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Lobbying: le cas Oettinger met au défi les
nouvelles règles en vigueur à Bruxelles
PAR LUDOVIC LAMANT
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 17 SEPTEMBRE 2019
Günther Oettinger le 27 février 2019 à Bruxelles © François Lenoir / Reuters.
Alors qu’il ne quittera la commission européenne
qu’en novembre, l’Allemand Günther Oettinger, en
charge du budget dans l’exécutif européen, a déjà
déposé les statuts de sa future société de lobbying.
Jean-Claude Juncker a sollicité l’avis d’un comité
d’éthique interne.
À partir du 30 septembre s’ouvriront à Bruxelles
les auditions pour les candidats au poste de
commissaire européen. Durant dix jours, les
eurodéputés chercheront à évaluer le sérieux des futurs
dirigeants et à détecter d’éventuels conflits d’intérêts
susceptibles de les disqualifier.
Si la nouvelle équipe d’Ursula von der Leyen se
prépare à cet exercice périlleux, que deviennent les
commissaires sortants de l’exécutif emmené par Jean-
Claude Juncker ? L’un d’entre eux a décidé de prendre
les devants, au risque d’alimenter un peu plus les
discours sur l’emprise du lobbying privé à Bruxelles.
L’Allemand Günther Oettinger, 65 ans, commissaire
en poste depuis 2010 et chargé du portefeuille du
budget depuis 2017, a déjà enregistré les statuts
d’une société de relations publiques – en clair, du
lobbying – au registre du commerce de Hambourg.
C’est son épouse qui dirigera officiellement Oettinger
Consulting.
Oettinger a modifié cet été la déclaration
d’intérêts qu’il est obligé de publier, comme tout
commissaire européen en exercice. Il y déclare un
investissement personnel de 12 500 euros, sur un total
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de 50 000 euros de fonds propres pour la nouvelle
structure. Il ajoute que la structure n’est « pas active
», à ce stade (voir l’extrait ci-dessous).
Avant d’être en charge du budget (un portefeuille
qui, en théorie, touche à tous les secteurs de la
société), Oettinger s’est occupé des dossiers de
l’énergie (2010-2014) et du numérique (2014-2017).
Ses réseaux européens sont donc anciens et
diversifiés, notamment auprès de grands patrons du
numérique.
L’information, révélée le 27 juillet par un quotidien
régional allemand, le Stuttgarter Zeitung, a obligé
Juncker à réagir ces dernières semaines. À Mediapart,
un porte-parole de la Commission explique : « Le
président Juncker a rappelé le commissaire à ses
obligations liées à l’article 245 des traités [lire ci-
dessous – ndlr], en particulier au fait qu’il ne peut
effectuer d’autres activités professionnelles au cours
de son mandat. »
On attend désormais la décision du comité d’éthique,
ce panel en théorie indépendant, chargé de traquer les
conflits d’intérêts liés aux anciens commissaires. Il
est constitué de trois personnes, qui sont elles-mêmes
nommées par la commission.
Selon le code de conduite, les commissaires doivent
demander le feu vert de l’institution, lorsqu’ils veulent
travailler dans un domaine lié, de près ou de loin, au
portefeuille dont ils avaient la charge – durant les deux
premières années suivant leur départ de l’institution.
Le comité, dont l’avis est consultatif, n’a jamais
explicitement bloqué la reconversion professionnelle
d’un commissaire.
« Il y a deux ans, il y avait une réforme du code de
conduite des commissaires. À l’époque, on nous avait
dit que tout était réglé, qu’il ne fallait plus s’inquiéter.
Mais l’affaire Oettinger prouve bien que ce n’est pas
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le cas », réagit Margarida da Silva, pour le compte de
CEO, une ONG qui plaide pour plus de transparence
au sein de l’UE.
Günther Oettinger le 27 février 2019 à Bruxelles © François Lenoir / Reuters.
L’affaire Barroso – lorsque l’ancien président de la
commission européenne avait annoncé son embauche
chez Goldman Sachs, à l’été 2016, deux ans après
son départ de l’institution – avait incité son successeur,
Juncker, à durcir le code de conduite interne.
Désormais, les commissaires sont par exemple obligés
de rendre publics sur le site de la commission leurs
rendez-vous avec des lobbyistes. Mais cette réforme
manquait, par bien des aspects, d’ambition.
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Ce n’est pas la première fois que les méthodes
d’Oettinger dérangent. En 2016, il avait effectué un
voyage de Bruxelles à Budapest à bord de l’avion privé
de Klaus Mangold, un lobbyiste allemand proche du
Kremlin, et en sa compagnie. La même année, ses
propos racistes et homophobes lors d’un dîner de gala
à Hambourg avaient aussi choqué.
Comme l’a signaléPolitico, la création de cette
entreprise de lobbying rappelle le précédent d’un
autre commissaire allemand, Günter Verheugen
(1999-2010), qui a mis sur pied une société de
lobbying avec son épouse dans la foulée de son
mandat. Une étude de CEO avait établi en 2015 qu'un
tiers des commissaires sous le deuxième mandat de
José Manuel Barroso (2009-2014) avaient rejoint le
secteur privé en moins d'un an.
Il reste à voir si Ursula von der Leyen, la prochaine
présidente, allemande, de la commission européenne
saura tirer un trait sur ces pratiques, délétères pour
l’image de l’UE.
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