois parties :


– Une rétrospective historique du développement de la science et de la technologie du début du XXe siècle
à nos jours.
– Un état des lieux qui met en évidence les forces et les faiblesses du système de recherche et celles du
secteur technologique.
– Les perspectives d’évolution de ces secteurs à l’horizon 2025.
Traiter de ces questions dans un pays qui connaît de profonds changements socio-économiques n’est pas
une chose aussi aisée que pour un pays qui dispose de fortes traditions dans ces domaines, d’autant que le
sujet à traiter est clairement à la confluence de travaux d’autres groupes thématiques concernant l’évolution
et la structuration de l’économie, l’enseignement,...
Aussi avons-nous axé la réflexion autour des questions les plus saillantes qui ont pour objectif de consoli-
der le secteur de la recherche pour en faire un véritable outil de développement. Dans le chapitre consacré à
la prospective, plus que des scénarios chiffrés, le travail a consisté à identifier et analyser les leviers qu’il
conviendra d’actionner à l’avenir permettant ainsi aux planificateurs d’intégrer ces éléments dans leurs scé-
narios prospectifs, d’en évaluer la cohérence avec les actions proposées pour les mêmes secteurs dans
d’autres groupes thématiques et d’en mesurer le coût et, éventuellement, les conséquences.
L’organisation et les orientations de l’activité scientifique et technologique sont tributaires en chaque lieu
de circonstances historiques. Au Maroc, la recherche scientifique et le développement technologique n’ont
jamais été au centre des politiques de développement national. Pourtant, ils subissent depuis peu un regain
d’intérêt de la part du gouvernement. L’objectif, ici, est de retracer l’histoire de la recherche scientifique et
du développement technologique au Maroc surtout depuis l’indépendance, afin de mieux appréhender le
contexte dans lequel s’inscrit aujourd’hui l’émergence d’une politique pour la science et la technologie.

1. Genèse

1.1. Le legs colonial

L’entrée du Maroc dans la science moderne a pour origine sa mise sous protectorat français dans la pre-
mière décennie du siècle dernier. La recherche scientifique d’alors a été pensée et organisée pour servir le

353
projet colonial. Considérée comme un instrument pour la mise en valeur du territoire nouvellement acquis,
elle a permis l’inventaire de ses richesses et la collecte de données sur la population autochtone. Ainsi, elle a
d’un côté, mis à la disposition des colons et des hommes d’affaires des données pour faire fructifier écono-
miquement le pays et, de l’autre, elle a fourni à l’administration des informations sur « l’indigène » pour
mieux le discipliner et le rendre à même de faciliter la colonisation.

1.1.1. Des centres de recherche pour une science appliquée.


Cette production coloniale de sciences résulte d’un dispositif de recherche colonial (car il en est un) tourné
très vite vers la recherche appliquée. Il est surtout consacré aux domaines de la santé et de l’agriculture. Il
prend essentiellement la forme de centres de recherche (Tableau 1), qui sont placés sous tutelle de services
techniques du Protectorat. Ces Centres emploient des chercheurs fonctionnaires à plein temps, issus de la
métropole où ils ont été formés.
– Les Instituts Pasteur de Tanger puis de Casablanca mènent quelques recherches fondamentales (en par-
ticulier à propos de la rage, Kleiche 1994) ;
– En agriculture, l’administration organise autour d’une discipline « nouvelle », la génétique, ses services
de recherche. Les premiers jardins d’essais, stations d’essais et fermes expérimentales sont vite
regroupés au sein du centre expérimental agricole, destiné à sélectionner les céréales (notamment les
blés) (Kleiche 2000 : p.15-16).

Tableau 1. Institutions de Recherche au Maroc sous le Protectorat

Domaine\date de création Jusqu’en 1939 1940-1956

Médical – 1914, laboratoire d’hygiène. Rabat


– 1914, Institut Pasteur, Tanger
– 1932. Institut Pasteur, Casablanca
Agricole – 1914, Jardins d’Essai, Rabat, 1946, Service de la Recherche
Marrakech Agronomique et de
– 1915, Jardin d’Essais, Meknès l’Expérimentation Agricole,
– 1916, Ferme expérimentale, Fès Rabat
– 1919, Centre de l’Expérimentation 1946, L’institut des Pêches
Agricole, Rabat Maritimes
– 1924, Station de Génétique et
d’essais de semences, Rabat
Sciences naturelles 1914, Institut Scientifique Chérifien. Rabat 1945, Institut d’Océanographie, Casablanca
(recherches de base)
Sciences de l’ingénieur 1946, le Laboratoire Public d’Études et
d’Essais (LPEE)
Sciences humaines et sociales 1920, Institut des Hautes Études Marocaines, Rabat
(recherches de base)

Le legs de cette science locale asservie à l’administration ou dépendante de la science métropolitaine, au


pays nouvellement indépendant n’est pourtant pas négligeable, en termes de savoirs accumulés, consignés
et réutilisables. Il est faible en termes d’institutions. Les centres de recherche sont moins nombreux, moins
divers et moins étoffés qu’en d’autres pays du Maghreb. Ils ne constituent un dispositif puissant que dans le

354
domaine agricole, sous la tutelle précise de l’administration correspondante. Là, des modèles de recherche-
développement (voire de « développement scientifique » du monde rural) ont pris une forme durable (Kleiche
2000 : p. 19). Mais en ce domaine comme en d’autres (y compris médical), pratiquement nul chercheur
marocain n’a été formé pour prendre la relève ; et parfois pas même des préparateurs.

1.1.2. Peu ou pas de formation à la recherche

En matière de formation supérieure, la colonisation s’est, en effet, montrée des plus réservées. Le Protec-
torat du Maroc s’en tient tardivement (1928) à établir un Centre d’Études Juridiques à Rabat et à Casablanca,
pour former des licenciés en droit. En 1940, un Centre d’Études Supérieures Scientifiques est en projet. Il ne
fonctionne qu’après la libération. En 1945, une école d’agriculture est fondée à Meknès, pour former des
techniciens agricoles ; et au tournant des années 1950 sont créées l’École Marocaine d’Administration (EMA)
à Rabat, ainsi que trois Écoles d’agriculture de niveau secondaire (elles forment des « moniteurs », chargés
de la vulgarisation) (Tableau 2).

Tableau 2. Institutions d’Enseignement Supérieur au Maroc à l’époque du Protectorat

Domaine\date de création-fermeture Jusqu’en 1939 1940-1956

Sciences humaines et sociales 1928-, Centre d’Études Juridiques, 1948-, L’École Marocaine d’Administration, Rabat
Rabat. Casablanca

Sciences agricoles 1945-, l’École d’Agriculture de Meknès 1950-, École


d’Agriculture de Xavier Bernard, École d’Horticulture de
Meknès, École d’Agriculture de Soueilah

De façon générale, ces établissements ne sont pas destinés à conduire à de hauts diplômes ; ils peuvent
servir de propédeutique à des études supérieures poursuivies en métropole ; mais principalement ils forment
les adjoints techniques dont la colonisation a besoin. Ils sont en outre (du moins au départ) fermés de fait aux
marocains « musulmans ». Lorsque ceux-ci y accéderont plus largement (à partir de 1950) ils se dirigeront
principalement, pour des raisons d’emploi, vers les disciplines littéraires ou juridiques et non scientifiques.
Ces dispositions ne sont pas sans conséquence sur le tour pris par l’enseignement supérieur après l’indé-
pendance (1956).
Il faut ajouter que le Maroc disposait, avant la colonisation déjà, d’un enseignement supérieur musulman.
Celui-ci ne fut pas supprimé. Mais il resta enfermé dans un système de recrutement propre, déconnecté de
toute formation à l’emploi, et de tout enseignement des sciences « modernes ».
Aucune institution de formation médicale ou paramédicale ne vit le jour sous le Protectorat ; pas plus
qu’une formation d’ingénieurs (hors agriculture). Les établissements d’enseignement supérieur sont
embryonnaires, et sans grande culture de recherche. Enfin, la formation d’étudiants dans les Écoles ou Uni-
versités de métropole (ou dans celles d’autres pays étrangers), qui a pu constituer un appoint en d’autres
pays du Maghreb se réduit, ici, à une très faible quantité. Au moment de l’Indépendance, le Maroc dispose à
peine d’une centaine d’ingénieurs (dont moitié en agriculture), d’une vingtaine de médecins et de quelques
pharmaciens (Laberge, 1987 : p. 194).

355
1.2. L’inversion des pôles : montée en puissance de l’enseignement
supérieur après l’Indépendance. (1956-1986)

Or, au moment de l’indépendance, la plupart des techniciens coloniaux quittent le pays. Le gouvernement
marocain se retrouve en charge de toutes sortes d’infrastructures dont le fonctionnement est compromis par
l’absence de cadres, qu’ils soient administratifs, scientifiques ou techniques. La grande affaire est de leur
assurer une formation accélérée et de qualité. C’est à l’Université, aussitôt créée, que la tâche est d’abord
confiée. Le gouvernement national l’édifie (d’abord à Rabat) sur l’embryon d’enseignement supérieur hérité,
qu’il étend prodigieusement. Dans un deuxième temps, un système national spécifique, dit de « formation
des cadres », entreprend de servir les différents secteurs d’activités techniques (Écoles de commerce et
d’ingénierie) ; tandis que l’Université s’élargit encore, et s’installe en de nombreuses villes du Maroc. Durant
cette période, le dispositif de Centres et d’Instituts de recherche, précédemment existants, est entretenu
(en grande partie avec l’aide de la coopération française), ou versé à l’Université (cas des sciences naturelles,
juridiques et sociales). Il perd en tous cas, peu à peu, le monopole de la production scientifique, au fur et à
mesure que l’enseignement supérieur monte en puissance et se professionnalise.

1.2.1. L’Université

Les temps forts de l’organisation de l’enseignement au Maroc, au lendemain de l’indépendance, sont la


Commission Royale de la Réforme de juin 1957, puis le Colloque de la Maâmora d’avril 1964. Une Charte de
l’Éducation (avril 1966) traduit la politique arrêtée.
La question de l’enseignement supérieur est abordée principalement sous l’angle de la nécessaire maroca-
nisation des cadres ; certainement pas sous celui de la recherche. À cette époque, le gouvernement maro-
cain, comme la plupart des états du continent africain, montre peu d’intérêt pour la création scientifique. En
ce domaine, il n’établit pas d’infrastructure nouvelle ; il maintient cependant les installations de recherche
avec l’aide de la France, qui délègue des coopérants pour les faire fonctionner.
En 1957, l’Institut des Hautes Études Marocaines (recherches en sciences humaines et sociales), le
Centre d’Études Supérieures Scientifiques et le Centre d’Études Juridiques sont érigés respectivement en
une faculté des lettres, une faculté des sciences et une faculté de droit. Les trois Facultés et l’Institut Scienti-
fique Chérifien forment l’Université de Rabat. Celle-ci se coule dans les formes des institutions françaises
homologues. En attendant la relève, elle emploie nombre de coopérants français, qui y enseignent.
À la pénurie de cadres administratifs s’ajoute celle de cadres scientifiques et techniques. Tandis que le
gouvernement, largement formé de littéraires et de juristes, se préoccupe surtout en 1957 d’organiser
l’enseignement de base (et la formation de maîtres et d’administrateurs), une poignée d’ingénieurs diplômés
en France, appelés à de hautes fonctions techniques, fait pression pour créer des Écoles supérieures, sur le
modèle qu’ils ont connu. Ils ne sont d’abord guère écoutés. Pour pallier le manque de bacheliers scienti-
fiques, ces ingénieurs organisent une préparation à l’entrée dans de grandes Écoles techniques, qui recrute
ses élèves en classe de seconde. Cette préparation devient elle-même deux ans plus tard, grâce à l’appui
financier de l’UNESCO, la première des Écoles d’ingénieurs marocaines. L’École Mohammedia d’Ingénieurs
(mines, industrie, travaux publics) (Vermeren 2000 : p. 303). En 1966 suit la création de l’Institut National
Agronomique et Vétérinaire (École d’ingénieurs agricoles et vétérinaires). Si elles sont alors peu en vue, ces
écoles deviendront prestigieuses. Elles serviront bientôt de nouveau modèle à la politique de formation supé-
rieure.

356
1.2.2. Les Grandes Écoles
En effet, les années 1970 changent la donne. Dans les domaines littéraire et juridique, la marocanisation
des cadres est bien engagée. On peut dire qu’une masse critique est en poste. Par contre, la pénurie de
cadres techniques se fait d’autant plus sentir que les étudiants marocains montrent peu d’engouement pour
les disciplines scientifiques (Tableau 3). Le gouvernement doit à la fois répondre à une forte demande d’édu-
cation, qui s’oriente vers les lettres, et aux besoins des grands services publics et d’une base industrielle qui
s’élargit, réclamant d’autres compétences.
Il s’agit d’un dilemme. Le contexte économique et politique s’est fortement dégradé. Le Maroc pâtit de la
baisse du prix des phosphates (sa principale exportation), et subit de plein fouet les chocs pétroliers. II va
bientôt être soumis aux contraintes de Plans d’Ajustement Structurels.

Tableau 3. Répartition des étudiants marocains par filières d’enseignement : années 1960

Sciences Médecine Génie Agronomie Lettres et Droit


1964-1965 12 % 10 % 4% I% 63 %
1969-1970 4% 11,9 % 2,6 % 2% 79,5 %

Source : Laberge (1987).

En même temps, l’Université s’est transformée en vaste foyer d’agitation. La création (dès 1957) d’un syn-
dicat d’étudiants lié à l’opposition a fait d’elle le lieu privilégié d’expression des écartés du pouvoir (Vermeren,
1996). La question de l’enseignement est devenue un bloc sensible, et très politique. Lors du Colloque des
Chênes, qui lui est consacré en 1964, un courant se dessine en faveur d’une arabisation qui s’oppose à la
politique gouvernementale de bilinguisme (El Masslout, 1999). Lors du Colloque d’Ifrane, consacré à l’ensei-
gnement supérieur (1970), un « front national » saisit l’occasion pour se coaliser, appelant les étudiants au
boycott des élections nationales. De 1965 à 1972, les ministres se succèdent, impuissants à maîtriser la
contestation. La répression s’amplifie en 1973-74, les arrestations se multiplient et les syndicats sont dis-
sous (Souali & Merrouni,, 1981 : p.143-146).
Dans ce contexte, le gouvernement opte pour la multiplication des facultés en province, dotées de faibles
moyens. Mais il consacre véritablement ses efforts à créer de nouvelles « Écoles de Cadres », en dehors du
milieu universitaire. Il s’agit de contourner les inconvénients propres à l’université. Les Écoles sont sélectives
à l’entrée et beaucoup plus densément encadrées : elles seront moins politisées. Au nom des besoins de la
communication scientifique, elles resteront des pôles d’enseignement bilingue. En outre, ce dispositif a la
faveur des hauts cadres techniques, devenus puissants, qui ont été souvent formés à ce moule, et qui
redoutent l’inexpérience opérationnelle des universitaires. Ils veulent avoir voix au chapitre des contenus
d’enseignement. Ils voient aussi la possibilité de s’attacher vite et assez sûrement des cadres opérationnels
– pour leurs services, en pratiquant au sein des Écoles une politique de bourses et de pré-recrutements. À
partir des années 1970, des filières spécialisées (commerce, génies divers, eaux et forêts...) commencent à
se mettre en place sous la tutelle de différents ministères (hors éducation nationale). Les aides provenant de
fonds de coopération, bilatéraux ou internationaux, sont dirigées préférentiellement vers cette nouvelle filière
de formation. Le plan quinquennal de 1973-77, qui encourage les investissements privés et cherche à moder-
niser les secteurs susceptibles de rapporter des devises, s’appuie sur ce dispositif pour former les cadres
nécessaires à la réalisation des nouveaux projets de développement, agricoles et touristiques.
Ainsi, que ce soit pour des raisons politiques, visant à séparer ces établissements de l’Université alors très
agitées, ou par besoin de constituer des viviers captifs de compétences rares, le gouvernement privilégie le

357
modèle des « Écoles » précédemment peu considéré. Le nouveau secteur allait rapidement s’enrichir de
nombreux instituts ou écoles supérieurs, échappant au double risque de la massification et de l’arabisation.
C’est la grande particularité de l’enseignement supérieur marocain : pour déconnecter le secteur dit « de la
formation des cadres » de l’Université, on rattache ses établissements à d’autres tutelles que l’Éducation
Nationale. La dualité ainsi construite dans l’enseignement supérieur prélude à une autre : celle qui s’établira
dans la recherche entre un secteur « académique » et un secteur « technologique », dès que les écoles com-
menceront à développer des travaux avec leur style propre de science.

1.3. Recherches académique et technologique : développements


séparés.

Avec les centres de recherche, puis l’Université et les grandes écoles, nous avons mis en scène les princi-
paux acteurs d’une recherche marocaine, qui allait prendre un puissant essor. Ce n’est pourtant pas d’abord
avec un grand soutien de l’État (même si ce dernier commence, dans les années 1970, à se laisser gagner à
l’idée que le progrès scientifique est source de développement). C’est plutôt du fait de dynamiques internes
à des milieux professionnels. Il faut en distinguer deux principaux : celui des enseignants universitaires ; et
celui des « technologues ».

1.3.1. Expansion et massification des universités (1980-1990) : la dynamique


académique
Les universités nouvelles ont principalement vocation à l’enseignement ; et le gouvernement n’y stimule
nullement la recherche. Mais la forte croissance des effectifs étudiants induit celle du corps enseignant. La
situation n’est pas aisée pour les nouveaux recrutés. Dès leur arrivée, ils doivent assurer de nombreux cours
pour des publics toujours plus nombreux. Cette charge pédagogique laisse peu de temps pour accomplir des
travaux « personnels » – et la recherche est considérée sous cet angle par l’Université, qui n’en a pas encore
la culture. La massification n’est pas une illusion. Le nombre d’étudiants passe de 25 000 (en 1975) à 50 000
(en 1980), 100 000 en 1985 et 200 000 en 1990 et un peu plus de 270 000 en 2004. Le réseau des universi-
tés marocaines s’étend, l’université recrute (Tableau 4).

Tableau 4. Évolution du nombre d’étudiants et d’enseignants dans les établissements universitaires


au Maroc (1955-2000)

Années universitaires Nombre d’étudiants Nombre d’enseignants chercheurs


1955-1956 1687 0
1960-1961 5117 172
1970-1971 14808 488
1980-1981 86844 2490
1990-1991 206725 6437
1998-1999 249253 9867
2003-2004 277428 10413

Source : Ministère de l’enseignement supérieur, site Web : //www.dfc.gov.ma

358
En 1975, sont publiés des textes pour la première fois tous consacrés à l’organisation de l’Université. Ils
dotent les enseignants chercheurs d’un statut. Une grille de rémunération spécifique conduit à augmenter
leurs salaires. L’Université mûrit. Elle se lance dans des formations de troisième cycle. Certains de ses ensei-
gnants commencent à concevoir la recherche comme une partie de leur mission. Malgré les circonstances
adverses (et des financements institutionnels presque nuls), ils s’acharnent à développer des travaux origi-
naux ; ils considèrent que c’est le propre des universitaires – ce qui les différencie de leurs collègues exer-
çant en d’autres degrés – et que c’est la condition de tout enseignement digne du qualificatif « supérieur ».
Ils sont aussi sans doute mus par la règle académique, qui subordonne (en principe) l’avancement dans la
carrière à des réalisations de recherche.
Avec la pleine « marocanisation » (au courant des années 1980) et l’entrée en lice de nombreux jeunes
enseignants exposés à la recherche lors de leurs récentes études doctorales ou post-doctorales, la produc-
tion devient très visible. Le rôle des coopérations est essentiel dans la « montée en puissance » observée.
Mais comme, jusqu’alors, le gouvernement n’a pas affiché de priorité à l’égard de la recherche, les sujets
traités dérivent largement du choix des chercheurs (ou plutôt des opportunités de financement extérieur
qu’ils savent conquérir). Leurs auteurs les veulent pertinents. Toutefois, l’absence de coordination des activi-
tés de recherche en amont, l’absence d’évaluation en aval, le manque de financement national ont favorisé la
naissance d’un esprit individualiste ; c’est du moins le cas dans certaines disciplines (dans les sciences
humaines et sociales, en particulier).
Le regroupement de chercheurs ne pouvait obéir, en effet, qu’à des critères du moment. Les groupes de
recherche qui se sont formés sont l’émanation d’actions personnelles d’un chercheur ou d’un professeur,
parfois entouré d’une équipe réduite. Leurs projets ne peuvent que difficilement entrer en complémentarité
avec d’autres. Leurs moyens sont limités. ils ne survivent très souvent que grâce à une coopération fondée
sur les liens d’amitié que leur directeur a liés avec son université européenne d’accueil, lors de sa thèse ; ou
avec des partenaires de coopération scientifique bilatérale, lors de projets conjoints.

1.3.2. Amplification du secteur « technologique »


Hors université, deux types d’acteurs s’ajoutent au potentiel de recherche. Ce sont les Ccntres spécialisés
(principalement actifs dans les domaines de l’agriculture et de la santé) ; et les écoles nouvellement créées.
Au début des années 1970, le premier secteur est stagnant. L’Institut Pasteur, qui avait connu des pro-
blèmes d’organisation, semblait en plein déclin dans les années 1980 (Laberge, 1987). L’Institut des Pêches
Maritimes poursuivait depuis 1970 des activités plus commerciales que scientifiques. L’Institut National de
Recherche Agronomique (INRA), fleuron colonial tombé en désuétude et dissous, est recréé en 1982 mais il
n’a plus vocation de planification et de coordination des recherches agricoles. C’est une modeste agence
d’exécution qui effectue des travaux de recherche appliquée et de développement à la demande de sa tutelle
(le Ministère de l’agriculture, qui a sa propre Direction de l’enseignement agricole, de la recherche et du
développement).
Le renouveau de la recherche vient d’ailleurs. C’est d’abord l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II
qui fait preuve d’initiative. Il jette un pont entre recherche de base et recherche action. Ses enseignants ont
été recrutés parmi ses propres étudiants (les meilleurs), envoyés en formation doctorale aux États-Unis. Ils y
ont été exposés à la recherche (une recherche « pour faire »), et l’institut tient à ce qu’ils continuent de s’y
consacrer à leur retour. Décentralisé, l’Institut s’implante dans 9 régions du pays. Il y conduit des travaux ori-
ginaux qui en font vite la source principale de résultats scientifiques en matière agricole. Il adopte, pour y par-
venir, une stratégie agressive de prospection des financements. Il s’appuie sur sa capacité de proposition de
sujets pertinents, et sur la force de recherche que représentent les étudiants (tenus à des stages et

359
mémoires). Dans ses zones d’expérimentation, il entretient un contact permanent avec le terrain, les pay-
sans et les professionnels du développement agricole. Ces atouts lui valent d’intéresser tous les fonds d’aide
internationaux, aussi bien que les responsables locaux. Les moyens affluent. La recherche sert de label de
qualité à l’établissement, en même temps que de source de financement.
Ce modèle original fera des émules. C’est l’annonce de la construction d’un nouveau champ « tech-
nologique ». Il n’est pas « académique » (bien que l’institut qui le promeut ici se consacre à l’enseignement),
en ce sens que la recherche conduite n’a pas pour enjeu central la promotion dans la carrière. Il a plus
d’ampleur que la recherche appliquée des vieux instituts spécialisés ; car il inclut des travaux plus en amont,
en même temps qu’une liaison directe avec les services de développement qui commencent de s’édifier
dans les administrations et les entreprises.
La grande nouveauté est, en effet, que la plupart des ministères et quelques grandes entreprises
publiques créent autour des années 1980 leurs propres centres de recherche-développement. Quinze éta-
blissements de recherche, publics ou parapublics, voient le jour principalement dans les domaines des
mines, des phosphates, de l’énergie et des technologies nucléaires. Ils emploient des chercheurs à plein
temps, souvent contractuels. Ces centres sont souvent mieux équipés que l’université, et mieux dotés en
moyens de fonctionnement. On attend d’eux des résultats d’application plus sûre et immédiate et de trans-
fert de technologie réel, qu’on ne l’exige des recherches académiques ou pédagogiques.
Parallèlement à ces structures de recherche (instituts, universités, etc), les sociétés de conseil et d’ingé-
nierie (CI) ont joué un rôle important de transfert du savoir et de la technologie vers l’économie marocaine de
manière générale. Des bureaux d’ingénierie spécialisés en propriété industrielle et brevets ont été créés à la
fin des années 50 et début des années 60. Une vague de création de sociétés en CI a été notée au milieu
des années 80 stimulée par les besoins induits par le Programme d’Ajustement Structurel. Un autre mouve-
ment de création s’en est suivi au début des années 90 résultant du lancement de grands chantiers de
réforme et de développement.
Aussi, le Maroc avait hérité du Protectorat son système de protection de la propriété industrielle. Le sys-
tème est géré par les Dahirs de 1916 et 1938. Par sa totale conviction que la protection des droits de pro-
priété est primordiale pour stimuler la créativité et l’innovation et libérer l’initiative propre autour de projets
innovants, le Maroc a su judicieusement capitaliser cet actif et l’a amélioré. Le Maroc a ainsi adhéré à plu-
sieurs accords et traités internationaux en la matière (traité de Paris : 1938, traité de PCT : 1938, etc), et
modernisé son système de propriété. La dernière réforme date de l’année 2000 avec l’entrée en application
de la loi no 17-97. Cette réforme a été conjuguée à l’application de la loi no 06-99 sur la liberté des prix et de la
concurrence pour garantir les conditions saines de la concurrence et asseoir des règles transparentes de
marché.
Il apparaît donc que, d’un côté, les quelques infrastructures coloniales héritées, transformées, réappro-
priées, enrichies, ont essentiellement servi de base à la création d’un système de recherche scientifique et
de développement technologique. Ce système est fortement induit par l’enseignement supérieur national et
les instituts publics spécialisés.

360
2. État des lieux

2.1. L’organisation d’ensemble et la coordination.

La recherche scientifique marocaine relève pour l’instant et principalement du secteur public. Les éta-
blissements les plus productifs dépendent aujourd’hui d’un même grand Ministère, regroupant (sous des
directions distinctes) les Universités, la Formation des cadres (nombreuses Écoles) et la Recherche (15 Insti-
tuts gouvernementaux spécialisés). D’autres établissements ne dépendent de lui que pour le recrutement et
la gestion de leur personnel ; leur budget et leurs programmes sont soumis à l’autorité d’un autre Ministère
(c’est le cas dans les importants domaines de l’agriculture et de la santé). Enfin, divers services et labora-
toires relèvent d’un secteur para public : Offices et Sociétés de mise en valeur qui les ont créés, et dont ils
servent les besoins en recherche- développement. (Voir Organisation du secteur public de la recherche,
Annexe 1).
Le CNRST (d’abord appelé CNCPRST : Centre National de Coordination et de Planification de la Recherche
Scientifique et Technique puis CNR), créé à la fin des années 1970 pour impulser et coordonner les
recherches dans l’ensemble du dispositif marocain, n’a jamais pu réellement jouer son rôle. Les diverses
tutelles restent évidemment soucieuses de garder leur emprise sur les programmes et sur les conditions de
l’exercice professionnel dans les établissements de leur ressort. La fragmentation a été considérablement
réduite avec la création en 1995 du grand Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des
Cadres et de la Recherche Scientifique : celui-ci intervenant de surcroît, à titre de tutelle secondaire, dans les
établissements budgétisés en d’autres ministères.
La toute récente avancée vers une politique nationale de la science et de la technologie a mis en évidence
la nécessité d’organiser, de structurer et de coordonner la recherche nationale.

C’est dans ce sens qu’il y a eu :


– La création d’un Comité Permanent Interministériel de la Recherche Scientifique et du Développement
Technologique (Décret no 2-00-1019 du 19 rabii II 1422, 11 Juillet 2001), ce comité qui est présidé par le
Premier Ministre regroupe les autorités gouvernementales concernées par la recherche scientifique et le
développement technologique et a pour mission de coordonner et de rationaliser l’action gouverne-
mentale dans le domaine de la recherche publique ;
– L’instauration de nouvelles missions du CNCPRST qui devient CNRST (Dahir no 1-01-170 du 11 Joumada
I 1422, 1er août 2001 portant promulgation de la loi no 80-00). La planification et la coordination de la
recherche étant dévolues au comité permanent interministériel de la recherche et à l’autorité gouverne-
mentale chargée de la recherche, le centre devient un opérateur qui contribue à la structuration de la
recherche et à la création d’un environnement propice à son développement dans les secteurs public et
privé ;
– La création de deux directions au sein de l’autorité gouvernementale chargée de la recherche (décret
no 2-02-448 du 6 Joumada I 1423 (17 Juillet 2002), la Direction des Sciences et la Direction de la Tech-
nologie chargées de promouvoir respectivement une politique de soutien à la recherche scientifique et
une politique d’appui au développement technologique et d’innovation ;
– La nomination en août 2004 d’un Secrétaire Perpétuel à l’Académie Hassan II des Sciences et Tech-
niques.

Par ailleurs, la création des Pôles de Compétences, structures de recherche fonctionnant en réseau, de

361
l’Institut Marocain de l’Information Scientifique et Technique (IMIST), des plates-formes techniques, Unités
d’Appui à la Recherche Scientifique et Technique (UATRS), des Programmes Thématiques d’Appui à la
Recherche Scientifique (PROTARS), du Réseau Informatique Universitaire à haut débit (MARWAN) et l’ins-
tauration des projets d’établissement dans le domaine de la Recherche Scientifique élaborés par les Universi-
tés et soutenus par le département de la recherche, constituent des exemples concrets des efforts réalisés
par les pouvoirs publics pour orienter, organiser, structurer et promouvoir la recherche scientifique.

2.2. Principaux lieux de production

L’absence de centralisation n’a pas entravé la dynamique des recherches multipolaires évidente depuis
deux décennies. Les bases de données bibliographiques fournissent à ce sujet d’intéressantes indications.
C’est aussi le cas d’une importante enquête menée par le CNCPRST, qui a publié en 1995 un recensement
des groupes de recherche actifs et de leurs membres.
Hors sciences humaines et sociales, la production indexée par une base internationale (PASCAL, 1997-
2000) s’élève en moyenne à 900 références annuelles. C’est la confirmation d’un bond en avant continu
depuis plus de 15 ans. Cette production est imputable à quelques 700 laboratoires différents (certains sont
particulièrement actifs : les scores s’étendent de 1 référence remarquée sur 4 ans, à 35 références). Ce sont
les Universités qui apportent de loin la plus forte contribution : 83 % des articles répertoriés (mais on se sou-
viendra que de telles bases privilégient la recherche académique – sans être fermées à la recherche « tech-
nologique »). Enfin, les apports sont très inégaux selon les institutions. Les Universités de première
génération sont celles où la culture de recherche est la plus étendue (Rabat et Casablanca : 60 % des contri-
butions) Dans les « jeunes universités », la production est liée à des domaines particuliers, constitués autour
de personnalités venues s’y établir. Certaines Écoles d’ingénieurs font preuve d’une grande productivité,
celles en particulier formant les ingénieurs agronomes : IAV Rabat, ENA Meknès).
Notre propre enquête menée en 2002, permet d’ajouter un complément concernant les sciences
humaines et sociales. Elles apparaissent moins structurées en laboratoires que les sciences exactes et natu-
relles. La production repose, ici, souvent sur des individus (dont quelques uns brillants, mais qui se pré-
occupent peu de faire école). Les quelques « points focaux » sont liés à un petit nombre de thèmes, abordés
de manière exclusive par une discipline précise (État, Système politique, Travail, Développement...). Beau-
coup de recherches se réalisent néanmoins, de manière atomisée et peu visible, autour d’une multiplicité de
thèmes abordés sous une variété d’angles disciplinaires (donc moins en « spécialistes » Femme, Science...).
Notre estimation est que la production est de l’ordre de celle des sciences naturelles (soit 20 % de la produc-
tion totale du pays).
Ces résultats sont assez cohérents avec ceux de l’enquête CNCPRST, construite selon une méthodologie
différente. Ce recensement répertorie 910 « unités et/ou équipes » de recherche, qui pour la plupart à l’épo-
que (1995) n’avaient pas de statut officiel. 79 % de ces groupes de fait étaient regroupés à l’université (CNR,
1997). 20 % étaient attachés à des travaux de sciences humaines ou sociales (on retombe sur le nombre de
700 unités environ attachées aux autres sciences). La taille de ces groupes était éminemment variable
(souvent plus petite en sciences humaines et sociales) ; et sans aucun doute leur composition (et même leur
existence) ont pu varier depuis lors.

362
2.3. Les effectifs

2.3.1. Les Compétences opérationnelles

On peut mesurer la capacité de recherche scientifique ou technologique d’après le nombre de personnes


qui, par statut, sont supposées s’y consacrer (potentiel théorique) ; ou bien en « équivalent plein temps » :
temps de travail effectivement consacré à cette activité par les précédents. Il faut s’entourer de beaucoup de
précautions pour rendre ces estimations réalistes. L’intérêt de ces chiffres est surtout de permettre des
comparaisons internationales. En nombre de personnes, l’université possède le potentiel humain le plus
important. Le nombre des enseignants-chercheurs a été multiplié par 4 en deux décennies (et par 20 en trois
décennies !). Ils sont aujourd’hui environ 10 000 soit plus de 65 % du potentiel total. Il y aurait, d’autre part,
environ 2000 enseignants chercheurs employés par la Formation des Cadres, et 3 000 chercheurs hors
enseignement (Instituts gouvernementaux, firmes et offices industriels).
En équivalent plein temps les proportions diffèrent. Le passage aux équivalents plein temps repose évi-
demment sur des hypothèses. Il est clair qu’un enseignant n’est pas un chercheur à plein temps. La norme,
dans les pays développés, est de considérer qu’il consacre à cette activité 1/3 de son temps. Cette approxi-
mation est à réviser au cas par cas. Au Maroc, nombre d’enseignants ne font aucune recherche. C’est parti-
culièrement vrai dans le secteur de la formation des cadres. En 1996-1997, la Direction de ce secteur
estimait à 595 (sur plus de 2 000) le nombre des enseignants chercheurs qui assuraient à la fois des tâches
pédagogiques et une activité de recherche. Pour simplifier, nous avons admis que l’équivalent plein temps
était de 1/6 à l’Université, de 1/6 dans la formation des cadres, et de 2/3 dans le secteur « dédié » hors ensei-
gnement. Moyennant quelques corrections de détail, à propos d’établissements dont l’activité de recherche
exceptionnellement intense est documentée (Institut Hassan II, Faculté de médecine de Casablanca...), il est
possible de calculer une nouvelle répartition.

Tableau 6. Nombre de personnes théoriquement impliquées dans la recherche

Sc H & Soc Sc Exactes & Sc Médicales Génie Sc agricoles total % du potentiel


Naturelles
Université 3 700 4 100 1 200 700 300 10 000 66 %

F des Cadres 200 700 - 750 450 2 100 14 %

Hors enseignement - - 200 2 300 400 2 900 20 %

TOTAL 3 900 4 800 1 400 3 750 1 150 1 500 100 %

Source : Kleiche (2000).

363
Tableau 7. Nombre de chercheurs en équivalent plein temps

Sc H & Sc Exactes & Sc Médicales Génie Sc agricoles Total % du


Soc Naturelles (arrondi) potentiel

Université 950 1050 350 175 100 2 600 52 %

F des Cadres 50 150 - 125 80 400 8%

Hors enseignement - - 100 1 600 270 2 000 40 %

TOTAL 1 000 1 200 450 2 000 450 5 000 100 %

Source : Kleiche (2000).

On peut donc évaluer la force de la recherche scientifique et technologique à un peu plus de 5 000 per-
sonnes équivalent plein temps, dont moitié d’universitaires, environ 400 personnes de la formation des
cadres, et 2 000 travailleurs scientifiques du secteur hors enseignement. 20 % s’attachent à des travaux de
sciences humaines (éventuellement appliqués) ; 25 % à des recherches en sciences naturelles ou expéri-
mentales, 8 % travaillent en sciences médicales et autant en agriculture. C’est le génie qui a la part du lion :
40 % du temps de travail disponible.
Les universitaires conduisent surtout des recherches en sciences exactes et en sciences sociales et
humaines ; très peu en sciences de l’ingénieur. Les enseignants qui exercent dans les établissements de la
formation des cadres ont un style intermédiaire, relevant pour moitié de la recherche de base et pour moitié
de l’ingénierie. Le plus grand nombre d’entre eux (943 soit 45 %) appartient aux huit Écoles Normales Supé-
rieures : ils excellent surtout en physique, chimie et dans les génies correspondants.
Un nombre important de chercheurs appartient aux écoles d’agriculture (22,43 % du total, très actifs en
matière de recherche appliquée). Enfin, le gros des effectifs hors enseignement relève d’entreprises semi-
publiques (mines, phosphates, télécommunications...). Il s’agit principalement d’ingénieurs et de techniciens,
qui réalisent des travaux de développement à la demande de leur employeur. Selon le MESFCRS, en 1997,
2909 personnes étaient ainsi occupées, que nous équivalons à 2 000 chercheurs plein temps.
À l’Université le nombre de chercheurs est grossi des doctorants (et en médecine des résidents) qui pour
n’être pas chercheurs statutaires n’en sont pas moins productifs, lorsqu’ils appartiennent à des formations
disposant d’une forte culture de recherche. Pour attirer les meilleurs étudiants à préparer une thèse, le
Département de la Recherche et le CNRST ont lancé en 2003 un programme d’attribution de bourses de
recherche ( au total, 600 boursiers).
Par ailleurs, même s’ils y consacrent un temps restreint, nombre d’enseignants (non pas tous, mais plus
qu’il n’y semble en équivalent plein temps) font preuve d’intérêt et produisent des travaux à leur rythme. II
reste que ce nombre (dont témoignent les bases de données bibliographiques) demeure largement inférieur
au potentiel théorique. On peut y voir un signe encourageant, en ce sens qu’il reste une réserve de cher-
cheurs à mobiliser. On peut aussi s’en alarmer, et se demander ce qui retient certains de s’engager. Un élé-
ment de réponse a été fourni par M. Roland WAAST qui a mené l’opération d’évaluation de la recherche
nationale en 2003 : La fonction recherche reste à reconnaître. Certes, la fonction recherche est officiellement
incluse dans les missions de l’Université, comme dans celles des instituts dédiés. Mais il s’agit d’autre
chose : que la recherche ne soit plus poursuivie comme un sous produit, (de l’organisation de l’enseigne-
ment), un auxiliaire (de la mission de service), une sous-traitance (de sujets étrangers) ; mais quelle soit
reconnue comme ayant un rôle spécifique.
Ainsi, toute proportion gardée, actuellement le Maroc dispose de 0,5 chercheur pour 1000 habitants (3,7
pour les USA et 2 pour l’UE). Le nombre des ingénieurs a considérablement augmenté pour atteindre 8,6
ingénieurs pour 10000 habitants (64 en France et 8,9 en Tunisie).
364
Ces compétences constituent une importante richesse humaine pour le pays dans toutes les disciplines et
une force de création de richesse et de connaissances. Toutefois, cela n’a pas bénéficié de manière judi-
cieuse à l’économie et sa compétitivité. Le taux d’encadrement dans les entreprises marocaines reste très
faible (moins de 10 % dans les industries manufacturières sans amélioration significative depuis le début de
ce siècle). Aussi, la productivité de l’emploi est relativement faible avec un rapport du PIB par personne
employée de 76000 DH (Grèce : 318000 DH, Chili : 104200 DH, Pologne : 126300 DH, Malaisie : 94000 DH).
Il est vrai que les efforts déployés par l’État marocain n’ont pas toujours eu d’effets bien visibles sur l’amé-
lioration des conditions sociales et économiques ni sur l’élévation du niveau technologique dans une écono-
mie qui, aujourd’hui inévitablement, a besoin de se mettre à niveau. Il est aussi vrai que plusieurs secteurs se
sont développés séparément, avec des styles de science distincts (« académique » à l’Université, « tech-
nologique » dans les Écoles d’Ingénieurs et les Centres de recherche...) Peut-on parler, dans ce contexte, de
communauté scientifique nationale au Maroc ?
Aujourd’hui, on a en effet, d’un côté un style de recherche « académique », basé principalement à l’Univer-
sité avec des enseignants-chercheurs travaillant à l’intérieur de disciplines sur des sujets de leur choix ou
imposés par les possibilités de financements (internationaux et nationaux depuis 1995) dont le seul enjeu est
la promotion de la carrière. D’autre part, on peut observer dans certaines disciplines comme la recherche
médicale, les sciences agricoles, les sciences naturelles (plantes, faune, roches), un style de recherche
« utile » mené par des enseignants chercheurs et des ingénieurs dans les instituts et les écoles qui ont des
préoccupations locales. Ce style est stimulé par une idéologie nouvelle selon laquelle la nation pourrait relan-
cer son économie grâce à l’innovation et la technologie. Sont alors apparus dans les années 1980 et 1990
des centres de recherche- développement dans la grande industrie et des centres de recherche appliquée.
Ingénieurs et techniciens supérieurs mais aussi enseignants-chercheurs comme à I’IAV y développent une
recherche à la fois fondamentale (recherche en amont) et appliquée (R&D) principalement dans les secteurs
de l’agroalimentaire, des hydrocarbures, de la chimie, de l’énergie et des mines.
Depuis peu, c’est un autre style de science, que le gouvernement cherche à promouvoir. En effet, en lan-
çant des programmes thématiques de recherche comme les PROTARS et les pôles de compétences, le gou-
vernement a ouvert la voie à un autre style, un style de recherche « hybride », mobilisant des chercheurs de
disciplines différentes pour résoudre des problèmes urgents, « solving problem » à travers des « joint-
projects » entre le privé et les établissements publics de recherche et développement.

2.3.2. L’« entretien des compétences et du savoir »

Le Maroc a, depuis des décennies, accordé de l’importance à la formation continue comme vecteur crucial
de la mise à niveau de ses ressources humaines et de l’acquisition du savoir et du savoir-faire dans toutes les
disciplines nécessaires pour réussir le décollage de son économie. Il a créé en 1974 l’Office de la Formation
Professionnelle et de la Promotion du Travail et institué la taxe de la formation professionnelle. Le système
de la formation professionnelle a été réformé notamment en 1984 et 1996 pour s’adapter aux nouvelles exi-
gences économique, technique, de formation et de promotion de l’emploi. L’attrait des contrats spéciaux de
formation n’a cessé de croître. Le montant global des contributions à la formation s’élève à 280 Millions DH
(réalisations 2001), soit près de 64 % des dépenses totales faites par les entreprises (figure 1). Actuellement,
le système marocain est considéré comme modèle de par le monde.

365
Figure 1 : Dépenses en formation continue dans le cadre des contrats de formation

2.4. Financement de la recherche scientifique

En 2004, la dépense publique (hors salaires) consacrée à la recherche scientifique (investissements et


fonctionnement) représentait officiellement 0,14 % du PIB (381,7 millions de DH). Le financement complé-
mentaire apporté par le secteur privé est difficile à chiffrer : il se cantonne plus à des dépenses intra-muros et
à des achats d’ingénierie à l’étranger, qu’à irriguer la recherche publique nationale.
D’autres lignes sont inscrites au budget national et contribuent au soutien direct des activités : 10 millions
de dirhams au titre de « subvention aux organismes scientifiques » ; 20 millions représentant la contribution
du Maroc à des actions de coopération (financées de surcroît par les pays partenaires) ; 10 millions corres-
pondant à des bourses de 3o cycle (dont les bénéficiaires sont à la disposition des laboratoires).
Les équipes universitaires ont accès à un budget de soutien des programmes qui a plus que doublé en 3
ans et qui a le mérite d’être explicite. Dans ce contexte, la production scientifique, notamment universitaire,
apparaît remarquable, d’autant qu’elle ne fait que croître depuis deux décennies. Il n’est plus question
d’imputer cet essor à la seule augmentation des effectifs (quasi stoppée).
Pour financer la recherche, l’État s’est contenté jusqu’en 1996 de subvenir aux besoins de base des éta-
blissements publics de recherche qu’il a créés (INRA, CNER, CNRST, CRTS, CNESTEN...).
Depuis qu’existe une autorité gouvernementale chargée de la recherche scientifique, un budget de fonc-
tionnement lui a été attribué et pour la première fois un plan quinquennal (plan 2000-2004) prévoit le finance-
ment (567,7 MDh) d’un programme de soutien à la recherche (essentiellement universitaire).
C’est ainsi qu’en 2003, le budget de fonctionnement du département de la recherche a été de 45 MDh et
le budget d’investissement de 93,15 MDh.
Pour leur part, les établissements publics de recherche ont été dotés, la même année, d’une enveloppe

366
d’environ 950 Millions de DH couvrant toutes les dépenses y compris les salaires. Plus de la moitié de cette
somme est allée à l’INRA et au CNESTEN (respectivement 25 et 27 % de l’enveloppe) ; la recherche médi-
cale est le parent pauvre, l’Institut Pasteur et l’Institut d’Hygiène ne profitent que de 1,7 % de cette enve-
loppe.
Afin de pérenniser et d’accroître les ressources de la recherche, il a été créé dans la loi des finances 2002
le cadre spécial intitulé « Fonds National de Soutien à la Recherche Scientifique et au Développement Tech-
nologique » dont l’autorité gouvernementale chargée de la recherche scientifique est l’ordonnateur. Cepen-
dant, depuis sa création, ce fonds n’a jamais été alimenté.
Concernant les budgets consacrés par le secteur privé à la recherche-développement, les données dispo-
nibles, là encore, sont partielles et incomplètes ; toutefois on peut affirmer que les entreprises privées
marquent de plus en plus leur intérêt pour la recherche-développement (R&D). À titre d’exemple, le groupe
ONA (pôle mines) consacre en moyenne, annuellement, un budget de 150 millions de DH pour ses activités
de R&D concernant l’exploration, la géologie, le traitement des minerais ; les secteurs des industries méca-
niques, métallurgiques et électriques, du textile, du cuir et de l’agro-alimentaire consacrent un montant global
d’environ 200 millions DH pour des travaux de R&D.
Par ailleurs, dans le domaine des télécommunications et conformément à la loi no 24-96, 0,25 % du chiffre
d’affaires des opérateurs de réseaux publics de télécommunications sont accordés à la recherche. Ainsi, en
2003, les 0,25 % du chiffre d’affaires représentent près de 40 millions de DH.
De son côté, la coopération internationale apporte des moyens non négligeables pour soutenir la recherche
académique et la recherche appliquée nationales. À elle seule, la coopération scientifique et technique dans
les universités a atteint en 2003 la somme de 71 MDH.
Pour conclure sur ce chapitre, on estime aujourd’hui que le Maroc consacre entre 0,7 et 0,8 % de son PIB
à la recherche scientifique et technologique, soit environ 3 Milliards de DH.
Environ 1/3 de cette somme couvre les indemnités de recherche délivrées aux enseignants chercheurs,
1/3 sert aux salaires, au fonctionnement et à l’équipement des établissements publics de recherche et le troi-
sième tiers finance tout le reste à savoir la recherche dans le secteur privé, le fonctionnement et l’équipe-
ment des laboratoires universitaires.

2.5. Production

2559 articles ou 2798 « publications » (en incluant ouvrages et communications aux colloques signés de
Marocains ont été enregistrés par la base bibliographique PASCAL entre 1991 et 1997 soit une moyenne de
360 articles, ou 400 « publications » par an. Durant cette même période, la production a augmenté de plus de
66 %, dont plus de 100 % en sciences médicales et plus de 50 % en sciences exactes et de l’ingénieur. Elle
est restée constante en valeur absolue en sciences agricoles. Cette expansion, forte et régulière, est à
contre sens de ce qui se passe ailleurs sur le continent africain : les « géants », en particulier, régressent
(l’Égypte un peu, l’Afrique du Sud sensiblement, le Nigeria de façon dramatique) ; et les autres pays, sauf
exception, se maintiennent plus ou moins difficilement. Le Maghreb fait exception et le Maroc connaît la pro-
gression la plus forte. Il s’est hissé en 1997 au 3o rang africain, ex aequo avec la Tunisie, le Kenya et le Nige-
ria, loin devant tous leurs suivants. Sa « part de marché » dans les publications du continent est désormais
de 7, 5 %. Elle équivaut au quart de la production de l’Afrique du sud, et à près de moitié de la production
égyptienne.

367
Tableau 8. La production scientifique marocaine. 1991-2000

en % des articles Maroc 1991- l997 Maroc 1997 Maroc 1997-2000 Afrique du Nord Autre Afrique AFRIQUE 1997
publiés francophone
Sciences
agricoles 12 % 8% 9% 9% 15 % 12 %
Biologie médicale 14 % 16 % 15 % 14,5 % 37,5 % 21 %
Clinique médicale 24 % 25 % = 26 % 14,5 % 25,5 % 18 %
Autres biologie 9% 6% 4% 8% 11,5 % 13 %
Géosciences 9% 6% 7% 6,5 % 5% 10 %
Physique 14 % 18 % 17 % 13,5 % 1,5 % 7,5 %
Chimie 5% 6% 5% 11,5 % 0,5 % 5%
Math-Info 3% 3% = 4% 2.5 % 0,5 % 1,5 %
Sc de l’ingénieur 10 % = 10 % 13 % 20 % 3% 12 %
Nbe annuel 360 600 900 8 000
moyen de
références

Source : Waast (2000 b) d’après la base PASCAL.

Un pointage plus récent fait apparaître un nouveau bond en avant pour les années 1997-2000, avec des
proportions sensiblement conservées entre les disciplines. On notera la part très forte des sciences médi-
cales (41 %) au regard du « potentiel » théorique en ce domaine. S’il n’est pas exceptionnel pour l’Afrique du
Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte), le pourcentage de 50 % de produits relevant des sciences de base ou
de l’ingénieur l’est par contre au regard des performances habituelles du reste de l’Afrique francophone. Les
sciences de base (mathématiques – un point très fort du Maroc – physique et chimie) sont en particulier très
actives, et en progression marquée.
La production est imputable à quelque 1 000 équipes ou laboratoires de recherche et à 7 000 auteurs (cher-
cheurs « actifs ») : mais la moitié ne signe qu’une publication en 4 ans. 10 % d’entre eux réalisent 25 % des
contributions ; une centaine d’équipes fait publier plus de 2 articles par an dans les revues mondiales
influentes (celles retenues par les grandes bases bibliographiques). Ce score peut aller jusqu’à 10 (urologie à
Rabat, mathématiques à Marrakech...).
De plus, depuis peu, les revues et associations anciennes basées elles aussi sur un découpage discipli-
naire (Association des Géographes, Association des Économistes., laissent place à des associations et
revues regroupant des sous disciplines : Revue Marocaine des Sciences physiques (1998), Société Maro-
caine des Sciences Mécaniques Associations des Chimistes, Associations des Biologistes. Ce mouvement,
apparu au milieu des années 1990, très dynamique, semble réorganiser la communauté en la comparti-
mentant dans de nouvelles professions. Ces manifestations ne sont-elles pas un signe de vitalité de différen-
tiation professionnelle et un signe de stabilisation remettant en cause le découpage disciplinaire classique ?
Il ne faut, cependant, pas confondre ce mouvement avec un second tout aussi jeune et vivant qu’est celui
de la création de revues d’établissements (comme Les cahiers de la Recherche de l’Université Hassan II Aïn
Chock à Casablanca, parus en avril 1999) véritable instrument pour structurer la recherche comme élément
identitaire de l’établissement. Mais ces revues sont-elles un signe de promotion, d’émergence traduisant la

368
volonté de l’institution de faire de la recherche un élément de son identité ou est-ce une parade pour éviter
une trop grande autonomisation de la science produite dans ses murs ?

2.6. Les coopérations

Les coopérations scientifiques expliquent sans aucun doute pour partie la progression régulière de la pro-
duction scientifique marocaine. Environ 75 % des références enregistrées par la base bibliographique améri-
caine (SCI) sont cosignées par des Marocains et par divers étrangers. Cette proportion tombe à 50 % dans la
base PASCAL, qui inclut des revues marocaines. La publication internationale, qui dévoile les coopérations,
est importante en volume et progresse. Elle est dominée par la coopération scientifique avec des équipes
françaises (de manière constante environ 80 % des articles cosignés). Depuis une décennie, la coopération
américaine a décliné, tandis qu’une certaine diversification se fait jour avec de nouvelles coopérations euro-
péennes. Le Maroc a remporté de notables succès, en association avec des laboratoires étrangers, dans le
cadre des Programmes Européens INCO. Ceux-ci sont destinés à soutenir des projets de recherche conjoints
entre pays du Nord et pays méditerranéens du Sud, principalement dans les domaines de l’agriculture, de la
santé, de l’environnement ; et depuis peu de l’urbanisme, des biotechnologies et des technologies avancées.
Les coopérations ont assuré la mise à jour théorique, le transfert de méthodes récentes, la formation de
jeunes générations à la pointe des savoirs. Elles concernent particulièrement les sciences de base, et
revêtent un style plutôt « académique ». C’est le cas des coopérations françaises, intenses depuis 1970. Ces
dernières se sont d’abord focalisées sur la formation des enseignants chercheurs (de même que la coopéra-
tion américaine, active à cette époque dans les domaines de l’agriculture et de l’ingénierie). Dans les années
1980, de nouveaux programmes français ont consisté en projets de recherche conjoints, avec un fort volet
de formation et de transfert de méthodes. Ce sont les Programmes Internationaux de Coopération Scienti-
fique (PICS), gérés et financés par le Centre National de la Recherche français (depuis 1982), puis les Pro-
grammes d’Action Intégrée (PAI) (depuis 1983), financés par les ministères des deux pays. L’appel d’offres
est adressé aux laboratoires, qui doivent se jumeler pour répondre. La sélection et l’évaluation (en cours et
en fin de projet) sont assurées par un comité scientifique paritaire franco-marocain. Les domaines couverts
sont ceux des sciences de base (PICS. PAI), et parfois des sciences appliquées (Programme de Recherche
Agronomique pour le Développement « PRAD », dérivés des PAI pour l’agriculture ; santé).
Récemment, d’autres coopérations se sont instituées sur le même modèle, avec l’Espagne, la Tunisie et le
Portugal [rapport d’activité du Secrétariat d’État Chargé de la Recherche Scientifique, 2000]. Le Maroc se
préoccupe de diversifier les formules d’association et les pays partenaires (jumelage avec des « régions
scientifiques européennes », comme la région de Midi Pyrénées ; dispositifs plus axés sur la recherche
« technologique », autour de « pôles marocains de compétences » plus que de laboratoires...). La coopéra-
tion française collabore à ce changement d’optique. Mais la démarche est prudente, et n’annule en rien les
anciens programmes. Ceux-ci sont, sans doute, moins financés (de 1996 à 2001, les subventions françaises
ont diminué de 17 %) ; mais ils continuent de fournir la masse des produits (mesurée aux cosignatures
d’articles, la coopération scientifique française en 1995-2000 s’accroît au Maroc, plus vite que partout en
Afrique).
Le bond en avant observé dans la production scientifique marocaine est donc largement tributaire des coo-
pérations internationales. Inaugurées à l’échelle des personnes ou des laboratoires, ces coopérations sont
robustes. Le fait nouveau est que le gouvernement se préoccupe aujourd’hui de les amplifier, et d’en faire
une part intégrante de sa nouvelle politique en matière de sciences et techniques.

369
2.7. Appropriation et maîtrise de la technologie

Conscient que l’appropriation et la maîtrise de la technologie sont les clés pour tirer un meilleur profit de
l’ouverture de son économie et la libéralisation de ses échanges, le Maroc a entrepris plusieurs mesures de
nature à favoriser le renouvellement et/ou l’acquisition des équipements et machines de production. Cette
politique a été amorcée par le code des investissements sectoriels depuis les années 80 dans le cadre du
PAS. Toutefois, le bénéfice à l’importation était subordonné à autorisation administrative (lourdeur, délais,
etc.) avec limitation des acquisitions (types, investissement, etc). À partir de 1996, ce bénéfice est renforcé
et automatisé par la charte de l’investissement. On cite également parmi les avantages de la charte de
l’investissement les dispositions relatives à la provision pour investissement, exonérée d’impôt, l’exonéra-
tion de l’impôt des patentes et taxes locales, la réduction de la fiscalité à l’importation des biens d’équipe-
ment, l’octroi d’aides financières pour la réalisation de projets d’investissement, etc. L’appréciation de cette
appropriation et la maîtrise de la technologie peuvent se faire à travers plusieurs indicateurs quantitatifs et
qualitatifs.

2.7.1. Importation des biens d’équipement :


En 2002, les importations des biens d’équipement constituent 20 % des importations totales, soit un
décroissement de 8 points par rapport à 1993 (figure 2). Aussi, ce taux reste faible par comparaison avec
d’autres pays tels que la Malaisie : 60,6 %, le Mexique : 51,4 %, le Portugal : 36 %, la Pologne : 35,9 %,
l’Afrique du Sud : 35,8 %, le Chili : 34,5 %, la Tunisie : 31,1 %.

Figure 2 : pourcentage des importations des biens d’équipement


par rapport aux importations totales

Le rythme de croissance faible d’« accès à la technologie extérieure » à travers ces importations peut être
dû, en partie, au faible taux d’encadrement des entreprises marocaines (moins de 10 % dans les entreprises

370
industrielles). Cette situation est confortée par le fait que l’apprentissage du nouveau matériel se fait par
l’action au lieu d’un recours à l’expertise nécessaire et adéquate. L’autre limitation de cet accès ayant handi-
capé sérieusement l’industrialisation de l’économie est l’acquisition de l’équipement d’occasion. Plus du
tiers de l’équipement est d’un âge supérieur à 10 ans et plus d’un tiers a plus de 5 ans. Si l’équipement
usagé constitue en soi une opportunité pour l’entreprise vu son faible coût, il est préjudiciable à sa pro-
ductivité compte tenu de ses pannes très fréquentes et de sa faible qualité. Il est à noter que les
accords de libre échange qu’a conclus le Maroc ne prévoient pas de traitement spécial pour l’équipe-
ment usagé.

2.7.2. Normalisation

Sans aucun doute la normalisation et la certification sont des outils puissants servant d’une part l’améliora-
tion de la qualité des produits, des services et des procédés et, d’autre part, la compétitivité économique par
le renforcement de parts du marché domestique et la conquête de marchés à l’exportation.
En outre, la normalisation est incontestablement un des moyens primordiaux d’introduction et d’initiation à
la technologie. La mise en place de référentiels techniques, l’établissement de procédés et de modes opéra-
toires dénote la capacité de se doter de supports techniques et de produire sur des bases scientifiques. De là
est née la conviction du Maroc depuis le début des années 70 de créer son propre système de normalisation.
Le bilan des normes homologuées (NM) est de plus de 4500 normes qui sont l’œuvre de plus de 80 Comités
Techniques de Normalisation.
Dans un marché globalisé, les normes constituent un outil performant de régulation des échanges. Elle
sont considérées comme des « barrières non tarifaires » à l’importation. Dans le cas des exportations, elles
constituent des labels d’accès aux marchés.

2.7.3. Investissements Directs Étrangers (IDE)

Désormais, les IDE ne sont plus considérés comme des flux « neutres » de capitaux. Ils sont des flux
dynamiques d’un package de capitaux, de savoir et de savoir-faire, d’information, de marque, de technologie,
etc. Ces IDE participent activement et de manière directe au transfert de technologie et au renforcement de
la capacité du pays hôte à apprendre et à maîtriser cette technologie. Le bénéfice est proportionnel à la capa-
cité du pays à maîtriser la technologie transférée. Cet indicateur est étudié ici avec modération. D’abord au
regard de son caractère sensible et très fluctuant et d’autre part vu que le Maroc est engagé depuis des
décennies dans un processus de privatisation dont les opérations pourront déformer l’analyse. L’évolution
des IDE rapportés au PIB est donnée dans la figure 3.

371
Figure 3 : Évolution des IDE entre 1992 et 2003 2

2. chiffres provisoires

2.7.4. Brevets d’invention


Actuellement, les dépôts de brevets sont de l’ordre de 500 (figure 4). En 2000, la loi 17-97 a impulsé, en
effet, favorablement le dépôt des brevets notamment dans les secteurs comme la médecine et l’hygiène
(30 %), la chimie (20 %), l’électricité et la mécanique (20 %).
Le climat et la dynamique de l’économie marocaine sont attrayants vis-à-vis de l’extérieur, en témoigne le
nombre de brevets étrangers qui sont déposés. La proportion étrangère est passée de 38 % en 2000 à 79 %
en 2003. Viennent en tête les pays de l’Europe (de l’ordre de 41 %), suivis des États Unis d’Amérique (de
l’ordre de 20 %).

372
Figure 4 : Évolution des dépôts de brevets entre 1998 et 2003

La proportion des dépôts d’origine marocaine est faible (environ 21 %). Dans ces 21 % plus de 78 % sont
déposés par des personnes physiques par opposition aux dépôts étrangers où la quasi totalité est faite par
des personnes morales. L’autre handicap de la créativité locale résulte du non engagement de la commu-
nauté des chercheurs scientifiques dans le processus de création et de mise au point. Seulement près de 50
brevets d’invention sont déposés par cette communauté entre 1997 et 2000. Les résultats de la recherche
scientifique ou technologique sont rarement appliqués. La synergie reste à développer, entre les chercheurs,
les laboratoires et le monde de la production.
Si le dépôt de brevets étrangers peut avoir des retombées positives sur le transfert du savoir et sur le ren-
forcement de l’infrastructure technologique du Maroc, ces retombées ne sont effectives que lorsque le pays
dispose de compétences capables d’apprendre ces technologies, de les exploiter et de constituer, ensuite à
son tour, une source de création sinon, le Maroc deviendrait un réceptacle passif.

2.7.5. Exportations des biens d’équipement


Cet indicateur est fondamental puisqu’il renseigne sur la capacité du Maroc à produire et exporter des
équipements à forte concentration de technologie et de savoir. La part des exportations des biens d’équipe-
ment ne représente que 6 % sur les dernières années, à comparer avec le Mexique : 59 %, la Malaisie :
56 %, la Pologne : 36 %, le Portugal : 35 %, la Tunisie : 15,4 %, la Grèce : 11 %.

373
Figure 5 : Pourcentage des exportations des biens d’équipement
par rapport aux exportations totales

Le Maroc n’a pas su construire une infrastructure technologique industrielle capable de produire des équi-
pements de moyenne et haute technologie (figure 5). L’effet pourrait être pervers sur l’ouverture imminente
de son économie. En 2000, la segmentation mondiale des exportations est la suivante : 22,9 % de haute
technologie, 29,6 % de moyenne technologie et seulement 15,6 % de ressources de base. La croissance
des exportations en haute technologie est passée de 5,3 % en 1985 à 22,9 % en 2000.

2.7.6. Secteur de l’ingénierie


Le développement de ce secteur renseigne sur la maîtrise du savoir-faire d’un pays. Il est également le
témoin d’une évolution vers les activités tertiaires fondées sur les compétences et le savoir.
Au Maroc, ce secteur compte actuellement plus de 350 professionnels en conseil et ingénierie. Ce sec-
teur, quoique ancré dans l’histoire, ne s’est pas bien développé. Cela pourrait être la conséquence d’une
économie peu développée et fortement dominée par des PME. Les causes sont dues, essentiellement, au
manque de visibilité à moyen et à long termes, à la faible appréciation de la nécessité du conseil et de l’ingé-
nierie, à la fragilité de la capacité financière, au faible input de science et de technologie. Les entreprises font
le plus souvent appel à des technologies clés en main, à la fabrication sous licence, au dépannage par des
experts étrangers. Ces pratiques s’exercent au détriment d’un appel aux services d’ingénierie locaux jugés
peu fiables ou lents et ce, aussi bien dans le domaine de la recherche que de l’ingénierie nationale.
Les statistiques font apparaître une lourde facture des importations d’ingénierie, que l’exigence de compé-
titivité fait croître. Elle représenterait plus de 5 milliards DH (redevances et droits de licence, services rendus
aux entreprises autres que le transport, le voyage, la communication, l’assurance), soit plus de 1,3 % du PIB
dépensé en devises. Cependant, les indicateurs sur ce secteur promettent une bonne perspective dans
l’avenir. Le chiffre d’affaires moyen par société est de 1 à 3 Millions DH, l’effectif moyen est de 10 per-
sonnes. De plus, l’effort moyen des entreprises ayant recours au Conseil en Ingénierie est de seulement
0,1 % de leur chiffre d’affaires

374
Le besoin d’une recherche « orientée », pour la mise à niveau et la modernisation de l’appareil national de
production, est désormais identifié dans plusieurs milieux gouvernementaux. Ce souci rejoint celui de cercles
de professionnels novateurs. Une demande nouvelle de recherche technologique voit le jour.

3. Les perspectives à l’horizon 2025

3.1. Les objectifs dans le contexte actuel

Apprécier l’évolution de la recherche académique et technologique marocaine à l’horizon 2025 est évidem-
ment un exercice très difficile, mais il est néanmoins possible de réfléchir à différents scénarios en considé-
rant à la fois les réformes en cours dans ce champ particulier et les orientations fixées par la Charte pour
l’Éducation et la Formation à l’enseignement supérieur d’abord, mais aussi, en amont, aux enseignements
primaire, secondaire et professionnel. Ces différents éléments fixent le cadre dans lequel évoluera pro-
chainement l’enseignement supérieur marocain et sur lequel s’appliqueront les efforts actuels de structura-
tion du champ de la recherche. Il conviendra également de réfléchir à la manière de renforcer le système
d’incitation et de fonctionnement global du secteur pour aller au-delà des évolutions attendues.
Au plan de l’innovation technologique, les évolutions à venir dépendront d’abord de la transformation du
tissu productif marocain et ensuite de la capacité des autorités à accélérer cette transformation dans un sens
plus favorable à la création et au maintien d’emplois à fort potentiel d’innovation et d’adaptation tech-
nologiques. Les actions déjà entreprises dans le secteur de la recherche technologique vont dans ce sens ;
elles devront nécessairement s’accompagner d’une action publique volontariste favorisant l’implantation au
Maroc d’unités de production à fort potentiel de transfert technologique à destination des ingénieurs et
cadres nationaux. Limiter la fuite des cerveaux, offrir aux cadres nationaux de réelles opportunités d’accès
aux technologies nouvelles, relèvent d’une politique qui cherchera à saisir toutes les opportunités de la mon-
dialisation des échanges et des productions tout en limitant les aspects les plus négatifs. Les expériences en
cours d’implantation au Maroc d’unités de production délocalisées à fort potentiel technologique répondent à
ce défi ; elles devront être suivies et évaluées dans ce sens.
L’analyse des perspectives de la recherche et de l’innovation technologique se fera en examinant ces évo-
lutions prévisibles face à la capacité du système à atteindre les trois objectifs suivants qui semblent consti-
tuer des réponses aux faiblesses actuelles de la recherche marocaine qui ressortent de l’état des lieux
présenté précédemment.

3.1.1. Renforcer l’articulation recherche, innovation, maîtrise des technologies


existantes et développement du pays
Les analyses les plus récentes de l’impact de l’éducation sur la croissance (Aghion et Cohen 2004) sou-
lignent, après de nombreuses autres études, qu’il existe un fort effet positif de la croissance du niveau d’édu-
cation des actifs sur le développement économique. Elles mettent également en évidence l’existence de
plusieurs « modèles » qui peuvent correspondre à des moments différents du développement des états.
L’alternative principale oppose la recherche de l’innovation (qui conduit à se rapprocher de la frontière tech-
nologique occupée par les pays les plus développés, notamment les USA) à celle du rattrapage (ou l’adapta-
tion de technologies existantes).

375
Le choix entre les deux stratégies est dicté par la distance à la frontière technologique, plus celle-ci est
faible et plus les États ont intérêt à promouvoir l’innovation ; plus elle est importante et plus il convient
d’investir dans l’adaptation (un investissement dans l’innovation, sauf à supposer des « niches » tech-
nologiques spécifiques, faisant courir le risque d’une importante fuite des cerveaux en plaçant les meilleurs
chercheurs sur les marchés des pays situés près de la frontière technologique).
Le choix entre ces deux options a des conséquences sur l’organisation globale du système d’enseigne-
ment et de recherche (les auteurs parlent d’institutions « adaptées ») et sur son articulation avec le monde
productif. Le marché de l’innovation suppose un système ouvert, élitiste, de gestion très libérale et une forte
complémentarité entre enseignement et recherche ; la promotion de l’adaptation technologique peut relever
d’activités plus planifiées et dirigées, avec une forte participation publique, à l’exemple des activités dévelop-
pées dans les pays d’Asie dans leur période de très forte croissance, ou de celles mises en place en France
dans les années d’après guerre. Elle offre une place plus importante à l’enseignement technologique et sup-
pose une population active bien formée, à même de faciliter les productions dérivées de la technologie exis-
tante. La recherche d’un équilibre entre ces deux objectifs pouvant être fixés au système d’innovation et de
recherche n’est évidemment pas à exclure mais elle suppose un relatif polymorphisme des institutions et
des modes d’organisation propres à faciliter leur atteinte.

3.1.2. Augmenter le potentiel et surtout la productivité de la recherche


L’objectif du système de recherche marocain est de mobiliser davantage les enseignants chercheurs et
d’obtenir une production individuelle plus importante. Les récentes évaluations de la recherche dans les
domaines scientifiques (qui placent le Maroc au 3e rang des publications et références en Afrique) soulignent
la relative concentration des producteurs, et, pour le plus grand nombre, l’évasion relativement rapide du
milieu de la recherche après seulement quelques années de carrière. La mobilisation accrue des enseignants
chercheurs doit tenir compte de la situation de dualité actuelle du secteur (enseignement et recherche tech-
nologique dans le secteur des écoles et de la formation des cadres ; recherche académique dans les universi-
tés) et doit prendre place dans les choix de « modèles » évoqués précédemment.
À l’horizon 2015, compte tenu de la structure par âge des enseignants de l’enseignement supérieur en
2003, ce sont près de la moitié des enseignants en poste aujourd’hui qui atteindront (ou auront atteint) 60
ans. La réflexion sur l’orientation du système d’innovation et de recherche doit donc être associée en paral-
lèle à une réflexion sur les formations/incitations qui devront être offertes dans l’enseignement supérieur à
moyen terme, le renouvellement important du corps enseignant et la gestion de leur carrière devant corres-
pondre à la satisfaction de ces deux objectifs complémentaires.

3.1.3. Limiter les conséquences négatives de la mondialisation du marché de la


recherche et en capter toutes les opportunités
L’émigration des talents est déjà une réalité au Maroc et constitue évidemment un manque à produire
pour la recherche nationale. La limitation des conséquences de ce phénomène passe par une réforme du
financement de l’ensemble de l’enseignement supérieur mais aussi par une utilisation efficace de cette dias-
pora dans le sens du développement du pays. Cette dernière stratégie est déjà suivie par l’amorce de
réseaux structurés et de manifestations scientifiques mobilisatrices ; elle pourrait prendre plus de force dans
le cadre d’une évolution institutionnelle du système d’enseignement supérieur et de recherche rendant plus
fluide (et attirante) la participation (temporaire) directe des nationaux émigrés aux activités d’expertise,
d’enseignement et de recherche dans le cadre national (création de chaires d’accueil sur appel d’offres, par

376
exemple...). Tel est le cas de la stratégie Forum International de la Communauté Marocaine Expatriée (FIN-
COME) mise en place par le Gouvernement.
Dans le même temps, la mondialisation des productions offre au Maroc, concurremment à de nombreux
autres pays, l’opportunité d’attirer sur son sol des unités de production capables à la fois d’offrir de réelles
opportunités d’emploi pour ses cadres de haut niveau et d’assurer en direction de ces derniers des transferts
de compétences utiles à l’adaptation et à la diffusion locales de technologies nouvelles.

3.2. Les savoirs à l’université, quelles perspectives ?

L’évolution de la production et de la transmission des savoirs à l’université dépend, d’une part, de la place
que ce niveau d’enseignement occupe et occupera dans l’ensemble de l’édifice éducatif national et, d’autre
part, des évolutions amorcées en son sein.

3.2.1. La dynamique prévisible de l’ensemble du système éducatif


La réforme du système éducatif inspirée par la Charte pour l’Éducation et la Formation devrait conduire à
un changement important du paysage scolaire dans les quinze à vingt années à venir. La croissance actuelle
des effectifs de l’enseignement primaire, les efforts déployés pour améliorer la rétention et la transition vers
les cycles post-primaires sont susceptibles de conduire, à l’horizon 2025, à une pression renforcée sur
l’enseignement supérieur. Les prévisions d’effectifs réalisées par le Ministère de l’Éducation Nationale, de
l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique en prenant en compte
les objectifs de la Charte conduisent à un triplement des effectifs de l’enseignement secondaire qualifiant
d’ici 2025 et donc à une augmentation sensible de l’accès à l’enseignement supérieur auquel on voit mal
comment l’université marocaine pourrait répondre si elle devait évoluer d’ici cette date dans sa configuration
actuelle.
Cette pression sur l’enseignement supérieur pourrait être atténuée par un recours plus large à l’enseigne-
ment professionnel comme alternative à la poursuite d’études longues, même si l’autonomie dont jouit
aujourd’hui ce secteur en charge de l’enseignement professionnel peut conduire à douter du fait que la mise
en place coordonnée de passerelles systématiques entre l’enseignement général et l’enseignement profes-
sionnel se fasse à l’échelle et au rythme prévus par la Charte.
En revanche, la volonté affirmée de renforcer les filières scientifiques et techniques au sein de l’enseigne-
ment secondaire (accompagnant le renforcement souhaité des activités pratiques dans les écoles primaires
et les collèges) pourrait modifier sensiblement le profil des futurs bacheliers et faciliter le développement
déjà amorcé du secteur technologique et professionnel de l’enseignement supérieur. Cependant, l’atteinte
de cet objectif sera difficile si on en juge par la stabilité de la répartition des différentes filières du baccalau-
réat au cours des quinze dernières années.
Sur le plan économique, l’élévation du niveau d’éducation et le recul de l’analphabétisme dans la popula-
tion active qui accompagneront la réforme du système éducatif, à condition qu’on soit en mesure de promou-
voir effectivement un enseignement de qualité tout en atteignant les objectifs quantitatifs fixés, devraient
favoriser la mise en place de techniques de production plus évoluées dans les entreprises (de même que
l’élévation des investissements étrangers directs qui ne manquera pas d’accompagner l’ouverture du marché
national en 2010) et offrir de réelles opportunités d’emploi d’encadrement en matière d’ingénierie (tech-
niciens et ingénieurs).
Ainsi, le développement des enseignements primaire et secondaire, réellement amorcé aujourd’hui, pour-

377
rait offrir des opportunités favorables à l’économie marocaine, satisfaire les besoins nationaux en cadres qua-
lifiés et finalement enclencher un cercle vertueux entre le système d’enseignement et le développement. Ce
scénario optimiste est néanmoins conditionné par la maîtrise de plusieurs éléments : une élévation de la qua-
lité moyenne de l’enseignement à ces différents niveaux, dont les rares comparaisons internationales dispo-
nibles montrent qu’elle est modeste ; un net renforcement de la régulation inter-cycles et inter-types
(général/technique/professionnel) qui conduirait à réduire la part croissante de la jeunesse qui se tourne vers
un enseignement supérieur universitaire qui est déjà en situation difficile. La relative limitation de la crois-
sance du nombre des étudiants au cours des 10 dernières années ne doit pas masquer ses faiblesses struc-
turelles : en regard de l’économie marocaine, l’enseignement supérieur est déjà relativement hypertrophié 1.
Il présente aujourd’hui dans de nombreuses disciplines les caractéristiques d’un mode d’enseignement de
masse qui l’éloigne des objectifs qui devraient être les siens vis-à-vis de la collectivité :
– l’efficacité interne relativement faible conduit aujourd’hui à ce qu’on dépense en moyenne dans le sec-
teur universitaire ouvert 9,3 années d’études pour former un diplômé au niveau de la licence (soit plus
que deux fois ce qui devrait être dépensé dans un système efficace) ;
– l’enseignement est peu diversifié et répond mal quantitativement et qualitativement aux attentes du
marché comme en témoigne la croissance continue du taux de chômage des diplômés au cours des 15
dernières années ;
– l’afflux d’étudiants dans les universités conduit parfois à privilégier aujourd’hui des recrutements
« d’encadrement » ce qui ne manque pas de nuire à la qualité des formations et évidemment à la pro-
duction de recherche déjà menacée par l’importance du temps que les enseignants consacrent à l’ensei-
gnement.
Ces différents éléments militent dès aujourd’hui pour une régulation progressive et une diversification de
l’accès à l’enseignement supérieur qui devrait donc être encore renforcée si la dynamique des enseigne-
ments placés en amont venait, à moyen terme, à accroître la pression qu’il supporte aujourd’hui.

3.2.2. Évolutions annoncées ou en cours au niveau de l’enseignement supérieur


lui-même
Le paysage institutionnel de l’enseignement supérieur marocain, notamment universitaire, est aujourd’hui
en profonde transformation. Deux éléments pourraient conduire à de nombreux changements pour l’avenir
ayant de réelles incidences sur la recherche : l’autonomie accordée aux établissements, d’une part, et la
remise en cause, même encore très prudente aujourd’hui, de la gratuité, d’autre part. En revanche, la « fuite
des cerveaux », qui prive la collectivité de ses meilleurs talents, fait peser une menace durable sur le sys-
tème d’enseignement supérieur et sur celui de la recherche et de l’innovation.
L’autonomie des établissements est de l’avis de nombreux observateurs, un des éléments qui est à l’ori-
gine des transformations les plus importantes qui affectent aujourd’hui le fonctionnement des universités
françaises. À travers la contractualisation Établissement-État, et sans remise en cause immédiate et brutale
des « tabous » les plus résistants concernant l’université (libre accès à tous les bacheliers), l’autonomie des
établissements consacre une évolution importante du système (certains y font référence comme l’acte fon-
dateur de véritables universités par opposition au précédent long règne des facultés). On lui doit le déve-
loppement de projets d’établissement cohérents, la naissance de véritables politiques de gestion et la

1. Le nombre d’actifs employés titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur est au Maroc aujourd’hui de l’ordre de 600 000 personnes
alors que dans le même temps on compte plus de 280 000 étudiants en cours d’études et déjà 150 000 diplômés de l’enseignement supérieur
sans emploi (source : Annuaire statistique du Maroc).

378
reconnaissance du rôle pilote de l’équipe regroupée autour des présidents des universités. Elle porte en
germe une diversification des politiques d’offre de formation et de recherche, un affichage de réelles spécifi-
cités associé au développement de diplômes dont les contenus seront de fait de plus en plus diversifiés
(mastères). Le changement de statut des établissements universitaires au Maroc a toutes les chances de
produire les mêmes résultats, pour peu évidemment, qu’il s’accompagne d’une politique de financement
(contractualisation sur projets, perception de ressources propres,...) qui pousse à la définition de projets
audacieux.
Sur ce dernier plan, la remise en cause de la gratuité au niveau de l’enseignement supérieur pourrait facili-
ter une régulation qui ne s’opère pas spontanément et rendre plus convergents intérêts individuels et intérêt
collectif à ce niveau d’enseignement. L’élévation des coûts pour les usagers tend à réduire le choix d’études
peu rentables ; il rend les étudiants collectivement plus exigeants quant à la qualité et à la pertinence de
l’enseignement qui leur est offert ; il permet aux autorités une régulation souple des flux par la réduction ou
l’exemption des coûts dans les filières les plus utiles à la collectivité. Il permet également la mise en place
d’un financement contractuel des études qui pourrait limiter la fuite des cerveaux en créant des obligations
aux futurs diplômés : obligations financières ou engagement de service pour une période déterminée (mais
pas obligatoirement continue). Enfin, il est susceptible d’alimenter le financement interne des activités inno-
vantes d’enseignement, de recherche, dans des universités plus autonomes et, quelque part, plus concur-
rentes.
À ces effets positifs, attendus et reconnus, du renoncement à la gratuité de l’enseignement supérieur, on
oppose le plus souvent la question de l’équité. Les arguments développés dans la Charte en faveur de l’éta-
blissement d’une contribution des ménages au financement de l’éducation mériteraient d’être étoffés et de
faire l’objet d’un véritable débat national. Dans la situation présente, les étudiants qui accèdent à l’enseigne-
ment supérieur sont, d’une certaine manière, relativement privilégiés, socialement d’abord car dans leur
majorité ils ne sont pas issus des couches les plus défavorisées de la population marocaine, économique-
ment, ensuite, parce qu’en parvenant à ce niveau d’enseignement, ils ont plus que tous les autres enfants de
leur génération déjà bénéficié d’une part importante des ressources publiques consacrées à l’éducation ;
enfin, les arguments d’équité perdent leur sens premier (en termes de justice sociale) si la gratuité qui les
fonde conduit à une offre de formation de faible qualité et économiquement peu pertinente (cf. encadré
« gratuité et équité »).

Gratuité et équité

– même si les statistiques sur l’origine sociale des étudiants font défaut, il ne fait aucun doute qu’ils appartiennent col-
lectivement aux segments plutôt favorisés de la société marocaine, qui ont bénéficié d’une offre de qualité tant au
niveau primaire que secondaire (par exemple, parmi les nouveaux inscrits dans le système universitaire en 2000 on
comptait 28 % d’étudiants dont les parents sont des ruraux dans le secteur universitaire ouvert et 11,6 % dans le
secteur universitaire sélectif alors que les ruraux représentent au même moment 45 % de la population totale). Ce
biais social est sans doute renforcé lorsque, à l’intérieur de l’enseignement universitaire on oppose les filières
ouvertes et les filières sélectives, et plus largement les écoles aux universités.
– les 10 % d’une classe d’âge qui accèdent à l’enseignement supérieur, outre les ressources publiques qui leur sont
consacrées à ce niveau d’enseignement ont déjà bénéficié des ressources publiques investies dans l’enseignement
primaire et secondaire (l’étude comparative des systèmes africains conduite par B. Suchaut et A Mingat estimait pour
1992 à 36 % la part des ressources publiques totales d’éducation qui bénéficiait au Maroc aux étudiants accédant à
l’enseignement supérieur, ce qui constituait le plus mauvais score des 5 pays du Moyen orient et d’Afrique du Nord
considérés dans la comparaison).
– en apparence, cette situation de décalage entre investissement public et coût privé est encore plus forte lorsqu’il
s’agit de l’accès aux filières sélectives. Mais les considérations de qualité et de pertinence de la formation conduisent

379
à nuancer ce jugement : alors que le taux de chômage des licenciés de l’université en 2001 dépassait 35 % dans les
filières ouvertes de l’enseignement universitaire, il était inférieur à 5 % dans les filières sélectives; dans le même
temps la dépense annuelle par étudiant plus élevée dans le secteur fermé (de l’ordre de 36 000 dhs en 2001) que
dans le secteur ouvert (de l’ordre de 11 000 dhs) est en grande partie compensée par la plus faible efficacité interne
du second secteur (9,3 années élèves dépensées par diplômés.*) qui, en outre, scolarise plus de 90 % des étudiants.
– Enfin, les arguments d’équité n’ont de sens que par rapport à une offre d’enseignement pertinente (au plan écono-
mique et social) et de bonne qualité, à même de garantir une véritable mobilité sociale. La situation actuelle ne saurait
être considérée comme satisfaisante sur ce plan puisque la grande majorité des étudiants accède à des études de
qualité très moyenne, peu demandées sur le marché du travail et qui ne jouent pas, par conséquent, leur rôle
d’ascenseur social (le chômage des diplômés par l’image quelle offre aux populations des débouchés des études
peut même constituer un frein puissant au développement indiscutablement nécessaire de la scolarisation primaire
et collégiale). Des études payantes, moins fréquentées, plus orientées en quantité et en qualité vers les besoins
économiques nationaux, une politique de soutien financier effectif aux plus démunis à travers un système de sub-
vention ou de prêts, permettraient d’atteindre collectivement un niveau d’équité plus élevé.

* Si l’on ne dispose pas de la comparaison de l’efficacité interne des deux secteurs dans les statistiques publiées par la direc-
tion de l’évaluation et de la prospective de l’ancien ministère de l’enseignement supérieur, on peut avoir une idée grossière de
l’écart qui devrait séparer ces indicateurs en constatant que le taux de promotion de la première à la deuxième année du cycle est
en moyenne en 2001 de l’ordre de 26 % dans le secteur ouvert et de 79 % dans le secteur sélectif.

La remise en cause de la gratuité dans le cadre d’une politique judicieuse qui s’attache aux besoins du
pays sans négliger les attentes de la population peut permettre à la fois une amélioration de l’efficacité et de
l’équité du système d’enseignement supérieur et de recherche. Il s’agit d’une réforme majeure, sensible, qui
suppose pédagogie et progressivité. Il importe, comme le fait la Charte, de la lier profondément à une amé-
lioration de la qualité et de la pertinence des formations ; ce qui peut se faire, à travers l’autonomie des éta-
blissements, par la mise en place de formations nouvelles (sélectives, payantes, mais à forte efficacité
externe), mais aussi au travers d’une politique publique plus globale d’aide aux élèves les plus démunis en
amont de l’enseignement supérieur.
La fuite des cerveaux est aujourd’hui une réalité dont tout le monde s’accorde à reconnaître les dom-
mages. Elle est indiscutablement aggravée par la situation actuelle de l’enseignement supérieur qui conduit
de nombreux étudiants à choisir d’étudier à l’étranger et finalement à s’y installer. Elle concerne aussi le
départ de diplômés formés au Maroc (le plus souvent dans les filières les plus pertinentes en regard du mar-
ché mondial et aussi national). La gratuité de l’enseignement qui au niveau national opère un transfert des
plus pauvres aux plus riches conduit le Maroc, avec ces départs d’étudiants et de diplômés, à subventionner
les pays les plus développés.
On peut évidemment se réjouir de voir des nationaux occuper des postes de haute responsabilité à l’étran-
ger (ils contribuent indiscutablement à valoriser l’image du pays) mais on peut difficilement occulter ce qu’ils
ont coûté à la collectivité pour parvenir à ce niveau d’études et dont l’équivalent est sans doute la scolarisa-
tion de nombreux enfants dans l’enseignement primaire ou l’amélioration du niveau des élèves de l’ensei-
gnement secondaire (qui eux aussi contribuent à l’image que les investisseurs se font des opportunités
d’entreprendre dans le pays). Une solution consiste effectivement à mobiliser cette diaspora très compé-
tente et qui dispose de nombreux réseaux utiles pour le développement national à travers des initiatives
comme celle de FINCOME ; une autre, complémentaire de la précédente, peut consister en une hausse
substantielle du coût pour les usagers en ménageant des réductions importantes à ceux qui s’engagent
contractuellement à collaborer pour une période définie (même en vivant durablement hors du Maroc) avec
les établissements nationaux d’enseignement et de recherche.
L’amélioration de la situation actuelle de l’enseignement supérieur constitue une nécessité en soi (eu

380
égard aux objectifs que la nation fixe à ce niveau d’enseignement) et une nécessité en regard de l’hypo-
thèque que son fonctionnement actuel et les pressions qu’il pourrait encore connaître à moyen terme font
peser sur le système d’innovation et de recherche. Dans ce contexte, les actions directement mises en place
pour favoriser ce dernier secteur constituent un élément d’accompagnement important mais ne devraient
pas, à elles seules, inverser les tendances lourdes relevées précédemment.

3.2.3. Les conséquences de la structuration actuelle du secteur de la recherche


Les chantiers ouverts ces dernières années par le département de la recherche ont été jugés bien orientés
par les experts européens qui ont mené en 2003 l’opération d’évaluation du système marocain de la
recherche. Le chantier qui concerne la structuration de ce secteur permet aujourd’hui d’avoir une plus grande
cohérence dans l’action menée par les pouvoirs publics dans ce domaine d’activité.
Le comité permanent interministériel de la recherche mis en place en 2002, fournit le cadre d’élaboration
d’une programmation harmonieuse et de partage de sa mise en œuvre. Cela est, en particulier, indispensable
dans les domaines transverses tels que l’eau, la mer, la santé, l’agriculture, l’énergie ...
En créant en 2001 la direction des sciences et la direction de la technologie au sein de département de la
recherche, le gouvernement est en mesure aujourd’hui d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques
scientifique et technologique.
L’Académie des Sciences et Techniques et le CNRST, à travers leurs nouvelles missions, complètent le
dispositif de pilotage du système de recherche. Reste à ce niveau la nécessité d’avoir des instances d’éva-
luation en mesure d’instaurer les conditions d’une saine compétition entre organismes et de contribuer à une
évolution continue de la production vers l’excellence scientifique.
Des informations sur le système de recherche scientifique et technique marocain pourraient être régulière-
ment mises à jour par la création d’un observatoire. Ce dernier aurait pour mission de construire des indica-
teurs pour mesurer l’efficacité des inputs :
– données sur les axes/ thèmes/ sujets de recherche ;
– données sur la valorisation de la recherche : publications, brevets, contrats, collaborations nationales,
coopérations internationales... ;
– mesure des collaborations engagées avec le secteur productif, plus généralement avec la société civile,
le monde socio-économique ;
– données sur les impacts des actions institutionnelles (ministères, établissements).

Il fournirait ainsi aux autorités un véritable tableau de bord permettant d’apprécier l’effet des mesures
prises et d’aider à formuler des priorités d’action.
La réorganisation et la mise à niveau des structures opérationnelles de la recherche sont nécessaires à
cette recherche de l’excellence scientifique. Dans la quasi-totalité des cas, les laboratoires, équipes et unités
de recherche, dans les universités, ont vu leur existence décidée par des enseignants-chercheurs sans
concertation avec leur hiérarchie et sans liens avec les stratégies de développement de leur institution et du
pays. Dans ces conditions, les laboratoires universitaires n’ont pas d’existence officielle, pas de budget régu-
lier et de ce fait ne sont soumis à aucune évaluation et sont sans visibilité pour les partenaires y compris les
nationaux.
Un début de structuration de ces laboratoires a été entrepris sous l’impulsion du département de la
recherche, du CNRST et des Universités – Les appels à proposition de financement de projets de recherche
autour de thématiques prioritaires (PROTARS), la création de réseaux thématiques (pôles de compétences),
les bourses de recherche sont autant d’initiatives propres à regrouper les chercheurs, à les engager autour

381
d’axes prioritaires et à soumettre leurs travaux à une évaluation. L’effort devra être poursuivi au cours des
prochaines années pour avoir des laboratoires et unités de recherche aux mêmes normes que dans les pays
développés.
L’activité doit s’organiser en système. En matière de recherche, le Maroc dispose bien des éléments du
système : des établissements qui se livrent à des activités de recherche, des outils de coordination, des
équipements, des budgets, de pratiques et de valeurs enracinées chez les chercheurs actifs... Paradoxale-
ment, la difficulté de fond est peut être que la fonction reste à reconnaître. Certes, la fonction recherche
est officiellement incluse dans les missions de l’Université comme dans celles des instituts dédiés. Mais il
s’agit d’autre chose : que la recherche ne soit plus poursuivie comme un sous produit (de l’organisation de
l’enseignement) un auxiliaire (de la mission de service), une sous-traitance (de sujets étrangers), mais
qu’elle soit reconnue comme ayant « un rôle spécifique » système de recherche, est en voie de trans-
formation grâce aux chantiers ouverts. Il s’agit au cours des années à venir de persévérer sur la même
voie.

3.2.4. Les activités et réformes complémentaires à mettre en œuvre en matière de


gestion des ressources humaines pour atteindre les objectifs fixés au
système de recherche

La charge d’enseignement et de régulation administrative devrait rester importante à l’université à l’hori-


zon de 15 à 20 ans dans le contexte d’une poursuite de la croissance des effectifs. Dans ce contexte, la
question se pose de savoir comment développer des incitations efficaces pour conduire les enseignants
chercheurs à se mobiliser dans les différentes dimensions de leur activité et, notamment, à participer au
développement d’une recherche de qualité ? Subsidiairement on doit se demander comment mobiliser effi-
cacement la communauté scientifique nationale à l’étranger ?
L’activité des enseignants chercheurs est typiquement une activité multi-tâches (enseignement, adminis-
tration, recherche, expertise) avec toutes les difficultés soulignées par les recherches conduites dans le
cadre de la théorie des incitations à obtenir une mobilisation effective des personnels sur les différentes
dimensions de leurs activités (Aghion et Cohen 2002). La situation est plus complexe dans les systèmes
publics qui tendent dans leur fonctionnement courant à limiter les incitations inter-individuelles.
Cette multi-activité se retrouve clairement dans les objectifs qui sont à atteindre pour un système
moderne d’enseignement supérieur qui vise plus l’innovation que le rattrapage. Ce système doit générer une
recherche de pointe, être capable de se connecter à la recherche plus appliquée, produire un enseignement
de qualité que ce soit au niveau des 1er et 2e cycles universitaires qu’à celui des 3e cycles, éviter la sclérose
des enseignants en soumettant les plus âgés à la concurrence des plus jeunes, être capable de se régénérer
en sélectionnant les meilleurs projets, les meilleures équipes et les meilleurs étudiants, ce qui suppose une
importante activité d’évaluation et de sélection de la part du milieu.
Traditionnellement dans une activité dont les produits sont aisément mesurables, une incitation directe
liée à la performance individuelle est garante de la production maximale. Dans le cadre d’un système multi-
tâches, dont certaines sont en outre difficilement mesurables, il y a un risque à se baser uniquement sur une
forte incitation salariale liée aux seules performances mesurables (par exemple la recherche fondamentale au
détriment de la qualité de l’enseignement ou de la contribution à l’évolution du système en participant à une
évaluation de la qualité des productions et des programmes de recherche,...). Il convient de combiner incita-
tions salariales directes et incitations indirectes (carrières, incitations non monétaires,...)

382
Le système nord américain d’enseignement supérieur, qui demeure la référence en matière d’innovation,
repose sur plusieurs éléments qui visent précisément à favoriser la mobilisation des enseignants chercheurs
dans les multiples activités qui sont les leurs en articulant incitations directes et incitations indirectes :
– éventail de salaires relativement large
– marché interuniversitaire actif avec une capacité financière des établissements autonomes à recruter les
meilleurs talents
– accès à des bourses pour les jeunes chercheurs sur la base d’une cooptation académique de haut niveau
– système de titularisation qui intègre une période probatoire relativement longue (6 à 9 ans) et repose sur
un système de sélection exigeant
– possibilité de passerelles université – industries (services) à travers l’exploitation de brevets et la
conduite d’activités d’expertise
– possibilité pour les établissements de disposer de ressources publiques et privées importantes

La combinaison de ces différents éléments assure une régulation performante à l’ensemble du système.
– Les jeunes enseignants chercheurs les plus productifs se voient récompensés par le recrutement puis la
titularisation dans une bonne université (du fait de la vitalité du marché inter-universitaire, du système de
titularisation différé, et de l’efficacité du système d’attribution de bourses).
– L’existence d’un large éventail de salaires et d’un marché inter-universitaire actif maintient les incitations
à produire pour les enseignants plus anciens qui sont ainsi toujours à même d’attirer de bons étudiants
– La titularisation tardive oblige les jeunes enseignants chercheurs à trouver un équilibre entre recherche
académique et expertise
– Le maintien de la qualité de l’enseignement est assuré par le souci d’attirer les meilleurs étudiants, de
leur obtenir des soutiens financiers de recherche et de les intégrer pleinement à la production de
recherche des équipes et des départements.

En référence à ce schéma, la situation marocaine présente des points forts et des faiblesses qu’il convient
d’examiner pour accompagner l’évolution du système d’enseignement supérieur et du système d’innovation
et de recherche vers la satisfaction des objectifs fixés au départ de cette section
Les points forts sont très nettement ceux qui concernent la structuration actuelle du système de
recherche lui-même et la mise à disposition de moyens financiers et techniques auprès des équipes. Ils
concernent, également, la mise en place de conditions nouvelles au sein des universités (participation des
usagers, autonomie, contractualisation sur projets). Les points faibles concernent les difficultés à inverser les
tendances lourdes du système d’enseignement et la structure d’incitation des enseignants-chercheurs.
La situation actuelle de l’université est en partie le fruit de l’absence de régulation qui caractérise
l’ensemble du système d’enseignement. En ce sens elle constitue une « institution adaptée » au sens de
Aghion et Cohen puisqu’elle assure à un coût supportable l’absorption de la très grande majorité des jeunes
bacheliers tandis que se développent, à la marge, des institutions sélectives qui fournissent en quantité et en
qualité les cadres nécessaires au développement du pays et qu’une part non négligeable des jeunes sortants
de l’enseignement secondaire émigre à la recherche de meilleures conditions d’études et d’emploi. On peut
douter que cette situation puisse se maintenir sans danger, dans l’avenir, avec le développement de l’éduca-
tion à tous les niveaux d’enseignement suite aux efforts entrepris pour offrir un enseignement de base à la
quasi-totalité des jeunes marocains. Il y a donc un très important travail à effectuer au niveau de l’ensemble
du secteur pour offrir un enseignement de qualité et des orientations attractives et économiquement per-
tinentes aux différents paliers du système éducatif.
Le système d’incitation proposé aux enseignants-chercheurs ne répond pas totalement aux multiples
tâches que l’on attend d’eux. Même si les conditions d’une recherche de qualité sont rendues plus favo-

383
rables par la mise à leur disposition d’aides financières et techniques (programmes mobilisateurs, plates-
formes techniques,...) l’éventail des salaires est figé, et il n’existe pas de marché inter-établissements offrant
aux meilleurs enseignants-chercheurs des opportunités spécifiques de rémunération ou de carrière. Dans le
même temps les exigences académiques ne paraissent pas encourager la production. Le remplacement de
la thèse d’état par l’Habilitation à Diriger la Recherche (HDR) devrait constituer une occasion de dynamiser la
recherche en substituant à un travail de longue haleine, très académique, souvent solitaire, la constitution
d’un dossier solide de travaux servant de support à l’habilitation. En se basant sur l’opinion commune (à
défaut d’éléments factuels disponibles sur ce plan), il ne semble pas que les conditions actuelles d’attribution
des HDR correspondent à un niveau d’exigence suffisamment élevé pour assurer le bénéfice attendu de
cette réforme. La nécessité de recruter pour faire face à l’afflux des étudiants pourrait tendre à réduire
encore davantage les exigences dans un contexte où la production de recherche est déjà rendue difficile par
le poids des activités d’enseignement. Cette exigence scientifique doit être renforcée, comme doit l’être la
qualité des thèses, parallèlement aux efforts déployés pour faciliter l’environnement de recherche et per-
mettre la mobilité des chercheurs vers le monde socio-économique qui, sans aucun doute, devra renforcer
l’infrastructure marocaine en ingénierie, conseil et expertise, réduire le coût de son importation (cf. III.3).
En parallèle à la nécessité de renforcer les incitations à la recherche, il convient évidemment de préserver
celles qui concourent à la qualité de l’enseignement et notamment à la création et au développement de nou-
velles filières pertinentes au plan économique. Sur ce dernier plan, offrir de réelles opportunités aux ensei-
gnants chercheurs de participer à des expertises avec le garde fou que constituerait une HDR plus exigeante
au plan scientifique pourrait permettre d’améliorer leur connaissance du marché, valoriser les produits de
leurs recherches, transférer leur savoir à l’économie et imaginer les formations et les contenus d’enseigne-
ment les plus à même d’y répondre. La mise en place d’une contribution des étudiants devrait assez naturel-
lement amener ces derniers à exercer une évaluation de la qualité de l’enseignement dispensé et de
l’engagement des enseignants.
Sans remettre brutalement en cause le système actuel des rémunérations, il est possible de mettre en
place des incitations personnelles visant à stimuler la qualité de l’enseignement et de la recherche.
Aujourd’hui, les incitations individuelles à la création de nouveaux diplômes sont relativement faibles et il est
nécessaire de stimuler l’innovation et de compenser la charge pédagogique et administrative qui découle de
la gestion des étudiants (en particulier dans le cadre d’une professionnalisation accrue des enseignements
qui est très exigeante en termes d’encadrement). Ces incitations pourraient également viser la mobilisation
des scientifiques nationaux à l’étranger laquelle constitue une recommandation forte de la Commission des
Nations Unies de la Science et la Technologie. Il convient, sur ce registre, de concentrer les efforts sur la
stratégie FINCOME qui bénéficie de l’engagement des départements ministériels et d’autres partenaires pri-
vés. L’exemple le plus intéressant est celui de la possibilité pour les universités de créer (en nombre très res-
treint) des chaires de haut niveau des postes hors cadre de la fonction publique, dont le niveau de
rémunération serait fonction du marché international. Il est ainsi possible, dans le cadre du projet de
recherche de l’établissement, de recruter des nationaux installés au Maroc ou à l’étranger dans le cadre
d’une procédure de sélection et de cooptation très rigoureuse. Cette stratégie est également de nature à
soutenir toutes les initiatives propres des compétences marocaines pour la création d’entreprises innovantes
et pour l’investissement dans la technologie.

3.3. Les savoirs et l’innovation dans l’entreprise, quelle perspective ?

La situation actuelle de l’entreprise marocaine, souvent familiale, de taille modeste, faiblement capitalisée
et sous-encadrée, ne lui permet pas de se doter des technologies modernes et appropriées. Elle ne lui per-

384
met pas non plus d’offrir en quantité et en qualité des opportunités attrayantes pour les jeunes cadres et
ingénieurs nationaux. Cette structure freine assurément l’adoption, l’adaptation et le développement de nou-
velles technologies.
L’histoire économique montre que les évolutions dans ce domaine relèvent davantage d’un système de
sélection (disparition des entreprises les moins performantes) que d’une adaptation des entreprises exis-
tantes. La mise à niveau des entreprises et l’institutionnalisation du secteur informel ne se décrètent pas.
L’État, en ce domaine, peut cependant contribuer très significativement à l’amélioration d’un environnement
plus favorable à la création et à l’implantation d’entreprises performantes
La situation actuelle pourrait évoluer en fonction des efforts qui sont accomplis aujourd’hui pour la prépara-
tion d’un tissu économique plus favorable à l’application des accords de libre échange conclus avec les USA
et l’UE et du fait de l’implantation au Maroc d’entreprises étrangères que ces accords devraient drainer.

Des efforts supplémentaires sont à entreprendre pour orienter ces délocalisations vers des secteurs à fort
encadrement et forte valeur ajoutée technologique et pour ne pas se contenter de délocalisations à forte
intensité de main d’œuvre peu qualifiée. C’est le sens des efforts actuellement entrepris par les autorités
qu’illustrent trois exemples récents :
– Matra Automobile Engineering, filiale du groupe mondial PININFARINA, s’est engagée à former au plus
haut niveau 70 ingénieurs et techniciens en Europe et à les intégrer dans une unité de conception et de
design automobile à Casablanca.
– ST-Microelectronics, leader mondial en microélectronique renforce sa présence au Maroc en se dotant
d’un centre de design et de conception de circuits intégrés. À terme 500 ingénieurs travailleront dans
leur centre de recherche développement à Rabat.
– Lead Design, une start-up marocaine dans le domaine de l’ingénierie en microélectronique vise la réalisa-
tion d’un centre de conception intellectuelle et matérielle de microprocesseurs où une centaine d’ingé-
nieurs sera employée..

Ces projets, à côté d’autres déjà existants (ASSYSTEM, SNECMA ENGINES, VALEO, etc.) contribueront à
renforcer les activités technologiques toutes naissantes au Maroc. On peut attendre de ces expériences
qu’elles favorisent l’emploi et la formation de jeunes diplômés de haut niveau (limitant ainsi d’éventuels
départs) et qu’elles soient à l’origine, quelques années plus tard de créations d’entreprises par ces mêmes
jeunes diplômés. Il sera donc nécessaire de suivre ces expériences pilotes et d’en évaluer les résultats en
regard du coût supporté par le Maroc.
À la lumière de ces différents exemples il apparaît qu’il conviendrait de structurer l’offre marocaine en
matière d’attraction et de renforcement de ces activités au Maroc. L’accent devra être mis sur la mise en
place d’un ’package’ incitations orientées et destinées tout particulièrement à ce type d’activités. Les méca-
nismes d’incitation actuels sont à mettre à jour pour répondre aux besoins précis des investissements dans
ce domaine notamment en formation (initiale, continue et ponctuelle) et en exonération fiscale (partielle ou
totale).
Partant du fait que l’innovation consiste à mettre au point un nouveau produit ou service destiné au marché
dont la rentabilité est à risque, l’instrument fiscal s’impose comme encouragement incontournable à la fonc-
tion d’innovation et ce, pour compenser les effets inhérents à ce risque. Les mesures fiscales concernent,
d’une part, les entreprises innovantes, les capitaux-risques, les fonds d’amorçage, les provisions allouées à la
recherche et au développement. Ces mesures sont, par ailleurs, une simple incitation au profit de l’instru-
ment de financement.
De plus, il est admis que les activités économiques n’apportent pas la même valeur ajoutée et n’offrent
pas la même capacité technologique. Il est ainsi préconisé d’encourager davantage les investissements dans

385
les filières de pointe et d’opérer un recentrage de l’action en adéquation avec les avantages comparatifs du
pays afin de garantir plus de succès et d’optimiser le coût supporté par l’État.
Ces incitations ne sauront susciter, à elles seules, l’intérêt souhaité vis-à-vis de l’investisseur en tech-
nologie si elles ne sont pas appariées à d’autres avantages compétitifs : une capacité intrinsèque en tech-
nologie, des ressources humaines bien qualifiées avec des formations bien adaptées, des salaires
compétitifs.
Si le rôle des ressources humaines est important pour tout développement, il est fondamental pour le
savoir et l’innovation. Ce sont les compétences qui créent le savoir, le développent et l’appliquent. La priorité
doit être accordée à l’amélioration de l’encadrement au sein de l’entreprise, à la formation continue, la forma-
tion par la recherche, à la mobilité des compétences de l’université vers l’entreprise et à la mobilisation des
compétences marocaines à l’étranger.
Il est également proposé de récompenser l’initiative d’innovation par un prix prestigieux qui serait un sti-
mulateur de la créativité et de l’émergence des talents. Aussi, la récompense de personnalités dont l’apport
à la science et la technologie est important, est proposé comme instrument d’hommage et de reconnais-
sance d’une longue carrière riche et généreuse pour le progrès de la science et de la technologie.
Les évaluations disponibles concernant la recherche académique et surtout technologique font ressortir
les difficultés que rencontrent les bureaux d’études nationaux face à des concurrents étrangers. Une part
très importante de l’ingénierie au Maroc est importée. Dans ce type de marché le prix des prestations n’est
pas forcément un élément de poids face à l’incertitude qui entoure la qualité des prestations fournies (les
grandes entreprises, les organismes internationaux, sont prêts à payer beaucoup plus cher des consultants
ou des experts étrangers dont la réputation garantit la qualité du travail fourni). Ceci veut dire qu’il existe sur
ces marchés particuliers un réel problème de crédibilité des équipes de recherche et des bureaux d’études
nationaux qui ne peut être dépassé qu’à travers une politique très sélective de labellisation et de garantie de
la part d’une autorité scientifique assurant une certification et un contrôle très exigeants.
Parallèlement, la simplification et l’allègement des procédures pour le bénéfice des financements existants
en faveur du recours à l’ingénierie devront donner une forte impulsion pour la dynamisation de ce secteur.
La conjugaison de ces actions et leur mise en œuvre d’une manière parallèle et cohérente dans le court et
moyen termes devraient avoir des effets positifs sur l’économie et sur le progrès technologique du Maroc à
plus long terme. Il est communément admis que la science et la technologie sont à impact différé. L’impact
n’est apprécié qu’après une phase d’induction relativement longue. Ceci est d’autant plus vrai pour le Maroc
qui est considéré comme un pays loin de la frontière technologique.
En 2025, le taux d’encadrement devrait être porté dans les entreprises marocaines à des niveaux assez
suffisants : au moins 15 % en moyenne. Ce taux devrait être supérieur pour certaines activités : ingénierie,
pharmacie, automobile, électronique, finances. La capacité interne en technologie des serait ainsi renforcée
et le positionnement de leur production sur des produits à forte valeur ajoutée amélioré.

3.4. Le rapprochement université-entreprise, quelle stratégie ?

Dans le domaine de la technologique et afin d’initier des liens entre les savoirs développés dans les univer-
sités et les entreprises, les réseaux de développement technologique (RDT), du génie industriel (RGI) et celui
d’incubation et d’essaimage (RMIE) développés dans le cadre d’un large partenariat national et international
constituent des outils efficaces d’aide à la mise à niveau technologique et organisationnelle des entreprises.
Le début de leur mise en œuvre est encourageant et mérite d’être soutenu plus fortement au cours des pro-
chaines années. Ce soutien doit avoir comme objectif central leur pérennisation.

386
Parallèlement, un programme s’est mis en place pour encourager les universités et les aider à se doter de
structures professionnelles (interfaces) chargées notamment de créer le partenariat d’« affaires » avec les
entreprises et les collectivités, de valoriser les résultats et les compétences de l’université et mieux orienter
la recherche et l’innovation vers les besoins précis de l’économie marocaine lesquels sont dans la plupart des
cas financés par des fonds publics.
Ce programme s’intègre parfaitement dans les objectifs de la Charte de l’éducation et de la formation et
consacre le principe de la loi 01-00 organisant l’enseignement supérieur et visant la contribution de l’univer-
sité au ’développement global du pays’. L’objectif à long terme est de faire muter le secteur de la recherche
vers une recherche technologique pour l’ériger enfin en un secteur productif créateur de valeur ajoutée et
source d’innovations pour tous les secteurs de l’économie.
En 2025, les universités devront être des ’entreprises’ productives. Leurs outputs, sont bien évidemment,
la formation des ressources humaines mais une formation orientée vers les besoins précis du marché. Ils
devront aller également vers les produits de la recherche et de l’innovation, l’expertise, la consultance, la dif-
fusion du savoir, la création d’entreprises et le partenariat d’affaires. Ces outputs pourront générer aux uni-
versités des revenus qui couvriraient une partie appréciable de leurs charges. Cette situation de rentabilité
socio-économique dotera les universités des moyens performants de fonctionnement et de formation et leur
conférer l’autonomie voulue à travers la charte de l’éducation et la formation et par la loi 01-00, à l’instar des
universités des USA, du Canada et de la Grande Bretagne.
Reste à savoir comment les universités doivent-elle devenir des « entreprises » productives de recherche
et de ressources humaines orientées vers les besoins précis du marché ? L’enseignement, la recherche et
les besoins de l’économie ne peuvent être analysés séparément. Ils ne peuvent pas non plus être appréhen-
dés sous forme des paires traditionnels : les enseignements/économie, enseignement/recherche, économie/
recherche. L’approche la plus riche consiste à les envisager sous forme de triade.
Le développement économique d’un pays peut dépendre de l’enseignement et de la recherche s’il existe
une forte interaction, voir intégration, entre eux. C’est à partir de ce moment seulement que l’innovation
industrielle peut avoir lieu.

Conclusion

Embryonnaire au lendemain de l’indépendance, l’Université marocaine a rapidement connu une très forte
croissance stimulée par le besoin en cadres nationaux. La massification de l’Université et la forte réduction
des besoins de la fonction publique vers lesquelles elle était prioritairement orientée justifient aujourd’hui
une réforme de grande ampleur d’un secteur qui ne prépare plus efficacement les jeunes à entrer dans la vie
active et surtout, au cœur des préoccupations du présent rapport, ne joue pas le rôle qui devrait être le sien
dans la production d’une recherche de qualité au service de la connaissance et du développement. La res-
tructuration et la dynamisation du secteur de la recherche entreprises au Maroc depuis une dizaine d’années
ne pourront porter leurs fruits dans une université en voie de « secondarisation ». Pour faire face aux effectifs
souvent pléthoriques, phénomène qui devrait s’amplifier avec les perspectives de croissance de l’enseigne-
ment secondaire ouvertes par la Charte, les critères de recrutements d’enseignants tendraient à être moins
exigeants et la recherche prendrait de moins en moins de place dans l’accès aux emplois de haut rang.
Les perspectives ouvertes par la Charte et la réforme de l’enseignement supérieur (autonomie des univer-
sités, mise en cause de la gratuité, adoption du LMD (Licence Master Doctorat) devraient permettre d’amor-
cer de profonds changements. L’autonomie et l’adoption du LMD devraient faciliter une diversification des
filières et rompre avec la situation actuelle qui consacre la prépondérance des sciences humaines. La remise

387
en cause de la gratuité pourrait permettre de réguler les flux, d’augmenter l’attrait pour les filières profes-
sionnelles courtes, de doter les universités des moyens qui leur font défaut et de développer une politique
d’aide aux étudiants brillants appartenant aux milieux défavorisés. Pour renforcer la productivité de la
recherche ces changements devraient sans doute s’accompagner d’une réforme du statut des enseignants
(niveau d’exigence lors des recrutements et des passages de grade), contrepartie logique des efforts
accomplis par l’État dans le domaine de la structuration de l’aide à la recherche (programmes mobilisateurs,
plate-forme technique et documentaire, ...). Ces efforts devraient s’accompagner d’une mobilisation accrue
de la diaspora constituée par les chercheurs marocains à l’étranger que des modalités d’accueil spécifique
(chaires d’excellence hors cadre, statut plus attractif de professeurs et de chercheurs associés, par exemple)
pourraient attirer temporairement (voire en alternance) dans les universités marocaines.
Le secteur de la technologie et de l’ingénierie qui, dès sa naissance, s’est développé hors de l’université
dans le cadre d’écoles et d’instituts à accès sélectifs, n’a pas souffert de l’explosion des effectifs. Il se
compare avantageusement avec les secteurs du même type en Europe et offre de réelles perspectives. La
limitation des effectifs à ce niveau vient davantage du tissu productif, faiblement encadré et peu innovant.
Cela dit, des tensions sont perceptibles sur le marché qui révèlent des déficits et justifieraient une aug-
mentation du nombre de diplômés. Dans ce domaine, mais cela vaudra aussi pour une université offrant des
formations professionnalisées, la régulation de l’offre devra être souple et basée sur une analyse fine et fré-
quente des marchés. Cette souplesse exigera une réactivité importante des établissements concernant
autant l’augmentation ou la réduction des effectifs que la détermination des « profils » des étudiants formés..
Les efforts, en ce domaine, devraient donc davantage se concentrer sur l’amélioration de l’environnement
économique au travers d’activités spécifiques de mise à niveau des entreprises marocaines et en cherchant
à tirer le meilleur parti de la mondialisation. Les accords de libre échange signés par le Maroc avec les États-
Unis et l’Union Européenne devraient accélérer cette mise à niveau des entreprises marocaines mais
condamnerait à la disparition les entreprises les moins performantes. Plutôt que de subir les délocalisations
qui accompagneront cette ouverture du marché national, le Maroc a néanmoins dans ce contexte un intérêt
évident à orienter ces délocalisations dans le sens le plus favorable à son développement en poursuivant et
en renforçant la stratégie suivie récemment en matière d’implantation d’entreprises à haut potentiel tech-
nologique. L’évaluation de ces premières expériences qui associent transfert technologique, emploi et for-
mation de personnels de haut niveau, devrait permettre, à terme, en mettant en place une stratégie
adéquate, de positionner le Maroc sur le marché des entreprises innovantes.

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loi no 53.00 formant charte de la PME.
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Loi no 17-89 instituant l’impôt général sur le revenu.
Loi no 24-86 instituant l’impôt sur les sociétés.
Dahir portant loi no 1-72-184 relatif au régime de la sécurité sociale
Loi de finances pour l’année budgétaire 2001, (Article 25 portant création d’un compte d’affectation spéciale
intitulé « fonds national de soutien à la recherche scientifique et au développement technologique ».
Loi de finances no 26-99 pour l’année budgétaire 1999-2000, (article 29 portant Création d’un compte d’affec-
tation spéciale intitulé : « Fonds de Promotion des Investissements »).
Loi de finances no 26-99 pour l’année budgétaire 1999-2000 (article 8 relatif à la provision pour recherche et
développement) ;
Décret no 2-73-633 portant création de la taxe de formation professionnelle, fixant le taux et les conditions de
recouvrement de ladite taxe et déterminant les conditions relatives à la conclusion des contrats pour la réa-
lisation de programmes spéciaux de formation professionnelle.

389
Décret no 2-95-785 modifiant et complétant le décret no 2-73-633.
Décret no 2-98-523 modifiant et complétant le décret no 2-73-633.
Décret no 2-00-895 pris pour l’application des articles 17 et 19 de la loi cadre no 18-95 formant charte de
l’investissement.
Dahir 1-00-19 du 09 Kaada 1420 (15 février 2000) portant promulgation de la loi no 17-97 relative à la protec-
tion de propriété industrielle.
Dahir 1-00-20 du 09 Kaada 1420 (15 février 2000) portant promulgation de la loi no 02-00 relative aux droits
d’auteur et droits voisins.
Dahir 1-00-225 du 02 rabii I 1421 (5 juin 2000) portant promulgation de la loi no 06-99 sur la liberté des prix et
de la concurrence.
Dahir 1-70-157 du 26 Joumada I 1390 (30 juillet 1970) relatif à la normalisation industrielle, en vue de la
recherche de la qualité et de l’amélioration de la productivité.
Décret no 2-00-1019 portant institution du comité permanent interministériel de le recherche scientifique et
du développement technologique.
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Livre blanc : La PME, moteur de la croissance économique, 2002.
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Statistiques Office des Changes, 2004, www.oc.ma.
Statistiques Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale, 2003. www.ompic.ma.

390
Annexe 1

Organisation du secteur public de la recherche

391
394

somgt4-11 394 22/12/05, 13:22:57


Introduction
Il est maintenant largement admis que le développement n’est pas uniquement la croissance économique
mais davantage la recherche de la prospérité. Les facteurs jadis appelés non économiques sont ainsi invités à
jouer les rôles qui leurs reviennent dans la promotion du développement. Le savoir est ainsi parmi ces facteurs
car il permet d’accroître le niveau des compétences et constituer une importante locomotive du développement.
C’est pourquoi la concurrence se joue aujourd’hui plus à travers la création, l’appropriation, l’utilisation et
l’accumulation des savoirs. En effet, les ressources matérielles et immatérielles exigent aujourd’hui plus de
mobilisation des savoirs pour de meilleures valorisations et créations de richesses. Il faut enfin noter que les
différents biens et services sont de plus en plus concentrés en savoirs comparativement aux périodes passées.
L’humanité a, en effet, connu différentes formes de savoirs. Dans le passé récent, les savoirs industriels
et intellectuels ont montré leurs effets. Pendant que les savoirs intellectuels ont évolué, ils ont, récemment,
inclus les technologies de l’information et de communication (TIC). Cette dernière composante a aussi
positivement affecté les savoirs industriels en plus de leurs prévalences dans les systèmes éducatifs, de
recherche mais aussi de communication. Les secteurs des biotechnologies et autres domaines de la vie sont
aussi devenus largement dépendants des TIC. De telles tendances sont présentes dans les pays développés
et en développement. Mais de larges gaps existent aussi bien au niveau des différents types de savoirs, des
technologies dont celles relatives aux TIC. Les fractures technologiques et numériques existent, notamment, à
cause des importantes avancées des pays développés et des retards des pays en développement.
Au cours de ce siècle, le Maroc apparaît être à la croisée des chemins en ce qui concerne la production,
l’utilisation, l’acquisition et l’accumulation du savoir. La société marocaine connaît ainsi un retard dans ce domaine,
malgré le rôle qu’elle a pu jouer dans le passé en matière de production et de dissémination de savoir.
La transmission du savoir intellectuel se faisait à travers des systèmes de formation traditionnels.
L’apprentissage des métiers et le transfert du savoir-faire dans différents domaines étaient souvent tributaires
de mécanismes familiaux et générationnels. Mais, comme dans d’autres sociétés, les différents mécanismes
de transmission des savoirs étaient imparfaits et précaires. Cette précarité a été souvent révélée par les
catastrophes naturelles, les calamités et les famines qui étaient des sources importantes de pertes des
savoirs et des savoir-faire. En effet, de telles catastrophes décimaient aussi les populations faisant perdre ainsi
les savoirs accumulés en l’absence de moyens de protection et d’accumulation. Il fallait donc anticiper des
cycles répétitifs de reconstruction des savoirs et des compétences.
L’histoire moderne du Maroc montre que ce pays a connu de nouvelles formes de savoir en relation avec
le développement de l’agriculture intensive, de l’industrie et du commerce. Pendant que ces formes se
développaient, les modèles traditionnels n’ont pas totalement disparu.
Des modes différents d’apprentissage et d’expression des talents ne pouvaient que coexister. Les
groupes à un haut niveau d’analphabétisme sont généralement dans les secteurs exigeant l’apprentissage
par la pratique et accèdent aux emplois manuels. Les autres apprennent dans les systèmes traditionnels et
modernes de l’enseignement, avec une plus grande orientation vers le modèle éducatif moderne.
En relation avec les principales composantes du savoir, le Maroc apparaît avoir une fracturequi le sépare des
autres pays malgré les efforts déployés en matière d’éducation, de recherche et d’ouverture de l’économie et
de l’ensemble de la société sur des pratiques économiques et sociales nouvelles. L’accès au savoir ainsi que la
contribution à sa production et à sa dissémination demeurent tributaires des investissements publics et privés
mais aussi des investissements directs étrangers. L’élargissement du commerce international ainsi que le
développement d’une plus grande compétition de l’économie marocaine dépendent aussi des performances
des systèmes éducatifs et de recherche ainsi que des niveaux de réussite des programmes de réduction de
l’analphabétisme et de la pauvreté.
Le présent travail est basé sur deux travaux antérieurs qui ont été destinés à caractériser la position du
Maroc dans l’économie du savoir (Driouchi & Djeflat, 2004 ; Driouchi & Azelmad, 2004). Cette présentation

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est réalisée en deux parties. La première consiste à mener une prospective depuis les années 1955 afin
de caractériser les trajectoires parcourues par le Maroc en matière de savoir. La seconde est basée sur
l’inclusion de nouveaux éléments qui permettent de mieux cerner les tendances contemporaines en matière
de savoir. Enfin, il s’agit d’identifier les facteurs en mesure de contribuer à faire du savoir un levier pour le
développement humain et ce, pour la période 2005-2025.
Après l’examen des travaux antérieurs destinés à souligner l’importance du capital savoir, et après l’exposé
des méthodes utilisées, l’accent est mis sur la caractérisation de l’économie du savoir, des technologies
et de l’innovation au Maroc. Ceci est fait en deux étapes. La première est destinée à tracer les éléments
rétrospectifs globaux durant la période 1955--2004 pendant que la seconde est directement centrée sur
l’identification des caractéristiques clés de l’économie du savoir au Maroc et qui pourraient être prises en
ligne de compte dans les perspectives2005-2025.

Enseignements issus des travaux antérieurs


Il faut noter d’emblée que les travaux consacrés à ce sujet et notamment ceux centrés sur «le savoir pour
le développement », sont récents et remontent au début des années 2000. Bien que les travaux sectoriels sur
le savoir aient existé bien avant, et aient relevé de différentes disciplines, les travaux plus synthétiques centrés
sur le développement humain ont une existence plus récente. Cet effort récent de synthèse est certainement
dû aux besoins des pays et des organisations nationales et internationales dans leurs efforts de recherche de
modèles de développement alternatifs. Il est aussi certain que les soucis de comparaisons internationales ont
aussi contribué à induire des méthodes homogènes à adapter à la réalité de chaque économie mais assurant
les bases de comparaisons régionales et internationales.
Les avancées théoriques et les travaux empiriques n’ont cessé de montrer le poids du savoir dans la
détermination des performances des économies. En plus des travaux de l’Institut de la Banque Mondiale et
d’autres (avancées de la Corée du Sud, de la Malaisie et de la Finlande), une étude récente (Driouchi, Azelmad &
Gary Anders, 2004) a examiné les effets du savoir sur la performance de 56 pays durant la période 1995-2001. Les
variables utilisées sont le Produit Intérieur Brut et les composantes de l’Indice composite de l’Économie du Savoir.
Les résultats obtenus confirment la validité de travaux antérieurs ayant traité de questions similaires et soulignent
le pouvoir explicatif de cet indice composite. Par ailleurs, cette étude a montré les effets et les tendances liés
aux différentes composantes de l’indice de l’économie du savoir. Elle a montré aussi que les variations entre
groupes de pays pourraient être liées au timing dans les investissements en éducation, en recherche et dans
les technologies de l’information. Les politiques liées aux investissements directs étrangers pourraient aussi
expliquer les variations des résultats entre les différents groupes de pays. D’autres travaux tels que ceux de
Gylfason & Zoega (2003) ont montré l’existence d’une importante relation entre l’éducation et la croissance à
partir de l’analyse de 87 pays. Cette étude a été surtout basée sur l’estimation d’un système de quatre équations
qui incluent entre autres le revenu par tête, la part des ressources naturelles dans la richesse nationale, la part des
investissements globaux domestiques dans le PIB, le taux de scolarisation au niveau secondaire. Ces estimations
ont montré le rôle de l’éducation dans le déterminisme de la performance des économies étudiées.
Parmi les travaux qu’il faut citer à ce niveau, il y a lieu d’indiquer les deux rapports du développement humain
dans le monde arabe (2002 et 2003). Il faut aussi citer le rapport produit par l’Institut de la Méditerranée et la
Banque Mondiale et qui est directement centré sur la situation du savoir dans le monde arabe et dans la région.
Il faut enfin citer un travail qui est directement lié au savoir au Maroc et qui a été produit par l’Université Al
Akhawayn et dont larges extraits sont utilisés dans le présent document.
Quels ont été les apports de ces différents travaux en matière d’économie du savoir ? Si le premier rapport
du développement humain dans le monde arabe a identifié les principaux déficits en matière de développement
humain dans cette région du monde, le second rapport a été directement centré sur la caractérisation de la

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situation du savoir dans le monde arabe. Pour ce qui est de la production des connaissances dans le monde
arabe, le rapport souligne que le nombre de cadres opérant dans ce domaine est limité. Il souligne aussi
que le niveau de production de livres ne représente que 1.1% de la production totale mondiale. Par ailleurs
l’importation des technologies n’a pas souvent donné lieu à des adoptions efficientes. Cette situation a amené
les auteurs du rapport à rechercher les principales causes dans l’économie globale, dans la société et dans
les politiques poursuivies par ces pays. L’émigration des cadres qualifiés constitue une cause mais aussi une
conséquence de l’absence d’incitations pour la promotion du savoir dans le monde arabe. Des axes soulignant
les principaux changements politiques, sociaux et économiques pour la région ont été enfin suggérés dans la
vision stratégique pour la construction d’une société de savoir dans le monde arabe. Parmi les éléments clés
de cette vision, il y a lieu de citer la promotion des libertés, la dissémination d’une éducation de haut niveau, la
promotion de la recherche scientifique à tous les niveaux, la transformation des structures socioéconomiques
vers la production des savoirs et enfin le développement d’un modèle ouvert et éclairé de promotion du savoir
dans le monde arabe. Pour le Maroc, le rapport reconnaît que les apports positifs des dernières élections ainsi
que les nouveaux changements dans le statut des femmes et des familles comme constituant des facteurs
prometteurs pour la création et l’utilisation des savoirs.
Le rapport de l’Institut de la Méditerranée a confirmé les tendances observées et a suggéré des voies en
mesure de réduire les écarts entre les pays du MENA et le reste du monde.
Le rapport de l’Institut d’Analyse Économique et des Études Prospectives (IEAPS) a passé en revue toutes
les composantes de l’économie du savoir en utilisant à la fois la méthode de l’Institut de la Banque Mondiale
(WBI) et celle du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Il a enfin permis de positionner
le Maroc compte tenu des deux indices en question tout en opérant des comparaisons avec quelques pays. La
nécessité de coordonner les politiques économiques ainsi que l’importance des politiques sectorielles en plus
des actions locales se sont avérées prometteuses pour la promotion d’une société de savoir au Maroc.

Méthodes de l’étude
L’étude est basée en grande partie sur les données quantitatives de l’IEAPS de l’Université Al Akhawayn,
Ifrane. Elle utilise également d’autres sources et notamment celles de la WBI qui a proposé et appliqué une
méthode de calcul de l’indice de l’économie de la connaissance (KEI). Elle se base aussi sur les travaux du
PNUD et notamment ceux relatifs à l’indice de réalisation technologique (IRT) tel qu’il a été présenté et calculé
dans les derniers rapports du développement humain (à partir de 2001). Les travaux de l’IEAPS sur ce même
indice au Maroc sont aussi utilisés.
Les méthodes de calcul utilisées dans ce travail essayent de cerner la plupart des variables contenues dans
les indices KEI et IRT. Les données quantitatives mobilisées dans ce travail sont essentiellement secondaires
provenant des organismes publics marocains et de sources internationales. De telles données essayent de
couvrir toute la période 1955–2004. Cependant, beaucoup de limitations sont apparues à ce niveau et la
plupart des indices ne couvrent que les années les plus récentes. Afin de cerner les contours des méthodes
internationales du KEI et IRT, les indications suivantes sont proposées :
L’indice composite de l’économie de la connaissance (KEI) : Cette méthode développée par l’Institut de la
BM est basée sur quatre piliers de l’économie du savoir en plus de deux variables liées à la performance. Le
premier agrégat inclut les systèmes d’incitations économiques et les régimes institutionnels (barrières tarifaires
et non tarifaires, qualité de la régulation de l’économie et la règle du droit). Le deuxième agrégat est centré
sur l’éducation et les ressources humaines (le taux d’alphabétisation des adultes et les taux de scolarisation
au secondaire et au supérieur). Le troisième agrégat est lié au système d’innovation (chercheurs en recherche
et développement, demandes de brevets et publications scientifiques). Le dernier agrégat est celui lié aux
infrastructures des technologies de l’information (téléphones, ordinateurs, et nombre d’internautes). Les
variables de performance sont le taux annuel de croissance du PIB et l’indice de développement humain.

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L’indice composite de réalisation technologique (IRT) : Cet indice est composé des variables liées à la
création de technologies, à la diffusion des innovations récentes, à la diffusion des anciennes innovations et
aux aptitudes des ressources humaines. La création de technologies est mesurée par les brevets octroyés
par habitant (source : Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle) et par les revenus des licences
et royalties » (source : Banque Mondiale). La diffusion des innovations récentes est estimée par le nombre
d’hôtes de l’Internet par habitant et aussi par la part des exportations de produits des technologies moyennes
et avancées relativement aux exportations totales (source : Division statistique des Nations Unies). La
diffusion des innovations anciennes est représentée par le nombre de téléphones par habitant (source Union
Internationale des Télécommunications) et la consommation de l’électricité par habitant (source : Banque
Mondiale). Les aptitudes des ressources humaines sont basées sur la moyenne de scolarisation (source : Barro
et Lee) et le niveau de scolarisation supérieure en sciences, mathématiques et ingénierie (source : UNESCO).

I. Etude rétrospective (Période 1955-2004)

1. Approche Globale
Cette partie cherche à présenter l’évolution du cadre institutionnel qui conditionne les principaux défis et les
principales opportunités du Maroc en matière de promotion des savoirs, des innovations et des technologies.
En 1955, le Maroc ne disposait que de quelques institutions d’enseignement supérieur et de centres de
recherche. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que de nouvelles écoles et universités ont pu voir le jour et se
développer. Cet effort s’est continué durant les années 1970 avec la création d’un plus grand nombre d’écoles
et d’universités. Il a fallu attendre les années 1970 et 1990 pour voir l’émergence d’une nouvelle génération
d’établissements universitaires et de centres de recherche.
Par ailleurs, les mécanismes de gestion et de coordination administratives et techniques ont été
développés dès l’indépendance. Le tableau suivant basé essentiellement sur le travail de Mina Kleiche (2000)
a été enrichi pour inclure des réformes institutionnelles récentes afin de montrer les principales innovations et
créations tout le long de la période étudiée.

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Tableau 1 : Chronologie de Création et de Développement de l’Enseignement Supérieur au Maroc
Année Création
Avant 1955 Institut Scientifique Chérifien (1914), Centre Expérimental Agricole (1919, 1923), Ecole Nationale d'Agriculture
Meknes (1945), Institut des Pêches Maritimes (1946), Ecole Marocaine d'Administration (1948)
1956 Ministère de l'Education Nationale
1959 Université Mohammed V
1961 Ecole Mohammedia d'Ingénieurs (EMI), Centre de Formation des Ingénieurs des Travaux statistiques devenu
INSEA en 1967 avec réformes de programmes en 2000.
1963 -1966 Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II
1968 Formation des Cadres (ministère des Affaires Economiques, du Plan et de la Formation des Cadres)
1970 Ecole Nationale Forestière d'Ingénieurs (ENFI)
1971 Ecole Hassania des Travaux Publics (EHTP)
1971 Institut Supérieur du Commerce et d'Administration des Entreprises (ISCAE)
1971 Ecole des Postes et Télécommunications devenu INPT en 1998
1972 Ecole Nationale de l'Industrie Minière (ENIM)
1973 Ecole supérieure d'électricité et de mécanique (ENSEM)
1974 Université Hassan II
1975 Loi organisant les universités, Université Sidi Mohammed Ben Abdellah
1976-1981 Centre National de Coordination et Planification de la Recherche Scientifique et Technique
1977 Secrétariat d'État à la Formation des Cadres
1978 Ecoles Normales Supérieures (8), Université Cadi Ayyad, Université Mohamed1er, Université Ibn Toufail, Université
Chouaib Doukkali, Université My Ismail, Ecole Supérieure des Sciences de l’Information (ESI)
1979 Université Abdelmalek Saadi, Ibnou Zohr et Hassan 1er
1980 Arabisation des matières scientifiques
1981 Premières Assises de la Recherche Scientifique
1982 Recréation de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA)

1990 Institut de biotechnologie, Institut de chimie appliquée, Centre d'études et de recherches océanologiques, Centre
d'astronomie et de géophysique, Centre d'études et de recherches nucléaires
1991 Écoles supérieures de technologie, Écoles supérieures de commerce et de gestion
1993 Académie Hassan II des Sciences et Techniques
1993-1995 Université Al Akhawayn Ifrane
1995 Promotion de l'enseignement supérieur privé
1998 Institut National des Postes et Télécommunications (INPT)
1987-2000 Réformes des conditions d'accès aux écoles d'ingénieurs, réforme de l'enseignement supérieur (2000)
1999 Commission Spéciale Éducation Formation (COSEF)

2004 Secrétariat à la recherche scientifique et éducation nationale rattachées au ministère de l'enseignement supérieur
et de la formation des cadres
2004 Nomination du secrétaire permanent de l'académie Hassan II des sciences et techniques
2004 Dissolution de la COSEF et Promotion du Conseil Supérieur de l'Enseignement
Source : Mina Kleiche (2000).
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Le site web de l’Enseignement supérieur et de la formation des cadres a donné les principales étapes
traversées par ce secteur depuis l’indépendance à la mise en place de la réforme actuelle. Les grands
principes ayant régi chaque période sont présentés dans le tableau suivant :

Tableau 2 : Évolution des principes de réforme de l’enseignement supérieur au Maroc

Principes Observations
1957-1960 Généralisation, Ouverture de l'Université Mohammed V à Rabat en plus des autres
marocanisation, institutions qui ont existé auparavant. Le nombre de-s étudiants a été
Arabisation, autour de 3300 et les enseignants 150.
Décentralisation,
1960-1980 Droit de tous à l'éducation, Accompagnement de la marocanisation de l'administration et
Égalité hommes et femmes, formation du corps enseignant.
Gratuité, Le nombre d’étudiants est passé à 74500 et les enseignants à
Généralisation des bourses, 2171.
Développement
enseignement originel
Encouragement des langues
1980-1990 Enseignement et développement, Création de nouvelles universités, no-uvelles écoles avec le dévelop-
Promotion recherche Répondre aux pement de l'enseignement privé.
pressions démographiques Nombre d'étudiants passé à 198000 et le nombre d'enseignants à
Suivre l'évolution technologique 6187 à la fin de cette période.
Depuis 1990 Poursuite de la décentralisation, Nouvelles facultés de droit et de médecine,
Diversification des filières de formation, Facultés des Sciences et Techniques,
Création de nouvelles formations,Renforce Écoles supérieures de Technologies,
ment de la communication Écoles Nationales de Commerce et de Gestion,
Nouvelles Écoles d’ingénieurs, Licences appliquées,Techniques
d’expression et de communication
Total de 15 Universités (256000 é-tudiants) et 9607 enseignants
avec 62 établissements de formation des cadres.
80 établissements privés et l’Université Al Akhawayn (10000 étudiants)

Plusieurs réformes ont ainsi jalonné les trajectoires du système d’enseignement et de recherche au Maroc.
La dernière réforme est celle devant être mise en place dès 2000 et qui a été basée sur d’importants travaux
d’analyse du système (COSEF, 1998-99). Ceci a donné lieu à des lois qui devaient aider à accroître l’efficience
du système éducatif et donc créer de nouvelles conditions pour la production et l’utilisation des savoirs.
Le Secrétaire d’État à La Recherche Scientifique (Omar Fassi Fihri, 2001) a fait le point sur l’état des lieux
du système de recherche et d’innovation au Maroc. Au terme du rapport du Secrétaire d’État, il est à relever
que :
La recherche scientifique se réalise dans 15 universités avec 70 facultés et écoles en plus d’une vingtaine
d’établissements de formation des cadres. Elle se réalise aussi à travers une quinzaine d’établissements
publics et du secteur privé.
La recherche scientifique mobilise 13500 cadres dont 9500 enseignants-chercheurs des universités, 1100
des établissements de formation des cadres et 2900 chercheurs dans les établissements publics et privés.
La recherche scientifique bénéficie de l’apport de l’État en termes de budgets (45 millions de DH en 1998-
1999 en plus de 10millions de DH de subventions aux organismes scientifiques, 10million de bourses et 375.6
million pour indemnités salariales aux enseignants-chercheurs).
Les organismes publics de recherche consacrent aussi 326.67 million de dirhams. Le privé consacrerait 66
millions de dirhams à la recherche et développement, Le total est ainsi estimé à 1 milliard de dirhams.

400

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2. Étude Rétrospective des Performances de l’économie du Maroc
Pour une appréciation actuelle et prospective de la performance globale du Maroc, il est intéressant
d’examiner les indicateurs synthétiques qui sont la croissance du PIB, le PIB par tête, le taux de chômage,
l'indice composite de risque (ICRG), l’indice de pauvreté et l’indice de développement humain.
D’une manière globale, excepté la croissance qui se situe à des niveaux appréciables, (dépassant les 5% en
moyenne) et l’indice de risque de pays qui est favorable, tous les autres indicateurs sont à des stades critiques.
Figure 1 : les principales performances économiques du Maroc ; Source : WBI 2003

L’indice de développement humain durant la période 1960-2000 semble avoir favorablement évolué en
passant de 0.3 à pratiquement 0.6. Ce doublement a été dû surtout à l’augmentation plus importante de
l’espérance de vie à la naissance et aux revenus. Le niveau de scolarisation, et de l’analphabétisme ont
constitué des contraintes même si leurs niveaux sont passés de moins de 0.2 à pratiquement 0.4 durant ces
dernières années. Le graphique suivant montre les différentes tendances ayant marqué l’indice global ainsi
que ses composantes.
Figure 2 : HDI et ses composantes 1960-2000

401

Sans titre-1 401 17/12/05 13:11:35


De telles performances sont directement liées à l’économie du savoir et notamment à l’une de ses
principales composantes qui est représentée par le nombre total de brevets distribués. En effet, l’indice de
développement humain semble bien entretenir une corrélation positive avec le nombre de brevets. Ce résultat
apparaît dans le tableau suivant.

Tableau 3 : Brevets et HDI


Régression Brevets sur HDI
Multiple R 0,8243154
R Square 0,6794959
Observations 27
Standard
Coefficients Error t Stat P-value
– 3,216E–05
Intercept –128,24504 25,359863 5,0570084
1,254E–07
HDI 362,89093 49,845909 7,280255

Après avoir montré ces performances globales, l'économie du savoir au Maroc est analysée en plus de
détails dans ce qui suit.

3. Le Maroc dans l’Économie du Savoir


Au terme du premier indice synthétique, l’IRT, le Maroc parait d’emblée comme évoluant favorablement
vers une économie du savoir. Cependant, les différentes composantes n’ont pas connu les mêmes rythmes
d’évolution (graphique suivant).

Figure 3 : IRT et ses composantes 1960-2000

402

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Sur la période 1960-2000, à l’exception de l’indice de diffusion des technologies récentes et de l’indice
de création technologique, tous les autres indices ont connu un accroissement qui s’est accéléré durant les
périodes 1970 mais surtout les années 1990. L’indice de réalisation technologique est ainsi passé d’un niveau
très faible au début des années 1960 pour atteindre 0.2. Ceci amène à considérer le Maroc contemporain
comme adopteur dynamique de technologies. De tels éléments peuvent être encore plus visibles si les
investissements dans la connaissance ainsi que leurs performances sont analysés.

3.1. Investissement dans la connaissance


Cette dimension est mesurée par les dépenses publiques et privées consacrées à l’enseignement
supérieur, les dépenses de R & D et les dépenses relatives aux ICT.

3.1.1. Investissement public total


Les investissements publics traduisent cette capacité de l’État marocain à mobiliser les fonds publics et à
les investir. Leur croissance continue des années 1985 a été maintenue : tout au long de la décennie et demi
pour plus que doubler en 2000 (passant de 8305 millions DH à 18 038 en 2000).

Figure 4 : Évolution du Total des Investissements Publics au Maroc 1985-2001

Source : Annuaires Statistiques du Maroc (différentes années), IEAPS

3.1.2. L’investissement dans l’éducation


Au Maroc, l’investissement global dans l’éducation et la formation a atteint 17,48 Milliards de DH en 2001. Les
dépenses publiques et privées dans le domaine de l’éducation ont souvent été plus élevées au Maroc que celles
d’autres pays qui ont atteint le même niveau de développement mais avec un taux de scolarisation plus élevé.
Cela veut dire que les performances du système d’éducation ne sont pas sensibles seulement à la quantité
de ressources allouées au secteur allouée annuellement mais aussi à la prudence avec laquelle les fonds sont
alloués et gérés à travers le secteur. Les années 90, le Maroc a alloué une moyenne de 7.3% of son PIB.

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3.1.3. L’investissement dans la recherche
Les données montrent que le Maroc jouit d’un nombre croissant d’enseignants-chercheurs. Le graphique
suivant permet de constater que ce nombre est passé à 12000 en 2003 après avoir été limité en 1972.

Figure 5 : Évolution du nombre d’enseignants d’université (1972-2003)

Entre 1994 et 2000, l'évolution a été plutôt lente montrant par là que les efforts de renforcement du
personnel de recherche ont eu lieu entre 1972 et 1994. Cette période est celle qui a connu le développement
de plusieurs institutions de formation et de recherche.

Figure 6 : Évolution du nombre de chercheur en R&D au Maroc (1994-2000)

Source : Annuaires Statistiques du Maroc et Méthode d'Estimation, IEAPS

404

Sans titre-1 404 17/12/05 13:11:36


D'autres données plus précises montrent que l'université mobilise plus de 9500 chercheurs dont 25% de
femmes et 3400 chercheurs des instituts publics et privés. (Tableau 2).

Table 4 : Personnel de recherche et son évolution entre 1998 et 2001.


1998/1999 2000/2001
Universités 9500 9876 (25% de femmes)
Instituts Publics et Privés 1100 1501
Centres de recherche Publics et Privés 2900 2901
Total 13500 14278
Source : Secrétariat d’État à la Recherche Scientifique (2000 et 2001), Maroc

Cependant, les dépenses en R&D restent relativement réduites. Les données du Secrétariat d’État à la
recherche scientifique montrent :
L’évolution importante des dépenses globales de 0,3% à 0,7% du PIB en l’espace de 2 années. Cette
augmentation s’est traduite par un investissement conséquent dans la mobilisation des chercheurs et leur
motivation : en l’espace de 2 ans, le soutien financier aux chercheurs a augmenté de 98%, et leur prime de
recherche de 30%. Les dépenses publiques totales ont fait un bond de 113%. Les dépenses privées sont
passées de 6% en 1998/1999 à 17% en 2000/2001

Tableau 5 : Dépenses de R&D et leur structure au Maroc 1998/99 et 2000/01


Montant (MDH)
Montant (MDH) 1998/99 Évolution %
2000-2001
Subventionspour supporter la recherche
45 45,28 0,62
scientifique
Subventionspourlesorganisations scientifiques 10 8,26 -17,4
Bourses spéciales 10 10 0
Support financier aux chercheurs 376,5 745,24 97,9
Budget des organisations de recherche publique 326,7 995,19 204,6
Salaires des chercheurs 243,6 315,66 29,6
Supports aux unités d'éducation et de formation - 17,48 -
Budget d'Investissement - 48,2 -
Coopération 20 20 0
Total dépenses publiques de recherche 1031,8 2204 113,4
Dépenses privées R&D 66 (6%) 350 (17%) 430,3
Total 1097 2,55 132,45
% PIB 0.3 0,7 133%
Source : Secrétariat d’État à la Recherche Scientifique, Maroc, Rapports 2000 et 2001

Depuis plus de deux décennies, la recherche dans les universités marocaines est confrontée à plusieurs
défis et difficultés. Celles-ci se manifestent principalement à travers l’insuffisance des ressources financières,
le manque d’infrastructures de R&D et la baisse de la qualité de la recherche, la dégradation des équipements

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et des laboratoires de recherche, l’absence ou la suppression des programmes de formation initiale et
continue des chercheurs et l’insuffisance des capacités requises pour accéder aux nouvelles technologies
de l’information et de la communication. Ce ne sont là que quelques uns des problèmes rencontrés et
qu’on trouve à des degrés divers dans d’autres pays du Maghreb et de la région MENA d’une manière
générale.(source : Mina Kleiche : la Science en Afrique à l’aube du 21éme siècle)

3.2. Les performances dans la connaissance

3.2.1. Éducation et formation


Éducation de base : Bien que l’économie de la connaissance soit biaisée en direction de l’enseignement
supérieur, il est important de connaître la base éducative sur laquelle repose les études supérieures. Comme
pour le reste des pays du Maghreb, un effort conséquent a été fait par le Maroc pour la scolarisation des
enfants comme l’indique l’évolution des entrants dans l’éducation. Il passe de 76,1% en 1990 à 92,3% en
1996 pour les deux sexes. Pour les filles, il reste légèrement inférieur ne dépassant pas 85% alors qu’il atteint
presque 100% pour les garçons en 1996.

Figure 7 : Taux d’inscription apparent 1990-2000

120

100

80
Deux Sexes
60 Garçons
Taux

40
Filles

20

0
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1998 1999 2000

Années

Source : UNESCO

Mais ce qui est plus intéressant, c’est le pourcentage de la catégorie d’âge qui est scolarisé. Les données
officielles du Maroc montrent qu’il n’y avait que 68,7% des enfants scolarisables qui étaient scolarisés dans
leurs catégories d’âge respectives avec un taux encore plus bas pour les filles de 62%. L’effort fait en la
matière est perceptible puisque le taux global passe à 85% avec une nette amélioration pour les filles qui
atteignent 81%. Les garçons arrivent à 97% selon les données officielles marocaines.
Chacune des étapes de formation est organisée autour d’un nombre années d’études qui sont actuellement
6, 3 et 3 pour le primaire, le collège et le lycée et 4 années minimales pour l’université. Ainsi pour finir le lycée,
un élève est sensé avoir passé 12 années à étudier. L’Obtention d’un titre universitaire exigeraient un total de
14 à 17 années au minimum pour un cursus normal.

406

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Cependant, il a été observé qu’en plus des redoublements, le passage d’un cycle d’études à un autre est
loin d’être efficace. Les niveaux des pertes constatées par la COSEF (2000) sont respectivement de 35, 29, 24
et 12% au primaire, au collège, au lycée et à l’université. Sachant que les élèves sont admis au primaire entre
6 et 7 ans, il apparaît ainsi que 88% de ces pertes se situent avant 18 ans. La formation professionnelle reçoit
autour de 8% de ces populations exclues du système régulier. Ceci implique que le système d’enseignement
exclut jusqu’à 80% d’une population dont l’âge maximal serait de 18 ans. Ladite population est ainsi placée en
dehors des systèmes de formation générale et professionnelle.

Figure 8 : Évolution du Taux d‘inscription dans le Primaire

Source : UNESCO, IEAPS

Cycle secondaire et supérieur. La proportion du groupe d’âge scolarisée dans le cycle secondaire atteint
une moyenne de 45% à 46% pendant la période 1995-2000 ; ce qui veut dire que plus de la moitié de la
population en âge d’être dans le cycle secondaire (15-19 ans) n’est pas scolarisée. Dans le cycle supérieur,
la situation est encore moins favorable puisque la proportion de la population en âge d’être dans le cycle
supérieur (20-24 ans) ne dépasse pas 10%. Ceci traduit le taux d’efficience relativement bas du système
d’enseignement avec des rejets importants et des échecs.

Figure 9 : Évolution des Taux d‘inscription da le Secondaire et le Supérieur 1995-2001

Source : Les Annuaires Statistiques du Maroc

407

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– Taux brut d’inscription dans les disciplines scientifique au niveau du supérieur. Le taux brut d’inscriptions
dans les matières scientifiques au niveau du supérieur est important à déterminer. Il constitue un socle
sur lequel l’économie de la connaissance peut être bâtie.

Figure 10 : Inscriptions en enseignement supérieur


2,4

2,3

2,2
Ratio

2,1

1,9

1,8
95/96 96/97 97/98 98/99 99/00 00/01
Années

Source : Annuaires Statistiques du Maroc (Différentes années), IEAPS

Le ratio représente le pourcentage des étudiants dans les disciplines scientifiques par rapport à la population
totale an âge d’être inscrite au niveau supérieur (20-24 ans). La figure 10, montre que le taux brut d’inscription
dans les disciplines scientifiques a diminué durant la période 1995-2001 passant de 2.36% en 1995 à 1.95%
en 2001. Cette diminution progressive semble être due aux préférences qu’ont les étudiants pour les études
en business, en économie, en droit qui offrent de meilleures perspectives d’insertion dans les professions
libérales. En effet, cette proportion d’étudiants a littéralement doublé passant de 5256 étudiants en 1991 à
10 225 étudiants en 1999. Il faut souligner également que le nombre d’étudiants ingénieurs a également été
multiplié par 8 durant la même période. D’une manière plus détaillée, l’importance des disciplines varie :
les sciences fondamentales semblent avoir le plus souffert de cette dégradation. Le nombre des inscrits
a diminué de 40% environ en l’espace de 6 ans, tendance qui risque de continuer. Ceci veut dire que les
capacités de recherche dans le domaine risquent de s’amenuiser et de ne plus être à même de bénéficier de
qualification en nombre suffisant.

408

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Figure 11 : Nombre d’étudiants des universités
300000

250000

200000

150000

100000

50000

1 4 7 10 1316 19 22 28 31 34 37 40 43 4649
Années 1956-2003

Figure 12 : Flux annuels des diplômés des Universités

Source : Annuaires Statistiques du Maroc (Différentes Années), IEAPS

409

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Figure 13 : Les variables d'éducation au Maroc
Morocco(most recent)
Adult literacy (%age 15 and above)(49.90)

(3.05) Well educated people do not emigrate aborad Secondary enrollment (39.34)

(4.40) Availability of management education Tertiary enrollment (10.30)

(3.50) Extent of Staff Training Primary Pupil-teacher ratio,pupils per te


(28.10)

(323.00) 8th grade achievement in science Life expectancy at birth,years (68.00)

(337.00) 8th grade achievement in mathematics Public spending on education as % of GDP (5.50)

Source : WBI 2003

3.2.2. Le capital humain disponible


Le capital humain disponible enregistre une augmentation constante. Le nombre d'ingénieurs par 10 000
habitants était de 6,73% en 1996 mettant le Maroc en situation défavorable par rapport à la Tunisie (8, 75%),
la Libye (20), l'Irak (40) la France (64) et le Japon (540).

Figure 14 : Capital humain et qualifications

Source : Annuaires Statistiques du Maroc (Différentes Années), IEAPS

Le nombre de cadres par millier d’habitants a augmenté pour toutes professions de haut niveau :
enseignants du Supérieur et ingénieurs et à plus que doublé pour les médecins et pharmaciens durant la
période 1991-200. C’est surtout dans le secondaire (collège) qu’une diminution sensible est enregistrée.

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Tableau 6 : Capital humain qualifié au Maroc (en milliers)

Qualifications
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1999 2000
Enseignants Secondaire 98.47 74.58 75.41 76.68 78.40 79.52 80.65 84.03 85.54
Secondaire Collégial 73.37 47.9 47.76 48.26 48.93 49.52 49.74 51.67 52.72
Secondaire Qualifiant 25.10 26.68 27.65 28.42 29.47 30.00 30.19 32.36 32.82
Enseignants université 6.64 7.08 7.57 7.93 8.62 9.42 9.67 9.70 9.73
Ingénieurs 4.19 4.31 4.41 4.63 4.83 5.01 5 53 6.47 6.61
Médecins 6.12 7.10 8.25 8.84 8.95 9.40 9.92 11.91 12.44
Pharmaciens 1.80 1.98 2.21 2.47 2.68 2.91 3.13 4.39 5.20
Source:Annuaires Statistiques du Maroc

Parmi les autres problèmes à noter il y a le coût de la formation qui reste relativement élevé : le coût
moyen unitaire s’élève à : 53 000 DHS/an pour les écoles scientifiques, 27 4000 4DHS/an pour les écoles
socio-économiques et 46 000 4DHS/an pour l’ensemble des écoles.

3.2.3. Recherche & Développement et Innovation


Les activités scientifiques sont sanctionnées par des publications qui sont faites dans des revues à comité
de lecture.
– publications : Les données publiées montrent que les publications scientifiques par des chercheurs
nationaux ont augmenté d’une manière significative. On est passé de 2 404 publications en 1990 à 536
publications en 1995, ce qui est un remarquable progrès pour un temps relativement court et qui fait que
le Maroc se place en tête des pays du Maghreb. L’étude de l’Institut de Recherche et Développement
montre que le Maroc se place en 3e rang après l’Afrique du Sud et l’Égypte en Afrique (avec une
moyenne de 3 654 articles par an sur la période 1991-1997). Néanmoins, un examen plus détaillé montre
que les trois quarts sont des publications conjointes, notamment avec des partenaires français et ceux
de l’OCDE. Il faut noter qu’un nombre non négligeable de ces publications conjointes sont aussi le fait
de chercheurs marocains de la diaspora installés à l’étranger.
– brevets : Le nombre de brevets octroyés aux résidents est considéré comme l’un des principaux
indicateurs de la création de technologie dans un pays donné. C’est également un moyen d’encourager
les inventeurs et d’incitation à l’innovation. Comme le montrent les données de l’Office marocain de la
Propriété Industrielle et Commerciale, le nombre de brevets a crû entre 1995 et 1998 passant de 379
brevets à 498 brevets, puis a commencé à décliner, depuis, pour connaître un léger sursaut à partir de
2000.

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Figure 15 : Brevets aux résidents 1975-2000

Figure 16 : Brevets aux non-résidents 1975-2000

412

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Figure 17 : Rapports Brevets résidents et non-résidents au Maroc (1975-1998)

Cependant, un examen plus approfondi permet de constater que les brevets aux résidents marocains ne
dépassent guère les 89 sur les 379 brevets enregistrés en 1995, c’est à dire une proportion très faible. Une
étude faite par l’UE-IRD montre que les brevets effectivement déposés par les nationaux ne dépassent guère
25% du total des brevets. Par ailleurs, les brevets sont concentrés dans le domaine de la chimie (43%) du fait
de la place prépondérante de l’industrie des phosphates pour lesquels le Maroc reste le premier producteur
et exportateur mondial. Il est suivi par le domaine médical (16%), le domaine de fabrication industrielle (10%)
et les industries électriques (10%). En ce qui concerne les brevets aux non-résidents, ils constituent de loin
la plus grande proportion des brevets soumis et obtenus. Le Portugal et la Turquie semblent avoir augmenté
rapidement la part revenant aux non-résidents. Le Maroc a vu son chiffre augmenter très rapidement durant
l’année 2000. Ces différents éléments sont présentés dans les graphiques précédents.

3.2.4. Commerce des produits à haute technologie


Le commerce des produits à haute technologie traduit à la fois une capacité d’absorber les produits à haute
technologie (importation) et à produire des produits innovants et compétitifs sur le marché (exportations).
Produits à l’exportation : Les chiffres pour 1994 montrent que les produits à haute technologie constituent
21% des exportations totales alors que cette proportion atteint 66% pour la Corée du Sud et 67% pour la
Malaisie. Dans la région MENA, le score est meilleur comparé à celui de l’Égypte (9,8%) et moins bien que
celui de la Tunisie (22,8%). Au Maroc, les équipements électriques, les équipements de télécommunication,
les produits pharmaceutiques et médicaments constituent l’essentiel des exportations à haute technologie.
En 2000, les équipements de télécommunication ont constitué l’essentiel des exportations atteignant 47% du
total des exportations des EHT suivis des médicaments (20%).

413

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Figure 18 : Exportation de haute Technologie

Source : Centre du Commerce International, Division des Statistiques, Nations Unies

Produits à l’importation : Les importations de produits à haute technologie (IHT) indiquent la capacité de
l’économie à absorber de la technologie avancée et donc un certain niveau de maîtrise technologique. Les
IHT ont augmenté d’une manière régulière pour la majorité des produits de la catégorie. (fig. 19). Cependant,
ils ont connu une véritable explosion pour ce qui concerne les équipements de télécommunication, les
ordinateurs et les équipements de l’aviation et de l’espace.

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Figure 19 : Importations de hautes technologies

Source : Centre du commerce international,


Division des Statistiques, Nations Unies

L’examen des importations nettes des produits à haute technologie montre un déficit important que le
Maroc sera appelé à combler (fig. 419).
Capacité à retenir les diplômés
Le fléau de la fuite des compétences a incité à examiner les gains de compétences à travers les cadres qui
reviennent pour s’investir dans leur pays. Leur maintien sur place et leur retour peuvent être un indicateur de
la capacité à créer un environnement suffisamment favorable pour occasionner des gains de compétence.

3.3. L’indice des réalisations technologiques (IRT)


Une autre manière de traduire la capacité technologique d’un pays, c’est d’examiner la manière dont
la technologie est créée et de diffuser cette technologie. L’indice de réalisation technologique constitue un
indicateur approprié. Les données calculées montre que l’IRT du Maroc évolue de 0,240 en 1995 et 0.283 en
2001 avec une médiane de 0.258 ; ce qui met le Maroc dans la catégorie « d’adopteur dynamique » .

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Figure 20 : IRT Maroc 1995-2001

Source : IEAPS

On voit sur le graphe 22 que l’IRT a augmenté durant la période 1995-2001 mais d’une manière relativement
lente. Cependant sa valeur reste relativement basse notamment à cause d’une stagnation de l’indice de
création technologique et de l’indice de diffusion des innovations récentes.

Tableau 7 : Indice de Réalisation Technologique (I RT) pour le Maroc


(échelle 0 pour absence de technologie et 1 pour une situation parfaite)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
IRT 0.240 0.242 0.251 0.256 0.259 0.273 0.283
Indice Création de Technologie 0.007 0.007 0.010 0.009 0.009 0.005 0.005
Indice Diffusion des Innovations
0.028 0.037 0.062 0.070 0.077 0.087 0.099
Nouvelles
Indice Diffusion des Innovations
0.473 0.477 0.486 0.497 0.503 0.555 0.583
Anciennes
Indice Qualifications Humaines 0.452 0.449 0.447 0.448 0.446 0.445 0.445
Source : A. Driouchi & E. Azelmad, May 2002, « The Index of Technology Achievement for Morocco 1995-2001 »

3.4. Le système d’innovation


Des études ont été faites concernant le système national d’innovation (SNI) dans les pays du Maghreb,
utilisant l’approche des trois pôles. Une représentation globale et plus extensive peut être faite des
différentes composantes du système d’innovation. Les variables qui le composent incluent aussi bien : les
aspects formation (inscriptions des produits à haute technologie en pourcentage des exportation des produits
manufacturés), des aspects recherche (dépenses de R&D par le secteur privé) les aspects performance
en matière d’innovation (octroi de brevets et paiements de royalties), des performances en termes de
publications, d’exportations de produits à haute technologie, et l’attractivité des investissements étrangers.
Les facteurs originaux incluent les lourdeurs bureaucratiques, et la collaboration université-entreprise dans le
domaine de la recherche.

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Figure 21 : Les variables du Système d’Innovation
Morocco (most recent)
Gross Freign Direct Investment as % of GDP (1.60)

(3.40) Private sector spending on R&D Royalty and license fees payments $ millions

(11.00) High-Tech exports as % of manuf.exports Royalty and license fees payments / m

(0.03) Patent applications granted by the Royalty and license fees receipts p
USPTO (0.80)

Science & engineering enrolment r


(3.50) Availability of Venture capital tertiary level students) (41.00)

(3.60) Admin.Burden for Start-Ups Manuf.Trade as % of GDP (36.04)

(13.67) Scientific and technical journal articles per million people University-company research collaboration (3.20)

Source : WBI 2003

Comme l’indique le graphe de la figure 20, le Maroc score en dessous de la moyenne dans la majorité des
variables à l’exception du ratio d inscriptions dans les matières science et ingénierie, dans les exportations
des produits manufacturés, et le paiement des royalties en millions de dollars. La variable directement liée
à l’innovation (pro
3.5. Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)
Aussi bien du point de vue théorique que du point de vue empirique, les TIC s’imposent comme éléments
incontournables dans la problématique de la connaissance tant du point de vue de leur production que de
leur diffusion. Comme pour le reste des pays du Maghreb, au Maroc, les TIC sont d’introduction relativement
récente. Ils couvrent essentiellement les téléphones mobiles, les ordinateurs et l’usage d’Internet. Néanmoins,
les téléviseurs et radios non répertoriés dans certaines analyses de cet important pilier des TICS, peuvent être
intégrées dans le cas des Pays en Développement, vu leur capacité à diffuser l’information et à contribuer,
à élever le niveau des savoirs et des connaissances des populations. Si l’on considère la période 1994-2001,
l’usage des TIC est croissant pour les différentes catégories de TIC à l’exception des lignes fixes qui ont
augmenté dans une première phase et commencé à diminuer après.

3.5.1. Réseau de téléphones : fixes et mobiles


Figure 22 : Téléphones fixes pour 1000 habitants

417

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Les téléphones portables ont supplanté les téléphones fixes pour lesquels il y avait une liste d'attente
relativement longue. Le développement des taxiphones privés a permis de réduire la pression sur les
demandes de lignes fixes. L'accès à Internet est lié au développement des *"cybercafés"* qui ont beaucoup
contribué à en augmenter l'usage. Du point de vue des chiffres, le nombre de téléphones cellulaires a augmenté
d'une manière extraordinaire au détriment des lignes fixes durant la période 1999-2001. Cette explosion des
téléphones cellulaires s'explique en partie par l'introduction d'une deuxième licence et un second opérateur
alors que les téléphones fixes restent toujours aux mains de l'opérateur historique. Le graphe de la fig. 23
montre l'explosion littérale du téléphone cellulaire au détriment des lignes fixes qui commencent à perdre du
terrain à partir de 2000.

Figure 23 : Lignes fixes et mobiles 1994-2000

Source : IEAPS

L’utilisateur du téléphone a aussi souffert de langue listes d’attente et de tarifs de communication


relativement élevés. On constate qu’à partir de 1994 cette longue liste a commencé à se rétrécir pour passer
de 104 000 à 5000 en 2000.

Figure 24 : Listes d’attentes 1994-2000

Source : IEAPS

Il est ainsi clairement établi que pendant que les téléphones mobiles ont connu une augmentation, les
téléphones fixes ont fini par diminuer juste après la résorption des listes d’attentes qui ont marqué les
périodes passées (graphes 24 et 25).

418

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Figure 25 : Demandes pour téléphones, ordinateurs et Internet

Source : International Telecommunications Union, World Bank, UNESCO, UNDP

3.5.2. Nombre d’ordinateurs


L’ordinateur s’impose comme un outil incontournable, d’abord comme outil de traitement et de stockage
de l’information, et, maintenant avec l’avènement d’Internet, comme un précieux outil de communication.
Son rôle devient essentiel pour toute économie.
Le nombre d’ordinateurs personnels est passé de 85 000 en 1995 à 400 000 en 2001 avec un taux de PC
par 100 habitants qui été multiplié par un coefficient de presque 8, en l’espace de 8ans comme le montre la
fig. 26.

Figure 26 : Demande pour ordinateurs

Source : IUT (http ://www.iut.int/ITU-D/ict/statistics/

419

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3.5.3. Fournisseurs d’accès Internet et utilisateurs
La demande d’Internet que l’on peut voir à travers le nombre de fournisseurs d’accès et des utilisateurs
connaît une formidable expansion durant les années 2000 et 2001. Le nombre de fournisseurs d’accès a
augmenté de 229 en 1995 à 2454 en 2001.

Figure 27 : Fournisseurs Internet

Source : A. Driouchi & E. Azelmad, «Market Demand for Information Technologies in Morocco », May 2002.

D’une manière similaire, le nombre d’utilisateurs est passé de 1000 en 1995 à 400 000 en 2001. Le ratio du
nombre de fournisseurs d’accès a été multiplié par 9 durant la même période comme le montre la fig. 27.

3.5.4. Téléviseurs et radios


Comme pour le reste des TIC, l’usage des radios et TV connaît une tendance croissante passant de 2
millions en 1990 à 6 millions en 2001 pour les TV et de 5 millions à près de 8 millions durant la même période
pour les radios.(fig. 28).

Figure 28 : Demande radios et téléviseurs

Source : International Trade Center, UN Statistics division

420

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3.5.5. Complémentarité et substitution dans l’usage des TIC
Il est utile de bien connaître la manière dont la demande pour les différentes catégories de TIC s’exprime
pour éclairer les décideurs sur le type de politique à mener en la matière.
– D’une manière générale, la demande est fortement liée aux prix pratiqués sur le marché et également
au revenu des ménages lorsque l’on examine cette partie de la demande. Une demande non négligeable
provient du secteur institutionnel dont celle des institutions de formation (écoles, universités et centre
de formation).
– Toutefois des phénomènes de substitution et de complémentarité peuvent également jouer pour expliquer
des transferts de demande d’un TIC à l’autre. Comme mentionné auparavant, les mobiles se substituent
aux lignes fixes alors que la demande pour Internet est fortement corrélée à la demande d’ordinateurs.

Pour le cas du Maroc, les études menées (fig. 27) montrent une plus grande sensibilité du téléphone fixe
au revenu et du téléphone mobile aux prix. Des politiques tendant à réduire les prix par la libéralisation des
secteurs par exemple ou l’augmentation des revenus contribueraient à fortement augmenter l’usage des TIC.
Des phénomènes de complémentarité semblent jouer entre l’usage d’Internet et la demande
pour les lignes fixes durant la période 1994-1998 ; et de substitution durant la période 1999-2001. Des
complémentarités relativement fortes semblent également exister entre les ordinateurs et les utilisateurs
d’Internet, complémentarité encore plus forte entre les fournisseurs d’accès et les ordinateurs en usage pour
des raisons évidentes. Par ailleurs des phénomènes de substitution semblent jouer entre les téléphonies fixes
et les téléphones mobiles. Les politiques de prix notamment dans le sens de la baisse auront clairement pour
effet d’augmenter l’offre institutionnelle d’accès à Internet et celle des fournisseurs d’accès.

Figure 29 : Les tendances de la demande pour les différents TIC

Source : A. Driouchi & E. Azelmad, «Market Demand for Information Technologies in Morocco », May 2002.

3.5.6. L’indice Synthétique des TIC


L’indice synthétique des TIC qui regroupe l’ensemble des TIC montre la position effective globale du Maroc
(fig. 30). Malgré les progrès fulgurants, accomplis sur l’aspect communication, notamment la téléphonie, le

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Maroc a encore du retard à rattraper pour arriver à des niveaux moyens de développement que nécessite sa
position d’économie intermédiaire.

Figure 30 : Les composants de l’indice synthétique des TIC

Morocco (most recent)


Telephones per 1,000 (mainlines + mobiles) (247.10)

(2.85) E-Government Main Telephone lines per 1,000 people (38.00)

68.67) Internet users per 10,000 people Mobile phone per 1,000 people (209.10)

(0.90) Internet hosts per 10,000 people Computers per 1,000 people (13.70)

(28.00) Daily newspapers per 1,000 people TV Sets per 1,000 people (159.00)

(243.00) Radios per 1,000 people

Source : WBI 2003

3.6. Les indices composites de la connaissance


3.6.1. L’indice global de la connaissance
Cet indice repose sur les quatre éléments fondamentaux qui sont placés sur les axes des abscisses et
des ordonnées d’un graphe pour former le losange (fig. 31) :
– le régime d’incitation : qui inclut les barrières tarifaires et non tarifaires, les droits de propriété et la
réglementation,
– l’innovation : mesurée par le nombre de chercheurs mobilisés, les proportions de produits manufacturés
en proportion du PIB et les articles dans les journaux scientifiques,
– l’éducation : mesurée par les inscriptions dans le secondaire et le supérieur et l’alphabétisation des
adultes et enfin,
– l’infrastructure d’information comprenant les lignes téléphoniques, les ordinateurs et les fournisseuses
d’accès

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Figure 31 : Composantes de l’indice Global de la Connaissance au Maroc

Source : IEAPS

Malgré un bon score pour les banques, les déficits majeurs en matière de barrières tarifaires, de protection
de droits de propriété sont plus importants que les autres. Une étude récente de l’Organisation Mondiale de la
Propriété intellectuelle (2003) confirme cette tendance. En effet, les quatre secteurs de production considérés
(ouvrages, musique, films et logiciels) souffrent des limitations dans la protection des droits de la propriété
intellectuelle. Pendant que les quatre secteurs ne comptent que pour 0.5% du PIB, la demande pour leurs
produits et services paraît être plus sous l’influence du revenu par tête, du degré d’alphabétisation et de la
localisation géographique. Le niveau d’éducation paraît avoir un important effet sur la demande. Le fait qu’une
large proportion de la population est encore rurale, pèse lourdement aussi sur la demande totale agrégée.
Cette faiblesse de la demande est davantage affectée si les droits de propriété sont pris en ligne de compte
car une mauvaise protection ne crée pas les incitations nécessaires pour le renforcement de la production et
la diffusion des biens et services issus des industries du livre, du cinéma, de la musique et des logiciels.
Les variables montrent les déficits importants dans tous les domaines à l’exception, de la disponibilité de
l’éducation en management. Ceci est encore plus étonnant lorsqu’on voit que les dépenses d’éducation sont
relativement élevées par rapport à la moyenne (5,5% du PIB).
Dans le cas du Maroc, l’indice économique de la connaissance montre une évolution assez impressionnante
pour la période considérée (1995-2001) : les 4 paramètres montrent une évolution positive et simultanée
indiquant ainsi une pénétration progressive mais lente dans l’économie de la connaissance. (tableau 48).
Cependant, le rythme d’évolution de chacun des paramètres est différencié, ce qui aura, pour conséquence
de ne pas produire les externalités positives attendues. C’est ainsi que, si le régime des incitations
économiques a doublé pendant la période considérée, l’innovation n’a augmenté que dans des proportions
tout à fait résiduelles. C’est le cas également de l’éducation.

423

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Tableau 8 : L’indice agrégé de l’économie de la connaissance (KEI)* pour le Maroc
KEI pour le Maroc
Variables 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Ave.
Croissance PIB (%) 1.72 10.00 3.66 7.69 4.27 4.96 7.50 5.69
Indice du Développement Humain 4.31 4.31 4.66 4.76 4.86 4.94 4.94 4.68
Barrières tarifaires & non tarifaires 0.00 1.25 1.25 1.25 2.50 2.50 2.50 1.61
Droits de Propriété 0.00 1.67 1.67 3.33 3.33 3.33 3.33 2.38
Réglementation 5.00 5.00 5.00 5.00 5.00 5.00 5.00 5.00
Régime d'Incitation économique 1.67 2.64 2.64 3.19 3.61 3.61 3.61 3.00
Chercheurs en R&D 0.02 0.03 0.03 0.03 0.03 0.03 0.03 0.03
Comm. Manuf. en% du PIB 1.60 1.47 1.56 1.48 1.53 1.58 1.58 1.58
[ln] Articles dans des journaux scientifiques et
2.42 2.42 2.42 2.42 2.69 2.69 2.69 2.54
techniques par million de pers. 1997
Innovation 1.35 1.31 1.34 1.31 1.42 1.43 1.43 1.37
Taux d'alphabétisation des adultes (% age 15 et plus) 2.27 2.41 2.57 2.74 2.87 2.99 3.03 2.70
Inscriptions dans le secondaire 2.87 2.85 2.76 2.75 2.86 2.96 2.96 2.86
Inscriptions dans le supérieur 1.06 1.06 1.00 1.00 0.98 1.00 1.00 1.01
Éducation 2.06 2.10 2.11 2.16 2.23 2.32 2.33 2.19
[ln] Téléphones par 1000 personnes (lignes fixes +
5.05 5.18 5.34 5.54 5.72 6.86 7.50 5.88
mobiles)
[ln] Ordinateurs par 1,000 personnes 1.95 2.18 2.60 3.28 3.93 4.16 4.36 3.21
[ln] Fournisseurs d'accès par 10,000 personnes 0.00 0.93 2.71 3.31 3.26 3.09 3.54 2.40
Infrastructures d'Information 2.33 2.76 3.55 4.04 4.30 4.70 5.13 3.83
KEI pour le Marorc 1.85 2.20 2.41 2.68 2.89 3.02 3.13 2.60
* KEI : knowledge Economic Index

La représentation graphique (fig. 31) montre que ce qui tire le Maroc vers l’économie de la connaissance
dont les infrastructures d’information, en l’occurrence les TIC et dans une certaine mesure les réformes
concernant le régime d’incitations. L’innovation et l’éducation jouent au contraire un rôle de frein dans cette
trajectoire.

3.6.2. La matrice de l’évaluation de la connaissance (KAM) de la World


Bank Institute
La banque mondiale évalue l’économie fondée sur la connaissance sur une échelle de 14 variables qui
permettent de mesurer le degré d’insertion de chaque pays dans l’économie du savoir.
Les scores obtenus par le Maroc sur les 14 variables pour 1995 -2001 confirment certaines tendances
déjà examinées (tableau 410). Les taux bruts montrent la contribution de chacun des paramètres. Face à des
taux de croissance du PIB relativement instables mais qui atteignent des performances relativement élevées
en 2001, et un indice Du développement humain, qui connaît une relative stagnation, les facteurs entraînant
restant les infrastructures d’information et de communication et dans une moindre mesure certaines
évolutions positives dans le domaine de la réglementation : notamment la protection des droits de propriété.
L’éducation et la formation et l’innovation restent les sources de gros blocages.

424

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D’une manière plus détaillée des progrès notables sont nécessaires à faire dans les domaines montrant
une stagnation :
– la protection de la réglementation pour créer un environnement accueillant,
– dans le potentiel humain mobilisé pour la R&D,
– l’enseignement universitaire,
– l’alphabétisation des adultes,

Des mesures particulières dans les domaines qui connaissent une nette régression :
– l’encouragement des exportations de produits manufacturés et surtout à haut contenu technologique,
– les publications scientifiques de haut niveau,

Ces résultats sont confirmés par les données normalisées sur une échelle de 0 à 10. La figure 32 montre
la toile d’araignée qui caractérise l’état de la connaissance au Maroc. Les facteurs sont mesurés par rapport à
la moyenne et à l valeur maximale pour chacun d’eux. On peut voir très facilement les facteurs où on atteint
la moyenne et ceux qui sont stagnants.

Tableau 9 : Variables brutes de l’état de la connaissance au Maroc


Variables 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Min Max
Croissance PIB (%) – 6.52 12.12 – 2.16 6.91 – 0.78 0.78 6.50 – 10.4 12.12
Indice du Développement Humain 0.557 0.557 0.582 0.589 0.596 0.596 0.596 0.252 0.96
Barrières tarifaires & non tarifaires 2 3 3 3 4 4 4 2 10
Droits de Propriété 4 5 5 6 6 6 6 4 10
Réglementation 6 6 6 6 6 6 6 2 10
Chercheurs en R&D 2427 2672 2742 2743 2750 2807 3000 185 915075
Comm. Manuf. en% du PIB 18.9 17.4 18.4 17.5 18.1 18.6 18.6 0 118
[ln] Articles dans des journaux
scientifiques et techniques par 2.13 2.13 2.13 2.13 2.37 2.37 2.37 0 8.8
million de pers. 1997
Taux d'alphabétisation des adultes
43.7 44.7 45. 47.1 48 48.9 49.2 27.5 99
(% age 15 et plus)
Inscriptions dans le secondaire 44.7 44.5 43.3 43.1 44.6 46 46 5.4 142.5
Inscriptions dans le Supérieur 10.4 10.4 9.9 9.9 9.7 9.9 9.9 1 90
[ln] Téléphones par 1000
3.78 3.86 3.96 4.08 4.19 4.89 5.28 0.69 6.81
personnes (lignes fixes + mobiles)
[ln] Ordinateurs par 1,000
1.17 1.31 1.56 1.97 2.36 2.50 2.62 0 6.01
personnes
[ln] Fournisseurs d'accès par
0.00 0.56 1.64 2.00 1.97 1.87 2.14 0 6.05
10,000 personnes
Source : IEAPS

425

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Figure 32 : État de la connaissance au Maroc en 1995 et en 2001

Croissance Annuelle PIB


ln Fournisseurs d'accès à Internet Indice du Développement Humain
par 10,000 personnes

ln Ordinateurs par 1000 personnes Barrières Tarifaires et Non Tarifaires

ln Téléphones par 1000 personnes Droits de Propriété


(Fixe et Mobile)

Taux Inscriptino dans le Supérieur Régulation

Taux Inscriptino dans le secondaire Chercheurs en R&D

Taux d'Alphabétisme (% âge 15 et Comm.Manu.% PIB


plus)
ln Articles dans des Journaux
scientifiques et Techniques

Moyenne 1995-2001

Source : A. Driouchi & E. Azelmad, IEAPS

L’examen de l’évolution des 2 toiles en début (1995) et en fin de période (2001) nous permet d’identifier
l’évolution de chacun des paramètres. On peut constater tout d’abord une évolution assez importante dans
le sens de l’économie de la connaissance d’une manière globale durant la période choisie. D’une manière
plus détaillée, on peut identifier quatre catégories de facteurs :

– les facteurs qui ont atteint la moyenne : la réglementation ainsi que l’indice de développement humain
et le taux de croissance,
– les facteurs qui sont restés en deçà de la moyenne mais qui ont progressé relativement rapidement :
les barrières tarifaires et non tarifaires, les fournisseurs d’accès Internet et les micro-ordinateurs, et la
protection des droits de propriété,
– les facteurs qui ont dépassé la moyenne : les téléphones fixes et portables,
– les facteurs stagnants : les inscriptions dans l’enseignement supérieur et le potentiel humain mobilisé
dans la R&D, l’exportation des produits manufacturés en pourcentage du PIB. L’examen de la situation
moyenne du KAM pour la période 1995-2001 (fig. 33) confirme les tendances notées plus haut et met en
évidence d’une manière encore beaucoup plus prononcée les déficits notamment en matière de R&D,
d’inscriptions dans le supérieur et des barrières tarifaires et non tarifaires.

426

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Figure 33 : État de la connaissance au Maroc : moyenne 1995-2001

Croissance Annuelle PIB


ln Fournisseurs d'accès à Internet Indice du Développement Huma
par 10,000 personnes

ln Ordinateurs par 1000 personnes Barrières Tarifaires et Non

ln Téléphones par 1000 personnes Droits de Propriété


(Fixe et Mobile)

Taux Inscriptino dans le Supérieur Régulation

Taux Inscriptino dans le secondaire Chercheurs en R&D

Taux d'Alphabétisme (% âge 15 et Comm.Manu.% PIB


plus)
ln Articles dans des Journaux
scientifiques et Techniques

Moyenne 1995-2001

Source : IEAPS

Le retard en matière de fournisseur d’accès Internet, en situation moins défavorable, peut constituer un
facteur de réduction de l’indice, si la tendance à la substitution, notée plus haut, s’élargit et si les mesures ne
sont pas prises pour corriger cette tendance. Les données complémentaires qu’on peut lire sur le KAM de la
WBI, confirment et corroborent les résultats notés auparavant. (fig. 34)

Figure 34. État de la connaissance : comparaison 1995 à des données plus récentes

GDP grow th (%)


Internet users per 10,000 people Human Development Index

Computers per 1,000 persons Tarif & nontarif barriers

Telephones per 1,000 (mainlines + Rule of Law


mobiles)

Tertiary Enrollment Regulatory Quality

Secondary Enrollment Researchers in R&D / million

Adult literacy rate (% age 15 and above) Patent applications granted by the
USPTO / million
Scientific and technical journal articles /
Source : WBI 2003

427

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4. Comparaisons avec les autres pays
Les pays choisis pour les comparaisons sont le Chili, l’Égypte, l’Indonésie, l’Irlande, la Corée, la Jordanie, la
Malaisie, le Mexique, les Philippines, la Pologne, le Portugal, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la Tunisie et la Turquie.
Les variables utilisées pour les comparaisons sont respectivement l’Indice de Réalisation Technologique (IRT)
et l’Indice de l’Économie du Savoir (KEI) avec leurs différentes composantes.

4.1. L’utilisation de l’Indice de Réalisation Technologique (IRT)


Le graphique suivant montre que l’Espagne a détenu le premier rang et qu’elle a été leader durant la
période 1981-2000. Elle est suivie de l’Irlande, l’Afrique du Sud, la Corée et la Pologne (IRT entre 0.2 et 0.35)
qui ont été des adopteurs dynamiques de technologies durant la même période. Le Maroc avec le Portugal
ont eu un niveau bas de l’indice mais ont pu se rapprocher de 0.2 à la fin de la période. Ils devancent ainsi
l’Égypte, la Tunisie et la Turquie.

Figure 36 : Indice de Réalisation Technologique 1981-2000

Cependant, les rythmes annuels de changements dans l’IRT apparaissent avoir varié d’un pays à un autre.
L’Espagne et l’Afrique du Sud ont eu les coefficients les plus élevés (0.02 par an) suivies de l’Indonésie (0,017)
et du Maroc (0,01). Tous les autres pays ont eu des coefficients positifs allant de 0.003-0.004 (Malaisie, Corée)
à 0,009 (Pologne, Irlande) en passant par 0,005-0,006 (Portugal, Philippines, Égypte). Les coefficients, les
ordonnées à l’origine ainsi que les autres caractéristiques liées aux régressions effectuées sont présentées
dans le tableau suivant.

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Tableau 10 : Rythmes annuels de changements dans l’IRT

Ordonnée
Pays R2 Coefficient t- statistique Coefficient
àl'origine
Chili 0,860 0,058 0,0057 7,97
Egypte 0,950 – 0,056 0,0051 18,13
Indonésie 0,860 – 0,158 0,0171 10,38
Irlande 0,867 0,156 0,0081 10,82
Corée 0,475 0,132 0,0037 4,04
Jordanie 0,808 0,034 0,0038 8,72
Malaisie 0,306 0,057 0,0035 2,81
Mexique 0,117 0,000 0,0073 1,54
Maroc 0,953 – 0,065 0,0102 19,11
Philippines 0,583 0,082 0,0064 5,02
Pologne 0,870 0,064 0,0095 10,98
Portugal 0,840 0,032 0,0054 9,73
Afrique Sud 0,874 0,000 0,0196 11,19
Espagne 0,809 0,106 0,0189 8,73
Tunisie 0,971 0,000 0,0076 24,40
Turquie 0,882 0,000 0,0086 11,58

Figure 37 : Indice des anciennes innovations

429

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Concernant l’analyse des différentes composantes de l’indice global, l’indice des anciennes innovations
privilégie l’Espagne (entre 0,2 et 0,4), la Corée et l’Irlande (entre 0 et 0,25). La Tunisie, le Portugal, la Pologne
viennent en troisième position (du négatif à 0.2). Ils sont suivis des autres pays dont le Maroc.

Figure 38 : Indice des nouvelles innovations

Pour ce qui est des nouvelles innovations, le Maroc est très mal positionné avec le Portugal et l’Espagne
(graphique précédent). Ce sont l’Irlande, la Malaise, l’Afrique du Sud et la Corée qui sont les mieux situés.

Figure 39 : Indice des compétences

L’indice des compétences semble être plus en faveur de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande et de l’Afrique
du Sud (niveau élevé à la fin de la période). Mais les autres pays, dont le Maroc, ne sont pas forcément

430

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défavorisés car ils atteignent des niveaux entre 0.4 et 0.7. Les pays les plus mal lotis sont l’Égypte et la Tunisie
avant les années 1980.

Figure 40 : Indice de création de nouvelles technologies

Pour ce qui est de la création de nouvelles technologies, l’Espagne a pu dominer l’ensemble des pays depuis
la fin des années 1980. Tous les autres pays ont pu réaliser de faibles performances en la matière. Cependant, et
comme il apparaît clairement du graphique qui suit, ce sont la Turquie, la Tunisie et le Maroc qui semblent avoir
dominé les autres pays à partir de la fin des années 1980 en matière de création de nouvelles technologies.

Figure 41 : Création de nouvelles technologies sans l’Espagne

431

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4.2. Le recours à l‘indice de l‘Économie du Savoir
La Pologne représente l’un des pays qui ont accomplie des progrès en une période relativement courte
comme l’indique la figure 42. Parmi les progrès accomplis, on peut noter l’alphabétisation, l’éducation, la R&D,
les droits de propriété et la pénétration d’Internet. Les barrières douanières sont aussi à noter.

Figure 42 : L’état de la connaissance dans les économies en transition : le cas de la Pologne

GDP grow th (%)


Internet hosts per 10,000 people Human Development Index

Computers per 1,000 persons Tariff & nontariff barriers

Telephones per 1000 (mainlines + mobile) Property Rights

Tertiary enrollment Regulation

Secondary Enrollment Researchers in R&D

Adult literacy rate (% age 15 and above) Manuf.Trade as % of GDP

Scientific and technical journal articles per


million people

1995 Most Recent Data

Source : WBI 2003

4.2.1. Les pays de la région MENA


Les comparaisons avec les pays de la région du Maghreb-Mashrek permettent de mieux saisir la position et
le rythme d’évolution du Maroc dans son intégration à l’économie de la connaissance. Les pays sélectionnés
incluent la Tunisie, la Jordanie et la Turquie.

4.2.2. Cas de la Jordanie


Dans le cas de la Jordanie, considéré comme l’un des pays les plus avancés dans la sous région, la
moyenne est dépassée dans cinq domaines considérés comme fondamentaux : l’enseignement supérieur et
secondaire, l’alphabétisation des adultes, la publication des articles dans des revues de référence ainsi que
l’exportation des produits manufacturés. Il faut noter à cet égard, que la Jordanie exporte avec beaucoup de
succès et arrive à concurrencer des pays relativement avancés dans les logiciels notamment pour l’éducation
à distance. Certaines variables atteignent la moyenne comme les droits de propriété et la téléphonie. D’autres
sont à peine en dessous de la moyenne : notamment la R&D, la pénétration d’Internet et celle des ordinateurs.
Le gros déficit enregistré est surtout par rapport aux barrières tarifaires et non tarifaires.

432

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Figure 43 : L’état de la connaissance en Jordanie

GDP grow th (%)


Internet hosts per 10,000 people Human Development Index

Computers per 1,000 persons Tariff & nontariff barriers

elephones per 1000 (mainlines + Property Rights


mobile)

Tertiary enrollment Regulation

Secondary Enrollment Researchers in R&D


Adult literacy rate (% age 15 and above)
Manuf.Trade as % of GDP
Scientific and technical journal articles per
million people

Source : WBI 2003

4.2.3. Cas de la Tunisie


La Tunisie a fait également des progrès notables sur certaines variables et souffre d’un important déficit
sur d’autres. Sa situation est plus proche de celle du Maroc. Le taux de croissance économique est l’évolution
la plus spectaculaire. Des scores honorables sont atteints pour les variables concernant l’éducation et la
formation, les publications scientifiques la pénétration d’Internet et l’application de la loi. La recherche, d’une
manière générale, souffre d’un grand déficit mais pas autant que les barrières tarifaires et non tarifaires, dont
la faiblesse est notable.

Figure 44 : L’état de la connaissance dans le cas de la Tunisie

GDP grow th (%)


Internet users per 10,000 people Human Development Index

Computers per 1,000 persons Tariff & nontariff barriers

elephones per 1000 (mainlines +


Property Rights
mobile)

Tertiary enrollment Regulation

Secondary Enrollment Researchers in R&D

Adult literacy rate (% age 15 and above) Manuf.Trade as % of GDP


Scientific and technical journal articles per
million people

Source : WBI 2003

433

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4.2.4. Cas de la Turquie
La Turquie est en tête dans la sous région. Ses performances en matière de croissance du PIB, sont
élevées par rapport à celles du Maroc selon les données normalisées du KAM. Ses performances sont
meilleures également en ce qui concerne l’indice du développement humain, et les barrières tarifaires et non
tarifaires, le personnel impliqué dans la R&D (plus de 5 fois que le Maroc, le taux d’alphabétisation des adultes
et les inscriptions aux 3 cycles d’enseignement).
L’avance est relativement plus modeste en ce qui concerne les TIC (téléphones, ordinateurs et Internet).
Cependant la Turquie accuse un retard par rapport au Maroc dans la réglementation, l’enseignement secondaire
et le pourcentage des produits manufacturés dans le PIB.

Figure 45 : L’état de la connaissance en Turquie : 2001

Source : IEAPS

4.2.5. Cas des autres pays de l’échantillon


Par rapport à ses voisins immédiats, et aux autres pays du Mashrek, le Maroc a les plus mauvais scores en
termes de développement humain, d’alphabétisation des adultes, et d’éducation notamment les inscriptions
dans le secondaire. Néanmoins, ses performances sont égales ou meilleures en ce qui concerne l’ouverture de
l’économie. En termes de chercheurs mobilisés, il est dans une position peu favorable vu que les pays qui ont
des scores moindres sont aussi ceux qui ont des populations plus réduites (Jordanie). Pour ce qui concerne la
production scientifique, il a un meilleur score mais se trouve derrière les autres pays. Le Maroc a les scores les
plus élevés dans le domaine des TIC, soulignant ainsi l’effort des pouvoirs publics dans le domaine. Il a le plus
haut score dans le domaine des téléphones (fixes et mobiles) et dans le domaine des fournisseurs d’accès à
Internet. Ces résultats sont confirmés lorsque les données brutes et harmonisées sont présentées.

434

Sans titre-1 434 17/12/05 13:12:15


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Tableau 11 : Comparaisons du Maroc avec les autres pays de l’échantillon

Variable Maroc Egypte Corée Malaisie Pologne Portugal Espagne Afrique Sud Chili

Croissance moyenne PIB 3.90 / 6.28 4.50 / 7.60 4.60 / 8.02 2.40 / 3.22 3.00 / 4.21 2.70 / 3.97 3.40 / 5.12 2.40 / 3.22 2.40 / 3.22

Indice développement
0.61 / 2.08 0.65 / 2.42 0.88 / 7.50 0.79 / 5.92 0.84 / 7.25 0.90 / 8.08 0.92 / 8.42 0.68 / 3.00 0.83 / 6.67
humain
Barriéres tarifaires et non-
2.00 / 0.00 4.00 / 2.08 6.00 / 4.17 6.00 / 4.1 6.00 / 4.17 8.00 / 6.25 8.00 / 6.25 6.00 / 4.17 8.00 / 6.25
tarifaires

Qualité de la régulation 0.02 / 4.55 -0.45 / 2.81 0.86 / 6.86 0.58 / 6.12 0.67 / 6.45 1.47 / 8.35 1.41 / 8.26 0.60 / 6.20 1.50 / 8.43

Droits de propriété 0.11 / 5.21 0.09 / 5.12 0.88 / 7.27 0.58 / 6.28 0.65 / 6.36 1.30 / 8.02 1.15 / 7.93 0.19 / 5.29 1.30/8.02

Chercheurs n/a / n/a 492.82 / 3.81 2882.39 / 8.10 153.83 / 2.02 1474.59 / 5.83 1758.40 / 6.19 1948.44 / 6.55 991.79 / 5.00 418.64 / 3.69

Articles scientifiques 13.67 / 4.25 18.33 / 4.50 143.19 / 7.33 18.32 / 4.42 117.00 / 7.17 150.97 / 7.42 305.68 / 8.17 47.93 / 6.25 58.53 / 6.50

Brevets 0.03 / 2.34 0.09 / 3.18 79.49 / 8.69 2.35 / 6.82 0.41 / 4.77 1.60 / 6.54 8.27 / 7.38 3.17 / 7.20 0.97 / 5.98

Alphabétisation 49.90 / 0.91 56.20 / 1.07 97.90 / 6.53 88.00 / 4.30 99.70 / 7.93 92.70 / 5.21 97.80 / 6.45 85.60 / 3.72 95.90 / 5.95

75.45 / 4.63
Scolarisation secondaire 39.34 / 1.82 85.68 / 5.95 94.12 / 6.94 70.33 / 3.80 101.35 / 8.35 113.65 / 9.17 115.64 / 9.34 87.33 / 6.12

37.52 / 6.58
5 94.12/6.94 70.33 / 3.80 101.35 / 8.35 113.65 / 9.17 115.64 / 9.34 87.33 / 6.12 75.45 / 4.63 59.36 / 8.92 15.24 / 3.83

Scolarisation tertiaire 10.30 / 2.83 39.00 / 6.75 77.62 / 9.92 28.16 / 5.42 55.54/8.42 50.20/7.92 59.36/8.92 15.24/3.83 37.52/6.58

Téléphones 247.10/4.21 170.80/3.47 1168.10/7.69 546.70/6.12 657.70/6.53 1238.40/8.18 1282.60/8.60 373.50/5.45 658.70/6.61

Ordinateurs 13.70/2.61 15.50/2.96 555.80/9.65 126.10/6.78 85.40 / 6.00 117.40 / 6.52 168.20 / 7.13 72.60 / 5.57 119.30 / 6.61

Internet 68.67 / 3.14 92.95 / 1.90 5518.91 / 9.75 2731.09 / 7.52 983.72 / 6.36 3554.62 / 8.10 1931.03 / 7.19 682.01 / 5.37 2014.15 / 7.27

Indice Incitations 3.25 3.34 6.10 5.52 5.66 7.54 7.48 5.22 7.57
Indice ƒducation 1.85 4.59 7.80 4.51 8.23 7.43 8.23 4.56 5.72

Indice Innovation 3.29 3.83 8.04 4.42 5.92 6.72 7.37 6.15 5.39
Indice Infrastructure
3.32 2.78 9.03 6.81 6.30 7.60 7.64 5.46 6.83
Information

Source : Site Internet WBI, 2003

435

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5. Relations entre les différentes variables de la connaissance
Cette partie tente de déterminer des effets de différentes variables explicatives de la connaissance sur les
performances économiques et leur importance pour le développement humain au Maroc. Elle présente les
résultats des analyses faites à l’IEAPS. Elle constitue une base de discussions des relations qu’entretiennent
les différentes variables et un éclairage utile pour les politiques publiques en matière de développement
humain en privilégiant la démarche basée sur la connaissance.

Figure 35 : Les Effets de la connaissance et les relations entre indices économiques au Maroc

Comme indiqué dans la figure 35 ci-dessus, certaines variables économiques entretiennent des relations
relativement fortes avec les indicateurs de la connaissance qui à leur tour entretiennent des rapports
significatifs avec les variables de développement humain. Les détails des calculs sont présentés dans l’annexe
1. Les variables économiques incluent le produit intérieur par habitant (GDPC), la formation brute du capital
(GCF), la valeur ajoutée industrielle (VA) et les investissements directs étrangers (FDI). Les variables du
savoir englobent l’indice de l’économie du savoir (KEI) et l’indice des réalisations technologiques (TAI dans le
texte IRT). Les autres variables considérées dans cette matrice de relations sont l’indice de Développement
humain (HDI), l’indice de liberté économique (IEF ou ILE dans le texte), l’indice de pauvreté humaine (HPI), le
taux d’analphabétisme (Ill), l’indice de perception de la corruption (CPI), le taux de chômage (Ump) et le taux

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Sans titre-1 436 17/12/05 13:12:18


d’urbanisation (Urb). Les nombres indiqués sur chaque flèche (exemple : 0.19 sur la flèche liant GDPC et KEI)
sont les coefficients associés aux variables dépendantes à la tête de la flèche (exemple GDPC) par rapport
aux variables indépendantes à la source de la flèche (exemple KEI). La relation se lit ainsi comme le niveau de
corrélation entre chacune des deux variables indiquées (Exemple : GDPC = Cst + 0.19 *KEI).
Ainsi, l’analyse précédente montre bien les différentes interdépendances qui existent entre indices et
variables. Ceci place donc les indices du savoir dans une position privilégiée et insistent sur l’importance
du savoir dans une démarche de développement humain. D’où la nécessité de coordination des politiques
économiques en vue de tirer le maximum d’avantages de l’ensemble et positionner ainsi confortablement le
Maroc. La réduction de la pauvreté, du chômage et de l’analphabétisme en même temps qu’une plus grande
ouverture de l’économie conjugués à une réduction de la corruption sont de nature à aider pour un meilleur
positionnement du Maroc à la fois au niveau des réalisations technologiques mais aussi au niveau de l’indice
global du savoir. Ceci, à son tour, crée les conditions propices pour l’amélioration des conditions économiques et
sociales générales et génère de meilleures performances de l’économie et de la société. Des niveaux améliorés
des indices de la connaissance peuvent ainsi permettre de réduire certains déficits (coefficients négatifs) et
améliorer la position du Maroc (coefficients positifs) y compris sur l’indice de développement humain.

II. Enjeux et Perspectives pour le Maroc


L’évaluation de la position du Maroc a permis d’avoir une idée relativement précise du chemin parcouru
en matière d’économie du savoir, souvent depuis 1955 et plus particulièrement durant les années 1990-2000.
Cette évaluation a aussi précisé ce qui reste à parcourir pour permettre au pays de s’insérer d’une manière
efficace et irréversible dans l’économie de la connaissance. Ce sont les éléments relatifs aux trajectoires
futures qui sont discutés dans ce qui suit et ce, en relation avec la mise en place des perspectives pour la
période 2005-2025. Pour plus de détails sur la question des enjeux et des perspectives le lecteur est invité à
consulter l’ouvrage Driouchi & Djeflat (2004).
Il s’agira ainsi beaucoup plus d’insister sur les moyens à mobiliser pour permettre au Maroc d’accélérer
les rythmes déjà entamés durant les années 1990-2004. Parmi les moyens à mobiliser, il faut noter d’abord
l’implication de toutes les organisations publiques et privées dans le sens de la promotion de la mise en
oeuvre des savoirs. L’analyse a ainsi montré l’existence de fortes interdépendances entre les secteurs publics
et privés en plus des relations étroites entre les différents intervenants dont les populations. La deuxième
voie qui nécessite aussi une forte mobilisation est contenue dans la traduction de la vision d’ensemble aux
niveaux des secteurs, des régions et des communautés tout en privilégiant la participation des individus et
des entreprises. La sensibilisation et l’engagement de tous constituent le troisième ingrédient nécessaire
à l’accélération de l’accès à l’économie du savoir. Il permet ainsi de renforcer la compétitivité du Maroc et
générer les niveaux de prospérité souhaités de tous (Driouchi & Djeflat, 2004).

1. Vision, Institutions et Réglementation

1.1. Vision
L’élaboration d’une stratégie globale pour l’accélération de la promotion de l’économie du savoir est une
étape nécessaire. Cette stratégie est en mesure d’offrir la vision et les transparences nécessaires pour
que l’ensemble de la société adhère et applique les différentes composantes de cette stratégie. L’une des

437

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caractéristiques communes des modèles pratiqués dans le monde aussi bien de la part des pays industrialisés
que des pays émergents (Malaisie, Corée du Sud etc.), c’est l’élaboration d’une vision globale et commune
de l’intégration dans l’économie et la société de la connaissance. Les modèles et approches diffèrent de pays
en pays, mais traduisent, tous un fort degré d’implication des décideurs dans le sens de la promotion de
l’économie de la connaissance (Driouchi & Djeflat, 2004). «Dans le cas des pays de l’OCDE, cet engagement
est omniprésent dans toutes les actions. Si on prend le cas de la France, cet engagement des pouvoirs publics
dans le secteur du développement de l’économie de la connaissance date de quelques années et bien avant
que la notion ne soit connue en tant que telle. » (Driouchi & Djeflat, 2004). Il touche plusieurs domaines
et se traduit, notamment, par le développement d’une vision globale et commune au niveau des organes
centraux de l’État et par des actions concrètes de mise en oeuvre. Pour ce qui concerne la vision globale,
elle prend plusieurs appellations : le technology foresight programme en Grande Bretagne, le «technology
assessment », aux Pays-Bas en particulier, Highly Advanced National Project en Corée, et enfin 2020 Initiative
en Jordanie. (Driouchi & Djeflat, 2004).

1.2. Institutions (extrait de Driouchi & Djeflat, 2004)


Les modèles qui ont réussi ont beaucoup misé sur des institutions qui ont oeuvré dans le sens de la mise en
place de l’EFC. Ces institutions qui ont porté une vision de l’EFC sont généralement celles qui traduisent le degré
d’engagement politique de la part de l’État et des pouvoirs publics en général. Pour ce qui concerne la mise en
oeuvre, nous illustrerons cela par les domaines de la formation, de la recherche et développement et TIC.
Dans le cas de la formation, il y a lieu de noter le fort engagement de l’État pour « la formation professionnelle
continue dans le cadre de l’éducation permanente » qui a entraîné un net développement de l’effort financier
des employeurs dans ce domaine et un accès plus fréquent des salariés à des stages de formation. Relayé
aujourd’hui relativement facilement par un consensus aussi bien en France qu’en Europe par la nécessité
de « la formation tout au long de la vie » . En France en particulier, ceci a nécessité la mise en place par les
pouvoirs publics des modes de certification des actions de formation et une hiérarchisation des certifications
s’inspirant très fortement du système scolaire par l’intermédiaire des niveaux de diplôme.
Dans le cas de la recherche, cet engagement des pouvoirs publics s’est traduit par le lancement de
grands programmes de recherche qui ont reflété intimement les priorités stratégiques dans les domaines
considérés (défense, énergie, espace, aéronautique, télécommunications, électronique etc.) se traduisant par
l’importance relative des dépenses publiques de R & D. Au plan européen ceci est relayé par les programmes
de recherche collectifs. Cet engagement s’est traduit en plus des fonds publics par la création de multiples
institutions en France et en Europe répondant aux besoins, en termes de recherche des ministères auxquels
elles sont rattachées.

Dans le cas du Maroc, on retrouve les prémices de cet engagement des pouvoirs publics, notamment dans
la recherche qui constitue le maillon faible de l’approche globale de l’économie fondée sur la connaissance et
que nous citerons à titre d’exemple :
– Au plan de la vision, un nouveau plan quinquennal (2002-2006) de développement scientifique et
technologique préparé par le Ministère en charge de la recherche Scientifique et technologique traduit la
nécessité de développer une approche à long terme et une programmation des actions à entreprendre.
– Au plan institutionnel, la création d’un ministère délégué et ensuite d’un ministère de la recherche
scientifique et technologique témoigne de l’engagement pour promouvoir et enraciner la connaissance
et la recherche et le développement. D’autres institutions viendront concrétiser cet engagement et en
même temps contribuer à l’élaboration d’une vision globale d’un important composant de l’économie
fondée sur la connaissance qui est la recherche et développement et l’innovation.

438

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– Le Comité permanent interministériel de la recherche scientifique et du développement technologique
sous la présidence du premier ministère qui étudie l ‘élaboration d’une politique scientifique et
technologique.
– Le CNRST (Centre National de la recherche scientifique et technique) crée pour coordonner la recherche
scientifique et technique et qui poursuit plusieurs objectifs dont notamment : définir en liaison avec les
différentes institutions de recherche, publiques privées les grandes lignes des programmes de recherche
scientifique. Il est chargé par le Ministère de tutelle de 3 programmes : PARS (programme d’appui à la
recherche scientifique), les pôles de compétence et le réseau Marwan qui met en réseau les universités
et centre, de formation

2. Mobilisation

2.1. Mobiliser les leaders


L’une des caractéristiques du modèle jordanien, dont les performances sont relativement élevées, c’est
aussi d’avoir pu mobiliser des porteurs de projets pour qu’ils s’y investissent d’une manière relativement
exceptionnelle. Leur disponibilité sur le marché du travail est l’une des conditions importantes pour la
démarche. Pour des missions bien spéciales, ils sont détachés de leur emploi initial et mis à la disposition du
projet « Connaissance pour le Développement » . En cas de non disponibilité localement, il est fait appel aux
compétences de la diaspora. Placés à tous les niveaux, ils sont recrutés sur contrat et leur stabilisation dépend
de leurs performances dans l’avancement du projet.

2.2. Mobiliser les groupes cibles : rôle des femmes et des jeunes
Les deux groupes cibles qui peuvent être intégrés comme dans l’expérience de la Jordanie et d’autres
expériences sont les jeunes et les femmes. Les jeunes représentent une proportion importante de la
population. Ils ont par ailleurs montré une capacité phénoménale d’absorber les produits des TIC sous leurs
différentes formes : ordinateurs, téléphones portables, Internet et communication par email. Ce potentiel
nécessite d’être identifié comme un groupe cible privilégié. C’est d’autant plus vrai que c’est ce groupe
d’âge qui souffre le plus des problèmes de chômage. Le second groupe, ce sont les femmes. La proportion
des femmes dans la population active est de 35%. L’indice de Renforcement des capacités du genre s’est
amélioré d’une manière générale de 0.302 en 1995 à 0.421 en 2002. Ceci implique plus de capacité et de
participation des femmes dans la vie économique et politique du pays. Le pourcentage de sièges dans le
parlement tenus par les femmes est passé de 0.7% en 1998 à 10.77% en 2002 (35 femmes sur les 325
sièges. Les pourcentages des femmes dans des fonctions administratives ou managériales (25.6% en 1995),
dans les fonctions techniques ou professionnelles (31.3% in 1995) et dans le revenu (28% en 1995) sont
restés relativement stagnants (le manque de données peut expliquer cette stagnation).

2.3. Réduire les obstacles : corruptions et positions de rente


Comme il a été mentionné dans beaucoup de pays, l’application d’une approche connaissance qui accroît
le degré de transparence et ‘d’accountabilité’ se heurtera à des résistances multiples de la part d’acteurs et

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d’institutions locales parfois. Ces résistances au changement sont proportionnelles au degré de corruption
et d’application des lois et règlements. L’indice de perception de la corruption mesure le degré d’opacité de
chaque économie. Cet indice a augmenté progressivement pour culminer en 2000 et diminuer par la suite.
Ceci montre que plus de réformes et de transparence sont exigées. En termes comparatifs, le Maroc se
trouve dans la moyenne des pays en développement. Par rapport à la région MENA, l’indice de perception
de la corruption pour 2002 montre que l’économie marocaine est moins corrompue que celle de l’Égypte
(3,40), mais plus corrompue que les économies tunisienne (4,50) et de la Jordanie (4,50). Des résistances
conséquentes sont à attendre comme dans beaucoup d’autres pays en développement et de la région MENA
en particulier. Les acteurs qui jouissent de situations de rente et de privilèges tenteront de retarder, à défaut de
bloquer des projets susceptibles d’accroître le degré de transparence surtout au niveau du secteur public.

2.4. Enjeux au niveau de l’entreprise


Il est de plus en plus admis que la compétitivité de l’entreprise et parfois sa survie dépendent de plus
en plus, de sa capacité d’innovation et de la maîtrise de compétences stratégiques. Les nouveaux actifs
immatériels dont elle dispose incluent la R & D, les actifs de propriété intellectuelle, le savoir-faire et la
compétence de la main-d’oeuvre.
C’est dans toute la chaîne des valeurs que la connaissance trouve sa place, l’élément central étant la
construction et l’exploitation d’actifs cognitifs. Le processus de création de valeur fondée sur la connaissance
s’opère entre les différentes composantes du capital immatériel de l’entreprise : le capital humain (capacité à
gérer les compétences et les connaissances, potentiel de créativité et d’innovation, etc.), le capital structurel
externe (capital client, capital marques, relationnel avec les actionnaires, etc.) et le capital structurel interne
(capital en R & D, lien avec l’efficience des processus et de l’organisation).
En conséquence, il y a nécessité de repenser les pratiques actuelles de création de richesses. L’aptitude
à l’innovation repose en effet aussi sur les capacités de renouvellement des pratiques organisationnelles
et managériales. Il s’agit en particulier d’une capacité à s’engager et à se désengager, à apprendre et
désapprendre, à s’adapter et à évoluer, à créer et re-combiner les connaissances. L’ensemble du personnel et
pas seulement les cadres doivent s’insérer dans ce nouveau cycle de la connaissance.
D’une manière plus opérationnelle, les entreprises européennes ont introduit massivement les TIC dans
toutes leurs opérations. Près de neuf dixièmes des entreprises européennes d’au moins dix salariés sont
connectés à Internet. L’Allemagne, l’Autriche et les pays nordiques ont des taux de connexion proches de
100% alors que la France, avec 73,4% d’entreprises connectées, se situe en avant-dernière position, juste
devant le Portugal.
Dans le cas du Maroc des aménagements législatifs et institutionnels préparent l’entreprise à l’introduction
de la connaissance : la loi de finances 1999-2000 comporte une disposition fiscale destinée à encourager
fortement la R&D et l’innovation dans les entreprises. Au titre de cette loi, les entreprises ont la possibilité
de constituer une provision allant jusqu’20% du résultat imposable et de la justifier entièrement sur 3 années
par des dépenses de R&D ou des projets d’innovation. Selon R&D Maroc, le coût réel de la R&D peut être
réduit jusqu’à 30% des dépenses engagées par les entreprises qui feront appel à cette disposition. Les
PME/PMI sont les cibles principales de ce dispositif. Malgré cela, les dépenses affectées aux activités de la
recherche scientifique et technique évaluées à 0,3% du PIB n’atteignent pas et à 0,01% du chiffre d’affaire
des entreprises montre à quel point le Maroc reste en deçà de ses capacités technologiques. Plusieurs
contraintes sont identifiées :
Les activités de R&D ne sont pas formulées par les exigences du marché mais par des plans subjectifs.
Les entreprises elles-mêmes n’ont pas eu un grand besoin d’innovations technologiques à cause du manque
de pression du marché.
Les liens trop faibles entre la recherche académique et la recherche en haute technologie, entre l’université

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et l’industrie montrent les lacunes du système. Dans ce contexte, les contacts directs entre les unités de R&D
et les entreprises industrielles n’ont pas eu lieu ou ont été rares.
Les procédures administratives très lourdes des institutions n’ont pas permis aux industries marocaines
d’intégrer facilement les voies de la R&D.
De plus, d’après un rapport, la valorisation des résultats de la recherche scientifique est pratiquement
absente. Seules les recherches financées par les entreprises trouvent en général un champ d’application. D’où
la nécessité d’une organisation et d’une coordination entre les différents opérateurs de la Recherche et les
différents établissements de recherche scientifique.
Le système marocain d’innovation favorise insuffisamment la dimension collective du savoir entre ses
différents acteurs.

2.5. Le rôle du secteur privé


Le secteur privé, dans le cadre de l’ouverture, réalise de plus en plus la nécessité de mise à niveau avec
les concurrents, surtout extérieurs. Deux entrées semblent être la plus pratiquées : l’innovation et l’usage des
TIC. D’une manière incontestable, l’intérêt est de plus en plus grandissant pour la R&D où il est susceptible
d’améliorer la productivité et de favoriser le développement de la qualité. Néanmoins, il reste insuffisant. La
part du privé ne dépasse guère les 6% des fonds consacrés à cet effet. Alors que dans les pays avancés, sa
part oscille entre 59% et 72% à l’exception du Portugal. Néanmoins, il est difficile de comprendre l’effet réel du
fait de la culture de l’entreprise locale qui pratique le secret et la rétention de l’information. C’est une pratique
que l’on retrouve également dans les pays avancés. Selon un sondage effectué auprès d’un échantillon de PME
européennes actives dans le domaine du logiciel, au moins 83% d’entre elles n’ont, soit jamais déposé de
brevet, soit n’ont que rarement envisagé de le faire La moindre complexité en termes d’organisation des PME
leur permet de fonctionner de façon efficace avec des dispositifs informels, reposant moins sur la codification
et les procédures.
Le rôle de structures d’intermédiation technologique telles que les réseaux nationaux de recherche ou les
technopoles est particulièrement important vis-à-vis des PME, qui n’ont généralement guère de ressources
en matière de R & D et manquent souvent d’interlocuteurs compétents et disponibles pour dialoguer avec le
monde de la recherche. Il consiste pour l’essentiel à faciliter la création

2.6. La collaboration public/privé


C’est l’une des clés de la réussite de l’insertion réussie dans l’économie de la connaissance comme il est
souligné dans plusieurs contributions. Beaucoup d’exemples de coopération peuvent être cités :
– la coopération avec des laboratoires publics permet aux PME d’accéder aux connaissances tacites et
peu diffusées dont elles ont besoin ;
– création d’entreprises communes pour l’exploitation de brevets ou pour développer des domaines de
recherche nouveaux ;
– défense de programmes communs par des opérations de lobbying conjoint ;
– cette coopération peut même intégrer de nouveaux acteurs privés de type ONG, tels que les agences
de notation sociétale et autres fonds éthiques, avec lesquels les entreprises vont devoir apprendre à
communiquer, ce qui réclame de nouvelles compétences de leur part.
Néanmoins cette coopération n’est pas évidente même dans les pays avancés. C’est ainsi qu’on note un
relatif déficit de la part des acteurs publics et privés en ce qui concerne la constitution ou le renforcement des
réseaux de firmes, en France y compris en matière de lobbying.
Les difficultés incluent entre autres le manque de culture de la coopération et les carences des intermédiaires

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publics et privés dans la création et la diffusion du savoir au sein des réseaux interentreprises notamment les
réseaux professionnels.

3. Enjeux au niveau du territoire et de la ville


L’une des conditions d’insertion d’un pays dans l’économie de la connaissance, c’est la capacité à diffuser
les approches au niveau des régions, des territoires et des villes. Beaucoup d’études ont déjà montré toute
l’importance de s’approprier certains composants de l’économie de la connaissance. Les districts industriels,
les systèmes productifs locaux et les milieux innovateurs et systèmes régionaux sont parmi les concepts et
les réalités utilisés généralement pour traduire ce dynamisme des acteurs locaux érigés pour élargir les choix
avec les systèmes de production centralement décidés.

3.1. La dimension régionale et urbaine au Maroc


Dans le cas particulier du Maroc, le territoire ne coïncide pas nécessairement avec les circonscriptions
des collectivités locales : il peut être très réduit, à l’instar d’une zone artisanale dans une petite commune,
ou à l’inverse, très étendu lorsque, par exemple, une opération d’aménagement rural couvre plusieurs
départements. En deuxième lieu, il est rare que les collectivités locales interviennent isolément : même pour
une petite opération de type zone artisanale communale, le département y contribue souvent financièrement,
le partenariat entre les collectivités publiques a pris une importance considérable depuis environ deux
décennies, il intéresse aussi les relations entre personnes publiques et personnes privées.
Les logiques de politique de développement régional et urbain varient de région en région et de centre
urbain à centre urbain ou rural. Les régions de même que les cités, n’ont pas toutes les mêmes atouts
ni les mêmes moyens. Certaines régions sont orientées par l’utilisation de leurs ressources fixes, ou leur
position géographique, d’autres sont plus autonomes et ont profité de l’Histoire et de l’apport des politiques
centrales dans le développement de technopoles et de systèmes d’innovation efficaces et compétitifs. Le
développement d’un territoire à faible densité économique est plus aisé dans le cas où l’entreprenariat local
pourrait fonder son activité sur la valorisation d’actifs immobiles du territoire tels que les traditions agricoles,
vinicoles, gastronomiques, touristiques. Toutefois, comme pour les SPL, il n’y a pas de raison, pour une
région ou une localité, de s’enfermer dans une stratégie de développement mono produit. Au contraire, la
survie d’un territoire, qui fonde son développement sur la valorisation de ses ressources fixes, dépend de sa
capacité à entraîner d’autres activités connexes complémentaires de l’activité principale afin d’enclencher une
dynamique de district ou de cluster voué à devenir un centre d’excellence.
Comme beaucoup de pays en développement, le Maroc a subi des mutations d’une société à dominante
rurale à une population citadine. Ceci se reflète par le taux d’urbanisation qui double en l’espace de 50 ans.
Il est passé de 26,2% en 1950 à 56% en 2000. Il reste cependant faible comparé à ce qu’on peut trouver dans
le reste du monde et notamment dans les pays exportateurs de pétrole (Kuwait, Arabie Saoudite, et le sultanat
d’Oman), ou bien dans les pays nouvellement industrialisés aussi d’Europe que d’Asie. Dans ces derniers, il
est passé de 10 à 15% à une valeur proche de 100%.
Cette urbanisation pose des problèmes classiques de gestion urbaine en raison des pressions que
subissent les services municipaux, sans toujours avoir les moyens adéquats pour y faire face. (Voirie, eau,
environnement, santé et loisirs). Mais au-delà, se pose la question cruciale de la paupérisation croissante et
du chômage des populations urbaines et périurbaines. Le chômage urbain est généralement plus élevé et
croissant et est nourri en permanence par la croissance naturelle, mais également par un exode rural vers la

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ville. Les diplômés sans débouchés et les rejets scolaires viennent a accentuer les conséquences sociales et
politiques.

3.2. Les centres régionaux d’investissements (CRI)


Les centres régionaux d’investissements (CRI) peuvent contribuer à la construction des régions ou des
territoires cognitifs ou apprenants en mobilisant au maximum les ressources humaines et le potentiel de
formation pour cet effet. Crées par la lettre Royale du 9 janvier 2002, ces centres visent la décentralisation,
la simplification des procédures, la proximité et l’unicité de l’interlocuteur au niveau régional. Ils ont deux
fonctions essentielles : l’aide à la création d’entreprises et l’aide aux investisseurs. Quinze CRI correspondant
aux 15 grandes régions sont crées. Les CRI peuvent contribuer d’une manière décisive à l’introduction de la
connaissance dans les dynamiques d’investissement. Ceci peut inclure l’encouragement dans les 4 volets de
l’économie de la connaissance :
– le volet TIC : production aussi bien du hardware que du software, dans la production de composants,
promotion d’activités à vocation exportatrices, les circuits imprimés mono et multicouches, les con-
vertisseurs et les équipements pour les télécommunications présentent de réelles opportunités
d’investissement pour la région notamment dans la sous-traitance à l’exportation, call-centers, dévelop-
pement des logiciels, de contenus et de télé services,
– le volet innovation : rapprochement des universités de l’entreprise et création de technoparks et incuba-
teurs, soutien à la recherche,
– le volet Éducation et formation : soutien au système scolaire et universitaire, création d’institutions en
partenariat pour la production et la valorisation de ressources cognitives,
– le volet incitation : assainissement du climat et régime d’incitation dans les activités à fort degré de
connaissances.

3.3. Les localités


La charte communale de 2003, introduit beaucoup de changements au niveau des attributions des coll-
ectivités locales. Celles-ci deviennent de plus en plus des acteurs à part entière et se trouvent investies des
responsabilités en matière de développement économique. Cette évolution du pouvoir local, s’explique par
deux éléments principaux. Le premier est politique, et cela dont le but d’améliorer et renforcer la démocra-
tisation des instituions locales et d’initier le citoyen à gérer les affaires locales. Le deuxième est purement
économique, il est dû à l’aggravation de la situation économique et à la nécessité de recourir à une participa-
tion des collectivités locales à la planification et à l’investissement économique. De même, la crise confronte
les collectivités locales créées à un certain nombre de problèmes et les contraint à aller au-delà des formes
classiques d’intervention.
La viabilité d’une initiative commune peut être garantie par une multiplicité d’acteurs locaux fédérés autour
d’une institution officielle, telle que l’intercommunalité. (Article 81 de la nouvelle charte communale 2003
relative à la coopération des communes). Avec la nouvelle charte communale au Maroc, l’intercommunalité et
la coopération entre les communes deviennent un véritable outil de gestion territoriale.
La coopération active que permet ce genre de structures inter-territoriales présente plusieurs avantages :
la coordination d’actions dispersées est facilitée et offre une vision plus large et commune des buts à poursu-
ivre pour les acteurs isolés. Un partage et une minimisation des coûts, ainsi que l’accroissement des moyens
par cofinancement sont rendus possible. Toutes les communes et les autres acteurs présents sur le territoire
auront plus à gagner en travaillant collectivement que chacun de son côté, pour favoriser l’activité et l’emploi

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sur le territoire.

4. Attractivité, compétitivité et facilitation du commerce


Les effets de l’économie de la connaissance sur la compétitivité et le commerce s’expriment de plusieurs
manières. Les attraits des firmes multinationales et de l’investissement sont de plus en plus fondés sur la capacité
des pays à fournir des ressources de la connaissance : qualifications, expertises, capacités de R&D, la capacité
à mobiliser les ressources innovantes. Les codes d’investissement et les mesures de facilitation divers (ex :
guichets uniques) peuvent ne pas être suffisants. L’attractivité des économies et leur compétitivité sont également
importantes. Les indicateurs de cette attractivité sont le flux des investissements directs et la libéralisation.

4.1. Les Investissements Directs Étrangers (IDE)


Les Investissements directs étrangers ont beaucoup fluctué durant la période 1993-2000 atteignant une
valeur maximale de 18459 4millions Dirhams en 1999 mais souffrent d’une grande volatilité.
Du point de vue sectoriel, les banques venaient en tête, suivies par l’industrie, les mines et les services.
L’agriculture avait une position tout à fait résiduelle. Comparativement, le Maroc se situait en position
défavorable du fait de ces variations. Les pays directement concurrents étaient la Turquie, la Tunisie, l’Égypte
et l’Algérie du fait des IDE dans les hydrocarbures.
Le régime économique est l’un des facteurs qui explique dans quelle mesure une économie peut attirer les
investissements directs étrangers. Ce régime est constitué de paramètres dont les scores peuvent en faire
soit des éléments d’attractivité ou de répulsion.
L’économie marocaine, a de bons scores pour ce qui concerne le système bancaire et la réglementation
(code d’investissement et autres). Des progrès restent encore à faire en matière de protection de la propriété
intellectuelle et des budgets alloués, et surtout le désarmements tarifaire et non tarifaire.

4.2. Le commerce international


L’économie de la connaissance, pour être effective, doit pouvoir se traduire concrètement en facilitations
d’un certain nombre d’actions fondamentales pour la croissance. Parmi celles-ci, on peut noter le commerce
et les échanges. Les moyens de facilitation sont aisément envisageables : on peut les classer selon les 4
piliers de l’économie de la connaissance.
Les indicateurs de commerce international expriment la relation entre économies. La balance de paiement
du Maroc est en constant déficit du fait que les importations sont toujours plus élevées que les exportations
comme le confirment les chiffres 1990-2000. Le déficit de la balance des produits manufacturés montre que
c’est une caractéristique de la majorité des pays MENA même si une légère baisse est notée dans le cas du
Maroc par rapport à celui de l’Égypte.

4.3. La compétitivité
La compétitivité des exportations marocaines peut être mesurée par le taux de croissance des
exportations et comment il se compare avec les autres pays de la même région qui ont plus ou moins les
mêmes catégories d’exportations. C’est ainsi que les exportations marocaines ont vu leur taux de croissance

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chuter d’une manière spectaculaire entre la période 1992-1995 et la période 1996-1998 ; ce taux est passé de
9 % annuel à – 3,4 %, soit un recul de 12,3 %. Durant la même période, ce taux a augmenté de 6,6 pour la
Turquie et n’a reculé que de 5,5 pour la Jordanie et de 2 pour la Tunisie. Ceci s’explique, non seulement, par la
conjoncture économique difficile pour tous les pays, mais également par le fait que la base de la compétitivité
reste assez fragile, reposant sur des secteurs assez volatiles.

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Annexes
Annexe 1 : Knowledge Economy Index (KEI) et ses Composantes (échelle 0 à 10) 1995 and 2001
Economic Information
Incentive Innovation Education KEI
Infrastructure
Regim
1995 2001 1995 2001 1995 2001 1995 2001 1995 2001
G7 and Europe 7.90 7.50 3.80 4.52 7.95 7.70 8.13 8.81 6.79 7.86
Canada 8.06 8.33 5.88 4.12 8.64 8.75 9.43 9.00 7.60 8.70
France 9.17 6.67 3.34 3.94 8.31 7.42 8.44 8.27 6.76 7.72
Germany 8.06 7.50 3.25 4.33 9.09 6.95 8.85 8.62 6.86 7.82
Italy 8.06 6.67 4.81 3.46 7.26 6.93 7.46 8.48 6.38 7.31
Japan 8.06 6.67 3.50 5.17 7.47 6.97 8.19 8.62 6.58 7.59
UK 6.94 8.33 3.10 4.05 7.84 8.65 7.62 8.82 6.65 7.94
USA 6.94 8.33 2.72 6.59 7.02 8.24 6.93 9.83 6.68 7.92
Denmark 8.06 8.33 2.93 3.81 7.96 7.89 8.88 9.33 6.84 8.23
Finland 5.83 8.33 3.01 4.05 8.68 8.83 9.58 9.51 6.90 8.71
Ireland 8.06 8.33 3.27 4.55 7.52 6.36 7.79 8.72 6.55 7.36
Netherlands 8.06 7.50 3.33 4.29 8.35 7.65 8.61 9.22 6.83 8.08
Norway 6.11 7.50 2.70 3.38 8.24 8.16 9.28 9.60 6.48 8.38
Spain 5.83 6.67 2.49 3.29 7.89 7.58 6.64 7.85 5.77 6.96
Sweden 5.83 7.50 3.23 4.24 8.28 8.95 9.21 9.40 6.75 8.58
Switzerland 5.83 7.50 3.64 4.22 6.62 6.46 9.50 9.20 6.25 7.85
Bulgaria 2.78 3.33 2.55 3.13 6.54 6.33 4.73 5.78 4.20 5.26
Czech Republic 8.89 6.67 2.90 3.80 6.42 5.93 6.53 7.65 5.87 6.49
Estonia 7.78 8.33 2.41 3.49 7.11 7.11 6.85 7.99 6.15 7.02
Hungary 5.28 6.67 2.48 3.72 6.46 6.52 6.18 7.34 5.33 6.34
Latvia 3.06 5.83 1.75 2.41 6.28 6.95 4.91 6.90 4.46 5.80
Lithuania 3.06 6.67 1.76 2.37 6.30 6.62 4.11 6.51 4.41 5.41
Poland 3.06 6.67 2.28 2.74 6.50 6.21 5.29 6.76 4.68 5.73
Romania 3.33 3.33 1.77 2.27 5.72 5.62 4.12 5.40 3.74 4.72
Russia 4.17 2.50 4.14 4.32 6.93 7.15 4.44 5.63 4.81 5.51
Slovakia 6.94 5.83 2.88 3.73 6.22 6.18 5.68 7.18 5.35 6.10
Slovenia 1.94 5.83 2.99 3.76 6.56 7.27 7.19 8.03 5.08 6.89
Turkey 6.94 5.00 1.49 1.99 4.53 3.57 4.48 5.95 4.00 4.50
East and South Asia 4.92 5.15 2.20 2.93 5.13 5.06 4.51 5.44 4.27 4.82
China 0.00 1.67 2.52 3.26 4.17 3.85 2.18 3.81 2.52 3.09
Indonesia 1.11 3.33 0.35 0.67 4.16 3.85 2.19 3.04 2.24 2.83
Korea 6.11 4.17 2.41 3.42 7.58 7.67 6.70 7.94 5.44 6.93
Malaysia 6.11 4.17 2.89 3.59 4.33 5.00 5.17 6.38 4.47 5.26
Mongolia 3.33 5.83 0.72 0.83 4.44 3.00 2.31 3.30 2.93 2.88
Philippines 1.11 4.17 0.62 0.97 5.97 5.62 2.77 4.04 3.03 3.87
Singapore 10.00 10.00 5.51 6.08 5.89 5.66 8.26 9.02 7.34 7.57

Source: World Bank Institute and Method of Calculation

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Annexe 2 : Analyse globale et Relations Stati
Indices de
Performance et KEI
Variables R2 N Intercepte Coefficient
GDPC - KEI 0.50 7 7.03 (tstat = 86.70) 0.19 (tstat = 2.26)
GCF - KEI 0.92 7 10.49 (tstat = 112.58) 0.76 (tstat = 7.77)
VA - KEI 0.95 7 10.44 (tstat = 281.59) 0.40 (tstat = 10.41)
FDI - KEI 0.57 7 6.82 (tstat = 7.75) 2.39 (tstat = 2.60)
NTRDE - KEI 0.37 7 9.94 (tstat = 33.07) 0.54 (tstat = 1.72)
HDI - KEI 0.91 7 -0.70 (tstat = -31.43) 0.17 (tstat = 7.29)
HPI - KEI 0.92 4 3.96 (tstat = 60.35) -0.34 (tstat = -4.18)
TAI - KEI 0.83 7 -1.63 (tstat = -29.58) 0.29 (tstat = 5.03)
Urb - KEI 0.97 7 3.86 (tstat = 386.72) 0.14 (tstat = 13.64)
ill - KEI 0.96 7 4.15 (tstat = 250.32) -0.19 (tstat = 7.29)
CPI - KEI 0.95 3 -0.61 (tstat = -1.26) 1.93 (tstat = 4.32)

Régressions Indices Économiques au Maroc


Variables R2 N Intercepte Coefficient
HDI - CPI 0.98 3 – 0.65 (tstat = -38.66) 0.09 (tstat = 7.70)
HDI-HPI 0.76 4 1.68 (tstat = 1.89) – 0.61 (tstat=–2.50)
HDI-TAI 0.82 7 0.15 (tstat = 1.03) 0.51(tstat = 4.80)
HDI-Urb 0.94 7 – 5.30 (tstat = –10.00) 1.19 (tstat = 8.99)
HDI-ill 0.95 7 2.98 (tstat = 8.05) – 0.89 (tstat = –9.50)
IEF-CPI 0.93 3 1.66 (tstat = 10.38) – 0.42 (tstat = –3.78)
CPI-TAI 0.93 3 5.94 (tstat = 4.73) 3.37 (tstat = 3.60)
CPI-Urb 0.82 3 – 40.43 (tstat = –2.04) 10.43 (tstat = 2.11)
CPI-ill 0.99 3 28.74 (tstat = 13.69) – 6.91 (tstat =–13.01)
HPI-TAI 0.81 4 1.88 (tstat = 3.16) – 1.28 (tstat = –2.96)
HPI-Urb 0.71 4 11.69 (tstat = 3.25) – 2.01 (tstat = –2.24)
HPI-ill 0.92 4 – 2.37 (tstat = –1.90) 1.51 (tstat = 4.82)
HPI-Ump 0.77 4 4.62 (tstat = 12.31) – 0.33 (tstat = –2.59)
TAI-Urb 0.87 7 – 9.56 (tstat = –6.80) 2.05 (tstat = 5.83)
TAI-ill 0.9 7 4.79 (tstat = 5.20) – 1.55 (tstat = –6.68)
TAI-GDPC 0.48 7 – 7.50 (tstat = –2.65) 0.85 (tstat = 2.17)
Urb-ill 0.97 7 6.90 (tstat = 29.65) – 0.73 (tstat = –12.48)
Urb-GDPC 0.51 7 1.12 (tstat = 0.90) 0.40 (tstat = 2.30)

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Régressions Indices Économiques au Maroc
Variables R2 N Intercept Coefficient 1 Coefficient 2
HDI-IEF-HPI 0.89 4 1.34 (tstat = 1.49) 0.33 (tstat = 1.10) – 0.61 (tstat =–2.65)
HDI-IEF-TAI 0.88 7 0.03 (tstat = 0.21) 0.28 (tstat = 1.46) 0.64 (tstat = 4.82)
HDI-IEF-Urb 0.94 7 – 5.50 (tstat = –7.39) 0.05 (tstat = 0.42) 1.23 (tstat = 7.26)
HDI-IEF-ill 0.96 7 3.19 (tstat = 8.69) 0.13 (tstat = 1.42) – 0.97(tstat = –9.32)
HDI-IEF-KEI 0.92 7 – 0.79(tstat = –4.90) 0.08 (tstat = 0.60) 0.18 (tstat =6.01)
IEF-HPI-Urb 0.95 4 – 16.50 (tstat = –4.31) 1.19 (tstat = 3.96) 3.31 (tstat = 4.62)
IEF-HPI-ill 0.98 4 8.42(tstat = 7.44) 2.56 (tstat = 6.74) – 4.21 (tstat = –6.98)
IEF-HPI-KEI 0.99 4 – 9.31 (tstat = –16.88) 2.60 (tstat = 18.70) 0.95 (tstat = 19.37)
HPI-TAI-Ump 0.96 4 3.09 (tstat = 4.12) – 0.81 (tstat = –2.15) – 0.19 (tstat = –1.89)
TAI-Urb-GDP 0.87 7 – 9.56 (tstat = –6.08) 2.05 (tstat = 5.22) – 0.004 (tstat = –0.004)

TAI-Urb-Ump 0.9 7 – 9.62(tstat = –7.07) 1.99 (tstat = 5.81) 0.10 (tstat = 1.16)
Urb-GDP-ill 0.98 7 6.92 (tstat = 30.38) 0.002 (tstat = 1.12) – 0.74 (tstat = –12.84)
ill-Ump-KEi 0.99 7 4.31(tstat = 80.33) – 0.05 (tstat = –3.03) – 0.19 (tstat = –17.29)

449

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Le système d’enseignement
sous le protectorat français et espagnol

Introduction ..........................................................................................................453

1. L'organisation administrative de l'enseignement ...................................453


1.1. La zone administrée par la France..........................................................453
1.2. La zone administrée par la l’Espagne ....................................................454
2. La doctrine ........................................................................................................455
3. L’œuvre scolaire...............................................................................................457
3.1. L'enseignement général sous le Protectorat français........................457
3.1.1. Les effectifs scolarisés....................................................................457
3.1.2. La scolarisation des filles................................................................458
3.1.3. L’enseignement européen et israélite ...........................................458
3.1.4. Les programmes scolaires..............................................................459
3.2. L'enseignement général sous le Protectorat espagnol ......................460
3.2.1. Population européenne et population autochtone .....................460
3.2.2. Inégalité dans la répartition des écoles selon
les milieux sociaux ...........................................................................461
3.2.3. Inégalité dans la répartition du personnel enseignant ..............461
4. La formation professionnelle .........................................................................462
4.1. L’enseignement professionnel sous le protectorat français..............462
4.2. L’enseignement professionnel sous le protectorat espagnol ............463
5. Le mouvement national et la question scolaire..........................................465
5.1. Les écoles coraniques rénovées ............................................................465
5.2. La vision scolaire des jeunes nationalistes...........................................466
5.3. Les pressions du Makhzen dans le domaine de la politique
scolaire ........................................................................................................467

Conclusion ...........................................................................................................468
Bibliographie ........................................................................................................469

AHMED ZOUGGARI

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452

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Introduction

L’école a connu pratiquement le même sort dans les deux Protectorats Espagnol et Français. Rien d’éton-
nant à cela quand on sait que les deux Administrations coloniales ont été soumises à une interaction per-
manente dont on peut déceler les effets à travers les différentes formes d’intervention économiques et
sociales. Trois grandes tendances nous paraissent caractériser le développement de la scolarisation de 1912
à l’Indépendance.

1. Une prise en charge quasi totale des « besoins » des communautés européennes, françaises, espa-
gnoles, italiennes ; etc.
2. Une manipulation de la population juive avec, en fin de compte, l’octroi de privilèges substantiels qui la
démarquent nettement de la communauté musulmane ;
3. La mise en place d’un enseignement étroitement conditionné par les objectifs de contrôle et de discri-
mination à l’égard des nationaux.

Ces orientations sont, évidemment, conformes à la logique coloniale dont le but est de dominer l’écono-
mie et la société locale pour réaliser ses desseins particuliers et il ne faudrait pas s’étonner outre mesure des
différences de traitement à l’égard des populations que le colonisateur avait à administrer. Sur ce point, il
existe une analogie parfaite entre les trois pays du Maghreb. Au Maroc en 1956, la population européenne
était entièrement scolarisée, la population juive l’était à 80 % et la population musulmane à 13 %. Pour la
Tunisie (en 1953) le taux de scolarisation de la population musulmane était de 11 % et pour l’Algérie il était
inférieur à 20 %. Non seulement le Protectorat devait logiquement, pour consolider et maintenir son sys-
tème, privilégier les Européens, récupérer la communauté juive, mais également créer des distinctions entre
l’élite locale et les catégories défavorisées, entre la ville et la campagne et au sein de celle-ci, établir une
séparation entre arabe et berbère. Chacune de ces catégories sociales eut droit à une forme de scolarité par-
ticulière ; c’est dire la complexité de la politique scolaire suivie, dont l’évocation nous permettra de rendre
compte des facteurs qui sont à l’origine des formes modernes de la marginalisation des catégories défavori-
sées dans le système scolaire actuel.

1. L’organisation administrative de l’enseignement

1.1. La zone administrée par la France

Les bases de l’organisation administrative ont été mises en place assez tôt. Il y a eu tout d’abord le Dahir
du 18 février 1916 sur l’organisation des écoles indigènes (Bulletin officiel du 28 février 1916), suivi de la Cir-
culaire du 30 août 1920 fixant le plan d’études et les programmes de l’enseignement des indigènes et la
création au cours de la même année de la Direction de l’enseignement public qui regroupe l’enseignement

453
européen, l’enseignement israélite et l’enseignement musulman. Quatre années plus tôt furent définis les
buts assignés aux établissements secondaires, appelés d’abord collèges arabes, puis collèges musulmans
du Maroc et institués officiellement par le Dahir du 17 février 1916.

L’enseignement réservé aux enfants marocains était organisé par la Direction de l’enseignement qui le
confiait à deux services :
– Celui de l’enseignement musulman, chargé d’appliquer les plans d’études et les programmes de l’ensei-
gnement indigène ;
– et celui de l’Enseignement professionnel et agricole (1914-1945) qui coiffait les travaux de broderie, les
métiers d’artisanat indigènes, ainsi que les métiers européens tels la maçonnerie, la menuiserie, la forge et
l’enseignement agricole

1.2. La zone administrée par l’Espagne

Dans la zone sous protectorat espagnol, l’Enseignement est géré par deux grandes institutions distinctes,
le Ministère de l’Instruction Publique du Makhzen et la Délégation de l’Éducation et de la Culture. Jusqu’en
1946, date de la réorganisation du Makhzen et de la création du Ministère de l’Instruction publique, l’ensei-
gnement musulman relevait d’une simple direction qui dépendait de la délégation de l’Éducation et de la
Culture. Le Dahir du 26 novembre 1946 fait dépendre de cette nouvelle structure l’ensemble des services de
l’enseignement musulman. Cinq sections et quatre directions vont constituer l’essentiel de cette nouvelle
organisation. Les cinq sections regroupent l’enseignement coranique, les études islamiques, l’enseignement
général secondaire et primaire, la recherche et l’enseignement universitaire, et les archives. Quant aux Direc-
tions, elles concernent les enseignements religieux, universitaire, secondaire et primaire. À chacun de ces
types d’enseignement correspond une direction. La dernière regroupe non seulement les écoles primaires,
mais également les centres de formation des instituteurs qui sont au nombre de deux, l’un destiné aux filles
et l’autre aux garçons.
L’enseignement primaire débouche sur trois types de diplômes. Le certificat d’enseignement moderne
décerné par les écoles urbaines des garçons, le certificat d’enseignement des filles, caractérisé par l’impor-
tance accordée aux travaux manuels, essentiellement de la couture, et enfin le certificat d’enseignement
agricole (Dahir du 22 janvier 1947 réorganisant l’attribution des diplômes d’enseignement marocain).
Bien que n’englobant plus l’enseignement musulman, La Délégation de l’Éducation et de la Culture a conti-
nué à jouer un rôle important. Elle regroupe deux types de services, celui relatif à la gestion et au contrôle et
celui concernant la recherche et la documentation.

Les services de gestion et de contrôle regroupent :


– Un bureau d’études et d’animation qui coordonne des activités diverses telles que l’organisation de
conférences, des voyages d’études et d’autres manifestations culturelles ;
– Les services du personnel et de la comptabilité ;
– Les services pédagogiques formés de trois grandes inspections, celle de l’enseignement primaire espa-
gnol, celle des écoles israélites et celle qui relève de la formation professionnelle et technique.

Les unités de recherche et de documentation sont constituées par les établissements suivants :
– L’Institut du général Franco créé en 1930 sous la dénomination de Academia de Arabe y Berber, puis du

454
Centro de Estudio Marroquies, il prend en 1944 cette appellation. Ayant la même vocation que l’Institut
Moulay Hassan, il s’intéresse à la formation et à la recherche touchant les études arabes et berbères ;
– Le Centre des Études Marocaines de Tétouan : spécialisé dans la formation élémentaire des fonction-
naires en exercice au Maroc. Le conservatoire hispano-marocain de Musique de Tétouan doté de deux
sections, espagnole et arabe ;
– Les Beaux Arts et l’Artisanat Marocain qui regroupent des établissements scolaires, à Chaouen et
Tétouan, ainsi qu’un musée dans cette même ville ;
– La direction des Archives et des Bibliothèques qui gère la Bibliothèque Générale, les Archives Géné-
rales, les Archives Historiques et d’autres unités de documentation localisées essentiellement dans la
capitale du Protectorat Espagnol (Fernando Valderrama Martinez 1952 ; Manuel Del Maestro espagnol
en la escuela marroqui).

Pour compléter la liste des institutions qui dépendent également de la Délégation de l’Éducation et de la
Culture, nous pourrons mentionner la Résidence des étudiants marocains de Tétouan, d’une capacité de 20
lits, qui héberge les élèves boursiers du secondaire et l’Institut des Sciences Naturelles et le Musée Archéo-
logique. Sur le plan local, les établissements scolaires relevant des conseils d’enseignements (Juntas de
Ensenanza) créés en 1952 (Cf. B.O du 26 septembre 1942 et celui du 31 décembre 1944.) et ayant leur siège
dans chacun des quatre territoires concernés, laissant Asila et Qsar El Kbir dépendre directement de la délé-
gation de l’Éducation et de la Culture. Dans les trois autres, l’espace contrôlé par les conseils d’enseigne-
ments coïncide avec le territoire proprement dit. C’est d’ailleurs l’Interventor Territorial qui préside ce conseil,
secondé dans sa tâche par un instituteur faisant office de secrétaire.
Ce mode d’organisation que nous venons d’évoquer s’est en fait constitué progressivement et n’a pris sa
forme actuelle qu’à la suite d’un long processus qu’on pourrait ramener à trois grandes étapes, la première
allant de 1912 à 1923, la deuxième de 1924 à 1936 et la dernière de 1937 à la fin du Protectorat.

2. La doctrine

C’est dans la zone française que furent exposés de manière explicite les objectifs politiques justifiant la
création d’un enseignement réservé à l’élite. Il s’agissait, écrit Demombynes, de « retarder la révolution qui
est surtout à craindre des classes populaires. L’élite, si elle est éduquée soigneusement par nous, n’est pas
dangereuse. Elle est facile à surveiller en raison de son petit nombre et des rapports étroits que nous entrete-
nons avec elle ». D’où une politique fort différente à l’égard des enfants des familles influentes et de ceux de
la masse. Il faut s’efforcer de développer l’instruction chez les fils de notables pour ajouter au prestige qu’ils
tiennent de la naissance, le prestige de la science qui a toujours été très vif auprès des musulmans. Il faut
d’autre part les armer pour la lutte économique qu’ils auront à mener pour maintenir leur rang. Par contre, il
faut cantonner le peuple dans la production afin de le détourner de l’agitation politique. Cette doctrine est
avant tout soucieuse d’éviter que l’enseignement ne devienne un instrument de perturbation sociale. Elle n’a
pas, nous dit-on, de visée discriminatoire, mais renvoie au principe selon lequel « il faut envisager les
hommes et les choses tels qu’ils sont et les améliorer par une évolution lente ». Cela est valable pour les
catégories sociales mais également pour la société globale dont il faudrait sauvegarder la spécificité. D’où
l’idée d’adaptation qui conduit à chercher des formules d’enseignement qui correspondent à chaque réalité,
aux arabes, aux berbères, à la vie urbaine et à la campagne sans négliger cependant la prise en compte des
besoins nouveaux du Maroc colonial.

455
Restons encore dans la zone française pour présenter une autre idée, celle de la double culture, qu’on re-
trouve au centre des préoccupations des promoteurs de l’enseignement réservé à l’élite. Question complexe
en vérité et qui a embarrassé plus d’un spécialiste. Il s’agissait de trouver un équilibre, entre les études fran-
çaises et traditionnelles, susceptible de satisfaire les aspirations des familles aisées, d’établir une distinction
entre l’instruction de la culture. La première aura pour but de doter l’étudiant de connaissances immédiate-
ment utiles, tout en développant son esprit scientifique, en veillant, cependant, à éviter les spéculations phi-
losophiques. Quant à la deuxième, elle correspondrait à « l’ensemble des croyances fondamentales d’un
esprit, le caractère constant de ses mobiles » qui prennent leurs sources dans l’Islam. Les arguments ser-
vant à justifier l’idée de permanence sociale qu’on retrouve à la base des finalités et de la démarche des
écoles à vocation professionnelle. Que dit cette thèse ? Louis Brunot l’expose de manière claire. « L’école
rurale, écrit-il, n’a pas pour but de dispenser un enseignement “passe-partout”. L’enseignement de l’agri-
culture, ajoute t-il “est nécessaire parce que l’école doit rendre à la terre les élèves qu’elle éduque pour la
terre. Il serait dangereux du point de vue social qu’elle dirigeât des ruraux vers des emplois administratifs de
ville” » (Louis Brunot 1934, p. 185). Cet auteur va jusqu’à écrire à propos des enfants ruraux « les élèves qui
ne veulent pas faire de l’agriculture déshonorent la terre ». À la question de savoir ce que l’on doit enseigner
dans l’école rurale, il est précisé qu’il faudrait apprendre à l’élève à communiquer avec les autorités locales,
les fonctionnaires des services agricoles et les marchands qui achètent la récolte. Il s’agit, précise une cir-
culaire des années trente, « d’une mission d’éducation agricole, beaucoup plus que d’instruction » (Circulaire
adressée aux Directeurs des écoles rurales et des écoles urbaines donnant un enseignement agricole, du 17
juin 1931). Les leçons de langage, les dictées et les rédactions doivent avoir pour centre d’intérêt l’agriculture
« constamment et exclusivement ». Ainsi les élèves seront persuadés que l’aboutissement normal de leurs
études est l’agriculture. En fait l’agriculture elle-même, varie d’une région à l’autre. D’où la nécessité d’adap-
ter l’enseignement par rapport aux réalités locales par la préparation d’un programme annuel établi par le
directeur de l’école, en concertation avec l’officier des Affaires Indigènes, le contrôleur civil et l’Inspecteur
Régional de l’Agriculture. De son côté, l’instituteur est convié à sortir de son rôle purement pédagogique
pour devenir l’agent de l’autorité locale, en faisant de son jardin scolaire un champ d’expérience d’améliora-
tion culturale.

Pour des raisons d’ordre divers, ni le contenu de l’enseignement, ni la formule elle-même, à cause sans
doute de son caractère discriminatoire affiché, n’ont reçu l’enthousiasme escompté. L’Administration sera
confrontée à deux difficultés : d’une part, trouver des critères pour sélectionner cette élite et, d’une autre
part, convaincre les principaux intéressés de fréquenter ces écoles. La formule sera abandonnée car on a
constaté que les grandes familles préféraient, soit donner une instruction privée à leurs enfants, soit les ins-
crire dans des écoles européennes ou bien carrément les laisser fréquenter l’école la plus proche.

Les Espagnols vont reprendre la structure globale du système d’enseignement de la zone française en
retenant le principe de la séparation entre l’enseignement débouchant sur le secondaire réservé à l’élite et à
une partie de la classe moyenne et celui qui oriente les élèves de milieux moins favorisés dès le primaire
vers l’enseignement professionnel. Le système éducatif marocain était organisé de la manière suivante. À la
base les écoles primaires et urbaines où la formation se fait en arabe avec quelques heures d’espagnol. Les
études dans ces établissements sont sanctionnées par le certificat d’études primaires. Pour la majorité des
enfants, ce séjour scolaire ne représente qu’une étape préparatoire pour l’enseignement professionnel, dans
des établissements techniques, des fermes agricoles ou des écoles d’artisanat. Deux Dahirs importants ver-
ront le jour dans les années trente, celui du 29 mai 1938 créant le certificat d’études primaires et celui du
25 juin 1938 fixant les droits des certificats du primaire et de ceux des écoles professionnelles. Les premiers

456
permettaient l’accès à des fonctions subalternes dans l’Administration et les seconds à l’intégration dans les
usines du Protectorat.

3. L’œuvre scolaire

3.1. L’enseignement général sous le Protectorat français

3.1.1. Les effectifs scolarisés


En 1952, dans la zone sous Protectorat français, le taux de scolarisation, dans le primaire qui atteint 100 %
pour les Français, et 67 % pour les Juifs marocains, ne dépasse pas 10 % pour les musulmans. L’effectif
scolarisé de ces derniers était de l’ordre de 163 000, 97,5 % parmi eux étaient dans le primaire et profession-
nel, 2,2 % dans le secondaire 12 % dans l’enseignement européen, 4,9 % dans l’enseignement israélite et
0,3 % dans le supérieur.
Le tableau suivant donne une idée sur l’évolution des effectifs scolarisés de 1938 à 1955

Tableau 1 : Évolution des effectifs scolarisés


Salmi 1985 ; Crise de l’enseignement et reproduction sociale au Maroc

Année
1938 1945 1950 1955
Enseignement
Général 21 900 34 900 109 700 314 800
Primaire Professionnel 1300 6500 4800 7500
5,5 % 15,3 % 4,1 % 2,2 %
Secondaire 2700 6712
Total 23 808 42 403 117 260 329 012

On constate que l’augmentation des effectifs a suivi un rythme faible qui se maintiendra jusqu’à l’abroga-
tion du Protectorat. Un plan de réforme avait été établi en 1944, insistant sur l’extension de la scolarité des
marocains musulmans. Il prévoyait l’accueil de 10 000 élèves par an dans les écoles franco-musulmanes. Cet
objectif a été atteint comme l’attestent les chiffres fournis par la Direction de l’Instruction Publique en 1950.
Mais les rédacteurs de ce rapport notaient que l’analphabétisme ne cessait de s’aggraver, car au moment où
on scolarisait 15 000 enfants par an, il en naissait plus de 100 000.

Tableau 2 : Évolution des effectifs annuels de 1944 à 1950

Année Effectif
1944 32 900
1945 42 014
1946 57 325
1947 77 239
1948 86 453
1949 101 155
1950 116 188

457
En 1956, la population scolarisée totale était de 280 000, soit 22 000 dans la zone administrée par le Pro-
tectorat espagnol et 258 000 par le Protectorat français, alors que la population scolarisable (de 6 à 12 ans)
était de l’ordre de 1 470 0000 (Plan Mohamed El Fassi pour la scolarisation 1956).

3.1.2. La scolarisation des filles

Sous la pression du mouvement de réforme (1934) et du Palais, les différents Résidents Généraux ont été
contraints de développer la scolarisation des filles.

Tableau 3 : Évolution des effectifs des filles scolarisées

Année Effectif
1945 10 057
1946 12 887
1947 16 583
1948 16 986
1949 19 250
1950 23 168

Comme on peut le constater, la progression a été plutôt faible, de l’ordre de 28 % les deux premières
années, de 2,4 % en 1948 et de 13,3 % et 20 % en 1949 et 1950. Faible également a été son impact au
regard de la proportion des filles ayant poursuivi leur scolarisation jusqu’au certificat d’études.

Tableau 4 : Effectif des filles scolarisées jusqu’au certificat d’études

Année Présentées Admises


1945 25 15
1946 20 11
1947 88 57
1948 70 48
1949 127 87

3.1.3. L’Enseignement européen et israélite

En 1952, le nombre des élèves européens est de 75 000 dont 8400 (12 %) dans l’enseignement
secondaire et technique. Ce pourcentage est plus élevé qu’en France. L’enseignement privé était assez peu
développé, quelques écoles primaires confessionnelles et quelques écoles primaires étrangères, mais aucun
établissement du second degré. Tous les enfants scolarisables européens trouvaient leur place dans les
écoles.

Au début du Protectorat, les Marocains de confession juive étaient plutôt inscrits dans les écoles de
l’Alliance israélite, crées en 1872 à Tétouan, mais progressivement un nombre important parmi eux se diri-
gera vers les écoles européennes. En 1952, leur effectif scolarisé était de l’ordre 35 000, réparti comme suit :

458
Tableau 5 : Effectifs des marocains de confession juive scolarisés

Alliance Franco-israélite Écoles européennes Écoles européennes Écoles Écoles Techniques Total
primaires secondaires Professionnelles
28 000 7 500 3 000 2 700 1 250 500 35 000 sur 53 000
(67 %) scolarisables

Durant la période du Protectorat (situation en 1952), il y a eu 8200 bacheliers français, 640 pour les musul-
mans et 774 pour les juifs. (F. Ogé 1984). Ce résultat n’est pas étonnant quand on sait que pour le nombre
très restreint des marocains musulmans scolarisés, le budget accordé à chaque enfant représente la moitié
de celui qui est réservé à son homologue européen.

3.1.4. Les programmes scolaires


Le programme dispensé dans le système scolaire qui était très allégé à ses débuts, connaîtra une aug-
mentation substantielle en 1938 et aura tendance à partir de 1943 à enregistrer une surcharge. Celle-ci
s’explique par la recherche d’un équilibre entre un enseignement de base et le nécessité d’intégrer l’ensei-
gnement de l’arabe et du Coran, réclamée vivement par le Makhzen et les associations de jeunes, très
actives à partir des années trente.

Tableau 6 : Évolution des programmes horaires hebdomadaires

Année 1920 1938 1943


Catégorie d’écoles
École de fils de notables 15 h 30 30 h 39 h
Écoles urbaines 10 h 20 h 39 h
Écoles d’apprentissage 0 16 h 23 h
Écoles rurales 0 16 h 21 h

La Réforme de 1943 prévoyait une enveloppe horaire pour l’enseignement de l’arabe qui variait d’une catégo-
rie d’école à l’autre comme on peut le constater dans le tableau suivant

Tableau 7 : Enveloppe horaire hebdomadaire de l’arabe

Année CP C.E.1 C.E.2 C.M.1 C.M.2


Catégorie d’école
École de fis de notables
Écoles urbaines 6h 6 h 30 6 h 30 10 h 10 h
Écoles d’apprentissage 3 h 40 3 h 40 3 h 40 6h 6h
Écoles rurales 3 h 40 3 h 40 3 h 40 5h 5h

Dans l’enseignement secondaire elle était de l’ordre de 6 heures 30 dans les sections classiques des col-

459
lèges musulmans, de 9 heures dans les sections modernes et de 11 heures dans les sections traditionnelles.
Un total de 30 à 31 heures par semaine pour le 1er cycle et 35 heures pour le 2e cycle + 5 heures de Coran ce
qui porte le total à 40 heures.

3.2. L’enseignement général sous le Protectorat espagnol

3.2.1. Population européenne et population autochtone


Afin de bien cerner le développement de l’enseignement général en zone espagnole, nous commencerons
par fournir quelques chiffres concernant la population du Maroc sous le Protectorat. Vers 1940 les Espagnols
représentent 6,3 % de la population de la zone Nord avec un effectif de 62.400 habitants, tandis que les Fran-
çais étaient au nombre de 128.700 ce qui correspond à presque 2 % de la population résidant dans le reste
du pays. Ce faible pourcentage des français s’explique par l’ordre d’importance des deux Protectorats, alors
que la zone Nord atteignait à peine le million d’habitants, celle de la zone française dépassait largement les
six millions.

Tableau 8 : Population du Maroc en 1940

Musulmans Juifs Français Espagnols Étrangers Total


Protectorat 5 860 000 161 900 152 000* 50 500 6 224 400
français
Protectorat 914 000 14 700 60 000 700 989 400
espagnol
Tanger 50 200 7101 15 486 7 048 79 835
Total 6 824 200 183 701 152 000 75 486 58 248 7 293 635
* Dont 23 300 espagnols

Source : Vial de Morla (1947); Espana en Marruecos.

La population espagnole est essentiellement concentrée dans les villes comme le montre le tableau sui-
vant.

Tableau 9 : Population urbaine et rurale

Musulmans Juifs Espagnols Autres Total et %

628 200
Rural 818 736 529 9 011 14
76,5 %

253 719
Urbain 176 593 13 667 63 085 374
23,5 %

995 329 14 196 72 096 388 1 082 009


Total et %
92 % 1,3 % 6,7 % 100 %

460
Plus de 90 % des espagnols vivent en milieu urbain, un peu moins tout de même que les juifs dont 97 %
sont citadins. Ce sont évidemment les grandes villes qui sont concernées par cette colonie. À Tétouan, le
tiers de la population est espagnol et à Larache plus du quart. Dans les villes de moindre importance, comme
Asila, Chefchaouen, El Ksar, elle atteint presque le dixième des effectifs totaux.

3.2.2. Inégalité dans la répartition des écoles selon les milieux sociaux
Cette importante occupation des villes par la colonie étrangère va conditionner la physionomie du système
scolaire et imposer une répartition des écoles en rapport direct avec la localisation de celles-ci. C’est ainsi
que Tétouan et sa région totalisent le plus grand nombre d’établissements, suivies de la région orientale.
Pourtant la première est nettement moins peuplée que la seconde, mais son statut de capitale et le nombre
supérieur de ressortissants espagnols qui y résident expliquent cet avantage. Bien que les statistiques
donnent une supériorité à la campagne, 58 écoles contre 51 pour les villes, les besoins des citadins sont
d’une manière générale mieux couverts grâce à une plus grande capacité d’accueil des établissements,
notamment ceux réservés aux espagnols, ainsi qu’à la qualité de leur personnel et de leur équipement.
Quoiqu’il en soit, même si l’on procède au simple comptage des écoles rurales, on se rend compte que le
nombre des établissements disponibles est dérisoire par rapport à la population de la campagne, comme on
peut le constater à la lecture du tableau.

Tableau 10 : Répartition des écoles selon le milieu

Nombre d’habitants Nombre d’écoles


Rural Urbain Rural Urbain
Espagnols 9 011 63 08 23 19
Juifs 529 11 667 6
Musulmans 818 736 176 593 35 26
Total 828 290 253 719 58 51
Total général 11 082 009 109

3.2.3. Inégalité dans la répartition du personnel enseignant


Si l’on compare à présent les possibilités scolaires des populations espagnoles et musulmanes à partir des
éléments contenus dans le tableau, la même constatation s’impose à nous, puisqu’avec 6,3 % de la popula-
tion totale, les premieres détiennent 42 écoles sur les 109 existantes. L’inégalité entre les communautés
devient plus transparente si l’on confronte le nombre de maîtres affectés à chacune de ces populations. Les
42 écoles espagnoles disposent en effet, presque, du même nombre d’instituteurs que les 61 établisse-
ments destinés aux élèves musulmans, soit 165 contre 166. La proportion d’instituteurs est encore plus
défavorable à la campagne qui se retrouve avec 73 maîtres contre 286 pour les villes, ce qui représente 3 ins-
tituteurs pour la ville contre un pour le milieu rural, au moment où celui-ci est presque quatre fois plus peuplé.

Tableau 11 : Nombre d’instituteurs selon les milieux et les populations

Espagnols Juifs Musulmans Total


Rural 24 0 49 73
Urbain 141 28 117 286
Total 165 28 166 359

461
L’analyse des chiffres se rapportant aux populations rurale et citadine, révèle que les 9011 espagnols rési-
dant dans la campagne disposent à eux seuls de 24 instituteurs, les 49 restants sont destinés aux nationaux
qui sont presque cent fois plus nombreux. La population urbaine quant à elle est privilégiée dans son
ensemble, mais les autochtones n’ont qu’une part médiocre, 141 enseignants pour les Espagnols et seule-
ment 117 pour les autochtones, soit 24 maîtres de plus pour une population trois fois moins nombreuse.

4. La formation professionnelle

4.1. L’enseignement professionnel sous le protectorat français

Dès 1914, Lyautey constate l’utilité d’amorcer l’organisation d’un enseignement professionnel et agricole.
Les filles sont orientées aux travaux de broderie et de tapis, les garçons sont soit intégrés dans l’enseigne-
ment agricole, soit initiés aux métiers d’art indigène ou à d’autres métiers manuels telles que la maçonnerie,
la menuiserie ou la forge. En 1945 le système d’enseignement professionnel se complexifie, avec la création
d’un Secrétariat régional d’orientation professionnelle à Casablanca qui a ouvert deux centres, dont l’un pour
les Marocains musulmans.

L’enseignement technique reposait sur les principes suivants :


– Une orientation professionnelle pouvant être amorcée dans l’enseignement primaire (européen, israélite
et musulman) ;
– Des écoles professionnelles rattachées à des écoles primaires ;
– La possibilité pour les meilleurs élèves de passer un bac technique permettant l’inscription dans les
grandes écoles techniques de la Métropole.

Deux grandes voies se présentent alors aux jeunes qui s’engagent dans ce type de formation, l’une prépa-
rant aux métiers agricoles et l’autre aux métiers industriels, artisanaux et commerciaux.

La préparation aux métiers agricoles inclut :


– des sections qui forment aux pratiques agricoles en 3 ans d’études pour l’obtention d’un certificat
d’apprentissage agricole ;
– des sections agricoles dans les collèges à Casablanca, Kénitra et Fès. Les meilleurs élèves issus de ces
formations accèdent à l’École Nationale d’Agriculture de Meknès.

La préparation aux métiers industriels, artisanaux et commerciaux inclut :


– des classes de préapprentissage et des classes professionnelles réparties sur l’ensemble du territoire
qui débouchent sur le certificat d’aptitude professionnelle
– des cours complémentaires commerciaux aux différents certificats professionnels relevant du tertiaire à
Safi, Casablanca et Meknès
– des collèges techniques qui délivrent des brevets d’enseignement industriel ou commercial, implantés
dans la plupart des villes du Royaume (en 1955).

462
Un protocole sera signé avec la Direction du travail et des questions sociales en 1948. Il accorde à l’ensei-
gnement l’initiative et le contrôle de toute formation professionnelle jugée nécessaire. La Direction du Travail
se consacre au contrôle de l’apprentissage en atelier, au reclassement des adultes et à la formation profes-
sionnelle des jeunes ayant dépassé l’âge scolaire. Leur coopération a permis la réalisation dans toutes les
grandes villes du Maroc des cours professionnelles de perfectionnement au bénéfice des apprentis travail-
leurs en usine en atelier.

Au début des années cinquante l’enseignement professionnel touchait 7 500 élèves. D’une manière géné-
rale, la participation de l’école au développement et à l’amélioration des conditions de production en favori-
sant l’innovation est évoquée constamment, notamment pour les milieux populaires. On la retrouve dans le
bilan établi par la Direction de l’Instruction publique dans la zone française (1945) où il est dit que l’école tech-
nique devrait être l’agent naturel de toute vulgarisation, en même temps qu’un laboratoire d’initiatives et un
terrain d’expérience qui permettrait la diffusion de nouveaux procédés de travail, ainsi que l’usage de
machines et d’outils perfectionnés (Direction de l’Instruction publique au Maroc 1945-50, p. 130). Déjà en
1936, dans la zone française, sur 112 établissements scolaires à clientèle musulmane, 38 écoles consa-
craient un enseignement agricole avec un effectif de 7000 élèves. On retrouve la même insistance sur ses
bienfaits en zone espagnole. L’école professionnelle apporterait au douar des « connaissances pratiques,
simples et excitantes ». Elle capterait la confiance des parents qui verraient en elle « un centre d’information
agricole accessible à tous » (Diario Africa 18 mars 1947). L’instituteur devrait faire participer toutes les res-
sources locales (techniciens et agent administratifs locaux) qui pourraient l’aider à rendre disponibles les
informations nécessaires.

4.2. L’enseignement professionnel sous le protectorat espagnol

La zone Nord accordera une bonne place à l’enseignement utilitaire, avec, en ville, un primaire qui
débouche sur les écoles professionnelles et commerciales et, à la campagne, des établissements qui
accordent la plus grande place aux travaux agricoles. On retrouve la même insistance sur la fonction sociale
de l’école, moyen privilégié pour attirer la confiance de l’indigène et susciter une amélioration de son
comportement, de son hygiène et des pratiques agricoles locales. Comme pour la zone française, le but
suprême de l’enseignement rural est le retour à l’agriculture. « Les écoles hispano-arabes, rurales, écrit un
haut responsable de l’éducation, furent conçues comme des fermes agricoles en modèle réduit, où les
enfants apprennent en jouant, non seulement la langue espagnole et des connaissances élémentaires de
culture générale, mais s’adonnent également à des occupations de la vie rurale qui devront constituer, plus
tard, leur travail quotidien et la base de leur vie économique » (Thomas Garcia Figueras ; Notas sobre instruc-
cion in Marruecos).

En 1950, vingt-six écoles dotées de jardins scolaires fonctionnaient sur ce modèle. Il y avait 8 écoles dans
la région des Jbala, 3 au Loukos, 4 à Chefchaouen 8 au Rif et 4 à l’oriental. Leur programme différait légère-
ment de celui des établissements urbains. Avec un total de 33 heures par semaines, elles comptaient une
heure de moins en langue espagnole et en arithmétique, mais avaient deux heures de plus en géographie.
Les élèves ruraux étaient, par ailleurs, dispensés des sciences et avaient le même nombre d’heures d’activi-

463
tés pratiques que leurs camarades en ville. Les écoles rurales et urbaines avaient respectivement, en langue
espagnole 5 et 6 heures, en arithmétiques 4 et 5 heures, en géographie 4 et 2 heures. Quant à l’activité pra-
tique, les premières avaient deux heures de travail agricole et les écoles urbaines 2 heures de travail manuel.

Quel était le contenu de cet enseignement agricole ? Le Dahir de 1948 réglementant les programmes du
primaire donne des indications précieuses à ce sujet. Le texte commence par rappeler les objectifs de cet
enseignement. Le premier vise à éveiller la vocation et à développer des aptitudes, en inculquant chez
l’enfant « l’amour du créateur de la nature, de la terre, des plantes, des fleurs, des animaux, du travail agri-
cole et de la profession d’agriculteur ». Le deuxième consiste à exposer à l’enfant les axiomes agronomiques
les plus importants et leur application pratique. Il y a, enfin, un dernier objectif qui insiste sur l’importance de
cet enseignement pour l’acquisition de connaissances postscolaires. La suite du texte expose dans le détail
le programme annuel de chacun des quatre niveaux concernés par l’enseignement agricole. La première
année est une phase d’initiation par le jeu, classe à l’air libre permettant à l’instituteur de développer le voca-
bulaire de l’enfant touchant les différentes variétés de culture, des arbres et des animaux.
Le deuxième niveau se caractérise par un effort visant à montrer l’apport de la science appliquée à la
compréhension du monde végétal et animal à travers l’étude de thèmes variés. Au cours du troisième niveau
l’instituteur aura pour tâche d’approfondir la vocation agricole de ses élèves. Un équilibre devra être trouvé
entre les travaux pratiques et les classes. La dernière année est consacrée à consolider les connaissances
théoriques et pratiques acquises dans les classes antérieures. Les écoliers prennent en charge directement
l’exploitation d’une parcelle, de la préparation du sol à la récolte et veillent également à la conduite d’un trou-
peau qu’on met à leur disposition. L’élève qui suit avec succès ces études se voit décerner le certificat
d’enseignement primaire agricole qui lui donne droit soit à travailler dans des fermes, soit à accéder à l’école
polytechnique de Tétouan pour parfaire sa formation dans le domaine agricole.

Ce rappel met en évidence la similitude des démarches adoptées par les deux Administrations française et
espagnole en direction des populations rurales et urbaines. Vis-à-vis des écoles rurales dont on a pris soin de
rappeler les principes et les programmes, les mêmes priorités sont retenues : fixer la population dans son
milieu, prévoir un contenu d’enseignement utilitaire, adapté à l’âge des enfants et à leurs conditions locales
afin de leur rendre agréable l’école et l’agriculture et afin de faire de l’école un foyer de diffusion des informa-
tions et des pratiques utiles, en coordonnant les efforts de celles-ci avec ceux des instances politiques et
techniques locales. Mais, malgré leur développement rapide, les écoles rurales n’ont pas reçu un accueil
favorable. Leur caractère utilitaire ne répondait nullement aux attentes de la population : l’employé, le petit
commerçant, et surtout le paysan n’envoyaient leurs enfants à l’école que pour les voir un jour dans une
situation plus prestigieuse que la leur. Le fait que celle-ci focalise son action sur le travail ne pouvait que les
éloigner d’elle en leur laissant un sentiment de frustration. C’est ce que notait un haut responsable français
en 1936. « l’Instituteur français s’est trouvé face à des obstacles difficiles à surmonter et qui surgissent d’ail-
leurs chaque année devant lui. Ce sont d’abord les préjugés des indigènes. Pour eux d’une façon encore plus
nette, on ne va pas à l’école pour apprendre un métier manuel, encore moins pour apprendre l’agriculture.
On se méfie de cet enseignement, car au premier moment, les parents ne confient leurs enfants à l’école
qu’afin de leur éviter précisément d’être des paysans comme eux. Ce préjugé a gêné considérablement
l’organisation de l’enseignement professionnel sous toutes ses formes » (Rapport du Directeur de l’instruc-
tion publique des beaux-arts et des Antiquités sur l’Enseignement de l’Agriculture dans les écoles musul-
manes (1936)). La même constatation est faite en Zone Nord où l’on parle de l’incompréhension des parents
que l’on pense neutraliser en suggérant de trouver du travail à l’élève qui achève avec succès ses études.

464
5. Le mouvement national et la question scolaire

Trois types d’actions furent menées contre l’occupant, concrétisées par une résistance armée localisée en
milieu rural, une résistance sociale et culturelle et une résistance politique. Il n’est pas possible de s’attarder
sur le mouvement de contestation et de proposition de réformes dans son ensemble faute de place. On se
contentera de signaler certains aspects des deux derniers types de résistance dans leurs rapports avec la
politique scolaire du Protectorat.

5.1. Les écoles coraniques rénovées

Parmi les manifestations majeures qui se sont exprimées dans le domaine éducatif et de formation, la
création des écoles coraniques rénovées occupera une place de choix. La première voit le jour à Fès en 1922,
cinq autres à Salé, trois à Rabat, deux à Casablanca, quatre à Marrakech et une à Tétouan en 1926, destinée
aux familles aisées avec un effectif qui atteindra 120 élèves. À l’origine de ces initiatives deux raisons impor-
tantes. Il y a tout d’abord les critiques de l’administration coloniale de l’enseignement traditionnel qui ont fini
par porter sur une bourgeoisie préoccupée par la sauvegarde de ses traditions et de ses valeurs, mais
convaincue également de la nécessité des réformes. Les Marocains « les plus instruits écrit Demombynes,
se sont rendu compte des défauts de méthode et d’organisation de l’enseignement coranique traditionnel.
Ils ont reconnu que cet enseignement n’est pas suffisant pour préparer leurs enfants à la nouvelle vie écono-
mique au Maroc » (Demombynes, 1956). La seconde a trait au renforcement de la langue arabe dans le sys-
tème éducatif. Cet argument puise une grande partie de sa force dans la revendication chère aux
nationalistes maghrébins et arabes qui font de la question linguistique l’un de leurs mots d’ordre favoris.
C’est en effet un thème qui sera constamment développé avant et surtout après le Dahir berbère par les
nationalistes des deux zones du Protectorat. C’est donc en réformateurs que se présentaient les promoteurs
des écoles coraniques rénovées en refusant ce qui dans l’enseignement colonial ferait évoluer l’enfant en
dehors des valeurs et des aspirations musulmanes et en proposant des réaménagements au msid, de
manière à ce qu’il ne soit plus en porte à faux avec les nécessités économiques et le progrès qui imposent la
connaissance des sciences et des langues. En somme il s’agissait de trouver un équilibre entre la tradition et
le progrès.

Elles furent crées par des comités de patronage, composés de notables qui recrutent des maîtres et choi-
sissent comme lieu de déroulement des cours, des zaouias, des mosquées, des medersas et même des
maisons particulières. Mais bien que dépendant des institutions religieuses et soutenues par des personnali-
tés aisées, ces écoles recevaient une contribution régulière des familles. Leur développement n’a pas ren-
contré de résistance particulière, mais il sera cependant de courte durée. Derrière ces initiatives, on trouve
une bourgeoisie convaincue de ses droits et exerçant de multiples pressions sur l’administration du Protecto-
rat : démarches, pétitions pour une souscription en vue de la construction d’une école libre, articles dans la
presse, etc. Ce qu’on appelle école coranique rénovée n’a en fait rien à voir avec l’école coranique tradi-
tionnelle. L’élément commun aux deux est finalement l’enseignement du Coran. Cette formule diffère de
l’ancienne par sa structure matérielle (existence de classes nombreuses), par sa pédagogie (répartition des
élèves par niveau, son recours au matériel scolaire moderne avec l’utilisation du papier, de la plume et de
l’encre, l’importance accordée à l’explication et au raisonnement) et enfin par son mode de fonctionnement
et de financement, qui opte pour la rétribution du maître et proscrit les cadeaux en nature qu’habituellement
les parents faisaient à ce dernier. Celles-ci, bien qu’ayant exercé probablement leur effet positif, ne

465
demeurent pas moins secondaires dans la détermination du sort réservé à cette formule. Il faudrait, en fait,
voir dans ce mouvement le point de départ d’un débat sur la pédagogie et l’école au Maroc. Avec les écoles
coraniques rénovées nous avons une première solution significative en matière de choix et d’orientation,
mais pas suffisamment élaborée sans doute pour mériter une généralisation définitive. Il est intéressant de
noter que la création des écoles privées musulmanes ne s’est faite qu’après la rénovation des écoles cora-
niques, considérées à juste titre comme le lieu stratégique à partir duquel devrait s’énoncer le principe de la
reconnaissance de la pédagogie avec ce que cela entraîne comme intégration de nouvelles disciplines et de
moyens permettant leur enseignement effectif.

Une autre constatation aussi importante concerne la mise à l’écart du milieu rural qui ne fut nullement solli-
cité par ce débat pédagogique. Il faut dire qu’au cours des années qui ont vu naître ce mouvement, les
contacts de l’élite urbaine dépassaient rarement le cadre de la ville. Certes, il existait bien des échanges
entre les notables de Rabat, Fès, Marrakech et leurs homologues de Tunis ou des villes du Moyen Orient,
mais leurs rapports avec l’arrière pays étaient de nature limitée. Même plus tard, lorsque le mouvement de
contestation élargira sa base et associera davantage les masses urbaines et rurales en les entraînant derrière
ses mots d’ordre, la paysannerie sera rarement concernée par les transformations qui s’opèrent au niveau
des structures culturelles et politiques. Les écoles coraniques rurales pâtiront tout naturellement de l’isole-
ment dans lequel sera maintenue la campagne, bien après l’indépendance du pays.

Une dernière remarque enfin. Il nous semble qu’avec l’école coranique rénovée débute le processus de
libéralisation de l’enseignement qui se dégage progressivement des modes d’organisation collective tradi-
tionnels pour se soumettre de manière plus directe à l’action des nouveaux clivages sociaux. Ceci ne veut
pas dire qu’avant cette date l’enseignement traditionnel était égalitaire, offrant les chances à toutes les
couches sociales. Car bien que présente dans la tradition islamique la préoccupation égalitaire, était battue
en brèche par le jeu des clivages sociaux et culturels qui ont constamment exercé leur pression à travers les
structures familiales et religieuses. Mais la prise en charge collective de cet enseignement ainsi que l’obliga-
tion faite au riche et au pauvre de recourir aux services d’une même institution pour accéder à l’instruction,
favorisaient la fréquentation de celle-ci par le plus grand nombre, réduisant ainsi les effets des structures
sociales inégalitaires sur la sélection finale.

5.2. La vision scolaire des jeunes nationalistes

À la fin des années vingt des jeunes issus aussi bien des collèges de Fès et de Rabat que d’El Qaraouiyine
firent leurs premières armes en politique en créant des associations d’élèves et d’étudiants, telle que celle
des anciens élèves de Moulay Idriss de Fès, celle de Moulay Youssef de Rabat et celle plus importante, puis-
que son nom dépassait le cadre national, des Étudiants musulmans Nord maghrébins en France (l’AMNA) à
partir des années 1927. La campagne contre le dahir berbère fut leur première grande manifestation (Zoug-
gari 1977).

À partir de 1929 l’association des étudiants Nord maghrébins en France mène des actions en faveur d’une
réforme des collèges musulmans pour l’accès à l’enseignement supérieur. En 1930, plusieurs articles du
deuxième bulletin de l’association réclament l’amélioration des études de l’arabe et l’éducation des jeunes
filles musulmanes. En 1933 le congrès de l’Association émettait des vœux pour la suppression des pro-
grammes spéciaux aux écoles berbères et le recrutement, parmi les marocains musulmans, des instituteurs

466
appelés à y enseigner, l’accroissement de la scolarité avec l’ouverture de nouvelles écoles, l’octroi de
bourses aux titulaires du certificat d’études primaires, la création d’écoles normales destinées à former des
instituteurs et des institutrices musulmans, ainsi que l’unification des programmes d’enseignement primaire.

Dans le plan de Réforme rédigé en 1934, les jeunes nationalistes ont fait un procès sévère de la politique
du Protectorat, et mettent en exergue les objectifs de domination de la politique scolaire coloniale, en citant
les propos du Directeur de l’enseignement musulman au Maroc à l’adresse du personnel enseignant en
1920 1. Ils faisaient remarquer que le système d’enseignement servait essentiellement les Européens et les
Marocains de confession juive puisque, sur une population marocaine musulmane de 7 à 8 millions, à peine
11 000 enfants étaient scolarisés.

Leurs revendications insistaient sur la création du Viziriat de l’instruction publique ainsi que de nombreuses
mesures dont nous citerons les plus importantes :
– La gratuité de l’enseignement primaire de six à douze ans pour la totalité des marocains sans considéra-
tions territoriales, ni distinction de condition sociale ;
– L’accroissement de l’importance de l’enseignement de l’arabe et des sciences islamiques ;
– L’introduction des disciplines modernes dans les établissements secondaires islamiques ;
– L’instauration d’un enseignement des filles basé sur la culture arabe et islamique et réservant le droit
aux parents de recourir à l’établissement scolaire de leur choix.
– La formation d’un personnel enseignant pour tous les degrés de l’enseignement moderne, et de l’ensei-
gnement islamique ;
– De bourses et des prêts d’honneur.

D’autres mesures sont suggérées, tels le regroupement des enfants sans domicile dans des foyers afin de
leur assurer une instruction élémentaire, l’organisation des cours d’adultes, la lutte contre l’analphabétisme
et l’organisation d’une campagne en faveur de la scolarisation.

5.3. Les pressions du Makhzen dans le domaine de la politique scolaire

Le Makhzen et à sa tête S.M le Roi suivait avec attention toutes les questions se rapportant au domaine
scolaire, création de nouvelles écoles, effectifs, scolarisation des filles, programmes, etc. Mais c’est surtout
à partir des années trente et quarante que son action devient importante. C’est à la demande du Roi que des
commissions importantes, regroupant sous la présidence du Ministre plénipotentiaire délégué à la Résidence
générale, des représentants du Makhzen, de la Direction des affaires politiques, de la Direction de l’instruc-
tion publique, et des associations des anciens élèves, se sont mises en place à partir de 1940 pour renforcer
la place de l’enseignement de l’arabe et des études islamiques. Le 17 octobre 1941 le Résident Général
nomme une première commission avec l’objectif d’étudier l’organisation des horaires et des programmes de
l’enseignement franco-musulman. Deux années plus tard, une autre commission avec la même composition
sera chargée de consolider l’organisation de l’enseignement des fillettes musulmanes. La conviction et la

1. « L’école se contente d’accroître la valeur normale de la capacité professionnelle des marocains, elle est facteur de richesse, autant que
possible de paix. La politique au sens européen et actuel du mot ne peut convenir ici. Par conséquent nous ne songeons ni à l’émancipation du
citoyen marocain, ni à l’affranchissement de l’esclave, ni à la liberté de la femme, quand vous connaîtrez le milieu, vous estimerez que ces poncifs
transplantés ici sont des dangers. »

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persévérance qui ont caractérisé l’engagement du Makhzen a permis de réaliser l’idée d’un enseignement
basé sur des critères de rationalité moderne, et des références arabo-islamiques, permettant à des jeunes de
poursuivre leurs études jusqu’au baccalauréat et leur offrant ainsi la possibilité d’accéder à l’université.

Conclusion

Quelques remarques sur l’enseignement sous le Protectorat. Il faut signaler tout d’abord la grande identité
d’orientation entre les deux politiques espagnole et française. Certes, on compte plus de réalisations en zone
française, mais ceci se comprend si l’on tient compte d’une part de l’inégalité des richesses et de la taille des
populations à administrer propre à chacune des deux zones, et d’autre part des atouts dont disposait la
France en matière d’expérience coloniale. Rien d’important n’était entrepris en zone espagnole sans qu’on
consulte l’œuvre du grand voisin. Ce fut le cas non seulement pour la politique adoptée pour mener à bien la
« pacification », mais également pour les autres domaines, y compris celui qui concerne l’organisation admi-
nistrative des services du Protectorat, centraux et régionaux, qui reproduisent le modèle français avec des
modifications mineures. Une exception cependant, l’Espagne ne s’est pas laissée tenter par la politique ber-
bère de la France. On ne trouve pas, en effet, d’incidence de celle-ci dans le domaine judiciaire, ni dans celui
de l’enseignement. L’Espagne s’était, en effet, refusée à adopter la voie menant au dahir berbère et à s’inspi-
rer de la formule des écoles berbères en milieu rural.

Une deuxième remarque, l’enseignement dans les deux zones est étroitement lié à la consolidation poli-
tique. L’école est conçue comme un instrument de pouvoir qu’il s’agit d’adapter par rapport aux catégories
sociales et aux conditions régionales et locales. Il a fallu éviter toutes les voies porteuses de risques, cher-
cher des formules stabilisatrices respectueuses des différences et des inégalités, en même temps que
réconfortantes pour le colonisateur qui veillait à entretenir l’image d’un protecteur civilisateur et bienveillant.

Une troisième et dernière remarque. Cet enseignement a été peu évalué en son temps, quelquefois en
zone française, presque jamais en zone Nord où trop de complaisance entoure l’œuvre coloniale. Les diffi-
cultés d’une évaluation objective proviennent essentiellement du fait que le colonisateur ne pouvait se
défaire de sa tendance naturelle au paternalisme qui l’amène à entreprendre des œuvres sociales sans trop
se soucier de l’avis de l’intéressé. Le croit-il d’ailleurs capable d’en avoir un ? Il y a tout de même l’apprécia-
tion des principaux intéressés, la dénonciation dans les villes par le Mouvement National de l’aspect politique
de l’œuvre scolaire, jugée « obscurantiste, utilitaire et rétrograde », ainsi que la résistance passive des pay-
sans qui en dit long sur leur appréciation de l’école rurale.

Quant au mouvement national et à son rapport à la question scolaire, on constate que, soit il n’a pas eu pas
le temps, soit il ne s’en est pas donné, pour préciser les contours d’une véritable politique scolaire et de for-
mation. Préoccupé qu’il était par la défense de l’identité et des valeurs islamiques et nationales, il subira sans
grand discernement les demandes maximalistes sans songer aux moyens nécessaires à la réalisation des
objectifs qu’il mettait en avant, ni se douter des difficultés qui l’attendaient.

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Bibliographie succincte

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nando. Madrid.
Delavignette R. Charles A. Julien (1946) ; les constructeurs de la France d’Outre-Mer ; Collection anthropolo-
gie, dirigée par Ch. Brabant.
Delcampos Echeveria A. (1926) ; Espana en Marruecos ; Santander.
Figueras T.G (1940) ; Marruecos, la accion de Espana En El Norte de Africa ; Editora Marroqui ; Tetuan.
Leibovisci S. (1964) ; Chronique des juifs de Tétouan 1860-1896 ; Maisoneuve Larose ; Paris.
Marty P. (1925) ; Le Maroc de demain ; Publication du Comité de l’Afrique française ; Paris ; Paris.
Morales Lescano V. (1976 ; El colonialismo hispano-frances en Marruecos 1896- 1927 ; Siglo Ventiuno Edi-
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Paye L. (1992o ; Introduction et évolution de l’enseignement moderne au Maroc ; des origines jusqu’à 1956 ;
Imprimerie Arrissala ; Rabat.
Zouggari A. (1996) ; L’école en milieu rural ; Al Maarif Al Jadida ; Rabat.

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