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Répertoire de droit commercial

Table des matières


Bibliographie
Chapitre 1 - Généralités (1 - 54)
Section 1 - Dimension économique des restrictions verticales (1 - 17)
Art. 1 - Aspects proconcurrentiels des accords verticaux (3 - 9)
§ 1 - Parasitisme (4 - 5)
§ 2 - Double marginalisation (6 - 9)
Art. 2 - Aspects anticoncurrentiels des accords verticaux (10 - 14)
Art. 3 - Combinaison des restrictions verticales (15 - 17)
Section 2 - Grandes lignes de l'exemption par catégorie (18 - 41)
Art. 1 - Un règlement unique (22 - 23)
Art. 2 - Système de liste noire (24 - 26)
Art. 3 - Seuil de part de marché (27 - 34)
§ 1 - Défauts du système antérieur (27)
§ 2 - Liens entre exemption et pouvoir de marché (28 - 34)
Art. 4 - Modifications des règlements du Conseil du 2 mars 1965 et du 6 février 1962 (35 - 40)
§ 1 - Modifications du règlement du Conseil du 2 mars 1965 (37 - 38)
§ 2 - Modifications du règlement du Conseil du 6 février 1962 (39 - 40)
Art. 5 - Lignes directrices (41)
Section 3 - Articulation entre le droit de l'Union et le droit national (42 - 46)
Section 4 - Deux formes d'exemption (47 - 54)
Art. 1 - Exemption individuelle (48 - 50)
Art. 2 - Exemption par catégorie (51 - 52)
Art. 3 - Droit interne (53 - 54)
Chapitre 2 - Règlement du 20 avril 2010 (55 - 130)
Section 1 - Liste noire (56 - 79)
Art. 1 - Imposition de prix minimaux ou prix fixes de vente (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, a) (59 - 66)
Art. 2 - Limitation de la liberté de revendre (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, b) (67 - 71)
Art. 3 - Autres restrictions caractérisées (72 - 74)
Art. 4 - Sanction des restrictions caractérisées (75 - 79)
§ 1 - Règles applicables à l'ensemble des restrictions caractérisées (75)
§ 2 - Règles applicables aux pratiques de prix imposés ou fixes (76 - 79)
Section 2 - Accords non restrictifs (80 - 94)
Art. 1 - Accords d'importance mineure (81 - 85)
Art. 2 - Prix maximaux (86 - 89)
Art. 3 - Prix conseillés (90 - 94)
Section 3 - Restrictions exemptées (95 - 130)
Art. 1 - Champ d'application de l'exemption (96 - 110)
§ 1 - Entreprises et organisations concernées (97 - 101)
§ 2 - Nature des accords concernés (102 - 106)
§ 3 - Activités concernées (107 - 108)
§ 4 - Champ d'application dans le temps (109)
§ 5 - Champ d'application géographique (110)
Art. 2 - Conditions de l'exemption (111 - 118)
§ 1 - Conditions relatives aux clauses de non-concurrence (112 - 117)
§ 2 - Conditions relatives aux accords de distribution sélective (118)
Art. 3 - Retrait de l'exemption (119 - 126)
§ 1 - Cas d'ouverture de la procédure de retrait (120 - 122)
§ 2 - Effets du retrait (123)
§ 3 - Compétence (124 - 126)
Art. 4 - Règlement d'exclusion (127 - 130)
Chapitre 3 - Accords d'exclusivité (131 - 224)
Section 1 - Droit des ententes (139 - 204)
Art. 1 - Distribution exclusive et droit des ententes (143 - 177)
§ 1 - Application des lignes directrices aux accords de distribution exclusive (144 - 149)
§ 2 - Jurisprudence relative à l'application du droit des ententes aux accords de distribution exclusive
(150 - 177)
A - Choix des distributeurs (152 - 158)
B - Contrôle des ventes des distributeurs (159 - 173)
C - Limitation de la liberté tarifaire des distributeurs (174 - 176)
D - Discriminations (177)
Art. 2 - Accords de non-concurrence et d'achat exclusif et droit des ententes (178 - 204)
§ 1 - Application des lignes directrices aux accords de non-concurrence (179 - 184)
§ 2 - Jurisprudence relative à l'application du droit des ententes aux accords d'achat exclusif (185 -
204)
A - Effets restrictifs des accords relevant d'un réseau pris isolément (187 - 194)
B - Effets restrictifs cumulatifs (195 - 204)
Section 2 - Règles applicables aux abus de domination (205 - 224)
Art. 1 - Distribution exclusive et abus de position dominante (205 - 207)
Art. 2 - Clause d'approvisionnement exclusif ou de non-concurrence et abus de position dominante (208 -
222)
§ 1 - Rabais de fidélité, remises de couplage et ristournes ou primes de progression (211 - 220)
A - Jurisprudence de l'Union (212 - 218)
B - Jurisprudence nationale (219 - 220)
§ 2 - Incidence d'une clause anglaise (221 - 222)
Art. 3 - Distribution exclusive et abus de dépendance économique (223 - 224)
Chapitre 4 - Accords de distribution sélective (225 - 305)
Section 1 - Application des lignes directrices aux accords de distribution sélective (230 - 235)
Section 2 - Jurisprudence relative à la sélection des distributeurs (236 - 263)
Art. 1 - Objectivité de la sélection (242 - 246)
Art. 2 - Principe de non-discrimination (247 - 254)
§ 1 - Interdiction des clauses discriminatoires (247)
§ 2 - Interdiction de l'application discriminatoire des critères de sélection (248 - 250)
§ 3 - Interdiction de la sélection quantitative (251 - 254)
Art. 3 - Exclusion a priori de certaines formes de distribution (255 - 258)
Art. 4 - Nature des produits ou services (259 - 262)
Art. 5 - Existence de relations intuitu personae (263)
Section 3 - Jurisprudence relative à la liberté commerciale des distributeurs (264 - 273)
Art. 1 - Liberté tarifaire (264 - 265)
Art. 2 - Liberté de commercialiser des produits concurrents (266 - 268)
Art. 3 - Rétrocessions au sein du réseau (269 - 273)
Section 4 - Jurisprudence relative à l'effet cumulatif (274 - 275)
Section 5 - Jurisprudence relative à la protection des réseaux de distribution sélective (276 - 305)
Art. 1 - Étanchéité et licéité des accords de distribution sélective (276 - 277)
Art. 2 - Protection contre les distributeurs hors réseau (278 - 305)
§ 1 - Organisation de l'étanchéité (278 - 287)
A - Interdiction de revendre hors du réseau (278)
B - Interdiction d'exporter faite à un distributeur n'appartenant pas au réseau (279 - 287)
§ 2 - Contrôle de l'étanchéité (288 - 305)
A - Moyens précontentieux de contrôle de l'étanchéité (288 - 291)
B - Actions contre les distributeurs hors réseau (292 - 304)
C - Protection contre les membres du réseau (305)
Chapitre 5 - Accords de franchise (306 - 347)
Section 1 - Clauses non restrictives de concurrence ou susceptibles de bénéficier d'une exemption individuelle (309
- 332)
Art. 1 - Lignes directrices (310 - 311)
Art. 2 - Jurisprudence (312 - 332)
§ 1 - Protection de l'identité et de la réputation du réseau de franchise (313 - 322)
A - Localisation du franchisé (314)
B - Approvisionnement exclusif (315 - 319)
C - Étanchéité des réseaux de franchise (320)
D - Sélection des franchisés (321 - 322)
§ 2 - Protection du savoir-faire (323 - 330)
§ 3 - Protection des investissements du franchisé (331 - 332)
Section 2 - Restrictions caractérisées (333 - 347)
Art. 1 - Prix minimaux imposés et prix fixes (334 - 343)
§ 1 - Abondance de la jurisprudence (335 - 337)
§ 2 - Limites de l'interdiction (338 - 343)
Art. 2 - Protection territoriale absolue (344 - 346)
Art. 3 - Interdiction des rétrocessions (347)
Index alphabétique
Actualisation

Accord de distribution : droit de la concurrence


Pierre ARHEL
Docteur en droit

janvier 2017

T able des matières

Chap. 1 - Généralités 1 - 54
Sect. 1 - Dimension économique des restrictions verticales 1 - 17
Art. 1 - Aspects proconcurrentiels des accords verticaux 3 - 9
§ 1 - Parasitisme 4 - 5
§ 2 - Double marginalisation 6 - 9
Art. 2 - Aspects anticoncurrentiels des accords verticaux 10 - 14
Art. 3 - Combinaison des restrictions verticales 15 - 17
Sect. 2 - Grandes lignes de l'exemption par catégorie 18 - 41
Art. 1 - Un règlement unique 22 - 23
Art. 2 - Système de liste noire 24 - 26
Art. 3 - Seuil de part de marché 27 - 34
§ 1 - Défauts du système antérieur 27
§ 2 - Liens entre exemption et pouvoir de marché 28 - 34
Art. 4 - Modifications des règlements du Conseil du 2 mars 1965 et du 6 février 1962 35 -
40
§ 1 - Modifications du règlement du Conseil du 2 mars 1965 37 - 38
§ 2 - Modifications du règlement du Conseil du 6 février 1962 39 - 40
Art. 5 - Lignes directrices 41
Sect. 3 - Articulation entre le droit de l'Union et le droit national 42 - 46
Sect. 4 - Deux formes d'exemption 47 - 54
Art. 1 - Exemption individuelle 48 - 50
Art. 2 - Exemption par catégorie 51 - 52
Art. 3 - Droit interne 53 - 54

Chap. 2 - Règlement du 20 avril 2010 55 - 130


Sect. 1 - Liste noire 56 - 79
Art. 1 - Imposition de prix minimaux ou prix fixes de vente (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4,
a) 59 - 66
Art. 2 - Limitation de la liberté de revendre (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, b) 67 - 71
Art. 3 - Autres restrictions caractérisées 72 - 74
Art. 4 - Sanction des restrictions caractérisées 75 - 79
§ 1 - Règles applicables à l'ensemble des restrictions caractérisées 75
§ 2 - Règles applicables aux pratiques de prix imposés ou fixes 76 - 79
Sect. 2 - Accords non restrictifs 80 - 94
Art. 1 - Accords d'importance mineure 81 - 85
Art. 2 - Prix maximaux 86 - 89
Art. 3 - Prix conseillés 90 - 94
Sect. 3 - Restrictions exemptées 95 - 130
Art. 1 - Champ d'application de l'exemption 96 - 110
§ 1 - Entreprises et organisations concernées 97 - 101
§ 2 - Nature des accords concernés 102 - 106
§ 3 - Activités concernées 107 - 108
§ 4 - Champ d'application dans le temps 109
§ 5 - Champ d'application géographique 110
Art. 2 - Conditions de l'exemption 111 - 118
§ 1 - Conditions relatives aux clauses de non-concurrence 112 - 117
§ 2 - Conditions relatives aux accords de distribution sélective 118
Art. 3 - Retrait de l'exemption 119 - 126
§ 1 - Cas d'ouverture de la procédure de retrait 120 - 122
§ 2 - Effets du retrait 123
§ 3 - Compétence 124 - 126
Art. 4 - Règlement d'exclusion 127 - 130

Chap. 3 - Accords d'exclusivité 131 - 224


Sect. 1 - Droit des ententes 139 - 204
Art. 1 - Distribution exclusive et droit des ententes 143 - 177
§ 1 - Application des lignes directrices aux accords de distribution exclusive 144 - 149
§ 2 - Jurisprudence relative à l'application du droit des ententes aux accords de
distribution exclusive 150 - 177
Art. 2 - Accords de non-concurrence et d'achat exclusif et droit des ententes 178 - 204
§ 1 - Application des lignes directrices aux accords de non-concurrence 179 - 184
§ 2 - Jurisprudence relative à l'application du droit des ententes aux accords d'achat
exclusif 185 - 204
Sect. 2 - Règles applicables aux abus de domination 205 - 224
Art. 1 - Distribution exclusive et abus de position dominante 205 - 207
Art. 2 - Clause d'approvisionnement exclusif ou de non-concurrence et abus de position
dominante 208 - 222
§ 1 - Rabais de fidélité, remises de couplage et ristournes ou primes de progression
211 - 220
§ 2 - Incidence d'une clause anglaise 221 - 222
Art. 3 - Distribution exclusive et abus de dépendance économique 223 - 224

Chap. 4 - Accords de distribution sélective 225 - 305


Sect. 1 - Application des lignes directrices aux accords de distribution sélective 230 - 235
Sect. 2 - Jurisprudence relative à la sélection des distributeurs 236 - 263
Art. 1 - Objectivité de la sélection 242 - 246
Art. 2 - Principe de non-discrimination 247 - 254
§ 1 - Interdiction des clauses discriminatoires 247
§ 2 - Interdiction de l'application discriminatoire des critères de sélection 248 - 250
§ 3 - Interdiction de la sélection quantitative 251 - 254
Art. 3 - Exclusion a priori de certaines formes de distribution 255 - 258
Art. 4 - Nature des produits ou services 259 - 262
Art. 5 - Existence de relations intuitu personae 263
Sect. 3 - Jurisprudence relative à la liberté commerciale des distributeurs 264 - 273
Art. 1 - Liberté tarifaire 264 - 265
Art. 2 - Liberté de commercialiser des produits concurrents 266 - 268
Art. 3 - Rétrocessions au sein du réseau 269 - 273
Sect. 4 - Jurisprudence relative à l'effet cumulatif 274 - 275
Sect. 5 - Jurisprudence relative à la protection des réseaux de distribution sélective 276 -
305
Art. 1 - Étanchéité et licéité des accords de distribution sélective 276 - 277
Art. 2 - Protection contre les distributeurs hors réseau 278 - 305
§ 1 - Organisation de l'étanchéité 278 - 287
§ 2 - Contrôle de l'étanchéité 288 - 305

Chap. 5 - Accords de franchise 306 - 347


Sect. 1 - Clauses non restrictives de concurrence ou susceptibles de bénéficier d'une
exemption individuelle 309 - 332
Art. 1 - Lignes directrices 310 - 311
Art. 2 - Jurisprudence 312 - 332
§ 1 - Protection de l'identité et de la réputation du réseau de franchise 313 - 322
§ 2 - Protection du savoir-faire 323 - 330
§ 3 - Protection des investissements du franchisé 331 - 332
Sect. 2 - Restrictions caractérisées 333 - 347
Art. 1 - Prix minimaux imposés et prix fixes 334 - 343
§ 1 - Abondance de la jurisprudence 335 - 337
§ 2 - Limites de l'interdiction 338 - 343
Art. 2 - Protection territoriale absolue 344 - 346
Art. 3 - Interdiction des rétrocessions 347

Bibliographie
ARHEL, Les pratiques de prix imposés. Études de la Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 1992, Imprimerie nationale ; Les
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SOUTY, La politique de la concurrence aux États-Unis, 1995, PUF ; La politique de la
concurrence au Royaume-Uni, 1995, PUF ; La politique de la concurrence en Allemagne
fédérale, 1996, PUF ; Le droit de la concurrence de l'Union européenne, 2 e éd., 1999,
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LPA n o 25, 26 févr. 1997, p. 4 s . ; Pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, LPA n o 73, 18 juin 1997, p. 4 s. ; Les lignes directrices
sur les restrictions verticales, JCP E 2001. 1174 ; Sévère condamnation d'une pratique de prix
imposés. La deuxième affaire Volkswagen, LPA n o 152, 1 er août 2001, p. 5 s. ; L'affaire
Michelin (bis !), JCP E 2001. 1852 ; Mise à jour des règles relatives aux restrictions verticales,
JCP 2009. Actu. 377 ; Restrictions verticales : alignement partiel du secteur de l'automobile
sur le régime général, CCC 2010. Étude 10. – BRENNING-LOUKO, GURIN, PEEPERKORN et
VIERTIO, Vertical agreements : new competition rules for the next decade, Competition Policy
Newsletter, 2010, n o 2, p. 14. – CHAGNY, La réforme des règles communautaires de
concurrence applicables aux restrictions verticales : adaptation plutôt que révolution, RLC
2009/21, n o 1457. – CLAUDEL, Procédure : distribution sélective et internet sont-ils
compatibles ?, RTD com. 2006. 575 . – COLLART et ROQUILLY, Réseaux de distribution
fermés et commerce électronique. Implication en droit de communautaire de la concurrence,
LPA n o 67, 3 avr. 2002, p. 4 s . – DELBARRE, Réglementation des prix imposés. Pour la retraite
à 40 ans, RJDA 3/1993, n o 167. – DOBSON & W ATERSON, Vertical Restraints and Competition
Policy, Research Paper 12, Dec. 1996, 1996, OFT (Office of fair trading). – FERRIER, La
coexistence des canaux de distribution, Rev. conc. consom. mai-juin 2001, p. 16 s . – GERARD,
« Regulated Competition » in the Automobile Sector : A Comparative Analysis of the Car
Distribution System in the US and the EU, ECLR 2003. 518. – GY SELEN, Rebates, Competition
on the Merits or Exclusionary Practice ?, [appeared in the 2006 issue of] European
Competition Law Annual 2003 : What is an Abuse of a Dominant Position, spéc. points 105
et 127. – IDOT, Une facette de la modernisation du droit communautaire de la concurrence :
les nouveaux règlements d'exemption, LPA n o 22, 1 er févr. 2005, p. 5 . – IDOT et MOMÈGE,
L'affaire des barres glacées Mars. Une vague de froid sur les contrats d'exclusivité, Cah. dr.
entr. 1995, n o 6, p. 1 s. – JENNY, Pratiques verticales restrictives, concurrence et efficience,
Cah. dr. entr. 1989, n o 4, p. 5 s. – KOUCHNIR-CARGILL et GUET, La nouvelle approche du
Conseil de la concurrence en matière de restrictions verticales, Cah. dr. entr. 2002, n o 3,
p. 7 s. – R. KOVAR, Le droit communautaire et la règle de raison, RTD eur. 1987. 237 . –
MALAURIE-VIGNAL, Études du règlement 330/2010 du 20 avril 2010 concernant l'application de
l'article 101, § 3 à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, CCC 2010.
Étude 9. – MARTINEZ-LOPEZ, Distribution sélective et internet, Competition Policy Newsletter,
juin 2001, n o 2, p. 7 s. – PEEPERKO RN, T he Economics of Verticals, Competition Policy
Newsletter, juin 2002, n o 2. – RIFFAULT-SILK, La réforme du règlement 17 : vers une nouvelle
mise en œuvre des articles 81 et 82 CE, Cah. dr. entr. 2004, n o 3, p. 1. – VANARD, Desseins
européens pour la distribution en ligne, RLC 2009/21, n o 1458. – VENAY RE, Demi-mesures sur
le marché français de la bière, RLC 2005/4, n o 264. – VILMART, La liberté retrouvée du refus
de vente. Leurre ou réalité ?, CCC 1996. Chron. 4 ; Une sécurité juridique renforcée pour la
distribution sélective qualitative et quantitative, Gaz. Pal. 2001. 3. Doctr. 1027 . – L. VOGEL,
Droit de la concurrence, la pratique en 500 décisions, CCC mars 1997. – V. Automobile : droit
de la concurrence [Com.]. – V. aussi Accord de distribution [Eur.].

Chapitre 1er - Généralités

Section 1 re - Dimension économique des restrictions verticales

1. On s'accorde en général à condamner les accords anticoncurrentiels convenus entre des


opérateurs économiques intervenant au même stade de la production, de la fabrication, de la
distribution ou des services. L'Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) a ainsi adopté une recommandation condamnant les ententes injustifiables (hard core
cartels), c'est-à-dire les fixations horizontales des prix, les soumissions collusoires, les
restrictions concertées de la production et les répartitions des marchés ou de la clientèle
(Recomm. Conseil OCDE du 25 mars 1998, C/ M[98]7/PROV). La Commission européenne
estime également que, dès lors que « tout le monde s'accorde à reconnaître les effets
négatifs qu'exercent sur la concurrence des pratiques restrictives horizontales telles que […]
les partages de marchés, le boycott de firmes étrangères, les ententes sur les prix, les
soumissions concertées […], il devrait être possible d'arrêter rapidement des règles
internationales qui permettent de lutter contre ces pratiques » (communication Comm. CE du
18 juin 1996, Vers l'établissement d'un cadre international de règles de concurrence,
COM[1996]284 final, p. 24).

2. En revanche, les pratiques verticales divisent tant les économistes (sur ces questions :
JENNY, Pratiques verticales restrictives, concurrence et efficience, Cah. dr. entr. 1989, n o 4,
p. 5 s. ; À quoi reconnaît-on une pratique anticoncurrentielle ?, Ann. mines, mars 1992. –
ST E I N E R , How Manufacturers Deal w ith the Price-Cutting Retailer. When Are Vertical
Restraints Efficient ?, Antitrust Law Journal 1997, vol. 65, p. 407 s. – PEEPERKORN, T he
Economics of Verticals, Competition Policy Newsletter, juin 2002, n o 2. – MONTET, Les
questions soulevées par l'approche économique, Bull. act. Lamy droit économique, suppl. juin
1999, p. 1 s.) que les autorités de concurrence. Il s'agit d'accords entre opérateurs intervenant
à des stades différents, par exemple entre un fournisseur et un distributeur. À titre d'exemple,
on mentionnera les accords de distribution sélective ou de distribution exclusive. On souligne,
en général, le caractère ambivalent des accords verticaux : ils comportent des aspects
proconcurrentiels, qui contribuent à une amélioration de l'efficience économique (V. infra,
n os 3 s.), mais aussi des aspects anticoncurrentiels, dans la mesure où ils restreignent la
concurrence (V. infra, n os 10 s.). Les choses se compliquent encore plus lorsque différentes
restrictions verticales sont combinées (V. infra, n os 15 s.).

Art. 1 er - Aspects proconcurrentiels des accords verticaux


3. Dans un système de distribution traditionnel, où les parties se bornent à s'accorder sur le
prix et la quantité, divers problèmes de coordination entre opérateurs économiques
empêchent d'atteindre le niveau optimal d'investissements et de ventes. Nous verrons
comment les restrictions verticales permettent de surmonter ces problèmes. Nous choisissons
à titre illustratif le problème du parasitisme (V. infra, n os 4 s.) et de la double marginalisation
(V. infra, n os 6 s.).

§ 1 er - Parasitisme
4. Le phénomène de parasitisme (V. Concurrence déloyale [Com.]) – on utilise aussi les
termes de « passager clandestin » – illustre un premier problème de coordination. Il se
manifeste notamment lorsque plusieurs distributeurs vendent, dans la même zone
géographique, un produit de marque déterminé. Certains d'entre eux peuvent être tentés de
tirer avantage des efforts de vente réalisés par leurs concurrents. Dès lors, ceux-ci pourraient
être privés d'une partie des bénéfices auxquels ils pourraient s'attendre et renoncer à déployer
de tels efforts. Les clients pourraient, par exemple, s'adresser aux distributeurs qui sont dotés
du personnel et des installations qui leur permettent de choisir entre plusieurs produits, et
ensuite, acheter le produit chez le distributeur qui n'a pas réalisé les mêmes investissements,
dans la mesure où il leur offre des prix plus bas. Le recours à des restrictions verticales
permettrait de régler ce problème de coordination. Par exemple, en imposant à l'ensemble de
ses distributeurs un prix minimal de revente, le fournisseur supprime l'intérêt pour le client de
s'adresser à deux distributeurs pour satisfaire ses besoins. Cependant, les prix imposés
comportent des coûts excessivement élevés en termes économiques : ainsi, les prix imposés
sont anormalement élevés, ils empêchent les transferts de parts de marché entre les
distributeurs et surtout, ils créent un terrain favorable aux ententes horizontales. Par ailleurs,
on a souvent donné une trop grande importance au problème de passager clandestin : il n'est
vraiment pertinent que pour le service avant-vente (publicité, conseils, démonstration, etc.) ;
il l'est, en revanche, beaucoup moins pour le service après-vente. En outre, il n'est
convaincant que pour les produits nouveaux et relativement complexes et dont le
renouvellement est espacé (matériel hi-fi, etc.). Enfin, il ne présente un intérêt que pour les
produits d'une certaine valeur, sinon le client n'aurait aucun intérêt à consacrer une part
importante de son temps en s'adressant à deux distributeurs. D'autres restrictions verticales
sont donc préférables pour surmonter le problème de passager clandestin. On pense,
notamment, aux systèmes de distribution sélective ou de distribution exclusive.

5. Le parasitisme peut également se manifester au stade de la production, lorsqu'un


fournisseur fait la promotion de ses produits dans les magasins de détail et attire ainsi des
clients pour ses concurrents. Autre exemple, le fournisseur forme le personnel des
distributeurs, mais les concurrents profiteront également de la formation ainsi acquise. La
solution peut passer par la conclusion d'un accord d'approvisionnement exclusif. Mais ici,
aussi, il convient d'éviter de donner trop d'importance à l'argument du passager clandestin.
Par exemple, il ne peut y avoir de réel problème de parasitisme que pour les produits
nouveaux ou complexes. Ainsi, aucune formation n'est nécessaire pour des produits banals.

§ 2 - Double marginalisation
6. Un distributeur disposant d'un certain pouvoir de marché pourrait être tenté d'augmenter sa
marge commerciale en pratiquant des prix anormalement élevés. Ce phénomène, connu sous
le nom de « double marginalisation », pourrait induire une baisse de la demande non
seulement du distributeur mais aussi de son fournisseur. Il pourrait en résulter une baisse du
profit du fournisseur. D'où l'idée d'autoriser celui-ci à imposer un prix maximal à ses
distributeurs. Certes, une telle contrainte peut être restrictive de concurrence. En privant les
distributeurs de la possibilité de choisir un niveau de marge leur permettant de rendre des
services, cette pratique est susceptible de porter atteinte à la capacité concurrentielle des
distributeurs. Par ailleurs, si la pratique de prix maximal aboutit à un prix unifié, il peut avoir
les mêmes inconvénients qu'un prix minimal. Cependant, on estime en général que ces
inconvénients sont largement compensés par la contribution que le prix maximal imposé
pourrait apporter à la concurrence : cette pratique permet de renforcer la rentabilité des
investissements réalisés par le fournisseur et peut, donc, favoriser l'entrée sur le marché de
nouveaux fournisseurs. Par ailleurs, on souligne habituellement l'intérêt du prix maximal pour
le consommateur.

7. Ceci explique que la plupart des économies qui se sont dotées d'un droit de la concurrence
s'abstiennent, en principe, de condamner le prix maximal. Telle est, par exemple, la position
du Conseil de la concurrence : « La détermination de prix maximaux pour des prestations de
services normalisées délivrées dans une même zone géographique ne constitue pas en soi une
pratique prohibée par les dispositions de l'ordonnance n o 86-1243 du 1 er décembre 1986
(D. 1987. 3, aujourd'hui codifiée au livre IV du code de commerce). Une telle pratique ne
pourrait apparaître contraire aux dispositions de ce texte que s'il était établi que ces prix
revêtaient en réalité le caractère de prix imposés ou de prix minimaux » (Avis Cons. conc.
n o 95-A-15, 19 sept. 1995, relatif à un projet de convention élaboré par la chambre de métiers
de la Haute-Garonne et le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Toulouse
Midi-Pyrénées, BOCCRF 15 déc.). La Cour suprême des États-Unis a décidé également, après
l'avoir condamné pendant trente ans (390 US 145, 1968, Albrecht c/ Herald Co.), que le prix
maximal n'est pas en soi interdit (Cour suprême États-Unis, 118 S. Ct. 275, 1997, State Oil
Co. c/ Khan. – STEUER, Khan and the I ssue of Dealer Pow er-Overview , Antitrust Law Journal
1998, vol. 66, Issue 3. – BLAIR et LOPATKA, Albrecht Overruled. At Last, Antitrust Law Journal
1998, vol. 66, Issue 3. – GRIMES, Vertical Maximum Price Fixing under a Rule of Reason,
Antitrust Law Journal 1998, vol. 66, Issue 3. – ROSZKOW SKI, State Oil Company v/Khan and
the Rule of Reason. T he End of I ntrabrand Competition ?, Antitrust Law Journal 1998, vol. 66,
Issue 3). À cette occasion, la Cour suprême a souligné que l'interdiction des prix maximaux
n'était pas justifiée sur le plan économique, dans la mesure où cette pratique était favorable
aux consommateurs et ne menaçait pas la concurrence. Elle a ajouté que, depuis qu'elle avait
été introduite par la jurisprudence, l'interdiction a été peu appliquée. Enfin, elle a noté que
les efforts déployés par les opérateurs économiques pour contourner l'interdiction n'ont pas eu
de conséquences néfastes sur le consommateur (pour une analyse économique de la pratique
du prix maximal : ARHEL, La pratique des accords de distribution, préf. L. VOGEL, 2 e éd.,
2000, EFE/LGDJ, n os 306 s.).
8. Ce revirement de jurisprudence a, sans doute, influencé celle de la Commission
européenne. Pendant longtemps, celle-ci avait estimé que l'interdiction des prix imposés
s'appliquait à toutes les pratiques d'imposition d'un prix, y compris les prix maximaux. Cette
position a, par exemple, été adoptée dans le secteur de la distribution automobile
(Commission européenne – Direction générale de la concurrence, Brochure explicative sur
l'application du règlement n o 1475/95 de la Commission du 28 juin 1995, relatif à la
distribution automobile, réponse à la question n o 32). Le Livre vert sur les restrictions
verticales s'est également exprimé dans le même sens (Livre vert sur la politique de
concurrence communautaire et les restrictions verticales, 22 janv. 1997, COM[1996]721 final,
n o 157. – ARHEL, Livre vert. La politique de concurrence communautaire et les restrictions
verticales, LPA n o 25, 26 févr. 1997). Le règlement n o 2790/1999 de la Commission du
22 décembre 1999 (JOCE, n o L 336, 29 déc. ; D. 2000. 127) est cependant revenu sur cette
position. En effet, si le prix minimal imposé figurait dans la liste noire des pratiques interdites
par ce texte, en revanche, le prix maximal en était expressément exclu.

9. Notons pour terminer que, si le prix maximal constitue une réponse satisfaisante au
problème de double marginalisation, il en existe d'autres. Par exemple, le fournisseur pourrait,
en recourant à une clause de chiffre d'affaires minimal, de stockage ou de rotation de stock,
imposer au distributeur un minimum de volume d'affaires. Il pourrait également utiliser une
tarification à deux structures : au prix de base, correspondant au coût marginal du produit,
s'ajouteraient des ristournes quantitatives incitant le distributeur à consacrer les efforts
nécessaires à la vente du produit.

Art. 2 - Aspects anticoncurrentiels des accords verticaux


10. Les restrictions verticales peuvent produire divers effets négatifs : elles peuvent
contribuer à verrouiller des marchés, à faciliter les ententes horizontales ou encore à créer des
obstacles à l'intégration des marchés. Dans le but d'analyser ces effets négatifs, la
communication de la Commission du 30 septembre 1998 sur l'application des règles de
concurrence communautaires aux restrictions verticales (suivi du Livre vert sur les restrictions
verticales, JOCE, n o C 365, 26 nov., COM[1998]544 final. – Communiqué presse Comm. CE
n o IP/98/853 du 30 sept. 1998. – BLAISE et IDOT, RTD eur. 1999. 271 ) a distingué quatre
catégories d'accords de distribution (V. aussi Lignes directrices, citées infra, n o 19).

11. Accords exclusifs. - Il s'agit des accords par lesquels le fournisseur vend à un seul
acheteur ou à un nombre limité d'acheteurs. Cette catégorie comprend la distribution
exclusive, au sens où on l'entend traditionnellement (exclusivité territoriale), l'exclusivité de
clientèle et la livraison exclusive – le fournisseur s'engage à vendre exclusivement ou
essentiellement à un acheteur ; ce résultat peut également être obtenu grâce à des quotas de
livraison s'ils sont suffisamment élevés. S'y ajoute la distribution sélective, lorsque les
critères de sélection sont tellement stricts que peu de distributeurs peuvent vendre le produit.
Ces accords produisent pour l'essentiel deux effets restrictifs : obstacles à l'accès au marché
pour les autres acheteurs ou limitation ou élimination de la concurrence intramarque.
12. Monomarquisme. - Cette catégorie regroupe les accords par lesquels l'acheteur est incité
à s'approvisionner auprès d'un seul fournisseur. Elle comprend les clauses de non-concurrence
et les quotas d'achat, lorsqu'ils ont pour effet de couvrir l'essentiel des besoins de l'acheteur.
Ces accords créent un obstacle à l'accès au marché pour les autres fournisseurs et éliminent la
concurrence à l'intérieur des différents points de vente.

13. Imposition de prix de revente. - Il s'agit des accords qui portent atteinte à la liberté du
distributeur de fixer ses prix : prix minimaux et prix fixes, mais aussi, dans certaines
circonstances, prix maximaux et prix conseillés. Ces accords éliminent totalement la
concurrence à l'intérieur de la marque et facilitent la collusion horizontale sur les marchés
concentrés.

14. Cloisonnement des marchés. - Sont visés ici les accords qui limitent soit les possibilités
de l'acheteur de s'approvisionner auprès d'un fournisseur de son choix, soit celles du
fournisseur de vendre son produit aux clients de son choix : achats exclusifs pour un produit
donné, assorti de la faculté d'acheter ou de vendre des biens ou des services concurrents,
restrictions en matière de clientèle et d'après-vente, interdictions de revente et ventes liées.
L'effet principal de ces accords est une diminution de la concurrence à l'intérieur de la marque.

Art. 3 - Combinaison des restrictions verticales


15. La question que l'on se pose ici est de savoir si la combinaison de plusieurs restrictions
verticales permet d'atténuer ou, au contraire, de renforcer les effets négatifs de ces
restrictions. La réponse varie selon les combinaisons.

16. Combinaisons positives. - Les combinaisons comprenant l'imposition d'un prix maximal
permettent en général d'atténuer les effets restrictifs inhérents aux autres restrictions
verticales. Nous reviendrons ci-après sur cette question (V. infra, n os 86 s.). Pour l'heure,
bornons-nous à préciser que le prix maximal permet au fournisseur d'empêcher le distributeur
de profiter de l'exclusivité (territoriale ou de clientèle) dont il bénéficie en pratiquant des prix
anormalement élevés. Le raisonnement est également valable, même si c'est dans une
moindre mesure, pour une combinaison du prix maximal avec la distribution sélective. La
combinaison entre distribution exclusive et quotas d'achat est également positive puisqu'elle
incite le distributeur à réduire ses prix pour pouvoir se conformer à son quota.

17. Combinaisons négatives. - La Commission relève, dans sa communication du


30 septembre 1998 (citée supra, n o 10), plusieurs exemples de combinaisons négatives :
combinaison d'un accord de la catégorie du « monomarquisme » avec un accord du groupe
« accords exclusifs » (réduction cumulée de la concurrence intermarques et de la concurrence
intramarque), combinaison entre la distribution sélective et l'imposition d'un prix minimal
(élimination totale de la concurrence au sein du réseau), accord relevant du
« monomarquisme » et prix minimal (cumul de la réduction de la concurrence intermarque et
création d'un terrain propice aux comportements collusoires entre fabricants). La Commission
cite également l'exemple des combinaisons de restrictions verticales qui rendent plus difficile
l'arbitrage par les consommateurs finals ou par les distributeurs (restrictions territoriales et
distribution sélective, distribution exclusive et achat exclusif, distribution sélective et achat
exclusif).

Section 2 - Grandes lignes de l'exemption par catégorie

18. Avant la réforme intervenue en 1999, la réglementation communautaire applicable aux


restrictions verticales faisait l'objet d'une triple critique. D'abord, elle était trop formelle et
attachait une trop grande importance à la rédaction des accords. Ensuite, elle ne prenait pas
suffisamment en compte la réalité économique et négligeait la part de marché des opérateurs
économiques. Enfin, les exemptions par catégorie étaient jugées trop étroites. Ces lacunes
ont été comblées par le règlement du 22 décembre 1999 (cité supra, n o 8). La Commission a
en effet adopté un système d'exemption par catégorie unique applicable à l'ensemble des
secteurs d'activité et à toutes les restrictions verticales, sauf celles figurant dans une liste
noire, et sous réserve du respect de certaines conditions. En outre, afin d'assurer une
protection adéquate de la concurrence, ce dispositif était assorti d'un seuil de parts de marché
permettant un traitement graduel des différentes pratiques verticales en fonction de leurs
effets négatifs : au-delà du seuil, les entreprises ne pouvaient pas se prévaloir des avantages
liés à l'exemption par catégorie. Ce dispositif a été entièrement repris par le règlement (UE)
n o 330/2010 du 20 avril 2010 (JOUE, n o L 102, 23 avr.) (sur le projet de règlement, V. Avis
Aut. conc., 28 sept. 2009 sur la révision du règlement [CE] n o 2790/99 et des Lignes
directrices concernant les restrictions verticales. – ARHEL, Mise à jour des règles relatives aux
restrictions verticales, JCP 2009. Actu. 377. – CHAGNY, La réforme des règles communautaires
de concurrence applicables aux restrictions verticales : adaptation plutôt que révolution, RLC
2009/21, n o 1457. – VANARD, Desseins européens pour la distribution en ligne, RLC 2009/21,
n o 1458) qui a remplacé le règlement du 22 décembre 1999. À l'occasion de la réforme de
1999, la Commission souhaitait également obtenir du Conseil de nouveaux pouvoirs législatifs
et une simplification du régime de contrôle administratif applicable aux accords verticaux.
C'est la raison pour laquelle elle a joint, à sa communication du 30 septembre 1998, deux
propositions de règlement du Conseil modifiant respectivement le règlement n o 19/65/CEE du
Conseil du 2 mars 1965 (JOCE, n o L 36, 6 mars) – qui habilite la Commission à adopter des
règlements d'exemption par catégorie – et l'article 4. 2 de l'ancien règlement du Conseil
n o 17/62/CEE du 6 février 1962 (JOCE, n o L 13, 21 févr.) qui prévoyait une dispense de
l'obligation de notification préalable (communication Comm. CE du 30 sept. 1998, citée supra,
n o 10). Les deux textes ont été adoptés le 10 juin 1999 (Règl. n os 1215/1999 et 1216/1999 du
Conseil du 10 juin 1999, JOCE, n o L 148, 15 juin ; Europe août-sept. 1999. 20, obs. Idot ; CCC
1999. Chron. 16, obs. Poillot-Peruzzetto).
19. Enfin, dans un souci de transparence et afin de permettre aux entreprises d'évaluer elles-
mêmes la validité de leurs accords, la Commission a publié des lignes directrices exposant sa
doctrine sur l'application du droit des ententes aux restrictions verticales (communication de
la Commission, « Lignes directrices sur les restrictions verticales », JOCE, n o C 291, 13 oct.
2000. – ARHEL, Les lignes directrices sur les restrictions verticales, JCP E 2001. 1174 ;
remplacées par de nouvelles lignes directrices – JOUE, n o C 130, 19 mai 2010, citées ci-après
Lignes directrices). Précisons que la Cour de justice considère que la Commission peut
s'imposer des orientations pour l'exercice de ses pouvoirs d'appréciation par des actes tels
que les lignes directrices, dans la mesure où ces actes contiennent des règles indicatives sur
l'orientation à suivre par cette institution et ne s'écartent pas des normes du Traité
(CJCE 24 mars 1993, CIRFS et a. c/ Commission, aff. C-313/90 , Rec. CJCE I-1125, spéc.
points 34 et 36. – CJCE 5 oct. 2000, Allemagne c/ Commission, aff. C-288/96 , Rec. CJCE I-
8237, spéc. point 62. – CJCE 7 mars 2002, République italienne c/ Commission, aff. C-310/99
, Rec. CJCE I-2289, point 52).
20. Les lignes directrices ne revêtent pas un caractère contraignant à l'égard des opérateurs
économiques. Elles ne s'imposent pas non plus aux juridictions de l'Union (Lignes directrices
[citées supra, n o 19], n o 4). En revanche, la Commission ne peut se départir des règles qu'elle
s'est elle-même imposées (CJCE 5 juin 1973, Commission c/ Conseil, aff. 81/72, Rec.
CJCE 575, point 9. – CJCE 30 janv. 1974, Louwage c/ Commission, aff. 148/73, Rec. CJCE 81. –
TPICE 17 déc. 1991, Hercules Chemicals c/ Commission, aff. T-7/89 , Rec. CJCE II-1711,
point 53). En particulier, lorsque la Commission adopte des lignes directrices destinées à
préciser, dans le respect du Traité, les critères qu'elle compte appliquer dans le cadre de
l'exercice de son pouvoir d'appréciation, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce
qu'il lui appartient de se conformer aux règles indicatives qu'elle s'est elle-même imposées
(TPICE 12 déc. 1996, AIUFFASS et AKT c/ Commission, aff. T-380/94 , Rec. CJCE II-2169,
point 57. – TPICE 19 mars 2003, aff. T-213/00 , Rec. CJCE II-913, spéc. point 417. –
TPICE 9 juill. 2003, Lysine, aff. T-224/00, Rec. CJCE II-2597. – ARHEL, Le cartel de la Lysine,
« Nos concurrents sont nos amis ; nos clients sont les ennemis », LPA n o 171, 27 août 2003,
p. 4 s.).

21. Avant d'examiner les principales règles relatives aux restrictions verticales, notons que le
règlement du 22 décembre 1999 a fortement influencé le Conseil de la concurrence (devenu
Autorité de la concurrence). Celui-ci l'a utilisé comme un « guide d'analyse utile » à de
nombreuses occasions, par exemple lorsque les pratiques en cause n'étaient pas susceptibles
d'affecter les échanges entre États membres (Cons. conc. n o 02-D-01 du 22 janv. 2002,
SERAP, BOCCRF 29 mars) ou parce que les faits étaient antérieurs à l'entrée en vigueur du
règlement (Cons. conc. n o 03-D-39 du 4 sept. 2003, Cuisines Plus, BOCCRF 17 déc.) ; cette
approche a été approuvée par la cour d'appel de Paris (29 juin 2004, SARL Marcout Soulhol c/
Sté Cartier, BOCCRF 30 sept.). Pour les faits intervenus après l'entrée en vigueur du
règlement du 22 décembre 1999, le Conseil a appliqué celui-ci directement (Cons. conc. n o 03-
D-42 du 18 août 2003, Suzuki, BOCCRF 17 déc.). Cette influence comporte cependant des
limites. Ainsi, alors que les restrictions verticales sont, en droit de l'Union, en principe
couvertes par l'exemption par catégorie jusqu'au seuil de 30 % de part de marché, le Conseil
de la concurrence a considéré que, dans ce cas, elles « n'ont ni objet ni effet
anticoncurrentiel » (Rapp. Cons. conc. 2002, p. 201. – V. aussi Cons. conc. n o 03-D-60 du
17 déc. 2003, Cartier, BOCCRF 13 févr. 2004. – Rapp. Cons. conc. 2003, p. 255).

Art. 1 er - Un règlement unique


22. Le règlement du Conseil du 2 mars 1965 (cité supra, n o 18) a habilité la Commission à
déclarer, par voie de règlement et conformément à l'article 81, paragraphe 3, du Traité de
Rome, que l'article 81, paragraphe 1 er (devenus respectivement les art. 101-3 et 101-1 du
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne depuis l'entrée en vigueur, le 1 er décembre
2009, du Traité de Lisbonne, ci-après TFUE) n'est pas applicable aux accords exclusifs
bilatéraux ou comportant des restrictions en rapport avec l'acquisition ou l'utilisation de droits
de propriété industrielle. Conformément à ce mandat, la Commission a adopté les anciens
règlements n os 1983/83 et 1984/83 du 22 juin 1983 (JOCE, n o L 173, 30 juin), n o 4087/88 du
30 novembre 1988 (JOCE, n o L 359, 28 déc.), n o 1475/95 du 28 juin 1995 (JOCE, n o L 145,
29 juin). Ce dernier a été remplacé par le règlement n o 1400/2002 du 31 juillet 2002 (JOCE,
n o L 203, 1 er août), qui a lui-même été remplacé par le règlement (UE) n o 461/2010 de la
Commission du 27 mai 2010 (JOUE, n o L 129, 28 mai. – ARHEL, Réforme des restrictions
verticales, LPA n o 135, 8 juill. 2010, p. 4 s.). Celui-ci prévoit, après une période de transition
de trois ans, un alignement du régime applicable à la distribution automobile sur le régime
général des restrictions verticales (V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]).

23. Le règlement du 22 décembre 1999 (cité supra, n o 8) a remplacé les trois premiers
règlements. Sous réserve du secteur de l'automobile, le système d'exemption par catégorie
reposait donc, dans le domaine de la distribution – des règlements d'exemption existent
également dans les domaines des accords de transfert de technologie, de spécialisation et de
recherche et développement, ainsi que dans les secteurs de l'assurance et des transports –,
sur un règlement unique couvrant en principe toutes les restrictions verticales – y compris
celles contenues dans les accords de distribution sélective – et tous les secteurs d'activité – y
compris les secteurs de la distribution de la bière et du carburant. L'un des objectifs de la
réforme intervenue en 1999, qui n'a pas été remis en cause par le règlement du 20 avril 2010,
était d'appliquer un traitement similaire aux différentes formes d'accords verticaux lorsqu'elles
produisent des effets similaires. La Commission estime notamment que l'existence de règles
différentes pour la distribution sélective et la franchise ne s'impose pas – la Cour de justice
des Communautés européennes, sous l'empire du régime antérieur à la réforme de 1999, avait
au contraire souligné la spécificité de la franchise ; elle y voyait notamment « une manière
d'exploiter financièrement, sans engager de capitaux propres, un ensemble de
connaissances » (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353 ; D. 1986.
Somm. 273, obs. Cartou). L'application d'un traitement similaire aux différentes formes
d'accords évite que les entreprises ne soient influencées, dans le choix de leur système de
distribution, par la politique menée par la Commission.

Art. 2 - Système de liste noire


24. Un autre objectif de la réforme intervenue en 1999 était de corriger le système antérieur,
jugé trop formaliste. En s'appuyant sur le système d'une liste de clauses blanches, il
garantissait une certaine sécurité juridique aux opérateurs économiques qui s'y conformaient
strictement, mais portait atteinte à leur liberté commerciale. D'une certaine manière, il
revenait à laisser à la Commission le soin de rédiger les accords de distribution des
entreprises. Certes, il était possible de s'affranchir de ce cadre, mais le prix était
particulièrement élevé : la perte de l'exemption par catégorie et l'obligation, dans le cadre
d'une analyse individuelle, de justifier les restrictions verticales contenues dans l'accord.

25. Par ailleurs, les règlements d'exemption antérieurs ne se contentaient pas de définir les
catégories d'accords auxquelles ils s'appliquaient et à préciser les restrictions ou les clauses
qui ne pouvaient pas figurer dans les accords, mais comportaient également une énumération
de clauses qui devaient figurer dans les accords. Afin de remédier à ces inconvénients, le
règlement du 22 décembre 1999 a adopté une approche sensiblement différente (approche
reprise par le Règl. du 20 avr. 2010) : toutes les entreprises réalisant un chiffre d'affaires ne
dépassant pas le seuil de 30 % de part de marché peuvent, à condition de respecter un
certain nombre de conditions, recourir à n'importe quelle restriction verticale, sauf celles qui
sont expressément visées dans le règlement. Cette liste noire comprend notamment les
clauses de prix minimaux ou de prix fixes, celles qui confèrent une protection territoriale
absolue, l'interdiction des rétrocessions au sein des réseaux de distribution sélective et les
clauses interdisant aux fournisseurs de vendre des produits ou services intermédiaires sur le
marché indépendant de l'après-vente. Ces restrictions peuvent faire l'objet d'un examen
individuel. À cet effet, la Commission encourage les entreprises concernées à se prévaloir de
gains d'efficience (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n os 60 s. et 223 s.).
26. La procédure de non-opposition était, par ailleurs, incompatible avec l'approche de la liste
noire. Elle n'a donc pas été reprise. On rappellera pour mémoire que le règlement de la
Commission du 30 novembre 1988 (cité supra, n o 22) prévoyait une telle procédure : les
accords comportant des restrictions qui n'étaient pas expressément exemptées par le
règlement pouvaient être notifiés à la Commission et, si cette dernière ne faisait pas
opposition dans le délai de six mois, les accords étaient exemptés (Règl. du 30 nov. 1988,
art. 6. 1).

Art. 3 - Seuil de part de marché

§ 1 er - Défauts du système antérieur


27. Alors que les économistes s'accordent à penser que les effets négatifs des restrictions
verticales augmentent avec le pouvoir de marché, les exemptions par catégorie étaient, avant
la réforme de 1999, acquises à toutes les entreprises, sans considération de part de marché.
À titre d'exemple, le système d'exemption antérieur autorisait certaines restrictions verticales
dans les mêmes conditions aux entreprises détenant un pouvoir de marché important et aux
petites et moyennes entreprises (PME), alors que les premières peuvent faire courir un grave
danger à la concurrence et que les dernières sont sans danger. La procédure de retrait
permettait de corriger ces défauts, mais seulement pour l'avenir. Par ailleurs, cette procédure
est particulièrement difficile à mettre en œuvre. Les applications sont d'ailleurs rares. La
Commission estime également qu'en élargissant sensiblement le champ d'application de
l'exemption par catégorie, il devenait impossible d'accorder les mêmes exemptions aux
entreprises les plus puissantes. L'uniformité du système d'exemption avait enfin pour
inconvénient de soumettre la majorité des opérateurs économiques à des contraintes
inutiles : le champ couvert par les règlements d'exemption était trop étroit, ce qui
contraignait souvent les fournisseurs à notifier leurs accords, même lorsqu'ils détenaient de
faibles parts de marché. Les petits fournisseurs pouvaient également être dissuadés de
recourir aux restrictions verticales pour améliorer leur position sur le marché.

§ 2 - Liens entre exemption et pouvoir de marché


28. Depuis la réforme de 1999, le champ de l'exemption varie en fonction de l'absence ou de
l'existence d'un pouvoir de marché : « L'exemption […] s'applique à condition que la part de
marché détenue par chacune des entreprises parties à l'accord ne dépasse pas 30 % de tout
marché en cause affecté par l'accord » (Règl. n o 330/2010, art. 3). Le niveau de ce seuil a
parfois été critiqué (V., par ex., les réserves exprimées par l'Union française des coopératives
de commerçants, dans Les Échos du 23 avr. 1999 ; on notera, cependant, que dès lors qu'il a
été fixé dans le règlement de la Commission et non dans le règlement d'habilitation du
Conseil, le niveau de ce seuil devrait pouvoir être modifié sans problème majeur dans
l'hypothèse où la Commission le souhaiterait, à la lumière de l'expérience).

29. Lorsque le seuil de 30 % n'est pas dépassé, les entreprises peuvent recourir à n'importe
quelle restriction verticale – y compris celles qui revêtent un caractère d'exclusivité comme les
clauses d'exclusivité de clientèle ou de non-concurrence –, dès lors qu'elle ne figure pas dans
la liste noire. Elles peuvent même en combiner plusieurs. Le règlement d'exemption a ainsi
pour effet de porter à 30 % le seuil de minimis de l'Union. Ce seuil, qui avait initialement été
fixé à 10 % par la communication n o 97/372/04 de la Commission du 15 octobre 1997 sur les
accords d'importance mineure (JOCE, n o C 372, 9 déc. ; Cah. dr. entr. 1998, n o 2, p. 5, obs.
Respaud ; CCC 1998. Chron. 11, obs. L. Vogel), a été porté à 15 % en 2001 (communication
n o 2001/C368/07 de la Commission sur les accords d'importance mineure, JOCE, n o C 368,
22 déc. 2001, spéc. point 13. – Communiqué presse Comm. CE n o IP/02/13 du 7 janv. 2002,
CCC 2002. Comm. 20, obs. Poillot-Peruzzetto. – PEEPERKORN, New Notice on Agreements of
Minor I mportante, Competition Policy Newsletter, févr. 2002, n o 1, p. 45 s. – Ce seuil, qui a
été maintenu par la communication n o 2014/C29101, JOUE, n o C 291, 30 août 2014, a été
introduit en droit français par l'art. L. 464-6-1 C. com., qui est issu de l'art. 24 de l'Ord.
n o 2004-274 du 25 mars 2004, JO 27 mars. – ARHEL, Une nouvelle réglementation pour les
petites ententes et les petites concentrations, JCP E 29 avr. 2004, n o 18, Actu. 86, p. 685). Le
propos mérite cependant d'être nuancé. Notons, au préalable, que le seuil de minimis vise à
restreindre le champ d'application de l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE, alors que le
règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18) exempte des restrictions tombant sous le coup
de cette disposition. Par ailleurs, la liste noire du règlement d'exemption (pour la liste,
V. infra, n os 56 s.) est plus étendue que celle de la communication de minimis.

30. Les entreprises détenant une part de marché supérieure à 30 % ne sont pas couvertes par
l'exemption par catégorie. Cela ne signifie pas pour autant que les restrictions verticales
auxquelles elles recourent sont illicites. Celles-ci, y compris, en théorie tout au moins, les
clauses noires, sont en effet susceptibles de faire l'objet d'une analyse individuelle – les
lignes directrices sont destinées à aider les entreprises à effectuer cette analyse – pouvant,
selon le cas, donner lieu à une exemption individuelle ou une condamnation.
31. Sous l'empire du règlement du 22 décembre 1999 (cité supra, n o 8), c'était la part de
marché du fournisseur qui déterminait l'application de l'exemption par catégorie, cette règle
étant assortie d'une seule exception : dans le cas de la fourniture exclusive – le fournisseur
ne peut vendre qu'à un seul acheteur –, le seuil de 30 % s'appliquait à la part détenue par
l'acheteur. Le texte était critiqué, car il ne prenait pas suffisamment en compte la puissance
d'achat des entreprises. Le règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18) y a remédié en
faisant dépendre le bénéfice de l'exemption des parts de marché tant du fournisseur que de
l'acheteur (il suffit que la part de marché de l'un des deux dépasse 30 % pour exclure le
bénéfice de l'exemption). Cette solution s'inspire de l'expérience acquise dans le domaine des
accords de minimis (communication Comm. CE n o 97/372/04 du 22 déc. 2001, point 7, b) et de
transfert de technologie (Règl. n o 772/2004/CE du 27 avr. 2004, art. 3).
32. Marché à prendre en compte. - La question a parfois été posée de savoir le sens qu'il
convenait de donner ici à la notion de marché. Selon la Commission, il s'agit de la notion
classique du marché pertinent, ce qui exclut, en général, de ne retenir que les ventes
couvertes par un certain système de distribution. Il convient dès lors de se référer à la
communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit
communautaire de la concurrence (JOCE, n o C 372, 9 déc. 1997), qui donne des orientations
quant aux règles, critères et éléments de preuve sur lesquels la Commission s'appuie
lorsqu'elle examine la question de la définition des marchés (Lignes directrices [citées supra,
n o 19], n o 86).
33. Calcul de la part de marché. - Les règles relatives au calcul de la part de marché sont
prévues à l'article 7 du règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18). On retiendra,
notamment, que la part de marché est calculée sur la base de la valeur des ventes sur le
marché des biens ou services contractuels (Règl. 2010, art. 7, a). Par ailleurs, les calculs sont
effectués sur la base de données relatives à l'année civile précédente (Règl., art. 7, b). Enfin,
le seuil d'application du règlement du 20 avril 2010 est complété par des éléments de
flexibilité : d'abord si la part de marché en cause franchit le seuil de 30 % mais ne dépasse
pas 35 %, l'exemption continue de s'appliquer pendant deux années civiles consécutives
(Règl., art. 7, d) ; par ailleurs, si la part franchit le seuil de 30 % et dépasse celui de 35 %,
l'exemption continue à s'appliquer pendant une année civile (Règl., art. 7, e). Enfin, le
règlement précise que l'extension de l'exemption prévue aux articles 7, d et 7, e ne peut être
combinée de manière à dépasser une période de deux années civiles (Règl., art. 8, f).
34. Inconvénients du critère de part de marché. - La rigidité du système de part de marché
a parfois été critiquée : 1 o l'approche ne tient pas suffisamment compte de la structure et des
caractéristiques particulières des différents marchés ; à titre d'exemple, elle ne tient pas
suffisamment compte des différentes configurations de marché dans les différents États
membres : par exemple, un secteur d'activité peut être concurrentiel dans un État membre et
oligopolistique dans un autre ; 2 o elle est source d'insécurité juridique dans la mesure où les
entreprises n'ont pas toujours une connaissance exacte des contours du marché sur lequel
elles opèrent, dans sa dimension géographique ou sectorielle, ou de la part qu'elles y
détiennent. Ces critiques peuvent se prévaloir de la jurisprudence. On a, notamment, fait
valoir que pour l'application de l'article 101 du TFUE, les juridictions communautaires ont
toujours marqué leur préférence pour une analyse basée sur des critères multiples, dans
laquelle les parts de marché ne constituent qu'un élément d'appréciation parmi d'autres. Tel
est le cas, notamment, de l'appréciation de l'effet cumulatif de réseaux parallèles
(CJCE 28 févr. 1991, Delimitis, aff. C-234/89 , Rec. CJCE I-935 ; Rev. conc. consom. 1991,
n o 62, obs. Dalens. – TPICE 8 juin 1995, Langnese-Iglo GmbH, aff. T-7/93, Rec. CJCE II-1539,
et Schöller GmbH, aff. T-9/93, Rec. CJCE II-1661 ; CCC 1995. Comm. 131, obs. L. Vogel ;
Cah. dr. entr. 1995, n o 6, p. 1, obs. Idot et Momège) ou de l'effet sensible d'un contrat isolé.
La Commission était consciente des faiblesses de l'approche choisie, mais, affirmait-t-elle,
elle est la mieux adaptée aux objectifs poursuivis par la réforme de 1999 et, notamment, au
souci de recourir plus largement à l'analyse économique dans l'appréciation des restrictions
verticales. Enfin, la Commission rappelait que le recours aux parts de marchés dans le cadre
d'une analyse sur le fondement du droit des ententes n'était pas nouveau : le critère de part
de marché avait déjà été utilisé à plusieurs reprises (Règl. du 6 févr. 1962 [cité supra, n o 18],
art. 4. 2. – Communication Comm. CE du 15 oct. 1997, cité supra, n o 29. – Règl. d'exemption
n os 417/85 et 418/85 de la Commission du 19 déc. 1984 concernant respectivement les
accords de spécialisation et les accords de recherche et développement, JOCE, n o L 53,
22 févr. 1985), sans aggraver de façon excessive l'insécurité juridique inhérente à l'application
du droit de la concurrence.

Art. 4 - Modifications des règlements du Conseil du 2 mars 1965 et du 6 février 1962


35. Sous l'empire de l'article 4. 2 du règlement du Conseil du 6 février 1962, dans sa version
initiale, les opérateurs économiques qui enfreignaient les dispositions de l'article 101 du TFUE
ne pouvaient revendiquer le bénéfice d'une exemption que s'ils avaient au préalable notifié
leurs accords à la Commission. Par ailleurs, la Commission ne pouvait exempter un accord qu'à
compter de la date de notification. Enfin, outre les sanctions que les autorités de la
concurrence pouvaient infliger aux entreprises, les accords pouvaient être déclarés nuls par les
juridictions nationales, pour la simple raison que ces accords n'avaient pas été au préalable
notifiés, même s'ils remplissaient les conditions pour bénéficier d'une exemption individuelle.
Ces règles, quoique assorties de nombreuses exceptions, ont conduit les opérateurs
économiques à notifier des dizaines de milliers d'accords, en grande majorité des accords
verticaux.

36. Pour faire face à ce surcroît de travail, et pour renforcer la sécurité juridique, le règlement
du Conseil du 2 mars 1965 a habilité la Commission à prendre des règlements d'exemption
(V. supra, n o 18). Ce système de l'exemption par catégorie, qui permet aux entreprises de
bénéficier d'une exemption sans avoir à notifier leurs accords, n'était pas entièrement
satisfaisant. Il suffit de noter ici que l'habilitation accordée par le Conseil excluait la
distribution sélective. Le système de notification était, par ailleurs, d'une singulière lourdeur,
source de coûts excessifs dans la majorité des cas. Enfin, le champ de l'obligation de
notification était considéré comme trop large. Dès lors, le Conseil des Communautés
européennes a été amené à modifier les règlements du Conseil des 2 mars 1965 (cité supra,
n o 18) et 6 février 1962 (cité supra, n o 18), respectivement par les règlements n o 1215/1999
et n o 1216/1999 du Conseil du 10 juin 1999 (V. Concurrence : mise en œuvre par les autorités
et les juridictions nationales [Eur.]).

§ 1 er - Modifications du règlement du Conseil du 2 mars 1965


37. Extension de l'habilitation de la Commission. - Le règlement du Conseil du 2 mars 1965,
dans sa version initiale, habilitait la Commission à adopter des règlements d'exemption
concernant des catégories d'accords exclusifs bilatéraux conclus dans le but de la revente qui
soit avaient pour objet la distribution ou l'achat exclusif – ou une combinaison de ces deux
types d'accords –, soit comportaient des restrictions en rapport avec l'acquisition ou
l'utilisation de droits de propriété industrielle. Le mandat excluait donc les accords de
distribution sélective, de commercialisation de services – sauf dans le cadre de la franchise –
ou portant sur la livraison ou l'achat de produits destinés à la transformation. Ces lacunes ont
été comblées par une modification du règlement du Conseil du 2 mars 1965 par le règlement
n o 1215/1999 du Conseil du 10 juin 1999 (cité supra, n o 18) : exception faite des accords
comportant des limitations imposées en rapport avec l'acquisition ou l'utilisation des droits de
propriété industrielle ou « avec les droits résultant de contrats comportant cession ou
concession de procédés de fabrication ou de connaissance relatives à l'utilisation ou à
l'application de techniques industrielles », le règlement du Conseil du 2 mars 1965 vise
désormais les accords « entre deux ou plus de deux entreprises ». Par ailleurs, il vise « des
catégories d'accords […] concernant la livraison et/ou l'achat de biens destinés à la revente ou
à la transformation ou concernant la commercialisation des services, y compris les accords de
distribution exclusive, d'achat exclusif, de franchise et de distribution sélective, ainsi que
leurs combinaisons » (Règl. n o 1215/1999 du Conseil du 10 juin 1999, cité supra, n o 18,
considérant 10).

38. Suppression des clauses obligatoires. - Le règlement du Conseil du 2 mars 1965, dans
sa version initiale, prévoyait que les règlements d'exemption devaient indiquer les clauses qui
devaient figurer dans les accords pour bénéficier de l'exemption par catégorie. Source de
rigidité dans la rédaction des accords, cette exigence a été supprimée dans la nouvelle
version du règlement du Conseil du 2 mars 1965. Cette suppression s'imposait d'autant plus
que les relations contractuelles s'inscrivent dans un contexte économique où les structures et
les techniques de la distribution évoluent à un rythme rapide.

§ 2 - Modifications du règlement du Conseil du 6 février 1962


39. Le règlement n o 1216/1999 du Conseil du 10 juin 1999 (cité supra, n o 18) a modifié le
règlement du Conseil du 6 février 1962 (cité supra, n o 18) afin d'élargir le champ de
l'exemption à l'obligation de notification prévue à l'article 4. 2 du règlement de 1962. Il ne
s'impose plus aux « accords, décisions et pratiques concertés lorsque […] a) ces accords ou
pratiques concertées sont conclus entre deux ou plusieurs entreprises, dont chacune opère,
aux fins de l'accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution, et
concernent les conditions dans lesquelles les parties peuvent acquérir vendre ou revendre
certains biens ou services ; b) n'y participent que deux entreprises et […] ces accords ont
seulement pour effet d'imposer à l'acquéreur ou à l'utilisateur de droits de propriété
industrielle […] ou au bénéficiaire de contrats comportant cession ou concession de procédés
de fabrication ou de connaissances relatives à l'utilisation et à l'application de techniques
industrielles, des limitations dans l'exercice de ces droits ». En d'autres termes, la plupart des
accords verticaux de distribution et de fourniture industrielle sont dispensés de notification.

40. Règlement du Conseil relatif à la mise en œ uvre des règles de concurrence propres
aux articles 101 et 102 du T FUE. - Les règles introduites par le règlement n o 1216/1999 du
Conseil du 10 juin 1999 appellent les commentaires suivants : 1 o elles s'inspirent des règles
en vigueur dans certains États membres, et notamment la France, qui ne comportaient pas de
système de notification préalable à l'exemption ; 2 o elles ont permis une réduction du nombre
de procédures contentieuses ouvertes devant les juridictions nationales, notamment à
l'expiration des accords, par les distributeurs qui demandaient, en s'appuyant sur le droit des
ententes, la nullité des accords non notifiés à la Commission, pour s'affranchir de leurs
obligations contractuelles ; 3 o elles permettent aux accords non notifiés de bénéficier d'un
examen individuel ; dans ce cas, la charge de la preuve d'une violation de l'article 101,
paragraphe 1 er, du TFUE pèse sur la Commission européenne ; si cette preuve est établie,
l'entreprise peut démontrer que l'accord peut bénéficier d'une exemption individuelle ; par
ailleurs, la Commission peut, et même doit, accorder une exemption individuelle, prenant
effet à la date de conclusion de l'accord, si les quatre conditions de l'article 101,
paragraphe 3, du TFUE sont remplies ; en outre, la notification n'a pas pour effet de rendre
l'accord licite ; enfin, on l'a déjà dit, lorsqu'une entreprise s'abstient de notifier parce qu'elle
croit de bonne foi qu'elle ne dépasse pas le seuil de part de marché, la Commission
n'envisage pas d'infliger des sanctions pécuniaires (Lignes directrices [citées supra, n o 19],
n o 65) ; les entreprises n'ont donc aucun intérêt à notifier leurs accords tant que ceux-ci ne
font pas l'objet d'un litige ; dans l'hypothèse où une entreprise déciderait malgré tout de
notifier, la Commission estime que l'examen de l'accord ne serait pas jugé prioritaire en
l'absence de litige devant les tribunaux nationaux ou de plainte.

Art. 5 - Lignes directrices


41. Afin d'aider les entreprises à évaluer la conformité de leurs accords verticaux au regard
des règles de concurrence de l'Union, la Commission a établi des lignes directrices portant sur
les points suivants : accords non visés par le règlement d'exemption, application du règlement
d'exemption, procédures de retrait et d'exclusion, questions liées à la définition du marché et
enfin analyse générale des accords verticaux. Ces lignes directrices décrivent la doctrine
adoptée par la Commission pour l'application de l'article 101 du TFUE aux restrictions
verticales. La Commission a néanmoins souligné la souplesse qui doit caractériser leur
application. Les premières lignes directrices ont été publiées après la réforme intervenue en
1999. Elles ont été remplacées par de nouvelles lignes directrices à l'occasion du
remplacement du règlement du 22 décembre 1999 par celui du 20 avril 2010 (Lignes directrices
[citées supra, n o 19]).

Section 3 - Articulation entre le droit de l'Union et le droit national

42. Les règles de concurrence de l'Union et les droits nationaux entretiennent des rapports
très étroits (sur cette question : COURIVAUD, Concurrence : est-il toujours opportun
d'engager une procédure devant les autorités communautaires ?, CCC 1999. Chron. 8). Ces
liens sont inévitables puisque, conformément à la jurisprudence de l'Union, l'intervention de la
Commission à l'égard d'un comportement anticoncurrentiel ne fait pas obstacle à une
intervention parallèle d'une autorité nationale, sur le fondement de sa propre législation.
Inversement, l'intervention d'une autorité nationale ne s'oppose pas à une intervention de la
Commission.
43. Les rapports entre les règles de l'Union et les droits nationaux sont régis par des principes
qui trouvent leur source dans la jurisprudence (CJCE 13 févr. 1969, Walt W ilhelm, aff. 14/68,
Rec. CJCE 1. – Conf. par CJCE 10 juill. 1980, Guerlain, aff. 253/78 et 1/79 à 3/79, Rec.
CJCE 2327). La Cour de justice a jugé que l'application parallèle des règles nationales et
communautaires ne doit pas porter préjudice à l'application pleine et uniforme, dans tout le
Marché commun, des règles communautaires et au plein effet des actes pris en vertu de ces
règles (CJCE 13 févr. 1969, préc.). Elle a précisé que « dans les cas où des décisions
nationales à l'égard d'une entente s'avéreraient incompatibles avec une décision adoptée par
la Commission à l'issue de la procédure engagée par elle, les autorités nationales sont tenues
d'en respecter les effets ». Il en résulte, notamment, que les autorités nationales ne peuvent
déclarer licite un accord interdit par le Traité.
44. La Commission estimait également qu'un accord bénéficiant d'une exemption en vertu de
l'article 81, paragraphe 3, du Traité de Rome (devenu art. 101-3 du TFUE) ne pouvait être
interdit par le droit national (communication Comm. CE du 15 oct. 1997, JOCE, n o C 313,
15 oct., spéc. point 19. – Règl. du 22 déc. 1999, considérant 18). Afin de donner plus de poids
à cette règle, elle avait suggéré, dans son Livre blanc sur la modernisation des règles
d'application des articles 81 et 82 du Traité de Rome (JOCE, n o C 132, 12 mai 1999. –
POILLOT-PERUZZETTO, Centralisation/décentralisation dans l'application des articles 81 et 82
du Traité CE, CCC 1999. Chron. 3. – ROCCA et GAUER, Livre blanc sur la modernisation des
règles d'application des articles 81 et 82 du Traité, Competition Policy Newsletter, oct. 1999,
n o 3, p. 1 s.), d'inscrire dans un texte réglementaire l'impossibilité pour les législations
nationales d'interdire ou d'altérer les effets des accords exemptés par un règlement
communautaire. Certains États avaient déjà inscrit ce principe dans leur législation : Belgique,
Danemark, Espagne et Grande-Bretagne. La France n'était pas dotée d'une telle législation,
mais la Cour de cassation en appliquait les principes. Ainsi, dans une espèce où un accord de
concession automobile était couvert par le règlement d'exemption n o 123/85 de la Commission
européenne du 12 décembre 1984 (JOCE, n o L 15, 18 janv. 1985), elle a estimé que cet accord
ne pouvait être contesté au regard de l'article L. 442-6, I, 1 o (Com. 7 avr. 1998, n o 96-13.219
, D. 1998. Somm. 332, obs. Ferrier ; RJDA 8-9/1998, n o 975 ; LPA n o 114, 23 sept. 1998,
obs. Malaurie-Vignal et Petitier). L'article 3. 2 du règlement n o 1/2003 du Conseil du
16 décembre 2002 (JOCE, n o L 1, 4 janv. 2003. – RONZANO, Creda-Concurrence 17 déc.
2002. – IDOT, La modernisation du droit communautaire de la concurrence, JCP E 2003. 145. –
ARHEL, Modernisation des règles communautaires relatives à la mise en œuvre de
l'interdiction des ententes et abus de position dominante. Publication du nouveau règlement,
LPA n o 66, 2 avr. 2003, p. 6 s. – RIFFAULT-SILK, La réforme du règlement 17 : vers une
nouvelle mise en œuvre des articles 81 et 82 CE, Cah. dr. entr. 2004, n o 3, p. 1 s.) a consacré
ce principe de primauté du droit communautaire, mais a saisi cette occasion pour l'étendre :
« L'application du droit national de la concurrence ne peut entraîner l'interdiction d'accords, de
décisions d'association d'entreprises ou de pratiques concertées qui sont susceptibles
d'affecter le commerce entre États membres, mais qui n'ont pas pour effet de restreindre la
concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1 er, du Traité, ou qui satisfont aux conditions
énoncées à l'article 81, paragraphe 3, du Traité ou qui sont couverts par un règlement ayant
pour objet l'application de l'article 81, paragraphe 3, du Traité » (pour la première application
de cette disposition en France : Paris, 29 juin 2004, SPEA c/ Sté Renault et a., LPA n o 41,
28 févr. 2005, p. 4, obs. Arhel). Cette disposition va, en effet, bien au-delà des situations
réglées clairement par la jurisprudence. Ainsi, la Cour de justice des Communautés
européennes n'avait pas eu l'occasion de s'exprimer sur l'application de la règle de primauté
aux accords qui ne tombent pas sous le coup de l'article 81, au motif qu'ils ne sont pas
restrictifs de concurrence – ces accords ne peuvent donc bénéficier d'une exemption. Ceci
explique que les entreprises notifiantes, soucieuses d'obtenir une mesure applicable
uniformément sur l'ensemble du territoire national, ont parfois assorti leur notification d'une
demande d'exemption plutôt que d'une demande d'attestation négative. La Cour de justice ne
s'était pas non plus prononcée sur les accords bénéficiant d'une exemption au titre de
l'article 81, paragraphe 3.

45. La Cour de justice encourage, par ailleurs, les juridictions nationales à surseoir à statuer
lorsqu'elles sont saisies d'accords ou pratiques qui peuvent encore faire l'objet d'une décision
de la Commission (CJCE 28 févr. 1991, Delimitis, aff. C-234/89 , Rec. CJCE I-935 ; Rev. conc.
consom. 1991, n o 62, obs. Dalens). On retrouve les mêmes encouragements dans la
communication n o 2004/C101/04 de la Commission sur la coopération entre la Commission et
les juridictions nationales (JOUE, n o C 101, 27 avr. 2004, spéc. point 12). Le sursis permet à
la juridiction nationale de demander des informations à la Commission ou d'effectuer un
recours préjudiciel au titre de l'article 267 du TFUE. L'ancien Conseil de la concurrence
s'inspirait de ces règles, alors qu'il n'était pas une juridiction (Cons. conc. n o 91-D-53 du
26 nov. 1991, Lasers pulsés, Rapp. Cons. conc. 1991, p. 15. – Cons. conc. n o 00-D-15 du
3 mai 2000, Ivoclar Division France, BOCCRF 22 juin) ; toutefois, il ne pouvait, pas plus que
l'Autorité de la concurrence qui l'a remplacé (ARHEL, Loi de modernisation de l'économie : une
nouvelle réforme du droit de la concurrence, LPA n o 158, 7 août 2008, p. 3 s.), effectuer de
renvoi préjudiciel. La Commission précise cependant que, lorsque la juridiction nationale a
acquis la certitude que l'entente litigieuse ne peut faire l'objet d'une exemption individuelle,
elle peut prendre les mesures nécessaires pour satisfaire aux exigences de l'article 81,
paragraphes 1 er et 2, du Traité de Rome (point 30).

46. L'affaire de la distribution des glaces en Irlande permet d'illustrer l'utilité d'un sursis à
statuer : ayant estimé que le système de distribution exclusive de glaces de consommation
immédiate mis en place par Van den Bergh Foods Limited sur le marché irlandais était en
infraction avec les articles 81 et 82 du Traité de Rome, la société Mars a adressé une plainte
à la Commission le 18 septembre 1991. Le 28 mai 1992, une juridiction irlandaise, saisie d'un
litige entre les deux entreprises, n'a pas cru bon de surseoir à statuer et a déclaré que le
système de distribution en cause était conforme aux articles 81 et 82 du Traité de Rome. La
Commission européenne ayant, par la suite, condamné Van den Bergh Foods Limited sur le
fondement de ces deux textes, on était en présence d'une contradiction entre la position de la
Commission et celle du juge irlandais. La Cour de justice, saisie à titre préjudiciel par la Cour
suprême irlandaise, a estimé qu'il résultait de l'obligation de coopération loyale que la
juridiction de renvoi aurait dû surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive sur le
recours en annulation soit rendue par les juridictions communautaires contre la décision de la
Commission, sauf si elle considère que, dans les circonstances de l'espèce, il est justifié de
déférer une question préjudicielle à la Cour de justice sur la validité de la décision de la
Commission (CJCE 14 déc. 2000, Masterfoods Ltd, aff. C-344/98 , Rec. CJCE I-11369 ; CCC
2001. Comm. 18, obs. Poillot-Peruzzetto).

Section 4 - Deux formes d'exemption

47. L'article 81 du Traité de Rome (devenu art. 101 TFUE), après avoir posé, dans son
paragraphe 1 er, le principe de l'interdiction des accords qui restreignent la concurrence (en
vertu d'une jurisprudence constante, établie par les arrêts Consten et Grundig c/ Commission :
CJCE 13 juill. 1966, aff. 56/64 et 58/64, Rec. CJCE 429. – CJCE 30 juin 1966, Technique
minière c/ LTM-Machinenbau Ulm GmbH, aff. 55/65, Rec. CJCE 337. – TPICE 14 juill. 1994,
Parker Pen Ltd c/ Commission, aff. T-77/92 , Rec. CJCE II-549 : les accords verticaux peuvent
constituer des accords au sens de l'art. 81 du Traité CE), prévoit, dans son paragraphe 3, que
l'interdiction ne s'applique pas si les quatre conditions suivantes sont remplies : l'accord
contribue à améliorer la production ou la distribution ou à promouvoir le progrès technique ou
économique ; il réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ; il
n'impose aux entreprises intéressées que des restrictions qui sont indispensables ; il ne
donne pas aux entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause,
d'éliminer la concurrence. Cette exemption peut être accordée à titre individuel ou à des
catégories d'accords.

Art. 1 er - Exemption individuelle


48. La question se pose de savoir, lorsque la Commission apprécie la conformité d'un accord
ou d'une pratique au regard des dispositions de l'article 101 du TFUE, si elle peut appliquer la
règle de raison, règle d'inspiration américaine qui permet d'écarter de l'interdiction des
ententes illicites les accords ou pratiques restrictives qui peuvent se prévaloir d'un bilan
concurrentiel positif. La Commission a parfois répondu par l'affirmative. La règle de raison a,
en effet, été appliquée dans le domaine de la distribution sélective et de la franchise (sur
cette question : FASQUELLE, Droit américain et droit communautaire des ententes, 1993, GLN-
Joly. – R. KOVAR, Le droit communautaire et la règle de raison, RTD eur. 1987. 237. – BEHAR-
TOUCHAIS et VIRASSAMY, Les contrats de distribution, 1999, LGDJ, p. 536). Cependant, le
Tribunal de première instance estime que l'existence d'une telle règle en droit de l'Union n'est
pas admise et qu'elle est difficile à concilier avec la structure des dispositions de l'article 81.
Selon lui, c'est seulement dans le cadre du paragraphe 3 de l'article 81 que les aspects pro- et
anticoncurrentiels peuvent être mis en balance (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84,
Rec. CJCE 353, point 24 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou. – TPICE 15 juill. 1994, Matra, aff.
T-17/93, Rec. CJCE II-595, point 48. – TPICE 23 oct. 2003, Van den Bergh Food Ltd c/
Commission, aff. T-65/98 , point 107, Rec. CJCE II-2641) et ce paragraphe perdrait une part
importante de son effet utile si ce bilan devait être établi sur le fondement du paragraphe 1 er
de l'article 81 (TPICE 18 sept. 2001, Métropole television [M6] et a., aff. T-112/99, Rec.
CJCE II-2459, point 74. – TPICE 23 oct. 2003, préc., point 107. – V. aussi TUE 29 nov. 2012,
CB, aff. T-491/07, points 85 s.).
49. Lorsqu'elle estime qu'un accord ou une pratique tombe sous le coup de l'article 101,
paragraphe 1 er, du TFUE, la Commission ne prononce pas forcément une condamnation. Elle
peut, en effet, accorder une exemption individuelle à cet accord, ou à cette pratique, s'il
remplit les quatre conditions exposées ci-dessus (V. supra, n o 47). Celles-ci étant cumulatives
(CJCE 17 janv. 1984, VBVB et VBBB, aff. jointes 43/82 et 63/82, Rec. CJCE 19, point 61. –
TPICE 15 juill. 1994, Matra, aff. T-17/93 , Rec. CJCE II-595, point 85. – TPICE 8 oct. 2002,
Métropole télévision SA [M6], aff. T-185/00 et a., Rec. CJCE II-3805, point 86), s'il est
constaté que l'une d'elles n'est pas remplie, il n'est pas nécessaire d'examiner les trois
autres. Conformément à l'article 9 du règlement du 6 février 1962 (cité supra, n o 18), la
Commission bénéficiait d'une compétence exclusive pour octroyer une exemption. Elle estimait
cependant qu'il convenait de lever l'obstacle à l'application décentralisée du droit
communautaire que constituait cette exclusivité et elle a remplacé la règle de compétence
exclusive par un système de partage des compétences (Règl. du Conseil du 16 déc. 2002,
art. 4 et 5). Les exemptions individuelles sont toujours accordées pour une durée déterminée.
La majorité d'entre elles sont limitées à dix ans, mais la Commission a également accordé
des exemptions individuelles pour cinq ans (six fois entre 1993 et 1997), sept ans (deux fois),
treize ans (deux fois) et même trente ans (une fois : Décis. n o 94/984 de la Commission du
13 déc. 1994, Eurotunnel, JOCE, n o L 354, 31 déc. : ce délai, exceptionnellement long, était
motivé par « le caractère exceptionnel de l'infrastructure en cause et la nécessité de créer des
conditions propres à assurer sa réussite »). Elles peuvent également être renouvelées si les
conditions d'application de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE continuent d'être remplies.
50. L'exemption individuelle est souvent accordée sous condition. À titre d'exemple, dans
l'affaire Grundig (citée supra, n o 47), la Commission européenne a subordonné l'exemption à
l'établissement d'un rapport annuel sur l'application de l'accord (Décis. n o 85/404 de la
Commission du 10 juill. 1985, JOCE, n o L 233, 30 août). L'exemption ainsi accordée met les
entreprises concernées à l'abri de toute critique, y compris devant les juridictions nationales.

Art. 2 - Exemption par catégorie


51. L'exemption peut également être accordée pour des catégories d'accords, de décisions ou
de pratiques concertées (Règl. du 2 mars 1965, considérant 1 er). Cette forme d'exemption
relève de la compétence du Conseil, qui a délégué son pouvoir à la Commission dans certains
domaines (V. supra, n o 37).
52. Elle présente un double avantage. D'abord, elle renforce la sécurité juridique : les
règlements d'exemption par catégorie de la Commission européenne présument que les
accords qui sont conformes aux conditions qu'ils fixent, répondent aux exigences de
l'article 101, paragraphe 3, du TFUE. Ces accords bénéficient donc d'une exemption
automatique de l'interdiction des ententes. L'exemption par catégorie permet également de
réduire les coûts pesant, tant sur les opérateurs économiques que sur les services de
contrôle. En revanche, les membres d'un réseau de distribution ne peuvent se prévaloir d'un
règlement d'exemption pour interdire l'activité des revendeurs hors réseau (CJCE 15 févr.
1996, Grand garage albigeois SA et a. c/ Garage Massol, aff. C-226/94 , Rec. CJCE I-667, et
Nissan France et a. c/ Jean-Luc Dupasquier du Garage sport auto et a., aff. C-309/94, Rec.
CJCE I-692 ; Europe avr. 1996, n o 156, obs. Idot ; RMCUE 1997. 130, obs. L. Vogel. –
SCARAMOZZINO et ARHEL, Activité des juridictions communautaires en matière d'ententes et
d'abus de position dominante, Cah. dr. entr. 1997, n o 5, p. 14 s. – Dans le même sens : Com.
9 juill. 1996, JCP E 1996. Pan. 1105).

Art. 3 - Droit interne


53. Le droit français s'inspire largement du droit de l'Union. Ainsi, l'article L. 420-4 du code de
commerce prévoit une possibilité d'exemption individuelle : « Ne sont pas soumises aux
dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques […] dont les auteurs peuvent
justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou
le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui
en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence
pour une partie substantielle des produits en cause. Ces pratiques […] ne doivent imposer des
restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre
cet objectif de progrès ». Le même article prévoit également une possibilité d'exemption par
catégorie : « Certaines catégories d'accords […], notamment lorsqu'ils ont pour objet
d'améliorer la gestion des entreprises moyennes ou petites, peuvent être reconnues comme
satisfaisant [aux conditions d'exemption] par décret… ». Cependant, ni l'exemption
individuelle, ni l'exemption par catégorie ne sont vraiment utilisées en France (sur cette
question : BEHAR-TOUCHAIS et VIRASSAMY, op. cit., p. 555. – RIFFAULT-SILK, article préc.).
Ainsi, l'ancien Conseil de la concurrence n'a que très rarement accordé le bénéfice d'une
exemption individuelle aux pratiques dont il était saisi (V. cep. Cons. conc. n o 88-D-37 du
11 nov. 1988, Groupement des cartes bancaires, BOCCRF 15 oct. ; Rec. Lamy n o 335, obs.
Gavalda). Ceci s'expliquait, sans doute, par le fait que le ministre de l'Économie ne saisissait
pas le Conseil à titre contentieux lorsqu'il estimait que les pratiques étaient susceptibles de
bénéficier d'une exemption. Mais ce facteur explicatif était insuffisant puisque le ministre
n'était à l'origine que d'un quart des saisines contentieuses (par ex., entre 2002 et 2005. –
Rapp. Cons. conc. 2005, p. 22). La véritable explication réside, sans doute, dans l'application,
par le Conseil (et aujourd'hui par l'Autorité de la concurrence), de la règle de raison. Cette
approche conduit l'Autorité de concurrence à limiter son raisonnement au stade de l'article
L. 420-1 du code de commerce, sans l'étendre à l'article L. 420-4. Le domaine de la
distribution connaît de nombreuses illustrations de cette règle. Ainsi, le Conseil a considéré
que la distribution sélective était conforme à l'article L. 420-1 dès lors que la sélection des
distributeurs respectait certaines conditions (V. infra, n os 225 s. – Cons. conc. n o 87-D-15 du
9 juin 1987, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, BOCCRF 17 juin ; Rev. conc.
consom. 1987, n o 39, obs. Pantz. – Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, BOCCRF 11 févr. 1997 ; CCC 1997. Comm. 50 ; Rev. conc.
consom. 1997, n o 96, obs. Robino ; Rec. Lamy n o 703, obs. Respaud ; LPA n o 73, 18 juin 1997,
obs. Arhel. – Cons. conc. n o 98-D-67 du 27 oct. 1998, Distribution d'articles de prêt-à-porter
féminin, BOCCRF 31 mars 1999 ; Lettre distrib. avr. 1999 ; CCC 1999. Comm. 93, obs.
Malaurie-Vignal). Cette règle de raison a été étendue à la distribution exclusive (V. infra,
n os 131 s. – Cons. conc. n o 91-D-22 du 14 mai 1991, Matériel pour kinésithérapeutes, BOCCRF
20 juill. ; Rec. Lamy n o 447, obs. Sélinsky ; CCC 1991. Comm. 185). Elle a également été
appliquée dans le domaine de la franchise. Ainsi, même quand le Conseil se référait au
règlement de la Commission du 30 novembre 1988 (cité supra, n o 22), il ne fondait pas sa
décision sur l'article L. 420-4, mais sur l'article L. 420-1 (BOUTARD-LABARDE et CANIVET,
Droit français de la concurrence, 1994, LGDJ, p. 63) ; a fortiori, lorsqu'il ne se référait pas au
règlement (Cons. conc. n o 99-D-49 du 6 juill. 1999, Y ves Rocher, BOCCRF 30 oct. ; LPA n o 211,
22 oct. 1999, obs. Arhel). La faculté de recourir à un règlement d'exemption n'a pas non plus
été utilisée par le gouvernement français dans le domaine de la distribution (V. Entente
[Com.]).
54. Les développements qui suivent seront d'abord consacrés à l'exemption par catégorie.
L'exemption individuelle ne sera pas pour autant négligée. Il conviendra, en effet, d'exposer la
jurisprudence sur laquelle les autorités de concurrence et le juge judiciaire peuvent s'appuyer
pour examiner de façon individuelle les accords non couverts par l'exemption par catégorie.
Après avoir étudié le règlement du 20 avril 2010 (V. infra, n os 55 s.), qui s'applique en principe
à l'ensemble des accords de distribution – y compris à la distribution de véhicules neufs,
depuis l'alignement de ce secteur sur le régime général des restrictions verticales intervenu en
2010 (ARHEL, Restrictions verticales : alignement partiel du secteur de l'automobile sur le
régime général, CCC 2010. Étude 10) –, nous verrons donc successivement la jurisprudence
relative aux systèmes de distribution exclusive (V. infra, n os 131 s.), sélective (V. infra,
n os 225 s.) et en franchise (V. infra, n os 306 s.). En revanche, l'exemption dont bénéficie le
secteur automobile ne sera pas examinée ici (V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]).

Chapitre 2 - Règlement du 20 avril 2010


55. Le système prévu par le règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18) permet de
distinguer trois catégories d'accords verticaux : 1 o ceux qui comportent une restriction figurant
dans la liste noire et qui ne peuvent, dès lors, bénéficier de l'exemption par catégorie ;
2 o ceux qui contiennent des restrictions n'affectant pas la concurrence sur le marché pris dans
son ensemble et ne sont, donc, pas interdits par le droit des ententes ; il n'est, dès lors, pas
nécessaire de vérifier s'ils peuvent bénéficier des dispositions de l'article 101, paragraphe 3,
du TFUE ; en effet, cette disposition n'est applicable qu'aux pratiques visées par l'article 101,
paragraphe 1 er – le même raisonnement s'impose pour les articles L. 420-1 et L. 420-4 du
code de commerce ; 3 o la troisième catégorie couvre les accords comportant des restrictions
visées par le droit des ententes, mais qui sont exemptées par le règlement du 20 avril 2010.
Ces trois catégories vont être examinées successivement.

Section 1 re - Liste noire

56. L'approche adoptée par le règlement du 20 avril 2010 permet de valider, en vertu de
l'article 101 du TFUE, toutes les restrictions verticales concernant les produits, finis ou
intermédiaires, ainsi que les services, à l'exception d'un nombre limité de restrictions
injustifiables – la Commission utilise aussi les termes « restrictions caractérisées » dans son
règlement du 20 avril 2010 ainsi que dans ses lignes directrices (en revanche, l'art. 101 du
TFUE ne se réfère pas à la notion de restriction caractérisée de la concurrence). Il s'agit des
accords ayant pour objet – un simple effet ne suffit donc pas – d'imposer à l'acheteur un prix
minimal ou un prix fixe de vente, de porter atteinte à la liberté de vente par un acheteur, de
restreindre les ventes aux utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution
sélective, de limiter les rétrocessions au sein des réseaux de distribution sélective et de
limiter la vente de composants sur le marché indépendant de l'après-vente (Règl. du 20 avr.
2010, art. 4). Ces accords entrent dans la catégorie des restrictions par objet. La présence
d'une clause noire entraîne la perte du bénéfice de l'exemption par catégorie pour l'ensemble
de l'accord (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 66). À titre de comparaison, le non-
respect d'une des conditions prévues à l'article 5 du règlement du 20 avril 2010 n'entraîne la
perte du bénéfice de l'exemption par catégorie que pour les parties de l'accord qui ne
respectent pas cette condition (Lignes directrices, n o 67). Les chances, pour des restrictions
caractérisées, de bénéficier d'une exemption individuelle sont très faibles. En effet, ce n'est
que dans des circonstances très exceptionnelles que ces restrictions sont susceptibles d'être
jugées indispensables au sens de l'article 101, paragraphe 3 (la Commission encourage
cependant les entreprises concernées à se prévaloir de gains d'efficience : V. supra, n o 25).
57. À titre d'illustration, dans l'affaire Nathan, la Commission a refusé l'octroi d'une
exemption individuelle à des restrictions aux ventes parallèles de matériels éducatifs en
soulignant qu'elle n'était pas de nature à améliorer la production ou la distribution du produit
en cause ou, en tout cas, n'était pas indispensable à cette fin. Selon elle, l'objectif légitime
de concentration des efforts de vente sur le territoire concédé était suffisamment atteint par
la restriction de commercialisation active. Elle a ajouté qu'« il est exclu que les restrictions à
la liberté des distributeurs exclusifs de pratiquer des ventes passives à l'extérieur de ces
territoires réservent aux établissements accueillant la petite enfance, notamment en France,
une part équitable des bénéfices qui pourraient en résulter ». Elle a également opposé un
refus analogue à des pratiques de fixation de prix. Sur cette deuxième pratique, elle a
notamment observé que le souci de maintenir une image de marque est légitime, mais qu'il
existe des moyens moins restrictifs de l'autonomie des parties pour atteindre l'objectif
recherché. Ainsi, « Nathan est libre de fixer le prix de vente à ses distributeurs qu'il juge
adéquat par rapport au coût objectif et au positionnement souhaité de ses produits sur le
marché » (Décis. Comm. CE du 5 juill. 2000, Éd. Nathan, aff. IV/136.516/F, Competition Policy
Newsletter oct. 2000, n o 3, p. 49, obs. Martinez-Lopez ; CCC 2001. Comm. 21, obs. Poillot-
Peruzzetto).
58. La possibilité d'une exemption, pour des pratiques de prix imposés, a été envisagée, dans
le secteur de la distribution de la presse, dans l'affaire Binon (CJCE 3 juill. 1985, aff. 243/83,
Rec. CJCE 2015) : « Le fait d'exiger, dans le cadre d'un système de distribution sélective de
produits de la presse qui affecte le commerce entre États membres, le respect de prix imposés
rend ce système incompatible avec l'article [81], paragraphe 1 er, du Traité, mais […] la
Commission peut examiner, lors de l'examen d'une demande d'exemption au titre de
l'article [81], paragraphe 3, si, dans un cas d'espèce, un tel élément d'un système de
distribution peut être justifié ». Cependant, il est peu probable que les conditions mises à
l'application de l'exemption puissent être remplies. En effet, la Cour de justice de l'Union
européenne considère qu'une telle exemption ne pourrait être accordée que si la fixation par
les éditeurs du prix de détail constitue le seul moyen pour supporter la charge économique qui
découle de la reprise des invendus, et si cette reprise des invendus constitue la seule
méthode pour arriver à mettre à la disposition des consommateurs un large assortiment des
produits de la presse. Or, on ne voit pas très bien en quoi le fait d'imposer un prix minimal
pourrait faciliter la reprise des invendus. Par ailleurs, la Commission n'a jamais accordé
d'exemption individuelle à une pratique de prix minimaux imposés, même dans le secteur de
la distribution de journaux.

Art. 1 er - Imposition de prix minimaux ou prix fixes de vente (Règl. du 20 avr. 2010,
art. 4, a)
59. La question des prix imposés ou fixes fait apparaître de profondes divergences d'opinions.
Certains auteurs y voient une forme de péché capital en droit de la concurrence (ARHEL, La
pratique…, op. cit., p. 177 s.) ; d'autres sont plus nuancés (JENNY, article préc., Cah. dr. entr.
1989, n o 4, p. 5 s. – RESPAUD, Rec. Lamy n o 679).
60. Les prix minimaux et les prix fixes de vente figurent en tête de la liste noire de l'article 4.
De ce point de vue, nous avons une continuité totale par rapport aux textes antérieurs
puisque chacun des règlements d'exemption qui régissait auparavant la distribution en réseau
refusait l'exemption aux entreprises qui recouraient à des prix imposés ou fixes (Règl.
n o 1983/83/CE du 22 juin 1983, cité supra, n o 22, considérant 8. – Règl. du 30 nov. 1988, cité
supra, n o 22, considérant 13 et art. 5. – Règl. du 28 juin 1995, cité supra, n o 22, art. 6. 1. 6. –
Règl. du 22 déc. 1999, cité supra, n o 8, art. 4). Les règles relatives aux prix minimaux et aux
prix fixes avaient par ailleurs été reprises à l'identique par l'ancien règlement automobile du
31 juillet 2002 (cité supra, n o 22, art. 3). La pratique de prix minimaux et de prix fixes
constitue une restriction de concurrence par son objet, c'est-à-dire qu'elle affecte, par sa
nature même, le jeu de la concurrence, et tombe donc sous le coup de l'article 101 du TFUE
sans qu'il y ait lieu de prouver in concreto les effets probables sur le jeu de la concurrence à
partir d'une analyse de la structure du marché. On retrouve la même approche dans la
pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence. Bien plus, même lorsqu'il est
improbable que la pratique puisse produire un effet négatif sur la concurrence – par exemple,
sur un marché très concurrentiel, il est peu probable que des prix imposés par certains
fournisseurs puissent produire des effets anticoncurrentiels – de nombreux systèmes
juridiques l'interdisent de façon systématique pour des raisons d'efficacité dans la mise en
œuvre des règles de concurrence. La Commission européenne encourage néanmoins les
entreprises à se prévaloir de gains d'efficience en vue de l'obtention d'une exemption
individuelle. Ce faisant, elle s'aligne sur la jurisprudence américaine (Cour suprême, 28 juin
2007, Leegin Creative Leather Prods. V. PSKS, Inc., 2007 W L 1835892. – SÉLINSKY et
MONTET, États-Unis : revirement de jurisprudence sur les prix minima de revente imposés,
RLC 2007/13, n o 892. – MARTIN et HERBATSCHEK, Le prix minimum de revente aux USA : qui
a le droit de faire le droit ?, RLC 2008/14, n o 1041). À titre d'illustration, elle a précisé que
« Lorsqu'un fabricant lance une nouvelle marque ou entre sur un nouveau marché, les prix de
vente imposés peuvent notamment être utiles pour inciter les distributeurs à mieux tenir
compte de l'intérêt du fabricant à développer la demande pour le produit en question »
(Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 221). À son tour, la cour d'appel de Paris a
également considéré que les entreprises poursuivies pour des pratiques de prix minimum
imposés peuvent se défendre en faisant valoir des gains d'efficience (Paris, 26 janv. 2012,
Beauté Prestige International et a., RG n o 2010/23945).

61. L'interdiction des prix minimaux ou prix fixes de revente résultant de l'application des
règles de l'Union est complétée par celle prévue aux articles L. 420-1 (« Sont prohibées […]
les actions concertées […] notamment lorsqu'elles tendent à […] faire obstacle à la fixation
des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse »), L. 420-2 (le
prix imposé n'est pas expressément visé dans la liste des abus figurant à l'art. L. 420-2, mais
cette liste n'est pas exhaustive) et L. 442-5 du code de commerce (« est puni le fait […]
d'imposer directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit
ou d'un bien, au prix d'une prestation de services ou à une marge commerciale »). Les plaintes
sont relativement rares car, à l'exception notable des consommateurs, la plupart des
opérateurs économiques acceptent volontiers la discipline de prix qui leur est imposée : « La
grande majorité des distributeurs est déjà opposée par habitude à une politique de prix bas et
accepte normalement de bon gré toute initiative visant au maintien d'une marge bénéficiaire
élevée, de sorte qu'un producteur souhaitant appliquer le système de manière abusive ne
serait obligé de refuser l'admission ou de menacer de sanctions que dans les cas de
commerçants pratiquant une politique de prix très agressive » (CJCE 25 oct. 1983, AEG-
Telefunken, aff. 107/82, Rec. CJCE 3151, spéc. point 45).
62. Notons également que, si les pratiques visées par ces différents textes sont de même
nature, en revanche, les éléments de qualification diffèrent. Ainsi, un accord doit être établi
pour l'application des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce (ex : Cons. conc.
n o 03-D-66 du 23 déc. 2003, BOCCRF 13 févr. 2004), alors qu'il n'est pas nécessaire pour
l'article L. 442-5. Par ailleurs, l'article 101 du TFUE ne vise que les pratiques qui affectent de
manière sensible le commerce entre États membres alors que cette condition n'est pas prévue
par les dispositions du code de commerce. Quant à l'application de l'article L. 420-2 (et de
l'art. 102 du TFUE), elle ne peut être envisagée qu'à l'encontre d'une entreprise détenant une
position dominante ; en revanche, et même si certaines décisions ont pu donner l'impression
du contraire (Versailles, 12 sept. 1990, BID 1/1991. – Versailles, 14 mai 1992, BID 11/1992 ;
RJDA 8-9/1992, n o 849 ; Lettre distrib. sept. 1992), l'importance du fournisseur n'est pas une
condition d'application de l'article L. 442-5. Enfin, les pratiques d'imposition d'un prix minimal
ou fixe ne sont pas interdites par l'article L. 420-1, lorsque les distributeurs sont implantés
dans des zones de chalandises différentes, alors que ce facteur n'est pas pris en compte dans
l'application de l'article L. 442-5 du code de commerce ou de l'article 101 du TFUE.

63. Les cas d'application formelle du droit communautaire de la concurrence aux prix imposés
ou fixes sont relativement peu nombreux. On relèvera cependant les affaires AEG-Telefunken
(CJCE 25 oct. 1983, cité supra, n o 61), Éd. Nathan (Décis. Comm. CE du 5 juill. 2000, citée
supra, n o 57), Volkswagen (Décis. n o 2001/711 de la Commission du 29 juin 2001, aff.
COMP/F-2/36.693, JOCE, n o L 262, 2 oct. ; communiqué presse Comm. CE n o IP/01/760. –
ARHEL, Sévère condamnation d'une pratique de prix imposés. La deuxième affaire Volkswagen,
LPA n o 152, 1 er août 2001, p. 5 s.) et Mercedes-Benz (Décis. Comm. CE du 10 oct. 2001,
communiqué presse Comm. CE n o IP/01/1394. – ARHEL, Les péchés impardonnables du
secteur de l'automobile [suite]. L'affaire Mercedes, LPA n o 213, 24 oct. 2002, p. 7 s. – GAMBS
et SCHUMM, T he Fourth Prohibition Decision in the Area of Car Distribution in Four Y ears. T his
T ime it's Mercedes'T urn, Competition Policy Newsletter, févr. 2002, n o 1, p. 56 s.). On notera
également que, dans l'affaire Pronuptia (Décis. n o 86/17 de la Commission du 17 déc. 1986,
JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 12 c), la Commission a exigé la suppression d'une
clause qui interdisait au franchisé de pratiquer des prix pouvant nuire à l'image de marque des
produits contractuels ; cette obligation avait alors été remplacée par l'indication d'un prix
maximal recommandé dont le franchisé pouvait tenir compte dans le cadre de ses actions
promotionnelles et publicitaires. Le nombre relativement faible des décisions formelles
s'explique, sans doute, par le fait que la plupart des pratiques de prix imposés sont limitées
au territoire d'un État membre, ce qui rend difficile l'application de l'article 101 du TFUE. À
titre d'exemple, la Commission européenne avait envisagé de condamner le système de prix
imposé existant aux Pays-Bas dans le secteur du livre. Cependant, les parties ayant modifié
ce système après la notification des griefs, en supprimant le système de prix imposés
verticalement pour les livres étrangers, la Commission a considéré que le régime de prix
imposé n'était plus susceptible d'avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires et
a abandonné la procédure (communiqué presse Comm. CE n o IP/99/668 du 9 sept. 1999). La
Commission a adopté une position analogue à propos de prix imposés dans le secteur de
l'édition en Allemagne (communication Comm. CE, en application de l'art. 19. 3 du règlement
du Conseil n o 17/62 du 6 févr. 1962, Sammelrevers, COMP/34657 et Einzelreverse,
COMP/35.245-35.251, JOCE, n o C 162, 10 juin 2000, spéc. point 25).
64. Article L. 420-1 du code de commerce. - Le Conseil de la concurrence a souvent eu
l'occasion d'appliquer l'article L. 420-1 du code de commerce à des pratiques d'imposition d'un
prix minimal : clause contractuelle subordonnant l'octroi d'une ristourne au respect de la
législation interdisant la revente à perte ou condamnant les prix d'appel (Cons. conc. n o 88-D-
47 du 6 déc. 1988, Philips, BOCCRF 29 déc. ; Rec. Lamy n o 342, obs. Calvo ; Rev. conc.
consom. 1988, n o 66, obs. Liger. – Versailles, 16 mars 1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 526, cité par
ARHEL, Les pratiques de prix imposés. Études de la Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF], 1992, Imprimerie nationale,
ann. II. – Cons. conc. n o 91-D-50 du 13 nov. 1991, Petits appareils électroménagers, BOCCRF
11 déc. ; Rec. Lamy n o 468, obs. Momège et Gastaldy. – Cons. conc. n o 94-D-55 du 18 oct.
1994, Outillage électroportatif, BOCCRF 9 déc. ; Rec. Lamy n o 610, obs. Sélinsky), interdiction
par une organisation professionnelle à ses adhérents de toute prestation de services à perte,
alors que la loi ne s'applique qu'à la revente de produits (Cons. conc. n o 96-D-24 du 9 avr.
1996, Administration de biens et expertise immobilière, BOCCRF 3 sept. ; Rec. Lamy n o 683,
obs. Sélinsky), interdiction d'intégrer des ristournes dans les prix (Cons. conc. n o 93-D-40 du
12 oct. 1993, Outillage à main, BOCCRF 4 déc. – Cons. conc. n o 94-D-60 du 13 déc. 1994,
Secteur des lessives, BOCCRF 18 févr. 1995 ; CCC 1995. Comm. 31 ; Rev. conc. consom. 1995,
n o 85, obs. Lébé), dissimulation de ristournes aux adhérents (Cons. conc. du 13 déc. 1994,
préc. – Cons. conc. n o 97-D-49 du 24 juin 1997, réseau Krys, BOCCRF 17 sept. ; LPA n o 35,
23 mars 1998, obs. Arhel ; Rec. Lamy n o 728, obs. Meffre), interdiction de la pratique du
produit « d'appel » (Cons. conc. n o 96-D-76 du 26 nov. 1996, Autodesk, BOCCRF 11 févr.
1997 ; LPA n o 83, 11 juill. 1997, obs. Arhel ; Rec. Lamy n o 711, obs. Sélinsky), interdiction des
pratiques de promotion avec discount systématique (Cons. conc. n o 01-D-45 du 19 juill. 2001,
Casino France, BOCCRF 24 sept.). La question s'est posée de savoir si l'interdiction absolue
qui caractérise les prix fixes et les prix minimaux imposés fait obstacle à l'application du
principe de l'effet sensible. Le Conseil de la concurrence a répondu par la négative dans la
présentation qu'il a faite de l'affaire Benetton, dans son rapport pour 2001. Il a d'abord
rappelé que l'un des enseignements les plus intéressants de l'affaire Benetton résultait de ce
qu'il n'a pas exclu l'application du seuil de minimis, même pour une pratique de prix imposés.
Il a ensuite donné les explications suivantes : « À cet égard, il convient d'observer que si les
clauses de prix et les pratiques qui les sous-tendent sont qualifiées par le règlement du
22 décembre 1999 comme des clauses noires qui excluent l'application de l'exemption qu'il
énonce, cette exclusion a pour effet de faire retomber l'accord ou la pratique examinés dans le
droit commun des restrictions verticales, au regard duquel il doit alors être examiné. Or, dans
ce cadre, il résulte de la jurisprudence nationale que l'effet ou la potentialité d'effet sensible
constitue un élément de qualification de la pratique. La part détenue sur le marché par
l'entreprise en cause peut donc, dans certains cas, être un élément d'appréciation
suffisamment significatif » (Rapp. Cons. conc. 2001, p. 69). Le Conseil de la concurrence a
confirmé cette analyse dans l'affaire Cuisines Plus (Cons. conc. n o 03-D-39 du 4 sept. 2003,
BOCCRF 17 déc.), mais il l'a par la suite abandonnée : « En l'absence de restrictions
caractérisées, le Conseil examine l'affectation potentielle du marché et considère que, lorsque
la part de marché du fournisseur ne dépasse pas 15 %, il n'y a pas d'effet sensible sur le
marché » (Cons. conc. n o 04-A-14, 23 juill. 2004, SEBI, BOCCRF 26 avr. 2005. – Sur la position
de la Commission européenne, V. infra, n o 70).

65. Article L. 420-2 du code de commerce. - Les applications de l'article L. 420-2 du code de
commerce aux pratiques de prix imposés sont peu nombreuses. Une première application a
été faite dans l'affaire des jeux vidéos électroniques. La pratique en cause était une menace
de refus de vente à des distributeurs qui pratiquaient des prix jugés trop bas (Cons. conc.
n o 93-D-56 du 7 déc. 1993, Jeux vidéo électroniques, BOCCRF 9 févr. 1994 ; Rec. Lamy n o 568,
obs. Sélinsky). Le Conseil de la concurrence a de nouveau appliqué l'article L. 420-2 dans
l'affaire Mattel (Cons. conc. n o 99-D-45 du 30 juin 1999, BOCCRF 11 déc.). Il s'agissait cette
fois de diverses clauses contractuelles tendant à contraindre explicitement ou implicitement
les distributeurs à se conformer à la politique de prix du fournisseur.
66. Article L. 442-5 du code de commerce. - Les pratiques suivantes ont été condamnées
sur le fondement de l'article L. 442-5 du code de commerce : conditions de vente comportant
une clause pénale subordonnant l'octroi des remises au respect par les revendeurs de la
« législation économique et de la concurrence et notamment […] de la loi interdisant la vente
à perte [et] des textes qui condamnent la politique du prix d'appel » (Versailles, 16 mars
1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 526, cité par ARHEL, Les pratiques de prix…, op. cit., ann. II), offre
faite par un fournisseur de rembourser au consommateur une partie du prix dans l'hypothèse
où celui-ci achèterait le produit auprès d'un détaillant pratiquant un prix supérieur à un certain
niveau (même arrêt), interdiction faite au distributeur de répercuter des avantages tarifaires
dans son prix de vente (TGI Laval, 1 er déc. 1983, Rev. conc. consom. 1984, n o 26. – Paris,
19 déc. 1994, BID 6/1995, p. 14. – Paris, 24 nov. 1992, Rev. conc. consom. 1993, n o 74, obs.
Arhel), organisation de l'opacité tarifaire (Com. 19 mai 1992, Lettre distrib. juill.-août 1992)
et interdiction des ventes « discount » (Paris, 6 mai 1994, M., inédit. – Pau, 22 juin 1995,
Lettre distrib. sept. 1995. – Cependant contra : Paris, 9 déc. 1992, Rev. conc. consom. 1993,
n o 72, obs. Arhel ; Lettre distrib. févr. 1993 ; D. 1994. Somm. 168, obs. Gavalda et Lucas de
Leyssac ).

Art. 2 - Limitation de la liberté de revendre (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, b)


67. La deuxième série de restrictions caractérisées concerne les accords et pratiques
concertées visant à limiter la liberté de vente d'un acheteur. Notons d'abord que l'interdiction
comporte quatre exceptions : 1 o la restriction des ventes actives vers un territoire exclusif ou
une clientèle exclusive réservés au fournisseur ou concédés par le fournisseur à un autre
acheteur ; 2 o la restriction des ventes aux utilisateurs finals par un acheteur qui opère en tant
que grossiste sur le marché ; 3 o la restriction des ventes en dehors des réseaux de
distribution sélective, qui sera examinée ci-après (V. infra, n os 225 s.) ; 4 o les limites
apportées à la liberté de vente des acheteurs de composants qui sont fournis en vue de leur
incorporation dans d'autres biens ou services – la même interdiction, assortie des mêmes
exceptions, a été reprise par le règlement automobile (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, b). Pour
l'essentiel, cette deuxième série de restrictions caractérisées vise l'octroi d'une protection
territoriale absolue aux distributeurs. La Commission, approuvée par la Cour de justice des
Communautés européennes, a, dès ses premières décisions, fait preuve d'une particulière
sévérité à l'égard de telles pratiques (CJCE 13 juill. 1966, Consten, aff. 56/64, et Grundig c/
Commission, aff. 58/64, Rec. CJCE 429). Elle estime, en effet, que l'exigence d'intégration
implique qu'un distributeur ne peut prétendre assurer toutes les ventes à l'intérieur de la zone
qui lui a été concédée et que tout consommateur doit pouvoir s'approvisionner auprès des
distributeurs de son choix. Ces principes ont été abondamment appliqués dans le secteur de
la distribution automobile (V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]). La Commission a
par ailleurs, dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales (citées supra, n o 19),
fourni plusieurs exemples concrets de restrictions caractérisées concernant la vente en ligne.

68. Dès lors que le droit français ne poursuit pas le même objectif d'intégration des marchés
que le droit communautaire, on aurait pu s'attendre au rejet du principe de condamnation per
se en faveur d'une analyse concrète des pratiques dans le cadre du marché. Il n'en est rien :
la protection territoriale absolue conférée aux distributeurs est également condamnée de
façon systématique par les autorités françaises dans la mesure où elle conduit à cloisonner le
marché. À titre d'exemple, le Conseil de la concurrence a condamné les mises en garde
publiées par un distributeur exclusif visant à informer les utilisateurs qu'il n'assurerait pas le
service après-vente d'appareils achetés auprès d'autres importateurs situés sur son territoire
(Cons. conc. n o 97-D-21 du 25 mars 1997, Appareils de détection des métaux, BOCCRF
8 juill. ; Rec. Lamy n o 724, obs. Arhel), l'interdiction, assortie de sanction (retards de
livraison, non-conformité des produits livrés aux produits commandés, commandes non livrées
sous prétexte que les pièces ne sont plus fabriquées, alors qu'elles figurent au catalogue),
faite aux membres d'un réseau de distribution exclusive d'approvisionner un ancien
concessionnaire (Cons. conc. n o 97-D-42 du 4 juin 1997, Magneti Marelli, BOCCRF 17 sept.) ou
de commercialiser le produit en cause dans un territoire placé hors de France (Cons. conc.
n o 00-D-35 du 26 sept. 2000, Appareils de nettoyage à vapeur, BOCCRF 5 déc.), les entraves
à la vente sur le territoire français de produits provenant d'autres États membres de l'Union
européenne (Cons. conc. 26 sept. 2000, préc.) et le refus, opposé par des fournisseurs,
d'apporter une assistance technique aux ventes réalisées par les distributeurs agréés en
dehors de leur zone d'exclusivité (Cons. conc. n o 02-D-57 du 19 sept. 2002, Roulements à
billes, BOCCRF 28 nov.).

69. La sévérité qui caractérise en général l'appréciation de la protection territoriale absolue


s'oppose-t-elle à l'application des règles générales relatives à l'effet sensible ? La Cour de
justice a répondu par la négative. Elle a en effet considéré qu'une protection territoriale
absolue échappait à la prohibition de l'article 81 du Traité de Rome (devenu art. 101 du
TFUE), lorsque l'accord en cause n'affectait le marché que d'une façon insignifiante
(CJCE 9 juill. 1969, Völk c/ Vervaecke, aff. 5/69, Rec. CJCE 295. – V. aussi TPICE 14 juill.
1994, Parker Pen Ltd c/ Commission, aff. T-77/92 , Rec. CJCE II-549. – CJCE 28 avr. 1998,
Javico International, aff. C-306/96 , Rec. CJCE I-1983 ; LPA n o 98, 17 août 1998, obs. Arhel ;
LPA n o 7, 11 janv. 1999, obs. Colombani, Tétu et Tsoraklidis ; D. Affaires 1998. 1481 ; Europe
juin 1998, n o 199, obs. Idot ; CCC 1998. Comm. 16 ; RTD eur. 1999. 275, obs. Blaise et Idot
; Dr. et patr. mars 1999. Chron. 69, obs. Prieto. – Cons. conc. n o 98-D-62 du 13 oct. 1998,
Distribution des appareils médicaux, BOCCRF 12 déc. ; CCC 1999. Comm. 11, obs. Malaurie-
Vignal. – TPICE 3 avr. 2003, BaByliss SA, aff. T-114/02 , Rec. CJCE II-1279). Elle a, par
exemple, énoncé que « même un accord contenant une protection territoriale absolue échappe
à la prohibition de l'article 85 du Traité de Rome, lorsqu'il n'affecte le marché que d'une
manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu'occupent les intéressés sur le
marché des produits en cause » (CJCE 28 avr. 1998, Javico International, préc., spéc.
point 17).

70. La question s'est posée de savoir si cette position de la Cour de justice devait être prise
en compte lors de la révision de la communication du 15 octobre 1997 sur les accords
d'importance mineure. La Commission y a, en effet, indiqué que l'application de l'article 81,
paragraphe 1 er, du Traité de Rome (devenu art. 101-1 du TFUE) à la protection territoriale
absolue, ne pouvait être exclue, même si les parts de marché détenues par l'ensemble des
entreprises participantes restent inférieures au seuil de 10 % (communication Comm. CE du
15 oct. 1997, citée supra, n o 29). La réponse de la Commission sur cette question a été
hésitante. Elle a d'abord répondu par la négative. Elle estimait, en effet, que l'arrêt Javico
(préc.) ne remettait pas en cause la position antérieure. Citant notamment cet arrêt, elle a
affirmé qu'« en ce qui concerne les restrictions caractérisées décrites dans la communication
de minimis, l'article 81, paragraphe 1 er, peut s'appliquer en dessous du seuil de 10 %, à
condition qu'il y ait un effet sensible sur le commerce entre les États membres et sur la
concurrence. À cet égard, il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes et du Tribunal de première instance » (Lignes directrices [citées
supra, n o 19], n o 10). Dans un deuxième temps, la Commission a manifesté la volonté
d'intégrer la jurisprudence Javico dans son nouveau projet de communication de minimis. Elle
y a, en effet, indiqué que « [les] restrictions flagrantes peuvent […] échapper à l'interdiction
établie à l'article 81, paragraphe 1 er, en particulier dans les cas où l'accord n'affecte pas le
commerce entre États membres. Il ressort de la jurisprudence, spécialement en matière de
protection territoriale dans les accords verticaux, que l'article 81, paragraphe 1 er, n'est pas
violé lorsque les accords n'affectent les marchés en cause que d'une manière insignifiante en
raison de la faible position qu'occupent les parties intéressées sur ces marchés […]. Les
accords entre petites et moyennes entreprises […] sont rarement en mesure d'affecter le
commerce entre États membres » (JOCE, n o C 149, 17 mai, spéc. points 12 et 18 in fine).
Cédant à la pression de certains États membres, elle a, cependant, supprimé cette dernière
disposition dans le texte définitif de la communication (communication Comm. CE du 22 déc.
2001, citée supra, n o 29).

71. Toutefois, sa position ne semble pas solidement établie. La brochure explicative qu'elle a
publiée en 2002 et concernant le secteur automobile indiquait, en effet, que les restrictions
caractérisées « constituent en général » une restriction sensible de la concurrence, même
lorsque les parts de marché sont faibles (Brochure explicative 2002, spéc. n o 47 [bas de
page]). L'utilisation des mots « en général » implique que le seuil de minimis peut également,
dans certains cas, s'appliquer aussi aux restrictions caractérisées.

Art. 3 - Autres restrictions caractérisées


72. Interdiction des ventes actives ou passives aux utilisateurs finals imposés aux
membres d'un réseau de distribution sélective (Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, c) - Les
distributeurs agréés doivent pouvoir revendre les produits à n'importe quel utilisateur final.
Ceci implique que, dans un système de distribution sélective, par exemple, le distributeur
devrait être libre de faire de la publicité et de vendre via l'internet. Cela implique également
que la distribution sélective peut être combinée avec une distribution exclusive sous réserve
que les ventes actives et les ventes passives ne soient nulle part limitées (Lignes directrices
[citées supra, n o 19], n o 58). En revanche, l'article 4, c du règlement du 20 avril 2010 prévoit
que le fournisseur peut, sans perdre le bénéfice de l'exemption par catégorie, limiter la liberté
du distributeur de choisir la localisation de ses points de vente. Ce texte précise même que le
fournisseur peut « interdire à un membre du système d'exercer ses activités à partir d'un lieu
d'établissement non autorisé » (cependant, l'interdiction de vendre les produits contractuels
par internet n'équivaut pas à une interdiction d'opérer à partir d'un lieu d'établissement non
autorisé : CJUE 13 oct. 2011, PFDC, aff. C-439/09 , Rec. CJUE I-09419). Est ainsi étendue à
la distribution sélective une règle admise pendant longtemps dans le domaine de la franchise
(CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. point 19 ; D. 1986.
Somm. 273, obs. Cartou). Il convient encore de préciser que les termes « distribution
sélective » mentionnés à l'article 4, c du règlement visent la pratique consistant à réserver la
distribution des produits à des distributeurs sélectionnés en fonction de critères déterminés
par le fournisseur, et non pas un système de distribution précis. En d'autres termes,
l'article 4, c du règlement est applicable à tous les systèmes de distribution dont les membres
sont choisis par le fournisseur sur la base de critères de sélection, ce qui inclut, en particulier,
la franchise. Il en résulte notamment, mais on y reviendra dans le chapitre relatif aux accords
de franchise (V. infra, n os 306 s.), que les franchisés ne peuvent plus bénéficier de la
protection contre la concurrence active des autres franchisés que leur accordait l'article 2 du
règlement du 30 novembre 1988 (cité supra, n o 22).

73. Interdiction des rétrocessions à l'intérieur des systèmes de distribution sélective


(Règl. du 20 avr. 2010, art. 4, d) - L'interdiction des rétrocessions sera examinée dans le
chapitre relatif à la distribution sélective (V. infra, n os 269 s.).

74. Liberté des prestataires de services d'acquérir les pièces de rechange (Règl. du
20 avr. 2010, art. 4, e) - Le fournisseur ne peut porter atteinte à la liberté des prestataires
de service, notamment les réparateurs indépendants, et à celles des utilisateurs finals,
d'acquérir les pièces de rechange. Une restriction caractérisée analogue figure dans le
règlement automobile n o 461/2010 du 27 mai 2010 (cité supra, n o 22).
Art. 4 - Sanction des restrictions caractérisées

§ 1 er - Règles applicables à l'ensemble des restrictions caractérisées


75. Les clauses caractérisées n'ayant pu bénéficier d'une exemption individuelle sont, par
hypothèse, interdites par l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE. Elles sont donc passibles des
sanctions pécuniaires prévues par le droit des ententes. Le règlement du 20 avril 2010 (cité
supra, n o 18) prévoit, par ailleurs, que la présence d'une clause noire dans un accord entraîne
la perte de l'exemption par catégorie pour l'ensemble de l'accord (Règl. du 20 avr. 2010,
art. 4). Les clauses noires sont également frappées de nullité et réputées nulles et non
avenues (TFUE, art. 101-2. – Et, pour le droit national, C. com., art. L. 420-3, ainsi que
C. civ., art. 6 et 1131) à partir de la date de la conclusion de l'accord ou, le cas échéant, à
compter de l'insertion des clauses incriminées dans l'accord. Les autres clauses de l'accord ne
sont pas nulles pour autant. Une clause nulle ne devrait entraîner la nullité de la totalité du
contrat que si elle en constitue une cause impulsive et déterminante. La volonté des parties
peut être analysée de façon rétrospective. Quant aux conséquences de la nullité pour les
commandes passées et pour les livraisons effectuées sur la base de l'accord et les obligations
de paiement qui en découlent, elles ne relèvent pas du droit de l'Union mais du droit national
(CJCE 14 déc. 1983, SA de vente de ciments et bétons c/ Kerpen & Kerpen, aff. 319/82, Rec.
CJCE 4185, spéc. attendus 11 et 12).

§ 2 - Règles applicables aux pratiques de prix imposés ou fixes


76. Les sanctions examinées (V. supra, n o 75) sont, bien sûr, applicables également aux
pratiques de prix imposés ou fixes. Mais celles-ci sont aussi susceptibles de faire l'objet
d'autres sanctions.

77. Amendes pénales. - Rappelons que la pratique de prix minimaux imposés constitue un
délit pénal sanctionné par l'article L. 442-5 du code de commerce et est passible d'une
amende pouvant atteindre 15 000 €. Divers tribunaux ont infligé une telle amende aux
dirigeants des entreprises qui se sont livrées à des prix imposés. Dans certains cas, ces
amendes ont été infligées parallèlement aux sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil
de la concurrence pour les mêmes faits. Par exemple, le dirigeant d'un fournisseur de matériel
hi-fi a été condamné, sur le fondement de l'article L. 442-5, à une amende de 30 000 F
(T. corr. Nanterre, 19 avr. 1988, inédit. – Confirmé par Versailles, 16 mars 1989, Gaz. Pal.
1989. 2. 526, cité par ARHEL, Les pratiques de prix…, op. cit., ann. II), au moment où le
Conseil instruisait une affaire ayant conduit, quelques mois plus tard, et pour les mêmes
faits, à la condamnation de l'entreprise elle-même à une sanction pécuniaire pour violation de
l'article L. 420-1 du code de commerce (Cons. conc. n o 88-D-47 du 6 déc. 1988, Philips,
BOCCRF 29 déc. ; Rec. Lamy n o 342, obs. Calvo ; Rev. conc. consom. 1988, n o 66, obs. Liger).
De même, le responsable d'une entreprise fabriquant du matériel de ski s'est vu infliger une
amende de 100 000 F (T. corr. Annecy, 13 oct. 1989, inédit. – Pour une amende réduite en
appel : Chambéry, 22 nov. 1990, cité par ARHEL, Les pratiques de prix…, op. cit., ann. IV)
avant que le Conseil, saisi également de l'affaire, n'inflige à l'entreprise une amende de
1 000 000 F (Cons. conc. n o 91-D-03 du 15 janv. 1991, Marché de la chaussure de ski, BOCCRF
12 févr. ; Rec. Lamy n o 429, obs. Sélinsky). Dans le même sens, le Conseil de la concurrence a
infligé une sanction pécuniaire à un fournisseur de logiciels de jeux vidéos électroniques
(Cons. conc. n o 95-D-62 du 26 sept. 1995, BOCCRF 15 déc. ; DPDA 1 er févr. 1996, Bull. 422,
p. 952) après que son dirigeant a été condamné à une amende. On a parfois vu dans ce cumul
de sanctions une violation du principe non bis in idem. Cependant, si les faits sont identiques,
les pratiques sont différentes : « L'entente sur laquelle le Conseil s'est prononcé est distincte
du délit de prix imposés reproché à la même société et sur lequel ont statué les juridictions
pénales » (Paris, 23 sept. 1991, Rev. conc. consom. 1991, n o 62, obs. Souty). Par ailleurs, le
Conseil constitutionnel estime que le principe selon lequel une personne ne peut être punie
deux fois pour le même fait ne reçoit pas application en cas de cumul entre sanctions pénales
et sanctions administratives, ce qui est le cas respectivement des sanctions infligées sur le
fondement des articles L. 442-5 et L. 420-1 du code de commerce (Cons. const. 28 juill. 1989,
n o 89-260 DC, JO 1 er août).
78. Résolution du contrat. - Une juridiction a prononcé la résolution d'un contrat de franchise
au motif que le franchiseur s'immisçait de façon excessive dans l'exploitation des commerces
des franchisés. Il lui était, notamment, reproché d'imposer les prix de revente (Paris, 10 mars
1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 544, note Jamin ; Rev. conc. consom. 1989, n o 48, obs. Bernaud ;
LPA n o 37, 28 mars 1990, obs. Gast).

79. Dommages et intérêts. - La Cour de cassation a admis que le distributeur victime d'une
pratique de prix imposés subit un préjudice susceptible d'être réparé (Crim. 5 nov. 1990, RJDA
1/1991, n o 39). Il appartient, cependant, à la partie civile de rapporter la preuve de ce
préjudice, dès lors que cette preuve ne se déduit pas de la seule constatation du délit (Metz,
14 juin 1990, BID 1/1991). On notera encore que, dans un cas où la résolution du contrat de
franchise a été prononcée (Paris, 10 mars 1989, Gaz. Pal. 1989. 2. 544, note Jamin ; Rev.
conc. consom. 1989, n o 48, obs. Bernaud ; LPA n o 37, 28 mars 1990, obs. Gast), la juridiction
a estimé que le montant des dommages-intérêts accordés aux franchisés devait tenir compte
« des prestations et avantages dont ils ont en fait conservé le bénéfice pendant un certain
laps de temps, ainsi que des sommes dont ils étaient redevables ». Le contrat de distribution
est, en effet, un contrat à exécution successive et la résolution n'a donc pas d'effet rétroactif.

Section 2 - Accords non restrictifs

80. Un certain nombre d'accords verticaux sont considérés comme ne tombant pas sous le
coup de l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE. Il n'est, dès lors, pas nécessaire de vérifier
s'ils peuvent bénéficier de l'exemption résultant de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE (Com.
17 nov. 1998, n o 96-15.138 , D. Affaires 1999. 286 ; RJDA 1/1999, n o 30). Divers types
d'accords retiendront l'attention. Ces accords peuvent d'abord être exclus du champ
d'application de l'article 101, paragraphe 1 er, en vertu des règles générales applicables aux
ententes. Tel est le cas des accords d'importance mineure (V. infra, n os 81 s.). Dans d'autres
cas, les motifs de l'exclusion sont plus spécifiques (prix maximaux, prix conseillés. – V. infra,
n os 86 s.). Il faut ajouter également, pour ne citer que ces exemples, les accords de
distribution sélective (V. infra, n os 225 s.) et de franchise (V. infra, n os 306 s.), pour lesquels
on renvoie le lecteur aux rubriques de ce Répertoire qui leur sont respectivement consacrées
pour de plus amples développements (V. Distribution [Com.] et Franchise [Com.]). On se
bornera ici à préciser que la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la
sélection des revendeurs « en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif [et]
appliqués de façon non discriminatoire » n'est pas restrictive de concurrence (CJCE 25 oct.
1977, Metro I, aff. 26/76, Rec. CJCE 1875). De même, la Cour de justice estime qu'un contrat
de franchise ne porte pas en soi atteinte à la concurrence et que les clauses nécessaires au
bon fonctionnement de la franchise ne constituent pas des restrictions de la concurrence au
sens de l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84,
Rec. CJCE 353 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou).

Art. 1 er - Accords d'importance mineure


81. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les accords qui n'affectent pas le
commerce intracommunautaire et la concurrence de manière sensible ne relèvent pas de
l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE. Tel est le cas, selon la Commission, des accords
verticaux lorsque les parts de marché détenues par l'ensemble des entreprises participantes
ne dépassent pas un certain seuil – ce seuil était de 10 % dans la communication du
15 octobre 1997 (citée supra, n o 29) ; il a été porté à 15 % par la communication du
22 décembre 2001 (V. supra, n o 29).

82. Quant aux accords verticaux conclus entre les petites et moyennes entreprises (PME), il
convient de noter qu'ils sont visés par l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE. La Commission
européenne reconnaît, néanmoins, qu'ils sont rarement susceptibles de produire un effet
sensible et qu'elle n'engagera pas de procédure, sur demande ou d'office, à leur encontre
(communication Comm. CE n o 2014/C29101, citée supra, n o 29).
83. La Cour de cassation admet de longue date le principe de l'effet sensible (Com. 4 mai
1993, CCC 1993. Comm. 110 ; Lettre distrib. juin 1993. – Com. 12 janv. 1999, n o 97-13.125 ,
BOCCRF 29 janv. ; D. Affaires 1999. 412 ; LPA n o 58, 23 mars 1999 ; LPA n o 235, 25 nov.
1999, p. 13, obs. Reboul ; RJDA 4/1999, n o 484). Mais elle a placé le seuil de l'effet sensible à
un niveau relativement bas. Ainsi, dans l'affaire Zannier, elle a estimé que le seuil était
atteint dans un cas où le réseau de franchise en cause ne détenait que 2,7 % du marché
(Paris, 18 mars 1997, BOCCRF 22 avr. ; CCC 1997. Comm. 83, obs. L. Vogel ; D. Affaires 1997.
625. – Com. 12 janv. 1999, préc.). La cour d'appel de Paris admet également le principe,
même si elle a souvent hésité entre deux approches : l'application de la règle au stade de
l'incrimination ou de la sanction (Paris, 28 janv. 1997, BOCCRF 31 déc. – Paris, 18 mars 1997,
préc. – Paris, 25 mars 1997, BOCCRF 29 avr. – Paris, 4 avr. 1997, LPA n o 119, 3 oct. 1997,
obs. Arhel. – Sur cette question, V. égal. RETTERER, Le rôle controversé de la théorie des
seuils de sensibilité en droit national de la concurrence, LPA n o 93, 2 août 1996. – LESQUINS,
L'existence d'un « seuil de sensibilité » en droit français de la concurrence, Rev. conc. consom.
1996, n o 94. – RAY NAUD, Conditions d'application de l'interdiction des ententes, RJDA 1/1997,
p. 6 s. – L. VOGEL, Le seuil de sensibilité de nouveau sur la sellette, CCC 1997. Chron. 82. –
BRETZNER, La progression du seuil de sensibilité en droit interne de la concurrence,
D. Affaires 1999. 850). Le Conseil de la concurrence, contrairement à l'ancienne Commission
de la concurrence (SÉLINSKY et BOUTARD-LABARDE, La vente exclusive en pharmacie à
l'épreuve du droit de la concurrence, Cah. dr. entr. 1988, n o 2, p. 7 s.) y a, en revanche, été
longtemps opposé (par ex. : Cons. conc. n o 94-D-33 du 31 mai 1994, Sté Hitachi, BOCCRF
23 août. –Cons. conc. n o 96-D-02 du 9 janv. 1996, Imprimerie de labeur, CCC 1996.
Comm. 103. – Cons. conc. n o 96-D-39 du 4 juin 1996, Distribution du matériel de plongée
sous-marine, BOCCRF 27 juill.), sauf, bien sûr, lorsqu'il appliquait l'article 81 du Traité CE. Le
Conseil s'est finalement rallié au principe de l'effet sensible (Cons. conc. n o 98-D-54 du 8 juill.
1998, Production du gruyère de comté, BOCCRF 7 oct. – Cons. conc. n o 98-D-67 du 27 oct.
1998, Distribution d'articles de prêt-à-porter féminin, BOCCRF 31 mars 1999 ; Lettre distrib.
avr. 1999 ; CCC 1999. Comm. 93, obs. Malaurie-Vignal. – Cons. conc. n o 98-D-81 du 21 déc.
1998, Secteur de l'expertise des objets d'art et de collection, BOCCRF 31 mars 1999), même
si, dans un premier temps, et dans la ligne tracée par la Cour de cassation (Com. 4 mai 1993,
préc.), il a placé le seuil de sensibilité à un niveau peu élevé. Il a, en effet, condamné des
pratiques verticales mises en œuvre par Yves Rocher alors que ce franchiseur ne représentait
guère plus de 7 % du marché des produits cosmétiques de luxe (Cons. conc. n o 99-D-49 du
6 juill. 1999, BOCCRF 30 oct. ; LPA n o 211, 22 oct. 1999, p. 11, obs. Arhel).
84. La jurisprudence du Conseil de la concurrence a été décrite en détail dans le rapport
annuel de cette institution pour 2003. On retiendra notamment que cette jurisprudence
s'inspire de la communication de minimis de la Commission européenne du 22 décembre 2001
(citée supra, n o 29). Ainsi, dans sa décision Biotherm, le Conseil a estimé que la part détenue
par cette entreprise sur le marché des produits cosmétiques et d'hygiène corporelle étant
inférieure à 3 % et, en l'absence de clauses noires, l'application discriminatoire des critères de
sélection (du contrat de distribution sélective du réseau Biotherm) n'avait pu avoir d'effet
sensible (Cons. conc. n o 03-D-53 du 26 nov. 2003, BOCCRF 13 févr. 2004). Le Conseil a jugé
par ailleurs nécessaire de bien distinguer entre la notion d'effet sensible et le système
d'exemption : « Il faut observer que la notion d'effet sensible ne vise pas à racheter une
pratique comme le ferait un système d'exemption ou le jeu de la règle de raison. La notion
légalise certaines pratiques, faute d'atteinte suffisante à la concurrence, alors que les
systèmes d'exemption font prévaloir les effets positifs de la pratique sur ses effets
anticoncurrentiels ». Il fixait cependant le seuil de sensibilité au même niveau que le seuil
d'exemption : « Lorsqu'il apparaît que certaines clauses d'un contrat sont prohibées […], le
Conseil considère, si la part du fournisseur sur le marché est inférieure à 30 %, que ces
clauses n'ont ni objet, ni effet anticoncurrentiel, à condition, toutefois, qu'elles ne relèvent
pas des exceptions prévues par le règlement » (Rapp. Cons. conc. 2002, p. 201 ; Rapp. 2003,
p. 255). En revanche, le Conseil n'a pas repris, dans son rapport pour 2003, les commentaires
qu'il a faits dans son rapport de 2001 selon lesquels le seuil de sensibilité pouvait s'appliquer
aux restrictions caractérisées.

85. La jurisprudence du Conseil a été consacrée par le législateur puisque l'article 24 de


l'ordonnance du 25 mars 2004 a créé, dans le nouvel article L. 464-6-1 du code de commerce,
un seuil de minimis fortement inspiré par la communication de la Commission européenne du
22 décembre 2001 (citée supra, n o 29). Il prévoit en effet que l'Autorité de la concurrence
« peut décider […] qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure […] lorsque la part de marché
détenue par les entreprises ou organismes parties à l'accord ou à la pratique en cause ne
dépasse pas [10 % pour les accords horizontaux et 15 % pour les restrictions verticales] ». Le
texte prévoit également les mêmes exceptions qu'en droit de l'Union. Il s'agit notamment des
restrictions ayant pour objet – un simple effet ne suffirait donc pas – la fixation de prix de
vente, la limitation de la production ou des ventes et la répartition des ventes ou des clients,
des restrictions aux ventes passives dans le cadre de la distribution exclusive, des restrictions
des ventes aux utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution sélective et
des restrictions aux rétrocessions au sein des réseaux de distribution sélective. Il existe
cependant une différence importante par rapport au droit de l'Union : contrairement à la
communication de la Commission, l'article L. 464-6-1 ne prévoit pas de seuil spécifique en cas
d'effet cumulatif de verrouillage de réseaux parallèles (ARHEL, article préc. [supra, n o 29],
JCP E 29 avr. 2004, n o 18, Actu. 86, p. 685).

Art. 2 - Prix maximaux


86. Il résulte de l'article 4, a du règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18) que les prix
maxima ne sont pas, en principe, interdits. Cette position remonte à la réforme de 1999 (citée
supra, n o 8). Auparavant, la Commission avait considéré que l'interdiction générale des prix
imposés devait s'étendre à tous les prix, minimaux mais aussi maximaux (V. supra, n os 59 s.).
87. La licéité du prix maximal comporte cependant des limites. Cette pratique est interdite si
elle revêt le caractère d'un prix fixe ou d'un prix minimal (Règl. du 22 déc. 1999, art. 4, a. –
Cons. conc. n o 91-D-31 du 18 juin 1991, Honda France, BOCCRF 9 août ; CCC 1991.
Comm. 201, obs. L. Vogel ; Rec. Lamy n o 453, obs. Cas. – Avis Cons. conc. n o 95-A-15,
19 sept. 1995, relatif à un projet de convention élaboré par la chambre de métiers de la
Haute-Garonne et le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Toulouse Midi-
Pyrénées, BOCCRF 15 déc. ; DPDA 1 er févr. 1996, Bull. 422, p. 952) ou encore si elle a pour
objet ou pour effet de provoquer un alignement des prix ou des marges pratiqués par les
entreprises d'un réseau de distribution (Avis Cons. conc. n o 99-A-18, 17 nov. 1999, Demande
d'avis de l'UFCC sur la pratique de prix promotionnel unique, BOCCRF 31 mars 2000). Par
ailleurs, résumant la position qu'il avait adoptée dans son avis n o 01-A-13 du 19 juin 2001
relatif à l'action des organisations de consommateurs auprès des entreprises (Rapp. Cons.
conc. 2001, p. 47), le Conseil de la concurrence a souligné que l'admission, par le droit de la
concurrence, de la pratique du prix maximal ne concernait que l'organisation par une
entreprise de son réseau de distribution, mais pas la fixation horizontale des prix : « Si la
jurisprudence précise parfois que les prix maximum ne sont pas anticoncurrentiels, il ne s'agit
que des prix fixés au sein d'un réseau de distribution. […] un prix négocié entre concurrents
peut avoir un caractère anticoncurrentiel car en empêchant l'un d'eux de pratiquer un prix
supérieur au maximum, l'accord pourrait le dissuader d'offrir un meilleur service ». Enfin, l'avis
du 19 juin 2001 a évoqué la position adoptée par la cour d'appel de Paris et la chambre
commerciale de la Cour de cassation (27 janv. 1998, n o 96-11.080, Bull. civ. IV, n o 42) dans
l'affaire ITM, à propos de la faiblesse de la marge de manœuvre dont disposaient les membres
d'un réseau de distribution qui se voyaient imposer un prix maximal : la Cour de cassation a
approuvé la cour d'appel de Paris pour avoir retenu, au soutien de la condamnation pour
entente illicite, que « les revendeurs disposent, en réalité, d'une marge de manœuvre réduite
à l'extrême par le caractère très bas du prix maximum » et par les principes mêmes qui
gouvernent les relations entre ITM et ses franchisés, leur faisant « obligation de ne pas
s'éloigner dans des proportions importantes des prix établis […] et leur interdisant de
pratiquer des prix supérieurs au prix maximum ou de le baisser encore de manière anormale »
(Avis Cons. conc. n o 01-A-13, 19 juin 2001, relatif à l'action des organisations de
consommateurs auprès des entreprises, Rapp. Cons. conc. 2001, ann. p. 938).
88. Il reste encore une divergence entre le droit interne et le droit de l'Union. Doit-on
considérer que la pratique du prix maximal imposé revêt un caractère restrictif et qu'elle
bénéficie de l'exemption générale, ou doit-on plutôt estimer qu'elle n'est pas interdite par le
droit des ententes ? Cette question revêt surtout un intérêt au-dessus du seuil de 30 %. Les
autorités françaises de concurrence ont adopté la deuxième position. Ainsi, le Conseil de la
concurrence a considéré que « la détermination de prix maximaux pour des prestations de
services normalisées délivrées dans une même zone géographique ne constitue pas en soi une
pratique prohibée par les dispositions de l'ordonnance du 1 er décembre 1986. Une telle
pratique ne pourrait apparaître contraire aux dispositions de ce texte que s'il était établi que
ces prix revêtaient en réalité le caractère de prix imposés ou de prix minimaux » (Avis Cons.
conc. n o 95-A-15, 19 sept. 1995, relatif à un projet de convention élaboré par la chambre de
métiers de la Haute-Garonne et le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de
Toulouse Midi-Pyrénées, BOCCRF 15 déc. ; DPDA 1 er févr. 1996, Bull. 422, p. 952). La cour
d'appel de Paris (16 juin 1993, D. 1995. Somm. 79 ) a adopté une position analogue dans
une autre affaire : « L'obligation souscrite par le franchisé d'utiliser les tarifs de base du
franchiseur n'est pas illicite dès lors qu'il s'agit de tarifs maxima que le franchiseur peut
définir afin d'assurer l'homogénéité du réseau de franchise ». La Commission européenne, en
revanche, a adopté la première position : « La pratique qui consiste à […] exiger d'un
revendeur qu'il respecte un prix de vente maximal est couverte par le règlement d'exemption
par catégorie lorsque la part de marché de chacune des parties à l'accord n'excède pas le seuil
de 30 % » (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 222).

89. Enfin, la licéité du prix maximal ne fait pas l'unanimité. Ainsi, un tribunal de Arnhem
(Pays-Bas) a condamné, sur le fondement tant de l'article 81 du Traité CE que du droit
national, une clause de prix maximal imposé sans même vérifier si la pratique revêtait le
caractère d'un prix fixe ou d'un prix minimal. Bien plus, la juridiction a considéré que la clause
constituait un élément essentiel et non détachable du contrat et a donc annulé l'ensemble de
celui-ci (19 janv. 2005, aff. 119974/KG ZA 07/704, Rechtbank Arnhem, e-Competitions
n o 03/05).

Art. 3 - Prix conseillés


90. Les prix conseillés ne présentent pas d'inconvénient majeur, puisque le distributeur est
libre de pratiquer des prix différents. Ils ne sont donc pas interdits. La Cour de justice des
Communautés européennes s'est exprimée en ce sens dans l'affaire Pronuptia (28 janv. 1986,
aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. attendu 25 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou) : « [N'est
pas restrictif de concurrence] le fait pour le franchiseur de communiquer aux franchisés des
prix indicatifs, à la condition toutefois qu'il n'y ait pas entre le franchiseur et les franchisés ou
entre les franchisés, de pratiques concertées en vue de l'application effective de ces prix ».
L'article 4, a du règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18) prévoit aussi que le fournisseur
peut recommander un prix de vente.

91. La pratique est, cependant, interdite si le prix n'est conseillé qu'en apparence et qu'en
réalité il est imposé. La jurisprudence nationale est riche de telles pratiques. Sont, bien sûr,
condamnées les pratiques visant à contraindre le distributeur à pratiquer le prix conseillé. Tel
est le cas lorsque le fournisseur sanctionne ou menace de sanctionner le distributeur qui ne
respecte pas les prix conseillés (sur le fondement de l'art. L. 442-5 C. com. : Metz, 14 juin
1990, BID 1/1991. – Chambéry, 22 nov. 1990, BID 1/1991, p. 38. – Crim. 25 nov. 1991, inédit.
– Com. 1 er juin 1993, CCC 1993. Comm. 154 ; RJDA 12/1993, n o 1054. – Sur le fondement de
l'art. L. 420-1 C. com. : Cons. conc. n o 96-D-16 du 19 mars 1996, Gymnasium, BOCCRF
24 mai ; CCC 1996. Comm. 103 ; Rec. Lamy n o 679, obs. Sélinsky. – Cons. conc. n o 96-D-36
du 28 mai 1996, Zannier, BOCCRF 20 août ; Rec. Lamy n o 688, obs. Respaud). Il en est de
même lorsque le distributeur est contractuellement contraint de pratiquer le prix conseillé
(Cons. conc. n o 95-D-62 du 26 sept. 1995, BOCCRF 15 déc. – La décision a été annulée pour
des raisons de procédure : Paris, 18 mars 1997, Sega, BOCCRF 8 juill.). Le Conseil de la
concurrence a même estimé qu'un fournisseur ne peut diffuser des prix conseillés lorsque son
réseau considère que ces prix doivent être impérativement respectés (Avis Cons. conc. 17 nov.
1999, BOCCRF 31 mars 2000 ; Rec. Lamy n o 808, obs. Sélinsky). Le Conseil a également
considéré que la pratique est interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet de provoquer un
alignement des prix ou des marges pratiqués par les entreprises d'un réseau de distribution
(Avis Cons. conc. 17 nov. 1999, préc.). En se prononçant ainsi, le Conseil a confirmé la
position adoptée par l'ancienne Commission technique des ententes et positions dominantes
(Avis CTEPD 17 mai 1977, Secteur de la production et de la distribution de phonogrammes,
Rec. Lamy n o 121).
92. Le droit des ententes interdit également les prix conseillés par une association
d'entreprises. La diffusion de prix par l'association dissuade, en effet, les adhérents de
calculer leurs propres prix et les incite plutôt à s'aligner sur le prix commun (par ex. : Cons.
conc. n o 87-D-33 du 23 sept. 1987, Boulangerie artisanale des Côtes-du-Nord, BOCCRF
9 oct. – Cons. conc. n o 97-D-54 du 9 juill. 1997, Exploitation de taxis à Toulon, BOCCRF
7 oct.).

93. L'autorité nationale de concurrence admet cependant la diffusion, par des organisations
professionnelles, de données constatées a posteriori, « traduisant les résultats observés sur
un marché concurrentiel [lorsqu'elles] ne sont pas individualisées et ne permettent pas à
chaque participant de modifier sa politique tarifaire en fonction de celle constatée chez ses
concurrents » (Cons. conc. n o 88-D-13 du 15 mars 1988, BOCCRF 16 avr. ; Rec. Lamy n o 309,
obs. Sélinsky). Dans le même ordre d'idées, le droit de l'Union admet la communication
d'informations statistiques aux adhérents.
94. Est aussi interdit, en raison de son caractère dissuasif, le pré-étiquetage des produits,
mais les exemples sont rares en jurisprudence (TGI Mâcon, 31 mai 1989, BID 3/1990).

Section 3 - Restrictions exemptées

95. Le champ d'application de l'exemption par catégorie est particulièrement large.


Cependant, le bénéfice de l'exemption est soumis à un certain nombre de conditions et est
susceptible de faire l'objet d'une décision individuelle de retrait ou d'un règlement d'exclusion.

Art. 1 er - Champ d'application de l'exemption


96. Plusieurs critères permettent de définir le champ d'application du règlement du 20 avril
2010 : les personnes, les accords et les activités concernés par l'exemption. Il convient, dès
lors, de traiter successivement ces différents points avant d'examiner l'application du
règlement dans le temps et dans l'espace.

§ 1 er - Entreprises et organisations concernées


97. Nombre de cocontractants. - Contrairement aux anciens règlements n os 1483/83,
1484/83 et 4087/88 de la Commission (cités supra, n o 22), qui ne couvraient que les accords
bilatéraux, le règlement du 20 avril 2010 (et, avant lui, celui du 22 déc. 1999) s'applique quel
que soit le nombre de cocontractants – ceux-ci doivent cependant être des entreprises, ce qui
exclut les accords conclus avec des consommateurs (Lignes directrices [citées supra, n o 19],
n o 25).

98. Accords conclus par des associations. - L'exemption par catégorie est étendue aux
restrictions verticales convenues entre les associations de détaillants et leurs adhérents ou
entre ces associations et leurs fournisseurs. Cette exemption est cependant assortie de
certaines réserves : tous les membres de l'association doivent être des détaillants et aucun
d'eux ne doit réaliser un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros. Pour l'application de
ce seuil, une certaine souplesse est prévue. D'abord, conformément aux dispositions de
l'article 9 du règlement du 20 avril 2010, l'exemption reste applicable au-dessus de ce seuil si,
pendant une période de deux exercices consécutifs, le chiffre d'affaires total ne dépasse pas
55 millions d'euros. Dans le même esprit, lorsque le seuil de 50 millions d'euros est dépassé,
la solution adoptée par la Commission lors des examens individuels ne devrait pas changer en
cas de léger dépassement du seuil de chiffre d'affaires de 50 millions d'euros par un nombre
limité des membres de l'association (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 29).
L'ensemble de ces règles avait été repris dans le règlement automobile n o 1400/2002 du
31 juillet 2002 (V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]). Par ailleurs, il n'est pas
superflu de rappeler ici que les prix fixes et les prix minimaux imposés figurent dans la liste
des clauses noires du règlement d'exemption. Cette interdiction s'applique à tous les
opérateurs économiques, y compris aux associations de distributeurs. Notons encore que les
accords horizontaux conclus par les membres d'une association de détaillants et les décisions
adoptées par une telle association ne sont pas couverts par le règlement d'exemption (Règl.
n o 330/2010, art. 2-2). Le droit français est plus nuancé sur ces points : les membres d'une
association se trouvant en situation de se faire concurrence ne peuvent s'entendre,
notamment dans le cadre d'une association, pour pratiquer des prix de revente identiques ou
fixer des prix minimaux de revente. En revanche, rien ne s'oppose à ce qu'une telle
association mette en œuvre une politique commerciale commune à l'ensemble de ses
membres, lorsque cette politique n'altère pas l'indépendance de chacune des entreprises en
cause et que la fixation des prix ne concerne jamais des entreprises en situation de se faire
concurrence (Cons. conc. n o 92-D-38 du 9 juin 1992, GIE Gitem, BOCCRF 31 juill. ; Rec. Lamy
n o 499, obs. Sélinsky. – Avis Cons. conc. n o 95-A-04, 21 févr. 1995, relatif à une question
posée par l'association de défense des pharmaciens de Paris, Rapp. Cons. conc. 1995, p. 856).

99. Entreprises concurrentes. - L'exemption par catégorie bénéficie non seulement aux
entreprises opérant à des stades différents de la production ou de la commercialisation, mais
aussi aux concurrents, actuels ou potentiels. Cependant, dans le cas des entreprises
concurrentes, l'exemption par catégorie ne s'applique qu'à la condition que 1 o « le fournisseur
est un producteur et un distributeur de biens alors que l'acheteur est un distributeur qui ne
fabrique pas des biens concurrents des biens contractuels » (Règl. 2010, art. 2-4, a) ; 2 o « le
fournisseur est un prestataire de services à plusieurs niveaux de commerce alors que
l'acheteur ne fournit pas de services concurrents au niveau du commerce où il achète les
services contractuels » (art. 2-4, b). Lorsque les conditions prévues à l'article 2-4 ne sont pas
remplies, des exemptions individuelles peuvent être envisagées. Sous l'empire du règlement
n o 1983/83 du 22 juin 1983, la Commission a, à plusieurs reprises, accordé une telle
exemption (Décis. n o 90/186 de la Commission du 23 mars 1990, Moosehead c/ W hitbread,
aff. IV/32.736, JOCE, n o L 100, 20 avr. 1990. –Décis. n o 97/540 de la Commission du 22 janv.
1997, Coca-Cola c/ Schweppes, aff. IV/M.794, JOCE, n o L 218, 9 août ; Lettres de Bruxelles,
févr. 1997, p. 2). Elle l'a aussi, parfois, refusée (Décis. Comm. CE, CSK et Gist Brocades,
Competition Policy Newsletter, Spring 1997, vol. 3, n o 1).

100. Contrats d'agence. - Il résulte des lignes directrices établies par la Commission que le
règlement d'exemption est applicable aux contrats d'agence, c'est-à-dire conclus avec une
personne physique ou morale « investie du pouvoir de négocier, et/ou de conclure des contrats
pour le compte d'une autre personne [le commettant], soit en son nom propre, soit au nom du
commettant » (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n os 12 s.), lorsqu'ils sont visés par
l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE. Tel est le cas, selon la Commission, lorsque le
représentant assume un risque financier ou commercial lié à la vente ou à l'exécution du
contrat ou s'il exerce une activité économique indépendante dans le déroulement des
opérations commerciales conclues au nom de l'entreprise. Cette doctrine, qui s'appuie sur la
jurisprudence de la Cour de justice (CJCE 16 déc. 1975, Suiker Unie e.a. c/ Commission, aff.
40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. CJCE 1663, point 480. –
CJCE 24 oct. 1995, Volkswagen et VAG Leasing, aff. C-266/93 , Rec. CJCE I-3477) a été
appliquée dans l'affaire Mercedes-Benz (Décis. Comm. CE 10 oct. 2001, citée supra, n o 63),
mais la décision de la Commission a été annulée par le Tribunal de première instance
(TPICE 15 sept. 2005, DaimlerChrysler AG, aff. T-325/01 , LPA n o 41, 6 mars 2006, p. 4, obs.
Arhel. – V. aussi Décis. Aut. conc. n o 09-D-31, 30 sept. 2009, Droits sportifs de la Fédération
française de football, accessible sur le site internet de l'Autorité de la concurrence,
www.autoritedelaconcurrence.fr).

101. Même dans l'hypothèse où le commettant assume tous les risques financiers et
commerciaux, les dispositions de l'article 101, paragraphe 1 er, sont susceptibles de
s'appliquer, notamment lorsque le contrat d'agence facilite la collusion. Tel peut être le cas,
selon la Commission, « lorsqu'un certain nombre de commettants font appel aux mêmes
agents et empêchent collectivement d'autres commettants d'utiliser ces mêmes agents, ou se
servent de ces agents pour s'entendre sur une stratégie commerciale, ou pour échanger entre
eux des informations sensibles sur le marché » (Lignes directrices [citées supra, n o 19],
n o 20). On notera, enfin, que lorsque l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE n'est pas
applicable, toutes les restrictions imposées au représentant échappent également au champ
d'application de cette disposition (Lignes directrices, n o 18).

§ 2 - Nature des accords concernés


102. Le règlement d'exemption vise tous les accords « qui concernent les conditions dans
lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services […],
dans la mesure où ces accords contiennent des restrictions de concurrence relevant de
l'article 101, paragraphe 1 er » (Règl. n o 330/2010, [cité supra, n o 18], art. 2-1). Sur cette
question, les lignes directrices établies par la Commission fournissent de nombreuses
précisions qui sont résumées ci-après (V. infra, n os 103 s.).

103. Le règlement couvre les dispositions contenues dans les accords verticaux concernant la
cession à l'acheteur, ou l'utilisation par l'acheteur, de droits de propriété intellectuelle,
lorsque ces dispositions ne constituent pas l'objet principal de l'accord et sont directement
liées à l'utilisation, la vente ou la revente de biens ou de services (pour des ex. concrets dans
le secteur des technologies de l'information : MAHIEU, How I CT Agreements Fit into the
Scope of the Block Exemption for Vertical Restraints, ECLR avr. 2000, p. 173), et n'entraînent
pas de restrictions de concurrence ayant un objet identique à celui des restrictions verticales
non exemptées par le règlement (Règl. 2010, art. 2-3 ; Lignes directrices [citées supra,
n o 19], n o 31). Les droits de propriété intellectuelle couverts par le règlement relèvent pour
l'essentiel des trois domaines suivants : 1 o les marques : les licences de marques, consenties
à un distributeur sont en général considérées comme nécessaires à la distribution de biens ou
de services dans un territoire donné ; s'il s'agit d'une licence exclusive, l'accord équivaut à une
distribution exclusive (Lignes directrices, n o 39) ; 2 o les droits d'auteur : les revendeurs de
biens bénéficiant de droits d'auteur (livres, logiciels, etc.) peuvent se voir contraints par le
détenteur du droit d'imposer au consommateur final le respect du droit d'auteur ; une telle
clause est couverte par le règlement d'exemption si elle tombe sous le coup de l'article 101,
paragraphe 1 er, du TFUE (Lignes directrices, n o 40) ; 3 o le savoir-faire : les accords de
franchise constituent un exemple typique de transfert de savoir-faire à l'acheteur. L'examen
de la protection du savoir-faire est donc renvoyé au chapitre relatif aux accords de franchise
(V. infra, n os 323 s.).

104. Le règlement vise non seulement les accords, mais aussi les pratiques concertées.
Cependant, pour des raisons de commodité, en principe on ne mentionnera ci-après que les
accords ou les clauses d'accords. Mais surtout, le régime d'exemption par catégorie est étendu
à la distribution sélective. Dans son règlement du 2 mars 1965 (cité supra, n o 18), le Conseil
avait habilité la Commission à adopter des règlements d'exemption, mais seulement pour des
accords comportant soit des engagements exclusifs, soit « des limitations imposées en
rapport avec l'acquisition ou l'utilisation de droits de propriété industrielle ». La distribution
sélective était donc exclue de ce mandat. Les règlements de 1999 (cité supra, n o 8) et de
2010 (cité supra, n o 18) ont comblé cette lacune. Ainsi, en visant toutes les restrictions
verticales qui ne figurent pas dans la liste noire, le règlement du 20 avril 2010 applique
l'exemption par catégorie à tous les systèmes de distribution, c'est-à-dire non seulement aux
accords d'approvisionnement exclusif, de distribution exclusive et de franchise, mais aussi aux
accords de distribution sélective.

105. Cette extension de l'exemption par catégorie à la distribution sélective n'a pas fait
l'unanimité. Certains secteurs d'activité, tels que la parfumerie de luxe, s'y étaient même
opposés. Ils estimaient que la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence
leur donnaient une sécurité juridique suffisante et que, en revanche, un règlement
d'exemption ne permettrait pas de tenir compte de la diversité tant des produits faisant
l'objet de la distribution sélective que des critères de sélection mis en œuvre (LEQUILLER,
Nouveau cadre communautaire des « accords verticaux », Doc. AN n o 1539, 8 avr. 1999,
p. 29).

106. En revanche, le règlement du 20 avril 2010 n'est pas applicable aux accords verticaux
couverts par d'autres règlements d'exemption (Règl. 2010, art. 2, 5). Sont donc exclus les
accords de licence relevant du règlement sur les accords de transferts de technologie. Ces
accords portent notamment sur la concession de licences de brevet, de savoir-faire et de
droits d'auteur sur logiciels dans le cadre desquelles le donneur de licence autorise le preneur
à exploiter la technologie concédée pour la fabrication ou la fourniture de biens ou de services
Tel est le cas des accords entre un donneur et un preneur de licence (en revanche, les accords
entre un preneur de licence et les acheteurs du produit relèvent du règlement de 2010). Les
accords par lesquels un donneur de licence impose des obligations au preneur quant à la façon
dont il doit vendre les produits comportant la technologie concédée sont également couverts
par le règlement sur les accords de transferts de technologie (Règl. n o 316/2014 de la
Commission du 21 mars 2014, JOUE, n o L 93, 28 mars. – Communication de la Commission,
« Lignes directrices concernant l'application de l'article 101 TFUE à des catégories d'accords de
transfert de technologie, spéc. points 64 s., JOUE, n o C 89, 28 mars 2014. – P. ARHEL,
Nouveau régime de concurrence pour les accords de transfert de technologie », JCP E 17 avr.
2014. Actu. 290. – E. DIENY, Licences de technologies : premier aperçu du nouveau règlement
d'exemption européen – le règlement des opportunités manquées ?, RLC 2014/40, n o 2565).
Sont également exclus du champ d'application du règlement du 20 avril 2010, les accords
couverts par les règlements n os 2658/2000 et 2659/2000 de la Commission du 29 novembre
2000 (JOCE, n o L 304, 5 déc.) concernant respectivement les accords de spécialisation et les
accords de recherche et de développement (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 46).
Étaient enfin exclus du champ d'application du règlement du 20 avril 2010, jusqu'au 31 mai
2013 (V. supra, n o 23), les accords couverts par le règlement n o 1400/2002 de la Commission
du 31 juillet 2002 (JOCE, n o L 203, 1 er août), concernant le secteur automobile
(V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]).

§ 3 - Activités concernées
107. Il convient de souligner d'abord le caractère général des dispositions du règlement du
20 avril 2010 (cité supra, n o 18). Celui-ci s'applique, en principe, à tous les secteurs d'activité.
Ainsi, les dispositions spécifiques aux secteurs de la distribution de carburant et de bière,
contenues dans le règlement n o 1984/83 de la Commission du 22 juin 1983 relatif aux accords
d'achat exclusif (cité supra, n o 22), n'ont pas été reprises par les règlements de 1999 (cité
supra, n o 8) et 2010 (cité supra, n o 18). Tout au plus, doit-on préciser que l'article 5,
paragraphe 2, a du règlement du 20 avril 2010 prévoit que les clauses de non-concurrence
peuvent, sans perte du bénéfice de l'exemption par catégorie, être plus longues lorsque les
biens ou services contractuels sont vendus dans des locaux appartenant au fournisseur, règle
qui concerne fréquemment les stations-service et les débits de boissons. Par ailleurs, les
règlements de 1999 et 2010 s'appliquent non seulement à des catégories d'accords conclus
dans le but de la revente, ce que prévoyaient déjà les textes antérieurs, mais aussi, à la
commercialisation de services, seule ou conjointement avec celle de produits. Avant la
réforme intervenue en 1999, les services n'étaient visés que par le règlement de la
Commission du 30 novembre 1988 relatif à certaines catégories de franchise (cité supra,
n o 22) et, pour ce qui concerne les services de vente et d'après-vente des automobiles, par le
règlement de la Commission du 28 juin 1995 relatif à la distribution automobile (cité supra,
n o 22).

108. Par ailleurs, la transformation des produits ou des services n'entraîne pas la perte de
l'exemption par catégorie. Notons encore que l'exemption par catégorie est également
étendue aux produits et services intermédiaires incorporés dans des produits ou services
destinés à être commercialisés, ainsi qu'aux biens vendus ou achetés en vue d'être loués à
des tiers (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 25). Enfin, à propos des fournisseurs qui
utilisent le même accord pour distribuer plusieurs produits ou services, la Commission précise
que bénéficient de l'exemption par catégorie les produits et services qui répondent aux
conditions d'application du règlement. Les seules règles sectorielles qui subsistent,
concernent les services de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (V. Automobile :
droit de la concurrence [Com.]).

§ 4 - Champ d'application dans le temps


109. Le règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18) est entré en vigueur le 1 er juin 2010 et
expirera le 31 mai 2020. Une période de transition expirant le 31 mai 2011 est par ailleurs
prévue pour permettre l'adaptation des accords antérieurs. Elle concerne les accords qui, au
31 mai 2010, étaient déjà en vigueur et ne remplissaient pas les conditions d'exemption
prévues par le règlement du 20 avril 2010, mais satisfaisaient à celles prévues par le
règlement n o 2790/1999 (cité supra, n o 8). La question se pose de savoir si le règlement peut
s'appliquer de façon rétroactive. A priori, la réponse devrait être négative. En effet, l'article 3
du règlement du 2 mars 1965 prévoit qu'un règlement d'exemption « peut disposer qu'il
s'applique avec effet rétroactif aux accords et pratiques concertées qui, au jour de son entrée
en vigueur, auraient pu bénéficier d'une décision à effet rétroactif en application de l'article 6
du règlement n o 17/62 [du 5 févr. 1962] », mais le règlement du 20 avril 2010 n'a pas utilisé
cette faculté. Il convient donc d'examiner concrètement la jurisprudence, tant de l'Autorité de
la concurrence que des tribunaux. L'Autorité ne semble pas admettre une application
rétroactive du règlement : « Le règlement de 1999 […] n'est pas applicable aux contrats en
cause qui sont antérieurs à son entrée en vigueur » (Cons. conc. n o 02-D-36 du 14 juin 2002,
Secteur de la distribution des lunettes d'optique, BOCCRF 30 sept.). En revanche, la cour
d'appel de Paris a énoncé que la société Rolex était fondée à se prévaloir des dispositions du
règlement du 22 décembre 1999, pour des faits antérieurs à son entrée en vigueur (Paris,
9 nov. 2000, inédit).

§ 5 - Champ d'application géographique


110. Le règlement du 20 avril 2010 s'applique non seulement dans l'ensemble de l'Union
européenne, mais aussi, conformément à une décision de l'autorité de surveillance de
l'Association européenne de libre-échange (AELE), dans tout l'Espace économique européen
(EEE), c'est-à-dire, outre les vingt-huit États membres de l'Union européenne, la Norvège,
l'Islande et le Liechtenstein.

Art. 2 - Conditions de l'exemption


111. Le règlement du 20 avril 2010 assortit l'exemption par catégorie de diverses conditions
visant à garantir l'accès des entreprises concurrentes au marché ou à prévenir la collusion
entre fournisseurs concurrents (Règl. n o 330/2010, considérant 11). Elles concernent les
accords de non-concurrence et de distribution sélective. Précisons, avant de les examiner, que
lorsque ces conditions ne sont pas remplies, un examen individuel peut être envisagé en vue
de l'obtention d'une exemption individuelle. Par ailleurs, contrairement aux règles applicables
aux clauses noires – la présence d'une clause noire entraîne la perte du bénéfice du règlement
d'exemption pour l'ensemble de l'accord (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 70) –, le
non-respect d'une des conditions prévues à l'article 5 n'entraîne la perte de l'exemption que
pour les parties de l'accord qui ne respectent pas cette condition (Lignes directrices, n o 71).

§ 1 er - Conditions relatives aux clauses de non-concurrence


112. Les entreprises ne détenant pas une part de marché supérieure à 30 % peuvent, sans
perte du bénéfice de l'exemption par catégorie, recourir aux clauses de non-concurrence.
Cependant, une condition est prévue afin de tenir compte des risques de verrouillage des
marchés résultant de la durée des accords : les obligations « directes ou indirectes » de non-
concurrence dont la durée dépasse cinq ans ou qui sont conclues pour une durée indéterminée
ne sont pas exemptées par le règlement (Règl. n o 330/2010, art. 5-1, a. – Les conditions
relatives aux clauses de non-concurrence s'appliquent a fortiori lorsque le taux de 30 % est
dépassé : Cons. conc. n o 04-D-67 du 1 er déc. 2004, Distribution de téléphones mobiles,
BOCCRF 31 mars 2005). La Commission avait, dans un premier temps, envisagé de limiter à
trois ans la durée des clauses de non-concurrence. Cependant, dans un deuxième temps, pour
répondre aux souhaits exprimés par le secteur de la franchise (NAZARELLI et COW AN,
Reforming Distribution Rules. Has the Commission Found Vertical Reality ?, European
Competition Law Review mars 1999, p. 159 s.), elle a porté cette limite à cinq ans mais,
également, dans les Lignes directrices de 2001, a considéré que la règle relative à la durée ne
s'imposait pas lorsque l'obligation de non-concurrence était nécessaire au maintien de
l'identité commune et de la réputation du réseau : « Une obligation de non-concurrence
relative aux biens ou services achetés par le franchisé ne relèvera pas de l'article 81,
paragraphe 1 er, lorsqu'elle est nécessaire au maintien de l'identité commune et de la
réputation du réseau franchisé. Dans un tel cas, la durée de l'obligation de non-concurrence
n'est pas un facteur pertinent au regard de l'article 81, paragraphe 1 er, pour autant qu'elle
n'excède pas celle de l'accord de franchise lui-même » (Lignes directrices de 2001 [citées
supra, n o 19], n o 200. – Ces règles ont été entièrement reprises lors de la réforme intervenue
en 2010, Règl. 2010, art. 5-1, a. – Lignes directrices de 2010 [citée supra, n o 19], n o 186). La
cour d'appel de Paris a cependant jugé, à propos d'un contrat de franchise pour l'exploitation
d'un fonds de commerce d'alimentation sous l'enseigne Shopi, qu'interdire tout
approvisionnement que ce soit, même en marques nationales, auprès de centrales d'achat
concurrentes, produits qui ne se distinguent absolument pas les uns des autres selon le
grossiste vendeur, sauf par les prix, s'avère totalement disproportionné à la défense des
intérêts légitimes du franchiseur, et constitue une clause anticoncurrentielle non exemptable
au titre du règlement n o 330/2010 du 20 avril 2010 (Paris, 3 avr. 2013, Diapar c/ Carrefour
Proximité France e.a., RG n o 10/24013).

113. Le règlement de 2010 précise qu'« une obligation […] de non-concurrence […]
renouvelable au-delà d'une période de cinq ans doit être considérée comme ayant été conclue
pour une durée indéterminée » (art. 5-1). Certains auteurs (ECCLES et HUOPALAIREN, When it
Might Seem Similar but is Significantly Different for Article 81 Purposes, ECLR 2001. 131) ont
souligné que l'exclusion du bénéfice de l'exemption par catégorie de toutes les clauses de
non-concurrence, tacitement renouvelables au-delà d'une période de cinq ans, n'est pas
conforme à la jurisprudence Neste, qui a montré qu'il fallait aussi tenir compte du délai de
préavis : une clause de longue durée assortie d'un court délai de préavis peut être moins
restrictive de concurrence qu'une clause plus courte, mais assortie d'un long préavis
(CJCE 7 déc. 2000, Neste et Y ötuuli Ky e.a., aff. C-214/99 , CCC 2001. Comm. 3, obs.
Poillot-Peruzzetto ; RTD com. 2001. 551, obs. Poillot-Peruzzetto ). Le gouvernement français
avait défendu une position analogue dans l'affaire Neste : « Si le préavis requis est
raisonnable, [les clauses de renouvellement tacite] peuvent faciliter la concurrence plutôt que
la restreindre » (concl. av. gén., n o 11).
114. La jurisprudence fournit plusieurs exemples d'obligations indirectes de non-concurrence
auxquelles le distributeur ne peut s'affranchir au terme d'un délai de cinq ans. Un premier
exemple est tiré de l'affaire des cuves de stockage. Le non-renouvellement du contrat
d'approvisionnement exclusif – il s'agissait de fait, selon la terminologie adoptée par la
Commission européenne, d'un accord de non-concurrence – impliquait l'extraction des cuves de
stockage, en vue de leur restitution au fournisseur. En raison du caractère très onéreux des
travaux, le distributeur était dissuadé de changer de fournisseur (Cons. conc. n o 87-D-34 du
29 sept. 1987, Clause de restitution des cuves, BOCCRF 20 oct. ; Rec. Lamy n o 293, obs.
Sélinsky). Un autre exemple est tiré de l'affaire Coca-Cola Beverages. Cette entreprise mettait
à la disposition des clients des appareils de soutirage de boissons. Leur démontage étant
difficile, les clients pouvaient être dissuadés de changer de fournisseur de boissons (Cons.
conc. n o 96-D-67 du 29 oct. 1996, BOCCRF 6 mars 1997 ; BRDA 6/1997 ; Rec. Lamy n o 706,
obs. Sélinsky).

115. La Commission considère que le fournisseur impose une clause de non-concurrence


lorsque le distributeur est tenu de lui acheter plus de 80 % des produits et services
contractuels, ainsi que leurs substituts, qu'il a achetés au cours de l'année précédente :
« Obligation de non-concurrence » signifie « toute obligation directe ou indirecte interdisant à
l'acheteur de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont
en concurrence avec les biens ou les services contractuels, ou toute obligation directe ou
indirecte imposant à l'acheteur d'acquérir auprès du fournisseur ou d'une autre entreprise
désignée par le fournisseur plus de 80 % de ses achats annuels en biens ou en services
contractuels et en biens et en services substituables sur le marché pertinent, calculés sur la
base de la valeur des achats qu'il a effectués au cours de l'année civile précédente » (Règl.
2010, art. 1-1, d. – V. aussi Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 66). Une définition
analogue avait également été introduite dans le règlement automobile du 31 juillet 2002,
mais celui-ci avait retenu un taux de 30 % et non de 80 % (Règl. 2002 [citées supra, n o 22],
art. 1-1, b). Cette différence a cependant été supprimée à la faveur de la réforme du secteur
automobile résultant du règlement (UE) n o 461/2010 du 27 mai 2010 (cité supra, n o 22)
(V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]).

116. La limitation de la durée des clauses de non-concurrence est assortie d'une exception en
faveur des produits et services commercialisés par le distributeur à partir de locaux et de
terrains dont le fournisseur est propriétaire ou qu'il loue (Règl. 2010, art. 5-2). Dans ce cas,
les engagements peuvent être contractés pour toute la durée d'occupation des locaux, même
si elle dépasse la durée visée ci-dessus (V. supra, n os 111 s.). Cette exception s'inspire d'une
disposition qui figurait à l'article 8, paragraphe 2, a du règlement n o 1984/83 du 22 juin
1983 : « Lorsque l'accord concerne un débit de boissons que le fournisseur a donné en location
au revendeur ou dont il lui a conféré la jouissance en droit ou en fait […], les obligations
d'achat exclusif […] peuvent lui être imposées pendant toute la période durant laquelle il
exploite effectivement le débit de boissons ». La Cour de cassation semble, cependant,
ignorer cette disposition : elle a refusé le bénéfice de l'exemption par catégorie à un contrat
de bail d'une durée de neuf ans portant sur un local commercial, dans lequel était exploité un
débit de boissons, et comportant une clause d'approvisionnement exclusif pour tous produits
fabriqués ou vendus par le bailleur (Com. 14 déc. 1999, n o 97-12.887 , D. 2000. AJ 79, obs.
Chevrier ; RJDA 2/2000, n o 143 ; CCC 2000. Comm. 18, obs. Poillot-Peruzzetto ; CCC 2000.
Comm. 9, obs. Leveneur ; LPA n o 131, 3 juill. 2000, p. 16, obs. Mathey). La position de la
Haute juridiction pourrait, cependant, s'expliquer par les circonstances de l'espèce : « La Cour
écarte-t-elle cette disposition en considérant que le bailleur et le fournisseur sont deux
personnes distinctes, le bail étant donné par monsieur Reuter alors que l'approvisionnement
est assuré par les établissements Reuter ? » (CHEVRIER, obs. ss. Com. 14 déc. 1999,
D. 2000. AJ 79 ). Bien entendu, des engagements de non-concurrence plus longs pourraient
être exemptés dans le cadre d'un examen individuel (V. par ex., une clause de dix ans
imposée par un franchiseur : Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 191).
117. Les clauses de non-concurrence postcontractuelles sont également soumises à des
conditions : elles ne sont couvertes par le règlement d'exemption que si elles concernent des
biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels, sont
limitées aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du
contrat, sont indispensables à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à
l'acheteur et que, en outre, la durée de l'obligation de non-concurrence est limitée à un an à
compter de l'expiration de l'accord (Règl. 2010, art. 5-3 ; Lignes directrices [citées supra,
n o 19], n o 68). Le savoir-faire du fournisseur doit, en outre, être « substantiel », c'est-à-dire
« significatif et utile pour l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des
biens ou des services contractuels » (Règl. 2010, art. 1-1, g). Estimant que cette règle, qui
figurait dans le règlement du 22 décembre 1999, constituait un « guide d'analyse utile », le
Conseil de la concurrence a, dans une affaire fondée sur le droit national, appliqué la règle
contenue dans l'article 5, paragraphe 3, à une entreprise qui avait imposé une obligation de
non-concurrence de trois ans sans pouvoir justifier une telle durée. Il a ainsi enjoint à
l'entreprise en cause de ramener à un an la durée de l'obligation (Cons. conc. n o 00-D-82 du
26 févr. 2001, Secteur des glaces et crèmes glacées industrielles, BOCCRF 30 mars ; Rec.
Lamy n o 846, obs. Gaffuri).

§ 2 - Conditions relatives aux accords de distribution sélective


118. Le fournisseur d'un réseau de distribution sélective ne doit pas indiquer à ses
distributeurs les produits concurrents qu'ils ne doivent pas distribuer (Règl. n o 330/2010,
art. 5-1, c). Le souci des autorités de l'Union est d'éviter les collusions entre fournisseurs
visant à créer un club sélectif des marques des fournisseurs les plus importants ou les
entraves à l'accès d'autres fournisseurs au marché (Règl. 2010, considérant 11). La
Commission estime même qu'une exemption individuelle est peu probable lorsque les cinq
plus importants fournisseurs recourant à ce type de clause représentent 50 % du marché ou
plus (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 182).

Art. 3 - Retrait de l'exemption


119. Conformément à l'habilitation que la Commission a reçue en vertu de l'article 7,
paragraphe 1 er, du règlement n o 19/65 du 2 mars 1965 (cité supra, n o 18), modifié par le
règlement n o 1215/1999 du 10 juin 1999 (cité supra, n o 18), l'article 29 du règlement (CE)
n o 1/2003 du 16 décembre 2002 (cité supra, n o 44) prévoit la possibilité d'un retrait de
l'exemption par catégorie. Le règlement n o 330/2010 du 20 avril 2010 rappelle cette faculté
dans ses considérants 13 et 14.

§ 1 er - Cas d'ouverture de la procédure de retrait


120. Les règlements d'exemption de la Commission des 22 juin 1983 et 30 novembre 1988
dressaient une liste non exhaustive des accords et pratiques susceptibles de faire l'objet
d'une procédure de retrait : absence de concurrence dans le territoire concédé, entraves
importantes à l'accès au marché, obstacles aux ventes croisées, refus de vente ou
discriminations à l'égard de distributeurs ne disposant pas de solutions équivalentes,
pratiques de prix excessifs pour les produits visés au contrat, etc.

121. Le règlement (CE) n o 1/2003 du 16 décembre 2002 (cité supra, n o 44) a opté pour une
formulation plus synthétique. Il prévoit, en effet, la possibilité de retirer le bénéfice de
l'exemption par catégorie lorsqu'un accord exempté produit néanmoins des effets
incompatibles avec l'article 101, paragraphe 3, du Traité (Règl. n o 1/2003, art. 29). Des
exemples sont cependant fournis par les Lignes directrices (Lignes directrices [citées supra,
n o 19], n o 75). Il se peut en particulier que les conditions énoncées à l'article 101, paragraphe
3, ne soient pas satisfaites lorsque l'accès au marché en cause ou la concurrence sur celui-ci
sont restreints de façon significative par l'effet cumulatif de réseaux parallèles d'accords
verticaux similaires mis en œuvre par des fournisseurs ou des acheteurs concurrents.

122. Conformément à la jurisprudence Delimitis (CJCE 28 févr. 1991, aff. C-234/89 , Rec.
CJCE I-935 ; Rev. conc. consom. 1991, n o 62, obs. Dalens), la responsabilité de l'effet
cumulatif ne peut être attribuée qu'aux accords qui contribuent de façon significative à cet
effet (V. aussi Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 76). Sous l'empire de son règlement
n o 1984/83 du 22 juin 1983, la Commission a pris une décision de retrait dans un tel cas de
figure : les entreprises Langnese et Schöller occupaient une position duopolistique sur le
marché allemand des glaces de consommation immédiate et imposaient à leurs distributeurs
une obligation d'approvisionnement exclusif. La Commission a décidé que l'effet cumulatif des
accords en question revenait à une restriction sensible de la concurrence par Langnese et
Schöller (TPICE 8 juin 1995, Langnese-Iglo GmbH, aff. T-7/93 , Rec. CJCE II-1539, et Schöller
GmbH, aff. T-9/93, Rec. CJCE II-1661 ; CCC 1995. Comm. 131, obs. L. Vogel ; Cah. dr. entr.
1995, n o 6, p. 1, obs. Idot et Momège. – Confirmé par CJCE 1 er oct. 1998, aff. C-279/95, CCC
1998. Comm. 14, obs. Poillot-Peruzzetto ; RTD eur. 1999. 281, obs. Blaise et Idot ).

§ 2 - Effets du retrait
123. Le retrait ne produit des effets que pour l'avenir (Lignes directrices [citées supra, n o 19],
point 77). Cette règle semble exclure l'octroi de dommages-intérêts à la victime des pratiques
incriminées (LAURENT, Le retrait individuel de l'exemption par catégorie, CCC 1994. Chron. 5).
Par ailleurs, le retrait ne peut être prononcé que pour les contrats en cours, à l'exclusion des
contrats futurs : « Il y a lieu d'écarter l'argument de la Commission, selon laquelle
l'interdiction de toute conclusion de contrats futurs est justifiée par la nécessité d'empêcher
une tentative de contournement de l'interdiction des contrats existants, prononcée dans
l'article 1 er de la décision attaquée, par le biais du règlement n o 1984/83 de la Commission du
22 juin 1983. En effet, ce règlement, en tant qu'acte normatif de portée générale, permet aux
entreprises de bénéficier d'une exemption par catégorie pour certains contrats d'exclusivité qui
répondent, en principe, aux conditions énoncées par l'article 85 [désormais article 101],
paragraphe 3. Conformément à la hiérarchie des normes, la Commission n'est pas habilitée,
par voie d'une décision individuelle, à restreindre ou limiter les effets juridiques d'un tel acte
normatif, à moins que celui-ci fournisse explicitement une base légale à cet effet. Bien que
l'article 14 du règlement n o 1984/83 de la Commission du 22 juin 1983 confère à la
Commission le pouvoir de retirer le bénéfice de l'application dudit règlement […], l'article 14
ne prévoit toutefois aucune base légale permettant de retirer le bénéfice d'une exemption par
catégorie à des accords futurs » (TPICE 8 juin 1995, préc.). On notera cependant que la
limitation dans le temps des effets du retrait ne fait pas obstacle à l'application, pour le
passé, des règles interdisant les abus de position dominante. Ceci est bien établi depuis
l'affaire Tetra Pak (TPICE 10 juill. 1990, aff. T-51/89 , Rec. CJCE II-309). Par ailleurs, l'octroi
d'une exemption au titre de l'article 101, paragraphe 3, n'empêche pas l'application de
l'article 102 du Traité (CJCE 6 avr. 1995, BPB Industries et British Gypsum c/ Commission, aff.
C-310/93, Rec. CJCE I-865, point 11). La Cour de justice a, en outre, rappelé qu'il n'est pas
nécessaire de mettre en œuvre la procédure de retrait avant d'appliquer l'article 102 à des
pratiques couvertes par un règlement d'exemption (CJCE 16 mars 2000, Cie maritime belge
transports et a. c/ Commission, aff. jointes C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. CJCE I-1365).
§ 3 - Compétence
124. Contrairement au droit antérieur à la réforme intervenue en 1999 (citée supra, n o 8), qui
prévoyait une compétence exclusive de la Commission en matière de retrait, le règlement
n o 1/2003 prévoit une compétence partagée. La décision de retrait peut, en effet, être prise
non seulement par la Commission, mais aussi par les autorités nationales de concurrence
(V. à cet égard, Paris, 29 juin 2004, SPEA c/ Sté Renault et a., cité supra, n o 44). L'objectif
est d'assurer une surveillance efficace des marchés et une plus grande décentralisation dans
la mise en œuvre des règles de concurrence de l'Union (Règl. n o 1215/1999 du Conseil du
10 juin 1999, cité supra, n o 18, considérant 11). La compétence partagée est cependant
limitée aux accords verticaux auxquels l'article 1 er du règlement du 20 avril 2010 s'applique,
mais qui produisent des effets incompatibles avec l'article 101, paragraphe 3, du TFUE sur le
territoire ou une partie du territoire d'un État membre qui présente toutes les caractéristiques
d'un marché distinct (Règl. n o 1/2003 du Conseil du 16 déc. 2002 [cité supra, n o 44], art. 29-
2. – V. aussi Règl. n o 330/2010 du 20 avr. 2010, considérant 14).
125. Le partage de compétence avec les États membres a parfois suscité des réserves dans
les milieux d'affaires. Certains craignent, en effet, les distorsions de concurrence qui
pourraient naître des différences d'appréciation entre les États membres : « Le Comité […]
souhaite […] attirer l'attention sur les risques que fait peser une application décentralisée sur
l'homogénéité et la cohérence de la politique européenne de la concurrence. Le transfert de
compétence aux autorités nationales peut avoir des effets néfastes pour les entreprises si des
divergences dans les pratiques administratives et judiciaires des États membres mettent en
péril l'application uniforme du droit au sein du marché intérieur et compromet l'efficacité des
procédures » (Avis Comité économique et social du 24 févr. 1999, n o 195/99 du 24 févr. 1999,
JOCE, n o C 116, 28 avr.). Des doutes ont également été exprimés par certains auteurs (DE
MONTBLANC et KOEHLER DE MONTBLANC, Droit de la concurrence, vers une révolution, Act.
fid. juill. 1999, n o 831).

126. Ces craintes semblent excessives. Diverses règles permettent, en effet, d'éviter les
divergences de décision ou l'application de critères d'analyse différents. D'abord, les décisions
de retrait adoptées par les autorités nationales ne peuvent porter préjudice à l'application
pleine et uniforme, dans tout le Marché commun, des règles communautaires et au plein effet
des actes pris en vertu de ces règles (CJCE 13 févr. 1969, Walt W ilhelm, aff. 14/68, Rec.
CJCE 1). Par ailleurs, les procédures nationales de retrait sont mises en œuvre en relation
étroite avec la Commission. Il n'est pas douteux que celle-ci réagirait si elle estimait qu'une
procédure de retrait n'était pas appropriée. La Commission conserve d'ailleurs la possibilité de
dessaisir les autorités nationales de concurrence, c'est-à-dire en engageant sa propre
procédure (Règl. n o 1/2003 du Conseil du 16 déc. 2002, cité supra, n o 44, art. 11-6). En effet,
la compétence des États membres n'est pas exclusive mais concurrente de celle de la
Commission européenne. La question s'est posée de savoir quelle autorité est compétente
dans chaque État membre pour adopter une décision de retrait. Il semble évident qu'il ne peut
s'agir que des autorités de concurrence. Pour la France, il s'agit donc de l'Autorité de la
concurrence et de la cour d'appel de Paris (en ce sens : DELBARRE et REDON, Exemption des
accords verticaux, BRDA 3/2000, p. 11 s.).

Art. 4 - Règlement d'exclusion


127. Au lieu d'appliquer la procédure de retrait à un nombre élevé de cas individuels ou à des
réseaux d'accords similaires relevant de plusieurs marchés géographiques, ce qui peut s'avérer
d'une particulière lourdeur, la Commission pourrait estimer préférable de mettre en œuvre une
procédure revêtant un caractère plus général. Cette faculté lui est offerte par la formule du
règlement d'exclusion prévue à l'article 6 du règlement n o 330/2010 du 20 avril 2010. Celui-ci
permet, en effet, à la Commission – contrairement à la procédure de retrait, la Commission
bénéficie ici d'une compétence exclusive –, en adoptant un règlement, d'exclure du champ
d'application du règlement du 20 avril 2010 tous les réseaux parallèles de restrictions
verticales similaires, lorsqu'ils représentent plus de 50 % du marché pertinent.
128. Un tel règlement a pour effet d'écarter l'application du règlement d'exemption, mais ne
s'oppose pas à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du TFUE dans le cadre d'un examen
individuel.
129. À titre d'illustration, la Commission cite l'exemple de la distribution sélective : un
règlement d'exclusion pourrait être envisagé lorsque les critères de sélection adoptés par des
réseaux représentant 50 % du réseau recourent à des critères de sélection qui ne sont pas
exigés par la nature des biens en cause ou sont discriminatoires envers certains modes de
distribution pourtant adaptés à la vente de ces biens (Lignes directrices [citées supra, n o 19],
n o 81). Néanmoins, l'exclusion pourrait ne s'appliquer qu'à des dispositions précises. Ainsi,
lorsqu'un système de distribution sélective est pratiqué sur un marché déterminé en
combinaison avec des restrictions supplémentaires, telles qu'une obligation de non-
concurrence ou des quotas d'achat imposés à l'acheteur, le règlement d'exclusion peut ne
concerner que ces restrictions supplémentaires (Lignes directrices, n o 83). Le règlement
d'exclusion pourrait également ne s'appliquer qu'à une partie des fournisseurs qui contribuent
à l'effet d'exclusion. Ainsi, même si tous les réseaux parallèles d'accords du type
monomarquisme doivent être pris en considération, afin d'établir si le seuil de 50 % de
couverture du marché est atteint, la Commission pourra, néanmoins, limiter le champ
d'application du règlement d'exclusion aux seules obligations de non-concurrence qui
dépassent une certaine durée (Lignes directrices, n o 83).
130. Le champ d'application des règlements d'exclusion doit être précisément délimité, ce qui
implique la détermination du marché pertinent – dans sa dimension tant sectorielle que
géographique – et des restrictions verticales auxquelles le règlement d'exemption cesse de
s'appliquer (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 83). Comme pour les décisions de
retrait, les règlements d'exclusion ne produisent des effets que pour l'avenir. En d'autres
termes, le bénéfice de l'exemption par catégorie reste acquis pour la période précédant
l'adoption d'un règlement d'exclusion.

Chapitre 3 - Accords d'exclusivité


131. Les accords d'exclusivité ont un caractère ambivalent. Ils peuvent, notamment, favoriser
l'ouverture des marchés à de nouveaux opérateurs économiques ou permettre de sécuriser les
investissements d'un opérateur souhaitant développer une nouvelle technologie ou une
opération de marketing. Ils peuvent, dès lors, produire des effets proconcurrentiels. C'est la
raison pour laquelle les autorités de concurrence estiment qu'ils ne sont pas en soi contraires
au droit de la concurrence (Cons. conc. n o 97-D-71 du 7 oct. 1997, Sté Asics France et a.,
BOCCRF 31 déc. ; Rec. Lamy n o 743, obs. Berthault).

132. Cependant, les accords d'exclusivité peuvent également avoir des effets de verrouillage
ou réduire, voire éliminer, la concurrence intermarque. Ils pourraient, dès lors, tomber sous le
coup des dispositions nationales ou de l'Union qui interdisent les ententes et les abus de
position dominante. Les exemples qui suivent permettent d'illustrer le propos :
1 o condamnation, sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, de
l'accord attribuant à Adidas le droit d'utiliser le titre de fournisseur officiel et exclusif de la
Ligue nationale de football (Cons. conc. 7 oct. 1997, préc.) ; 2 o condamnation, sur le
fondement de l'article L. 420-1, de l'accord par lequel la Fédération française de sport-boule a
accordé à la société Boule intégrale l'exclusivité de la publicité et de la promotion sur toutes
les compétitions nationales officielles organisées en France, d'un emplacement pour
l'installation d'un stand dans toutes les autres compétitions nationales et de l'exclusivité de
la quatrième page de couverture dans tous les numéros de la revue Sport-boules magazine
(Cons. conc. n o 97-D-90 du 9 déc. 1997, Secteur de la boule lyonnaise, BOCCRF 28 févr.
1998) ; 3 o condamnation, sur le fondement de l'article L. 420-2, d'une entreprise de pompes
funèbres qui avait inséré dans des contrats passés avec des prestataires de service
(fleuristes, menuisiers, marbriers…), des clauses de non-concurrence pour une durée variant
de trois à dix ans et sur une circonscription géographique s'étendant jusqu'à cinquante
kilomètres, sans proportion à la durée et à la délimitation géographique du contrat de base
(Cons. conc. n o 97-D-76 du 21 oct. 1997, BOCCRF 29 janv. 1998) ; 4 o condamnation, sur le
fondement des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité de Rome (devenu
art. 102 du TFUE), des pratiques mises en œuvre par le groupe Decaux et visant à lui
permettre d'éviter d'être confronté à la concurrence et de conserver l'exclusivité de
l'installation des principaux types de mobiliers urbains publicitaires pour des durées excédant
largement celles fixées dans les contrats initiaux ; cette exclusivité était, par ailleurs,
souvent renforcée par une clause de préférence faisant obligation aux collectivités d'informer
le groupe Decaux des offres éventuelles des entreprises concurrentes concernant l'installation
de mobilier supplémentaire ; ces pratiques ont permis à Decaux d'éviter d'être confronté à la
concurrence et de conserver l'exclusivité de l'installation des principaux types de mobiliers
urbains publicitaires, dans les villes où il était implanté, pour des durées excédant largement
celles fixées dans les contrats initiaux (Cons. conc. n o 98-D-52 du 7 juill. 1998, Decaux,
BOCCRF 7 oct. ; D. Affaires 1999. 23) ; 5 o condamnation, sur le fondement de l'article L. 420-
2, des contrats de préachat de droits exclusifs de diffusion télévisuelle par abonnement de
films français que la société Canal + a conclus avec divers producteurs (Cons. conc. n o 98-D-
70 du 24 nov. 1998, Secteur des droits de diffusion audiovisuelle, BOCCRF 21 janv. 1999).

133. Encore faut-il, pour que l'article L. 420-1 du code de commerce – et l'article 101 du
TFUE – puisse s'appliquer, qu'un accord puisse être établi. À titre d'exemple, cette condition
n'étant pas remplie dans l'affaire OFUP c/ Sté France Abonnement, la Cour de cassation a
annulé l'arrêt de la cour d'appel : « Attendu que pour annuler sur le fondement des articles
L. 420-1 et L. 420-3 du code de commerce […], la clause d'exclusivité litigieuse l'arrêt après
avoir relevé que la société OFUP, qui exerce sous le statut d'agent commercial une activité de
distribution, et que les éditeurs avec lesquels elle est liée par un contrat type rédigé par elle
lui ont laissé la plus grande indépendance et une totale liberté de choix et de mise en œuvre
de son activité, énonce qu'elle a ainsi créé elle-même l'entente destinée à lui assurer le
monopole de la représentation des titres sélectionnés ; attendu qu'en se déterminant ainsi,
par des termes impropres à caractériser une entente et sans constater que les éditeurs
concernés aient eu pour but de participer à une action concertée en vue de limiter l'accès au
marché pertinent […] la cour d'appel a violé […] » (Com. 12 janv. 1999, n o 97-10.808 , RJDA
4/1999, n o 481 ; CCC 1999. Comm. 15, obs. Malaurie-Vignal ; LPA n o 235, 25 nov. 1999, p. 12,
obs. Reboul). Il convient, également, d'évoquer ici la position stricte adoptée par la Cour de
justice à propos du refus opposé par Bayer d'approvisionner les grossistes établis en Espagne
et en France afin d'empêcher ceux-ci d'exporter le produit en cause au Royaume-Uni – on
notera que le Conseil de la concurrence s'en est inspiré (V. Rapp. Cons. conc. 2006, p. 128)
– : « [une entente] ne peut se fonder sur ce qui n'est que l'expression d'une politique
unilatérale de l'une des parties contractantes, qui peut être exécutée sans l'assistance
d'autrui. En effet, considérer qu'un accord interdit par l'article 85, paragraphe 1, du traité
[devenu art. 101-1 du TFUE] peut être établi sur la seule base de l'expression d'une politique
unilatérale visant à empêcher les importations parallèles aurait pour effet de confondre le
champ d'application de cette disposition avec celui de l'article 86 du traité [devenu art. 102 du
TFUE]. Pour qu'un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité puisse être réputé
conclu au moyen d'une acceptation tacite, il est nécessaire que la manifestation de volonté de
l'une des parties contractantes visant un but anticoncurrentiel constitue une invitation à
l'autre partie, qu'elle soit expresse ou implicite, à la réalisation commune d'un tel but, et ce
d'autant plus qu'un tel accord n'est pas, comme en l'espèce, à première vue, dans l'intérêt de
l'autre partie, à savoir les grossistes » (CJCE 6 janv. 2004, Bayer, aff. jointes C-2/01 P et C-
3/01 P, Rec. CJCE I-23, points 101 et 102).
134. L'existence d'accords d'exclusivité peut également être prise en compte par l'autorité de
concurrence lorsqu'elle est appelée à examiner une opération de fusion. La résiliation des
accords peut permettre de dissiper les craintes suscitées par l'opération (communication
Comm. CE, concernant les mesures correctrices recevables conformément au règlement du
Conseil du 21 déc. 1989, JOCE, n o C 68, 2 mars 2001). À titre d'exemple, dans la célèbre
affaire Boeing/MDD, la Commission européenne a autorisé la fusion de ces deux entreprises, à
la condition notamment que Boeing mette un terme aux accords d'exclusivité conclus avec les
compagnies aériennes (Décis. n o M877 de la Commission du 30 juill. 1997, COM[1997]2598
final). De même, l'ancienne Commission de la concurrence a autorisé une fusion dans le
secteur des petits tubes soudés à la condition que les entreprises concernées n'introduisent
pas de clauses d'exclusivité dans les contrats de vente, de dépôt ou de consignation qu'elles
seraient amenées à conclure avec des entreprises de négoce (Arr. min. n o 79-29/C du 16 mai
1979, BOSP 19 mai. – Dans le même sens, V. Arr. min. n o 79-59/P du 29 nov. 1979, BOSP
1 er déc.). L'opération de concentration dans le secteur des blanchets d'imprimerie offset,
retient également l'attention : l'un des producteurs projetait d'acquérir le distributeur exclusif
de son concurrent ; le ministre chargé de l'économie n'a pu donner son accord à l'opération
que parce que ce producteur avait pris des engagements visant à permettre le maintien
effectif de son concurrent pendant une durée suffisante à la reconstitution de son réseau de
distribution (Lettre min. Économie du 22 févr. 1999, Matériels et produits pour l'imprimerie
offset, BOCCRF 12 mai). Les développements qui suivent seront limités au secteur de la
distribution et plus particulièrement aux accords de distribution exclusive (V. infra, n o 135)
ainsi qu'aux accords d'exclusivité de clientèle (V. infra, n o 136) et de non-concurrence
(V. infra, n o 137).
135. L'accord de distribution exclusive est une convention par laquelle le fournisseur limite
ses ventes à un seul acheteur dans un territoire déterminé. Cet accord crée une double
entrave au fonctionnement normal du marché : d'une part le fournisseur s'interdit de livrer
d'autres distributeurs dans la zone d'exclusivité ; d'autre part, le distributeur se voit souvent
interdire de prospecter la clientèle hors du territoire qui lui a été concédé. Il peut donc créer
un risque de réduction de concurrence intramarque et de cloisonnement du marché (Lignes
directrices, n o 151).

136. Dans le cadre d'un accord d'exclusivité de clientèle, le fournisseur accepte de ne vendre
ses produits qu'à un seul distributeur aux fins de leur revente à une catégorie de clients
déterminée. En même temps, le distributeur est souvent limité dans ses ventes actives à
d'autres clientèles (concédées). Du point de vue de la concurrence, ce système risque surtout
d'affaiblir la concurrence intramarque et de cloisonner le marché, de sorte qu'il pourrait en
résulter une discrimination par les prix (Lignes directrices, n o 168).
137. L'accord de non-concurrence est une convention par laquelle l'une des parties, le
distributeur, sous l'effet d'un accord obligatoire ou incitatif, s'engage à s'approvisionner pour
plus de 80 % de ses besoins sur un marché auprès d'un seul fournisseur. Il risque de fermer
l'accès des fournisseurs concurrents ou potentiels au marché, de faciliter la collusion entre
fournisseurs en cas d'utilisation cumulative et, lorsque l'acheteur est un détaillant vendant
aux consommateurs finals, d'affaiblir la concurrence intermarques à l'intérieur du point de
vente (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 129).

138. Les accords d'exclusivité peuvent ainsi avoir un caractère anticoncurrentiel. Ils sont donc
susceptibles de tomber sous le coup du droit des ententes. Les entreprises en situation de
domination peuvent également être amenées à abuser de cette position à l'égard des
entreprises avec lesquelles elles sont liées par des accords d'exclusivité. Il convient, dès lors,
d'examiner comment les règles relatives au droit des ententes et des abus de domination
s'appliquent aux accords d'exclusivité.

Section 1 re - Droit des ententes

139. Il ne fait pas de doute que le droit des ententes est susceptible de s'appliquer aux
accords d'exclusivité (V. Entente [Com.]). Dès lors que ces accords produisent des effets sur
le territoire national ou de l'Union – sans vouloir rouvrir le débat sur les notions « d'effets » et
de « mise en œuvre », nous observerons que le fait que la Cour de justice des Communautés
européennes ait, dans l'affaire Pâte de bois (CJCE 27 sept. 1988, aff. 89/85 et a., D. 1989.
Somm. 224, obs. Cartou), utilisé les termes « mise en œuvre » ne condamne pas forcément la
théorie des effets –, il importe peu que les entreprises en cause soient situées à l'étranger.
La Cour de justice s'est exprimée en ce sens dans l'affaire Beguelin (CJCE 25 nov. 1971, aff.
22/71, Rec. CJCE 949) : « Un accord d'exclusivité passé entre un producteur ressortissant à un
pays tiers et un distributeur établi dans le Marché commun relève de l'interdiction énoncée à
l'article 85 du Traité de Rome (devenu art. 101 du TFUE) lorsqu'il fait obstacle, en droit
comme en fait, à ce que le distributeur exporte les produits en cause dans d'autres États
membres ou à ce que ces produits soient importés d'autres États membres dans la zone
protégée, et y soient distribués, par des personnes autres que le concessionnaire ou ses
clients ».

140. La Commission européenne s'est également exprimée dans le même sens : « Un accord
restrictif conclu entre une entreprise du Marché commun et un concurrent d'un pays tiers qui
conduit à isoler le Marché commun d'une source d'approvisionnement potentiellement meilleur
marché pour un produit essentiel d'une industrie communautaire importante, en l'occurrence le
secteur de la machine-outil, peut-être, et est dans le cas présent, de nature à fausser la
concurrence au sein du Marché commun et à affecter les échanges entre États membres »
(Décis. n o 85/618 de la Commission du 18 déc. 1985, Siemens c/ Fanuc, JOCE, n o L 376,
31 déc.).

141. A contrario, le droit des ententes ne s'applique pas lorsque l'accord ne produit des effets
qu'au-delà des frontières : « Il n'est pas établi que cette clause, qui se bornait à limiter la
capacité d'exportation de la société Sodigraph SA, ait eu un objet ou pu avoir un effet
anticoncurrentiel sur le territoire français et, en conséquence, qu'elle soit visée par les
dispositions de l'article 7 ». Au cas d'espèce, le Conseil de la concurrence a néanmoins pu
appliquer l'article 85 du Traité de Rome (devenu art. 101 du TFUE), puisque la clause
litigieuse pouvait avoir pour effet de restreindre la concurrence dans le Marché commun et
qu'elle était susceptible d'affecter le commerce entre États membres (Cons. conc. n o 97-D-68
du 23 sept. 1997, Films radiographiques, BOCCRF 29 sept. – Dans le même sens, V. Cons.
conc. n o 00-MC-14, 23 oct. 2000, Sté Pharma Lab, BOCCRF 30 déc. – Cons. conc. n o 02-MC-09,
12 juin 2002, Sté Pharmajet, BOCCRF 30 sept.).
142. Cependant, le fait que l'accord ne concerne que des exportations vers un pays tiers ne
suffit pas toujours à exclure l'application du droit des ententes. En effet, la concurrence ou le
commerce entre États membres est, malgré tout, susceptible d'être affecté, notamment s'il
existe une possibilité de réimportation. L'affaire relative à des pratiques mises en œuvre par
divers laboratoires dans le secteur des exportations parallèles de médicaments a par ailleurs
révélé une évolution de la pratique décisionnelle du Conseil sur l'applicabilité du droit interne
à des pratiques concernant la livraison de produits destinés à l'exportation. Au stade des
mesures conservatoires, le Conseil avait considéré que de telles pratiques n'étaient pas
susceptibles d'affecter le marché français et n'étaient donc pas visées par les articles L. 420-1
et L. 420-2 du code de commerce (Cons. conc. n o 00-MC-14, 23 oct. 2000, Pharma-Lab,
BOCCRF 30 déc.) ; mais, au fond, le rapporteur général a souhaité que le Conseil réexamine la
question du droit applicable et a proposé d'adopter, pour la décision au fond, une solution
différente de celle qui avait été retenue pour la décision de mise en œuvre de mesures
conservatoires. Il a soutenu qu'il n'était pas justifié d'écarter l'application du droit national de
la concurrence au seul motif de l'absence d'effet sur le marché de détail français. Il a indiqué,
d'une part, que d'autres critères que celui des effets pouvaient être utilisés par une autorité
nationale pour appliquer son droit national et, d'autre part, que, dans l'hypothèse où le
Conseil souhaiterait appliquer la théorie des effets, on ne pouvait exclure que les pratiques
restrictives des laboratoires puissent avoir des effets sur la structure du ou des marchés de
gros des médicaments en France, notamment en empêchant ou en retardant l'apparition de
nouveaux grossistes. Il a rappelé, à l'appui de sa position, sa pratique décisionnelle et
notamment la décision relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la
société Export Press à l'encontre du groupe des NMPP, dans laquelle le Conseil, après avoir
conclu qu'il n'était pas compétent pour connaître des effets éventuellement anticoncurrentiels
sur les marchés de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie-Française, du fait de la non-
application du livre IV du code de commerce à ces territoires, avait considéré qu'il « reste
compétent pour examiner les pratiques d'entreprises françaises agissant en France
métropolitaine dans le but de s'ouvrir les marchés d'exportation » (Cons. conc. n o 04-D-45 du
16 sept. 2004, BOCCRF 9 déc.). Le collège s'est exprimé dans le sens souhaité par le
rapporteur général et a considéré qu'il était compétent pour appliquer le droit national à des
pratiques mises en œuvre sur le territoire national et dont l'examen s'appuie sur des éléments
recueillis en France. À titre subsidiaire – et nonobstant le fait que, s'agissant de la
consommation finale des produits, seuls les marchés de détail étrangers étaient affectés –, il
a considéré que les restrictions commerciales imposées par les laboratoires pharmaceutiques
aux exportateurs français ont nécessairement eu des effets, au moins structurels, sur le ou
les marchés de gros sur lesquels ces entreprises étaient actives (Cons. conc. n o 05-D-72 du
20 déc. 2005, Exportations parallèles de médicaments, points 204 s., BOCCRF 21 juin 2006).

Art. 1 er - Distribution exclusive et droit des ententes


143. La jurisprudence est plutôt favorable aux accords de distribution exclusive. Ainsi, la Cour
de justice des Communautés européennes estime que ces accords ne tombent pas
nécessairement sous le coup du droit des ententes : « Les contrats assortis d'une clause
« concédant un droit exclusif de vente » ne réunissent pas, par leur seule nature, les
éléments constitutifs de l'incompatibilité avec le Marché commun, prévus à l'article [101 du
TFUE] » (CJCE 30 juin 1966, Technique minière c/ LTM-Machinenbau Ulm GmbH, aff. 55/65,
Rec. CJCE 337). Ces accords, ainsi d'ailleurs que les accords d'exclusivité de clientèle, qui
produisent des effets similaires, sont par ailleurs couverts par le règlement du 20 avril 2010
dans les limites du seuil de 30 % de part de marché, même lorsqu'ils sont combinés avec
d'autres restrictions verticales telles que des clauses de non-concurrence limitées à cinq ans.
Ils peuvent même être combinés avec des accords de distribution sélective, à condition que
les distributeurs puissent se livrer à des ventes actives hors de la zone d'exclusivité (Lignes
directrices [citées supra, n o 19], n o 148). Au-dessus du seuil de 30 %, il convient de se référer
aux lignes directrices de la Commission et à la jurisprudence.

§ 1 er - Application des lignes directrices aux accords de distribution exclusive


144. Divers facteurs sont déterminants pour l'examen individuel des accords de distribution
exclusive non couverts par l'exemption par catégorie. Les analyses qui leur sont consacrées
dans le chapitre VI. 2. 2 (n os 151 s.) des lignes directrices sont résumées ci-après (V. infra,
n os 145 s.). On notera, par ailleurs, que les lignes directrices consacrent également de longs
développements aux accords d'exclusivité de clientèle (Lignes directrices [citées supra, n o 19],
chap. VI. 2. 2, n os 168 s.), qu'il n'a pas paru nécessaire de reprendre ici dans la mesure où ces
accords produisent des effets en grande partie analogues à ceux des accords de distribution
exclusive.

145. Positions sur le marché. - La part de marché du fournisseur et de ses concurrents revêt
une grande importance dans la mesure où la réduction de la concurrence intermarque ne pose
vraiment problème que lorsque cette concurrence est déjà réduite. La Commission consacre de
longs développements à la position des concurrents. La présence de concurrents puissants
peut produire des effets ambivalents : elle pourrait, en effet, permettre de compenser la
réduction de la concurrence intramarques, mais elle pourrait également renforcer le risque de
collusion, surtout si les concurrents sont peu nombreux et recourent à des systèmes de
distribution similaires voire utilisent le même distributeur exclusif. Les effets cumulatifs que
de telles situations peuvent créer pourraient justifier la mise en œuvre d'une procédure de
retrait (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 153 s.).

146. Effet d'exclusion. - Les accords de distribution exclusive ne posent pas, en général, de
sérieux problèmes en termes de verrouillage du marché. C'est la raison pour laquelle la
Commission n'attache pas beaucoup d'importance aux barrières à l'entrée du marché (Lignes
directrices [citées supra, n o 19], n os 155 s.). Il pourrait néanmoins y avoir un risque
d'exclusion d'autres distributeurs si le distributeur exclusif détient un pouvoir de marché
important (Lignes directrices, n o 156).

147. État de maturité du marché. - La Commission estime que l'état de maturité du marché
peut être un facteur important dans l'appréciation des accords de distribution exclusive : la
réduction de la concurrence intramarque et la discrimination par les prix posent plus de
problèmes sur un marché stable que sur un marché caractérisé par une demande croissante,
par l'apparition de nouvelles technologies et par une évolution des parts de marché (Lignes
directrices [citées supra, n o 19], n o 158).

148. Stade de la commercialisation. - Les risques d'effets anticoncurrentiels sont plus


importants au stade du détail qu'au stade du gros. Ainsi, au stade du détail, une élimination
de la concurrence intramarque est très vraisemblable si la distribution exclusive est pratiquée
sur des territoires étendus, car les consommateurs finals pourraient, pour une marque
importante, n'avoir plus qu'un choix limité entre un distributeur proposant un service de
qualité à un prix élevé et un distributeur offrant un service meilleur marché, mais de qualité
moindre (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 159). En revanche, au stade de gros, dès
lors qu'il n'est pas porté atteinte à la liberté de commercialisation du grossiste, et sous
réserve des cas de distribution exclusive multiple, il est peu probable qu'un accord de
distribution exclusive produise des effets négatifs qui ne puissent être compensés par les
gains d'efficience (Lignes directrices, n o 160).
149. Combinaison de plusieurs restrictions verticales. - Une combinaison d'accords de
distribution exclusive et d'approvisionnement exclusif augmente le risque d'un affaiblissement
de la concurrence intramarque et d'un cloisonnement du marché. Elle pourrait en effet
encourager le fournisseur à limiter la concurrence intramarque et appliquer des conditions de
vente différentes. Une exemption individuelle ne peut donc être envisagée que si la
combinaison se traduit par des prix plus bas pour l'ensemble des consommateurs (Lignes
directrices, n o 162).

§ 2 - Jurisprudence relative à l'application du droit des ententes aux accords de


distribution exclusive
150. Sans remonter à la jurisprudence de la Commission technique des ententes et positions
dominantes (V. not. Avis CTEPD 8 nov. 1974, Fiorio, Rec. Lamy n o 105), il est clair que les
autorités françaises de concurrence estiment également, et de longue date, que les accords
de distribution exclusive sont susceptibles de bénéficier d'une exemption individuelle pour la
contribution qu'ils apportent au développement du progrès économique. Le Conseil de la
concurrence a même étendu à la distribution exclusive la règle de raison qu'il a adoptée en
matière de distribution sélective : « Considérant que dès lors qu'ils préservent le jeu d'une
certaine concurrence sur le marché, les systèmes de distribution exclusive ou sélective sont
conformes aux dispositions de l'article 50 de l'ordonnance n o 45-1483 du 30 juin 1945
[D. 1945. 137] et de l'article 7 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 [devenus l'article L. 420-
1 du code de commerce] si les critères de choix ont un caractère objectif, n'ont pas pour objet
ou pour effet d'exclure par nature une ou des formes déterminées de distribution et ne sont
pas appliqués de façon discriminatoire » (Cons. conc. n o 91-D-22 du 14 mai 1991, Matériel
pour kinésithérapeutes, BOCCRF 20 juill. – Cons. conc. n o 97-D-31 du 20 mai 1997,
Distribution de produits d'entretien professionnels, BOCCRF 30 août ; LPA n o 26, 2 mars 1998,
obs. Arhel). Quant au droit de l'Union, s'il n'est pas aussi libéral que le droit français – il
considère, notamment, que les accords de distribution exclusive tombent sous le coup de
l'article 101 du TFUE –, il est clair qu'il admet largement la licéité des accords de distribution
exclusive, comme en témoigne l'application du régime d'exemption. Notons encore que
l'Autorité de la concurrence considère que son approche concorde avec celle exposée dans les
lignes directrices (Aut. conc., Rapp. 2010, p. 125).

151. Diverses questions seront examinées ici : la sélection des distributeurs (V. infra,
n os 152 s.), le contrôle des ventes des distributeurs (V. infra, n os 159 s.), les limites
apportées à la liberté tarifaire des distributeurs (V. infra, n os 174 s.) et les comportements
discriminatoires du fournisseur (V. infra, n o 177).

A - Choix des distributeurs


152. Le concédant a, pendant longtemps, bénéficié d'une grande liberté dans le choix de ses
distributeurs. Ainsi, le Conseil de la concurrence estimait que le choix des concessionnaires
relevait « de la libre appréciation du fournisseur » (Cons. conc. n o 97-D-42 du 4 juin 1997,
Magneti Marelli, BOCCRF 17 sept.).
153. La Cour de cassation considérait pour sa part que « le concédant a le droit de traiter
avec le cocontractant de son choix, qu'il n'est pas tenu de motiver sa décision ni de
communiquer les critères selon lesquels ce choix est exercé » (Com. 7 avr. 1998, cité supra,
n o 44).

154. Cette position ne faisait pas l'unanimité (contra : FERRIER, obs. ss. Com. 7 avr. 1998,
D. 1998. Somm. 332 ; pro : POILLOT-PERUZZETTO, obs. ss. Com. 7 avr. 1998, CCC 1998.
Chron. 118).

155. La Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en annulant l'arrêt d'une cour
d'appel qui avait approuvé le refus par la société Seita d'intégrer un distributeur dans le
réseau. La cour d'appel s'était référée à un cahier des charges garantissant au détaillant un
approvisionnement conforme à la libre appréciation de son marché et n'imposant ni quota de
vente ni chiffre d'affaires minimal, les résultats étant pris en compte par le concédant
seulement comme critères de réorganisation géographique ou de modulation des concessions.
La cour d'appel a ajouté que le remodelage de concession ou la création de nouveaux points
de vente sous concession se font en fonction de l'opportunité économique dans l'intérêt du
consommateur, dans le but de faciliter l'accès des usagers au service public assuré par les
débitants et sans qu'il soit porté atteinte aux droits précédemment concédés. Selon la Haute
juridiction, « en se déterminant ainsi, par référence à des critères quantitatifs et qualitatifs
imprécis, discrétionnairement mis en application par la Seita, et qui ne permettent pas de
vérifier si les concessionnaires sont choisis selon les mêmes critères objectifs opposables à
tous les candidats, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (Com.
25 janv. 2000, n o 97-15.292 , CCC 2000. Comm. 64, obs. Malaurie-Vignal. – V. aussi, dans la
même ligne, T. com. Paris, 31 janv. 2000, LPA n o 133, 5 juill. 2000, p. 14, obs. Calvo). On a
ainsi pu observer que « le régime applicable à la sélection du cocontractant apparaît […]
unifié, que l'on soit en présence d'un contrat de distribution exclusive ou d'un contrat de
distribution sélective » (CHAMPALAUNE, La réforme de l'exemption des « accords
automobiles » au regard du droit des contrats, JCP E 2003, n o 5, p. 15).
156. Il faut également que, en opérant son choix, le concédant s'abstienne de recourir à « des
pratiques contraires aux règles de la concurrence ». Cette condition était remplie dans l'affaire
de la Guilde des lunetiers de France, mais pas dans l'affaire du matériel pour
kinésithérapeutes.

157. Affaire de la Guilde des lunetiers de France. - Les membres du réseau de la Guilde
étaient répartis entre trois enseignes (Krys, Vision Plus et Prinoptic) et bénéficiaient d'une
exclusivité territoriale. La clause suivante a plus particulièrement retenu l'attention du Conseil
de la concurrence : « L'accord formel des guildiens concernés doit être obtenu pour
l'implantation d'un magasin Prinoptic sur une zone d'exclusivité Krys ou Vision Plus ». Le
Conseil n'a pas retenu de grief dans la mesure où, selon lui, il appartient à la Guilde de définir
les conditions d'implantation des magasins à l'enseigne Prinoptic de manière à permettre la
plus grande efficacité de ses réseaux. Le fait que les trois réseaux soient gérés par la Guilde
a été déterminant dans la position adoptée. La solution aurait, sans doute, été différente s'il
s'agissait de réseaux autonomes (Cons. conc. n o 97-D-49 du 24 juin 1997, Réseau Krys,
BOCCRF 17 sept. ; LPA n o 35, 23 mars 1998, obs. Arhel ; Rec. Lamy n o 728, obs. Meffre).
158. Affaire du matériel pour kinésithérapeutes. - Le Conseil de la concurrence a condamné
le choix de distributeurs en fonction de « la notoriété dans la profession de distributeur de
matériel médical et de kinésithérapie, compétence, solvabilité, possibilité « apparente » de
gérer, prospection et distribution sur les départements consentis ». Il a estimé que ces
critères n'étaient pas objectifs et étaient appliqués de façon discriminatoire. En revanche, le
choix des distributeurs en fonction de « leurs capacités et leur désir à obtenir la compétence »
a été considéré comme n'ayant pas d'objet ou d'effet anticoncurrentiel (Cons. conc. n o 91-D-
22 du 14 mai 1991, Matériel pour kinésithérapeutes, BOCCRF 20 juill. ; Rec. Lamy n o 447, obs.
Sélinsky ; CCC 1991. Comm. 185).

B - Contrôle des ventes des distributeurs


1° - Principe de l'interdiction de la protection territoriale absolue

159. Il résulte du droit des ententes que le fournisseur ne peut garantir une protection
territoriale absolue aux concessionnaires. En d'autres termes, ceux-ci ne peuvent prétendre
assurer toutes les ventes à l'intérieur de la zone qui leur a été concédée. La jurisprudence sur
cette question s'est développée au niveau de l'Union mais aussi au niveau national.

a. - Jurisprudence de l'Union

160. La jurisprudence de l'Union condamnant les clauses de protection territoriale absolue est
abondante (par ex. : CJCE 11 janv. 1990, Sandoz, aff. C-277/87 , Rec. CJCE I-45. –Décis.
n o 95/477 de la Commission du 12 juill. 1995, BASF, JOCE, n o L 272, 15 nov. ; CCC 1995.
Comm. 204, obs. L. Vogel ; Europe janv. 1996, n o 39, obs. Idot ; RTD com. 1996. 164, obs.
Bolze ; RTD eur. 1996. 567, spéc. p. 600, obs. Blaise et Idot ). Il existe également une
abondante jurisprudence dans le secteur automobile (V. Automobile : droit de la concurrence
[Com.]).
161. Les clauses affectant le régime de la garantie du fabricant ou le bénéfice du service
après-vente occupent une place importante dans la pratique décisionnelle de la Commission
et la jurisprudence de l'Union. La règle ici est que, lorsque le producteur accorde sa garantie
pour les produits qu'il distribue dans l'Union, cette garantie doit pouvoir être réclamée auprès
de n'importe quel revendeur (Décis. n o 78/922 de la Commission du 23 oct. 1978, Zanussi,
JOCE, n o L 322, 16 nov. ; Rapp. pol. conc. 1978, points 17 à 20. – CJCE 21 févr. 1984,
Hasselblad, aff. 86/62, Rec. CJCE 883, spéc. attendus n os 32 à 34), y compris lorsque le
produit a été acheté auprès d'un revendeur parallèle : « Quand le droit communautaire exige
que les importations parallèles demeurent possibles, le fabricant ne peut pas limiter sa
garantie aux produits achetés auprès de son réseau et la refuser aux produits achetés auprès
d'un importateur parallèle » (BEHAR-TOUCHAIS et VIRASSAMY, op. cit., p. 570). À titre de
comparaison, le bénéfice de la garantie peut être refusé lorsque le fournisseur a mis en place
un réseau de distribution sélective et que le consommateur a acheté son produit auprès d'un
revendeur n'appartenant pas au réseau (BEHAR-TOUCHAIS et VIRASSAMY, op. cit., p. 571).
Les clauses de différenciation des prix (Cons. conc. n o 96-D-17 du 19 mars 1996, Sté Outils
Wolf, BOCCRF 27 juill. ; Rec. Lamy n o 680, obs. Respaud. – Décis. Comm. CE 31 déc. 1985,
préc. – Décis. n o 70/332 de la Commission du 30 juin 1970, Kodak, JOCE, n o L 147, 7 juill.) et
des produits sont également interdites. Ainsi, a été condamné un fournisseur qui modifiait
légèrement la composition du produit afin d'empêcher les importations parallèles vers un État
membre où les prix étaient les plus élevés (Décis. n o 93/554 de la Commission du 22 juin
1993, Zera c/ Montedison et autres, JOCE, n o L 272, 4 nov.).
162. Il faut y ajouter la condamnation des entraves aux importations parallèles résultant du
comportement des cocontractants. Ainsi, dans l'affaire Hasselblad, la Cour de justice a estimé
que bien que le contrat ne comportait pas de clause interdisant les exportations, il ne pouvait
bénéficier de l'exemption par catégorie parce que les contractants avaient pris des mesures en
vue d'entraver l'approvisionnement de revendeurs en produits contractuels ailleurs dans le
Marché commun (CJCE 21 févr. 1984, Hasselblad, aff. 86/62, Rec. CJCE 883). L'affaire Dunlop
mérite également d'être citée ici en raison de la variété des pratiques mises en œuvre par
cette entreprise pour lutter contre les importations parallèles : outre l'interdiction d'exporter
faite aux distributeurs, Dunlop a opposé un refus de vente à un distributeur qui se livrait à
des exportations vers le territoire exclusif d'un autre distributeur ; cette entreprise a
également pris des mesures tarifaires pour dissuader ces exportations : avantages
discriminatoires accordés à un distributeur qui s'estimait victime des importations parallèles,
rachat de produits ayant fait l'objet d'importations parallèles – à noter que le rachat des
marchandises peut également être appréhendé comme une pratique de prix imposés (par ex. :
TGI Paris, 14 juin 1993, Lettre distrib. déc. 1993. – TGI Laval, 24 juin 1993, BID 5/1994. – Sur
cette question : ARHEL, Les pratiques tarifaires, 2 e éd., 2001, EFE-LGDJ, n o 211) –, marquage
des produits afin d'identifier les exportateurs parallèles et utilisation d'un label en faveur des
seuls distributeurs exclusifs (Décis. n o 92/261 de la Commission du 18 mars 1992, Netwitt c/
Dunlop Slazenger International, JOCE, n o L 131, 16 mai).

b. - Jurisprudence française

163. La jurisprudence française est tout aussi abondante. L'affaire du Matériel pour
kinésithérapeutes (Cons. conc. n o 91-D-22 du 14 mai 1991, citée supra, n o 158) et celle des
Matériels et films destinés aux arts graphiques industriels (Cons. conc. n o 93-D-50 du 23 nov.
1993, BOCCRF 28 janv. 1994 ; Rec. Lamy n o 563, obs. Brault) sont des exemples types de
condamnations de clauses conférant une protection territoriale absolue. Ainsi, dans cette
dernière affaire, le Conseil de la concurrence a condamné les clauses selon lesquelles « le
revendeur s'interdit la vente d'équipement hors de France » et « le revendeur s'engage à
n'acheter les produits concernés qu'à Agfa Compugraphic ». Le fait que le fournisseur ait
accordé une remise supplémentaire en contrepartie de ces interdictions n'enlève rien à leur
caractère anticoncurrentiel. On peut aussi citer, les accords de la société Outils Wolf, qui
interdisaient les rétrocessions entre revendeurs sans l'accord du fournisseur (Cons. conc.
n o 96-D-17 du 19 mars 1996, Sté Outils Wolf, BOCCRF 27 juill. ; Rec. Lamy n o 680, obs.
Respaud) et ceux des sociétés GEMS France ou Philips Systèmes Médicaux qui n'autorisaient le
distributeur à revendre hors du territoire convenu qu'avec l'autorisation du fournisseur (Cons.
conc. n o 98-D-62 du 13 oct. 1998, Distribution des appareils médicaux, BOCCRF 12 déc. ; CCC
1999. Comm. 11, obs. Malaurie-Vignal). Ont également été condamnées les mises en garde
publiées par un distributeur exclusif visant à informer les utilisateurs qu'il n'assurerait pas le
service après-vente d'appareils achetés auprès d'autres importateurs situés sur son territoire
(Cons. conc. n o 97-D-21 du 25 mars 1997, Appareils de détection des métaux, BOCCRF
8 juill. ; Rec. Lamy n o 724, obs. Arhel).
164. L'affaire Magneti Marelli (Cons. conc. n o 97-D-42 du 4 juin 1997, BOCCRF 17 sept.)
retient également l'attention. Cette entreprise a interdit à un concessionnaire, la société
AFEPAC, d'établir des relations commerciales avec un ancien concessionnaire, la société STEA,
pour la raison que ce dernier n'était pas situé sur le territoire concédé. La société AFEPAC ne
s'étant pas conformée aux instructions de son concédant, celui-ci l'a, par divers moyens,
empêché d'honorer les commandes passées par la société STEA : retards de livraison, non-
conformité des produits livrés aux produits commandés, commandes non livrées sous prétexte
que les pièces n'étaient plus fabriquées alors qu'elles figuraient au catalogue. Le Conseil de la
concurrence a condamné ces pratiques – après avoir précisé qu'elles ne pouvaient pas se
prévaloir des dispositions du règlement n o 1983/83/CE du 22 juin 1983 –, car l'enquête avait
établi que la société AFEPAC s'était bornée à répondre passivement aux commandes passées
par la société STEA. En revanche, aucun grief ne peut être retenu si une telle preuve n'a pu
être établie (par ex. : Cons. conc. n o 97-D-31 du 20 mai 1997, Distribution de produits
d'entretien professionnels, BOCCRF 30 août ; LPA n o 26, 2 mars 1998, obs. Arhel).

2° - Limites de l'interdiction

a. - Protection territoriale relative

165. Les restrictions aux importations parallèles sont licites lorsque le concédant laisse au
distributeur la possibilité de répondre aux commandes spontanées – concurrence passive, par
opposition à la concurrence active – de clients situés hors de son territoire. On dit alors que la
protection territoriale est seulement relative.
166. L'affaire Honda permet d'illustrer cette règle : « Considérant que les contrats de
concession exclusive […] comportent des clauses interdisant aux concessionnaires et aux
agents de vendre et de promouvoir les produits en dehors du territoire concédé ; qu'en raison
de la faculté, figurant à l'article 3. 3 des contrats, d'accepter les “commandes émanant
spontanément d'utilisateurs situés en dehors du territoire concédé”, clause qui laisse
subsister une concurrence entre les revendeurs du réseau, ces stipulations ne sont pas
contraires aux règles nationales et communautaires de la concurrence » (Cons. conc. n o 91-D-
31 du 18 juin 1991, Honda France, BOCCRF 9 août ; CCC 1991. Comm. 201, obs. L. Vogel ;
Rec. Lamy n o 453, obs. Cas).
167. Sous l'empire du règlement automobile du 28 juin 1985 (V. Automobile : droit de la
concurrence [Com.]), les distributeurs bénéficiaient d'une liberté plus étendue, puisque le
règlement prévoyait la possibilité de se livrer, dans une certaine mesure, à une concurrence
active. Ils étaient, en effet, libres de chercher à développer leur clientèle hors de leur
territoire, par exemple par des publicités dans les médias ou les journaux, au moyen
d'affiches ou de brochures à distribution générales (Brochure explicative 1995 [citée supra,
n o 8], réponse à la question n o 36. – ARHEL, La pratique…, op. cit., ann. VI, p. 264 s.).
Cependant, cette spécificité de la distribution automobile n'a pas été reconduite
(V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]).
168. La question s'est posée de savoir si la vente par internet était une vente active ou
passive. La Commission estime qu'il s'agit en principe de ventes passives. Le recours à
internet n'est pas considéré comme une forme de vente active, car c'est un moyen raisonnable
d'atteindre tous les clients. Le fait qu'il puisse avoir des effets en dehors du territoire ou de la
clientèle affectés à un distributeur est le résultat de cette technique, à savoir un accès facile
à partir de n'importe quel lieu. Si un client visite le site internet d'un distributeur et prend
contact avec ce dernier et si ce contact débouche sur une vente, y compris une livraison, il
s'agit là d'une vente passive. La ou les langues utilisées sur le site en question ou dans la
communication ne jouent normalement aucun rôle à cet égard. La Commission estime que
constituent des restrictions de ventes passives caractérisées, faisant perdre le bénéfice de
l'exemption par catégorie, le fait (i) d'exiger d'un distributeur (exclusif ) qu'il empêche les
clients situés sur un autre territoire (exclusif ) de consulter son site internet ou qu'il les
renvoie automatiquement vers les sites du fabricant ou d'autres distributeurs (exclusifs) ;
(ii) d'exiger d'un distributeur (exclusif ) qu'il mette un terme à une opération de vente par
internet lorsque les données de la carte de crédit du client révèlent qu'il n'est pas établi sur
son territoire (exclusif ) ; (iii) d'exiger d'un distributeur qu'il limite la part de ses ventes
globales réalisées par internet ; (iv) d'exiger d'un distributeur qu'il paie, pour des produits
destinés à être revendus par internet, un prix plus élevé que pour des produits destinés à être
revendus autrement (cette interdiction de la discrimination tarifaire a parfois été critiquée :
GRALL et LAMY, Internet et la question du « dual pricing », RLC 2010/25, n o 1676).
Cependant, la Commission estime également que le fournisseur peut exiger d'un distributeur
« qu'il vende au moins une certaine quantité absolue (en valeur ou en volume) de produits
hors ligne, pour assurer le bon fonctionnement de son magasin traditionnel » ou « qu'il
s'assure que l'activité sur internet du distributeur reste cohérente avec son modèle de
distribution. Cette quantité absolue de ventes hors ligne peut être la même pour tous les
acheteurs, ou être arrêtée de manière individuelle pour chacun d'entre eux, en fonction de
critères objectifs, tels que la taille dans le réseau ou la localisation géographique » (Lignes
directrices [citées supra, n o 1], n o 52). La frontière entre les deux formes de vente n'est pas
toujours très nette. La qualification de « vente active » pourrait, par exemple, être évitée en
invitant le consommateur à souscrire une newsletter lors de son premier contact avec
l'entreprise. « [Il recevrait alors] régulièrement dans sa boîte aux lettres électronique des
informations au sujet de ses produits favoris [nouveaux produits, promotions, offres
spéciales, etc.]. Il sera alors difficile pour le producteur de qualifier cette pratique de “vente
active” dans la mesure où c'est le consommateur/internaute qui a sollicité l'envoi des
informations » (COLLART et ROQUILLY, Réseaux de distribution fermés et commerce
électronique. Implication en droit communautaire de la concurrence, LPA 2002, n o 67, p. 4 s.).
Au-delà même de ces manœuvres de contournement de la réglementation, le distributeur qui
utilise l'internet va par ailleurs se heurter à de sérieux problèmes pratiques : « [Il] devra
vérifier que sa liste de destinataires ne contient pas de clients situés en dehors de son
territoire contractuel. Pourtant logique, cette application de la notion de vente active va
rendre difficile de telles pratiques. En effet, elle impliquera notamment, si le distributeur
établit une liste de diffusion, qu'il demande l'origine de ses clients. Certes, un premier tri
pourrait être effectué selon l'URL d'origine de l'internaute. Cependant, la plupart étant en
“.com”, le distributeur sera souvent dans l'impossibilité de déterminer l'URL » (DIETRICH et
MENAIS, Réseau de distribution et vente sur internet, Juriscom.net 2 juin 2000. – À noter
qu'une URL est une adresse internet comprenant notamment un serveur et un nom de
domaine).

169. On notera encore que si la protection territoriale relative est licite, aussi bien en droit de
l'Union qu'en droit national, une différence sépare ces deux systèmes juridiques : alors qu'en
droit français, les restrictions qui créent une protection territoriale relative bénéficient d'une
règle de raison (par ex. : Cons. conc. n o 91-D-31 du 18 juin 1991, Honda France, BOCCRF
9 août ; CCC 1991. Comm. 201, obs. L. Vogel ; Rec. Lamy n o 453, obs. Cas), en droit de
l'Union, en revanche, ces restrictions sont en principe interdites et bénéficient d'une
exemption.

b. - Politique de groupe

170. Conformément à la jurisprudence Viho, l'article 101 du TFUE n'est pas applicable à la
politique d'un groupe qui impose à chacune de ses filiales de limiter la distribution des
produits du groupe à un territoire imparti et de renvoyer à la filiale compétente les
commandes reçues d'un client établi sur un autre territoire (CJCE 24 oct. 1996, Viho, aff. C-
73/95, Rec. CJCE I-5457 ; D. Affaires 1996. 1379 ; Europe déc. 1996, n o 467, obs. Idot ; CCC
1996. Comm. 204, obs. L. Vogel ; RTD eur. 1997. 459, obs. Blaise et Idot . –
SCARAMOZZINO et ARHEL, article préc. [supra, n o 52], Cah. dr. entr. 1997, n o 5, p. 14 s. –
Pour une application de la jurisprudence, V. aussi Cons. conc. n o 99-D-18 du 2 mars 1999, Sté
Laboratoires 3M santé, BOCCRF 22 juin).
171. Cependant, l'immunité dont bénéficient les groupes, sous l'angle de l'article 101 du
TFUE, ne s'étend pas à l'article 102. Ainsi, dans l'affaire Interbrew (Competition Policy
Newsletter, Autumn-W inter 1996, vol. 2, n o 3, p. 25), la Commission européenne a écarté
l'application de l'article 101, en vertu de la jurisprudence Viho, mais a, en revanche, appliqué
l'article 102 : « La Commission s'est déclarée opposée à une partie d'un projet de circulaire
interne du brasseur belge Interbrew traçant la politique de commercialisation à suivre par ses
filiales en Europe, et notamment l'obligation pour les filiales de transférer les commandes
d'acheteurs de produits destinés à la consommation dans un autre pays à la filiale
responsable de ce territoire. La Commission a considéré que cette stratégie commerciale
aurait pour effet de cloisonner le Marché commun et de permettre à Interbrew de mieux
exploiter la position dominante qu'elle détient sur le marché belge de la bière en protégeant
ce marché de la concurrence de ses propres bières en provenance d'autres États membres, qui
sont moins chères » (Rapp. Comm. CE 1996, p. 25).

c. - Autres limites

172. Diverses autres limites à la liberté du concessionnaire de choisir ses clients ont été
admises : accord faisant interdiction aux grossistes de livrer les utilisateurs finals car cette
limitation correspondait aux exigences fixées par la législation nationale en matière de
séparation des fonctions de grossiste et de détaillant (Décis. n o 75/159 de la Commission du
15 déc. 1975, SABA I, JOCE, n o L 28, 3 févr. ; Rapp. pol. conc. 1976, point 54), obligation
imposée aux distributeurs livrés en franchise de droits et taxes de revendre les produits en
cause uniquement à des acquéreurs opérant en régime de franchise de droits et taxes (Décis.
n o 80/789 de la Commission du 22 juill. 1980, The Distillers Company Ltd c/ Avitailleurs,
JOCE, n o L 233, 4 sept.). A également été admis l'octroi d'aides commerciales aux
concessionnaires (TPICE 13 janv. 2004, JCB Service, aff. T-67/01 , Rec. CJCE II-49, spéc.
point 149. – Cons. conc. 23 déc. 2003, citée supra, n o 62, spéc. point 48). Le Conseil de la
concurrence a en outre estimé que la prohibition de l'atteinte aux échanges
intracommunautaires par l'article 81 (devenu art. 101 du TFUE) n'impliquait pas l'interdiction
de toute forme de différenciation des produits entre les différents pays européens (Cons.
conc. 23 déc. 2003, spéc. point 60).

3° - Rétrocessions au sein du réseau de distribution

173. La question posée ici est de savoir si le fournisseur à la tête d'un réseau de distribution
exclusive peut interdire les rétrocessions entre ses distributeurs. La réponse est en principe
négative quelle que soit la part de marché : les « restrictions des reventes » constituent, en
effet, une clause noire au sens de l'article 4 du règlement du 20 avril 2010 (cité supra, n o 18).

C - Limitation de la liberté tarifaire des distributeurs


174. Principe de l'interdiction. - Sont en principe condamnées toutes les clauses et pratiques
limitant la liberté du distributeur de fixer son prix de revente. Le Conseil de la concurrence a,
par exemple, condamné l'interdiction faite au distributeur, sous peine de rupture du contrat,
de s'écarter de plus de 10 % des prix conseillés, sauf accord préalable du concédant, ou
encore la rupture des relations commerciales avec un concessionnaire qui « portait un tort
considérable » à la marque en pratiquant des « remises excessives » (Cons. conc. n o 91-D-31
du 18 juin 1991, Honda France, BOCCRF 9 août ; CCC 1991. Comm. 201, obs. L. Vogel ; Rec.
Lamy n o 453, obs. Cas. – Pour d'autres ex. : Cons. conc. n o 93-D-50 du 23 nov. 1993,
Matériels et films destinés aux arts graphiques industriels, BOCCRF 28 janv. 1994 ; Rec. Lamy
n o 563, obs. Brault. – Décis. Comm. CE 10 oct. 2001, Mercedes-Benz, communiqué presse
Comm. CE n o IP/01/1394, citée par ARHEL, article préc. [supra, n o 63], LPA n o 152, 1 er août
2001, p. 5 s. – Décis. Comm. CE du 30 mai 2001, Volkswagen, JOCE, n o L 262, 2 oct.,
communiqué presse Comm. CE n o IP/01/760, citée par ARHEL, Sévère condamnation d'une
pratique de prix imposés. La deuxième affaire Volkswagen, LPA n o 152, 1 er août 2001,
p. 5 s. ; ces deux derniers exemples concernaient des accords de distribution sélective et
exclusive). Le juge judiciaire condamne également les clauses d'imposition de prix minimal.
Ainsi, la Cour de cassation a approuvé l'annulation d'un contrat de distribution exclusive par
lequel le distributeur s'était engagé à pratiquer les prix conseillés par le fournisseur (Com.
22 juill. 1986, n o 84-12.792).
175. Limites de l'interdiction. - Les prix maximaux et les prix conseillés sont licites (V. supra,
n os 86 s.). La jurisprudence dans le domaine de la distribution exclusive est cependant peu
abondante sur ces pratiques. À notre connaissance, seul le Conseil de la concurrence s'est
expressément exprimé en ce sens dans une affaire contentieuse : « Considérant que les prix
conseillés constituent une limite maximale fixée par le constructeur et que les contrats
laissent toute liberté aux revendeurs de pratiquer des prix inférieurs ; qu'il n'est pas établi
que l'identité des prix alléguée […] résulte d'une concertation entre les revendeurs ou entre le
constructeur et son réseau » (Cons. conc. n o 91-D-31 du 18 juin 1991, Honda France, BOCCRF
9 août ; CCC 1991. Comm. 201, obs. L. Vogel ; Rec. Lamy n o 453, obs. Cas). La position des
autorités de l'Union a été hésitante pendant longtemps, mais elle ne fait plus de doute
aujourd'hui (V. supra, n os 86 s.).
176. Le Conseil de la concurrence a admis, par ailleurs, la fixation concertée des prix au sein
du réseau de distribution lorsque celui-ci ne comprend qu'un distributeur. Ainsi, dans l'affaire
des cartes postales reproduisant des affiches de cinéma (Cons. conc. n o 99-D-34 du 8 juin
1999, Cartes postales reproduisant des affiches de cinéma, BOCCRF 26 sept.), il n'a pas
retenu de grief à l'encontre de deux sociétés de distribution d'œuvres cinématographiques qui,
chacune pour ce qui la concerne, se sont concertées pour fixer le prix indicatif de revente, avec
l'entreprise à laquelle elles ont concédé le droit exclusif de fabriquer et de vendre le matériel
publicitaire des films qu'elles distribuent. Cette position est motivée en termes de principes :
« Considérant qu'il est loisible au détenteur d'un droit de propriété intellectuelle, soit de se
réserver l'usage de ce droit, soit d'en concéder l'usage exclusif à la personne de son choix ;
que, dans les deux cas, les produits mis sur le marché en application de cette exclusivité ne
peuvent, en tout état de cause, être offerts que par un seul opérateur, lequel ne peut, dès
lors, pour les produits considérés, être en concurrence avec un autre offreur ; qu'ainsi, et en
l'absence d'autres éléments, la circonstance que les conditions de vente de ces produits
soient fixées par le détenteur du droit de propriété, son concessionnaire ou par une
concertation entre le détenteur et son concessionnaire est indifférente au regard de l'exercice
de la concurrence ». Il semble, en revanche, qu'un tel accord soit, en droit de l'Union, interdit
par l'article 101 du TFUE et, en principe, non susceptible de bénéficier d'une exemption.

D - Discriminations
177. Les autorités de concurrence condamnent, sur le fondement du droit des ententes,
l'application discriminatoire des accords de distribution exclusive. À titre d'exemple, le Conseil
de la concurrence a condamné des ristournes d'achat minimal dans la mesure où elles
n'étaient fonction ni du chiffre d'affaires ni du degré de réalisation de l'objectif d'achat et
qu'elles étaient attribuées de façon discriminatoire. Le Conseil a précisé que les « dérogations
tarifaires aux conditions générales de vente » tombaient sous le coup de l'article L. 420-1 du
code de commerce car elles étaient « consenties par un fournisseur à certains de ses
distributeurs sans conditions objectivement définies permettant à toute entreprise qui les
remplit d'y accéder et sans contreparties effectivement mises en œuvre par les bénéficiaires
de ces avantages ». Enfin, la pratique discriminatoire produisait un effet anticoncurrentiel
puisque les distributeurs étaient liés par des liens de concurrence : « En l'espèce, dans la
mesure où les concessionnaires du réseau Magneti Marelli étaient en situation de se faire
concurrence en répondant à la demande passive de la clientèle, de telles pratiques ont pu
avoir un effet anticoncurrentiel » (Cons. conc. n o 97-D-42 du 4 juin 1997, Magneti Marelli,
BOCCRF 17 sept. – Pour un autre exemple de discrimination : Cons. conc. n o 91-D-22 du
14 mai 1991, citée supra, n o 158).

Art. 2 - Accords de non-concurrence et d'achat exclusif et droit des ententes


178. Les accords de non-concurrence et d'achat exclusif sont couverts par le règlement du
20 avril 2010 (cité supra, n o 18), dans la limite du seuil de 30 % de part de marché. Le
règlement automobile du 31 juillet 2002 comportait une règle analogue dans le secteur de
l'automobile. Rappelons, en outre, que les accords de non-concurrence – l'obligation de non-
concurrence est définie à l'article 1 er du règlement du 20 avril 2010 comme « toute obligation
directe ou indirecte interdisant à l'acheteur de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre
des biens ou services qui sont en concurrence avec les biens ou les services contractuels, ou
toute obligation directe ou indirecte imposant à l'acheteur d'acquérir auprès du fournisseur ou
d'une autre entreprise désignée par le fournisseur plus de 80 % de ses achats annuels en
biens ou en services contractuels et en biens et en services substituables » – et d'achat
exclusif comportent, tous deux, un engagement d'exclusivité pris par l'acheteur à l'égard du
fournisseur. Une différence importante les sépare cependant : alors que dans le cadre d'un
accord de non-concurrence, l'acheteur conserve la possibilité d'acheter et de vendre des
produits concurrents, en revanche, un acheteur lié par un accord d'achat exclusif ne bénéficie
pas d'une telle liberté. Il en résulte que ces deux accords produisent des effets différents sur
la concurrence. La Commission les classe, d'ailleurs, dans deux catégories différentes : les
accords de non-concurrence relèvent du monomarquisme, alors que les accords d'achat exclusif
appartiennent à la catégorie des accords de cloisonnement des marchés. Les accords de non-
concurrence font l'objet de longs commentaires dans les lignes directrices de la Commission.
En revanche, les accords d'achat exclusif sont peu commentés (V. cep. Lignes directrices
[citées supra, n o 19], n os 162 s.) ; ils font cependant l'objet d'une abondante jurisprudence.

§ 1 er - Application des lignes directrices aux accords de non-concurrence


179. La Commission européenne estime que les facteurs suivants sont déterminants pour
l'examen individuel des accords de non-concurrence non couverts par l'exemption par
catégorie.

180. Positions sur le marché. - La part de marché du fournisseur revêt une grande
importance. Ainsi, les concurrents peuvent ne pas être à même d'entrer en concurrence pour la
demande totale d'un client donné si le fournisseur en question est un partenaire commercial
inévitable. La position des concurrents est également importante : tant que ceux-ci sont
suffisamment nombreux et forts, il n'y a pas lieu de craindre des effets anticoncurrentiels
sensibles. Il peut toutefois exister un risque de verrouillage du marché pour les nouveaux
concurrents potentiels, lorsque plusieurs grands fournisseurs concluent des accords de
monomarquisme avec un grand nombre de leurs acheteurs sur le marché en cause (Lignes
directrices [citées supra, n o 19], n os 132 et 134).

181. Durée des accords. - La Commission observe qu'un accord de un an conclu par une
entreprise ne détenant pas une position dominante est en général considéré comme ne
produisant pas un effet anticoncurrentiel sensible ou des effets négatifs nets. Entre un et cinq
ans, un équilibre entre les effets proconcurrentiels et anticoncurrentiels doit être trouvé.
Enfin, une durée supérieure à cinq ans est en général considérée comme disproportionnée
(Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 133) ; cette position est cependant nuancée dans
certains cas : investissements spécifiques à une relation contractuelle, transfert de savoir-
faire, par exemple dans le cas de la franchise (Lignes directrices, n o 146).
182. Barrières à l'entrée. - L'effet de verrouillage dépend de l'importance des barrières à
l'entrée. La Commission estime qu'elles sont souvent élevées tant au stade de la production
qu'au niveau de la distribution (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 136).
183. Pouvoir compensateur. - La puissance du distributeur peut être déterminante dès lors
qu'un acheteur puissant peut se tourner facilement vers des sources d'approvisionnement
alternatif (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 137).
184. Stade de la commercialisation. - L'effet de verrouillage est relativement faible lorsque
l'accord porte sur des produits intermédiaires, sauf en cas d'effet cumulatif – un tel effet n'est
susceptible de se produire que lorsque est concerné au moins 50 % du marché (Lignes
directrices [citées supra, n o 19], n o 138). Au stade de gros, l'effet de verrouillage dépend de
divers facteurs et, notamment, de l'importance des barrières à l'entrée (Lignes directrices,
n o 139). Pour le stade du détail, on retiendra surtout qu'il est peu probable qu'il y ait effet de
verrouillage anticoncurrentiel cumulatif si la part de marché totale liée est de moins de 40 %
(Lignes directrices, n o 137).

§ 2 - Jurisprudence relative à l'application du droit des ententes aux accords d'achat


exclusif
185. Les accords d'achat exclusif bénéficient, à l'instar des accords de distribution exclusive,
quoique dans une moindre mesure, d'un a priori favorable. Ainsi, la Cour de justice a admis
que « les conventions par lesquelles une entreprise s'engage à ne se fournir que dans une
entreprise à l'exclusion de toute autre ne réunissent pas, par leur nature, les éléments
constitutifs de l'incompatibilité avec le Marché commun prévus à l'article [101-1 du TFUE] »
(CJCE 12 déc. 1967, Brasserie Haecht, aff. 23/67, Rec. CJCE 526). Par ailleurs, même lorsqu'ils
sont restrictifs de concurrence, ils sont couverts par l'exemption par catégorie dans la limite
du seuil de 30 % (V. supra, n os 55 s.). Au-delà de ce seuil, ils peuvent également bénéficier
d'une exemption individuelle. La Commission estime, en effet, que « les accords
d'approvisionnement exclusif peuvent contribuer à améliorer la production et la distribution
des produits parce qu'ils permettent aux parties contractantes de programmer avec plus de
précision et à long terme la production et la vente de leurs produits, de limiter les risques de
fluctuation des marchés et d'abaisser les coûts de production, de stockage et de
commercialisation » (Rapp. pol. conc. 1978, point 15).

186. Cependant, les autorités de concurrence ont été amenées, dans diverses circonstances à
condamner, sous l'angle du droit des ententes, les restrictions de concurrence contenues dans
des accords d'achat exclusif ou résultant de leur application. Deux cas doivent être distingués
ici : les effets restrictifs des accords relevant d'un réseau pris isolément et les effets
restrictifs cumulatifs de réseaux différents de contrats.

A - Effets restrictifs des accords relevant d'un réseau pris isolément


1° - Jurisprudence nationale

187. Les autorités françaises de concurrence ont condamné divers accords


d'approvisionnement exclusif – on remarquera que certains accords sont intitulés accords
d'achat exclusifs, mais sont en réalité des accords de non-concurrence au sens que leur donne
la Commission européenne. Les trois exemples suivants sont choisis à titre purement
illustratif (pour d'autres ex. : Cons. conc. n o 87-D-34 du 29 sept. 1987, Clause de restitution
des cuves, BOCCRF 20 oct. ; Rec. Lamy n o 293, obs. Sélinsky. – Cons. conc. n o 89-D-14 du
25 avr. 1989, Carburants dans la région corse, BOCCRF 3 mai ; Rec. Lamy n o 360, obs.
Sélinsky. – Cons. conc. n o 92-D-56 du 13 oct. 1992, Carburant sans plomb, BOCCRF 5 nov. ;
Rec. Lamy n o 508).

188. Marché du tabac. - Le Conseil de la concurrence a estimé que la clause du contrat de


concession exclusive, par laquelle le concessionnaire s'interdit de commercialiser des tabacs
vendus par d'autres fournisseurs que la SEITA, empêchait le concessionnaire de se fournir
directement auprès des fabricants établis dans l'Union européenne et tombait donc sous le
coup des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité de Rome (devenu art. 101 du
TFUE) – mais aussi, dès lors que la SEITA détenait une position dominante sur le marché en
cause, sous le coup des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité de Rome
(devenu art. 102 du TFUE) (Avis Cons. conc. n o 94-A-32, 20 déc. 1994, SEITA, Rapp. Cons.
conc. 1994, p. 798).

189. Marché des chronotachigraphes. - Le Conseil a condamné, sur le fondement de l'article


L. 420-1 du code de commerce – et de l'article L. 420-2 –, les clauses des contrats de
distribution de chronotachigraphes par lesquelles la société Mannesmann Kienzle mettait à la
charge de ses installateurs et de ses réparateurs agréés, l'obligation de ne s'approvisionner
qu'auprès d'elle en outillages nécessaires pour l'exécution des travaux. Il avait estimé, en
effet, que ces clauses avaient pour objet et pouvaient avoir pour effet, d'une part, de
restreindre la concurrence entre les membres du réseau, en limitant leurs sources
d'approvisionnement et, d'autre part de restreindre l'accès au marché de l'outillage, sans être
nécessaires au maintien de l'image de marque des membres du réseau (Cons. conc. n o 97-D-
86 du 3 déc. 1997, Secteur des chronotachygraphes, Rapp. Cons. conc. 1997, ann. 93).

190. Marché des phonogrammes. - Le Conseil a condamné, sur le fondement des articles
L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité de Rome, diverses clauses contenues dans des
contrats de fourniture de phonogrammes. Ce faisant, il a rejeté l'argument selon lequel la
clause subordonnant l'acceptation des retours d'invendus à un approvisionnement exclusif
avait pour objet de répondre à la difficulté pratique de vérifier que les retours portaient sur
les produits qu'ils ont effectivement vendus. Il a également écarté l'argument selon lequel la
clause d'approvisionnement exclusif avait pour objet de lutter contre les importations illicites
et les contrefaçons. Selon le Conseil, en raison du champ géographique national de
l'exclusivité territoriale des éditeurs, ces clauses étaient de nature à dissuader et à empêcher
les distributeurs de s'approvisionner au sein de l'Union européenne (Cons. conc. n o 98-D-76 du
9 déc. 1999, Secteur des phonogrammes, BOCCRF 27 avr. ; DPDA 23 mai 1999, Bull. 500,
p. 9240).

2° - Jurisprudence communautaire

191. Divers accords d'achat exclusif non couverts par les règlements de la Commission
n o 1984/83 du 22 juin 1983 (cité supra, n o 22) ou n o 2790/1999 du 22 décembre 1999 (cité
supra, n o 8) ont retenu l'attention des autorités communautaires. Ils aboutissaient à entraver
d'une manière sensible les débouchés et en particulier l'accès au marché d'entreprises tierces.
L'exemption individuelle leur a donc été refusée (ou n'a été octroyée qu'après modification de
l'accord initialement notifié), puisque les accords donnaient aux entreprises la possibilité
d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Dans les
affaires exposées ci-après à titre d'illustration, les fortes parts de marché détenues par les
entreprises en cause ou la durée des contrats ont été déterminantes.
192. Marché de l'éthanol de synthèse. - La Commission a condamné l'obligation faite à A/S
De Danske Spritfabrikker de s'approvisionner exclusivement auprès de BP Kemi A/S pour la
totalité de ses besoins en éthanol de synthèse (Décis. n o 79/934 de la Commission du 5 sept.
1979, JOCE, n o L 286, 14 nov., spéc. point 87).

193. Marché des épices. - La décision Liebig est à notre connaissance la seule condamnation
formelle en Europe, d'une clause d'achat exclusif convenue entre l'un des plus importants
fabricants d'un produit de grande consommation et les principales grandes surfaces. Elle
expose clairement les raisons pour lesquelles de tels accords revêtaient un caractère restrictif.
On relèvera, notamment, que les principales marques d'épices destinées à la consommation
domestique étaient commercialisées dans le cadre d'une gamme qui comprenait de très
nombreuses variétés et ce n'est que dans les grandes surfaces à libre-service qu'une telle
gamme pouvait être lancée, puis écoulée, d'une façon satisfaisante ; par ailleurs, la vente des
épices dans les grandes surfaces à libre-service offrait les conditions optimales, étant donné
que c'était le seul endroit où un grand nombre de consommateurs pouvaient voir, apprendre à
connaître et acheter les variétés nouvelles et surtout les mélanges nouveaux (Décis.
n o 78/172 de la Commission du 21 déc. 1977, Épices, JOCE, n o L 53, 24 févr. 1978).
194. Marché de la bière. - Le 15 avril 2003, la Commission n'a accordé une exemption
individuelle à Interbrew qu'après que cette entreprise a accepté de permettre à ses
concurrents de distribuer leurs produits dans son réseau (Décis. Comm. CE du 15 avr. 2003,
communiqué de presse n o IP/03/545. – V. le commentaire de ATSMA, European Commission
Opens up I nterbrew 's Belgian Horeca Outlets to Competing Beer Brands, Competition Policy
Newsletter n o 2, été 2003, p. 58).

B - Effets restrictifs cumulatifs


195. Des accords a priori conformes au droit des ententes peuvent, s'ils font partie d'un
ensemble d'accords similaires, contribuer à un effet restrictif cumulatif. Cependant, ce facteur
ne suffit pas à lui seul à justifier une condamnation des accords. Il faut encore que le réseau
d'accords similaires produise un effet de verrouillage, que l'accord en cause contribue de
manière significative à l'effet restrictif cumulatif de blocage et que le commerce entre États
membres soit susceptible d'être affecté. La jurisprudence française se situe ici dans la ligne
du droit de l'Union.

1° - Effet de verrouillage

196. Le premier test que doit subir un accord d'achat exclusif qui contribue à un effet
cumulatif restrictif de concurrence est celui du verrouillage du marché. On recourt ici à une
analyse basée sur plusieurs critères : « Le degré de dépendance qui découle d'un réseau
d'accords d'achat exclusif, doit en effet être apprécié conjointement avec d'autres éléments,
et notamment les possibilités réelles et concrètes pour de nouveaux concurrents de s'infiltrer
sur [le marché] malgré l'existence d'un réseau de contrats d'achats exclusifs » (CJCE 28 févr.
1991, Delimitis, aff. C-234/89 , Rec. CJCE I-935 ; Rev. conc. consom. 1991, n o 62, obs.
Dalens. – TPICE 8 juin 1995, Langnese-Iglo GmbH, aff. T-7/93 , Rec. CJCE II-1539, et Schöller
GmbH, aff. T-9/93, Rec. CJCE II-1661 ; CCC 1995. Comm. 131, obs. L. Vogel ; Cah. dr. entr.
1995, n o 6, p. 1, obs. Idot et Momège. – Décis. Comm. CE 24 févr. 1999, W hitbread, aff.
IV/35.079/F3, JOCE, n o L 88, 31 mars, spéc. point 119. – Décis. Comm. CE 16 juin 1999, Bass,
aff. IV/36.081/F3, JOCE, n o L 186, 19 juill. – Décis. Comm. CE 16 juin 1999, Scottish and
Newcastle, aff. IV/35.992/F3, JOCE, n o L 186, 19 juill.).

197. Dans l'arrêt Delimitis, la Cour de justice des Communautés européennes a évoqué les
« possibilités réelles et concrètes pour un nouveau concurrent de s'infiltrer dans le faisceau de
contrats grâce à l'acquisition d'une brasserie déjà implantée sur le marché avec toute sa
chaîne de points de vente ou de contourner le faisceau de contrats par l'ouverture de
nouveaux débits de boissons ». Il y a donc lieu de « prendre en considération les
réglementations et les conventions relatives à l'acquisition de sociétés et l'établissement de
points de vente, ainsi que le nombre minimal de points de vente nécessaires pour
l'exploitation rentable d'un système de distribution ». La Cour a estimé aussi que « la
présence de grossistes en bière, qui ne sont pas liés à des producteurs actifs sur le marché,
constitue également un facteur susceptible de faciliter l'accès à ce marché d'un nouveau
producteur, celui-ci pouvant bénéficier des circuits de vente exploités par ces grossistes pour
la distribution de sa propre bière » (CJCE 28 févr. 1991, Delimitis, aff. C-234/89 , Rec.
CJCE I-935 ; Rev. conc. consom. 1991, n o 62, obs. Dalens).

198. Dans les affaires relatives à la distribution de glace de consommation immédiate, un


élément a été déterminant : l'existence d'un système de prêt portant sur un grand nombre de
surgélateurs, mis par les entreprises en cause à la disposition des détaillants, à charge pour
eux de les utiliser exclusivement pour les produits de la requérante : « Tout nouveau
concurrent arrivant sur le marché doit, soit convaincre le détaillant d'échanger le surgélateur
installé par la requérante pour un autre, ce qui implique une renonciation au chiffre d'affaires
réalisé avec les produits de l'ancien fournisseur, soit obtenir que le détaillant accepte
d'installer un surgélateur supplémentaire, ce qui peut se révéler impossible, notamment en
raison d'un manque d'espace dans les petits points de vente » (TPICE 8 juin 1995, préc. –
V. aussi Décis. n o 98/351 de la Commission du 11 mars 1998, Van den Bergh Foods Ltd, JOCE,
n o L 243, 4 sept. ; CCC 1998. Comm. 14, obs. Poillot-Peruzzetto).

2° - Contribution significative à l'effet restrictif cumulatif de blocage

199. Les autorités de l'Union apprécient également dans quelle mesure les contrats conclus
par l'entreprise concernée contribuent à l'effet cumulatif produit par l'ensemble des contrats
similaires relevés sur le marché. La responsabilité de cet effet de fermeture doit être imputée
aux entreprises qui y contribuent de manière significative. Les contrats conclus par des
entreprises dont la contribution à l'effet cumulatif est insignifiante ne tombent, dès lors, pas
sous le coup de l'interdiction de l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE (CJCE 28 févr. 1991,
Delimitis, aff. C-234/89 , Rec. CJCE I-935, spéc. point 24 ; Rev. conc. consom. 1991, n o 62,
obs. Dalens).
200. L'importance de la contribution du contrat dépend de la position des parties
contractantes sur le marché en cause et de la durée du contrat (CJCE 28 févr. 1991, Delimitis,
préc.). À titre d'exemple, le brasseur Greene King, qui ne détenait que 1,3 % du marché
britannique, alors que certains de ses concurrents avaient une part de plus de 5 %, a été
considéré comme ne contribuant pas de manière significative à l'effet de verrouillage (Décis.
Comm. CE 12 nov. 1998, Greene King/Roberts, Competition Policy Newsletter, W inter 1999,
n o 1, obs. Von Hinten-Reed. – Approuvée par TPICE 5 juill. 2001, Roberts c/ Commission, aff.
T-25/99, Rec. CJCE II-1881). Dans une autre espèce, le Tribunal de première instance a
apprécié la conformité, au regard de l'article 81, paragraphe 1 er, du Traité de Rome (devenu
art. 101 du TFUE) des « accords Cultra » par lesquels cinq grossistes néerlandais
s'engageaient à acheter exclusivement auprès d'une coopérative, la VBA, des fleurs en
provenance de ses membres, en vue de leur revente à des détaillants. Il a considéré que cette
obligation d'exclusivité ne concernait que cinq grossistes et ne liait pas les détaillants
néerlandais et que, dès lors, la théorie de l'effet cumulatif n'était pas applicable. Il a en
conséquence conclu que les obligations d'exclusivité ne contribuaient pas de manière
significative à un cloisonnement éventuel du marché néerlandais (TPICE 14 mai 1997, VGB,
aff. T-77/94, Rec. CJCE II-759 ; Europe juill. 1997, n o 242, obs. Idot).
201. En revanche, dans les affaires Langnese-Iglo et Schöller (TPICE 8 juin 1995, préc.), le
Tribunal de première instance a jugé significative la contribution de ces sociétés en se
fondant sur la forte position occupée par celles-ci sur le marché de référence. Cependant, la
position des parties ne dépend pas seulement de la part de marché. Ainsi, « une brasserie
disposant d'une part de marché relativement réduite, qui lie ses points de vente pendant de
nombreuses années, peut […] contribuer à une fermeture du marché de manière aussi
significative qu'une brasserie ayant une position relativement forte sur le marché qui libère
régulièrement ses points de vente à intervalles rapprochés » (CJCE 28 févr. 1991, Delimitis,
aff. C-234/89 , Rec. CJCE I-935, spéc. point 26 ; Rev. conc. consom. 1991, n o 62, obs.
Dalens).

202. La question s'est posée, devant la Cour de justice, de savoir, pour appliquer la grille
d'analyse fournie par la jurisprudence Delimitis, si le réseau de distribution du fournisseur
pouvait être fractionné. Au cas d'espèce, le nombre de stations-service liées au fournisseur
par le contrat d'approvisionnement exclusif litigieux était de 27 sur un total de 573 composant
le réseau de ce même fournisseur. La Cour de justice a répondu par l'affirmative ; ce faisant,
elle a rejeté l'argument de la Commission selon lequel le fait de fractionner le réseau d'un
même fournisseur était contraire à la jurisprudence Delimitis : « Cette solution ne se heurte
pas à l'arrêt Delimitis […]. Si cet arrêt, dans le contexte de l'affaire alors examinée, a précisé,
[…] les critères d'appréciation de l'importance de la contribution à l'effet cumulatif de
fermeture du marché de référence 'des contrats', sans autre précision, d'un même fournisseur,
il n'a pas exclu la possibilité d'une appréciation distributive de cette contribution en fonction
de différentes catégories de contrats qu'un fournisseur déterminé pourrait avoir conclus »
(CJCE 7 déc. 2000, Neste et Y ötuuli Ky e.a., aff. C-214/99 , Rec. CJCE I-11121, spéc.
point 38 ; CCC 2001. Comm. 3, obs. Poillot-Peruzzetto ; RTD com. 2001. 551, obs. Poillot-
Peruzzetto ).

3° - Affectation du commerce entre États membres

203. Conformément aux règles générales du droit des ententes de l'Union, les accords d'achat
exclusif ne sont interdits que s'ils sont susceptibles d'affecter le commerce entre États
membres. Cette condition n'est pas remplie dans le cas d'un contrat de fourniture de bière qui
autorise le revendeur à acheter de la bière en provenance d'autres États membres, lorsque
cette autorisation correspond à une possibilité réelle, pour un fournisseur national ou
étranger, d'approvisionner ce revendeur en bières originaires d'autres États membres
(CJCE 28 févr. 1991, Delimitis, aff. C-234/89 , Rec. CJCE I-935 ; Rev. conc. consom. 1991,
n o 62, obs. Dalens).

4° - Jurisprudence française

204. Les autorités françaises de la concurrence et les juridictions nationales se sont, à


plusieurs reprises, prononcées sur l'influence restrictive sur la concurrence de clauses
d'approvisionnement exclusif contenues dans des réseaux d'accords identiques. Il convient
d'évoquer d'abord l'affaire de la brasserie de Saint-Omer : la Cour de cassation a annulé un
arrêt qui, pour constater qu'un contrat d'approvisionnement exclusif de bière était contraire à
l'article 81 du Traité de Rome (devenu art. 101 du TFUE), avait retenu que l'effet cumulatif de
contrats de cette nature conclus avec d'autres détaillants était, compte tenu de la nature des
produits et de l'importance du distributeur, à même d'affecter le commerce entre États
membres. La Cour a reproché à cet arrêt de ne pas avoir recherché concrètement si le marché
national de la distribution de bière dans des débits de boissons était difficilement accessible
pour des concurrents qui pourraient s'implanter sur ce marché ou qui pourraient y élargir leur
part de marché et si le contrat litigieux contribuait de manière significative à l'effet de
blocage produit par l'ensemble des contrats, compte tenu de leur contexte économique et
juridique (Com. 18 nov. 1997, RJDA 3/1998, n o 275). Le Conseil de la concurrence a également
été saisi de l'effet cumulatif de contrats de prêts de meubles de froid avec exclusivité de
marque, mais, au cas d'espèce, il a estimé que les contrats en cause, n'aboutissaient pas à
une fermeture du marché (Cons. conc. n o 00-D-82 du 26 févr. 2001, Rec. Lamy n o 846, obs.
Gaffuri. – Confirmée par Paris, 7 mai 2002, Min. Économie et a. c/ Nestlé Grand Froid, LPA
n o 140, 15 juill. 2002, p. 14, obs. Arhel). Dans l'affaire Suzuki, il n'a pas non plus fait droit
aux arguments tirés de l'existence d'effets cumulatifs (Cons. conc. n o 03-D-42 du 18 août
2003, citée supra, n o 21).
Section 2 - Règles applicables aux abus de domination

Art. 1 er - Distribution exclusive et abus de position dominante


205. La question qui sera examinée ici est de savoir si les accords de distribution exclusive
constituent en soi un abus de position dominante lorsque l'un des contractants détient une
telle position.

206. Droit de l'Union. - À notre connaissance, les autorités communautaires de concurrence


n'ont jamais condamné de façon formelle la constitution d'un réseau de distribution exclusive
sur le fondement de l'article 102 du TFUE. Faut-il en conclure que le droit de l'Union ne
condamne pas en soi les accords de distribution exclusive conclus par les entreprises détenant
une position dominante ? S'appuyant sur l'arrêt ICI (CJCE 6 mars 1974, aff. 6/73 et 7/73, Rec.
CJCE 233) qui a condamné un refus de vente opposé par une entreprise détenant une position
dominante, certains auteurs ont répondu par la négative : « Il résulte assurément de cette
jurisprudence que l'entreprise en position dominante ne peut constituer un réseau de
distributeurs exclusifs » (BEHAR-TOUCHAIS et VIRASSAMY , op. cit., n o 1156).
207. Jurisprudence nationale. - Rompant avec une tradition qui remonte à la Commission
technique des ententes et positions dominantes, le Conseil de la concurrence, devenue
Autorité de la concurrence, estime que les accords d'exclusivité conclus par les entreprises
détenant une position dominante ne constituent pas un abus en soi (Cons. conc. n o 93-D-50
du 23 nov. 1993, BOCCRF 28 janv. 1994 ; Rec. Lamy n o 563, obs. Brault). Cette position a été
critiquée par la doctrine : « Bien que le commissaire du Gouvernement ait exprimé le souhait
que soit notifié un grief complémentaire à ce sujet, le Conseil a posé en principe que, même
en position dominante, une entreprise est libre de faire de la distribution exclusive. Affirmer
que le fait pour une entreprise en position dominante de choisir de distribuer ses produits au
travers d'un réseau de distribution exclusive n'est pas anticoncurrentiel en soi “représente une
regrettable rupture par rapport à la jurisprudence” passée et même à un axe majeur de la
doctrine qui inspire actuellement les avis et décisions du Conseil » (BRAULT, obs. préc.). Le
Conseil a, néanmoins, confirmé sa position à plusieurs reprises.

Art. 2 - Clause d'approvisionnement exclusif ou de non-concurrence et abus de position


dominante
208. La Cour de justice condamne de longue date les accords d'approvisionnement exclusif ou
de non-concurrence conclus par les entreprises détenant une position dominante : « Attendu
que pour une entreprise se trouvant en position dominante sur un marché, le fait de lier – fût-
ce à leur demande – des acheteurs par une obligation ou une promesse de s'approvisionner
pour la totalité ou une part considérable de leurs besoins exclusivement auprès de ladite
entreprise constitue une exploitation abusive de position dominante au sens de l'article 86 du
Traité » (CJCE 13 févr. 1979, Hoffmann-La Roche, aff. 85/76, Rec. CJCE 461. – Cette
jurisprudence a été confirmée à plusieurs reprises : par ex. : CJCE 3 juill. 1991, Akzo, aff. C-
62/86, Rec. CJCE I-3359. – TPICE 1 er avr. 1993, BPB Industries et British Gypsum, aff. T-
6 5 / 8 9 , Rec. CJCE II-389 ; RTD com. 1993. 756, obs. Bolze ). Sont, par ailleurs,
condamnées non seulement les exclusivités totales, mais aussi les exclusivités partielles si
elles peuvent faciliter la collusion entre les fournisseurs, notamment lorsqu'ils détiennent une
position dominante conjointe (Décis. Comm. CE, Carbonate de soude, Rapp. pol. conc. 1981,
points 73 s.). L'exclusivité de fait est aussi condamnable : par exemple, dans l'affaire
Carbonate de soude, la Commission a condamné une clause de « tonnage » correspondant
plus ou moins aux besoins totaux des clients.
209. Les autorités françaises de la concurrence condamnent également depuis longtemps les
pratiques d'entreprises dominantes visant à imposer ou à favoriser un approvisionnement
exclusif. Ainsi, et sans remonter à la pratique décisionnelle de la Commission de la
concurrence (V. néanmoins Avis Cons. conc. 8 juin 1978, Crampons antidérapants pour
automobile, BOSP 26 juin. – Avis Cons. conc. 11 janv. 1979, Explosifs industriels et
accessoires de tir, BOSP 20 avr. – Avis Cons. conc. 10 sept. 1980, Vaccins anti-aphteux, Rec.
Lamy n o 168), le Conseil de la concurrence a condamné une entreprise qui accordait un
avantage financier aux clients qui s'engageaient à ne pas commercialiser des produits de
substitution (Cons. conc. n o 90-D-27 du 11 sept. 1990, Tuiles et briques en Alsace, BOCCRF
26 sept. ; Rec. Lamy n o 406, obs. Sélinsky). Il a également condamné une clause
d'approvisionnement exclusif contenue dans les contrats de concession proposés par la SEITA
aux concessionnaires corses (Avis Cons. conc. n o 94-A-32, 20 déc. 1994, SEITA, Rapp. Cons.
conc. 1994, p. 798). De même, dans un avis rendu sur le fondement de l'article L. 462-3 du
code de commerce, le Conseil de la concurrence a estimé que la conclusion, entre une
entreprise détenant une position dominante et des installateurs-frigoristes, de contrats
d'approvisionnement exclusif à durée déterminée constitue un abus au sens des articles
L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité de Rome (Avis Cons. conc. n o 95-A-09, 24 mai
1995, Question posée par le premier juge d'instruction près le TGI Versailles, Rapp. Cons.
conc. 1995, p. 897).
210. Cette jurisprudence n'appelle pas de commentaires particuliers. Il importe, en revanche,
d'examiner deux questions connexes : dès lors que les rabais de fidélité, les remises de
couplage et les ristournes de progressivité peuvent produire des effets analogues à ceux des
clauses d'achat exclusif ou de non-concurrence, dans quelle mesure ces pratiques tarifaires
sont-elles répréhensibles ? (V. infra, n os 211 s.). Par ailleurs, certains accords d'achat exclusif
sont assortis d'une clause anglaise permettant notamment, sous certaines conditions, de
libérer le distributeur de son obligation. Il apparaît, dès lors, intéressant d'examiner si
l'existence d'une clause anglaise permet d'atténuer le caractère restrictif d'une clause d'achat
exclusif (V. infra, n o 221).

§ 1 er - Rabais de fidélité, remises de couplage et ristournes ou primes de progression


211. Les rabais de fidélité (pour une étude plus détaillée : ARHEL, La pratique…, op. cit.,
n os 101 s. – V. aussi les actes de la table ronde consacrée par l'OCDE aux « remises et rabais
de fidélité » en juin 2002, disponibles sur http://www.oecd.org/dataoecd/18/27/2493106.pdf )
sont des réductions de prix que le fournisseur propose afin d'encourager les acheteurs à
s'adresser à lui pour leurs approvisionnements. Les remises de couplage poursuivent un
objectif analogue : le fournisseur lie l'octroi d'une remise sur le prix d'un produit à l'achat d'un
autre produit. Les clients peuvent ainsi être conduits à acheter ce deuxième produit auprès du
fournisseur, alors qu'en l'absence de la remise ils auraient pu s'adresser à un autre
fournisseur. Enfin, les ristournes ou primes de progression sont des avantages liés à
l'augmentation du chiffre d'achat ou de vente par rapport à la période précédente. Notons
d'abord que les rabais de fidélité, remises de couplage et ristournes ou primes de progression
ne posent pas de problème de concurrence lorsqu'ils sont consentis par une entreprise ne
détenant pas une position dominante. En revanche, ils sont souvent condamnés par les
autorités de concurrence, notamment en Europe (le droit américain est plus souple sur ce
point), lorsque l'entreprise qui les accorde détient une position dominante : en réduisant la
liberté des clients de choisir un autre fournisseur, l'entreprise dominante empêche ses
concurrents d'accéder à une part substantielle du marché.

A - Jurisprudence de l'Union
212. Il résulte de l'affaire Hoffmann-La Roche que les rabais de quantité ne sont pas
répréhensibles lorsqu'ils sont liés exclusivement au volume des achats effectués auprès du
producteur intéressé, même lorsqu'ils sont consentis par des entreprises détenant une
position dominante (CJCE 13 févr. 1979, Hoffmann-La Roche, aff. 85/76, Rec. CJCE 461, spéc.
point 90). Par ailleurs, les rabais de fidélité sont tout à fait légitimes et représentent une
pratique normale des affaires lorsqu'ils sont appliqués par une entreprise ne détenant pas une
position dominante. En revanche, le droit de l'Union condamne ces rabais de fidélité (ainsi que
divers avantages présentant un caractère fidélisant) sur le fondement de l'article 102 du TFUE
lorsqu'ils sont octroyés par une entreprise en position dominante.

1° - Rabais de fidélité
213. La première condamnation formelle des rabais de fidélité remonte à l'affaire du Sucre
(CJCE 16 déc. 1975, Rec. CJCE 1663), mais ce sont sans doute les affaires Hoffmann-La Roche
et Michelin qui sont les plus riches d'enseignement. D'autres affaires retiendront également
l'attention. Notons d'abord que la Cour de justice des Communautés européennes a, dans
l'affaire Hoffmann-La Roche, souligné le caractère discriminatoire des rabais de fidélité : « [Ils
ont] pour effet d'appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des
prestations équivalentes, en ce que deux acheteurs d'une même quantité d'un même produit
paient un prix différent suivant qu'ils s'approvisionnent exclusivement chez l'entreprise en
position dominante ou qu'ils diversifient leurs sources d'approvisionnement » (CJCE 13 févr.
1979, Hoffmann-La Roche, aff. 85/76, Rec. CJCE 461). Au cas d'espèce, la Cour de justice a
condamné un système de rabais calculés, non pas en fonction de quantités fixées
objectivement et valables pour l'ensemble des acheteurs éventuels, mais au cas par cas, pour
chaque client, en fonction de la capacité d'absorption présumée de celui-ci, l'objectif étant de
couvrir le maximum des besoins du client (même arrêt, spéc. points 97 s.). La Cour de justice
a également condamné, dans l'affaire Michelin, l'octroi par NBIM de ristournes en partie fixées
individuellement et d'une manière sélective pour chaque détaillant, en fonction des efforts
qu'il consacrait à la distribution des pneus Michelin (CJCE 9 nov. 1983, aff. 322/81, Rec.
CJCE 3461). Les pratiques de Hoffmann-La Roche et de NBIM conduisaient les distributeurs à
consacrer un effort accru à la distribution des produits des entreprises incriminées sans
qu'elles puissent être justifiées par des économies de coût de revient.
214. Dans l'affaire BPB, le Tribunal de première instance a rejeté l'argument selon lequel
l'institution des rabais litigieux constituait une réponse à la menace d'un groupe de
concurrents de vendre à des prix d'appel : « Il n'appartient pas à une entreprise en position
dominante de prendre, de sa propre initiative, des mesures de représailles contre des
pratiques qu'elle estime illicites ou déloyales » (TPICE 1 er avr. 1993, cité supra, n o 208, spéc.
point 118). L'affaire Irish Sugar a également mis en évidence un cas de rabais de fidélité
abusif : selon la Commission, cette entreprise abusait de sa position dominante en
consentant des ristournes d'objectif à certains clients, cette pratique ayant eu pour effet de
décourager les clients de chercher d'autres sources d'approvisionnement (Décis. n o 97/264 de
la Commission du 14 mai 1997, JOCE, n o L 258, 22 sept.).
215. Le facteur temporel est également un élément important. Ainsi, dans l'affaire Michelin, la
Cour de justice a estimé que la base annuelle du système de rabais était susceptible de
dissuader le client de changer de fournisseur en cours d'année (CJCE 9 nov. 1983, cité supra,
n o 213). La pratique décisionnelle de la Commission a, par la suite, apporté des précisions sur
la durée de la période de référence pour le calcul des rabais. De façon informelle d'abord, dans
l'affaire Coca-Cola : la Commission s'est opposée à un système de ristourne qui s'appuyait sur
une période de référence d'un an (communiqué presse Comm. CE n o IP/88/615 du 13 oct.
1988) et a, en revanche, accepté le système de ristourne après que l'entreprise a réduit la
période à trois mois (communiqué presse Comm. CE n o IP/90/7 du 9 janv. 1990). La
Commission a, par la suite, dans la deuxième affaire Michelin, clairement condamné en termes
de principe les ristournes octroyées par les entreprises en position dominante, dès lors
qu'elles sont calculées sur la base d'une période de référence supérieure à trois mois (Décis.
Comm. CE n o COMP/36.041 du 20 juin 2001. – ARHEL, L'affaire Michelin [bis !], JCP E 2001.
1852). Une voix autorisée de la Commission a cependant remarqué que la doctrine de la
Commission n'était pas fermement établie à propos du critère de la durée. Selon elle, dans
l'affaire Irish Sugar, la Commission n'a pas accordé beaucoup d'importance à la durée de la
période de référence (GY SELEN, Rebates, Competition on the Merits or Exclusionary Practice ?,
[appeared in the 2006 issue of] European Competition Law Annual 2003 : What is an Abuse of
a Dominant Position, spéc. points 105 et 127. – Pour une analyse critique de cet article :
KALLAUGHER et SHER, Rebates Revisited, Anti-Competitive Effects and Exclusionary Abuse
under Article 82, ECLR 2004, n o 5, p. 263). Le même auteur estime qu'il n'est pas possible de
détermine r a priori, en termes généraux, la durée de la période de référence à ne pas
dépasser. Une analyse au cas par cas, tenant compte des cycles de commandes observés
dans le secteur d'activité en cause, est nécessaire. À titre d'exemple, en cas de commande
tous les deux ou trois jours, une période de référence d'un mois pourrait poser problème
(GY SELEN, article préc., point 131).

2° - Remises de couplage
216. La Cour de justice condamne également les remises de couplage, notamment lorsqu'elles
sont liées à un système de fidélité. Elle a ainsi condamné la pratique de Hoffmann-La Roche
consistant à calculer les rabais de fidélité sur les achats de produits relevant de différents
marchés. Il convient également d'y ajouter l'abondante jurisprudence sur les ventes liées car
ces pratiques produisent des effets analogues (par ex., pour un lien entre un produit et ses
accessoires : TPICE 12 déc. 1991, Hilti, aff. T-30/89 , Rec. CJCE II-1439. – TPICE 6 oct. 1994,
Tetra Pack II, aff. T-83/91 , Rec. CJCE II-755. – Pour un lien avec des produits
complémentaires : CJCE 25 févr. 1986, W indsurfing, aff. 193/83, Rec. CJCE 611. – Pour un lien
entre un produit et un service : Décis. n o 1999/210 de la Commission du 14 oct. 1998, British
Sugar, aff. IV/33.708, JOCE, n o L 76, 22 mars 1999). Notons ici, pour ne plus y revenir, qu'il
semble que l'Autorité de la concurrence considère que la vente liée ne constitue pas un abus
de position dominante lorsque cette faculté est voulue par le client : « [La qualification de
vente liée] ne pouvait résulter, en l'espèce, du seul fait que France Télécom avait
soumissionné pour l'ensemble des besoins de Renault, puisque cette possibilité avait été
expressément voulue par le client » (Rapp. Cons. conc. 2001, p. 79). Cette position, inédite,
mériterait d'être confirmée puisqu'elle semble s'affranchir de l'esprit de la jurisprudence
Hoffman-La Roche, qui vise le fait, pour une entreprise en position dominante, de lier « fût-ce
à leur demande », des acheteurs par une obligation d'achat exclusif (CJCE 13 févr. 1979, aff.
85/76, Rec. CJCE 461).

3° - Ristourne ou prime d'objectif (ou de progression)

217. Affaire Irish Sugar. - Irish Sugar a octroyé une ristourne à des grossistes sous réserve
que leurs achats augmentent par rapport à une période de vingt-six semaines comprise entre
avril et septembre de l'année précédente. La Commission estimait que cette ristourne
d'objectif – un tel avantage est parfois désigné par les termes « ristourne de progression » –
avait pour effet de fidéliser les grossistes et de les détourner des concurrents d'Irish Sugar.
Elle a condamné cette entreprise sur le fondement de l'article 82 du Traité de Rome (Décis.
n o 97/264 de la Commission du 14 mai 1997, Irish Sugar, JOCE, n o L 258, 22 sept.). Elle a été
approuvée sans réserve par le Tribunal de première instance (TPICE 7 oct. 1999, Irish Sugar
plc c/ Commission, aff. T-228/97 , LPA n o 234, 24 nov. 1999, obs. Arhel : discriminations
tarifaires dans le secteur du sucre).

218. Affaire British Airways. - La Commission a, dans l'affaire British Airways (Décis.
n o 2000/74 de la Commission du 14 juill. 1999, aff. IV/34.780/D-2, JOCE, n o L 30, 4 févr.
2000), condamné une prime de progression octroyée par une entreprise détenant une position
dominante, la compagnie British Airways (BA). Au cas d'espèce, la Commission a estimé que
le système de commissions octroyées aux agents de voyage par cette compagnie avait pour
objet et pour effet, en récompensant la fidélité des agents de voyage et en exerçant une
discrimination entre eux, d'évincer les concurrents de BA des marchés britanniques du
transport aérien. À propos de la discrimination, la Commission a observé que deux agents de
voyages qui traitent le même nombre de billets BA et assurent le même niveau de service à
BA reçoivent un taux de commission différent, autrement dit, ils sont rémunérés à un prix
différent pour leurs services d'agences de voyages aériens, si leurs ventes de billets BA
n'étaient pas identiques l'année précédente. Inversement, deux agents de voyages qui
n'écoulent pas le même volume de billets BA et assurent un niveau de service différent à BA
pourraient très bien percevoir le même taux de commission, c'est-à-dire être rémunérés au
même prix par BA pour leurs services d'agences de voyages aériens, si leurs ventes de billets
BA ont enregistré le même taux de progression par rapport à l'année précédente (Décis. du
14 juill. 1999, préc., spéc. point 104. – GY SELEN, article préc., points 93 s.). On notera que
cette affaire illustre parfaitement les différences qui opposent parfois les droits européen et
américain en matière d'abus de position dominante : le plaignant s'était également adressé
aux autorités américaines, mais sa demande a été rejetée (2 nd Circ. 2001, Virgin Atl. Airways
LTD v/British Airways PLC, 257 F.3d 256).

B - Jurisprudence nationale
219. Les autorités françaises de la concurrence, en principe, ne condamnent pas les forfaits
(Décis. Comm. conc. n o 98-MC-03, 19 mai 1998, BOCCRF 18 juin ; Rec. Lamy n o 750, obs.
Ciupa). En revanche, le Conseil de la concurrence a sanctionné des remises de fidélité (par
ex. : Cons. conc. n o 96-D-67 du 29 oct. 1996, Coca-Cola Beverages, BOCCRF 6 mars 1997 ;
BRDA 6/1997 ; Rec. Lamy n o 706, obs. Sélinsky), ainsi que des remises de couplage
consenties par des entreprises détenant une position dominante (Cons. conc. n o 96-D-10 du
20 févr. 1996, relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom et par ODA,
BOCCRF 23 avr. ; CCC 1996. Comm. 107 ; Rec. Lamy n o 675, obs. Sélinsky. – Confirmée par
Paris, 18 févr. 1997, BOCCRF 25 mars ; D. Affaires 1997. 434. – Mais annulée par la Cour de
cassation pour ce qui concerne France Télécom : Com. 6 avr. 1999, n o 97-12.776 , Bull.
civ. IV, n o 79 ; BOCCRF 31 août ; RJDA 6/1999, n os 730 et 731 ; CCC 1999. Comm. 113. –
Cons. conc. n o 96-D-12 du 5 mars 1996, relative à des pratiques mises en œuvre par la
société Lilly France dans le secteur des spécialités pharmaceutiques destinées aux hôpitaux,
BOCCRF 17 juin ; Rec. Lamy n o 676, obs. Sélinsky. – Le Conseil de la concurrence a néanmoins
admis qu'une entreprise en position dominante pouvait accorder une remise de couplage dans
le cadre d'un droit de riposte : Cons. conc. n o 04-D-22 du 21 juin 2004, tarif Primaliste longue
distance, BOCCRF 8 nov.). On exposera ici, à titre d'illustration, la position adoptée à l'égard
des options tarifaires « Modulance partenaires » que France Télécom envisageait de mettre en
place : le Conseil a estimé qu'en couplant les avantages tarifaires consentis pour les
communications internes – entre sites – de ses clients à des avantages tarifaires pour leurs
communications externes, et en leur offrant une remise supplémentaire sur l'ensemble de ces
communications, France Télécom créait un lien artificiel entre deux services distincts dont l'un
était déjà ouvert à la concurrence : « Dans ces conditions, les entreprises multisites sont
découragées de s'adresser à un opérateur concurrent pour leur trafic entre sites, même si cet
opérateur leur offre pour ce service des conditions tarifaires aussi intéressantes […]. En effet,
si des entreprises multisites s'adressent pour leur trafic entre sites à un concurrent de France
Télécom, elles ne peuvent pas bénéficier des avantages consentis dans le cadre des options
« Modulance partenaires » sur leurs communications externes, ainsi que de la partie de la
remise globale supplémentaire calculée sur ces communications » (Avis Cons. conc. n o 97-A-
05, 22 janv. 1997, Propositions tarifaires « modulance partenaires » de France Télécom,
BOCCRF 28 févr. 1998). Il convient également de préciser que le Conseil de la concurrence
n'exclut pas que la condamnation puisse être étendue au simple couplage, même lorsque
aucune remise n'est accordée. À titre d'exemple, il a enjoint à France Télécom de suspendre
son offre forfaitaire « Ligne France » après avoir observé que si ce forfait « ne présente pas
dans la réalité d'avantage tarifaire pour les consommateurs […] [sa commercialisation] est
destinée à attirer des consommateurs soit parce que, mal informés, ils croient que la formule
est attractive financièrement, soit parce qu'ils sont sensibles à son apparente simplicité »
(Cons. conc. n o 00-MC-19, 15 déc. 2000, BOCCRF 23 janv. 2001). Dans la même ligne, il a
enjoint à France Télécom de suspendre la commercialisation de diverses offres forfaitaires
couplant des prestations offertes en concurrence et des prestations maintenues en
monopole ; il a énoncé que « les pratiques dénoncées permettent à France Télécom de
prendre une avance décisive sur ses concurrents en proposant aux consommateurs des offres
couplées combinant un abonnement à la ligne téléphonique, un accès aux numéros Internet
payants pour l'appelant, des services complémentaires, des communications locales et longue
distance » et que « ces pratiques, qui présentent le risque que la concurrence soit
durablement faussée dans un contexte de suppression du tri des appels locaux à compter du
1 er janvier 2002, revêtent un caractère de gravité et d'immédiateté » (Cons. conc. n o 01-MC-
06, 19 déc. 2001, Télé 2 et Cegetel, BOCCRF 28 févr. 2002).
220. On notera, enfin, qu'il existe peu de jurisprudence nationale concernant la base
temporelle du calcul des rabais quantitatifs (V. la jurisprudence Michelin préc. supra, n o 215).
Évoquons néanmoins l'affaire Médiapost, dans le domaine du droit des concentrations. Le
ministre a accepté la concentration entre Delta Diffusion et Médiapost, filiale de La Poste,
dans le secteur de la distribution d'imprimés sans adresse, en contrepartie d'un engagement
de La Poste à ouvrir son réseau de distribution en zone rurale à tout opérateur de « publicité
non adressée », à un prix qui tiendrait compte d'un barème dégressif annuel. Il convient,
cependant, de préciser que le ministre n'a accepté le barème que parce que La Poste a
proposé, par ailleurs, de permettre aux opérateurs locaux de « publicité non adressée » de se
regrouper pour pouvoir occuper une position plus avantageuse dans le barème dégressif. Ces
regroupements permettaient ainsi d'abaisser les barrières à l'entrée du marché de la
distribution nationale d'imprimés sans adresse (Lettre min. Économie du 14 août 2001,
BOCCRF 29 mars 2002). On retiendra aussi la position de la cour d'appel de Paris qui,
anticipant sur la réforme communautaire relative aux abus d'exclusion (ARHEL, Communication
de la Commission sur l'application de l'article 82 CE aux abus d'exclusion de position
dominante, JCP 18 déc. 2008. Actu. 3), n'a pas condamné per se des systèmes de rabais
quantitatifs alors même qu'ils s'appuyaient sur de longues périodes de référence et a exigé,
au contraire, que soient démontrés les effets concrets des pratiques (Paris, 4 avr. 2006, Éts
horticoles Georges Truffaut, BOCCRF 26 sept.).

§ 2 - Incidence d'une clause anglaise


221. Certains plaideurs ont soutenu qu'une clause anglaise permettait de rendre légitime une
clause de non-concurrence conclue par une entreprise détenant une position dominante. Ainsi,
dans l'affaire Hoffmann-La Roche, Roche a observé que s'ils obtenaient de la concurrence des
offres de prix plus favorables, ses clients pouvaient lui demander d'aligner ses prix sur ladite
offre et que si la société ne donnait pas suite à cette demande, le client était autorisé, par
dérogation à son engagement d'approvisionnement exclusif, à se fournir chez le concurrent,
sans pour autant perdre le bénéfice des rabais de fidélité prévus au contrat pour les autres
achats déjà effectués ou encore à effectuer auprès de Roche (CJCE 13 févr. 1979, Hoffmann-La
Roche, aff. 85/76, Rec. CJCE 461, spéc. points 102 s.).

222. Selon Roche, cette clause anglaise détruisait l'effet restrictif de la concurrence tant des
accords d'exclusivité que des rabais de fidélité. Cet argument n'a pas résisté à l'analyse :
« Dans un certain nombre de contrats, il n'est pas seulement précisé que l'offre doit émaner
de concurrents sérieux, mais également de concurrents importants du même niveau que Roche
ou encore que les offres doivent être comparables non seulement en ce qui concerne la qualité
du produit, mais également en ce qui concerne la continuité de l'offre, ce qui, en éliminant un
approvisionnement plus favorable mais occasionnel, renforce l'exclusivité […]. Même dans les
circonstances les plus favorables, la clause anglaise n'a pas pour effet de remédier
notablement à la distorsion de concurrence que provoquent les clauses d'approvisionnement
exclusif et les rabais de fidélité dans un marché où opère une entreprise en position
dominante, marché qui, de ce fait, présente déjà une structure concurrentielle affaiblie […]. En
effet, en obligeant ses clients à lui révéler les offres plus favorables qui sont faites par la
concurrence […] – de telle façon qu'il sera aisé à Roche d'individualiser ce concurrent –, la
clause anglaise, par sa nature même, met à la disposition de la requérante des éléments
d'information sur la situation du marché, ainsi que sur les possibilités et initiatives de ses
concurrents, qui sont particulièrement précieux pour la conduite de sa stratégie de marché »
(CJCE 13 févr. 1979, Hoffmann-La Roche, aff. 85/76, Rec. CJCE 461, spéc. points 105 s.). Dès
lors, la clause anglaise constitue plutôt un facteur aggravant : « Le fait, pour une entreprise
en position dominante, d'exiger ou d'obtenir contractuellement de ses clients qu'ils s'obligent
à lui signaler les offres de la concurrence, alors que lesdits clients peuvent avoir un intérêt
commercial évident à ne pas les révéler, est de nature à aggraver le caractère abusif de
l'exploitation de la position dominante » (spéc. point 107).

Art. 3 - Distribution exclusive et abus de dépendance économique


223. Les concessionnaires invoquent parfois, devant le juge du contrat, les dispositions de
l'article L. 420-2 du code de commerce qui interdisent les abus de dépendance économique.
L'application sociale que le juge du contrat fait parfois de ces dispositions leur est plutôt
favorable (PIVORANO et SALAH, L'abus de dépendance économique. Une notion subversive ?,
LPA n o 114, 21 sept. 1991 ; LPA n o 115, 24 sept. 1991). On notera cependant que la cour
d'appel de Paris a approuvé un jugement qui avait écarté le moyen d'abus de dépendance
économique, après avoir considéré, d'une part, que l'exclusivité accordée au distributeur ne
pouvait faire obstacle au droit du concédant de mettre fin au contrat et, d'autre part, que le
concédant n'est pas tenu de procurer au concessionnaire quittant son réseau une
représentation équivalente (Paris, 9 mai 1997, Lettre distrib. sept. 1997).
224. La pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence est, en revanche, plus conforme à
l'esprit du titre II du livre IV du code de commerce. L'affaire Magneti Marelli permet d'illustrer
le propos (pour d'autres ex. : Cons. conc. n o 89-D-16 du 2 mai 1989, Mercedes-Benz, BOCCRF
30 mai ; Rec. Lamy n o 361, obs. Robin. – Cons. conc. n o 91-D-31 du 18 juin 1991, Honda
France, BOCCRF 9 août ; CCC 1991. Comm. 201, obs. L. Vogel ; Rec. Lamy n o 453, obs. Cas) :
un distributeur exclusif de pièces détachées pour automobiles, la société STEA, dont le contrat
de concession a été résilié, a saisi le Conseil de la concurrence en soutenant qu'elle était
victime d'un abus de dépendance économique. Le grief a été rejeté. Certes, le concessionnaire
réalisait la moitié de son chiffre d'affaires avec la société Magneti Marelli et celle-ci
représentait 75 % des ventes de carburateurs en France. Cependant, le Conseil a observé que
le contrat de concession n'était pas assorti d'une clause d'approvisionnement exclusif et
n'interdisait donc pas au concessionnaire de diversifier ses approvisionnements. Dès lors, la
part importante des carburateurs de marque Magneti Marelli dans le chiffre d'affaires de la
société STEA résulte « du choix délibéré » de cette dernière de se spécialiser dans la vente et
la réparation des carburateurs (Cons. conc. n o 97-D-42 du 4 juin 1997, Magneti Marelli,
BOCCRF 17 sept.).

Chapitre 4 - Accords de distribution sélective


225. La distribution sélective est un système par lequel le fournisseur réserve la distribution
de ses produits à des distributeurs qu'il choisit en fonction de critères qu'il fixe lui-même
(V. Distribution [Com.]). Elle est fondée sur un ensemble d'accords conclus entre, d'une part,
le fournisseur et, d'autre part, chacun des distributeurs agréés : 1 o « [Le contrat de
distribution sélective] s'insère dans les relations contractuelles que l'entreprise entretient
avec les revendeurs. En effet, dans le cas d'admission d'un distributeur, l'agrément se fonde
sur l'acceptation tacite ou expresse, de la part des contractants, de la politique poursuivie par
[le fournisseur] exigeant, entre autres, l'exclusion du réseau de distributeurs ayant les
qualités pour y être admis mais n'étant pas disposés à adhérer à cette politique »
(CJCE 25 oct. 1977, Metro I, aff. 26/76, Rec. CJCE 1875. – CJCE 17 sept. 1985, Ford Werke II,
aff. 25/84 et 26/84, Rec. CJCE 2725, spéc. point 21) ; 2 o « l'agrément d'un distributeur par un
producteur est un acte de nature à garantir le respect du contrat, explicite ou tacite, entre ce
producteur et tous ses distributeurs agréés ; […] dès lors cet acte est de nature contractuelle
au sens des articles 50 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 et 85 du Traité de Rome
[devenus les art. L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE] » (Cons. conc. n o 87-D-15 du
9 juin 1987, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, BOCCRF 17 juin ; Rev. conc.
consom. 1987, n o 39, obs. Pantz). La définition donnée par le règlement du 20 avril 2010
s'inscrit dans la même ligne : le « système de distribution sélective » est « un système de
distribution dans lequel le fournisseur s'engage à ne vendre les biens ou les services
contractuels, directement ou indirectement, qu'à des distributeurs sélectionnés sur la base de
critères définis, et dans lequel ces distributeurs s'engagent à ne pas vendre ces biens ou ces
services à des distributeurs non agréés » (Règl. 330/2010, art. 1-1, e). Précisons que les
termes « critères définis » doivent être interprétés comme se référant à « des critères dont le
contenu précis peut être vérifié » (CJUE 14 juin 2012, aff. C-158/11 , Auto 24 SARL c/ Jaguar
Land Rover France SAS).
226. On comprend, dès lors, que la distribution sélective soit, de longue date, appréhendée
par les autorités de concurrence et les juridictions sous l'angle du droit des ententes. La
jurisprudence est abondante. Une liste des affaires communautaires les plus significatives se
trouve dans le Livre vert sur la politique de concurrence communautaire et les restrictions
verticales (cité supra, n o 8).

227. La distribution sélective bénéficie néanmoins d'un a priori favorable. La jurisprudence de


la Cour de justice (V. infra, n o 239) et du Conseil de la concurrence (V. infra, n o 240) le
montre clairement.

228. Contrairement aux accords d'exclusivité et de franchise, la distribution sélective n'avait


pas, avant la réforme des restrictions verticales intervenue en 1999 (citée supra, n o 8), fait
l'objet d'un règlement d'exemption par catégorie. La Commission européenne, en effet, n'avait
pas été habilitée par le Conseil pour adopter un tel règlement. Cette habilitation a été
accordée, dans le cadre de ladite réforme, par le règlement du Conseil du 2 mars 1965 (cité
supra, n o 18), dans sa version résultant du règlement n o 1215/1999 du Conseil du 10 juin
1999 (cité supra, n o 18), ce qui a permis à la Commission d'appliquer l'exemption générale
prévue par les règlements du 22 décembre 1999 et du 20 avril 2010 à la distribution sélective,
dans les limites du seuil de 30 % de part de marché. On notera que, dans le secteur
automobile, le seuil d'exemption était de 40 % pour les véhicules commercialisés dans le
cadre d'un réseau de distribution sélective quantitative (Règl. du 31 juill. 2002, art. 3-1. –
V. Automobile : droit de la concurrence [Com.]). Le niveau élevé de ce seuil se justifiait par le
fait que le règlement automobile contenait des règles plus strictes que celles prévues par le
règlement général (Règl. du 31 juill. 2002, considérant 8). Ce taux était même de 100 % pour
la distribution sélective qualitative, ce qui signifie que l'exemption était acquise quelle que
soit la part de marché détenue par le fournisseur (Règl. du 31 juill. 2002, art. 3. 1 ; Note
explicative, point 38 ; Brochure explicative 2002, point 4. 3. 1 [citée supra, n o 70]).

229. Au-dessus du seuil de 30 % prévu par le règlement du 20 avril 2010, les accords peuvent
faire l'objet d'un examen individuel. Il convient à cet effet de se référer aux lignes directrices
de la Commission (V. infra, n os 230 s.) et à la jurisprudence (V. infra, n os 236 s.).

Section 1 re - Application des lignes directrices aux accords de distribution sélective

230. Rappelons d'abord que les systèmes de distribution sélective, en prévoyant des critères
de sélection, limitent le nombre de distributeurs. Par ailleurs, la liberté de revente est
réduite, puisque les distributeurs ne sont pas autorisés à vendre en dehors du réseau de
distribution. La concurrence peut, dès lors, être affectée : diminution de la concurrence
intramarque, exclusion de certaines formes de distribution, surtout en cas d'effet cumulatif et
enfin, possibilités accrues de collusion entre les fournisseurs ou les distributeurs. La
Commission considère que les facteurs suivants sont déterminants pour l'examen individuel
des accords de distribution sélective non couverts par l'exemption par catégorie.

231. Positions sur le marché. - La part de marché du fournisseur et de ses concurrents revêt
une grande importance dans la mesure où la réduction de la concurrence intermarque ne pose
vraiment problème que lorsque cette concurrence est déjà réduite. En revanche, lorsque sur le
marché, seul un fournisseur non dominant a mis en place un système de distribution sélective,
il est peu probable que ce système crée un effet négatif net (Lignes directrices [citées supra,
n o 19], n o 177). La taille des concurrents peut également être déterminante. La présence de
concurrents puissants sur le marché permet, en effet, de compenser la réduction de la
concurrence intramarque par un renforcement de la concurrence intermarque. Cependant,
lorsqu'une majorité de fournisseurs importants recourent à la distribution sélective, il peut en
résulter un risque accru de collusion, une diminution sensible de la concurrence intramarque et
une exclusion de certaines formes de distribution (Lignes directrices, n o 178). La Commission
estime cependant qu'un risque d'effet cumulatif est peu probable lorsque la part de marché
des cinq plus importants fournisseurs est inférieure à 50 % et (ou) lorsque la part de marché
couverte pour les réseaux de distribution sélective dépasse 50 % si la part cumulée détenue
par les cinq fournisseurs les plus importants n'atteint pas 50 % (Lignes directrices, n o 179).
Enfin, lorsque le fournisseur indique à ses distributeurs les produits concurrents qu'ils ne
doivent pas distribuer (Règl. du 20 avr. 2010, art. 5-1, c), la Commission estime qu'une
exemption individuelle est peu probable lorsque les cinq plus importants fournisseurs
recourant à ce type de clause représentent 50 % du marché ou plus (Lignes directrices,
n o 178).

232. Effet d'exclusion. - L'effet d'exclusion est un autre facteur à prendre en compte.
Cependant, il est peu probable qu'un problème se pose si la part de marché couverte par la
distribution sélective est inférieure à 50 % (V. supra, n o 231). La puissance d'achat des
distributeurs pourrait également renforcer l'effet d'exclusion de distributeurs plus efficaces
(Lignes directrices, n o 177).
233. Barrières à l'entrée du marché. - La Commission estime que la distribution sélective
crée en général d'importantes barrières à l'entrée du marché car ces systèmes de distribution
sont utilisés par des fournisseurs de produits de marque. Les distributeurs n'appartenant pas
au réseau doivent donc créer leur propre marque ou recourir à des sources alternatives
d'approvisionnement (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 180).
234. État de maturité du marché. - L'état de maturité du marché peut également être un
facteur important dans l'appréciation des accords de distribution sélective. La réduction de la
concurrence intramarque pose, en effet, plus de problèmes sur un marché stable que sur un
marché caractérisé par une demande croissante, par l'apparition de nouvelles technologies et
par une évolution des parts de marché (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 184).
235. Autres dispositions. - Les lignes directrices contiennent d'autres commentaires sur la
distribution sélective. Ils portent, notamment, sur la distinction entre sélection purement
qualitative et sélection quantitative (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 175) et sur la
nature des produits (Lignes directrices, n o 177). Ils seront examinés ci-après (V. infra,
n os 236 s.).

Section 2 - Jurisprudence relative à la sélection des distributeurs

236. Notons d'abord que, si la définition de la distribution sélective prévue à l'article 1 er,
paragraphe 1 er, e, du règlement du 20 avril 2010 comporte des éléments sur la sélection des
distributeurs (V, supra, n o 225), en revanche, aucune clause noire n'est directement liée à
cette sélection. Par ailleurs, celle-ci n'est soumise à aucune condition au sens de l'article 5 de
ce règlement. La Commission a notamment renoncé à l'idée de reprendre, dans le règlement
d'exemption, les conditions de licéité prévues par la jurisprudence (communication Comm. CE
du 30 sept. 1998, citée supra, n o 10, spéc. point 22). À titre d'exemple, les accords de
distribution sélective qui excluent a priori certaines formes de distribution sont, à l'exception
du commerce électronique (V. infra, n o 258), couverts par le règlement du 20 avril 2010. La
pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence s'inscrit dans cette ligne ; après avoir
énoncé que l'ancien règlement du 22 décembre 1999 pouvait constituer un « guide d'analyse
utile » pour la mise en œuvre du droit national, l'autorité n'a pas retenu de griefs concernant
les critères de sélection de Bausch & Lomb, fournisseur détenant une part de marché
inférieure à 30 %, alors qu'ils étaient appliqués de façon discriminatoire (Cons. conc. n o 01-D-
45 du 19 juill. 2001, Casino France, BOCCRF 24 sept.).
237. Dans ses lignes directrices, la Commission établit une distinction entre la sélection
purement qualitative et la sélection quantitative. Dans le premier cas, les distributeurs sont
choisis sur la base de critères qualitatifs tels que la formation des vendeurs, les services
fournis et la gamme des produits commercialisés. Une telle sélection ne tombe pas sous le
coup de l'article 101 du TFUE. La sélection est, en revanche, dite « quantitative » lorsque,
outre les critères qualitatifs, le fournisseur recourt à des critères quantitatifs c'est-à-dire qui
limitent directement le nombre de distributeurs (par ex., quotas de ventes minimaux ou
maximaux, détermination du nombre de distributeurs). La sélection quantitative est couverte
par le règlement du 20 avril 2010 dans la limite du seuil de 30 %. Au-delà, elle est
susceptible de faire l'objet d'un examen individuel.
238. Les développements qui suivent sont consacrés pour l'essentiel à la jurisprudence qui
s'est développée à propos de la sélection qualitative avant la réforme de 1999. Cette
jurisprudence revêt encore aujourd'hui une grande importance (le Conseil de la concurrence
observe à cet égard que « le règlement […] ne remet pas en cause les principes dégagés […]
par la jurisprudence relative aux accords verticaux » : Rapp. 2002, p. 201). En effet, les
examens individuels, au-dessus du seuil de 30 %, s'appuient, non seulement sur les lignes
directrices, mais aussi sur la jurisprudence. Par ailleurs, cette jurisprudence pourrait s'avérer
fort utile pour apprécier la pertinence des décisions de retrait ou des règlements d'exclusion.
Un examen de cette jurisprudence est donc nécessaire.
239. Notons d'abord que la jurisprudence de l'Union a, de longue date, admis la licéité de
principe des accords de distribution sélective, dès lors que sont respectées certaines
conditions : « Des systèmes de distribution sélective constituent, parmi d'autres, un élément
de concurrence conforme à l'article 85. 1 [aujourd'hui art. 101 du TFUE] à condition que le
choix des revendeurs s'opère en fonction des critères objectifs de caractère qualitatif relatifs à
la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces
conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et
appliqués de façon non discriminatoire » (CJCE 25 oct. 1977, Metro I, aff. 26/76, Rec.
CJCE 1875. – Confirmé par CJCE 22 oct. 1986, Metro II, aff. 75/84, Rec. CJCE 3076).

240. Cette jurisprudence a fortement influencé le droit français : « Considérant que dès lors
qu'ils préservent le jeu d'une certaine concurrence sur le marché, les systèmes de distribution
sélective sont conformes aux dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945
[citée supra, n o 150] et à celles du paragraphe 1 er de l'article 85 du Traité de Rome si les
critères de choix des revendeurs ont un caractère objectif, sont justifiés par les nécessités
d'une distribution adéquate des produits en cause, n'ont pas pour objet ou pour effet d'exclure
par nature une ou des formes déterminées de distribution et ne sont pas appliqués de façon
discriminatoire » (Cons. conc. n o 87-D-15 du 9 juin 1987, Produits cosmétiques et d'hygiène
corporelle, BOCCRF 17 juin ; Rev. conc. consom. 1987, n o 39, obs. Pantz. – Confirmée par
Paris, 28 janv. 1988, BOCCRF 4 févr. – Confirmée par Com. 18 mai 1993, BOCCRF 5 juin. –
Cette jurisprudence a été maintes fois confirmée, notamment dans une seconde affaire dans
le secteur des produits cosmétiques : Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, BOCCRF 11 févr. 1997 ; CCC 1997. Comm. 50 ; Rev. conc.
consom. 1997, n o 96, obs. Robino ; Rec. Lamy n o 703, obs. Respaud ; LPA n o 73, 18 juin 1997,
obs. Arhel. – V. égal. Cons. conc. n o 96-D-72 du 19 nov. 1996, Montres Rolex, BOCCRF 6 mars
1997 ; Rec. Lamy n o 709, obs. Respaud ; CCC 1997. Comm. 66. – Com. 21 oct. 1997, n o 95-
19.419 , Bull. civ. IV, n o 271 ; RJDA 12/1997, n o 1480, p. 1015 et p. 995, concl. Leclercq. –
Paris, 9 nov. 2000, SA Marley c/ SA Rolex France, Conc. act. Express 18 janv. 2001, n o 305. –
V. aussi Cons. conc. Rapp. 2002, p. 204).
241. Notre attention portera plus particulièrement sur les questions relatives à l'objectivité de
la sélection (V. infra, n os 242 s.), au principe de non-discrimination (V. infra, n os 247 s.), à
l'exclusion de certaines formes de distribution (V. infra, n os 255 s.), à la nature des produits
ou services (V. infra, n os 259 s.) et aux relations intuitu personae (V. infra, n o 263).

Art. 1 er - Objectivité de la sélection


242. Dans la définition que l'article 1 er, paragraphe 1 er, e, du règlement de la Commission du
20 avril 2010 donne de la distribution sélective, il n'est pas fait référence au caractère objectif
des critères de sélection, mais à des critères « définis ». La référence au caractère objectif
des critères de sélection n'apparaît que dans les lignes directrices (Lignes directrices [citées
supra, n o 19], n o 175), mais la cour d'appel de Paris a estimé que le caractère objectif des
critères de sélection est une condition de licéité des accords de distribution sélective (Paris,
9 nov. 2000, SA Marley c/ SA Rolex France, cité supra, n o 240). La jurisprudence du Conseil de
la concurrence s'inscrit dans la même ligne (Cons. conc. Rapp. 2002, p. 204). Il est
généralement admis que cela implique une rédaction précise et dépourvue d'ambiguïté des
critères de sélection (pour une définition différente du terme « objectivité » : Versailles,
20 déc. 1995, D. Affaires 1996. 233). Les exemples suivants illustrent de façon concrète la
portée du concept d'objectivité (pour une clause relative aux « possibilités locales de vente
des produits Rolex », V. aussi infra, n os 253 s.).

ACTUALISATION
242-1. Objectivité. Exigence de bonne foi (non). - L'exigence de bonne foi ne requiert
pas, de la part de la tête d'un réseau de distribution, la détermination et la mise en
œuvre d'un processus consistant à imposer que le « concédant » soit tenu, dès la phase
précontractuelle, de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son
cocontractant (Com. 27 mars 2019, n o 17-22.083 , D. 2019. Actu. 692 ).

243. Exigence d'une qualification professionnelle du distributeur. - Il est admis de longue


date que le promoteur d'un réseau de distribution sélective peut réserver la distribution de
ses produits aux distributeurs qui répondent à des critères liés à la qualité de leurs
installations et à leurs qualifications professionnelles (V. not. CJCE 25 oct. 1977, Metro I, aff.
26/76, Rec. CJCE 1875. – Décis. n o 91/153 de la Commission du 11 janv. 1991, Vichy, JOCE,
n o L 75, 21 mars. – Confirmée par TPICE 27 févr. 1992, Vichy, aff. T-19/91 , Rec. CJCE II-
415. – Paris, 28 janv. 1988, BOCCRF 4 févr.). Encore faut-il que ces critères de sélection
soient déterminés de façon objective. Cette condition est remplie lorsque le contrat comporte
une clause imposant un diplôme de pharmacien, un diplôme universitaire équivalent ou un
diplôme scientifique ou professionnel pour la distribution de produits cosmétiques de luxe
(Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, préc. –
TPICE 12 déc. 1996, Givenchy, aff. T-88/92 , Rec. CJCE II-1851 ; Europe févr. 1997. 5, obs.
Boutard-Labarde ; D. Affaires 1997. 116). En revanche, le fait de réserver la distribution de
produits cosmétiques de luxe aux pharmacies d'officine a été condamné (Cons. conc. n o 87-D-
15 du 9 juin 1987, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, BOCCRF 17 juin ; Rev. conc.
consom. 1987, n o 39, obs. Pantz. – Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, préc. – Confirmée par Paris, 1 er juill. 1997, BOCCRF
30 juill. – Décis. de la Commission du 11 janv. 1991, préc. – Conf. par TPICE 27 févr. 1992,
préc.).
244. Exigence d'un espace clos et isolé. - Le fait d'exiger que des produits cosmétiques de
luxe soient présentés dans un espace clos et isolé a été condamné tant par le Conseil de la
concurrence (Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits cosmétiques et d'hygiène
corporelle, préc.) que par la Commission européenne (Décis. n o 92/33 de la Commission du
16 déc. 1991, Yves-Saint-Laurent Parfums, JOCE, n o L 12, 18 janv. 1992, spéc. point 174 ;
Rev. conc. consom. 1992, n o 69, obs. Dupeyron. – V. sur cette décision, BONET, La
distribution sélective des produits cosmétiques de luxe à l'épreuve du droit communautaire,
D. 1992. Chron. 303 ). Le Conseil a, notamment, souligné l'absence d'objectivité du critère :
« La circonstance que certains fabricants soutiennent que l'exigence d'un espace clos n'aurait
d'autres significations que celle d'un espace isolé ou d'un espace spécialisé ou encore d'une
surface nettement individualisée et isolée témoigne de l'imprécision de la formulation de
cette exigence qui ne revêt donc pas le caractère d'un critère objectif » (Cons. conc. n o 96-D-
57 du 1 er oct. 1996, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, préc.). Le Tribunal de
première instance estime tout au plus qu'un aménagement de l'espace, dans un souci de
valorisation des produits, puisse être envisagé : « La vente des autres marchandises
typiquement trouvées dans un hypermarché n'est pas en soi de nature à nuire à l'image de
luxe des produits en cause, pourvu que l'emplacement ou l'espace consacré à la vente des
cosmétiques de luxe soit aménagé de façon à ce que ces produits soient présentés dans des
conditions valorisantes. Un tel aménagement peut exiger que certains autres produits, tels
que les produits d'alimentation ou d'entretien, ne soient pas distribués « à proximité » des
cosmétiques de luxe, ou qu'il y ait une séparation adéquate entre la vente des cosmétiques
de luxe et la vente d'autres produits de qualité inférieure » (TPICE 12 déc. 1996, Givenchy,
préc.). Le Tribunal de première instance des Communautés européennes a rendu le même
jour, dans l'affaire Yves-Saint-Laurent Parfums, un arrêt dans des termes quasi identiques
(aff. T-87/92, Rec. CJCE II-1961 ; Cah. dr. entr. 1997, n o 1, p. 11 ; Rev. conc. consom. 1997,
n o 96, obs. Robino. – ARHEL, Pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, LPA n o 73, 18 juin 1997. – CALVO, Distribution sélective.
Les chemins de l'espoir français et communautaire, LPA n o 79, 2 juill. 1997. – VILMART et
J. M. MOUSSERON, Parfum de luxe, Cah. dr. entr. 1997, n o 5, p. 5 s. – CESARINI,
Développements récents de la jurisprudence en matière de distribution sélective, Competition
Policy Newsletter, été 1997, vol. 3, n o 2).

245. Exigence d'une vitrine. - Le Tribunal de première instance estime que l'exigence d'une
vitrine se prête à une application discriminatoire à l'encontre des grandes surfaces qui n'ont
pas la même façade qu'un commerce traditionnel. Cependant, il n'exclut pas que les critères
concernant les vitrines puissent être interprétés comme se référant aux « vitrines » d'un
espace aménagé à l'intérieur d'un point de vente, et non aux vitrines extérieures – le contrat
type Y SLP prévoit même expressément que « le critère relatif à la vitrine ne se limite pas aux
vitrines extérieures du point de vente, mais […] se réfère également aux vitrines intérieures »
(V. supra, n o 243). Il a considéré, par ailleurs, qu'il appartenait au juge national de veiller à
ce que les critères ne soient pas appliqués de façon discriminatoire (TPICE 12 déc. 1996,
Givenchy, préc.). En droit interne, la Commission de la concurrence a condamné l'exigence
d'une vitrine (Avis Cons. conc. 1 er juill. 1982, Horlogerie-bijouterie, BOCC 21 déc.). La
jurisprudence du Conseil de la concurrence se situait, jusqu'à la réforme communautaire des
restrictions verticales intervenue en 1999, dans la même ligne. Ainsi, il a énoncé que
l'exigence d'une vitrine extérieure ne saurait se justifier, dès lors qu'il n'est nullement
démontré qu'une vitrine intérieure ne pourrait, dans le cas de certains commerces de grande
surface, jouer un rôle d'attraction des consommateurs similaire à celui joué, dans d'autres
formes de commerce, par les vitrines extérieures (Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996,
Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, préc.). Par ailleurs, il a condamné une clause
réservant les produits aux magasins situés directement sur une artère commerçante et
disposant d'une vitrine sur rue d'au moins trois mètres de long (Cons. conc. n o 99-D-78 du
15 déc. 1999, Porcelaine de Limoges, BOCCRF 7 mars ; Rec. Lamy n o 810, obs. Arhel). Après
la réforme des restrictions verticales, le Conseil n'a pas retenu de grief à l'encontre de
fournisseurs qui exigeaient de leurs distributeurs qu'ils disposent « de vitrines sur rue au rez-
de-chaussée ». La circonstance que ces fournisseurs détenaient moins de 30 % du marché a
été déterminante (Cons. conc. n o 01-D-45 du 19 juill. 2001, Bausch & Lomb, BOCCRF
24 sept. – Cons. conc. n o 03-D-60 du 17 déc. 2003, Cartier, BOCCRF 13 févr. 2004). La cour
d'appel de Paris a admis l'exigence d'une vitrine imposée par un fournisseur : se fondant sur
son contrat type qui prévoyait que « la qualité de l'installation est notamment appréciée en
fonction de la vitrine et des aménagements intérieurs du magasin, de la longueur de la vitrine
[…] », cette entreprise a pu valablement opposer un refus de vente à un magasin situé au
deuxième étage d'un immeuble et qui était dépourvu de vitrine extérieure (Paris, 19 déc.
1992, Montaigne Diffusion, CCC 1993. Comm. 7 ; Rev. conc. consom. 1993, n o 72, p. 45, obs.
Arhel).

246. Compatibilité de l'enseigne du magasin avec l'image de marque des produits. - Les
clauses de compatibilité de l'enseigne du magasin avec l'image de marque des produits ne
sont pas en principe interdites (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves-
Saint-Laurent Parfums, préc. – Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits cosmétiques
et d'hygiène corporelle, préc.). La clause suivante a même trouvé grâce aux yeux du Tribunal
de première instance malgré son caractère imprécis : « L'enseigne […] doit correspondre en
permanence au prestige de la marque Yves-Saint-Laurent. En conséquence, l'enseigne doit
être compatible avec les principes qui régissent la distribution des produits, produits de haut
luxe et de haute qualité. Tel n'est pas le cas de l'enseigne dont l'image est associée à
l'absence ou à la restriction du service de conseil à la clientèle, du standing ou de recherche
dans le décor ». Il est vrai que le Tribunal de première instance a, par ailleurs, précisé qu'il
incombe aux juridictions ou aux autorités nationales compétentes de veiller tout
particulièrement à ce que le critère de l'enseigne ne soit pas appliqué d'une façon injustifiée
ou disproportionnée (TPICE 12 déc. 1996, Givenchy, préc.). Les clauses suivantes ont
cependant été jugées imprécises et non objectives : « 1 o L'enseigne et le style du magasin
doivent être compatibles avec l'activité de conseil […] ; 2 o l'enseigne ne doit pas s'interpréter
comme correspondant à un type de commercialisation fondé sur des critères différents de ceux
de la distribution sélective (absence habituelle de conseil et de standing, orientation de base
vers les produits de qualité courante) dépréciant ainsi l'image de marque de… » (Cons. conc.
n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, préc.) ;
3 o l'enseigne du point de vente ne devra jamais être dévalorisante pour la notoriété et l'image
des produits de la marque « façonnable ». Serait notamment considérée comme dévalorisante
« une enseigne ayant acquis sa réputation sur des pratiques commerciales agressives et/ou
sur une politique permanente de rabais illicites ou de nature à induire en erreur le
consommateur » (Cons. conc. n o 02-D-36 du 14 juin 2002, BOCCRF 30 sept. : cas du contrat
façonnable) ; 4 o « toute pratique de promotion avec discount systématique sera considérée
comme attentatoire à la marque et pourra donner lieu à résiliation immédiate du présent
contrat » (Cons. conc. 14 juin 2002, préc. : cas des contrats Bausch & Lomb) ; on notera
encore, à propos des clauses d'enseigne, pour ne plus y revenir, la position adoptée par la
Cour de cassation : « Attendu qu'en statuant ainsi, en énonçant par un motif général et
erroné, que la commercialisation de produits de luxe selon les techniques de la grande
distribution leur fait perdre leur renommée et leur caractère luxueux, la cour d'appel qui a
approuvé l'élimination par le producteur de certaines formes déterminées de distribution, a
violé l'article L. 420-1 du code de commerce » (Com. 21 oct. 1997, n o 95-19.419 , Bull.
civ. IV, n o 271 ; RJDA 12/1997, n o 1480, p. 1015, et p. 995, concl. Leclercq).

Art. 2 - Principe de non-discrimination

§ 1 er - Interdiction des clauses discriminatoires


247. Les clauses discriminatoires ont souvent été condamnées. Tel a été le cas, dans le
secteur de l'horlogerie de luxe, de la clause exigeant que les distributeurs aient la qualité de
commerçant spécialisé « dans la mesure où elle permet à Rolex de réserver la vente de ses
produits au circuit des horlogers-bijoutiers traditionnels et d'exclure de son réseau de
distribution toutes les autres formes de commerce » (Cons. conc. n o 96-D-72 du 19 nov. 1996,
Montres Rolex, cité supra, n o 240). Dans la même ligne, le système de distribution sélective
de la société Seiko France qui réservait la vente des produits à des « horlogers-bijoutiers-
joailliers » a été déclaré illicite : « Considérant qu'en acceptant comme seuls revendeurs les
« horlogers-bijoutiers-joailliers » disposant d'une surface de vente située dans une artère
commerçante ou un centre commercial, la société Seiko France institue ainsi l'exclusion de la
grande distribution sans établir que cette exclusion soit objectivement justifiée ; que partant
elle révèle une pratique discriminatoire contraire aux exigences de l'ordonnance [de 1986] »
(Paris, 11 sept. 2000, SA Carrefour France et autres c/ SA Seiko France, LPA n o 218, 27 déc.
2000, p. 4, obs. Arhel).

§ 2 - Interdiction de l'application discriminatoire des critères de sélection


248. La jurisprudence comprend de nombreux exemples d'application discriminatoire des
critères de sélection des membres de réseaux de distribution sélective. Par exemple, le
Conseil de la concurrence a condamné plusieurs fournisseurs qui ont livré des distributeurs ne
répondant pas aux critères de sélection (par ex. : Cons. conc. n o 89-D-43 du 5 déc. 1989,
Chaussure de sport haute et moyenne gamme, BOCCRF 3 janv. 1990 ; Rec. Lamy n o 381, obs.
Berthault. – Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits cosmétiques et d'hygiène
corporelle, préc. – Cons. conc. n o 96-D-72 du 19 nov. 1996, Montres Rolex, préc. – Cons. conc.
n o 98-D-67 du 27 oct. 1998, Distribution d'articles de prêt-à-porter féminin, BOCCRF 31 mars
1999 ; Lettre distrib. avr. 1999 ; CCC 1999. Comm. 93, obs. Malaurie-Vignal). De même, la
cour d'appel de Paris a, sur renvoi après cassation, condamné le fait de subordonner
l'agrément d'un magasin spécialisé à l'affectation d'un certain nombre de préposés à la vente
de ses produits, alors qu'il ne soumettait pas l'agrément des pharmacies d'officine au respect
de cette exigence (Paris, 22 sept. 1999, Sté Gaphav SA et a. c/ Sté Biotherm distribution et
Cie). La Cour de justice des Communautés européennes a également considéré qu'« un
système de distribution sélective est interdit par l'article 81, paragraphe 1 er, du Traité de
Rome si l'application des critères régissant le choix des revendeurs s'effectue de façon moins
sévère à l'égard des entreprises appartenant à un certain groupe d'entreprises qu'à l'égard
d'autres détaillants » (CJCE 3 juill. 1985, Binon, aff. 243/83, Rec. CJCE 2015).
249. Les mêmes principes conduisent à condamner le fait pour le fournisseur de refuser
d'agréer un distributeur qui répond aux critères de sélection ou à cesser d'approvisionner les
distributeurs agréés alors qu'ils continuaient à répondre aux critères de sélection. La Cour de
cassation a ainsi censuré une cour d'appel qui avait retenu que, les contrats ayant été
rompus, le distributeur évincé ne pouvait solliciter la livraison des produits en cause (Com.
14 janv. 2003, n o 99-14.198 . – V. aussi Dijon, 1 er avr. 2004, Garage Grémeau c/ Daimler
Chryler France, Creda-concurrence, 22 nov. 2004, obs. Ronzano ; LPA n o 142, 16 juill. 2004,
p. 4, obs. Arhel. – Confirmé par Com. 28 juin 2005, n o 04-15.279 ) ; ce faisant, cependant,
elle revenait sur la position qu'elle avait adoptée dans l'affaire des carrières de Sainte-Marthe
dans laquelle elle avait énoncé que l'article L. 420-3 du code de commerce « ne prévoit pas la
possibilité pour le juge d'ordonner la conclusion d'un contrat ou son renouvellement » (Com.
24 oct. 2000, n o 98-14.382 ). Il a également été jugé que la limitation dans le temps des
contrats de distribution sélective importait peu (Com. 27 avr. 1993, n o 91-10.203 , D. 1995.
Somm. 73, obs. Ferrier ; RJDA 8-9/1993, n o 691. – Lors de la journée d'étude organisée par
les Éditions du J.-Cl. le 3 oct. 2002 sur la Réforme de la distribution automobile, le professeur
L. VOGEL a cependant affirmé qu'il s'agissait d'une décision isolée qui reposait sur une erreur
du juge, celui-ci ayant confondu la terminaison du contrat avec sa formation). Notons encore
qu'il est admis de longue date que le fournisseur reste libre de réorganiser son réseau de
distribution. Il doit cependant en informer suffisamment tôt les distributeurs évincés (Paris,
9 déc. 1992, D. 1994. Somm. 168, obs. Gavalda et Lucas de Leyssac ; D. 1995. Somm. 73,
obs. Ferrier ; Lettre distrib. févr. 1993 ; Rev. conc. consom. 1993, n o 72, obs. Arhel. –
V. aussi Paris, 21 oct. 1993, D. 1995. Somm. 73, obs. Ferrier ).
250. L'application du droit des ententes implique cependant que l'on puisse mettre en
évidence un accord de volontés. Les difficultés ici concernent non seulement les
discriminations négatives (Cons. conc. n o 90-D-23 du 3 juill. 1990, JVC Vidéo France, BOCCRF
31 juill. ; Rec. Lamy n o 402, obs. Azema ; Rev. conc. consom. 1992, n o 66, obs. Guersent et
Arhel), mais aussi les discriminations positives (Com. 29 oct. 1996, n o 94-17.918 , BOCCRF
5 déc. ; RJDA 1/1997, n o 71, p. 6, concl. av. gén. Raynaud ; D. Affaires 1996. 1348).
§ 3 - Interdiction de la sélection quantitative
251. La fixation d'un contingent maximal de revendeurs est couverte par le règlement du
20 avril 2010 dans la limite du seuil de 30 % (ce taux avait même été fixé à 40 % pour les
véhicules automobiles vendus dans le cadre d'un réseau de distribution sélective
quantitative. – Règl. n o 1400/2002 de la Commission du 31 juill. 2002, cité supra, n o 22). En
revanche, au-delà du seuil, on ne peut exclure une certaine sévérité des autorités de
concurrence.

252. Certes, des assouplissements à l'interdiction de la sélection quantitative ont pu être


admis de façon ponctuelle par la Commission lorsque, notamment, il pouvait en résulter une
amélioration de la distribution (Décis. n o 70/488 de la Commission du 28 oct. 1970, Omega,
JOCE, n o L 242, 5 nov.). Cependant, la Commission s'est ensuite, et jusqu'à la réforme des
restrictions verticales, intervenue en 1999, opposée à la sélection quantitative. Ceci est très
clair dans le secteur de la parfumerie de luxe : elle a non seulement condamné le système de
listes d'attente, jadis courantes dans le secteur de la parfumerie, mais aussi enfermé la
procédure de sélection dans des délais précis : cinq mois pour le traitement de toute demande
d'admission au réseau, neuf mois pour la livraison (Décis. n o 92/33 de la Commission du
16 déc. 1991, Yves-Saint-Laurent Parfums, cité supra, n o 244). Certains auteurs ont vu, dans
l'ancien règlement de la Commission du 28 juin 1995 relatif à la distribution automobile (cité
supra, n o 22), la possibilité de limiter le nombre de revendeurs dans le cadre de la distribution
sélective, mais d'autres y voyaient plutôt un cas de protection territoriale relative (BEHAR-
TOUCHAIS et VIRASSAMY , op. cit., p. 560).
253. En France, le Conseil de la concurrence s'est aligné sur la position de la Commission
européenne : « Considérant que la méthode ainsi exposée d'appréciation des « possibilités
locales de vente des produits Rolex » manque de précision et se prête à une application
subjective et éventuellement discriminatoire ; qu'il appartient à la société Montres Rolex SA
de définir des critères de sélection objectifs des distributeurs si elle veut limiter leur nombre
en fonction des contraintes de sa production et de ses objectifs commerciaux ; qu'ainsi, la
clause relative aux « possibilités locales de vente des produits Rolex » ne constitue pas un
critère objectif de sélection des distributeurs et, comme telle, est visée par les dispositions
des articles 85, paragraphe 1 er, du Traité de Rome et 7 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986
[devenus C. com., art. 101 du TFUE et L. 420-1] » (Cons. conc. n o 96-D-72 du 19 nov. 1996,
Montres Rolex, cité supra, n o 240). Le Conseil a également condamné un refus d'agrément
motivé par le fait que le candidat n'avait pas une activité suffisante et qu'il existait déjà un
grand nombre de distributeurs dans la ville concernée (Cons. conc. n o 99-D-78 du 15 déc.
1999, porcelaine de Limoges, BOCCRF 7 mars ; Rec. Lamy n o 810, obs. Arhel).
254. Le secteur de la parfumerie fait cependant l'objet d'un traitement particulier. Ainsi,
l'ancienne Commission de la concurrence avait admis que les fabricants de parfums maîtrisent
le nombre de revendeurs qu'ils désiraient en fonction de leurs objectifs de production,
exigeant tout au plus que cette maîtrise ne s'exerce pas en deçà du niveau départemental
pour ne pas entraver la concurrence localement (Avis Comm. conc. 1 er déc. 1983, Distribution
sélective des produits de parfumerie, BOCC 28 déc. 1984 ; Rec. Lamy n o 223). La Cour de
cassation a également admis, dans le secteur de la parfumerie, que des restrictions
quantitatives pouvaient être justifiées : un contrat de distribution sélective est celui par
lequel le fournisseur s'engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou plusieurs
commerçants qu'il choisit en fonction de critères qualitatifs, sans discrimination et sans
limitations quantitatives injustifiées (Crim. 3 nov. 1982, Bull. crim. n o 238). Plus récemment,
la cour d'appel de Paris (10 févr. 1995, DPDA 21 mai 1995, Bull. 406, p. 1241), approuvée par
la chambre commerciale de la Cour de cassation (Com. 13 janv. 1998, n o 95-13.423), a admis
une limitation quantitative, dans une espèce où le fournisseur avait produit une étude
déterminant le nombre des points de vente potentiels par agglomération en fonction du
nombre d'habitants et montrant que la création de nouveaux points de vente excédentaires ne
pouvait qu'entraîner des surcoûts tant pour le fournisseur que pour le distributeur. La cour
d'appel de Paris (30 oct. 1996, inédit), approuvée par la Cour de cassation (Com. 4 mai 1999,
n o 96-22.638 , RLDA juill. 1999, n o 18, p. 23 ; DPDA 10 oct. 1999, Bull. 508, p. 9086. –
V. aussi Paris, 9 nov. 2000, cité supra, n o 240), a également admis le principe de la sélection
quantitative dans le secteur des montres de luxe : « Il peut être admis qu'un fabricant désire
conserver le contrôle de la croissance du nombre de ses revendeurs en fonction de ses
objectifs de production ». Encore faut-il, a précisé la cour d'appel de Paris, « qu'une telle
pratique, restrictive de concurrence, se situe dans une perspective de progrès économique
dont le consommateur doit tirer profit ». Au cas d'espèce, la cour a estimé que cette condition
n'était pas remplie dans la mesure où le fournisseur n'a tenu compte « ni d'une situation
qu'elle avait elle-même antérieurement créée, ni d'une progression des ventes » – le nombre
de montres vendues progressait régulièrement –, « ni enfin de facteurs indiscutables tels que
le ratio du nombre de distributeurs par habitant, dans des villes comparables » (1 pour 57 330
à Lille, 1 pour 70 000 à Bordeaux, 1 pour 103 750 à Lyon et 1 pour 266 670 à Marseille). Le
Conseil de la concurrence a également admis une sélection quantitative dans la deuxième
affaire Rolex : il a estimé qu'il n'était pas établi que le refus d'agrément opposé au plaignant
était constitutif d'une pratique anticoncurrentielle après avoir observé que le dossier ne
comportait aucun élément permettant d'établir que la société saisissante aurait été victime
d'une discrimination dans la sélection des points de vente Rolex à Marseille ; or, cette
position était motivée par le fait que les distributeurs agréés après le 11 octobre 1993, date à
laquelle le plaignant a formulé sa demande d'agrément, ont tous demandé leur agrément à
une date antérieure (Cons. conc. n o 00-D-61 du 13 déc. 2000, Montres Rolex, BOCCRF
30 déc. ; Rec. Lamy n o 836, obs. Sélinsky ; CCC 2001. Comm. 17).

Art. 3 - Exclusion a priori de certaines formes de distribution


255. De nombreuses décisions ont interdit le fait d'exclure a priori certaines formes de
distribution aptes à commercialiser les produits en cause. Quelques exemples sont examinés
ci-après à titre d'illustration (pour un ex. d'exclusion de détaillants non-installateurs, V. égal.
Décis. n o 85/44 de la Commission du 10 déc. 1984, Grohe, JOCE, n o L 19, 23 janv. 1985).

256. Vente exclusive en pharmacie. - La vente exclusive de produits cosmétiques de luxe


aux pharmacies d'officine a été interdite. Un tel système exclut, en effet, les hypermarchés et
supermarchés, mais aussi les grands magasins et les magasins spécialisés (Cons. conc. n o 87-
D-15 du 9 juin 1987, Produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, BOCCRF 17 juin ; Rev.
conc. consom. 1987, n o 39, obs. Pantz. – Décis. n o 91/153 de la Commission du 11 janv. 1991,
Vichy, JOCE, n o L 75, 21 mars). La distribution exclusive de lait infantile en pharmacie a
également, pour les mêmes raisons, été condamnée par la Commission de la concurrence
(Avis Cons. conc. n o 87-A-02, 31 mars 1987, Vente exclusive de lait en pharmacie, BOCCRF
2 juin ; Rev. conc. consom. 1987, n o 39, obs. Saby ; Rec. Lamy n o 275, obs. Farjat). Par
ailleurs, divers tribunaux ont considéré que cette exclusivité était illicite et ont annulé les
clauses contractuelles en cause (par ex. : TGI Paris, 6 juin 1989, Rev. conc. consom. 1989,
n o 50, obs. Bravard).
257. Exclusion de la VPC. - Les entreprises de vente par correspondance doivent être
soumises aux mêmes conditions que les autres distributeurs agréés : « Il est […] justifié que
les entreprises de vente par correspondance, lorsqu'elles sont agréées comme distributeurs,
soient tenues de disposer d'installations de vente, c'est-à-dire de locaux comparables à ceux
dont est doté le commerce de détail spécialisé et qu'elles soient représentées sur tout le
territoire du pays de distribution » (Décis. n o 94/29 de la Commission du 21 déc. 1993,
Grundig, JOCE, n o L 20, 25 janv. 1994 ; CCC 1994. Comm. 31). Leur exclusion a priori de la
distribution sélective ne se justifie donc pas : la cour d'appel de Paris (15 sept. 1993, BOCCRF
8 avr. 1994 ; CCC 1994. Comm. 100) s'est exprimée dans ce sens dans le secteur du matériel
dentaire : « Il n'est […] nullement établi que la restriction de concurrence résultant de
l'éviction des entreprises de vente par correspondance de la distribution des instruments
rotatifs diamantés de marque Komet soit indispensable à l'objectif de progrès que prétendent
atteindre les requérantes dès lors, d'une part, [qu']il n'est pas acquis que ces distributeurs
soient incapables de fournir une information appropriée sur les produits en cause, d'autre part,
que le conseil à la vente n'est pas le seul moyen dont dispose la société Brasseler pour faire
connaître ses nouveaux produits ». On notera également la décision analogue du Conseil de la
concurrence dans l'affaire Autodesk (Cons. conc. n o 96-D-76 du 26 nov. 1996, Autodesk,
BOCCRF 11 févr. 1997 ; LPA n o 83, 11 juill. 1997, obs. Arhel ; Rec. Lamy n o 711, obs.
Sélinsky). Une exclusion de la VPC peut, cependant, être justifiée par la nature des produits
en cause. À titre d'exemple, la Commission européenne a estimé que l'interdiction de la vente
par correspondance des produits Yves-Saint-Laurent ne saurait être considérée comme une
restriction sensible de concurrence. En effet, « d'une part, l'offre dans des conditions
optimales des produits en cause suppose un contact direct entre la clientèle et un personnel
de vente capable de suggérer un choix entre les différents produits et les différentes marques
en tenant compte des exigences personnelles de chaque consommateur. D'autre part,
l'obligation en question représente un complément nécessaire des critères visant à assurer
une présentation aussi homogène que possible des produits contractuels et à permettre au
producteur une supervision continue du niveau qualitatif de son réseau de distribution »
(Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves-Saint-Laurent Parfums, cité supra,
n o 244).
258. Exclusion de la vente par internet. - La Commission européenne estime que le
fournisseur d'un réseau de distribution sélective peut exclure la vente exclusive en ligne :
« L'exemption par catégorie permet au fournisseur […] d'exiger de ses distributeurs qu'ils
disposent d'un ou de plusieurs points de vente physiques, comme condition pour pouvoir
devenir membres de son système de distribution » (Lignes directrices [citées supra, n o 1],
n o 54). Une interdiction catégorique de vendre par internet peut par ailleurs ne pas relever de
l'article 101, paragraphe 1 er, du TFUE pour peu que le fournisseur puisse établir qu'elle est
« nécessaire pour assurer le respect d'une interdiction générale de vendre des substances
dangereuses à certains clients pour des raisons de sécurité ou de santé » (Lignes directrices
[citées supra, n o 1], n o 60. – V. aussi MARTINEZ-LOPEZ, Distribution sélective et internet,
Competition Policy New sletter june 2001, n o 2, p. 7 s.). Ne pourrait-on pas aller plus loin et
étendre à internet la jurisprudence Yves Saint Laurent Parfums, selon laquelle l'interdiction de
la vente par correspondance ne saurait être considérée comme une restriction sensible de
concurrence (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves Saint Laurent Parfums,
cité supra, n o 244) ? Cela conduirait à admettre que l'interdiction de la vente par internet de
produits de luxe ne saurait être considérée comme une restriction sensible de concurrence. La
Commission ne semble pas disposée à admettre une telle transposition : « L'interdiction de
mise d'un produit sur le Net au sein du réseau sélectif agréé n'est pas assimilée à une
interdiction de vente par correspondance classique […]. C'est que la vente par correspondance
classique via catalogue multiproduits n'offre ni ne semble pouvoir offrir au consommateur la
vitrine de présentation et l'interaction que peut offrir un site internet » (MARTINEZ-LOPEZ,
loc. cit.). Il existe également une pratique décisionnelle nationale sur la question de
l'exclusion de la vente sur internet. L'Autorité de la concurrence admet l'exclusion des
vendeurs « exclusivement internet » : « S'il ne dépasse pas une part de marché de 30 %, [un
fournisseur] peut sélectionner ses distributeurs en retenant notamment comme critère qu'ils
disposent d'un magasin pour accueillir le public et exposer les produits contractuels, c'est-à-
dire en excluant de son réseau les vendeurs “exclusivement internet” » (Cons. conc. n o 06-D-
24 du 24 juill. 2006, préc. supra, n o 38). La cour d'appel de Paris estime en outre que
l'interdiction de la vente en ligne est admissible lors du lancement de produits nouveaux dès
lors que cette restriction est limitée à un an (18 avr. 2008, PMC Distribution, disponible à
http://ec.europa.eu/comm/competition/antitrust/national_courts/683052.pdf ). Le Conseil de la
concurrence a par ailleurs mis fin à diverses procédures d'acceptation d'engagements, après
que les entreprises en cause ont accepté la vente en ligne de produits haut de gamme aux
clients pouvant attester d'une écoute préalable de ces produits chez un distributeur agréé et
du bénéfice de conseils personnalisés pour leur installation (Cons. conc. n o 06-D-28 du 5 oct.
2006, Creda Concurrence 10 oct. 2006, obs. Ronzano ; D. 2007. Pan. 1691, obs. Claudel
. – V. aussi Cons. conc. n o 07-D-07 du 8 mars 2007, préc. supra, n o 36). Ce faisant, il a
considéré qu'était restrictive de concurrence l'interdiction faite aux distributeurs agréés de
vendre sur internet (la Commission européenne s'est également prononcée en ce sens :
aff. B & W Loudspeakers, citée par Cons. conc. n o 08-D-25, préc.). S'agissant de Pierre Fabre
Dermo Cosmétique (PFDC), la procédure ouverte à son encontre a suivi son cours et, par
décision n o 08-D-25 du 29 octobre 2008, le Conseil de la concurrence a décidé que les accords
de distribution de PFDC, du fait de l'interdiction de facto de toute vente sur Internet (ils
prévoyaient que les ventes devaient exclusivement être réalisées dans un espace physique et
en présence d'un diplômé en pharmacie, limitant ainsi en pratique toute forme de vente sur
Internet) ; tombaient sous le coup tant de l'article L. 420-1 du code de commerce que de
l'article 101 du TFUE. Interrogée à titre préjudiciel par la cour d'appel de Paris, saisie d'un
recours contre la décision du Conseil, la Cour de justice a énoncé que : « L'article 101,
paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'une clause contractuelle, dans le cadre
d'un système de distribution sélective, exigeant que les ventes de produits cosmétiques et
d'hygiène corporelle soient effectuées dans un espace physique en présence obligatoire d'un
pharmacien diplômé, ayant pour conséquence l'interdiction de l'utilisation d'Internet pour ces
ventes, constitue une restriction par objet au sens de cette disposition ». Elle a cependant
ajouté qu'une telle clause pouvait objectivement être justifiée à la suite d'un examen
individuel et concret de la teneur et de l'objectif de cette clause contractuelle et du contexte
juridique et économique dans lequel elle s'inscrit, eu égard aux propriétés des produits en
cause. La clause ne peut bénéficier d'une exemption par catégorie dès lors qu'elle a pour objet
de restreindre les ventes passives aux utilisateurs finals désireux d'acheter par Internet et
localisés en dehors de la zone de chalandise physique du membre concerné du système de
distribution sélective, mais une exemption individuelle peut être envisagée. Dans son arrêt, la
Cour a également rejeté un argument de l'entreprise qui soutenait que l'interdiction de vendre
les produits contractuels par Internet équivaut à une interdiction d'opérer à partir d'un lieu
d'établissement non autorisé, et que sont donc remplies les conditions de l'exemption par
catégorie. Selon la Cour, il n'y a pas lieu de donner une interprétation large aux dispositions
de l'article 4, sous c), du règlement n o 2790/1999 qui permettent au fournisseur d'« interdire à
un membre du système d'exercer ses activités à partir d'un lieu d'établissement non
autorisé » (CJUE, 13 oct. 2011, PFDC, aff. C-439/09. – PUEL, FRANCOIS-MARTIN et
COULON, La protection grandissante du e-commerce par le droit de la concurrence, RLC
2012/31, n o 2073. – ARHEL, Activité des juridictions de l'Union européenne en droit de la
concurrence [oct. 2011], LPA 28 déc. 2011, n o 258, p. 6). Fort du soutien de la Cour de justice,
l'Autorité de la concurrence considère comme révolue la période de relative clémence dont elle
a fait preuve dans le passé et a infligé une sanction pécuniaire de 900 000 euros à la société
Bang & Olufsen France pour avoir interdit de fait à ses distributeurs de commercialiser les
produits de la marque sur Internet (Décis. Aut. conc., n o 12-D-23 du 12 déc. 2012, Distribution
sélective de matériels hi-fi et home cinéma). Cette sanction a cependant été réduite à
10 000 euros par la cour d'appel de Paris qui a estimé que, jusqu'à l'arrêt PFDC de la Cour de
justice, l'incertitude quant à la qualification de restriction par objet d'une interdiction de vente
par Internet conduisait à relativiser la gravité de la pratique en cause (Paris, 13 mars 2014,
Sté Bang & Olufsen A/S e.a., RG n o 2013/00714).

ACTUALISATION
258-1. Distribution sélective. Vente par internet. Place de marché. Vente à un tiers
non agréé. - L'article 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
(TFUE) doit être interprété en ce sens qu'un système de distribution sélective de produits
de luxe visant, à titre principal, à préserver l'image de luxe de ces produits est conforme à
cette disposition, pour autant que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères
objectifs de caractère qualitatif, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les
revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis
n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire. L'article 101, § 1, du TFUE doit être
interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une clause contractuelle qui interdit aux
distributeurs agréés d'un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à
titre principal, à préserver l'image de luxe de ces produits, de recourir de manière visible à
des plates-formes tierces pour la vente sur internet des produits contractuels, dès lors
que cette clause vise à préserver l'image de luxe desdits produits, qu'elle est fixée d'une
manière uniforme et appliquée d'une façon non discriminatoire, et qu'elle est
proportionnée au regard de l'objectif poursuivi, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi
de vérifier. L'article 4 du règlement UE n o 330/2010 du 20 avril 2010, concernant
l'application de l'article 101, § 3, du TFUE à des catégories d'accords verticaux et de
pratiques concertées, doit être interprété en ce sens que l'interdiction faite aux membres
d'un système de distribution sélective de produits de luxe, qui opèrent en tant que
distributeurs sur le marché, d'avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour
les ventes par internet, ne constitue pas une restriction de la clientèle, au sens de
l'article 4, sous b), de ce règlement, ni une restriction des ventes passives aux
utilisateurs finals, au sens de l'article 4, sous c), dudit règlement (CJUE 6 déc. 2017, Coty
Germany GmbH, aff. C-230/16 , D. 2017. Actu. 2537 ).

Art. 4 - Nature des produits ou services


Art. 4 - Nature des produits ou services
259. La Commission européenne a, pendant longtemps, estimé que le recours à la distribution
sélective devait être limité aux produits qui nécessitent un tel système de distribution. Cette
règle a même été consacrée par le juge communautaire : « L'article 85, paragraphe 1 er, ne
s'applique pas à un système de distribution sélective pour autant que […] les propriétés des
produits en cause nécessitent un système de distribution sélective pour en préserver la
qualité et en assurer le bon usage eu égard à la nature des produits concernés »
(TPICE 12 déc. 1996, Givenchy, cité supra, n o 243).

260. Les produits de luxe ou présentant un caractère de haute technicité répondent à cette
condition. En revanche, les efforts de promotion du fournisseur ne justifient pas en soi le
recours à la distribution sélective : « Bien qu'un producteur soit libre de choisir sa politique de
commercialisation, l'article 81, paragraphe 1 er, du Traité de Rome doit être pris en
considération dès lors que la mise en œuvre de cette politique entraîne des accords qui
imposent à d'autres opérateurs économiques indépendants des obligations de nature à
restreindre leur liberté concurrentielle dans une mesure qui affecte sensiblement les échanges
intracommunautaires. Dans ces circonstances, le seul fait qu'un producteur ait consenti des
efforts importants de promotion ne constitue pas, en soi, une justification objective de nature
à soustraire à l'application de l'article 81, paragraphe 1 er, un réseau de distribution qui limite
la liberté concurrentielle des entreprises participantes et des tiers. S'il en était autrement, en
effet, n'importe quel fabricant pourrait justifier l'adoption d'un système de distribution
sélective sur la seule base de ses efforts de promotion, et n'importe quel critère restrictif de
sélection pourrait être justifié au motif qu'il était nécessaire afin de protéger la politique de
commercialisation voulue par le fabricant » (TPICE 12 déc. 1996, Givenchy, préc.). Cette
position du juge communautaire a été critiquée : « Nous aurions bien aimé que l'on nous
explique en quoi le fait d'admettre qu'un fabricant distribue ses produits comme il l'entend est
concurrentiellement pernicieux étant donné qu'en tout état de cause les consommateurs
sanctionneront toute erreur de stratégie commerciale » (BOUTARD-LABARDE, Dernier épisode
dans l'affaire des parfums ? Le juge communautaire persiste et signe, Europe févr.
1997. 5 s.).
261. À la différence des autorités communautaires, le Conseil de la concurrence ne considérait
pas la nature du produit comme un critère de licéité de la distribution sélective (par ex. :
Cons. conc. n o 96-D-72 du 19 nov. 1996, Montres Rolex, cité supra, n o 240. – V. aussi la
deuxième affaire « dermopharmacie » : Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, cité supra, n o 240). Celle-ci a ainsi été admise pour des
produits très banals. Le souci du fournisseur d'adapter la distribution de son produit à sa
politique commerciale est, en effet, considéré comme pouvant légitimer le recours à la
distribution sélective. L'Autorité de la concurrence n'inclut une référence à la nature des
produits dans les conditions de licéité de la distribution sélective que lorsqu'il applique le
droit communautaire. Ainsi, dans sa première décision « dermopharmacie », le Conseil a
estimé que les critères devaient être « justifiés par les nécessités d'une distribution adéquate
des produits en cause » (Cons. conc. n o 87-D-15 du 9 juin 1987, Produits cosmétiques et
d'hygiène corporelle, BOCCRF 17 juin ; Rev. conc. consom. 1987, n o 39, obs. Pantz). La
position de la cour d'appel de Paris semble, en revanche, s'aligner sur celle des autorités
communautaires. Elle estime que la nature des produits concernés est une condition de licéité
des réseaux de distribution sélective non seulement lorsqu'elle applique l'article 81 du Traité
de Rome, le cas échéant conjointement avec l'article L. 420-1 du code de commerce (Paris,
9 déc. 1997, BOCCRF 19 déc. ; D. Affaires 1998. 465 ; D. 1998. Somm. 340, obs. Ferrier ),
mais aussi lorsqu'elle applique exclusivement cet article L. 420-1 (Paris, 15 sept. 1993,
BOCCRF 8 avr. 1994 ; CCC 1994. Comm. 100. – Paris, 1 er juill. 1997, BOCCRF 30 juill.).

262. Depuis la réforme introduite par le règlement du 22 décembre 1999, la nature du produit
est indifférente en dessous du seuil de 30 %. Elle peut, en revanche, être prise en compte
dans l'appréciation des cas individuels au-dessus de ce seuil : « La nature du produit est un
élément très important quand il s'agit d'aider à résoudre un problème de parasitisme entre les
distributeurs […] ou à créer une image de marque […]. En règle générale, l'argument des gains
d'efficience est plus convaincant pour les produits nouveaux, les produits complexes ou encore
les produits dont les qualités sont difficiles à apprécier avant consommation [produits
d'expérience] ou après consommation [produits dits « de conviction »] » (Lignes directrices
[citées supra, n o 19], n o 181).
Art. 5 - Existence de relations intuitu personae
263. La question de l'existence d'un intuitu personae dans les relations entre fournisseurs et
distributeurs est souvent posée. La Cour de cassation a donné une réponse claire dans le
domaine de la distribution sélective en considérant que ce système de distribution n'implique
pas l'existence de relations intuitu personae : la société des montres Rolex, qui distribue ses
produits dans le cadre d'un réseau de distribution sélective a été condamnée par la cour
d'appel de Paris sur le fondement de l'ancien article 36-2 de l'ordonnance du 1 er décembre
1986 – mais les enseignements sont également intéressants pour le droit des ententes – pour
avoir opposé un refus de vente à un groupement d'intérêt économique (GIE) qui lui avait
passé une commande pour l'approvisionnement de trois magasins. Le fournisseur a fait grief à
l'arrêt d'avoir déclaré injustifié le refus de vente alors, selon lui, que présente un caractère
anormal une commande passée auprès d'un fournisseur ayant mis en place un réseau de
distribution sélective, dès lors que ladite commande n'est pas passée directement et
individuellement par les revendeurs mais collectivement par un groupement d'intérêt
économique agissant au nom et pour le compte de plusieurs de ses membres, ce qui fait
obstacle à des relations directes et personnelles entre le fournisseur et chacun de ses
revendeurs en méconnaissance de la nature d'un réseau de distribution sélective dominé par
des « relations intuitu personae particulièrement marquées ». Le moyen a été rejeté :
« Attendu […] qu'un réseau de distribution sélective n'implique pas l'existence de « relations
intuitu personae » entre le fournisseur et chacun des revendeurs ; qu'ayant constaté que le
groupement d'intérêt économique Pellegrin était seulement intervenu auprès de la société
Rolex le 1 er juillet 1992 pour centraliser trois commandes destinées à trois membres de ce
GIE, dont il était précisé que chacun d'eux remplissait les conditions qualitatives lui
permettant de distribuer les montres Rolex, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que
cette commande ne présentait aucun caractère anormal » (Com. 4 mai 1999, n o 96-22.638 ,
RLDA juill. 1999, n o 18, p. 23 ; DPDA 10 oct. 1999, Bull. 508, p. 9086).

Section 3 - Jurisprudence relative à la liberté commerciale des distributeurs

Art. 1 er - Liberté tarifaire


264. Une limitation de la concurrence par les prix est inhérente à tout système de distribution
sélective, étant donné que les prix pratiqués par des commerçants spécialisés restent
nécessairement à l'intérieur d'une fourchette beaucoup moins large que celle que l'on pourrait
envisager dans le cas d'une concurrence entre commerçants spécialisés et commerçants non
spécialisés (CJCE 22 oct. 1986, Metro II, aff. 75/84, Rec. CJCE 3076. – CJCE 25 oct. 1983,
AEG-Telefunken, cité supra, n o 61). Le fournisseur ne peut pour autant imposer aux
distributeurs les prix de revente qu'ils doivent pratiquer (V. T ransparence tarifaire et pratiques
restrictives [Com.]).
265. Une jurisprudence bien ancrée facilite l'établissement de cette preuve, notamment
lorsque la distribution est régie par des conditions générales de vente (V. T ransparence
tarifaire et pratiques restrictives [Com.]).

Art. 2 - Liberté de commercialiser des produits concurrents


266. Clauses de marques concurrentes. - Conformément à l'article 5 du règlement du
20 avril 2010, le fournisseur ne peut indiquer les marques concurrentes que le distributeur ne
peut commercialiser. Cette règle peut se prévaloir de précédents jurisprudentiels. Certes, à
notre connaissance, la Commission européenne n'a jamais eu à condamner formellement une
clause de marque concurrente. Cependant, lorsque, dans l'affaire Yves-Saint-Laurent Parfums,
elle a accepté la clause qui exigeait des distributeurs qu'ils réservent pour les produits Yves-
Saint-Laurent, un emplacement qui, eu égard aux marques représentées, corresponde au
standing de la marque Yves-Saint-Laurent et en permette l'identification par le
consommateur, c'était parce que cette obligation ne comportait ni indications contractuelles
contraignantes quant à l'identité ou au nombre de marques constituant l'environnement des
produits Yves-Saint-Laurent, ni exigences quantitatives minimales en ce qui concerne
l'allocation de l'espace réservé à la vente de produits contractuels (Décis. n o 92/33 de la
Commission du 16 déc. 1991, JOCE, n o L 12, 18 janv. 1992, spéc. point 174 ; Rev. conc.
consom. 1992, n o 69, obs. Dupeyron). Par ailleurs, la Commission a estimé, dans l'affaire
Givenchy, que la clause de marque concurrente pourrait avoir pour effet de restreindre la
capacité d'un distributeur d'accéder au réseau de distribution sélective, au vu du cumul
éventuel des exigences contractuelles de plusieurs fabricants concurrents, notamment en
matière de chiffre minimal d'achats annuels. La clause tombe donc sous le coup de l'article 81,
paragraphe 1 er, du Traité de Rome (devenu art. 101 du TFUE). Au cas d'espèce, cependant, la
Commission lui a accordé une exemption individuelle (Décis. n o 92/248 de la Commission du
24 juill. 1992, Givenchy, JOCE, n o L 236, 19 août). La position de l'Autorité de la concurrence
se situe dans la même ligne : « Considérant que les sociétés susvisées mentionnent, dans la
clause de marques contenue dans le système de sélectivité qu'elles ont élaboré, des marques
que le distributeur ne pourra vendre qu'en respectant des exigences supplémentaires […]
considérant, dans ces conditions, que l'introduction par les sociétés […] dans le système de
sélectivité qu'elles ont mis en place d'une clause de marques qui aboutirait à imposer le
respect de plusieurs critères non prévus dans leurs contrats de distribution constitue une
barrière artificielle à l'accès au marché » (Cons. conc. n o 96-D-57 du 1 er oct. 1996, Produits
cosmétiques et d'hygiène corporelle, cité supra, n o 240).
267. Clauses de chiffre minimal d'achat. - Les inconvénients de la clause de chiffre minimal
d'achat ont été soulignés par les autorités tant communautaires que nationales : « Elle limite
la concurrence, tant à l'intérieur de la marque qu'entre celle-ci et d'autres marques
concurrentes, dans la mesure où elle a pour effet, d'un côté, de réserver l'accès au réseau aux
seuls revendeurs qui sont en mesure de souscrire à un tel engagement et, de l'autre, de
contraindre les distributeurs agréés à consacrer une part significative de leurs efforts à la
vente des produits contractuels » (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves-
Saint-Laurent Parfums, cité supra, n o 244. – V. aussi Com. 13 mai 1997, n o 95-14.035 ,
D. 1998. Somm. 339, obs. Ferrier ; D. Affaires 1997. 733. – BEHAR-TOUCHAIS et
VIRASSAMY , op. cit., p. 97). Ont, dès lors, été interdites une obligation faite aux distributeurs
de réaliser au moins 75 % des achats auprès du fournisseur (Décis. de la Commission du
6 janv. 1982, AEG-Telefunken, JOCE, n o L 117, 30 avr.), une clause revêtant un caractère
vague et imprécis car elle était de nature à dissuader les distributeurs de commercialiser des
produits concurrents (Cons. conc. n o 96-D-76 du 26 nov. 1996, Autodesk, BOCCRF 11 févr.
1997 ; LPA n o 83, 11 juill. 1997, obs. Arhel ; Rec. Lamy n o 711, obs. Sélinsky), ou encore une
clause imposant la réalisation d'un chiffre d'affaires minimal égal « au moins à deux fois la
valeur du stock minimum », dès lors que ce taux était manifestement supérieur au
pourcentage que les produits du fournisseur réalisaient sur l'ensemble du marché (Com.
13 mai 1997, préc.). En revanche, la Commission européenne admet la validité des clauses
d'approvisionnement minimal, lorsque ce montant minimal se situe en dessous d'un seuil
raisonnable. Ainsi, dans l'affaire Yves-Saint-Laurent, elle a admis une clause imposant la
réalisation d'un chiffre d'affaires minimal d'achats annuels égal au maximum à 40 % du chiffre
moyen réalisé au cours de chaque année écoulée par l'ensemble des points de vente situés
sur le territoire d'un État membre (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, préc. –
V. aussi la position adoptée par l'ancien Conseil de la concurrence dans l'affaire de la
porcelaine de Limoges, BOCCRF 7 mars ; Rec. Lamy n o 810, obs. Arhel). Depuis la réforme des
restrictions verticales intervenue en 1999, les clauses de chiffre minimal d'achat sont
couvertes par l'exemption par catégorie et, au-dessus du seuil de 30 %, peuvent faire l'objet
d'un examen individuel.
268. Clauses de stockage et de rotation de stock. - Les clauses de stockage et de rotation
de stock sont, comme les clauses de chiffre minimal d'achat, couvertes par le règlement du
20 avril 2010. Elles peuvent aussi faire l'objet d'un examen individuel au-dessus du seuil de
30 %. À cet effet, une référence à la jurisprudence pourrait être utile. On notera, notamment,
que la Commission européenne a admis une clause imposant au distributeur de s'engager à
détenir un stock « outil » comportant les deux tiers des références de chacune des gammes
commercialisées par le fournisseur et au moins un produit de chacune de ces références et à
assurer une rotation annuelle du stock « outil » correspondant à l'application d'un coefficient
de rotation minimal de deux (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves-Saint-
Laurent Parfums, préc.). Pour sa part, le Conseil de la concurrence n'a pas retenu de grief à
l'encontre d'une clause imposant aux distributeurs de détenir « un stock suffisant pour
répondre aux besoins des consommateurs » et contraignant les distributeurs à s'acquitter d'un
minimum d'achats lors de la première commande. Il considère, en effet, que les obligations de
constituer des stocks ou de s'acquitter d'un minimum d'achat lors de la première commande
constituent des exigences qualitatives. Certes, au cas d'espèce, un distributeur qui souhaitait
entrer dans le réseau de distribution en cause devait réaliser une immobilisation immédiate
en stock d'un montant très nettement supérieur au montant du chiffre d'affaires minimal
annuel exigé d'un distributeur déjà membre du réseau. Mais la différence entre ces deux
obligations était justifiée par la nécessité, pour les nouveaux distributeurs, de se procurer une
gamme homogène de produits, alors que les distributeurs déjà en place avaient simplement à
compléter leur gamme chaque année (Cons. conc. n o 99-D-78 du 15 déc. 1999, Porcelaine de
Limoges, citée supra, n o 253).

Art. 3 - Rétrocessions au sein du réseau


269. Les rétrocessions doivent être libres au sein du réseau de distribution sélective. Un
distributeur agréé doit, notamment, pouvoir acquérir les produits contractuels auprès de
n'importe quel autre distributeur agréé, même si celui-ci se situe à un autre niveau de
commercialisation. Le distributeur agréé est ainsi en mesure de limiter les conséquences
d'une politique de discrimination que le fournisseur appliquerait dans son réseau. Toute
atteinte à la liberté de rétrocession est considérée comme une restriction caractérisée. Les
restrictions apportées aux rétrocessions figurent, en effet, dans la liste noire (Règl.
n o 330/2010, art. 4, d). Ceci implique que la distribution sélective ne puisse être combinée
avec des restrictions verticales visant à contraindre le distributeur à s'approvisionner
exclusivement auprès d'un fournisseur donné (Cons. conc. n o 06-D-22 du 21 juill. 2006, Marché
des bougies pour deux roues, BOCCRF 26 janv. 2007). Cela implique également que, au sein
d'un réseau de distribution sélective, aucune restriction ne puisse être imposée aux grossistes
désignés en ce qui concerne leurs ventes du produit contractuel aux détaillants désignés
(Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 63).

270. La doctrine de la Commission sur ces questions a été précisée dans le Livre vert sur les
restrictions verticales (cité supra, n o 8) : « Pour pouvoir octroyer une attestation négative ou
une exemption, la Commission exige que les contrats de distribution sélective ne fassent pas
obstacle aux livraisons croisées entre distributeurs agréés établis tant sur le territoire du
même État membre que dans des pays communautaires différents. Dans la mesure où il peut
se produire une affectation du commerce entre États membres, la Commission exige
également que des ventes croisées entre membres agréés de réseaux établis dans l'UE et
membres établis dans les pays ayant créé une zone de libre-échange ou autres pays tiers
puissent avoir lieu » (Livre vert [cité supra, n o 8], n o 141). Cette position se justifie par le
souci de préserver un minimum de concurrence intramarque dans les réseaux de distribution
sélective.
271. On trouve dans la jurisprudence de nombreuses illustrations de l'obligation de respecter
la liberté de rétrocession au sein du réseau. Sont ainsi condamnées les clauses prévoyant que
la valeur des commandes passées par un distributeur agréé auprès d'un autre distributeur du
réseau n'est pas comprise dans le montant annuel des achats (Décis. n o 92/33 de la
Commission du 16 déc. 1991, Yves-Saint-Laurent Parfums, préc. – Com. 4 mai 1993, CCC
1993. Comm. 158) ou encore les clauses imposant aux distributeurs d'obtenir l'accord du
fournisseur avant de rétrocéder les produits contractuels au sein du réseau (Cons. conc. n o 95-
D-14 du 7 févr. 1995, Planches à voiles, BOCCRF 6 avr. ; Rec. Lamy n o 620). En revanche, est
licite la clause exigeant la consultation du fournisseur en cas de doute sur la qualité de
l'acheteur (Décis. de la Commission du 16 déc. 1991, préc.). Le Conseil de la concurrence a
également condamné une clause imposant aux distributeurs agréés de vendre exclusivement
aux consommateurs (Cons. conc. n o 98-D-67 du 27 oct. 1998, Distribution d'articles de prêt-à-
porter féminin, BOCCRF 31 mars 1999 ; Lettre distrib. avr. 1999 ; CCC 1999. Comm. 93, obs.
Malaurie-Vignal).

272. La question se pose de savoir si les mêmes règles s'appliquent hors des frontières de
l'Union. Cela ne fait pas de doute pour les autres pays de l'Espace économique européen
(Norvège, Islande et Liechtenstein). En effet, l'accord sur l'Espace économique européen
(art. 53, JOCE, n o L 1, 13 janv. 1994) contient des règles calquées sur l'article 101 du TFUE et
a donné compétence à la Commission pour une grande partie des cas dans lesquels le
commerce à l'intérieur du territoire couvert par l'accord est affecté. En revanche, il a pu y avoir
un doute concernant les pays n'appartenant pas à l'Espace économique européen. En effet,
dans l'affaire Chanel (JOCE, n o C 334, 30 nov. 1994, spéc. point 19. 3), la Commission semble
avoir exigé que les membres d'un réseau de distribution sélective puissent revendre les
produits contractuels non seulement dans la Communauté, mais aussi dans tous les pays
ayant conclu un accord de libre-échange avec la Communauté (Suisse, Israël, Turquie, Maroc,
Chypre et Malte, Afrique du Sud, etc.). Par ailleurs, la Commission a affirmé, dans son Livre
vert sur les restrictions verticales, que dans la mesure où il peut se produire une affectation
du commerce entre États membres, la Commission exige également que des ventes croisées
entre membres agréés de réseaux établis dans l'Union européenne et membres établis dans
les pays ayant créé une zone de libre-échange ou autres pays tiers puissent avoir lieu (Livre
vert [cité supra, n o 8], n o 141).

273. Cette position semble cependant dépassée. En effet, l'interdiction d'exporter n'est visée
par l'article 101 du TFUE que si les possibilités de réimportation sont importantes. Or, il
résulte des arrêts Javico et Silhouette (V. infra, n os 279 et 285) que ces possibilités sont fort
réduites. Par ailleurs, la Commission avait, dès le 18 avril 1998, admis implicitement que
Yves-Saint-Laurent Parfums interdise aux membres du réseau de distribution sélective
d'approvisionner un distributeur dans un pays n'appartenant pas à l'Espace économique
européen (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, JOCE, n o L 12, 18 janv. 1992,
spéc. point 3 c ; Rev. conc. consom. 1992, n o 69, obs. Dupeyron).

Section 4 - Jurisprudence relative à l'effet cumulatif

274. Le cumul de différents réseaux peut être source de restrictions ou d'élimination de la


concurrence : par exemple, la Cour de justice estime qu'« une restriction ou une élimination
de la concurrence peut […] se produire lorsque l'existence d'un certain nombre [de systèmes
de distribution sélective] ne laisse aucune place à d'autres formes de distribution axées sur
une politique concurrentielle de nature différente ou aboutit à une rigidité dans la structure
des prix qui n'est [pas contrebalancée par d'autres facteurs de concurrence entre produits
d'une même marque et par l'existence d'une concurrence effective entre marques
différentes] » (CJCE 22 oct. 1986, Metro II, aff. C-75/84, Rec. CJCE, p. 3076, spéc. point 10. –
V. aussi Décis. n o 91/153 de la Commission du 11 janv. 1991, Vichy, JOCE, n o L 75, 21 mars,
spéc. point 19). L'exemption par catégorie peut être retirée dans un tel cas de figure (Règl.
n o 1/2003 du 16 déc. 2002 [cité supra, n o 44], art. 29). L'exemption peut également être
déclarée inapplicable lorsque des réseaux parallèles de restrictions verticales similaires
couvrent plus de 50 % d'un marché en cause (Règl. n o 330/2010, art. 6).

275. Cependant, l'effet cumulatif n'est susceptible d'entraîner l'application de l'article 101 du
TFUE que sous certaines conditions : « Premièrement [s']il existe des barrières à l'entrée sur
le marché à l'encontre de nouveaux concurrents aptes à vendre les produits en question, de
sorte que les systèmes de distribution sélective en cause ont pour effet de figer la
distribution au profit de certains canaux existants (V. l'arrêt Delimitis, cité supra, n o 199,
points 15 s.), ou, deuxièmement [s']il n'y a pas de concurrence efficace, notamment en
matière de prix, compte tenu de la nature des produits en cause » (TPICE 12 déc. 1996,
Givenchy, cité supra, n o 243. – Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves-Saint-
Laurent Parfums, préc.).

Section 5 - Jurisprudence relative à la protection des réseaux de distribution sélective

Art. 1 er - Étanchéité et licéité des accords de distribution sélective


276. Jurisprudence nationale. - On verra ci-après que, pour garantir l'étanchéité de son
réseau de distribution sélective, un fournisseur peut valablement interdire aux membres de
son réseau de distribution de rétrocéder les produits contractuels à des distributeurs
n'appartenant pas au réseau. La question qui est posée ici est de savoir si cette étanchéité
constitue une condition de la licéité du réseau. Une réponse négative s'impose. En droit
français, seule l'étanchéité théorique est requise (Com. 27 oct. 1992, n o 90-18.944 , Rochas
et Dior (D. 1992. 505, note Bénabent ; Cah. dr. entr. 1993, n o 1, p. 23, obs. Bonet et
os
J. M. Mousseron. – Com. 23 févr. 1993, n 89-19.371 et 89-20.794, Bull. civ. IV, n o 70 ;
D. 1993. IR 84 ; Lettre distrib. avr. 1993. – Com. 21 juin 1994, JCP 1994. IV. 279 ; JCP E
1994. IV. 1116). Le fournisseur n'est donc tenu ni de rechercher l'origine des fuites hors de
son réseau, ni de rapporter la preuve de l'application effective des engagements contractuels
(Com. 27 oct. 1992, n o 90-18.944 , Rochas et Dior, préc.).
277. Jurisprudence communautaire. - La Cour de justice des Communautés européennes a
été invitée à se prononcer sur la question de savoir si l'étanchéité hors du Marché commun
était une condition de licéité : « L'inapplicabilité de l'article 81, paragraphes 1 er et 2, du
Traité CE à un système de distribution sélective pour la CEE de produits de prestige [montres
de la catégorie de prix supérieure et de la catégorie luxe] est-elle remise en cause pour la
raison que, dans les États n'appartenant pas à la Communauté européenne, des clauses
contractuelles similaires ne prévoient pas de système de distribution sélective, ou ne
prévoient qu'un système imparfait de distribution sélective, de sorte que dans la CEE les
marchandises relevant de ce système peuvent y être acquises librement et introduites
légalement sur le Marché commun par des tiers étrangers au système ? ». Elle a répondu par
la négative (CJCE 13 janv. 1994, Metro et Cartier, aff. C-376/92 , Rec. CJCE I-15 ; CCC 1994.
Comm. 30. – KOVAR, Le dernier Metro. L'étanchéité des réseaux de distribution. Un réseau
peut être ouvert ou fermé, Cah. dr. entr. 1994, n o 4, p. 2 s.). Cette réponse, limitée à
l'article 81, paragraphes 1 er et 2, a été étendue par la suite à l'article 81, paragraphe 3, du
Traité de Rome (CJCE 5 juin 1997, VAG-Händlerbeirat e. c/ SY D-Consult, aff. C-41/96 , LPA
n o 104, 29 août 1997, obs. Arhel : étanchéité des systèmes de distribution sélective).

Art. 2 - Protection contre les distributeurs hors réseau

§ 1 er - Organisation de l'étanchéité

A - Interdiction de revendre hors du réseau


278. Il résulte de la jurisprudence tant nationale que communautaire (consacrée par l'art. 4,
b, 3 e tiret, du règlement du 22 déc. 1999 puis par l'art. 4, b, iii, du règlement du 20 avr. 2010)
que le fournisseur peut interdire la revente des produits contractuels au-delà des limites du
réseau de distribution. La Cour de justice des Communautés européennes (25 oct. 1977,
Metro I, aff. C-26/76, cité supra, n o 80) a considéré, par exemple, que « tout système de
commercialisation fondé sur une sélection des points de distribution implique nécessairement,
à peine de n'avoir aucun sens, l'obligation pour les grossistes faisant partie du réseau de
n'approvisionner que des revendeurs agréés ». La distribution sélective est, dès lors, privée du
facteur le plus efficace de la concurrence intermarque, à savoir l'intervention de tiers
revendeurs. C'est la raison pour laquelle certaines restrictions de concurrence ne sont pas
admises : « La liberté des livraisons croisées doit être systématique […] la liberté des
importations parallèles concerne non seulement les ventes passives au consommateur final,
mais aussi les ventes actives » (MONTALCINO, Importations parallèles. Coexistence du droit
de la concurrence et du droit des marques, D. Affaires 1999. 1479).

B - Interdiction d'exporter faite à un distributeur n'appartenant pas au réseau


279. La question a été posée de savoir si était conforme au droit communautaire un contrat
comportant une obligation, imposée par le fournisseur d'un réseau de distribution sélective
(Yves-Saint-Laurent Parfums [Y SLP]) à un revendeur n'appartenant pas au réseau (Javico),
d'exporter les produits contractuels vers des pays tiers, et l'interdisant de réimporter et de
commercialiser ces produits dans la Communauté (CJCE 28 avr. 1998, Javico International, cité
supra, n o 69).
280. La Cour de justice des Communautés européennes, saisie à titre préjudiciel par la cour
d'appel de Versailles, a d'abord estimé, contrairement aux conclusions de l'avocat général,
qu'un tel accord n'avait pas d'objet anticoncurrentiel : les clauses litigieuses « doivent être
interprétées, non pas comme visant à exclure les importations parallèles et la mise sur le
marché du produit contractuel à l'intérieur de la Communauté, mais comme visant à assurer
au producteur la pénétration d'un marché situé à l'extérieur de la Communauté au moyen de
l'écoulement sur ce marché d'une quantité suffisante de produits contractuels ».
281. Pour ce qui concerne l'appréciation d'un effet anticoncurrentiel et d'une affectation du
commerce entre États membres la Cour de justice a renvoyé au juge national. Elle a
cependant fourni une grille d'analyse. Pour l'appréciation de l'effet anticoncurrentiel, elle a
invité le juge national à prendre en considération le contexte économique et juridique dans
lequel s'inséraient les accords litigieux et le fait que Yves-Saint-Laurent Parfums a établi à
l'intérieur de la Communauté un système de distribution sélective bénéficiant d'une
exemption. Quant à l'affectation du commerce, la Cour invite la juridiction nationale à tenir
compte de la position occupée sur le marché communautaire par Yves-Saint-Laurent Parfums,
de l'ampleur de la production et des ventes dans les États membres, tout en précisant que le
commerce intracommunautaire ne saurait être affecté de manière sensible si les produits
destinés aux marchés situés hors de la Communauté ne représentent qu'un très faible
pourcentage du marché de l'ensemble de ces produits dans le territoire du Marché commun.
282. Se plaçant, par ailleurs, dans l'hypothèse où les clauses litigieuses seraient jugées
incompatibles avec l'article 81, paragraphe 1 er, du Traité de Rome (devenu art. 101 du TFUE),
la cour d'appel de Versailles a demandé si les clauses litigieuses étaient susceptibles
d'échapper à l'interdiction dans le cas où le fournisseur distribue les produits concernés à
l'intérieur de la Communauté par l'intermédiaire d'un réseau de distribution sélective ayant
fait l'objet d'une exemption au titre de l'article 81, paragraphe 3, du Traité de Rome.

283. La Cour de justice des Communautés européennes a répondu par la négative tout en
rappelant que les décisions individuelles d'exemption au sens de l'article 81, paragraphe 3, du
Traité de Rome sont d'interprétation stricte et que les clauses concernant la distribution des
produits hors du territoire communautaire ne peuvent être affectées par l'exemption dont
bénéficie le système de distribution au sein de la Communauté.
284. Yves-Saint-Laurent Parfums s'est enfin prévalu de l'application du règlement n o 1983/83
de la Commission du 22 juin 1983, relatif à l'exemption de certains accords de distribution
exclusive (cité supra, n o 22). La Cour de justice a cependant affirmé que l'exemption ne
s'appliquait que si le territoire d'exclusivité se situait dans le Marché commun. Or, les clauses
litigieuses concernaient la revente exclusive dans des pays tiers.
285. L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes appelle les commentaires
suivants. D'abord, la Cour de justice soumet à des régimes différents l'interdiction d'exporter
faite à un distributeur revendant les produits dans la Communauté et la même interdiction
lorsqu'elle s'adresse à un distributeur revendant hors de la Communauté. Cette différence est
fondée sur le principe d'intégration du marché : l'objectif du Traité, y compris les règles
relatives à la concurrence, est d'intégrer le marché de l'Union, pas celui des pays tiers. Un
accord qui fait obstacle aux importations parallèles provenant de pays tiers n'est donc pas en
soi contraire aux dispositions de l'article 81 du Traité (devenu art. 101 du TFUE). L'arrêt
Silhouette a confirmé cette approche : à propos de la directive du Conseil n o 89/104 du
21 décembre 1988 (JOCE, n o L 440, 11 févr. 1990) sur les marques, la Cour de justice a, en
effet, considéré qu'une restriction des échanges entre la Communauté et les pays tiers n'est
pas en soi incompatible avec le droit communautaire (CJCE 16 juill. 1998, Silhouette
International Schmied GmbH et Co. KG c/ Hartlauer Handelsgesellschaft GmbH, aff. C-355/96
, D. Affaires 1998. 1592 ; Europe oct. 1998. 21, obs. Idot. – DESMAZIÈRES DE SÉCHELLES,
L'arrêt Silhouette de la Cour de justice et l'arrêt Ocean Pacific Sunwear de la Cour de
cassation, Gaz. Pal. 1998. 2. Doctr. 1490).
286. Concernant ensuite l'appréciation de l'effet anticoncurrentiel, la Cour de justice invite le
juge national à « vérifier d'abord » si le marché communautaire des produits en cause est
caractérisé par une structure oligopolistique laissant un faible degré de concurrence à
l'intérieur du réseau communautaire et à « vérifier ensuite » s'il existe un différentiel de prix
sensible entre les prix des produits contractuels pratiqués à l'intérieur de la Communauté et
ceux pratiqués à l'extérieur. L'application de l'article 81 du Traité de Rome serait donc
soumise à deux conditions cumulatives. Dans le dispositif, cependant, les conditions sont
alternatives : l'interdiction produit un effet anticoncurrentiel « lorsque le marché
communautaire des produits en cause est caractérisé par une structure oligopolistique ou par
un différentiel sensible entre les prix ». Compte tenu de la faiblesse de l'analyse de la Cour
concernant les effets sur la concurrence (CJCE 16 juill. 1998, Silhouette International Schmied
GmbH et Co. KG c/ Hartlauer Handelsgesellschaft GmbH, aff. C-355/96 , spéc. points 15 s.,
D. Affaires 1998. 1592 ; Europe oct. 1998. 21, obs. Idot, spéc. points 15 s.), la formulation du
dispositif devrait, sans doute, prévaloir. Cependant, elle se heurterait à quelques difficultés.
Ainsi, dès lors que le commerce parallèle ne s'explique en général que par l'existence d'un
différentiel de prix, l'autre branche de l'alternative – structure oligopolistique – ne
s'appliquerait pratiquement jamais. Par ailleurs, en l'absence d'un différentiel de prix,
l'interdiction d'exporter vers la Communauté ne produirait pas d'effet sensible sur le commerce
entre États membres puisqu'il serait alors peu probable que les réimportations atteignent des
volumes importants.
287. Concernant enfin l'affectation du commerce, il convient de tenir compte du fait qu'il
résulte de l'arrêt Silhouette qu'un fournisseur peut légitimement utiliser ses droits de
propriété industrielle pour s'opposer aux importations dans la Communauté de produits mis
sur le marché dans un pays tiers par lui-même ou avec son autorisation. Les possibilités de
réimportations sont donc fort réduites, ce qui rend peu probable qu'un accord interdisant la
réimportation dans la Communauté puisse affecter le commerce entre États membres de
manière sensible.

§ 2 - Contrôle de l'étanchéité

A - Moyens précontentieux de contrôle de l'étanchéité


288. Le fournisseur dispose de divers moyens pour contrôler a priori l'origine des
approvisionnements des revendeurs parallèles. Ils sont en principe licites : « Les obligations
acceptées en matière de contrôle, tant qu'elles ne dépassent pas le but recherché, ne
sauraient constituer par elles-mêmes une restriction de concurrence mais forment l'accessoire
de l'obligation principale dont elles contribuent à assurer l'application » (CJCE 25 oct. 1977,
Metro I, aff. 26/76, Rec. CJCE 1875).
289. Marquage des produits. - Le marquage des produits, auquel recourent parfois les
fournisseurs pour connaître l'origine des produits vendus hors réseau est en principe conforme
au droit des ententes. La jurisprudence s'est surtout développée dans le domaine de la
distribution exclusive (Décis. Comm. CE 2 déc. 1981, Hasselblad, JOCE, n o L 161, 12 juin
1982. – TPICE 11 déc. 1996, Van Megen Sports Group BV [Tretorn] c/ Commission, aff. T-
49/95, Rec. CJCE II-1799. – Confirmant Décis. n o 94/987 de la Commission du 21 déc. 1994,
Tretorn et autres, JOCE, n o L 370, 31 déc.), mais elle est transposable à la distribution
sélective. L'efficacité du marquage des produits est garantie par l'article 1382 du code civil,
puisque la destruction des codes d'identification constitue un acte de concurrence déloyale
(Paris, 30 janv. 1992, D. 1992. IR 136 . – Rouen, 8 déc. 1992, Cah. dr. entr. 1993, n o 1,
p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron).
290. Contrôle de la facturation du distributeur agréé. - Le contrôle de la facturation est un
moyen indispensable pour poursuivre des manquements éventuels au contrat de distribution
sélective et pour assurer l'homogénéité et l'étanchéité du système. La Commission y voit
l'accessoire de l'interdiction de revente hors du réseau ; il doit dès lors, conformément à la
jurisprudence Metro I (CJCE 25 oct. 1977, aff. 26/76, Rec. CJCE 1875), en partager la destinée
juridique. Cette faculté est, cependant, limitée à ce qui est strictement indispensable pour
poursuivre des manquements éventuels au contrat de distribution sélective et pour assurer
l'homogénéité et l'étanchéité du système. Ainsi, s'il est légitime d'exiger de consulter les
factures de vente et d'achat d'un distributeur agréé « lorsque des éléments portent à croire
que le distributeur participe à la revente de produits contractuels » (Décis. n o 92/33 de la
Commission du 16 déc. 1991, Yves-Saint-Laurent Parfums, cité supra, n o 244. – V. dans la
même ligne, Cons. conc. n o 05-D-50 du 21 sept. 2005, Brasseries Kronenbourg, BOCCRF
14 mars 2006), en revanche, la communication systématique des factures ne devrait pas être
admise car un tel contrôle porterait une atteinte excessive à la liberté commerciale des
distributeurs.
291. Autres moyens de contrôle. - Le fournisseur peut exiger que lorsque le distributeur
approvisionne des revendeurs, il établisse le relevé des clients, des dates d'achat et du
numéro des produits livrés et remette ce relevé au fournisseur à sa demande (Décis. n o 94/29
de la Commission du 21 déc. 1993, Grundig, JOCE, n o L 20, 25 janv. 1994 ; CCC 1994.
Comm. 31). Le fournisseur peut aussi exiger qu'avant de revendre les produits contractuels, le
distributeur agréé s'assure que les acheteurs sont bien des consommateurs ou d'autres
distributeurs agréés (Décis. n o 92/33 de la Commission du 16 déc. 1991, Yves-Saint-Laurent
Parfums, préc.). En revanche, il ne peut exiger une autorisation préalable (Cons. conc. n o 95-
D-14 du 7 févr. 1995, Planches à voiles, BOCCRF 6 avr. ; Rec. Lamy n o 620).

B - Actions contre les distributeurs hors réseau


292. Le recours au juge peut s'avérer nécessaire pour protéger le réseau. Le fournisseur peut
trouver une certaine protection dans le droit de la responsabilité civile (V. infra, n os 293 s.)
mais aussi dans le droit des marques (V. infra, n os 303 s.).

1° - Action en responsabilité civile

293. La protection du réseau de distribution sélective peut être assurée par le juge, saisi sur
le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil à l'encontre du distributeur hors réseau
qui parvient à acquérir les produits contractuels auprès d'un distributeur agréé. Encore faut-il
que le fournisseur puisse se prévaloir d'un réseau de distribution licite et qu'il puisse établir
l'existence d'une faute. Avant d'examiner ces deux conditions, il convient de préciser que la loi
n o 96-588 du 1 er juillet 1996 (D. 1996. 295) a renforcé la protection du fournisseur en lui
conférant un avantage procédural et probatoire. Le texte de base est l'article L. 442-6, I, 5 du
code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur […] le fait […] de participer
directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au
distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles
applicables du droit de la concurrence » (L. VOGEL et J. VOGEL, Les rapports
producteurs/distributeurs. Un nouvel équilibre ? Réforme du droit français de la concurrence
par la loi du 1 er juill. 1996, D. Affaires 1996. 938. – V. aussi le commentaire dans la revue
CCC 1996. Comm. 139, obs. L. Vogel). L'avantage procédural résulte de la faculté pour le
ministre de l'Économie, prévue à l'article L. 442-6 du code de commerce, de saisir le juge de
sa propre initiative, c'est-à-dire même si le fournisseur ne souhaite pas engager une action.
Quant à l'avantage probatoire, il résulte de l'application de l'article L. 470-5 du code de
commerce, qui permet au ministre, lorsqu'il préfère ne pas prendre l'initiative d'engager lui-
même l'action, de déposer des conclusions, de les développer oralement à l'audience ou de
produire les procès-verbaux et les rapports d'enquête.
294. Licéité du réseau de distribution. - L'action du fournisseur ne peut prospérer, y compris
en référé (Com. 27 oct. 1992, n o 89-21.063 , Hermès, D. 1992. 505 ; Cah. dr. entr. 1993,
n o 1, p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron), que si la licéité du réseau de distribution peut
être établie. Cette exigence est cependant peu contraignante : d'une part, on l'a vu (supra,
n o 276), l'étanchéité effective du réseau n'est pas une condition de licéité ; d'autre part,
l'existence d'une contestation sérieuse ne fait pas obstacle à ce que le juge des référés
prescrive les mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou
pour faire cesser un trouble manifestement illicite (même arrêt).
295. Faute du distributeur non agréé. - Le seul fait de commercialiser les produits hors du
réseau de distribution officiel ne constitue pas une faute (Com. 27 oct. 1992, n o 90-15.831 ,
Azzaro, Cah. dr. entr. 1993, n o 1, p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron. – Com. 23 févr. 1993,
n os 89-19.371 et 89-20.794, Bull. civ. IV, n o 70 ; D. 1993. IR 84 ; Lettre distrib. avr.
1993. – Com. 9 juill. 1996, CCC 1996. Comm. 139, obs. L. Vogel. – Paris, 1 er oct. 1997,
D. 1998. 445, note Malaurie-Vignal ; LPA n o 80, 6 juill. 1998). En revanche, le distributeur
engage sa responsabilité, sur le fondement des articles 1382 ou 1383 du code civil s'il
commet une faute, ce qui est le cas des pratiques suivantes.

296. Violation délibérée de l'étanchéité du réseau. - La violation délibérée de l'étanchéité


du réseau de distribution sélective constitue un acte de concurrence déloyale : « Le fait pour
un commerçant de vendre des produits relevant d'un réseau de distribution sélective licite, en
méconnaissance délibérée de ce réseau, afin de détruire celui-ci, constitue un acte de
désorganisation de l'entreprise concurrente et partant, un acte de concurrence déloyale »
(Com. 27 oct. 1992, n o 89-21.063 , Hermès, D. 1992. 505 ; Cah. dr. entr. 1993, n o 1,
p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron). Les règles de preuve sont favorables au fournisseur : il
appartient à celui qui distribue les produits hors du réseau d'établir qu'il ne les a pas achetés
auprès d'un distributeur agréé (Com. 27 oct. 1992, n o 90-15.831 , Azzaro, Cah. dr. entr.
1993, n o 1, p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron. – Com. 15 mars 1994, RJDA 7/1994, n o 794.
– Com. 9 avr. 1996, Gaz. Pal. 1997. 1. Doctr. 733, obs. Vilmart. – Pour une solution analogue
en matière de distribution exclusive, V. aussi Com. 25 janv. 2000, n o 97-19.809 , LPA
n o 131, 3 juill. 2000, p. 18, obs. Mathey) ; en revanche, le distributeur non agréé ne saurait
être tenu de rapporter la preuve de l'acquisition régulière des produits litigieux par le vendeur
auquel il s'est adressé, cette recherche incombant aux membres du réseau (Com. 19 oct.
1999, n o 97-16.506 , D. 2000. AJ 43, obs. J. F . ; LPA n o 131, 3 juill. 2000, p. 18, obs.
Mathey : cette solution a été adoptée dans le domaine de la distribution exclusive, mais elle
est transposable à la distribution sélective). Par ailleurs, le distributeur non agréé commet
une faute s'il refuse de révéler l'origine de ses approvisionnements (Com. 27 oct. 1992,
15 mars 1994 et 9 avr. 1996, préc.).
297. Produits d'appel. - L'utilisation des produits contractuels comme produits d'appel
constitue une faute : « L'arrêt a encore décidé, pour rejeter le grief dit de la marque d'appel,
que bien que le magasin ait eu seulement en stock les parfums que l'huissier avait achetés,
Berry distribution avait la possibilité de s'approvisionner auprès d'une société qui lui avait
procuré dans le passé des parfums Dior ; en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres
constatations que Berry distribution n'avait en stock que ce que l'huissier chargé du constat
avait acheté et sans s'assurer que cette entreprise pouvait immédiatement se
réapprovisionner de façon licite en parfums Dior et Givenchy, la cour d'appel n'a pas donné de
base légale à sa décision » (Com. 23 févr. 1993, n os 89-19.371 et 89-20.794, Bull. civ. IV,
n o 70 ; D. 1993. IR 84 ; Lettre distrib. avr. 1993).
298. La Cour de cassation a adopté une position analogue à l'égard d'un distributeur non
agréé qui était parvenu à acquérir deux flacons de parfum d'une marque renommée :
« Attendu que pour rejeter la demande de la société Chanel l'arrêt énonce que l'acquisition
des produits en question par la société Via Frattina auprès de la société Capitolina Profumi,
opération commerciale réalisée entre deux commerçants de deux États membres de la
Communauté économique européenne, n'est pas fautive et ne peut constituer en soi un acte
de concurrence déloyale […]. Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres
constatations que la société Via Frattina n'avait en stock que deux flacons de parfums, ce
dont il résultait que n'appartenant pas au réseau de distribution sélective mis en œuvre par la
société Chanel la société n'avait acheté ces produits que pour servir de “marques d'appel”, la
cour d'appel a violé [l'article 1382] » (Com. 19 mai 1998, n o 96-16.042 , Bull. civ. IV,
n o 157).
299. Vente au mépris de la mention « ne peut être vendu que par un distributeur
agréé ». - Le fait, pour un distributeur non agréé, de commercialiser des produits dont
l'emballage porte la mention « ne peut être vendu que par un distributeur agréé » constitue
une faute : « Attendu qu'après avoir constaté que sur les produits commercialisés par les
sociétés Givenchy et Dior figurait la mention que ceux-ci ne pouvaient être vendus que par
des distributeurs agréés, l'arrêt en a justement déduit que la société Berry distribution s'était
rendue coupable d'agissements anticoncurrentiels, une telle mention étant de nature à faire
croire à la clientèle que la société avait la qualité de distributeur agréé » (Com. 23 févr. 1993,
n os 89-19.371 et 89-20.794, Bull. civ. IV, n o 70 ; D. 1993. IR 84 ; Lettre distrib. avr.
1993. – V. aussi Com. 27 oct. 1992, n o 90-18.944 , Rochas et Dior, D. 1992. 505, note
Bénabent ; Cah. dr. entr. 1993, n o 1, p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron. – Com. 27 oct.
1992, n 89-21.063 , Hermès, D. 1992. 505 ; Cah. dr. entr. 1993, n o 1, p. 23, obs. Bonet
o
et J. M. Mousseron. – Paris, 4 avr. 1991, CCC 1991. Comm. 164, obs. L. Vogel).
300. La question se pose, par ailleurs, de savoir si le fait, sans autorisation, de vendre un
produit portant la mention « ne peut être vendu que par un distributeur agréé » constitue
également une publicité trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation.
La chambre criminelle et la chambre commerciale de la Cour de cassation sont divisées. La
première refuse d'y voir une publicité trompeuse dans la mesure où la mention litigieuse est
le fait, non du prévenu, qui dès lors ne peut se voir reprocher de s'être fait passer à tort pour
un distributeur du réseau, mais du fournisseur. L'interprétation est stricte : « Ce texte
répressif, d'interprétation stricte, désigne “l'annonceur” comme responsable de l'infraction
commise. Or, l'annonceur est défini par cet article comme celui pour le compte duquel la
publicité est diffusée » (Crim. 15 mars 1990, n o 88-87.096 , RTD com. 1990. 624, obs.
Bouloc ). Cette position n'est pas partagée par la chambre commerciale : « Attendu que
l'arrêt, pour rejeter la demande, retient encore que n'est pas un acte de publicité
« mensongère » constitutif d'un trouble illicite la mention apposée sur les emballages des
parfums Hermès selon laquelle ils ne peuvent être vendus que par un distributeur agréé dès
lors que la société Limoges Dis « n'est pas l'auteur de ce message publicitaire dont il n'est
pas établi qu'il ait été ou qu'il soit un facteur déterminant de la démarche des clients des
centres Leclerc » ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle mention non démentie par
le vendeur était de nature à faire croire à la clientèle que la société Limoges Dis avait la
qualité de distributeur agréé de la société Hermès, la cour d'appel a violé les textes
susvisés » (Com. 27 oct. 1992, n o 89-21.063 , Hermès, D. 1992. 505 ; Cah. dr. entr. 1993,
n o 1, p. 23, obs. Bonet et J. M. Mousseron. – V. aussi Com. 23 févr. 1993, n os 89-19.371 et
89-20.794, Bull. civ. IV, n o 70 ; D. 1993. IR 84 ; Lettre distrib. avr. 1993. – Com. 21 juin
1994, JCP 1994. IV. 279 ; JCP E 1994. IV. 1116).
301. Le distributeur non agréé peut échapper aux sanctions s'il corrige préalablement le
message publicitaire figurant sur l'emballage, par exemple au moyen d'une affiche apposée à
proximité des produits (BÉNABENT, note ss. Com. 27 oct. 1992, D. 1992. 507 ). Cette
solution comporte cependant des limites. D'abord, on a à juste titre observé qu'une telle
précaution n'est pas très « marketing » (BONET et J. M. MOUSSERON, Donner et retenir ne
vaut [II], Cah. dr. entr. 1993, n o 1, p. 23 s.). Le distributeur non agréé ne peut non plus
oblitérer la mention « ne peut être vendu que par des distributeurs agréés » : « Attendu qu'en
statuant ainsi, alors qu'en vendant deux flacons de parfum Chanel avec un emballage sur
lequel la mention “ne peut être vendu que par des distributeurs agréés” avait été oblitérée, la
société Via Frattina, qui n'apportait pas la preuve de ce qu'elle avait acquis régulièrement ces
produits afin de les revendre portait atteinte à l'image de la marque en laissant entendre que
ce parfum pouvait être vendu sur le territoire national par des magasins n'appartenant pas au
réseau de distribution sélective mis en œuvre par le fabricant et dont la licéité n'était pas
contestée, la cour d'appel a violé [l'article 1382] » (Com. 19 mai 1998, n o 96-16.042 , Bull.
civ. IV, n o 157).
302. Pour la vente sur l'internet, V. supra, n o 258.

2° - Distribution sélective et droit des marques

303. Le fournisseur ne peut recourir à l'action en contrefaçon à l'encontre du distributeur qui


commercialise les produits contractuels sans avoir été agréé. En effet, conformément à la
théorie de l'épuisement du droit des marques, consacré par le droit des marques tant
communautaire qu'interne, l'article L. 716-9 du code de la propriété intellectuelle concernant
l'action en contrefaçon (autrefois C. pén. anc., art. 422-2) ne peut plus être utilisé pour lutter
contre les ventes parasitaires effectuées par les distributeurs non agréés, dès lors que la
marque a été apposée par le fabricant ou avec son consentement : « L'article [L. 716-5] n'a
pas pour objet de sanctionner pénalement les acquéreurs ou revendeurs de produits même
commercialisés au mépris d'un système de distribution sélective lorsque la marque utilisée n'a
pas été contrefaite » (Crim. 18 mai 1987, Bull. crim. n o 200 ; D. 1987. 558, note Parleani. –
V. aussi Crim. 16 juin 1996, Lettre distrib. juill.-août 1993). Cependant, la chambre
commerciale de la Cour de cassation (Com. 23 févr. 1993, D. 1994. 318 ) considère que le
seul fait de vendre des produits sans être autorisé constitue un usage illicite de la marque.
Par ailleurs, la cour d'appel de Paris estime que l'existence d'un réseau de distribution
sélective autorise le titulaire de la marque à s'opposer à la commercialisation des produits par
un tiers, en violation des contrats de distribution du réseau. Ce faisant, elle étend à la
distribution sélective l'exception au principe de l'épuisement du droit des marques prévue à
l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle, en faveur du propriétaire qui justifie
d'un motif légitime : « L'existence d'un réseau de distribution sélective, conforme aux critères
de licéité imposés par le droit communautaire, constitue un juste motif pour écarter l'effet
d'épuisement [du droit de marque] et interdire la distribution des produits, et de ce fait, la
diffusion de la marque en cause lorsque celles-ci sont opérées en violation des règles du
réseau » (Paris, 1 er oct. 1997, D. 1998. 445, note Malaurie-Vignal ; LPA n o 80, 6 juill. 1998).
En outre, si le titulaire d'une marque ne peut s'opposer à ce qu'un revendeur qui
commercialise des produits de la marque utilise celle-ci afin d'annoncer la diffusion ultérieure
des produits, en revanche, il peut s'y opposer si l'utilisation de ses produits porte « une
atteinte sérieuse à leur renommée » (CJCE 4 nov. 1997, Parfums Christian Dior SA et a. c/
Evora BV, aff. C-337/95 , Rec. CJCE I-6013 ; JCP E 1998. Pan. 100, obs. Vilmart et de
Montblanc).
304. On notera, enfin – il ne s'agissait pas de distribution sélective, mais la solution est
transposable –, la jurisprudence relative au reconditionnement des produits réalisés par les
importateurs parallèles : dans la ligne de son arrêt Hoffmann-La Roche (CJCE 23 mai 1978,
aff. 102/77, Rec. CJCE 2913), la Cour de justice estime que le titulaire de la marque peut
légitimement s'opposer à la commercialisation ultérieure du produit lorsque l'importateur a
reconditionné le produit, sauf s'il est démontré que cette opposition a pour but le
cloisonnement artificiel des marchés, que le réétiquetage n'affecte pas l'état du marché et
que la présentation du reconditionnement ne peut pas nuire à la réputation de la marque et
de celle de son titulaire (CJCE 11 juill. 1996, Bristol-Myers Squibb, aff. C-427/93 , Rec.
CJCE I-3457. – CJCE 11 nov. 1997, Ballantine, aff. C-349/95 , Rec. CJCE I-6227).

C - Protection contre les membres du réseau


305. La Cour de cassation a étendu la protection des membres du réseau en approuvant une
cour d'appel qui avait donné gain de cause à un distributeur qui faisait grief à deux
distributeurs d'avoir violé certaines obligations imposées par leurs contrats de distribution
sélective : « En énonçant que l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la
situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, si cette
situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité
délictuelle, et en retenant que telle est la situation de la société Anaïs, qui fonde son action
en concurrence déloyale sur le non-respect par les sociétés mises en cause des obligations
que leur imposent les contrats de distribution sélective qu'elles ont signés les unes et les
autres, et sur les avantages qu'elles en tirent, notamment en termes d'économies
d'exploitation, leur permettant ainsi de réduire, de manière déloyale à son égard, leurs prix de
vente des produits distribués dans le cadre de ces réseaux sélectifs, la cour d'appel, qui a
motivé sa décision sur le droit pour la société Anaïs d'invoquer la violation prétendue de leurs
obligations contractuelles par ses concurrentes, a statué à bon droit » (Com. 1 er juill. 2003,
n o 99-17.183 , D. 2003. Somm. 2427, obs. Ferrier ; JCP E 9 oct. 2003, n o 41, p. 1622, note
Vilmart).

Chapitre 5 - Accords de franchise


306. Un arrêté du 29 novembre 1973 (JO 3 janv. 1974) définit la franchise comme « un contrat
par lequel une entreprise concède à des entreprises indépendantes en contrepartie d'une
redevance, le droit de se présenter sous sa raison sociale et sa marque pour vendre des
produits ou services. Ce contrat s'accompagne généralement d'une assistance technique »
(V. Franchise [Com.]). La définition figurant dans les lignes directrices de la Commission se
situe dans la même ligne (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 189). La franchise
permet d'améliorer la distribution des produits ou la prestation de services : en donnant aux
franchiseurs la possibilité d'établir un réseau uniforme avec des investissements limités, elle
peut favoriser l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché. Par ailleurs, en permettant à
des commerçants indépendants d'installer des établissements plus rapidement et avec de
meilleures chances de succès que s'ils avaient dû le faire sans l'expérience ni l'assistance du
franchiseur, la franchise permet à ces commerçants de concurrencer plus efficacement de
grandes entreprises de distribution. La franchise profite également aux consommateurs
puisqu'elle responsabilise personnellement les commerçants et garantit une qualité constante
des produits et des services.
307. La Cour de justice des Communautés européennes a aussi reconnu l'effet bénéfique de la
franchise : « Ce système ouvre […] à des commerçants, dépourvus de l'expérience nécessaire,
l'accès à des méthodes qu'ils n'auraient pu acquérir qu'après de longs efforts de recherche et
les fait profiter de la réputation du signe » (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec.
CJCE 353 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou). Faisant application de la règle de raison, elle
en a conclu que la franchise ne porte pas atteinte en soi à la concurrence et en a donc validé
ses clauses spécifiques : « Premièrement, le franchiseur doit pouvoir communiquer aux
franchisés son savoir-faire et leur apporter l'assistance voulue pour les mettre en mesure
d'appliquer ses méthodes, sans risquer que ce savoir-faire et cette assistance profitent, ne
serait-ce qu'indirectement, à des concurrents. Il en résulte que les clauses qui sont
indispensables pour prévenir ce risque ne constituent pas des restrictions de la concurrence au
sens de l'article 81, paragraphe 1 er […] Deuxièmement, le franchisseur doit pouvoir prendre les
mesures propres à préserver l'identité et la réputation du réseau […]. Il en résulte que les
clauses qui organisent le contrôle indispensable à cette fin ne constituent pas non plus des
restrictions de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1 er » (CJCE 28 janv. 1986,
préc.). Cette jurisprudence a été consacrée par la Commission européenne lorsqu'elle a adopté
le règlement sur la franchise (Règl. du 30 nov. 1988, cité supra, n o 22). La jurisprudence
française s'est également largement inspirée de la règle de raison (BOUTARD-LABARDE et
CANIVET, op. cit., p. 63). Notons que ce règlement a été remplacé par le règlement du
22 décembre 1999 (celui-ci a lui-même été remplacé par le règlement du 20 avr. 2010), mais
cette jurisprudence est largement transposable.

308. Le règlement du 20 avril 2010 exempte, dans la limite du seuil de 30 %, toutes les
restrictions verticales relatives à l'approvisionnement, à la vente et à la revente contenues
dans les accords de franchise, et notamment la distribution sélective, les clauses de non-
concurrence et d'exclusivité. Les franchises de gros sont également couvertes par l'exemption
catégorielle, contrairement au régime antérieur à la réforme des restrictions verticales : le
règlement de la Commission du 30 novembre 1988 avait exclu les franchises de gros en raison
du manque d'expérience de la Commission dans ce domaine (Règl. du 30 nov. 1988,
considérant 5). Au-dessus du seuil de 30 %, il convient de se référer aux lignes directrices de
la Commission, déjà présentées à propos des accords d'exclusivité et de distribution sélective,
mais aussi à la jurisprudence. L'étude de la jurisprudence permet de distinguer deux
catégories de clauses – ou de pratiques concertées : d'une part, les clauses non restrictives
de concurrence ou susceptibles de bénéficier d'une exemption individuelle, et d'autre part, les
clauses comportant des restrictions caractérisées, dont les chances de bénéficier d'une
exemption individuelle sont faibles. Avant d'examiner ces deux types de clauses, notons que
le règlement du 20 avril 2010 couvre également les licences de droits de propriété industrielle
et de savoir-faire dont sont assortis les accords de franchise, mais, précise la Commission,
seulement dans la mesure où ces accords de licences, ainsi que les clauses qu'ils contiennent
sont nécessaires et directement liés à la vente des produits ou services concernés (Lignes
directrices [citées supra, n o 19], n o 44) ; la liste des clauses généralement considérées
comme nécessaires à la protection des droits de propriété intellectuelle du franchiseur se
trouve dans les lignes directrices (Lignes directrices, n o 45).

Section 1 re - Clauses non restrictives de concurrence ou susceptibles de bénéficier d'une


exemption individuelle

309. Le règlement de la Commission du 30 novembre 1988 dressait une longue liste de


clauses bénéficiant de l'exemption par catégorie « dans la mesure où elles sont nécessaires
pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour
maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé ». Ces clauses n'ont pas été
reprises dans les règlements des 22 décembre 1999 et 20 avril 2010. Mais les lignes
directrices dressent une liste de restrictions dont la Commission européenne estime qu'elles
sont couvertes par l'exemption par catégorie pour autant qu'elles sont nécessaires et
directement liées à la vente de biens ou de services. Les clauses qui n'ont pas été reprises
dans cette liste ne sont pas pour autant illicites. Elles pourront, en effet, faire l'objet d'un
examen individuel. La jurisprudence qui s'est développée sur cette question conserve donc un
grand intérêt. Avant de l'analyser, il convient néanmoins d'exposer brièvement les dispositions
des lignes directrices.

Art. 1 er - Lignes directrices


310. La Commission a dressé, dans ses lignes directrices, une liste de clauses couvertes par
le règlement du 20 avril 2010, car nécessaires à la protection des droits de propriété
intellectuelle du franchiseur. Il s'agit d'une série d'obligations pesant sur le franchisé : 1 o ne
pas exercer une activité similaire ; 2 o ne pas acquérir, dans le capital d'une entreprise
concurrente, des participations financières qui donneraient au franchisé le pouvoir d'influencer
le comportement économique d'une telle entreprise ; 3 o ne pas divulguer le savoir-faire fourni
par le franchiseur ; 4 o communiquer au franchiseur toute expérience acquise dans le cadre de
l'exploitation de la franchise ; 5 o accorder, au franchiseur et à d'autres franchisés, une licence
non exclusive pour le savoir-faire résultant de cette expérience ; 6 o informer le franchiseur des
contrefaçons des droits de propriété industrielle octroyés sous licence et intenter une action
contre les contrefacteurs ou assister le franchiseur dans une action en justice engagée contre
un contrefacteur ; 7 o ne pas utiliser le savoir-faire à d'autres fins que l'exploitation de la
franchise ; 8 o ne pas céder les droits et obligations résultant de l'accord de franchise sans le
consentement du franchiseur (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 45).

311. Au-delà du seuil de 30 %, la Commission européenne estime que les chances de


bénéficier d'une exemption individuelle sont d'autant plus fortes que le savoir-faire transféré
est important (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 190). La Commission estime
également, de façon plus spécifique, qu'une obligation de non-concurrence imposée au
franchisé ne devrait pas tomber sous le coup de l'article 101 du TFUE lorsque cette obligation
est nécessaire pour protéger l'identité et la réputation du réseau de franchise et que le
franchisé ne détient pas de position dominante. Dans de tels cas, la durée de l'obligation de
non-concurrence est indifférente pour l'application de l'article 81, paragraphe 1 er, dès lors
qu'elle ne dépasse pas celle du contrat de franchise (Lignes directrices, n o 186).

Art. 2 - Jurisprudence
312. La franchise ne bénéficie pas, dans le régime en vigueur depuis la réforme intervenue en
1999, d'un traitement préférentiel. La Commission européenne voit, en effet, dans la franchise
une simple combinaison de restrictions verticales – la franchise associe en général distribution
sélective et engagement de non-concurrence pour ce qui est des biens auxquels elle
s'applique. La jurisprudence examinée dans le chapitre précédent est donc transposable à la
franchise. Celle-ci reste cependant un système de distribution particulier. Elle a fait l'objet
d'une jurisprudence qui, pour l'essentiel, et au-dessus du seuil de 30 %, n'est pas remise en
cause par la réforme des restrictions verticales.

§ 1 er - Protection de l'identité et de la réputation du réseau de franchise


313. Afin de protéger l'identité et la réputation de son réseau, le franchiseur peut
valablement mettre à la charge du franchisé certaines obligations. Le contrat peut,
notamment, contenir des clauses de localisation, d'approvisionnement exclusif et
d'interdiction de revente hors du réseau. Le franchiseur peut également choisir librement les
franchisés.

A - Localisation du franchisé
314. Le franchiseur peut imposer l'emplacement géographique du local commercial du
franchisé (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. attendu 19 et
point 25 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou. – Cette faculté était également couverte par le
règlement de la Commission du 30 nov. 1988, art. 3-2, i). Il peut dès lors, mais seulement
pour des raisons liées à la protection de l'image du réseau, s'opposer à ce que le franchisé
transfère son magasin dans un autre emplacement (Décis. n o 86/14 de la Commission du
17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 49. – Décis. n o 87/407 de
la Commission du 13 juill. 1987, Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août, spéc. point 25). On
notera que, pour les fournisseurs se situant en dessous du seuil de 30 %, cette faculté a été
confirmée par la Commission et même étendue à la distribution sélective (Lignes directrices
[citées supra, n o 19], n o 58).

B - Approvisionnement exclusif
315. L'obligation d'approvisionnement exclusif était largement admise par la jurisprudence et
dans la pratique décisionnelle de la Commission (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84,
Rec. CJCE 353, spéc. attendu 21 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou. – Décis. n o 86/17 de la
Commission du 17 déc. 1986, Pronuptia, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 25 ii. –
Décis. n o 86/14 de la Commission du 17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987,
spéc. point 45), avant d'être consacrée par le règlement de la Commission du 30 novembre
1988. Encore faut-il que l'obligation mise ainsi à la charge du franchisé soit justifiée par la
nature des produits en cause.

316. L'approvisionnement exclusif doit, en effet, être limité aux produits pour lesquels il n'est
pas possible, en pratique, en raison de la nature des produits, d'appliquer des spécifications
objectives de qualité, dans la mesure où le respect de ces obligations est nécessaire à la
protection des droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour
maintenir l'identité commune et la réputation du réseau franchisé. La justification de
l'approvisionnement exclusif doit en outre être concrète (Com. 10 janv. 1995, Gaz. Pal. 1995.
2. 502 ; RJDA 5/1995, n o 561. – GAST, Les clauses d'approvisionnement exclusif sous haute
surveillance, LPA n o 54, 5 mai 1995). Les autorités communautaires et nationales ont admis
que cette condition était remplie dans de nombreuses affaires (Décis. n o 86/17 de la
Commission du 17 déc. 1986, Pronuptia, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987. – Décis. n o 89/94 de la
Commission du 2 déc. 1988, Charles Jourdan, JOCE, n o L 35, 7 févr. 1989, spéc. point 28. –
Décis. n o 86/14 de la Commission du 17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv.
1987. – Décis. n o 87/407 de la Commission du 13 juill. 1987, Computerland, JOCE, n o L 222,
13 août. – Cons. conc. n os 94-D-31 et 94-D-32 du 24 mai 1994, Dessange et Jean-Louis David
Diffusion, BOCCRF 10 juill. – GASTINEL, Le Conseil de la concurrence sauve la franchise
commerciale, Gaz. Pal. 1994. 2. Doctr. 1016. – Cons. conc. n o 96-D-36 du 28 mai 1996,
Zannier, BOCCRF 20 août ; Rec. Lamy n o 688, obs. Respaud. – Confirmée par Paris, 18 mars
1997, BOCCRF 22 avr. ; CCC 1997. Comm. 83, obs. L. Vogel ; D. Affaires 1997. 625. – Amiens,
17 juin 1996, D. Affaires 1997. 179. – GAST, L'affaire Phildar, ou le nouveau régime juridique
des clauses d'approvisionnement exclusif, D. Affaires 1997. 172).

317. On retiendra également, parce qu'elle s'écarte des schémas d'analyse classiques, la
position adoptée par le Conseil de la concurrence dans l'affaire Alain Afflelou : après avoir
observé qu'il s'agissait, non pas d'une franchise de produits mais de services, dont l'identité
et la cohérence reposaient sur une politique de prix bas, il a constaté que la clause
d'approvisionnement exclusif auprès des fournisseurs référencés par le franchiseur avait pour
objet la négociation avec les fournisseurs de remises et de ristournes fondées sur les volumes
de vente potentiels et la garantie de paiement du franchiseur. Il en a conclu que la clause
n'avait pas pour objet de restreindre la liberté des franchisés de se fournir en produits de
qualité équivalente, les franchisés pouvant, au surplus, aux termes du contrat de franchise,
demander le référencement de tout fournisseur qui ne l'aurait pas été précédemment. Le
Conseil a également conclu à l'absence d'effet anticoncurrentiel après avoir constaté que :
1 o le franchiseur référençait une majorité des fournisseurs présents sur le marché et les
fournisseurs non référencés ne disposaient pas d'un poids économique important ; 2 o les
fournisseurs référencés proposaient aux franchisés des gammes de produits étendues, aussi
bien en termes de qualité que de prix ; 3 o les refus de vente opposés par certains
fournisseurs n'étaient pas imputables au franchiseur ; 4 o les franchisés qui le souhaitaient ont
pu s'approvisionner directement à titre individuel chez les fournisseurs non référencés (Cons.
conc. n o 2000-D-10 du 11 avr. 2000, BOCCRF 23 mai). En revanche, le Conseil de la
concurrence a condamné diverses clauses dans les contrats suivants : 1 o franchise
Gymnasium, clause interdisant au franchisé de se fournir auprès de fournisseurs distribuant du
matériel pour centres de remise en forme substituables à ceux distribués par le franchiseur
(Cons. conc. n o 96-D-16 du 19 mars 1996, BOCCRF 24 mai ; CCC 1996. Comm. 103 ; Rec.
Lamy n o 679, obs. Sélinsky) ; 2 o franchise Zannier, clause analogue, visant les caisses
enregistreuses et les imprimantes d'ordinateurs utilisés par les franchisés, ainsi que les
produits et objets à caractère publicitaire utilisés pour fidéliser la clientèle (Cons. conc. n o 96-
D-36 du 28 mai 1996, BOCCRF 20 août ; Rec. Lamy n o 688, obs. Respaud) ; 3 o franchise Eras,
clauses imposant aux franchisés d'équiper leur centre en matériel informatique IBM ou de se
conformer à la liste dressée par le franchiseur pour l'achat des documents publicitaires, des
cartes de visite, des documents contractuels, des matériels informatiques et bureautiques et
des logiciels (Cons. conc. n o 97-D-48 du 18 juin 1997, BOCCRF 17 sept. ; LPA n o 42, 8 avr.
1998, obs. Arhel ; LPA n o 142, 27 nov. 1998, obs. Marot ; Cah. dr. entr. 1998, n o 3, p. 75) ;
4 o franchise Hypromat-France, clauses imposant aux franchisés d'acheter divers matériels
auprès du franchiseur ou d'un fournisseur agréé par lui alors que ceux-ci étaient susceptibles
d'être acquis directement auprès d'un concurrent, à un prix plus avantageux (Cons. conc.
n o 97-D-51 du 24 juin 1997, BOCCRF 7 oct.) ; 5 o franchise Yves Rocher, clause
d'aménagement des locaux prévoyant la transmission, par le franchiseur au franchisé, de la
liste des fournisseurs de matériels et équipements caractéristiques de la franchise Yves
Rocher et clause d'approvisionnement exclusif de meubles et produits divers (étiquettes,
chevalets, vestes, sacs papier, etc. – Cons. conc. n o 99-D-49 du 6 juill. 1999, BOCCRF
30 oct. ; LPA n o 211, 22 oct. 1999, obs. Arhel).

318. Il convient encore de préciser que les clauses d'approvisionnement exclusif constituent
des clauses noires au sens de l'article 4 du règlement du 20 avril 2010 lorsque les franchisés
ne peuvent s'approvisionner auprès d'autres franchisés. Une exemption individuelle est donc
peu probable (Lignes directrices [citées supra, n o 19], n o 47). Il est intéressant, à cet égard,
de relever qu'avant la réforme du droit des restrictions verticales intervenue en 1999, le
Conseil de la concurrence (par ex. : Cons. conc. n o 96-D-16 du 19 mars 1996, Gymnasium,
BOCCRF 24 mai ; CCC 1996. Comm. 103 ; Rec. Lamy n o 679, obs. Sélinsky. – Cons. conc.
n o 96-D-36 du 28 mai 1996, Zannier, BOCCRF 20 août ; Rec. Lamy n o 688, obs. Respaud. –
Cons. conc. n o 99-D-49 du 6 juill. 1999, Yves Rocher, BOCCRF 30 oct. ; LPA n o 211, 22 oct.
1999, obs. Arhel) et la chambre commerciale de la Cour de cassation (Com. 6 avr. 1999, La
lettre de la Fédération des familles de France [FFF], juill.-août 1999, n o 110, obs. Marot) ont
considéré que les clauses imposant aux franchisés de s'approvisionner auprès du franchiseur
étaient conformes à l'article L. 420-1 du code de commerce et à l'article 81 du Traité de Rome
(devenu art. 101 du TFUE), même lorsque les rétrocessions au sein du réseau de distribution
étaient interdites.

319. Notons enfin que, conformément à l'article L. 330-1 du code de commerce, l'engagement
d'approvisionnement exclusif ne peut durer plus de dix ans. Le dépassement de cette durée
est sanctionné par la caducité du contrat au terme de dix ans (Com. 10 févr. 1998, n o 95-
21.906 , D. 1998. Somm. 334, obs. Ferrier ).

C - Étanchéité des réseaux de franchise


320. Les clauses interdisant aux franchisés de revendre les produits en dehors des réseaux de
distribution échappent à l'article 81, paragraphe 1 er, du Traité de Rome (Décis. n o 89/94 de la
Commission du 2 déc. 1988, Charles Jourdan, JOCE, n o L 35, 7 févr. 1989. – Ces clauses
étaient également couvertes par le règlement de la Commission du 30 nov. 1988, cité supra,
n o 22, art. 3-1, e), même lorsque les franchisés ne commercialisaient pas les produits du
franchiseur mais des produits qu'il avait sélectionnés (Décis. n o 87/407 de la Commission du
13 juill. 1987, Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août). Selon la Commission européenne,
« l'obligation de se conformer aux procédures et méthodes du franchiseur serait privée de son
sens si les franchisés pouvaient librement céder les produits contractuels à des revendeurs
n'ayant par définition pas accès au savoir-faire du fournisseur et non tenues d'observer les
méthodes commerciales, alors que celles-ci sont nécessaires pour établir et préserver
l'originalité et la réputation du réseau et des signes distinctifs » (Décis. n o 86/14 de la
Commission du 17 déc. 1986, Y ves Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987).

D - Sélection des franchisés


321. Liberté de choix du franchiseur. - Le franchiseur bénéficie d'une grande liberté pour
choisir les membres de son réseau. Ainsi, il n'est pas tenu de fixer des critères de sélection et
même s'il détermine de tels critères, il n'est pas tenu de retenir tous les distributeurs qui s'y
conforment. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et la
pratique décisionnelle de la Commission européenne montrent que, d'une manière générale,
les critères de sélection généralement adoptés par les franchisés ne posent pas de problèmes
majeurs. Ainsi, la Cour de justice a reconnu le droit pour le franchiseur de « choisir librement
les franchisés dont les qualifications professionnelles sont une condition pour établir et
préserver la réputation du réseau » (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. C-161/84 , Rec.
CJCE, p. 353, spéc. point 20 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou). La Commission a, par
ailleurs, accordé une exemption individuelle à un réseau dont les franchisés étaient choisis en
fonction de leur personnalité et de leur situation financière et de leur expérience du commerce
de détail et sous réserve d'avoir suivi avec succès un programme de formation organisé par le
franchiseur (Décis. n o 87/407 de la Commission du 13 juill. 1987, Computerland, JOCE,
n o L 222, 13 août, spéc. point 4). A également bénéficié d'une exemption des contrats conclus
intuitu personae en fonction des qualités morales et professionnelles du candidat (Décis.
n o 89/94 de la Commission du 2 déc. 1988, Charles Jourdan, JOCE, n o L 35, 7 févr. 1989, spéc.
point 8). La Commission a même observé que le franchiseur Yves Rocher (Décis. n o 86/14 de
la Commission du 17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 41)
était logiquement en droit de choisir librement ses partenaires et d'écarter les candidats qui
ne lui apparaissent pas remplir les qualifications personnelles et professionnelles qu'il exige
pour l'application de la formule qu'il a mise au point. La liberté de choix du franchiseur
comporte cependant des limites résultant de l'obligation de non-discrimination : par exemple,
lorsque plusieurs candidats se proposent d'ouvrir un magasin franchisé dans un lieu
déterminé, la sélection doit être non discriminatoire.
322. Critères quantitatifs. - La prise en compte de critères quantitatifs est autorisée. La
différence avec la distribution sélective est ici évidente – cependant, les critères quantitatifs
sont, même dans le domaine de la distribution sélective, couverts par le règlement du 20 avril
2010, jusqu'au seuil de 30 % de part de marché ; au-dessus de ce seuil, ils sont susceptibles
de bénéficier d'une exemption individuelle. L'affaire Pronuptia offre une illustration de cette
différence. La Commission a d'abord observé que les obligations de payer une redevance
minimale proportionnelle au chiffre d'affaires, de passer des commandes minimales et de
détenir un stock minimal pourraient, dans un système de distribution sélective, être
considérées comme faussant le jeu de la concurrence lorsqu'elles excluent du réseau des
entreprises qui, bien que remplissant les conditions qualitatives uniformes d'admission, ne
sont pas prêtes à les accepter et lorsqu'elles ont pour effet de contraindre les distributeurs à
favoriser la promotion de certains produits. La Commission a ensuite énoncé qu'il en va
autrement dans un système de franchise comme la franchise Pronuptia (Décis. n o 86/17 de la
Commission du 17 déc. 1986, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 27) : « Un tel système
est, notamment caractérisé par l'octroi de la part du franchiseur au franchisé du droit exclusif
d'utiliser, dans une zone géographiquement déterminée, ses signes distinctifs et son savoir-
faire commercial et par la liberté qu'a le franchiseur dans le choix de ses franchisés ».
L'exclusion dans le territoire réservé au franchisé, de toute entreprise autre que celui-ci, est
donc une conséquence inhérente au système même de franchise en cause. On peut également
considérer comme une conséquence inhérente à un tel système de franchise le fait que le
franchisé, à la suite de l'unicité exclusive de marque et d'enseigne qui caractérise le point de
vente franchisé et de l'interdiction de concurrence qui lui est imposée, concentre ses efforts
promotionnels sur les produits qui constituent l'objet de la franchise.

§ 2 - Protection du savoir-faire
323. Afin de protéger le savoir-faire qu'il transmet au franchisé, le franchiseur insère
fréquemment, dans son contrat, des clauses de non-concurrence, de confidentialité et
d'agrément des franchisés. Ces clauses sont admises par la jurisprudence.

324. Clause de non-concurrence. - Rappelons au préalable les conditions auxquelles sont


soumises les clauses de non-concurrence couvertes par le règlement d'exemption : d'abord,
les clauses de non-concurrence applicables pendant la durée des accords doivent être limitées
à cinq ans (V. supra, n o 112). Quant aux clauses de non-concurrence applicables à l'expiration
du contrat, elles ne sont couvertes par le règlement d'exemption que si elles concernent le
territoire sur lequel l'acheteur opère pendant la durée du contrat, si elles sont nécessaires à la
protection du savoir-faire du fournisseur, si elles concernent des biens et services qui sont en
concurrence avec les biens ou services contractuels et si ce savoir-faire est substantiel et
nécessaire à l'application de l'accord. La durée de la clause doit, par ailleurs, être limitée à un
an (V. supra, n o 117).
325. Nous examinerons ci-après les règles qui pourraient être appliquées aux accords non
couverts par le règlement d'exemption (sur cette question, V. aussi SEUTET, Les clauses
postcontractuelles de non-concurrence et de non-affiliation, D. Affaires 1999. 1157. –
BENSOUSSAN, La clientèle « au » franchisé, facteur d'illégitimité de la clause de non-
rétablissement, D. 2001. Chron. 2498 ). Tirées de la jurisprudence et de la pratique
décisionnelle des autorités de concurrence tant communautaires que nationales, elles
prévoient que le franchiseur peut interdire au franchisé d'ouvrir un magasin ayant un objet
identique ou similaire, dans la zone de chalandise d'un autre membre du réseau
(CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. attendu 16 ; D. 1986.
Somm. 273, obs. Cartou. – Décis. n o 86/14 de la Commission du 17 déc. 1986, Yves Rocher,
JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. points 47 et 48. – Décis. n o 86/17 de la Commission du
17 déc. 1986, Pronuptia, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 25. – Paris, 26 juin 1997,
D. Affaires 1997. 1186 ; Cah. dr. entr. 1998, n o 5, p. 24, obs. Mainguy et alii). Cette faculté
peut aussi s'appliquer à l'expiration du contrat, pendant un délai raisonnable. Encore faut-il
que la clause de non-concurrence soit nécessaire à la protection du savoir-faire et que sa
durée soit proportionnée à l'objectif qu'elle poursuit, c'est-à-dire laisser au franchiseur le
temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exclusivité, afin d'assurer la protection du
savoir-faire (pour un accord conforme au règlement n o 4087/88 de la Commission du 30 nov.
1988 : Com. 22 févr. 2000, n o 97-15.560 , JCP E 2000. 1429, obs. Leveneur). Les contrats
auxquels la Commission européenne a accordé une exemption individuelle limitent à un an,
après l'expiration du contrat, la durée d'application de la clause de non-concurrence. Cette
durée correspond à celle que prévoit l'article 3. 1. c du règlement de la Commission du
30 novembre 1988. Les clauses supérieures à un an sont en principe condamnables. Le
Conseil de la concurrence a, par exemple, condamné une clause interdisant aux franchisés,
pendant la durée du contrat et les deux années suivant son expiration, d'exercer dans la zone
d'exclusivité un commerce concurrent en s'affiliant à tout groupement régional ou national de
commerce associé (chaînes volontaires, centrales d'achat, etc. – Cons. conc. n o 96-D-36 du
28 mai 1996, Zannier, BOCCRF 20 août ; Rec. Lamy n o 688, obs. Respaud. – V. aussi Cons.
conc. 18 juin 1997, Franchise Eras, BOCCRF 17 sept. ; LPA n o 42, 8 avr. 1998, obs. Arhel ; LPA
n o 142, 27 nov. 1998, obs. Marot ; Cah. dr. entr. 1998, n o 3, p. 75). Les clauses illicites sont
nulles en vertu des articles L. 420-3 du code de commerce ou 81, paragraphe 2, du Traité de
Rome (devenu art. 101-2 du TFUE). Mais, plutôt que de prononcer la nullité, certains juges
préfèrent réduire l'étendue de l'interdiction de concurrence. Ainsi, la cour d'appel de Paris
(26 juin 1997, préc.) a réduit de trois à un an la durée d'une clause de non-concurrence.

326. Mais les clauses supérieures à un an ne tombent pas forcément sous le coup du droit des
ententes. Par exemple, le droit des ententes n'est pas applicable si le seuil de sensibilité
n'est pas atteint (pour un ex. d'accord dont il n'a pas été démontré qu'il dépassait le seuil de
sensibilité ou qu'il contribuait de façon significative à un effet de blocage du marché : Com.
17 nov. 1998, n o 96-15.138 , D. Affaires 1999. 286 ; RJDA 1/1999, n o 30) ou si la nature des
produits justifie de telles clauses. Une telle justification serait néanmoins difficile dans la
mesure où le franchiseur pourrait, pour protéger son savoir-faire, également imposer une
obligation de confidentialité s'étendant au-delà de l'expiration du contrat ou interdire
l'utilisation du savoir-faire à d'autres fins que la franchise, y compris après la fin du contrat
(V. infra, n o 329).
327. Les juridictions se sont également prononcées sur les clauses de non-réaffiliation. Ainsi,
la Cour de cassation a considéré, au visa de l'article 1134 du code civil, que la clause de non-
réaffiliation ne doit pas s'analyser comme une clause de non-concurrence. « [Celle-ci] a pour
objet de limiter l'exercice par le franchisé d'une activité similaire ou analogue à celle du
réseau qu'il quitte, tandis que la clause de non-réaffiliation se borne à restreindre sa liberté
d'affiliation à un autre réseau » (Com. 28 sept. 2010, n o 09-13.888 – V. Concurrence :
obligation de non-concurrence [Com.]). Cette distinction a été rappelée par l'Autorité de la
concurrence (Avis Aut. conc. n o 10-A-26, 7 déc. 2010, Contrats d'affiliation de magasins
indépendants et modalités d'acquisition de foncier commercial dans le secteur de la
distribution alimentaire. – Décis. Aut. conc. n o 11-D-03, 15 févr. 2011, Pratiques mises en
œuvre dans le secteur du commerce de gros des fruits et légumes et produits de la mer frais).
Pour autant, ceci n'implique pas nécessairement qu'une clause de non-réaffiliation
postcontractuelle soit dépourvue d'objet ou d'effet anticoncurrentiel. La cour d'appel de Paris a
ainsi jugé que les clauses de non-réaffiliation postcontractuelles contenues dans les accords
de franchise du secteur de la distribution alimentaire et qui visent à décourager les franchisés
à quitter les réseaux ont un objet anticoncurrentiel (Paris, 6 mars 2013, Prodim c/ Éts Ségurel,
RG n o 09/16817).

328. Le franchisé peut enfin se voir interdire d'acquérir des intérêts financiers dans le capital
d'entreprises concurrentes, mais seulement dans la mesure où cette participation lui permet
de contrôler ces entreprises (Décis. n o 87/407 de la Commission du 13 juill. 1987,
Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août, spéc. point 22, ii).

329. Clause de confidentialité. - Le franchiseur peut imposer au franchisé et à ses employés


de ne pas divulguer le savoir-faire (Décis. n o 87/407 de la Commission du 13 juill. 1987, préc.,
spéc. point 22, i).

330. Clause d'agrément. - La cession du magasin du franchisé peut être subordonnée à


l'accord du franchiseur (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc.
attendu 16 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou. – Décis. n o 86/17 de la Commission du 17 déc.
1986, Pronuptia, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 25, i). Une telle clause tend à éviter
que le bénéfice du savoir-faire transmis et de l'assistance apportée n'aille indirectement à un
concurrent. Pour autant, le refus du franchiseur d'agréer le cessionnaire ne peut être
discrétionnaire.

§ 3 - Protection des investissements du franchisé


331. Les contrats de franchise contiennent souvent une clause d'exclusivité territoriale par
laquelle le franchiseur s'oblige à ne pas s'établir lui-même dans le territoire concédé, et exige
des autres franchisés l'engagement de ne pas ouvrir un autre établissement en dehors de la
zone qui leur a été attribuée (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353 ;
D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou. – Décis. n o 86/14 de la Commission du 17 déc. 1986, Yves
Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987. – Décis. n o 87/407 de la Commission du 13 juill. 1987,
Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août, spéc. point 7. – Cons. conc. n o 89-D-43 du 5 déc.
1989, Chaussure de sport haute et moyenne gamme, BOCCRF 3 janv. 1990 ; Rec. Lamy
n o 381, obs. Berthault. – Cons. conc. n o 97-D-49 du 24 juin 1997, Réseau Krys, BOCCRF
17 sept. ; LPA n o 35, 23 mars 1998, obs. Arhel ; Rec. Lamy n o 728, obs. Meffre. – Cons. conc.
n o 97-D-77 du 22 oct. 1997, Home Salon France, BOCCRF 22 déc.). Cette clause ne constitue
pas un élément essentiel de la franchise. Dès lors, son absence n'est pas à elle seule de
nature à entraîner l'annulation du contrat de franchise.

332. Mais sa présence dans un contrat de franchise n'est pas non plus en soi illicite. Dans les
pays de l'OCDE, l'insertion d'une clause d'exclusivité dans un accord de franchise bénéficie
même, en général, d'un a priori favorable. Tel est le cas, par exemple, des États-Unis (Cour
suprême États-Unis, 433 US 36, 1977, Continental TV Inc. c/ GTE Sylvania Inc.), mais aussi de
l'ensemble des pays de l'Union européenne (par ex. : Cons. conc. n o 97-D-77 du 22 oct. 1997,
Home Salon France, BOCCRF 22 déc.). Même si elle tombe sous le coup du droit des ententes,
la clause d'exclusivité territoriale peut bénéficier d'une exemption (CJCE 28 janv. 1986,
Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. point 24 ; D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou).
Cette solution a été consacrée par l'ancien règlement de la Commission du 30 novembre 1988
(art. 2, a) et n'a pas été remise en cause par le règlement du 22 décembre 1999 ni par celui
du 20 avril 2010. La combinaison d'une clause d'exclusivité territoriale et d'une clause de
localisation suscite la méfiance de la Cour de justice des Communautés européennes, dès lors
qu'elle peut produire les mêmes effets qu'un partage de marché. Elle peut, néanmoins,
bénéficier d'une exemption (CJCE 28 janv. 1986, préc., spéc. point 24). Une telle exemption a
d'ailleurs été accordée à plusieurs reprises par la Commission (Décis. n o 87/407 de la
Commission du 13 juill. 1987, Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août, spéc. point 7. – Décis.
n o 86/14 de la Commission du 17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc.
points 54 s.).
Section 2 - Restrictions caractérisées

333. La franchise relève de la liberté contractuelle. Les accords peuvent même contenir des
clauses qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement de la franchise. Cette liberté comporte
cependant des limites. Certaines clauses – ou pratiques concertées – relèvent du droit des
ententes et n'ont que de faibles chances de bénéficier d'une exemption individuelle. Tel est le
cas des clauses suivantes, qui méritent un examen particulier (sur cette question, V. aussi
supra, n os 59 s. : prix minimal imposé et prix fixes, protection territoriale absolue et
interdiction des rétrocessions).

Art. 1 er - Prix minimaux imposés et prix fixes


334. Les prix minimaux imposés sont interdits tant par le droit de l'Union que par le droit
français (sur cette question : AMÉDÉE-MANESME, La politique des prix et la commission
affiliation. Un juste équilibre à trouver, D. Affaires 1999. 1160). La jurisprudence est
abondante, mais l'interdiction comporte des limites.

§ 1 er - Abondance de la jurisprudence
335. Application du droit des ententes. - En droit communautaire, il est peu probable qu'une
clause ou pratique de prix imposé ou de prix fixe, même dans le domaine de la franchise,
bénéficie d'une exemption individuelle. Le droit français s'inscrit dans la même ligne (on se
contentera de quelques exemples de refus d'exemption : Cons. conc. n o 94-D-60 du 13 déc.
1994, Lessives, BOCCRF 18 févr. 1995. – Cons. conc. n o 96-D-16 du 19 mars 1996,
Gymnasium, BOCCRF 24 mai).

336. La question se pose de savoir si le franchiseur peut imposer au franchisé qu'il lui
demande son accord préalablement à toute publicité. La Cour de justice des Communautés
européennes (28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. point 22 ; D. 1986.
Somm. 273, obs. Cartou) a répondu par l'affirmative : « Comme la publicité contribue à
déterminer l'image qu'a le public du signe symbolisant le réseau, la clause qui subordonne
toute publicité du franchisé à l'assentiment du franchiseur est […] indispensable à la
préservation de l'identité du réseau ». Dans les affaires Pronuptia et Yves Rocher, la
Commission européenne a cependant précisé, avant d'accorder une exemption individuelle,
que le contrôle prévu par le contrat ne concernait que la nature de la publicité (Décis.
n o 86/17 de la Commission du 17 déc. 1986, Pronuptia, JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc.
point 25, ii. – Décis. n o 86/14 de la Commission du 17 déc. 1986, Yves Rocher, JOCE, n o L 8,
10 janv. 1987, spéc. point 44). Les règles générales d'interdiction des prix imposés
s'appliqueraient dans l'hypothèse où le fournisseur refuserait ou retirerait son approbation en
raison de la politique de prix suivie par le franchisé (Décis. n o 87/407 de la Commission du
13 juill. 1987, Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août, spéc. point 8).
337. Les prix imposés sont également interdits par l'article L. 442-5 du code de commerce,
dont l'application relève de la compétence des tribunaux judiciaires. La jurisprudence est tout
aussi abondante. On se contentera de deux exemples (pour un autre ex. : Com. 7 oct. 1997,
RJDA 1/1998, n o 37) : 1 o diffusion de prix conseillés aux franchisés, accompagnée d'une
communication périodique d'un document intitulé « changement de prix » et portant une
mention signalant aux distributeurs les derniers changements de prix qu'ils devaient effectuer.
Par ailleurs, les produits livrés portaient une étiquette mentionnant le prix de vente public
conseillé (TGI Paris, 6 févr. 1991, L., inédit) ; 2 o indication aux franchisés qu'ils ont le choix
entre trois taux de marge. Les juges ont considéré que le choix présenté par le fournisseur
n'incitait pas les franchisés à pratiquer des taux de marge différents (Montpellier, 20 mars
1991, BID 9/1991).

§ 2 - Limites de l'interdiction
338. Commerçants indépendants regroupés sous une même enseigne. - La fixation
concertée de prix par des commerçants indépendants regroupés sous une même enseigne
n'est pas interdite par le droit français lorsque ces commerçants ne se situent pas dans les
mêmes zones de chalandise (par ex. : Cons. conc. n o 94-D-60 du 13 déc. 1994, Secteur des
lessives, BOCCRF 18 févr. 1995 ; CCC 1995. Comm. 31 ; Rev. conc. consom. 1995, n o 85, obs.
Lébé. – Cons. conc. n o 97-D-48 du 18 juin 1997, Franchise Eras, BOCCRF 17 sept. ; LPA n o 42,
8 avr. 1998, obs. Arhel ; LPA n o 142, 27 nov. 1998, obs. Marot ; Cah. dr. entr. 1998, n o 3,
p. 75. – Cons. conc. n o 97-D-77 du 22 oct. 1997, Home Salon France, BOCCRF 22 déc.). En
droit de l'Union, cependant, une clause de prix imposé contenue dans un contrat de franchise
constitue une clause noire, même lorsque les franchisés se situent dans des zones de
chalandise différentes.
339. Franchiseur propriétaire de la marchandise. - Une pratique de prix imposés n'est pas
répréhensible si la marchandise distribuée appartient à l'entreprise qui a fixé le prix. Mais,
dans ce cas, le contrat liant le fournisseur et le distributeur n'est pas réellement un contrat de
franchise. La Cour de cassation a ainsi refusé la qualification de franchise à un contrat
permettant aux distributeurs de vendre les marchandises fournies par le pseudo-franchiseur à
des prix fixés par celui-ci, dès lors, notamment, qu'il restait aussi propriétaire des produits
jusqu'à la vente au consommateur (Com. 3 mai 1995, n o 93-12.981 , D. 1997. 10, note
Amiel-Cosme ; D. 1997. Somm. 57, obs. Ferrier ).

340. Prix conseillés. - La pratique de prix conseillés est licite aussi bien en droit de l'Union
qu'en droit français – dès lors que cette pratique ne s'accompagne pas d'une concertation
entre le franchiseur et les franchisés ou entre les franchisés, en vue de l'application effective
de ces prix (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. attendu 25 ;
D. 1986. Somm. 273, obs. Cartou. – Cons. conc. n o 93-D-43 du 19 oct. 1993, Troc de l'Île,
BOCCRF 4 déc. ; Rec. Lamy n o 555, obs. Sélinsky).
341. La question s'est posée de savoir si la mise en place, par le franchiseur, d'un système
informatisé de facturation à la clientèle des franchisés constituait une pratique de prix
conseillés ou une pratique d'imposition d'un prix minimal. Il résulte de la pratique
décisionnelle du Conseil de la concurrence que le prix n'est considéré comme imposé que
lorsqu'il est impossible à un franchisé de procéder à une tarification différente du tarif
préenregistré. Cette condition n'étant pas remplie dans les affaires Troc de l'Île (Cons. conc.
n o 93-D-43 du 19 oct. 1993, BOCCRF 4 déc. ; Rec. Lamy n o 555, obs. Sélinsky) et Yves Rocher
(Cons. conc. n o 99-D-49 du 6 juill. 1999, BOCCRF 30 oct. ; LPA n o 211, 22 oct. 1999, obs.
Arhel), le Conseil n'a pas retenu de grief sur ce point. Dans cette dernière affaire, le Conseil a
justifié sa décision en précisant que les franchisés avaient été informés par le franchiseur du
caractère indicatif des prix qu'ils leur conseillaient et des méthodes permettant de les
modifier. Au surplus, a ajouté le Conseil, « l'opération manuelle est, dans la pratique,
d'application simple, accessible à tous les franchisés, puisqu'elle consiste en l'utilisation de
touches identifiées sur le clavier et qu'il existe plusieurs méthodes explicitées par le
franchiseur et applicables aussi bien aux produits en promotion qu'aux articles hors
promotion ». D'ailleurs, « l'étude du listing informatique des chiffres d'affaires journaliers des
magasins a montré qu'un pourcentage non négligeable de franchisés [40 %] effectuent des
remises sur les tarifs conseillés ».

342. En revanche, il a retenu une infraction à l'article L. 420-1 du code de commerce (anc.
Ord. 1986, art. 7) dans l'affaire des centres de mise en forme Gymnasium. Il a, notamment,
relevé que les logiciels informatiques qui servaient de support à l'enregistrement des
inscriptions des abonnés étaient programmés de telle sorte qu'il était impossible à un
franchisé de procéder à une inscription à un tarif différent du tarif du franchiseur qui s'affichait
automatiquement. Pour déroger à ce tarif, le franchisé devait obtenir du franchiseur un code
informatique spécial (Cons. conc. n o 96-D-16 du 19 mars 1996, Gymnasium, BOCCRF 24 mai ;
CCC 1996. Comm. 103 ; Rec. Lamy n o 679, obs. Sélinsky). Pour être complet, il convient de
mentionner également l'affaire Zannier : le Conseil a estimé, au cas d'espèce, que les pré-
enregistrements, par le franchiseur, de prix indicatifs dans les caisses enregistreuses des
franchisés visaient à assurer le respect par les franchisés des clauses d'imposition de prix du
contrat de franchise (Cons. conc. n o 96-D-36 du 28 mai 1996, Zannier, BOCCRF 20 août ; Rec.
Lamy n o 688, obs. Respaud).
343. Prix maximal. - La Commission a pendant longtemps été hostile au prix maximal
imposé. Ainsi, dans l'affaire Pronuptia, elle n'a accepté une clause de prix maximal que parce
qu'il s'agissait d'un prix recommandé (Décis. n o 87/17 de la Commission du 17 déc. 1986,
JOCE, n o L 8, 10 janv. 1987, spéc. point 12, c). Cette position est cependant dépassée. La
Commission européenne estime aujourd'hui que le prix maximal, même lorsqu'il est imposé,
n'est pas restrictif de concurrence au sens de l'article 101 du TFUE (V. supra, n os 86 s.). En
France, les autorités de la concurrence et les tribunaux ont toujours admis la licéité du prix
maximal imposé (par ex. : Paris, 21 sept. 1989, LPA n o 37, 28 mars 1990, obs. Gast : la cour
d'appel avait relevé que « le franchisé fixe librement son prix de revente, le prix catalogue ne
constituait qu'un prix maximum »).

Art. 2 - Protection territoriale absolue


344. Lorsqu'un accord de franchise comprend une clause d'exclusivité (sur cette question :
BENSOUSSAN, Franchise : l'exclusivité territoriale vidée de sa substance, D. 2000. Chron. 629
), les parties au contrat de franchise doivent s'assurer que l'exclusivité n'entraîne pas des
restrictions de concurrence excessives. Ainsi, le droit de l'Union condamne les clauses qui,
seules (CJCE 28 janv. 1986, Pronuptia, aff. 161/84, Rec. CJCE 353, spéc. attendu 23 ; D. 1986.
Somm. 273, obs. Cartou) ou conjointement avec d'autres dispositions (par ex. : Décis.
n o 87/407 de la Commission du 13 juill. 1987, Computerland, JOCE, n o L 222, 13 août :
stipulation d'une clause d'exclusivité et d'une clause de localisation), ont pour objet ou pour
effet de réaliser un partage du marché.

345. Mais, surtout, la protection territoriale absolue est interdite. Le Conseil de la concurrence
a, par exemple, condamné une clause prévoyant que « le franchisé s'interdit […] d'exercer son
activité directement ou indirectement en dehors dudit territoire ». Selon le Conseil, « une telle
clause a manifestement pour objet d'interdire toute possibilité de concurrence entre franchisés
et va au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de l'objectif recherché par les contrats
de franchise » (Cons. conc. n o 89-D-43 du 5 déc. 1989, Chaussure de sport haute et moyenne
gamme, BOCCRF 3 janv. 1990 ; Rec. Lamy n o 381, obs. Berthault).
346. L'article 4, c du règlement du 20 avril 2010 interdit expressément la restriction des
ventes actives ou des ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d'un système
de distribution sélective. Cette interdiction est applicable aux réseaux de franchise. Il en
résulte, notamment, que les franchisés ne peuvent plus bénéficier de la protection contre la
concurrence active – l'interdiction de la vente passive n'appelle pas de commentaire particulier
dans la mesure où elle a toujours été prohibée dans les réseaux de franchise – des autres
franchisés que leur accordait le règlement de la Commission du 30 novembre 1988 (cité supra,
n o 22) – l'article 2, d de ce règlement prévoyait la possibilité d'interdire aux franchisés de
rechercher des clients hors du territoire concédé. Le franchisé est donc désormais libre de
chercher à développer sa clientèle hors de son territoire non seulement en recourant aux
journaux, affiches et brochures à diffusion générale, mais aussi en prospectant la clientèle
des autres membres du réseau par une publicité personnalisée, par exemple par téléphone ou
par un autre moyen de télécommunication (démarchage à domicile, publipostage, etc.). Cette
faculté pourrait cependant n'être utilisée que de façon limitée. Le commentaire suivant, fait à
propos de la distribution automobile, est transposable à la plupart des réseaux de franchise :
« Le nouveau régime [liberté du distributeur de chercher à développer sa clientèle hors de son
territoire ; Règl. du 28 juin 1995] devrait ainsi logiquement accroître la concurrence par les
prix entre distributeurs appartenant à un même réseau. L'objectif de la Commission est
certainement de contribuer par là même à réduire les écarts de prix entre États membres. La
réalisation de cet objectif dépendra toutefois de l'usage que les distributeurs feront de la
nouvelle possibilité. Il n'est pas certain que les distributeurs essaient d'atteindre les
utilisateurs établis loin de leurs territoires. Il est plus probable que leurs efforts se
concentreront plutôt dans les régions frontalières entre États membres où existent des écarts
de prix importants. La nouvelle disposition risque donc d'avoir des effets géographiquement
limités » (COUMES, Le nouveau règlement d'exemption par catégorie dans le secteur de la
distribution automobile, RMCUE 1996. 493 s.).

Art. 3 - Interdiction des rétrocessions


347. Sont également condamnées les clauses interdisant les rétrocessions entre franchisés.
De telles clauses empêchent, en effet, les franchisés de profiter, le cas échéant, de meilleures
conditions d'achat. Cette condamnation résulte tant de la jurisprudence (Cons. conc. n o 96-D-
36 du 28 mai 1996, Zannier, BOCCRF 20 août ; Rec. Lamy n o 688, obs. Respaud) que du
règlement d'exemption du 20 avril 2010. En effet, lorsqu'un réseau de franchise adopte la
forme de la distribution sélective, l'interdiction des rétrocessions au sein du réseau constitue
une clause noire.
Index alphabétique

■ Abus de dépendance économique 223 s.


■ Abus de position dominante 123
accords de non-concurrence 208 s.
distribution exclusive 205 s.
politique de groupe 171

■ Accord de distribution sélective 225 s.


liberté commerciale des distributeurs 259 s.
lignes directrices 230 s.
protection des réseaux 270 s.
sélection des distributeurs 236 s.
nature des produits en cause 259 s.
objectivité 243 s.
principe de non-discrimination 247 s.
quantitative 251 s.
relations intuitu personae 263
vente par correspondance, exclusion 257
vente par internet, exclusion 258 s.
vente en pharmacie 256

■ Accord d'exclusivité 131 s.


abus de dépendance économique 223 s.
abus de position dominante 205 s.
achat exclusif 136, 178 s.
application discriminatoire 177
aspect anticoncurrentiel 132
définition 11
distribution exclusive 135
ententes 139 s.
non-concurrence 137, 178 s.

■ Accord ou clause de non-concurrence 29, 132, 137


abus de position dominante 209 s.
automobile 178
définition 178
ententes 143, 178 s.
exemption par catégorie 112 s.
franchise 311, 324 s.

■ Accords de franchise
dommages-intérêts 79
de gros 308
obligations du franchisé 313 s.
prix conseillés 90
prix imposés 63, 87
qualification 339
règle de raison 56, 307
règlement du 21 avril 2010, application 23
résolution du contrat 78
restriction de concurrence, absence 80
rétrocessions, interdiction 347
savoir-faire 307, 323 s., 329
sélection des franchisés 321 s.
ventes actives ou passives, interdiction 346

■ Accords d'importance mineure 81 s.


accords verticaux 81, 82
effet sensible 83, 84
seuil « de minimis » 85

■ Accords de licence 103, 106


■ Accords verticaux
aspects
anticoncurrentiels 10 s.
proconcurrentiels 3
combinaison 15 s., 149
définition 2
non restrictifs de concurrence 80 s.

■ AELE (Association européenne de libre-échange) 29, 110


■ Affaire
Adidas 132
AEG c/Telefunken 61, 63, 83
Afflelou 317
Anaïs 305
Autodesk 257
Bang & Olufsen 258
Baush & Lomb 236
Bayer 133
Beguelin 139
Benetton 64
Binon 58
Biotherm 84
Boeing/MDD 134
BPB 214
Brasserie de Saint-Omer 204
British Airways 218
Canal Plus 132
Carbonate de soude 208
Chanel 272, 301
Charles Jourdan 153
Coca-Cola Beverages 114, 216
Cuisines Plus 66
Decaux 132
Delimitis 197, 202
distribution des glaces en Irlande 46
Dunlop 162
Eurotunnel 50
exportation parallèle de médicaments 142
Façonnable 246
Fédération française de sport-boule 132
France Télécom 216, 219
Givenchy 299
Greene King 200
Grundig 51
Guilde des lunetiers de France 157
Gymnasium 316, 335, 342
Hasselblad 162
Hoffmann-La Roche 213, 216, 221 s.
Honda 166
Interbrew 171, 194
Irish Sugar 214, 217
ITM 87
Langnese 122, 201
Liebig 193
Magneti Marelli 176, 224
matériel pour kinésithérapeutes 158, 163
Mattel 65
Médiapost 220
Mercedes-Benz 63
Metro 80
Michelin 213, 215, 220
Montaigne-Diffusion 244
Nathan 57, 63
OFUP 133
« Pâtes de bois » 139
Pierre Fabre Dermo Cosmétique (PFDC) 258
Pronuptia 63, 90, 322, 336, 342
Rolex 247, 253, 254, 263
Salomon 260
Schöller 122, 203
secteur de l'édition en Allemagne 63
Seiko 247
SEITA 158, 188, 210
Shopi 112
Tetra Pack 123
Troc de l'Ile 335, 341
Van den Bergh Foods Ltd 45
Volkswagen 63
Withbread 201
Yves Rocher 83, 316, 336, 341
Yves-Saint-Laurent 244, 246, 258, 266, 267, 273, 279 s.
Zannier 83, 316, 335, 342

■ Agence 100
■ Association 98
d'entreprises 92

■ Automobile
V. Distribution automobile

■ Autorité de la concurrence 45
■ Brevet
concession de licence 106

■ Clause
d'agrément 330
anglaise 221 s.
de chiffre minimal d'achat 267
de marque concurrente 266
de non-concurrence
V. Accord ou clause de non-concurrence
de non-réaffiliation 327

■ Cloisonnement des marchés 14


■ Communication de la Commission
sur les accords d'importance mineure 70
sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales 45
sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence 32
de minimis 29, 56, 84 s.

■ Concurrence déloyale
violation de l'étanchéité du réseau 289, 296

■ Conditions générales de vente (CGV) 177, 265


■ Contrefaçon 293
■ Distribution automobile
brochure explicative 54, 69
droit applicable 54
obligation de non-concurrence 115
pièces de rechange 35
prix maximal 8
protection territoriale relative 167
règlement du 21 avril 2010, inapplicabilité 23, 55
règlement automobile 22 s.
seuil d'exemption 228

■ Distribution exclusive 2
combinaisons 15 s.
définition 11, 135
illustrations 45
protection territoriale absolue 68
règlement du 2 mars 1965 36
rétrocession 173

■ Distribution sélective 2
combinaisons 15 s.
définition 225
droit interne 53
droit des marques 303 s.
exemption par catégories 80, 106 s., 118 s.
règlement du 2 mars 1965 37
règlement d'exclusion 129
restrictions injustifiables 72, 73

■ Double marginalisation 6 s.
■ Droit des ententes 139 s.
V. Entente

■ Droit de l’Union européenne


articulation avec le droit national 44 s.

■ Droits de propriété intellectuelle 103 s., 176


■ Effet
sensible 69
accord d'importance mineure 83, 84
accord de non-concurrence 181, 184
théorie des effets 139

■ Entente
accord d'achat exclusif 186 s.
accord de non-concurrence 178 s.
distribution exclusive 139 s.
choix des distributeurs 152 s.
politique de groupe 170 s.
protection territoriale (absolue) 159 s.
relative 165 s.
ventes hors réseau 172
distribution sélective 226, 249
franchise 317, 326

■ Espace économique européen (EEE) 110, 266


■ Exemptions
application du droit national 43 s.
individuelle 35, 37, 40, 48 s.
droit interne 53
franchise 309 s.
liste noire 57 s.
prix imposés 60
règle de raison 48
par catégorie 18, 35 s., 51 s.
distribution sélective 228
liste noire 57 s., 75
règlement du 20 avril 2010 95 s.
retrait 119 s.
cas d'ouverture 120 s.
compétence 124 s.
effets 123 s.

■ Facturation, contrôle 290


■ Franchise
V. Accords de franchise

■ Gains d'efficience 25, 60


■ Image de marque 189, 246
■ Importations parallèles 162, 165
distribution sélective 279 s.

■ Internet 255
vente active 168

■ Lignes directrices de la Commission


accords de distribution exclusive 144 s.
accords de distribution sélective 230 s.
accords de franchise 308, 310 s.
accords de non-concurrence 179 s.
historique 41
position dominante 31 s.
valeur juridique 19 s.

■ Liste noire 24 s., 57 s.


accords visés 57

■ Livre blanc 39
■ Livre vert 8, 270
■ Logiciel
concession de licence 106

■ Marquage des produits 289


■ Monomarquisme 12, 17
accord de non-concurrence 178

■ « Non bis in idem » 77


■ OCDE 1, 23, 332
■ Parasitisme 4 s., 262
■ Part de marché 27 s.
calcul 33
marché pertinent 32
seuil « de minimis » 29, 81, 84

■ Pouvoir de marché 22, 27 s.


■ Prime d'objectif
V. Ristournes de progression

■ Prix
anormalement élevés 6
conseillés 90 s., 174 s.
franchise 337, 340 s.
imposés 59 s.
caractère anticoncurrentiel 13
cas d'application 63
distribution sélective 264 s.
franchise 334 s.
parasitisme 4
prohibition 60, 174 s.
règlement du 22 décembre 1999, inapplication 60
sanctions 76 s.
maxima 6 s., 16, 86 s.
franchise 343
licéité 89
recommandé 63
règlement du 22 décembre 1999 84 s.
prédateurs 2

■ Produits d'appel 297 s.


■ Protection territoriale absolue 68 s.
conception française 71
effet sensible, absence 69
franchise 344 s.

■ Publicité trompeuse 300 s.


■ Publipostage 168
■ Rabais de fidélité 211 s.
■ Règle de raison 48
■ Règlement du 20 avril 2010
accords non restrictifs de concurrence 80 s.
accords verticaux, typologie 56
activités visées par l'exemption 107 s.
champ d'application
dans le temps 109
géographique 110
exemption par catégories 95 s.
champ d'application 96 s.
franchise 308
lignes directrices 19
liste noire 80 s.
liberté de revendre, limitation 67 s.
prix imposés 59 s.
sanctions 75 s.
objectif 23
règlement d'exclusion 127 s.

■ Règlement du 22 décembre 1999 18


part de marché 31
période transitoire 109
retrait d'exemption 121

■ Remises de couplage 211, 216 s.


droit de riposte 219

■ Réseau
licéité 276 s.
protection 276 s., 305
rétrocessions 269 s.

■ Restrictions horizontales 1
■ Restrictions verticales
analyse économique 34

■ Ristournes de progression 211, 217 s.


■ Savoir-faire 103
clause de non-concurrence 116
concession de licence 106
protection 323 s.
V. Accords de franchise

■ Seuil « de minimis » 29, 81, 84


■ Vente en ligne 67, 255, 258, 302
V. Internet
Actualisation

242-1. Objectivité. Exigence de bonne foi (non). - L'exigence de bonne foi ne requiert pas,
de la part de la tête d'un réseau de distribution, la détermination et la mise en œuvre d'un
processus consistant à imposer que le « concédant » soit tenu, dès la phase précontractuelle,
de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant (Com.
27 mars 2019, n o 17-22.083 , D. 2019. Actu. 692 ).

258-1. Distribution sélective. Vente par internet. Place de marché. Vente à un tiers non
agréé. - L'article 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) doit
être interprété en ce sens qu'un système de distribution sélective de produits de luxe visant,
à titre principal, à préserver l'image de luxe de ces produits est conforme à cette disposition,
pour autant que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère
qualitatif, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et
appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis n'aillent pas au-delà de ce
qui est nécessaire. L'article 101, § 1, du TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose
pas à une clause contractuelle qui interdit aux distributeurs agréés d'un système de
distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l'image de luxe
de ces produits, de recourir de manière visible à des plates-formes tierces pour la vente sur
internet des produits contractuels, dès lors que cette clause vise à préserver l'image de luxe
desdits produits, qu'elle est fixée d'une manière uniforme et appliquée d'une façon non
discriminatoire, et qu'elle est proportionnée au regard de l'objectif poursuivi, ce qu'il
appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. L'article 4 du règlement UE n o 330/2010 du
20 avril 2010, concernant l'application de l'article 101, § 3, du TFUE à des catégories d'accords
verticaux et de pratiques concertées, doit être interprété en ce sens que l'interdiction faite
aux membres d'un système de distribution sélective de produits de luxe, qui opèrent en tant
que distributeurs sur le marché, d'avoir recours de façon visible à des entreprises tierces pour
les ventes par internet, ne constitue pas une restriction de la clientèle, au sens de l'article 4,
sous b), de ce règlement, ni une restriction des ventes passives aux utilisateurs finals, au
sens de l'article 4, sous c), dudit règlement (CJUE 6 déc. 2017, Coty Germany GmbH, aff. C-
230/16 , D. 2017. Actu. 2537 ).

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