Vous êtes sur la page 1sur 316

Accès aux Services de Base

et Considérations Spatiales

Recueil des Contributions


Ali AMAHANE
Driss BENHIMA
Fathallah DEBBI
Mohammed EL MALTI
EL Hassan EL MANSOURI
Ahmed HAJJI
Mohammed HAMDOUNI ALAMI
Mohammed Amine KABBAJ
Abdelkader KAIOUA
Saïd MOULINE
Larbi RHARBI
Abdennebi RMILI
Mohamed SOUAFI

pg de garde gt6 1 22/12/05, 12:32:06


pg de garde gt6 2 22/12/05, 12:32:07
Avertissement au lecteur

Le présent recueil regroupe les contributions individuelles aux travaux du groupe thématique « Accès aux
Services de Base et Considérations Spatiales », constitué dans le cadre du processus d’élaboration du Rap-
port « 50 ans de développement humain au Maroc et perspectives pour 2025 ».

Ce groupe de travail a été animé par MM. Abdellatif BENCHERIFA, Mohamed BENELKHADIR, Said MOU-
LINE et Mohamed SOUAFI, membres de la Commission Scientifique du Rapport, et composé de MM. Ali
AMAHANE, Driss BENHIMA, Fathallah DEBBI, Mohamed HAMDOUNI ALAMI Mohamed EL MALTI, El Has-
san EL MANSOURI, Ahmed HAJJI, Mohamed Amine KABBAJ, Abdelkader KAIOUA, Larbi RHARBI et
Abdennebi RMILI. Le groupe a élaboré ces contributions afin d’approfondir des aspects particuliers de la
dimension thématique couverte et dans l’objectif de réunir les matériaux analytiques pour l’élaboration de
son Rapport thématique de synthèse. Ces contributions ont ainsi constitué principalement un support pour
les débats organisés au sein du groupe de travail, plutôt que des études exhaustives abordant l’ensemble
des aspects scientifiques et pratiques relevant de la dimension thématique étudiée.

Les contributions qui sont publiées ici ont fait l’objet d’un examen au sein du groupe thématique, mais ne
reflètent que les points de vue de leurs auteurs.

Il a été jugé utile de publier fidèlement la totalité de ces contributions. Cependant, n’ayant pas fait l’objet
d’un travail systématique d’harmonisation, des différences peuvent alors y être décelées tant au niveau des
données utilisées qu’au niveau des argumentaires déployés, ainsi que de leur degré de finalisation. En parti-
culier, les données statistiques et les références utilisées sont celles du moment où les contributions ont été
remises par les auteurs.

L’objectif principal de la publication de ces documents est de restituer la richesse du travail de recherche,
de documentation et de débat qui a caractérisé le processus d’élaboration du Rapport sur « 50 ans de déve-
loppement humain au Maroc et perspectives pour 2025 ». Mettre cette richesse à la disposition du lecteur,
c’est aussi rendre hommage aux compétences nationales, issues de l’université, de l’administration et de la
société civile, qui y ont contribué avec beaucoup d’engagement et de patriotisme.

Nous tenons à les remercier, et à travers eux toutes les personnes et administrations qui n’ont pas hésité à
mettre à leur disposition données, documents et divers supports.
Accès aux Services de Base
et Considérations Spatiales

Services de base et considérations spatiales


EL Hassan EL MANSOURI ......................................... 9
Mohamed SOUAFI ...................................................... 9
Présentation du secteur de l’eau potable :
Bilan et perspectives
Ahmed HAJJI............................................................... 59
Le programme d’électrification rurale global :
Bilan provisoire 1996-2003
Driss BENHIMA ........................................................... 81
50 années de développement des infrastructures
de transport
Abdennebi RMILI ........................................................ 87

La question du logement en milieu urbain


Fathallah DEBBI ........................................................157
L’urbanisme et la question de la ville
Mohammed EL MALTI..............................................179

contribution 6 1 9/06/06, 11:07:21


La planification urbaine au Maroc :
Bilan des 50 années et perspectives
Larbi RHARBI .............................................................197
Gestion urbaine et accès aux services de base
Mohammed HAMDOUNI ALAMI ............................205
La bataille de la ville
Driss BENHIMA .........................................................227
Accès aux services de base dans l’axe
Kenitra-Jorf Lasfar dans une perspective
d’aménagement du territoire
Abdelkader KAIOUA .................................................233
Citoyenneté et urbanité
Saïd MOULINE ...........................................................281
Le village des Aït Iktel
Ali AMAHANE ............................................................287
Tamesloht
Mohammed Amine KABBAJ ...................................297

contribution 6 2 9/06/06, 11:07:21


Sommaire
Services de base
et considérations spatiales
EL Hassan EL MANSOURI
Mohamed SOUAFI

Introduction ............................................................................................................11
1. Concepts généraux............................................................................................11
2. Problématique générale...................................................................................11
3. Tableau de la situation de départ : le legs colonial .....................................13
4. Analyse séctorielle et évolutive des principaux services de
base et caractérisation de la situation actuelle...........................................23
5. Accessibilité et spatialité .................................................................................43

Un bilan mitigé........................................................................................................53
Bibliographie ...........................................................................................................55

Présentation du secteur de l’eau


potable : Bilan et prespectives
Ahmed HAJJI

Résumé ................................................................................................................... 61
Introduction ........................................................................................................... 63

1. Organisation du secteur .................................................................................. 64


2. Les opérateurs directs ..................................................................................... 65
3. Le niveau de service ......................................................................................... 67
4. Les réalisations du secteur ............................................................................. 68
5. Perspectives futures ........................................................................................ 71
Conclusion ............................................................................................................... 76

som glob gt6 1 22/03/06, 12:03:54


Gestion urbaine et accès aux
services de base
Mohammed HAMDOUNI ALAMI

Résumé ..................................................................................................................207

1. Problèmes de définitions ...............................................................................207


2. Des limites de ce bilan ....................................................................................210
3. Le legs colonial : une gestion urbaine d’apartheid ....................................211
4. L’élan de l’indépendance ................................................................................215
5. Le génie de l’autruche .....................................................................................217
6. Le temps des prébendes, ou l’urbanisme des subventions ......................218
7. Le mirage de l’autoritarisme ou le théâtre des institutions .......................220
8. Le recours à la privatisation ...........................................................................223
9. Continuité dans l’alternance ...........................................................................223
10. Perspectives ....................................................................................................225

Bibliographie ..........................................................................................................225

La bataille de la ville : Un des grands


chantiers du début du siècle
Driss BENHIMA

1. Les données de base pour une stratégie.....................................................229


2. Globalisation et Innovation : les nouveaux angles d’attaque...................229

Accès aux services de base dans


l’axe Kenitra-Jorf Lasfar dans une
perspective d’aménagement du
territoire
Abdelkader KAIOUA

I. L’axe littoral Kénitra-Jorf Lasfar : naissance, renforcement


et diversification ................................................................................................ 235
1. L’émergence de l’axe urbain moyen atlantique, fait majeur
de la géographie marocaine à l’indépendance ........................................ 235
2. Renfoncement et diversification des composantes de l’axe
littoral après l’indépendance : une conurbation atlantique
marocaine en devenir .................................................................................... 240

som glob gt6 4 22/03/06, 12:03:56


3. Mise à niveau et requalification du Grand Casablanca,
enjeu principal pour le développement futur du Maroc .......................... 259
4. Un système de gouvernance efficient pour améliorer
le fonctionnement interne de l’agglomération .......................................... 268
II. Accès aux services de base dans l’axe littoral et aménagement
du territoire ......................................................................................................... 275
1. Évolution de l’offre en services de base et accessibilité
2. Les équipements sociaux de proximité : l’enseignement
et la santé ........................................................................................................ 275

Citoyenneté et urbanité
Saïd MOULINE
Introduction ..........................................................................................................283

1. Cadre référentiel et dimension humaine......................................................283


2. Le degré zéro de l’urbanité.............................................................................284
3. L’ampleur du double défi.................................................................................285
4. Le retour à l’essentiel......................................................................................286

Le village des Aït Iktel


Ali AMAHANE

1. Création de l’association Aït Iktel de développement .............................290


2. Réalisations ......................................................................................................291
3. Les partenaires ................................................................................................293
4. Leçons tirées de l’expérience .......................................................................294

Tamesloht
Mohammed Amine KABBAJ
Aperçu historique de Tamesloht ..........................................................................299

1. Une situation en devenir .....................................................................................300


2. Développement économique de Tamesloht ....................................................301

Conclusion ...............................................................................................................310

som glob gt6 5 22/03/06, 12:03:56


som glob gt6 6 22/03/06, 12:03:56
Services de base et considérations spatiales

Introduction ............................................................................................................11
1. Concepts généraux............................................................................................11
2. Problématique générale...................................................................................11
3. Tableau de la situation de départ : le legs colonial .....................................13
3.1. L’enjeu pour l’État au début du siècle : contrôler le territoire..............13
3.2. L’enjeu pour le Protectorat : équiper le pays pour servir les
intérêts de la puissance mandataire........................................................15
3.3. Etat des lieux à la veille de l’Indépendance ...........................................17
3.3.1. Contexte : une croissance démographique non
maîtrisée..............................................................................................17
3.3.2. Le réseau routier.................................................................................18
3.3.3. La desserte en eau potable et en électricité .................................19
3.3.4. Les services sociaux collectifs ........................................................21
4. Analyse séctorielle et évolutive des principaux services de
base et caractérisation de la situation actuelle...........................................23
4.1. Les services et infrastructures de base..................................................23
4.1.1. L’infrastructure routière.....................................................................23
4.1.2. Le secteur de l’eau potable...............................................................25
4.1.3. La desserte en électricité..................................................................32
4.2. Les services socio collectifs .....................................................................35
4.2.1. L’école ..................................................................................................35
4.2.2. La santé ...............................................................................................41
5. Accessibilité et spatialité .................................................................................43
5.1. Les routes .....................................................................................................43

gt6-1 9 22/12/05, 11:22:32


5.2. L’eau potable ............................................................................................... 46
5.3. L’électricité .................................................................................................. 47
5.4. L’école .......................................................................................................... 50
5.5. La santé........................................................................................................ 52

Un bilan mitigé........................................................................................................ 53
Bibliographie .......................................................................................................... 55

EL HASSAN EL MANSOURI
MOHAMED SOUAFI

10

gt6-1 10 22/12/05, 11:22:33


Introduction

1. Concepts Généraux

L’accès (du latin ac-acedere, parvenir) correspond à la possibilité d’aller (dans un lieu), d’entrée, la possibi-
lité d’approcher ; la voie, le chemin (dans un sens figuré) ; l’accessibilité quant à elle est la capacité à
atteindre par une clientèle, un message, un service. Elle suggère donc l’absence d’obstacle, la facilité dans
l’accès. La notion d’accès ne recouvre donc pas exactement celle de l’accessibilité, même si on peut consi-
dérer qu’elles sont complémentaires. L’accès aux services entre dans la qualité de la vie, le prix du logement,
les stratégies de l’habitation.
L’accessibilité en revanche joue un rôle important dans la « compétition » et le développement des lieux
comme les villes tandis qu’il subsiste, surtout en montagne, de nombreuses zones « inaccessibles ». Parler
de l’accessibilité renvoie donc à deux significations différentielles : une accessibilité géographique – par la
proximité de l’équipement ou par l’existence de moyen de mobilité performant – et une accessibilité écono-
mique et sociale. La première est tributaire des normes de desserte et de localisation des équipements tan-
dis que la seconde l’est des capacités financières des ménages qui commandent la prestation.
Le maillage renvoie, par conséquent à la couverture et à la densité des équipements présents sur le terri-
toire. Les espaces ruraux appréhendés par le biais des équipements présentent des mailles lâches ou, au
contraire, serrées qui traduisent la présence réduite ou forte d’équipements selon les zones du territoire
national.
La notion de service public est fondée sur la nécessité de l’organisation collective dans des domaines
vitaux (comme l’eau potable) essentiels pour la vie en collectivité (transports, électricité) et la protection de la
vie collective (assainissement liquide).
Le service public peut se définir alors comme une activité organisée par la puissance publique au moyen
de la réglementation, de la prestation ou de la délégation à un tiers.
Il repose sur trois principes fondamentaux : la continuité, l’adaptation et l’égalité qui rendent compte de
l’obligation de prestation de la puissance publique à l’égard des citoyens, les usagers et fondent l’intérêt
général. Ainsi, en tout point du territoire national, l’ensemble de la communauté des citoyens doit pouvoir
accéder aux services collectifs tels que l’eau potable, l’assainissement, l’électricité, les transports ou encore
l’éducation et la santé.

2. Problématique générale

Le Maroc n’échappe pas au débat sur la corrélation entre accès au service de base et territoire en vue
d’assurer l’intérêt général. Les mutations en cours s’inscrivent dans les discours et les documents adminis-
tratifs, familiers de ces débats et qui reprennent à leur compte un grand nombre de concepts tels que :
« décentralisation », « schéma d’aménagement du territoire », « politique de proximité »... Ces termes, qui

11
relèvent du champ lexical de la bonne gouvernance territoriale, font désormais partie intégrante du vocabu-
laire quotidien de l’ensemble des acteurs.
Néanmoins, la répartition des services de bases sur le territoire est aujourd’hui plus que jamais confrontée
simultanément à un double défi : celui de combler d’un point de vue quantitatif le déficit en matière de ser-
vice, mais aussi celui de remédier d’un point de vue qualitatif à sa médiocrité en termes de continuité,
d’accessibilité et d’adaptation au regard des besoins des populations à desservir.
Les réponses sont à rechercher sans nul doute dans la capacité des décideurs, principaux acteurs de la
bonne gouvernance à répondre aux exigences stratégiques, organisationnelles et fonctionnelles qu’impose la
prise en compte de la donne territoriale.
La problématique de l’accès aux services de base (eau potable, électricité, voies de communication, éduca-
tion, santé) au Maroc réside donc fondamentalement dans le rattrapage des retards accumulés en milieu
rural et dans la requalification spatiale des villes. Cette dernière constitue le thème principal du Schéma
National de l’Aménagement du Territoire. C’est en son sein que se jouera l’avenir du pays au cours des deux
prochaines décennies, elle mérite donc une attention particulière. La prise de conscience du caractère inac-
ceptable des déficits en matière d’équipement et de service qui compromettent l’amélioration du bien-être
de la population s’est imposée depuis quelques années. Plusieurs programmes ont vu le jour : le PAGER
pour l’Eau potable, le PERG pour l’Electrification ou le PNRR. Ces processus de remédiation concernent en
premier lieu le milieu rural. Si le situation semble moins préoccupante a priori dans les villes, en raison à la
fois de l’existence d’un dispositif de distribution géré par la puissance publique (gestion directe ou déléguée
à des régies) ou assuré par le partenariat public-privé (PPP), on n’a pas encore totalement pris la mesure de
l’ampleur du devenir de la question des services de base en milieu urbain, tant au plan social qu’au plan
économique.
En effet, au cours des vingt-cinq prochaines années, il nous faudra rattraper non seulement le retard en
milieu rural mais aussi faire face aux besoins de la population urbaine, appelée à doubler, sous les effets
conjoints de l’accroissement naturel et de la migration interne.
Concrètement, cela signifie que le Maroc va devoir construire et urbaniser en une génération, plus qu’il ne
l’a réalisé dans toute l’histoire du pays. La pression des besoins sociaux est appelée à devenir beaucoup plus
forte qu’elle ne l’est aujourd’hui. La pression des besoins en infrastructures sera plus forte qu’elle ne l’a
jamais été et ne l’est aujourd’hui ; le niveau de la demande exigera des pouvoirs publics une maîtrise précise
de la croissance urbaine en vue d’apporter les réponses adéquates en matière de services de base.

L’approche « aménagement du territoire » conduit à prendre en compte (1) : la relation entre niveau de ser-
vices et les besoins, c’est-à-dire notamment entre couverture territoriale des services et densité démo-
graphique (2) ; la situation générale de l’accessibilité aux services et de la desserte des territoires, considérée
à travers le niveau d’enclavement à l’échelle locale mais aussi à une échelle médiane, par le biais de l’acces-
sibilité aux grandes voies de communication (3) ; la relation entre la fonction de services – considérée dans sa
globalité – et la structuration du territoire, à deux échelles complémentaires : celles des villes disposant d’un
réel pouvoir de rayonnement, celles des agglomérations rurales jouant un rôle de structuration à une échelle
de plus grande proximité ; et enfin (4) le problème de la place de l’articulation entre les divers équipements et
services publics (route/école, route/AEP/Santé et hygiène...) en vue d’une intégration spatiale plus satis-
faisante ;

Du point du fonctionnement institutionnel, ce dernier par rapport aux normes nationales sectorielles se
décline différemment suivant les territoires. Il présente selon chaque secteur, une chaîne d’acteurs et un
système de décision dans laquelle interviennent différemment les divers niveaux territoriaux (régional, pro-

12
vincial, communal et local), sans qu’il y ait nécessairement d’articulation entre les dispositifs déployés par
chacun de ces secteurs. Il s’agit donc d’identifier ces différents dispositifs territoriaux.
En effet, les mutations en cours des modes de gestion des services publics de base traduisent la
recherche de nouveaux équilibres entre efficacité économique, équité sociale et préservation environne-
mentale dans la perspective d’un développement plus durable, selon les recommandations du dernier Som-
met de la Terre à Johannesburg (septembre 2003), auxquelles a souscrit le Maroc.
La montée des besoins liée à la croissance démographique, donc du nombre de bénéficiaires mais aussi
au souci d’améliorer les conditions de vie, dans une approche plus qualitative explique le dilemme auquel se
trouve confrontée la puissance publique qui doit conjointement demeurer la garante de cette mission de ser-
vice public tout en évitant d’alourdir les prélèvements fiscaux. Or, les budgets publics ne peuvent prendre en
charge toutes ces dépenses nouvelles, tant en termes de renouvellement mais plus encore d’extensions des
infrastructures. D’où le déploiement à l’échelle nationale de stratégies inscrites différemment dans l’espace
et mobilisant diverses chaînes d’acteurs en vue de la mise à niveau soit par la réforme de l’existant, soit par
le développement de la délégation de la gestion du service au secteur privé.
L’entrée des grandes firmes, internationales et multisecteurs dans les grandes villes marocaines pose des
questions nouvelles, à la fois pour la régulation des réseaux, en termes de gouvernance urbaine mais surtout
– dans notre approche – du point de vue des équilibres territoriaux au sein du pays, notamment entre milieu
urbain et milieu rural, entre littoral et intérieur et entre plaine et montagne.

3. Tableau de la situation de départ : le legs colonial

Sans entrer dans le détail d’une description, il semble important de dresser rapidement un tableau du
Maroc au début du XXe siècle afin de mieux saisir la complexité des changements induits par l’instauration du
Protectorat, ainsi que les nouveaux enjeux qui en découlent avec l’occupation du pays par l’administration
coloniale. Quels bouleversements pour la population marocaine introduisent les règles de mise en valeur de
son territoire et de son équipement telles qu’elles furent définies par la Résidence ? En quoi « les Marocains
ont-ils profité des bienfaits de l’hygiène et de l’instruction... mais toujours en tant que bénéficiaires acciden-
tels ? » (p. 297) selon la formule de A. Ayache dans le Bilan de la colonisation qu’il dresse en 1956.

3.1. L’enjeu pour l’État au début du siècle : contrôler le territoire

Évaluée à environ 5 millions d’habitants, la population marocaine au début du siècle réside essentiellement
en milieu rural. La grande majorité vit dans des espaces marqués par le nomadisme et la transhumance, dont
les logiques de fonctionnement s’inscrivent dans l’organisation tribale, y compris sur les plaines atlantiques.
Dans le Maroc oriental, les zones désertiques, le Moyen Atlas et les plateaux qui s’étagent jusqu’au littoral
atlantique (Pays Zaer, Zemmour ou Zaians...), la tente demeure alors le mode d’habitat le plus observé.
Les villes, qui sont à cette époque moins d’une trentaine, regroupent un peu moins de 500 000 habitants,
présentent une image polysémique.
Pour leurs habitants, elles constituent l’expression d’une citadinité, fondamentalement empreinte de reli-
gieux ; elles forment par essence l’espace de la civilité et le lieu du sacré.
Les campagnes profondément marquées par l’organisation tribale constituent une mosaïque de commu-
nautés, dont les relations constituent un écheveau enchevêtré et reposent fondamentalement sur les liens

13
d’hommes à hommes. Quant à la vie dans les cités, elle est réglée par l’observance de la loi coranique, dont
les juristes ont dégagé une interprétation du pouvoir, incarné par le souverain tout puissant. Celui-ci nomme
ses représentants qui exercent par délégation son autorité dans les villes.

Il est donc délicat d’appliquer les concepts de « service de base », « bien public », « intérêt général », dans
un tel contexte. Face à la prégnance qu’exerce le local – les tribus davantage que les villes – l’objectif premier
en effet du pouvoir central est d’abord de contrôler le territoire et ses habitants, au moment où le contexte
international se dégrade par de la pression croissante des puissances coloniales européennes et qui se tra-
duit par un grignotage constant des marges.

Les liaisons entre les différents points du territoire sont donc rendues difficiles par cette insécurité per-
manente, mais aussi en raison de l’absence de voies carrossables. Les quelques charrettes en circulation au
début du siècle ont été introduites par les Européens et sont destinées à leur seul usage.
Sur les pistes, nombreuses et enchevêtrées et qui peuvent se transformer en fondrières avec les pluies,
circulent par conséquent à travers le pays mules, ânes ou chameaux, chargés de marchandises tandis que
les voyageurs se déplacent le plus souvent à pied, plus rarement en chaise à porteur ou sur une monture.
Les ponts pour franchir les cours d’eau sont rares. On en dénombre une vingtaine, dont on attribue l’ori-
gine à l’occupation portugaise, très circonscrite dans le temps et dans l’espace. Le passage des cours d’eau
se fait généralement à gué. Des barcassiers organisés en corporation peuvent en faciliter l’entreprise,
comme entre Rabat et Salé pour franchir l’oued Bou Regreg.
Du point de vue de l’eau potable et de l’éclairage, mais aussi de l’éducation et de la santé, la situation
est alors extrêmement contrastée entre le monde des campagnes et les cités et l’on ne peut pas à propre-
ment parler de services de base.
Dans un système agropastoral lié à la survivance de la société tribale, l’eau tenait une place particulière,
contribuant à établir la distinction entre zone irriguée et zone bour.
Mais la desserte en eau potable à la campagne ne donnait pas lieu à des dispositifs particuliers. Les habi-
tants établissent le plus souvent leur campement à proximité d’une source ou d’un puits auprès desquels ils
peuvent s’approvisionner. L’eau, si elle doit être stockée, l’est dans des jarres en terre, les khabias. Son
accès est gratuit. Le puits est souvent constitué en bien habous afin d’assurer le droit de la soif.
Les habitants ne disposent pas d’éclairage artificiel ; toute activité cesse avec la tombée de la nuit et
reprend le lendemain, avec la levée du soleil.
Les médinas, aux remparts percés de portes dont l’ouverture est rythmée par les cinq prières quotidiennes
s’organisent géographiquement autour de la Grande Mosquée, à laquelle on accède par un dédale de ruelles
étroites. La distribution de l’eau est le plus souvent assurée par fontaine publique auprès de laquelle s’appro-
visionnent directement les habitants. La corvée d’eau est dévolue aux femmes. Cette tache est assurée
aussi par la corporation des porteurs d’eau, originaires le plus souvent des régions du Sud, en particulier de la
vallée du Draa. E. Aubin signale l’importance et le grand nombre des fontaines à Marrakech, ainsi qu’à Fès.
Dans d’autres villes, comme Taza, Safi ou Salé, les maisons disposent de citernes qui permettent de
recueillir l’eau de pluie collectée sur les terrasses. Placées dans le soubassement de la maison, elles sont
désignées sous le terme de « mtifia »
Ces fontaines, dont l’emplacement est souvent décoré de zelliges, sont les points de résurgence de
réseaux souterrains, alimentés par gravité en général à partir du point le plus haut de la ville. Anciennes,
remontant à la période médiévale, ces installations s’observent dans les cités hadariyya. Elles sont ali-
mentées par les sources, situées dans un périmètre relativement proches, moins d’une quinzaine de kilo-
mètres.

14
L’eau est mise gratuitement à la disposition des habitants par les habous qui assurent l’entretien de
l’ensemble du dispositif. La fontaine tout comme le bain maure, le four ou le msid est l’élément structurant
du quartier, alvéole constitutif de la ville.
Les fondations pieuses sont donc toujours créées dans un but déterminé : l’enlèvement des ordures
ménagères, la mobilisation de l’eau potable et sa distribution par fontaine, l’éclairage, les fours, l’entretien
des hammams ou l’organisation de l’enseignement.
La rémunération des services d’édilité dépendant étroitement des habous, la principale autorité de la cité
revient autant alors au gouverneur, représentant direct du Makhzen qu’aux fonctionnaires religieux, les qadis
ou le nadhir (curateur).
Enfin, l’enseignement est assuré dans les msids, petites écoles de quartier. Il repose sur la transmission
des premiers savoirs coraniques dans une pédagogie fondée sur la mémorisation et la récitation. Le local et
le matériel sont entretenus par les habous, mais le maître, le fqih, est choisi par les gens du quartier et rétri-
bué par les élèves. Les garçons fréquentent ainsi le msid jusqu’à l’apprentissage complet du Coran puis
rejoignent la médersa rattachée aux grandes mosquées des cités hadariyya pour approfondir leurs connais-
sances et éventuellement rejoindre l’enseignement supérieur. D. Rivet 1 estime que dans le Maroc de la fin
du XIXe siècle, un enfant sur six en âge d’être scolarisé fréquente vraisemblablement le msid. Ils sont donc
120 000 à 150 000 à apprendre les rudiments du savoir coranique et sont pour l’écrasante majorité des gar-
çons. Il existe bien des écoles destinées aux jeunes filles. Peu nombreuses – pas plus d’une quinzaine à Fès
– ce sont en fait des cours particuliers, destinés aux jeunes filles de la bonne société et tenus par des
femmes instruites La présence des enfants est souvent irrégulière et elles quittent l’institution dès l’âge de
13, 14 ans, à la veille de se marier. Quant à la Karaouiyine, elle n’accueille que 500 à 700 tolba à l’aube du
e
XX siècle.
Ainsi au début du siècle, pour reprendre les propos de Mohamed Naciri 2, « le makhzen non seulement se
trouvait dans un territoire réputé pour la rudesse de ses contraintes physiques, l’immensité de ses espaces
et leur difficulté d’accès, mais encore il était confronté à une mosaïque de spécificités humaines et cultu-
relles qu’il devait gérer avec circonspection...ces contraintes n’ont jamais permis au XIXe siècle, la mise en
place d’infrastructures durables donnant à l’État la possibilité d’exercer pleinement son autorité pour déve-
lopper les ressources du territoire... ».

3.2. L’enjeu pour le Protectorat : équiper le pays pour servir les intérêts
de la puissance mandataire

La présence coloniale en un peu moins d’un demi-siècle (1912-1956) a introduit une rupture dans la per-
ception du territoire.
Fondamentalement, les modes de colonisation puisaient leur raison d’être dans la double dualité qui les
sous-tend : celle du « Maroc utile/ Maroc inutile » sur laquelle s’est peu à peu greffée une lecture ethnique
de la population, qui visait à opposer Arabes et Berbères.
Le territoire 3 du « Maroc utile », tel que le définit Lyautey, se fixe sur le triangle de bonnes terres, comme
le Saïs de Meknès et de Fès, de corridors stratégiques à l’instar du Tadla et du Haouz de Marrakech.

1. D. Rivet, Le Maroc de Lyautey à Mohammed V, 1999.


2. Md Naciri, « Territoire : contrôler ou développer, le dilemme du pouvoir depuis un siècle », in Monde Arabe Maghreb-Machrek, no 164, avril-
juin 1999.
3. D. Rivet, Le Maroc de Lyautey à Mohamed V, le double visage du Protectorat, Éditions Denoël, 1999.

15
Cette vision dualiste, portée par le système colonial, a pesé lourdement sur la définition des différentes
composantes du territoire et de la société, abordés non pas comme un tout mais comme des ensembles jux-
taposés, appelés à ne jamais fusionner. Le maillage du territoire en matière de services de base demeure
donc partiel et contribue à la marginalisation accrue de la population marocaine. Ainsi faut-il sans doute
entendre les vocables d’« Européen » ou d’« Indigène » qui, pour les tenants de la colonisation, renvoie pour
l’un à la « modernisation », « l’avant-garde technique », tandis que l’autre devait assurer le maintien de la
« tradition » et des « savoir-faire » ancestraux. Il s’agissait donc pour le Protectorat « d’instrumentaliser le
système tribal, en vue de laisser les structures en l’état, sans transformer en profondeur les territoires mon-
tagnards, ni agir fondamentalement sur l’évolution de leurs sociétés, car ce Maroc central devait constituer
par sa configuration l’espace de sa légitimité politique et un bastion de défense contre des villes en pleine
transformation ».
Le choix de faire de la façade atlantique et ses prolongements l’axe de concentration des activités
modernes et d’attraction des hommes fut déterminant puisqu’il entraîna le développement d’infrastructures
d’équipements et de services, à partir de la côte vers l’intérieur. Les nécessités militaires comme les impéra-
tifs économiques imposèrent un équipement gradué de l’espace, contribuant par là même à la limitation des
effets d’une modernisation destinée en tout premier lieu à la colonie européenne.
Dans le même temps, le Protectorat cherche à protéger les intérêts économiques de la métropole et à
limiter les effets de l’Acte d’Algésiras. À défaut de pouvoir instaurer en droit l’hégémonie économique de la
France sur le Maroc, la Résidence, au moyen de coups de pouce, l’exerce de fait.

En matière urbanistique, Lyautey et son équipe rapprochée à la tête de laquelle se trouve H. Prost élabore
un projet articulé sur trois idées forces :
– séparer complètement villes indigènes et européennes,
– protéger et restaurer les médinas,
– et expérimenter des villes nouvelles d’avant-garde.

Ces orientations furent lourdes de conséquences pour les évolutions à venir de l’espace urbain au Maroc.
Les métamorphoses de la ville marocaine furent spectaculaires mais en décalage total par rapport au projet
initialement formulé. En effet, le souci de sauvegarder le patrimoine précolonial et celui d’introduire simulta-
nément de nouvelles conceptions urbanistiques et architecturales ne résisteront pas aux conséquences des
ruptures d’équilibre qui affectent le milieu rural de l’intérieur ni à la pression de la spéculation.
Le rapport établi par R. Hoffherr et Roger Moris 1 permet de faire le point sur les conditions de logement de
la population marocaine. Ainsi en 1931, le pays comptait encore 210 000 tentes, 250 000 noualas pour seule-
ment 400 000 maisons. La pratique du nomadisme et de la transhumance permet de comprendre la pré-
sence de ce type d’habitat. Dans le même temps, les auteurs soulignent le fait que la tente persiste en dépit
de la sédentarisation, car elle assure un confort relatif, par rapport aux autres formes d’habitat. La précarité
des conditions de vie, les effets du contrôle des campagnes mais aussi la perspective d’un autre avenir vont
contribuer à l’afflux de populations rurales vers la côte atlantique. Pourtant la Résidence cherche à maîtriser
ces flux humains générés à la fois par la fin de la siba et la révolution des transports. D. Rivet montre qu’« on
ne peut pas sortir de sa tribu quand on est un fellah, ni accéder en zone classée “berbère” quand on est mar-
chand ou un chérif citadin, sans être muni d’un permis de circuler délivré par les autorités de contrôle ».
Cette pratique restrictive et humiliante tombe néanmoins peu à peu en désuétude, sans être jamais abrogée.
Les villes atlantiques doivent ainsi accueillir près d’un million de personnes en moins d’une génération,
alors que les campagnes intérieures enregistrent trop peu de transformations dans le genre de vie.

1. R. Hoffherr et R. Moris, Revenus et niveaux de vie indigènes au Maroc, Société d’études économiques et statistiques du Maroc, 1934.

16
Or, ces arrivées notamment à Casablanca, à Rabat mais aussi à Tanger révèlent l’ampleur de la question
des infrastructures de base. La hausse brutale des prix des loyers contribue à l’émergence d’agglomérations
précaires, établies à la périphérie des villes. Les premiers bidonvilles remplacent les douars de tentes et
noualas, tandis que dans le même temps les médinas se surdensifient et se paupérisent. Les éléments de
confort restent sommaires : alors que l’usage de l’électricité prend le relais de la lampe à pétrole dans les
quartiers européens, la bougie de paraffine devient à la campagne comme à la ville le moyen le plus courant
pour s’éclairer pour la population marocaine.
En matière d’eau potable, les fontaines en médina sont rénovées et de nouveaux points d’eau collectifs
sont ouverts dans les quartiers périphériques. À la campagne, l’approvisionnement se fait toujours auprès
des sources, des puits ou des oueds.

3.3. État des lieux à la veille de l’Indépendance

3.3.1. Contexte : une croissance démographique non maîtrisée


Le recensement de 1951-1952, qui pour la première fois utilise le dénombrement par foyers, dénombre
une population totale de 9 007 617 habitants (zone espagnole comprise), à laquelle il faut ajouter les
15 000 habitants de la ville de Tanger. La communauté européenne représentait 447 500 personnes, soit
moins de 5 % du total. Ces chiffres appellent trois remarques :
– La population marocaine a connu une croissance sans précédent en doublant presque ses effectifs en
moins d’un demi-siècle. L’accroissement est dû alors à une très forte natalité, tant à la campagne qu’à la
ville.
Cette population demeure profondément rurale (76 %) et agricole, en dépit du fait qu’entre 1936 et
1952, un tiers de l’accroissement démographique des campagnes a alimenté les flux de départ vers la
ville. Ces changements ont contribué à bouleverser les genres de vie. Durant la même période, l’habitat
en dur est passé de 51 à 60 % du total des habitations. Le processus de sédentarisation a donc pro-
gressé, mais 40 % de la population continue de vivre sous la tente et dans des nouallas.
– En revanche, la population européenne se concentre dans sa très grande majorité en ville, et plus parti-
culièrement dans les deux agglomérations de Rabat et de Casablanca. Les Européens s’emploient sur-
tout dans l’industrie, les services publics et le commerce.
Ce confinement européen sur le Maroc côtier a donc participé à la rupture d’évolution entre intérieur et
façade atlantique. Dans le même temps, la croissance des villes, sous le double effet de la natalité et de
la migration interne, s’est accompagnée de ruptures dans les équilibres sociaux et économiques par le
développement d’un prolétariat, relégué et entassé dans les médinas saturées et dans les bidonvilles
situés à la périphérie des agglomérations, depuis la fin des années 30.

Dans ce contexte démographique, la priorité a été donnée par les autorités coloniales à l’entrée du Maroc
et aux voies d’accès pénétrant l’intérieur depuis la côte atlantique. Il s’agit donc pour les autorités coloniales
de se donner les moyens de permettre la circulation des hommes, des marchandises, de la pensée et de
l’argent. Dans le même temps, il faut assurer les besoins fondamentaux que sont le logement, l’eau potable
et l’éclairage d’une population en pleine croissance. À cela il faut ajouter la santé et l’éducation. L’émigration
vers l’étranger ne concerne alors qu’un tout petit nombre de Marocains (moins de 100 000 installés en
France), originaires essentiellement des régions d’Agadir et de Safi.
Cependant, les effets de cette politique « d’équipement » sont inégaux selon les espaces et les popula-
tions, en raison de l’équivoque qu’introduit la modernisation. En effet, la politique de grands travaux que

17
lance la Résidence ne se limite pas à désenclaver le pays, elle vise bien plus à démontrer la capacité de la
puissance coloniale à exercer sa tutelle sur l’Empire chérifien en la dotant des emblèmes les plus voyants de
la modernisation, que d’assurer le « développement » de l’ensemble du territoire et des populations qui y
résident.

3.3.2. Le réseau routier


Dès 1912, Lyautey confie au Génie Militaire rapidement relayé par l’Administration des Travaux Publics, la
réalisation d’un premier programme routier qui portait sur la construction de 1400 kilomètres. Il prévoyait la
construction d’une route, sensiblement parallèle à la côte qui devait relier les différents ports de l’Atlantique
et desservir en même temps les régions riches du littoral, en particulier les plaines fertiles de la Chaouia et
des Doukkala. Deux autres routes devaient partir de Kénitra (Port Lyautey). L’une vers le Nord, sur Souk Al
Arba avec un prolongement prévu sur Tanger et l’une vers Meknès puis Fès. Enfin trois routes devaient relier
Marrakech, aux ports de Casablanca, Mazagan et Mogador (Essaouira).
Cinq ans plus tard, 2600 km avaient été réalisés, donc beaucoup plus que ce qui était initialement prévu. À
partir de là fut développée l’armature intérieure, en particulier l’axe Fès-Marrakech. La jonction de Fès à
Oujda se poursuivit au fur et à mesure de la « pacification », de la même façon que la construction des gran-
des traversées des Moyen et Haut Atlas.
Parallèlement aux projets conduits par les Travaux Publics, la Direction de l’Agriculture développa un cane-
vas de chemins d’exploitations, appelés « chemins de colonisation ». Ils devaient permettre la liaison entre
les exploitations agricoles coloniales.
Dans les régions sous contrôle des Officiers des Affaires Indigènes, fut lancée la construction de pistes
praticables par les automobiles. Elles étaient le plus sûr moyen d’assurer la maîtrise de leur commandement.
En 1954, sur les 47 000 kilomètres prévus, 26 % étaient classés « routes d’État », articulées entre routes
principales et routes secondaires. Le réseau tertiaire, soit 74 % du linéaire, avait été tardivement 1 défini. Il
regroupait les pistes de commandement et les chemins de colonisation. Doté d’actes de classement et d’un
statut budgétaire dans les compétences des services des Travaux Publics, le réseau tertiaire était placé sous
le contrôle des autorités régionales.
Au total, le pays fut doté d’un réseau routier de 11 435 kilomètres de chaussées construites et revêtues
contre plus de 30 000 kilomètres de pistes, soit 88 % du total programmé.
La question de l’extension du réseau est donc bien fondamentalement financière, au moment où l’enjeu
n’est plus seulement pour les autorités du Protectorat de satisfaire en premier lieu les besoins des milieux
coloniaux et d’équiper le seul « Maroc utile », mais bien d’assurer un équipement plus en profondeur du pays
en vue de se donner les moyens de pérenniser leur présence.
Dans sa répartition spatiale, on peut mesurer combien l’organisation et le déploiement du réseau routier
ont été conditionnés par l’approche même du territoire. Construit à partir de l’axe atlantique, il rayonne vers
l’intérieur du pays et maille l’essentiel du Maroc considéré comme « utile » pour la puissance coloniale, c’est-
à-dire celui situé en deçà de l’Atlas. Au-delà, il s’agit d’assurer les liaisons propres à garantir le contrôle du ter-
ritoire et des populations par les autorités militaires, officiers des Bureaux Indigènes.
Ce changement rapide dans le temps a eu des effets sociaux et économiques. Il a provoqué la mise en
concurrence entre types de transporteurs : les animaux de bâts (chameaux et mules) sont délaissés au profit
de la charrette « mazella 2 », puis du camion et du train. Dans le même temps, le réseau de pistes de plus en

1. Le dahir viziriel date de 1947.


2. La charrette « mazella » est tirée par cinq à six mules et fait son apparition dans les années 10.

18
plus dense permet de désenclaver les campagnes, en connectant les souks aux routes secondaires et ter-
tiaires, provoquant par là même des ruptures dans le mode de vie ancestral, fondamentalement articulé sur
un autre rapport espace-temps, mais aussi leur ambivalence, dans la mesure où les Marocains sont les spec-
tateurs et non les acteurs de bouleversements dont ils bénéficient indirectement et le plus souvent sous ses
formes les plus rudimentaires. La route a donc contribué en quelques années à une véritable révolution des
transports.

3.3.3. La desserte en eau potable et en électricité


La distribution d’eau potable
En raison du coût que représentent les infrastructures d’adduction, les autorités coloniales préfèrent dans
un premier temps privilégier la mobilisation des ressources locales. Les sources les plus abondantes et les
plus voisines sont ainsi aménagées. L’exploitation des eaux mobilisées est confiée dans le cadre d’une
concession, à la Société Marocaine des Eaux, de Gaz et d’Électricité (SMD), fondée par la Banque Paribas, le
groupe Schneider et la Lyonnaise des Eaux, qui obtient le monopole de la distribution dans les centres
urbains.
Les réseaux étaient déconnectés les uns des autres, compte tenu de leur rayonnement hydraulique qui
demeurait encore essentiellement local, même s’il avait tendance à s’élargir avec la mobilisation de sources
plus lointaines.
Néanmoins, sur la côte atlantique, la mise en service de l’adduction du Fouarat introduit un changement
d’échelle dans l’approche de la question de l’hydraulique urbaine, puisqu’elle introduit le principe du transfert
interrégional. Elle participe en particulier à la survalorisation de l’axe atlantique, puisque la relation entre
l’amont et l’aval demeure fondamentalement déséquilibrée, confinant l’amont dans le seul rôle de pour-
voyeur de la ressource.
Cette mobilisation a un coût, pris en charge pour partie seulement par les usagers en raison des sub-
ventions accordées par le Protectorat. L’importance et la longueur des principales adductions, l’extension
des réseaux de distribution, conditionnés par les plans d’urbanisme, l’insuffisance des ressources hydrau-
liques au voisinage immédiat des centres, la mécanisation et la garantie de la qualité sanitaire de l’eau distri-
buée sont autant d’éléments qui contribuent au prix relativement élevé de l’eau mise à la disposition des
habitants.
Cependant, les inégalités subsistent au sein des espaces urbains. Les abonnements individuels
concernent essentiellement les quartiers européens, tandis que les points d’eau collectifs continuent d’ali-
menter les vieilles médinas et les quartiers destinés à la population marocaine. Leur surdensification de la
vieille ville intra-muros et le développement des bidonvilles rendent dérisoires les installations prévues.
La fontaine publique commence alors à perdre le sens dont elle était porteuse. Elle cesse peu à peu d’être
le vecteur d’une citadinité, intimement liée au religieux. Inscrite dans une approche hygiéniste et sécularisée,
elle est limitée à sa seule dimension fonctionnelle. Elle se réduit à une « borne », une « rampe » et perd les
attributs esthétiques, juridiques et spirituels qui en faisaient dans la médina précoloniale, un « sabil ».

La desserte en électricité
Dans les premières années du Protectorat, les installations furent rudimentaires, se limitant à des moteurs
à gaz pauvre, utilisant du charbon de bois et entraînant des dynamos. Devant l’accroissement rapide des
besoins des principales villes, des concessions relatives à la production et à la distribution furent accordées
par l’État à Fès en 1914, Rabat et Casablanca en 1915 et 1916 puis dans les années qui suivirent à Safi, Mar-
rakech, El Jadida, Meknès.

19
Ces concessions accordées à la SMD qui avait aussi la production et la distribution de l’eau potable, per-
mirent de renforcer les moyens de production d’électricité et de les moderniser. Les premières petites
usines hydro-électriques ou thermiques ainsi que les premiers réseaux locaux de distribution virent le jour.
Cependant, à cette époque il n’était pas encore envisagé de relier les différents centres urbains au moyen
d’un réseau de haute tension alimenté par de grosses unités de production utilisant les ressources hydrau-
liques du pays.
Néanmoins, le développement du chemin de fer et son électrification mais aussi l’alimentation de l’exploi-
tation des phosphates de Khouribga conduit l’État, après la première guerre mondiale, a reconsidéré ce pro-
jet.
Les autorités décidèrent, contrairement à ce qui avait cours à la même époque en France de confier à un
organisme unique le soin de construire et d’exploiter les installations de production, mais aussi d’assurer le
transport de l’électricité mise à disposition. Le syndicat fut alors transformé et devint une société de produc-
tion, de transport et de distribution d’énergie électrique, avec laquelle l’État signa en 1923 et 1924 une
convention de concession : la compagnie Énergie Électrique du Maroc (EEM) était née.
Une première usine génératrice thermique fut construite à Casablanca, principal centre de consommation
et point d’arrivée du charbon. En marge de la construction de cette usine, l’EEM installa les premières lignes
sur l’axe Rabat-Casablanca, puis Casablanca-Khouribga.
Parallèlement, elle poursuit son projet d’interconnexion des usines génératrices existantes. La société
étendit son réseau jusqu’à Marrakech vers le sud, et vers Kénitra, Meknès et Fès plus au nord. Dans les
centres ainsi desservis, l’EEM assura la totalité de la production d’énergie qui était ensuite distribuée par les
anciens concessionnaires devenus clients de la société.
À partir de 1928, soit 5 ans après sa création, l’EEM commença la construction des grands barrages de
retenue permettant l’installation d’usines hydrauliques. La première unité fut celle de Sidi Mâachou sur
l’oued Oum Er-Rbia mise en service en 1929. Puis successivement furent réalisés le barrage de Fès amont
en 1931, celui de Fès aval en 1934, d’Al Kansera sur l’oued Beht en 1935, celui de Kasbah Zidania sur l’Oum
Er-Rbia en 1937 et le barrage Lalla Takerkoust sur l’oued N’fis en 1938. Les principaux fleuves de la côte
atlantique et leurs affluents furent donc équipés.
Dans le même temps, l’EEM étendait son réseau haute tension et desservait de nouvelles villes, de nou-
velles exploitations industrielles et agricoles. Le Maroc oriental et le Souss étaient desservis respectivement
par les usines diesel d’Oujda et d’Agadir.
De nouvelles lignes alimentèrent la fourniture d’énergie aux villes de Safi, El Jadida, Azemmour sur l’axe
atlantique, mais aussi aux centres de Sidi Kacem, Oued-Zem, Boujad, Beni-Mellal, aux exploitations minières
d’Azgour, de Louis Gentil, des Ait Amar. Elles permettaient aussi l’électrification de nouveaux tronçons du
réseau ferroviaire : Rabat-Fès, Sidi el Aïdi-Marrakech, enfin elles amenaient l’énergie électrique jusqu’aux
régions agricoles des Zenata-Fedala, des Targa du Gharb, des Beni-M’tir, des Triffa...
La seconde guerre mondiale devait considérablement retarder la réalisation de ce programme. Finalement,
le barrage Imfoute sur l’Oum er-Rbia est mis en service en 1947 et celui de Daourat situé en aval (1949) per-
mettent l’aménagement du vaste périmètre d’irrigation 1 dans la plaine de l’aval.
À cela s’ajoute le complexe Bin el Ouidane-Afourer sur l’oued Abid mis en service respectivement en 1954
et 1955. Il assure l’irrigation des Beni-Moussa.
L’ensemble du dispositif conçu par le Protectorat a été organisé de façon à donner la première place à la
production hydro-électrique ; les centrales thermiques jouant le rôle d’installations d’appoint, notamment en

1. L’électrification du milieu rural est envisagée pour la première fois avec la promulgation du dahir du 19 février 1949. Elle constituait un fac-
teur de production déterminant avec le développement des premiers périmètres irrigués. Les travaux sont confiés à l’EEM.

20
période de sécheresse. Leur contribution peut alors représenter près de 50 % de la production totale. La pro-
duction d’énergie électrique a ainsi connu une progression sans précédent, passant de 14 millions de KWH
en 1925 à 850 millions de KWH en 1954. À cette date, l’énergie hydraulique représentait 640 millions de
KWH, soit 75 % du total.
Cette énergie était destinée à l’éclairage des villes, à l’alimentation des mines dont l’exploitation avait été
décidée en 1920, à l’électrification du chemin de fer. Dans le même temps, elle permettait d’équiper les péri-
mètres irrigués tout en corrigeant les variations pluviométriques grâce à la construction des grands barrages.
Cependant, tout comme dans le cas du transport ou de l’eau potable, l’accès aux nouveaux équipements est
inégal.
Les plus gros consommateurs d’électricité sont : l’industrie (45 %), les mines (17 %), le chemin de fer
(11 %). Les grandes exploitations rurales n’absorbent que 4 % du total.
L’éclairage, essentiellement urbain 1 représente 23 % du total consommé. Mais si les quartiers européens
sont tous dotés de la « fée électricité », plus de la moitié des Marocains en ville et la totalité à la campagne
se servent de bougies, de pétrole ou d’acétylène. Tout comme pour l’accès à l’eau potable, l’électricité
impose des conditions d’habitat et une capacité financière pour faire face aux coûts qu’engendre cette
consommation nouvelle.

3.3.4. Les services sociaux collectifs

L’école
Les premières tentatives pour introduire l’école à la manière européenne sont timides et ne bouleversent
pas fondamentalement le dispositif ancestral, articulé autour des msids, des medersas et de la Karaouiyine.
Surtout, elles sont sans effet immédiat sur la société.
Un peu moins de 3000 écoliers fréquentent ainsi les écoles franco-arabes. Ils sont pour la plus part enfants
de notables ralliés à la France ou de mokhaznis.
Jusqu’en 1920, le Protectorat va tâtonner à la recherche de la formule qui lui semblait la plus adéquate.
Introduire l’enseignement moderne ne vise nullement pour lui l’émancipation des esprits, la progression
sociale grâce au mérite ou l’amélioration de la condition de la femme. L’école ne doit donc pas bouleverser la
hiérarchie de la société marocaine par une évolution trop brusquée, dont il pressent qu’il aurait quelques diffi-
cultés à en circonscrire les effets.
Ces principes vont donc présider à l’organisation du réseau scolaire primaire du Protectorat, placé en 1920
sous l’autorité des services de l’Instruction Publique. En ville, la distinction est établie entre « école de
notables », payantes avec un enseignement franco-arabe équilibré et les « écoles de quartiers » qui préfi-
gurent l’apprentissage, par un enseignement centré sur le pratique.
À la campagne, l’approche est différenciée selon les espaces : dans les plaines atlantiques, l’accent est
mis uniquement sur la formation manuelle nécessaire aux tâches agricoles, dans les régions sous l’autorité
militaire, le système D est de rigueur ; quant aux régions berbères, l’enseignement coranique et celui de
l’arabe sont proscrits, notamment au Collège d’Azrou, crée en 1927. Dans le même temps, Lyautey – puis
ses successeurs – aspire à la formation d’une élite qui pourrait servir d’intermédiaire entre le Makhzen et la
Résidence. C’est dans ce contexte que sont fondés les deux collèges musulmans de Moulay Idriss de Fès et
de Moulay Youssef à Rabat en 1916. Néanmoins, l’équivalence entre le diplôme de fin d’études dans les col-
lèges et le baccalauréat, qui pourrait ouvrir la porte à des études supérieures en France, est catégoriquement

1. Nous ne disposons pas de données précises sur le nombre d’abonnements et leur ventilation par centre urbain.

21
rejetée par Paris. Ce projet scolaire suscite de nombreuses réserves de la part des Marocains car la différen-
ciation sociale qu’il introduit et la finalité qu’il assigne à l’école ne correspond ni à la manière dont se perçoit
la société marocaine, ni à son approche de l’école européenne.
En 1938, le Protectorat ne scolarise que 22 000 enfants musulmans, alors qu’on recense dans le même
temps, 18 503 Juifs dans les établissements de l’Alliance Israélite Universelle et 34 000 enfants inscrits dans
le circuit européen.
Pourtant l’attitude des Marocains vis-à-vis de l’école coloniale se modifie peu à peu, en raison de l’évolu-
tion du contexte général à partir de la seconde guerre mondiale. Les effectifs augmentent rapidement :
35 000 écoliers en 1945, 109 723 en 1950, 163 017 en 1952 et finalement 206 000 en 1955.
En 1952 sur 163 017 élèves, 97.5 % suivaient les cours de l’enseignement primaire et professionnel ;
2.2 % ceux du second degré contre 12 % dans l’enseignement européen et 4.9 % dans l’enseignement
israélite ; enfin 0.3 % étaient dans l’enseignement supérieur. En 1953, on comptait 124 bacheliers musul-
mans pour 190 000 élèves, 122 israélites pour 35 000 élèves et 1142 européens pour 68 000 élèves, soit
respectivement : 7, 35, 168 pou 10 000. Enfin, le budget de l’État dépensait environ deux fois plus pour un
élève européen que pour un élève marocain (A. Ayache, op. cité, 1956).

La santé
Au XIXe siècle, le Maroc était périodiquement la proie d’épidémies que l’absence d’hygiène et d’équipe-
ments sanitaires rendait particulièrement dévastatrices : en 1818, la peste, en 1877 et en 1865-1896 le cho-
léra, en 1884 la typhoïde... La syphilis régnait à l’état endémique et l’on considérait que 75 % de la population
en était atteinte en 1920, sans compter la variole, la lèpre et les maladies oculaires (glaucome, trachome).
Les médecins du Protectorat ne vont pas attaquer de front le socle des pratiques thérapeutiques en cours
à leur arrivée. Leur objectif est bien plus de préserver les Européens des grands fléaux endémo – épidémiolo-
giques menaçant le pays. Il s’agit de garantir aux colons la santé tout en assurant la couverture médicale du
« Maroc utile » et son approvisionnement en main-d’œuvre utile. L’appareil médical est donc construit en
conséquence avec un slogan : « neutraliser tous les porteurs de germe ». Le pays est découpé en un réseau
hiérarchisé d’organismes de surveillance (bureaux sanitaires de région, bureaux municipaux d’hygiène) et est
doté d’une armature en forme de pyramide d’hôpitaux et dispensaires spécialisés en ville, d’infirmeries dans
les bourgades, de salles de soin dans les souk et dans les tribus et enfin loin des zones de colonisation, des
groupes sanitaires mobiles.
Le dispositif a donc moins pour objectif de soulager l’individu que de juguler le retour menaçant des grands
fléaux : typhus, peste et fièvre typhoïde. Après la seconde guerre mondiale, l’action sanitaire du Protectorat
change radicalement, lorsque le spectre des grands fléaux s’éloigne, conjuré par des vaccins plus efficients
et surtout le D.T.T. On passe alors à une approche plus sociale de la médecine. L’équipement hospitalier pro-
gresse sans que le budget de la santé publique ne connaisse de hausse spectaculaire (6.4 % en 1918, 7.9 %
en 1945 et 6.8 % en 1951). La capacité hospitalière passe de 2 100 lits en 1926 à 15 432 en 1955. le nombre
de consultations connaît une progression sans précédent. Infime au début du Protectorat, il atteint presque
20 millions en 1955. En revanche, la progression du personnel médical est très insuffisante au regard de
cette médicalisation. Moins de 200 dans les années 30, le nombre de médecins est de 531 1 en 1956, soit
0.59 médecin pour 10 000 habitants ou 16 949 habitants par médecin tandis que l’on dénombrait 1 600 infir-
miers, soit 1.7 infirmier pour 10 000 habitants ou 5625 habitants par infirmier.
Les structures hospitalières restent cependant très cloisonnées selon le critère confessionnel. Au souci de
tenir compte des habitudes de chacune des communautés va peu se substituer des pratiques ségrégation-

1. Ce chiffre regroupe les 351 médecins auxquels il faut rattacher la catégorie nouvelle des 180 médecins conventionnés.

22
nistes entre Européens et Marocains. Si les notables sont admis de manière cependant très restrictive dans
les structures hospitalières, les représentants de la bourgeoisie nationaliste n’admettront jamais cette procé-
dure d’exception tissée d’arrière-pensées. Dès 1945, la revendication d’une médecine unique, identique pour
tous, remonte jusqu’aux plus hautes instances du conseil de gouvernement. Mais le pouvoir colonial s’en
tiendra jusqu’au bout à la politique de la « porte entrebâillée », c’est-à-dire la formule de l’admission déroga-
toire au cas par cas.
Le Protectorat durant une période relativement courte a entrepris l’équipement du pays en infrastructures
de base. Cependant, le maillage territorial fut partiel, déterminé au profit des intérêts coloniaux, surimposant
au dualisme « bled maghzen/bled siba », celui « Maroc utile/ Maroc des déserts et des montagnes ».
Le retournement de l’espace au profit de l’axe atlantique a contribué à son déséquilibre et à la marginalisa-
tion des campagnes alors que les villes s’engageaient dans la voie de la modernisation.
Mais ces processus reposaient fondamentalement sur une lecture ségrégationniste des populations, qui
devient de plus en plus pesante à partir des années 30-40 et que contesta le mouvement nationaliste.

4. Analyse séctorielle et évolutive des principaux services de base


et caracterisation de la situation actuelle

La nouvelle page de l’histoire du Maroc, en matière de services de base qu’inaugure l’Indépendance se tra-
duit par la volonté de les rendre accessible à tous les Marocains. Le défi que représente un tel projet est
donc bien de disposer des moyens nécessaires au développement de l’ensemble du territoire, à partir d’un
maillage, certes ébauché voire avancé, mais qui reste fondamentalement partiel. Or « on ne pouvait imagi-
ner, un demi-siècle plus tôt des disparités plus tranchées entre plaines et montagnes....Passés les premiers
enthousiasmes de l’Indépendance, les populations rurales des zones enclavées et déshéritées prirent
conscience que le changement était lent et l’amélioration des conditions de leur vie quotidienne probléma-
tique... Elles avaient en outre, comme ultime exutoire, l’émigration vers les villes, ou mieux vers l’étran-
ger... » (Mohamed Naciri, op. cité, 1999).
Au moment où la population est appelée à connaître un accroissement sans précédent, mais de manière
différentielle selon les espaces, l’enjeu est bien de mesurer comment résorber les méfaits de la politique
coloniale.
Cinquante ans après l’accès à l’Indépendance, où en sommes-nous du point de vue des services de base ?

4.1. Les services et infrastructures de base

4.1.1. L’infrastructure routière


L’accès à l’Indépendance s’est traduite en matière de transport routier par le souci de remédier à deux
lacunes essentielles : 1. la précarité des relations entre le nord et le reste du pays, 2. l’insuffisance au niveau
de la desserte des provinces éloignées 1.

1. Ministère du Plan, Le Maroc nouveau, bilan et perspectives, mars 1991.

23
Pour remédier à cette situation, des investissements importants ont été réalisés. Ils ont permis de déve-
lopper de manière substantielle le réseau routier. La longueur de routes construites est ainsi passée de
21 367 km en 1960 à 57 227 km 1 en 2001.
Le réseau revêtu est passé de 15 932 à 32 085 km au cours de la même période. Cependant en proportion
sa part a diminué, passant de 74.6 % à 56 % sur cette même période. Ce réseau est composé essentielle-
ment de routes nationales, régionales et provinciales, auquel s’ajoutent plusieurs dizaines milliers de kilo-
mètres de routes communales, dont une grande partie est à l’état de piste.
À ce jour 643 km d’autoroutes sont en service. Il reste donc 866 km à réaliser en 6 ans, soit à priori une
moyenne de 144 km à réaliser annuellement si l’on veut pouvoir tenir la programmation.
Jusqu’à présent, les coûts unitaires de construction des autoroutes étaient relativement faibles en raison
de facteurs favorables, au nombre desquels on peut citer : tracés dans des zones peu accidentées, prêts
intéressants, vive concurrence entre les entreprises de travaux publics susceptibles d’être intéressées. Au
Maroc, le financement autoroutier a été concédé à une société : amont, au capital duquel le Trésor concourt
à hauteur de 77 %. Le concessionnaire a dépensé depuis sa création 4 milliards de dirhams. Mais les
recettes du péage ne suffisent pas à couvrir le service de la dette. Aussi le montant du ticket d’accès pourrait
être prochainement revu à hausse.
Ce réseau assure le déplacement de 90 % des personnes et de 75 % du trafic des marchandises hors
phosphates.
Malgré les efforts déployés pour l’extension et la maintenance du réseau routier, sa densité reste rela-
tivement modeste par comparaison à d’autres pays en développement. En effet, cette densité donne des
ratios de 80 pour 1000 km2 et de 2.1 km pour 1000 habitants.
Sur cet ensemble, les routes à chaussée large (supérieure ou égale à 6 mètres) représentent 40 % du total
ce qui relativement faible et a une incidence sur la vitesse moyenne des véhicules et les conditions de
confort. Enfin, 35 % du linéaire est en mauvais voire très mauvais état.
Les campagnes marocaines sont mal desservies, en raison du retard pris dans leur équipement. En
effet, elles ont bénéficié d’une faible part de l’action de l’État jusqu’au milieu des années quatre-vingt dix :
280 km de pistes ont été réalisées entre 1989 et 1994 contre 350 km entre 1983 et 1988.
L’étude portant sur les routes non revêtues en vue d’améliorer leur état, lancée en 1992 par la Direction
des Routes et de la Circulation Routière (DRCR) du Ministère de l’Équipement, en collaboration avec le Minis-
tère de l’Intérieur et celui de l’Agriculture et avec l’appui financier de la Banque Mondiale a constitué un tour-
nant en la matière, en inscrivant le désenclavement des populations rurales, soit 6 millions d’habitants, dans
ses priorités.
Sur 38 000 km inventoriés, seuls 18 % ont été jugés relativement en bon état alors que 57 % de localités
sont inaccessibles par véhicule en tout temps (22 % des localités) ou souffrent d’un enclavement saisonnier
(35 %) ; 13 330 km nécessitant des interventions prioritaires ont été ainsi répertoriés. Mais le Plan National
de Construction des Routes Rurales (PNCRR), lancé en 1995, n’en a retenu que 11 236 km, dont 5616 km
de routes revêtues à construire et 5620 km de routes non revêtues à aménager. Le programme devant être
réalisé dans une période de 7 à 9 ans, soit un rythme annuel moyen annuel de 1200 km.
Jusqu’en septembre 2003, les travaux lancés dans le cadre du PNCRR ont totalisé 8 702 km de linéaire
soit 77.4 % du programme (5150 km en construction et 3552 km d’aménagement). Les réalisations effec-
tives représentent 7 465 km, soit 66.4 % du linéaire programmé. Le PNCRR devrait donc atteindre son objec-
tif de 11 236 km prioritaires en 2005, soit 10 années après son démarrage.
Le coût global de ce programme est estimé à 5.8 milliards de dirhams. Les routes communales sont en
principe financées par les communes, les autres le sont par l’État. Mais du fait que les communes rurales ne

1. Haut Commissariat au Plan, Annuaire Statistique du Maroc, 2004, p. 246.

24
disposent pas de ressources propres suffisantes, un montage financier spécifique a été élaboré. Sur un bud-
get annuel de 730 millions de dirhams, 87 % est assuré par le Fonds Spécial Routier et par le budget de
l’État, tandis que le cofinancement par les collectivités locales dans le cadre de partenariats est assuré à hau-
teur de 100 millions de dirhams.
En dépit des efforts consentis, le PNCRR concerne moins de 30 % des besoins en matière de désenclave-
ment du monde rural et si la garantie d’une circulation en tout temps a progressé, elle n’atteint pas encore
les 60 %. Par ailleurs, comme le souligne le rapport établi par la DAT en 2004 1, la mise en œuvre de ce plan
d’action s’est accompagnée d’une série de dysfonctionnements à la fois dans la procédure de pro-
grammation, dans le partenariat avec les collectivités locales en raison du poids du Ministère de l’Intérieur en
tant que ministère de tutelle mais aussi dans l’implication des populations. Enfin, alors que les critères de
programmation du PNCRR ont privilégié les relations intercommunales, voire régionales, le problème de la
liaison des douars aux pistes principales de désenclavement (provinciales ou régionales) reste posé. Le douar
en tant qu’unité socio spatiale de base où s’exprime la demande, ne bénéficie pas de relais dans les cadres
institutionnels. Les actions des populations locales, relevant de l’initiative privée (associations d’émigrés ori-
ginaires du douar le plus souvent), ne sont que faiblement relayées par les services publics ou par le budget
de la commune rurale concernée.

4.1.2. Le secteur de l’eau potable


Le secteur de l’eau potable a fait l’objet d’un intérêt particulier depuis l’Indépendance, pour répondre aux
besoins croissants en raison de l’urbanisation rapide, du développement industriel et touristique et de l’amé-
lioration du niveau de vie.
Dans ce cadre l’État a entrepris par l’intermédiaire de l’Office Nationale de l’Eau Potable, qui a pris le relais
de la REI en 1972, la réalisation de grands complexes adducteurs destinés à la desserte des établissements
urbains. Pour ce faire, il a été fait appel aux ressources superficielles dès lors que les ressources souterraines
étaient déjà mobilisées par la Direction de l’Hydraulique.
L’ONEP a été placé sous la tutelle du Ministère de l’Équipement jusqu’en 2002, date à laquelle fut consti-
tué un Secrétariat d’État chargé de l’Eau, qui relève du Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et
de l’Environnement.
La question de l’eau potable ne peut donc être déconnectée des évolutions qui affectent le secteur dans
son ensemble et s’inscrit dans un contexte préoccupant pour ne pas dire inquiétant. La demande globale en
eau représente 58 % du total mobilisable 2, estimé en 2002 à 20 milliards de m3. Elle devrait représenter
78 % de ce même total mobilisable d’ici 2020. Près de 90 % des ressources mobilisables sont déjà mobi-
lisées 3 par des barrages qui permettent par leur capacité de stockage la lutte contre les variations inter-
annuelles et par un réseau de forage dans les nappes souterraines. En 2001, les ressources en eau

1. Ministère de l’aménagement du territoire, de l’eau et de l’environnement, Direction de l’Aménagement du territoire, Territoires, services
publics de base et service d’intérêt économique général : accessibilité et maillage des territoires ruraux, Phase 1 : état des lieux, volume 2 : les
services, équipements et infrastructures de base (version provisoire), mars 2004, Groupement ICONE.E-RCT.
2. D’après le rapport portant sur le secteur de l’eau et établi par l’Agence Française de Développement en 2003, les ressources en eau renou-
velables globales du pays sont estimées à 29 milliards de m3, qui correspond à la partie utile après évaporation des 150 milliards de m3 d’eau de
précipitations par an en moyenne. Mais elles peuvent diminuer jusqu’à 30 % de la moyenne en année sèche. Compte tenu de cette forte irrégula-
rité dans l’espace et dans le temps (intra et inter-annuelle), une partie seulement des eaux naturelles est réellement disponible. En effet, du fait du
développement économique du pays et des technologies disponibles pour extraire ou traiter l’eau, il n’est pas possible de mobiliser toutes les res-
sources en eau.
3. Plan National de l’Eau, 2002.

25
mobilisées s’élevaient à 17.5 milliards de m3, chiffre maximal théorique, correspondant aux 103 barrages
d’une capacité totale de 16 milliards et des pompages permettant un prélèvement de 1.5 milliards de m3. La
surexploitation des nappes qui a provoqué la baisse alarmante du niveau piézométrique durant les vingt der-
nières années, l’envasement des retenues, qui contribue à la baisse de la performance hydraulique des bar-
rages de 30 à 50 %, la dégradation de la qualité de l’eau sont autant de facteurs qui contribuent à la révision à
la baisse du potentiel réellement mobilisable par les infrastructures existantes.
La croissance globale de la demande en eau du pays – tous usages confondus – devrait donc se faire au
rythme de 1.5 %/an atteignant 15.5 milliards de m3 en 2020 contre 13 milliards de m3 en 2002.
Vingt cinq barrages sur la centaine aujourd’hui en service participent à la production d’eau potable, ainsi
que 13 ouvrages de transfert. Les investissements sans précédent réalisés ont permis de porter la produc-
tion de 120 millions de m3 en 1960 à 845 millions en 2001, au moment où la population urbaine est passée
de 3 395 750 (30 % de la population totale) 1 à 16 307 000 (56 % de la population totale) durant la même pé-
riode. Ainsi la production a été multipliée par 7 au moment où la population urbaine l’a été par cinq et la popu-
lation totale par trois.
Ramenés à la population, les prélèvements ont considérablement diminué La dotation 2 est passée de
2763 m3/hab/an en 1955 à 1117 en 1990. Ce mouvement est appelé à se poursuivre. La dotation annuelle
per capita ne devrait pas dépasser 590 m3 en 2025, donc très en deçà du seuil de rareté, fixé à 1000 m3/
hab/an par les Nations Unies et proche du seuil de pénurie fixé à moins de 500 m3/hab/an.
La part de l’eau potable et industrielle devrait passer de 10 (2000) à 12 % de l’ensemble des besoins à
pourvoir en 2020. Cet accroissement ne sera pas sans conséquence, en particulier en termes de risque de
tensions voire de conflits entre usagers et de conditions de leur arbitrage.
Dans les faits aujourd’hui, l’extension des réseaux d’adduction et de distribution se heurte au déficit en
investissements nécessaires à la mise en place des infrastructures et au coût de plus en plus élevés de la
mobilisation de l’eau, en raison du recours aux transferts interrégionaux de plus en plus lointains et à l’utilisa-
tion de ressources non conventionnelles.
Aussi dans le même temps, des actions sont conduites afin de réaliser des économies sur les consomma-
tions d’eau potable, notamment en luttant contre les gaspillages. Dans cette logique, s’inscrit la mise en
œuvre à partir de 1977 d’un système tarifaire progressif par tranche 3 et la suppression de la subvention de
l’État à partir de 1995.
Du point de vue de la production, la couverture des villes en eau courante est actuellement globalement
assurée, même si cela l’est à des coûts très élevés comme dans le cas des villes des provinces sahariennes
qui sont alimentées par des stations de dessalement. Les ouvrages dimensionnés, programmés et réalisés
sont considérés comme suffisants pour assurer la satisfaction des besoins en eau potable des villes et des
centres urbains au-delà de l’horizon 2015 (Plan National de l’Eau, 2002). Les prévisions de l’ONEP situent les
besoins globaux à la production à 1,39 milliard de m3 à l’horizon 2020, ce qui représente un accroissement
moyen de l’ordre de 2.6 % par an.
La production est assurée en grande majorité par l’ONEP (78 %) et dans une moindre mesure par les
Régies (15 %), qui conservent dans le territoire qu’elles desservent la possibilité de mobiliser leurs propres
ressources.
En 2001, 610 millions de m3 sont produits par l’ONEP, est revendus. Les régies, principaux clients, ont

1. En 1960, la population totale s’élève à 11 595 456 habitants.


En 2001, elle est estimée à 29 170 000 habitants (projection CERED).
2. Plan d’action pour la Méditerranée, Commission méditerranéenne du développement durable, Forum : avancées de la gestion de la
demande en eau en région Méditerranée, 3-4-5 octobre 2002.
3. Elles sont au nombre de quatre.

26
ainsi acheté 475.7 millions de m3 à cette date (Annuaire Statistique du Maroc, 2003, op. cit.) qu’elles ont pu
distribuer à leurs abonnés.
Depuis les années 80, le secteur de l’eau potable a été inscrit au nombre des priorités de l’État, tant en
termes de mobilisation de la ressource et de la production de l’eau potable que de l’extension du service.
Selon les études portant sur les indicateurs sociaux publiées par la Direction de la Statistique 1, la part des
ménages raccordés au réseau d’eau potable a progressé passant de 32.3 % en 1985 à 47.1 % en 1998-99.
Néanmoins, la faiblesse de ce taux de raccordement est à mettre en relation avec les écarts considérables
observés entre milieu urbain et milieu rural.
L’amélioration des conditions de desserte de la population urbaine est perceptible tant au niveau du
branchement qu’au niveau de la pérennité et de la qualité du service. La part de la population urbaine dispo-
sant de l’eau potable à domicile est passée de 35 % en 1960 à 66.7 % en 1985 pour atteindre 74.2 % en
1994 lors du dernier recensement général de la population et de l’habitat. En 1998, ce taux est estimé à
78.4 % et on l’estime aujourd’hui aux alentours des 100 %. Cette progression s’explique en grande partie
grâce à la mise en œuvre de la politique des branchements sociaux dans les années 80. Dans le cadre de
la Décennie de l’Eau potable et de l’assainissement proclamée par l’OMS, les bailleurs de fonds inter-
nationaux ont apporté leur concours au Maroc par le biais de prêts visant la généralisation du branchement
individuel. L’échelonnement du paiement sur une période de cinq ans permettait d’élargir le nombre de
ménages bénéficiaires, en permettant aux plus modestes de remplir les conditions requises pour un tel prêt.
Ces progrès ne doivent cependant pas masquer la force des contrastes observés tant du point de vue
des conditions d’accès au service que dans la répartition des ménages raccordés individuellement au sein
du milieu urbain. En effet, la fin des années 90, seuls 53,6 % des ménages disposent d’un compteur à
usage exclusif alors que 24.8 % l’ont en usage partagé, ce qui n’est pas sans incidence sur les quittances à
acquitter. Compte tenu de la tarification par tranche, le volume réellement consommé dans le cas d’un
compteur partagé ne donne pas lieu à un décompte individuel, par conséquent la ventilation par tranches de
la consommation est opérée par l’organisme distributeur à partir du volume global enregistré au compteur.
Les effets positifs de la première tranche, dite sociale car son coût pour l’abonné est inférieur au prix d’achat
acquitté par l’organisme distributeur sont limités voire annulés. À partir du moment où deux ménages et plus
consomment l’eau d’un seul compteur, les tarifs appliqués au regard du volume global sont ceux de la
deuxième, voire de la troisième tranche de la grille appliquée par les organismes distributeurs.
Cette pratique du partage du compteur reste relativement stable depuis 1985, en dépit de l’opération bran-
chements sociaux. Cette dernière depuis son démarrage a concerné les quartiers déjà équipés dont la popu-
lation était solvable, ainsi que les quartiers de recasement de bidonvilles 2 ou les lotissements dans les
quartiers d’habitat économique.
Néanmoins, les douars périurbains ainsi que les bidonvilles situés au cœur du tissu urbain ou à la péri-
phérie demeurent exclus de la logique du raccordement individuel. Les ménages qui y résident conti-
nuent d’avoir recours aux bornes-fontaines ou des solutions alternatives. En 1998/99, 12.5 % des ménages
urbains s’approvisionnent en eau auprès d’une une borne-fontaine, contre 21.5 % en 1985 tandis que 4.5 %
en 1998/99 ont recours à un puits contre 5.6 % en 1985. Au total, 17 % des ménages urbains n’ont tou-
jours pas accès à l’eau potable à domicile, soit un peu plus de 4,7 millions de personnes à la fin des
années 90.

1. Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du plan : les indicateurs sociaux 1997, Direction de la Statistique.
Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan : Les indicateurs sociaux, 1999, Direction de la Statistique.
2. Béatrice Allain-El Mansouri, op. cit., 2001.

27
Les raisons du non raccordement au réseau sont révélatrices de la persistance de dysfonctionne-
ments observables en milieu urbain. Alors qu’au début de la décennie quatre-vingt dix, la principale raison
était l’absence de réseau pour 49 % des ménages concernés ; en 1998/99, ce pourcentage a reculé de 10
points. Pour près de 30 % des ménages, le branchement demeure trop cher alors que 30.7 % des
ménages non raccordés ont recours à d’autres solutions. Il est intéressant de souligner que c’est cette der-
nière catégorie qui a le plus fortement progressé, soit +12.5 % entre 1991 et 1998/99. La fermeture des
points d’eau collectifs n’est pas sans conséquence. La distance moyenne parcourue pour atteindre le point
d’eau a tendance à s’allonger : 245 mètres en 1998/99 contre 181 mètres en 1991, ce qui n’est pas incidence
sur le temps nécessaire au déplacement. Alors que le temps moyen était de 9.6 minutes en 1991, il repré-
sente 16.3 minutes à la fin de la décennie, soit une augmentation de 70 %.

Cette absence d’infrastructures et la persistance des pratiques informelles en matière d’approvisionne-


ment en eau conduisent à poser la question des modalités de gestion du service. Celle-ci, qui relève de la
compétence des collectivités locales, est aujourd’hui partagée entre de multiples intervenants et différents
modes de gestion.
– celle assurée directement par les communes, en particulier les petits centres urbains.
– celle déléguée aux régies autonomes. La première fut créée en 1961 à Casablanca, dans le cadre de la
« marocanisation ». Cette création mit fin de manière prématurée au contrat de concession dont la SMD
avait le monopole. Seize régies furent ainsi créées au cours des années qui suivirent. Elles assurent la
desserte dans les plus grandes agglomérations du pays. Aujourd’hui au nombre de 13, elles assurent
dans la continuité des activités de la SMD, à la fois la distribution de l’eau potable et celle de l’électricité.
Depuis la fin des années 80, elles ont aussi de plus en plus la charge de l’assainissement liquide. Elles
alimentent 848 000 abonnés. Quatre d’entre elles (Fès, Meknès, Marrakech, Agadir) desservent plus de
la moitié des abonnés des régies.
– La délégation de la gestion du service privé a démarré à partir de 1997 avec le retour de la Lyonnaise
des Eaux à Casablanca (Lydec) ; puis ce fut le tour de Rabat-Salé gérée par un consortium luso espagnol
à partir de 1999 puis par Vivendi à partir d’octobre 2002 (Redal). La multinationale française devenue
depuis Voelia Environnement prit en charge la même année la gestion du service dans le bipôle Tanger-
Tétouan (Amendis).
La gestion déléguée totalise 975 000 abonnés. Elle représente désormais le mode de gestion de l’eau
urbaine du Royaume avec plus de 40 % des 2.55 millions d’abonnés en 2001. La Lydec à Casablanca ali-
mente à elle seule 561 000 abonnés devenant ainsi le premier distributeur en zone urbaine du pays.
L’ONEP, en matière de distribution, demeure le premier organisme du pays avec 38 % des abonnés,
soit 600 000 dans les petits centres qu’il a en responsabilité et 150 000 en milieu rural.

Le caractère fragmenté du dispositif traduit le tournant dans lequel se trouve aujourd’hui le secteur de
l’eau potable. La croissance accélérée de la population urbaine génère un accroissement important des
besoins en infrastructures et en services publics urbains. Les difficultés financières des régies, la vétusté et
la dégradation des réseaux dont elles ont la responsabilité, et plus encore la rareté des investissements dans
le secteur ont incité le Maroc, sous la pression des bailleurs de fonds internationaux à recourir à la gestion
déléguée au secteur privé pour répondre à l’accroissement de la demande en termes qualitatifs et quantita-
tifs. Il a donc fait le choix dans un premier temps de déléguer le service public des plus grandes aggloméra-
tions à des grands multinationales internationales dans le cadre de négociations de gré à gré (Casablanca,
Rabat-Salé). Dans le cas d’Amendis, le contrat négocié pour la première fois au terme d’un appel d’offres
international s’est traduit par le regroupement de deux villes, Tanger et Tétouan, pour rendre plus attractif le
marché. Le recours au secteur privé rend particulièrement nécessaire la définition de formes de contrôle et
de régulation du contrat afin d’assurer le respect des engagements contractuels de l’ensemble des parties

28
concernées, afin d’éviter les déboires qu’a connu la capitale politique du pays ou assurer l’extension du ser-
vice y compris dans les quartiers les plus défavorisés, donc présentant une configuration urbanistique,
sociale et économique plus complexe que dans les espaces urbains réglementaires.
Dans le cadre de la stratégie gouvernementale en cours, il s’agit d’améliorer les conditions d’habitat de
80 % des 780 000 ménages résidents de l’habitat insalubre – habitat ancien dégradé, bidonvilles, lotisse-
ments clandestins, douars périurbains – à l’horizon de 2012, notamment avec le programme « Villes sans bi-
donvilles ». Sa réussite devrait donc s’accompagner de l’extension du taux de couverture du service et de
l’amélioration de sa qualité, dans la mesure où le raccordement au réseau est prévu dans le cahier de
charges.
Le règlement des difficultés institutionnelles (sécurisation foncière et résidentielle, responsabilisation des
élus) mais aussi financière (taxe de premier établissement) reste la principale clé pour assurer la concrétisa-
tion de ces objectifs. La question des coûts tant du point de vue des investissements que de la prestation
des services mais aussi de la définition des normes retenues par l’opérateur qu’il soit privé ou public consti-
tue une variable de première importance, de la prise en compte de la capacité financière réelle des futurs
bénéficiaires, mais aussi de leurs pratiques et de leurs attentes dépend la réussite de ce programme. La
connaissance des services informels en milieu périurbain demeure trop lacunaire et ponctuelle pour évaluer
réellement leur impact social. Son développement inscrit dans une approche pragmatique pourrait déboucher
sur une reconnaissance de l’utilité sociale de ces pratiques et sur une meilleure articulation entre initiatives
locales et gestion des services par les opérateurs, publics ou privés.
Dernier aspect, la répartition des volumes d’eau potable disponibles par habitant révèle des écarts impor-
tants entre les villes, variant de 1 à 4.5 (SNAT, op. cit.) En fait, le rendement des réseaux de distribution est
globalement faible : il varie entre 50 et 80 %. Les principales causes sont la vétusté – les deux tiers des
réseaux ont plus de 20 ans – mais aussi l’insuffisance des opérations de maintenance de l’existant, en parti-
culier en termes de réhabilitation. Globalement la perte d’eau est estimée à près de 30 % de l’eau mobilisée
pour l’eau potable et parfois plus. La politique actuellement mise en œuvre et qui devrait se poursuivre est
d’atteindre un rendement de 75 % en 2006 et 80 % en 2008 ce qui permettrait de dégager par cette seule
mesure 120 millions de m3 d’eau / an. La promotion des programmes d’économie d’eau permettrait selon le
Plan National de l’Eau (2002) de dégager près de 200 millions de m3 au niveau du secteur Eau Potable sur les
2 milliards escomptés et de ce fait, de compenser d’ici 2010 la croissance de la demande globale en eau
potable.
L’alimentation en eau potable des populations rurales n’a fait pas l’objet de la même attention de la
part des pouvoirs publics que le milieu urbain. Les principales raisons évoquées par le Plan de Développe-
ment économique et social 1 en sont la dispersion de l’habitat, l’insuffisance des investissements publics
dans le secteur et la faiblesse du cadre institutionnel. En effet, au cours de la seule décennie 1980-1990,
l’État n’allouait que 10 DH par habitant et par an à l’amont et les intervenants multiples. Il n’existe aucune
structure de planification, de coordination et de suivi entre la Direction des Affaires Rurales (Ministère de
l’Intérieur), Ministère de l’Équipement (DGH), les Communes rurales et les ONG. Par ailleurs, durant cette
période, les évaluations mettent en évidence les défaillances en matière d’entretien. La maintenance des ins-
tallations existantes est quasi inexistante, ce qui provoque dans de brefs délais leur mise hors d’état de fonc-
tionner.
Les données statistiques disponibles permettent de mesurer l’ampleur du déficit qui affecte le milieu rural
en matière d’accès à l’eau potable.

1. Op. cit.

29
En 1985, 1.6 % des ménages disposaient d’un branchement au réseau potable tandis que 76.6 % ont
accès aux ressources naturelles (puits oued, source,...) et 4 % aux bornes-fontaines. En 1998/99, soit
presque quinze années plus tard, 5.3 % des ménages ont accès au réseau d’eau potable, 6.6 % s’alimentent
aux bornes-fontaines, alors que toujours près de 82 % d’entre eux continuent de s’approvisionner auprès des
ressources naturelles.
Pour les ménages ruraux, le principal problème demeure l’absence de réseau (94.6 % en 1998/99). La dis-
tance moyenne parcourue pour s’approvisionner est de 821 mètres, ce qui représente en durée moyenne
17.5 minutes.
L’amorce d’une amélioration est perceptible mais elle demeure ténue aux regards des besoins. Elle est à
mettre en relation avec le lancement d’un programme spécifique aux campagnes en 1995, soit quarante ans
après l’accès à l’Indépendance : le PAGER. 1
C’est en 1994 que le Conseil supérieur de l’Eau et du Climat a approuvé les résultats du Plan Directeur
National d’Approvisionnement en Eau Potable des Populations et défini les orientations pour l’établissement
d’un programme permettant un taux de desserte de 80 % dans un délai de 10 ans et un cadre institutionnel
permettant de structurer le partenariat entre les différents départements ministériels, les collectivités locales
et la population.
Le PAGER a donc pour objectif de pallier aux insuffisances et difficultés constatées. Il vise la desserte de
près de 31 000 localités 2, appelées communément douars, regroupant 11 millions d’habitants. Prévoyant
l’installation d’équipements « simples » limitant les coûts d’investissement, il privilégie l’accès par rapport
au confort.
Deux types de systèmes d’adductions d’eau potable sont retenus : 1. Des points d’eau aménagés pour
26 600 localités (86 % du total) dont la réalisation est confiée à la Direction Générale de l’Hydraulique. Le sys-
tème est alimenté par des ouvrages de captage réalisés à partir des ressources disponibles sur place et une
pompe, par un réservoir de stockage et un abreuvoir sans système de desserte. La gestion de l’eau, auto –
produite localement, est confiée aux associations d’usagers, 2. Des piquages sur les conduites d’adduction
régionales existantes ou projetées par l’ONEP pour 4 400 localités, situées à proximité. L’ONEP assure ainsi
la production et la distribution jusqu’à la borne-fontaine confiée à un gardien gérant.
Du point de vue institutionnel, le PAGER repose sur un partenariat entre le Ministère de l’Intérieur, le
Ministère de l’Équipement, les collectivités locales et les associations d’usagers. Des commissions provin-
ciales présidées par l’autorité locale et un comité national placé sous la présidence des Secrétariats Géné-
raux des Ministères de l’Intérieur et des Travaux Publics sont constitués. Les communes rurales en vertu des
prérogatives que leur accorde la Charte communale sont les maîtres d’ouvrage. Des associations d’usagers,
condition pour l’éligibilité à toute demande d’intégration au PAGER, sont appelées à se former. Enfin, les
Directions Provinciales de l’Équipement et l’ONEP ont la maîtrise d’ouvrage. Il est financé par de nombreux
bailleurs de fonds, dont le Fonds Hassan II, l’UE, la KfW, la BAD, amont...). Il nécessite un investissement
global estimé à 11 milliards de dirhams. En 1996, un compte d’affectation spécial a été crée pour contribuer
au financement des projets inscrits au PAGER. De la même façon une surtaxe a été instituée en 1998. Gérée
par l’ONEP, elle s’élève annuellement à 70 millions de dirhams.
Depuis le lancement de ce programme, les progrès sont sensibles en matière de taux d’accès. Si l’on
s’appuie sur les résultats du RGPH de 1994, il s’établissait à 14 %. En 2002, il est estimé à 50 %, soit une
progression moyenne de 4.5 en 8 ans. En 2001, la DGH avait touché 8 200 localités soit 5.05 millions d’habi-
tants. L’ONEP était intervenu pour sa part dans 1265 localités soit 792 000 habitants.

1. Cette synthèse a été élaborée à partir de l’étude conduite par la DAT Territoires, services publics de base et service d’intérêt économique
général, 2004.
2. Le Recensement Général de la Population et de l’Habitat a permis de décompter 39 302 localités en milieu rural.

30
Le taux d’accès évalué à 50 % ne doit pas masquer les contrastes qui subsistent et qui ont été mis en évi-
dence lors de l’évaluation mi-parcours.
En termes d’offres de service, les conceptions mises en œuvre par la DGH et l’ONEP ne s’inscrivent pas
dans la même philosophie de l’action. Pour la DGH le point d’eau à équiper doit satisfaire en priorité les
besoins quantitatifs (20 l/j/hab) de populations jusque là enclavées. Les normes tant quantitatives que qualita-
tives sont prises en compte, mais de façon souple. La borne-fontaine est rarement à 500 m des habitations
des plus éloignées et des branchements particuliers sont opérés sous la pression des habitants, y compris
en l’absence de système d’assainissement. Les services de l’ONEP, attachés à l’engagement de la respon-
sabilité de l’institution, ont une approche plus stricte des normes techniques tant du point de vue de la pota-
bilité que des conditions de desserte.
L’ONEP, suite aux changements institutionnels intervenus au lendemain des élections de 2002, gère
depuis janvier 2004 l’ensemble du programme PAGER. Une évaluation d’amont rurale à l’échelle nationale
avec l’aide de la FAO est en cours de réalisation afin de définir une nouvelle stratégie d’action. Il est trop tôt
pour mesurer les effets de cette nouvelle gestion.
Du point de vue de la demande, les études révèlent que tant que l’offre ne donne pas un niveau de
confort qui reprend les standards urbains (par le branchement individuel), toute ressource en eau alternative
sera prioritairement face à une eau payée au prix fort sans pour autant diminuer la corvée d’eau. Dans les
projets ONEP par exemple, le prix de l’eau à la borne fontaine est de 10 dirhams par m3. La consommation
moyenne des populations rurales à partir des bornes-fontaines est de 5.7 l/j/hab ; 30 % des ménages n’y ont
pas recours et 40 % y puisent toute l’eau de boisson.
Du point de vue financier, 52 % du financement s’est fait en dehors des dotations du budget général de
l’État ou des prêts concessionnels. Entre 1995 et 2001, la Direction Générale des Collectivités Locales
(Ministère de l’Intérieur) estime l’enveloppe consacrée au PAGER à 1 739 millions de dirhams, soit un
rythme moyen annuel de 250 millions répartis entre l’État (88 %), les communes rurales (7.3 %), et les popu-
lations (4.3 %). Il était prévu initialement dans le projet une ventilation de 80/15/5. Les résultats conduisent à
souligner la faible implication des collectivités locales et des populations. Le rapport d’amont (2003) souligne
en la matière l’inégale application de l’approche participative. Les conventions tripartites sont rarement
signées avant les travaux, les assemblées générales des associations d’usagers inégalement tenues. Plus
largement, les associations d’usagers présentent une faible capacité en matière de gestion technique, sani-
taire et financière par manque de formation. La tarification qu’elles adoptent correspondent rarement aux
objectifs initiaux du programme et remettent en cause la durabilité des infrastructures financées car elle
recouvre seulement 29 à 60 % des dépenses engagées dans le cas de desserte par borne-fontaine.
À leur décharge cependant, le manque de souplesse dans le mode de gestion qui leur est proposé : la ges-
tion directe est la seule proposée alors que parfois les usagers préféreraient une gestion par l’ONEP ou par
des opérateurs privés locaux. Les communes rurales portent indéniablement une part de responsabilité dans
la situation observée, notamment en ce qui concerne le respect de la qualité du service auprès des usagers.
En fait, le manque de confiance de la population contribue aux retards dans la réalisation des travaux et
débouche le plus souvent sur l’intervention de l’autorité locale.
Enfin, malgré la surtaxe PAGER, l’ONEP reste cantonné dans des structures de financement dominées par
des emprunts extérieurs et les dons.
L’élargissement récent des prérogatives de l’ONEP à l’ensemble du territoire national devrait conduire à
une réflexion approfondie sur le mode de structure et de financement du PAGER en vue de privilégier le
développement rural et l’accessibilité des populations les plus pauvres. Il sera nécessaire d’envisager une
restructuration/formation de son personnel, davantage sensible aux aspects techniques et commerciaux
qu’aux conditions requises pour une mission de proximité dans un milieu marqué par l’analphabétisme, la
pauvreté et l’enclavement.

31
Ainsi alors qu’il doit assurer un rôle social en milieu rural, l’ONEP doit préserver dans le même temps ses
équilibres financiers sachant que le secteur d’amont y présente des déficits importants, notamment en
termes de recouvrement de coûts. Pour résoudre ce dilemme, une plus forte implication financière de l’État
dans le PAGER semble nécessaire, au risque de marginaliser une grande partie des campagnes.
À côté du PAGER, il faut faire le point sur l’alimentation en eau potable des centres ruraux. Ils jouent un
rôle de première importance dans l’animation et la structuration de l’espace rural. Ils bénéficient le plus
souvent de l’adossement à un souk hebdomadaire et des apports des activités liées à la route.
Dans leur grande majorité, ils connaissent un déficit en équipement et des défaillances dans la prestation
de desserte en eau potable, tant en termes de taux de raccordement que de rendement. De la compétence
des collectivités locales, les communes rurales font de plus en plus appel à l’ONEP par le recours au
contrat de gérance. Plus de 300 demandes sont en instance. Cette opération exige des communes un enga-
gement à travers une convention à signer avec l’ONEP et la mobilisation de 30 % du coût de l’investisse-
ment. La question financière est donc primordiale. Si dans les provinces sahariennes ou sur les zones
frontalières, les communes rurales obtiennent rapidement le concours du Conseil Provincial et de la Direction
Générale des Collectivités locales, les autres communes éprouvent de grandes difficultés pour mobiliser leur
quote-part.
L’ONEP gère ainsi 164 centres ruraux non retenus par la Direction de la Statistique comme urbains. Sur
348 centres gérés, un peu plus de 46 % n’atteignent pas les 5000 habitants, plus de 63 % ont moins de
10 000 habitants et 21 % seulement comptent plus de 20 000 habitants.
D’après une enquête de la Division Eau et Assainissement (DGCL/Ministère de l’Intérieur), 763 centres
ruraux dont 709 chefs – lieux de communes rurales sont gérés directement par les collectivités locales et
358 le sont par des associations ou des organisations traditionnelles. 40 centres enfin sont gérés par les
régies et 9 le sont par les sociétés privées (Lydec, Redal et Amendis). La desserte de ces dernières s’inscrit
dans l’extension des réseaux des grandes agglomérations aux zones périurbaines – une péréquation étant
rendue possible entre rentabilité du réseau de distribution de la ville et celui moindre des petits centres
agglomérés, dès lors que les collectivités locales concernées acceptent de déléguer la gestion de l’eau
potable mais aussi de l’assainissement liquide.
Néanmoins, un certain nombre de contraintes subsistent : 1, le faible niveau de vie des populations 2, les
capacités financières limitées des collectivités pour participer à l’investissement, 3, l’absence de réflexion
sur l’assainissement liquide et 4, une faible implication des services de l’urbanisme et de l’aménagement du
territoire dans la mise en place des documents de planification adéquats.
Le secteur de l’eau potable exige donc une réflexion d’ensemble en termes d’aménagement du territoire,
dans laquelle le rôle de l’État demeure central. Par son implication financière, celui-ci est le garant de l’équité
sociale et territoriale, au moment où la multiplicité des acteurs et l’ouverture au secteur privé tendent à
mettre davantage au premier plan les considérations économiques, en particulier les recouvrements des
coûts.

4.1.3. La desserte en électricité


Tout comme dans le secteur de l’eau potable, l’État avec le recouvrement de sa souveraineté et au titre de
la marocanisation met fin aux activités de la société Énergie Électrique du Maroc (EEM). Par dahir du 5 août
1963, est créé l’Office National de l’Électricité (ONE). Il est chargé du service public, de la production, du
transport et de la distribution de l’énergie électrique. Dans les grandes villes, les régies et depuis peu les
concessionnaires privés, prennent le relais et assurent la distribution aux usagers.
La puissance installée par l’ONE est passée de 415 MW en 1960 à 1989 MW en 1989 pour atteindre 4 410

32
MW en 2002 1. L’hydraulique ne représente à cette date que 1 167.3 MW, soit moins de 30 % du total ins-
tallé et 8 % du total consommé qui s’élève à 15 539 600 000 de kWh.
L’électricité – 634 000 TEP en 2002 – ne représente plus que 6 % du total énergétique consommé dans le
pays. La production d’électricité hydraulique représente 221 300 TEP 2 soit 69 % du total produit tandis que
362 000 TEP ont été importés.
Ainsi, la production d’énergie hydraulique à laquelle a été adjoint la production d’électricité éolienne depuis
2000 représente une part modeste des besoins en électricité du pays. Ceux-ci sont complétés par les achats
à l’extérieur rendus possible notamment grâce à l’interconnexion avec le réseau espagnol en service depuis
mai 1998, par un système de câbles sous-marins.
En termes de bilan énergétique, le Maroc produit 321 100 TEP et en importe 11 381 700, dont 97 % sont
constitués par le charbon et les hydrocarbures importés ; le Maroc est donc très dépendant de l’approvi-
sionnement extérieur et sensible aux aléas des cours mondiaux, qui peuvent contribuer au déséquilibre de sa
balance des paiements 3.
Presque la moitié du total des ventes de l’ONE, soit 6 857 000 000 de kWh est destinée aux clients directs,
66 % sont représentés par la haute et moyenne tension (4 501 000 000 kWh), consommées à hauteur de
3 213 000 000 kWh par l’industrie, par la basse tension (2 356 000 000 kWh), destinée essentiellement aux
ménages (1 630 000 000 kWh) et par l’éclairage (609 000 000 kWh). Le restant – 7 228 000 000 kWh. – est
acheté par les distributeurs, soit 52 % du total vendu.
Alors qu’en 1963, le nombre de clients directs ne dépassait pas les cent mille, l’ONE fournissait en 2003 à
près de 4.5 millions de clients dont 2.4 directs, une consommation d’électricité qui a été multipliée par 150.
Le réseau durant cette période est passé d’une longueur de 9000 à 140 000 km ; enfin la consommation par
foyer est passée de 220 à 1200 kWh.
En termes d’accessibilité au service, l’électrification des ménages est encore modeste à l’échelle du
pays. Comme nous l’avons constaté, à la fin du Protectorat, celle-ci concernait une infime part des ménages
marocains qui s’éclairaient en grande majorité à la bougie de paraffine.
En 1985, presque 30 ans après l’accès à l’Indépendance, 39.3 % des ménages seulement disposaient de
l’électricité. Les bougies étaient encore utilisées par 37 % des ménages, légèrement devancées par l’éclai-
rage par pétrole (44,4 % des ménages) et par l’éclairage par gaz (17.7 % des ménages). Cela ne fut pas sans
répercussion sur l’équipement des ménages en biens durables. À cette date, 36.9 % des ménages dispo-
saient de la télévision, mais seulement 18.2 % d’un réfrigérateur et 0.9 % d’une machine à laver.
Ces résultats traduisent les écarts entre milieu urbain et milieu rural. Si 76.4 % des ménages vivant en ville
avaient accès à l’électricité, ils n’étaient plus que 6.1 % en milieu rural. Dans ces conditions, seuls 10.3 %
des ménages disposaient de la télévision (contre 66.5 % des ménages urbains) et 1.3 % d’un réfrigérateur
(contre 37.1 % des ménages installés en ville) et aucun d’une machine à laver (1.9 % des ménages résidant
en milieu urbain). L’éclairage était alors assuré presque pour moitié par pétrole (48.8 % des ménages ruraux)
et par la bougie (33.9 % du total des ménages vivant à la campagne). Il est intéressant de souligner qu’à la
même période, les ménages qui n’avaient pas accès à l’électricité en ville, s’éclairaient à la bougie pour plus
de la moitié d’entre eux (50.6 % du total) plutôt qu’au pétrole (25.1 % du total) ou au gaz (23.9 %).
D’après le dernier recensement général de population et de l’habitat en 1994, 81 % des ménages urbains
disposaient de l’électricité (contre 74.4 % en 1982 et 68.4 % en 1971), mais 70 % des centres urbains enre-
gistraient un taux inférieur à cette moyenne. En termes d’armature, 35 % des villes de plus de 50 000 habi-

1. Annuaire Statistique du Maroc 2003, op. cit..


2. TEP : 1000 kWh = 0.26 T.E.P.
3. En août 2004, avec la poursuite de la guerre d’Irak et la faillite du groupe russe Youkos, le baril de pétrole a franchi la barre des 50 dollars.

33
tants ont un taux d’électrification inférieur à la moyenne urbaine, contre 72 % pour les moins de
50 000 habitants. Dans la catégorie des grandes villes, Agadir et Tanger affichaient des taux inférieurs à la
moyenne nationale. Bien qu’il soit difficile de quantifier avec précision le phénomène, le déficit en matière
d’électricité est observable dans les quartiers d’habitat non réglementaire et dans les périphéries rurales
récemment annexées par la ville. La politique des branchements sociaux et la mise en œuvre de solutions
originales comme dans le programme d’électrification des bidonvilles entrepris par la Lydec dans la métro-
pole économique à partir de 2003 visent à réduire l’exclusion des ménages les plus pauvres mais aussi à lut-
ter contre les tentatives de raccordements illicites, qui représentent un risque en raison de la non-conformité
des installations ainsi qu’un manque à gagner pour les organismes distributeurs.
En 1998/1999, l’électrification a été améliorée : 55.9 % des ménages disposent de l’électricité, mais les
écarts demeurent encore importants selon les milieux. Si 86.1 % des ménages en ville sont raccordés au
réseau, ils ne sont que 15.6 % en milieu rural. Dans ces conditions, les solutions alternatives les plus cou-
ramment utilisées sont le gaz (44.2 % des ménages ne disposant pas de l’électricité) et les bougies (39.9 %
du total). Dans ces conditions, l’équipement des ménages progressent timidement : 4.7 % des ménages
ruraux disposent d’un réfrigérateur, 0.1 % d’une machine à laver et dans une plus grande proportion, d’une
télévision (42,7 % des ménages). Pour les mêmes biens à la même époque, 94.3 % des ménages urbains
disposaient d’une télévision, 65.1 % d’un réfrigérateur et 12.6 % d’une machine à laver.
Tout comme dans le cas de l’eau potable, à l’ampleur des déficits qui affecte le milieu rural, fait écho la
vigueur des contrastes qui caractérise le monde des villes.
Davantage que dans le secteur de l’eau potable, la dimension marchande à travers la logique de récupéra-
tion des coûts est particulièrement prégnante. Le niveau différencié en matière d’accessibilité des popula-
tions a conduit l’État à envisager une intensification des actions en vue de l’élargissement de l’accès à
l’électricité des populations rurales, à l’époque exclues du service pour leur grande majorité.
Dès le début des années quatre-vingt-dix, plusieurs programmes ont été mis en œuvre ou poursuivis.
C’est le cas de la 2e tranche du Programme National d’Électrification Rurale (PNER), le Programme National
d’Électrification Décentralisée (PNED) et le programme d’Électrification Rurale Global (PERG).
Avec l’instauration de ce programme, la Direction de l’Électrification Rurale est créée en 1995 comme
administration de mission. Sa tâche est la gestion globale du programme. Il vise l’électrification de 1.5 mil-
lions de ménages avec un rythme annuel prévu de 1 000 villages de 1996 à 2010. Son coût s’élève à 15 mil-
liards de dirhams. Le financement est tripartite : ONE (55 %), collectivités locales (20 %) et abonnés (25 %).
Toutefois en 1999, il a été décidé d’accélérer ce rythme pour atteindre les objectifs en 2006 et une électrifi-
cation à 100 % en 2010.
Les réalisations s’élevaient à la fin décembre 2003 à la mise sous tension de 9 992 villages, ce qui repré-
senterait selon les estimations de l’ONE, un peu moins du tiers du total retenu par le programme. Le rac-
cordement ainsi de 829 000 foyers ruraux permet de porter le taux moyen d’électrification rural à 55 %
des ménages.
L’effort accompli se traduit par l’équipement des campagnes en réseau de transport de l’énergie
électrique. Néanmoins, sa plus grande proximité n’est pas synonyme de raccordement et d’abonne-
ment effectif des ménages. Ainsi le taux d’électrification qui correspond au nombre de foyers électrifiables
sur le nombre total de foyers ne recouvre pas exactement la même situation que le taux de raccordement en
zone électrifiée, soit la part des ménages d’une zone électrifiée qui sont effectivement raccordés au réseau.
Aussi, est-il sans aucun doute nécessaire de nuancer les résultats obtenus. Ce caractère relatif est assez
bien rendu par l’Annuaire Statistique du Maroc qui ne fournit pas le nombre d’abonnés au réseau, contraire-
ment à l’eau potable.
Compte tenu du poids de la dimension économique de ce service, on peut s’interroger sur le poids que
représentent réellement les localités faiblement peuplées, à habitat dispersé et/ou enclavées, ne présentant

34
pas d’urgence particulière en matière d’électrification. Il est à craindre qu’elles restent à la marge du proces-
sus en cours, à moins qu’on ne le propose aux ménages concernés à l’électrification décentralisée. Celle-ci
est possible grâce à plusieurs sources de production : hydraulique, solaire, éolienne et groupe électrogène.
Les responsables de l’ONE accordent une attention particulière au « kit photovoltaïque ». Plusieurs provinces
sont concernées par l’expérience : Tata, Taroudant, Khénifra, Taza-Al Hoceima, Taourirt, Khemisset, Khou-
ribga, Settat, El Jadida, Safi, Essaouira, Chichaoua. L’ONE a expérimenté successivement plusieurs disposi-
tifs : 1. l’intervention directe, 2. la prestation de service faite pour le compte de l’ONE, 3. l’action en
partenariat avec le secteur privé.
Dans ce dernier cas, la démarche est appelée Free for service (FFS).Le concept est défini par l’ONE
comme la fourniture d’un service complet « électricité » au client par un prestataire de service privé qui
couvre en plus de la fourniture et de l’installation des kits photovoltaïques, la réalisation de l’installation élec-
trique intérieure des foyers avec fourniture de lampes et accessoires ainsi qu’un service d’entretien incluant
le renouvellement du matériel pendant une période de 10 ans. Un tel dispositif impose des groupes puis-
sants. Les premiers contrats ont été signés avec Total/Elf dans le centre du pays en 2002, avec BP/Apex BP
Solar (France) dans la province de Chichaoua et avec Sunlight Power (Maroc) dans les provinces d’El Jadida,
Safi, Essaouira en 2003.
Enfin à partir d’octobre 2002, deux agences commerciales ont été ouvertes sur deux sites pilotes (Aït Ourir
et Khmis Zmamra) pour expérimenter le compteur « Nour » à prépaiement.
À travers ces différentes approches, on peut mesurer combien la question financière et par conséquent
la solvabilité des futurs clients demeure centrale dans l’accessibilité du service. La capacité des bénéfi-
ciaires à garantir leur contribution au montage financier et à couvrir les frais de consommation demeure la
contrainte majeure.
Ces expérimentations font question sur les choix qui président à la desserte de telle ou telle portion du ter-
ritoire par tel ou tel opérateur, rendant par là même difficile la prise en compte à la fois de l’impératif écono-
mique (recouvrement des coûts) et la dimension sociale (accès à tous les citoyens). Ce dilemme conduit
donc à reposer la question de l’équité dans sa dimension sociétale et territoriale.

4.2. Les services sociocollectifs

4.2.1. L’école
Paradoxalement, alors que l’enseignement a fait l’objet d’efforts soutenus de la part de l’État qui y
consacre 25 % de ses dépenses, le Maroc demeure marqué par un taux d’analphabétisme supérieur à celui
d’autres pays du monde arabe 1 et d’Afrique subsaharienne. Avec 84 % du coût total, l’État est le principal
intervenant pour le financement du secteur. L’école bénéficie d’une attention particulière, mais se voit assi-
gner des objectifs qui, dans le temps, ne se sont pas inscrits dans la même philosophie de l’action. Tributaire
du degré d’évolution des sociétés locales, elle en est aussi le principal facteur de progression. Il est donc
nécessaire d’avoir des écoles bien situées, au plus près des populations, des enseignants bien formés, équi-
pés et motivés, une société convaincue du caractère fondamental de l’école car l’effort de formation selon N.
Bouderbala 2 reste dans la durée, le moteur de l’ascenseur social et du développement économique. Face à
cette approche soutenue par les Nations Unies, dans la perspective d’une amélioration du mieux-être des

1. Sur la période 1980-1995, il s’établissait à 56.3 % au Maroc contre 38.4 % en Algérie, 33 % en Tunisie, 48.6 % en Égypte.
2. Nagib Bouderbala, « La trajectoire du Maroc indépendant : une panne de l’ascenseur social » in Critiques Économiques, no 10, 2003.

35
populations, les tenants du malthusianisme – à l’instar de ce qui se produit en démographie – restent plus
méfiants et y décèlent de graves dangers : ... certains gouvernements, que la montée du chômage des diplô-
més inquiète...sont peu encouragés à continuer à remplir les lycées et les universités, si c’est pour les voir
en sortir sans emploi pour manifester contre eux dans la rue... (N. Bouderbala, 2003, op. cit.)
Au moment où le Maroc accède à l’Indépendance, l’édification d’un nouveau système d’enseignement
s’impose comme une priorité. Quatre principes en constituent les fondements : généralisation, unification,
marocanisation et arabisation.
En effet, le pays hérite d’un système éducatif complexe en raison des types d’établissement, des filières
de formation, du très faible taux de scolarisation des enfants musulmans (12 % des 7-14 ans en 1955), des
effectifs très réduits du personnel enseignant marocain.
Alors que l’obligation scolaire est définie par dahir en 1963, l’unification, la marocanisation et l’arabisation
semblent beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre, en raison de la pénurie d’enseignants 1 marocains dans
tous les degrés de l’enseignement. Pour la seule première rentrée scolaire, c’est à l’accueil d’un peu plus de
200 000 enfants qu’il faut faire face.
Élargir l’accès au système éducatif et en améliorer la qualité constituèrent donc les deux objectifs fonda-
mentaux des politiques successivement définies et inscrites dans les différents plans de développement
économique et social pendant les trois premières décennies post-indépendance. Ils relèvent cependant
davantage d’un discours bien rôdé que d’une véritable vision politique. Dans les faits, à partir du milieu des
années 60, s’amorce le ralentissement de l’effort de formation. Les émeutes de Casablanca en mars
1965 sont contemporaines des premiers signes de saturation de l’emploi public (le nombre de fonctionnaires
a été multipliée par 10). Elles sont une réponse aux premiers essais du pouvoir de ralentir la machine sco-
laire, notamment par l’annonce par le Ministère de l’Éducation Nationale de limiter le passage du premier au
second cycle 2. Cette orientation restrictive va guider la politique éducative pendant près de trente ans et
peser sur les performances du système.
Cependant dès le milieu des années 80 3 une réforme globale est envisagée tant au niveau des struc-
tures et des contenus, en vue d’améliorer l’égalité des chances en matière d’accès et une amélioration de la
qualité de l’enseignement dispensé en vue d’assurer et d’établir la liaison éducation-formation-emploi. Cette
réforme s’inspire très largement des recommandations de la Banque Mondiale tendant à « réduire la charge
budgétaire de l’éducation, renforcer son efficacité, décharger l’État de certaines responsabilités au profit du
secteur privé, considérer l’éducation comme un service payant et non comme un bien social... » 4. Le sys-

1. En 1956, le pays comptait 904 Marocains titulaires de l’enseignement dont 848 instituteurs et 50 professeurs du secondaire, contre 6500
enseignants français selon P. Vermeren, qui fournit ces données dans sa thèse La formation des élites par l’enseignement supérieur au Maroc et
en Tunisie au XXe siècle, Thèse de doctorat d’histoire, Université Paris VIII, 938 pages, 2000.
2. Dans le plan triennal 1965-1967 est indiqué page 187 « Caractères de l’enseignement du second degré : à l’inverse de l’enseignement pri-
maire, il demeure un enseignement réservé à une sélection. Cette sélection est déterminée par les aptitudes des élèves et doit correspondre à
l’expansion économique...d’où priorité donnée à l’enseignement technique et agricole et admission dans le second degré de 40 % des élèves
admis à se présenter à l’examen d’entrée. Ce pourcentage constitue le maximum qu’il ne sera pas possible de dépasser pendant la durée du plan
triennal.... »
3. Plan de développement économique et social 1981-1985 : « la situation actuelle du système d’enseignement reste marquée par des
aspects négatifs... : Les résultats atteints, quoique appréciables, ne sont pas en rapport avec l’importance des moyens humains et matériels mis
en œuvre. Les caractéristiques de déséquilibre et d’inadaptation du système demeurent manifestes; c’est ainsi que : 1. la non scolarisation par
l’école publique atteint 35 % des enfants âgés de 7 ans et 53 % de ceux âgés de 7 à 14 ans entre 1978-1980, 2. les écoles privées ne contribuent
que très faiblement à l’effort de scolarisation, puisque leurs actions sont marginales et visent essentiellement des buts commerciaux, 3. la péné-
tration du milieu rural par l’école n’a permis de scolariser que 29 % des enfants âgés de 7 à 14 ans en 1979-1980 contre 67 % en milieu rural.
4. L’écoulement des effectifs se traduit par des déperditions importantes et revêt un caractère sélectif, surtout au niveau de la 4e A.P où l’accès
des élèves du secondaire dépend très souvent de la capacité d’accueil des établissements du secondaire dans chaque province.... » p. 32, vol. II.
4. Amina Debbagh, « Enseignement supérieur, stabilisation et ajustement » in Bilan Décennal du programme d’ajustement structurel, Rabat,
octobre 1993, Association des économistes marocains.

36
tème éducatif n’échappe donc pas à la « politique d’ajustement » mise en œuvre à partir de 1983 dans un
contexte de récession économique et d’expansion démographique. Toute une série de mesures fut adoptée
en vue de comprimer les dépenses du secteur : 1. modulation des effectifs des niveaux supérieurs selon les
besoins de l’économie en main-d’œuvre, 2. diminution des bourses du secondaire et du supérieur, 3. rationa-
lisation de l’utilisation des ressources humaines et matérielles, en particulier par l’allongement en moyenne
de 20 % de l’obligation hebdomadaire de service des enseignants sans contrepartie salariale et par une révi-
sion du mode d’occupation des salles, et enfin 4. diminution sensible des taux de redoublement afin de
désengorger le système.
La réforme est poursuivie à la faveur du plan d’orientation 1988-1992 1, qui vise à la refonte de l’enseigne-
ment fondamental, en deux cycles, respectivement de 6 et de 3 ans au terme desquels selon ses capacités,
l’élève peut intégrer soit l’enseignement secondaire général ou technique, soit la formation professionnelle.
Mais c’est à partir de 1994, que de nouvelles approches de développement commencent à se dessiner.
Une Commission Spéciale d’Éducation-Formation est constituée par le souverain. Les résultats de ses tra-
vaux 2 sont rendus publics en 1999. Ils permettent d’ouvrir un débat élargi au moment où les acteurs de la
société dans leur ensemble (gouvernants, société civile, chercheurs, médias) s’inquiètent de la situation de
crise dans laquelle s’enfonce le système éducatif. Ils débouchent sur la définition de la Charte nationale
d’éducation et de formation au lendemain du discours royal d’octobre 1999. Elle constitue désormais la
référence sur les orientations d’action dans le domaine de l’éducation, abordé dans ses différentes compo-
santes. La période 2000-2009 est alors décrétée décennie nationale de l’éducation et de la formation.
Cette décision de faire de l’éducation une priorité traduit la volonté de remédier à la crise, plus largement il
s’agit de faire en sorte que :
Pour appréhender les grandes évolutions, nous disposons en particulier des travaux conduits par la Direc-
tion de la Statistique : exploitation des résultats des recensements 1982 et 1994, indicateurs sociaux 1991,
1997, 1998/99, ainsi que les Annuaires statistiques, depuis le début de la décennie quatre-vingt-dix. Nous y
avons adjoint les différents plans ainsi que les mises au point réalisées dans le cadre du SNAT. La tenue du
prochain recensement en septembre 2004 a pour effet de créer un temps de latence. Il est regrettable que
nous ne puissions pas tenir compte des résultats dans le cadre de ce travail, compte tenu des délais pour
leur exploitation et leur publication.
Le taux d’analphabétisme de la population âgée de 10 ans et plus est passé de 87 % en 1960 à 48.3 % 3
en 1998/99, soit une baisse de presque 40 points en un peu moins de 40 ans. Toutefois cette régression est
beaucoup plus lente en milieu rural où le taux s’établit à 66.9 % soit un peu moins du double de ce qu’il est
en milieu urbain (33.7 %).
L’analphabétisme en 1998/99 demeure élevé chez les adultes (25-34 ans : 43.3 %, 35-44 ans : 58.3 % et
45-59 ans : 69 %) – au dessus de la moyenne nationale – et frappe davantage les personnes âgées (89.6 %
des 60 ans et plus). Néanmoins, 25.3 % des 10-14 ans, 35.7 % des 15-24 ans, donc au sein des jeunes géné-
rations demeurent analphabètes, ce qui n’est pas sans incidence sur les conditions de développement du
pays. Ce déficit est plus marqué en milieu rural qu’en milieu urbain. À cette disparité de nature spatiale,
s’ajoute l’effet « genre ». La population féminine représente 51 % de la population totale depuis 1960 et plus
de 73 % d’entre elle est âgée de moins de 35 ans. Bien que sa situation se soit globalement améliorée, elle
est plus durement frappée que la population masculine par l’analphabétisme qui s’aggrave selon le milieu de

1. Plan de développement économique et social 1988-1992, page 139.


2. Royaume du Maroc, Commission Spéciale Éducation-Formation, 1999 : « Regards sur le système éducation formation au Maroc, réalisa-
tions, problématiques, dysfonctionnements », 100 p.
3. Indicateurs sociaux 1999, op. cit.

37
résidence. Les petite filles sont plus touchées (48,2 % des 10-14 ans et 58.2 % des 15-24 ans) que les gar-
çons, respectivement 16,2 % et 22,7 % pour les mêmes tranches d’âge. En milieu rural, c’est donc plus de
la moitié des petites filles qui ne savent ni lire ni écrire (55 % des 10-14 ans).
Pourtant le niveau d’instruction a progressé durant la période intercensitaire 1982-1994. Le pourcentage
des « sans instruction » est passé de 78 à 64 % au profit de ceux atteignant le cycle fondamental et
secondaire, passant de 16.8 % à 28.3 %. Seuls 5.4 % des apprenants, soit 8.7 % en ville et 0.8 % en milieu
rural atteignent l’enseignement supérieur.
La population âgée de plus de 15 ans, sans instruction a cessé donc de constituer la proportion domi-
nante (48,4 % en 1998/99), mais les contrastes persistent selon les milieux : 67.8 % en milieu rural et 34.4 %
en ville.
Cependant si l’on prend en compte le diplôme obtenu, 70.2 % de la population totale âgée de plus de 15
ans n’a aucun diplôme (88,7 % en milieu rural et 56,9 % en milieu urbain). À l’échelle du pays, 20.5 % de la
population obtient le certificat de l’enseignement fondamental, premier diplôme qui sanctionne l’acquisi-
tion des connaissances fondamentales en lecture, écriture et calcul. Les écarts entre milieu rural et urbain
sont tout aussi conséquents, puisque 9.8 % de la population rurale âgée de plus de 15 ans l’obtient contre
28.2 % en milieu urbain. La décision d’instaurer un niveau de diplôme minimal pour pouvoir exercer les fonc-
tions de Président de conseil communal dans le cadre de la Réforme de la Charte adoptée en 2002 devrait
avoir un double effet : éventuellement inciter la population à achever avec succès la scolarité de ses enfants
en cycle fondamental, plus sûrement restreindre voire figer encore davantage le corps éligible.
Un peu plus de six millions d’élèves étaient scolarisés en 2002 1 dans les institutions d’éducation et de
formation au Maroc (y compris le secteur privé). Cet effectif représente 55 % de la population âgée de 5 à
24 ans. La proportion de filles poursuivant des études dans l’enseignement public est évaluée à 48 % du
total. Elle a progressé de presque 8 points en une décennie. Le secteur privé exerce une influence grandis-
sante. Alors qu’il absorbait 4.2 % du total des effectifs en 1992-93, il prend en charge 14 % des effectifs sco-
larisés en 2002-2003.
L’enseignement préscolaire accueille 709 988 enfants âgés de moins de 7 ans – âge requis pour intégrer le
cycle fondamental – ; il demeure constitué à 90 % par l’enseignement coranique. Les effectifs connaissent
une évolution très contrastée et ont eu tendance à diminuer en une décennie (près de 9 %). Ce recul
concerne le préscolaire moderne (i 60 %) alors que l’enseignement coranique a progressé sur la même pé-
riode de + 6.5 %.
Le cycle fondamental qui s’étale sur une durée de 6 ans est considéré comme le niveau obligatoire requis
pour l’acquisition des notions de base. Les effectifs globaux sont passés de 740 657 en 1960 à 2 742 833 en
1992-93 pour atteindre 4 101 157 en 2002-2003. Durant la période de l’ajustement structurel 2, ils ont connu
une baisse significative entre 1983 et 1988, passant de 2 474 000 à 2 110 000 élèves. Le mouvement a été
inversé par la suite et les effectifs s’élèvent rapidement (plus de 20 % entre 1988 et 1991). Cependant cette
baisse a touché davantage les zones rurales (i 24.2 %) que les zones urbaines (i 5.9 %). Or, l’inversement
de la tendance en 1988-91 a été plus profitable pour les villes (+ 23.9 %) que pour les campagnes (+ 17.3 %).
Ce phénomène est probablement à mettre en relation avec l’écart de revenu moyen par famille entre les
deux milieux ; les familles les plus pauvres ayant été relativement plus touchées par la réduction des effec-
tifs. En fait, la demande des familles rurales recule car la scolarisation a un coût, qui n’est pas jugé prioritaire
au regard des autres dépenses auxquelles les ménages doivent faire face, alors que leur revenu tend à bais-
ser.

1. Annuaire Statistique du Maroc 2003.


2. Md Tlemcani, « Impact de la politique d’ajustement sur les dépenses sociales au Maroc », in Bilan décennal du programme d’ajustement
structurel et perspectives de l’économie marocaine, Associations des Économistes Marocains, octobre 1993.

38
Les filles sont les premières pénalisées par ce contexte. Elles ne représentaient que 29 % des effectifs en
1983 contre 46.5 % à la même époque en ville. Peu à peu cependant, leur part progresse globalement. Elles
représentent 47 % des effectifs – tous milieux confondus – en 2002-2003 contre 28 % en 1960.
Sur la période intercensitaire 1982-1994, le taux de scolarisation est passé de 53.5 % à 62.2 %. Les filles
vivant à la campagne bénéficient le moins de la scolarisation : 26.6 % en 1994 contre 80.4 % chez les cita-
dines.
L’effectif des nouveaux inscrits en 1re année progresse, passant de 446 000 en 1990-91 à 592 060 en
2002-2003. Les élèves résidant en milieu rural représentent 57 % du total aujourd’hui contre moins de 50 %
en 1990-91 ; mais les filles représentent toujours moins de la moitié des effectifs, même si leur part a pro-
gressé de plus de 7 points sur la même période.
La réussite scolaire peut se mesurer à partir de plusieurs indicateurs qui traduisent la difficulté que ren-
contrent les élèves à remplir les conditions requises pour suivre un cursus dans son intégralité et répondre
aux exigences attendues au terme de leur scolarité. Nous ne retiendrons que quelques données significa-
tives.
Le taux de redoublement dans le cycle fondamental public sur la période 1990-91/2002-2003 s’établit à
12.6 % tandis que celui observé au collège est d’un peu plus de 20 % des effectifs. En dépit de l’améliora-
tion du taux de passage au secondaire qualifiant qui est passé de 38.5 % en 1990/91 à 42.5 % en 1998/99, le
taux de réussite au baccalauréat s’établit aux alentours de 58 % sur la période. En 2002-2003, 150 367
élèves soit 28 % du total scolarisé dans le secondaire qualifiant étaient âgés entre 19 et 24 ans, traduisant
par là même l’accumulation des années de retards dans l’accomplissement du cursus. Lors de cette même
année de référence, le taux de réussite au baccalauréat est tombé à 46 % du total.

Tableau no 1 : Répartition de la population scolarisée


selon les cycles en 1992-1993 et en 2002-2003

1992-1993 2002-2003
Effectif scolarisé* 4 302 077 6 234 740
– Féminin (public) 40.3 48 %
– Privé 4.2 14 %
Structure selon le cycle
– fondamental 63.4 % 66 %
– secondaire 28.1 % 27 %
– supérieur 6.1 % 5%
– formation professionnelle 2,4 % 2%
Effectif pré scolarisé (4-6 ans) 779 043 709 988
– féminin 29.5 % 38 %
– coranique 76.9 % 90 %
Effectif fondamental (7-12) 2 727 833 4 101 157
– féminin 40.5 % 47 %
– privé 3.7 % 6%
Effectif secondaire collégial (13-15 ans) 832 571 1 119 580
– féminin 40.9 % 44 %
– privé 1.3 % 2%
Effectif secondaire qualifiant (16-18 ans) 375 163 556 204
– féminin 41.2 % 47 %
– privé 7.2 % 5%

39
Enseignement supérieur (19-22 ans) 261 543 314 152
– féminin 36.5 % 46 %
– privé 2.5 % 6%
Formation professionnelle 104 967 143 647
– privé 33.3 % 45 %

* Non compris le préscolaire et les effectifs scolarisés dans les établissements relevant de l’Agence de l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE). Cette structure a été créée en 1990. Elle s’est substituée à
l’ancienne Mission Culturelle et de Coopération créée en 1957 1. Ces établissements ont accueilli en 2003 un peu moins de 20 000 élèves scolarisés de la moyenne section maternelle jusqu’au baccalauréat et dont plus
des deux tiers sont Marocains. Une seule classe préparatoire subsiste dans le système. L’EC option mathématique est ouverte au Lycée Descartes (Rabat) depuis 1990-1991.

Source : Annuaire statistique des années retenues.

Ces données permettent de mettre à jour une autre dimension de la question éducative. Jusqu’à présent,
la préoccupation majeure de l’État a été de déployer les efforts nécessaires pour assurer la généralisation de
l’accès à l’école, inscrite dans une dimension essentiellement quantitative. La médiocrité des performances
enregistrées dans l’enseignement public tant en termes de suivi des cycles dans les temps requis que du
passage d’un cycle à un autre et de l’obtention des diplômes les sanctionnant, invite donc à une réflexion
d’ensemble sur la qualité de cet enseignement, au moment où les pouvoirs publics ont décidé d’encourager
le secteur privé à intervenir davantage. Alors que jusqu’au milieu des années 90, les deux principaux clivages
étaient constitués par le milieu de résidence et le sexe, le risque est grand de voir se surimposer à ces deux
facteurs discriminants, celui de la capacité financière, avec comme corollaire l’aggravation des disparités
socio spatiales.
Le nombre d’établissements dans l’enseignement fondamental public est passé de 1000 en 1960 à 1318
en 1970-71, 2333 en 1980-81, 6746 en 2002-2003. Le corps enseignant, totalement marocanisé dans les pre-
mières années de l’Indépendance, est passé de 17 916 personnes en 1960-61 à 34 277 en 1970-71, 83 616
en 1990-91 et à 135 199 en 2002-2003, dont 40 % sont des femmes. Alors que les effectifs enseignants ont
augmenté durant toute la période, le taux d’encadrement a baissé lors de la phase d’ajustement structurel
passant de 34.4 élèves par enseignant en 1983-1984 à 25.7 en 1988-1989. Ce recul est à mettre en relation
avec la désaffection de l’école par les familles en raison de la charge qu’elle représente alors, notamment en
milieu rural. Depuis, le taux n’a pas cessé d’augmenter, pour se stabiliser depuis 1992-1993 à 28 élèves par
enseignant. En 2002-2003, il s’établit à 28.7.
Du point de vue matériel, le nombre d’élèves par classe est stable depuis le début des années 90 et
s’établit à 28. En 2002-2003, il a augmenté à 29. En milieu rural, il est un peu plus faible puisqu’il s’établit à
25. En revanche, le nombre d’élèves par salle utilisée est beaucoup plus élevé : 44 en 2002-2003, soit 52
en milieu urbain contre 38 en milieu rural. Pourtant le nombre de salles utilisées a augmenté, passant de
115 210 en 1998-99 à 133 587 en 2002-2003, soit + 16 % en cinq années, mais ne suffit pas à améliorer les
conditions d’occupation des locaux dont dispose le Ministère de l’Éducation Nationale.
Dans le secteur privé, qui prend en charge à l’échelle nationale 5.6 % des effectifs en 2002-2003 soit
216 519 élèves, le nombre d’établissements est passé de 625 en 1999-2000 à 967 en 2000-2001 soit une
augmentation de 54.8 % en une année scolaire. Le corps enseignant pour sa part est passé de 5 819 per-
sonnes en 1999-2000 à 10 354 en 2002-2003 soit une progression de 78 % en deux ans. Enfin, durant la
même période le nombre d’élèves par enseignant est passé de 29.7 en 1999-2000 à 20.7 en 2002-2003. Le
choix du secteur privé par les familles qui en ont les moyens se traduit donc par des conditions matérielles
plus favorables. Il demeure cependant un certain nombre d’inconnues pour appréhender pleinement les

1. B. Allain, El Mansouri, La coopération éducative française au Maroc, OPCF, Rapport annuel, Édition Khartala, 2000.

40
caractéristiques de ce secteur. Nous ne disposons pas en effet de données sur les taux de redoublement, de
passage d’un cycle à un autre, ni sur le taux de réussite aux examens. Cependant, l’engouement actuelle-
ment manifesté par les familles dans les grandes villes pour ce type d’enseignement traduit sans aucun
doute un double mouvement : permettre à leurs enfants d’accéder aux meilleures conditions nécessaires à la
réussite, mais aussi éviter la mixité sociale qu’induit l’enseignement public, sachant que le montant des frais
de scolarité écarte d’emblée les familles les plus modestes.
L’amélioration de l’accès à l’éducation en moins d’un demi-siècle reflète les efforts indéniables consentis
par l’État. La réduction continue du taux d’analphabétisme et les progrès en termes de taux de scolarisation
dans l’enseignement primaire en sont les signes tangibles.
Cependant, en dépit de ces progrès, les réalisations du secteur éducatif restent encore en deçà des aspira-
tions de la société. La scolarisation de la petite fille et le comblement du déficit qui affecte le milieu rural
restent des enjeux de première importance. Selon le SNAT, à ce rythme, les perspectives de généralisation
de l’éducation de base peuvent être envisagées dans un horizon d’une vingtaine d’années, à condition que
l’éducation de base continue à être au centre des préoccupations 1.
À ces questions, s’ajoute un volet plus qualitatif. L’obtention du diplôme pour beaucoup de jeunes
aujourd’hui n’est pas synonyme d’intégration, mais bien au contraire de chômage. L’adéquation entre forma-
tion et emploi constitue donc un véritable défi qui ne peut se résoudre par la seule réduction des conditions
d’accès au supérieur. Elle passe par la redéfinition des critères qui fondent un enseignement de qualité :
rigueur dans l’acquisition des connaissances, maîtrise des langues d’enseignement, lutte contre les fraudes
durant les examens tant du secondaire que du supérieur. Aujourd’hui, ces conditions préalables sont loin
d’être remplies, alors qu’émerge rapidement un système éducatif à plusieurs vitesses – urbain-rural, centre-
périphérie, public-privé – non sans risque pour la cohésion sociale.

4.2.2. La santé
Être en bonne santé est certainement l’une des préoccupations majeures la mieux partagée. L’améliora-
tion de l’état de santé de la population signifie l’allongement de l’espérance de vie à la naissance, la dispari-
tion de certaines maladies, une meilleure qualité de vie et des conditions propices au développement
économique et social.
Au lendemain de l’Indépendance, le Maroc ne disposait dans le domaine de la prévention que de 320 sal-
les de visite et dispensaires ruraux et de 97 centre de santé et dispensaires urbains. En ce qui concerne
l’infrastructure hospitalière, il n’y avait que 36 hôpitaux généraux avec une capacité hospitalière de 15 900
lits. En 1960, le personnel médical s’élevait à 1 028 médecins dont 499 exerçant dans le secteur public, soit
11 331 habitants par médecin, tandis que l’effectif du personnel paramédical n’était que de 803 infirmiers
soit 14 478 habitants par infirmier et 3 400 aides sanitaires, 3419 habitants par aide sanitaire.
L’état sanitaire de la population marocaine était alors encore très déficient avec une morbidité répandue.
En 1962, furent déclarés 8 204 cas de fièvre typhoïde, 17 982 cas de paludisme et 2974 cas de bilharziose.
Le nombre d’examens médicaux et de soins paramédicaux assuré par les différentes formations s’élevait à
35 millions en 1960.
Depuis, le Maroc a eu pour objectif d’étendre les soins de santé primaire. Il s’agissait pour l’État de doter le
pays d’une infrastructure suffisante aussi bien d’action ambulatoire qu’hospitalière et d’assurer la formation
du personnel médical et paramédical en vue de satisfaire les besoins croissants de la population en matière
de santé, compte tenu de la croissance démographique. Plus largement, l’édification du système de santé

1. Voir page 197, Volume Bilan-diagnostic du SNAT.

41
national a été profondément déterminée par le modèle dit hospitalo-universitaire comportant deux structures
distinctes : l’une urbaine et hospitalière, inspirée du modèle européen tel qu’il avait mis en place dès le Pro-
tectorat, et l’autre rurale et légère, axée sur la vaccination de masse, la prophylaxie, l’hygiène de milieu, assu-
rées en grande partie par des équipes mobiles. Ces choix ont contribué à aggraver l’inégale adéquation entre
l’offre et la demande dont souffrait anciennement le système. Cette dichotomie n’a pas pu être véritable-
ment réduite en raison de la définition des programmes d’investissements qui ont davantage visé le déve-
loppement de structures sanitaires à vocation curative que les problèmes de santé prioritaires. Jusqu’au
début des années 80, 79 % des dépenses d’investissement allaient aux hôpitaux contre 21 % pour les struc-
tures ambulatoires.

La construction des hôpitaux dans les principales zones urbaines a absorbé la majorité du budget de la
santé. Ce n’est que durant la décennie 90 que la priorité a été accordée aux services de soin de santé pri-
maires et aux zones rurales :
– en développant les installations de soins de santé primaires, en formant des équipes itinérantes en
milieu rural, en améliorant la qualité du personnel,
– en encourageant les programmes de soins de santé maternels et infantiles afin de réduire l’incidence de
la diarrhée et de la malnutrition, en étendant les programmes de vaccination et en contrôlant les gros-
sesses et les accouchements.

Parallèlement, le développement rapide du secteur privé, fortement concentré – 75 % des structures à


Rabat et à Casablanca – a encore compliqué le dispositif.
Les indicateurs montrent une amélioration et un élargissement de l’accès aux soins et services médicaux.
Grâce à l’augmentation de l’effectif des médecins et du personnel paramédical 1, au nombre respectivement
de 13 955 et de 27 644 en 2002, le nombre d’habitants par médecin est tombé à 2123 en 2002 2 tandis que
celui par membre de personnel paramédical s’élève à 1072 à la même date.
L’offre de soins a pu être étendue grâce à l’augmentation du nombre d’établissements sanitaires. En 2002
on compte dans le secteur public 175 hôpitaux dont 53 implantés localement, 1132 centres de santé rurale,
auxquels il faut ajouter 842 dispensaires ruraux et 583 centres de santé urbains, soit au total 2687 établisse-
ments de santé. Le nombre d’habitants par établissement sanitaire s’est amélioré passant de 17 092 en
1980 à 11 027 en 2002. En revanche en termes de capacité hospitalière publique, la situation s’est dégra-
dée. Si le Maroc dispose de 25 091 lits en 2002 contre 18 235 en 1960 soit une augmentation de 37.6 %, le
nombre de lits pour 100 000 habitants est passé de 156 en 1960 à 84 en 2002.
Le secteur privé 3 pour sa part est composé de 5752 cabinets libéraux, de 307 laboratoires et de 229 cli-
niques privées en 2002, soit 4845 lits.
Cependant, plus de 80 % de la population dépend du secteur public pour les services de santé et leur
répartition géographique montre l’ampleur des disparités entre milieu urbain et milieu rural. Rabat et Casa-
blanca sont les deux plus importants C.H.U.
Les vastes campagnes publiques de vaccination contre les principales maladies, le développement de la
prévalence contraceptive et un meilleur suivi de la maternité ont permis de réduire le taux brut de mortalité
qui est passé de 10.6 %o en 1980 à 5.6 %o en 2002. L’espérance de vie à la naissance en a été allongée, pas-
sant de 59.1 en 1980 à 70 en 2001.

1. Nous avons comptabilisé le personnel paramédical public auquel nous avons adjoint les sages-femmes (105) et les 970 infirmiers autorisés
à exercer à titre privé.
2. Annuaire statistique du Maroc 2003.
3. Zine Eddine El Idrissi M. Driss, La couverture médicale au Maroc, in Critiques Économiques, no 10, 2003.

42
Néanmoins, bien que le taux de mortalité infantile ait baissé passant de 57.4 %o en 1988-92 à 36.6 %o en
1992-97, il frappe plus durement le milieu rural que le milieu urbain, respectivement 69,3 %o et 46.1 %o .
Le nombre de décès maternels pour 100 000 naissances certes en recul – il est passé de 332 en 1980-
1998 à 228 en 1992-1997 et est estimé à 180 en 2001 1 – demeure parmi les plus élevés au monde. Tout
comme dans le cas de la mortalité infantile, la mortalité maternelle frappe plus durement les femmes vivant
en milieu rural – 278 en 2001 – qu’en milieu urbain 75.
La part des soins de santé de base dans le budget de l’État a atteint 1.8 % en 1997-98 contre 1.3 % en
1990. La même année, la part de ces dépenses dans le budget du Ministère de la Santé était de 37.2 %. Sur
ce montant 70 % ont été consacrés au fonctionnement et 30 % à l’investissement. Entre 1990 et 2002, les
dépenses publiques totales par habitant ont progressé, passant de 75.3 dirhams en 1990 à 174.9 dirhams en
2002, mais elles sont plus faibles par rapport à d’autres pays arabes 2. Les soins et les biens médicaux sont
encore chers par rapport au pouvoir d’achat des populations, d’autant que l’assurance maladie 3 demeure
limitée. Elle ne couvre que 13.5 % de la population totale et concerne davantage les ménages urbains
(21.8 %) que les ruraux (3.5 %). La population pauvre et les classes moyennes n’en bénéficient pas conve-
nablement. Le taux de couverture médico-sanitaire passe de 2.3 % parmi les 20 % de la population la plus
défavorisée à 35 % chez les 20 % de la population la plus aisée ; de même en termes de dépenses de santé,
les 20 % de la population la plus défavorisée consacrent 59.7 dirhams annuellement et par personne, contre
1001.5 dirhams chez les 20 % les plus aisés de la population durant la même période.
La quasi-absence d’un système de solidarité institutionnalisée dans le domaine de la santé, pénalise
donc en tout premier lieu les populations résidant en milieu rural, que l’on dénombre en grande majorité
parmi les plus pauvres.
Pourtant, le taux de recours au personnel médico-sanitaire pour les soins a progressé, passant de
53.5 % en 1991 à 65.5 % en 1998. L’amélioration est encore plus nette à la campagne (+15.2 points contre
+8.3 points en ville) mais les ruraux s’adressent moins au personnel médico-sanitaire (56.5 %) que les cita-
dins (70.8 %) lorsqu’ils sont malades ou blessés. Ce sont les médecins qui sont consultés par l’écrasante
majorité, y compris en milieu rural (respectivement 88.2 % et 84 % en 1998). Les consultations ont lieu dans
les établissements de santé publique (45.9 %) et dans les cabinets privés (44.2 %).

5. Accessibilité et spatialité

L’analyse sectorielle des principaux services de base tant en termes d’infrastructures (routes, eau potable,
électricité) que d’équipements socio publics tels que l’école ou la santé appellent un certain nombre de
remarques du point de vue de l’accessibilité spatiale, à l’échelle régionale et provinciale.

5.1. Les routes

L’analyse de la densité du réseau revêtu à l’échelle régionale permet de mettre à jour une concentration le
long du littoral accompagnée d’une jonction aux principales grandes villes couvrant les périmètres irrigués et

1. Maroc, Rapport de développement humain, 200, – Gouvernance et accélération du développement humain, PNUD,
2. Quand le Maroc consacre 56 US$ par habitant, la Jordanie en réserve 134, la Tunisie 118 et le Liban 398.
3. Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan : Enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages 1998/1999,
premiers résultats, Direction de la Statistique, 2000.

43
les zones minières. Ce dispositif a évolué dans le sens d’un renforcement du maillage dans les régions déjà
fortement intégrées au marché tandis que les zones montagneuses et présahariennes sont restées à la
marge. Ainsi les provinces de Taroudant, Ouarzazate, Tiznit, Tan Tan, Tata, Guelmim mais aussi de Boule-
mane, Figuig et d’Errachidia se singularisent par la faiblesse des densités du réseau revêtu (tableau no 2). Le
PNRR, qui constitue comme nous l’avons souligné un programme de désenclavement du monde rural, a
donc visé lors de son lancement à améliorer l’équipement des provinces jusque là délaissées.
Sept provinces sur les quarante cinq les moins desservies ont bénéficié de 31 % du linéaire inscrit au
PNRR. Il s’agit des provinces ayant en programmation chacune d’un linéaire d’au moins 450 km, soit Tarou-
dant, Ouarzazate, Azilal, Taza, Khénifra et Errachidia. Globalement, toutes les provinces ayant un réseau
revêtu de moins de 10 km pour 100 Km2 ont bénéficié du linéaire programmé. Elles devraient donc bénéficier
de près de 5390 km du linéaire du PNRR soit près de 48 % du total.
Cependant, quelques provinces ont été déclarées prioritaires bien qu’elles présentent déjà une grande
densité de réseau revêtu. Il s’agit de celle de Settat qui dispose d’une programmation de 430 km dans le
PNRR et de celle d’El Jadida qui bénéficie d’une programmation de 321 km. Ces exceptions sont probable-
ment à mettre en relation avec le poids différencié des acteurs locaux lors du processus de programmation. Il
en va de même, bien que dans une moindre de mesure dans les provinces de Safi, Béni Mellal, Tétouan ou
Chefchaouen, bien qu’elles présentent les mêmes caractéristiques que celles de Taounate, Khémisset,
Khouribga, Nador ou Al Hoceima. Il faut sans aucun doute voir dans ce traitement différentiel les mêmes
motifs que ceux observés à Settat et El Jadida.
Les provinces les moins concernées par le PNRR sont composées en grande majorité des zones faible-
ment habitées (Tan Tan, Guelmim...), des périphéries des grandes villes (Casablanca, Rabat, Fès, Meknès,
Tanger, Kénitra, Sidi Kacem...) ainsi que des périmètres irrigués.
Enfin en termes de réalisation, plusieurs provinces telles que Tétouan, Al Hoceima, Taounate, Taza, Khéni-
fra, Azilal et Essaouira n’atteignent pas les 50 %, à moins de deux ans de la fin du Programme.
Si des priorités sont retenues (zones pauvres du BAJ, zones de montagne) lors de la définition même du
programme, la persistance d’interférences relevant d’autres considérations, souligne, si besoin est, la néces-
sité d’un cadre de mise en cohérence territorial propre à un meilleur recalage de l’action de l’État.

Tableau no 2 : Densité du réseau routier revêtu par province (1999)

Provinces Total revêtu + non revêtu Densité réseau revêtu Linéaire PNRR en 1995
(en milliers de km) (km revêtu/100 Km2) (en km)
Agadir-Ida outanane 1237.93 9.64 111
Al Hoceima 607.69 11.38 278
Assa-Zag 260
Azilal 1057.53 4.58 521
Beni Mellal 1373.42 13.18 183
Benslimane 889.47 20.39 154
Boujdour 273 0.27
Boulemane 1494..19 3.89 338
Casablanca 527.27 27.43 26
Chefchaouen 791.54 139
Chtouka-Inezgane 231
El Haouz 70

44
El Jadida 1922.06 28.01 332
El Kelaa 1403.35 7.94 288
Errachidia 1874.65 1.36 496
Essaouira 1354.7 9.55 337
Es-Smara 1092.3 0.36 94
Fès 1191.96 15.74 73
Figuig 1438.70 1.11 288
Guelmim 1109.13 1.27 115
Ifrane 819.38 15.83 59
Kenitra 1628.09 20.10 241
Khemisset 1505.37 11.07 299
Khénifra 1580.28 8.13 455
Khouribga 907.03 13.08 335
Laâyoune 1417.41 2.26 122
Larache 399.52 13.38 169
Marrakech 2265.86 8.03 371
Meknès 1606.64 24.83 267
Nador 1143. 12.15 280
Ouarzazate 2765.18 2.46 494
Oued Dahab 3271 1.45
Oujda 2200.79 5.89 392
Rabat-Salé 743.83 35.68 114
Safi 1395.4 12.38 236
Settat 2665.05 15.53 430
Sidi Kacem 1541.02 18.25 176
Tan-Tan 479.08 1.32 68
Tanger 314.74 22.26 47
Taounate 1317.13 12.82 351
Taroudant 2155.26 4.35 569
Tata 1158.06 1.78 356
Taza 1813.72 6.49 505
Tetouan 404.57 10.29 67
Tiznit 1345.3 9.03 303
Ensemble 57 520 4.21 11 236

Source : Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’Aménagement du
Territoire : Territoires, services publics de base et services d’intérêt économique général : accessibilité et maillage des territoires ruraux, 2004.

45
5.2. L’eau potable

Le mode de définition du taux d’accès est tout à fait essentiel pour saisir ce qu’il recouvre exactement. Il
est défini dans le cadre du PAGER par la DGH comme par l’ONEP comme un ratio qui rapporte à tout projet
dans une localité l’ensemble de la population rurale résidente dans ladite localité. Ainsi calculé, cet indicateur
ne prend pas en compte ni les normes de potabilité, de pérennité et de desserte, ni le fonctionnement même
du système amont mis en place dans une localité. Sont donc ainsi occultés le tarissement de la ressource,
l’arrêt de l’équipement ou les défauts d’entretien qui pourraient perturber le service.
La répartition géographique révèle de fortes disparités : 23 % seulement du total des localités qui consti-
tuent la campagne marocaine ont été touchées par le PAGER à ce jour. Ramené en termes de localités des-
servies, les taux d’accès déclarés révèlent surtout une action portée en priorité sur les localités de grande
taille, ce qui ne sera pas sans conséquence sur la progression du taux dans le futur.
Par province et par région, les contrastes sont significatifs. À l’échelle régionale, le ratio oscille entre 32 %
dans la région de Chaouia-Ouardigha contre 69 % dans la région de Fès-Boulmane, tandis que 21 provinces
n’atteignent pas le taux moyen national.
À l’intérieur même des régions, les disparités entre les provinces restent importantes, voire alarmantes,
comme dans le cas de Safi, El Jadida, Settat, Essaouira, Taza, Taounate, Chichaoua et dans une moindre
mesure, Nador, Tiznit, Larache, Khénifra, Khémisset et Chefchaouen. Ces provinces continuent à compter
parmi les plus exposées aux problèmes de sécheresse (Essaouira, Safi, el Jadida, Chichaoua, Taza, Tarou-
dant, Tiznit) et de prolifération des maladies hydriques (Tanger, Sidi Kacem, Boulmane, Azilal, El Hajeb). Les
effets du PAGER sont donc limités dans ces provinces, tandis que neuf provinces sur treize du BAJ 1 se re-
trouvent parmi les douze provinces ayant le plus le plus faible taux d’accès en 1998 (tableau no 3).

Tableau no 3 : Le PAGER dans les provinces les plus pauvres

Provinces Taux d’accès en 1998 (en %) Taux d’accès en 2002 (en %)


Al Hoceima 29.9 44
Azilal 20.3 58
Chefchaouen 31.1 40
El Kelaa 40.2 45
Essaouira 19.2 22
Ouarzazate 40.2 70
Safi 15.2 30
Sidi Kacem 27.4 50
Taroudant 24.9 46
Taza 41.9 34
Tiznit 28.1 43
Wilaya de Marrakech-Al Haouz 19.2 47
Moyenne 28.1 48

Source : Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’Aménagement du
Territoire : Territoires, services publics de base et services d’intérêt économique général : accessibilité et maillage des territoires ruraux, 2004.

1. Les provinces retenues par le BAJ sont : Kalaa, Ouarzazate, Taroudant, Essaouira, Azilal, Chefchaouen, Sidi Kacem, Tiznit, Safi, Chichaoua,
el Haouz, Taza, Al Hoceima.

46
Cette situation a été sensiblement améliorée dans les provinces d’Al Haouz, d’Azilal, de Sidi Kacem, de
Taroudant et de Ouarzazate. Mais elle reste préoccupante dans les provinces de Safi, Essaouira, Taza et
Chefchaouen. En dépit des efforts consentis, la marginalisation de certaines provinces est toujours à l’ordre
du jour. Cela s’explique probablement par l’orientation des investissements en priorité vers les provinces
bénéficiant d’un don ou d’un prêt. En revanche, lorsque la programmation n’obéit qu’aux règles du finance-
ment « interne », la formule du partenariat entre les communes rurales, les services extérieurs du Ministère
des Travaux Publics et l’ONEP est privilégiée.
Les localités qui présentent une forte culture participative associée aux revenus, par exemple de l’émigra-
tion,[u1] ont pu proposer le paiement global de la part revenant à la commune rurale et leurs populations ont
pu accélérer la procédure. C’est le cas dans la province de Chtouka-Ait Baha et Unies* dans le Sous. En
l’absence du relais que constituent les apports extérieurs, le risque est grand pour les populations de se re-
trouver à la merci du bon vouloir de présidents de communes qui font de la transmission de la demande et de
l’engagement financier de la commune un objet électoral. Le poids prépondérant accordé à la participation
financière parmi les critères d’éligibilité au PAGER entraîne des discriminations entre les collectivités,
occultant de fait les principes de solidarité et d’équité socio sociale.
En dehors du Grand Casablanca, les régions qui enregistrent les plus fortes populations restent celles du
Gharb-Chrarda-Beni Hssein, Doukkala-Abda et Tanger-Tétouan. Les deux premières correspondent à des
zones de grande irrigation moderne alors que la troisième englobe des populations anciennement sédentari-
sées du Rif occidental. L’investissement de l’État dans la grande hydraulique et le dynamisme démo-
graphique ne sont pas relayés par le développement adéquat des équipements de base en matière d’amont
rurale. Le taux d’accès et le pourcentage de localités touchées par le PAGER restent en deçà de la moyenne
nationale. En revanche, dans les régions ayant les plus faibles densités de population (régions sahariennes,
Oriental, Meknès-Tafilalelt), les taux d’accès enregistrés sont parmi les plus élevés.
Analysé par le biais de la couverture spatiale tant en termes de localités desservies que de l’espace cou-
vert, les résultats du PAGER sont donc limités.
Le Sous Massa a ainsi reçu le plus grand nombre de projets (1461), mais cela ne représente que 16 % des
localités de cette région. Il en est de même pour Marrakech-Tensift-Al Haouz (979 localités ne représentant
que 16 % de l’ensemble). Plus le nombre de localités augmente, plus l’intervention du PAGER se révèle déli-
cate. Or, ce grand nombre de localités s’étend sur une grande partie du Haut Atlas occidental (Agadir, Tarou-
dant, Al Haouz, Essaouira) et Central (Azilal, Ouarzazate). Dans ce dernier cas, la province d’Azilal a bénéficié
d’une soixantaine de projets permettant de relever le taux d’accès à 58 % en 2002, mais rapportés au
nombre de localités (1222), plus de 95 % d’entre elles n’ont pas été touchées par le PAGER, alors qu’il s’agit
de populations rurales d’une province élue au titre du programme BAJ.

5.3. L’électricité

En matière de couverture et de desserte du milieu rural en électricité, les écarts demeurent encore forts
entre les régions (tableau no 4).
Six régions sur seize présentent toujours un taux inférieur à la moyenne : Marrakech-Tensift-Al Haouz
(44 %), Taza-Al Hoceima-Taounate (54 %), Doukkala-Abda (45 %), Tanger-Tétouan (42 %), Rabat-Salé-Zem-
mour-Zaer (31 %), Chaouia-Ouardigha (37 %).
L’électrification en cours dans le cadre du PERG a porté à la fin 2003 sur 31.18 % des localités du milieu
rural. Il convient de souligner les efforts consentis dans certaines provinces du BAJ, considérées comme les
moins équipées. Cependant, d’autres provinces restent encore très peu pourvues en équipements. C’est le

47
cas notamment de la province d’El Jadida, dont le taux de douars mis sous tension n’est que de 21.81 %, de
la province de Settat (21.03 %) ou de Taounate (29.28 %).

Tableau no 4 : Taux d’électrification rurale moyen par région (fin 2002)

Région Taux d’électrification rurale ( %)


Chaouia-Ouardigha 37
Doukkala-Abda 45
Fès-Boulmane 65
Gharb-Cherarda-H’ssein 63
Grand Casablanca 66
Gulemim-Essmara 76
Marraekech-Tensift-Al Haouz 44
Meknès-Tafilalelt 66
Oriental 65
Rabat-Salé-Zemmour-Zaer 31
Souss-Massa-Draa 61
Tadla-Azilal 65
Tanger-Tetouan 42
Taza-Al Hoceima-Taounate 54
Total 55

Source : Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’Aménagement du
Territoire, Territoires, services publics de base et services d’intérêt économique général : accessibilité et maillage des territoires ruraux, 2004.

Tableau no 5 : Douars mis sous tension par province en 2003

Province Douars électrifiés Total douars % de douars électrifiés


Agadir Ida Outanane 208 375 55.47
Ain Chok-Hay Hassani 45 55 81.82
Al Haouz 490 1301 37.66
Al Hoceima 189 480 39.38
Al Ismailia 25 82 30.49
Collectifs Zag 2 47 4.26
Azilal 288 974 29.57
Ben M’sick 7 16 43.75
Ben Slimane 52 179 29.05
Beni Mellal 226 518 43.63
Berkane 131 409 32.03
Boujdour
Boulemane 101 334 30.24

48
Chefchaouen 187 935 20
Chichaoua 219 1010 21.68
Chtouka Ait Baha 256 1247 20.53
El Hajeb 115 145 79.31
El Jadida 376 1724 21.81
El Kalaa de Sraghna 445 1191 37.36
Errachidia 277 816 33.95
Essaouira 470 750 62.67
Essmara 7 31 22.58
Fès el Jadid-dar Dbibagh 7 31 22.58
Fès médina 13 65 20
Figuig 15 223 6.73
Guelmime 55 213 25.82
Ifrane 31 204 15.2
Inezgane Ait Melloul 12 30 40
Jerada 17 206 8.25
Kénitra 397 693 57.29
Khemisset 104 480 21.67
Khénifra 47 698 6.73
Khouribga 54 312 17.31
Laâyoune
Larache 139 446 31.17
Marrakech médina 87 315 27.62
Meknès Menzeh 95 204 46.57
Moulay Rachid-Sidi Othmane
Nador 169 780 21.67
Ouarzazate et Zagora 696 1269 54.85
Oued Eddahab
Oujda Angad 69 179 38.55
Safi 576 1349 42.7
Sala al Jadida 2 55 3.64
Sefrou 71 258 27.52
Settat 245 1165 21.03
Sidi Bernoussi-Zenata 12 26 46.15
Sidi Kacem 448 995 45.03
Sidi Youssef Ben Ali 55 237 23.21
Skhirat Temara 7 94 7.45
Tanger-Asilah 105 130 80.77

49
Taounate 434 1482 29.28
Taroudant 478 2451 19.50
Tata 81 224 36.16
Taza 397 1164 34.11
Tetouan 215 441 48.75
Tiznit 627 2448 25.61
Tan Tan
Zouagha-Moulay Yacoub 79 434 18.20
Total 9992 32044 31.18 %

Source : Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’Aménagement du
Territoire, Territoires, services publics de base et services d’intérêt économique général : accessibilité et maillage des territoires ruraux, 2004.

5.4. L’école

Le taux d’analphabétisme est très contrasté selon les régions. Il varie entre 31 % dans le Grand Casa-
blanca et 64 % dans la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz en 1994. Les disparités relatives à ce facteur
clé que constitue l’alphabétisation ne peut qu’exacerber les contrastes socio-économiques entre les régions.
Alphabétiser et plus encore scolariser dans ces conditions devient le point de départ et dans le principal
enjeu dans la réduction des inégalités socio spatiales.
Le taux d’inscription des 7 ans en première année rend compte de l’accessibilité à l’école et l’attitude des
parents à l’égard de la scolarisation de leurs enfants.

Tableau no 6 : Inscrits en première année du premier cycle de l’enseignement fondamental


et taux de scolarisation des enfants de 7 à 12 ans selon les régions (1997-1998)

Région-province-préfecture Total des inscrits en première année du cycle Taux de scolarisation des 7-12 ans
fondamental
Ensemble % de filles Ensemble % de filles
Oued Ed-Dahab-Lagouira 1073 49.3 77.5 70.6
Laâyoune-Boujdour-Sakia 4558 48.9 87.7 83.2
el Hamra
Guelmim-Essmara 11359 46.2 73.5 62
Sous-Massa 75880 46.4 59.1 41.7
Gharb-Chrarda-Beni Hssein 34753 46.4 53.4 41.5
Chaouia-Ouardigha 34753 44.6 62.3 52.16
Marrakech-Tensift- 61135 43.9 47.4 35.9
Al Haouz
Oriental 37339 46.7 68.4 59.8
Grand Casablanca 47617 49.2 89 85.2
Rabat-Salé- 42903 47.3 75 69.4
Zemmour-Zaer

50
Doukkala-Abda 37948 42.5 49.9 39.3
Tadla-Azilal 28848 44.8 55.3 42.8
Meknès-Tafilalelt 43676 46.2 67 58.4
Fès-Boulemane 30423 45.7 66.3 57.7
Taza-Al Hoceima- 38789 42.3 49.4 34.3
Taounate
Tanger-Tetouan 45739 49.5 58.8 49.2
Ensemble 579333 45.9

Source : Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère chargé de la prévision économique et du plan, Les indicateurs de suivi et
d’évaluation de la politique de population au Maroc, CERED, 2000.

Dans le secteur privé, trois régions seulement sur 16 ont un taux supérieur à la moyenne nationale. La
région du Grand Casablanca et celle de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer enregistre près de 110 895 élèves
soit 51.3 % du total scolarisé par le privé. Cette prééminence sur la façade atlantique – axe d’implantation
des deux grands pôles urbains et décisionnels du pays du point de vue économique comme du point de vue
politique – traduit spatialement et socialement les effets qu’induit la localisation au cœur des espaces cen-
traux. Le risque réside donc dans un double processus de mise à la marge : relégation dans l’espace et exclu-
sion sociale.

Tableau no 7 : Effectifs scolarisés dans le fondamental public et privé en 2002-2003, par région

Noms des régions Fondamental public Fondamental privé* Total


Oued Ed-Dahab-Lagouira 8853 2419 094 2.7 %
Laâyoune-Boujdour-Sakia el Hamra 34619 1823 36 442 5 %
Guelmim-EsSmara 75013 658 75 671 0.9 %
Souss-Massa-Draa 487074 8653 495 727 1.8 %
Gharb-Chrarda-Beni Hssein 235722 7 733 243 455 3.2 %
Chaouia-Ouardigha 225793 11769 237 562 5 %
Marrakech-Tensift-El Haouz 428524 13 574 442 098 3.1 %
Oriental 252785 7408 260 193 2.9 %
Grand Casablanca 329729 76 915 406 644 19 %
Rabat-Salé-Zemmour-Zaer 262413 33 980 296 393 11.5 %
Doukkala-Abda 251106 9632 260 738 3.7 %
Tadla-Azilal 208266 1882 210 148 0.9 %
Meknès-Tafilalelt 292310 7939 300 249 2.7 %
Fès-Boulemane 202667 12 709 212 376 6 %
Taza-Al Hoceima-Taounate 259106 1050 260 156 0.4 %
Tanger-Tétouan 330658 14087 344 745 4.3 %
Total 3 884 638 216519 4 101 157 5.6 %
* À l’exception des effectifs scolarisés dans les établissements français de l’AEFE et de l’OSUI, ce qui représentent 6 466 élèves.

Source : Annuaire statistique du Maroc 2003.

51
5.5. La santé

L’éloignement des structures de santé et donc la distance à parcourir, rend difficile l’accès aux soins et
constitue l’insuffisance majeure du dispositif.
En 1998-1999 1, 35.9 % des malades ruraux se trouvent à plus de 20 km du lieu de consultation où ils
peuvent se rendre, mais 78.2 % doivent parcourir 5 km et plus et 33.9 % mettent plus d’une heure pour s’y
rendre. L’absence de nouvelles constructions hospitalières pénalise donc les ruraux, sachant que celles-ci
auraient du être localisées dans les petites villes au bénéfice de la campagne environnante. On estime que
27 % de la population rurale peuvent avoir accès aux structures fixes et 59 % bénéficient donc de la couver-
ture mobile. Or, ce dernier mode rencontre des difficultés pour faire faciliter l’accès aux services de santé
d’un maximum de population. Environ 1200 infirmiers itinérants étaient en exercice en 1999 mais leur effec-
tif avait diminué de 15.7 % par rapport à 1987.
Le parc automobile, véhicules et vélomoteurs, pourtant support essentiel, ne répondant plus aux exi-
gences de différents utilisateurs du fait de l’insuffisance en moyens financiers et en personnel de mainte-
nance, 14 % de la population rurale ont encore peu ou pas du tout accès aux services de soins de base, en
raison de leur difficile accessibilité géographique et/ou économique.
À cela s’ajoute le problème d’accès aux médicaments, compte tenu de l’insuffisance quantitative des phar-
macies et dépôts. On en dénombre 2499 en 2002.
Le recours aux guérisseurs bien qu’anecdotique (2.2 % des consultations en 1998, concerne davantage le
milieu rural (2.9 %) que la ville (1.7 %).
Les inégalités d’accès sont donc plus ou moins prononcées selon les domaines d’action. Ainsi les cam-
pagnes de vaccination ont donné des résultats importants : grâce à elles le taux de vaccination s’élève à
90.5 % pour l’ensemble des enfants et à 85.6 % des enfants ruraux en 1998. En revanche, pour le suivi de la
grossesse et de l’accouchement assisté, les progrès sont modestes, surtout en milieu rural : moins de 30 %
pour le premier contre 74.5 % en milieu urbain et moins de 20 % pour le second contre 75 % en ville. La dif-
ficulté d’assurer la prise en charge des accouchements en milieu rural se traduit à la fois par le déficit en lits
d’accouchement (1 lit pour 2770 femmes en âge de procréer) et par le manque de sages-femmes : seules 65
exercent en milieu rural. Par ailleurs, malgré une connaissance quasi générale des méthodes contraceptives
modernes (98.6 % de l’ensemble des femmes en 1996), le taux de prévalence a peu évolué passant de
41.5 % en 1991 à 58.8 % en 1997.

1. Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan, Enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages 1998/1999,
premiers résultats, Direction de la Statistique, 2000.

52
Un bilan mitigé

Les exigences du développement humain durable ont été de plus en plus inscrites dans le cadre des pré-
occupations du gouvernement marocain. Leur incidence sur les politiques publiques depuis le début des
années 90 s’exprime à travers la stratégie nationale de développement social et à travers une série de
mesures de lutte contre la pauvreté. Différents programmes nationaux lancés au milieu des années 90 au
lendemain du Plan d’ajustement structurel tels que le PERG, le PAGER, le PNRR mais aussi le BAJ dans la
lutte contre la pauvreté ont visé à traduire en actes cette volonté.
Huit à neuf années après le lancement de ces programmes, l’ensemble des indicateurs d’accès aux dif-
férents services de base sont à la hausse ; le taux d’électrification est passé à 60 %, l’ONEP annonçant un
taux de 80 % pour 2006, le taux d’accès à l’eau atteint 50 %, les prévisions étant un taux de 80 % en 2007.
Le PNRR est réalisé à hauteur de 66 % et le département annonce son achèvement pour 2005. Le taux de
scolarisation net des enfant 6-11 ans en milieu rural est de 87 % (82.2 % pour les filles ) et le taux de réten-
tion scolaire est presque de 57 % pour 2002-2003... Pourtant au-delà de ces taux, une lecture ramenant ces
politiques sectorielles au territoire montre en termes de localités touchées un taux de 32 % pour l’électrifica-
tion et de 23 % pour l’amont. Les établissements de soins de base couvrent une moyenne de plus de
8000 habitants, sachant que les médecins privés y sont presque inexistants. L’accouchement dans une for-
mation sanitaire concerne moins du quart des parturientes. Le PNRR n’a concerné que le kilométrage le plus
urgent, sachant que le désenclavement du milieu rural marocain exige des actions sur les quelques
19 000 km de pistes et routes rurales restantes.
Le bilan est donc à nuancer. Il interpelle quant à la répartition sur le territoire national de ces politiques
publiques. Chaque département répond à ses propres logiques et clés de répartition sans nécessairement
tenir compte des critères retenus par les autres.
En dépit de la volonté affichée depuis près de cinquante ans par les pouvoirs publics et qui s’est traduite
par le lancement de ces programmes nationaux par les différents départements ministériels, les déficits qui
affectent le milieu rural n’ont pu être résorbés.
Dans le même temps, les contrastes spatiaux ne se limitent plus à l’opposition duale entre un monde
urbain équipé et des campagnes en cours d’équipement. Le développement des périphéries des villes sous
le double effet de l’accroissement naturel et des migrations internes conduit à reposer les conditions mêmes
de leur équipement. Constituées pour une bonne part d’habitat non réglementaire en dur ou précaire, les
marges périphériques, anciennement rurales ont été « annexées » par les territoires urbains, notamment par
le biais de la redéfinition des limites des circonscriptions communales. En termes d’équipement, elles sont le
plus souvent dans un « entre-deux » qui a tendance à perdurer : Les populations sont considérées comme
« urbaines » du point de vue administratif mais ont un cadre et des conditions de vie en termes de services
plus proches de celles observées dans les campagnes plus lointaines. Cette situation de transition peut
contribuer à l’émergence d’un sentiment d’exclusion voire de relégation, notamment chez les plus jeunes,
frappés de plein fouet par le chômage. Elle se traduit d’abord physiquement par la difficulté à se déplacer au
sein de l’espace urbanisé mais aussi à vivre dans des structures répondant à des normes, dont les critères de
définition ne se limitent pas seulement à l’approche en termes d’équipement mais bien en termes de
confort.
Financés par les bailleurs de fonds internationaux, les programmes nationaux reposent dans leur réalisa-
tion sur le choix de secteurs géographiques, considérés comme zones pilotes à partir desquelles devraient
être généralisés les processus nouvellement enclenchés. Les critères qui participent à la définition de ces
zones sont définis par le département instigateur ou en charge du programme, mais sans que cette définition
s’inscrive dans un cadre normatif précis qui permettrait de cibler une ou des régions particulières en raison

53
de l’ampleur des déficits observés. Le choix est davantage le fait d’un processus décidé et conçu par le cen-
tral qu’une réponse du central à une demande du local. La question des conditions de la participation des
populations concernées demeure centrale. Inégalement associées au moment de l’élaboration des pro-
grammes, elles sont réticentes à s’engager dans le financement d’opérations qu’elles perçoivent davantage
comme imposées que négociées.
L’angle d’approche aborde donc le service en termes économique et technique, rarement en termes de
fonctionnement territorial. La priorité des décideurs est davantage de construire des dispositifs qui assurent
la viabilité de l’infrastructure en s’assurant la participation financière des usagers que de réaliser l’équité terri-
toriale. Mais cette logique de recouvrement des coûts atteint ses limites si elle ne s’inscrit pas dans une
approche qui tienne compte du fonctionnement des territoires, car la pauvreté de la population peut devenir
un facteur limitant.
La DAT 1 a entrepris de mesurer l’action des différents départements sur les provinces retenues comme
cibles de la lutte contre la pauvreté en milieu rural à travers le programme BAJ. Les 13 provinces retenues
représenteraient un peu de 26 % de la population marocaine totale avec 7 782 000 habitants en 2003, mais
ce pourcentage atteint presque 45 % de la population rurale. Plus de 70 % de la population de la zone géo-
graphique cible réside donc à la campagne.
Les divers programmes nationaux ont répondu différemment aux besoins de ces provinces.
En ce qui concerne le PNRR, la programmation a certes favorisé les provinces du BAJ avec près de 40 %
du linéaire programmé, en particulier en zone de montagne. Mais des incohérences et des insuffisances sub-
sistent : des provinces ayant des densités de réseau revêtu parmi les plus importantes du royaume se retrou-
vent plus dotées que celles de Chefchaouen ou du Haouz. L’orientation de l’investissement au niveau central
souffre toujours de considérations particulières à chercher dans le poids des élites locales de chaque région
dans le système de décision central.
Le PERG y enregistre des taux d’électrification dépassant la moyenne nationale dans plus de 60 % de ces
provinces tandis que le PAGER n’y compte qu’une progression du taux d’accès de 21 à 41 % entre 1994 et
2002 contre une progression de 14 à 48 % au niveau national. Dans ce cas, les provinces du BAJ n’ont pas
bénéficié d’une action prioritaire.
La matrice de la répartition des taux d’accès par secteur et par province peut être lue aussi à travers le
prisme de l’accompagnement économique des provinces ayant bénéficié des périmètres d’irrigation
modernes. Il s’agit entre autres du Gharb (provinces de Kénitra et de Sidi Kacem), du Loukkos (Province de
Larache), du Tadla (province de Beni Mellal), des Doukkala (Province d’El Jadida), des Triffa (province de Ber-
kane) et du Sous (Provinces d’Agadir Ida ou Tanan et de Taroudant). Bien qu’une partie seulement des com-
munes rurales de ces provinces soient concernées par les périmètres irrigués, ces circonscriptions
administratives peuvent servir de repères à l’observation. Les services d’amont et de l’électricité se
déploient de façon très sélective. Des taux très élevés de localités touchées par l’électrification sont enregis-
trés dans le Gharb, le Tadla ou le Sous, alors que les Doukkala comptent parmi les provinces les moins élec-
trifiées du pays. Il en va de même pour l’accès à l’eau potable : des provinces atteignent 65 à 78 % des taux
d’accès à l’amont (Kénitra, Beni Mellal et Berkane) alors que les autre restent situées en deçà des moyennes
nationales, tandis que la province d’El Jadida se singularise.
Si pour l’alimentation en eau potable, la logique d’implantation des réseaux semble primer, en particulier
celle des adductions régionales, l’électrification a surtout été freinée par l’importance des coûts que néces-
site l’électrification des zones d’habitat dispersé. L’ONE s’est alors contentée de fournir des postes aux
ORMVA.

1. Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’Aménagement du Territoire,
Territoires, services publics de base et services d’intérêt économique général : accessibilité et maillage des territoires ruraux, 2004.

54
Pour l’éducation, si les taux de scolarisation, essentiellement des filles, atteignent les taux nationaux mal-
gré les retards accumulés, ceux de la rétention ne suivent pas au même rythme montrant encore les déca-
lages dus à la situation antérieure. Toutefois, dans ce cas précis, un véritable effort est consenti par
l’éducation nationale ; les provinces BAJ ayant été déclarées prioritaires par le ministère. Cette démarche ne
semble pas cependant avoir été relayée par les autres départements. La meilleure illustration en étant le taux
d’écoles électrifiées et/ou bénéficiant d’amont. Elles ne sont respectivement que 13.5 % et 19 %. Dans ces
conditions, on comprend que le taux de rétention scolaire ait du mal à progresser, si l’on prend en considéra-
tion l’absence des équipements de base, nécessaires au fonctionnement d’un service collectif tel que
l’école.
Dans le domaine de la santé publique, l’effort consenti par le ministère en milieu rural au niveau national a
permis de faire tomber la couverture de 1 ESSB pour 10 277 habitants en 1990 à 1 ESSB pour 8645 habitants
en 1999. Les provinces du BAJ en voyant que le taux passait de 1 ESSB pour 11 106 habitants à 1 ESSB pour
9 344 habitants ont connu la même progression enregistrée à l’échelle nationale et n’ont donc pas été ins-
crites au titre de l’action prioritaire ; leur retard sur le reste du Maroc rural persiste, notamment au niveau du
taux de couverture des accouchements dans les formations sanitaires où plus de 60 % de ces provinces
n’atteignent pas 19 % contre 25 % à l’échelle nationale.
Dans ces logiques de déploiement, l’offre répond donc à des considérations techniques et financières et
non à des options volontaristes d’aménagement du territoire.

Bibliographie

Abouhani (A) (sous la direction), Enjeux et acteurs de la gestion urbaine, CODESRIA, 2000.
Allain-El Mansouri (A) : L’eau et la ville au Maroc, le cas de Rabat-Salé et sa périphérie, Édition L’Harmattan,
collection Villes et Entreprises, 2001, 256 pages.
Allain – El Mansouri (A), La coopération française en matière éducative au Maroc, Observatoire Permanent de
la Coopération Française, rapport annuel, Karthala, 2001.
Association des Économistes marocains, Bilan décennal du programme d’ajustement structurel, Rabat, 1.2.3
octobre 1993.
Association Marocaine de Prospective, L’économie de l’Eau au Maroc, actes du colloque organisé les 18-
19-20 mai 2001, Université Al Akhawayne, Ifrane, 134 pages.
Aubin (E), Le Maroc d’aujourd’hui, 1902.
Ayache (A), Le Maroc, bilan d’une colonisation, Éditions sociales, 1956, 354 pages.
Belal (A), « Impératifs du développement national, » Bulletin Économique et Social du Maroc, 1984.
Benazzou (C), L’eau au Maroc, défi permanent.
Bouderbala (N) : La trajectoire du Maroc indépendant : une panne de l’ascenseur social, in Critique écono-
mique, no 10, printemps-été 2003.
Chanson-Jabeur (Ch) (sous la direction) : Les services publics au Maghreb et au Machrek, Édition L’Harmat-
tan, 2000.
Driouchi (A), Introduction au développement humain au Maroc, document de travail, janvier 2004.
El Idrissi M. Driss (Z.E), « La couverture médicale au Maroc », in Critique économique, no 10, printemps-été
2003.
Fornage (N), Hautbergues (D), Pires (JC), Rojat (D), Tenneson (M), Agence Française de Développement,
représentant d’amont à Rabat (Maroc), Royaume du Maroc, le secteur de l’eau, rapport de mission secto-
rielle, mai 2003.

55
Foucauld (Vicomte Charles de), : Reconnaissance au Maroc, journal de route, 1882-1883.
Hoffherr (R) et Moris (R), Revenus et niveaux de vie indigènes au Maroc, Société d’études économiques et
statistiques du Maroc, Librairie du recueil Sirey 1934.
Montagne (R), Révolutions au Maroc, Éditions France Empire, 1953, 403 pages.
Naciri (Md), Contrôler ou développer, le dilemme du pouvoir depuis un demi-siècle, in Monde Arabe, Mag-
hreb, Machrek, no 164, avril-juin 1999.
Plan d’action pour la Méditerranée, Commission méditerranéenne du développement durable, Plan Bleu,
Forum « Avancées de la gestion de la Demande en Eau en région méditerranéenne », 3-5 octobre 2002.
PNUD-MAROC, Rapport de Développement Humain 2003, Gouvernance et accélération du développement
humain, 104 pages, décembre 2003.
Préface A. Belal, Infrastructure et développement au Maroc, Éditions Stouky, 1981, 201 pages.
Réalités Marocaines, Les grands travaux d’équipement, numéro 6, 1954.
République Française, Présidence du Conseil, Commissariat général au Plan de modernisation et d’équipe-
ment, Deuxième plan de modernisation et d’équipement, rapport général de la commission d’étude et de
coordination des plans de modernisation et d’équipement de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc, volume
Maroc, juin 1954.
Rivet (D) : Lyautey et l’institution du Protectorat français au Maroc, 1912-1925, trois volumes, L’Harmattan,
1988.
Rivet (D), Le Maroc de Lyautey à Mohammed V, le double visage du Protectorat, Denoël, 1999.
Royaume du Maroc, Rapport National relatif aux objectifs du Millénaire pour le développement, décembre
2003.
Royaume du Maroc, Banque Mondiale, Rapport sur la pauvreté : comprendre les dimensions géographiques
de la pauvreté pour en améliorer l’appréhension à travers les politiques publiques, document confidentiel,
mai 2004.
Royaume du Maroc, Cabinet Royal, Délégation générale à la promotion nationale et au Plan, Plan triennal
1965-1967, 601 pages.
Royaume du Maroc, Haut Commissariat au Plan, Annuaire Statistique du Maroc, 2003.
Royaume du Maroc, Haut Commissariat au Plan, Carte de la pauvreté communale, juin 2004.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement, de l’Urbanisme et de
l’Habitat, Secrétariat d’État à l’Habitat, Direction de la Promotion Immobilière, Enquête logement 2000,
Synthèse des résultats, 2001.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement, de l’Urbanisme et de
l’Habitat, Département de l’environnement, secrétariat général, Le secteur de l’eau : ressources, qualité et
gestion, 2001.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement, de l’Urbanisme et de
l’Habitat, Direction de l’Aménagement du Territoire, Le territoire marocain, État des Lieux, 128 pages.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, département
de l’Aménagement du territoire, Projet de plan national de l’eau, novembre 2002.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, département
de l’Aménagement du territoire, Le Schéma National d’Aménagement du Territoire, synthèse, décembre
2003.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de
l’Aménagement du Territoire, Territoires, services publics de base et services d’intérêt économique géné-
ral : accessibilité et maillage des territoires ruraux, 2004.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, Direction de

56
l’Aménagement du Territoire, Les indicateurs sociaux, Base de données sur la Santé Publique, BDSP,
document préparé par H. Benzine, premier semestre 2004.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Équipement et du Transport, Département du Transport : Les transports
au Maroc, panorama 2002.
Royaume du Maroc, Ministère de l’Intérieur, Direction générale de l’Urbanisme, de l’Architecture et de
l’Aménagement du territoire, Résultats du projet migration interne et aménagement du territoire, Enquête
sur les équipements publics : rapport de diagnostic et de synthèse, Direction de l’Aménagement du Terri-
toire, 1998.
Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan, Le plan de développement écono-
mique et social, 1981-1985, volume II.
Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan, Plan d’orientation de développement
économique et social, 1988-1992.
Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan, Le plan de développement écono-
mique et social 2000-2004, 6 volumes.
Royaume du Maroc, Ministère de la Prévision économique et du Plan, Direction de la Statistique : Enquête
nationale sur les niveaux de vie des ménages, 1998-1999, Premiers résultats, 2000.
Royaume du Maroc, Ministère des Finances, Direction du Budget, Délégation de la Commission des Com-
munautés européennes, Étude de l’impact des dépenses publiques sociales sur les ménages à revenu
modeste, l’assainissement, 1993.
Royaume du Maroc, Office National de l’Électricité, 40 ans d’ONE, l’énergie d’un pays en mouvement.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère chargé de la prévision économique et du plan, Population et
développement au Maroc, CERED, 1998.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère chargé de la prévision économique et du plan, Les indica-
teurs de suivi et d’évaluation de la politique de population au Maroc, CERED, 2000.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère de la Prévision économique et du Plan, PNUD, Programme
de développement humain durable et de lutte contre la pauvreté, – pauvreté au Maroc, diagnostic, straté-
gie et plan d’action, 1998.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère de la Prévision économique et du Plan, Direction de la Sta-
tistique, Recensement général de la Population et de l’Habitat en 1994, Les régions du Royaume, dyna-
mique démographique et socio-économique (1982-1994), 1999.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère de la Prévision économique et du plan, Direction de la Sta-
tistique, Les indicateurs sociaux, 1997.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère de la Prévision économique et du plan, Direction de la Sta-
tistique, Les indicateurs sociaux, 1999.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère de la prévision économique et du plan, PNUD : Programme
de développement humain durable et de lutte contre la pauvreté – pauvreté au Maroc : diagnostic, straté-
gie et plan d’action, 2 volumes, décembre 1998.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère des Affaires Économiques du Plan et de la Formation des
Cadres : Plan quinquennal 1968-1972, volumes 1 et 2.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère du Plan : Consommation et dépenses des ménages, 1984-
1985, Premier résultats, 2 volumes.
Royaume du Maroc, Premier Ministre, Ministère du Plan : Le Maroc nouveau, bilan et perspectives, 199.
Royaume du Maroc, Secrétariat d’État à la Population, PNUD-MAROC, Rapport national sur le développe-
ment humain 1997, 2e édition, 2000.
Union Européenne, Délégation de la Commission Européenne au Royaume du Maroc, Programme Meda au
Maroc 1996-2006, Lettre d’information, no 176, décembre 2003.

57
Résumé

La prise de conscience de développer les services de l’eau a pris racine dès les années 60 sous l’impulsion
de feu Sa Majesté Hassan II dans le cadre d’une politique volontariste de mobilisation des eaux de surface en
vue de développer l’agriculture irriguée et d’assurer les besoins en eau potable des populations ainsi que la
satisfaction des besoins industriels.
Il a donc fallu agir sur les plans tant institutionnels que de la mobilisation des fonds en vue de sécuriser l’ali-
mentation en eau potable et étendre le service qui était alors encore embryonnaire.
Rappelons à ce titre qu’à la veille de l’indépendance, la population urbaine disposant de l’eau à domicile ne
dépassait guère les 850 milles habitants soit seulement 28 % de cette tranche de population. En milieu rural,
la desserte était assurée principalement par des moyens traditionnels eu égard à la faiblesse de la population
et à la qualité des eaux des sources et nappes phréatiques non encore polluées.
La problématique des ressources en eau, caractérisée par une répartition inégale dans le temps et dans
l’espace, a donc poussé les pouvoirs publics à une restructuration profonde du secteur en vue de le doter
notamment d’un organe de planification à long terme par la création de l’ONEP en avril 1972.
Cette création, outre son caractère d’outil de planification essentiel pour notre pays, a permis de réaliser
dans les délais les investissements nécessaires à la fois pour combler les déficits existants et en vue de
suivre la demande future.
Soucieux d’un usage rationnel de l’eau, ces réformes institutionnelles et l’effort d’investissement ont été
accompagnés par des actions de gestion dont notamment la mise en place dès 1977 d’un système tarifaire
progressif destiné à sauvegarder les intérêts de la tranche sociale concernant la population la plus pauvre et à
lutter contre le gaspillage en reportant le manque à gagner sur les gros consommateurs.
Cette stratégie de desserte s’est accompagnée d’un important suivi qualitatif dans le respect des normes
de potabilité ; 47 laboratoires de l’ONEP répartis à travers le territoire assurent le contrôle permanent de l’eau
produite.
La conjugaison de tous ces efforts, a permis de porter le taux de branchement en milieu urbain de 28 % en
1956 à 85 % en 1999 et à 91 % en 2005. En milieu rural, le taux d’accès à l’eau potable a grimpé de 14 % en
1995 pour atteindre 70 % en 2005, grâce à l’opération PAGER et à l’action volontariste du gouvernement en
vue d’accélérer le taux d’accès à l’eau potable.
Trente trois ans après la création de l’ONEP, on constate une satisfaction quasi normale de l’alimentation
en eau potable des villes et centres du Royaume malgré des cycles répétés de sécheresse de ces deux der-
nières décennies. L’organisme ainsi créé, s’est imposé tant au niveau national qu’au niveau international en
se dotant d’outils de recherche et de planification performants et en devenant un interlocuteur privilégié des
bailleurs de fonds, ce qui a permis de faire bénéficier notre pays de financements concessionnels répondant
ainsi à un important besoin d’investissement.
La rigueur dans la gestion et la recherche d’économie a abouti à l’autonomie financière de l’ONEP dès
1995.
Parallèlement, le partenariat public-privé a permis de développer un nouveau mode de gestion pour les
plus grandes villes du Royaume (Grand Casablanca, Rabat, Salé, Tanger, Tétouan ainsi que les centres péri-
phériques) rationalisant davantage la gestion et répondant surtout à un souci de financement lourd en

61
matière d’assainissement liquide où des retards importants ont été enregistrés notamment en matière
d’épuration (seuls 6 à 8 % des rejets urbains sont épurés).

Le contrat programme 2006-2009 de l’ONEP qui prévoit un investissement de 17,6 milliards de dirhams
sur quatre ans intègre une vision plus large puisque l’ONEP vient d’être habilité à assurer le service de l’assai-
nissement liquide pour le compte des communes qui en font la demande. Ce contrat doit à terme permettre
de :
– Continuer la planification à long terme (actuellement la quasi-totalité des villes et centres du Royaume
disposent de plans directeurs à long terme) ;
– Généraliser l’accès à l’eau par des actions telles que la réalisation des bornes fontaines et de branche-
ments individuels en milieu rural ;
– Faire de plus en plus appel aux eaux non conventionnelles (le dessalement ainsi que la réutilisation des
eaux usées après épuration font partie des priorités actuelles des études menées par l’ONEP) ;
– Intégrer le secteur privé (Ingénieurs Conseil, fabricants et entreprises) dans un projet d’exportation du
savoir-faire dans le cadre de l’ouverture du Maroc aux opérateurs étrangers : la reconnaissance inter-
nationale de l’ONEP lui permet d’être le vecteur de cette exportation.

62
Introduction

Vers les années 50, le service de l’eau potable était réservé à des quartiers privilégiés ; il n’existait pas de
structures de gestion efficaces en dehors des villes de Rabat, Casablanca et d’une soixantaine de centres
gérés par la Régie des Exploitations Industrielles (REI) sous forme de concession et sous tutelle des travaux
publics qui finançaient, équipaient souvent et cédaient les installations à cette Régie pluridisciplinaire ; véri-
table entreprise d’État à tout faire en l’absence d’un secteur privé structuré.
À cette époque, à peine 28 % de la population urbaine (850 000 habitants) disposait de l’eau à domicile.
Dans le milieu rural, les services de l’agriculture équipaient et cédaient la gestion aux communes qui
n’avaient ni les moyens ni les compétences pour assurer durablement ce service, il en découla une détériora-
tion très rapide de tous les efforts consentis notamment après la charte de 1976 qui responsabilisa les com-
munes sans leur donner les moyens.
C’est la crise qu’a connue la côte atlantique (Casablanca – Rabat) dans les années 60, qui fit prendre
conscience aux pouvoirs publics de la menace qui pèse sur le pays et le besoin d’une gestion rationnelle
dans un contexte de rareté des ressources en eau. Les gestionnaires se trouvaient face à une demande de
plus en plus grandissante eu égard aux besoins du développement socio-économique, d’une urbanisation
plus accrue, d’une démographie galopante et d’une démocratisation de l’accès à l’eau.

Le premier plan directeur de la côte atlantique précédé par les mesures d’urgence (construction du barrage
sur l’oued Grou pour alimenter les villes de Rabat et Casablanca) et le plan directeur national, aboutirent aux
principales conclusions suivantes, qui ont présidé à la restructuration du secteur :
– Nécessité de disposer d’un observatoire national de planification qui puisse évaluer la demande en eau
dans l’espace et dans le temps et réserver les ressources en eau pour y faire face ;
– Nécessité de créer des structures de gestion durables capables sur le plan technique de réaliser les
investissements nécessaires pour combler les déficits enregistrés et répondre aux besoins futurs ;
– Obligation de mettre en place une démarche financière en vue d’aboutir progressivement à une prise en
charge du service par les usagers au lieu de le faire supporter par le contribuable ;
– Nécessité d’une vision de la gestion par la demande dictée par un contexte de rareté au lieu de continuer
à développer l’offre.

Ce sont ces principes qui ont abouti à la mise en place du système de gestion du secteur tel qu’il est
aujourd’hui à savoir :
– Secteur autonome financièrement depuis 1995,
– Secteur efficace dans la gestion de la demande par le biais d’une tarification progressive ayant fait ses
preuves pendant les périodes de sécheresse,
– Secteur se penchant davantage et d’une manière volontariste sur la desserte du milieu rural et œuvrant
dans le souci de régler les problèmes inhérents à la pollution (assainissement, réutilisation des eaux
usées après épuration, mobilisation des eaux non conventionnelles, etc.).

63
1. Organisation du secteur

* Activité confiée dès 2002 au nouveau ministère chargé de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement.

Notre pays est doté d’un organe original à caractère consultatif qui est le Conseil Supérieur de l’Eau et du
Climat. Instauré en 1981 sur instruction de feu Sa Majesté le Roi Hassan II, cette institution examine et for-
mule son avis sur :
– La politique nationale d’amélioration de la connaissance du climat et la maîtrise de ses impacts sur le
développement des ressources en eau ;
– Le plan national de l’eau ;
– Les plans de développement intégrés des ressources en eau des bassins hydrauliques et en particulier
la répartition de l’eau entre les différents secteurs usagers et les différentes régions du pays ou d’un
bassin hydro géographique, ainsi que les dispositions de valorisation, de protection et de conservation
des ressources en eau, etc.

Les principaux départements impliqués dans le secteur sont les suivants :


– La Direction Générale de l’Hydraulique : Chargée de la gestion du patrimoine hydraulique national, cette
direction assure le secrétariat du Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat et s’occupe de la répartition des
ressources en eau (elle gère l’eau sans en être un usager).
– Le Ministère de l’Intérieur : Ce département intervient essentiellement à travers les collectivités locales
et les Régies intercommunales de distribution d’eau ainsi que les concessions privées auxquelles les
communes délèguent ce service.
– Le Ministère de l’Agriculture : À travers les offices régionaux de mise en valeur agricole, ce département
participe à la conception de la politique nationale en matière de gestion de l’eau ; il avait fortement contri-
bué à l’équipement des communes avant 1976 ; date à laquelle l’alimentation en eau potable rurale a été
confiée aux collectivités locales.

64
– L’Office National de l’Eau Potable : Chargé de la gestion de la production de l’eau potable à l’échelle
nationale, il est responsable de la planification du secteur et de la réalisation des adductions que le gou-
vernement lui confie. Il est également investi d’une mission de contrôle de pollution de toutes les res-
sources en eau susceptibles d’être destinées à l’alimentation humaine. Chargé également d’assurer la
fonction de distribution pour le compte des communes à leur demande dans le cadre de conventions ; il
vient d’être habilité, depuis septembre 2000, à assurer dans ce même cadre les tâches inhérentes à
l’assainissement liquide.
– Le Ministère de la Santé : Ce département est responsable du contrôle sanitaire de l’eau.
– Depuis 2002, le secteur de l’eau est rattaché au ministère chargé de l’Aménagement du Territoire, de
l’Eau et de l’Environnement avec un Secretariat d’État spécifiquement chargé de l’eau ; tuteur de la
Direction Générale de l’Hydraulique.

2. Les opérateurs directs

Les opérateurs directs en chiffres (2005)


Milieu urbain
Production Distribution
(en volume) (en Nb d’abonnés)
ONEP 80 % 31 %
Régies (15) + Privé 12 % 67 %
Communes et autres 8% 2%
Total 100 % 100 %

Milieu rural (production et distribution confondues – localités)


ONEP 23 %
Associations d’usagers 45 %
Communes, régies, concessionnaires et autres 32 %
Total 100 %

2.1. Milieu urbain

2.1.1. Production
L’ONEP assure actuellement 80 % de la production urbaine, le reste étant assuré par les Régies et le privé
(12 %) ou par les communes et les autres producteurs (OCP, Elyo...) (8 %).
De plus en plus les barrages jouent un rôle prépondérant dans la production urbaine, les eaux de surface
représentaient en 2005, près de 66 % de l’ensemble de la production.

65
2.1.2. Distribution
Cette activité est du ressort des collectivités locales qui peuvent, en vertu de la charte communale, soit
l’assurer directement, soit la gérer dans le cadre d’une Régie de distribution ou la confier à l’ONEP sous
forme de gérance ou au secteur privé sous forme de concession ou de gestion déléguée.
Bien que distributeur occasionnel, l’ONEP est devenu depuis 1994, le premier organisme de distribution du
Royaume, grâce à son action volontariste dans les petits centres.
Le tableau suivant donne la répartition des abonnés pour l’année 2005 par organisme distributeur :

Répartition des abonnés (2005)

Organisme Pourcentage du nombre d’abonnés *


ONEP 31
Régies 34
Privé (LYDEC + REDAL + AMENDIS) 33
Communes et autres 2
Total % 100

* Le nombre total d’abonnés en 2005 est de 3,3 millions.

2.2. Milieu rural

La gestion en milieu rural reposait essentiellement sur la gestion communale. Depuis 1995, date du lance-
ment du PAGER, le Ministère de l’Équipement intervient fortement dans l’équipement des points d’eau dans
ce milieu, la gestion étant assurée par des associations d’usagers.
L’ONEP intervient également dans ce secteur dans le cadre du même programme par une desserte assu-
rée essentiellement par des bornes fontaines branchées sur ses adductions régionales. La gestion de ces
fontaines publiques est assurée par des privés ; revendeurs d’eau : « les gardiens gérants » dans le cadre de
conventions.
Le tableau suivant donne une image du système de gestion dans le monde rural :

Desserte en milieu rural

Organisme Population rurale desservie


(en %)

1990 1995 1999 2005


Associations 96,8 96 87,8 45
ONEP 3,1 3,9 12 23
Régies, concessionnaires, communes et autres 0,1 0,1 0,2 32
Total % 100 100 100 100

66
Depuis 2001, l’ONEP intervient fortement dans le secteur et à partir de 2004 il a été chargé du contrôle de
tous les investissements à consentir dans le secteur.

3. Le niveau de service

3.1. Le milieu urbain

L’ensemble des actions entreprises par les différents intervenants du secteur a permis d’enregistrer une
nette amélioration du niveau de service de l’eau. C’est ainsi que la population bénéficiant de l’eau à domicile
qui était de 0,8 million en 1956 est passée à 2,8 millions en 1972 pour atteindre 16,8 millions en 2005 ; soit
une couverture de plus de 91 % de la population urbaine du Royaume. Le reste de la population urbaine étant
desservi par des fontaines publiques ou plus rarement par des moyens propres.

3.2. Le milieu rural

Réalisations en milieu rural du programme PAGER (1995-2005)

Investissements 7 Milliards DH
Population 9,4 Millions d’habitants
Nombre de douars 16100
Taux d’acces à l’eau 70 % (au lieu de 14 % en 1995)

Les principales réalisations dans le milieu rural ont touché d’abord aux centres à habitat groupé qui se
prêtent à une desserte du type urbain avant de s’étendre de plus en plus aux douars dispersés.
L’ONEP qui ne desservait que 440 000 habitants, soit près 3 % de la population rurale en 1990, dessert
actuellement une population de près 2,8 millions d’habitants (198 centres ruraux et 3656 douars) soit plus de
30 % de la population rurale directement ou par les biais d’associations d’usagers.
Actuellement, le pourcentage de la population desservie par un système approprié et pérenne (branche-
ments individuels, fontaines publiques, points d’eau aménagés et points d’eau collectifs) est de l’ordre de
70 %. Le reste de la population s’alimente par des moyens traditionnels de qualité douteuse et de pérennité
non garantie.

4. Les réalisations du secteur

L’analyse de l’évolution du secteur sera effectuée par décennie afin de ressortir les étapes importantes qui
ont présidé à sa structuration jusqu’à ce jour, tout en présentant ses forces et ses faiblesses ainsi que les
actions entreprises par les différents intervenants en vue d’une meilleure gestion de ce secteur.

67
4.1. Au lendemain de l’indépendance (56-60) : carence institutionnelle

Le niveau de service de l’eau était très faible, seuls quelques agglomérations et quartiers privilégiés bénéfi-
ciaient de l’eau à domicile. En 1956, à peine 850.000 habitants bénéficiaient de l’eau à domicile, soit 28 % de
la population urbaine.
Sur le plan gestion, seules les villes de Rabat, Casablanca et une soixantaine de centres gérés par la REI
(Régie des Exploitations industrielles) disposaient d’un service fiable qualitativement avec une pérennité qui
n’était pas toujours garantie.
L’eau distribuée était principalement d’origine souterraine.

– Milieu urbain :
R Faible niveau de service : 850.000 habitants desservis (28 %)
R Eau produite principalement souterraine
R Absence d’une vision à long terme
R Système d’alimentation en eau potable basé principalement sur les ressources locales
R Gestion souvent communale
– Milieu rural :
R Desserte souvent par des moyens traditionnels

4.2. La décennie de crise (61-70)

Au courant de cette période, l’accès à l’eau se démocratisa et la demande en eau augmenta ce qui a fait
ressortir les défaillances techniques et financières des structures de gestion en place.
C’est la période de la pénurie au niveau de Rabat et Casablanca et le déclenchement des réflexions qui
aboutirent au premier plan directeur national de l’alimentation en eau potable.

C’est également la décennie de la vision à long terme lancée par feu Sa Majesté Hassan II, la politique des
grands barrages qui montrera plus tard le judicieux de ce choix tant sur le plan agricole que sur le plan de l’ali-
mentation en eau potable et spécialement lors des périodes de sécheresses cycliques et sévères qui frap-
pèrent le pays vers le début des années 80.
– Démocratisation du service de l’eau.
– Incapacité des structures en place face à la demande.
– Crise de l’alimentation en eau de la côte atlantique.
– Lancement du plan directeur de la côte atlantique et les mesures d’urgence.
– Lancement du plan directeur national de l’alimentation en eau potable.
– Création de la COPEA (commission interministérielle pour la coordination des problèmes concernant les
eaux alimentaires).
– Mise en place des premières régies de distribution (Rabat et Casablanca).
– Lancement par feu Sa Majesté Hassan II de la politique de construction des barrages et prise de
conscience d’une nécessité d’une meilleure gestion de l’eau.

68
4.3. La décennie du changement (71-80)

L’ONEP fut créé en 1972 à la suite des conclusions du plan d’urgence de la côte atlantique et de son plan
directeur ainsi que du plan directeur national qui le suivit.
L’opération fut menée avec l’intervention des Nations Unies (PNUD-OMS) et la BIRD assura les premiers
financements.
L’ONEP qui a été greffé sur la REI ; Régie multidisciplinaire, intervenant dans de nombreux centres du
Royaume et assurant la gestion des adductions réalisées par l’État. Cette structure (ONEP) devait à terme
selon un échéancier se décharger de toutes les activités extra eau que gérait la REI et se consacrer totale-
ment au secteur de l’eau potable.

L’ONEP fut ainsi chargé essentiellement de :


– Planifier l’alimentation en eau potable du Royaume à savoir :
R Évaluer la demande en eau dans l’espace et dans le temps,
R Réserver les ressources en eau pour couvrir cette demande ;
– Coordonner tous les projets d’eau potable à l’échelle nationale ;
– Assurer le contrôle de pollution de ressources pouvant servir à l’alimentation humaine ;
– Assurer la distribution de l’eau pour le compte des communes qui en expriment la demande.

C’est également la décennie de l’adoption de la charte communale qui attribuera toutes les activités de dis-
tribution d’eau et d’assainissement aux collectivités locales.
C’est à cette époque que les services de l’agriculture se sont vus dessaisis d’une activité (sur le plan bud-
gétaire) qu’ils ont toujours assurée et que le milieu rural a régressé au niveau de son équipement en eau
potable.
Décennie de création de structures et d’équipements pour le milieu urbain mais décennie qui a aggravé
davantage l’état de la desserte du milieu rural déjà en situation précaire.
C’est également pendant cette période que le principe de la tarification progressive basé sur le coût margi-
nal à long terme a été adopté et que les premiers prêts de la Banque Mondiale ont été conclus.

4.4. Décennie de gestion (81-90)

En plus de la poursuite de l’effort d’équipement, cette décennie s’est focalisée sur le perfectionnement de
la gestion :
– Révision périodique des tarifs de vente d’eau qui ont connu des gels prolongés entre 1959 à 1977 et
entre 1977 à 1982. Ainsi que l’instauration à partir de 1982 d’une troisième tranche de consommation
visant essentiellement la rationalisation de l’usage de l’eau ;
– Décennie de sensibilisation à l’économie de l’eau suite aux sécheresses sévères qui ont frappé le pays ;
– C’est également la décennie des Nations Unies pour l’eau potable et l’assainissement (DIEPA), où notre
pays a joué un rôle pilote notamment en organisant en 1983 une réunion des bailleurs de fonds ; action
qui a joué un rôle prépondérant dans le financement du secteur une fois que les bailleurs de fonds
s’étaient assurés de la crédibilité de nos institutions ;
– Le secteur urbain et spécialement l’ONEP a été le principal bénéficiaire de cette consultation des dona-

69
teurs et depuis, l’ONEP garde une considération internationale auprès des principales instances finan-
cières ;
– C’est aussi pendant cette décennie et exactement en 1987 que le secteur de l’eau potable fut l’objet du
premier dossier examiné par le Conseil Supérieur de l’Eau et du Climat. Ce conseil fixa ainsi les princi-
pales orientations dans un cadre participatif clair faisant l’unanimité entre les différents partenaires.

4.5. Décennie 91-2000 : autonomie financière

Cette période a connu plusieurs réalisations :


– Sur le plan urbain, des efforts d’équipement ont été soutenus et accompagnés d’un assainissement de
la gestion notamment en ce qui concerne les arriérés et les factures d’eau des services publics et des
collectivités locales ;
– Un démarrage de la délégation du service de distribution au secteur privé des deux plus grandes Régies
de distribution du Royaume avec prise en charge du service de l’assainissement ;
– À partir de 1995, l’ONEP devient totalement autonome sur le plan financier ;
– Cette décennie a aussi connu le lancement du Plan Directeur National d’Assainissement Liquide dont les
résultats sont en cours de finalisation ;
– Sur le plan rural, après l’achèvement du plan directeur rural, le lancement du programme PAGER donne
une impulsion à l’alimentation en eau potable rurale en retard par rapport au secteur urbain ;
– Sur le plan législatif, la loi sur l’eau 10/95 fut promulguée.

4.6. Quinquennat 2001-2005

– Modernisation du système de gestion notamment au niveau de l’organisation de l’office national de l’eau


potable.
– Réorganisation du secteur avec la création du ministère chargé de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau
et de l’Environnement et du Secretariat d’État chargé de l’eau.
– Action plus volontariste en matière d’alimentation en eau potable en milieu rural.
– Orientations de plus en plus vers les problèmes de l’assainissement et intervention de l’ONEP dans ce
nouveau domaine dans les centres où il assure la distribution lorsque les communes délibèrent dans ce
sens.
– Création de micros entreprises pour la gestion des opérations délégables notamment en matière
d’assainissement et de desserte en eau potable en milieu rural.

Le tableau ci-dessous donne les indicateurs chiffrés des réalisations dans le milieu urbain de 1971 à 2005.

70
Réalisations du secteur dans le milieu urbain

1971 1980 1990 1999 2005


6 3
Production (10 m ) 240 470 740 812 890
Capacité de production (m3/s) 10 24 42 52 53,5
Population (106 hab.) 5,4 7,9 11,6 15,4 16,8
Population desservie (106 hab.)
– Branchements particuliers 2,8 4,8 8,8 13,1 15,3
– Bornes fontaines 2,6 3,2 3,2 2,3 1,5
Taux de branchement ( %) 52 62 76 85 91
Dotation brute (l/hab/j) 124 168 170 144 110
Investissement ONEP (106 DH/an) - 305 707 1244 2900

5. Perspectives futures

Elles s’insèrent dans le cadre d’une gestion durable et plus volontariste à la fois de la demande et de la res-
source en eau.
Si des actions sont d’ores et déjà mises en place pour gérer la demande, reposant à la fois sur une tarifica-
tion dissuasive et une sensibilisation soutenue des usagers, il sera nécessaire d’économiser davantage nos
ressources en eau à tous les niveaux comme il sera nécessaire de prendre des mesures sérieuses concer-
nant la gestion qualitative de la ressource en eau.
L’application de l’arsenal législatif qui vient de voir le jour devra être accompagnée par des mesures institu-
tionnelles, techniques, financières et de gestion afin de rattraper le retard surtout en milieu rural et protéger
notre potentiel hydrique des dégradations.

71
72
5.1. Évolution de la demande en eau potable

5.1.1. Milieu urbain


L’évaluation de la demande en eau dépend de plusieurs facteurs socio-économiques tels la démographie,
la stratégie de desserte, le niveau de vie, le type d’habitat, les habitudes socio-culturelles,...
La demande en eau est également très sensible aux stratégies de desserte et d’amélioration des rende-
ments des installations des systèmes producteurs et distributeurs.
Les prévisions de la demande en eau sont effectuées, pour chaque centre et pour chaque usage.

Résultats des prévisions en milieu urbain


Les besoins moyens à la production qui découlent des prévisions effectuées en milieu urbain sont résu-
més dans le tableau suivant :

Besoins moyens en eau potable


Milieu urbain (en millions de m3/an)

Années 2000 2010 2020


Grandes villes 705 901 1 165
Villes moyennes 135 160 166
Petites villes 60 61 58
Total 900 1 122 1 389

5.1.2. Milieu rural


L’évaluation de ces besoins concerne deux catégories de populations : la population des centres chefs
lieux de communes rurales « CLCR » et celle du rural dispersé « les douars ».
Les besoins moyens à la production en milieu rural sont résumés dans le tableau suivant :

Besoins moyens en eau potable


Milieu rural (en millions de m3/an)

Années 2000 2010 2020


CLCR 40 41 48
Rural dispersé (douars) 361 346 324
Total 401 387 372

73
Le tableau ci-après donne les besoins en eau globaux du milieu urbain et rural :

Besoins en eau potable moyens globaux

(en millions de m3/an)

Années 2000 2010 2020


Milieu urbain 900 1 122 1 389
Milieu rural (douars) 401 387 372
Total 1 301 1 509 1 761

5.2. Disponibilité des ressources

La réservation des ressources en eau pour le secteur de l’eau potable est conçue dans le cadre des études
de plans directeurs régionaux des différents bassins hydrographiques qui s’attachent à recenser les besoins
des différents utilisateurs et à dégager les différentes possibilités de mobilisation des ressources en eau
pour aboutir à des propositions d’affectation à des horizons suffisamment éloignés.
Les dotations allouées au secteur de l’eau potable visent la satisfaction des besoins de l’horizon 2020,
voire 2030, moyennant l’exploitation des ressources en eau conventionnelles ou par le recours à des trans-
ferts d’eau sur de longues distances. Les affectations allouées (millions m3/an) se présentent comme suit :

Dotations allouées pour l’eau potable

(Mm3/an)

Bassin Dotations allouées Date de


saturation (*)
Loukkos, Tangérois et centres côtiers méditerranéens 305 2030
Moulouya 160 2020
Sebou 663 2020
Bouregreg 1 270 2020
Oum er r’bia 425 2020
Tensift 355 2020
Souss Massa 155 2017
Sud Atlasiques 55 2020
Total 3 338

* Source : études des plans directeurs.

Les dotations allouées au secteur de l’eau potable sont arrêtées d’une manière globale à l’intérieur de
chaque bassin hydrographique en fonction des besoins en eau du secteur évalués dans le cadre du plan
directeur.

74
Toutefois, une comparaison des besoins globaux avec les dotations allouées montre que les efforts de
gestion et de rationalisation de la demande ont permis de retarder les dates de saturation.
Les schémas de développement des ressources en eau pour l’alimentation en eau potable des grandes
villes sont précis (eau souterraine et/ou de surface) et les échéances de mobilisation des ressources en eau
sont définies. Cependant, pour les petites agglomérations à faible demande en eau et qui nécessitent l’utili-
sation des ressources en eau locales, les affectations ne sont pas indiquées par manque de connaissance en
matière de disponibilité des ressources. Pour ces derniers cas, des efforts en matière de prospection, de
recherche pour le dégagement des ressources en eau restent à déployer.
Il y a lieu de noter que les échéances de saturation des ressources en eau initialement arrêtées par les
études des plans directeurs seront décalées pendant une décennie (2030) compte tenu des efforts consentis
dans le secteur de l’eau potable en matière d’économie d’eau par l’amélioration des rendement (production
& distribution) et par les mesures tarifaires appropriées qui ont permis de comprimer la demande en eau. Le
taux de croissance de la demande est passé de 7 % par an pendant les années 80 à une moyenne annuelle
de moins 3 % actuellement.
Pour les villes et centres situés dans des contextes défavorables en matière de ressources en eau, la satis-
faction des besoins se fait par l’utilisation des ressources en eau non conventionnelles notamment le des-
salement de l’eau de mer, la déminéralisation des eaux saumâtres.
Dans ce cadre, l’ONEP a entrepris des études spécifiques pour se prononcer sur la faisabilité de ce genre
de projets notamment pour les villes qui connaîtront des déficits à terme.
À ce titre, le dessalement est déjà pratiqué dans les provinces du sud au niveau des villes de Laayoune et
Boujdour. Des études de faisabilité sont entreprises par l’ONEP dans l’optique de la recherche des procédés
de dessalement innovants en matière d’énergie (étangs solaires, l’utilisation de l’énergie nucléaire,...).

5.3. Contraintes du secteur

Les principales contraintes du secteur sont les suivantes :

5.3.1. Ressources en eau mal réparties

Les ressources en eau au Maroc sont limitées et caractérisées par leur répartition inégale entre les diffé-
rents bassins ; le domaine atlasique renferme à lui seul plus de 70 % du potentiel global. Il faudra intensifier
les recherches en vue de dégager les ressources en eau souterraines pour répondre aux besoins des petits
centres et du milieu rural.

5.3.2. Difficultés financières


La principale ressource financière des organismes chargés du service de l’eau potable est constituée par le
produit des ventes d’eau, compte tenu du désengagement de l’État qui a abouti à la suppression de la sub-
vention d’équipement au profit de l’ONEP à partir de 1995.
Aussi, les augmentations de tarifs accordées ces dernières années restent très en deçà des prévisions ; ce
qui a pour conséquence la dégradation de la situation financière des organismes du secteur.

75
5.3.3. Pollution
La croissance démographique, l’exode rural, la modernisation de l’agriculture intensive, le développement
de l’industrie nationale et du tourisme, sont autant des facteurs de haut risque pour l’équilibre écologique.
Pour rattraper les retards enregistrés aussi bien en réseaux de collecte qu’en ouvrage d’épuration et
d’équipements de réutilisation des eaux usées, le secteur de l’assainissement devra être soutenu durant les
années à venir et les aspects institutionnels devront être clarifiés.

5.3.4. Programme d’investissement : 2006-2009


Le programme d’investissement du secteur de l’eau potable durant les quatre années à venir ; 2006-2009,
est estimé à 13,5 milliards de DH ; dont 7,6 milliards de DH en milieu urbain et 5,9 milliards de DH en milieu
rural.
Ce programme sera complètement autofinancé.
En milieu rural, le financement de ce programme est basé sur la participation de l’État, des collectivités
locales, des bénéficiaires et de la solidarité nationale (environ 30 % de l’investissement global), le reste du
financement sera assuré par les prêts et dons extérieurs.

Conclusions

Le secteur de l’eau potable a réalisé des performances indéniables bien que le développement du monde
rural reste en retard eu égard à sa spécificité d’une part et aux structures qui avaient la charge de l’équiper et
surtout de le gérer. Toutefois un effort considérable est entrepris durant cette dernière décennie.
Le challenge des années futures est de gérer nos ressources en eau dans un cadre durable avec une vision
intégrée.

À ce titre, les actions suivantes peuvent être les ossatures de ce développement :


– Préserver les acquis par des systèmes de gestion adaptés ;
– Maîtriser la demande en eau ;
– Maîtrise de la qualité par une lutte sérieuse contre la pollution ;
– Adopter des systèmes équitables en ce qui concerne le recouvrement des coûts sans brimer les
aspects sociaux ;
– Assurer une participation large de tous les concernés dans le souci d’une meilleure gouvernance ;
– Réaliser les objectifs du PAGER ;
– Donner une priorité à l’assainissement, l’épuration des eaux usées ainsi qu’à leur réutilisation ;
– Développer toutes les formes d’économie d’eau à tous les niveaux ;
– Sensibiliser davantage notamment les générations futures, dans le sens du respect de l’eau ;
– Étre à l’écoute des évolutions technologiques, notamment celles inhérentes à l’utilisation des eaux non
conventionnelles et aux aspects qualitatifs.

Vu la faiblesse des besoins en eau potable comparativement aux besoins agricoles et en adoptant le prin-
cipe de la durabilité, on pourra sans grande difficulté répondre à tous les besoins futurs. Toutefois, dans ce

76
contexte de gestion de la rareté qui est une chaîne où la négligence d’un maillon fragile, notamment celui de
la qualité, peut avoir des répercussions graves.
Dans le secteur de l’eau potable urbain, nous avons déjà montré les retombées d’une gestion efficace, il
faudra que cette démarche soit adoptée pour tout le cycle de l’eau si l’on veut éviter demain des surprises
amères.

77
Annexe

Perspectives pour le Maroc 2005-2025 :


Grille de lecture de synthèse
des productions des groupes

1. Au regard des évolutions passées...

1.1. Amélioration des performances.


Optimisation de la gestion.
Participation plus importante du privé.
Mobilisation des ressources alternatives (dessalement).
Couverture du milieu rural.
1.2. Sensibilisation de la société civile, des communes et des opérateurs dans le sens de plus de par-
tenariat et d’esprit participatif.
Professionnalisme de plus en plus performant.
1.3. Disponibilités des compétences publiques et privées.
Difficultés à supporter les charges par les abonnés eu égard à l’exigence de la qualité du service
et des possibilités de faire face à la facture (possibilité de payer) (lié au facteur du développement
en général).
1.4. Sans éducation adaptée, le développement ne pourra pas se faire et les développements des ser-
vices risquent d’en souffrir, alors que s’ajoutent de nouvelles « factures ».
Assainissement ordures ménagères que le citoyen marocain n’avait pas l’habitude de prendre en
charge.

2. Potentiels à conforter...

2.1. Rationalisation de l’usage.


Gestion integrée (assainissement / épuration).
Protection des ressources.
Pérenniser l’existant.
Améliorer davantage les systèmes de gestion.
Régulation sérieuse en vue de la protection du consommateur.

79
2.2. L’éducation.
2.3. Éducation saine s’inscrivant dans l’universel sans occulter nos réalités et notre identité.
2.4. Une stratégie nationale s’inscrivant dans la mondialisation et ayant reçu l’adhésion de tous ; le
Marocain est un être du monde et ne doit pas s’y trouver étranger (langues, communications,
comportement...).

3. Stratégies / politiques / programmes...

3.1. Partenariat opérateurs / usagers ; public / privé dans le sens / « bonne gouvernance ».
3.2. Planification dynamique à long terme, vu délais des résultats et conséquences dramatiques sur le
long terme des déficits et des aléas.
Plans d’urgence.
Abandonner les systèmes de gestion défaillants (petites régies, gestion communale).
Promouvoir le secteur de l’assainissement et de l’épuration avec participation de l’État sur 15 à
20 ans (en Tunisie, l’État participe encore à une partie de l’investissement et à l’exploitation).

4. D’ici 2025...

4.1. Mise en place de tous les concepts qu’impose une géstion de la rareté.
Tenir compte du caractère interrégional des ressources et par conséquent son aspect stratégique
qui impose la présence vigilante de l’État.
4.2. Recensement des gisements d’économie.
Vision globale des ressources en eau ; par exemple, les sociétés d’eau pourraient à terme gérer
l’eau agricole et les ressources dégagées par amélioration des rendements couvriraient largement
les besoins en eau potable (actuellement, eau potable 10 %, agriculture 90 %).
Il n’y aura pas de déficit si la planification est bien faite, le contrat-programme bien suivi et les
moyens financiers mis en place à temps.
Le secteur de l’eau potable est un secteur à resultats à long terme, il faut investir pendant 20 ans,
assurer une bonne gestion pour voir venir les resultats. Par ailleurs, les relachements donnent des
résultats catastrophiques à long terme (inertie) difficilement surmontables avec toutes les actions
néfastes sur :
R La santé,
R L’industrie,
R Le tourisme,
R La qualite de la vie en général.

80
Le programme d’électrification rurale
global : Bilan provisoire 1996-2003

DRISS BENHIMA

81

gt6-3 81 22/03/06, 12:05:13


82

gt6-3 82 22/03/06, 12:05:13


La remise en cause profonde du rôle et de l’organisation de l’ONE, suite aux délestages de la fin des
années 80 et du début des années 90 redonne à l’Office un rôle de gestionnaire global de la demande élec-
trique qui s’oriente vers le recours au secteur privé pour la production électrique, qui met en place une
réforme tarifaire rationnelle, effective en janvier 1996, qui lance le renforcement des interconnexions élec-
triques, qui s’intéresse à de nouvelles technologies, dont l’éolien, le thermosolaire et le stockage d’énergie
par pompage-turbinage. Le repositionnement de l’ONE comme instrument privilégié du gouvernement en
matière d’énergie électrique et d’acteur central du secteur est mis en évidence par la présence effective, à
partir de 1994, des ministres au Conseil d’Administration présidé par le Premier Ministre en personne. C’est
dans cette ambiance de sortie de crise que la responsabilité de lancer un programme massif d’électrification
est confiée à l’Office par le ministère de l’Énergie et des Mines dès 1994.

De nouveaux concepts sont alors mis en œuvre :


– Création d’un cost-killing comité chargé de faire baisser les coûts des réseaux ruraux par l’amélioration
des procédures des marchés de réalisation qui fait passer le nombre d’entreprises du secteur d’une dou-
zaine à 25 et par la refonte des normes d’installation.
– Recours à un finacement tripartite des réseaux : 2500 Dh par bénéficiaire, 2000 Dh par foyer élelectrifié
à la charge de la commune concernée et le reliquat par l’ONE. Ce reliquat a fluctué depuis le début du
PERG et représente en moyenne, sur la période 1996-2003, 11400 Dh/foyer.
– Recensement exhaustif de 33000 douars couvrant l’ensemble du pays afin d’alimenter la base de don-
nées du Système d’Information Géographique de l’Électrification Rurale. C’est le SIG qui permet la défi-
nition des programmes annuels du PERG regroupés en grappes de villages. Le PERG annuel est défini à
partir d’un budget, initialement fixé à un milliard de Dh par an, puis porté en 2000 à un milliard et demi
par an et qui atteint actuellement 2 milliards de Dh. Priorité est donnée aux grappes de villages présen-
tant le coût par foyer minimum : « électrifier annuellement le maximum de marocains ruraux pour un
budget donné ». Ceci met le PERG à l’abri de toute manipulation inéquitable mais ignore largement les
concepts du développement intégré. Lorsque les résultats de l’ordinateur posent des problèmes
majeurs d’équilibre régional, l’ONE installe, à ses frais des lignes de pénétration appelées « dorsales ».
Ainsi le coût de ces dorsales n’est pas pris en compte dans les calculs des coûts par foyer qui orientent
le PERG.
– Les limites d’intervention Régies-ONE sont définies en concertation, affectant à l’ONE la quasi-intégra-
lité du territoire. Le Rif occidental, en particulier, devient zone ONE. L’ONE peut alors animer son pro-
gramme d’électrification rurale sans incident de frontière à craindre.
– Mise en œuvre de toutes les techniques possibles d’électrification : connexion au réseau, petits réseaux
indépendants, micro ou mini centrales hydro-électriques, générateurs éoliens et systèmes de kits photo-
voltaïques gérés suivant le système « fee for service » où le client paie mensuellement pour l’installation
et l’entretien du système complet de sa maison.
– Afin de baisser les coûts de gestion des réseaux installés et surtout les coûts de collecte des paiements,
l’ONE a commencé par étendre la période entre relevés des compteurs mais il a opté pour la mise en
place de compteurs à prépaiement qui rencontre actuellement un grand succès auprès des clients
ruraux qui maîtrisent mieux leurs consommations. Ce système innovant et très technologique se met en
place depuis 2002.

83
– La propriété du patrimoine créé revenant à l’ONE, l’Office a pu mobiliser des sources importantes de
financement concessionnel. Le PERG est un programme de développement à caractère social apprécié
des agences de coopération sauf des institutions hostiles au subventionnement de l’énergie électrique.

Le Perg a rencontré des contradicteurs. La première objection a concerné la capacité des ruraux marocains
a honorer leurs factures d’électricité. La réponse est dans le calcul opéré préalablement au PERG dans une
étude du Centre de Développement des Énergies Renouvelables sur les coûts de non-électricité. Les ser-
vices minimum rendus par l’énergie électrique dans les domaines de l’éclairage et de l’électronique domes-
tique varient entre 90 Dh/mois et 130 Dh/mois suivant les régions et correspondent aux achats de bougies,
de pétrole lampant, de recharges de batteries et de piles électriques. A la même période, les études inter-
nationales faisaient état de 9$/mois en moyenne mondiale. Par ailleurs, les statistiques de l’ONE relèvent
une moyenne de consommation « rurale pauvre » de 50 Dh/mois. Un foyer branché au PERG a donc les
moyens de payer l’abonnement PERG et de rembourser sa participation de 2 500 Dh étalée sur 7 ans, soit
40 Dh/mois, au-delà de sa consommation mensuelle d’énergie de 50 Dh environ.
Une objection plus doctrinale est venue des milieux intéressés par la libéralisation du marché de l’électri-
cité. L’électrification rurale est fortement subventionnée, le branchement d’un foyer rural modeste repré-
sente 19 ans de consommation, et près de quatre siècles de marge. La péréquation entre consommateurs
urbains et ruraux que représente le financement du PERG contredit le principe de vérité des coûts et péna-
lise la création d’un marché privatisé de l’énergie qui considère l’électricité comme une marchandise desti-
née à un marché concurrentiel et à des clients solvables. Les schémas de la Banque Mondiale proposés à
des pays voisins sont très clairs, à l’image de celui du Sénégal : privatisation de l’ensemble de la SENELEC,
de la production à la distribution, mais création au sein du ministère de l’énergie d’un Service de l’Électrifica-
tion Rurale dont on voit bien qu’il ne disposera pas de budgets conséquents et qu’il est essentiellement
orienté vers le photovoltaïque. Le réseau pour les clients qui en ont les moyens est un palliatif pour les
autres. Au Maroc, le PERG prévoit le réseau jusqu’à un coût de branchement de 27 000 Dh/foyer, soit
22 500 Dh de subvention par l’ensemble des consommateurs pour brancher un client individuel qui peut ne
pas dépasser 1000 Dh par an de consommation.
Le PERG est donc un programme social qui favorise néanmoins le développement économique. Première-
ment, il facilite les branchements liés à la production agricole. En effet, l’agriculteur qui opère un branche-
ment individuel à un réseau financé dans le cadre du PERG ne paye que le tronçon de ligne supplémentaire
dont il a besoin pour se raccorder. Deuxièmement, l’arrivée du PERG signifie le passage à la force motrice
électrique, en particulier au pompage électrique, moins coûteuse que les forces motrices utilisant des carbu-
rants. L’électricité permet aussi l’installation d’ateliers qui facilitent la mécanisation du monde rural.

Enfin, et il s’agit d’une des surprises découvertes lors des études d’impact commandées par l’ONE, l’élec-
tricité apporte le froid, que ce soit le froid domestique qui permet la conservation des aliments, en particulier
de la viande, ou bien le froid plus industriel qui permet la conservation du lait et promeut ainsi la production
laitière.
Le PERG a été officiellement annoncé lors d’un Conseil de Gouvernement d’août 1995. Il est remarquable
de souligner que le PERG se réduit juridiquement à des conventions signées entre communes rurales et
ONE, approuvées par la Direction Générale des Collectivités Locales qui vérifie au passage la solvabilité des
Communes signataires. Le PERG n’a nécessité ni loi particulière, ni décret, mais il constitue, toutefois, un
investissement régulièrement soumis au Conseil d’Administration, et représente, de ce fait, une initiative
gouvernementale clairement définie et identifiée.

84
Voici comment se présentent les résultats du PERG durant la période 1996-2003 :
Durant cette période les réalisations, toutes techniques confondues, ont concernés 12 292 villages (dont
11 346 villages en réseaux et 946 villages en solaire) et ont permis l’accès à l’électricité à 872 765 foyers
(dont 862 306 foyers en réseaux et 10 459 foyers en solaire) soit l’équivalent d’environ 6 400 000 habitants
en milieu rural .

Foyers électrifiés en solaire ou par le réseau :

85
86
50 années de développement
des infrastructures de transport

Introduction ................................................................................................................ 93
Évolution du secteur transport depuis l’independance
I. Routes, autoroutes et transport routier.............................................................. 97
1. Dates clés pour les routes et le transport routier marocains ................... 97
2. Routes et Autoroutes ....................................................................................... 97
2.1. Réseau routier ............................................................................................ 99
2.2. Rocade Méditerranéenne ....................................................................... 102
2.3. Routes rurales ........................................................................................... 103
2.4. Autoroutes ................................................................................................. 105
3. Transport routier ............................................................................................. 111
3.1. Parc et mobilité ......................................................................................... 111
3.2. Sécurité routière ...................................................................................... 111
II. Ports et transport maritime ............................................................................... 113
1. Dates clés pour les ports marocains .......................................................... 113
2. Ports ................................................................................................................. 114
2.1. Infrastructures portuaire ....................................................................... 114
2.2. Dragage des ports ................................................................................... 115
2.3. Complexe Tanger Méditerranée ............................................................ 116
2.4. Réforme du secteur portuaire ............................................................... 118
3. Transport Maritime.......................................................................................... 119
3.1. Flotte maritime ......................................................................................... 119
III. Chemins de fer et transport ferroviaire ......................................................... 122
1. Dates clés pour les chemeins de fer marocains ...................................... 122
2. Évolution institutionnelle et réglementaire ................................................ 122
3. Réseau ferroviaire .......................................................................................... 123
4. Transport ferroviaire ...................................................................................... 127
4.1. Parc et mobilité ......................................................................................... 127
4.2. Modernisation ........................................................................................... 129
IV. Aéroports et transport aérien .......................................................................... 129
1. Dates clés pour les aéroports ...................................................................... 129
2. Aéroports ......................................................................................................... 130
2.1. Infrastructure aéroportuaire ................................................................... 130
2.2. Exploitation aéroportuaire ...................................................................... 132

87

gt6-4 87 22/03/06, 14:01:59


3. Transport aérien ............................................................................................. 132
3.1. Évolution réglementaire ........................................................................... 132
3.2. Trafic aérien .............................................................................................. 134

Perspectives du secteur des transports


I. Routes, autoroutes et transport routier ............................................................137
1. Routes et Autoroutes ..................................................................................... 137
1.1. Les voies express ...................................................................................... 137
1.2. Achèvement de la Rocade Méditerranéenne ...................................... 138
1.3. Stratégie de développement du réseau routier ................................... 138
1.4. Routes rurales............................................................................................ 139
1.5. Autoroutes .................................................................................................. 139
2. Transport routier ............................................................................................. 139
2.1. Transport routier de marchandises........................................................ 139
2.2. Transport routier de voyageurs............................................................... 140
2.3. Sécurité routière ....................................................................................... 140
II. Ports et transport maritime ............................................................................... 141
1. Ports ................................................................................................................. 141
1.1. Complexe Tanger–Méditerranée............................................................ 141
1.2. Développement et préservation du patrimoine infrastructurel......... 142
1.3. Réforme du Secteur portuaire ................................................................ 143
2. Transport maritime ......................................................................................... 144
2.1. Nouvelle stratégie du secteur................................................................. 144
2.2. Liaisons avec les autoroutes de la Mer européennes........................ 144
III. Chemeins de fer et transport ferroviaire........................................................ 145
1. Projets futurs d’extension du réseau ferroviaire ...................................... 145
1.1. Plateformes logistiques............................................................................ 145
1.2. TGV .............................................................................................................. 145
1.3. Liaisons internationales ........................................................................... 146
2. Projet d’entreprisse de l’ONCF ..................................................................... 147
IV. Aeroports et transport aérien........................................................................... 147
1. Aéroports ......................................................................................................... 147
2. Transport aérien ............................................................................................. 148
Annexes..................................................................................................................... 149

ABDENNEBI RMILI

88

gt6-4 88 22/03/06, 14:01:59


Liste des encadrés

Encadré 1 : Dates clés pour les routes et le transport routier marocains


Encadré 2 : Route de l’Unité
Encadré 3 : Routes du Sahara
Encadré 4 : Fonds Spécial Routier (créé par la Loi de Finances 1989)
Encadré 5 : Intérêt des routes rurales
Encadré 6 : Intérêt des autoroutes
Encadré 7 : Plan d’actions Stratégique Intégré d’Urgence (PSIU)
Encadré 8 : Dates clé pour les ports marocains
Encadré 9 : Office d’Exploitation des Ports
Encadré 10 : Axes de la réforme du secteur portuaire
Encadré 11 : Dates clé pour les chemins de fer marocains
Encadré 12 : Projet de la liaison ferroviaire Taourirt-Nador
Encadré 13 : Projet de desserte ferroviaire du nouveau port de Tanger Méditerranée
Encadré 14 : Dates clés pour les aéroports et le transport aérien au Maroc
Encadré 15 : Extrait de LA LETTRE ROYALE adressée le 12 février 2004 aux participants aux 4e Assises
Nationales du Tourisme de Casablanca
Encadré 16 : Le projet de la liaison fixe du détroit de Gibraltar
Encadré 17 : Coopération ferroviaire dans le cadre des pays de l’UMA

89
Liste des graphiques

Graphique 1 : Évolution du réseau routier revêtu marocain depuis l’indépendance


Graphique 2 : Évolution des ressources financières allouées au secteur routier
Graphique 3 : Accélération du rythme de réalisation des routes rurales à travers la création de la CFR
Graphique 4 : Évolution du réseau autoroutier 1980-2010
Graphique 5 : Évolution du parc automobile et de la circulation routière
Graphique 6 : Évolution comparée des accidents, tués et taux de gravité durant les dix dernières années
Graphique 7 : Évolution du chiffre d’affaires de Drapor
Graphique 8 : Évolution de la flotte marocaine de commerce
Graphique 9 : Répartition de la flotte marocain de commerce par la nature de ses fonctions
Graphique 10 : Évolution du trafic portuaire global
Graphique 11 : Évolution de l’effectif des voitures à voyageurs
Graphique 12 : Évolution du trafic des voyageurs
Graphique 13 : Évolution du trafic des marchandises
Graphique 14 : Évolution du trafic aérien des passagers depuis 1968
Graphique 15 : complexe Tanger – Méditerranée : investissements privés, emplois et valeur ajoutée (source
TMSA)

90
Liste des cartes

Carte 1 : Réseau Routier National en 2005


Carte 2 : Rocade Méditerranéenne
Carte 3 : Schéma d’Armature Autoroutier
Carte 4 : Port Tanger – Méditerranée
Carte 5 : Réseau ferroviaire en 1963
Carte 6 : Réseau ferroviaire actuel et projets futurs
Carte 7 : Répartition géographique des aéroports
Carte 8 : Voies express réalisées, conventionnées et potentiels

91
Liste des tableaux

Tableau 1 : Caractéristiques des ports marocains (comparaison avant 1961 et 2004)


Tableau 2 : Caractéristiques des aéroports internationaux marocains en 2004
Tableau 3 : Les voies express conventionnées (travaux non encore lancés)
Tableau 3 : Les voies express conventionnées (travaux non encore lancés)

92
Introduction

Depuis son indépendance, le Maroc n’a cessé d’accorder un intérêt particulier au secteur des transports
en œuvrant au développement des infrastructures et à la mise à niveau des services sur les plans institution-
nel et réglementaire.
Le secteur des transports au Maroc, tous modes confondus, a assuré ces dernières décennies, les mis-
sions qui lui sont dévolues d’une manière satisfaisante, en ce sens qu’il a favorisé la cohésion territoriale et
sociale du pays et accompagné le développement et la promotion des différents secteurs de l’économie
nationale.
Cinquante ans après la fin du protectorat français, l’avancée enregistrée dans ce secteur est considérable.
Ainsi, les investissements consentis pour le développement des infrastructures de transport ont permis à
ces dernières d’évoluer nettement avec une longueur du réseau routier revêtu triplée, un réseau autoroutier
leader en Afrique du Nord, des chemins de fer modernes et un réseau de ports et d’aéroports étendus pour
couvrir la totalité du territoire du Royaume et lui assurer une grande ouverture sur le monde notamment sur
l’Europe son principal partenaire commercial.
Par ailleurs, le Maroc a procédé régulièrement à des réformes institutionnelles et réglementaires dans les
différents modes de transport en vue d’accompagner les mutations du contexte national et international
allant vers une plus grande libéralisation des échanges.
L’activité du transport contribue aujourd’hui pour environ 6 % du PIB du Royaume. Elle emploie près de
10 % de la population active urbaine et participe à raison de 35 % à la consommation nationale d’énergie.
Dans sa première partie, le présent rapport a pour objectif de retracer l’évolution de ce secteur vital avec
ses composantes routière, autoroutière, ferroviaire, portuaire, maritime et aérienne, depuis l’indépendance
jusqu’à nos jours en mettant en relief les principaux événements clé ayant marqué son histoire et les princi-
pales lignes directrices ayant orienté la politique de développement du secteur.
Le rapport se propose, dans sa deuxième partie, de donner une idée sur les perspectives d’évolution du
secteur d’ici l’horizon 2025.

93
94
ÉVOLUTION DU SECTEUR TRANSPORT
DEPUIS L’INDEPENDANCE

95
96
I. Routes, autoroutes et transport routier

1. Dates clés pour les routes et le transport routier marocains

Encadré 1 : Dates clés pour les routes et le transport routier marocains

– 1956 : Indépendance
– 1957 : Lancement des travaux d’édification de la route Al Wahda,
– 1973 : Création de la Direction des Routes et des la Circulation Routière (DRCR),
– 1974 : Elaboration d’une charte de l’entretien routier,
– 1975 : Marche Verte, lancement d’un programme routier de cohésion territoriale vers le sud,
– 1986 : Mise en service du dernier tronçon de l’autoroute Casablanca-Rabat,
– 1985 : Mise en œuvre du Programme d’Ajustement Structurel (restrictions budgétaires),
– 1989 : Création du Fonds Spécial Routier et de la Société Nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) et définition du
Schéma d’Armature Autoroutier,
– 1992 : Instauration du péage autoroutier,
– 1995 : élargissement du FSR à la réalisation des routes rurales et lancement du 1er Programme National des Routes
Rurales,
– 1997 : Lancement des travaux de la Rocade Méditerranéenne,
– 1997-2001 : Tentatives de concessions privées de certains tronçons autoroutiers (Casablanca – El Jadida, Tétouan –
Fnideq,
– Depuis 2002 : Déclaration de politique générale du gouvernement comportant un objectif d’accélération des pro-
grammes autoroutiers et de routes rurales
– 2003 : Libéralisation des transports routiers des marchandises,
– 2004 : Création de la Caisse pour le Financement Routier
– 2005 : Bouclage du financement du schéma d’armature autoroutier avec le dernier tronçon Fès – Oujda.

2. Routes et Autoroutes

Les routes ont toujours eu une place très importante dans les programmes de développement du Maroc à
plusieurs niveaux.

Dès le lendemain de l’indépendance, l’impératif d’unification du pays pour assurer sa cohésion territo-
riale a conduit au lancement d’importants chantiers routiers :

97
– l’édification de la Route de l’Unité dont les travaux ont pris fin en 1957 et qui relia le Nord au Sud, abolis-
sant ainsi l’un des aspects de la division et de la rupture imposées par le protectorat.
– La réalisation de plus de 900 km de routes dans le sud de l’Atlas (régions d’Agadir, Ouarzazate, Errachi-
dia, Bouarfa,...).

Encadré 2 : Route de l’Unité

Le 5 juillet 1957, étaient lancés par Feu S.M. Mohamed V les travaux de terrassement de la Route de l’Unité. 11 000
jeunes volontaires marocains, dont le premier fut Feu S.M. Hassan II alors prince héritier, allaient participer aux chan-
tiers de la jeunesse et ouvrir en 3 mois les 65 kilomètres de la route reliant Taounate à Kétama, au cœur du Rif.
Entre 1957 et 1962, les équipes du Ministère des Travaux Publics procédèrent à l’édification de ce projet structurant.

Le souci de cohésion territoriale reprit de l’importance au lendemain de la Marche Verte en 1975


avec la récupération du Sahara marocain et le lancement de plusieurs projets routiers structurants vers le Sud
dotant ainsi les provinces sahariennes d’environ 3 600 km de routes revêtues à même de leur permettre de
s’intégrer au développement économique et social du pays.

Encadré 3 : Routes du Sahara

Les provinces sahariennes ne comptaient guère plus de 70 km de routes revêtues et véritablement praticables, 850 km
de plates-formes aménagées et 4300 km de pistes balisées. Cet embryon d’infrastructure routière ne répondait plus
aux besoins de développement manifestés par ces provinces dès leur retour à la Mère Patrie. À cet effet, d’importantes
ressources humaines et financières ont été mobilisées pour doter le grand sud Marocain d’infrastructures de base et
les intégrer au développement du pays.
Depuis 1975, on a ainsi procédé à la construction de routes nouvelles et à la rénovation de routes existantes sur des
milliers de kilomètres. Dès 1977, le tracé des anciennes pistes a été abandonné au profit de routes modernes répon-
dant aux normes en vigueur dans l’ensemble du Royaume.
C’est ainsi qu’a été aménagé la route Tan Tan – Laayoune (375 km), construite la liaison Tan Tan – Smara (200 km) et
Assa – Zag (80 km en montagne) ainsi que des projets allant vers le Sud jusqu’à la frontière avec la Mauritanie.
Cette infrastructure qui s’est développée autour de trois axes nord/sud, sur lesquels sont venus se greffer des voies
pénétrantes est /ouest, permet de relier tous les ports sahariens et d’offrir aux localités enclavées de l’est un accès à la
façade atlantique du pays.
L’intégration des provinces de grand sud marocain dans le tissu économique et social du pays s’est réalisée en grande
partie par l’édification de ce réseau qui permet aujourd’hui de rallier par la route les villages les plus reculés du Sahara.

Les impacts néfastes du Programme d’Ajustement Structurel, conduit au milieu des années 1980, sur les
secteurs sociaux, et le creusement de l’écart entre les zones urbaines et rurales qui en a découlé, a imposé
au Maroc de donner la priorité à un souci de cohésion sociale avec le monde rural en définissant au milieu
des années 1990 un ensemble de programmes d’infrastructures de base parmi lesquelles les routes rurales
prennent une place centrale.
Enfin, le souci de dynamiser l’économie marocaine a conduit au développement d’un réseau autoroutier
national autour de deux axes structurants : Nord-Sud reliant les frontières de l’Europe à l’Afrique subsaha-
rienne et Ouest-Est dans le sens de l’unité du Maghreb Arabe.
Enfin, la mise à niveau du système de transport routier et l’amélioration de la sécurité routière ont toujours
été une préoccupation du Maroc.

98
2.1. Réseau routier

Carte 1 : Réseau Routier National en 2005

99
Depuis l’indépendance, le réseau routier national a nettement évolué pour accompagner l’accroissement
important du volume global de la circulation.
Ainsi, contre une longueur de 10 000 km en 1956, le réseau routier revêtu totalise aujourd’hui une lon-
gueur de 34 984 km, soit un rythme moyen annuel de 530 km.

Graphique 1 : Évolution du réseau routier revêtu marocain depuis l’indépendance

2.1.1. Maintenance et entretien courant routiers


En cinquante ans, le réseau routier revêtu s’est accru de quelques 25 000 km.
Ce chiffre, quoique conséquent, ne fait pas ressortir les efforts consentis durant toutes ces années pour la
densification des voiries et la modernisation et l’adaptation au trafic des axes routiers.
Si l’extension du réseau (hors autoroutes) a surtout profité aux routes provinciales pour un meilleur désen-
clavement des régions isolées, les caractéristiques des autres catégories de routes ont nettement évolué
grâce aux programmes successifs de renforcement qui les ont concerné.
Une attention permanente a été accordée au cours de ces 50 ans par les services routiers à la préservation
et à la maintenance du patrimoine.
Sachant que pour les seules chaussées, la valeur du patrimoine routier se chiffre à des plusieurs milliards
de dirhams, tout différé d’un an de l’entretien représente une perte de 15 % du capital donc supérieure à 1
milliard de dirhams.
En 1974, et à peine une année après la création de la DRCR, une charte de l’entretien routier a été élaborée.

100
Elle a réorganisé totalement le système d’entretien en supprimant le système des cantons et en établis-
sant des normes d’entretien routier qui permirent d’assurer une répartition rationnelle des crédits. Elle substi-
tua au système des cantons celui des brigades mobiles d’intervention spécialisées dans les travaux
d’entretien routier.
Cette réorganisation s’est accompagnée d’une restructuration des parcs chargés de l’entretien et la mise
en place d’une comptabilité adaptée permettant la maîtrise de la gestion et des coûts.

L’année 1983 a connu deux événements importants :


– le lancement d’un Programme d’Entretien de Routes Secondaires et Tertiaires financé par la BAD,
– la création des Services Logistique et Matériel (SLM) pour une gestion autonome du matériel des tra-
vaux publics.

La période suivant 1985 a été marquée par d’importantes restrictions budgétaires qui menaçaient le
réseau existant.
C’est ainsi que le Fonds Spécial Routier a été créé en 1989 pour garantir une stabilité des ressources per-
mettant de sauvegarder le patrimoine routier (Cf. encadré 1.4).

2.1.2. Ressources financières


Graphique 2 : Évolution des ressources financières allouées au secteur routier

Les ressources financières allouées au secteur routier ont nettement évolué au cours des dernières décen-
nies.

101
D’environ 150 millions de dirhams en 1970, ces ressources ont atteint 2 633 millions de dirhams en 2004.

Encadré 4 : Fonds Spécial Routier (créé par la Loi de Finances 1989)

L’ordonnateur de ce fonds est le Département de l’Equipement. Son objectif est de compléter l’apport du budget géné-
ral en apportant une ressource stable non budgétaire pour le financement des investissements routiers de maintenance
(renforcement et revêtement des chaussées) d’entretien (rechargement d’accotement, déflashage, assainissement) et
d’exploitation (déneigement, rétablissement des dégâts des crues, désensablement, signalisation verticale et horizon-
tale) ainsi que des dépenses relatives au matériel d’entretien et des études relatives à l’entretien.
Selon le principe utilisateur-payeur, il est alimenté par des taxes provenant du secteur : taxe à l’essieu, taxe addi-
tionnelle d’immatriculation, prélèvement sur la taxe intérieure de consommation assise sur les carburants.

2.1.3. Classification du réseau


La classification du réseau routier marocain établie en 1947 pendant le protectorat français distinguait trois
types de routes : routes principales, routes secondaires et chemins tertiaires.
Cette classification a été révisée en 1990 pour être en adéquation avec le mouvement de décentralisation
dans lequel le Maroc s’est engagé. Ainsi, les routes sont actuellement classées en quatre catégories : routes
nationales, routes régionales, routes provinciales et routes communales.
Les trois premières catégories, totalisant en 2004 un linéaire de 57 227 km dont 34 984 km revêtues, sont
à la charge de l’État via le Ministère de l’Équipement et du Transport. Les routes communales, totalisant
9 000 km, sont à la charge des Collectivités Locales

Tableau I.2.1 : Réseau des routes classées en 2004

Revêtues (km) Non revêtues (km) Total (km) %


Nationales 9 806 1 482 11 288 20
Régionales 8 855 1 297 10 152 18
Provinciales 16 323 19 464 35 787 62
Total 34 984 22 243 57 227 100

2.2. Rocade Méditerranéenne

Le projet de la Rocade Méditerranéenne, lancé en 1997, constitue un axe structurant à fort impact sur le
développement économique et social du Nord du Maroc.
Elle relie les villes de Tanger et Saïdia sur une longueur de 550 km (300 km de routes existantes à réamé-
nager et 250 km de routes nouvelles à construire) en réduisant le temps de trajet de 10 à 7 heures et en amé-
liorant très sensiblement les conditions de confort et de sécurité des usagers de la route.
C’est un projet dont la réalisation aura un effet structurant pour la zone nord. Son aménagement permettra
le développement de la côte méditerranéenne, son désenclavement, la mise en valeur de ses importantes
potentialités, l’éradication de la culture du Cannabis et la lutte contre l’immigration clandestine.

102
2.2. Rocade Méditerranéenne

2.3. Routes rurales

2.3.1. PNRR I
Conscient du rôle essentiel des routes rurales dans le développement économique et social du pays, le
Ministère de l’Equipement et du Transport a réalisé une étude au début des années 90 qui a montré que les
besoins de construction de routes de désenclavement ou d’aménagement de pistes sont estimés à plus de
38 000 km.
Pour répondre à ces besoins, le Département de l’Equipement a engagé plusieurs actions au cours des
dernières années.
Ces actions ont abouti en 1995 à la définition du Programme National des Routes Rurales (PNRR) qui vise
la construction et l’aménagement de 11 236 km de routes jugées prioritaires sur 7 à 9 ans qui se répartissent
entre la construction de 5 472 km de routes revêtues et l’aménagement de 5 764 km de routes non revê-
tues. L’achèvement de ce programme en 2005 permettra de porter le taux des populations desservies par
une route à 54 % contre 36 % enregistré en 1995.
Les ressources financières prévues pour la réalisation du PNRR I se répartissent comme suit :
– 170 Mdh/an sur le budget de l’État,
– 480 Mdh/an sur le Fonds Spécial Routier (FSR)
– 100 Mdh à mobiliser par les Collectivités Locales dans le cadre d’un partenariat.

103
La mission du Fonds Spécial Routier a été élargie en 1995 pour participer au financement Programme
National de Construction de Routes Rurales. Pour cela, ses ressources ont été étendues grâce à un prélève-
ment supplémentaire sur les ventes de carburant.
Un autre amendement du texte du Fonds Spécial Routier (FSR) a été introduit au titre de la Loi de Finances
1999/2000 pour permettre de mobiliser de nouvelles ressources financières dans le cadre de conventions
passées entre des personnes morales de droits publics et l’État, représenté par le Ministère de l’Équipement
et Transport, pour la réalisation des routes rurales classées à la charge de l’État.
Les prêts contractés par ces personnes morales auprès de divers bailleurs de fonds sont remboursés par
le FSR. Ainsi, une convention a été signée avec l’Agence du Nord pour la réalisation d’un programme
complémentaire de routes rurales portant sur 910 km choisis dans le Nord du Royaume.
Les opérations de ce programme ont été arrêtées en concertation avec les élus et les autorités locales.
Cette approche participative a été retenue dans l’élaboration du programme, pour répondre réellement aux
besoins des populations concernées en terme de projets à réaliser et des priorités hiérarchisés dans le temps.
Dans le cadre de ce programme, un linéaire de 9.276 km a été réalisé jusqu’à fin 2004, soit en moyenne
1000 km/an.

Encadré 5 : Intérêt des routes rurales

La réalisation du Programme National des Routes Rurales a un impact considérable sur le développement du monde
rural. En effet, selon une évaluation rétrospective des projets de pistes et routes, réalisée par la Banque Mondiale,
l’amélioration des routes a un impact positif dans les domaines suivants :
Infrastructures et services de transport – les usagers de ces routes ont gagné du temps et de l’argent :
– le coût d’utilisation des véhicules a fortement baissé,
– le coût du transport des marchandises est tombé de 300 dh à 150 dh la tonne sur une distance de 10 km,
– les services de transport de passagers ont augmenté fortement,
– le temps de trajet jusqu’au marché et centres de services sociaux a diminué de moitié,
Économie agricole – les projets routiers ont transformé l’économie agricole dans les zones desservies :
– l’augmentation de la production fruitière de 31 % entre 1985 et 1995,
– les agriculteurs ont augmenté de 150 % leur investissement dans le cheptel de race,
– l’utilisation d’engrais a augmenté de 60 % dans les zones du projet,
– le nombre d’emplois non agricoles, suite à la mécanisation et aux améliorations apportées dans le domaine de l’éle-
vage, a été multiplié par six,
Impact social :
– la fréquentation des centres médicaux par les bénéficiaires des routes a doublé,
– l’amélioration des routes a facilité la fourniture des soins et a permis une meilleure qualité de service,
– un plus grand nombre de professionnels se sont montrés prêt à travailler dans les zones accessibles,
– les ménages ruraux ont changé leurs habitudes alimentaires (la consommation des fruits, légumes et poissons a aug-
mentés)
– le taux de scolarisation primaire a augmenté de 28 % en 1985 à 68 % en 1995,
– le taux de scolarisation primaire des filles a très fortement augmenté (54 % en 1995, soit trois fois le niveau de
1985), les femmes disposent de beaucoup plus de temps libre et bénéficient de nouvelles possibilités en matière
d’emploi.

104
2.3.2. Création de la Caisse pour le Financement Routier et le lancement du PNRR II
Pour généraliser l’accélération du rythme de réalisation des routes rurales aux autres provinces du
Royaume qui souffrent d’une insuffisance considérable en infrastructures routières, une Caisse pour le
Financement des Routes (CFR) a été créée en 2004.

Dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, la CFR a pour mission de rechercher et de


mobiliser les ressources en vue de participer au financement et à la réalisation des programmes de construc-
tion, d’aménagement, d’entretien, de maintenance, d’adaptation et d’exploitation du réseau routier. La CFR
aura pour mission de :
– participer au financement de la construction, de l’aménagement et de l’entretien de routes rurales clas-
sées à la charge de l’État
– rechercher et conclure des contrats de financement avec des bailleurs de fonds
– gérer les ressources financières mises à sa disposition et effectuer les remboursements des prêts
contractés

La création de la CFR apporte une solution efficace sur les plans technique et juridique et offre une plus
grande souplesse pour l’Administration et la gestion des projets des routes rurales.
Elle permet d’accélérer sensiblement la cadence actuelle de réalisation de routes
rurales durant le deuxième programme national de routes rurale (PNRR II) qui sera lancé à partir de 2005
Ce programme constitue un prolongement des efforts consentis pour le désenclavement dans le cadre du
premier programme qui se trouve maintenant dans ses dernières phases de réalisation. Le PNRR II vise
l’augmentation du taux d’accessibilité de la population rurale au réseau routier de 54 % en 2005 à 80 % à
l’horizon 2015 par la réalisation de 15.000 km de routes rurales.

Le montant global nécessaire à la réalisation du PNRR2 est estimé à 10 milliards de dirhams. Les sources
de financement envisagées pour sa réalisation sont :
– Le FSR et le Budget Général : 400 MDH/an
– Les emprunts de la CFR : 450 MDH/an
– Le partenariat avec les communes :150 MDH/an

À l’instar du PNRR I, une démarche participative a été adoptée dans l’élaboration du PNRR II. Les opéra-
tions du programme sont discutées avec les élus et les autorités locales au sein des Conseils Provinciaux
pour répondre réellement aux besoins des populations concernées

105
Graphique 3 : Accélération du rythme de réalisation des routes rurales
à travers la création de la CFR

2.4. Autoroutes

Les perspectives économiques autant que le rôle qu’entend jouer le Maroc dans les échanges inter-
nationaux, particulièrement sur le continent africain, imposent la satisfaction des besoins croissants du pays
en infrastructures autoroutières et en services de transport.
Occupant une position géographique privilégiée au carrefour de régions à fort potentiel de développement,
le Royaume a élaboré un projet ambitieux de voies de communication à grande circulation pour renforcer sa
place sur les axes économiques internationaux et favoriser son ouverture sur le monde extérieur.
À l’échelon national, l’édification d’un important réseau autoroutier s’imposait d’autant plus que la crois-
sance du trafic routier laissait prévoir à l’horizon à l’horizon 2010 des situations de congestion sur plus de
1.000 km d’axes routiers vitaux pour le pays.

2.4.1. Autoroute Casablanca-Rabat


La construction de l’autoroute Casablanca-Rabat a été imposée par la nécessité de faciliter les nombreux
échanges entre Casablanca (Principal pôle économique du Royaume) et Rabat (capital administrative). L’auto-
route a été réalisée par tranches successives pour tenir compte des possibilités budgétaires de l’État.
La première tranche de l’autoroute à deux fois deux voies (mise en service en Octobre 1980) se développe
sur 44 km jusqu’à l’Oued Cherrat. Le coût de cette première tranche s’est élevé à 150 Millions de dirhams.

106
La deuxième tranche de l’autoroute (dont les travaux ont pris fin en 1987 se développe sur 28,5 km.
Aujourd’hui, cette autoroute réalise un trafic moyen journalier annuel (TMJA) de 26.000 véhicules.

2.4.2. Schéma d’Armature Autoroutier (SAA)


À la fin des années 1980, conscient du rôle que le Maroc peut jouer en tant que pôle d’échanges et de
transit entre les différents pays du Maghreb, mais aussi entre le sud de l’Europe et le Nord de l’Afrique, le
Maroc a arrêté un schéma d’armature autoroutier couvrant les besoins du pays à l’horizon 2010 et répondant
aux besoins du développement du trafic.

Les ressources budgétaires de l’État étant insuffisantes par rapport aux besoins de développement du
réseau routier, le système de la concession et du péage a été reconnu comme le modèle le mieux adapté à la
réalisation de ce schéma qui prévoit la réalisation d’un réseau de 1.500 km :
– Casablanca-Rabat-Tanger, s’intègre dans l’axe Nord-Sud du Royaume et dans la liaison Europe-Afrique.
– Rabat-Fès-Oujda, relie le centre à l’Est et constitue un tronçon de l’autoroute trans-maghrébine.
– Casablanca-Settat-Marrakech-Agadir, fait partie de l’axe Nord-Sud et dessert des zones économiques en
expansion.
– Casablanca-El jadida-Jorf Lasfar, relie deux pôles industriels en plein développement.
– Tétouan-Fnideq, véhicule l’échange avec l’Europe, écoule un intense trafic local et contribue au déve-
loppement touristique de la zone (c’est un maillon de la rocade méditerranéenne).
– Agadir-Taroudant (voie expresse), dessert une grande région agro-industrielle et touristique.

Cet ambitieux programme a été hiérarchisé pour satisfaire en priorité la demande la plus forte tout en s’ins-
crivant dans une vision globale d’aménagement du territoire tenant compte des ressources financières mobi-
lisables.

Encadré 6 : Intérêt des autoroutes

Au-delà de l’impérative nécessité de doter le Maroc d’un réseau de voies modernes pour accompagner le développe-
ment de la mobilité, les retombées économiques de ce programme autoroutier sont très importantes.
Pour l’usager,
– Une économie en coût d’exploitation de véhicule (CEV),
– Un gain de temps,
– Une amélioration de la sécurité,
– Un plus grand confort dans les conditions de circulation.
Pour la collectivité nationale
– Un taux de rentabilité économique de l’investissement relativement appréciable. Ce taux de rentabilité traduit les
économies réalisées en terme de réduction du CEV, de gain de temps global et de réduction du taux d’accidents.
– Les réductions de coûts se traduisent immanquablement par un accroissement de la compétitivité des opérateurs
économiques marocains (réduction du coût de transport des marchandises exportées, respect et réduction des délais
de livraisons, etc...) et permettent ainsi d’accompagner le pays dans sa transition économique vers une zone de libre
échange avec l’UE.
– Les effets induits de ces projets (contribution au développement des régions traversées, création d’emplois,...) diffi-
cilement quantifiables mais sans aucun doute de grande portée, s’étendront à toutes les branches d’activités ayant
recours au transport routier.

107
Carte 3 : Schéma d’Armature Autoroutier

2.4.3. ADM
La Société Nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) a été créée en 1989. Sa mission est de construire,
d’entretenir et d’exploiter les autoroutes que lui attribue l’État par voie de concession ou de contrat.
L’État procède aux études d’avant-projet, définit les emprises et acquiert les terrains qu’il met gratuitement à
la disposition du concessionnaire. Elle a également la possibilité d’exploiter certains ouvrages et services qu’elle
peut, le cas échéant, confier à des tiers, de créer et d’exploiter certains ouvrages et services touristique, d’hôtel-
lerie, de transport, etc; de construire des lotissements à proximité de l’autoroute et de participer à des opéra-
tions industrielles, touristiques, commerciales, etc. en rapport avec les objets précédents.
Cette société de droit privé est à capital très majoritairement publics (Trésor, offices et entreprises
publiques) puisque les intervenants privés ne sont que quelques sociétés récemment privatisées (BMCE,
SAMIR, CTM).
Les premiers investissements de ADM ont débuté en 1993.
Depuis cette date, 540 km d’autoroutes concernant, outre Casablanca-Rabat, les tronçons Rabat-Fès,
Rabat-Asilah, Casablanca-Settat, le contournement de Casablanca et Casablanca-Had-Soualem sont déjà en
service.
Par ailleurs, 336 km sont en cours de réalisation et concernent les tronçons Had Soualem-El Jadida,
Tétouan-Fnideq, Asilah-Tanger, Settat-Marrakech, et la desserte autoroutière de port Tanger Méditerranée.

108
En 2005-2006, seront lancés les travaux des deux derniers tronçons du SAA Marrakech-Agadir (233 km) et
Fès-Oujda (320 km).

Graphique 4 : Évolution du réseau autoroutier 1980-2010 (en km)

2.4.4. Tentatives de concessions privées

Au cours de la deuxième moitié des années 1990, deux tentatives pour des concessions privées de projets
autoroutiers ont été menées en 1997 pour Casablanca-El Jadida et 1999 pour Tétouan-Fnideq.
Le niveau du trafic prévu sur ses sections, insuffisant pour garantir la rentabilité financière recherchée par
les investisseurs privés, a conduit ces derniers à demander à l’État des niveaux de subvention élevés (supé-
rieur au coût du projet pour le premier projet) et mené à la déclaration des appels d’offres correspondants
infructueux.

2.4.5. Bouclage du financement du SAA


Dans sa déclaration de politique générale en novembre 2002, l’engagement du Gouvernement consiste à
porter le rythme de réalisation des autoroutes de 40 à 100 km par an.
Dans ce sens, une étape déterminante a été franchie, en 2004, avec la mise en place des dispositions et
des mécanismes financiers nécessaires à la réalisation du programme autoroutier.

109
Ainsi, il a été procédé, Sous Le HAUT PATRONAGE DE SA MAJESTÉ LE ROI, à la signature, le 1er juin
2004, du contrat-programme entre l’État et la Société Nationale des Autoroutes du Maroc pour la période
2004-2008, selon lequel :
– La Société Nationale des Autoroutes du Maroc s’engage à réaliser des investissements à hauteur de
11.700 MDh pour la construction de 384 Km additionnels
– L’État, s’engage à apporter une augmentation annuelle du capital de la Société de 320 MDh sur cinq ans
(2004-2008), à l’adoption du principe des charges différées et à l’émission des obligations garanties par
l’État

A eu également lieu, au cours de la même cérémonie, la signature d’une convention entre le Fonds Hassan II
pour le Développement Économique et Social et la Société Nationale des Autoroutes du Maroc selon laquelle :
– La Société Nationale des Autoroutes du Maroc s’engage à réaliser des investissements à hauteur de
6500 MDh pour la construction de 233 Km additionnels relatifs au tronçon Marrakech-Agadir ;
– Le Fonds Hassan II s’engage à contribuer par une augmentation annuelle du capital de la Société de
500 MDh sur trois ans.

Le montage financier du SAA a été finalement bouclé en avril 2005 par la signature, Sous Le HAUT
PATRONAGE DE SA MAJESTE LE ROI, d’une convention entre ADM, l’État et le Fonds Hassan II pour la réa-
lisation du tronçon Fès-Oujda.
Selon cette convention, l’État et le Fonds Hassan II apporteront chacun 2 milliards de dirhams pour finan-
cer ce projet dont le coût s’élève à 6 milliards de dirhams.

110
3. Transport routier

3.1. Parc et mobilité

Graphique 5 : Évolution du parc automobile et de la circulation routière

Au lendemain de l’indépendance, le nombre de véhicules au Maroc était de l’ordre de 200.000.


Cinquante ans après, ce parc est passé à environ 1.850.000 véhicules soit un taux annuel moyen de crois-
sance de 4,7 %.
La mobilité des marocains au cours de la même période a augmenté à un rythme plus important. En effet,
la circulation sur nos routes est passée de 2.000 à 48.800 km.véh/jour soit un taux annuel moyen de crois-
sance de 6,9 %.

3.2. Sécurité routière

Le transport routier est un vecteur important dans le développement du Maroc. Les moyens de transport
connaissent une augmentation annuelle de 3 à 5 %, en corollaire de la croissance économique du pays.
Si cette croissance a un impact positif sur le développement, l’insécurité routière demeure un grand pro-
blème auquel le Maroc est confronté.
En plus de la douleur et de la souffrance, les accidents de la route causent au Maroc des pertes écono-

111
miques énormes. Selon une étude de la BIRD, l’estimation du coût des accidents de la circulation au Maroc
représente 2,5 % du PIB, soit 8 milliards de dirhams par an (estimation de l’année 2000).
Si la tendance actuelle est maintenue, ce montant atteindrait 10,5 milliards de dirhams en 2012. Le
nombre de tués augmenterait pour sa part de 32 % (pour atteindre environ 4.964 morts en 2012).

Graphique 6 : Évolution comparée des accidents, tués et taux de gravité


durant les dix dernières années (base 1992=100)

Malgré les efforts consentis, et à l’exception de résultats positifs ponctuels réalisés au milieu des années
1990 ou le Maroc avait connu une mobilisation exceptionnelle pour lutter contre les accidents de la circula-
tion, l’insécurité routière reste un fléau permanent.
Avec une moyenne de 10 morts et 114 blessés par jour, plus de 3700 morts et 14.900 blessés graves annuel-
lement, et un coût équivalent à 2,5 % du PIB, soit plus de 11 milliards de DH par an, les accidents de la circula-
tion constituent un vrai fléau pour notre pays, classant nos routes parmi les plus meurtrières au monde et les
érigeant en obstacle réel à la réalisation de nos ambitions de développement touristique et économique.
Pleinement conscient de cette réalité, le Ministère de l’Équipement et du Transport a préparé, en concerta-
tion avec tous les départements intervenants ou interpellés directement par la problématique, une stratégie
nationale de sécurité routière pérenne et réaliste, sur dix années, avec des objectifs définis et chiffrés à
court, moyen et long termes.
Cette stratégie est menée et suivie au plus haut niveau de l’État à travers le Comité Interministériel de
Sécurité Routière.

112
Encadré 7 : Plan d’actions Stratégique Intégré d’Urgence (PSIU)

Déclinée sur les trois années à venir par un plan stratégique intégré d’urgence détaillé, la stratégie mise s’articule
autour de quatre axes principaux :
– Leadership politique gouvernemental fort;
– Coordination générale basée sur l’adhésion et la mobilisation;
– Lancement d’actions volontaristes basées sur la réforme de la législation, du contrôle et des sanctions, de la forma-
tion des conducteurs, des services de secours et de l’information;
– Suivi et évaluation permanents des actions mises en œuvre.

Le Plan d’actions Stratégique Intégré d’Urgence (PSIU) a ainsi été approuvé par le CISR, le 3 novembre 2003.
L’objectif ambitieux mais réaliste du PSIU est d’inverser, en moins de trois ans, la tendance à la hausse des accidents
graves et mortels.

Un plan d’action national relatif au contrôle a été préparé en concertation entre le ministère du transport, la
Gendarmerie Royale et la Direction Générale de la Sûreté Nationale pour repositionner la mission de contrôle
au cœur de la politique de lutte contre l’insécurité routière. Ce plan a été validé par le Comité Permanent de
Sécurité Routière présidé par le Ministre de l’Équipement et du Transport le lundi 5 avril 2004.
Par ailleurs, une réforme de l’arsenal juridique et réglementaire est en cours et elle concerne principale-
ment la refonte du code de la route qui constitue la base juridique du contrôle et des sanctions applicables
aux infractions commises par les usagers de la voie publique.

II. Ports et transport maritime

1. Dates clés pour les ports marocains

Encadré 8 : Dates clé pour les ports marocains

– 1963 : création de la (RAPC) pour l’exploitation du port de Casablanca,


– Début des années 1970 : création de la direction des Ports et du Domaine Public Maritime,
– 1982 : Inauguration du port minéralier de Jorf Lasar,
– 1984 : Création de l’Office d’Exploitation des Ports
– 1984 : Création de la société DRAPOR filiale ODEP
– (Dragage des Ports),
– 1985 : Inauguration du port de pêche de TANTAN,
– 1989 : Inauguration du port pétrolier de Mohammédia,
– 1990 : Inauguration du port d’Agadir,
– 1996 : Achèvement des travaux du nouveau terminal à conteneur de Casablanca
– 2001 : Mise en service du nouveau port de DAKHLA
– 2002 : Création de l’Agence Spéciale Tanger Méditerranée « TMSA »,
– 2003 : Lancement des travaux du projet Tanger- Méditerranée,
– 2004 : Soumission au Parlement du projet de loi portant réforme du secteur portuaire.

113
2. Ports

2.1. Infrastructure portuaire

Vu l’importance de la part des échanges commerciaux du pays qui transitent par voie maritime (plus de
95 %), le secteur portuaire constitue la pierre angulaire de l’économie nationale et de ce fait, il a de tout
temps constitué une composante fondamentale dans le commerce extérieur national, d’où l’importance
accordée par les pouvoirs publics au développement, à la diversification et à l’extension des ports sur les cin-
quante dernières années.
Le Maroc, avait en 1961, 9 ports, pour la plupart dans un état embryonnaire.
Actuellement, Il dispose de 29 ports dont 12 de commerce, 12 de pêche et 5 de plaisance.

Tableau 1 : Caractéristiques des ports marocains (comparaison avant 1961 et 2004)

Avant 1961
ports Bassins (ha) Terre-pleins (ha) Linéaire de quai Jetée de protection (ml) Quais tirant d’eau
(ml) sup à 8 m
Al Hoceima 11 1,3 650 500 –
Tanger 68 17 1 445 1 220 585
Larache 30 0,5 460 650 –
Kenitra-Mehdia – 8 1 230 – 360
Mohammedia 80 105 4 840 4 165 4 680
Casablanca 9 7,5 532 560 –
El jadida 43 10 1 615 2 250 1 095
Safi 3 2 235 580 –
Essaouira 49 18 1 344 2 330 400
Agadir
Total 317 195,3 13 266 12 915 7 620

114
Actuellement (2004)
ports Bassins (ha) Terre-pleins (ha) Linéaire de quai Jetée de protection (ml) Quais tirant d’eau
(ml) sup à 8 m
Saidia 5 12 498 1 548 i2.50
Ras Kebdana 15 16 1 058 1 015 i5.00
Nador 140 140 4 435 2 635 i13.00
Ristinga 11 15 1 973 1 450 i4.00
Al Hoceima 17 10.5 1 240 950 i8.00
Jebha 4 5 130 360 i4.00
Kabila 4.29 1.74 498 530 –
M’diq 6 16 700 680 i6.00
Tanger 68 33 2 390 1 829 i12.00
Asilah 20 14 100 1 158 i2.50
Larache 30 14 870 2 204 i4.00
Kénitra et Mehdia 28 1 434 3 740 i8.00
Sable d’or 2 4 17 470 i3.50
Mohammédia 100 37.5 915 3 821 i17.00
Casablanca 200 131 7 645 4 333 i12.00
El Jadida 9 7.5 535 1 160 i6.00
Jorf-Lasfar 150 110 1 825 4 350 i15.60
Safi 43 54 2 348 2 217 i12.00
Essaouira 3 2 485 660 i3.00
Agadir 109 135 5 558 7 116 i15.00
Tantan 30 74 1 361 3 671 i8.00
Tarfaya 17 25 214 1 710 i6.50
Sidi Ifni 25 35 520 2 310 i5.00
Laâyoune 10 10.6 1 052 4 093 i7.00
Boujdour (abri de pêche) – – - 336 –
Dakhla (ancien port) 1 1 458 188 i6.00
Dakhla (Nouveau port) 6 13 900 540 i8.00

Total 1 025 945 39 159 55 074 –

La stratégie portuaire repose sur une politique de développement à objectifs multiples. À partir de la concep-
tion de base qui veut donner au Maroc la place qui lui revient dans les relations internationales, la stratégie
d’implantation des ports correspond à la volonté de constituer des pôles de croissance régionaux, de pousser à
la mise en valeur des richesses de la mer halieutiques et touristiques, de protéger et de surveiller les espaces
maritimes marocains et, évidemment d’assurer dans les meilleures conditions le transit des marchandises.
Dans le cadre du développement régional, s’inscrit le projet « Tanger-Méditerranée » qui représente une
priorité stratégique pour un développement économique et social de la région Nord. Ce dernier est en cours
de réalisation et le début de son exploitation est prévu pour 2007.

2.2. Dragage des ports

L’évolution croissante de la taille des navires transportant les marchandises diverses mais surtout des
navires spécialisés tels que les portes-conteneurs ou les navires minéraliers, l’augmentation considérables des
tirants d’eau et l’accroissement constant du trafic maritime font que les programmes de dragages requièrent
des dépenses de plus en plus croissantes, des techniques spécialisées et un savoir-faire propre et approfondi.

115
L’attention particulière accordée aux dépenses de l’État incitant à rechercher avec rigueur toutes possibili-
tés d’économie, le souci d’efficacité des travaux et de rentabilisation des engins ont fait ressortir la nécessité
de confier ce service à un organisme spécialisé doté d’une structure autonome capable de rechercher l’opti-
mum de gestion. C’est ainsi qu’en 1984 fut créée une société anonyme DRAGAGE DES PORTS « DRA-
POR », filiale de l’Office d’Exploitation des Ports.
La société « DRAPOR » est une société de droit privé. Elle est responsable de la maintenance des accès
aux ports.
Profitant des progrès récents de l’industrie radio-éléctrique et de la technologie informatique, la société DRA-
POR, grâce aux équipements de ses dragues et ses moyens répond dans une large mesure aux besoins ressen-
tis en matière de dragage, dévasage, nettoyage des plans d’eau, production de sable marin et bathymétrie.
Sur le plan de la normalisation, après s’être mise en 2003 aux standards internationaux de Sécurité ISM
Code, et de Qualité ISO 9002, Version 1994, Drapor s’est rapidement faite certifiée en 2004 aux nouvelles
exigences de la Norme de Qualité ISO 9001 Version 2000.

Graphique 7 : Évolution du chiffre d’affaires de Drapor

2.3. Complexe Tanger Méditerranée

Le Maroc, dans le cadre de son ouverture à l’investissement international et son attelage à l’économie
mondiale, sera doté dans la région du nord d’un nouveau complexe portuaire, industriel et commercial arti-
culé autour d’un grand port sur le détroit, « Tanger Méditerranée » à l’intersection des principales voies mari-
times mondiales (15 km de l’Europe). Avec une vocation de transbordement, ce complexe sera adossé à des

116
zones franches logistiques, commerciales et industrielles et doté d’infrastructures performantes routières,
ferroviaires et de communication. Il comprendra :
– Un port en eau profonde, développant les activités conteneurs, TIR, céréales, marchandises générales
et passagers ;
– Une zone franche logistique de 98 ha à l’oued R’Mel destinée à l’entreposage des marchandises et une
transformation /contrôle de qualité ;
– Des zones franches industrielles situées dans la région de Tanger-Tétouan qui cibleront principalement
des industries de production à vocation export ;
– Une zone « duty free »/commerciale de 125 ha à Fnideq ;
– Des infrastructures de connexion qui comportent :
R Une liaison autoroutière reliant la zone commerciale au futur port ;
R Une connexion ferroviaire entre Tanger et le complexe port – zones franches.

Carte 4 : Port Tanger-Méditerranée

Le complexe intégré dont la réalisation nécessite un investissement total estimé à 11 milliards de dirhams,
a pour objectifs de :
– Créer des emplois en attirant des entreprises exportatrices dans les zones franches ;
– Favoriser la pénétration des marchés étrangers par les entreprises exportatrices dans les zones franches;
– Capter de nouvelles sources de revenus pour l’activité portuaire ;
– Rationaliser la carte portuaire ;
– Favoriser le développement du tourisme ;
– Équilibrer l’aménagement du territoire en dotant la région Nord d’un pôle économique et d’infrastructure
de qualité.

Ce port qui s’inscrit également dans le schéma portuaire national vise à :


– Capter une partie du trafic de transbordement de conteneurs et de céréales, trafic en forte croissance ;
– Développer le trafic TIR ;
– Rationaliser l’affectation du trafic de céréales et de passagers ;
– Désengorger la ville de Tanger pour tourner son activité vers le tourisme et en faire un pôle d’attraction
culturelle ;
– Faire du port actuel de Tanger-ville, une des plus grandes places de croisière de la Méditerranée.

117
2.4. Réforme du secteur portuaire

Le secteur portuaire a connu d’importants investissements, accompagnés de réformes et de change-


ments profonds dans son organisation afin d’en améliorer l’efficacité et de répondre à l’évolution du com-
merce extérieur et aux besoins sans cesse croissants du trafic portuaire.
Dans ce sens, le changement structurel le plus marquant a consisté en la création de l’Office d’Exploitation
des Ports (ODEP) en 1984.

Encadré 9 : Office d’Exploitation des Ports

Crée en 1984, l’ODEP est un établissement public à caractère industriel et commercial, soumis à la tutelle de l’État et
doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Sa mission principale est le traitement de l’ensemble des navires et marchandises transitant par les ports marocains.
Depuis l’annonce de l’escale d’un navire, jusqu’à la livraison de la marchandise à son propriétaire, divers services sont
rendu par l’ODEP :
– L’aide à la navigation;
– Le pilotage, le remorquage, le lamanage et l’avitaillement des navires;
– La manutention et l’entreposage des marchandises;
– Un système d’information permanent;
– La maintenance des infrastructures portuaires, autres que les ouvrages extérieurs et chenaux d’accès;
– La gestion du domaine public.

Cependant, après plus de deux décennies et suite aux différentes évolutions économiques, sociologiques
et politiques connues par le pays durant cette période, la réforme de 1984 semblait avoir atteint ses limites
d’adaptation. Le secteur tel que géré s’avérait incapable de répondre aux mutations socio-économiques et
aux défis de développements posés au Maroc aussi bien en interne que du fait des engagements pris dans le
cadre des accords de libre-échange et des nouveaux contextes liés à la globalisation.
Par ailleurs, la mise en service du port de Tanger Méditerranée en 2007, dont la zone d’influence de son
hinterland (local) notamment largement la région de Casablanca, introduira une modification profonde dans le
secteur portuaire national qui connaîtra l’entrée d’importants opérateurs internationaux avec des techniques
modernes de gestion et d’exploitation portuaire, des procédures simplifiées et des coûts de passage très
inférieurs à ceux en vigueur actuellement dans les ports marocains.

Dans ce contexte, la politique gouvernementale arrêtée pour le développement et la mise à niveau du sec-
teur vise deux objectifs majeurs :
– le secteur portuaire national ne se structure pas en un secteur à deux vitesses, avec Tanger Med très
loin devant le reste des ports et des conséquences socio-économiques néfastes sur le secteur dans son
ensemble.
– les ports nationaux soient un moteur clé de la compétitivité de l’économie marocaine permettant à cette
dernière de faire une entrée bénéfique dans l’économie mondiale et de tirer avantage des accords de
libres échanges signés par notre pays, et par conséquent, être une locomotive de la croissance liée en
particulier au renforcement du potentiel d’exportation que lui est tributaire de la mobilisation de
l’ensemble des gisements d’économie et de performance.

118
Ainsi, le projet de loi sur la réforme du secteur portuaire a vu le jour. Cette réforme à pour objectifs de
doter l’économie marocaine d’un outil performant à même de répondre à l’ambition et à la vocation du pays
d’arrimer son développement économique au marché Européen.

Encadré 10 : Axes de la réforme du secteur portuaire

Les principaux axes de la réforme sont :


1. La création d’une agence nationale de régulation portuaire reprenant les missions du service public de l’ODEP,
2. La création d’une société nationale d’exploitation portuaire à partir des activités commerciales de l’ODEP,
3. L’ouverture des activités portuaires à la concurrence pour le bénéfice des compagnies maritimes
4. Unicité de la manutention.
Le projet de réforme du secteur portuaire a été approuvé par le Parlement en juillet 2005.

3. Transport Maritime

3.1. Flotte maritime

Étant donné que le Maroc est un pays quasi insulaire dont les 98 % du tonnage du commerce extérieur
transitent par voie maritime, une attention particulière a été accordée de la part de l’État au secteur des trans-
ports maritimes en vue de disposer d’une flotte nationale diversifiée et performante à même d’assurer la
sécurité de l’acheminement des échanges commerciaux.
Après une tendance à la baisse (les années 1990), la flotte marocaine de commerce compte aujourd’hui
prés de 44 navires répartis entre une vingtaine d’entreprises d’armement. La majorité des navires est la pro-
priété du secteur privé.
Au cours des dernières années ce sont surtout les car-ferries et les portes conteneurs qui ont enregistré
une augmentation, tandis que, le nombre des vraquiers liquides et réfrigérés a pratiquement stagné.

119
Graphique 8 : Évolution de la flotte marocaine de commerce

Graphique 9 : Répartition de la flotte marocain de commerce par la nature de ses fonctions

La flotte marocaine répond aux normes exigées en matière de sécurité et de prévention de la pollution et
ce conformément aux dispositions et conventions internationales en vigueur. La majorité a procédé aux
audits et évaluations requises par le code ISM relatif à la gestion de la sécurité et la prévention de la pollution,
et certains ont déjà reçu leur certification par des organismes reconnus.

3.2. Activité portuaire

Les ports étant les points de rencontre entre l’économie nationale et l’économie internationale, l’activité
portuaire dépend des changements que connaît la conjoncture économique nationale et internationale. En
effet, le trafic portuaire dépend de plusieurs paramètres :
– Les conditions climatiques : c’est le niveau de la récolte agricole qui défini le niveau des importations en
céréales et celui des exportations des produits agricoles ;

120
– La politique suivi en matière d’emmagasinage des produits stratégiques ;
– L’évolution des tarifs dans le marché internationale ;
– Le niveau concurrentiel des exportations nationales, et particulièrement les métaux et les produits agri-
coles.

Durant les cinquante années passées, le trafic maritime a plus que quadruplé passant de 13 millions
Tonnes en 1961 à 61 millions Tonnes en 2004.

Graphique 10 : Évolution du trafic portuaire global

En matière de transport maritime, il est à noter que ce secteur reste ouvert à la concurrence internationale,
dans la mesure où les compagnies marocaines ne bénéficient d’aucun monopole et que les chargeurs
restent complètement libres quant au choix de leurs transporteurs. De plus, le trafic de vrac qui représente
plus de 85 % de nos échanges extérieurs, a été libéralisé.

Le trafic des lignes régulières continuera de bénéficier d’un intérêt particulier pour les raisons suivantes :
– le niveau de l’implication des compagnies marocaines dans ce trafic ;
– le caractère névralgique de l’activité « ligne régulière » pour notre commerce extérieur ;
– le respect des accords bilatéraux conclu entre le Maroc et ses partenaires en matière de marine mar-
chande.

Dans ce contexte, le renforcement de l’intervention de l’armement marocain constitue des objectifs straté-
giques pour le développement du transport maritime au Maroc, sachant que la participation du pavillon natio-
nal dans le commerce extérieur n’excède guère 12 %.
En parallèle, le Maroc compte procéder à la refonte totale du cadre législatif et réglementaire régissant ce

121
secteur, en vue de son adéquation aux changements et mutations intervenues sur la scène internationale,
dont la mise en place d’un pavillon offshore.

III. Chemins de fer et transport ferroviaire

1. Dates clés pour les chemins de fer marocains

Encadré 11 : Dates clé pour les chemins de fer marocains

– 1963 : Nationalisation des chemins de fer marocains, création de l’ONCF


– 1964 : Achèvement du dédoublement de la voie entre Sidi El Aidi et Khouribga
– 1981 : Achèvement du dédoublement de la voie entre Casablanca et Rabat
– 1984 : Lancement des Trains Navettes Rapides entre Casablanca et Rabat,
– 1986 : Marocanisation complète des effectifs de l’ONCF,
– 1987 : Mise en service de la nouvelle ligne Nouasseur-Jorf Lasfar
– 1995 : Réorganisation et assainissement de l’ONCF,
– 1996 : Signature du 1er contrat-programme État-ONCF
– 1999 : Mise en service du dédoublement de la voie entre Kénitra et Sidi Slimane,
– 2002 : Mise en place d’une nouvelle organisation et d’une nouvelle stratégie commerciale de l’office,
– 2004 : Adoption par le Parlement de la loi libéralisant le secteur et portant transformation de l’ONCF en Société Ano-
nyme.

2. Évolution institutionnelle et réglementaire

Le transport ferroviaire joue un rôle primordial dans le processus de développement économique et la


renaissance que le Maroc ne cesse d’enregistrer durant les dernières décennies. Il s’agit en fait d’un facteur
essentiel de rapprochement des distances qui assure le trafic des voyageurs et des marchandises entre les
grandes villes dans de meilleures conditions, mais aussi d’un moyen de transport stratégique en matière de
redynamisation des activités industrielles en reliant leurs sites aux principaux ports du Royaume.
Historiquement, la construction du réseau des chemins de fer du Maroc remonte au début du 20e siècle.
En effet, les premières lignes construites à voie de 0,60 m ont été établies à partir de 1916, et ce n’est qu’en
1923 que la construction des voies à écartement normal a été confiée à trois compagnies concessionnaires
privées : la Compagnie des Chemins de Fer du Maroc, la Compagnie Franco-Espagnole des Chemins de Fer
(de Tanger à Fès) et la compagnie du Maroc Oriental.
Ces dernières se partagèrent le trafic ferroviaire, en exploitant chacune la partie du réseau qui lui était
concédée, jusqu’en 1963, lorsque le Gouvernement Marocain a décidé le rachat des concessions et la créa-
tion de l’Office National des Chemins de Fer (ONCF).

122
Depuis sa création, l’office a procédé à l’adaptation du réseau ferroviaire (dédoublement, électrification), la
mise à niveau des gares et le développement du matériel roulant en vue d’améliorer les services offerts.
Au milieu des années 1990, l’office a dû traverser une phase de restructuration profonde visant la rationali-
sation de sa gestion et la maîtrise de ses coûts.
En 2002, l’office a mis en place une nouvelle organisation de ses structures adaptée à une nouvelle straté-
gie commerciale orientée vers les besoins des clients.
La fin de l’année 2004 a connu un évènement important pour le secteur ferroviaire avec l’adoption par le
Parlement de la Loi no 52.03 qui comporte deux volets : le premier concerne l’organisation, la gestion et
l’exploitation du réseau ferré national, alors que le second consiste en la création de la Société Marocaine des
Chemins de Fer (SMCF), société anonyme qui se substituera à l’ONCF. Cette loi est venue concrétiser les
choix du Maroc en matière de libéralisation, restructuration du secteur ferroviaire et dynamisation de l’action
commerciale de l’Office National des Chemins de Fer (ONCF) et de la part du rail dans le marché du transport;

Les principaux apports de ladite loi, se résument comme suit :


– Possibilité d’extension du réseau, moyennant la concession par l’État de nouvelles lignes à des opéra-
teurs privés ;
– Possibilité de développement de partenariats Public/Privé entre la future SMCF et les opérateurs intéres-
sés en ce qui concerne le réseau existant ;
– Accroissement de l’efficacité, de l’autonomie de gestion, de la compétitivité de la SMCF et de son orien-
tation vers le marché.

3. Réseau ferroviaire

Le réseau ferroviaire national se compose de 1 907 Km de lignes, dont 1 537 Km à voie unique (80 %) et
370 Km à double voie (20 %). Ce réseau comporte également 528 Km de voie de service et 201 Km de lignes
d’embranchements particuliers reliant diverses entreprises au réseau ferré national. À noter que 53 % de la
longueur totale dudit réseau, soit 1 003 Km, est électrifiée à 3 000 Volt continu, alors que 904 Km sont exploi-
tés en traction Diesel.
Ainsi, le réseau ferroviaire marocain qui permet des vitesses de 160 Km/h sur certains tronçons, se pré-
sente sous forme d’un couloir reliant le Sud (Marrakech) à l’Est (Oujda) avec des antennes vers Tanger, Safi,
Oued Zem, El Jadida et Bou Aârfa. Il dessert les grandes villes et les principaux ports du Royaume à l’excep-
tion de ceux d’Agadir au Sud et de Nador au Nord. Il est également relié aux réseaux algérien et tunisien,
avec des caractéristiques techniques similaires permettant d’assurer la circulation des trains dans de bonnes
conditions d’exploitation.

123
Carte 5 : Réseau ferroviaire en 1963

124
Carte 6 : Réseau ferroviaire actuel et projets futurs

Le Maroc, conscient des avantages que présente le transport ferroviaire en matière d’économie d’énergie,
de protection de l’environnement, de sécurité de transport et de décongestion du trafic sur les grands axes
routiers, s’emploie à étendre son réseau ferroviaire vers le nord par la réalisation de la ligne Taourirt-Nador et
la desserte ferroviaire du nouveau port de Tanger Méditerranée. Dans ce cadre, un avenant au contrat pro-
gramme État-ONCF a été signé en août 2004 incluant la réalisation de ces deux grands projets.

125
Encadré 12 : Projet de la liaison ferroviaire Taourirt-Nador
L’édification d’une ligne ferroviaire reliant Taourirt à Nador s’inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie tracée par les
pouvoirs publics visant notamment le développement intégré et équilibré des différentes régions du Royaume. Dans ce
sens, d’importantes actions sont programmées afin de contrecarrer les obstacles qui freinent la relance de la zone du
Nord en lui ouvrant de nouvelles perspectives à même de redynamiser ses activités socio-économiques. Pour ne citer
que l’essentiel, il s’agit de l’aménagement de zones industrielles, de l’attraction d’investisseurs étrangers par des avan-
tages fiscaux et économiques ainsi que la réalisation de la zone spéciale de développement Tanger-Méditerranée.
Dans ce cadre, le projet de construction de la ligne ferroviaire Taourirt-Nador a été retenu en tant que projet hautement
prioritaire pour doter la région d’un maillon structurant et efficace en infrastructure de transport.
En effet, un tel projet est appelé à favoriser l’intégration territoriale de la région dans le tissu national en mettant à la dispo-
sition des secteurs d’activité existants, un moyen de transport contribuant efficacement à leur développement dans de
meilleures conditions.
À ce titre, la future ligne ferroviaire Taourirt-Nador d’une longueur de 117 km constitue, moyennant la connexion du port
de Beni Enzar au réseau ferré, un saut qualitatif en matière de diversification des échanges internationaux. Ceci grâce à
l’ouverture des régions de l’Oriental et du centre du Royaume sur la Méditerranée, favorisant ainsi l’exportation des
produits miniers et agricoles de ces régions.
Le projet dont le coût est estimé à 2.244 Millions de DH sera financé par une contribution du Fonds Hassan II (900 Mil-
lions de DH), une contribution du Budget de l’État (960 Millions de DH) et des crédits mobilisés par l’ONCF (384 Mil-
lions de DH).
Ainsi, le projet, outre qu’il assurera la création de 2000 emplois pendant sa durée de construction et de 300 emplois
permanents dans sa phase d’exploitation, aura des retombées significatives en gains de sécurité dus à la diminution
des accidents de la circulation ainsi que sur l’environnement.

Encadré 13 : Projet de desserte ferroviaire du nouveau port


de Tanger Méditerranée
La connexion du nouveau port de Tanger au réseau ferroviaire national a pour objectif de contribuer à la valorisation du
complexe Tanger-Méditerranée en permettant à la région de bénéficier des atouts indéniables dont jouit le mode de
transport ferroviaire.
Le programme comprend la réalisation d’une bretelle nord, entre Tanger et le Port : 45 Km et d’une Bretelle de 47 km
de longueur, au sud de Tanger, visant à réduire le temps de parcours sur l’axe CASABLANCA – RABAT – TANGER,
d’environ une heure.
L’apport socio-économique attendu de la concrétisation de cette connexion par rail est capital. Pour ne citer que
l’essentiel, elle permettra :
– De désenclaver la région en assurant la desserte des zones industrielles implantées dans les villes de Tétouan et Fni-
deq ainsi que le nouveau port à Oued R’Mel pour en faire un pôle d’attraction économique;
– De drainer un trafic de passagers important contribuant ainsi à faire face à l’évolution prévisible de la demande en
matière de moyens de transport dans cette région;
– De renforcer l’infrastructure de communication nécessaire pour le développement des échanges inter-régions;
– De valoriser les caractéristiques et les potentialités que recèle la région, participant ainsi au renforcement de la poli-
tique de développement régional;
– D’intensifier les échanges de proximité;
– De généraliser les retombées positives du nouveau port aux autres régions et plus particulièrement à celle du centre.
Le projet de la desserte ferroviaire du nouveau port Tanger Méditerranée, dont le coût en infrastructure s’élève à 2 860
Millions de DH, est prévu être financé par le recours à des emprunts auprès de la Banque Islamique de Développe-
ment, de l’Agence Française de Développement et d’un groupement de banques marocaines.

126
4. Transport ferroviaire

4.1. Parc et mobilité

Le parc matériel roulant se compose de 116 locomotives de lignes, 95 locomotives de manœuvre, 14 rames
automotrices à 3 voitures, 372 voitures à voyageurs et 6894 wagons à marchandises. L’évolution depuis les
années soixante est illustrée par les graphiques ci-dessous :

Graphique 11 : Évolution de l’effectif des voitures à voyageurs

L’ONCF opère sur trois marchés stratégiquement indépendants : le transport des voyageurs, le transport des
marchandises diverses et le transport des phosphates. Ces trois types de trafic représentent respectivement
sur le plan des recettes de l’ONCF environ 25 %, 25 % et 50 %.

4.1.1. Transport de voyageurs


Le transport de voyageurs a connu une grande évolution depuis 1963, en passant de 4 millions de voyageurs
en 1963 à 16.5 millions en 2003, grâce à d’importants efforts déployés par l’ONCF pour assurer l’adéquation
de ses services aux exigences de cette catégorie de trafic. L’ONCF a offert un nouveau service en mai 1984
par l’exploitation de « Trains Navettes rapides » reliant Casablanca à Rabat. Il a également développé un pro-
duit combiné rail-route pour les villes non reliés au réseau ferré.

127
Graphique 12 : Évolution du trafic des voyageurs

4.1.2. Transport de marchandises


Pour le transport de marchandises, le tonnage transporté a plus que doublé entre 1963 et 2003 en passant
de 12.4 à 30.5 millions.

Graphique 13 : Évolution du trafic de marchandises

128
4.2. Modernisation

Pour la modernisation du secteur du transport ferroviaire, le gouvernement a mis en œuvre un programme de


redressement et d’assainissement de l’ONCF, qui a conclu avec l’État un protocole d’accord le 24 novembre
1994, ainsi qu’un contrat-plan le 16 septembre 1996. Les axes de ce programme ont consisté en la réorgani-
sation des structures de l’Office selon un mode de gestion axé sur la rentabilité et la reconquête du marché.
Pour consolider cette œuvre de redressement, l’État et l’Office ont reconduit leur partenariat à travers un
contrat-programme pour la période 2002-2005.
L’ONCF poursuit, dans ce cadre, sa politique de rationalisation du management et de l’exploitation du réseau,
afin de réadapter en permanence son offre aux nouvelles donnes du marché, tout en agissant pour la mise à
niveau de son appareil de production moyennant la réhabilitation et l’augmentation de la capacité du réseau.

IV. Aéroports et transport aérien

1. Dates clés pour les aéroports

Encadré 14 : Dates clés pour les aéroports et le transport aérien au Maroc

– 1957 : Naissance de la Compagnie Nationale Royal Air Maroc, Signature du 1er accord bilatéral aérien avec la France
– 1968 : Création par Royal Air Maroc de sa filiale SOTORAM.
– 1969 : Inauguration de l’aéroport Casablanca – Mohamed V, reconverti à partir d’une ancienne base militaire,
– 1980 : Création de l’Office des Aéroports de Casablanca (OAC),
– 1982 : Royal Air Maroc devient membre de l’IATA,
– 1990 : Création de l’Office National des Aéroports (ONDA),
– 1991 : Mise en service du nouvel aéroport d’Agadir,
– 1996 : Création de compagnie privée marocaine Régional Air Lines,
– 1997 : Lancement du Hub de Casablanca MohamedV
– 1999 : Création de Snecma Morroco Engine Services, filiale de Royal Air Maroc spécialisée dans la maintenance et la
réparation des moteurs d’avions,
– 2000 : Signature de l’accord d’Open Sky avec les USA, Création d’Air Sénégal International, filiale de Royal Air Maroc,
– 2001 : Libéralisation du charter et création de deux compagnies marocaines, Air Atlas Express et Mondair
Création de Matis Aérospace, filiale de RAM spécialisée dans la fabrication des harnais de câbles aéronautiques
– 2003 : Création en association avec la CDG d’une filiale commune, Atlas Morroco Hôspitality
– 2004 : Nouvelle politique de libéralisation du ciel marocain
R Entrée dans le ciel marocain de 11 nouvelles compagnies européennes
R Création de Atlas Blue, filiale de Royal Air Maroc compagnie low cost
– 2005 : Début des négociations pour un accord aérien
d’Open Sky avec l’Union Européenne.

129
2. Aéroports

2.1. Infrastructure aéroportuaire

Après une période de transition, dominée au lendemain de l’indépendance par l’organisation juridique et
structurelle de l’aviation civile marocaine, le Maroc se devait de rattraper le retard qui existait dans le
domaine du transport aérien et particulièrement en ce qui concerne les infrastructures aéroportuaires.
Il a fallu donc s’attacher particulièrement à la transformation, l’amélioration, l’extension et la modernisation
des ouvrages existants de manière à les adapter aux exigences de plus en plus sévères des aéronefs et de la
sécurité.

Durant ces cinquante dernières années, un rythme soutenu de développement des infrastructures aéro-
portuaires nationales a été maintenu sous l’impulsion des facteurs suivants :
– évolution rapide de la technologie aéronautique qui a permis la mise en service d’avions de plus en plus
performants,
– promotion du secteur du tourisme, l’avion restant de loin le premier moyen de transport des touristes.

Ainsi, les principaux investissements aéroportuaires entrepris depuis l’indépendance sont les suivants :

2.1.1. Aéroport de Casablanca – Mohamed V


Ancienne base militaire, cet aéroport est devenu en 1969 le principal aéroport national après des travaux
de reconversion portant principalement sur l’aménagement d’une aérogare passagers. En 1980, FEU SA
MAJESTE HASSAN II inaugura l’extension et l’aménagement de l’aérogare d’une superficie de 25.000 m2.
En 1992, l’aérogare actuelle a été mise en service avec une superficie de 50.000 m2 et le lancement en
même temps de la desserte ferroviaire de l’aéroport.
Une deuxième piste de l’aéroport a été réalisée en 2003-2004.
En 2004, les travaux de construction d’une deuxième aérogare ont été lancés pour porter la capacité de
l’aéroport à 8 millions de passagers en 2007.

2.1.2. Autres aéroports


De manière générale, tous les aéroports internationaux ont connu des travaux qui ont concerné le pro-
longement des pistes voire la construction d’une deuxième piste et/ou l’extension des aérogares.

Ainsi, on peut citer les opérations suivantes :


– Agadir : l’aéroport d’Agadir – Al Massira a été mis en service en 1991,
– Fès : une nouvelle aérogare a été mise en service en 2003,
– Tanger : une deuxième piste de 3.200 m de long a été réalisée au début des années 1970 et l’aérogare a
connu une extension en 1991,
– Oujda : la piste de l’aéroport a été élargie et rallongée en 1973 et l’aérogare a connu une extension en 1980,
– Aéroports sahariens : la période qui a suivi la marche verte a connu la naissance des aéroports de Tan

130
Tan et Guelmim et un profond réaménagement des aéroports qui existaient déjà (Laayoune, Dakhla, Sidi
Ifni, Smara).

Le Maroc dispose actuellement de 17 aéroports ouverts au trafic aérien international : Casablanca – Moha-
med V, Agadir – Al Massira, Marrakech – Ménara, Tanger – Ibn Battouta, Rabat – Salé, Fès – Saiss, Laayoune
– Hassan 1er, Oujda – Angads, Al Hoceima – Acharif Idrissi, Ouarzazate, Errachidia Moulay Ali Cherif, Nador –
El Aroui, Casablanca – Anfa, Dakhla, Tan Tan, Tétouan – Saniat R’mel et Essaouira.
Ces aéroports traitent aujourd’hui un trafic global de 7,7 millions de passagers alors que leur capacité est
d’environ 12 millions de passagers soit un taux d’utilisation de 64 %.

Carte 7 : Répartition géographique des aéroports

Tableau 2 : Caractéristiques des aéroports internationaux marocains en 2004

AÉROPORTS Emprise [ha] PISTE AEROGARE


Longueur [m] Largeur [m] Avion critique Superficie [m2] Capacité
[passagers]
1 – MOHAMMED V 1484 3720 45 B.747 50000 4000000
2 – AGADIR 760 3200 45 B.747 28000 3000000
3 – MARRAKECH 568 3100 45 B.747 7600 1000000
4 – TANGER 360 3500 45 B.757 4000 450000
5 – RABAT – SALE 1500 3500 45 B.747 5600 600000
6 – FES 285 3200 45 B.757 1000 120000
7 – LAAYOUNE 1500 2700 45 B.757 5400 600000

131
8 – OUJDA 444 3000 45 B.757 3000 300000
9 – AL HOCEIMA 80 2160 45 B.737 1400 140000
10 – OUARZAZATE 145 3000 45 B.757 1600 160000
11 – ERRACHIDIA 256 3200 45 B.757 – –
12 – NADOR 276 3000 45 B.747 5600 600000
13 – ANFA 136 1720 45 ATR 42 – –
14 – DAKHLA 250 3000 45 B.737 900 100000
15 – TAN TAN 572 2000 45 B.737 1600 160000
16 – TETOUAN 200 2300 50 B.737 1200 120000
17 – ESSAOUIRA 138 1500 30 ATR 42 – –

2.2. Exploitation aéroportuaire

Sur le plan institutionnel, l’exploitation aéroportuaire a été à la charge du Ministère chargé des Transports
(entité chargé de l’aviation civile érigée en direction en 1977) et ce jusque aux années 1980 qui ont connu la
création de l’Office des Aéroports de Casablanca (OAC) vu l’importance de cette plate-forme aéroportuaire.
Ensuite, à la fin des 1980, l’Office National des Aéroports a été crée pour exploiter l’ensemble des plates-
formes civiles du Royaume.
Cette création a permis d’accélérer la mise à niveau des aéroports du Maroc.

3. Transport aérien

3.1. Evolution réglementaire

Le Maroc a conclu soixante-quinze (75) accords aériens bilatéraux. La politique préconisée depuis plusieurs
années en matière de libéralisation du secteur est mise en œuvre en cohérence avec les évolutions enregis-
trées au niveau international à travers la négociation d’accords aériens de type de plus en plus libéral.

Ainsi, les étapes suivantes ont été franchies par le Maroc :


– Libéralisation en juillet 2000 de l’accord signé avec l’Italie (capacités illimitées),
– Conclusion en juin 2001 de deux accords libéraux avec les Emirats Arabes Unis et les Pays Bas,
– Conclusion en octobre 2001 d’un accord d’open sky avec les Etats Unis d’Amérique,
– Conclusion en novembre 2001 d’un accord libéral avec la Syrie,
– Révision en juin 2002 des accords avec le Belgique et le Bahreïn (libéralisation des fréquences),
– Conclusion en octobre 2002 d’un accord libéral avec la Suisse (capacités illimitées),
– Révision en novembre 2003 de l’accord avec le Portugal (libéralisation des fréquences et tableau des
routes en 3ème et 4ème libertés et libéralisation des vols fret),
– Libéralisation de l’accord signé avec la Grande Bretagne (en cours de négociation).

132
L’activité charter a été libéralisée en 2001 avec la création de deux compagnies aériennes marocaines Air
Atlas Express et Mondair.
Afin d’accompagner la « Vision 2010 » pour le tourisme et de profiter des opportunités de développement
importantes offertes pour le secteur du transport aérien au Maroc, le Ministère de l’Equipement et du Trans-
port a défini et mis en œuvre, en février 2004, une politique de libéralisation du secteur du transport aérien et
d’ouverture cadrée du ciel marocain.

Encadré 15 : Extrait de LA LETTRE ROYALE adressée le 12 février 2004 aux


participants aux 4e Assises Nationales du Tourisme de Casablanca

« ... Comme Nous l’avons vivement recommandé dans le Message Royal que nous avons adressé lors de vos troi-
sièmes Assises tenues à Agadir au début de l’année dernière, le projet de réforme de la carte du ciel vient d’être
achevé. Ceci permettra non seulement la libéralisation du secteur, mais aussi une réduction du coût du transport, une
plus grande fluidité et une desserte appropriée et directe entre les marchés émetteurs et les zones touristiques. De
cette façon, le transport aérien cessera d’être un handicap dissuasif pour devenir un réel facteur persuasif de la poli-
tique de promotion touristique »;.

Les lignes directrices de cette nouvelle politique ont été définies après une étude approfondie et une
réflexion concertée avec le secteur du Tourisme et les opérateurs aériens, qui ont montré la nécessité d’opé-
rer une discontinuité par rapport à la situation du secteur en 2002.

Cinq axes stratégiques ont ainsi été définis pour structurer et fixer la nouvelle politique du secteur du trans-
port aérien :
1. poursuite d’une libéralisation cadrée et transparente,
2. création d’un nouvel acteur national fort et spécialisé dans la desserte de destinations touristiques,
3. focalisation stratégique de la RAM sur le régulier traditionnel,
4. approche pragmatique et différenciée par pays cible en coordination avec le Ministère du Tourisme,
5. politique d’accompagnement volontariste non discriminatoire dans la phase de lancement.

La libéralisation du ciel marocain, actée le 12 février par la Lettre Royale aux 4èmes Assises nationales du
tourisme, a été concrétisée par la publication par le Ministère de l’équipement et du transport en février
2004, du « Référentiel de la régulation du transport aérien au Maroc ». Ce recueil décrit clairement les
règles et procédures d’accès et d’évolution dans le ciel marocain pour toute compagnie aérienne désirant
desservir le Maroc.

L’année 2004 a connu également :


– le début d’exploitation du 2e opérateur de l’activité de handling « Marhandling » dans le aéroports de
Casablanca, Marrakech et Agadir suite à la libéralisation de cette activité via un appel d’offres inter-
national ouvert,
– un événement très important pour l’avenir du transport aérien au Maroc. Lors de sa réunion du 10
décembre 2004, le Conseil Européen des Ministres des Transports, a donné mandat à la Commission
pour engager des négociations avec le Maroc en vue de conclure un accord euro-méditerranéen en
matière d’aviation civile. Il s’agit là du premier mandat du genre pour un pays du bassin méditerranéen et
le deuxième pour l’Union Européenne après le mandat relatif aux négociations avec les USA.

133
3.2. Trafic aérien

Le trafic aérien global au Maroc était de l’ordre de 400.000 passagers par an au lendemain de l’indépen-
dance et il se situa autour de 3,4 millions de passagers en 1985.
En 2004, on a enregistré près de 7,7 millions de passagers dans les aéroports du Royaume, soit une aug-
mentation annuelle moyenne de l’ordre de 7 %.
Premier moyen d’acheminement des touristes, le transport aérien reste intimement lié au développement
touristique du pays.
En 2004, le trafic aérien a augmenté de 15 % pour atteindre un niveau historique (7,7 millions de passa-
gers) alors que le nombre d’arrivées de touristes a augmenté de 16 % pour atteindre 5,5 millions de tou-
ristes.
On estime que la libéralisation du transport aérien intervenue en 2004 a permis de drainer 800.000 tou-
ristes supplémentaires au cours de la même année

Graphique 14 : Évolution du trafic aérien des passages depuis 1968

Aujourd’hui, plus d’une trentaine de compagnies desservent le Maroc en vols réguliers alors qu’une cin-
quantaine de compagnies assurent des vols charter vers le Maroc.

134
PERSPECTIVES DU SETEUR
DES TRANSPORTS

135
Si les efforts entrepris par le Maroc jusqu’ici ont porté leurs fruits, ils ne sauraient occulter le fait que le
chemin qui nous sépare de la satisfaction de nos ambitions est encore long.

En effet, plusieurs exigences imposent au Maroc de redoubler d’efforts :


– L’accroissement naturel des besoins induits par la croissance économique et le développement des acti-
vités,
– Une plus grande exigence des individus et opérateurs quant à la qualité, des infrastructures et des ser-
vices s’y attachant,
– L’accord de libre échange avec l’Union Européenne qui impose au Maroc de consentir des efforts impor-
tants pour moderniser ses infrastructures de transport dans le but de réduire les coûts de transport et
par la même améliorer la compétitivité industrielle de la production nationale.

I. Routes, autoroutes et transport routier

1. Routes et Autoroutes

1.1. Les voies express

L’effort engagé durant les dernières années en matière de réalisation de voies express en partenariat avec
les Conseils Régionaux et autres partenaires se poursuivra durant les années à venir.
Les voies express conventionnées dont les travaux ne sont pas encore été lancés sont résumées dans le
tableau suivant :

Tableau 3 : Les voies express conventionnées (travaux non encore lancés)

Origine Destination Longueur Km Montage financier en MDH


MET Partenaires Total
Tanger Tetouan 52 189 85 274
Méknès El Hajeb 25 – 125 125
Beni Mellal Sidi Jaber 11 45 34 79
Agadir Bourse de primeurs 20 52,5 22.5 75
Laayoune Laayoune Marsa 24 20 31 51
Total 132 305.5 297,5 604

137
Carte 8 : Voies express réalisées, conventionnées et potentiels

1.2. Achèvement de la Rocade Méditerranéenne

A l’horizon 2010, ce projet sera totalement mis en service :


– Les trois tronçons en cours de réalisation sur un linéaire total de 278 km s’achèveront avant la fin de
l’année 2007. Il s’agit des tronçons suivants :
R Ras Afrou – Ras Kebdana sur 92 km qui sera achevé en 2005 ;
R Al Hoceima – Ras Afrou sur 84 km dont l’achèvement est prévu pour 2006 ;
R Al Hoceima – El Jabha sur 102 km qui sera mis en service en 2007 ;
– Concernant le dernier tronçon reliant Tétouan à El Jebha sur 120 km, il sera lancé en 2005 pour être
achevé en 2009.

1.3. Stratégie de développement du réseau routier

La Direction des Routes et la Circulation Routière a établi une stratégie de développement du réseau rou-
tier pour la période 2005-2009 qui s’articule autour des trois axes suivants :

138
– La qualité du réseau routier :
R Maintenance des routes,
R Maintenance des ouvrages d’art ;
– La sécurité routière
– L’accessibilité et la mobilité.

1.4. Routes rurales

L’élan entamé en 2004 en matière de désenclavement du monde rural sera poursuivi grâce aux apports
financiers additifs de la CFR. Il est donc envisagé de maintenir le rythme de réalisation des routes rurales de
1500 km/an pour augmenter le taux d’accessibilité de 54 % en 2005 à 80 % à l’horizon 2015, date d’achève-
ment du PNRRII.
La CFR permet de doter le FSR de la personnalité morale et de l’autonomie financière qui lui permettra de
mobiliser des financements auprès de bailleurs de fonds, et participer, ainsi, au financement de la construc-
tion, de l’aménagement et de l’entretien de routes rurales.

1.5. Autoroutes

Les six tronçons en cours de réalisation sur un linéaire total de 335 km, s’achèveront selon le calendrier
suivant :
– Asilah -Tanger (30 km) en 2005 ;
– Voie de contournement de Settat (17 km) en 2005
– Settat-Marrakech (143 km) en 2007 ;
– Tetouan – Fnideq (28 km) en 2007 ;
– Had Swalem – Tnine Chtouka (35 km) en 2005 ;
– Tnine Chtouka – El Jadida (28 km) en 2006 ;
– Desserte autoroutière du port de Tanger Méditerranée (54 km) en 2007.

Les deux autoroutes restantes, prévues dans le schéma d’armature autoroutier, à savoir l’autoroute Marra-
kech – Agadir (230 km) et l’autoroute Fès – Oujda (320 km) démarreront respectivement au cours du dernier
trimestre 2005 et 2006. L’achèvement des travaux de ces autoroutes est prévu pour 2009 et 2010.

2. Transport routier

2.1. Transport routier de marchandises

La période 2005-2025 connaîtra la poursuite de la mise en œuvre des mesures liées à l’application de la loi
16-99 portant réforme du transport routier de marchandises.
La réflexion menée en vue de la réforme du système de transport routier de voyageurs se poursuivra à tra-

139
vers le diagnostic de la situation actuelle et l’identification des besoins réels en matière de transport routier
de voyageurs dans une première étape et l’élaboration dans une deuxième étape en concertation avec
l’ensemble des Départements ministériels et organisations professionnelles concernées d’un projet de loi
sur le transport routier de voyageurs.
Il sera également procédé à la finalisation et à l’introduction dans le circuit d’approbation du projet de loi sur
le transport de matières dangereuses par route en conformité avec les normes internationales en la matière.

L’adoption de la Loi portant transformation de l’ONT en Société Anonyme lui permettra de bénéficier de
nouveaux statuts, d’une dynamique et d’une souplesse de gestion. Cet office procédera dans le cadre de son
programme d’action à :
– La poursuite de la dynamisation de sa politique commerciale lancée en juin 2003, dans l’objectif de son
repositionnement stratégique en tant qu’entreprise leader dans le transport et la logistique ;
– La réalisation de projets d’investissement dans le domaine de la logistique de transport qui portent
essentiellement sur la construction progressive de plateformes logistiques dans les villes de Casablanca,
Tanger, Marrakech, Agadir, Nador, Fès, Oujda et Dakhla ;

S’agissant des investissements liés à l’acquisition des véhicules de transport routier par le secteur privé,
l’examen de l’évolution des ventes entre 2002 et 2004 permet de constater qu’en moyenne 4500 véhicules
de transport de marchandises et 400 véhicules de transport de personnes sont vendus annuellement. En
outre, le projet de renouvellement du parc en cours d’étude et dont le lancement pourrait intervenir durant la
période 2005-2025, aura un effet induit sur les ventes estimé annuellement à 1000 véhicules de transport de
marchandises et 100 véhicules de transport de personnes.

2.2. Transport routier de voyageurs

Il est projeté la mise en place d’une nouvelle organisation du transport routier national de voyageurs sécuri-
sée en mesure de satisfaire les besoins en mobilité des usagers dans les meilleures conditions écono-
miques, sociales et environnementales, en présentant des services de qualité et en prenant en considération
le respect des normes de la sécurité routière.

2.3. Sécurité routière

En matière de sécurité routière, le Ministre de l’Equipement et des Transports veillera, en coordination


avec l’ensemble des parties concernées, à la mise en œuvre du Plan Stratégique Intégré d’Urgence de
sécurité routière et ce, à travers :
– La coordination entre l’ensemble des parties concernées par la problématique des accidents de la cir-
culation dans le cadre du comité interministériel, du comité permanent et des comités régionaux de la
sécurité routière.
– L’adoption du nouveau code de la route et de ses textes d’application instituant la mise en œuvre du per-
mis à point, la limitation de la durée de vie des documents des permis de conduire et cartes grises, le
livret de qualification des conducteurs professionnels et la professionnalisation de l’enseignement de la
conduite et du contrôle technique,

140
– La modernisation des équipements de contrôle (mise en place de stations fixes de pesage, acquisition
de nouvelles stations mobiles de contrôle technique, dynamisation du casier automobile et gestion infor-
matisée du permis à points),
– Le renforcement de la mission du Comité National de Prévention des Accidents de la Circulation en tant
que promoteur et « marketeur » de la politique gouvernementale en matière de sécurité routière.

D’autres actions d’accompagnement seront entreprises notamment :


– La généralisation du système de gestion informatisée des permis de conduire et des cartes grises ;
– La mise en œuvre du permis de conduire et de la carte grise électronique ;
– La modernisations des centres immatriculateurs par l’amélioration notamment des conditions d’accueil
des usagers (file d’attente, signalisation, etc.).

II. Ports et transport maritime

1. Ports

1.1. Complexe Tanger – Méditerranée

Ce complexe portuaire et ses infrastructures de connexion seront mis en service en 2007. Il aura des
retombées économiques importantes en terme d’emplois, de création de valeur ajoutée et d’investisse-
ments extérieurs.

141
Graphique 15 : complexe Tanger – Méditerranée : investissements privés,
emplois et valeur ajoutée

(source TMSA)

La période 2005-2025 connaîtra l’achèvement des travaux des différentes composantes du projet ainsi que la
mise en concession d’autres terminaux spécialisés. Les jalons futurs de l’exécution de ce grand projet sont :

Octobre 2005 :
– Lancement de la commercialisation des zones Logistiques et Industrielles.

Juillet 2007 :
– Lancement des opérations portuaires
– Mise en service de la zone franche logistique
– Finalisation de la connexion de l’autoroute

Mars 2008 :
– Finalisation de la connexion ferroviaire
– Mise en service du deuxième terminal à conteneurs

2009 :
– Finalisation du nouveau terminal dédié aux passagers et au trafic RORO
– Lancement de la zone franche Industrielle « Melloussa I »

2010 :
– Lancement de la zone franche commerciale « Fnideq »

1.2. Développement et préservation du patrimoine infrastructurel

Les opérations prévues se présentent comme suit :

142
1.2.1. Travaux de construction et d’extension :
– la réalisation d’un nouveau port de pêche à Boujdour (230 Mdh) ;
– la mise en exploitation de l’extension du port de Laâyoune ;
– la réalisation d’un nouveau terminal céréalier au port de Casablanca et un autre au port de Jorf Lasfar
(500 Mdh) ;
– la réalisation d’une gare maritime au port d’Al Hoceima (8 Mdh) ;
– la réalisation d’un nouveau terminal polyvalent au port de Jorf Lasfar (300 Mdh)
– La réalisation d’un nouveau terminal et d’un nouveau quai pétrolier au port de Mohammedia (1.830
Mdh) ;
– La réalisation d’un chantier naval à Dakhla et d’un autre à Laâyoune (450 Mdh).

1.2.2. Préservation du patrimoine portuaire :


– la poursuite et l’achèvement des travaux de confortement et de maintenance des digues et des jetées
principales des ports de Casablanca, de Mohammadia, de Jorf Lasfar, de Tanger, d’Essaouira, de Keni-
tra-Mehdia ;
– le confortement des quais dans les ports Tanger et Casablanca ;
– le renforcement du système d’amarrage du nouveau terminal pétrolier du port de Mohammedia ;
– Poursuite de réalisation du programme général de maintenance et entretien des ports (Larache, Sable
d’Or, Tarfaya, El Jadida et Jebha,...).

1.3. Réforme du Secteur portuaire

La période 2005-2025 connaîtra la mise en œuvre de cette importante réforme dès son adoption au Parle-
ment. Ainsi :
– l’agence nationale des ports et la société commerciale seront instaurées,
– un programme d’introduction de nouveaux opérateurs portuaires sera finalisé et mis en œuvre notam-
ment pour l’exploitation de terminaux spécialisés dans différents ports.

1.3.1. Programme de privatisation :


COMANAV et DRAPOR sont inscrites dans la liste des entreprises privatisable.

143
2. Transport maritime

2.1. Nouvelle stratégie du secteur

Les objectifs de l’étude stratégique en cours se présentent comme suit :


– Supprimer les barrières à la concurrence dans tous les domaines relatifs au transport de fret et mettre
en place un système de régulation permettant une concurrence loyale et équitable,
– Promouvoir l’amélioration des conditions de sécurité, de fiabilité et de service clients,
– Exploiter le développement du port de Tanger – Méditerranée pour améliorer les liaisons de transport de
conteneurs au-delà de l’Europe,
– Mettre à niveau la compétitivité des opérateurs marocains par la flexibilité de l’usage du pavillon maro-
cain, le pavillon off shore, la taxe au tonnage, la fiscalité, le financement, etc.
– Amélioration de la productivité de toute la chaîne logistique caractérisant le transport maritime,
– Définition du rôle régulateur de l’administration dans un cadre transparent et équitable,
– Mettre en œuvre le projet de jumelage institutionnel UE-Maroc en matière de sécurité et de sûreté mari-
times,
– Mener les opérations d’inspection et de contrôle des navires rouliers à passagers,
– Démarrer l’activité du Centre de Surveillance du Trafic Maritime de Tanger (VTS Tanger),
– Poursuivre les efforts destinés à améliorer la qualification des gens de mer embarqués à bord des
navires de commerce.

2.2. Liaisons avec les autoroutes de la Mer européennes

Le transfert d’une partie du trafic routier vers le mode maritime est l’une des mesures visant à lutter contre
la congestion routière prévues dans le Livre Blanc de la Commission Européenne sur la politique européenne
des transports de 2001. Le régime approuvé aujourd’hui, contribuera au développement du secteur des
transports combinés.

Le Maroc étant, concerné par la politique de voisinage initiée par l’Union Européenne et par les projets de
transport maritime de courte distance et d’autoroutes de la mer qui se mettent en place dans la zone euro-
méditerranéenne, entend mettre en œuvre toutes les actions à même d’assurer l’intégration des deux axes
suivants dans le cadre de ce projet :
– Axe Ouest-Est reliant l’Europe de l’Ouest à la rive Sud de la Méditerranée : il s’agit de l’axe Paris –
Madrid – Rabat – Alger – Tunis – Tripoli – Le Caire dans ses composantes autoroutières et ferroviaire
complétées par le groupement de l’autoroute de la mer de l’Europe du sud-ouest (méditerranée occiden-
tale), reliant le Maroc, l’Espagne, la France et l’Italie, y compris Malte, et établissant une liaison avec
l’autoroute de la mer de l’Europe du sud-est.
– Axe Nord-Sud reliant l’Europe de l’Ouest au Maroc jusqu’aux pays l’Afrique de l’ouest et établis-
sant une liaison avec l’axe Ouest-Est : il s’agit de l’axe Paris – Madrid – Rabat – Mouakchott – Dakar
dans ses composantes autoroutières et ferroviaires complétées par le prolongement de l’autoroute de

144
l’autoroute de la mer de l’Europe de l’Ouest, reliant le Maroc et la péninsule ibérique à la mer du Nord et
la mer d’Irlande, en passant par l’arc atlantique.

III. Chemins de fer et transport ferroviaire

1. Projets futurs d’extension du réseau ferroviaire

Le Maroc poursuivra un important programme d’investissement qui tend à développer le réseau ferroviaire
et à augmenter sa capacité de transport à travers :
– La poursuite du doublement jusqu’à Fès de la ligne ferroviaire située sur l’axe Casablanca-Fès ;
– La construction de la ligne ferroviaire Taourirt-Nador ;
– La construction de la desserte ferroviaire du nouveau port de Tanger Méditerranée ;
– le doublement de la voie ferroviaire entre sidi El Aidi et Settat ;
– Le doublement de la voie entre Nouasser et El Jorf (120 Km)
– Le renouvellement de différents tronçons ferroviaires et des lignes caténaires et le renforcement des
sous stations ;
– L’acquisition de 24 rames voyageurs à double étage et de 300 wagons
– Le renforcement de la sécurité du transport ferroviaire par le remplacement de plusieurs passages à
niveau par des ouvrages d’art et la modernisation des installations de signalisation et de sécurité ;
– La construction de deux nouvelles sous-stations,
– L’amélioration du tracé sur la ligne sidi Kacem-Tanger,
– La modernisation des gares de Casablanca Port, Marrakech, Assilah et Fès,
– La mise à niveau des gares de Rabat-Agdal, Casablanca-Voyageurs et Méknès,

1.1. Plateformes logistiques

En outre, l’ONCF compte mener une politique de mise en place de plateformes logistiques en vue de ren-
forcer le transport intermodal en mettant à profit le transport ferroviaire. Ces plates-formes logistiques assu-
reront des prestations diversifiées : manutention, stockages de conteneurs chargés, gestion et maintenance
de parcs de conteneurs, conditionnement, étiquetage, tri et contrôle de la qualité et accomplissement des
formalités douanières.

1.2. TGV

Concernant les projets futurs d’extension du réseau, des études de faisabilité technique et de rentabilité
financière et économique ont été effectuées et confirment la rentabilité économique d’une ligne à grande

145
vitesse reliant Casablanca à Agadir via Marrakech. Le Maroc envisage de développer sur son territoire un
réseau de transport à grande vitesse de passagers.

1.3. Liaisons internationales

Sur le plan de l’ouverture à l’international de son réseau ferroviaire, le Maroc met en place une stratégie
devant amener à la connexion de système ferroviaire aussi bien avec le réseau transeuropéen qu’avec celui
du Maghreb.
Dans cette perspective, deux projets d’envergure sont planifiés. Il s’agit de la liaison fixe du détroit de
Gibraltar et la ligne à grande vitesse transmaghrébine qui relieront le Maroc à deux grands espaces écono-
miques et stratégiques à savoir l’UE et l’UMA.

Encadré 16 : Le projet de la liaison fixe du détroit de Gibraltar

Le projet de la liaison fixe du détroit de Gibraltar a fait l’objet en octobre 1980 d’un accord de coopération entre le Maroc
et l’Espagne créant un Comité Mixte de Haut niveau (organe de direction du projet) et de deux sociétés (organes d’exé-
cution : SNED, Société Nationale des Études du Détroit au Maroc et SECEG, Sociedad de Estudios para la Com-
municati?n fija a traves del Estrecho de Gibraltar en Espagne). Le projet est intégré dans les schémas directeurs de
développement des infrastructures de transport de l’Espagne et du Maroc
Ce projet consiste en un ouvrage composé d’une galerie principale ferroviaire unidirectionnelle et d’une galerie de ser-
vice. Il est conçu pour la connexion des réseaux ferroviaires européen et maghrébin et pour le transbordement sur des
rames navettes des véhicules routiers entre deux gares terminales distantes de 42 Km, dont 37,7 Km en tunnel et 27,7
Km sous la mer.
Le projet est en phase finale d’études, qui se matérialise par la réalisation en cours, de forages profonds en mer d’un
linéaire total de 3000 m. Ces forages permettront d’établir l’avant projet primaire en vue d’entamer vers 2008, la
construction du tronçon sous marin de la galerie de service.
Ce projet constitue le maillon manquant d’un réseau intégré euro-maghrébin en cours de développement. Il permettra
de drainer en toute sécurité, une partie du trafic maritime traversant le détroit de Gibraltar.

Encadré 17 : Coopération ferroviaire dans le cadre des pays de l’UMA

Le Maroc participe aussi aux travaux du CTFM (Comité des Transports ferroviaires Maghrébins) qui regroupe les
représentants des trois sociétés nationales de chemin de fer marocaine, algérienne et tunisienne. Ce comité qui se réu-
nit régulièrement, œuvre notamment pour le développement du transport ferroviaire entre les trois pays maghrébins.

Un ensemble d’études sont initiées par ce comité pour la facilitation des connexions ferroviaires maghrébines. L’une
d’elles est conduite par les États de l’UMA afin de renforcer leur coopération pour améliorer le service ferroviaire trans-
maghrébin et de prévoir pour le futur la possibilité de développer un réseau à grande vitesse. Dans ce cadre, le Secréta-
riat Général de l’UMA a publié deux documents techniques concernant :
– L’amélioration et la construction d’un réseau Trans- Maghrébin de Casablanca à Tripoli de 8.500 km avec une amé-
lioration des services sur la ligne Casablanca/ Tunis et la construction d’une ligne ferrée entre Gabès et Tripoli.
– Étude de faisabilité du réseau à grande vitesse « Casablanca-Tunis » de 1.930 km selon le dessin d’une voie stan-
dard.

146
2. Projet d’entreprise de l’ONCF

En cohérence aussi bien avec les objectifs dessinés par l’État dans le domaine des transports, le plan
d’entreprise de l’ONCF retrace en fait les axes de la stratégie de développement de l’office qui, désormais,
focalise toute son attention sur l’avenir avec l’objectif de sortir de la logique de restructuration pour s’inscrire
dans celle d’un développement durable et prospère. Il s’agit d’élever l’ONCF au rang d’une entreprise
citoyenne, compétitive, rentable, pérenne et entièrement tournée vers sa clientèle. C’est ainsi que tout en
privilégiant la sécurité et la qualité et en se basant sur un train de mesures appropriées et des actions
concrètes à mener sur le terrain, l’ONCF travaillera des les sens :
– d’identifier son activité avec l’objectif de garantir à chaque segment du marché, selon une redynamisa-
tion de son action marketing et commerciale, une offre avantageuse et compétitive dont les ingrédients
phares sont l’engagement, la fiabilité et la souplesse ;
– d’instaurer un style de management participatif et de se doter d’une gestion moderne des ressources
humaines conjuguée avec une optimisation de la structure organisationnelle pour coller aux nouvelles
donnes du marché ;
– d’affirmer davantage les équilibres financiers ;
– de réaliser un important programme d’investissements pour la mise à niveau du réseau ferré et l’aug-
mentation de sa capacité.

Le Maroc est résolument engagé dans la voie de la libéralisation et la restructuration du secteur ferroviaire.
Dans ce domaine, les efforts continueront dans le sens de l’encouragement de l’initiative privée à travers le
partenariat et la concession dans le domaine de la construction et de l’exploitation des infrastructures ferro-
viaires.
Ces actions sont de nature à permettre de renforcer l’efficacité du transport ferroviaire, accroître sa
compétitivité et améliorer la qualité et la rentabilité du produit ferroviaire.

IV. Aeroports et transport aérien

1. Aéroports

La stratégie du Ministère de l’Équipement et du transport consiste à développer et à sauvegarder le patri-


moine aéroportuaire grâce à la réalisation d’un certain nombre d’objectifs en matière d’amélioration du trafic
aérien aéroportuaire et en survol, ainsi que du fret. Le détail des investissements dans le secteur aéro-
portuaire prévus se présente comme suit :
– Aéroport Mohamed V : 1.330 Mdh dont 1.120 Mdh pour la nouvelle aérogare,
– Autres aéroports : 395 Mdh pour l’aménagement ou l’extension d’aérogare ou la réalisation travaux de
bâtiment dans le aéroports de Marrakech, Tanger, Essaouira, dakhla, Ouarzazate, Oujda, Fès, Rabat-
Salé, Tétouan, Taza et Zagora,
– Grosses réparations : 160 Mdh,
– Acquisition d’équipements de la navigation aérienne : 410 Mdh,

147
– Acquisition d’équipements aéroportuaires de gestion : 685 Mdh

Par ailleurs, pour soutenir les efforts du Maroc en matière d’écoulement du trafic aérien international, de
sécurité aérienne, de sûreté aéroportuaire, l’ONDA, acteur national de développement et d’exploitation des
plates-formes aéroportuaires, a adopté une stratégie basée sur les orientations suivantes :
– Assurer le développement des capacités aéroportuaires pour être au rendez-vous 2010 : 10 millions de
touristes
– Adapter le niveau de sécurité des équipements et installations aux exigences internationales
– Relever le défi de la sûreté aéroportuaire
– Développer les ressources humaines
– Mettre en place une démarche marketing pour le réseau aérien et les services aux clients
– Généraliser la démarche qualité
– Poursuivre l’ouverture internationale
– Améliorer les performances de l’entreprise
– S’inscrire dans une logique de développement durable

2. Transport aérien

En matière de transport aérien, le Maroc compte poursuivre la politique de libéralisation progressive et


cadrée de ce secteur tout en préservant les équilibres de la Compagnie Nationale Royal Air Maroc. La mise
en œuvre de la politique de libéralisation du transport aérien continuera avec la concrétisation des principales
actions suivantes :
– La poursuite des efforts de promotion, auprès des compagnies internationales et notamment euro-
péennes, des importantes opportunités et perspectives de développement du transport aérien au Maroc
en liaison avec l’ouverture du ciel marocain et de la concrétisation de la ’’Vision 2010’’,
– La poursuite du soutien à la création de nouvelles compagnies marocaines en vue de renforcer le pavil-
lon national,
– La définition et la mise en œuvre d’une vision intégrée pour le développement du transport aérien
domestique,
– La poursuite du renforcement de la direction de l’aéronautique civile par l’acquisition d’équipements
techniques pour la réalisation d’enquêtes sur les accidents d’avions, la poursuite de la formation des
cadres, l’acquisition de matériel informatique pour la conception des procédures de la navigation
aérienne et des logiciels spécialisés.

Dans le cadre de cette politique, la concrétisation prévue de l’accord global Open Sky entre le Maroc et
l’UE permettra d’obtenir l’ouverture réciproque des marchés et l’élimination des entraves économiques aux
échanges et aux investissements dans le secteur aérien. En pratique, le marché marocain sera ouvert à
toutes les compagnies aériennes européennes.

148
Annexes

Annexe 1 : Évolution des infrastructures routières


Annexe 2 : Accessibilité des populations rurales aux routes praticables en tout temps (2002)
Annexe 3 : Évolution du budget destiné au secteur routier (budget général c FSR)
Annexe 4 : Évolution du capital d’ADM
Annexe 5 : Évolution du réseau des chemins de fer marocains
Annexe 6 : Évolution de l’appareil de production des chemins de fer marocains
Annexe 7 : Évolution du trafic commercial aérien

149
Annexe 1 : Évolution des infrastructures routières

Année 1956 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1994 1996 2000 2002 2004
Réseau 10348 16000 18700 21400 23700 26480 27710 29142 29523 29951 32086 33983 34984
Revêtu
(km)

Annexe 2 : Accessibilité des populations rurales aux routes praticables en tout temps (2002)

Province Population Population % Population % Population Population Taux


(milliers) Rurale population Rurale groupée Rurale groupée Rurale avec d’accessibilité
(milliers) rurale (douar > 50 (douar > 50 accès à une (6)/(4)
(2)/(1) foyers- foyers- route par tout
ménages) ménages) (4)/(2) temps (milliers)
(milliers)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)
Agadir.ida outanane 366.0 103.1 28 35.2 34.1 10 28.3
Al haouz 435.0 401.6 92 225.1 56.1 80 35.6
Al hoceima 383.0 270.4 71 239.8 88.7 73 30.4
Azilal 454.9 392.9 86 239.8 61.0 80 33.4
Ben slimane 213.4 148.9 70 127.2 85.4 72 56.8
Beni mellal 869.7 483.4 56 303.4 62.8 153 50.5
Boulmane 161.6 124.8 77 79.2 63.5 32 40.8
Casablanca 3,094.2 153.6 5 118.0 76.8 78 66.4
Chefchaouen 439,3 396.4 90 214.9 45.2 40 18.4
Chtouka-Inzegen 532.9 245.6 46 142.7 58.1 59 41.2
El Jadida 970.9 730.8 75 586.3 80.2 309 52.7
El Kelaa 682.4 551.3 81 392.4 71.2 229 58.4
Errachidia 522.1 366.8 70 157.2 42.8 37 23.5
Essaouira 433.7 358.2 83 312.0 87.1 67 21.6
Fes 923.8 149.0 16 70.4 47.3 49 69.1
Figuig 117.0 65.9 56 16.7 25.4 7 42.6
Guelmim 147.1 58.7 40 31.8 54.2 17 52.9
Ifrane 127.7 66.6 52 40.3 60.4 16 39.1
Kenitra 979.2 530.4 54 417.9 78.8 296 70.8
Khmisset 485.5 310.6 64 268.9 86.6 82 30.5
Khenifra 465.1 245.9 53 159.9 65.0 68 42.3
Khouribga 480.8 186.2 39 159.5 85.7 90 56.2
Larache 431.5 230.0 53 184.0 80.0 81 43.8
Marrakech 1,173.0 460.9 39 248.6 53.9 98 39.3
Meknes 788.9 258.8 33 243.2 94.0 180 74.0
Nador 683.9 437.8 64 342.2 78.2 133 39.0
Ouarzazate 694.9 553.3 80 160.1 28.9 31 19.4
Oujda 967.8 289.0 30 193.0 66.8 119 61.6
Rabat 1,500.1 114.2 8 90.8 79.5 58 63.4
Safi 822.6 446.5 54 268.7 60.2 102 37.9
Sefrou 237.1 134.7 57 104.0 77.2 52 49.6
Settat 847.4 611.8 72 490.8 80.2 153 31.1
Sidi kacem 645.9 470.5 73 369.9 78.6 208 56.2

150
Tanger 628.0 101.8 16 86.0 84.5 39 45.7
Tounate 628.8 576.6 92 337.5 58.5 141 41.7
Taroudant 694.0 559.6 81 263.5 47.1 143 54.2
Tata 119.3 83.3 70 32.9 39.5 3 8.9
Taza 708.0 501.8 71 366.2 73.0 173 47.2
Tetouan 537.4 169.9 32 121.8 71.6 33 27.2
Tiznit 347.8 277.8 80 62.5 22.5 23 36.7
Total 12,619.2 49.0 8,304.3 65.6 3714 44.7

Annexe 3 : Évolution du budget destiné au secteur routier (budget général c FSR)

Annexe 4 : Évolution du capital d’ADM

151
Annexe 5 : Évolution du réseau des chemins de fer marocains

Année Longueur du réseau Voyageurs transportés (milliers) Transports de marchandises (mil-


liers de tonnes)

Lignes non Lignes Total(km) 1re classe 2e classe Classe Total Hors phosphate Total
électrifiées électrifiées écono- phosphate
(km) (km) mique
1963 1 057 728 1 785 109 712 3099 3920 3203 9220 12 423
1964 1 057 728 1 785 118 763 3 164 4 046 2 941 11 151 14 092
1965 1 062 734 1 796 121 777 2 786 3 685 3 449 11 981 15 430
1966 1 062 734 1 796 125 742 2684 3 551 3 478 12 725 16 203
1967 1 062 734 1 796 114 698 2 458 3 270 3 597 13 179 16 776
1968 1 062 734 1 796 127 731 2 473 3 331 3 677 13 888 17 565
1969 1 062 734 1 796 146 814 2 699 3 660 3 606 13 977 17 583
1970 1 048 734 1 782 141 843 2 719 3 702 2888 15463 18351
1971 1 048 708 1 756 136 883 2860 3879 4001 13729 17730
1972 1 048 708 1 756 154 895 3080 4128 4257 16054 20311
1973 1 048 708 1 756 147 972 3204 4323 4344 17559 21903
1974 1 048 708 1 756 161 1194 3972 5326 4230 20325 24555
1975 1 048 708 1 756 120 1307 4183 5610 4063 14908 18971
1976 1 048 708 1 756 107 1487 4191 5786 4310 15887 20197
1977 1 048 708 1 756 104 1533 4228 5865 4835 18178 23013
1978 1 048 708 1 756 137 1982 2978 5096 5075 20352 25427
1979 1 048 708 1 756 121 1853 2633 4606 5266 21352 26618
1980 1 048 708 1 756 159 1978 2985 5123 6047 20144 26191
1981 1 070 709 1 779 181 2337 3610 6128 7022 20639 27661
1982 987 792 1 779 230 2667 4623 7520 7700 17808 25508
1983 984 795 1 779 230 2637 4909 7775 8588 19344 27932
1984 985 794 1 779 221 2913 5586 8720 9641 20358 29999
1985 910 869 1 779 198 3284 5780 9262 9267 20137 29404
1986 910 869 1 779 287 5432 5883 11603 8129 20406 28535
1987 919 974 1 893 322 5724 6108 12154 8519 20229 28748
1988 919 974 1 893 322 5354 5880 11556 9511 23517 33028
1989 919 974 1 893 377 5674 7531 11782 7666 16547 24213
1990 919 974 1 893 420 5950 5626 11997 9202 19847 29049
1991 919 974 1 893 460 6370 5212 12042 8888 17078 25966
1992 919 988 1 907 480 6918 3971 11369 9705 18655 28360
1993 904 1 003 1 907 480 8977 68 9525 8521 17001 25522
1994 904 1 003 1 907 512 10088 0 10600 8772 19365 28137
1995 904 1 003 1 907 456 9104 0 9560 8420 18906 27326

152
1996 904 1 003 1 907 505 10155 0 10660 8017 19312 27329
1997 904 1 003 1 907 560 10959 0 11519 7625 21193 28818
1998 904 1 003 1 907 622 11268 0 11890 7661 20809 28470
1999 904 1 003 1 907 688 11476 0 12164 8144 19983 28127
2000 904 1 003 1 907 730 12336 0 13066 8043 19086 27129
2001 904 1 003 1 907 765 12805 0 13570 7293 20200 27493
2002 904 1 003 1 907 773 13912 0 14685 7125 22820 29945
2003 904 1 003 1 907 856 15659 0 16515 7552 23001 30553

Annexe 6 : Évolution de l’appareil de production des chemins de fer marocains

Année Locos Voitures Sans Places offertes Wagons Sans Capacités Sans
Fourgons Service service (tonnes)
1963 136 263 12 730 5 931 145 000
1964 142 257 12 415 6 388 156 000
1965 124 254 12 122 6 424 156 879
1966 124 237 11 288 6 562 166 176
1967 124 243 11 604 6 690 171 478
1968 132 244 11 540 6 113 175 012
1969 130 244 11 540 6 610 186 979
1970 146 232 10 968 6 796 195 154
1971 147 232 10 968 7 164 201 085
1972 148 227 10 968 7 493 207 226
1973 146 229 10 920 7 638 216 761
1974 168 221 10 473 7 959 252 051
1975 182 226 10 809 8 793 257 976
1976 197 325 18 235 9 311 284 981
1977 221 326 18 337 9 541 297 314
1978 221 319 18 604 8 709 310 142
1979 202 282 17 030 9 757 326 672
1980 202 275 17 101 9 925 338 378
1981 202 275 17 469 9 972 343 487
1982 210 285 19 957 9 911 352 445
1983 231 313 20 766 9 932 362 206
1984 253 392 30 023 9 663 358 139
1985 244 441 34 798 9 161 348 720
1986 244 481 39 529 8 865 348 552
1987 244 567 48 304 8 407 358 897
1988 244 615 52 876 8 454 367 826

153
1989 244 624 53 702 8 616 367 831
1990 256 579 50 875 8 810 374 393
1991 266 642 55 630 8 695 375 506
1992 257 644 55 436 8 817 381 749
1993 256 566 48 028 8 714 383 000
1994 245 586 49 578 8 413 382 892
1995 244 622 52 212 8 215 380 570
1996 230 474 39 438 7 401 359 843
1997 227 474 39 438 7 158 354 112
1998 226 414 33 240 6 997 355 010
1999 226 414 33 240 6 868 352 473
2000 225 414 33 240 6 614 343 732
2001 220 342 27 915 6 325 335 080
2002 219 336 27 367 5 886 332 787
2003 216 336 27 379 6 099 325 708

Annexe 7 : Évolution du trafic commercial aérien

Année Mouvements Commerciaux Passagers Commerciaux Fret (T.)

Réguliers Non Réguliers Total Total


1968 16441 1896 18337 720106 6701,6
1969 19695 3137 22832 920593 7539,3
1970 28222 3346 31568 1066138 9198,3
1971 31292 4773 36065 1358391 11236,5
1972 35177 6752 41929 1656082 14462,5
1973 37432 7241 44673 1887063 18420,5
1974 38068 6275 44343 1891649 19962,4
1975 40947 5887 46834 2187686 17762,3
1976 45102 5356 50458 2371592 20833,3
1977 44673 6332 51005 2861014 21815
1978 42302 6194 48496 3972550 23482,6
1979 40983 6901 47884 3189464 27196,4
1980 38715 8065 46780 3288833 29069,5
1981 37523 6963 44486 3202849 31194,9
1982 36268 7650 43918 3297932 30737,3
1983 36494 7957 44451 3224377 29862,2
1984 38758 7755 46513 3386379 31051,9
1985 43260 8678 51938 3744358 33828,9

154
1986 44115 9924 54039 3695686 36832,4
1987 44706 11631 56337 3900943 43345
1988 46924 11981 58905 4022447 45793,1
1989 52657 11886 64543 4188482 44150,1
1990 52549 13550 66099 4305390 47436,2
1991 45065 8153 53218 3414697 47302,9
1992 52238 13832 66070 4311259 47031,6
1993 53621 14678 68299 4677129 47512
1994 51450 12610 64060 4727862 47279,5
1995 50173 10905 61078 4554291 49993,7
1996 51146 10127 61273 4908301 46678,4
1997 60829 12088 72917 5343357 48071,2
1998 75535 15083 90618 6208653 49329,9
1999 77471 17290 94761 6803963 52519,9
2000 81939 17802 99741 7170584 51644,9
2001 79028 16707 95735 7005198 49236,7
2002 75115 16185 91300 6697130 50386,3
2003 75712 19260 94972 6716930 50576,8
2004 87299 18688 105987 7697986 54372,1

155
La question du logement en milieu urbain

Délimitation du champ de la réflexion ............................................................159


1. Évolution des interventions publiques .........................................................159
2. La situation actuelle .......................................................................................163
2.1. Caractéristiques de la production .........................................................163
2.1.1. Une production de logements insuffisante ..................................163
2.1.2. Un secteur de production hétérogène .........................................164
2.1.3. Faiblesse de la production publique .............................................164
2.2. Évolution de la demande..........................................................................165
2.2.1. Accroissement des ménages urbains ..........................................165
2.2.2. Revenus, accessibilité et financement ........................................165
2.2.3. Coût d’accès à la propriété élevé et recul
du secteur locatif ............................................................................166
2.3. Les formes de régulation du marché du logement .............................167
2.3.1. Développement de l’insalubrité dans les bidonvilles ................168
2.3.2. Progression de l’habitat non réglementaire ................................168
2.3.3. Rôle important du parc existant ....................................................169
2.3.4. Les interventions publiques ...........................................................171
2.3.5. Les obstacles à la politique du logement .....................................172
3. Les priorités .....................................................................................................173
3.1. Implication de l’État ..................................................................................173
3.2. Accroissement de l’offre en logement par
l’aménagement foncier.............................................................................174

157

gt6-5 157 22/03/06, 12:19:25


3.3. Gestion du parc existant .........................................................................174
3.4. L’intégration de l’habitat non réglementaire ........................................175
3.5. Programme prioritaire pour les zones à risques
et les constructions menaçant ruine .....................................................175
3.6. Traitement des bidonvilles ......................................................................175
3.7. Extension et adaptation du système de financement ........................176
3.8. L’inscription de la question du logement dans le cadre
d’une politique de la ville ........................................................................177

FATHALLAH DEBBI

158

gt6-5 158 22/03/06, 12:19:25


Délimitation du champ de la réflexion

Le logement constitue un enjeu économique et social important, pour les entreprises et pour les ménages.
C’est un produit spécifique différent des autres biens mis sur le marché par l’importance des investisse-
ments, la sensibilité du secteur à la conjoncture économique qui en détermine le rythme de production et les
conditions d’accès pour le plus grand nombre.
L’enjeu essentiel du logement se situe en milieu urbain, qui pose aujourd’hui des difficultés au niveau de
l’accès particulièrement pour les ménages à faibles revenus. Le Maroc étant engagé depuis plusieurs décen-
nies dans une croissance urbaine accélérée alimentée par un exode rural durable, la question du logement
est prioritairement une question urbaine, car le logement en milieu rural est lié à l’unité d’exploitation agricole
et se pose davantage en termes d’accès aux infrastructures et aux services de base (eau, électricité, pistes,
routes, enseignement et santé) qu’en termes de construction de logements.
Le savoir faire local et les conditions d’exploitation favorisent l’auto production du logement en dehors des
règles du marché. Par ailleurs, la diversité des contextes et les spécificités locales, excluent toute généralisa-
tion de modes d’intervention. Les rares tentatives d’interventions publiques dans le logement en milieu rural
ont d’ailleurs très vite montre leurs limites et leur inefficacité (village pilote, programme de l’habitat rural).
Dans tous les cas, les exigences de développement du milieu rural ne portent pas prioritairement,
aujourd’hui, sur la construction de logements, ce qui ne doit pas signifier absence d’interventions publiques
en milieu rural.
En milieu urbain, le logement social occupe une place importante dans la réflexion et dans l’action. C’est
une composante difficile à dissocier de l’ensemble de la production du logement et qui reste articulée aux
autres segments dont chacun présente des caractéristiques propres mais l’ensemble est régi globalement
par les règles du marché qui déterminent les conditions de production et d’accès et ces règles opèrent à
l’échelle de chaque agglomération. Ainsi, une offre insuffisante dans un segment se répercute nécessaire-
ment sur les autres et les plus bas revenus sont les moins bien servis.
L’évaluation de l’expérience marocaine au cours des dernières décennies permet de dégager des ensei-
gnements susceptibles d’éclairer la situation actuelle.

1. Évolution des interventions publiques

Le Maroc a accumulé une grande expérience en matière d’intervention dans le logement en milieu urbain,
aussi bien dans la production de logements que de l’aménagement foncier dont une partie est destinée à la
résorption des bidonvilles.
Dans ce dernier volet en particulier, diverses réponses ont été apportées au cours des cinq dernières
décennies. Les stratégies d’intervention adoptées s’inscrivaient dans des contextes socio-économiques qui
en ont déterminé les objectifs et les moyens. Ces contextes ont enregistré des changements profonds sur
des cycles longs et une certaine continuité dans les cycles courts. Toute tentative de périodisation ne peut
donc être qu’indicative, car chaque période est porteuse des changements qui vont s’opérer ultérieurement

159
et l’impact des changements de contexte sur les politiques de logements ne sont ni immédiats et ni homo-
gènes.
Partant de ces préalables, on peut considérer que la fin de la période du protectorat correspond, pour des
raisons multiples, 1 à la première intervention massive et coordonnée dans le secteur de l’habitat. Ecochard
introduisait le concept d’habitat pour le plus grand nombre « celui qu’on doit réaliser en grande partie avec
l’aide de l’État et au moins prix, rapidement, sans rien sacrifier de ce qui est nécessaire à l’hygiène et au
confort minimum des habitants » 2. La trame de 8X8 destinée à un habitat minimum horizontal devait égale-
ment être évolutive et destinée à servir de tissu cellulaire pour les nouvelles cités marocaines.
Ce qu’on retiendra de cette période c’est le caractère interventionniste de l’État dans le logement, l’impli-
cation financière et opérationnelle du secteur public, des préoccupations de délai et de coût pour faire face à
la rapidité de la croissance, des réalisations importantes qui ont façonné des secteurs entiers des périphéries
des grandes villes confrontées à l’extension des bidonvilles.
Mais au delà des réalisations physiques, qui malgré leur importance, sont restées en deçà des besoins, la
réflexion menée dans le secteur de l’Habitat comme dans celui de l’Urbanisme ou de l’Aménagement du Ter-
ritoire a marqué profondément les interventions ultérieures.
Ainsi la trame 8X8 a servi de modèle d’organisation de l’unité de bâti et des secteurs urbains. Elle a long-
temps constitué la référence, plus ou moins explicite, des stratégies menées ultérieurement.
Le projet de conurbation Rabat-Casablanca fondée sur deux pôles reliés par l’autoroute date également de
cette période. Il sera le précurseur de la réflexion menée en aménagement du territoire sur le rôle locomotive
de cet axe dans le développement du pays.
Au lendemain de l’indépendance, le Maroc était confronté à plusieurs défis posés par la rapidité de la crois-
sance urbaine et l’insuffisance des ressources pour faire face à l’ampleur des besoins.
Exode rural important et diffusion du fait urbain à travers l’ensemble du territoire national vont caractériser
les deux décennies 60 et 70. L’accélération de l’urbanisation pendant cette période s’est accompagnée du
développement de l’habitat non réglementaire et des bidonvilles dans un contexte où l’intervention de l’État
dans l’urbain était relativement limitée. La priorité à l’époque, définie à travers le plan de développement
économique et social de 1968-72, était accordée au monde rural alors qu’en milieu urbain, seules quelques
opérations ponctuelles de résorption de bidonvilles ont été financées par le budget de l’État. Le phénomène
s’est alors amplifié : la population des bidonvilles a enregistré un accroissement de 12 % entre 1968 et 1972
contre un taux estimé entre 7 et 10 % entre 1944 et 1972.
Dans le plan suivant 1972-77, l’État s’est engagé financièrement dans le logement urbain, mais cet enga-
gement n’était pas prioritairement orienté vers les catégories les plus pauvres. Plusieurs mesures ont été
prises dans le sens de développer la promotion immobilière (mobilisation des réserves foncières publiques,
incitation à la promotion immobilière privée, mise en place des ERAC, création du FNAET). L’intervention
dans le bidonville était limitée à quelques expériences d’équipement différé (les ZEP, trames sanitaires et
trames sanitaires d’accueil) toutes inspirées de la trame Ecochard.

Face à l’accroissement des besoins et des difficultés à mobiliser des ressources affectées au secteur de
l’habitat, les interventions ont pris des formes sommaires dictées souvent par des préoccupations sécuri-
taires et par les restrictions budgétaires :
– La méthode « d’encerclement » des bidonvilles consistant à les entourer de quartiers d’habitat écono-
mique, destinés à éviter leur extension, mais également à favoriser leur résorption. Plusieurs exemples ont

1. Lutte pour l’indépendance, tensions sociales et crises urbaines.


2. Casablanca, Roman d’une ville par Ecochard page 102.

160
révélé plus tard l’inefficacité de cette stratégie, car les sites se sont densifiés de l’intérieur et les nouvelles
constructions des quartiers limitrophes ont été occupées par d’autres ménages.
– La restructuration et l’équipement sommaire des bidonvilles par l’aménagement de voirie coupe feu,
des réseaux sommaires d’eau et d’électricité et des équipements collectifs (école et santé).
– La trame d’accueil, sous forme de terrains aménagés sommairement en lots de 35 m2 et équipés de
bornes fontaines, éclairage public de sécurité, drains d’évacuation des eaux pluviales et destinés à l’accueil
des bidonvilles transplantés ou de nouveaux arrivants.
Chaque attributaire de lot transportait sa baraque ou sa nouala et payait un loyer à la municipalité. Cette
expérience menée en particulier à Tabriquet à Salé a révélé très vite ses limites.
– La trame sanitaire améliorée sous forme de lots de 40 à 50 m2 avec un logement embryonnaire compor-
tant une pièce de 10 m2, un point d’eau individuel ; les attributaires payaient un loyer, le lotissement était
équipé entièrement en assainissement, eau, électricité et voirie et en équipements collectifs.

En 1975 on affichait l’objectif d’une résorption intégrale, de tout le passif en matière de logement urbain, à
l’horizon de 1987, en s’appuyant sur un nouveau fonds mis en place le FNAET (fonds national pour l’achat et
l’équipement des terrains) alimenté par des avances du BGE, les remboursements des bénéficiaires et le
préfinancement des tranches de revenus les plus solvables.
En réalité, l’impact des ces interventions sur le recul des bidonvilles s’est avéré relativement limité dans un
contexte de forte croissance urbaine enregistrée.
Le plan triennal 1978-80, correspond au début de la crise économique et aux premières restrictions des
ressources budgétaires destinées à l’habitat. Ce dernier, considéré comme un plan de transition traduit une
prise de conscience du phénomène du bidonville et la difficulté à le résorber. De nouvelles démarches, visant
davantage l’intégration des bidonvilles et de l’habitat non réglementaire, sont alors préconisées et trouveront
un appui financier international notamment à travers les PDU (projet de développement urbain) financés par
la Banque mondiale
Cette nouvelle démarche s’est imposée à partir de l’année 1980, dans un contexte marqué par la mise en
œuvre du PAS et la réduction des ressources financières destinées aux secteurs sociaux. Le plan 1981-85
reconduit la stratégie des PDU par l’engagement de deux projets à Kénitra et à Meknès avec l’appui financier
de la BM, complété par un programme de résorption des petits et moyens bidonvilles.
La mise en œuvre de ces projets a buté sur des difficultés foncières, financières et organisationnelles qui
ont fini par les rendre onéreux, ce qui a justifié plus tard l’abandon de cette stratégie et le retour à la résorp-
tion des bidonvilles par des opérations d’aménagement foncier.
Le tournant de ce changement apparaît en 1985 avec la création et le développement de la maîtrise
d’ouvrage publique (l’ANHI spécialisée dans la lutte contre l’insalubrité, 1987 la SNEC dans l’aménagement
et l’équipement des terrains, et la société Attacharouk créée pour résorber le grand bidonville de Ben Msik à
Casablanca). La mise en place de ces organismes marque un changement dans la conception des opérations
et dans leur financement. L’objectif affiché, vise la résorption des bidonvilles par des opérations d’aménage-
ment foncier financées par les avances des bénéficiaires et subventionnées en partie par le BGE et par les
produits de la péréquation des lots de promotion, mis sur le marché.
L’auto construction financée par les acquéreurs de lots devait permettre l’accès au logement. L’effort
porté essentiellement sur les bidonvilles, a permis d’enregistrer un certain recul notamment dans les villes
moyennes, mais très vite rattrapé par la forte croissance urbaine et la prolifération de l’habitat non régle-
mentaire pour lequel aucune intervention n’était programmée.
À la fin des années 80, il est apparu clairement que le système de l’autoconstruction reposant sur le préfi-
nancement par les acquéreurs, partiellement subventionné par le budget de l’État et par la subvention croi-
sée (péréquation) présente des signes d’essoufflement. En réalité, il a constitué un palliatif aux restrictions

161
budgétaires, favorisant une compétition entre les OST sur les produits de péréquation parfois au détriment
du programme de résorption, alors que par ailleurs le secteur privé était compétitif pour ces produits, malgré
les avantages accordés aux organismes publics.
Le plan 1988-92 propose alors l’encouragement de l’initiative privée pour les opérations de promotions et
la poursuite du programme de recasement des bidonvilles avec l’appui financier du BGE.

En 1991, un programme spécial de lutte contre l’habitat insalubre visant les deux principales compo-
santes : le bidonville et l’habitat non réglementaire a été engagé (PSLHI) et dont la mise en œuvre, repose
sur une politique conventionnelle associant les moyens de l’État, ceux des organismes publics et des popula-
tions concernées. Seule la moitié des opérations engagées ont été achevées à hauteur des subventions
publiques accordées. Le retard enregistré tient à de facteurs multiples : non respect des engagements finan-
ciers des autres partenaires, faible taux de récupération des coûts auprès des attributaires, blocage foncier.
Parallèlement, l’État a encouragé le développement du partenariat avec le secteur privé à travers quelques
conventions liant celui-ci à des opérateurs publics (ERAC), dans l’objectif de réaliser des programmes de
logements ou d’achever des opérations engagées et bloquées à cause de difficultés financières.
En 1994 le programme de 200 000 logements est annoncé avec diverses mesures incitatives (financières,
fiscales et réglementaires) visant à accélérer le rythme de production du logement.
Ce bref rappel historique permet de dégager, des constantes, des continuités et des ruptures dans les
formes d’intervention publiques.

Les constantes :
– L’accroissement du déficit en logements résultat du décalage entre le rythme de production en constate
augmentation, mais toujours en deçà de l’accroissement des besoins liés à la croissance urbaine.
– La persistance de l’habitat insalubre et la diversification de ses formes d’expression et de la volonté
d’éradiquer en particulier les bidonvilles en repoussent à chaque fois l’échéancier.
– L’intervention publique avec des niveaux d’investissements et de subventions publiques accordées au
secteur de l’Habitat, variable et sensible à l’évolution du contexte économique.
– L’expérimentation de plusieurs formes d’intervention mais insuffisante évaluation des retombés réelles
sur le recul de l’insalubrité ni sur l’accès au logement pour le plus grand nombre. Il s’ensuit une certaine
déperdition dans les efforts de réflexion et d’intervention. C’est ainsi qu’on revient sur des certains
modes d’interventions qui ont révélé auparavant leurs limites.
– Le renforcement de la maîtrise d’ouvrage publique spécialisée dans l’aménagement foncier et dans la
construction de logements, mais ces structures sont subventionnées et certaines manquent de compé-
titivité par rapport à un secteur privé pourtant peu enclin à intervenir dans le social.
– Tout l’effort a porté exclusivement sur l’accès à la propriété comme seul moyen d’accéder au logement
et de résorber le déficit.

La croissance urbaine enregistrée a tendance à s’infléchir, si au lendemain de l’indépendance le fait urbain


était relativement limité à l’armature urbaine existante bien que diversifiée devrait faire face à un accroisse-
ment important de la population de 3,4 millions d’urbains en 1960 à 13,4 millions en 1994, soit 10 millions
d’urbain en moins de 40 ans.
Aujourd’hui l’armature urbaine est consolidée, et malgré le sous équipement en infrastructure enregistré,
elle présente suffisamment d’inertie pour résister aux transformations à venir. À l’avenir celles-ci vont
prendre des aspects plus qualitatifs que quantitatifs. Avec la transition démographique en perspective,
l’exode rural se poursuit mais se diffuse de plus en plus dans l’armature urbaine, les villes vont être moins

162
confrontées à un afflux important de population, mais l’enjeu se déplacera vers les périphéries dont l’amé-
nagement constituera le défi de demain.

2. La situation actuelle

La situation actuelle se caractérise par une inadaptation quantitative et qualitative entre l’offre et la
demande en logements dont les expressions les plus significatives concernent le développement des bi-
donvilles, la progression de l’HNR et la dégradation du parc existant.

2.1. Caractéristiques de la production

La production de logements est en progression mais reste insuffisante par rapport à l’évolution des
besoins. Elle est le fait d’un secteur hétérogène marqué par le poids de l’informel et une faible contribution
du secteur public.

2.1.1. Une production de logements insuffisante


La production des logements autorisés a enregistré une croissance continue au cours des dernières
décennies, mais reste globalement en deçà des besoins liés à la croissance urbaine.
Au cours de la période 1981-90, le nombre de logements autorisés s’élève à 523 600 unités et celui effec-
tivement réalisés 419 000, soit une moyenne annuelle de 41 900 au lieu de 52 360 prévus initialement 1.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de logements autorisés a évolué de 54 000 unités en 1993 à
89 000 unités en 2002 :
Alors que l’accroissement de la population urbaine enregistre un rythme régulier, l’évolution de la produc-
tion des logements, bien qu’en constante augmentation, reste sensible à la conjoncture économique et aux
mécanismes des marchés au niveau local.
La comparaison entre les besoins annuels liés à la formation de nouveaux ménages et les logements auto-
risés et réellement construits indique une insuffisance de la production du secteur réglementaire. Le taux de
couverture des besoins se situe autour de 74 % et varie selon les contextes urbains, avec toutefois des
situations isolées de surproduction. Mais globalement à l’échelle nationale, ce déficit est important et ne
prend pas en compte les besoins liés à la résorption du déficit existant qui s’amplifie et qui est estimé à
1,2 millions d’unités.

Ce déficit à l’échelle nationale devra être interprété localement en fonction de chaque contexte urbain là où
les régulations s’opèrent et prennent des formes multiples :
– la production des logements dans le cadre des lotissements non réglementaires, les surélévations et les
subdivisions non autorisées ;
– la progression des bidonvilles et des autres formes d’habitat insalubre : l’habitat dégradé et vétuste dans

1. (Sur 100 logements autorisés 80 sont effectivement réalisés).

163
les médinas, les nouvelles médinas, l’habitat dans des locaux non destinés au logement (garages, ter-
rasses) ;
– le développement de la cohabitation et de l’entassement dans les logements.

2.1.2. Un secteur de production hétérogène


La question du logement en milieu urbain renvoie également aux caractéristiques des acteurs impliqués
dans le processus de production et de circulation du logement et le rôle important du marché dans le fonc-
tionnement global du secteur.
Le secteur de production du logement est inscrit dans son contexte économique et reste très sensible à
l’évolution de la conjoncture. Il est marqué par le poids important des unités informelles (9/10 de l’ensemble)
qui réalisent 80 % de la production aux dépens des entreprises organisées qui dans certains cas recourent à
la sous-traitance.
En 2000, on dénombre 53 000 entreprises de construction dont 50 000 de type informel localisé ou non
localisé, 1500 PME et quelques dizaines de grandes entreprises structurées.

Quatre groupes d’entreprises sont identifiés : 1


– des entreprises de taille réduite au nombre de 218 qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1 million
de DH avec un effectif inférieur à 30 personnes,
– des entreprises de dimension moyenne (511) avec un chiffre d’affaires compris entre 2 et 5 millions de
DH et un effectif compris entre 30 et 100 personnes,
– des entreprises de taille nationale (539) réalisant un chiffre d’affaires compris entre 5 et 50 millions de
DH et un effectif compris entre 50 et 500 personnes,
– des entreprises de grande taille 65 avec un chiffre d’affaires supérieures à 50 millions de DH et un effec-
tif supérieur à 500 personnes.

Les unités de production organisées sont concentrées en grande partie dans l’axe Rabat Casablanca qui
regroupe 30 % des unités. Plus de la moitié des entreprises du secteur organisé (54,3 %) a été créé après
1990, et 54 % réalisent un chiffre d’affaires de moins de 5 millions de DH.

La réalisation des logements se répartit entre quatre filières de production 2 :


– la filière promoteur – entreprise organisée qui réalise l’ensemble de la commande publique de loge-
ments et une partie des logements en immeubles ;
– la filière promoteur-tâcheron réalise une part de la production de logements en immeubles ;
– la filière autopromoteur-tâcheron réalise la quasi totalité des habitations de type marocain et des villas ;
– la filière autoconstructeur maallam réalise une grande partie de l’habitat non réglementaire.

2.1.3. Faiblesse de la production publique


La production réglementaire de logement est le fait de plusieurs intervenants :
– les organismes publics, dont la production avoisine les 5 000 unités par an 3 (Entre 1985 et 1990 la pro-

1. Monographie du secteur de la promotion immobilière au Maroc DPI 2003.


2. Étude relative au processus de production et de développement du secteur de l’habitat au Maroc Rapport 6 DPI, 1994.
3. Étude du secteur de la construction au Maroc, volume 3 CIH 1992.

164
duction des organismes publics a atteint 41 100 logements dont 59 % réalisés par les OST du départe-
ment de l’Habitat).
Depuis leur création jusqu’à la fin 2001, l’ensemble des OST ont achevé 83 920 logements, soit un rythme
moyen de 5 000 unités, ce qui représente 6 % de l’ensemble des logements autorisés.
– les promoteurs privés au nombre de 793 dont 23 % localisés à Casablanca, 47 % opèrent dans le sec-
teur de la construction et 40 % dans les lotissements.
55 % réalisent un chiffre d’affaires de moins 5 millions de DH par an et 26 % moins de 1 million de DH.
– L’autoproduction qui se réalise notamment dans les lotissements publics (362 588 lots achevés par les
OST depuis leur création jusqu’ la fin 2001) dont on estime qu’ils ont généré 50 % des logements auto-
risés. Cette production concerne le secteur privé, organisé ou informel et intègre également l’auto-
production, des amicales et des coopératives.

2.2. Évolution de la demande

La demande en logement est déterminée par les besoins de la croissance urbaine. La demande sociale en
particulier correspond à la différence entre les besoins liés à la formation des nouveaux ménages et la
demande solvable.

2.2.1. Accroissement des ménages urbains


Le Maroc a été confronté au cours des 50 dernières années à une croissance urbaine rapide alimentée par
un exode rural soutenu dans un contexte de sous équipement La population urbaine a évolué de 3,4 millions
en 1960 à 13,4 millions en 1994 soit quatre fois.
Le taux d’accroissement annuel moyen en milieu urbain a enregistré une baisse entre les deux périodes
intercensitaires, (4,4 % entre 71 et 82 à 3,6 % entre 82 et 94), parallèlement le milieu rural a observé une
tendance à la baisse de 1,5 % à 0,7 %.
En 2025, la population du Maroc atteindra le seuil de 40 millions dont 28 millions de citadins.
Le poids des ménages additionnels évalué en 1994 à 109 000 ménages en milieu urbain, atteindra 144 000
pour la période 2002-2007 et 170 000 à partir de 2012. Ces chiffres donnent la mesure des efforts néces-
saires pour répondre aux besoins de la croissance urbaine sans compter le déficit en logement accumulé et
celui lié à la résorption de l’insalubrité.

2.2.2. Revenus, accessibilité et financement


Le financement du logement constitue un élément déterminant de toute stratégie d’intervention. La contri-
bution du secteur bancaire au financement du logement au Maroc est relativement limitée. L’autofinance-
ment représente 80 % des logements réalisés. Les difficultés d’accès au financement pour les ménages
s’explique par l’étroitesse du marché financier, la pénurie des moyens financiers à long terme destinés au
secteur et par l’inadaptation des produits par rapport au profils socio-économiques des ménages. La réorgani-
sation du système de financement dépendra du niveau d’accroissement des ressources destinées au sec-
teur et des mécanismes mis en place pour adapter les produits aux profils des ménages à moyens et faibles
revenus dans la perspective de l’amélioration de leur solvabilité.
Un système plus adapté favorisera l’accès au logement à une frange plus importante de ménages. Pour

165
autant, il est également admis qu’un système de financement aussi performant soit-il, ne peut pas résoudre
des problèmes qui relèvent de la faiblesse des revenus ou de l’insuffisante production.
La question posée est de déterminer la part des ressources que l’économie marocaine est en mesure
d’affecter, d’une manière régulière, au secteur du logement pour répondre aux besoins nés d’une forte crois-
sance urbaine et pour résorber le déficit accumulé, sans porter atteinte à l’investissement dans les autres
secteurs productifs.
Les obstacles à l’accès au crédit bancaire sont nombreux : les uns sont endogènes au système du finance-
ment lui-même, les autres relèvent des contraintes économiques.
La part des ménages urbains qui bascule de la demande solvable à la demande sociale dépend de plu-
sieurs paramètres qui tiennent à l’évolution des coûts de production du logement, aux conditions de son
financement mais également aux revenus des ménages qui constituent une variable déterminante dans
l’évolution de la demande solvable.
Selon l’étude du CIH, déjà citée, la demande sociale en logements est évaluée à au moins 30 % des nou-
veaux ménages urbains sans compter que le déficit existant qui concerne une proportion importante de
ménages à bas revenus qui sont logés dans les bidonvilles et en cohabitation.
Les données disponibles indiquent qu’au moins un tiers des besoins annuels en matière de logements
concernent les revenus modestes (moins de 3000 DH par mois et sont estimés à 68 000 unités 1).
Par ailleurs, selon l’enquête nationale sur la famille (1995), la distribution des ménages urbains selon les
groupes socioéconomiques révèle le poids des groupes « socialement marginalisé » et « vulnérable » qui
représentent respectivement 9,87 % et 36,84 % 2. Elle montre également que la pauvreté et la population
vulnérable à la pauvreté sont plus répondues en milieu rural qu’en milieu urbain, où ils sont localisés dans les
petites et moyennes villes et dans les quartiers périphériques et sous équipés des grandes agglomérations
qui offrent pourtant plus d’opportunités d’emplois et d’intégration.
Mais globalement, le champ de la pauvreté se rétrécit en fonction du développement du potentiel écono-
mique, et l’accès aux infrastructures et aux services sociaux constitue un facteur déterminant de son recul.

2.2.3. Coût d’accès à la propriété élevé et recul du secteur locatif


Toutes les politiques poursuivies ont mis l’accent sur l’accès à la propriété (logement ou lot) pour répondre
à l’accroissement de la demande en logements. Le secteur locatif public a été abandonné depuis les pro-
grammes initiés par la CIFM (période d’Ecochard). Les coûts de maintenance dépassaient les loyers, remet-
tant en cause globalement la viabilité de la gestion du parc.
Les données disponibles indiquent que la tendance à posséder un logement est plus dominante chez les
ménages des groupes défavorisés, vulnérables et moyens que chez les groupes aisés, mais l’accès à la pro-
priété pour ces groupes, se réalise également dans un cadre informel (bidonville, l’HNR).
Ces tendances s’expliquent par l’accroissement et la diversité de l’offre en logements et le dynamisme
enregistré notamment dans les quartiers d’HNR mais également par les modalités d’accès à la propriété dont
moins d’un tiers (30 %) se fait par héritage chez les ménages des groupes défavorisés (marginal et vulné-
rable).
Partout le coût d’accès à la propriété du logement reste relativement élevé et enregistre un accroissement
supérieur à l’évolution du niveau de vie.
L’étude réalisée par le CIH en1991 3 montre que le coût moyen des logements a évolué plus vite que le

1. Programme de 200 000 logements, propositions de solution, Ministère de l’Habitat Sept. 1994.
2. Populations vulnérables : Profils sociodémographiques et répartition spatiale CERED.
3. L’étude du secteur de la construction volume 3 CIH en 1991.

166
revenu des ménages. Le ratio était en moyenne de 3,5 en 1970, 4,1 en 1985 et 4,4 en 1991 1. En 1999, ce
ratio atteint 9,2 à Rabat.

Le coût élevé pour l’accès à la propriété du logement ne favorise pas pour autant le secteur locatif consti-
tué de plusieurs segments 2 :
– le premier est relatif aux immeubles loués par les particuliers et s’adresse aux revenus moyens et supé-
rieurs. L’existence d’un parc vide, (en grande partie des appartements), est révélatrice des difficultés
enregistrées par ce segment, liées au risque de la location ;
– le second est relatif au logement autoproduit, que ce soit dans le cadre des lotissements autorisés ou
dans l’HNR, ce segment qualifié de location domestique, de loin le plus important, enregistre un dyna-
misme qui tient à la diversité des offres (logement ou fractions de logement) et au statut de la location
où le propriétaire cohabite souvent avec le locataire ;
– la location dans le parc des anciennes et nouvelles médinas qui servent souvent d’étapes pour les loca-
taires dans leurs itinéraires résidentiels.

Globalement le pourcentage de ménages locataires est en retrait sous l’effet de plusieurs facteurs (impact
de la législation sur les loyers, rétentions de logements construits, hausse de loyers, coûts et délais des
conflits), alors que la part des propriétaires est en augmentation constante (40,9 % en 1982, 48,5 % en 1994
et 62,3 en 2000), mais ces pourcentages regroupent en fait tous les types de logements y compris les bi-
donvilles et l’HNR.
Le marché locatif remplit une fonction importante pour de nombreux ménages permettant l’accumulation
de l’épargne avant l’accès à la propriété. Sa dynamisation constitue un levier important pour améliorer la flui-
dité des marchés et répondre à une large demande qui ne peut être satisfaite exclusivement par l’accès à la
propriété.
À l’avenir la question du logement locatif risque de constituer un facteur de blocage pour le fonctionne-
ment des marchés notamment dans les grandes agglomérations déjà confrontées à la persistance d’un taux
élevé de cohabitation, aux logés gratuitement et à la progression de l’habitat insalubre.

2.3. Les formes de régulation du marché du logement

La question du logement ne peut pas être élucidée en dehors de la prise en compte des mécanismes des
marchés et ceux-ci opèrant à l’échelle locale des villes et des agglomérations. L’inadéquation quantitative et
qualitative entre l’offre et la demande enregistrée à l’échelle nationale prend une signification particulière
dans chaque contexte urbain.
Si globalement le déficit est comblé par la progression de l’habitat non réglementaire, du bidonville, et la
cohabitation dans le logement, l’ajustement entre l’offre et la demande en logements prend des formes spé-
cifiques à chaque contexte urbain : prédominance de l’HNR dans les villes du nord, importance des bi-
donvilles dans les centres urbains de l’axe Casablanca Kénitra, mais partout le parc existant assure un rôle
déterminant dans la régulation du marché.

1. Ce ratio indique qu’en moyenne un ménage doit consacrer l’intégralité de ses revenus pendant une période de 4,4 ans pour accéder à un
logement.
2. Étude relative aux aspects financiers et fiscaux du financement du logement au Maroc Phase proposition DPI 1997.

167
Paradoxalement la progression de l’insalubrité ou le développement de l’habitat non réglementaire
peuvent cohabiter avec une offre abondante en lots équipés mais qui restent non valorisés pour des raisons
qui tiennent à des blocages dans l’apurement des opérations (fonciers, financiers ou autres) mais également
à la faible solvabilité du marché.

2.3.1. Développement de l’insalubrité dans les bidonvilles


Il faudra différencier entre les différentes formes d’insalubrité : le bidonville qui constitue la forme la plus
visible dans le paysage urbain, ne doit pas masquer les autres formes d’insalubrité, diffuses ou localisées.
L’ensemble constitue une première expression de l’inadéquation entre l’offre et la demande en logements
en milieu urbain.
Si les données sur l’évolution des bidonvilles sont relativement précises (le bidonville a évolué de
160 000 ménages en 1992 à 260 000 ménages en 2001 dont plus de la moitié concentrée dans l’axe Kénitra
Casablanca), les autres formes d’insalubrité sont encore difficilement quantifiables. On note toutefois les
données relatives à l’occupation des terrasses (70 267 unités) et des sous-sol pour un usage d’habitation
(12 074) 1.
La question de l’habitat insalubre renvoie aux critères de détermination du degré d’insalubrité ou d’exi-
gences minimales d’habitabilité. Cela concerne le logement comme espace privé mais également son envi-
ronnement déterminé, par le niveau d’accès aux équipements et aux services de base.
La question renvoie à l’état du parc logement et de son occupation à un moment donné et aux conditions
de son évolution. Dans ce sens, l’insalubrité est également le produit d’un processus de transformation du
parc logement lié à son vieillissement, son déclassement social ou son renouvellement. Cela veut dire qu’un
logement salubre au départ, peut évoluer vers des formes d’insalubrité par dégradation faute d’entretien ou
sur-occupation. Plus la pression de la demande est forte, plus elle s’exerce sur l’état du parc, ce qui précipite
sa dépréciation et son déclassement social.
Mais paradoxalement une stratégie orientée exclusivement sur la construction de logements neufs ne se
traduit pas forcement par le recul de l’insalubrité, car l’offre en logement neuf notamment pour l’accès à la
propriété s’adresse d’abord à des ménages déjà logés dans des conditions et des statuts certes en attente
d’amélioration, mais qui sont généralement solvables.
Les ménages nouvellement constitués, nombreux dans un contexte de croissance urbaine rapide, doivent
passer par des itinéraires résidentiels qui peuvent prendre des formes multiples, de la cohabitation, entasse-
ment avant d’accéder à la propriété ou au logement neuf. Ce processus de filtrage permet de libérer des
logements souvent déclassés et dans certains cas versés dans l’insalubrité.
De ces développements, on peut considérer qu’une partie de l’insalubrité est le reflet de la pauvreté en
milieu urbain et de l’incapacité financière des ménages à accéder à un logement décent et l’autre partie de
l’insalubrité est le résultat des transformations qui s’opèrent dans le parc logement sous la pression du mar-
ché et qui peuvent être exacerbées par la pénurie ou l’insuffisance de l’offre en logement.

2.3.2. Progression de l’habitat non réglementaire


Cette appellation semble la plus proche de la réalité d’un secteur de production qui se réalise en dehors du
cadre réglementaire, ce qui ne l’empêche pas d’être bien organisé. Il n’est ni un habitat clandestin, ni anar-

1. Enquête logement 2000 Synthèse des résultats, DPI SEH novembre 2001.

168
chique et encore moins intégralement insalubre. En dehors des constructions menaçant ruine, ou des sites
présentant des risques (physique ou environnemental), la plupart des quartiers d’habitat non réglementaire
présentent une qualité des logements comparables aux produits des lotissements économiques autorisés.
La différence tient au degré d’équipement en infrastructures et en particulier la voirie et l’assainissement qui
font défaut dans la plupart des quartiers d’HNR.
L’HNR est une forme de production spécifique « informelle » qui renvoie à une réalité économique et
sociale, multiforme mais étroitement liés au reste de l’économie ; de ce fait, elle joue un rôle important qui
est loin d’être transitoire, elle se reproduit en se transformant et en s’adaptant par rapport aux exigences du
système économique.
Ce caractère informel ne doit pas dissimuler ni son dynamisme, aujourd’hui reconnu, ni sa forte articulation
au système organisé de production du logement. Le marché des matériaux de construction et une partie des
acteurs opèrent indifféremment dans les deux secteurs et de ce point de vue, l’HNR a servi d’amortisseur
social pour l’accès aux logements pour une frange importante de la population mais également pour le sec-
teur productif du bâtiment.
Les données disponibles indiquent une progression du phénomène qui révèle son dynamisme et son
caractère durable. L’HNR a évolué de 354 000 ménages en 1993 à 520 000 ménages en 2001, et les projec-
tions les plus récentes estiment un accroissement annuel d’au moins 20 000 ménages 1.
Le niveau d’investissement réalisé dans les constructions montre que le phénomène de l’HNR reflète
moins l’expression de la pauvreté que des rapports économiques et sociaux complexes autour de l’accès au
sol urbain et au logement. Son développement ne peut exister que grâce à un consensus entres les acteurs
sociaux directement impliqués dans le processus de production et à la tolérance, voire la neutralité bienveil-
lante des gestionnaires urbains.
La question aujourd’hui est de savoir quoi faire de ce patrimoine qui abrite une part importante de la popu-
lation urbaine et qui contribue à la régulation des marchés de logements.

2.3.3. Rôle important du parc existant


Le parc logement ne constitue pas un ensemble homogène. Il peut être différencié selon sa typologie, son
état physique ou son statut d’occupation.
Le parc logement occupé à titre de résidence principale a enregistré un taux d’accroissement de 5,08 %
par an entre 1994 et 2000 contre 4,37 % pour la période 82-94. Ces taux indiquent une relative amélioration
des conditions d’occupation confirmée également par le recul, encore faible mais significatif, du taux de
cohabitation. Ce dernier a enregistré un recul au cours des deux dernières décennies : (1,13 en 1982, 1,11 en
1994 et 1,09 en 2000) 2 ce qui confirme donc une relative amélioration des conditions d’habitabilité.
Le parc existant est confronté au poids important des logements vacants : 500 000 unités (491 753) soit
12 % du parc total à 58 % de type appartement, 65 % de standings moyens ou plus.
La question du parc vide interpelle d’abord par l’ampleur du phénomène et sa signification dans un
contexte de déficit structurel en logements. Le chiffre doit être confronté au rythme de production annuelle
(80 000 logements et au déficit existant 1,2 millions unités) même s’il est clair que tout le parc vide ne peut
pas être mobilisé et introduit systématiquement et immédiatement dans le marché, une partie correspond à
des logements achevés en attente d’affectation et d’autres à des résidences secondaires. Mais on peut

1. Étude sur l’identification des formes d’intervention en matière d’habitat non réglementaire. Direction de l’Urbanisme 2002.
2. (soit 109 ménages pour 100 logements) voir Enquête logement 2000 Synthèse des résultats, Direction de la Promotion Immobilière SEH
novembre 2001.

169
noter toutefois que 40 % des logements vacants sont relativement neufs (construits entre 93 et 99) alors
49 % ont été construits 7 ans auparavant.
Sur l’ensemble du parc vide, 63 % sont proposés à la vente et 21 % à la location, mais ne trouvent pas
d’acquéreurs.
L’ensemble du parc existant joue un rôle déterminant dans le fonctionnement du marché du logement.
Les nouveaux ménages s’adressent en majorité au stock existant, libéré par ceux qui accèdent aux loge-
ments neufs. Ce processus de filtrage lié à l’amortissement du parc existant, permet en particulier aux
ménages à faibles revenus d’accéder au logement.

A. La question du renouvellement du parc existant


Le renouvellement renvoie à la problématique du vieillissement du parc, à son évolution au regard du degré
de son entretien et de sa maintenance mais également de son amélioration.
Les chiffres disponibles indiquent que 30 % du parc date d’avant 1970, 80 000 logements achevés entre
1912 et 1934, 45 452 unités achevées avant 1912 et deux tiers des constructions sont dans un état jugé plu-
tôt négatif.
Si le parc récent représente 70 % du total, ce taux est variable selon les villes et les régions et les chiffres
donnent la mesure de l’effort nécessaire pour préserver ce parc notamment dans les centres anciens, mais
également dans le parc construit au cours de la période du protectorat et qui constituent deux composantes
importantes du patrimoine architectural et urbanistique du Maroc.
La question appelle également dans certains cas des interventions en termes de renouvellement des tis-
sus urbains. 74 % des constructions dans les villes n’excèdent pas deux niveaux (Ro +1), ce qui présente un
potentiel important en termes de capacité d’accueil, si des mesures sont prises, (réglementations et incita-
tions) favorisant des densifications et une meilleure optimisation de la voirie et des réseaux.

B. La dégradation des médinas


La question des médinas illustre une double problématique :
– celle d’un patrimoine historique à préserver en tant qu’ensemble urbain soumis à des transformations
qui portent aussi bien sur le bâti que sur le contenu économique et social,
– et celle d’un parc logement dégradé qui contribue d’une manière spécifique au fonctionnement de
l’ensemble urbain.

Les médinas évoluent dans leur contexte urbain et font l’objet d’interventions multiples et sectorielles qui
accélèrent des transformations qui contribuent parfois à valoriser le cadre bâti mais le plus souvent à le
dégrader.

Le recensement de 1994 indique une population de 684 700 habitants repartis dans les 12 médinas de
plus de 10 000 habitants, mais de poids démographique variable. Il révèle une tendance au dépeuplement
des centres anciens dont le rythme varie d’une médina à l’autre et d’un secteur à un l’autre à l’intérieur de
chaque médina.
Globalement les médinas sont confrontées à des transformations qui touchent le bâti, les activités et le
contenu social. Au processus de dégradation du bâti accéléré par le départ des couches aisées et la suroc-
cupation des maisons traditionnelles soumises à des subdivisions et à la cohabitation, il faut ajouter l’appari-

170
tion de noyaux de bidonvilles (fondouks, et terrasses) et les surélévations non autorisées à l’intérieur des
médinas.
Partout la fonction résidentielle recule face à la prolifération des activités commerciales et à l’extension
des zones dégradées et des maisons en ruine.
Dans certains secteurs isolés, souvent les plus accessibles ou bénéficiant d’une qualité patrimoniale ou
paysagère, on assiste à des reconversions en maisons d’hôtes réalisées en grande partie par des étrangers
parfois dans le respect des typologies initiales mais le plus souvent selon des modèles sans rapport avec
l’existant.
Ce phénomène qui prend de l’ampleur particulièrement dans certaines médinas, peut contribuer à la réha-
bilitation du patrimoine bâti et au rééquilibrage social des médinas. Il soulève cependant, dans certains cas,
des difficultés de cohabitation des fonctions, des usages et des pratiques sociales et culturelles, ce qui
appelle un encadrement par une réglementation appropriée pour préserver l’identité des médinas et gérer
d’une manière efficiente la cohabitation.

2.3.4. Les interventions publiques

Les interventions publiques dans le secteur du logement contribuent à la régulation du marché. Elles
prennent plusieurs formes et poursuivent plusieurs objectifs :
– le recasement des bidonvilles dans des opérations de lotissements équipés ;
– la construction de logements et l’équipement de lots pour des couches à revenus moyens ;
– plus récemment des opérations de restructuration des QHNR.

Le programme de construction, de l’ensemble des OST reste très limité et leur intervention a été essen-
tiellement orientée vers l’aménagement foncier, à travers les lotissements : 362 158 lots ont été achevé dont
la valorisation génère de nouveaux logements aussi bien pour l’accès à la propriété que pour la location
domestique.

Mais il faut compter avec des rythmes de valorisation relativement lents (5 ans pour un taux de 90 % pour
le (PRB) et 7 à 12 ans pour le (PGL). Dans certaines villes, le taux de valorisation atteint des niveaux parti-
culièrement faibles, qui soulève des interrogations sur l’opportunité des opérations engagées.
Par ailleurs, l’aide publique destinée au secteur du logement prend plusieurs formes : la subvention directe
du BGE à des programmes ou projets, la mobilisation de terrain du domaine privé de l’État ou du collectif,
des dérogations par rapport aux dispositions urbanistiques, des incitations fiscales pour le secteur privé, des
péréquations croisées.
L’ensemble de cette aide est dispersé, insuffisamment évalué, peu ciblé vers les ménages en fonction de
leurs revenus et de leur situation économique et exclusivement orienté vers l’accès à la propriété. Il reste
destiné à soutenir la production publique et privée dans le cadre de partenariat ou programme spécifique et
non à solvabiliser prioritairement la demande. La seule aide orientée directement vers la demande concerne
la bonification des taux d’intérêt mais ne profite que partiellement aux ménages à bas revenus.
Dans certains cas, l’aide apportée aux organismes publics pour produire des logements s’avère inefficace,
puisque les coûts de production sont plus élevés par rapport à la production du secteur privé.
Au total, l’aide publique reste peu ciblée et on estime que seulement 25 % profite réellement aux couches
défavorisées.

171
2.3.5. Les obstacles à la politique du logement
Les obstacles rencontrés dans la mise en œuvre des interventions publiques dans le secteur du logement
relèvent de plusieurs registres qui concernent la définition des orientations stratégiques du secteur, mais
également les limités des outils et des cadres opérationnels. Dans tous les cas, deux facteurs incontour-
nables doivent être soulignés. Ils concernent la mobilisation des terrains équipés et l’accès au financement.

A. Les difficultés de mobilisation du sol à urbaniser


La diversité des statuts fonciers fait partie du patrimoine socio-culturel du pays et les réformes suscep-
tibles de les moderniser ne peuvent s’inscrire que dans la durée. Par contre la mise en place d’outils opéra-
tionnels pour mobiliser le sol pour favoriser l’investissement ou répondre à la demande sociale, en particulier
dans le secteur du logement, peut constituer un objectif réalisable dans le cadre des projets à venir
Aujourd’hui la difficulté est de mobiliser la réserve foncière publique (terrain privé de l’État et collectif) là où
la demande est la plus importante. Il ne suffit pas d’ouvrir à l’urbanisation des secteurs sous prétexte qu’il y
des terrains publics disponibles ; encore faut-il s’assurer de l’opportunité de leur urbanisation au regard de la
demande et des conditions de leur réalisation.

B. Le financement du logement au regard de son coût élevé


Le financement des programmes du département de l’Habitat et de ses OST est assuré par les avances
des bénéficiaires et les subventions du BGE destinées aux opérations de résorption des bidonvilles complé-
tées par les produits de la péréquation qui ont pris des proportions importantes dans les programmes enga-
gés et constitué un palliatif aux fluctuations enregistrées dans le niveau de la subvention du BGE accordée au
secteur.
Ce système de production et de financement a pu fonctionner tant que la demande solvable était impor-
tante ; mais il s’est très vite essoufflé avec la saturation du marché en produits de péréquation et la concur-
rence du secteur privé. Plusieurs opérations sont achevées et ne sont pas valorisées et parfois même pas
commercialisées.
Tant que les opérateurs financent les projets avec les avances du BGE et des bénéficiaires, le coût de pro-
duction réel n’était pas suffisamment maîtrisé ; mais à partir du moment où le recours au financement ban-
caire s’est imposé pour les OST, la maîtrise des frais financiers devenait une préoccupation majeure.
Certains projets dont le montage financier initial est équilibré se retrouvent en fin de parcours avec un déficit
structurel lié à l’accroissement des frais financiers.
Les difficultés du financement concernent les infrastructures pour l’aménagement foncier notamment le
hors-site et la construction de logements.
Le retard accumulé par les villes en matière d’infrastructures notamment dans les secteurs de l’assainisse-
ment et de la voirie soulève avec acuité la question des ressources nécessaires pour leur mise à niveau.
L’importance des investissements nécessaires pour le secteur de l’assainissement au regard des limites
financières de la plupart des communes, implique un engagement soutenu de l’État et une optimisation des
ressources affectées notamment par la mise en œuvre de mécanismes de partages et de récupération des
coûts entre l’État, les collectivités, les concessionnaires de réseaux et les aménageurs.
Le recours à des concessionnaires privés pour la gestion des réseaux dans les grandes agglomérations
permet la mobilisation d’importants capitaux pour l’investissement et de bénéficier du savoir faire technique
et commercial. Ces moyens doivent être mis au service d’une politique de la ville définie en concertation
avec les partenaires locaux et coordonnée par la puissance publique.
La question du financement est également présente dans le secteur de la construction où quatre loge-

172
ments sur cinq sont aujourd’hui autofinancés. Les perspectives d’extension du financement bancaire sont
potentiellement importantes ; leur réalisation nécessite une adaptation des produits à la réalité socioécono-
mique des ménages.
La contribution globale du secteur de financement bancaire s’oriente à 70 % vers deux types de construc-
tions (Immeubles et villas) qui ne représentent que 29 % de la production de logements 1.

3. Les priorités

La question du logement constitue certes un enjeu majeur et une priorité pour l’action mais qui doit être
placé dans le contexte du développement urbain.
C’est dans ce cadre, que de nombreux volets appellent des réponses adaptées et qui concernent notam-
ment :
– des programmes spécifiques pour les zones à risque et les constructions menaçant ruine ;
– la réhabilitation des médinas et des nouvelles médinas ;
– la gestion du parc existant et la promotion du secteur locatif ;
– des interventions adaptées dans les bidonvilles qui ne peuvent être réduites à des opérations de recase-
ment ;
– la prévention par l’aménagement foncier, par une mobilisation et une affectation optimales des terrains
et un accroissement des ressources destinées aux financements des infrastructures ;
– la mise en place de financement adapté pour l’accès au logement pour le plus grand nombre.

3.1. Implication de l’État

La question du logement en milieu urbain, et particulièrement pour le plus grand nombre, ne peut être lais-
sée aux seules initiatives du secteur privé ou régie par les seules règles du marché. L’intervention de l’État
est indispensable, mais cela ne doit pas se traduire par un État opérateur qui construit mais plutôt par le ren-
forcement des fonctions de régulation et de facilitation.
L’engagement de l’État, y compris financier, est indispensable dans le secteur du logement. Il s’agit de
régulation des marchés du logement, d’incitation à la production et d’aides ciblées pour faciliter l’accès au
logement pour les faibles revenus. C’est davantage un rôle d’encadrement que d’opérateur, ce qui suppose
une vision d’ensemble dans laquelle la question du logement est inscrite dans une problématique de déve-
loppement, de planification et de gestion des villes.
Dans ce sens, la politique du logement fait partie intégrale de la politique de développement économique
et social et ne peut en être dissociée.
L’expérience passée révèle les limites des interventions directes dans la production du logement à la fois
sur le plan quantitatif que sur le plan de la compétitivité et d’adaptation des produits par rapports aux profils
des ménages.

1. Rapport propositions et mesures, in Étude relative au processus de production et de développement de l’Habitat au Maroc.

173
3.2. Accroissement de l’offre en logement par l’aménagement foncier

Il faut accroître le rythme annuel de construction à 150 000 unités dans les années à venir pour répondre à
la demande en logements et résorber progressivement le déficit accumulé. Cet objectif ne peut être atteint
que par la mobilisation de tous les acteurs, en particulier les collectivités locales, le secteur privé et com-
munautaire (associations, amicales).
Dans ce sens, il est nécessaire de diversifier les produits et mobiliser tous les modes de production en
s’appuyant en particulier sur le système de l’autoproduction de logements qui reste économiquement et
socialement adapté et moins coûteux pour l’État et la collectivité ; un logement autoproduit dégage d’autres
unités pour la location.
L’accroissement de la production des logements implique un accroissement de l’offre foncière et la mobili-
sation des ressources pour le financement des infrastructures.
Dans ce sens, il faut agir sur les instruments qui facilitent l’aménagement foncier, ce qui renvoie à la ques-
tion de la mobilisation des terrains et de l’optimisation de leur affectation.
Cependant, il faut améliorer les conditions de réalisation de l’aménagement foncier. La puissance publique
n’a pas vocation à se substituer à des opérateurs privés qui peuvent réaliser des lotissements. Par contre,
elle peut agir en amont par la mobilisation des réserves foncières et pour des équipements en infrastructures
primaires et hors site pour dégager des terrains ouverts à l’urbanisation qui peuvent être rétrocédés aux opé-
rateurs privés, coopératives ou communautaires.
L’émergence de nouvelles formes de partenariats autour de programmes intégrés de logements permet-
tra d’optimiser les ressources publiques destinées au secteur du logement.

3.3. Gestion du parc existant

La question du parc logement existant, de son évolution est déterminante dans toute stratégie d’inter-
vention dans le secteur.

La gestion du parc existant renvoie à un ensemble d’actions qui concernent :


– La réhabilitation des centres anciens dont les médinas, les quartiers centraux réalisés au cours de la pé-
riode du protectorat et qui font partie du patrimoine bâti et architectural du Maroc ;
– L’amélioration et le développement du secteur locatif qui reste tributaire de plusieurs mesures qui
relèvent de la législation sur les loyers et d’autres incitations fiscales.

Réhabilitation des médinas


Les interventions menées dans les médinas sont, sectorielles, ponctuelles et manquent de visibilité et plu-
sieurs exemples montrent la nécessité de les inscrire dans un cadre coordonné prenant en compte la nature
des mutations et le rôle de chaque médina dans son contexte urbain.
Cette orientation implique le renforcement de la position de chaque médina en tant que foyer culturel et
économique en préservant la pluralité des fonctions et la diversité sociale.
En matière de logement, l’urgence porte sur les constructions menaçant ruine qui exposent les occupants
et le voisinage à un danger permanent et imprévisible, sur les noyaux de bidonvilles installés parfois sur des
sites ou des édifices à caractère historique, et sur le transfert des activités polluantes (tannerie, entrepôts).
La réhabilitation du parc existant est également un volet essentiel de la sauvegarde des médinas qui contri-

174
bue à mobiliser une partie du parc logement existant et de le soustraire à l’insalubrité. Il nécessite des res-
sources et des outils appropriés et un accompagnement social adapté.

3.4. L’intégration de l’habitat non réglementaire

L’intégration de l’habitat non réglementaire semble la solution la plus optimale de point de vue écono-
mique et social. Cet objectif implique la reconnaissance administrative ce qui ouvre la voie à une mise à
niveau organisée des infrastructures, à l’apurement à terme des situations foncières souvent rendues
complexes par la multiplicité des transactions sur des statuts fonciers non immatriculés.
L’ampleur des besoins en la matière et la diversité des contextes et des situations nécessitent la définition
de priorités. Parmi celles-ci les zones à risque mettant en jeu la sécurité des occupants ou menaçant les
grands équilibres écologiques des sites (terrain instable, zone inondable, nappe phréatique, forêt).
Ailleurs, ce sont des développements qui remettent en question la viabilité des investissements (aux
abords des autoroutes, chemins de fer ...) ou des aménagements stratégiques qui seront prioritaires.

3.5. Programme prioritaire pour les zones à risques et les constructions


menaçant ruine

Les zones à risque mettent en cause la sécurité des occupants et de fait, constituent un enjeu majeur dans
toute stratégie d’intervention dans le secteur de l’habitat.
On estime à 6 % des constructions qui menacent ruine et 11,51 % du parc (347 712 logements) sont
concernés par une pathologie extrême dont 32 % dans les deux régions de Rabat et de Casablanca.
L’intervention dans ces cas, peut être assimilée à une intervention d’urgence comparable à des situations
de catastrophe naturelle, mais pour éviter l’improvisation, il est nécessaire d’identifier les sites et d’établir un
inventaire de zones à risque qui servira de base à l’élaboration d’un programme prioritaire d’intervention.
Dans certains cas, des mesures exceptionnelles motivées par l’utilité et la sécurité publique devront être
mise en œuvre pour faciliter l’évacuation des constructions et si nécessaire prendre possession des terrains
y compris pour des opérations urgentes de relogement 1.

3.6. Traitement des bidonvilles

La résorption des bidonvilles a toujours été un objectif affiché depuis 50 ans et l’État en était le principal
acteur. Plusieurs programmes se sont succédés avec des résultats parfois significatifs, mais la persistance
du phénomène et son extension amènent à s’interroger sur l’efficacité des stratégies adoptées et des
moyens mis en œuvre. Si la nécessité d’une intervention publique (de l’État ou de la collectivité locale) est
acquise, elle ne peut être réduite exclusivement à des opérations de recasement difficilement générali-
sables.
Il est nécessaire d’adapter les interventions à chaque contexte urbain et définir les responsabilités et les

1. Identification des formes d’intervention en matière d’habitat non réglementaire. Direction de l’Urbanisme 2002.

175
engagements des différents partenaires impliqués (État, collectivités locales, propriétaires fonciers et habi-
tants).
L’engagement et le rôle direct de l’État restent incontournables dans ce domaine notamment dans des
contextes où les enjeux de développement dépassent les moyens des acteurs locaux. Mais dans de nom-
breux cas, la mobilisation de ces derniers et leur implication directe dans les formes d’intervention favorise-
ront l’émergence de solutions adaptées et de moindre coût.
La résorption de l’habitat insalubre et en particulier les bidonvilles doit rester un objectif prioritaire de
l’intervention publique. Cependant, il faut compter sur un accroissement significatif de la production du loge-
ment pour résorber le déficit existant et espérer à terme endiguer le développement des bidonvilles.
Cette perspective ne doit pas empêcher des actions d’amélioration de l’existant souvent peu coûteuses
qui peuvent dans certains cas constituer une solution alternative, immédiatement réalisable et dont les effets
sur le cadre de vie et des habitants sont importants.

3.7. Extension et adaptation du système de financement

L’amélioration de l’accès au logement implique l’extension des ressources destinées au secteur, l’adapta-
tion des produits aux profils des ménages et la mise en place de mécanismes pour solvabiliser les ménages
à faibles revenus. Pour rendre le logement disponible et à moindre coût, on peut agir simultanément sur plu-
sieurs facteurs :
– Les coûts de production du logement en réduisant la VIT 1 des logements. Mais les possibilités sont limi-
tées au regard de l’accroissement de la charge foncière, à moins de réduire d’une manière draconienne
les normes et les standards de l’urbanisme et de la construction, ce qui constitue un risque pour le déve-
loppement de nouvelles formes d’insalubrité,
– On peut également soutenir la production sous diverses formes à l’instar des interventions publiques
menées jusqu’à présent. Ainsi les lots équipés et en particulier ceux destinés au recasement sont forte-
ment subventionnés et le prix de revente d’un lot de recasement est en moyenne 4,5 fois le prix d’attri-
bution avec des écarts selon les régions. Cette forme d’aide est probablement encore nécessaire même
si elle reste sous-évaluée, peu ciblée et sans rapport avec les conditions du marché,
– L’extension du système de financement en mobilisant des ressources à long terme, en améliorant les
conditions d’accès au crédit, en instituant des fonds de garantie pour les faibles revenus et en dévelop-
pant l’épargne logement.

Parallèlement, il faudra cibler l’aide publique et l’orienter vers les ménages à faibles revenus directement
subventionnés pour réduire les coûts d’accès au logement.

Pour autant un système de financement même performant ne peut compenser l’insuffisance des revenus.
L’accroissement des ressources destinées au secteur du logement dépendra en définitive de la capacité de
l’économie à créer de la richesse et de l’emploi et à dégager durablement les ressources nécessaires pour le
financement de l’urbanisation. L’accélération de la croissance économique est une condition essentielle pour
envisager une solution durable au problème du logement.
Toutes les formes d’interventions dans la question du logement ne peuvent prendre leur signification

1. VIT Valeur immobilière totale.

176
réelle que si elles sont inscrites dans une politique de la ville fondée sur une vision du développement
durable.

3.8. L’inscription de la question du logement dans le cadre d’une


politique de la ville

Au delà des volets sectoriels qu’il faut coordonner pour conduire une politique du logement, celle-ci doit
être également inscrite dans une vision cohérente de la ville qui ne peut être indéfiniment gérée à coup
d’opérations de lotissements et de constructions au hasard des opportunités foncières, dictées souvent par
l’existence de terrains privés de l’État.
Il est nécessaire de disposer d’outils opérationnels adaptés pour mobiliser les terrains à urbaniser et pour
répondre aux besoins de la croissance, mais il est également urgent de placer la question de l’Habitat dans le
cadre d’une politique de la ville qui reste à définir.
Les exigences de développement aujourd’hui imposent que les villes soient compétitives, capables d’atti-
rer l’investissement et de créer la richesse et l’emploi. Cette perspective suppose que les villes soient équi-
pées et attrayantes, qu’elles favorisent l’intégration et la cohésion sociale, ce qui est incompatible avec la
persistance des dysfonctionnements et des blocages repérés (progression de insalubre, pénurie de loge-
ments, carences des infrastructures).

177
L’urbanisme et la question de la ville

Introduction ............................................................................................................181
90 ans d’urbanisme ............................................................................................181

1. Politique de la ville ..........................................................................................183


La ville : Espace d’intégration et de cohésion ............................................. .183
2. La politique urbaine ..........................................................................................185
Défaut de politique ou politique par défaut..................................................185
3. La planification urbaine ...................................................................................187
Urbanisme intégriste ou urbanisme intégré ................................................187
4. Le foncier urbain .............................................................................................189
Complexité et anachronisme ..........................................................................189
5. Urbanisme opérationnel ................................................................................190
De la représentation de la ville à la ville réelle ..........................................190
6. Les nouvelles formes d’urbanisation ...........................................................192
Une vision stratégique pour un acte stratégique .......................................192
7. Le projet urbain ...............................................................................................193
La concertation et l’opérationnalité .............................................................193

Références bibliographiques ............................................................................195

MOHAMMED EL MALTI

179

gt6-6 179 22/03/06, 13:16:08


180

gt6-6 180 22/03/06, 13:16:09


Introduction

90 ans d’urbanisme

L’urbanisme moderne au Maroc est né, il y a plus de quatre-vingt-dix ans, avec la promulgation de la loi
fondatrice de 1914, largement et à beaucoup d’égards en avance, par rapport à la France, et cela grâce à
l’esprit clairvoyant du Maréchal Lyautey et au géni des architectes et urbanistes qui constituaient son staff
technique rapproché.
Les besoins liés à l’installation de l’administration du protectorat et les exigences économiques ont
imposé la nécessité de développer de nouveaux centres urbains soit autour des médinas existantes soit
dans des sites nouveaux choisis généralement pour leur intérêt militaire ou stratégique.
L’urbanisme devait donc traiter en priorité de l’urgence de la création des villes marocaines modernes
en leur assurant une certaine forme de pérennité par la garantie du droit de propriété, l’instauration de l’uti-
lité publique, ainsi que par l’introduction des documents graphiques.
Les premières lois de l’urbanisme prévisionnel avaient un caractère d’orientation et de cadrage. Elles
avaient comme objectif l’élaboration de simples plans d’alignement et d’extension urbaine. Par contre, les
suivantes, notamment celles de 1952, de 1992 et le projet de loi actuel (loi 04/04) en discussion au Parle-
ment, ont privilégié une approche de plus en plus réglementaire de l’urbanisme qui a entravé, jusqu’à
présent et dans une large mesure, la réactivité de la ville par rapport au développement économique et aux
évolutions politiques et sociales.
Grâce à l’importance qui a toujours été accordée par la puissance publique au contrôle et à la maîtrise de
l’urbanisation 1, manifestée notamment par l’édiction d’un important corpus de lois et par un patrimoine
considérable de villes, le Maroc dispose aujourd’hui d’une armature urbaine équilibrée et structurée qui
constitue un des atouts majeurs de son développement 2.
Cependant, cette armature est composée de villes qui ont atteint des tailles et un niveau de croissance
maximum et qui ont subi la marque du temps, le temps naturel et le temps des hommes. Sous la pression
de l’urbanisation et du fait de l’inadaptation des structures d’accueil qu’elles offrent et des moyens
d’action financiers et institutionnels dont elles disposent elles n’ont pas pu supporter le poids de leur déve-
loppement. Elles sont dans leur grande majorité couvertes par des documents d’urbanisme, mais dont la
mise en œuvre souffre de beaucoup de dysfonctionnements.
Par ailleurs, la ville marocaine des trois dernières décennies a subi une vraie métastase urbaine 3. Elle
s’est étendue pour plus de son tiers sous la forme d’un urbanisme autoproduit exclu « de jure » du secteur

1. Avec les succès et les échecs que nous lui connaissons, car si cet intérêt à permis la consolidation d’un réseau performant de villes, cer-
taines décisions et choix ont conduit à des dysfonctionnements dont les effets perdureront.
2. Ministère de l’Aménagement du Territoire de l’Eau et de l’Environnement, Direction de l’Aménagement du Territoire, le Schéma National
d’Aménagement du Territoire : Synthèse du SNAT, Rabat, 2004, pp. 69-71.
3. Le Maroc est naturellement soumis à la tendance universelle à l’urbanisation qu’il est difficile sinon impossible d’infléchir. Paul Virilio décrit,
en empruntant à François ASHER le concept de « Métapolis », la mutation de la « Cité » en « Métacité » où le citoyen se transforme en citadin
avec de moins en moins de repères sociaux et spatiaux. Paul VIRILIO, Ville Panique : Ailleurs commence ici, Édition Galilée, Paris, 2004, p. 15.

181
formel mais s’imposant « de facto » aussi bien par l’alternative qu’il propose aux politiques publiques
d’habitat et d’urbanisme que par son dynamisme économique et social.
De plus, si par le passé la fabrication du cadre de vie était inscrite dans la durée, il n’en est pas de même
aujourd’hui. En effet, sous la pression du temps, des urgences et de la société de consommation, il est plu-
tôt fabriqué dans l’éphémère, dans le périssable produisant ainsi des formes et des objets urbains qui ne
s’inscrivent pas dans le cadre d’un développement durable et qui risquent de constituer l’insalubrité de
demain et les causes d’exclusion économique et sociale 1.
Il est à craindre, si ce problème n’était pas pris au sérieux, que le Maroc connaisse les mêmes dérives que
l’urbanisme en Europe a connues, notamment à travers les grandes opérations publiques et privées d’habi-
tat à la fin de la deuxième guerre mondiale et durant les années 70, ainsi que toutes leurs conséquences
économiques et sociales. Nous serions ainsi très rapidement mis devant l’obligation de procéder à des
réparations au coût financier et politique très élevé, par lesquels les pouvoirs publics feraient un aveu
d’échec. En effet, ce qui peut apparaître aujourd’hui comme une victoire dans la lutte contre l’insalubrité
pourrait s’avérer être « une erreur civilisationnelle » 2.
Nous sommes donc, et nous le serons encore plus à l’avenir, mis face à des défis qui imposent le
recours à de nouvelles démarches et à des outils plus adaptés de maîtrise de l’espace. Le défi de la mise à
niveau urbaine pour faire face à la compétitivité des territoires couplé à ceux de l’accompagnement de la ten-
dance lourde à l’urbanisation 3.
Pour cela, il est impératif de se doter des moyens réglementaires, institutionnels, financiers, fonciers pour
un urbanisme opérationnel à même de permettre d’entreprendre des grandes opérations d’urbanisme
et de reconstruire la ville sur la ville à travers le renouvellement, la requalification et la réhabilitation des tis-
sus urbains existants d’une part et un urbanisme prévisionnel plus souple et plus incitatif d’autre part.
Si la ville d’hier était un objet circonscrit, avec des fonctions bien définies, celle d’aujourd’hui est de
plus en plus diffuse, ouverte, sans limites déterminée par les besoins de temps et de mobilité qui, plus elle
se renforce plus se développe chez l’individu le besoin de repère et d’ancrage identitaire et spatial.
Quelle sera la ville demain ? Elle restera, comme elle l’a toujours été, un lieu d’écriture et de conservation
des cultures et des civilisations, un lieu d’expression, d’exercice et de partage des pouvoirs écono-
miques, de production et de contrôle des richesses et un lieu d’émergence de leaderships politiques.
Mais, elle tendra nécessairement vers le virtuel avec le développement des nouvelles technologies de
l’information et des communications qui sont en train de bouleverser tous les référentiels traditionnels.
Le développement du e-travail, du e-commerce et de tous les autres services électroniques, les besoins
nécessaires aux nouvelles activités urbaines notamment ceux liés à la concentration des fonctions de coordi-
nation. Tout cela va avoir un impact considérable sur les comportements des gens et par conséquent sur les
formes urbaines.
Elle sera inéluctablement prise dans le « tourbillon » 4 de la globalisation économique mondiale et de la

1. L’exclusion économique est à l’origine du développement de tous les secteurs informels.


2. Jean-Christophe BAILLY, La Ville à l’œuvre, Les Éditions de l’Imprimeur, Collection Tranches de Villes, Paris, 2001, p. 87.
3. Cette tendance qui a déjà lourdement handicapé les villes marocaines va s’accélérer pendant les quinze prochaines années durant les-
quelles on estime les nouveaux urbains à près de cinq millions. En effet, si le dernier recensement (2004) a enregistré une croissance démo-
graphique modérée pendant la période intercensitaire, il confirme la tendance à l’urbanisation du pays qui dépasse les 55 % et qui va probable-
ment croître pour se stabiliser à des taux structurels estimés entre à 65 % et 70 %. Dans certains pays développés ces taux sont largement
dépassés, on assiste alors à une tendance inverse de retour à la campagne, ce que certains chercheurs ont appelé la « rurbanisation », pour re-
trouver les équilibres structurels villes campagnes. Voir Jean-Louis ANDREANI, « Les nouvelles Frontières entre Villes et Campagnes », in
Lemonde, no 18679, dimanche 13-lundi 14 février 2005, p. 17.
4. Voir Saskia SASSEN, The Global City, Princeton University Press, Nov.1992 & Sept.2001 et les commentaires de Loïc WACQUANT in
« Le Monde Diplomatique », Nov. 1997, p. 31 et de Benoît CHAUSSE, Conférence de grandes lignes de partage du monde contemporain, in
http ://perso.wanadoo.fr/r.dagorn/FichesEtudiants11.html

182
tendance qu’elle va créer vers la métropolisation et ses conséquences sur la hiérarchie urbaine nationale et
internationale et sur les métropoles et agglomérations secondaires au tissu économique fragile.
Comment gérer cela sans générer de la ségrégation, de la discrimination et de l’exclusion ? Quel type
d’urbanité, quel type de rapports entre la ville et son usager et quels types de relations sociales vont en résul-
ter ? 1

1. Politique de la ville

La ville : espace d’intégration et de cohésion

La « Charte Nationale de l’Aménagement du Territoire » a placé la question urbaine parmi les enjeux
principaux du développement durable et a attribué aux villes un rôle moteur dans la mise à niveau et la
stabilité du Maroc et dans sa compétitivité à l’échelle internationale.
En effet, le développement et la croissance économique de la plupart des pays, qu’ils soient dévelop-
pés ou en développement, sont portés aujourd’hui par les grandes agglomérations. Cependant, pour pou-
voir assurer cette fonction, les grandes métropoles urbaines, qui constituent en effet les principaux
espaces de production et de consolidation des richesses, doivent également assurer celles de l’intégration
et de la cohésion sociale et culturelle.
Malheureusement, les villes marocaines, frappées par un phénomène pathologique de gigantisme et
une très forte périurbanisation sont dans l’incapacité d’assumer ce rôle. Elles sont handicapées par la
défaillance de leurs infrastructures urbaines notamment en termes d’équipements et de services publics,
par la faiblesse de leur tissu économique 2 ainsi que par la dégradation de leur paysage et de leur cadre
de vie. Elles se trouvent par conséquent fortement touchées par toutes les formes d’exclusion et de margi-
nalisation économique et sociale.
L’élaboration d’une politique de la ville définissant l’action coordonnée et intégrée de l’État, des collecti-
vités locales et de la société civile est donc de la première nécessité.
La politique de la ville intègre l’aménagement urbain mais également les actions sociales, éducatives,
économiques et culturelles. Elle est donc nécessairement multidisciplinaire, transversale et spécifique
d’une part, et partenariale, concertée et contractuelle d’autre part. Elle nécessite donc un cadre institu-
tionnel de coordination et d’intégration qui peut prendre plusieurs formes exécutives et opérationnelles 3.
Elle exige la solidarité nationale à travers une forte implication de l’État mais également un engagement
local garantissant, dans le cadre de contrats État ville ou État région, l’implication matérielle et politique des
collectivités territoriales, ainsi qu’une volonté de mise en œuvre d’un projet de territoire partagé.
1. François ASHER, Les Nouveaux Principes de l’Urbanisme : La fin des villes n’est pas à l’ordre du jour, Éditions de l’aube, 2001. L’auteur y
décrit, en empruntant un concept informatique, les transformations des liens sociaux entre la société industrielle et la « société hypertexte » ainsi
que leurs répercussions sur les activités économiques, la culture, les institutions, les paradigmes dominants,... etc., pp 34-53. Voir également Wil-
liam J. MITCHELL, City of Bits : Space, Place, and the Infobahn, The MIT Press, Cambridge, 1995.
2. Certaines villes comme Casablanca, Agadir et Tanger arrivent à drainer des investissements importants mais sans pouvoir capitaliser leurs
effets induits socio-économiques notamment en matière d’emploi et d’intégration sociale. Ceci est en grande partie dû à la très forte pression de
l’urbanisation mais également, et dans une large mesure, aux défaillances de la gouvernance locale.
3. Ces formes ne sont pas exclusives. En France, à titre d’exemple, la ville dispose d’un département ministériel qui a ses propres structures
opérationnelles comme l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), d’une Délégation Interministérielle à la Ville (DIV), d’un Conseil Natio-
nal des Villes (CNV)

183
Elle est aussi un choix politique, notamment par rapport aux grands problèmes d’aménagement urbain
que posent les questions d’insertion sociale et de sécurité qui relèvent naturellement des domaines exclu-
sifs d’intervention de l’État.
Jusqu’à présent la seule politique de la ville qui est pratiquée est celle de « l’urgence », sans vision
cohérente de laquelle sont exclus de facto le rôle et la responsabilité du citoyen, de la collectivité, de la
société civile ou des opérateurs économiques (publics ou privés). Une politique caractérisée par l’inter-
ventionnisme de l’État parfois à travers des actions répressives consolidant la rupture entre la « ville offi-
cielle » et le citoyen 1. Dans le domaine de l’habitat, l’État intervient à travers des opérations de
« relogement », de « recasement » ou de lotissement, qui répondent certes à des besoins réels, mais qui
réduisent les problèmes de la ville à la seule question du logement.
La ville, la « cité », est un corps complexe fabriqué dans le temps, au delà des urgences, à travers des pro-
cessus intégrés. Elle ne peut être réduite à la seule fonction de loger, même si elle en constitue la compo-
sante principale, ni à aucune autre fonction exclusive. Le citoyen qui y migre n’y recherche pas
prioritairement un logement 2, c’est d’ailleurs pour cela qu’il accepte d’habiter, « provisoirement » dans des
conditions de grande insalubrité. En venant en ville, le citoyen recherche avant tout les services qu’elle pro-
cure, l’emploi, les loisirs, la qualité de la vie urbaine, l’urbanité.
La ville malgré le fait qu’elle ait toujours rassemblé des individus et des groupes d’origines diverses était
un « état d’esprit », une « mentalité » un ensemble sociologique cohérent. Les gens, les activités et les dif-
férentes fonctions urbaines s’y côtoyaient dans un tout urbain cohérent. Elle devient aujourd’hui un corps
composite et éclaté, constitué d’éléments hétérogènes et de référentiels « importés », un « melting-pot »
social et culturel où plusieurs entités sociologiques coexistent sans relations évidentes entre elles. Elle
devient donc une réalité très difficilement saisissable, mais pouvant malgré tout constituer le cadre de
cohésion et d’intégration souhaité, moyennant une réelle prise de conscience politique ainsi que des
approches et des outils d’intervention adaptés.
La ville est « une réalité malléable » qui n’attend que « l’empreinte d’une identité » et qui « prend forme
autour de l’individu » ou du corps social qui la compose 3. En effet, les villes ont ceci de commun qu’elles
constituent un espace, partagé à plusieurs égards, où les individus sont obligé de coexister, d’inter acter et
de communiquer 4, autrement, elles génèreraient toutes les formes de manifestations violentes ainsi que les
effets pervers des conflits culturels et des luttes de classes 5 .

1. Le Maroc a récemment lancé en partenariat avec le PNUD et UN-Habitat une campagne nationale sur la sécurité résidentielle mettant en
avant la corrélation de cette dernière avec l’intégration économique et sociale et avec la mise à niveau urbaine. Nous savons comment par le
passé des quartiers entiers d’habitat insalubre ont été évacués de force parfois avec des méthodes d’une très grande violence.
2. Les conditions et la qualité de vie dans l’habitat rural sont à plusieurs égards plus comfortable que dans un bidonville.
3. Ibid. p 309
4. HANNERZ. Ulf : Explorer la ville, éléments d’anthropologie urbaine, traduit de l’anglais par ISAAC. Joseph, Les Éditions de Minuit, Paris
1996, p. 303
5. Même si la « lutte des classes », un des concepts fondamentaux des théories marxistes de l’évolution et du progrès social, a cédé la place
dans les pays développés aux concepts d’intégration, de cohésion, ... etc., dans les pays en développement, il est en « hibernation », mais prêt à
en sortir et à être récupéré à l’occasion de chaque crise politique ou sociale

184
2. La politique urbaine

Défaut de politique ou politique par défaut

La ville, « polis », de la Grèce fondatrice de la démocratie, est le lieu privilégié de l’expression et de la mani-
festation des enjeux économiques et sociaux, dont la gestion est le propre de la « Politique » 1 à laquelle elle
est allée jusqu’à donner le nom 2.
L’urbanisme est une discipline créée au début du XXe siècle pour établir des bases scientifiques, écono-
miques, sociales et techniques permettant de « dire le vrai » sur la conception et l’aménagement des villes et
pour argumenter, arbitrer et gérer les enjeux, les luttes et les conflits urbains. Ainsi l’urbanisme a tou-
jours été au service des politiques urbaines. Il est, de ce fait même, le principal outil de mise en œuvre de
toute politique de la ville.
Le Maroc se caractérise aujourd’hui par l’absence de politique urbaine. Depuis la politique coloniale
« ségrégative » du début du XXe siècle, et après la politique réactive, pour ne pas dire réactionnaire, des
années 80 fondée sur un urbanisme coercitif, aucune politique alternative cohérente n’a été proposée.
La politique urbaine coloniale, basée sur l’idéologie de « pacification » culturelle et sociale de Lyautey, a
produit dans une première phase des villes duales 3 sur la base des doctrines de l’urbanisme moderne et a
permis, à côté de villes modernes de grande qualité, conçues selon les règles avant-gardistes, de préserver
les formes urbaines traditionnelles et en particulier les Médinas 4. Dans une deuxième phase, qui correspond
à la prise en charge des affaires de la ville et de l’urbanisme par Michel Ecochard, elle a tenté de faire face à
la pression de l’urbanisation et aux effets négatifs qu’elle a pu avoir sur la ville, notamment en matière d’habi-
tat social et de prolifération des bidonvilles.
La politique des années 80 quant à elle a tout simplement confondu les causes et les effets des défail-
lances socio-économiques structurelles. Elle a considéré que l’urbanisme contribuait dans une large
mesure aux dysfonctionnements que connaissaient les villes et la société marocaines. Ce qui a conduit au
choix politique, déterminant pour l’avenir, de le mettre sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur. L’urba-
nisme est ainsi devenu d’une part un outil de régulation politique et économique 5 et d’autre part un
moyen de coercition basé sur une réglementation urbaine très rigide.
Dans les deux cas 6 on a, à tort, imputé à l’exode rural et aux problèmes du logement et de l’habitat tous
les maux des villes, en particulier ceux des grandes agglomérations.
Aujourd’hui, la ville continue à être gérée sur la base de pratiques et avec des outils réglementaires en
décalage total avec les évolutions récentes que connaissent la société, le paysage politique et économique

1. Avec un grand « P »
2. Paul VIRILIO, in Ville Panique, p. 84
3. Un urbanisme à travers lequel ont pu coexister, dans un cadre de respect mutuel plusieurs formes urbaines, mais que certains chercheurs
ont qualifié d’« apartheid urbain ». Si cette qualification peu être admise d’un point de vue strictement idéologique, elle nous semble exagérée
en considération de la sincérité et de l’engagement des concepteurs de cet urbanisme pour le respect et la sauvegarde des formes urbaines et
architecturales marocaines et des formes urbaines qui en ont résultées. Voir Janet L. Abu-Lughod, Rabat, Urban Apartheid in Morocco, Princeton
University Press, Sept. 1, 1980.
4. Tout en ayant permis de conserver leur morphologie urbaine, cette politique a cependant conduit à une dégradation de la typologie archi-
tecturale par défaut d’approche intégrée permettant aux médinas de faire face à la pression démographique et à une densification incontrôlée.
5. C’est en grande partie grâce à l’urbanisme que se sont constituées de très grandes fortunes ainsi que toute une « élite » politique de l’épo-
que.
6. Il y en aurait un troisième qui confirme les deux cas précédents. C’est l’attitude des pouvoirs publics suite aux attentats terroristes du 16
mai 2003 à Casablanca qu’on a trop facilement lié à l’habitat bidonvillois d’où ses auteurs sont originaires.

185
du Maroc ainsi que les villes et les territoires de par le Monde. À l’explosion urbaine que les villes maro-
caines ont connue depuis le début du siècle précédent, du fait du développement industriel, s’est progres-
sivement substitué ce qui pourrait être qualifié d’implosion urbaine 1. Les causes de cette implosion ne sont
certainement pas exogènes, il serait illusoire par exemple d’aller chercher dans les campagnes les solutions
à des problèmes endogènes à la ville 2
Cette implosion, qui résulte de la désintégration des schémas d’organisation socio-spatiale, est aggra-
vée par la faiblesse du tissu économique et des structures d’accueil de la ville.
Elle est soutenue également par le développement des revendications sociales et par l’absence d’un
schéma de substitution, ainsi que celle d’une politique urbaine sinon partagée, du moins clairement
exprimée. Par conséquent, et face à l’inexistence de toute maîtrise d’ouvrage sociale urbaine, la « cité » est
prise en charge par l’habitant 3, totalement ou partiellement, sur la base de référentiels souvent inadaptés
au mode de vie urbain produisant un urbanisme dit informel ou clandestin 4, également et plus justement
qualifié d’« urbanisme auto-produit ».
À défaut de politique urbaine, et depuis quelques années, la gestion des affaires « courantes » de la ville,
une ville vieillissante, éclatée, composite, malade, diffuse, est heureusement assurée, mais dans l’improvi-
sation 5. L’urbanisme a entrepris une tentative de réconciliation du citoyen avec la ville, à travers des
actions circonscrites 6.
Parce que la ville est l’affaire de tous, celle de l’État, de la collectivité, des opérateurs économiques et,
de plus en plus, celle du citoyen, la politique urbaine aujourd’hui doit être une politique de concertation, de
partenariat et d’écoute. Autrement, il en résulterait toutes sortes de dérives, autoritaires, populistes ou
anarchistes. Elle exige la démocratisation des débats techniques pour que l’habitant puisse vivre et
s’approprier sa cité, contribuer à son élaboration et à ses mutations. Elle nécessite une gestion urbaine de
proximité 7 même si la taille des villes d’aujourd’hui rend de plus en plus difficile une implication directe des
individus dans les affaires de la communauté, dans un contexte ou l’administration démocratique des
affaires de la cité marocaine peine à se mettre en place.
Par nature, l’urbanisme ne peut être que démocratique. Mais, cette affirmation trouve ses limites au

1. Paul VIRILIO dénonce de façon assez virulente les méfaits de la saturation spatiale et démographique des agglomérations métropolitaines
et leurs conséquences sur les grandes villes européennes, in P. VIRILIO, Ville Panique, p. 21
2. Aucune des tentatives de limitationn de l’exode rurale par la rétention des populations, à travers des opérations d’habitat, n’a abouti dans le
passé (les villages pilotes des années 70, les opérations d’habitat intégré des années 90, etc.). Dans les meilleurs des cas, i.e. le programme
PAM, elles ont eu un succés très limité. Aujourd’hui on se lance à nouveau dans des programmes d’habitat rural sous la forme d’une campagne
nationale de zones d’aménagement progressif (ZAP). La tendance de stabilisation démographique dans les campagnes étant confirmée par le
RGPH 2004, ce n’est qu’à travers l’accès aux services de base que peut être assuré le développement de l’espace rural.
3. Des agglomérations entières comme Taourirt, Sidi Taibi et bien d’autres ont été crées et se sont développées en marge de tout cadre
réglementaire officiel avec une complicité bienveillante des autorités et des élus locaux.
4. Cet urbanisme pourrait être interprété comme un acte de désobéissance civique au regard des risques matériels et pénaux conscients des
contrevenants à la loi et en réaction d’une part à l’incapacité des lois et règlements en vigueur à répondre à des besoins effectifs et d’autre part à
leur manque de réactivité.
5. Depuis 1998, les grands problèmes des villes sont réglés par des circulaires ministérielles ou interministérielles qui ont pu permettre d’inau-
gurer un certain nombre de bonnes pratiques. Malheureusement, tous les projets de lois visant leur consolidation et leur pérennisation se sont
heurtés au manque de consistance et à l’absence de coordination de l’action gouvernementale.
6. Cette démarche, mise en œuvre depuis quelques années par le biais de circulaires interministérielles ou ministérielles, a permis, même en
marge des procédures réglementaires, de redynamiser l’investissement tout en corrigeant un certain nombre de dysfonctionnements des docu-
ments d’urbanisme. Mais elle n’a pas pu être consolidée et pérennisée à travers l’édiction de textes de loi sachant que des projets ont été mis
dans le circuit d’approbation sans jamais en être sortis. Il s’agit en particulier du projet de loi 42/00.
7. La concertation et la proximité ne sont pas étrangères aux traditions marocaines de gestions des affaires de la cité. Rappelons la rigueur et
l’efficacité avec lesquelles les affaires des citoyens et les enjeux de la cité étaient réglés dans le cadre d’institutions telles que le Mouhtassib, la
Jemâa ou les corporations professionnelles.

186
Maroc dans la fragilité et le manque de maturation de la démocratie locale et dans le caractère fortement
centralisé de l’administration qui avance lentement dans le processus de déconcentration de ses struc-
tures et de ses institutions. Ceci impose donc l’adoption d’une démarche progressive, itérative et didac-
tique pour rapprocher le citoyen des affaires de la Cité. En effet, le temps et l’espace de la ville ne
correspondent pas toujours à ceux de ses habitants, qui ne peuvent les inscrire que dans le conjoncturel, et
encore moins à ceux de ses gestionnaires, surtout les politiques parmi eux, que cela soit au niveau national
ou local, qui n’arrivent pas, ou rarement, à les inscrire au-delà de leur mandat électoral 1.

3. La planification urbaine

Urbanisme intégriste ou urbanisme intégré

La ville résiste à « l’urbanisme unificateur et normatif ; elle résiste à toutes les utopies, à tout ce qui
se propose comme un préalable » 2.
Le système de planification urbaine au Maroc a atteint ses limites. Les transformations rapides et pro-
fondes que connaît le pays aussi bien aux niveaux politique, économique et sociale qu’aux niveaux tech-
nologique, culturel et spatial imposent la recherche de nouvelles approches de planification, d’aménagement
et de gestion de l’espace.
L’urbanisme n’est pas une fin en soit, il est l’outil de mise en œuvre d’une politique urbaine 3, autre-
ment cela devient du « planisme » sans autre but que celui de satisfaire politiquement le maître de l’ouvrage
(l’État ou les collectivités) et intellectuellement l’urbaniste maître d’œuvre du plan 4.
La planification urbaine d’anticipation exige un minimum de visibilité autrement, elle se trouve rapide-
ment en décalage par rapport aux évolutions du contexte auquel elle est sensée s’adresser. Devant ce
manque de visibilité 5, elle est appelée à être plus réactive, à travers un urbanisme de projets qui consiste à
travailler la ville au « corps à corps ». L’urbanisme prévisionnel et réglementaire, qui devait prévoir et enca-
drer l’urbanisation des territoires sur la base de prévisions et de scenarii de développement économique et
social, devrait céder la place à une gestion urbaine stratégique basée sur la définition d’objectifs de déve-
loppement et de projets d’aménagement urbain. En d’autres termes, il ne s’agit plus de faire la ville mais de
la laisser se faire en l’accompagnant par des actes volontaires et des actions thérapeutiques.

1. Il est très difficile de demander à une population qui a des difficultés à vivre au jour le jour de se projeter ou même d’imaginer ce serait leur
espace de vie dans le future. Mais, il est par contre naturel de l’exiger des classes politiques dont la raison d’être est justement de se projeter
dans le future pour préparer le cadre et les conditions de vie de leurs électeurs.
2. Alain CHARRE, « L’intellectuel, la mégalopole et le projet urbain », in Les nouvelles Conditions du Projet Urbain : Critiques et méthodes,
sous la direction d’Alain CHARRE, in Mégalopole No 22 et dernier, Édition Pierre Mardaga, Spirmont (Belgique), 2001, p. 11.
3. Cette politique ne saurait être sectorielle parce que la ville ne peu pas être limitée à une fonction unique autrement elle produirait des villes
unidirectionnelles, un urbanisme intégriste au lieu d’un urbanisme intégré.
4. Les années 60 et 70 ont connu un courant d’urbanisme à travers le Monde, que certains chercheurs ont qualifié d’ « urbanisme intégral et
conquérant » (in Jean-Christophe BAILLY, La Ville à l’œuvre, op. cit., p. 59) et qui s’est manifesté soit à travers l’élaboration de modèles théo-
riques, soit par la création de villes entières (Brazilia, Chandighar, Dacca et plut tard Putrajaya et Cyberjaya) qui ont connu des succès variables. Au
Maroc, à partir de la fin des années 70, l’élaboration des documents d’urbanisme à été confié aux architectes du secteur privé. Ceci a conduit à un
changement qualitatif dans l’approche de la planification urbaine mais également à des pratiques occultes autour des enjeux urbains.
5. Le manque de visibilité est dû à la nature même et aux aléas de l’économie mais il est également le fait de la tendance lourde et universelle
à l’accélération du temps économique, politique et social.

187
La ville est un espace de production et de consommation. De nouvelles fonctions urbaines naissent,
de nouveaux « objets » urbains sont mis sur le marché. Ils créent de nouveaux besoins chez le citoyen ;
des besoins de consommation, des besoins de mobilité, des besoins de temps et de loisirs. Ils exigent par
conséquent de nouvelles formes urbaines et une approche intégrée de la planification de l’espace 1.
Ces transformations ont comme corollaire des changements dans le rythme, les méthodes de travail, dans
les modes de transport, dans l’utilisation du temps libre. Ils nous interpellent sur les nouveaux besoins de
l’usager de la ville.
Les documents d’urbanisme au Maroc ont souvent traité des formes urbaines 2, sans trop se soucier de
l’urbanité, c’est-à-dire du désir de vivre la ville, la cité d’élection (le lieu d’expression de la citoyenneté) et
l’espace de l’habiter (le lieu d’expression de la citadinité). La planification urbaine doit inventer des
concepts nouveaux qui permettent l’inscription des actions sur la ville dans les dynamiques urbaines univer-
selles. La ville n’est pas une succession d’images instantanées et immuables comme elle a été imaginée et
conçue jusqu’à présent dans les documents d’urbanisme. C’est au contraire un corps vivant qui doit être
accompagné dans toutes ses phases de croissance et de développement.
Les documents d’urbanisme actuels (SDAU, PZ, PA), même s’ils peuvent, sous une forme plus allégée
et plus souple, encore permettre d’orienter et d’encadrer le développement des petites et des villes
moyennes, ils ne sont plus adaptés aux grandes mégalopoles. Le paysage de la ville d’aujourd’hui « a
beau avoir été programmé, décrit, appréhendé, tout se passe comme si aux grosses flèches des schémas
directeurs il répondait par la multitude de flèches d’un jeu de pistes morcelé et insaisissable » 3. Les agglomé-
rations urbaines ont plutôt besoin de schémas d’orientation et de plans sectoriels comme cadre de mise à
niveau et en cohérence des projets et des services urbains.
En effet, la ville du XXIe siècle doit se distinguer par la qualité et l’envergure de ses activités et par l’effi-
cacité de sa gouvernance. Elle doit être une place financière, une place commerciale, un lieu d’innovation et
de développement de la recherche, un centre universitaire performant. Elle doit créer et développer une
image de marque à travers une qualité urbaine et architecturale et à des atouts environnementaux, patrimo-
niaux et culturels.
Une planification stratégique, le souci permanent du développement durable, des projets urbains
comme catalyseurs de développement et de mise à niveau, une gouvernance locale rationnelle, transpa-
rente et démocratique, c’est à ce prix que les grandes villes marocaines peuvent être compétitives 4. C’est
ainsi qu’elles peuvent prétendre à une place dans le cercle très restreint des agglomérations qui
encadrent et déterminent le développement planétaire. Autrement, elles devront se contenter de jouer les
seconds rôles au niveau national ou, au mieux, continental.

1. Des études d’accompagnement des documents de planification urbaine visant cette intégration ont été initiées par la Direction de l’Urba-
nisme. Il s’agit d’études sur le temps urbain, sur le commerce et les services, sur l’aménagement des espaces libres, etc.
2. Toutes les écoles d’urbanisme ont eu des tendances formalistes qui ont joué un rôle important dans l’amélioration de la conception du
cadre de vie urbain. C’est lorsque le formalisme devient un objectif en soit, ce que l’on voit dans la majorité des documents d’urbanisme qui ont
été produit les dernières décennies, sans ancrage dans la réalité, que ses effets négatifs apparaissent sur leur mise en œuvre.
3. In La ville à l’œuvre, op. cit., P104
4. Cela nécessite une refonte globale du système de planification, d’aménagement et de gestion urbains à travers l’élaboration d’un nouveau
corpus de lois sur l’urbanisme. Dans le cadre du mode de gouvernance qui doit accompagner la politique d’aménagement du territoire, le SNAT
prescrit l’élaboration d’une « loi d’orientation urbaine » dans laquelle le foncier constituerait la composante principale. Voir Synthèse du SNAT, op.
cit., p.98. Aujourd’hui, un chantier important visant la refonte globale de la loi sur l’urbanisme a été ouvert par le Ministère chargé de l’Habitat et de
l’Urbanisme. L’aboutissement de ce projet, dont le secrétariat et la maîtrise d’œuvre ont été localisés à la Direction de l’Urbanisme, constitue une
des principales conditions du déblocage de la seconde tranche du prêt d’aide au développement économique et social accordé par la Banque
Mondiale suite à la visite que sont Président a effectué au Maroc en Février 2003. Ce projet devrait être introduit dans les circuits d’approbation au
mois de septembre 2006.

188
4. Le foncier urbain

Complexité et anachronisme

Le foncier est le premier enjeu des luttes et des conflits urbains sur lesquels l’urbanisme est appelé à se
prononcer, à « dire le vrai ».
Dès le début du siècle dernier, et avant même la loi fondatrice de l’urbanisme moderne au Maroc, l’admi-
nistration du protectorat a compris l’importance de la maîtrise du foncier. En 1913 le dahir sur l’immatri-
culation des immeubles a été promulgué avec le double objectif d’assurer les milieux économiques et
financiers et de pérenniser les actions d’aménagements urbains.
Tout en garantissant et en sécurisant la propriété foncière le Dahir de 1913 a permis la constitution des
premières réserves foncières publiques. Il a également permis à des grands groupes immobiliers privés
(i.e. Balima à Rabat et Mannesman à Casablanca) de tirer profit de ses nouvelles dispositions pour constituer
à leur tour de grandes réserves foncières et de mener de grandes opérations urbaines concertées 1.
Cependant, sous la pression de l’urbanisation, aggravée par l’exode rural, une bulle spéculative sur le
foncier s’est très vite développée dans les principales agglomérations du pays, provoquant les premières
grandes difficultés de réponse à la demande de logement social malgré tous les efforts visant le ren-
forcement du patrimoine foncier public 2.
Depuis l’indépendance, les villes ont été témoins d’une consommation abusive du patrimoine foncier
public, sans effort particulier pour le renouveler. Ainsi, elles ont été progressivement engagées dans les tra-
vers d’un « urbanisme d’opportunités foncières » qui a conduit à la plupart des dysfonctionnements
qu’elles connaissent aujourd’hui. Cet urbanisme a été l’une des principales causes de la pénurie, aujourd’hui
structurelle, de terrain propres à l’urbanisation. Il a fait que la ville se fabrique à la limite du tolérable en terme
de sécurité et de développement durable et en marge du cadre réglementaire.
La pénurie de foncier urbanisable est aggravée par la complexité des statuts fonciers 3 et la dualité
des régimes juridiques qui les régissent 4 et qui sont en totale inadéquation avec les textes régissant l’urba-
nisme et notamment les lois 12/90 et 25/90. Ceci entrave la mobilisation des terrains par les opérateurs
publics et privés, et encourage toutes les formes de dérives urbaines.

1. Un des exemples les plus prestigieux est celui de l’Avenue Mohammed V (ex Avenue Dar El Makhzen) à Rabat.
2. Michel ECOCHARD avait très bien pris la mesure des enjeux fonciers et s’était engagé dans une large campagne de développement des
réserves foncières publiques avec toutes les difficultés que cette campagne a suscitées et qui sont décrites dans Casablanca : le Roman d’une
Ville, Édition de Paris, Paris 1955.
3. Les statuts guich et collectifs, habous, militaires et tous les statuts publics ou à caractère public (domaine privé de l’État, domaine forestier,
domaines communaux et une multitude de domaines publics... etc).
4. La zone anciennement sous protectorat espagnol est régie par un Dahir Khalifien qui rend difficile l’immatriculation foncière conformément
au Dahir de 1913. L’unification des régimes fonciers constitue une action stratégique pour assurer le suivi du développement urbain et pour
asseoir et pérenniser une croissance économique durable. L’immatriculation foncière groupée, nécessairement préfinancée par l’État, est parmi
les outils les plus adéquats, malgré son coût élevé, pour atteindre cet objectif. Un projet de loi sur « les droits réels » est en cours de discussion au
niveau du gouvernement. Il pourra également contribuer à pallier certains dysfonctionnements des lois actuelles.

189
5. Urbanisme opérationnel

De la représentation de la ville à la ville réelle

L’urbanisme prévisionnel planifie l’espace pour des utilisateurs virtuels, pour un citoyen théorique, sur
la base d’un profil socio-économique prédéterminé et de projections de développement. À l’inverse, l’urba-
nisme opérationnel s’adresse à des opérateurs économiques et des citoyens réels et concerne souvent
des espaces et des formes urbains constitués.
Les grandes villes marocaines ont atteint un niveau de saturation qui rend difficile sinon impossible leur
évolution dans le cadre de l’urbanisme prévisionnel, souvent en opposition au vécu urbain, parfois de façon
antagonique. Elles ont besoin d’un urbanisme basé sur des approches pragmatiques et réalistes.
Parmi ces approches alternatives, la rénovation, la réhabilitation, le renouvellement urbains sont des
outils plus à même de mettre à niveau et reconstruire la ville, et les grandes opérations d’urbanisme pour
créer de nouveaux centres urbains ou renforcer des centres existants.
L’urbanisme opérationnel requiert la maîtrise du foncier et du financement, 1 ainsi qu’un cadre institu-
tionnel et réglementaire.
Au plan institutionnel, il n’existe de fait aucun organe de coordination et de mise en œuvre des projec-
tions des documents d’urbanisme ni au niveau local ni au niveau central. Le dispositif mis en place par la loi
12/90 relative à l’urbanisme, attribuant à l’État le rôle de concepteur qui établi ces documents et à la collecti-
vité locale le rôle d’opérateur qui doit veiller à leur mise en œuvre, a montré ses limites, ses dys-
fonctionnements et ses incohérences.
Au plan du financement, les collectivités locales et les pouvoirs publics n’ont jamais été à même de
prendre en charge à eux seuls le coût de l’urbanisation. A l’échelle de l’ensemble du territoire national, la
moyenne de réalisation des prévisions des documents d’urbanisme arrive difficilement à atteindre un taux de
30 % 2.
Au plan foncier, la complexité des procédures d’expropriation, l’absence d’une politique foncière
urbaine et d’une loi d’orientation foncière, rendent quasi impossible la maîtrise d’ouvrage urbaine et
par conséquent la maîtrise du processus et du coût de l’urbanisation.
Au plan réglementaire, en dehors des lotissements et des groupements d’habitations 3, les outils actuels
sont totalement inadaptés à l’urbanisme opérationnel. Il n’en existe aucun qui permette la mise en œuvre
de projets urbain financés, qui définisse un cadre de concertation et de partenariat, qui précise des modes et
des formes de financement 4 et qui assure la maîtrise foncière 5.

1. Ces deux aspects ont été parfaitement compris par Lyautey. Très tôt, il a mis en place d’importants moyens financiers, il a créé la conserva-
tion foncière et instauré l’immatriculation qui, tout en garantissant la propriété, ont permis la constitution des premières réserves foncières
publiques. Voir les écrits fondateurs et les récits sur l’urbanisme moderne au Maroc.
2. Ce taux arrive tout juste à dépasser les 15 % pour les équipements publics et municipaux.
3. Régis dans un cadre réglementaire extrêmement contraignant par la loi 25/90. Ils ne concernent que certaines opérations nouvelles. Les
projets de renouvellement, de requalification ou de réhabilitation urbains ainsi que les grandes opérations intégrées comme les villes ou les zones
d’urbanisation nouvelles en sont exclues de facto.
4. Des projets de lois sur les « Zones d’Aménagement Concerté » et sur le « Droit de Priorité » ont été introduits dans les circuits d’approba-
tion et, même s’ils sont aujourd’hui dépassés sur un certain nombre d’aspects, ils peuvent constituer une base pour des projets de lois plus adap-
tés.
5. Quelques réalisations datant de la période du protectorat sont considérées aujourd’hui comme des réussites, certaines, plus récentes et
non encore achevées ne peuvent encore faire l’objet d’évaluation, mais les unes et les autres étaient portées par une très forte volonté politique. Il

190
L’urbanisme opérationnel peut prendre corps sous la forme d’un aménagement concerté qui est une
procédure, largement expérimentée notamment en France, permettant aux pouvoirs publics de réaliser des
opérations d’aménagement urbain.
Trois idées directrices sont à la base de ces opérations : l’édiction de règles d’urbanisme particulières,
l’engagement de l’État et des collectivités locales concernées à réaliser les équipements publics, l’éta-
blissement de rapports contractuels entre les pouvoirs publics et l’aménageur (public ou privé) dans le
cadre de sociétés d’économie mixte chargées d’acquérir le terrain, de l’équiper et de le commercialiser.
C’est un urbanisme avec une très forte implication de l’État.
Il peut également prendre d’autres formes ou l’État jouerait plutôt un rôle d’incitateur et de facilitateur à
travers les immatriculations groupées nécessaires pour la sécurisation de l’opération d’aménagement, le
remembrement urbain 1 garantissant la viabilité des opérations d’aménagement, l’incitation à la constitution
d’associations syndicales de propriétaires urbains 2 pour mutualiser les moyens financiers et fonciers et le
partenariat avec le secteur privé 3 pour le consolider et le professionnaliser.
Il y a lieu de prévoir également des mesures incitatives destinées à encourager les opérations de renou-
vellement, réhabilitation et requalification. Cela pourrait se faire à partir de la délimitation de zones pour les-
quelles seraient édictés des règlements d’urbanisme et des dispositions fiscales particulières. Ces zones
seraient considérées comme des territoires de projet pour encourager l’investissement particulièrement
dans les secteurs de l’immobilier, du commerce, des services les plus créateurs d’emplois 4.
Du fait de sa nouveauté, cette démarche nécessite un cadre institutionnel public 5 au Maroc, d’une part
pour engager des opérations pilotes et initier un savoir faire destiné à asseoir la démarche et à ouvrir la voie
aux opérateurs privés, et d’autre part pour prendre en charge un certain nombre d’opérations qui relèvent
de l’action publique notamment les opérations à caractère social.
Elle nécessite également un levier financier permanent qui permette d’intervenir dans les secteurs
sociaux défavorisés et dans des opérations publiques ou à caractère public. Il pourrait prendre la forme d’un
Fond de Mise à Niveau Urbaine, à l’instar du Fond de Solidarité Habitat (FSH) 6.

s’agit pour les premières des quartiers habous de Rabat et Casablanca, et de certaines opérations de logements d’entreprises notamment à
Mohammedia et Khouribga et pour les secondes des projets de Sala el Jadida et Hay Ryad.
1. Codifié pour la première fois par Dahir en 1914.
2. Réglementé par Dahir en 1917.
3. Un nombre très limité d’expériences d’opérations d’aménagement urbain en partenariat avec le privé ont été tentées avec des succès miti-
gés par l’ex ANHI (Agence Nationale de Lutte contre l’Habitat Insalubre) à El Jadida, Tamara et Berkane. Plus récemment les Organismes Publics
de l’Habitat se sont engagés dans une nouvelle approche de partenariat consistant à mettre à la disposition des opérateurs privés de parcelles à
des coûts très avantageux. Cette démarche a été initiée suite la mise à disposition du Ministère délégué auprès du Premier Ministre chargé de
l’Habitat et de l’Urbanisme d’un patrimoine foncier domanial important (une première tranche de 3500 ha) et à la volonté de liquider un grand stock
de lots de terrain invendus
4. En France, dans la même optique urbaine, ont été crées des Zones Franches Urbaines (ZFU) prioritaires dans des zones sensibles ou des
zones de redynamisation urbaine pour la mise en œuvre, dans le cadre de la politique de la ville, du programme de renouvellement urbain lancée
par le gouvernement de M. RAFARIN.
5. Ce cadre institutionnel peut être assuré selon la nature du projet par des organismes opérationnels relevant de la CDG ou par un OPH, Al
Omrane en l’occurrence. En France, à titre de comparaison, on a créé des agences spécialisées comme l’Agence de Rénovation Urbaine (ARU)
dont la mission consiste essentiellement à la mise en œuvre de projets d’aménagement dans des tissus urbains dégradés.
6. En dehors de la contribution foncière des riverains prévue par la loi 25/90 relative aux lotissements et aux groupements d’habitation,
aucune participation au coût de l’urbanisation n’est perçue. Seules les taxes urbaines et d’édilité et le coût des hors site sont perçus par les muni-
cipalités et depuis peu par les régies ou les concessionnaires des services municipaux. Des plus values foncières très importantes sont ainsi
créées par de simples actes ou décisions administratives dans le cadre des documents d’urbanisme sans que cela n’occasionne aucune participa-
tion financière. Cette contribution aura également des effets induits sur le ralentissement de la périurbanisation et sur l’atténuation de la bulle spé-
culative sur le foncier.

191
6. Les nouvelles formes d’urbanisation

Une vision stratégique pour un acte stratégique

Les nouveaux espaces d’établissement de l’homme ont de tout temps été l’objet d’utopies écono-
miques, sociales, politiques, spatiales et d’idéaux de vie. Toutes ces utopies ont été construites sur un fond
de recherche permanente de progrès humains. De la cité antique de Platon ou le progrès est réalisé par la
démocratie, à la « Cité Radieuse » de Le Corbusier où c’est la technologie qui en constitue le vecteur domi-
nant, à « Broadacres City » de Frank Loyd Wright qui prône le retour aux sources ou encore à la « Garden
City » de Ebenezer Howard qui tente de concilier les trois utopies, l’homme a toujours aspiré au meilleur
pour son cadre de vie. Les théoriciens de l’urbanisme ont tenté par leur imagination une projection accélé-
rée dans le temps pour rattraper l’histoire, car c’est le temps qui consolide et pérennise le cadre de vie et
l’espace de la cité 1.
Jusqu’à présent, toute la production urbanistique prévisionnelle ou opérationnelle au Maroc, en parti-
culier les grandes opérations d’urbanisme, a été traitée, quel que soient sa taille et sa complexité, sous la
forme d’opérations d’extension urbaine, au grès des opportunités foncières et généralement dans les
périphéries de villes. Cette approche a eu pour conséquence une consommation incontrôlée des terrains
périurbains qui devraient normalement constituer des réserves stratégiques notamment pour les grandes
agglomérations 2. Elle a également entraîné un développement tentaculaire et horizontal produisant des
effets négatifs sur le paysage urbain, sur la gestion de l’espace, du transport, de la circulation, du déplace-
ment et sur les services municipaux du fait du débordement des villes de leur site naturel 3.
Par ailleurs, toutes les nouvelles zones d’urbanisation 4 initiées par l’État au cours des dernières décennies
ont eu pour vocation principale l’habitat. Et même lorsque exceptionnellement des efforts sont consentis
pour y créer des activités économiques elles sont souvent en décalage par rapport au profil socio profes-
sionnel des habitants cible qui sont constitués, à de très rares exceptions près, par des populations à faibles
revenus. Ainsi elles deviennent ou deviendront inéluctablement des concentrations de pauvreté, des
espaces de ségrégation sociale et fonctionnelle dont les effets induits sont difficiles à corriger à posteriori.
Toute création urbaine nouvelle doit être portée par une vocation forte destinée à promouvoir son déve-
loppement. Cette vocation ne saurait être exclusivement résidentielle au risque de produire des cités dor-
toirs qui ne remplissent rien d’autre que la fonction d’habiter 5. Elle ne saurait non plus être liée à une

1. On peut également citer la ville futuriste de Antonio Sant’Elia (la « Citta Nuova ») ou la cité linéaire de Arturo Soria y Mata ou également la
« Cité Industrielle » de Tony Garnier. Sur les utopies du XXe voir Robert FISHMAN, L’utopie urbaine au XXe siècle, Éditions Pierre Mardaga, Col.
Architecture c Recherche, traduit de l’anglais, Bruxelles/Liège, 1979
2. Aujourd’hui toutes les grandes agglomérations marocaines sont en train de consommer leurs dernières ressources foncières urbanisables,
et d’entamer sérieusement le patrimoine des terres agricoles fertiles y compris les périmètres irrigués réalisés à grand coût par l’État.
3. Voir l’analyse du processus de « sortie de site » de la ville de Rabat dans l’étude du Schéma d’Organisation Fonctionnelle et d’Aménage-
ment (SOFA) de l’Aire Métropolitaine Centrale (AMC) élaborée pour le compte de la Direction de l’Aménagement du Territoire par le BET Dirasset
avec la collaboration de Félix DAMETTE.
4. Appelées également zones d’urbanisation nouvelles ou bien villes nouvelles même si le concept n’est pas adapté. Les plus importantes
parmi elles sont Hay Ryad à Rabat, Hay al Mohammadi à Agadir, Selouane à Nador sous forme de lotissements et Sala Al Jadida à Salé sous forme
de « grands ensembles ».
5. « Habiter, travailler, se cultiver le corps et l’esprit » est la devise des urbanistes du « Mouvement Moderne » pour les villes du vingtième
siècle. Si cette devise est encore valable dans sa globalité et dans son esprit, elle doit être redéfinie et complétée dans sa lettre et dans son
contenu pour intégrer les éléments de la nouvelle urbanité basée sur évolution continue des technologies de l’information et de la communication
(TIC) ainsi que sur un concept totalement revisité du temps, en particulier le temps urbain et pour intégrer le concept de mixité.

192
fonction exclusive de quelque nature qu’elle soit au risque de produire des espaces de vie et d’activité inter-
mittente ou saisonnière 1. Beaucoup de grandes agglomérations dans le monde ont entrepris la correction de
cet état de fait au prix d’efforts financiers considérables.
Les nouvelles urbanisations doivent tout d’abords éviter l’image de lieux de ségrégation ou de exclusion
sociale pour promouvoir une citadinité plurielle et une mixité urbaine. Le partage du même cadre résiden-
tiel seul, ne crée évidemment pas un sentiment d’appartenance. Mais, une ville ouverte, tournée vers l’ave-
nir, susceptible d’offrir un champs de liberté ou il serait possible d’inventer ou réinventer sa vie et de partager
l’espace est à même de permettre le développement et la consolidation de ce sentiment.
À une autre échelle, la décision de création de villes nouvelles est avant tout une décision d’aménage-
ment du territoire. Toute politique de nouvelles créations urbaines doit fournir une réponse préalable aux
deux questions fondamentales de leur intégration dans le réseau urbain national et de la capacité
d’absorption des villes existantes. Ce réseau qui s’organise aujourd’hui en pôles principaux, bipôles et
pôles secondaires connaît un équilibre très justement relevé par le SNAT comme étant un élément essen-
tiel de développement économique et social. Toute nouvelle création 2 doit donc nécessairement intégrer
cet équilibre sans le perturber 3.
Il est certes urgent de trouver des solutions aux problèmes des grandes agglomérations, mais celles-ci
ne résident pas nécessairement dans des créations nouvelles ni dans des extensions urbaines systéma-
tiques. La création de villes nouvelles est un acte stratégique qui doit être basé sur une vision straté-
gique. C’est une intervention lourde sur le territoire dont les conséquences sont difficilement prévisibles.

7. Le projet urbain

La concertation et l’opérationnalité

Le « projet urbain » 4 inspire la dynamique d’une idée, d’un dessein et d’une projection dans l’espace et
dans le temps. Il « ne produit pas des modèles mais des méthodes ouvertes stratégiquement à un faisceau

1. Les principes de l’urbanisme moderne basés sur le concept de « zoning » ont pendant longtemps attribué des fonctions exclusives aux ter-
ritoires et aux espaces urbains créant ainsi de vraies barrières spatiales et des ségrégations économiques et sociales. C’est le cas des « down
town » américains, des centres-villes européennes, des parcs d’activités économiques, des grands ensembles des banlieues, etc. qui se trans-
forment en corps sans vie et en lieux de dérives et de déviance sociales pendant certaines heures de la journée. Aujourd’hui il existe une réelle
prise de conscience parmi les spécialistes que l’avenir et la compétitivité des villes résident dans leur capacité à l’intégration et la cohésion des
populations, des activités et des services. Ce n’est pas encore le cas de la majorité des acteurs politiques et économiques de la chose urbaine.
2. Deux grandes agglomérations urbaines de plus de 250 000 habitants sont aujourd’hui en cours de création dans les périphéries de Rabat
(Sidi Yahya des Zaers) et de Marrakech (Tamansourt). Nous sommes nous posés ces vraies questions avant de les engager à grand coût financier
et foncier? Avons-nous la moindre idée opérationnelle sur leur vocation future sachant que le vocation immédiate n’est autre que celle reloger ou
« recaser » des habitants de bidonvilles? Avons-nous pensé aux problèmes liés à l’accessibilité, aux transports et aux déplacements? Avons-nous
retenu les enseignements des expériences d’autres pays? Est-ce la seule démarche pour répondre au problème des bidonvilles sachant que ce
dernier ne saurait se limiter à la question du logement? Autant de questions sacrifiées sur l’autel des urgences.
3. Il est à noter qu’une politique de création de ville nouvelle ne peut être que limitée au regard des caractéristiques et des capacités d’absorp-
tion encore importante du réseau urbain national (notamment les moyennes et petites agglomérations). À titre de comparaison, en France, moins
de dix villes nouvelles (cinq en région parisienne et quatre en province) ont été créées dans le cadre de l’option de pôles régionaux de croissance
dont les objectifs visaient à la fois à desserrer l’engorgement de Paris et à développer les métropoles régionales. Cette politique entamée en 1969
a été entièrement remise en cause abandonnée depuis 1973 après le lancement de Melun-Sénart et des Rives de l’étang de Berre.
4. Voir « Projets urbains en France », Éditions du Moniteur, Paris, 2002 qui donne quelques premières définitions et une idée assez large sur
les projet urbains dans des grandes villes françaises.

193
de disciplines capables d’intégrer la compléxité contemporaine » 1. Il se situe entre l’urbanisme qui régle-
mente et normalise l’espace et l’architecture qui répond à une question unique, précise et circonscrite. Il ne
saurait cependant se substituer à la planification urbaine qui traite des territoires sous des aspects et à des
échelles spatiales et temporelles différentes.
C’est un cadre de pensée et d’action visant à « rapprocher l’urbain de la ville », de la cité, c’est à dire du
citoyen et à exprimer de façon volontariste l’urbanité d’une ville. C’est également un levier de développe-
ment économique, social et de mise à niveau urbaine. Il se traduit par des actions concrètes ayant un impact
direct et visible sur la ville et sur le citadin. Il peut prendre la forme d’un embellissement, d’une régénéra-
tion urbaine et de toutes les thérapies en « re », du renforcement de centralité, d’aménagement d’espaces
ouverts (place, parc, etc.), nouveaux quartiers, de création ou de développement de services municipaux.
C’est un projet politique exprimant la volonté des élus locaux de promouvoir le patrimoine urbain au profit
de leurs électeurs. C’est ensuite un projet social exprimant l’adhésion des habitants directement ou par le
biais des organisations de la société civile. C’est aussi un projet économique permettant la création de
richesses et générant une dynamique d’intégration de l’homme et de ses activités. C’est enfin un projet
technique faisant appel à une maîtrise d’œuvre multidisciplinaire à même d’amener la vie à l’espace du pro-
jet et le plaisir de vivre la ville par le citadin.
On peut remonter dans l’histoire récente jusqu’au Baron Haussman et les grands travaux parisiens et re-
trouver les précurseurs du « projet urbain ». Plus proches de nous, les architectes de Lyautey, Henri Prost,
Jean Claude Nicolas le Forestier et les autres ont mené leur action plus en terme de projets urbains que de
projections spatiales et ont parfaitement intégré les notions du nouveau à promouvoir et de l’ancien à préser-
ver et à restaurer. De tout temps, les gouvernants des cités ont été confrontés à leur reconstruction ou à leur
réhabilitation pour les adapter aux exigences en perpétuel changement de leurs habitants et du contexte
économique et social.
Aujourd’hui, toutes les grandes métropoles constituées du Monde et toutes les villes émergentes sont
portées par des projets urbains 2 de tailles variées destinés à réhabiliter le « génie des lieux » 3, souvent
sacrifié à la société de consommation et à la globalisation culturelle, ou à construire une image à même de
leur permettre d’entrer dans une compétitivité des territoires à l’échelle planétaire.
Tous ces projets se rejoignent dans une prise de conscience par les États concernés du fait que le future
de la ville, considérée par tous comme le principal levier du développement à venir, ainsi que celui de la civi-
lisation urbaine passaient par un investissement volontaire et stratégique dans l’amélioration de la qualité
de la vie dans la cité et dans la régénérescence de l’urbanité.
Le projet urbain est un projet opérationnel 4 dont la réalisation doit s’inscrire dans le court terme 5. Il doit
faire l’objet d’un montage financier précisant les partenaires politiques, économiques et sociaux, sachant
que, quel que soit son niveau de participation au coût du projet et à sa genèse, l’appui de la collectivité ter-
ritoriale est une condition « sine qua non » de sa réussite. Cela doit également être un projet concerté,

1. Alain CHARRE, in Mégalopole No 22 et dernier, op. cit., p. 9.


2. Des projets urbains dans quelques grandes métropoles mondiales à titre d’illustration. Pour le big Dig de Boston, voir Http ://www.mass-
pike.com/bigdig/index.html, pour Euroméditerranée, voir http ://www.euromediterranee.fr/, pour Euralille, voir Http ://www.saem-euralille.fr/
ACCEUIL/FR–index.aspx, et pour l’Île de Nantes Http ://www.nantesmetropole.fr/07317097/0/fichepagelibre/. Au Maroc, cette prise en charge
pourrait être en partie assurée par le Fond de Mise à Niveau Urbaine.
3. Christian Norberg Schultz, Genius Loci : Towards a Phenomenology of Architecture, Rizzoli International Publication, Rome, Nov. 1990.
4. Un document d’urbanisme prévisionnel décliné en plan actions peut constituer la base d’identification de projets urbains. Cette démarche a
été adoptée pour le Plan d’Aménagement de Beni Makada à Tanger et pourrait constituer une expérience pilote. Ce serait la première fois qu’un
plan d’aménagement est traduit en actions concrètes, évaluées et prêtes à être programmées et budgétisées.
5. Ses délais moyens de réalisation varient entre cinq et dix ans et sauf pour la réalisation d’infrastructures lourdes exigeant des délais
incompressibles.

194
aussi bien au niveau de son contenu que de sa forme, notamment avec les utilisateurs et les opérateurs
économiques, car il doit répondre à des besoins réels. C’est en quelque sorte un urbanisme « à la carte »
pour des exploitants préalablement définis et identifiés. Le projet urbain peut, par ailleurs, constituer un levier
opérationnel efficace pour la mise en œuvre d’une politique de la ville.
Les expériences de tous les grands projets urbains à travers le monde ont sollicité une large participation
de l’État 1. Mais elles ont également impliqué une participation de la part des collectivités et surtout de la part
des investisseurs privés soit dans le cadre d’une contribution au coût de l’urbanisation ou dans le cadre d’un
montage de projets commerciaux.

Références bibliographiques

Ouvrages
ABU-LUGHOD, Janet L., Rabat, Urban Apartheid in Morocco, Princeton University Press, Sept.1, 1980.
ASHER, François, Les Nouveaux Principes de l’Urbanisme : La fin des villes n’est pas à l’ordre du jour, Édi-
tions de l’aube, 2001
BAILLY, Jean-Christophe, La Ville à l’œuvre, Les Éditions de l’Imprimeur, Collection Tranches de Villes,
Paris, 2001
ECOCHARD, Michel Casablanca : le Roman d’une Ville, Édition de Paris, Paris 1955
FISHMAN, Robert, L’utopie urbaine au XXe siècle, Éditions Pierre Mardaga, Col. Architecture+Recherche, tra-
duit de l’anglais, Bruxelles/Liège, 1979
HANNERZ, Ulf : Explorer la ville, éléments d’anthropologie urbaine, traduit de l’anglais par ISAAC. Joseph,
Les Éditions de Minuit, Paris 1996, p 303
William J. MITCHELL, City of Bits : Space, Place, and the Infobahn, The MIT Press, Cambridge, 1995.
Christian NORBERG SCHULTZ, Genius Loci : Towards a Phenomenology of Architecture, Rizzoli Inter-
national Publication, Rome, Nov. 1990.
Saskia SASSEN, The Global City, Princeton University Press, Nov.1992 & Sept.2001
Paul VIRILIO, Ville Panique : Ailleurs commence ici, Édition Galilée, Paris, 2004

Revues et périodiques
Jean-Louis ANDREANI, « Les nouvelles Frontières entre Villes et Campagnes », in Le monde, No 18679,
dimanche 13-lundi 14 février 2005.
Alain CHARRE, « L’intellectuel, la mégalopole et le projet urbain », in Les nouvelles Conditions du Projet
Urbain : Critiques et méthodes, sous la direction d’Alain CHARRE, in Mégalopole No 22 et dernier, Édition
Pierre Mardaga, Spirmont (Belgique), 2001,
Loïc WACQUANT in « Le Monde Diplomatique », Nov 1997
Voir « Projets urbains en France », Éditions du Moniteur, Paris, 2002

Sites web
Big Dig Boston, Http ://www.masspike.com/bigdig/index.html/
Benoît CHAUSSE, Http ://perso.wanadoo.fr/r.dagorn/FichesEtudiants11.html

1. Pour le Big Dig à Boston, le gouvernement Fédéral a contribué à près de 50 % du coût global du projet qui s’élève à environ $15 milliards.
Le reste est financé par des opérateurs et des fonds de financement en rapport avec la nature du projet.

195
Euralille, Http ://www.saem-euralille.fr/ACCEUIL/FR–index.aspx/
Euroméditerranée, Http ://www.euromediterranee.fr/
Île de Nantes, Http ://www.nantesmetropole.fr/07317097/0/fichepagelibre/

Documents et rapports
Ministère chargé de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, « Schéma National
d’Aménagement du Territoire »

196
La planification urbaine au Maroc :
Bilan des 50 années et perspectives

1. Rappel historique ............................................................................................199


1.1. Situation au lendemain de l’indépendance ............................................199
1.2. Les différentes étapes de la planification urbaine ................................199
1.3. Évolution des textes législatifs .................................................................200
1.4. Évolution du contenu et des méthodes d’élaboration
des documents ...........................................................................................201
1.5. Évolution du fait urbain ..............................................................................201
2. Contexte urbain actuel.....................................................................................201
2.1. Une production de documents insatisfaisante .....................................202
2.2. Limites des instruments ............................................................................202
2.3. Structures institutionnelles chargées de la PU ....................................202
2.4. Dysfonctionnements actuels ....................................................................202
3. Perspectives ......................................................................................................202
3.1. Une clarification des rôles de l’État et des collectivités
locales .........................................................................................................203
3.2. Insertion de la vision de l’aménagement du territoire dans
les documents d’urbanisme .....................................................................203
3.3. Les nouveaux principes de la planification urbaine.............................203

LARBI GHARBI

197

gt6-7 197 22/03/06, 13:18:23


198

gt6-7 198 22/03/06, 13:18:23


1. Rappel historique

1.1. Situation au lendemain de l’indépendance

1.1.1. Conséquences de la colonisation

– Forte croissance urbaine due à un afflux massif de ruraux.


– Développement de l’armature urbaine le long du littoral atlantique.
– Création de villes nouvelles : centres actuels des principales villes.
– Sur densification et paupérisation des médinas.
– Des opérations modèles (quartiers Habous) difficilement reproductibles.
– Formation et prolifération des noyaux de bidonvilles et des quartiers clandestins.

1.1.2. Le legs colonial

Des notions d’urbanisme d’avant-garde par rapport à leur époque.

– modèle culturaliste de Prost basé sur les principes de :


R Séparation de la ville nouvelle de la Médina
R Un urbanisme moderne pour la ville nouvelle.
R Préservation du patrimoine historique.
– modèle progressiste d’Écochard
R Un zonage des plans d’aménagement inspiré des principes de CIAM (charte d’Athènes).
R Des cités satellites pour un habitat pour le plus grand nombre (trame 8x8).
R Une législation enrichie par plusieurs textes 1914-1952-1953
R Des réserves foncières importantes.
R Une protection du patrimoine historique par la création des zones non aédificandi autour des monu-
ments et le long des remparts.
R Une production non négligeable de plans d’aménagement (globaux ou de détails) 300 PA : 77 avant
1930, 88 entre 1931 et 1947 et 135 entre 1948 et 1956.

1.2. Les différentes étapes de la planification urbaine

Durant les 50 dernières années le Maroc a connu différentes périodes et expériences en matière de planifi-
cation urbaine.

199
– Années 1960 (de 1956 à 1967)
R Poursuite des mêmes principes d’intervention dans l’urbain.
R Promulgation et application du texte de 1960 dans pour les agglomérations rurales.
R Une nette régression du nombre de plans d’aménagement homologués, alors que les agglomérations
urbaines ont vu le rythme de leur taux de croissance s’accélérer.
– Années 1970 (jusqu’à 1982) :
R Projet de la loi cadre : introduction du SDAU au Maroc
R Réalisation du SDAU de Rabat Salé et des études préliminaires des autres agglomérations (1970-1976)
R Généralisation des SDAU aux principales agglomérations, (élaboration de la 1re version).
R Stagnation de la production des plans d’aménagement et de développement (une moyenne annuelle
très faible de 3 PA et 8 PD)
– Années 1980 :
R Marquées par l’intervention du cabinet Pinseau (SDAU – PA)
R Une relance de la production des autres documents d’urbanisme
– Années 1990 : (1992-2002)
R Promulgation des lois 12-90, 25-90 et
R Production des documents (SDAU et PA) dans le cadre de la loi 12-90.
– Période actuelle : depuis 2002
R Promotion de l’investissement à travers différentes circulaires
R Tentative de refonte des lois 12-90 et 25-90 par les projets de texte 42.00 (tahil el Omrane) et de la loi
04-04.

1.3. Évolution des textes législatifs

– Dahir du 16 avril 1914 : relatif aux alignements plans d’aménagement, et d’extension des villes, servi-
tudes et taxes de voirie. Considéré comme base de la législation de l’urbanisme au Maroc, traitant aussi
bien l’urbanisme prévisionnel que l’urbanisme opérationnel.
– Dahir du 30 juillet 1952, relatif à l’urbanisme : étend le domaine d’application du Dahir de 1914,
reprend ses dispositions essentielles tout en les complétant et les précisant pour assurer leur mise en
œuvre.
– Dahir 25 juin 1960, relatif au développement des agglomérations rurales
– Loi du 12-90, du 17 juin 1992, relative à l’urbanisme : parmi les dispositions nouvelles
Étend le champ d’application à de nouvelles zones.
Donne une assise juridique aux SDAU.
Introduit la notion de hiérarchie entre les documents
Réduit la durée de la validité des effets des plans d’aménagement de 20 à 10 ans.
– Projet de loi 04-04, édictant diverses dispositions en matière d’habitat et d’urbanisme :
Amende les dispositions de certains articles des lois 12-90 et 25-90

200
Élargit le champ d’application et l’obtention du permis de construire ou de lotir à l’ensemble du territoire
avec des dispositions particulières pour les communes de moins de 25000 habitants.
Précise les responsabilités des différents acteurs ainsi que celles des professionnels.

1.4. Évolution du contenu et des méthodes d’élaboration des documents

Au niveau des SDAU

– Pour les premiers SDAU : importantes investigations qui ont favorisé la connaissance du terrain, mais
qui ont alourdi les études.
– Pour les SDAU du cabinet Pinseau : une nouvelle approche basée sur l’analyse des données collectées
des différentes administrations sans, pratiquement, investissement du terrain. C’est un urbanisme de
tracés et de percées, formaliste faisant fi de la réalité du terrain.
– Pour les SDAU de la période actuelle : sur le plan méthodologique les allégements des études sont plus
au niveau de la forme qu’au niveau du contenu.

Au niveau des PA :

– Les premiers PA établis dans le cadre du Dahir de 1914 se caractérisent par :


R Une intégration optimum au site
R Des dispositions de détails particulièrement en ce qui concerne les voies et les carrefours
R Des modifications des plans plus fréquentes pour tenir compte de l’évolution urbaine.
– Les PA établis après 1952 sont devenus, de plus en plus, de simples plans techniques et réglementaires
où la recherche conceptuelle est parfois absente.

1.5. Évolution du fait urbain

Quelques caractéristiques
– Triplement de la population marocaine depuis 1960 (de 11.6 à 30 millions)
– Le taux d’urbanisation est passé de 29 % à 55 % actuellement
– La population urbaine constituera les 2/3 de la population totale en 2020
– De 1960 à 1994, le nombre de villes a triplé (314 centres)
– Densification de l’armature urbaine particulièrement dans les plaines atlantiques.

2. Contexte urbain actuel

Un processus d’urbanisation marqué par un dualisme de croissance (légale et illégale)

201
2.1. Une production de documents insatisfaisante

– Des efforts ont été accomplis, mais des difficultés d’obtenir une couverture en documents pour
l’ensemble des agglomérations subsistent
– Une obsession du quantitatif

2.2. Limites des instruments

– Lenteur dans la réalisation et l’homologation


– Inadéquation des dispositions avec les réalités spécifiques et locales
– Rigidité des documents par rapport à la dynamique et l’expansion urbaine
– Promotion de l’investissement : les tentatives prises par l’administration (différentes circulaires)

2.3. Structures institutionnelles chargées de la PU

– l’élaboration des documents, une affaire de l’Administration


– évolution des structures : délégations, DU Provinciales, Agences urbaines, Inspections....
– chevauchement des attributions
– sous-traitance des documents

2.4. Dysfonctionnements actuels

– absence d’intégration de la PU avec l’AT


– cadre institutionnel confus
– une planification incapable de maîtriser le développement urbain
– une planification incapable d’offrir les infrastructures et les logements nécessaires
– absence de moyens et de mesures de mise en œuvre.

3. Perspectives
– Quelle planification urbaine pour faire face au défi de :
R Un dédoublement de la population urbaine dans 25 ans.
R Des besoins importants de terrains à urbaniser qui croîtront plus que proportionnellement par rapport à
la population (dus à la réduction des tailles des ménages et l’amélioration du niveau d’équipements)
– Quelles sont les conditions nécessaires pour que la planification urbaine soit plus efficace sur le plan de
la maîtrise et de la gestion de ce développement urbain futur ?
– La planification urbaine se définit par rapport au contexte politique, socio-économique, institutionnel....
Toute proposition de son amélioration est intiment liée à l’évolution de ce contexte. De son côté, elle se

202
doit d’accompagner l’ensemble des changements socio-économiques et spatiaux, et d’intégrer parti-
culièrement la dynamique de la croissance illégale des agglomérations.

Toute redéfinition de la planification urbaine exige des préalables dont notamment :

3.1. Une clarification des rôles de l’État et des collectivités locales

Par rapport au processus de décentralisation engagé par le pays, il y a une nécessité de redéfinir les préro-
gatives de l’État et des collectivités locales en matière de conception et de gestion des documents d’urba-
nisme qui devront être consignées dans des textes législatifs et réglementaires.

3.2. Insertion de la vision de l’aménagement du territoire dans les


documents d’urbanisme

Assurer une réelle articulation entre les différents niveaux de la planification : locale, régionale voire nationale.
Prise en compte du contexte régional

3.3. Les nouveaux principes de la planification urbaine

Ils doivent se baser sur :


– Une démarche stratégique qui vise des objectifs, des projets et des actions clés prioritaires à réaliser
pour chaque échéance. Le document d’urbanisme élaboré doit constituer un cadre de référence pé-
riodiquement actualisé.
– Une approche participative et de concertation : un élargissement de la participation des acteurs locaux
et de la population dans la planification et la gestion urbaine favorisera les conditions de mise en place
d’une bonne gouvernance locale.
– Des échéances temporelles variables : différentes selon le type d’action. Des projets à long terme et
des programmes d’actions à court terme.
– Une réglementation souple qui doit éviter toute disposition détaillée de zonage. Les documents
d’urbanisme ne devront plus projeter une image (fonctionnelle et spatiale) future de ce que devrait être
la ville. S’ils doivent définir d’une manière contraignante et précise les éléments structurants qui néces-
sitent d’être réservés ou projetés et qui sont indispensables au fonctionnement de l’espace concerné...
– Un processus de validation partielle : le document d’urbanisme peut être accompagné d’une série de
dossiers spécifiques (projets urbains ou programme d’action qui peuvent être élaborés et approuvés
séparément puis ensuite incorporés au corps central du plan.

203
Gestion urbaine et accès aux services
de base

Résumé ...................................................................................................................207

1. Problèmes de définitions ...............................................................................207


2. Des limites de ce bilan ....................................................................................210
3. Le legs colonial : une gestion urbaine d’apartheid ....................................211
4. L’élan de l’indépendance ................................................................................215
5. Le génie de l’autruche .....................................................................................217
6. Le temps des prébendes, ou l’urbanisme des subventions ......................218
7. Le mirage de l’autoritarisme ou le théâtre des institutions .......................220
8. Le recours à la privatisation ...........................................................................223
9. Continuité dans l’alternance ...........................................................................223
10. Perspectives ....................................................................................................225

Bibliographie ..........................................................................................................225

MOHAMMED HAMDOUNI ALAMI

205

gt6-8 205 22/03/06, 13:20:30


206

gt6-8 206 22/03/06, 13:20:31


Résumé

Dans la problématique générale de la gestion urbaine et de l’accès aux services de base, l’habitat sous-
équipé et non réglementaire, qui concerne aujourd’hui près de 30 % de la population urbaine, apparaît
comme la principale préoccupation des responsables politiques. À l’encontre de l’idée reçue qui voit dans
l’habitat non réglementaire un simple effet de l’inadéquation de l’offre et de la demande et un obstacle dés-
tructurant pour la planification et la maîtrise du développement urbain, l’auteur considère ce phénomène
comme le résultat d’un mode particulier de gouvernance et de gestion urbaine qui intègre l’informélisation
comme dispositif de pouvoir. C’est ce qu’il appelle le génie de l’autruche.
Partant d’une théorie de la gouvernance où le pouvoir est conçu comme stratégies, tactiques, et fonc-
tionnements, où les frontières du permis et de l’interdit sont mouvantes, où la tolérance de l’illicite a une
place essentielle, il essaie de rendre compte de la genèse et de l’évolution du mode de gestion urbaine qui a
caractérisé le Maroc depuis l’indépendance. On voit ainsi comment le mode de gouvernance mis en place
durant le Protectorat pour « faire payer » aux Marocains les équipements des villes modernes réservées aux
européens va être réaménagé après l’indépendance en faveur des couches supérieures et moyennes, et que
ces actions vont être accompagnées d’une politique vigoureuse de lutte contre le développement des bi-
donvilles. Mais l’échec de cette politique va induire, à la fin des années soixante, des attitudes différentes
dans la gestion du sous-équipement urbain aboutissant à une croissance démesurée du secteur informel.
L’auteur démontre ensuite que les aménagements successifs du mode de gouvernance et de gestion
urbaine se révèlent tout aussi inefficaces dans la lutte contre le sous-équipement et l’insalubrité que dans
l’établissement d’une paix sociale durable. En conclusion il préconise une certaine forme de rupture avec ce
mode de gouvernance et de gestion urbaine et des formes de production du savoir de la ville et de l’urba-
nisme qu’il produit, et qui, à leur tour, le façonnent.

1. Problèmes de définitions

Puisque le champ d’application de la notion de gestion urbaine est particulièrement élastique, il convient
pour commencer d’en délimiter l’extension. En effet, cette notion peut être entendue comme la gestion de la
cité dans le sens le plus large du terme, c’est-à-dire l’administration et la police des conditions de vie des
citoyens dans la ville, comme elle peut être conçue, dans un sens plus étroit, comme la définition et la mise
en œuvre de l’ensemble des actions permettant, en rapport avec une forme donnée de planification spatiale,
l’administration du fonctionnement et du développement de l’espace urbain. 1L’évolution des attributions des

1. Certains responsables semblent donner à la gestion urbaine un sens encore plus étroit. Ainsi Mme F. Imnsar, Gouverneur de l’Agence
Urbaine de Casablanca, déclarait récemment : « Les agences urbaines sont submergées – il est vrai – par ce que nous appelons d’habitude la ges-
tion urbaine, laquelle ne se limite pas au contrôle stricto sensu, mais englobe aussi l’instruction des demandes d’autorisation de construire, de lotir
et de morceler... » « La planification urbaine dans l’impasse », LABYRINTHES no 10, Août/Septembre 2004, p. 44. Cette déclaration a également
le mérite de montrer que la gestion urbaine n’est plus du ressort exclusif des municipalités.

207
collectivités locales en matière de gestion des services urbains durant la période considérée, et leur extension
récente à ceux liés à l’éducation et la culture militeraient en faveur de l’adoption de la définition la plus large.
Toutefois la définition du domaine d’analyse doit être façonnée en fonction des objectifs du groupe théma-
tique, c’est-à-dire pour rendre compte des capacités et des actions des collectivités locales en vue d’assumer
leur rôle de fournisseur de services de base. Dans les faits elle dépendra autant de ces objectifs que de l’infor-
mation disponible, et des limites des compétences de l’auteur.

Par ailleurs afin d’éviter toute imprécision sémantique et atteindre un minimum de rigueur théorique cer-
tains concepts et notions utilisés par les contributeurs du groupe thématique dans des sens divers devraient
être préalablement précisés. Il s’agit d’abord de la notion d’urbanisme. L’urbanisme est communément
compris comme une discipline née au tournant du XXe siècle. Cette discipline ne serait pas politique, mais elle
serait une technique au service des politiques à qui il incombe de définir la politique de la ville. Ce qui
n’empêche pas, d’autre part, certains d’affirmer « qu’aujourd’hui on ne peut pratiquer qu’un urbanisme démo-
cratique. » 1 Face à ces assertions une question s’impose : comment est-ce possible d’invoquer l’idée d’un
urbanisme démocratique si l’urbanisme n’est pas politique?
Une autre notion mérite qu’on s’y arrête. On a invoqué la notion d’urbanisme « subi », et celle d’urbanisme
« auto-produit » (En fait pour être plus précis il aurait été plus judicieux de parler d’urbanisation auto-produite).
Ici une autre question se pose légitimement : peut-on objectivement considérer le fait urbain comme un fait
autonome? Que signifie cette naturalisation de l’urbanisme, et que signifie son autonomisation de la société?
Cette prétendue autonomie de l’urbanisation vis-à-vis du fait social n’est-elle pas simplement un moyen d’éli-
sion des responsabilités partagées par les différents acteurs sociaux de la croissance de nos villes? Ou, est-ce
simplement là un aveu d’impuissance (et peut-être de perplexité) de certains techniciens de l’urbanisme face
à la complexité du système de développement urbain et aux relations de pouvoir qui le sous-tendent?
Une des assertions retenues comme allant de soi par beaucoup de responsables du secteur est que l’habi-
tat clandestin et les bidonvilles sont les formes les plus visibles de « l’urbanisme auto-produit » 2. Contraire-
ment aux apparences cette affirmation prête à confusion, car l’appellation « clandestin » est impropre 3. Non
seulement le qualificatif de clandestin apparaît comme impropre à ce genre d’habitat, mais la conception, qui
le sous-tend, de phénomène conjoncturel et passager s’effrite également. C’est précisément en raison du
caractère structurel de ce phénomène qu’on recommandait, dès 1986, que « dans l’optique d’un développe-
ment harmonieux à l’échelle du territoire national, il est impératif de le prendre en compte, d’en accentuer la
dynamique, et de l’intégrer de manière définitive au tissu urbain ». (H. Bahi, M. Malti, F. Guerraoui, et M. Ham-
douni Alami, « Habitat Clandestin au Maroc, » Rabat : C.N.C.P.R.S.T., 1986, respectivement p. 105 et 108).
Une petite anecdote résume bien la situation : un jour en entendant les mots « habitat clandestin » feu My
Ahmed Alaoui réagit en riant : « Arrêtez d’être ridicule, qu’est-ce que cette forme d’habitat a de clandestin? Il
y a des villes comme Salé qui sont composées à 90 % de cette forme d’habitat, et ces constructions se font
au vu, et au su de tous, y compris, bien sûr, des agents d’autorité! »

1. Il s’agit de l’une des formules énoncées à plusieurs reprises par certains contributeurs lors de la journée de réflexion du GT6 le 25 juin
2004. L’assertion que l’urbanisme est une discipline académique au service des responsables politiques a également été répétée à la même occa-
sion.
2. Cette assertion aussi a été répétée à maintes reprises lors de la journée de réflexion du GT6 du 25 juin 2004.
3. Si l’on considère :
– l’ampleur du phénomène,
– les autorisations délivrées par les conseils municipaux dans certains quartiers « clandestins »,
– l’intervention des offices publics ...
– l’implantation des transports en commun,
– l’imposition des quartiers.

208
La clandestinité supposée de cette forme de production de l’habitat est bien illusoire. On est encore une fois
tenté de se demander si le recours à cette appellation impropre d’habitat clandestin ne participe pas de la
même tendance à dénier les responsabilités dans la très problématique production de l’espace urbain. Il serait
théoriquement plus juste de parler d’habitat informel, ce qui aurait l’avantage d’indiquer le caractère non régle-
mentaire de cette forme d’habitat tout en soulignant le fait qu’elle échappe au marché formel du logement.
On s’aperçoit du même coup que nous n’avons pas affaire à une caractéristique propre à la production du
logement, mais à un trait général de l’économie nationale. De nos jours le secteur informel est d’ailleurs un
phénomène considéré comme universel qu’on rencontre autant dans les pays développés que dans ceux dits
moins développés. 1.

De ce point de vue, et indépendamment des causes et conditions qu’on peut préférer mettre en avant pour
expliquer le développement récent du secteur informel (pression sur les salaires, effets de la compétitivité
des pays en développement à bas salaires, disponibilité d’une main d’œuvre immigrée clandestine facile à
exploiter, retour au travail à domicile, corruption et évasion fiscale, ou spoliation et exclusion raciste comme
dans le cas des Territoires palestiniens occupés), on ne peut manquer de relever que les effets de l’informeli-
sation décrits par M. Castells corroborent parfaitement notre étude sur l’Habitat Clandestin au Maroc :
– décentralisation et plus grande flexibilité de la production;
– réduction de la productivité par le recours aux technologies les moins avancées, et paradoxalement
réduction des coûts de production par la réduction des coûts des bureaucraties et des études. Ce qui
n’empêche d’ailleurs pas le recours, sinon le passage obligé par la corruption;
– réduction des coûts du travail non pas tant par la réduction des salaires que par le non paiement des
charges sociales imposées par l’État;
– affaiblissement de la protection légale de la main d’œuvre et des structures collectives des travailleurs et
de leur pouvoir de négociation, et ceci sans pour autant qu’il y ait une dichotomie entre les secteurs formel et
informel;
– dans la production du logement en particulier un des effets majeurs est la dramatique réduction des pro-
tections légales des acheteurs de logements, ou de terrains à bâtir.

L’évolution de l’informelisation demeure encore à prédire. Elle dépendra des rapports qui se tissent déjà
entre, d’un côté, les institutions publiques et leur capacité à étendre leur contrôle, et, de l’autre côté, les entre-
preneurs privés qui cherchent à se libérer des contraintes toujours pesantes, pour eux, de ce contrôle.
Dans ce cadre théorique, où l’informelisation est comprise comme une caractéristique structurelle du déve-
loppement des sociétés contemporaines, les problèmes liés à l’absence de maîtrise de la croissance urbaine
et à l’urbanisation prennent une toute autre configuration. Dans cette optique, il n’y a plus lieu de dissocier fait
urbain et société, mais de comprendre qu’il n’y a pas de coupure réelle entre les secteurs informel et formel.
Que ce rapport change et se module au gré des circonstances et des lieux, et qu’il ne fait que traduire des rap-
ports de pouvoir toujours en équilibre instable. Il faudrait pour cela accepter que le pouvoir qui s’exerce ici « ne
soit pas conçu comme une propriété, mais comme une stratégie, que ses effets de domination ne soient pas
attribués à une “appropriation”, mais à des dispositions, à des manœuvres, à des tactiques, à des techniques,
à des fonctionnements; qu’on déchiffre en lui plutôt un réseau de relations toujours tendues, toujours en acti-

1. « The most significant generalizations to be drawn from the existing evidence are, first, that the informal economy is universal, as similar
arrangements are found in countries and regions at very different levels of economic development; second that this sector is heterogeneous, as
the forms adopted by unregulated production and distribution vary widely even within single societies; and, third, that there has been an apparent
increase of these activities during the last several years. » A. Portes, M. Castells, and L.A. Benton (ed.), « The Informal Economy, Studies in
Advanced and Less Advanced Countries », Baltimore and London : The John Hopkins University Press, 1989, pp. 15-16.

209
vité plutôt qu’un privilège qu’on pourrait détenir; qu’on lui donne pour modèle la bataille perpétuelle plutôt que
le contrat qui opère une cession... » 1.
En effet comment comprendre les poussées notoires de la construction dans le secteur informel à la veille
de chaque élection locale? Comment expliquer la prolifération généralisée du secteur informel dans la majo-
rité des centres urbains du pays sans un laisser-faire délibéré, sinon arraché par les populations aux autorités
locales? Comment expliquer l’approvisionnement des quartiers informels en services publics (transport, élec-
tricité, eau potable, service postal, téléphone, etc..) sans le consentement des autorités? Il n’y a, en effet,
qu’une théorie de la gouvernance où le pouvoir est conçu comme stratégies, tactiques, et fonctionnements,
où les frontières du permis et de l’interdit sont mouvantes, où la tolérance de l’illicite a une place essentielle,
qui permet de comprendre de manière raisonnée ces interrogations.
Dans cette perspective la gestion urbaine ne peut être comprise comme étant du ressort exclusif des auto-
rités locales et des institutions chargées de la gestion de certains services urbains. Elle implique l’ensemble
des acteurs institutionnels et non institutionnels qui interviennent dans la production de l’espace urbain. Les
partis politiques, les promoteurs privés formels et ceux du secteur informel, les promoteurs publics (établisse-
ments publics de l’Habitat entre autres), les agents d’autorité, les régies (eau potable, transport public, électri-
cité), ainsi que les associations de quartiers et amicales de propriétaires participent, à des degrés divers,
auprès des municipalités, (ou des communes) à la gestion et l’orientation du développement urbain, et à la
définition des formes spatiales. C’est de la nature des interactions entre l’ensemble de ces acteurs que
dépend la qualité de la gestion urbaine et celle des espaces urbains.
Il n’est guère superflu de noter que la théorie Foucaultienne du pouvoir invoquée ici nous permet également
de résoudre le paradoxe de « l’urbanisme démocratique ». En effet, comme disait Foucault, « peut-être faut-il
renoncer à toute une tradition qui laisse imaginer qu’il ne peut y avoir de savoir que là où sont suspendues les
relations de pouvoir et que le savoir ne peut se développer que hors de ses injonctions, de ses exigences et
de ses intérêts... Il faut plutôt admettre que le pouvoir produit du savoir (et pas simplement en le favorisant
parce qu’il le sert ou en l’appliquant parce qu’il est utile); que pouvoir et savoir s’impliquent directement l’un
l’autre; qu’il n’y a pas de relation de pouvoir sans constitution corrélative d’un champ de savoir, ni de savoir qui
ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir » 2.
Non seulement cette acception de la relation savoir-pouvoir nous permet de résoudre le paradoxe de
« l’urbanisme démocratique », mais elle pose la question de notre savoir de l’urbanisme dans ses relations
constitutives avec le pouvoir. Le mimétisme et l’emprunt sélectif et réducteur (en particulier de la France)
prennent une coloration nouvelle quand on les voit à travers le filtre de l’archaïsme et de l’inconsistance des
systèmes de gestion urbaine, de même la maigreur et la consistance de notre production savante dans le
domaine se comprennent mieux quand on les met en rapport avec le mode de gouvernance en place. Par des-
sus tout, cette conception nous impose également de comprendre que toute volonté véritable de réformer les
systèmes de gestion urbaine passe non seulement par le changement du mode de gouvernance, mais aussi
par l’incitation et la production de savoirs nouveaux de la ville et de l’urbanisme.

2. Des limites de ce bilan

Quel bilan peut-on faire de la gestion urbaine durant les cinq dernières décennies ? Le cadre théorique
esquissé précédemment implique que toute évaluation, et tout bilan s’inscrivent dans une perspective de

1. Michel Foucault, « Surveiller et punir », Paris : Editions Gallimard, 1975, p. 31.


2. M. Foucault, idem, p. 32.

210
savoir-pouvoir, donc d’intelligibilité et d’action. Mais tout bilan se construit sur la base d’informations et de
données. Naturellement les données peuvent être disponibles ou produites, et les informations accessibles
ou difficiles d’accès. Ces conditions, le temps, et les moyens à la disposition de l’évaluateur déterminent
dans une large mesure la nature et la qualité du bilan. En l’occurence, on ne dispose que d’une très maigre lit-
térature sur le sujet. Les résultats d’une enquête menée par l’auteur avec Hassan Bahi au début des années
1990 sur la gestion urbaine au Maroc serviront d’arrière plan à ce bilan. 1.
Sur la base de ces données le rapport s’attachera à faire une évaluation des structures institutionnelles
chargées de la gestion urbaine en rapport avec l’accès à certains services de base : branchement à l’eau
potable, au réseau d’égout, et à l’électricité. La limitation à ces troix services de base ne doit pas nous faire
oublier que l’absence de ces services de base implique le plus souvent celle d’autres services comme le
revêtement de la chaussée, l’éclairage public, le ramassage des ordures et en particulier dans les bidonvilles
celle de la desserte interne en transports publics 2. Ces trois services sont également, contrairement à l’école
et aux équipements culturels, les principaux services qui sont du ressort des municipalités sur l’ensemble de
la période considérée dans ce rapport.
Pour l’examen des instruments d’urbanisme, et en particulier celui des Plans d’Aménagement et de leur
efficience pour la production des équipements publics, (c’est-à-dire dans la mise en place des services
publics), le lecteur est invité à consulter l’étude réalisée par l’auteur et H. Bahi sur l’urbanisation et la gestion
urbaine qu’on vient de mentionner.
Les perspectives 2025 pour une gestion urbaine plus efficiente seront naturellement développées sur la
base, d’une part, des résultats du bilan établi, et, d’autre part, du rêve d’un cadre de vie qui pourrait, non seu-
lement, assurer l’accès aux services de base à toute la population mais également permettre l’épanouisse-
ment de la liberté et de la dignité humaine.

3. Le legs colonial : une gestion urbaine d’apartheid

Faire le bilan des cinq dernières décennies en matière de gestion urbaine exige une connaissance précise
de la situation de départ, c’est-à-dire des formes de gestion urbaine héritées au moment de l’accès à l’indé-
pendance. Une brève présentation analytique de la gestion urbaine coloniale et de son legs est donc
incontournable. Fort heureusement, nous disposons d’excellents travaux sur la question, en particulier l’essai
de Janet L. Abu-Lughud intitulé Rabat, Urban Apartheid in Morocco. 3.
Dès 1917, et après quelques tâtonnements, un système colonial de gestion municipale est mis en place
par l’administration du Maréchal Lyautey. Le dahir du 8 avril 1917 apporte les révisions nécessaires à un pré-
cédent dahir, celui du 27 juin 1913, intitulé « Dahir relatif à l’organisation des conseils municipaux dans les
ports Chérifiens. » Celui-là nomme le Pacha agent exécutif de l’autorité municipale, mais le Pacha sera
assisté et contrôlé par, d’un côté, le Chef des services municipaux, et de l’autre par le Conseil municipal. Une
circulaire du 16 janvier 1919 viendra compléter ce dispositif en scindant le conseil municipal en trois sections

1. Cette étude a été publiée sous le titre « Urbanisation et gestion urbaine au Maroc », H. Bahi et M. Hamdouni Alami, Rabat, 1992.
2. Les trois services de base ont été choisis d’abord pour leur importance dans la qualité de la vie quotidienne et pour leur effet sur la santé
publique, le paysage urbain et l’environnement. Le non branchement à l’égout, par exemple, entraîne à côté des maladies hydriques la pollution
des nappes phréatiques (cas de Fès où la nappe a alimenté la ville des siècles durant) et les eaux de rivière avec des effets négatifs sur l’agri-
culture et l’économie (cas de la ville de Sefrou qui doit maintenant pour continuer son festival des cerises acheter ailleurs des cerises pour entrete-
nir l’illusion de son identité perdue).
3. Ouvrage publié par Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1980.

211
(une pour les européens, la seconde pour les musulmans, et la dernière pour les juifs). Le conseil municipal
ne disposait d’aucun pouvoir délibératif, son rôle était uniquement consultatif. Ainsi le système traditionnel
de gestion municipale (celui composé du Pacha, du Muhtasib et d’Amine al-Mustafad) qui avait, par ailleurs,
été maintenu était dépossédé de tout pouvoir de décision. « The French chief of municipal services, suppor-
ted by a sizable staff and charged with planning and executing urban improvments and maintaining the city,
held the reins of control...
While nominal control was in the hand of the pasha, who was charged with enforcing all laws, proposing
the municipal budget, regulating markets and exchanges, establishing municipal taxes and duties, issuing
building permits, establishing easements for the public roads, issuing regulations on planning and public pro-
jects, and so on, the real power resided in his French counterpart, the chief of municipal services. » 1Le chef
des services municipaux supervisait et contrôlait le pacha, néanmoins il ne disposait pas de tous les pouvoirs,
les décisions les plus importantes devaient être prises par la « Direction de l’administration municipale. » Cet
organe qui dépendait du Résident Général était composé de deux sections, la première était chargée du bud-
get et des affaires administratives, la seconde, qui au départ était dirigée par Prost, était chargée de la planifi-
cation urbaine. Le dispositif permettait ainsi au Résident Général de s’assurer, sans le montrer ouvertement,
le contrôle direct des affaires municipales. 2« It was this national power, [that of the Résident Général], some-
times exercised directly but more often operating indirectly through the local administration, that both made
possible the system of urban apartheid which assured concentration of different population groups in sepa-
rate quarters of the city, and made certain that the quarters inhabited by foreigners would receive virtually all
the benefits of public expenditures. This could not have been accomplished so effectively if local autonomy
had been allowed to persist, for then the local power structure might have influenced the outcome. » 3 Le
système de gouvernance mis en place par le Protectorat permettait ainsi de canaliser l’essentiel des
dépenses municipales au profit des quartiers européens. Ainsi, par exemple, entre 1912 et 1923, 70 % des
500.000 mètres de routes réalisées dans les quinze plus importantes villes étaient situés dans les quartiers
réservés aux européens. À Rabat, la situation était encore plus choquante puisque ce pourcentage atteignait
94 %. L’analyse que J. L. Abu-Lughud fait des budgets municipaux confirme la généralisation de ces pra-
tiques à toutes les municipalités durant les premières décennies du Protectorat. Voici ce qu’elle en conclue :
« The tendency for the European-dominated towns to receive most of the funds for improvement and the
tendency within towns for the European quarters to absorb most of the available resources meant that the
initial advantages given to the colonial quarters by planning were consolidated and reinforced with each pas-
sing year, thus widening the gap between them and the “native” quarters, and increasing both economic
and ethnic segregation in the city. Not only urban amenities, but also social services such as education and
medical care, were also grossly unequal in their distribution, ensuring that the gap would not be bridged
through class changes. » 4L’iniquité du système apparaît encore plus injustifiable quand on apprend que les
taxes étaient prélevées pour l’essentiel sur les populations marocaines, et que les marocains payaient, par
exemple, pour la taxe du Tertib le double de ce que payaient les français. Les conditions spatiales de vie des
populations musulmanes n’ont donc cessé de se dégrader eu égard à celle des européens. La surdensifica-
tion des médinas, qui étaient figées dans leur extension 5 , et l’apparition et la multiplication

1. Janet L. Abu-Lughud, ibid, pp.179-180.


2. On verra plus loin que ce système de gouvernance urbaine ressemble par trop d’aspects à celui mis en place après l’indépendance.
3. J.L. Abu-Lughud, idem, p. 181.
4. J. Abu-Lughud, idem, p. 194.
5. Il ne faut pas oublier que Henry Prost, le génial architecte de Lyautey n’avait, dans tous ses projets de villes nouvelles, prévu aucune possi-
bilité d’extension des médinas dont on a d’ailleurs conservé les murailles à cet effet, et que, d’un autre côté, tout était fait pour empêcher les
marocains musulmans de s’installer dans les villes nouvelles.

212
des bidonvilles ont fini par rendre la situation explosive. 1 Ce qui ne faisait qu’attiser les revendications du
mouvement national. En 1942 le Protectorat, toujours ignorant les populations marocaines, crée un Office
Chérifien de l’Habitat Européen, « OCHE », pour répondre à l’afflux des européens fuyant la guerre. Et en
1944 l’office perdra l’adjectif Européen et sera dénommé simplement « OCH » sans que ses activités aient
changé d’objectifs.
C’est uniquement en 1947 avec les débuts d’application du programme d’Ecochard, qui avait été invité
l’année précédente par le Résident Général Eric Labonne à diriger le Service de l’Urbanisme, qu’une nouvelle
phase de la politique urbaine coloniale allait commencer.
La décision de raser les bidonvilles était prise. Ceux-ci n’avaient pas réussi à disparaître d’eux-mêmes !
« Pendant 35 ans, on a oublié les marocains » disait Ecochard. 2 On allait enfin penser à eux et leur construire
des logements sociaux. Un décret du résident général, publié le 19 avril 1947, réorganisait le Service de
l’Urbanisme et donnait plein pouvoir à Ecochard. En 1949 le service est jumelé à un Service de l’Habitat et
dénommé « Le Service de l’Urbanisme et de l’Habitat » (au sein de la Circonscription de l’Urbanisme et de
l’Habitat qui sera attachée à la Direction des Travaux Publics) ce qui dénote clairement la nouvelle pré-
occupation des autorités coloniales.
À l’opposé de ses prédécesseurs le nouvel urbaniste du Maroc ne voulait donc plus oublier les marocains.
« Indeed, he did not, although, as we shall see, not only was most of his attention too little and too late but,
in many ways it may have been more harmful than the not-so-benign neglect that had preceded his efforts.
For it was his contribution to Moroccan cities--and to Rabat in particular--that concretized the urban spatial
divisions already established in untidy form, and that pressed Moroccans into a straitjacket of ill adapted and
grossly anaesthetic minimal housing--housing that was replicated on so extensive a scale that it foreclosed
the possibility of later integration. » 3
Ecochard est un moderniste, très influencé par Le Corbusier et la Charte d’Athènes. Il préconise un pro-
gramme général d’aménagement du territoire, et veut relier Casablanca à Mohammedia. Projet que ses dis-
ciples développeront en 1965 en un « Schéma d’aménagement de l’axe littoral » de Casablanca à Kenitra, et
qui sera repris en 1969 par le CERF, et dont on peut, encore aujourd’hui, constater l’actualité pour certains
aménagistes. 4 Il définit une politique d’habitat social basée sur la définition d’un habitat minimum (trame
« 8x8 »), et l’acquisition par l’État de terrains à lotir. Entre 1946 et 1953, il fait acheter de très nombreux ter-
rains, dont beaucoup, selon J. Dethier, étaient encore disponibles en 1970.
Dans la confection de son projet de logement populaire, Ecochard part d’un postulat sociologique qui
décrète que les marocains ne sont pas préparés à vivre dans les formes modernes de logement. L’universa-
lisme sous-jacent au discours moderniste – tous les habitants « ont pareillement besoin de lumière,
d’espace, d’hygiène, de repos, d’éducation ou de travail » 5– n’est pas renié, il est simplement mis à
l’épreuve d’un certain réalisme qui s’exprime ainsi : « le marocain n’est pas suffisamment évolué, il n’est
donc pas suffisamment préparé à vivre dans un habitat moderne. De toutes les manières les bidonvillois
n’ont pas les moyens financiers pour accéder aux formes modernes de logement. » C’est cette condition qui
imposerait le passage par une forme d’habitat évolutif. La conséquence dramatique d’une telle position est la

1. « C’est vers les années 1930 qu’apparaissent les premiers bidonvilles à Casablanca, en 1940, on y dénombrera 50.000 habitants. Ensuite
c’est l’escalade des chiffres : 1950 : 100.000; 1960 : 160.000; 1970 : 250.000. » Jean Dethier, « Soixante ans d’urbanisme au Maroc », Bulletin
économique et social du Maroc, numéro double 118-119, 1970, p. 30.
2. Cité dans J. Dethier, idem, p. 29.
3. J. Abu-Lughud, idem, p. 223.
4. CERF, « Centre d’Expérimentation, de Recherche, et de Formation » créé au sein du Ministère de l’Intérieur en 1968, pour définir et déve-
lopper les connaissances et les outils d’une politique d’Urbanisme et d’Habitat; voir à ce sujet l’article déjà cité de J. Dethier.
5. À ce sujet voir mon article : « Noms d’espaces, entre concepteurs et usagers », AWAL, no 24, pp. 21-30, Paris : Editions de la Maison des
Sciences de l’Homme, 2001, et M. Ecochard, « Casablanca, le roman d’une ville », Paris : Editions de Paris, 1955.

213
production d’un logement théoriquement provisoire, et dont les effets sur le paysage urbain (et même rural)
du pays se ressentent encore de nos jours et sont quasiment irréparables.
À la lecture des travaux d’Ecochard on ne voit guère comment le simplisme sociologique à la base de sa
conception et la « trame 8x8 » allaient préparer le marocain à habiter le logement moderne. Comme le disait
Jean Dethier, en 1970, « la nature de ce logement populaire révèle le recours permanent à l’idée de modèle
standard conçu pour un “homme type.” Que ce soit pour le milieu rural ou le milieu urbain, pour les villes
côtières du Sud ou pour les agglomérations des plateaux de l’Est, le prototype est le même, tout particula-
risme régional est banni. Une uniformité théorique est censée réduire les multiples variantes de la société,
de la géographie et des mœurs, des ethnies, du climat et des matériaux à un seul dénominateur commun ;
c’est l’image schématique d’un Marocain-type. C’est pour ce “Marocain-type” qu’est conçue la panacée de
la “cellule 8x8” et son indissociable complément la “trame 8x8”, souvent dénommée maintenant par une
juste reconnaissance la “trame Ecochard”. » 1
L’attention accordée par Ecochard aux problèmes d’habitat du grand nombre n’a pas occasionné d’ailleurs
une coupure avec l’habitude acquise de concentrer les efforts sur l’équipement des quartiers européens.
Ainsi le plan d’aménagement de Rabat dressé par le Service de l’Urbanisme entre 1948 et 1953 consacre la
politique antérieure des privilèges des quartiers moyens et supérieurs européens en complétant les amé-
nagements des quartiers de l’Agdal, de Hassan, et de la nouvelle zone de Souissi. Malgré tout cela, Ecochard
a été remercié en 1953 parce qu’il n’était pas apprécié par le monde colonial Français des affaires.
Le Maroc ne tarda pas à accéder à l’indépendance. Malheureusement, comme on le verra ensuite, la
« trame Ecochard » est restée la panacée universelle pour les administrations successives du Maroc indé-
pendant, (excepté, peut-être, pour l’équipe du CERF). L’absence d’une politique sérieuse de recherche archi-
tecturale aggravée par une longévité extraordinaire des responsables administratifs du secteur, le manque
d’esprit innovateur des architectes des secteurs privé et public entretenu par un mode de rétribution et de
passation des marchés qui ignore les mécanismes de la concurrence, et l’affairisme généralisé basé sur la
rente foncière générée par la spéculation, les dividendes de l’urbanisme de zoning et la corruption
s’accommodaient, en fait, fort bien de la panacée d’Ecochard et de tout l’héritage colonial.
En termes d’accès aux services de base, (eau potable, électricité, assainissement, éclairage public, voirie,
hôpitaux, écoles), jusqu’en 1947 la gestion urbaine coloniale peut se résumer, dans la formule : « faire payer
aux Marocains les services dont on pourvoie les quartiers européens ». Il convient néanmoins de noter qu’il y
a eu, quand même, quelques actions en faveur des populations musulmanes, comme les quartiers des
Habous de Casablanca et de Rabat, en plus de deux ou trois cités ouvrières (comme celle de l’OCP à Khou-
ribga), mais ces actions n’ont concerné qu’une infime partie de la population et par conséquent ne font que
confirmer la règle.
La deuxième phase, de 1947 à 1956, s’est développée principalement autour de la tentative d’Ecochard
d’« offrir » aux populations des bidonvilles, dans une conception hygiéniste, un minimum de services de base
(point d’eau, assainissement, et un semblant de voirie). Malgré le caractère rudimentaire des services proje-
tés et le peu d’équité du projet, surtout si l’on considère que ce sont bien les marocains qui payaient la plus
grande partie des taxes qui servaient à réaliser les services de base dont bénéficiaient les quartiers euro-
péens, cette tentative allait butter contre les intérêts des grands colons. Les bidonvillois devront attendre des
jours meilleurs pour accéder aux services de base.
Le mode de gouvernance et la gestion urbaine sont restés les mêmes durant les deux phases : un sys-
tème municipal où un Pacha, au pouvoir fictif, n’est que l’exécutant docile des décisions du Chef des ser-
vices municipaux, qui est, à son tour, directement sous les ordres du Résident Général par le truchement de

1. J. Dethier, idem, pp. 35-36.

214
la Direction de l’administration municipale. Ce dispositif vient compléter une centralisation sans faille de la
planification urbaine (observable de Prost à Ecochard), et lui assure une grande efficacité dans son applica-
tion.

4. L’élan de l’indépendance

Malgré le départ d’Ecochard le Maroc indépendant hérite de ses projets et de sa vision à travers l’équipe
qu’il avait formée et que dirigera pendant longtemps l’architecte Pierre Mas qui restera d’ailleurs en poste
jusqu’en 1966. Le Maroc indépendant hérite également des structures administratives établies pendant le
Protectorat. Le Service de l’Urbanisme et de l’Habitat et la Circonscription de l’Urbanisme et de l’Habitat, la
« CUH » font maintenant partie du Ministère des Travaux Publics, c’est-à-dire, dans le jargon politique, qu’ils
sont gérés par un « département technique » et non un « département politique. » Même si cette opposition
est en partie superficielle, car tout département ministériel est par nature politique, on verra par la suite com-
ment les passages successifs de l’Urbanisme sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur lui donne une cer-
taine pertinence.
À l’échelon municipal, il faudra attendre la Charte communale du 23 Juin 1960 pour avoir de nouvelles
structures. Selon la nouvelle loi, la commune est composée d’un conseil élu qui est dirigé par un Président.
Le conseil communal « règle par ses délibérations les affaires de la commune », il prépare et vote le budget,
il « émet des vœux d’ordre économique, » et donne des « avis à l’administration. » Quand au Président du
conseil communal, il exécute les délibérations du conseil, exécute le budget, et conserve et administre les
biens de la commune. Les vrais pouvoirs sont cependant entre les mains du Pacha, ou du Caïd. L’Agent
d’autorité « assure en fait la direction de la gestion des municipalités » 1. Car l’Agent d’autorité exerce un pou-
voir hiérarchique sur les fonctionnaires communaux, assure la police administrative, assure le maintien de
l’ordre et de la sécurité publique, etc. Il a même le droit d’inscrire les questions qu’il juge utiles à l’ordre du
jour des réunions du conseil communal et de s’opposer à la discussion de toute question qu’il juge « étran-
gère aux attributions du conseil ».
Nous retrouvons ainsi une structure semblable à celle de la municipalité de l’époque du Protectorat, sauf
qu’ici c’est l’Agent d’autorité qui, à l’image du Chef des services municipaux, a tous les pouvoirs et c’est le
Président du conseil municipal, à l’image du Pacha de l’époque coloniale, qui n’a qu’un rôle d’exécutant. La
similarité avec le mode de gouvernance du Protectorat est encore plus frappante si l’on considère qu’« à
l’omniprésence de l’administration représentée par le Pacha et ses services, s’ajoute une autre limitation à
l’autonomie des municipalités : celle de la tutelle du Ministère de l’Intérieur. En effet, l’article 20 du Dahir sur
l’organisation communale stipule que la quasi-totalité des délibérations ne sont exécutoires qu’après avoir
été approuvées par l’autorité administrative supérieure » 2.
Par ailleurs la planification urbaine est aussi centralisée qu’à l’époque du Protectorat, et permet aux auto-
rités de la capitale d’avoir, comme auparavant, le contrôle des grandes orientations du développement et de la
gestion urbaine. Il convient ici de noter que « le Dahir de 1953 [sur l’urbanisme] et celui de 1960 [sur l’organi-
sation communale] confèrent expressément la compétence de délivrer l’autorisation de lotir au représentant

1. Michel Lemaire, « Le budget des municipalités et le coût de la croissance urbaine » de M. Hollard« , chroniques, Bulletin Economique et
Social du Maroc, no double 118-119, 1970, pp. 131-143, p. 132.
2. Michel Lemaire, idem, p. 132.

215
du pouvoir central » 1. Ainsi donc, non seulement la planification urbaine est clairement centralisée mais toute
opération de lotissement ou de création d’un groupe d’habitations est directement contrôlée par les repré-
sentants du pouvoir central. Non seulement tous les pouvoirs sont, à l’échelon municipal, entre les mains
des agents d’autorité, mais les décisions importantes sont directement prises par les autorités administra-
tives du niveau supérieur dans la capitale. La décentralisation et la démocratie locale qu’elle implique ne sont
encore qu’une fiction, nous assistons tout au plus à un début de déconcentration du pouvoir.
La principale, et peut-être unique, différence entre le mode de gouvernance et de gestion urbaine de l’épo-
que coloniale et celui de cette première phase de l’ère nouvelle réside dans le fait que la planification urbaine
dépend maintenant d’un département autre que celui qui a la tutelle administrative des municipalités. Cette
différence s’efface à chaque fois que le Ministère de l’Intérieur réussit à mettre la main sur le secteur de
l’Urbanisme.
Voyons maintenant ce que produit un dispositif de pouvoir qui n’est, au fond, qu’une reprise, intelligem-
ment adaptée à la nouvelle situation, du mode de gouvernance de l’époque coloniale ? Peut-être nous fau-
drait-il d’abord préciser que les dispositifs de pouvoir de l’époque coloniale ne sont pas nécessairement
directement liées à la ségrégation raciale et religieuse pratiquée alors et qu’ils peuvent très bien en être déta-
chés sans perdre leur efficience comme rapports de pouvoir.

Après l’indépendance le gouvernement marocain attribue à la Circonscription de l’Urbanisme et de l’Habi-


tat des crédits considérables. Près de 45 millions de dirhams sont alloués chaque année à la CUH, ce qui lui
permet de poursuivre une politique très énergique de réalisations. Ainsi entre 1956 et 1965 la CUH réalisera :
– 12.300 lots de terrain qui pourront loger près de 75.000 personnes,
– 32.000 logements qui pourront loger près de 160.000 personnes. Ces logements sont loués pour 6 %
du prix coûtant, soit entre 30 et 60 dirhams par mois.

Lotissements, immeubles et maisons de types divers sont parfois groupés pour former des « cités d’habi-
tat économique. » Entre 1962 et 1965, la CUH réalise également 9000 logements en « trames sanitaires
améliorées » qui, sur des parcelles de 40 à 50 m2, offrent 1 pièce, 1 WC et un point d’eau courante 2.
Mais malgré le départ massif des européens et l’expatriation d’une grande partie de la communauté juive,
ce qui a permis de libérer un parc considérable de logements, la croissance urbaine dans les années 1960
était de 5 % par an en moyenne. Plus spectaculaire encore, la croissance des bidonvilles s’élevait à 7 % par
an 3. Ainsi malgré l’importance des budgets alloués à la Circonscription de l’Urbanisme et de l’Habitat, malgré
les nombreuses réalisations de logements et de lotissements par celle-ci et malgré le recouvrement de
l’essentiel des logements des villes modernes libérés par le départ des européens, le nombre d’habitants
des bidonvilles n’a cessé de croître. C’est dire que malgré les efforts conséquents du gouvernement, le
nombre de personnes n’ayant pas accès aux services de base (eau potable, égout, électricité...) n’a cessé
d’augmenter.
À la fin de 1967, deux changements importants vont marquer un tournant décisif dans la gestion du phéno-
mène urbain. D’abord, la CUH est transférée du Ministère des Travaux Publics au Ministère de l’Intérieur.
Ensuite, le budget alloué aux programmes du service chute brutalement de 45 millions de dirhams à près de
10 millions de dirhams seulement. Il s’ensuit un arrêt brusque des programmes de construction de loge-

1. Abdel Ilah Mkinsi, « Le droit marocain de l’urbanisme », Rabat : Publications de l’INAU, 1989, p. 111.
2. Sur ces données voir Jean Dethier, op. cit. Rappelons qu’une « trame sanitaire » consistait en un lotissement avec des lots de 35 m2 avec
une voirie rudimentaire, des WC publics, des fontaines publiques et quelques pylônes d’éclairage.
3. Jean Dethier, idem, pp. 40-41.

216
ments locatifs, qui étaient de loin plus importants que les lotissements. On assiste ici à un changement
majeur dans la politique de l’Habitat. Cette situation a été également marquée et aggravée par le moratoire
déclaré par le Plan 1968-1972 sur la construction de logements urbains en faveur de programmes de déve-
loppement rural. En 1970, le quart de la population urbaine habitait dans les bidonvilles, et était donc exclu
des services de base.
L’attention accordée au développement rural par l’administration chargée de l’Urbanisme et de l’Habitat
s’était déjà concrétisée dans la création en 1962 du « Bureau des Etudes Rurales », ou BCER, une cellule au
sein de la Circonscription de l’Urbanisme et de l’Habitat. Cela faisait partie d’une préoccupation plus générale
de développement rural et de limitation de l’exode rural. L’urbanisation galopante était en grande partie ali-
mentée par cet exode et juguler celui-ci paraissait être un des moyens les plus indiqués pour maîtriser la
croissance des villes. Les programmes de développement rural conçus dans cette optique ne connurent pas
le succès escompté et n’ont en rien modifié le rythme de l’exode rural.

5. Le génie de l’autruche

Les principes et les dispositifs de gouvernance mis en place après l’indépendance avaient montré leurs
limites. Le Centre d’Expérimentation, de Recherche et de Formation, le CERF, créé en 1968, était un outil
conçu pour jeter les bases d’une nouvelle vision. Il allait en effet développer des expériences et des connais-
sances nouvelles. Les chercheurs du centre s’intéressèrent aux matériaux locaux et aux architectures régio-
nales.
Imaginer de nouvelles solutions au problème des bidonvilles était une de leurs principales préoccupations.
Selon un des responsables du CERF, « l’erreur commise jusqu’ici est d’avoir considéré le bidonville comme
illégal, marginal, anormal, horrible et indésirable. Le bidonville est toujours perçu comme un fléau à suppri-
mer ou à rejeter le plus loin possible. Mais on ne lui accorde pas la possibilité de se transformer, de s’amélio-
rer » 1. Et l’auteur de rêver que le bidonville allait, peut-être, enfin avoir le droit de cité.
En fait, à certains égards, Dethier paraît bien naïf car les choses avaient commencé à changer bien avant
1970, date de publication de son article. Dès 1968, nous rapporte J. Abu-Lughud, « The official whose job it
was to prevent the conversion of temporary shacks into permanent buildings (en dur) began to look the other
way, and clandestine conversions, which had always taken place, began to multiply. Although the law remai-
ned “on the books” that building permits could not be issued for such conversions, the decision not to
enforce the law had an immediate and salubrious effect. » Elle continue un peu plus loin, « I have been back
to Rabat annually since 1972, each time marvelling at the progress that had been made in the interim and at
the resourcefulness and energy of the people who have taken economic development and urban planning
into their own hands. » 2
Dethier, comme bien d’autres, ne semble pas soupçonner l’énormité des conséquences financières et
politiques pour l’administration d’une légalisation des bidonvilles. Légaliser les bidonvilles ne reviendrait-il pas
à reconnaître à ses populations le droit, au même titre que les autres citoyens, aux services de base fournis
par la puissance publique ? Reconnaître à ces populations ces droits sans pouvoir les satisfaire, à moins de
changer de modèle social, n’est-ce pas prendre le risque d’alimenter les tensions sociales, et donner des
atouts à certains opposants politiques, à l’époque, en conflit ouvert avec le Monarque ? À l’inverse garder
l’interdit et fermer les yeux offre de grands avantages :

1. Jean Dethier, idem, p. 42.


2. J. Abu-Lughud, op. cit., pp. 338 et 339.

217
1. pas de droits reconnus à des sujets qui autrement pourraient devenir vindicatifs et s’unir dans la reven-
dication de leurs droits,
2. laisser construire sans autorisation permet à ces sujets de se mettre eux-mêmes consciemment hors la
loi, individualise les comportements et par là-même assujettit, plus efficacement, par la conscience de la
faveur que constitue la tolérance bienveillante des pouvoirs publics. De ce point de vue la politique de
l’autruche a plus de génie que le discours de la lucidité, la vérité et la responsabilité.

6. Le temps des prébendes, ou l’urbanisme des subventions

Il n’y a donc rien d’étonnant que dans ce contexte, la gestion de la politique de l’Habitat, celle des lotisse-
ments et de la distribution des subventions indirectes par le biais de lots à des prix très inférieurs à ceux du
marché, soit devenue un outil essentiel de rétribution et de création des clientèles politiques. La création en
1972 d’un département ministériel chargé de l’Urbanisme, de l’Habitat, et de l’Environnement va concrétiser
cette option. Les partis politiques eux-mêmes, à l’exception de ceux de l’opposition d’alors, ne tarderont pas
à prendre goût à ce jeu de prébendes. Ainsi une circulaire en date du 14 Novembre 1973 dispose que « tout
projet de lotissement d’une certaine importance qui prévoit par exemple la création de 100 logements doit
être transmis par l’autorité locale, assorti de tous les avis au Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de
l’Environnement sous couvert du Ministère de l’Intérieur » 1. Cette nouvelle disposition permet, non seule-
ment, d’instituer la centralisation des décisions importantes, mais aussi le partage de cette prérogative entre,
ce qu’on nomme de nos jours, le ministère de souveraineté et le département ministériel dit technique mais
confié à un parti politique.
Après la Marche Verte, une nouvelle Charte communale est adoptée avec l’accord des partis. Cette charte,
dite « Charte Communale de 1976 », apporte quelques modifications à la précédente. Elle élargit notamment
les attributions du conseil communal à l’examen des projets de plan d’aménagement et de développement
de la commune, la définition d’un « plan de développement économique conforme aux orientations du plan
national, » la définition du « programme d’équipement de la collectivité », et la participation financière à des
sociétés d’économie mixte. Le Président du Conseil Communal voit également ses pouvoirs élargis, et se
voit attribué des prérogatives autrefois du ressort de l’Agent d’autorité, notamment la direction des services
communaux, et l’attribution des autorisations de construire et de lotir. De plus la marge de manœuvre du
Président du conseil communal dans l’établissement de l’ordre du jour des réunions du conseil est élargie,
puisque désormais l’ordre du jour est établi par le président et son conseil avant d’être communiqué à l’auto-
rité locale qui dispose d’un délai de huit jours pour y faire inscrire les questions qu’elle veut soumettre à l’exa-
men du conseil.
En termes de distribution des pouvoirs, la Charte de 1976 constitue une recomposition en faveur des élus
et du Président du conseil communal. Mais en dépit de ce rééquilibrage des rapports de force entre élus et
autorité, la tutelle exercée par les agents d’autorité sur toutes les délibérations importantes du conseil com-
munal (budget, taxes, emprunts, plans d’aménagement, règlement de voirie et d’hygiène, programmation
des équipements, gestion des services publics) réduit considérablement la liberté d’action des élus. La

1. Cité dans A.I. Mkinsi, op. cit., p. 112. Comme le note l’auteur cette circulaire est dans son esprit contraire à celui de la Charte Communale
de 1976. Elle sera néanmoins maintenue trois années durant après l’adoption de celle-ci. Elle ne sera abrogée qu’en 1979 par une circulaire du
Ministère de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, no 249 M.H.A.T./4. Voir Mkinsi, pp. 112-113.

218
tutelle sur les personnes qui s’exerce aussi bien à l’échelon individuel que collectif et qui peut aller jusqu’à la
dissolution du conseil est tout aussi significative. Le mode de gouvernance communal et ses dispositifs de
pouvoir donnent ainsi plus de marges aux élus locaux sans pour autant les émanciper d’une tutelle quasi-
totale des agents d’autorité.
Ces derniers aménagements des dispositifs de pouvoir de la gouvernance communale s’accompagnent
d’une part, de l’accélération de l’informelisation du secteur de l’habitat et d’autre part, d’une organisation
méticuleuse de la distribution des subventions indirectes via les lotissements publics. Ainsi la construction
informelle va bénéficier du laisser faire des communes et des agents d’autorité, quand ce n’est pas de la
complicité active des uns et des autres par l’attribution abusive d’autorisations de construire sur des terrains
non équipés et donc non constructibles. Ce phénomène est d’ailleurs amplifié à la veille des consultations
électorales.
La distribution des lots de terrain relevant des services du M.H.A.T. et des ERAC, qui au début était du res-
sort exclusif de ces administrations, va être partagée avec les Gouverneurs de provinces. Ainsi, l’attribution
de 30 % des lots relevant de ces organismes va leur être déléguée. Les gouverneurs ont ainsi les moyens de
constituer des clientèles, et qui sait, peut-être, d’influencer les électeurs.
La gestion de la croissance urbaine va s’organiser autour de deux axes. Le premier, celui de la production
informelle et décentralisée devient en apparence, en apparence seulement, le problème des municipalités.
Le second, celui de la production formelle publique, sera basé essentiellement sur les activités de lotisse-
ment du Ministère de l’Habitat et de ses OST, des opérations de l’OLM, de la CGI et des zones industrielles
de la CDG. Ainsi, la gestion urbaine s’organise entièrement en termes de distribution de subventions indi-
rectes et de laisser-faire. Et ce n’est pas seulement le secteur de l’Habitat qui fait l’objet de ces pratiques,
mais aussi les secteurs industriel et touristique. On observe même quelques détournements et conversions
de terrains à vocation industrielle à des fins purement spéculatives comme ce fut le cas dans la zone indus-
trielle de Marrakech convertie en habitations.
Ces pratiques aidées par une longue sécheresse et l’accélération de l’exode rural vont instituer le lotisse-
ment d’État et l’habitat informel (sous ses deux formes : bidonvilles, et constructions sans autorisation)
comme outils et modes de croissance et de développement urbain. La politique de l’autruche, adoptée vis-à-
vis des constructions non autorisées, va permettre une croissance surprenante de « l’habitat clandestin » et
les années 1970 vont être connues comme celles du « Clandestin. » De fait, si au début de cette décennie le
problème du sous habitat urbain était représenté par les bidonvilles et concernait 25 % des habitants, au
début des années 1980, 13 % de la population urbaine habite des logements en dur construits illégalement,
dits « clandestins ». Dans certaines villes, le pourcentage de constructions informelles (dites clandestines)
est proprement stupéfiant : 45 % à Salé, 35 % à Oujda, 26 % à Fès, et 25 % à Tétouan 1. Le recensement de
1982 indique, également, que 10 % des ménages urbains habitent les bidonvilles et 2,3 % de ces ménages
habitent des locaux non destinés à l’habitat (garages, arrière-boutiques...) 2.
En somme, 25,3 % des ménages urbains habitent encore des logements non réglementaires, donc théo-
riquement non desservis par les services urbains de base (branchement à l’eau potable, aux égouts et l’élec-
tricité). Le pourcentage de la population urbaine qui n’a pas accès aux services de base est donc demeuré
presque inchangé entre 1970 et 1982. L’Enquête consommation des ménages menée par le Ministère du
Plan en 1985 montrera que les taux de branchement des ménages urbains aux divers réseaux demeurent
alarmants : 33,3 % ne sont pas branchés au réseau d’eau potable, 23,6 % ne le sont pas au réseau d’électri-

1. Enquête nationale 1983, Ministère de l’Habitat et Banque Mondiale citée par Mohammed Ameur, « Habitat Clandestin : problèmes et
potentialités », in Almaouil, Les Cahiers de l’ANHI no 2, nov. 1991, p. 2.
2. Données citées par Debbi Fathallah in « La problématique de l’habitat insalubre au Maroc, » Almaouil, Les Cahiers de l’ANHI no 1 Juin 1991,
p. 6.

219
cité et 25,6 % ne sont pas branchés aux égouts. Il faut toutefois noter que si le « génie de l’autruche » n’a
pas permis d’améliorer la desserte de la population en services de base, il a, néanmoins, permis à une partie
de la population d’accéder à une forme de logement somme toute plus décente et plus confortable que la
baraque du bidonville.

7. Le mirage de l’autoritarisme ou le théâtre des institutions

L’urbanisation se poursuit donc à deux facettes. La première est caractéristique des centres villes « euro-
péens » et des quartiers réglementaires principalement occupés par les couches moyennes et aisées qui
bénéficient d’une desserte raisonnable en services publics. La seconde est caractéristique des quartiers
d’habitat populaire, regroupant les médinas surdensifiées et les extensions informelles, où les problèmes
d’accès aux services de base sont d’une gravité notoire. Les tensions sociales qui découlent de cette situa-
tion ne tarderont pas à atteindre des points critiques.
Les années 1980 démarrent sous le signe des émeutes du pain, émeutes populaires contre les conditions
de vie insoutenables des couches les plus défavorisées de la population que le Plan d’Ajustement Structurel,
le PAS imposé par le Fonds Monétaire International, est venu durcir davantage. Emeutes à Casablanca en
1981, émeutes à Marrakech en 1984, et émeutes sanglantes à Fès où l’armée est rappelée du sud du pays
pour ramener l’ordre.
Au lendemain des événements de Casablanca la réaction officielle se matérialise sous la forme d’une
complexe action institutionnelle. Acte un : la ville est promue en Wilaya, autrement dit, elle est découpée en
plusieurs provinces dirigées chacune par un gouverneur, qui sont tous supervisés par un supérieur hiérar-
chique dénommé Wali. « La commune étant à un niveau inférieur du découpage territorial par rapport au
découpage provincial, la ville est inévitablement redécoupée en plusieurs communes. La gestion et les
moyens des services intercommunaux sont d’abord du ressort de la communauté urbaine avant d’être
confiés au pouvoir déconcentré » 1. Acte deux : le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain, SDAU du grand
Casablanca est confié à l’architecte du Roi et son suivi est directement pris en charge au niveau du Cabinet
Royal. Acte trois : création en 1984 de l’Agence Urbaine de Casablanca qui va coiffer toute la gestion urbaine
de l’agglomération, alors même que les présidents des conseils communaux continuent d’attribuer, sous son
autorité, les autorisations de construire. On assiste ainsi à un recul de la décentralisation en ce sens que les
pouvoirs et les prérogatives des élus sont fortement réduits au profit de l’AUC et des autorités locales. Du
point de vue de la gestion urbaine la ville de Casablanca est, en un sens, placée sous un état d’exception 2. Il
faudrait aussi mentionner que le régime spécial qui était appliqué à Rabat en vertu de l’article 67 de la Charte
Communale était différent, et tout d’abord dans ses motivations, de la situation nouvelle de Casablanca. Le
SDAU du Grand Casablanca est approuvé en mai 1985.
Les réponses aux émeutes populaires apportées au niveau de Casablanca ne sont qu’un début d’une redis-
tribution bien orchestrée des rapports de force au niveau de la gestion du phénomène urbain. En effet, dès
1985 la Direction de l’Urbanisme et celle de l’Aménagement du Territoire sont mises sous la tutelle du Minis-
tère de l’Intérieur. La Direction de l’Habitat acquiert le statut de ministère et, sous la pression des bailleurs de
fonds internationaux, adopte explicitement une nouvelle ligne de conduite en matière de prix des terrains à

1. H. Bahi et..., « Urbanisation et gestion urbaine... », op. cit., p. 21.


2. Ces réformes sont en grande partie inspirées, comme on le verra plus loin, des grands travaux du Baron Hassmann. D’ailleurs afin de réali-
ser ces pojets celui-ci n’avait pas hésité à instaurer, tout simplement, l’état d’urgence dans la ville de Paris.

220
construire. Désormais le ministère doit vendre au prix du marché, et réserver les subventions aux familles les
plus pauvres, théoriquement donc aux seuls bidonvillois. Les largesses en faveur des classes moyennes sont
assez largement réduites : le temps des prébendes court à sa fin.
Il faut aussi remarquer que 1984 a également vu la création de l’Agence Nationale de Lutte contre l’Habitat
Insalubre, l’ANHI qui avec le soutien notamment de l’USAID devra s’atteler à « éradiquer » l’habitat insalubre.
Peu après, un autre organisme public, la Société Nationale d’Equipement et de Construction, (SNEC), a éga-
lement été créée afin de palier le déficit du secteur privé principalement en matière de lotissement et d’équi-
pement de terrains. On voit donc que le remodelage des dispositifs de pouvoir ne concerne pas seulement le
niveau symbolique du théâtre des institutions, mais aussi celui des outils de l’urbanisme opérationnel dont
on dispose que sont les lotissements. Les nouvelles créations sont faites dans l’esprit du temps, celui du
désengagement de l’État. Bientôt d’ailleurs les services extérieurs du Ministère de l’Habitat seront pour le
moins sous-occupés.
En matière de planification et de gestion urbaines, le Baron Haussmann ( 1) devient une figure embléma-
tique. Son expérience parisienne est invoquée dans les discours officiels pour expliquer que l’urbanisme sans
autorité ne peut aboutir qu’au chaos. La mise au pas des services extérieurs de l’urbanisme, maintenant inté-
grés aux Wilayas et Provinces du Royaume, se fait vite et sans heurts. Cette assimilation des ressources
humaines de la Direction de l’Urbanisme sera accompagnée par la mise en place d’un « Urbanisme des
Façades » et l’intervention directe par les agents d’autorité sur les tissus urbains concrétisées dans l’ordon-
nancement des façades et l’aménagement des traversées des villes 2. Voici, par ailleurs, comment Walter
Benjamin décrit l’urbanisme Haussmannien : « The true goal of Haussmann’s projects was to secure the city
against civil war. He wanted to make the erection of barricades in Paris impossible for all time. With the
same end in mind, Louis Philippe had already introduced wooden paving. Nonetheless, barricades played a
role in the February Revolution. Engels studies the tactics of barricade fighting. Haussmann seeks to neutra-
lize these tactics on two fronts. Widening the streets is designed to make the erection of barricades impos-
sible, and new streets are to furnish the shortest route between the barracks and the workers’ districts.
Contemporaries christen the operation ’strategic embellishment’. » W. Benjamin, The Arcades Project, Cam-
bridge, Massachusetts : The Belknap Press of Harvard University Press, and London, England, 1999, p. 12. Il
va de soi que ces interventions constituent, le plus souvent, de la part des agents d’autorité un empiètement
sur les prérogatives des élus.
En contraste avec cet urbanisme des façades, quelques projets de restructuration et d’équipement de
quartiers informels (dont celui de Dersa-Samsa à Tetouan) menés avec le soutien d’organismes inter-
nationaux continuent et élargissent le domaine d’intervention des programmes de restructuration des bi-
donvilles nommés Projets de développement Urbain (PDU) initiés au milieu des années 1970 3.

1. Baron Georges Eugène Haussmann (1809-1891). Etudie le droit et rejoint l’administration publique en 1831. Comme Préfet de la Seine
(1853-1870), sous Napoléon III, il initie et réalise un large programme de grands travaux de rénovation de Paris comprenant la modernisation de
l’hygiène publique, les réseaux de transport, la construction de l’Opéra et des Halles, l’aménagement paysager des bois de Boulogne et de Vin-
cennes, et l’ouverture stratégiquement organisée des Grands Boulevards entraînant la démolition de nombreux quartiers anciens de la capitale
française.
2. L’urbanisme Haussmannien fut d’abord repris comme modèle par Feu S.M. le Roi Hassan II dans son fameux discours adressé aux archi-
tectes le 14 janvier 1986 au palais de Marrakech. Il deviendra ensuite le panégyrique de l’autoritarisme urbanistique identitaire du Ministère de
l’Intérieur qui se concrétisera dans l’ordonnancement des traversées de nombreuses villes, plus notoirement celle de Settat. À ce sujet voir mon
article « The Fiction of Architectural Identity in Contemporary Morocco » in ISIM Newsletter no 8, p. 27, International Institute for the Study of
Islam in the Modern World, Leiden, Hollande, Sep. 2001.
3. Pour la restructuration de certains grands bidonvilles des PDU avaient été mis en place à Rabat (Douar doum, Douar Lhajja...), Meknès (Borj
My Ismail) et Kenitra grâce notamment au soutien financier de la Banque Mondiale. Le PDU de Tétouan a été réalisé par la municipalité avec le
soutien financier de l’USAID et l’assistance technique de l’ANHI.

221
La question urbaine est maintenant cruciale et les enjeux sont très élevés car le émeutes populaires des
années 1980 sont très violentes et surtout elles sont spontanées et sans rapport avec les partis politiques.
Le montage institutionnel opéré à Casablanca va bientôt être étendu à Fès, Meknès, Marrakech et un peu
plus tard à Agadir. Il est aussi intéressant de noter que c’est encore une fois l’architecte du Roi qui prend en
charge la confection des SDAU des trois premières villes.
Les dispositifs de pouvoir en charge de la gestion urbaine se compliquent et se différencient territoriale-
ment selon l’existence ou non d’une Agence Urbaine. Ils seront également marqués par l’implication directe
de la Cour via l’architecte du Roi dans la planification urbaine. Les grandes agglomérations, dont les SDAU
sont aux mains de celui-ci reçoivent, bien sûr, plus d’attention au niveau de la planification mais au prix du
déclassement des élus et des autorités locales au rang de simples observateurs. Le reste du territoire est
laissé aux bons soins des gouverneurs, mais la supervision de la direction de l’urbanisme est maintenant
confiée à un gouverneur directeur général, solution ingénieuse pour maintenir sans trop compliquer le sys-
tème de centralisation des grandes orientations et des décisions les plus importantes.
Cette tendance à la centralisation va être codifiée dans les textes. Le dahir de 1952 sur l’urbanisme et celui
de 1953 relatif aux lotissements et morcellements allaient être réformés en 1992. Le décret d’application de
la nouvelle loi sur les lotissements, groupements d’habitations et morcellements, en date du 12 Octobre
1993, stipule dans son article 8 que « doivent être soumis à l’autorité gouvernementale chargée de l’urba-
nisme : ... b- les projets de lotissements comportant 200 logements au minimum, ou à réaliser sur un terrain
d’une superficie égale ou supérieure à cinq hectares, à l’exception des lotissements dont tous les lots ont
une superficie supérieure à 2.500 m2, sis dans les secteurs dont l’affectation est définie par un plan de
zonage ou un plan d’aménagement. » Ce qui revient à dire pratiquement sans exception. Dans ce cadre, il
faut toujours se souvenir que la confection des plans d’urbanisme est l’une des principales opportunités
d’enrichissement 1.
Au vu de cette (r)évolution institutionnelle, on pourrait s’attendre à des résultats conséquents au niveau de
l’efficience de la gestion urbaine et de l’accès des citoyens aux services de base. Il n’en est mal-
heureusement rien, l’effet de l’autoritarisme tient plutôt du mirage. En 1998, le pourcentage des ménages
urbains habitant des baraques (soit en bidonvilles ou dispersés) est de 9,9 %, celui de ceux ne disposant pas
de l’eau potable est de 22 % et celui de ceux ne disposant pas de l’électricité est de 13,9 % 2. En l’absence
de données d’enquêtes, on peut aussi avancer l’hypothèse que le pourcentage des ménages urbains n’ayant
pas accès au réseau d’égout devrait être au moins égal à celui de ceux n’ayant pas accès à l’eau potable.
D’autre part, selon toutes les hypothèses la production informelle de logements dits « clandestins » n’a
cessé de croître. Ces données montrent qu’en termes de pourcentages, les résultats de treize années de ce
mode de gestion sont peu concluants, à l’exception de la distribution de l’électricité fortement introduite
dans les quartiers informels. En effet, la nature des techniques de distribution et de commercialisation de ce
produit permettent une réponse assez rapide, ce que ne permettent pas celles de l’eau potable et encore
moins celles de l’assainissement liquide.

1. En France tout le monde sait que le BTP est la principale source de financement des partis politiques. Au Maroc on peut ajouter que l’urba-
nisme constitue une des principales sources d’enrichissement et de corruption. C’est pour cela qu’il n’est guère étonnant de voir que sur les trois
gouverneurs qui ont occupé le poste de directeur de l’urbanisme deux ont été rayés de la fonction publique, et parmi ces deux là un est actuelle-
ment inculpé et écroué à Casablanca pour corruption et malversations dans les marchés publics.
2. Source : direction de la statistique, ENVM 1998/1999, cité dans L’habitat en chiffres 1998, Observatoire de l’Habitat, Ministère de l’Habitat,
p. 12.

222
8. Le recours à la privatisation

Les secteurs d’eau et d’assainissement exigent en effet des investissements très lourds. La politique de
désengagement de l’État admise depuis longtemps va se concrétiser dans le secteur par deux mesures. La
première consiste à privatiser le secteur de la distribution d’eau et d’électricité, et la seconde à ajouter à la
facture d’eau potable des frais d’assainissement liquide. Encore une fois c’est à Casablanca qu’on va essayer
la nouvelle politique. Le découpage communal avait, en effet, aggravé les difficultés de gestion directe pour
la nouvelle Communauté urbaine au moment où l’essentiel du budget était géré directement par les com-
munes 1. En avril 1997, le Conseil de la Communauté Urbaine de Casablanca adopte à l’unanimité la déléga-
tion à la LYDEC de la gestion de la distribution d’électricité, d’eau potable et du service d’assainissement
liquide à Casablanca et Mohammadia. La même opération sera menée en 1999 à Rabat-Salé au profit de la
REDAL. Il serait souhaitable de procéder à une évaluation de ces privatisations, et de leur impact sur les quar-
tiers non équipés. Quoi qu’il en soit il faut se rappeler que les sociétés adjudicatrices n’ont pas vocation natu-
relle à faire une politique sociale en faveur des ménages n’ayant pas accès aux services de base.

9. Continuité dans l’alternance

L’alternance voulue par feu S.M. le roi Hassan II allait amener la gauche traditionnelle au pouvoir en 1998.
Une des revendications des partis de gauche avant leur arrivée au pouvoir était la mise en place d’une véri-
table décentralisation à travers plus de démocratie locale, le respect et l’extension des prérogatives des élus
locaux. Or, il était évident qu’en matière de gestion urbaine la création d’agences urbaines avait constitué un
empiètement manifeste sur les prérogatives des présidents de communes au profit de ces agences et de
l’autorité de tutelle. D’aucuns s’attendaient donc à une réforme des agences urbaines ou du moins de leur
rapport avec les communes. Il n’en fut rien. Le gouvernement de gauche décida au contraire la généralisation
du système. De nouvelles agences urbaines allaient être créées pour couvrir tout le territoire national consa-
crant définitivement le recul de la décentralisation timidement amorcé en 1984.
Le centralisme du gouvernement d’alternance ne s’arrêta d’ailleurs pas là, il ne tarda pas à se manifester
dans la mise en place d’une commission d’instruction des projets dits d’investissement et qui était « placée
sous l’autorité directe » du ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Environnement, de l’Urbanisme, et
de l’Habitat, (M.A.T.E.U.H.). Partant de la volonté déclarée par le chef du gouvernement d’encourager l’inves-
tissement et du principe que les procédures de délivrance des autorisations de construire et de lotir en place
représentaient un obstacle que de nombreux projets d’investissement n’arrivaient pas à dépasser, la cir-
culaire no 254 mit en place des structures pour faciliter aux promoteurs l’obtention de dérogations. 2 C’est
ainsi que furent mises en place des commissions locales chargées de procéder à un examen préalable des
demandes de dérogations, et une commission ad hoc, celle « placée sous l’autorité directe » du ministre et
qui avait l’autorité pour les octroyer.
Sans remettre en cause les bonnes intentions qui ont motivé cette entreprise, il est intéressant de noter
qu’à côté du centralisme du dispositif mis en place qui rappelle celui de la circulaire du 14 novembre 1973, la

1. À ce sujet et sur les implications pour Casablanca de la nouvelle réforme communale (Charte du 30 Octobre 2002) voir l’interview de Moha-
med Sajid, Président du Conseil de la ville de Casablanca dans LABYRINTHES no 10, op. cit., pp. 34-36.
2. Circulaire ministérielle no 254 du 12 Février 1999 relative aux procédures d’instruction des projets d’investissement, M.A.T.E.U.H. Notons
toutefois que la dérogation n’est pas l’autorisation, celle-ci sera délivré dans les conditions habituelles après obtention de celle-là.

223
circulaire 254 élargissait la nature des projets soumis à l’examen de la commission ad hoc puisqu’elle instau-
rait explicitement la possibilité de déroger aux dispositions réglementaires des plans d’aménagement homo-
logués. L’évaluation des travaux de cette commission jusqu’en Juillet 2001 par les services du ministère
n’indiquent malheureusement pas le nombre de projets qui ont bénéficié de ce type particulier de déroga-
tions. Il est d’ailleurs remarquable de noter que 2 % des projets ayant bénéficié de la dérogation de la
commission ad hoc n’avaient pas réussi à obtenir l’avis favorable de la commission locale 1.
C’est finalement une décision royale qui va mettre un terme à l’application de la circulaire 254. C’est la
délégation aux walis de certaines compétences gouvernementales dans le domaine de l’investissement qui
va casser le centralisme du dispositif et de la commission ad hoc. Déconcentration donc contre centralisme.
D’ailleurs, à l’occasion le Monarque ne s’embarrasse pas de nuances puisqu’il déclare : « Nous appelons ins-
tamment l’attention sur ce que nous avons constaté comme signes de relâchement économique, et comme
propension à se focaliser exclusivement sur les prochaines échéances électorales qui, pour importantes
qu’elles soient, ne devraient pas nous faire oublier nos problèmes économiques cruciaux » 2.
De fait, la crise urbaine et l’informelisation de la production du logement n’avaient cessé de s’aggraver. En
décembre 2002, le tout nouveau Ministère Délégué auprès du Premier Ministre Chargé de l’Habitat et de
l’Urbanisme estimait que le tiers de la population urbaine marocaine n’était pas concerné par la production
réglementaire 3. Les « groupements d’habitat anarchiques », nouvelle formule remplaçant « l’habitat clandes-
tin », qui ne disposaient pas d’équipements de base concernaient 540.000 ménages. Les bidonvilles et
baraques dispersés concernaient 370.000 ménages. L’Habitat délabré et menaçant ruine 90.000 ménages.
Le déficit total de logements, y compris les besoins de la décohabitation, était estimé à près de
1.240.000 unités 4.
Les événements du 16 mai 2003 allaient de manière inattendue aiguiser la conscience de la gravité de la
crise urbaine par le biais d’une médiatisation sans précédent du phénomène bidonvillois. L’éradication de ce
phénomène semble être redevenue une priorité politique, c’est du moins ce qu’attestent les déclarations
gouvernementales. S’il est encore trop tôt pour procéder à une quelconque évaluation des nouveaux outils et
notamment du programme « Villes sans bidonvilles » on peut néanmoins noter que le centralisme demeure
une caractéristique de la planification de ces programmes, et que le rôle des communes et des élus reste
marginal. Il n’est d’ailleurs pas sans pertinence de noter que le Ministère Délégué Chargé de l’Urbanisme et
de l’Habitat préconisait en 2002 « l’orientation de l’activité des agences urbaines de la gestion des projets
vers la gestion de la ville et le développement urbain. » 5Pour illustrer la marginalisation des élus dans le dis-
positif de gouvernance urbaine et la conception des programmes de lutte contre l’habitat insalubre, il suffit
de citer la réaction du président du conseil de la ville de Casablanca. « Vingt ans durant, dit-t-il, l’Agence
urbaine a fait de la gestion d’autorisations de dossiers de construire au lieu de jouer son rôle de planificateur
et de stratège... L’actuelle politique de l’Habitat ne suit pas non plus les mutations de la ville et n’a aucune
vision en termes culturels, environnementaux et sociaux. Le quantitatif l’emporte sur le qualitatif » 6. Or, il
n’est pas déraisonnable de penser que l’absence d’adhésion des élus locaux à tout programme de déve-
loppement local ne présage rien de bon, et que dans ces conditions l’informelisation et le pourcentage élevé
des ménages n’ayant pas accès aux services de base auront du mal à baisser significativement.

1. Pour plus de détails voir « Évaluation des travaux de la commission ad hoc instituée par la circulaire no 254 », Rabat : M.A.T.E.U.H., 2002.
2. Discours de SM le Roi Mohammed VI du 9 Janvier 2002. Reproduit dans « Evaluation des travaux... », p. 7.
3. « Eléments de la nouvelle politique de l’habitat et de l’urbanisme », Ministère Délégué Chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme,
Décembre 2002, p. 7.
4. idem, p. 8.
5. Idem, p. 10.
6. LABYRINTHES no 10, op. cit., p. 35.

224
10. Perspectives

De nos jours l’ensemble des spécialistes reconnaissent que tout développement urbain harmonieux est tri-
butaire d’un projet urbain porté par des élus locaux et des services urbains compétents. Il va sans dire qu’une
telle hypothèse n’est guère imaginable dans le mode de gouvernance urbaine actuelle caractérisé par le rôle
marginal dévolu aux élus et aux présidents des conseils municipaux. Sans une véritable décentralisation et
sans démocratie locale, le risque est grand de voir les plans actuels aboutir aux mêmes résultats que les
plans d’hier. Ce n’est donc pas aux agences urbaines qu’on devrait déléguer ni la confection de nos projets
urbains, ni la gestion de nos villes, ni le développement urbain. C’est à nos élus qu’il incombera de proposer
des projets urbains, chacun pour sa ville, et ce sera à eux de gérer ces projets. Les Agences urbaines
devraient remplir la fonction qu’elles occupent dans les démocraties, celle d’assister les communes dans la
planification urbaine.
Tout projet sérieux de réformer notre mode de production et de gestion du phénomène urbain devra repo-
ser sur le développement de nouveaux savoirs de/sur la ville, de nos villes par l’incitation à la recherche au
niveau des universités, des instituts de recherche et des établissements de formation des cadres. L’incita-
tion doit venir bien sûr de l’État, mais elle doit également devenir le fait des régions et des municipalités. Elle
ne peut plus se limiter à des études commandées, elle doit permettre l’éclosion d’idées et de visions
neuves, innovatrices et pourquoi pas aventureuses. En tout état de cause, elle ne peut plus se limiter aux
questions que l’administration se pose selon les conjonctures et suivant le calibre intellectuel des respon-
sables.
La perspective d’une amélioration de la qualité de vie dans nos villes exigerait d’abord de reconnaître pour
tous les citoyens ce qu’un philosophe français appelait le Droit à la ville, une ville humanisée, offrant à tous
non seulement les services de base, mais aussi des espaces publics à l’échelle humaine (il faut rendre la ville
aux piétons, éviter la ville conçue pour l’automobile seule). Le droit à la ville implique aussi le droit à la nature
(le désir de la nature se manifeste dans toute société urbaine par le phénomène des résidences secondaires
dont nous observons le développement au Maroc depuis plus de deux décennies).
Il va sans dire que l’effort d’équipement de la campagne devra continuer, s’intensifier et s’améliorer.
L’objectif de cet effort ne se limitant pas à ralentir l’inexorable exode rural, mais à développer l’offre de rési-
dences secondaires, et même peut-être à permettre le retour à la campagne. En effet le retour à la cam-
pagne n’est plus un rêve : les nouvelles technologies de l’information (multimédia, Internet) ont permis, dans
certaines régions du monde à une population nombreuse en mesure de travailler à distance, de s’installer à la
campagne.

Bibliographie

Janet L. Abu-Lughud, Rabat, Urban Apartheid in Morocco, Princeton, New Jersey : Princeton University
Press,1980.
M. Ameur, « Habitat Clandestin : problèmes et potentialités », in Almaouil, Les Cahiers de l’ANHI no 2, Rabat,
nov. 1991, pp. 2-6.
H. Bahi, M. Malti, F. Guerraoui, et M. Hamdouni Alami, Habitat Clandestin au Maroc, Rabat : C.N.C.P.R.S.T.,
1986.
W. Benjamin, The Arcades Project, Cambridge, Massachussets : The Belknap Press of Harvard University
Press, and London, England, 1999.

225
F. Debbi, « La problématique de l’habitat insalubre au Maroc, » Almaouil, Les Cahiers de l’ANHI no1, Rabat,
Juin 1991, pp. 5-14.
J. Dethier, « Soixante ans d’urbanisme au Maroc », in Bulletin Economique et Social du Maroc, numéro
double 118-119, 1970, pp. 5-56.
M. Ecochard, Casablanca, le roman d’une ville, Paris : Editions de Paris, 1955.
M. Foucault, Surveiller et punir, Paris : Editions Gallimard, 1975.
M. Hamdouni Alami, « Noms d’espaces, entre concepteurs et usagers », in AWAL, no 24, Paris : Editions de
la Maison des Sciences de l’Homme, 2001, pp.21-30.
« The Fiction of Architectural Identity in Contemporary Morocco » in ISIM Newsletter no 8, p. 27, Inter-
national Institute for the Study of Islam in the Modern World, Leiden, Hollande, Sep. 2001.
F. Imnsar (entretien avec), « La planification urbaine dans l’impasse », LABYRINTHES, no 10, Casablanca,
Aout/Septembre 2004, pp.44-46.
M. Lemaire, « ’Le budget des municipalités et le coût de la croissance urbaine’ de M. Hollard », in Bulletin
Economique et Social du Maroc, no double 118-119, 1970, pp. 131-143.
Abdel Ilah Mkinsi, Le droit marocain de l’urbanisme, Rabat : Publications de l’INAU, 1989.
A. Portes, M. Castells, and L.A. Benton (ed.), The Informal Economy, Studies in Advanced and Less Advan-
ced Countries, Baltimore and London : The John Hopkins University Press, 1989.
Mohamed Sajid (entretien avec), « L’élu-manager s’exprime », in LABYRINTHES no 10, Casablanca, Aout/
Septembre 2004, pp. 34-36.
Documents administratifs :
L’habitat en chiffres 1998, Observatoire de l’Habitat, Ministère de l’Habitat, Rabat, 1998.
« Circulaire ministérielle no 254 du 12 Février 1999 relative aux procédures d’instruction des projets d’inves-
tissement », M.A.T.E.U.H, Rabat.
Évaluation des travaux de la commission ad-hoc instituée par la circulaire no 254, Rabat : M.A.T.E.U.H., 2002.
Élements de la nouvelle politique de l’habitat et de l’urbanisme, Ministère Délégué Chargé de l’Habitat et de
l’Urbanisme, Décembre 2002

226
La bataille de la ville :
Un des grands chantiers du début du siècle

1. Les données de base pour une stratégie......................................................229


2. Globalisation et Innovation : les nouveaux angles d’attaque ...................229

DRISS BENHIMA

227

gt6-9 227 22/03/06, 13:21:37


228

gt6-9 228 22/03/06, 13:21:38


Comme l’indiquent régulièrement les Hautes Orientations Royales, l’édification et la maîtrise d’un cadre
urbain de qualité constituent un des grands chantiers nationaux de ce début du siècle, motivé par la crois-
sance de la population urbaine qui aura triplé entre 1980 et 2020 passant d’un niveau de 8 millions d’habi-
tants à un niveau de 25 millions d’habitants : les villes s’accroissent de 500 000 citoyens par an.
La qualité du cadre urbain constitue un facteur déterminant pour la qualité de la vie du citoyen, pour la
croissance économique, pour la préservation des valeurs profondes de la société marocaine et pour une
modernisation équilibrée des rapports sociaux.
Or, aujourd’hui, l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande accumulée se traduit par la présence d’un
habitat insalubre qui constitue le logement de près d’un quart des citoyens urbains, répartis entre habitat
anarchique (14 %) et bidonvilles (10 %). Le rattrapage de cette situation sur dix ans impose un doublement
de l’offre annuelle d’habitat convenable et une croissance correspondante de l’espace urbain aménagé.

1. Les données de base pour une stratégie

La bataille de la ville peut être gagnée sur la base de deux considérations importantes :
– Le citoyen urbain marocain a les moyens d’accéder à un cadre de vie convenable. Les villes consti-
tuent des lieux de prospérité relative. L’exclusion économique totale ne concerne qu’une part limitée
des citoyens urbains, estimée à 5 % environ. La défaillance des mécanismes financiers d’accès au crédit
immobilier, en particulier pour les non-salariés, et l’insuffisance d’espaces aménagés sont des facteurs
plus importants de l’habitat insalubre que la non-solvabilité des citoyens qui aspirent à un logement.
– L’organisation actuelle de la gestion urbaine n’est pas adaptée au rythme de croissance des villes.
Il y a éclatement et chevauchement des responsabilités entre les acteurs du cadre urbain : les agences
urbaines, les municipalités, les établissements publics de l’habitat, la direction des régies et services
concédés, les sociétés de distribution de services publics. D’autre part, les modes de gestion et de
financement des services publics urbains, qui vont du transport urbain à l’entretien des espaces verts,
sont inefficaces, et pénalisent toutes les tentatives de rationalisation et de professionnalisation.

2. Globalisation et innovation : les nouveaux angles d’attaque

– Regrouper dans les mêmes instances de direction les cinq problématiques qui interviennent dans le
cadre urbain, c’est-à-dire reconnaître le caractère interdépendant de ces problématiques :
R L’urbanisme : l’extension des périmètres urbains, les plans d’aménagement, les normes en équipe-
ments publics. Rendre flexibles et adaptatifs les documents d’aménagement. Accepter l’extension
spatiale intelligente des villes. Donner toute sa place aux concepts de l’aménagement du territoire.

229
R L’habitat : la mobilisation des terrains, le recours extensif au secteur privé, la libération des normes
d’habitat. Agir sur le recasement par l’extension de l’offre : c’est-à-dire refuser la guerre d’usure que
constituent l’éradication des bidonvilles et la restructuration de l’anarchique et se concentrer sur les
nouveaux quartiers à bâtir. Privilégier les grands projets privés complets et structurés. Expérimenter
les expériences internationales en matière d’habitat progressif. Faciliter le locatif en durcissant la loi et
en instituant des astreintes à l’habitat abusif, occupation illégale et refus de loyer.
R Les services aux populations : le transport public, bus et taxis, la distribution d’eau et d’électricité,
l’assainissement liquide et solide, le nettoiement, l’éclairage public, les espaces publics et les espaces
de vie. Décentraliser leur gestion, professionnaliser leur fonctionnement. Fixer des normes légales au
droit des citoyens à la qualité des services publics : « la qualité de la ville devient un droit de l’homme ».
R Le financement de l’accès au logement : abaisser le coût minimum du logement en libérant cer-
taines contraintes sur les gammes inférieures de l’habitat social, instituer des plans d’épargne loge-
ment de longue durée, professionnaliser le recouvrement de proximité, professionnaliser la gestion
des incidents de recouvrement. L’objectif est d’ouvrir l’accès au crédit immobilier aux non-salariés et
de baisser le risque des non-remboursements.
R Les équilibres financiers des services aux populations : accepter la vérité des coûts et rechercher
l’équilibre entre ressources et dépenses, revoir la fiscalité locale en expérimentant le portage des res-
sources nécessaires à certains services par les services marchands, eau et électricité, tout en insti-
tuant des tranches sociales, et enfin, rationaliser les dépenses municipales.
– Ouvrir deux autres chantiers, celui des services étatiques de proximité et celui de la gouvernance muni-
cipale :
R Coordonner l’action des ministères concernés par les services de proximité : lieux de culte, édu-
cation, santé, jeunesse et sports, culture et sécurité publique, afin d’assurer leur présence dans
l’ensemble des quartiers existants ou à construire en revoyant les normes des bâtiments publics et
leur densité.
R Ouvrir un chantier particulier consacré spécifiquement et de manière volontariste à la mise à
niveau de la gouvernance municipale par la formation des élus, le reprofilage des effectifs et des
budgets et à la prise en compte adaptative du caractère urbain des concentrations d’habita-
tions : faciliter l’accession au statut urbain des localités rurales qui le justifient et assurer la pérennité
financière des services aux populations. Assurer le recouvrement des recettes municipales.
– Construire un triangle vertueux : conseils élus, agences urbaines et walis, ministère de la Ville et comité
interministériel de la Ville :
R Au niveau central : Créer un comité interministériel de la gestion urbaine permanent présidé par le
Premier Ministre chargé de l’impulsion et de la coordination de la politique de la Ville. Créer un minis-
tère chargé de la Ville, regroupant les agences urbaines, l’aménagement du territoire, l’urbanisme et
l’habitat, la direction des régies et services concédés, la direction de l’eau et de l’assainissement.
Créer une direction du développement urbain. Ouvrir les chantiers législatifs importants qui assoient
fortement les nouvelles approches de la politique de la ville et qui respectent les orientations en
vigueur sur la déconcentration et la décentralisation. Privilégier le recours systématique à la déconcen-
tration au profit des Walis et à la décentralisation au profit des conseils communaux. Privilégier la
contractualisation comme mode d’expression du consensus sur la gestion urbaine de qualité.
R Au niveau régional : Regrouper au sein des agences urbaines, sous l’autorité du wali, représentant
de l’état, leurs attributions actuelles auxquelles s’ajoutent les attributions de l’état concernant les cinq
problématiques déjà citées liées au cadre urbain. Placer au niveau du Wali les attributions déci-
sionnelles de l’état dans tous ces domaines dans le cadre des nouvelles lois touchant au cadre urbain.

230
R Au niveau local : Donner aux agences urbaines un statut de direction technique et de direction de
développement au profit des collectivités locales qui gardent leurs prérogatives reconnues par la
charte communale mais qui délèguent aux agences urbaines pour des durées contractuelles la gestion
technique de ces prérogatives sous le contrôle politique régulier des élus.
R Assurer la circulation de l’information : le succès de la bataille de la Ville repose sur un niveau mini-
mum de concertation et de consensus de l’ensemble des acteurs mobilisés par l’appel au plus haut
niveau du royaume à la prise de conscience du caractère crucial de la bataille. C’est au prix d’une
grande diffusion de l’information et d’une grande transparence des acteurs que notre pays pourra
atteindre la maîtrise d’un des plus grands défis qu’il affronte depuis vingt ans et qu’il aura à connaître
dans les vingt ans à venir avant que la transition démographique ne s’achève et ne stabilise relative-
ment l’effectif des populations.

231
Accès aux services de base dans l’axe
Kenitra-Jorf Lasfar dans une perspective
d’aménagement du territoire

I. L’axe littoral Kénitra-Jorf Lasfar : naissance, renforcement


et diversification ................................................................................................ 235
1. L’émergence de l’axe urbain moyen atlantique, fait majeur
de la géographie marocaine à l’indépendance ........................................ 235
1.1. La mise en place des conditions indispensables
à l’accumulation du capital ..................................................................... 237
1.2. La concentration des industries modernes dans
les principales villes portuaires du littoral moyen .............................. 237
2. Renfoncement et diversification des composantes de l’axe
littoral après l’indépendance : une conurbation atlantique
marocaine en devenir .................................................................................... 240
2.1. L’axe littoral moyen atlantique : cœur du système urbain
et économique du Maroc ........................................................................ 241
2.1.1. Une remarquable croissance démographique .......................... 241
2.1.2. Le point de convergence de la vie économique
nationale ........................................................................................... 243
2.2. Une « région urbaine » exceptionnelle ................................................. 247
2.2.1. L’agglomération capitale et ses dépendances ........................... 247
2.2.2. Le Grand Casablanca ..................................................................... 249
2.2.3. La Chaouia littorale, future zone d’extension
de Casablanca ................................................................................ 258
2.2.4. La zone du Grand El Jadida, terminaison de l’axe
urbain moyen atlantique ............................................................... 259
3. Mise à niveau et requalification du Grand Casablanca,
enjeu principal pour le développement futur du Maroc .......................... 259
3.1. Casablanca, la métropole nationale en crise ...................................... 260
3.1.1. Un déficit énorme en équipements de proximité ....................... 260
3.1.2. L’habitat insalubre pour près d’un million de citoyens .............. 262

233

GT6-10 233 22/03/06, 13:27:51


3.1.3. Des structures d’accueil de l’investissement
inadaptées .......................................................................................263
3.1.4. Un système de transport collectif déficient ................................264
3.1.5. Un environnement urbain dégradé ..............................................265
3.2. Les grandes urgences du développement de la métropole ..............265
3.2.1. Préparer la ville à relever les défis de la compétition
internationale ...................................................................................265
3.2.2. Concevoir le développement de l’agglomération dans
le cadre de la région urbaine littorale en formation .................267
4. Un système de gouvernance efficient pour améliorer
le fonctionnement interne de l’agglomération .........................................268
4.1. La machine urbaine est déréglée, l’autorité publique
en a perdu le contrôle ..............................................................................269
II. Accès aux services de base dans l’axe littoral et aménagement
du territoire .........................................................................................................270
1. Évolution de l’offre en services de base et accessibilité
des populations : des réalisations en deçà des besoins .........................270
1.1. L’héritage de la colonisation ...................................................................270
1.2. L’accès à l’eau et à l’électricité après l’indépendance :
la permanence des déséquilibres ..........................................................271
1.2.1. L’accès à l’eau courante ................................................................271
1.2.2. L’accès à l’électricité ......................................................................273
1.2.3. L’accès à l’assainissement ............................................................274
2. Les équipements sociaux de proximité : l’enseignement
et la santé ........................................................................................................275
2.1. L’accès à l’enseignement : une situation préoccupante ...................275
2.2. L’accès à la santé .....................................................................................276
2.3. Une nouvelle approche pour une meilleure accessibilité
aux équipements de proximité dans les quartiers du Grand
Casablanca ................................................................................................278

ABDELKADER KAIOUA

234

GT6-10 234 22/03/06, 13:27:52


I. L’axe littoral Kénitra-Jorf Lasfar :
Naissance, renforcement et diversification

1. L’émergence de l’axe urbain moyen atlantique,


fait majeur de la géographie marocaine à l’indépendance

En accédant à l’indépendance en 1956, Le Maroc a hérité d’un véritable ruban urbain sur le littoral moyen
atlantique, de Kénitra à Casablanca, rassemblant l’essentiel de l’activité économique moderne et concentrant
une grande partie de la population.
En 1952, dernier recensement effectué par le Protectorat avant l’indépendance, la population urbaine de
cet axe était estimée à un million d’habitants dont 68 % à Casablanca, ce qui représentait 38 % de la popula-
tion urbaine totale (2 650 000 personnes).
Au lendemain de la première guerre mondiale, ces villes rassemblaient près de 187 000 habitants. Casa-
blanca était encore la seconde ville du pays après Marrakech mais elle accaparait déjà plus de la moitié de la
population de l’axe.
En l’espace de 15 années, l’axe côtier devient le principal foyer démographique du Maroc avec près de
30 % de la population urbaine totale. Pour la première fois, Casablanca va passer au premier rang des villes
marocaines en détrônant Marrakech, avec 257 430 habitants.

Tableau 1 : Évolution de la population urbaine de l’axe atlantique moyen Kénitra-El Jadida


pendant le protectorat (1921-1952)

Villes 1921 1936 1952


Kénitra 9 438 20 018 22 905
Salé 24 216 31 823 46 583
Rabat 30 953 83 379 156 209
Mohammadia 2 500 10 119 25 247
Casablanca 101 690 257 430 682 380
El Jadida 18 000 24 391 34 781
Total 186 797 427 160 1 001 113
Part de Casablanca dans l’axe atlantique 54,4 % 60,2 % 68,1 %
Total du Maroc 980 000 1 450 000 2 650 000
Part de l’axe dans la population urbaine marocaine 19 % 29,5 % 38 %

235
Figure 1 : Évolution de la population des villes de l’axe atlantique moyen pendant le protectorat

Figure 2 : Part de l’axe atlantique dans la population marocaine totale pendant le protectorat

236
Cette forte polarisation démographique est la conséquence des décisions politiques qui ont privilégié cette
zone, dès le début du Protectorat.

1.1. La mise en place des conditions indispensables à l’accumulation du


capital

Pour asseoir sa domination sur le territoire national et en faire « la bonne affaire commerciale et industrielle
qui doit être l’objet primordial de tout établissement colonial », selon Lyautey, le Protectorat avait immé-
diatement besoin d’un équipement de base nécessaire au démarrage de l’économie coloniale et au rattache-
ment de l’espace marocain aux intérêts de la puissance dominante. La mise en place des infrastructures de
transport et de communication sera adaptée techniquement et géographiquement à ce projet.
Peu après son installation au Maroc, le premier Résidant Général Hubert Lyautey, s’attachera à mettre en
pratique cette stratégie. Dès 1912, il prit la décision de construire un grand port à Casablanca. Avec le trans-
fert de la capitale administrative de Fès à Rabat et la création de deux ports annexes à Fedala (actuelle
Mohammadia) et à Port Lyautey (actuelle Kénitra), le choix de Casablanca fut le plus décisif. Il aura des
conséquences et des effets d’entraînement multiples et complexes sur l’organisation et la structuration de
tout le territoire marocain.
Ainsi, la colonisation s’est dotée de l’outil nécessaire à l’exploitation du pays. Cette décision va sceller le
destin de Casablanca qui appartient désormais à l’espace national tout entier.
Toute la stratégie d’équipement du pays en infrastructures de transport et d’échanges sera faite en fonc-
tion du port de Casablanca, de sorte qu’il devienne le cœur de l’économie coloniale, le point de convergence
des transports vers les principales régions agricoles, vers les centres miniers et les autres villes du pays.
Désormais, port et ville ne font plus qu’un et se développent conjointement.
La logique du système mis en place conduisait nécessairement au développement et à la concentration
des activités modernes et surtout industrielles dans les villes portuaires et notamment à Casablanca.

1.2. La concentration des industries modernes dans les principales villes


portuaires du littoral moyen

Les premières entreprises à caractère industriel apparaissent au Maroc pendant la 1re guerre mondiale.
Elles s’installent en majorité à Casablanca qui devient le seul foyer de l’industrie moderne dès 1913-1914.
L’économie de comptoirs se double alors d’une économie industrielle, -limitée certes, jusqu’à la seconde
guerre mondiale, pendant laquelle on enregistra une forte poussée de l’activité industrielle –, dans une atmo-
sphère de spéculation et de profit maximum.
Au niveau spatial, les choix de la colonisation se sont traduits par la concentration des moyens de produc-
tion industrielle et de l’accumulation du capital sur une frange très limitée du territoire national. Il en a résulté
l’émergence d’une ligne « industrialisante » sur la côte atlantique avec Casablanca comme épicentre, réunis-
sant plus de 80 % de la production industrielle du Pays.

237
Tableau 2 : Distribution géographique de l’emploi industriel à la veille de l’indépendance

Villes Population occupée dans l’industrie %


Casablanca 40 093 78,5
Rabat-Salé 6 048 12
Kénitra 2 486 5
Mohammadia (ex-Fedala) 2 332 4,5
Total des villes de l’axe urbain 50 959 67,0
Reste du Maroc 24 754 23
TOTAL 715 713 100

La plus forte concentration des salariés de l’industrie se situait à Casablanca qui en regroupait avec Fedala
– actuelle Mohammadia – 56 % de l’ensemble.

Si l’on considère les villes de l’axe littoral moyen, ce taux atteint plus de 67 % de la population ouvrière.
Les ports sardiniers de Safi et Agadir se plaçaient respectivement en seconde et troisième position mais
leur main d’ouvre, occupée essentiellement dans les conserveries était saisonnière.
Les grandes villes de l’intérieur ont très durement ressenti le basculement du Maroc vers sa frange Nord-
Ouest et se sont trouvées dans une position de repli. Elles sont restées faiblement concernées par l’industrie
moderne (7 % de l’emploi industriel).

238
Figure 3 : Répartition géographique de la main d’oeuvre industrielle
dans les principales villes marocaines à la fin du protectorat

La puissance coloniale a ainsi fait surgir ses propres pôles de croissance et a structuré à son profit une
fraction de l’espace marocain. La mise en place des infrastructures de communication qui, toutes conver-
geaient vers Casablanca, a joué un rôle décisif dans la constitution d’un axe urbain remarquable entre Kénitra
et Casablanca.
Fait majeur de la géographie du Maroc au XXe Siècle, la suprématie de cette frange littorale, comme région
d’investissements industriels par excellence, va continuer toujours à marquer l’espace marocain.
Plus de 500 unités industrielles en activité sur l’axe urbain (en 2003) furent créées avant 1956. Elles sont
localisées en grande majorité dans le grand Casablanca. Leur poids économique et social à l’échelle locale et
nationale est très important, comme en témoigne le nombre d’emplois qu’elles procurent actuellement
(54 000 salariés, soit plus de 27 % de l’emploi industriel casablancais).

239
Figure 4 : Structure des industries casablancaises héritées du protectorat
( % des établissements)

2. Renforcement et diversification des composantes de l’axe


littoral après l’Indépendance : une conurbation atlantique
marocaine en devenir

Le développement urbain et économique de l’axe littoral entamé à l’époque coloniale, s’est fortement
accentué au cours des 50 années d’Indépendance du Pays. L’action publique conjuguée à l’initiative privée a
eu pour effet le renforcement du poids de cet espace, la diversification de ses fonctions et la densification
des relations qu’il entretient avec l’ensemble du territoire national.
Cet ensemble, peuplé, urbanisé et économiquement dynamique est aujourd’hui le centre vital du pays,
l’espace vers lequel tout converge : hommes, biens, capitaux, flux de transport et de communication. C’est
le cœur de l’espace national et donc aussi un pôle à partir duquel tout diverge : les grandes décisions, les
ordres, les financements, la distribution commerciale, les liaisons routières et ferroviaires.....
Au cœur de ce système, la métropole casablancaise, accompagnée par un chapelet de villes dont la capi-
tale du pays : Rabat, constitue le nœud central du corridor urbain littoral.
Une grande complexité de paysages mais aussi de fonctions complémentaires caractérise ce territoire.
Aussi, l’espace marocain est-il structuré aujourd’hui autour d’un bipôle constitué par les deux métropoles,
économique et politique, Casablanca et Rabat qui commandent, diffusent et émettent des flux et des
échanges extrêmement denses.
Sont rattachés à ces deux pôles majeurs, des espaces satellites sous forte pression le long du littoral de
Kénitra à El Jadida.
Depuis plusieurs années, les relations entre les différentes composantes spatiales de cette zone se sont
densifiées et diversifiées. Avec la réalisation des infrastructures lourdes projetées et le renforcement de la

240
fonction du transport, on assistera, au cours de la prochaine décennie, au développement d’une véritable
intégration sous la forme d’« une région urbaine » que l’on pourra qualifier de conurbation casablancaise (J.F.
TROIN, 2002)

2.1. L’axe littoral moyen atlantique :


cœur du système urbain et économique du Maroc

2.1.1. Une remarquable croissance démographique


L’évolution de la population souligne le grand dynamisme de cet espace exceptionnel.

Tableau 3 : Évolution de la population de l’axe atlantique moyen de Kénitra à El Jadida


entre 1960 et 2025

Population Population Totale Population de l’axe Part de l’axe dans


Population Population Part de la Population Population Part de la Population Population
totale urbaine Pop. urbaine Totale urbaine pop. urbaine totale urbaine
Années
1960 11 626 470 3 389 613 29 2 974 016 1 550 732 52,1 25,5 45,7
1971 15 379 259 5 405 725 35 4 298 033 2 522 249 58,6 27,9 46,6
1982 20 419 555 8 730 399 42,7 4 935 983 3 179 646 64,4 24,1 36,4
1994 26 073 717 13 407 835 51,4 6 531 786 5 015 348 76 25 37,4
2005* 31 000 000 18 200 000 58,7 8 079 000 6 584 000 81 26 36,1
2015* 35 300 000 23 200 000 65,7 9 401 000 7 984 000 84,9 26 34,4
2025* 39 200 000 27 200 000 69,3 10 442 000 9 037 000 86,5 26,6 33,2
* Estimations du CERED

Entre 1960 et 1994, la population totale du Maroc a plus que doublé. La population urbaine elle, a quadru-
plé, en passant de 3,4 millions d’habitants à 13,4 millions, soit respectivement de 29 % à 51,4 % de la popu-
lation totale. Ainsi, au cours de la décennie 90, la population marocaine est devenue pour la première fois à
dominance urbaine.
Dans cette évolution, la population globale de l’axe littoral moyen est passée de 3 millions à 6,5 millions
d’habitants, soit le quart de la population marocaine. La population urbaine a triplé en passant de 1,5 à 5 mil-
lions de personnes, soit respectivement 52,1 % à 75 % de la population totale de l’axe. Sa part dans la popu-
lation urbaine totale a évolué de 46 % à 37,4 % (Tableau 3)
Selon les estimations de la Direction de la Statistique, cet axe comprendra 6,5 millions de citadins en 2005
et 9 millions en 2025, il rassemblera ainsi un tiers des citadins du Maroc, mais plus de 86 % de sa population
résidera en milieu urbain. (figure 5)

241
Figure 5 : Évolution de la population de l’axe atlantique moyen de Kénitra à El Jadida
entre 1960 et 2025

Ces chiffres indiquent que la conurbation atlantique en formation évoluera dans les toutes prochaines
années vers un ensemble fortement urbanisé polarisé par un noyau principal qui est Casablanca.

Trois grands ensembles composent ce territoire exceptionnel :


– Une région Capitale, regroupant sur une centaine de kilomètres, Kénitra, Rabat-Salé et ses dépendances
immédiates. Elle abrite plus de 1,8 millions de citadins (36 % de l’ensemble de l’axe) en 1994, en 2005,
ce taux atteindra 39 %.
– La région Métropole du Grand Casablanca, au cœur de tout le système. Elle abrite près de 60 % de la
population urbaine de l’axe soit 2,9 millions d’habitants en 1994. Selon les estimations, ce taux sera de
55 % en 2005.
– Enfin les prolongements urbains Sud et Sud-Ouest, le long du littoral, qui se densifient autour d’El
Jadida. Ils regroupent 240 000 citadins, soit plus de 4 % de l’ensemble et constituent le futur espace de
desserrement de Casablanca. En 2005, ce taux sera de 5 %.

Cette polarisation spatiale unique au Maghreb, n’est pas seulement démographique, elle est aussi et sur-
tout économique.

242
2.1.2. Le point de convergence de la vie économique nationale
L’interdépendance et la complémentarité des fonctions entre la capitale économique et la capitale poli-
tique créent les éléments de structuration qui confèrent à l’axe littoral le rôle qu’il assume dans le système
socio-économique marocain.

A. Une zone privilégiée du capital industriel :


En dépit des efforts importants déployés par les pouvoirs publics pour inciter à la décentralisation de
l’industrie, le littoral moyen demeure l’espace d’attraction par excellence des investissements industriels.
Au cours des deux dernières décennies, plus de 60 % des capitaux industriels y ont été investis. À lui seul,
le Grand Casablanca en a attiré la moitié, soit 45 milliards de DH.
La pérennité de cette polarisation s’explique par l’environnement exceptionnel, propice aux affaires que
continue à offrir l’agglomération casablancaise.

B. Un appareil industriel diversifié et quasi-complet


La suprématie industrielle des villes de l’axe peut être mesurée au niveau du poids et de la structure de
leur appareil productif. Cette région majeure abrite en effet, aujourd’hui, l’essentiel des industries modernes
du pays, sur 2000 Km2, soit 0,28 % du territoire : 50 % des unités de production et près des deux tiers des
emplois industriels. Elle dispose d’un tissu productif très diversifié et d’une gamme de production assez
complète.
Casablanca, premier foyer industriel du pays, est au cœur de ce dispositif. Sa population industrielle est
passée de 50 000 salariés en 1967 à plus de 200 000 aujourd’hui.

243
Figure 6

L’agglomération commande et anime d’intenses mouvements de flux industriels à l’échelle du littoral


atlantique moyen et du pays tout entier. Toutes les industries y sont présentes avec une prédominance des
secteurs du textile, de la mécanique et l’électronique, de la chimie et de l’agroindustrie.

244
Figure 7

C. Un couloir de circulation et d’échanges exceptionnel


L’axe littoral regroupe les trois grands ports du pays, Casablanca, Mohammadia et Jorf Lasfar. Avec plus
de 41 millions de tonnes en 2002, ce complexe portuaire à trois entités assure 72 % du trafic global du
Maroc.
L’ensemble portuaire Casablanca-Mohammadia a enregistré à lui seul la même année un trafic de 31 mil-
lions de tonne soit 54 % de l’activité maritime nationale contre 63 % en 1982. Ceci montre le rôle croissant
du port de Jorf Lasfar, comme port de desserrement, notamment pour les importations.
Parallèlement, le trafic aérien est largement monopolisé par Casablanca. Si l’on y ajoute le modeste apport
de l’aéroport de Rabat-Salé (161 482 passagers en 2002), on atteint un trafic de 3 550 942 passagers, soit
55 % de l’ensemble national.
D’ici 2005, toutes les composantes de cette région urbaine en devenir seront desservies par l’autoroute.
Le doublement de la voie ferrée est effectif entre Casablanca et Kénitra depuis plusieurs années.
Casablanca se situe ainsi à la convergence des réseaux de transports terrestres et des télécommunica-
tions et constitue, avec son port et son aéroport, le point d’arrimage de l’économie marocaine à l’économie
mondiale.

D. Un pouvoir de commandement économique quasi-absolu


La concentration des instruments de décision économique de niveau supérieur permet à l’axe littoral de
contrôler la majeure partie de l’économie nationale.
La fonction de direction des activités financières est totalement assurée par Casablanca. Tous les services
et organismes financiers à rayon d’action national, tous les sièges sociaux de banques privées, de compa-
gnies d’assurances et d’organismes de crédits se localisent au cœur de la cité casablancaise.

245
Figure 8

Avec plus de 1500 unités de commerce de gros et de maisons d’import-export implantées essentiellement
à Casablanca, l’axe urbain commande l’essentiel de la fonction commerciale nationale.
Au cœur de l’axe, Casablanca exerce enfin une fonction de commandement industriel très forte qui se
manifeste par la présence d’un nombre important de sièges sociaux et de nombreuses sociétés dispensant

246
des services aux entreprises. Plusieurs milliers d’emplois industriels sont commandés depuis Casablanca, en
même temps que les entreprises spécialisées distribuent leurs services aux unités de production de tout le
pays.

2.2. Une « région urbaine » exceptionnelle

Au cours d’un demi siècle d’Indépendance, un corridor de villes de tailles et de fonctions variées s’est
développé et renforcé entre Kénitra et Jorf Lasfar, présentant toutes les composantes d’une région urbaine
exceptionnelle en devenir (fig. no 9)

Figure 9

2.2.1. L’agglomération capitale et ses dépendances


Il s’agit de l’espace de la capitale nationale avec ses prolongements immédiats.

247
A. Kénitra : Tête de pont du corridor urbain
Au Nord du corridor, Kénitra, point d’aboutissement des flux de circulation en provenance du Gharb est en
pleine mutation. La ville de Kénitra occupe une position de tête de pont entre les plaines agricoles du Nord et
l’axe littoral atlantique, orientée spécifiquement vers les services et l’industrie.
Fondée au début du siècle, sous le nom de Port Lyautey, Kénitra a enregistré une croissance démo-
graphique fulgurante, passant de 87 000 habitants en 1960 à 300 000 habitants en 1994. Ville de prolétaires,
nourrie longtemps de vagues continues de migrants, son tissu urbain s’est largement étalé d’une façon hété-
roclite. À l’entrée du corridor urbain, la ville cherche à s’enraciner dans son espace régional et à faire figure de
capitale régionale sans en avoir encore tous les équipements.
Les jardins maraîchers et les vergers séparant la capitale du gharb et Salé, sont peu à peu grignotés par
l’urbanisation. Le centre de Bouknadel, devenu une petite ville de 40 000 habitants, constitue aujourd’hui une
banlieue avancée de Rabat-Salé.

B. Rabat-Salé : un doublet urbain original


Salé, qui a longtemps fonctionné comme un réceptacle de populations aux portes de l’agglomération capi-
tale, a connu une croissance démographique explosive : 6,7 % entre 1960 et 1982 et 5,5 % entre 1982 et
1994. Elle est largement dépendante de sa grande voisine, à qui, elle fournit une grande part de sa force de
travail.
Ce doublet urbain original au Maroc prend l’allure de cités jumelles. En 1994, la population de Salé a atteint
près de 580 000 habitants contre 623 000 à Rabat. Au niveau économique, si la capitale, abritant l’essentiel
des activités tertiaires de haut niveau, distribue les ressources et offre des emplois, Salé joue un peu la fonc-
tion de ville-dortoir, en logeant les employés et les travailleurs.
La ville a cependant développé, depuis quelques années, une importante activité industrielle, diversifiant
ainsi ses fonctions. Pourtant cet ensemble urbain de 1,2 million d’habitants en 1994 forme aujourd’hui une
seule agglomération dont les composantes fonctionnent en complémentarité.
Capitale nationale, siège du pouvoir politique et administratif et des représentations diplomatiques, Rabat
est devenue, au cours de dernières décennies, une grande ville capitale d’État, en améliorant et diversifiant
son paysage urbain. Elle offre ainsi aujourd’hui un ensemble de quartiers socialement très différenciés s’éta-
lant sur de grandes superficies ; de multiples pôles d’animation aux fonctions directionnelles sont apparus en
périphérie démultipliant ainsi le centre ville traditionnel.

C. La zone relais très dynamique, au sud-ouest de la capitale


Au sud ouest de Rabat, commence une zone « tampon » entre les deux capitales politique et économique,
appelée à jouer un rôle de connexion entre la partie Nord et la partie Sud de la région urbaine en formation.
C’est une zone stratégique pour les aménageurs du territoire, qui offre des opportunités réelles de structura-
tion de l’espace séparant les deux capitales.
Bloquée vers le Nord par le Bou Regreg, Rabat ne peut s’étendre que vers le Sud, le long des voies
accompagnant le littoral. Cette évolution est déjà une réalité, illustrée par le développement de plusieurs
centres urbains très dynamiques aux portes de la capitale.
Temara, petit centre d’à peine 2 000 habitants au début de l’Indépendance, abrite en ce début de XXe Siè-
cle plus de 130 000 habitants. Promue chef lieu de Province, dotée de tous les services et commerces d’une
grande ville, elle abrite des espaces industriels accueillant des industries de haut niveau.
Plus au Sud, le centre de Skhirat est plus modeste. À la fois centre balnéaire et zone d’expérimentation de
l’agriculture spéculative péri urbaine à haute technologie, ce territoire est en passe de devenir un espace agri-

248
cole de haute valeur, dans la périphérie immédiate de la capitale. Peut-on penser que cette spécialisation per-
mettra à cet espace d’échapper aux assauts de l’urbanisation ?
Beaucoup plus dynamique, apparaît Bouznika, à mi-chemin entre Rabat et Casablanca. Comme Temara,
elle a enregistré depuis l’indépendance une très forte mutation. Plusieurs recherches la considèrent comme
un véritable laboratoire d’urbanisation accélérée au Maroc.
D’un petit noyau de 2 600 habitants en 1960, il est devenu une municipalité de plus de 21 000 habitants en
1994, lieu d’attraction des investissements, dans l’habitat, l’industrie, les services et le tourisme. Ce dyna-
misme enregistré au cours des trente dernières années, pose la question du devenir de cet espace inter-
médiaire entre les deux capitales.

2.2.2. Le Grand Casablanca


Au delà de Bouznika, vers le Sud, une intense urbanisation de l’espace marque l’entrée dans le périmètre
du Grand Casablanca. Une aire urbaine en pleine expansion se dessine tant par ses constructions, ses fonc-
tions que ses flux.

A. Mohammadia, pôle urbain spécifique


À l’extrême Nord, Mohammadia, est une cité très dynamique de plus de 200 000 habitants aujourd’hui,
administrativement intégrée à l’aire casablancaise mais conservant une nette individualité et des fonctions
propres.
En 1960, sa population n’excédait pas 35 000 habitants. C’est après l’Indépendance que la plus remar-
quable impulsion sera donnée au développement de la ville grâce notamment aux initiatives de l’État : déve-
loppement du complexe national de raffinage SAMIR et création du nouveau port pétrolier. Ceci confirma
définitivement la vocation pétrolière et industrielle de la ville.
Vers le Sud Ouest, le mitage des jardins maraîchers est très avancé, Mohammadia et le centre d’Aïn Har-
rouda se rejoignent presque. C’est d’ailleurs dans ce secteur que les futures extensions urbaines sont envi-
sagées par les documents d’urbanisme. Au sein de cette structure linéaire, Mohammadia paraît être le pôle
porteur par sa capacité d’évolution et son dynamisme propres. Elle pourrait de ce fait, constituer un certain
contrepoids à l’extension de sa voisine, la métropole casablancaise.

B. Casablanca, une grande métropole maghrébine


a. Une métropole jeune, quatre fois millionnaire
Il y a cinquante ans, lors de l’Indépendance du Maroc, la population casablancaise était estimée à
700 000 habitants. En l’espace de quelques décennies, la ville est devenue une grande métropole mag-
hrébine quatre fois millionnaire, du fait d’un mouvement migratoire puissant et d’un croît naturel soutenu,
rassemblant ainsi 12 % de la population totale du pays et près du quart de sa population urbaine.
Casablanca est une métropole récente, la plus grande du Maghreb par sa taille. Elle est la capitale offi-
cieuse du Maroc, l’organisme écrasant où tous les records urbains du pays sont battus.

b. Des tissus urbains très différenciés


La forte concentration de la population et des activités se traduit par une impressionnante extension et
diversification des tissus urbains. La superficie bâtie de la grande ville est estimée aujourd’hui à plus de
15 000 hectares environ. Ce chiffre avait déjà été atteint par Alger, une quinzaine d’années plus tôt et Tunis
présente un volume aujourd’hui nettement supérieur.

249
On a donc une ville assez ramassée dans sa forme urbanisée, relativement économe en espace, ce qui
pour l’avenir, constitue une chance à saisir. 1
Les quartiers se différencient vigoureusement par leur âge, par leurs fonctions respectives et par leur
contenu social ; les tentatives de planification urbaine n’ont pas encore réussi à atténuer la forte ségrégation
socio-spatiale qui marque l’agglomération.
Les quartiers les plus peuplés se trouvent à l’Est de la ville, alors que ceux où la population est très diffuse
se trouvent à l’Ouest. Cette ségrégation de l’occupation de l’espace, ne se limite pas à la distribution de la
population d’Est en Ouest, elle est doublée d’une inégale répartition des activités économiques du Nord au
Sud.

La lecture de la carte urbaine de l’agglomération (fig. no 10 ) et l’analyse des catégories socio-profes-


sionnelles dans l’espace, permettent d’identifier quatre grandes entités socio-spatiales à caractères spéci-
fiques :
– Les zones résidentielles des classes aisées (Anfa, Maarif, Californie...) à l’Ouest de la ville. Elles sont
essentiellement habitées par des hommes d’affaires, des cadres et employés du secteur moderne et
supérieur de l’économie.
– Les quartiers des classes moyennes et pauvres représentés surtout par les ensembles de l’ancienne
médina, d’El Fida-Derb Soltan. Ils sont souvent occupés par les employés du secteur de l’industrie et du
tertiaire inférieur.
– Les quartiers ouvriers, situés à l’extrémité Est de la ville essentiellement, à proximité des concentrations
industrielles. Ce sont les quartiers les plus typiquement ouvriers de la ville, constitué le plus souvent
d’habitat économique.
– Les quartiers des couches populaires marginalisées, constitués essentiellement de bidonvilles et de
quartiers quasi clandestins.

1. TROIN (J.F) (sous la direction) 2002 : Maroc, Régions, Pays, Territoires. Éditions Tarik Maisonneuve et Larose. 500 pages

250
Figure 10 : CASABLANCA : habitat, activités et projets d’aménagement

c. Un puzzle de tissus industriels


Le fort développement industriel a laissé des marques imposantes dans le paysage urbain de l’aggloméra-
tion. Il a induit en même temps une large diffusion des unités de production ; aujourd’hui la plupart des quar-
tiers de Casablanca abritent des industries. La carte de localisation des industries en ce début du XXIe Siècle
nous offre un puzzle de tissus et reflète une réalité nouvelle, qui se renforcera, certainement davantage dans
l’avenir, à savoir l’effacement d’un Casablanca « coupé en deux », le Nord Est industriel et l’Ouest résiden-
tiel. Aujourd’hui, toute l’aire urbaine est concernée par la présence des usines.

d. Trois plans urbains pour façonner le développement de la métropole


Sans doute, Casablanca est-elle la seule ville du Maroc qui ait bénéficié d’une attention particulière de la
part des responsables politiques, tant au niveau de l’administration de son territoire que de celui de la planifi-
cation de son espace.
Son urbanisation a été fortement planifiée, même si une grande partie de ses quartiers périphériques
relèvent du spontané. Au cours de son histoire moderne, la ville a vu l’application de trois plans urbains, qui
ont façonné sa croissance.
En 1918, Henri Prost, urbaniste officiel de Lyautey, dressa un premier plan d’ensemble pour Casablanca. Il
fut l’ébauche de la spécialisation de l’espace de la ville. (Fig. no 11)

251
Figure 11 : Le plan PROST

Après le départ de Prost, au cours des années vingt, la ville a continué à se développer dans le désordre
jusqu’au milieu des années quarante, où l’on a fait appel à un autre architecte, Michel Écochard qui va s’effor-
cer à son tour de « combattre l’anarchie » caractérisant la croissance de la ville.
À l’arrivée d’Écochard, en 1946, Casablanca était devenue un magma urbain concentrant à lui seul plus des
deux tiers de l’activité économique et 650 000 habitants dont plus de 100 000 dans les bidonvilles.

Discipliner le développement de la ville et freiner sa croissance démesurée, étaient la mission qu’il va


s’efforcer d’accomplir pendant sept années. Sa stratégie va s’articuler autour de trois grands axes : (fig.
no 12)
– Placer la planification de Casablanca dans un cadre plus vaste, celui de l’aménagement du territoire dans
son ensemble.
– Établir un plan d’aménagement et un zonage strict pour la ville dont la situation paraissait à certains
« définitivement composite ».
– Améliorer les conditions de l’habitat social pour les populations aux revenus modestes.

252
Figure 12 : Plan de développement de Casablanca-Fédala-1950

Après l’Indépendance, Casablanca a continué à se développer selon les principales orientations du Plan
Écochard. Il a fallu attendre le début des années quatre vingt (1984) pour que la grande agglomération soit
dotée d’un Schéma Directeur d’Aménagement Urbain.
Pour la première fois, depuis 1950, ce document a établi un diagnostic assez précis des problèmes et
déséquilibres que connaît l’agglomération.

Pour que le développement futur de la métropole ne soit plus « le fait du hasard », le SDAU a retenu un
certain nombre d’options fondamentales : (fig. no 13)
– Organiser la croissance de l’agglomération selon un schéma linéaire.
– Assurer l’efficacité des transports en commun.
– Harmoniser la répartition des équipements et des activités
– Mettre en place les moyens de gestion et de contrôle du développement urbain.

253
Figure 13 : Le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain

C’est l’Agence Urbaine, instrument technique, créée pour la première fois à Casablanca, qui est chargée
de concrétiser ses options et d’une manière générale de promouvoir un développement plus équilibré de
l’agglomération.

e. Un traitement administratif spécial pour une agglomération unique


Depuis l’indépendance, Casablanca a enregistré plusieurs tentatives d’organisation de son administration
territoriale et municipale, en particulier au lendemain des évènements sociaux que la ville a connus en 1981.
Dans ce domaine, elle fait figure de laboratoire, à l’échelle nationale.
Sous le Protectorat, la charte municipale du 8 avril 1917, avait érigé la ville pour la première fois en munici-
palité.

f. Deux décennies de gestion municipale unique : 1956-1976


À l’Indépendance, le Maroc fut divisé en deux Préfectures (Casablanca et Rabat) et 16 provinces. Ce pre-
mier découpage sera complété en 1960 par la première Charte Municipale du Maroc Indépendant. Le pouvoir
de la Commune de Casablanca est alors partagé entre l’assemblée élue et l’Autorité locale, représentée par
le Gouverneur, détenteur du véritable pouvoir de gestion de la ville.

254
g. Les cinq communes urbaines de 1976
L’année 1996 constitue véritablement un tournant dans l’évolution des institutions et des structures admi-
nistratives au Maroc et dans l’agglomération casablancaise. La Charte Communale adoptée le 30 Septembre
1976 a opéré un nouveau partage des compétences et des pouvoirs de gestion de la ville entre les élus et
l’Autorité Locale. Elle précise le pouvoir du Conseil Communal et élargit les attributions de son Président.
La même année, Casablanca bénéficie d’un régime particulier passant d’une municipalité unique à cinq
communes urbaines coiffées par une super structure de coordination et de gestion des services com-muns :
la Communauté Urbaine de Casablance (C.U.C). (Fig no 14)

Figure 14 : Les cinq communes urbaines de Casablanca en 1976

h. La Naissance de la Wilaya du Grand Casablanca en 1981


La décennie quatre vingt marque un retour en force de l’État dans la gestion des affaires de Casablanca,
avec la refonte totale des structures administratives et municipales en 1981.
En effet, depuis cette date, un double processus a affecté à la fois les structures de l’administration territo-
riale et celles de l’organisation municipale de l’agglomération. Ainsi, la ville est passée d’une Préfecture
unique à cinq en juillet 1981 et à neuf jusqu’en 2003.
En même temps, une nouvelle structure de coordination est mise en place : la Wilaya du Grand Casa-
blanca. C’est une innovation dans le paysage administratif national.
Cette opération de quadrillage administratif est accompagnée depuis 1983 par une reprise totale des struc-
tures muni-cipales. Un vaste réseau communal est ainsi mis en place progressivement (29 communes
urbaines et 6 rurales) réduisant encore plus l’assise territoriale de chaque commune (fig. no 15).

255
Figure 15 : Découpage administratif du Grand Casablanca-1998-

Dernière structure chargée de la gestion du territoire, la Région du Grand Casablanca est née en 1997. Elle
couvre un territoire coïncidant avec celui de la Wilaya, sur une superficie d’environ 100 000 hectares soit une
densité de 35 habitants à l’hectare.
Ainsi de nombreuses entités se sont vues confier la gestion de l’agglomération en l’espace de deux décen-
nies, sans pour autant permettre le développement d’un système de gouvernance locale efficace. La multi-
plicité des intervenants a induit la dilution des responsabilités, l’exacerbation des conflits de compétences et
de ce fait, a interdit l’apparition d’une autorité fédératrice capable d’assurer la bonne coordination et de
conduire le développement du territoire casablancais dans le cadre d’une vision d’ensemble claire et parta-
gée par tous les acteurs.
Ce système n’a, en outre, pas permis l’apparition de personnalités politiques capables de jouer le rôle de
leadership local et d’incarner un projet pour la grande cité. C’est peut être l’une des lacunes à combler au
moment où le pays et la ville sont à la recherche d’une recomposition du paysage politique dans sa globalité.

De la Communauté Urbaine à la Commune Urbaine : à la recherche de l’unité de la ville (2003)


Le Discours Royale prononcé à Casablanca le 12 octobre 1999 et consacré au Nouveau Concept d’Auto-
rité, a constitué un tournant décisif dans le fonctionnement de la démocratie locale. De nombreux chantiers
de réformes sont ainsi lancés pour permettre aux institutions locales et régionales d’accompagner efficace-
ment les mutations de la société et du territoire marocain à l’aube du XXIe Siècle.
Dans ce cadre, une nouvelle réflexion est conduite, destinée à revoir le mode de gouvernement des grandes
agglomérations et à favoriser un retour à l’unité de la ville. Le 3 octobre 2003, une nouvelle charte communale
est adoptée. La gestion territoriale de Casablanca est à nouveau unifié depuis septembre 2003. (fig. no 16)

256
Figure 16

257
Un nouveau système de gouvernance territoriale est en marche dans le Grand Casablanca. Il est encore
trop tôt pour en évaluer les implications. Toutefois, la modification de la carte administrative d’une grande
métropole de la taille et des missions de Casablanca suffira-t-elle, à elle seule pour atténuer les grands dys-
fonctionnements et permettre la concrétisation des attentes des populations ? Ne faut-il pas se pencher, de
plus près, sur les fonctionnements des institutions, aux différents échelons pour préciser les prérogatives et
éliminer les facteurs de blocage et de déperdition ?

2.2.3. La Chaouia littorale, future zone d’extension de Casablanca

Au Sud Ouest de la grande métropole, l’expansion casablancaise s’étend d’une façon presque continue
jusqu’à Sidi Rahal. C’est la zone la pus évidente de la progression urbaine où les espaces agricoles cèdent
rapidement la place aux constructions d’habitats de toutes sortes, aux unités de production et aux activités
balnéaires et de loisirs.
Au delà, le sahel de Chtouka forme un second tronçon, jusqu’à l’Oum Erbia. Il est encore à l’abri de la
vague d’urbanisation casablancaise et conserve un aspect très rural. Le long de la route principale reliant
Casablanca à El Jadida, se succèdent quelques centres routiers déjà bien consolidés sous forme de petites
agglomérations de services : Had Soualem, Aïn Jmel, Lbir Jdid, Tnine Chtouka. Ce sont des carrefours rou-

258
tiers qui ne demandent qu’à s’étoffer. Ils pourraient à l’avenir favoriser une urbanisation forte comme celle
qui a recouvert l’espace entre Casablanca et Rabat au Nord.
Cette Chaouia littorale, beaucoup moins peuplée et bien moins urbanisée que le couloir Rabat-Mohamma-
dia constitue encore un espace de réserve. Située au point de rencontre de la poussée casablancaise et du
développement du grand El Jadida, elle pourrait bien céder, sous l’effet des pressions, à une urbanisation
quasi-continue du littoral moyen atlantique sur plus de 240 km. L’autoroute Casablanca-El Jadida qui sera
achevée en 2005 ne peut que favoriser cette extension.

2.2.4. La zone du Grand El Jadida, terminaison de l’axe urbain moyen atlantique


La vallée de l’Oum Rbia constitue une frontière physique et humaine importante. Après le fleuve
commence le pays des Doukkalas, aux caractères spécifiques. L’espace maraîcher d’El Oulja devient
continu, le peuplement différent, mais l’urbanisation côtière se poursuit et se renforce autour du Grand El
Jadida. La terminaison Sud de l’axe urbain rassemble ainsi, une série d’agglomérations de petites et
moyennes tailles regroupant plus de 150 000 habitants : Azemmour, El Jadida, Sidi Bouzid, Moulay Abdellah,
Jorf Lasfar...
Cette mini-conurbation autour d’El Jadida est de plus en plus insérée et intégrée dans le corridor urbain
avec la diversification et la consolidation du complexe industrialo-portuaire de Jorf Lasfar. Le Grand El Jadida
est en train de devenir un pôle industriel national spécifique.
De larges possibilités de développement économique et d’expansion pour la métropole casablancaise sont
donc offertes par le littoral moyen atlantique au Sud de la métropole.
Au cours des 50 années de l’Indépendance, le basculement vers le littoral de la vie économique urbaine du
pays s’est beaucoup renforcé et a complètement modifié l’ancienne hiérarchie. Le poids de l’axe littoral
moyen s’est fortement accru tant par les nouvelles implantations économiques qu’il a reçues que par le
développement des infrastructures de transport et de circulation dont il a bénéficié, ce qui a encore renforcé
l’armature urbaine et les fonctions de ce véritable couloir unique en son genre au Maghreb.
S’il n’est plus possible de renverser la tendance lourde de « littoralisation », ce qu’aucun État à travers le
monde n’a encore réussi, il apparaît urgent de réaliser une structuration de cet espace majeur du pays. Casa-
blanca, pivot de cette région urbaine en devenir, est au cœur de ce projet.

3. Mise à niveau et requalification du Grand Casablanca, enjeu


principal pour le développement futur du Maroc

Comme nous l’avons vu précédemment, Casablanca, au cœur de l’axe urbain atlantique, est la locomotive
de l’économie nationale. Son efficacité urbaine est un facteur déterminant du développement national.
Mais cette locomotive est, aujourd’hui, essoufflée. Elle fonctionne mal car elle a accumulé une série de
carences et d’insuffisances : crise du logement, prolifération de l’habitat clandestin, carence des transports
urbains, dysfonctionnement et blocage du marché foncier, déficit des équipements et des infrastructures
urbaines.... Aussi, nous semble-t-il primordial d’approfondir l’analyse des aspects du dysfonctionnement de la
métropole nationale et de souligner les urgences qu’impose son devenir dans le futur.
À l’heure de la compétition internationale et de la mondialisation, qui, pour le pays, passe essentiellement
par Casablanca, celle-ci accuse des retards qui sont à l’origine du freinage général de son efficacité urbaine.
La première mise à niveau dont le pays a besoin, c’est celle de Casablanca.

259
L’enjeu primordial, ici, n’est ni régional, ni urbain, il est national, car la ville appartient au pays tout entier.
Quand elle est en crise, c’est toute l’économie nationale qui est en difficulté.

3.1. Casablanca, la métropole nationale en crise

3.1.1. Un déficit énorme en équipements de proximité


L’une des premières manifestations de la crise urbaine vécue par la métropole casablancaise concerne les
déficits en équipements socio-éducatifs et en infrastructures de base.
Les plans d’aménagement promulgués en 1989 ont projeté la réalisation de plus de 1750 équipements de
proximité, couvrant plus de 1000 hectares, pour répondre aux besoins immédiats des populations dans les
quartiers et particulièrement dans les zones périphériques densément peuplées. Ces équipements
concernent les domaines de l’enseignement, de la santé, de l’administration, de la jeunesse, de la culture ...
(crèches, maisons de jeunes, bibliothèques, foyers féminins....). Selon la loi, ils devaient être totalement réali-
sés et opérationnels en 1999.
L’évaluation réalisée après quinze années d’exercice montre la grande faiblesse de la mise en œuvre des
choix arrêtés. (Tableau no 4 et Fig no 17)

Tableau 4 : Degré de réalisation des équipements projetés par les plans d’aménagement
dans la wilaya du grand Casablanca. (en nombre et en superficie par préfecture)

Nombre d’équipements Superficies en ha

Préfectures Projetés Réalisés % Projetés Réalisés %


Casablanca-Anfa 182 25 14 80,35 8,41 10
Derb Soltane-El Fida 144 12 8 61,54 6,09 10
Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi 301 60 20 219,76 43,28 20
Aïn Chock-Hay Hassani 305 57 19 237,02 63,21 27
Ben M’Sick-Médiouna 65 5 8 35,64 2,67 7
Moulay Rachid-Sidi Othmane 81 12 15 60,29 7,76 13
Sidi Barnoussi-Zenata 150 39 26 173,95 22,76 13
Mohammadia 125 21 17 144,91 30,5 21
Total de la Wilaya 1353 231 17 1013,46 184,68 18

Moins de 1/5e des projets programmés ont effectivement vu le jour (231 équipements) ; ils n’ont mobilisé
que 18 % des surfaces gelées par les documents d’urbanisme. Les réalisations ont été inégales selon les
secteurs : 21 % dans l’enseignement, 17 % dans les secteurs de l’administration, 7 % dans le secteur de la
santé. Ceci témoigne des insuffisances flagrantes enregistrées dans les secteurs répondant directement et
quotidiennement aux besoins des populations.

260
Figure 17 : Degré de réalisation des équipements projetés par les plans d’aménagement
dans la wilaya du grand casablanca

Les entraves à l’origine de ce maigre bilan sont nombreuses :


– La faiblesse chronique des ressources financières dont disposent les collectivités locales et les minis-
tères concernés pour agir efficacement pour la réalisation des équipements programmés.
– L’insuffisance de l’assiette foncière publique pouvant être mobilisée dans la métropole. Depuis le début
des années soixante-dix, dans le cadre de la loi relative à la récupération des terres appartenant aux
colons, le patrimoine foncier de l’État a été en majorité dilapidé en faveur de particuliers privilégiés, en
l’absence totale de vision à long terme sur les besoins du développement futur de la ville.
– L’inexistence de l’obligation légale aux administrations et aux collectivités locales de prévoir des lignes
budgétaires suffisantes et périodisées pour l’achat des terrains et la réalisation des projets.
– L’absence de structure permettant le suivi efficace de la mise en œuvre des choix de la planification et
leur évaluation périodique, en la matière.
– La surestimation des besoins par la planification, en nombre et en surface. Les normes utilisées ne
semblent pas répondre aux spécificités de la ville et à son évolution.
– La mauvaise programmation et répartition spatiale des équipements (Prévision d’équipements sur des
terrains déjà occupés par les bidonvilles ou par l’habitat vétuste ou parfois par des unités de production

261
et sur des terrains difficilement mobilisables au point de vue foncier en raison de la complexité de leur
statut juridique ...)
– La non prise en compte de l’évolution des composantes du tissu social et économique de la grande ville
en occultant totalement un partenaire essentiel du développement local dans la cité, c’est à dire le sec-
teur privé. Aujourd’hui, dans certains quartiers, surtout centraux et péri-centraux de Casablanca, une par-
tie non négligeable des besoins est satisfaite par des équipements réalisés par le secteur privé en
particulier, dans les secteurs de l’enseignement et de la santé.

Selon la loi, tous les terrains réservés à ces équipements et qui appartiennent en majorité au privé,
devaient être restitués à leurs propriétaires dès Mai 1999 (Échéance légale pour l’expropriation des terrains
réservés aux équipements par les plans d’aménagement pour cause d’utilité publique).
Cette situation a créé une atmosphère conflictuelle entre l’État et les propriétaires qui souhaitent l’indem-
nisation ou la possibilité de disposer de leur terrain afin de les valoriser. Elle a, d’autre part, favorisé le déve-
loppement d’une méfiance des investisseurs à l’égard de l’État et de ses représentants, engendré un climat
de blocage de l’investissement et encouragé la fuite de projets importants et la perte d’opportunités réelles
et sérieuses pour le développement économique et social de la métropole.
Il était donc temps et urgent de définir une stratégie nouvelle permettant d’assainir cette situation conflic-
tuelle et de détendre l’atmosphère entre la grande ville et ses partenaires socio-économiques.

3.1.2. L’habitat insalubre pour près d’un million de citoyens


Selon les estimations, la population de Casablanca augmente annuellement de 100 000 habitants, ce qui
est l’équivalent d’une ville moyenne au Maroc. Il faut donc, d’une part satisfaire les besoins en logements
dus à la croissance démographique et d’autre part juguler le déficit estimé à plus de 250 000 unités pour
améliorer les conditions d’habitat très précaires d’une frange importante de la population estimée à environ 1
million de citoyens, soit le quart des habitants de la métropole.
Le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain a estimé les besoins annuels en logements dans le Grand
Casablanca à 18 000 unités. La production de logements s’est toujours située en dessous de cette moyenne,
atteignant rarement la moitié des prévisions.
La crise de l’habitat dans la métropole revêt aujourd’hui des aspects multiples. Quoique l’habitat clandestin
de plus en plus densifié et les formes d’insalubrité liées au développement des centres périphériques récem-
ment urbanisés paraissent prédominants, trois catégories d’habitat insalubres sont identifiées dans la région.

A. Les quartiers de bidonvilles


Selon le Schéma Directeur d’Aménagement Urbain, la Wilaya du Grand Casablanca comprenait en 1982,
298 quartiers bidonvillois de différentes tailles abritant 54 400 ménages et une population de 306 412 per-
sonnes, ce qui représentait 13,6 % de la population totale.
Actuellement, et après deux décennies d’intervention de l’État pour lutter contre ce type d’habitat, la situa-
tion s’est beaucoup aggravée. La population habitant dans les bidonvilles est estimée en 2004 à 76 934
familles soit 384 670 personnes (10 % de la population totale). Elles vivent sur 411 sites de bidonvilles répar-
tis dans tout le territoire de la région (fig. no 18).

262
Figure 18

B. L’habitat vétuste et menaçant ruine


Il s’agit des logements présentant une structure dangereuse, sommaire ou inexistante sur des terrains à
risque ou des logements vétustes menaçant de tomber. La population concernée par ce type d’habitat se répar-
tit en 18 quartiers au niveau des préfectures d’arrondissement d’El Fida-Mers Sultan (51 %), d’Anfa (37 %) et
de Moulay Rachid (12 %). Elle est estimée actuellement à 72 750 ménages soit environ 36 300 personnes.

C. L’habitat non réglementaire et sous équipé


Ce type d’habitat s’est développé rapidement au cours des dernières années avec l’accentuation de l’urba-
nisation, la pression sur les espaces périphériques et le développement de la migration.
Aujourd’hui, plus de 60 concentrations humaines sont recensées, particulièrement dans les marges péri-
phériques de la ville, dépourvues du minimum d’équipements et d’infrastructures. Elles abritent près de
38 000 familles soit 190 000 personnes.
En ce début du XXIe Siècle, le nombre de ménages résidant dans un habitat insalubre est estimé à 188 000,
soit près d’un ménage sur quatre. Tous ces chiffres témoignent de la dimension et de la complexité du pro-
blème et soulignent l’urgence de réfléchir à des formules adéquates et réalistes pour une solution durable à
la crise du logement dans l’agglomération.

3.1.3. Des structures d’accueil de l’investissement inadaptées


Dans la capitale économique du Pays, la situation de l’emploi reste préoccupante. Le chômage dans la
région touche près du quart de la population active contre 16 % à l’échelle nationale.

263
Paradoxalement, la majorité des zones industrielles programmées par la planification urbaine est toujours à
l’état de projet, malgré la pression de la demande des investisseurs. Il ressort d’une étude récente, lancée
par la Direction de l’Aménagement du Territoire (SOFA 2004), que la ville de Casablanca, porteuse de la tradi-
tion industrielle nationale a enregistré un net recul de l’emploi industriel surtout qualifié au cours de la der-
nière décennie (1994-2002). Elle aurait perdu près de 50 000 emplois industriels surtout dans les secteurs de
forte qualification (textile, métallurgie, chimie et agro-industrie).
La compensation, en nombre d’emplois, enregistrée dans les espaces péri-urbains à la même période
relève essentiellement de l’emploi le moins qualifié, tel que l’habillement et la confection.
Cette évolution pose des problèmes sérieux, aux niveaux sectoriel et spatial. Le Maroc a besoin d’une poli-
tique industrielle incitant au développement des branches qualifiées. La disparition d’un quart de la métallur-
gie (49 % des emplois qualifiés perdus en 8 ans) constitue plus qu’un signal d’alarme qui appelle des
mesures fortes de redressement.
Selon la même étude précitée, l’ampleur de la délocalisation dépasse celle de la recomposition sectorielle.
L’intensité de la spéculation foncière qui touche toutes les activités de Casablanca, constitue un accélérateur
de ce redéploiement. La combinaison s’opère entre cette mutation industrielle régressive en termes de quali-
fication et de spéculation foncière, donne une résultante urbaine inquiétante qui associe la concentration des
populations dans les quartiers déjà surpeuplés et sous-équipés avec l’éclatement de l’industrie et de l’habitat
dans les espaces agricoles en périphérie urbaine.
En fait, si la métropole demeure l’espace d’attraction industriel par excellence, elle est aussi la région où
les entraves au bon fonctionnement des entreprises sont les plus frappants.
Pour permettre à l’agglomération de disposer de structures d’accueil à l’investissement, suffisantes et
adaptées aux besoins, la planification urbaine a programmé une trentaine de zones industrielles couvrant plus
de 1 100 hectares sur tout le territoire de la Wilaya. Après quinze ans, la plupart de ces zones sont toujours
en attente des industries parce qu’elles ne sont pas encore valorisées, ni équipées ou parce que le foncier
est trop cher.
Cette situation pousse les investisseurs à changer d’activités ou à s’installer dans des lotissements illé-
gaux en périphérie ou encore à transférer leurs capitaux vers d’autres villes et parfois à l’extérieur du Pays.

3.1.4. Un système de transport collectif déficient


Au cœur de l’aire urbaine centrale, Casablanca est le point nodal de transport et de communication du
Pays. C’est aussi, l’espace relationnel qui résulte de la forte concentration d’hommes, d’activités, d’infras-
tructures et d’échanges, unique dans le pays.
Mais c’est le système de transport urbain interne qui affiche les plus graves déficiences. En effet, le trans-
port urbain collectif de la métropole est assuré par une multitude d’intervenants (une régie autonome, une
vingtaine de sociétés de transports privées, deux catégories de taxis), sans vision claire et en l’absence d’une
autorité locale responsable de la coordination et de l’évaluation.
Après quinze années d’expérience, le bilan de l’action des transporteurs privés est très mitigé. Dans le
vécu du citoyen casablancais, cette expérience est un échec, car elle est synonyme de dégradation de la qua-
lité du service, d’atteinte à l’environnement, d’insécurité.....
Jusqu’à aujourd’hui, grâce à une voirie largement équilibrée, à une disposition en éventail des artères et à
la présence d’une autoroute au Sud, l’agglomération ne connaît pas encore de grands problèmes d’engorge-
ments automobiles (il est vrai également que 50 % des trajets des casablancais se font encore à pieds et
20 % en transport en commun). Mais le parc automobile est en augmentation constante et enregistre près
de 40 % du parc national. Le taux de motorisation atteint environ 150 véhicules pour 1000 habitants, alors
que le même taux, pour une ville comme Le Caire, réputée pour ses encombrements est de 10 véhicules
pour 1000 habitants.

264
Ainsi, pendant des décennies, les tentatives engagées pour améliorer le transport de masse à Casablanca
ont été focalisées sur des solutions techniques, occultant les mutations urbaines et spatiales enregistrées
par la grande ville. Les autres modes de transport (réseau ferré, ports....) n’ont jamais été intégrés dans la
recherche des solutions. On a surtout focalisé l’attention sur la réalisation d’un métro, sans cesse différée.
Une nouvelle étude est lancée depuis un an pour doter l’agglomération d’un Plan de Déplacement Urbain
(P.D.U). D’autre part, une convention de gestion déléguée des transports collectifs vient d’être signée entre
le Conseil de ville et un consortium de sociétés nationales et étrangères.

3.1.5. Un environnement urbain dégradé


L’environnement de la métropole nationale est très dégradé. Cette dégradation est perçue au niveau de la
multiplication des pollutions et nuisances de toute nature et au niveau du déficit flagrant des parcs et des
espaces verts, à peine 1 m2 par habitants.
À l’instar des autres projets prévus par les documents d’urbanisme, la plupart des zones vertes n’ont pas
encore vu le jour. Les quartiers centraux et péri-centraux enregistrent des taux de pollution atmosphérique
très élevés en raison essentiellement de la densité du trafic automobile.
Au niveau de l’assainissement liquide, les stations de traitement des eaux usées ne sont pas encore réali-
sées (600 000 m3 d’eaux usées sont rejetées dans la mer).
Pour résoudre le problème de la collecte des ordures ménagères, le Conseil de ville s’appuie encore une
fois, sur le secteur privé pour trouver des solutions durables dans le cadre d’une convention de gestion délé-
guée signée dernièrement avec trois sociétés étrangères.
Ce diagnostic montre l’urgence de doter la métropole de vision claire et de choix pertinents, d’instruments
adéquats et de gestion rationnelle pour lui permettre d’assurer pleinement son rôle.

3.2. Les grandes urgences du développement de la métropole

Le Grand Casablanca a pris tant de retard qu’il y a urgence à intervenir et à concrétiser les actions entre-
prises. La métropole a aujourd’hui besoin d’un ensemble cohérent de projets s’attaquant aux problèmes
essentiels dans la cadre d’une vision claire.
Casablanca, c’est une métropole bientôt quatre fois millionnaire, c’est aussi le pôle central du développe-
ment du pays tout entier, mais c’est également une ville continentale qui a vocation à être le pôle majeur au
Nord Ouest du continent africain. La vocation internationale du Maroc passe aussi et avant tout par le poids,
le rayonnement et l’efficacité économique de sa métropole.

3.2.1. Préparer la ville à relever les défis de la compétition internationale


À l’heure de la mondialisation et de l’ouverture sur l’Europe, Casablanca doit se mettre à niveau si elle sou-
haite relever le défi de la métropolisation et se positionner sur le réseau des métropoles du Monde.
L’une des actions stratégiques à développer, consiste en la qualification de son espace central et le déve-
loppement des activités tertiaires de haut niveau (services, activités culturelles, tourisme de congrès...)
La métropolosation se construit par un grand aéroport, par des espaces technopolitains mais aussi par des
manifestations internationales. Il faut réfléchir aux instruments indispensables à la qualification de la ville
pour lui éviter de devenir un simple relais de la mondialisation.

265
L’une des réponses à ces besoins réside dans la réalisation des projets prévus par le S.D.A.U dans le
centre de la ville : avenue Royale, Palais des Congrès, l’Opéra, La nouvelle corniche, l’aménagement des
places centrales, la réhabilitation du noyau historique (L’Ancienne Médina) et la qualification du centre
d’affaires (fig. no 19).

Figure 19

D’autre part, Casablanca, capitale économique est point d’articulation de l’économie marocaine à l’écono-
mie mondiale. Continuer à jouer de rôle dans l’avenir exige de la ville, plus de compétitivité sur la scène inter-
nationale et régionale, qu’auparavant.
Ceci impose une mise à niveau permanente des structures d’accueil et d’attraction de l’investissement
national et étranger, afin de mieux se préparer à l’ouverture sur l’économie mondiale et de ne pas récolter
que les effets négatifs de la mondialisation.
Aussi, l’une des actions prioritaires aujourd’hui, consiste-t-elle en une préparation des industries de la
métropole aux mutations technologiques, qui affectent les techniques de production et les relations avec le
marché national et international, ceci en favorisant la création de technoparcs spécialisés dans des secteurs
porteurs pour l’économie nationale – comme la chimie, la pharmacie, la chimie – textile, l’agro-industrie...
La notion de zone industrielle est en train d’évoluer, d’un simple site de localisation vers des fonctions plus
modernes, de parcs d’activités ou de technopoles, permettant une concentration plus poussée des entre-
prises à l’intérieur de la zone qui se transforme ainsi en « pôle de compétition ». À l’heure des mutations
internationales, cette évolution est indispensable particulièrement à Casablanca.
Il faut accompagner cette évolution par l’identification des sites pouvant accueillir ce type de zones par la
sélection des activités à encourager et surtout par une action soutenue de promotion et de renforcement des
relations université – recherche – entreprises.

266
Casablanca dispose d’un complexe universitaire complet et d’un réseau de grandes écoles et instituts et
de laboratoires de recherche, publics et privés qui faciliteront le démarrage et l’accompagnement de ce pro-
jet.

3.2.2. Concevoir le développement de l’agglomération dans le cadre de la région


urbaine littorale en formation
En termes d’aménagement du territoire, Casablanca se présente comme étant à la fois la principale porte
d’entrée du pays et le cœur du dispositif productif et relationnel national. Sa mise à niveau doit être abordée
dans le cadre d’une vision prospective de développement urbain et à l’échelle régionale, celle de l’aire
urbaine en formation de Kénitra à El Jadida.
Toutefois, ce niveau d’échelle nécessite de grands aménagements, car, dans l’état actuel, les compo-
santes de cette région sont assez faiblement articulées mais disposent d’un fort potentiel d’intégration, à
condition que le développement des deux métropoles Rabat et Casablanca passe à un niveau supérieur.
Aussi, cette intégration repose-t-elle avant tout sur les complémentarités fonctionnelles et sur la cohé-
rence spatiale de la distribution des fonctions.
La question du transport et de l’intermédiation est au cœur de cette problématique. On peut distinguer, à
ce niveau, trois aspects stratégiques :

A. Les fonctions futures du complexe portuaire Casablanca-Mohammadia-Jorf Lasfar


Toutes les études s’accordent à dire qu’il faut déconcentrer les activités du port de Casablanca et que ce
port génère des nuisances. La question qui se pose est celle d’identifier ces activités, d’évaluer leur impact
sur l’économie de la ville, de la région et du pays et d’identifier les sites d’accueil de ces activités. Cette
action est prioritaire mais elle appelle la définition de choix stratégiques à partir desquels des études tech-
niques pourront être engagées.
Actuellement, le système portuaire de l’aire urbaine centrale comporte en effet, trois éléments, Casa-
blanca, Mohammadia et Jorf Lasfar. L’analyse du fonctionnement de ces ports montre que le dispositif n’est
pas cohérent puisque la moitié des phosphates continue de transiter à l’état brut par Casablanca, tandis que
Mohammadia est un port pétrolier qui ne garantit pas en permanence l’entrée des grands pétroliers.
L’activité du port de Casablanca suscite un trafic intense au centre ville qui n’est plus compatible avec la
statut de métropole de services que la ville est en train d’acquérir.
Ceci d’autant plus que le trafic est en pleine mutation avec le développement de la conteneurisation qui
nécessite de vastes espaces de stockage difficiles à trouver à proximité.
La question portuaire est le problème central de Casablanca, elle doit être abordée en termes de logis-
tique, par l’intégration de cet impératif dans la conception d’ensemble des fonctions futures de l’aggloméra-
tion.

B. L’articulation du système de transport interne à la métropole au système de transport


national
Casablanca associe deux systèmes logistiques de transport, le système national (port, aéroport, chemin de
fer, autoroute ) et les système urbain desservant l’agglomération elle même.
L’efficacité de la métropole dépend pour une large part de l’articulation et de l’harmonisation de ces deux
systèmes. Il s’agit, avant tout, d’assurer les connexions entre les réseaux (gares d’échanges de trafic ferro-
viaires et routiers, de personnes et de marchandises, plates-formes internodales....).

267
L’harmonisation renvoie à la combinaison des systèmes, en ce sens que les mêmes infrastructures sup-
portent fréquemment les deux types de trafic, interne et externe.

C. Organisation fonctionnelle et système de transport


Le système de transport métropolitain doit répondre à un certain nombre d’exigences :
– La desserte du centre de la ville : La qualité d’une métropole dépend pour une large part du mode d’arti-
culation spatiale entre les fonctions centrales et de leur insertion dans les réseaux.
– Le déploiement de la logistique en liaison avec les infrastructures de transport et en connexion avec le
centre.
– La répartition des activités et des populations en cohérence avec le dispositif fonctionnel et dans une
vision dynamique. Cela va de paire avec une politique foncière qui assure le respect des affectations.
L’outil principal de la politique urbaine est l’outil foncier, qui assure la maîtrise stratégique du sol à la
puissance publique.

Casablanca pose donc un problème préalable, la fonction future du port. Elle présente une opportunité de
développement intéressante, le réseau ferré et ses potentialités. Elle appelle une option de développement
stratégique, l’intégration de la politique des transports et de la politique de la maîtrise foncière.

4. Un système de gouvernance efficient pour améliorer le


fonctionnement interne de l’agglomération

Le diagnostic du Schéma National d’Aménagement du territoire montre que notre territoire souffre d’un
double handicap en terme de développement économique :
– Il est difficile de décoller alors que les campagnes souffrent d’un retard en équipements avec un sur-
peuplement massif qui place une grande part de la population à l’écart du processus de développement.
Ceci, en raison du marasme du bour défavorable qui risque de devenir plus pesant dans l’avenir si rien
n’est entrepris en faveur de la campagne.
– Le problème plus grave encore, est que les moteurs économiques du développement qui sont dans
les grandes villes, fonctionnent en sous régime. La crise de gouvernance des villes est devenue
une crise économique. Ceci concerne en premier lieu Casablanca ; celle qui a été et qui devrait être
plus encore aujourd’hui la locomotive du développement national a été la première victime de la
mal gouvernance.

La carence des infrastructures et des transports collectifs entraîne le blocage économique et le manque de
terrains à bâtir. La spéculation sur le sol devient la règle et perturbe les activités productives. En même
temps, on assiste à des entassements de populations et à des étalements périphériques qui désorganisent
le fonctionnement urbain.
Un important mouvement de délocalisation des industries ou de créations nouvelles s’opère vers les zones
rurales incapables de les accueillir, faute d’infrastructures d’accueil adéquates, induisant rapidement des
coûts publics prohibitifs.

268
4.1. La machine urbaine est déréglée, l’autorité publique en a perdu le
contrôle

Mais, la compétitivité d’un pays dépend aujourd’hui et en premier lieu de l’efficacité de ses métropoles. Au
Maroc, nous disposons d’un potentiel métropolitain de haut niveau, qui malheureusement n’est pas en état
d’assumer ses missions. Et, à ce niveau, la question du devenir de Casablanca est primordiale pour l’amé-
nagement du territoire et le développement économique du pays. Comment rendre à cette ville son statut de
leader économique, son rôle d’entraînement du développement national ?
Pour répondre à ces interrogations, l’approche du Schéma National d’Aménagement du Territoire pré-
conise la définition, au cœur du territoire marocain, d’un espace de statut particulier, appelé « Aire Métropoli-
taine Centrale », qui doit bénéficier d’un traitement spécifique en matière de planification, d’aménagement et
de gouvernance.
Cet espace, associe les deux capitales du pays, Rabat, la capitale politique et administrative d’un côté et
Casablanca, la capitale économique et culturelle, c’est à dire le foyer d’innovation et de diffusion des
modèles culturels de l’autre.
Ces deux pôles, profondément différents dans leurs fonctions et dans leur structure urbaine, souffrent de
nombreuses carences qui affectent lourdement leur efficacité économique.
Malgré ces carences, ils rayonnent directement sur un vaste territoire et organisent des flux et des rela-
tions croissantes avec toutes les villes environnantes, Rabat-Salé avec Kénitra et Khémisset, Casablanca
avec Ben Slimane, Settat et El Jadida-Azemmour. Chacune de ces villes présente un profil singulier et un
mode de relations original avec sa métropole.
L’analyse fonctionnelle montre que cette région urbaine en formation est assez faiblement articulée mais
recèle un fort potentiel d’intégration à condition que le développement des deux métropoles, passe à un
niveau supérieur. Dans cette hypothèse, et c’est la plus probable, le processus de constitution de la région
urbaine s’affirmera et il est indispensable d’avoir une vision claire sur son devenir.
L’intégration de cette région repose sur les complémentarités fonctionnelles et sur la cohérence spatiale
dans la distribution des fonctions, mais aussi et avant tout sur la bonne gouvernance du territoire. Les élé-
ments de la crise urbaine de la métropole économique nationale, sont la résultante de plusieurs décennies de
mauvaise gestion. Le problème de fond est de restaurer l’autorité publique sur le développement de la
grande ville.
Avec la multiplicité des acteurs et les contradictions de leurs logiques d’intervention, le système de gou-
vernance appliqué dans la métropole n’est pas en mesure de favoriser l’émergence d’une vision globale de
développement et la construction d’un projet urbain intégratif de toutes les composantes de la société
urbaine.
Il devient urgent de réfléchir sur un système de gouvernance permettant à la grande agglomération, uni-
fiée, forte et complète de fonctionner normalement dans le cadre d’un plan stratégique cohérent, s’inscrivant
dans une vision volontariste intégrant toutes les composantes de l’environnement immédiat.
La métropole doit disposer de l’autorité nécessaire, capable de maîtriser la croissance, d’anticiper l’urbani-
sation, de lutter contre l’illégalité urbaine, d’arbitrer les conflits intra-urbains dans un esprit de concertation et
de participation et de négocier avec tous les interlocuteurs dans la ville.

269
II. Accès aux services de base dans l’axe littoral
et aménagement du territoire

L’accès aux services et équipements de base (logement, eau, électricité, assainissement, éducation,
santé....) est un moyen fondamental qui permet d’améliorer la qualité de la vie des populations et de leur
assurer des conditions de vie décentes.
Depuis l’Indépendance, le Maroc a déployé des efforts importants pour combler les retards hérités de
l’époque coloniale et répondre aux besoins croissants et constamment renouvelés d’une population galo-
pante. Néanmoins, des disparités énormes persistent encore entre les villes et les campagnes et au sein de
la même ville.
L’axe littoral moyen atlantique, principal espace national de production de la richesse n’échappe pas à ce
constat. L’urbanisation rapide et la progression de la population ont toujours dépassé les réponses des pou-
voirs publics aux besoins.

1. Évolution de l’offre en services de base et accessibilité des


populations : des réalisations en deçà des besoins

L’absence d’informations statistiques spatialisées et périodisées, le long des 50 années de l’Indépendance


limite les possibilités d’investigations fines et ne permet pas de construire une évolution précise de l’offre en
équipements et services de base au niveau de l’axe littoral atlantique.

1.1. L’héritage de la colonisation

À l’indépendance, et selon les données du recensement de 1960, la proportion des ménages disposant de
l’eau courante dans l’axe atlantique moyen s’élevait à 72 % en milieu urbain et 27 % en milieu rural. Pour ce
qui est de l’électricité, ces taux étaient respectivement de 90 % et 44 %.
La qualité des informations interdit d’approfondir l’analyse, néanmoins elle permet d’apprécier qualitative-
ment les disparités entre les grandes villes et les campagnes.
La capitale Rabat était mieux équipée en eau et en électricité (respectivement 87 % et 95 % des ménages)
que les autres villes de l’axe. Sa voisine, Salé par exemple, était beaucoup moins bien équipée puisque les
taux n’y dépassaient pas respectivement 51 % et 79 %.
Quant à Casablanca, le taux de couverture des ménages était de 73 % pour l’eau courante et de 92 % pour
l’électricité.
Ces taux peuvent être expliqués par la politique coloniale qui a développé et équipé, pour ses besoins, à
côté des villes, des centres ruraux de colonisation équipés en infrastructures de base.

270
1.2. L’accès à l’eau et à l’électricité après l’indépendance :
la permanence des déséquilibres

De 1960 à 1994, l’accès de la population à l’eau et à l’électricité a enregistré des évolutions significatives,
sans pour autant couvrir les besoins de la totalité des ménages de l’axe atlantique moyen, puisque en
moyenne seulement six ménages sur 10 disposent de l’eau et de l’électricité en 1994. Évidemment, les dis-
parités entre les milieux de résidence restent très importantes (Tableau no 5).

Tableau 5 : Répartition des ménages disposant de l’eau et de l’électricité en 1994


selon le milieu de résidence

Localité Part des ménages disposant de Part des ménages disposant de Moyennes
l’eau courante l’électricité
urbain rural urbain rural Eau électricité
Casablanca 82,5 4,6 86 17 78,6 82
Rabat 91,8- 91 - 91,8 91
Salé 78,7 1,6 78,6 15,4 74,4 75
Kénitra 72,2 7,5 75,3 7,6 41,9 43,6
Mohammadia 80,6- 80,1 - 80,6 80,1
El Jadida 78 2 78,9 3,9 24,7 26,4
Skhirate-Témara 41,9 3,8 40,5 10,2 31,9 32,5
Moyenne 75,1 3,9 76,2 10,8 60,55 61,5

Source : RGPH 1994

1.2.1. L’accès à l’eau courante


Le tableau no 4 présente les proportions des ménages raccordés au réseau de l’eau potable et de l’électri-
cité en 1994 (dernier recensement disponible). Il en ressort que plus des trois quarts des familles résidant en
milieu urbain disposent de l’eau courante.
Les grandes villes de l’axe sont les mieux équipées avec un taux de raccordement de plus de 80 % (Casa-
blanca, Rabat, Mohammadia). C’est la population urbaine de la Préfecture de Skhirate-Témara qui enregistre
le plus faible taux de couverture avec 42 % seulement des ménages raccordés.
Mais les disparités sont plus prononcées dans les petits centres urbains puisque l’on atteint des taux très
bas dans les communes périphériques densément peuplées comme par exemple Ahl Loghlam (1,33 %), Aïn
Harrouda (12 %) ; Tit Mellil (18 %), Sidi Bouknadel (5 %) ou à Skhirate (19 %) (voir figure no 20).

271
Figure 20

Dans le milieu rural, la situation est beaucoup moins favorable. En moyenne 4 % seulement des ménages
ruraux de l’axe atlantique moyen étaient desservis en eau courante en 1994. Ce taux varie de 0,7 % pour la
commune rurale d’El Menzh (préfecture de Skhirate-Témara) à 72 % à Chellalate (Préfecture de Mohamma-
dia).
À titre de comparaison, l’eau courante est assurée à l’échelle nationale pour 74 % des ménages urbains et
4 % des ménages ruraux. À l’instar de l’axe littoral, ces données cachent des disparités entre les différentes
localités puisque les taux d’accès varient en milieu urbain de 33 % à 92 % et en milieu rural de 0 % à 17 %.
Selon l’enquête sur le niveau de vie des ménages effectuée en 1990/1991, les raisons du non raccorde-
ment au réseau de l’eau potable sont multiples et leur importance diffère d’un milieu de résidence à l’autre.
La principale raison évoquée est l’inexistence du réseau. Le coût de l’opération de raccordement vient en
second lieu puisque le tiers des ménages urbains juge que la raccordement au réseau coûte trop cher. Cette
proportion est de 3 % à la campagne où le principal mode d’approvisionnement en eau potable demeure le
puits ou l’oued. Selon l’enquête précitée, la distance moyenne séparant les ménages non raccordés au lieu
d’approvisionnement en eau (fontaine publique ou puits) varie entre 105 mètres dans les grandes villes à 550
mètres dans les campagnes.

272
1.2.2. L’accès à l’électricité
Plus de 76 % des populations urbaines sont branchées au réseau de l’électricité en 1994. On retrouve la
même configuration que pour l’eau potable, puisque ce taux varie entre les villes de l’axe de 40 % à Témara-
Shkirate à 91 % à Rabat. La population casablancaise est desservie à 86 %.
Par ailleurs, les inégalités entre les agglomérations urbaines demeurent frappantes, particulièrement dans
les concentrations à la périphérie des grandes villes.

Figure 21

Ainsi, le degré de couverture en électricité varie de 91 % à Rabat à 35 % à Bouskoura, à 45 % à Médiouna,


à 39 % à Tit Mellil, à 7 % à Bouknadel, à 2,3 % à Skhirat et 1,9 % à Ahl Loghlam (Préfecture de Sidi Bar-
noussi). (voir Figure no 21)
Plusieurs de ces localités abritent des noyaux d’habitat insalubre (bidonville, habitat non réglementaire) qui
ne disposent pas encore des services de base tels que l’électricité, l’eau et l’assainissement.
Dans le monde rural, 11 % des ménages accèdent à l’électricité, avec des variations importantes entre les
localités (34 % à Sidi Hajjaj-Oued Hassar dans la province de Médiouna, 28 % à Sidi Bouknadel, 2 % à Sidi
Taïbi (province de Kénitra).

273
Au niveau national, l’électricité est disponible chez 81 % des ménages urbains mais seulement chez 10 %
des ménages résidant à la campagne. Là aussi, ces proportions enregistrent des variations selon les milieux,
elles varient de 41 à 97 % dans les villes et de 0 à 50 % dans les campagnes.
Toutes ces données attestent du retard en équipements de base dans cette région urbaine centrale, en
dépit de son poids économique développé auparavant. Ce retard concerne le monde rural en premier lieu
mais aussi les villes et particulièrement leur espaces périphériques, zone de concentrations souvent illégales
de quartiers d’habitat denses et des activités.

1.2.3. L’accès à l’assainissement


Si les villes de l’axe sont dans un relativement bien équipées en matière d’adduction d’eau et d’électricité,
il en va tout autrement des infrastructures urbaines et en particulier de l’assainissement.
Le tableau no 6 renseigne sur le taux d’assainissement des villes de l’axe.

Tableau 6 : Périmètres assainis par ville en 1994

Superficie couverte par Superficie non couverte Taux de couverture Taux de branchement
le réseau
Gd Casablanca 12 000 ha 2 060 ha 85 % 60 %
Mohammadia 1 900 ha 630 ha 75 % 60 %
Médiouna 7 ha 44 ha 14 % 40 %
Berrechid 450 ha 44 ha 60 % 70 %
El Jadida 1 500 ha 400 ha 80 % 95 %

Source : Questionnaire urbain 1994 – Ministère de l’environnement – Région centre

Il ressort de ces données que le taux de couverture par le réseau d’assainissement des principales villes
de l’axe varie de 14 % à la préfecture de Médiouna (à la périphérie de Casablanca) à 85 % à Casablanca. Le
taux de branchement lui, varie de 40 % à Médiouna à 95 % à El Jadida.
À Casablanca, le taux de branchement ne concerne que 60 % des ménages. De nombreux quartiers quali-
fiés de clandestins, particulièrement dans les périphéries urbaines ne sont pas assainis et n’ont même pas
de voirie, sans parler de segments entiers de la ville légale qui ne sont pas branchés au réseau et continuent
à utiliser les fosses septiques. Les eaux usées des villes sont rejetées en majorité directement en mer, en
l’absence de stations d’épuration suffisantes et opérationnelles.
À Casablanca, la grande métropole, par exemple, l’assainissement liquide est confié à la Lydec (Lyonnaise
des Eaux de Casablanca). Ce secteur a été négligé par le passé et n’a pas toujours bénéficié de l’organisation
et des moyens nécessaires. Aujourd’hui, il pose de nombreux problèmes, particulièrement la vétusté du
réseau et le non raccordement de nombreux secteurs de l’agglomération, surtout dans les extensions
urbaines composées de foyers à revenus modestes.
Pour les responsables de la Lydec, la réalisation d’un schéma « idéal » de l’assainissement liquide dans le
Grand Casablanca nécessitera un investissement lourd et un délai de réalisation d’une trentaine d’années.

Au stade final, ce schéma réalisé permettra à la grande métropole de disposer


– d’un système de collecte complet
– de deux émissaires et d’un système d’intercepteurs

274
– de trois grandes stations d’épuration : Sidi Abderrahman, Sidi Barnoussi et Mohammadia
– de petites stations d’épuration desservant les centres périphériques.
Un tel système permettra alors d’envisager la réutilisation des eaux usées, pour l’irrigation, la recharge de
la nappe....

2. Les équipements sociaux de proximité :


l’enseignement et la santé

Au cours des 50 années d’indépendance, le Maroc a consacré aux secteurs stratégiques de l’enseigne-
ment et de la santé, des efforts considérables et soutenus. L’héritage de la colonisation a été lourd à suppor-
ter dans ces domaines.
Nous avons voulu consacré un bref chapitre à l’éducation et à la santé sachant qu’ils sont traités par un
autre groupe. L’objet est de démontré les déficits qui caractérisent l’espace particulier que nous traitons en
raison des dysfonctionnement liés à la planification et à la gestion du territoire dans sa globalité. Nous met-
tons l’accent sur l’accès à l’éducation et à la santé aux cours des deux dernières décennies de l’indépen-
dance.

2.1. L’accès à l’enseignement : une situation préoccupante

L’éducation et l’alphabétisation est un préalable au développement. Alors que le Maroc y consacre près du
quart de ses dépenses et qu’il a réalisé des avancées an matière de généralisation de la scolarisation, les
résultats ne sont pas à la hauteur des défis à relever.
L’analphabétisme reste élevée surtout parmi les femmes en milieu rural. En 1960, le taux d’analphabé-
tisme au Maroc était de 87 %, il est toujours élevé actuellement puisqu’il atteint 67 % de la population rurale
et 34 % de la population urbaine. Au niveau de l’axe atlantique moyen, ce taux est de 35,2 % chez les
hommes et de 63 % chez les femmes.
Parmi les facteurs qui expliquent la permanence de l’analphabétisme, le manque de structures d’accueil
facilitant l’accès à l’enseignement. On prendra l’exemple de l’enseignement primaire pour illustrer cet
aspect.
Entre 1983 et 2003, le nombre des élèves par classe dans les écoles primaires situées en milieu urbain a
évolué de 42 à 49 élèves et dans les écoles du monde rural de 35 à 50 élèves. (tableau no 7)

Tableau 7 : Évolution de l’utilisation des salles de classes du primaires entre 1983 et 2003

1983/1984 2002/2003
urbain rural urbain rural
Nbre Nbre Élèves Nbre Nbre Élèves Nbre Nbre Élèves Nbre Nbre Élèves
élèves salles par salle élèves salles par salle élèves salles par salle élèves salles par salle
Casa-
blanca 291697 7229 40,3 15564 444 35 292779 6243 46,8 36950 591 62,5
Rabat 62368 1718 36,3 - - - 46337 1273 36,3 - - -
Salé 40198 1037 38,7 12189 323 37,7 90339 1511 59,7 8637 183 47,1

275
Skhirate- 9696 238 40,7 6511 185 35,1 33338 525 63,5 13934 302 46,1
Témara
El Jadida 20750 489 42,4 56367 1551 36,3 29604 539 54,9 104252 2265 46
Kénitra 49034 1415 34,6 33823 992 34 64258 1259 51 72733 1381 52,6
Moham-
madia 17900 444 40,3 6280 161 39 18482 386 47,8 - - -
TOTAL 491643 11570 42,5 130734 3656 35,7 575137 11736 49 236506 4722 50

Source : Annuaires statistiques

Ces nombres élevés montrent la densité enregistrée dans les écoles publiques dans tous les milieux, dûe
au déficit dans la création de nouvelles unités dans les quartiers densément peuplés et à la campagne.
En vingt ans, le nombre des classes a évolué dans les villes de 11 570 à 11 736 unités, alors que le nombre
des élèves est passé de 491 643 à 575 137.
Dans le milieu rural, le nombre des classes est passé de 3656 à 4722 alors que celui des élèves a évolué
de 130 734 à 236 506.
Ce décalage en matière d’équipements scolaires paraît encore plus accentué entre les différentes compo-
santes territoriales de l’axe. Partout, et à l’exception de Rabat où le nombre d’élèves par classe paraît respec-
ter les normes, l’occupation des locaux primaires dépasse les 50 élèves par unités et atteint parfois 60
élèves comme à Témara ou à Salé.
À Casablanca, les déficits en équipements scolaires dans les quartiers périurbains et dans la périphérie
rurale sont très élevés. Plus de 62 élèves en moyenne par classe en milieu rural immédiat et près de 50 dans
l’urbain, se sont des moyennes qui reflètent le décalage entre la planification sectorielle (carte scolaire) mise
en place par les responsables de l’Éducation nationale et la planification urbaine de la ville. Des quartiers
urbains entiers se sont développés en marge de la ville et n’ont pu être intégrés dans la carte scolaire.
Il est à noter aussi que cette forte pression sur les équipements publics de l’enseignement est atténuée
par l’apport du secteur privé puisque 20 % des élèves sont scolarisés dans les écoles privées à Casablanca
et à Mohammadia. Ce taux varie dans les autres villes de 10 % à Salé et Kénitra à 17 % à El Jadida et à 29 %
à Rabat.
Cet apport du privé, en pleine croissance n’est pas toujours pris en compte par les planificateurs de
l’espace dans la programmation des équipements. Au début des années 80, le nombre des élèves scolarisés
dans les écoles privées variait entre 0 % à Salé, 2 % à Kénitra, 10 % à Casablanca et 18 % à Rabat. Compta-
bilisé dans l’espace urbain, il est destiné à une clientèle plus ou moins aisée.
En plus des contraintes financières, pour doter les communes denses en équipements scolaires de proxi-
mité, la mauvaise programmation et la non utilisation rationnelle des infrastructures existantes sont des fac-
teurs responsables de l’inaccessibilité des enfants au système scolaire de base.

2.2. L’accès à la santé

À l’Indépendance, le Maroc a hérité de la colonisation, en terme d’équipements sanitaires, près de 320 sal-
les de visites et dispensaires ruraux qui ne fonctionnaient pas tous d’une façon permanente, d’une centaine
de dispensaires et centres de santé urbains et près de 1000 médecins en exercice dont 460 seulement exer-
çant dans les services de santé publique, tel est le constat fait à la veille du plan de développement écono-
mique et social de 1960-1964.

276
Cinquante ans plus tard, les principaux indicateurs de santé donnent une image assez satisfaisante du
Maroc.
Le nombre d’habitants par médecin est passé de 7228 à 2123 entre 1983 et 2002. L’offre en soins a été
étendue grâce à l’augmentation du nombre des d’établissements sanitaires. Le nombre d’habitants par éta-
blissement est passé de 17 092 à 12 500 entre 1980 et 2001.
Au niveau de l’axe atlantique moyen, le nombre des habitants par médecin est passé de 3358 en 1983 à
1181 en 2002. Cet encadrement est assuré à plus de 50 % par la médecine privée et a évolué au niveau des
différentes composantes de l’axe comme suit :

Tableau 8 : Nombre d’habitants par médecin (1983- 2002)

1983 2002
Nbre total de médecins Nbre d’habitants Nbre total de médecins Nbre d’habitants
par médecin par médecin
Casablanca 757 3218 3635 1035
Mohammadia
El jadida 43 17 752 284 3830
Kénitra 90 7955 456 2521
Rabat 1757 380
Salé 580 1758 333 2549
Skhirate-Témara 188 1808
Ensemble de l’axe 1470 3358 6653 1181
Ensemble du Maroc 2825 7228 13955 2123

Ces données montrent une amélioration continue en terme de couverture médicale par les médecins. À
Rabat, on enregistre le taux d’encadrement le plus élevé, un médecin pour 300 habitants, largement au des-
sus de la moyenne nationale. Ceci s’explique par la présence d’infrastructures médicales multiples et de
dimension nationale.
Le grand Casablanca vient ensuite avec un taux d’encadrement légèrement plus élevé que la moyenne
nationale avec un médecin pour 1000 habitants.
Les deux villes aux extrémité de l’axe Kénitra et El jadida, ont nettement amélioré leur taux de couverture,
en passant respectivement d’un médecin pour 7955 habitants et 17752 habitants à un médecin pour 2521 et
3830 habitants. Cette évolution de l’encadrement médical est un indice positif en matière d’accessibilité aux
services de la santé.
Un autre indice, plus important pour accéder aux soins par le grand nombre de la population est représenté
par la diffusion des infrastructures de soins de base. De 1983 à 2002, la population desservie par les centres
de santé et les dispensaires est passée en milieu urbain de 25 358 personnes à 36 314 personnes. Dans le
milieu rural, la population desservie est passée quant à elle de 17 566 à 13 300 habitants.
Si l’on considère la population dans sa globalité, le taux de desserte aura passé de 22642 en 1983 à
27 284 habitants en 2002. Ces variations attestent de l’insuffisance des infrastructures sanitaires de proxi-
mité qui enregistrent des charges de populations importantes surtout en milieu urbain. Au cours des deux
dernières décennies, le nombre des dispensaires et centres de santé a évolué de 218 à 288 unités, la popula-
tion quant à elle est passée de près de 5 millions à 7,8 millions d’habitants.

277
L’amélioration de l’offre en équipements de proximité doit être la priorité des responsables pour améliorer
les conditions de vie des populations et qualifier les ressources humaines. Ceci appelle une approche dif-
férente de l’offre des équipements destinés aux larges populations dans le cadre d’un projet de développe-
ment intégré du territoire et en impliquant les différents acteurs du développement local.
L’expérience conduite dans le grand Casablanca est pleine d’enseignement à cet égard.

2.3. Une nouvelle approche pour une meilleure accessibilité aux


équipements de proximité dans les quartiers du Grand Casablanca

La région du Grand Casablanca a vécu, depuis 2000, une expérience très originale en matière de traite-
ment de la question d’accès des populations aux équipements publics de base.
L’originalité de la démarche vient du fait que le taux de réalisation des équipements programmés par les
Plans d’Aménagement après plus d’une décennie de planification n’a pas excédé le 1/5 (voir partie I).
Aussi et suite aux instructions du 1er Ministre (circulaire du 2 Mai 2000), le Ministère de l’Aménagement du
Territoire, de l’urbanisme, de l’Environnement et de l’habitat a conduit en concertation avec les acteurs insti-
tutionnels locaux une démarche nouvelle qui a consisté à ouvrir des négociations tout azimut avec les pro-
priétaires de terrains pour doter la région des équipements de proximité.

Deux commissions ont été instituées par la Circulaire du 1er Ministre :


– une commission centrale chargée de superviser toute l’opération
– des commissions locales au niveau des préfectures, présidées par le Wali et les gouverneurs, chargées
de conduire les négociations avec les propriétaires.
La stratégie de travail retenue s’appuie sur trois points essentiels :
– Rationalisation des besoins en terrains pour réaliser les équipements
– Disposition des moyens financiers nécessaires à l’acquisition des terrains et à la réalisation des équipe-
ments
– Recherche des modalités d’acquisition des terrains dans le cadre d’une politique consensuelle, participa-
tive et solidaire.
Les négociations conduites pendant trois années, ont concerné le quart des équipements retenus par les
différents ministères (Éducation nationale, santé publique et ministère de l’intérieur). Elles ont permis de
régulariser de façon définitive la situation de 109 parcelles destinées aux équipements moyennant des facili-
tés urbanistiques négociées dans le cadre d’une vision urbaine concertée et solidaire. Elles ont surtout
dégagé des opportunités réelles de partenariat entre l’État et les acteurs économiques et sociaux quand la
transparence est garantie et des possibilités multiples pour intéresser les citoyens de façon concrète au
développement local de la cité.
En témoignent les résultats atteints dans le cadre de cette nouvelle approche de gouvernance (voir
tableaux no 9 et no 10).

278
Tableau 9 : Résultats globaux des négociations avec les propriétaires de terrains et les promoteurs
immobiliers pour la régularisation des terrains réservés aux équipements publics

Préfectures Nombre Surface du terrain de Contributions des propriétaires de terrains


d’équipements l’équipement (m2)
objets terrains nus acquis Plancher couvert Coût estimatif (DH)
de négociation (m2) acquis (m2)
Casa-Anfa 4 18 506 3 350 – 10 050 000
Aïn Sebaa-Hay 30 356 350 107 549 22 050 127 945 000
Mohammedi
El Fida-Derb Soltan 6 41 492 8 249 337
Aïn Chock-Hay 35 256 288 70 411 18 633 95 177 00
Hassani
My Rachid-Sidi 14 230 400 48 247 – 48 247 000
Othmane
Sidi Barnoussi-Zenata 8 138 492 28 722 – 28 722 000
Ben M’Sick-Médiouna 5 33 476 19 979 1 004 21 987 000
Mohammedia 7 51 729 28 776 450 29 676 000
TOTAL 109 1 126 733 313 285 42 474 409 625 000

Tableau 10 : Ventilation des équipements publics de proximité acquis


dans le cadre des négociations

Préfectures Éducation Équipements Sûreté Protection Santé Habous Formation Équipement Total
nationale communaux civile professionnelle administratif
(maison jeunes,
Foyer féminin,
crèche, espaces
associatifs)
Casa-Anfa 2 1 – – – – – – 3
Aïn Sebaa-Hay- 9 28 3 2 1 2 – 1 46
Mohammedi
El Fida-Derb – 4 – – – – – – 4
Soltan
Aïn Chock-Hay 7 17 3 2 8 3 1 4 45
Hassani
My Rachid-Sidi 4 4 – – – 2 1 1 12
Othmane
Si Barnoussi- 4 4 – 1 1 – – – 10
Zenata
Ben M’Sick 2 3 – – – – – – 5
Médiouna
Mohammedia 4 – – – 2 – – – 6
TOTAL 32 61 6 5 12 7 2 6 131

279
Une première évaluation de cette expérience permet de dégager les conclusions suivantes :
– La nécessité de modifier et d’améliorer la procédure d’établissements des documents d’urbanisme pour
prendre en considération la dynamique interne de la grande ville. À ce niveau, on a gelé des dizaines
d’hectares dans des quartiers centraux et péri-centraux pour recevoir des équipements, au moment
même où des centaines de locaux ferment faute d’élèves ou de clients en raison de la multiplication des
établissements privés (écoles, collèges, lycées, dispensaires et centres de santé, cliniques). L’exemple
de l’Éducation Nationale est significatif à cet égard.

Selon l’Académie Régionale de l’Éducation Nationale à Casablanca, les besoins en classes nouvelles dans
le Grand Casablanca entre 2004 et 2010 s’élèvent à 3119 unités, alors que l’excédent en classes non utili-
sées s’élève à 1835. De 2003 à 2005, l’Éducation Nationale a créé 204 classes nouvelles et en a fermé 930
dans d’autres quartiers. La comparaison des besoins et des surplus en classes selon les niveaux témoigne
du décalage de la planification :

Tableau 11 : Besoins et surplus en classes entre 2004 et 2010 selon les niveaux

Niveaux Besoins dont monde rural Surplus


Primaire 420 230 1439
Collège 1024 471 279
Secondaire 1275 284 117
TOTAL 3119 720 1835

– La nécessité d’instituer une loi exigeant, juste après l’homologation d’un document d’urbanisme, l’acqui-
sition et l’achat des terrains réservés aux équipements publics par les Ministères, les Administrations
publiques ou semi-publiques.
– L’indispensable rationalisation des superficies qui seront programmées pour les équipements publics
dans les futurs documents d’urbanisme, en prenant en compte la contrainte foncière dans la ville.
– La nécessité de régler les problèmes des terrains acquis en indivision en éditant de nouvelles lois dans
ce domaine afin d’éviter les litiges engendrés actuellement par le statut juridique des terrains.

280
Citoyenneté et urbanité

Introduction ........................................................................................................... 283

1. Cadre référentiel et dimension humaine...................................................... 283


2. L’urbanité en déperdition................................................................................ 284
3. L’ampleur du double défi................................................................................. 285
4. Le retour à l’essentiel...................................................................................... 286

SAÏD MOULINE

281

gt6-11 281 28/02/06, 9:39:30


282

gt6-11 282 28/02/06, 9:39:31


Introduction

Au stade actuel du travail engagé en commun dans le cadre de la Fiche thématique no 6 « Accès aux ser-
vices de base et considérations spatiales », l’objectif de cette présentation, intitulée « Citoyenneté et urba-
nité », est de saisir l’occasion de cette réunion élargie, programmée et dirigée par le Président de la
Commission scientifique, pour tenter de partager avec les membres de la Commission thématique et
l’ensemble des contributeurs quelques réflexions et plus particulièrement des doutes que je ressens au plan
méthodologique.
Partager des doutes sur des questions dont les conséquences risquent de reconduire les mêmes erreurs
d’appréciation, d’analyse, dans la compréhension des pratiques opérationnelles étatiques qui ont justement
mené à la situation chaotique, aux dysfonctionnements et aux remèdes inappropriés que nous observons
aujourd’hui dans le domaine de la répartition spatiale, de l’évolution et des modes de production du cadre de
vie. Chaos et dysfonctionnements qu’ont largement développés et étayés, dans leurs communications, les
confrères qui m’ont précédé.
S’il semble que la délimitation du Périmètre du thème relatif à l’« Accès aux services de base et aux consi-
dérations spatiales » ainsi que les produits attendus présentent une certaine cohérence, affinée progressive-
ment au fur et à mesure de nos rencontres et de nos échanges, il n’en demeure pas moins vrai que certains
aspects du développement « humain », malgré les précautions prises dans la rédaction ou dans les précau-
tions oratoires, ces aspects restent à peine effleurés, parcequ’ils sont difficiles à saisir. Il est vrai que l’on
n’appréhende pas aussi facilement une « identité », « une mémoire », des « valeurs », « une solidarité collec-
tive locale, régionale ou nationale », « un sentiment d’exclusion » ou « un sentiment d’appartenance à un
quartier, à une cité, à un pays ou à une patrie » comme on le ferait pour des systèmes techniques, tels un
réseau routier, des trames d’assainissement, des modes de circulation et de transport, etc.

1. Cadre référentiel et dimension humaine

Mais il n’empêche que ces sentiments, ces attitudes, ces perceptions, ces besoins font partie intégrantes
du développement humain et que l’on ne pourra plus, de mon point de vue, les traiter comme catégorie à
part ou comme des éléments non prioritaires eu égard aux accès aux services de base. J’ai, personnelle-
ment, la ferme conviction que cette dimension humaine est aussi importante pour mieux définir et mieux
comprendre tant les accès aux services de base, que les considérations spatiales dans toutes leurs ramifica-
tions.
Ainsi, concernant les « accès aux services de base et les considérations spatiales », la nécessité d’intégrer
la dimension humaine dans la formulation même des problématiques me semble indispensable. Une intégra-
tion effective de cette dimension humaine, non comme un luxe en aval lorsque les « besoins naturels »
semblent satisfaits, mais une intégration en amont. Car son éclairage et ses implications sont, en effet, capi-
taux pour définir tant les besoins, que leurs modes de satisfaction, selon des modalités sociales et culturelles
appropriées.

283
Cela nous amènera probablement, chacun selon le thème traité, à intégrer en termes d’attitude et de spa-
tialité, les diverses approches complémentaires compte tenu du canevas de travail patiemment élaboré
jusqu’ici. Cela est, d’une part, explicitement défini dans le référentiel dans le cadre duquel le Rapport à établir
trouve sa source. D’autre part, il est difficile d’imaginer des perspectives à l’horizon 2025 sans que transpa-
raisse, de manière ordonnée, ce qui relève de la dimension humaine, de valeurs culturelles et identitaires ins-
crites dans un processus en évolution constante dans lequel, justement, ces valeurs ont un sens.
Permettez-moi de revenir sur ces deux points, le cadre référentiel et l’inscription de la dimension humaine
dans l’espace et dans le temps, pour mieux exprimer ma pensée :
a. Concernant le cadre référentiel, c’est le Discours du Souverain du 20 août 2003, dans lequel de nom-
breux passages font fortement émerger le rapport à la patrie et au territoire : « les valeurs du patriotisme », la
transmission de « l’amour de la patrie », la traduction « du nationalisme en citoyenneté », la construction
d’une « société solidaire », celle « d’une renaissance culturelle (...) respectueuse de l’identité marocaine »,
de même que la nécessité de donner aux jeunes « une éducation civique et éthique », etc. Ces valeurs, et
bien d’autres de même nature, sont éminemment soulignées par le Souverain qui invite à « évaluer les
étapes franchies par notre pays, durant un demi-siècle, en matière de développement humain ».
b. Concernant la dimension humaine dans l’espace et dans le temps, nous savons que la sociologie
urbaine ou plus généralement « spatiale », relative au cadre de vie, est, à vrai dire insatisfaisante, en ce sens
qu’elle n’apporte pas encore une pensée cohérente unanimement acceptée ou des méthodologies d’analyse
ou de projection opérationnelle à caractère scientifique. La partie la plus importante de la production universi-
taire et intellectuelle dans ce domaine, porte justement sur tout ce qui, dans l’ordre de l’humain, peut être
ramené à des données mesurables et quantifiables. D’où, les ratios, les densités d’occupation, les quotas et
toutes les réglementations sur les modes de construction, sur les surfaces minimales, sur les hauteurs mini-
males, etc.
On ne trouve, malheureusement, que peu d’étude de sociologie de l’espace humanisé, des perceptions,
des usages et des représentations culturelles de l’espace social et du cadre de vie.

2. L’urbanité en déperdition

On pourrait croire qu’il s’agit là d’un débat d’universitaires, mais, malheureusement, les milliers de projets
réalisés, selon des concepts implicites inadéquats (qui justement n’ont pas clarifié cette sociologie de
l’espace humanisé et l’occultent tout simplement), sont là pour montrer les retombées opérationnelles multi-
ples de l’insuffisance intellectuelle qui caractérise la conception, la planification et la réalisation des établisse-
ments humains. Les exemples vont de nos lotissements « modèles » dans lesquels l’habitat domestique, en
immeubles, est regroupé autour du fameux complexe socio-cultuel, « mosquée-hammam-souq », en passant
par les « ordonnancements architecturaux » qui n’ont cessé de défigurer les spécificités locales et conti-
nuent à le faire, jusqu’aux « plans-types », qui standardisent, du nord au sud et de l’est à l’ouest, habitats et
habitus et finissent, à terme, à faire prendre la norme technique, pour la normalité sociale et culturelle ;
chaque catégorie socio-économique ayant accès à un type d’habitat qui lui correspond.
Une autre conséquence est celle qui consiste, carrément, à réduire l’urbanité et l’urbain à l’habitat domes-
tique et l’habitat domestique à des catégories de plans-types dans les milieux formels ou informels de la pro-
duction de logement. En procédant ainsi, c’est la dimension humaine de l’espace qui est évacuée, ce sont la
perception et le vécu culturel qui ne sont plus pris en considération ni dans les programmes ni dans les réali-
sations réduites à la technicité de production.

284
Avec de telles réductions, c’est comme si nous avions atteint, dans le domaine concerné et durant le der-
nier cinquantenaire, le degré zéro de l’urbanité et de l’architecture. Autrement dit le degré zéro de la
spatialisation d’êtres humains, de citadins et même de ruraux. Ce qui repose ici la question d’une modernité
endogène de l’urbanisme et de l’architecture au Maroc. Autrement dit, la question du patrimoine (et partant
de la patrie, de l’identité et de la mémoire) et de son actualisation en réponse à des besoins contemporains
et futurs. C’est bien de développement humain qu’il s’agit.
Liés à cette régression, l’on trouve les goûts et modèles d’une période pas si lointaine qui a donné, entre
autres, les préfectures de Casablanca qui, en matière d’espace-temps et de repère néo-colonial, sont un
bond de plusieurs décennies en arrière. De même que bien d’autres chefs-d’œuvre du mauvais goût qu’il
n’est pas de mon propos de citer ici.
En effet, les exemples peuvent être multipliés à foison ; l’essentiel est de retenir qu’en matière d’établisse-
ments humains (et plus particulièrement ceux relatifs à des services de base : logement, école, dispensaire,
commerce de proximité, etc), aucune analyse du monde rural, du monde urbain ou du cadre bâti en mon-
tagne n’a été initiée de manière suivie, complétée, actualisée et qu ’en fait, aucune recherche n’a eu lieu per-
mettant une capitalisation d’un savoir approprié dans un domaine vital pour tout usager (à part la trop brève
parenthèse du Centre d’Étude, de Recherche et de Formation, CERF, dans les années 1970). Ceci à un
moment historique particulièrement important ; moment historique capital dans la mesure où le taux urbain
qui était de l’ordre de huit pour cent en 1900 est passé à plus de cinquante pour cent en l’an 2000 et qu’il
sera de l’ordre de soixante quinze pour cent en 2025.

3. L’ampleur du double défi

Comme vous le savez, au-delà du cadre physique qui le constitue, l’espace humanisé est porteur et témoin
d’autre chose que de sa simple matérialité. Il est siège et repère de relations plurielles, de témoignages his-
toriques, sociaux, émotionnels, esthétiques, etc. Il est témoignage d’urbanité et vecteur de pratiques et de
valeurs culturelles qui s’y archivent et s’y sédimentent d’une certaine façon dans le temps. Il est porteur et
vecteur d’un esprit qui l’habite et qu’il transmet de génération en génération.
Certains peuvent considérer que le problème de l’identité du cadre de vie est un problème secondaire, ou
en tout cas de moindre urgence. Que dans l’immédiat, il est nécessaire de répondre aux exigences mini-
males de ceux qui se trouvent dans une situation de grande précarité. C’est-à-dire qui se trouvent dans
l’impossibilité de subvenir aux besoins fondamentaux liés à la survie même de l’individu et encore moins à
son logement dans des conditions décentes.
Il est vrai que les problèmes d’une croissance urbaine non contrôlée sont tragiques. Mais quels que soient
les chiffres que nous connaissons, depuis la première Conférence Mondiale sur les Établissements
Humains, qui s’est déroulée en 1976 à Vancouver, jusqu’à « Habitat II ou Sommet Mondial des Villes », tenu
à Istanbul en 1996 ou encore au Sommet « Istanbul + 5 », tenu récemment à New York, l’on sait aujourd’hui
que, depuis vingt cinq ans les solutions préconisées, les stratégies mises en œuvre n’ont pas été à la mesure
des défis que constituent la croissance urbaine à l’échelle de la planète et que malgré bien des efforts, la
compréhension des relations humaines à l’espace, l’urbanité, reste le maillon faible de la réflexion sur
l’espace humanisé et que les efforts de nombre de pays en voie de développement restent entravés par un
manque de vision conceptuelle.
Il est, je crois, admis aujourd’hui que la formulation du problème sous l’angle quantitatif, bien que néces-
saire, ne soit pas suffisante. D’une part, parcequ’elle est réductrice de réalités humaines à des données bio-
logiques, à des grandeurs mesurables et quantifiables, au détriment de valeurs et pratiques culturelles.

285
D’autre part, parcequ’il faudrait, parallèlement à la multitude des efforts déployés, imaginer d’autres façons
de formuler un problème dont les causes ne sont pas spécifiquement spatiales.
Autrement dit, parallèlement à la multitude des efforts à déployer pour produire des établissements viables
dans un monde de plus en plus urbanisé et au sein duquel la croissance urbaine n’est, de fait, plus vraiment
contrôlable, il faudrait, par ailleurs, imaginer et concevoir d’autres façons de formuler des problèmes dont les
causes ne sont pas spécifiquement urbaines. En effet, les inégalités ne sont pas des données spatiales. Le
bien-être ou le mal être ne sont pas des données spatiales. Le sentiment d’appartenance ou d’exclusion
sociale n’est pas une donnée spatiale. Mais si l’injustice, les inégalités, le bien-être et le mal-être, l’apparte-
nance ou l’exclusion, etc., ne sont pas des données spécifiquement spatiales, ce sont cependant des réalités
humaines et culturelles dont les manifestations se concrétisent et se matérialisent dans l’espace et le cadre
de vie – qu’il soit urbain ou rural. Elles se concrétisent dans des quartiers, dans des villes avec ampleur et vio-
lence, accentuant un déchirement social qui ne cesse de se manifester spatialement sous des formes multi-
ples et diversifiées. Que l’on pense aux enfants des rues qui, au Guatemala par exemple, sont devenus le
gibier d’escadrons du « nettoyage social » qui procèdent à des massacres nocturnes en toute impunité. Que
l’on pense aux milliers de voitures brûlées par an, dans bien des villes européennes, par les jeunes désœu-
vrés des quartiers dits « difficiles » qui animent ainsi leurs week end. Que l’on pense qu’à quelques kilo-
mètres d’ici, dans la capitale du Royaume, à Douar Laqhaoui, des centaines d’enfants naissent, survivent et
meurent dans la décharge publique de Akreuch, lieu de subsistance et de résidence de plus d’un millier de
foyers dans un espace où s’écoulent à ciel ouvert des rigoles de matières toxiques tel le lexiviat qui termine
sa course dans le Bouregreg.

4. Le retour à l’essentiel

Toutes ces réalités dont les manifestations se vivent, se sentent, se ressentent ou engendrent la malvie, la
détresse et l’exclusion dans des univers urbains sans liens, de plus en plus éclatés, de plus en plus frag-
mentés, ne permettent plus de constituer des cadres de vie adaptés à une coexistence communautaire. Jus-
tement, pour éviter les clichés et les sempiternelles fausses certitudes, peut-être faut-il revenir à l’essentiel.
L’essentiel ce n’est pas la réduction de l’être humain à des grandeurs mesurables et quantifiables. L’essen-
tiel ce ne sont pas les politiques d’urbanisation restrictives, qui reposent trop souvent sur des conceptions
technicistes et mercantiles, qui réduisent les habitants à des ratios de densité à l’hectare, à des coefficients
d’occupation des sols, à tout l’aspect lucratif des promotions immobilières, etc. Revenir à l’essentiel, c’est
donner statut à un ensemble de coutumes et de comportements, d’attitudes et de sentiments d’apparte-
nance communautaire qui sont définitoires de toute société.
De telles situations nécessitent, me semble-t-il, des politiques fondées sur des visions de la ville, des poli-
tiques concertées qui permettent de comprendre ce qu’est un cadre de vie, ce qu’est un lieu d’urbanité. Lieu
d’urbanité dont la caractéristique majeure est d’être un espace social de partage d’identité et d’émotion pour
un développement humain qui prenne en considération également la culture, le loisir et tout ce qui contribue
à la convivialité et à la solidarité dont l’importance a été bien soulignée dans l’allocution introductive de Mon-
sieur le Président de cette Journée d’étude et de réflexion.

286
Le village des Aït Iktel

1. Création de l’association Aït Iktel de développement ..............................290


2. Réalisations .......................................................................................................291
2.1. L’eau potable ...............................................................................................291
2.2. Électricité ....................................................................................................292
2.3. Aménagement et équipement du dispensaire local ............................292
2.4. Les écoles informelles ..............................................................................292
2.5. Le centre d’information et de formation ................................................292
2.6. La construction du canal d’irrigation .....................................................292
2.7. La création du Dar taliba et Dar taleb au collège
du Barrage Moulay Youssef ....................................................................293
3. Les partenaires .................................................................................................293
4. Leçons tirées de l’expérience ........................................................................295

ALI AMAHANE

287

gt6-12 287 22/03/06, 13:30:58


288

gt6-12 288 22/03/06, 13:30:59


Le village des Aït Iktel est l’un des villages les plus importants de la Commune d’Abadou dans la Province
d’Al Haouz. Ce village est situé dans le Haut Atlas à une centaine de kilomètres de la ville de Marrakech et à
12 kilomètres du Barrage Moulay Youssef.
Il est utile d’évoquer la situation économique et sociale de la Commune dans son ensemble avant les inter-
ventions de l’Association.
En effet, une monographie a été réalisée et publiée par le Secrétariat d’État à la Population et le PNUD en
1977. Cette étude a classé la Commune parmi les plus pauvres du pays. Cette publication nous fournit les
données indiquées ci-dessous :
– Superficie : 101 km2
– 55 % des exploitations agricoles ne dépassent pas 5 ha alors que l’agriculture est la principale activité
des habitants (4 actifs sur 5). Le rendement moyen par hectare est de 13,2 quintaux.
Population : 8834 habitants (1288 Ménages)

Accès routier
– Route principale : 0 km
– Route secondaire : 0 km
– Chemin tertiaire (CT) revêtu : 0 km
– Piste : 0 km

Desserte en eau potable


– Branchement direct au réseau : 0 %
– Fontaine publique : 6 %
– Autre % 94.

Électrification et autres services


– Branchement : 0 %,
– Analphabétisme : 81 %
– Chômage : 18 %

Disponibilité d’établissement scolaire


– Préscolaire : 36 kouttabs
– 1er cycle fondamental : 30 salles de classe
– 2e cycle fondamental : 0 salle de classe
– Secondaire : 0 salle de classe

Scolarisation
– Au 1er cycle fondamental :
– Total : Taux en % : inscrits (garçons) 7-12 ans est de 53, (filles) 7-12 ans est de 29

289
Disponibilité des établissements de santé
– Dispensaire rural (DR) : 1 unité
– Centre de santé communal (CSC) : 0 unité
– Centre de santé communal avec module d’accouchement (CSCA) : 0 unité
– Hôpital local (HL) : 0 unité ;

Pourcentage de la population par rapport à la formation sanitaire la plus proche


– moins de 3km : 18 %
– 3 à 6 km : 2 %
– 6 à 10 km : 30 %
– plus de 10 km : 50 %

La carte de la pauvreté communale, publiée récemment, situe le taux de pauvreté à Abadou à 25,40 % et
celui de vulnérabilité à 56,42 %.
Toutes ces données démontrent la situation économique et sociale de la Commune et par delà, celle des
Aït Iktel qui est l’un des ses centres les plus importants. Il est à signaler, de même, qu’ au moment de la réa-
lisation de cette enquête, la situation à Aït Iktel était encore plus critique, notamment dans le domaine de la
scolarisation (le taux d’inscription était de 25 % pour les garçons et de 5 % pour les filles).

– La population a presque doublé en 30 ans. En 1978, le nombre de foyers était de 88 avec une population
qui s’élevait à 633 dont 6,5 % travaillait hors du village.
– En 1986, le nombre de foyers était de 102 avec une population de 714 personnes. Parmi cette popula-
tion, 150 hommes travaillaient hors du village.
– En 1996, lors de la réalisation du projet d’électrification, le nombre de foyers s’élevait à 124.

Cet état des lieux, quand bien même sommaire, aide à apprécier l’ampleur des actions de l’Association et
la pertinence de son approche, voire l’efficacité de sa méthode.
C’est au début des années 1990 que les actions de l’Association ont débuté. En effet, la sécheresse qui
avait sévi durant la décennie précédente avait engendré un cruel manque d’eau. Il fallait organiser chaque
jour de véritables expéditions de 10 à 15 kilomètres pour chercher de l’eau aussi bien pour les personnes que
pour le bétail. Lors d’une réunion à l’occasion d’une fête, de même que lorsque le village se heurte à de
graves difficultés, les habitants décidèrent de faire appel aux personnes susceptibles d’aider à trouver une
solution à ce problème et plus particulièrement aux émigrés du village. Certains de ces « émigrés » internes
(personnes qui travaillent hors mais à l’intérieur du pays) répondirent favorablement à l’appel. Le premier pro-
jet fut l’aménagement d’un point d’eau : la source de Tighremt en 1994. Même si la réalisation de ce projet
n’a résolu le problème que partiellement, sa réussite, notamment auprès des femmes, a déclenché une véri-
table dynamique au sein du village. Ainsi était né le projet de création d’une association villageoise pour
entreprendre d’autres projets. Il est, de même, à signaler que sans l’ouverture démocratique opérée par les
autorités à cette époque, permettait d’envisager la création d’une association.

1. Création de l’Association Aït Iktel de Développement

L’approche suivie dans la création de l’institution et la méthode de travail mise en place constituent les
principaux atouts et les facteurs de réussite de l’expérience des Aït Iktel.

290
Les promoteurs de l’expérience voyaient en l’Association un instrument de mobilisation de la commu-
nauté. Pour ce faire, ils se sont inspirés du patrimoine social, notamment institutionnel, de la communauté.
Aussi, la conception de l’association AID est-elle inspirée, dans sa structure comme dans sa démarche, des
institutions traditionnelles, communautaires.
En effet, plusieurs études sur le village et sur la région ont constitué les fondements de la configuration de
l’institution. La jemaa servait à la fois de modèle et de base de constitution de l’Association. Il ne s’agissait
pas d’une modernisation de la jemaâ mais plutôt d’une réadaptation de cette dernière aux exigences des
temps actuels. Une sorte de recomposition et de rééquilibrage des forces internes à la communauté en
tenant compte des composantes devenues influentes (émigrés, jeunes et femmes) et nécessaires à la ges-
tion des affaires de la localité. Ainsi, l’AID regroupe l’ensemble des villageois. Une place singulière est réser-
vée aux émigrés (personnes originaires du village qui résident et exercent à l’extérieur) ainsi qu’aux femmes
et aux jeunes en raison de l’apport et du rôle déterminant de chacune de ces composantes. En effet, les
femmes (notamment épouses d’émigrés) sont devenues de vrais chefs de famille et la plupart des projets
les concernent au premier chef (eau potable, électricité, ...).
Les jeunes assurent la gestion administrative (comptabilité, établissement des rapports, contacts avec les
autorités, etc.).
Les hommes originaires du village qui résident à l’extérieur pourvoient des fonds, véhiculent de nouvelles
visions, jouent le rôle d’interface entre la communauté et ses partenaires et servent souvent de médiateurs
entre les membres de la communauté qui sont du temps à autres en conflit.
Le fonctionnement de l’Association reprend les principes qui président à la jemaa à savoir le partage de
l’information et la prise de décisions par consensus (parfois après d’âpres débats de longues négociations) ;
chaque action ou projet ne doit engendrer aucune exclusion. L’accès de chaque service à tous les membres
de la communauté est une condition sine qua non dont la conception de chaque projet doit tenir compte. De
même, « solidarité » ne doit pas rimer avec « charité ». Si le coût de réalisation des infrastructures est réparti
selon les possibilités de chacun et avec l’aide des bailleurs de fonds extérieurs, chaque membre de la com-
munauté doit pouvoir payer sa consommation. À Ait Iktel, toutes les familles ont accès à l’eau potable et à
l’électricité grâce à une adéquation entre le coût du service, le pouvoir d’achat des bénéficiaires et un
ensemble d’actions entreprises en marge du projet. Prenons l’exemple du projet d’électrification du village :
le système adopté pendant 6 ans (jusqu’à l’arrivée du réseau national) a permis aux villageois les plus déshé-
rités de payer 45 % moins cher que l’éclairage traditionnel, soit 23 à 30 dirhams par mois).

2. Réalisations

2.1. L’eau potable

La réalisation du projet a permis :


– d’avoir de l’eau en quantité suffisante pour toute la population,
– d’éradiquer certaines maladies infantiles (diarrhée, typhoïde, ...),
– aux femmes et jeunes filles de gagner un temps précieux de 2 heures par jour et d’économiser de nom-
breux efforts,
– la scolarisation de toutes les filles.

291
2.2. Électricité

La réalisation du projet a permis :


– d’avoir une qualité d’éclairage,
– de réduire la consommation du bois pratiquement à 0 puisque le coût est réduit de façon générale de
50 % par rapport au coût de l’éclairage traditionnel (bougie ou butane) – Cette économie a incité les
familles à équiper leur cuisine en butane.
– d’accéder aux médias, notamment à la télévision. Avant l’électrification du village, seules 5 familles dis-
posaient d’un poste de télévision. Aujourd’hui, le village compte plus d’une centaine de télévisions et
plusieurs paraboles,
– une revalorisation de la population : les villageois ont le sentiment d’être comme les autres « rjâna bhal
nnas » c’est à dire des citoyens à part entière.

2.3. Aménagement et équipement du dispensaire local

La réalisation du projet a permis :


– d’éradiquer la mortalité des jeunes mères,
– de vacciner tous les enfants et les futures mères,
– d’introduire dans les mœurs le planning familial : plus de 80 % des couples suivent le planning familial.

2.4. Les écoles informelles

La réalisation du projet et la suppression des corvées relatives à l’eau et au bois ont permis :
– de scolariser à 100 % les jeunes âgés de 20 ans et moins, notamment les jeunes filles dès 1996.

2.5. Le centre d’information et de formation

La réalisation du projet a permis :


– d’organiser des séances de sensibilisation dans divers domaines : social, économique, santé, culturel.
– de dispenser une formation professionnelle aux femmes et aux jeunes filles (tissages).

2.6. La construction du canal d’irrigation

La réalisation du projet a permis :


– de doubler l’espace irrigué et les cultures estivales pendant la saison sèche,
– d’introduire de nouvelles cultures plus rentables,

292
– d’augmenter le revenu des familles en moyen de 350 dirhams environ par mois grâce à la production et
à la commercialisation du lait (depuis 3 ans, la coopérative verse mensuellement la somme de 50000 à
60000 dh aux villageois) . En effet, en 2000 la vente du lait n’est pas encore entrée dans les habitudes
des villageois.

2.7. La création du Dar taliba et Dar taleb au Collège du Barrage Moulay


Youssef

La réalisation de ces deux projets a permis :


– à 80 filles et 120 garçons pauvres de poursuivre leur scolarité dans de bonnes conditions. L’association
avec le concours de ses partenaires, notamment, les communes d’assurer une pris en charge totale des
enfants.

3. Les partenaires

Les partenaires nationaux sont de trois sortes :


– les Ministères :
R Le Ministère de l’Éducation Nationale (Direction de l’Alphabétisation),
R Le Ministère des Affaires Sociales, de l’Emploi, du Développement Social et de la Formation Profes-
sionnelle (Direction de l’Alphabétisation)
R Le Ministère de la Culture et de la Communication (Direction du Livre),
R Le Ministère de la Santé (Centre de santé locale)
– les Fondations et les ONG :
R La Fondation Mohammed V pour la Solidarité
R La Fondation BMCE,
R L’ONG Heures Joyeuses,
R L’ONG Comité de Soutien à la Scolarisation des filles en milieu rural.
R Les partenaires sont nationaux et internationaux.
Les premiers partenaires sont les partenaires internationaux, à savoir :
1) Les Ambassades étrangères accréditées à Rabat, telles :
L’Ambassade du Japon, l’Ambassade de France, l’Ambassade d’Allemagne, etc.
2) Les institutions intergouvernementales, telle :
La banque mondiale (institut de développement économique)
– Les ONG internationales, telles :
R L’ASSOCIATION MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENT (MD) (France)
R Le CCFD (France).

293
R Le Président fondateur a eu l’insigne honneur de recevoir de S.M. Le Roi la Médaille du Mérite de la
Fondation Mohammed V en 2000,
L’Association a obtenu le Prix Aga Khan d’Architecture pour l’exemplarité du projet, Cycle 2001.

4. Leçons tirées de l’expérience

L’expérience a fait l’objet de plusieurs publications, études et rapports. Certains organismes internationaux
la considèrent parmi les expériences les plus réussies dans le développement communautaire. Elle est
souvent citée et présentée comme exemple possible à suivre. Il est de même à signaler que cette expérience
a inspiré la conception et la mise en place de certains projets nationaux telles l’Agence de Développement
Social et l’École Communautaire. Parmi les éléments positifs relevés par tous les auteurs on peut citer :
– une forte mobilisation de tous les membres de la communauté et leur totale implication dans les projets,
– une bonne gestion des projets aussi bien au niveau de la réalisation qu’à celui de l’exploitation,
– une réelle équité quant à l’accès aux services de base réalisés dans le cadre de l’expérience,
– une parfaite complémentarité entre les projets,
– un coût abordable aussi bien au niveau de l’investissement qu’au niveau de l’exploitation en comparai-
son des coûts de projets similaires réalisés par d’autres organismes (rapport sur le développement dans
le monde 2003, pp. 85-87).
– un impact positif évident sur la vie quotidienne de la population : « Ce projet a reçu une récompense
parce que qu’il déploie une nouvelle approche de développement qui permet la préservation de l’envi-
ronnement et l’amélioration des conditions de vie des populations rurales .... Le succès du projet en fait
un exemple pour la région entière, apporte l’espoir aux communautés rurales dans tout le monde isla-
mique et renforce leur détermination à améliorer les conditions de leur propre vie » (citation du Jury
International du Prix Aga Khan d’Architecture).

L’efficacité de l’Association est due à plusieurs facteurs dont deux principaux :


– L’absence d’institutions publiques de proximité au niveau local
– L’existence, chez les communautés, d’un patrimoine social efficace.

La situation de la commune décrite plus haut, démontre l’absence d’ équipements, par conséquent des
services de l’État, et l’inefficacité de ceux qui sont représentés. La Commune d’Abadou est parmi les pre-
mières communes créées. Les autorités coloniales avaient déjà créé, en 1954, la « jemaa administrative » à
Abadou (selon le Dahir du 6 juillet 1951). Le rôle de la commune tel qu’il est perçu par les villageois, se limite
à gérer le souk et d’ailleurs sous le contrôle du caïd. Les rares projets réalisés par l’administration dans la
commune ne durent que quelques années voire quelques mois. (Les projets sont souvent mal réalisés et
toujours mal gérés. Certains projets qui figuraient déjà dans le programme de la jemaa administrative d’Aba-
dou en 1954, comptent encore parmi les projets réalisés dans la Commune ces dernières années).
L’absence de services opérationnels de l’État et l’inefficacité de la Commune permettent aux commu-
nautés de continuer à gérer les affaires publiques selon leurs traditions et en s’appuyant sur leurs institutions
ancestrales telle la Jemaa (conseil de la localité où chaque famille est représentée). L’institution Jemaa aussi
bien que l’approche suivie ont suscité depuis toujours l’intérêt des observateurs : les Romains, les chroni-
queurs arabes et les voyageurs occidentaux n’ont pas manqué de relever le dynamisme et l’efficacité de
l’institution, ainsi que la démarche « démocratique » empruntée dans la gouvernance des affaires publiques.

294
El Bakri rapporte au XIIe siècle à propos d’Aghmat dans le Haut Atlas :
« Autrefois, à Aghmat, les habitants se transmettaient entre eux la charge (de pouvoir) ; celui qui en avait
exercé les fonctions pendant un an était remplacé par un autre que le peuple choisissait dans sont sein » (El
Bekri, 1965, 292).
Charles de Foucault souligne pour sa part que « (...) l’assemblée garde entre ses mains la puissance souve-
raine et confie le pouvoir exécutif à un chikh qu’elle élit, (...) » (Foucault, 1939, 184). C’est la jemaa qui
désigne le chef de la localité, un véritable « petit magistrat », « gardien de l’ordre du groupe sous son aspect
agraire, économique, municipal, mais aussi judiciaire » nous dit J. Berque (1978, 376).
Ainsi la présence, au niveau des localités, d’outils et de traditions de gestion des affaires publiques d’une
manière équitable et efficace permet à l’Association d’être performante mais aussi de créer des espaces de
dialogue et de favoriser un véritable partenariat entre l’État et les citoyens. De nombreuses administrations
ont participé aux projets par l’intermédiaire de l’Association comme le démontre la liste des partenaires natio-
naux alors que les citoyens du village ignoraient jusqu’alors leur existence.
L’une des leçons que l’on puisse tirer de cette expérience est que selon l’approche suivie, le capital social
traditionnel est un atout essentiel et l’ouverture sur la modernité, une nécessité vitale. En effet, l’utilisation
des outils dont dispose la communauté avec les exigences et les moyens d’aujourd’hui, permet à celle-ci de
quitter une situation de survie et d’aborder un réel développement.

295
Tamesloht

Aperçu historique de Tamesloht ......................................................................... 299


1. Une situation en devenir .................................................................................... 300
2. Développement économique de Tamesloht ................................................... 301

Conclusion .............................................................................................................. 309

MOHAMMED AMINE KABBAJ

297

gt6-13 297 3/03/06 16:18:31


298

gt6-13 298 3/03/06 16:18:31


Aperçu historique de Tamesloht

Tamesloht fut attestée une première fois au début du XIIIe siècle comme fief d’un haut dignitaire Almohade
où ce dernier dut se retrancher à la suite de luttes intestines opposant divers partis au sein du pouvoir Almo-
hade en cours de désintégration.
C’est trois siècles après que Tamesloht fut associée au grand courant de la confrérie religieuse, la « Jazou-
liya » dont le maître au début du XVIe siècle est Abû Abdallah Al Ghazouani, l’un des Sept Saints Patrons de
Marrakech.
Fortement engagé dans l’histoire politique et socio-économique du pays Al Ghazouani prêchait de manière
concrète et efficace pour le redressement du pays ruiné par l’effondrement du XVe siècle par les luttes contre
l’occupation des côtes atlantiques par les Portugais, les conflits internes et une série de famines.
Convertie en une sorte de « moine défricheur » Al Ghazouani exhortait ses disciples au travail manuel,
notamment à la mise en valeur des régions abandonnées et déshéritées.
Parmi tant d’actions de ce genre qu’il mena du nord au sud du Maroc, celle qui concerna Tamesloht fut la
plus remarquable et la plus durable. Pour mener à bien ce plan de redressement socio-économique à Tames-
loht, il fit appel à Abdallah Ibn Hsain (Moulay Abdallah Ben H’ssayn) l’un de ses disciples préférés, descen-
dant d’une lignée de « Soufis » marocains essaimés depuis le XIIe siècle dans différentes régions.
L’effondrement démographique consécutif aux précédentes années de sécheresse, de famines et de
pestes avait dépeuplé la région.
Arrivé sur le lieu Al Ghazouani révéla alors son intention de faire ressusciter ce lieu mort et confia la tâche à
Abdallah Ben Hsain :

« Installe-toi ici, dit-il au disciple. Par la grâce d’Allah et par son action, ce pays revivra, les eaux cou-
leront dans leurs rigoles, les arbres donneront leurs fruits, les oiseaux ne ravageront plus les récoltes,
les femmes frappées de stérilité concevront leur progéniture. Allah t’accordera la faveur de les rendre
fécondes par simple toucher de ta main... »

Ainsi naquit la « Zaouia » de Tamesloht, lieu de culture populaire attaché à la personne du fondateur Abdal-
lah Ben H’ssayn et de ses descendants. Lieu placé d’abord sous le signe de la revivification de la terre, la
région déshéritée se transforma en une oasis verdoyante et peuplée. L’olivier constitua depuis l’arbre miracle
de cette œuvre de renaissance.
Le rayonnement de la Zaouia de Tamesloht dépassa vite les limites géographiques de la région pour tou-
cher, d’un côté la capitale Marrakech, de l’autre les montagnes de l’Atlas, et bien au-delà les contrées de la
vallée du Drâ.
La confrérie des « Gnaouas » regroupant les descendants des esclaves noirs introduits massivement au
Maroc au cours du XVIe siècle et XVIIe siècle a élu également domicile, entre autres à la Zaouia de Tamesloht.
Considérée sur cet angle, cette Zaouia reflète, au cours de l’année, diverses facettes d’une foi et d’une
culture populaire, arabe, berbère, saharienne et africaine, qui traduisent à leur tour des aspects non négli-
geable des composantes culturelles et cultuelles de la société marocaine traditionnelle.

299
1. Une situation en devenir

Le temps a passé, le passé récent a donné à Tamesloht un aspect de désolation et de misère, aujourd’hui, la formule
adaptée serait celle-ci :
« Donnes à cette population les moyens de se mettre à niveau, redonnes-lui sa dignité, accompagnes-la dans cette
nouvelle ère d’espoir pour elle et pour ses descendants en préservant la mémoire du passé et la tradition; elle fera le
reste... »

La Commune Rurale de Tamesloht est la plus grande Commune de la Province du Haouz et possède un
atout majeur d’être à moins de 20 km de Marrakech.
Tamesloht peut et doit jouer son rôle de ville satellite au sens économique du terme et non comme « ville
dortoir » de Marrakech comme on veut le lui attribuer.
Tamesloht possède tous les atouts pour être un centre de loisirs et de tourisme culturel :
– Loisirs par son coté piedmont, Tamesloht peut devenir la base des randonnées vers l’Atlas.
– Culturel, Tamesloht possède toutes les denrées pour devenir une base de séjour et de visites de patri-
moine grâce à toutes les richesses qu’elle possède.

Tamesloht, le plus grand centre de la Province d’Al Haouz, est dépourvu des éléments essentiels à son
infrastructure nécessaires à son développement.
Tamesloht est le siège de la manifestation annuelle du Moussem de Sidi Abdallah Ben Hsain qui draine de
plus en plus de visiteurs de tout le Maroc.
Tamesloht doit passer de statut de « Commune Rurale » à un « Centre Autonome de Municipalité » qui
aurait plus de moyens pour un vrai développement en gardant son coté rural à travers le reste de la Com-
mune qui l’entoure.
L’exemple de Tamesloht montre l’isolement total des sites ruraux par rapport au reste du réseau urbain du
pays.
Cet isolement se traduit par un oubli quasi total de la population et de ses besoins.
On peut prendre pour exemple, l’établissement du plan de développement économique et social de
Tamesloht, démarré en 1999 et non encore abouti à ce jour (plus de 5 ans sont passé aujourd’hui). Ce plan
devait d’être un vecteur de développement important.
Revenons sur le principe même du plan de développement ou du plan d’aménagement, les bases
d’études sont pratiquement toujours les mêmes depuis l’indépendance. Il serait temps d’en revoir le concept
tel qu’il est étudié de nos jours.
Nous devons œuvrer pour que ce plan de développement émane des véritables besoins d’une population
donnée, accompagnés d’une politique régionale ; sinon mieux, nationale.
Comment arriver à traduire la volonté d’une population et des ses élus pris en otage pendant plusieurs
décennies de décisions émanant d’une autorité centralisée et lointaine ?

La pauvreté qui n’est pas une fatalité, s’est forgée malheureusement en état d’esprit

Les communes rurales sont totalement démunies de cadres capables d’écouter et de conseiller.
Il faut entrer dans une nouvelle ère de dialogue, changer le mode de réflexion et de rapport avec le citoyen,
impliquer ce dernier et ses élus dans toute décision concernant la commune ou la région :
– Accompagner dans un premier temps les décisions en proposant des choix réalistes.

300
– Introduire une éducation au civisme dans les écoles et non un enseignement religieux rétrograde.
– Tenir compte des aspects locaux et développer les potentialités latentes.
– Classifier les urgences et se poser les bonnes questions.
– Se placer dans un contexte de développement intégré et combattre le fatalisme.

Il faut Investir dans les ressources clés : LES HOMMES – L’ALPHABETISATION – LA FORMATION

2. Développement économique de Tamesloht

Fiche descriptive préliminaire du site

1. Relief
Relief plat faiblement vallonné, sur glacis et dépôts fluviaux anciens en provenance du Haut Atlas.

2. Climat
Continental, semi-aride. Pluviométrie en deçà de 300mm par an. Forte évapotranspiration.

3. Végétation
Quasi-absence de végétations naturelles (reste de doum, de jujubier). Domination de l’olivier en irrigué.

4. Démographie
Le centre de Tamesloht compte actuellement environ 1.200 ménages (plus du tiers du total de la com-
mune de Tamesloht), et aurai un taux de croissance démographique élevé, dépassant les 3 % par an.

5. Économie
Les principaux secteurs du centre et de la commune sont l’agriculture (olivier et cultures en sous étage ;
élevage extensif) et l’artisanat (poterie et tissage).
Le centre abrite une importante population de journaliers s’employant dans un emploi précaire et mal
rémunéré à Marrakech.

6. Potentialités
– Amélioration de la production agricole ;
– Amélioration des techniques de trituration de l’huile d’olive et de sa commercialisation ;

301
– Développement d’un tourisme patrimonial autour de la zaouïa meslohia, et en tirant avantage des bâti-
ments au gros œuvre encore intact : danse et folklore des Gnaouas et des Houmadas ; artisanat local ;
histoire ; systèmes traditionnels de mobilisation et de transport des eaux souterraines (khettaras)) ; proxi-
mité de l’arrière pays touristique de moyenne et haute montage ;
– Proximité par rapport à Marrakech.

7. Quelques problèmes
– Approvisionnement en eau potable ;
– Infrastructure viaire précaire ;
– Assainissement ;
– Aridité et absence de végétation en dehors du parcellaire irriguée ;
– Pollution de l’air par les fours de poterie (brûlant essentiellement des pneus).

Ébauche de la problématique de développement de Tamesloht

La problématique de développement de Tamesloht est liée à deux facteurs essentiels : les caractéristiques
de ses activités agricoles traditionnelles et artisanales, et la relative proximité de la ville de Marrakech.

Les principales fonctions et atouts de Tamesloht

Les fonctions actuelles du centre Tamesloht sont :


– Le souk hebdomadaire;
– L’activité artisanale permanente, surtout la poterie, puis l’artisanat textile domestique ;
– La fonction « dortoir » pour une main d’œuvre employée dans la journée à Marrakech, et qui effectue
quotidiennement le trajet aller et retour ;
– Les services locaux communaux et administratifs et les services de base (dispensaire, école).

Par ailleurs, le village de Tamesloht a comme particularité d’être un site avec :


R Une riche histoire et qui abrite de nombreux marabouts
R Un patrimoine urbanistique et architectural important dont la Zaouia, etc.
R Le moussem annuel de la Zaouïa de Sidi Abdallah Ben Hsain
R Un riche patrimoine de pressoirs à huile anciens en bois
R Un artisanat encore vivant

Les principales contraintes et les problèmes concomitants

L’aménagement de Tamesloht est depuis plus d’une décennie caractérisé par une urbanisation sauvage
totalement incontrôlée qui entraîne :

302
– La dégradation du patrimoine architectural existant ;
– La prolifération de constructions anarchiques non contrôlées ;
– L’absence ou le caractère par trop sommaire en infrastructures de base (voirie et assainissement
liquide).
Ces dysfonctionnements sont en partie la conséquence des problèmes économiques que connaît l’agglo-
mération. En effet, l’activité agricole est de plus en plus délaissée, trop peu intensive et mal valorisée ; l’arti-
sanat se dégrade de plus en plus, et les artisans travaillent « au rabais » au détriment de la qualité. De plus en
plus de personnes sont employées ou cherchent du travail à Marrakech, comme journalier ou homme de
peine, pour des niveaux de rémunération très faibles

Les options pour le developpement du centre de Tamesloht

Les scénarios de développement de la zone de Tamesloht envisageables sont fort contrastés.

Un premier scénario correspondra à la poursuite de la tendance actuelle : augmentation de la population à


un rythme de l’ordre de 3 à 4 % par an, sans réel développement local. Le centre deviendra alors de plus en
plus une ville dortoir pour une population très démunie, où il sera très difficile de réaliser un aménagement
urbanistique de qualité voir « minimal », et de préserver et de valoriser les autres atouts et fonctions poten-
tielles.
Un deuxième scénario (pour la réalisation duquel existent certains indicateurs concrets, et avant tout le
projet de développement local intégré que nourrit une association locale) prévoit la revitalisation de l’écono-
mie locale en valorisant au mieux les atouts locaux à travers.
R l’intensification du secteur agricole et la promotion d’une filière agro-alimentaire de qualité pour l’huile
d’olive ;
R la bonification du secteur artisanal (sur la base d’un savoir-faire local existant à renforcer), essentielle-
ment par l’amorçage de filières de commercialisation plus rémunératrices ;
R la préservation et la valorisation du patrimoine ;
R l’exploitation du potentiel du centre en tant que site d’étape et de transit touristique à la fois autour des
centres d’intérêt locaux et en relation avec arrière pays (lac de Lalla Takerkouste, Haut Atlas, tourisme
rural etc.).

Dans ce contexte, l’aménagement du centre impliquera plusieurs taches d’aménagement urbain concerté
à accomplir, dont voici les principales :
– L’extension de la superficie urbanisable, à définir suivant l’impact actuel des constructions et des
besoins futurs (quantitatifs et qualitatifs) ;
– La mise en place des équipements viaires ;
– La plantation d’arbres isolés et la création de petits espaces arborés ;
– Le renforcement des équipements sociaux de base ;
– La réhabilitation de la Zaouia et des marabouts ;
– L’insertion harmonieuse, dans l’espace bâti du centre, des potiers et de l’activité de tissage (ateliers et
espaces d’exposition), conjointement à leur amélioration technique indispensable ;
– La création de centres d’intérêts complémentaire pour l’accueil touristique (écomusée, musée de l’oli-
vier et de l’huile d’olive, jardin botanique, ...).

303
On devra, d’une part, procéder à une analyse et une prospective permettant de caractériser de manière
suffisamment précise les différents scénarios envisageables et d’apprécier la probabilité effective de leur
avènement. Il sera tenue, d’autre part, à définir des options d’aménagement souples permettant de ménager
l’avenir, c’est à dire évitant de compromettre (par le choix d’un aménagement qui ne fera que conforter les
tendances négatives passées de développement de l’agglomération) le potentiel d’un développement local
plus harmonieux et plus valorisant sur les plans économique et actuel.
Il conviendra donc, afin de mieux appréhender les fonctions futures effectives de l’agglomération, de réali-
ser une véritable approche prospective dans l’ensemble des domaines indiqués, sur la base de la connais-
sance des ces secteurs de la part des experts responsables, des potentiels de développement sectoriel, et
en concertation avec les décideurs, opérateurs et services directement concernés.
Le résultat en sera un scénario « dynamique » de développement et d’aménagement.

Méthodologies sectorielles

Pour ce qui est des méthodologies sectorielles, les grands principes de méthodologie globale ébauchés ci-
dessus devront être appliqués. Nous discutons ici seulement les aspects particuliers majeurs, pour les princi-
paux secteurs qui seront pris en considération.

Agriculture

La situation actuelle du secteur devra notamment être appréhendée par une caractérisation des assole-
ments à travers les données statistiques disponibles au niveau des services compétents (provinciaux et cen-
traux) du Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche.
Des hypothèses technico-économique d’intensification seront formulées en concertation avec les services
techniques concernés.
Les impacts démographiques au niveau de l’arrière-pays seront formulés sur la base d’études antérieures.
Les impacts correspondants vis à vis les niveaux d’activité des différents services offerts par l’aggloméra-
tion et sa population seront calculée en supposant l’invariabilité des paramètres du système d’échange inter-
sectoriel local (paramètre TEI).

Tourisme

Les informations sur l’évolution de l’activité touristique résulteront essentiellement de l’enquête auprès
des opérateurs économiques concernés, en plus des quelques données disponibles au niveau des ser-
vices techniques et autres organismes concernés.
Cette enquête permettra d’appréhender aussi bien l’importance actuelle de la fréquentation touristique et
celle des activités des revenus locaux correspondants, que leur dynamique passé.
Cette analyse, ainsi que les résultats d’une enquête au niveau du public touristique effectif et potentiel, et
des comparaisons avec des sites comparables au Maroc, permettront de faire, en concertation avec les pro-
fessionnels du secteur, une projection du niveau d’activité futur.
Comme pour le secteur agricole, les impacts correspondants vis à vis les niveaux d’activité des différents

304
services offerts par l’agglomération et sa population seront calculés en supposant l’invariabilité des para-
mètres du système d’échange intersectoriel.

Démographie et migration

Les paramètres et évolutions démographiques passées, ainsi que les principaux indicateurs sociodémo-
graphiques (notamment types et taux d’activité, taille des ménages,...), seront d’abord appréhendées sur la
base des données des RGPH. À cette fin, il sera nécessaire de disposer des données par district de recense-
ment qui seront demandées au niveau de la Direction Générale de la Statistique.
L’analyse de ces données permettra de dégager à la fois la dynamique démographique globale de la zone,
celle de ces différentes constituantes, ainsi que certains phénomènes migratoires.
L’enquête ménages permettra, si besoin est, d’affiner l’analyse des flux migratoires ( à l’intérieur de la
zone d’influence de l’agglomération surtout, le cas échéant en provenance d’autres zones rurales,...) et de
leurs déterminants.
Cette première analyse permettra une projection purement « statistique » de la population à l’horizon
retenu, donnant naissance à un scénario démographique de base « tendanciel ».
La prise en compte des impacts des évolutions sectorielles permettra ensuite de formuler un scénario
démographique « dynamique ».

Services sociaux de base (santé et éducation)

Les projections de l’importance future des équipements correspondants à ces secteurs seront fonction à
la fois des projections démographiques et des « normes » de dessertes prévues à l’horizon prévu.
Pour ce qui est des différents indicateurs sociodémographiques (taux d’analphabétisme, de scolarisation,
d’abandon scolaire, taux de couverture sanitaire, ...) et de développement humains calculés à partir des don-
nées de RGPH ou recueillis auprès de services techniques concernés, ils reflètent dans une certaine mesure
les « besoins » à court et moyen terme en la matière. Leur calcul est intéressant à ce titre et constitue une
base de discussion avec les services techniques, même si ces indicateurs ne sauraient servir de manière
directe au dimensionnement des infrastructures et équipements à l’horizon prévu.

Méthodologie générale

Introduction : spécificités et échec de l’aménagement des agglomérations en milieu rural.


Bien que la population du Maroc soit à ce jour à moitié rurale, fort peu d’attention et de moyens ont été
consacrés à l’aménagement économique « moderne » de leur arrière-pays.
Aussi, l’analyse du développement de ces agglomérations débouche dans l’ensemble sur un constat
d’échec dû à l’anarchie qui prédomine sur le terrain.
Or, l’aménagement des établissements humains vise, pour l’essentiel, à ordonner l’ensemble des élé-
ments physiques qui modèlent l’espace dans lequel vit l’homme.
Dans le cas du milieu rural cet espace est en très grande partie naturel et pourvoyeur des bases de la sur-

305
vie quotidienne de la population rurale. Aussi, au niveau du territoire concerné, la notion de développement
rural durable, des points de vues socio-économiques et environnementales, est cruciale.
Elle constitue la principale spécificité de l’aménagement urbanistique en milieu rural.
Dans ce contexte, notre parti pris est d’innover notamment en utilisant les sites naturels et le patrimoine
bâti comme des atouts d’un développement adapté aux réalités du monde rural et en harmonie avec les
besoins et attentes de la population locale, tout en s’inscrivant délibérément dans un contexte de modernité.
Cette vision opérationnelle et pragmatique de l’aménagement exclut le recours à des solutions préétablies
ou à des modèles « passe-partout », puisque chaque site à ces problèmes, ses potentiels et ses solutions
spécifiques.
Une telle approche permet non seulement à l’agglomération d’être réellement au service des différents
secteurs « utilisateurs » de son espace bâti en supprimant les principaux dysfonctionnements et en rempla-
çant ceux-ci par des solutions d’aménagement plus appropriées. Elle la transforme ainsi également en réel
levier de développement en mobilisant les potentiels et les initiatives locaux dans les différents secteurs
vitaux de l’économie locale.

Quelques principes de base

L’actuelle présentation de la méthodologie proposée expose pour l’essentiel un certain nombre de prin-
cipes de base qui nous apparaissent particulièrement importants en vue d’aboutir à des modalités d’amé-
nagement restant à la fois opérationnelles, réalistes et durables.
Elle part de la nécessité d’à la fois faire preuve, au niveau de la conception des actions d’aménagement,
d’une grande rigueur dans l’analyse quantitative et qualitative des situations et des problèmes passés et
actuels, ainsi que d’un vision cohérente et réaliste de l’avenir, et, en cours d’aménagement, de s’appuyer
non seulement sur le plan élaboré ne devant en aucun cas rester figé, mais également sur un éventail de pro-
cédures permanentes et d’indicateurs permettent l’application effective (mais souple)des principes et cri-
tères d’aménagement sous-jacents au plan lui-même. Afin que ceci puisse être réalisé concrètement, le plan
sera accompagné d’un référentiel de principes de base permettant une interprétation et mise en œuvre
souples, et proposera des procédures et structures permanentes de mise en œuvre.
L’atteinte de ce double objectif sera visée au niveau des phases préliminaires et de synthèse, à travers
l’application des principes suivants :
– L’importance accordée à l’analyse préliminaire, qui est une étape particulièrement cruciale ;
– La concertation permanente, au delà des différentes enquêtes prévues, avec l’ensemble des acteurs
locaux concernés, à travers plusieurs ateliers de concertation et de réflexion ;
– La vision dynamique de l’agglomération à travers son évolution passée puis future ;
– La prise en compte du rôle de polarisation, au niveau des petits centres, du développement rural de
l’arrière pays, notamment à travers l’analyse des flux ;
– L’importance à accorder, avant tout, au niveau des enquêtes, aux aspects qualitatifs en matière de popu-
lation et d’activités économiques ;
– La prise en compte effective des aspects environnementaux, aussi bien à l’amont qu’a l’aval des agglo-
mérations ;
– Une vision forte du développement de l’agglomération dans le contexte de son arrière-pays, à travers
des scénarios de développement de l’agglomération directement liés aux options à formuler ;
– L’utilisation des éléments pertinents de référentiel régional ;
– Des variantes techniques innovatrices (notamment en matière de couvert végétal sur site, de gestion

306
des eaux pluviales de l’agglomération, d’assainissement liquide et solide, d’intégration du bâti au site et
au paysage global,...).

Méthodologie de travail « urbanisme et architecture »

Préambule
L’urbanisme et l’architecture sont appelés à ordonner l’ensemble des éléments physiques qui modèlent
l’espace dans lequel vit l’homme.
Dans le cas du milieu rural cet espace est en très grande partie naturel et pourvoyeur des bases de la sur-
vie quotidienne de la population rurale. Aussi, au niveau du territoire concerné, la notion de développement
durable, des points de vue socio-économique et environnemental, est cruciale.
Dans ce contexte, notre parti pris est d’innover notamment en utilisant les sites naturels et le patrimoine
bâti comme des atouts d’un développement adapté aux réalités du monde rural et en harmonie avec les
besoins et attentes de la population locale, tout en s’inscrivant délibérément dans un contexte de modernité.
Or, le processus continu d’aménagement d’une agglomération est constitué par l’ensemble des événe-
ments physiques et sociaux qui composent et animent ce lieu, reflétés par son histoire et sa culture spéci-
fiques.
Une nouvelle vision et une nouvelle pratique de l’aménagement sont dès lors indispensables, où le futur
n’est pas défini d’une façon figée, où le développement est un ensemble de stratégies et principes laissant
l’ouverture à des modalités pratiques de révisions continues.
L’urbanisme et l’architecture deviennent ainsi un exercice à quatre dimensions (les dimensions spatiales
plus le temps), qui suppose une concertation permanente articulée autour des déterminants socio-écono-
miques, culturels et environnementaux de l’établissement humain à agencer.

Méthodologie
Analyse de la situation actuelle et des dynamiques passées.
Il s’agira, d’abord, d’analyser correctement les tendances de l’urbanisation passé (qui s’est jusqu’à
présent le plus souvent déroulée de manière anarchique) à travers le diagnostic notamment :
– Des tendances démographiques et économiques qui sont à la base de l’extension des agglomérations ;
– Des mutations des tissus sociaux et des coutumes ;
– Des nouveaux modèles et procédés de construction ;
– De l’impact de la contrainte foncière sur le développement des agglomérations ;
– Des nuisances et pollutions locales dues aux défaillances de la gestion des agglomérations ;
– De l’impact spatial du développement des activités commerciales, artisanales et autres ;
– De la typologie de l’habitat « moderne » et de l’habitat traditionnel (en dégradation constante) ;
– De l’état du patrimoine naturel et bâti ;
– Des articulations spatiales entre les agglomérations et la proche campagne.

Au niveau des propositions d’aménagement, notre parti pris est d’être innovant dans la mesure où,
comme nous l’avons indiqué ci-dessus, l’aménagement urbanistique dans le contestes rural est un exercice
à la fois nouveau au Maroc et qui a ses spécificités par rapport aux agglomérations de plus grandes taille.

307
D’où l’impossibilité de proposer des solutions « modèles » préétablies, d’autant plus que les différents
sites encore davantage marqués par leurs problèmes particuliers. Les solutions proposées devront concré-
tiser le concept d’éco développement, qui concilie les contraintes physiques, économiques et environne-
mentales du développement de l’agglomération.
Parmi les nombreuses options à priori envisageables nous en citons, ici, simplement quelques-unes :
R La protection et l’harmonisation de l’habitat vernaculaire.
R La prise en compte des besoins spécifiques du développement touristique.
R La protection efficace du patrimoine paysager.
R L’arrêt des constructions sauvages.
R La prise en compte des besoins en bâti et équipements du secteur agro-alimentaire.
R La planification effective de la mise en place des équipements de prise en charge des effluents
liquides.
R Une viabilisation souple adaptée au rythme de développement local.
R La protection efficace de la qualité des ressources en eau.
R Une meilleure insertion des unités de production artisanale dans le tissu urbanistique local.

Méthodologie de travail « connaissance du milieu humain »

La projection des fonctions à remplir par l’agglomération.


Les travaux « connaissance du milieu humain » auront pour objectif de faire la projection, à l’horizon pris
en considération, des caractéristiques qualitatives et quantitatives des différentes fonctions que rem-
plira l’agglomération dans le doubles contexte de son arrière-pays rural et des entités socio-économiques
constituant son aval spatial, dans la mesure où ces caractéristiques se traduisent par des besoins directs ou
induits en immobiliers bâti, en voirie et en autres équipements et réseaux permanents devant s’insérer
dans le périmètre d’aménagement.

« Connaissance du milieu humain »


À cette fin, tout d’abord, selon les secteurs, certains paramètres et variables caractérisant la situation
actuelle de l’agglomération et de son arrière-pays seront appréhendés, et les principales tendances évolu-
tives observées dans le passé (tendances aussi bien démographiques qu’économiques, sociales et de déve-
loppement humain) seront déterminées.
Ensuite, une double approche de projection sera adoptée.
D’une part, les tendances les plus déterminantes seront extrapolées, et les paramètres « de structure »
étant supposés rester sensiblement invariables à l’avenir seront appliqués aux grandeurs de bases extra-
polées.
Le résultat ainsi obtenu sera le « scénario de base » qui constituera une projection « tendancielle » de
l’envergure future de l’agglomération.
D’autre part, une analyse sectorielle plus approfondie explicitera les contours de la socio économie de
l’agglomération en tenant compte des différents aspects du développement socio-économique devant être
pris en considération mais qui ne sauraient l’être à travers une simple extrapolation des tendances passées.
Il s’agit ici notamment du développement de certains secteurs d’activité susceptibles de connaître des rup-

308
tures de tendance pouvant en partie être provoquées ou renforcées par des politiques sectorielles locales
efficaces.
Pour ce qui est de l’évolution des niveaux de couverture des besoins en services sociaux et services de
base, celle-ci ne saurait pas non plus être appréhendée par une simple extrapolation des tendances obser-
vées. En effet, les stratégies et politiques de développement de ces services et des infrastructures corres-
pondantes visent une forte dynamique évolutive et ne sont donc pas « linéaires »
Nous soulignions le fait que ces enquêtes doivent accorder toute l’importance voulue, avant tout, à la qua-
lité de l’information recueillie. On s’attachera donc particulièrement à minimiser les erreurs d’observation,
qui compromettent en général bien davantage que les erreurs d’échantillonnage la fiabilité des résultats
d’enquête. Aussi, l’on veillera non seulement à ce que l’information recherchée soit pertinente et bien défi-
nie, mais également à ce que la conception des questionnaires ou canevas d’entretien ainsi que leur mise en
œuvre permettrent de collecter une information de qualité.
On veillera donc surtout à éviter de collecter une quantité trop importante au détriment de sa qualité.
Pour ce qui est de l’erreur d’observation, on veillera avant tout à réaliser une bonne stratification, ce qui
permettra d’obtenir, pour une taille d’échantillon donnée, une précision maximale des résultats.
À ce niveau, seront mises en relief plusieurs aspects de l’aménagement qui ne sont pas autant liés à la
connaissance des caractéristiques « descriptives » et « individuelles » des ménages et acteurs économiques
isolément, mais davantage à la dynamique locale d’ensemble et aux interactions entre ces ménages et
acteurs.
Ces ateliers et réunions seront organisés de manière à ce qu’ils soient réellement participatifs, par le
recours à diverses techniques de concertation intégrant notamment l’analyse des acteurs, l’identification par-
ticipative des problèmes, le « brainstorming », la programmation par objectifs,...

Méthodologie de travail « environnement »

Objectifs :
1) Obtenir une connaissance détaillée du milieu physique du site en se basant sur les études sectorielles
disponibles et qui ont été menées par les différentes administrations concernées.
D’autres études seront réalisées au sein de l’atelier afin de compléter l’existant.
2) Organiser les données recueillies, sous forme de bases de données pouvant constituer le point de
départ de monographies pour les différents sites.
3) Identifier et évaluer pour chacun des sites la problématique posée et concevoir des scénarios d’amé-
nagement.

Conclusion

Le développement durable ne peut aujourd’hui être abordé que dans un contexte global incluant
l’ensemble des composantes socio-économiques entrant dans une démarche volontaire et restructurante.
On doit impliquer la population dans des choix qui la concerne autant dans une vision proche, c’est-à-dire
locale, qu’une vision générale qui touche la région et le pays.

309

Vous aimerez peut-être aussi